SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Gaudin

1. Procès-verbal (p. 1).

2. Déclaration de l'urgence d'un projet de loi (p. 2).

3. Divorce. - Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence (p. 3).

Discussion générale : MM. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice ; Christian Jacob, ministre délégué à la famille ; Patrice Gélard, rapporteur de la commission des lois ; Mmes Janine Rozier, représentante de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes ; Gisèle Gautier, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes ; Josiane Mathon, Sylvie Desmarescaux, M. Bernard Joly, Mme Michèle André, MM. Pierre Fauchon, Jean-Jacques Hyest, Serge Lagauche, Christian Demuynck, Mmes Monique Cerisier-ben Guiga, Danièle Pourtaud.

M. le ministre délégué.

Clôture de la discussion générale.

Rappel au règlement (p. 4)

MM. Michel Dreyfus-Schmidt, le garde des sceaux.

Articles additionnels avant l'article 1er (p. 5)

Amendement n° 57 de M. Michel Dreyfus-Schmidt. - Mme Danièle Pourtaud, MM. le rapporteur, le garde des sceaux, Mme Josiane Mathon, MM. Bernard Frimat, Michel Dreyfus-Schmidt. - Rejet par scrutin public.

Demande de priorité (p. 6)

Demande de priorité de l'amendement n° 59 rectifié. - MM. Michel Dreyfus-Schmidt, le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.

La priorité est ordonnée.

Amendement n° 59 rectifié (priorité) de M. Michel Dreyfus-Schmidt. - MM. Michel Dreyfus-Schmidt, le rapporteur, le garde des sceaux, Robert Badinter, Mme Michèle André. - Rejet.

Articles additionnels avant l'article 1er (suite) (p. 7)

Amendement n° 33 rectifié de Mme Sylvie Desmarescaux. - Mme Sylvie Desmarescaux, MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Retrait.

Amendement n° 58 de M. Michel Dreyfus-Schmidt. - MM. Michel Dreyfus-Schmidt, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet d'une demande de réserve ; rejet de l'amendement.

Article 1er (p. 8)

Amendement n° 111 de M. Nicolas About. - Mme Gisèle Gautier, MM. le rapporteur, le garde des sceaux, Michel Dreyfus-Schmidt, Mme Monique Cerisier-ben Guiga. - Rejet.

Adoption de l'article.

Suspension et reprise de la séance (p. 9)

PRÉSIDENCE DE M. Daniel Hoeffel

Article 2 (p. 10)

Amendement n° 103 de M. Michel Mercier. - Mme Gisèle Gautier, MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Retrait.

Amendement n° 60 de Mme Monique Cerisier-ben Guiga. - Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Retrait.

Adoption de l'article.

Article 3 (p. 11)

Amendement n° 99 de M. Michel Mercier. - Mme Gisèle Gautier, MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Retrait.

Adoption de l'article.

Article 4 (p. 12)

Amendement n° 61 rectifié de M. Michel Dreyfus-Schmidt. - MM. Michel Dreyfus-Schmidt, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.

Amendements n°s 117 de Mme Gisèle Gautier et 120 de M. Michel Dreyfus-Schmidt. - Mme Gisèle Gautier, MM. Michel Dreyfus-Schmidt, le rapporteur, le garde des sceaux. - Retrait de l'amendement n° 117 ; adoption de l'amendement n° 120.

Amendement n° 109 de M. Michel Mercier. - Mme Gisèle Gautier, MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Retrait.

Adoption de l'article modifié.

Article additionnel après l'article 4 (p. 13)

Amendement n° 110 rectifié de M. Nicolas About. - Devenu sans objet.

Article 5 (p. 14)

Amendement n° 112 de M. Nicolas About. - Devenu sans objet.

Amendement n° 62 rectifié bis de M. Michel Dreyfus-Schmidt. - Mme Michèle André, MM. le rapporteur, le garde des sceaux, Michel Dreyfus-Schmidt, Mmes Monique Cerisier-ben Guiga, Janine Rozier. - Rejet.

Amendements n°s 102 de M. Michel Mercier, 92 rectifié bis de Mme Janine Rozier ; amendements identiques n°s 2 de la commission et 63 de M. Michel Dreyfus-Schmidt. - Mmes Gisèle Gautier, Janine Rozier, MM. le rapporteur, Michel Dreyfus-Schmidt, le garde des sceaux. - Retrait des amendements n°s 102 et 92 rectifié bis ; adoption des amendements n°s 2 et 63.

Amendements n°s 64, 65 et 130 de M. Michel Dreyfus-Schmidt. - MM. Michel Dreyfus-Schmidt, le rapporteur, le garde des sceaux. - Retrait de l'amendement n° 64 ; rejet de l'amendement n° 65, l'amendement n° 130 étant devenu sans objet.

Adoption de l'article modifié.

Article 6 (p. 15)

Amendement n° 3 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Article 7 (p. 16)

Amendement n° 113 de M. Nicolas About. - Devenu sans objet.

Amendement n° 66 de M. Michel Dreyfus-Schmidt. - Devenu sans objet.

Amendement n° 128 de M. Nicolas About. - Devenu sans objet.

Adoption de l'article.

Article 8 (p. 17)

Amendement n° 126 de M. Philippe Darniche. - Mme Sylvie Desmarescaux, MM. le rapporteur, le garde des sceaux, Mme Monique Cerisier-ben Guiga. - Retrait.

Amendement n° 67 de M. Michel Dreyfus-Schmidt. - Mme Michèle André, MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Retrait.

Adoption de l'article.

Article 9 (p. 18)

Amendements identiques n°s 68 de M. Michel Dreyfus-Schmidt et 101 de M. Michel Mercier. - M. Michel Dreyfus-Schmidt, Mme Gisèle Gautier, MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet des deux amendements.

Amendements n°s 34 rectifié de Mme Sylvie Desmarescaux, 69 de Mme Monique Cerisier-ben Guiga, 70 et 71 rectifié de M. Michel Dreyfus-Schmidt. - Mme Sylvie Desmarescaux, MM. Michel Dreyfus-Schmidt, le rapporteur, le garde des sceaux. - Retrait des amendements n°s 69, 70 et 34 rectifié ; rejet de l'amendement n° 71 rectifié.

Adoption de l'article.

Article 10 (p. 19)

Amendement n° 4 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Article 11 (p. 20)

Amendement n° 5 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.

Amendement n° 72 de M. Michel Dreyfus-Schmidt. - Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. le rapporteur, le garde des sceaux, Michel Dreyfus-Schmidt. - Rejet.

Amendement n° 35 rectifié de Mme Sylvie Desmarescaux. - Mme Sylvie Desmarescaux, MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Retrait.

Adoption de l'article modifié.

Article 12 (p. 21)

Amendement n° 74 de Mme Monique Cerisier-ben Guiga. - Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.

Amendement n° 73 de M. Michel Dreyfus-Schmidt. - Mme Michèle André, MM. le rapporteur, le garde des sceaux, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, M. Michel Dreyfus-Schmidt. - Rejet.

Amendement n° 36 rectifié de Mme Sylvie Desmarescaux. - Mme Sylvie Desmarescaux, MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Retrait.

Amendement n° 37 rectifié de Mme Sylvie Desmarescaux. - Mme Sylvie Desmarescaux, MM. le rapporteur, le garde des sceaux, Michel Dreyfus-Schmidt. - Rejet.

Amendement n° 75 de M. Michel Dreyfus-Schmidt. - MM. Michel Dreyfus-Schmidt, le président, le rapporteur, le garde des sceaux, Robert Del Picchia. - Rejet.

Amendement n° 38 rectifié de Mme Sylvie Desmarescaux. - Mme Sylvie Desmarescaux, MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Retrait.

Amendement n° 6 de la commission et sous-amendement n° 132 de M. Michel Dreyfus-Schmidt. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux, Michel Dreyfus-Schmidt. - Rejet du sous-amendement n° 132 ; adoption de l'amendement n° 6.

Amendement n° 93 rectifié bis de Mme Janine Rozier. - Mme Janine Rozier, MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Retrait.

Amendement n° 76 de M. Michel Dreyfus-Schmidt. - Mme Michèle André, MM. le rapporteur, le garde des sceaux, Michel Dreyfus-Schmidt. - Rejet.

Adoption de l'article modifié.

Article 13 (p. 22)

Amendement n° 114 de M. Nicolas About. - Devenu sans objet.

Amendement n° 100 de M. Michel Mercier. - Devenu sans objet.

Amendement n° 39 rectifié de Mme Sylvie Desmarescaux. - Mme Sylvie Desmarescaux. - Retrait.

Adoption de l'article.

Article 14 (p. 23)

Amendements n°s 98 de M. François Zocchetto et 104 de M. Michel Mercier. - Mme Gisèle Gautier, MM. le rapporteur, le garde des sceaux, Michel Dreyfus-Schmidt. - Adoption des deux amendements.

Amendement n° 77 rectifié de M. Michel Dreyfus-Schmidt. - MM. Michel Dreyfus-Schmidt, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.

Amendement n° 40 rectifié de Mme Sylvie Desmarescaux. - Mme Sylvie Desmarescaux, MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Retrait.

Amendement n° 7 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Renvoi de la suite de la discussion.

4. Dépôt d'un projet de loi (p. 24).

5. Transmission de projets de loi (p. 25).

6. Dépôt d'une proposition de loi (p. 26).

7. Dépôt de rapports (p. 27).

8. Ordre du jour (p. 28).

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures cinq.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

DÉCLARATION DE L'URGENCE

D'UN PROJET DE LOI

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :

« Paris, le 7 janvier 2004.

« Monsieur le président,

« J'ai l'honneur de vous faire connaître qu'en application de l'article 45, alinéa 2, de la Constitution le Gouvernement déclare l'urgence du projet de loi relatif au divorce, déposé sur le bureau du Sénat le 9 juillet 2003.

« Veuillez agréer, monsieur le président, l'assurance de ma haute considération.

« Signé : Jean-Pierre Raffarin »

Acte est donné de cette communication.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Avec beaucoup de regrets !

3

DIVORCE

Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

 
Dossier législatif : projet de loi relatif au divorce
Art.  additionnels avant l'art. 1er

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi (n° 389, 2002-2003) relatif au divorce. [Rapport n° 120 (2003-2004) et rapport d'information n° 117 (2003-2004).]

Dans la discussion générale, la parole est à M. le garde des sceaux.

M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, vous abordez aujourd'hui un débat majeur. La question du divorce revêt, en effet, des enjeux symboliques et concrets de première importance.

Notre conception de la désunion doit être animée par les principes forts qui guident le droit de la famille et être empreinte de sagesse et d'équilibre.

Certes, nos concitoyens attendent de la réforme qu'elle reflète l'état de la société et prenne en compte une réalité qui concerne chaque année plus de 110 000 couples. Ils souhaitent cependant que, dans un monde de plus en plus mouvant, éclaté, la famille continue d'assumer son rôle structurant.

Si le divorce appartient avant tout à l'histoire singulière d'un couple, à l'intimité d'une relation entre un homme et une femme dont il convient de respecter les choix, le droit du divorce a, quant à lui, une dimension collective.

La séparation, si elle n'est plus frappée d'opprobre social, demeure une épreuve, un passage difficile dont les effets rejaillissent bien au-delà du couple. Je pense en particulier au conjoint le plus faible psychologiquement ou économiquement auquel une attention particulière doit être portée. Je pense également, bien sûr, aux enfants, pour lesquels le maintien des liens avec chacun de leurs parents après le divorce est déterminant pour l'avenir.

Comme en témoignent les vicissitudes de la législation et les débats passionnés ayant marqué l'édification du droit du divorce, c'est la conception même du mariage, la place qu'attache notre société aux valeurs de l'engagement, de la solidarité et de la responsabilité qui sont en jeu.

La famille a été traversée, ces dernières décennies, par de profondes mutations.

J'évoque là la montée d'un certain individualisme, le développement du travail féminin, ainsi que la reconnaissance de nouvelles formes de vie conjugale.

Le droit reflète ces mutations. Déjà, l'égalité des droits et des devoirs des père et mère en matière d'autorité parentale ou le partage des pouvoirs entre époux dans les régimes matrimoniaux ont été accomplis.

Il faut désormais aller plus loin, en réformant en profondeur avec pour souci de rechercher le plus large consensus possible et de préserver, malgré l'impossibilité de légiférer par un seul texte, l'unité et la cohérence du droit.

A cet effet, une méthode originale a été retenue.

Il y a tout juste un an, je confiais, conjointement avec le ministre délégué à la famille, une mission directement opérationnelle à un groupe de travail composé de parlementaires, d'universitaires et de praticiens. Grâce à l'investissement remarquable de ses membres ainsi qu'à la richesse et à la diversité de leurs expériences, les travaux engagés se révèlent d'une grande qualité.

Si l'adaptation des procédures de divorce a constitué le premier volet de la réflexion, d'autres aspects du droit de la famille doivent également être réformés. Il en va ainsi, par exemple, du droit de la filiation. De même, je souhaite que soit adapté le droit des successions.

Le Gouvernement désire faciliter la vie des familles déjà éprouvées par un deuil en simplifiant leurs démarches à la suite du décès. Dans ce but, le règlement des successions doit être accéléré et l'administration de celles-ci mieux organisée. Un texte sera soumis à la représentation nationale au cours de cette année.

Je suis, enfin, profondément attaché à ce que la réforme des tutelles, indispensable pour mieux accompagner les personnes les plus fragiles de notre société et respecter leur dignité, puisse aboutir dans les prochains mois. De plus en plus de majeurs se voient privés de leur capacité juridique selon une conception exclusivement patrimoniale de la protection au détriment des réalités humaines. Il convient de mettre un terme à ces dérives et de revoir toute l'économie du dispositif tant juridique que sociale ou économique.

S'agissant de la question du divorce, qui nous rassemble aujourd'hui, l'action du législateur doit, me semble-t-il, prendre en compte deux données essentielles.

En premier lieu, moderniser notre législation, c'est concilier des impératifs apparemment opposés. D'une part, il convient de préserver la nature institutionnelle du mariage, que l'affirmation d'autres modes de vie en couple n'a pas altérée. Le mariage est en effet plus que jamais, dans une société plurielle, l'expression d'un choix délibéré, librement consenti, et dont la dimension sociale est pleinement assumée. Il est ainsi la traduction d'un engagement dont la force doit être, même dans les temps difficiles, source de responsabilité. Une telle approche s'avère inconciliable avec l'instauration d'un divorce sans juge, corollaire d'une conception purement contractuelle du mariage. Cette proposition a donc été, d'emblée, écartée. D'autre part, les mentalités ont évolué. Elles font désormais de l'intensité du lien affectif et de l'épanouissement individuel dans le couple le fondement de l'union conjugale et la condition de son maintien. La loi doit, en conséquence, offrir des voies plus apaisées pour rompre cette union lorsque celle-ci ne trouve plus de justification dans une réelle communauté de sentiments et de projets.

En second lieu, réformer le divorce, c'est aussi prendre la mesure de la fonction nouvelle assignée au juge dans la régulation des conflits. En effet, le rapport du citoyen au droit et à la justice a évolué. Une approche plus soucieuse des préoccupations des familles et de leur devenir est attendue. L'enjeu est moins de rechercher la cause ou d'identifier les responsabilités que d'accompagner une transition familiale, de contribuer à l'élaboration de solutions qui permettront à chacun de retrouver sa place et de se reconstruire.

Le projet de loi qui vous est soumis répond à ces objectifs. Salué par beaucoup comme un texte équilibré, il fait la synthèse d'importants travaux et réflexions dont votre assemblée a été l'un des acteurs essentiels. Votre commission a, une fois encore, su mettre en valeur les enjeux du débat et proposer des solutions intéressantes.

La réforme qui vous est présentée s'ordonne autour de trois grands axes : un droit du divorce pluraliste et respectueux des choix, un droit du divorce plus simple et soucieux de l'avenir, un droit du divorce protecteur, fondé sur la responsabilité.

Le droit du divorce doit en effet être pluraliste et respectueux des choix.

Le pluralisme des cas de divorce, spécificité française, constitue l'héritage le plus original de la loi du 11 juillet 1975. Ce texte est une étape marquante de l'évolution de notre législation. Elle doit beaucoup à la pensée novatrice et visionnaire du doyen Carbonnier, dont je tiens à saluer la mémoire.

Mais, force est de le constater, à l'épreuve du temps, l'objectif de dédramatiser les procédures de divorce, d'offrir une réelle diversité de choix aux époux, n'a pas été pleinement atteint.

Le divorce pour faute demeure, à défaut de réelle alternative, massivement utilisé et recouvre des réalités extrêmement diverses. Par ailleurs, la volonté des époux ne peut, en raison de dispositions processuelles rigides, trouver sa pleine et libre expression.

La physionomie nouvelle des quatre cas de divorce redéfinie par le projet de loi tend à permettre à chaque couple confronté au drame de la séparation de choisir la procédure la plus adaptée à son histoire, sans avoir à recourir à des artifices de procédure.

A cet effet, deux points sont privilégiés : d'une part, reconnaître le plein effet à la volonté des parties et, d'autre part, maintenir le divorce pour faute, mais adapter le divorce pour rupture de la vie commune.

S'agissant de reconnaître le plein effet à la volonté des parties, le projet de loi entend respecter le choix des époux en consacrant leur liberté de divorcer si telle est leur volonté, sans que la cause de la rupture, laquelle relève exclusivement de leur décision, n'ait à être invoquée.

Le rôle du juge doit, en conséquence, se limiter au strict contrôle de la liberté des consentements et de l'équilibre, tant pour les époux que pour les enfants, des conventions relatives aux conséquences de la séparation.

Ces principes se déclinent différemment selon la portée de l'accord des parties. Le consentement mutuel, qui correspondra à l'actuel divorce sur requête conjointe lorsque les époux s'accordent sur la séparation et ses effets, sera allégé. Il sera désormais prononcé au terme d'une seule audience, à moins que des difficultés particulières rendent nécessaire une seconde comparution des époux.

Lorsque l'accord ne porte que sur le principe de la rupture, le divorce accepté remplacera l'actuel divorce demandé par l'un des époux et accepté par l'autre.

Au-delà de ce changement d'appellation, la philosophie en est profondément modifiée. Sur le plan procédural, le formalisme particulièrement rigoureux attaché à ce cas, souvent interprété comme la cause principale de son échec, disparaît. L'obligation de faire état de faits rendant impossible le maintien de la vie commune disparaît au profit de la seule expression d'une volonté commune, libre et éclairée. La présence de deux avocats constituera, à cet égard, une garantie majeure.

Dans le même esprit, une autre innovation est introduite. Actuellement, l'accord des parties, intervenu en cours de procédure, sur le principe de la rupture se matérialise par l'aveu réciproque de fautes et par le prononcé artificiel d'un divorce aux torts partagés. Désormais, le juge pourra prendre acte du rapprochement des parties et prononcer un divorce accepté, plus fidèle à la réalité conjugale et plus conforme à la volonté des époux.

La commission des lois du Sénat, sensible à la pertinence de ces dispositions, les a pleinement approuvées.

Aux côtés de ces procédures consensuelles, le projet de loi prévoit deux autres cas, tout à fait spécifiques : le divorce pour faute et le divorce pour altération définitive du lien conjugal.

Le maintien du divorce pour faute s'est imposé comme une nécessité.

Le divorce pour faute est en effet la sanction naturelle d'une violation des devoirs et des obligations du mariage définis par le code civil.

Supprimer cette procédure serait, comme l'avait souligné avec force votre assemblée, nier les réalités douloureuses qui se cachent parfois dans l'intimité des familles. Nul ne doit ignorer les cas dramatiques d'atteintes graves à la dignité et au respect de l'autre ou de violences psychologiques, parfois même physiques, à l'égard du conjoint ou des enfants.

Les conditions légales de ce divorce ne doivent pas être modifiées dans leur esprit. Il importe, afin d'éviter d'entretenir des conflits inutiles, que la procédure pour faute soit limitée aux situations les plus graves.

En effet, en obligeant les époux à se renvoyer leurs torts par le biais d'attestations mêlant leurs proches à la procédure, elle peut s'avérer particulièrement destructrice et obérer les chances d'un avenir apaisé. C'est pourquoi le choix de cette voie ne doit plus être dicté par un pur intérêt financier. Le lien qui existe aujourd'hui entre le droit à prestation compensatoire et l'imputation des torts sera supprimé. De même, le sort des donations et des avantages matrimoniaux deviendra indépendant des fautes.

La création du divorce pour altération définitive du lien conjugal se substitue à la procédure pour rupture de la vie commune, tombée en quasi-désuétude.

Ce divorce est fondé sur une séparation affective et matérielle de deux années, avant la requête en divorce ou après l'ordonnance de non-conciliation. Cette voie devrait constituer une véritable alternative au divorce pour faute, en visant toutes les situations dans lesquelles la cause de la rupture se trouve plus dans la mésentente durable ou le désamour que dans l'existence d'une violation grave et avérée des obligations du mariage. L'instauration de deux points de départ différents pour le calcul du délai constitue l'une des innovations majeures du texte.

Il convient en effet de ne pas limiter ce cas, à l'instar de l'actuel divorce pour rupture de la vie commune, aux situations dans lesquelles les époux se sont séparés, de leur propre initiative, avant la requête. Le temps de la séparation matérielle et affective intervenue après le dépôt de la requête doit pouvoir être également invoqué. C'est là le sens de cette disposition.

L'architecture ainsi proposée, comme l'élargissement des possibilités de passer d'une instance contentieuse à une instance gracieuse, permettra à chacune des procédures de divorce de retrouver tout son sens.

L'affirmation dans notre droit d'un pluralisme, adapté aux demandes des époux, sera en outre incontestablement un facteur d'apaisement.

Le droit du divorce doit être en effet simplifié et plus soucieux de l'avenir.

La procédure doit être un temps privilégié pour accompagner les époux et les aider à organiser les conséquences de leur séparation le plus efficacement possible.

Dans cet objectif, le projet de loi simplifie les démarches des parties et, en outre, favorise tous les moyens propres à éviter la résurgence de conflits après le prononcé du divorce.

Deux types de dispositions tendent à simplifier le dispositif processuel.

L'instauration d'un tronc commun procédural dans les procédures contentieuses constitue la première innovation : comme il ne sera plus imposé aux époux d'indiquer le fondement juridique de la requête en divorce, le choix de celui-ci étant reporté au stade de l'assignation, l'accès au juge sera plus simple.

Une telle mesure évitera, par ailleurs, la cristallisation des débats dès la demande initiale. Elle préservera mieux la nature particulière de cette phase de conciliation, dont les enjeux sont essentiels pour la suite de la procédure.

La seconde innovation concerne l'introduction de mécanismes souples permettant de reconnaître la valeur des accords des parties, quelle que soit leur nature.

Ainsi, les conventions portant non seulement sur les mesures relatives aux enfants, mais aussi sur les conséquences du divorce pour les époux, pourront être soumises à l'homologation du juge. Elles auront, après la vérification de leur conformité avec l'intérêt des mineurs et les droits respectifs des époux, un plein effet.

De même, des conventions ayant pour objet la liquidation et le partage du régime matrimonial pourront être passées, dans des conditions de forme largement simplifiées.

La procédure de divorce doit tendre non à solder un passé, à liquider des intérêts, notamment pécuniaires, sans que l'on se préoccupe de l'avenir mais, au contraire, à susciter l'émergence de solutions qui permettront à tous, adultes et enfants, d'appréhender le plus sereinement possible leurs relations futures.

Deux axes sont privilégiés : améliorer le dialogue entre les parties pendant la procédure et inciter au règlement complet de toutes les conséquences.

Mieux accompagner les époux pendant la procédure est, en effet, essentiel pour garantir les liens familiaux et la place de chacun des parents dans la vie de l'enfant après la séparation. C'est pourquoi le recours à la médiation familiale, fondée sur le dialogue et le respect mutuel, doit être favorisé. Le ministre délégué à la famille M. Christian Jacob, développera cet aspect du projet de loi dans un instant. Nous en attendons le développement de solutions négociées, mieux assumées dans le temps, et donc mieux respectées par les époux.

Inciter les parties à régler l'ensemble des conséquences de leur rupture pendant la procédure peut aussi limiter la résurgence, après le jugement, de conflits douloureux.

Ainsi, l'obligation faite au juge de préciser le caractère gratuit ou non de l'occupation du logement conjugal par un époux pendant l'instance répond à la nécessité de clarifier dès ce stade les droits et obligations de chacun.

De même, le règlement du régime matrimonial constitue un enjeu primordial. Trop souvent, bien qu'elle soit essentielle pour apprécier les droits relatifs à la prestation compensatoire, cette question est occultée des débats et fait l'objet de litiges interminables après le divorce.

La rupture du lien conjugal ne saurait dépendre du règlement définitif de ces opérations, exclusivement patrimoniales. Il convient cependant d'imposer aux parties davantage de transparence sur leurs intentions et de les inciter, le plus en amont possible de la procédure, à s'entendre sur ce point.

Le texte comporte à cet égard une série de dispositions originales. Il en va, par exemple, ainsi de l'obligation faite à l'époux, à peine d'irrecevabilité, de joindre à sa demande introductive d'instance une proposition de règlement des intérêts pécuniaires.

De même, la possibilité pour le juge de désigner un notaire pour élaborer un projet de liquidation du régime matrimonial sera introduite au sein des mesures provisoires susceptibles d'être prises lors de la conciliation.

Enfin, les opérations de liquidation seront désormais encadrées dans des délais raisonnables.

Au-delà de ces dispositions propres à dédramatiser autant qu'il est possible les procédures et à assurer leur pleine efficacité, le projet réaffirme avec force les principes de protection et de responsabilité, indispensables à un traitement juste et équitable des séparations conjugales.

Le droit du divorce doit en effet être protecteur et fondé sur la responsabilité.

La réforme du droit du divorce doit enfin intégrer deux principes fondamentaux qui sont à la source même du mariage et de l'engagement qui le scelle : je veux parler de la responsabilité et de la solidarité.

Au-delà de l'importance symbolique que représente le maintien du divorce pour faute, trois séries de dispositions sont principalement concernées : la protection du conjoint victime de violences ; le régime des dommages-intérêts ; le dispositif relatif à la prestation compensatoire.

S'agissant de la protection de l'époux victime de violences, la réforme du divorce ne pouvait pas occulter le drame des violences conjugales, dont on mesure mieux aujourd'hui l'ampleur et la gravité.

Le projet de loi prévoit à cet effet un dispositif nouveau, propre à répondre aux situations de danger.

Avant même toute procédure de divorce, l'époux victime de ces faits pourra désormais saisir le juge aux affaires familiales afin qu'il soit statué sur la résidence séparée du couple et sur l'ensemble des mesures nécessaires à la vie de la famille.

Bien évidemment, cette question devra faire l'objet d'un débat contradictoire devant le juge, comme le souhaite votre commission. Une telle disposition, qui relève du domaine réglementaire, sera inscrite dans le nouveau code de procédure civile. Je m'y engage devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs.

En outre, afin d'éviter qu'au désarroi moral et psychologique ne s'ajoute la précarisation de sa situation, cet époux - le plus souvent l'épouse - se verra accorder une préférence pour le maintien au domicile conjugal.

Ces dispositions s'ajouteront aux mesures urgentes que le juge peut d'ores et déjà ordonner, à la demande d'un époux, lors du dépôt de la requête en divorce. Elles viendront, par ailleurs, compléter les différentes actions menées par la Chancellerie, notamment pour améliorer l'accueil et l'accompagnement des personnes concernées.

Ensuite, le régime des dommages-intérêts répond à deux préoccupations majeures.

En premier lieu, il s'agit de réparer les conséquences liées à la faute d'un époux. En effet, tout dommage causé par un comportement fautif doit pouvoir être indemnisé, ainsi que le proclame l'article 1382 du code civil. A cet égard, les dispositions de droit commun en matière de responsabilité civile continueront légitimement à s'appliquer.

En second lieu, il s'agit de réparer les conséquences graves subies par un époux du fait du prononcé d'un divorce qui lui est imposé.

Dans certaines conditions, il est vrai, une attention particulière doit être portée au conjoint dont le mariage est dissous, alors qu'il n'est pas à l'origine de cet échec. Tel est le cas lorsque le divorce est prononcé pour altération définitive du lien conjugal sans qu'il ait pris l'initiative de cette demande. Tel est également le cas lorsque le divorce est pononcé aux torts exclusifs de son conjoint, la rupture trouvant alors sa cause unique dans la violation grave par celui-ci des obligations du mariage.

Le texte visant indifféremment les conséquences matérielles ou morales du divorce, toutes les formes de détresse pourront être prises en compte par le juge. Ce dispositif m'apparaît donc répondre pleinement à l'objectif de responsabilisation fixé.

J'en viens enfin à la prestation compensatoire. Il s'agit assurément d'un point crucial du texte qui vous est soumis, et deux principes doivent guider nos travaux : le respect de l'équité, d'une part, et la prise en compte de situations humainement douloureuses, d'autre part.

Je sais combien votre commission est attentive à ces deux aspects. Les débats approfondis sur ce thème l'ont déjà démontré.

Le texte s'efforce d'apporter des réponses adaptées à chaque cas d'espèce, en ce qui concerne tant les futures prestations que celles qui ont été allouées sous forme de rente avant la loi du 30 juin 2000.

En ce qui concerne l'avenir, et sans remettre en cause les principes issus de la loi du 30 juin 2000, le projet de loi introduit une nouvelle souplesse, indispensable à la détermination d'une prestation équilibrée en considération de la situation des époux. Ainsi, les conjoints pourront, quel que soit le cas de divorce, soumettre à l'homologation du juge leur accord.

De même, le projet de loi permet de cumuler les différentes formes de capital, et de fixer un capital complémentaire à la prestation sous forme de rente viagère. Cette dernière mesure permettra de répondre pleinement à la situation de l'époux ne pouvant, du fait de son âge ou de son état de santé, subvenir à ses besoins.

Dans le cas particulier où, lors du décès du débiteur, la prestation est encore due, il est apparu essentiel de préserver l'équité dans la situation respective du créancier et des héritiers du défunt, en évitant toute solution excessive.

Il convient de garder à l'esprit que la prestation peut constituer la principale, voire la seule ressource de revenus du créancier. Toute solution par trop tranchée, telle l'extinction de la prestation au décès du débiteur, a donc été d'emblée écartée comme profondément injuste.

Il faut cependant également tenir compte des éventuelles recompositions familiales, en évitant que les enfants du second lit ne soient tenus de verser, sur leurs deniers personnels, une prestation à la première épouse de leur père.

L'équité comme la paix des familles plaident en faveur de la solution qui vous est proposée. Sauf option contraire des héritiers, la prestation compensatoire sera prélevée sur l'actif successoral et dans les limites de celui-ci. Un capital, immédiatement exigible, sera, après déduction des pensions de réversion, substitué à la rente.

Le dernier point sensible concerne les rentes viagères allouées sous l'empire de la loi du 11 juillet 1975. Compte tenu de leur ancienneté et de la restriction du champ d'attribution des rentes viagères par la loi de 2000, ces rentes feront l'objet d'un traitement spécifique. Un nouveau cas de révision, qui s'ajoute au changement important dans la situation des parties, est spécialement prévu, lorsque le maintien de la rente procurerait un avantage manifestement excessif au créancier, au regard des nouveaux critères posés par la loi.

Pour conclure, je souhaite vivement remercier la commission des lois, son président et son rapporteur, M. Gélard, de la richesse de leur contribution à ce projet de loi. Nous savons tous que les enjeux de ce texte dépassent, et de loin, le seul cadre juridique. Les liens familiaux sont la richesse d'une société, chacun ici en est conscient. Il ne pourra revenir au seul mérite d'une loi de dédramatiser les séparations, d'apaiser la douleur d'un couple, de protéger l'enfant.

Cependant, comme l'ensemble de vos réflexions le laisse pressentir, le législateur se sera efforcé de tracer la voie en définissant les conditions du « vivre ensemble », dans le respect des choix individuels et des valeurs communes.

Ce texte marquera, je le crois, une étape essentielle pour la construction d'un droit moderne, adapté aux attentes des familles et respecteux de leur dignité. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Christian Jacob, ministre délégué à la famille. Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la réforme du droit de la famille engagée conjointement avec Dominique Perben s'inscrit dans la volonté politique de doter notre pays d'une législation nouvelle, adaptée aux attentes des Français, et élaborée dans un esprit de simplicité.

Quoique novatrice, la loi de 1975 n'est pas parvenue à dédramatiser le divorce. Les familles se plaignent de la lenteur des procédures et d'une absence d'écoute qui, parfois, exacerbe les tensions.

Nous devons donc adapter notre législation.

Le Gouvernement a choisi une méthode qui répond a deux objectifs majeurs : la cohérence de la construction législative, la concertation dans la préparation de la réforme.

Un important débat préalable à la rédaction du projet de loi a été engagé : il fut, je crois, libre, ouvert et respectueux des différences. Il a complété les nombreux travaux réalisés sur ce sujet tant par les universitaires que par les parlementaires, au cours de ces dernières années. L'élaboration du projet de loi a été préparée à partir des réflexions du groupe de travail sur la réforme du droit de la famille mis en place par M. le garde des sceaux et au sein duquel des parlementaires ont travaillé aux côtés de professionnels du droit de la famille.

Le droit de la famille nous concerne tous. Il marque les étapes essentielles de notre vie. C'est pourquoi notre société a besoin de règles à la fois stables et lisibles.

Nous devons également tenir compte des réalités sociales. L'une des évolutions les plus radicales de ces vingt dernières années a sans doute été la transformation de la famille.

Plus diverse, moins prévisible, la famille reste le point de convergence de fortes espérances, mais il n'existe plus de modèle unique ni de configurations familiales assurées de leur stabilité.

L'institution du mariage constitue un fondement essentiel de notre société : plus de 300 000 mariages sont célébrés chaque année. Il s'agit d'une institution républicaine à laquelle nos concitoyens sont très attachés.

Le nombre des divorces constitue également une réalité forte : depuis quinze ans, environ 110 000 divorces sont prononcés chaque année. Cela vise un mariage sur deux en région parisienne et un mariage sur trois en province. On estime à 200 000 le nombre d'enfants concernés chaque année par la séparation de leurs parents ; cinq ans après la séparation, la moitié de ces enfants n'ont plus aucun contact avec l'un de leurs parents, souvent le père.

Le droit de la famille touche à l'intimité des personnes, à leur vie privée dans ce qu'elle a de plus personnel. C'est pourquoi des idées essentielles doivent prédominer dont le respect des personnes, des enfants, en particulier, mais également de l'époux le plus faible, notamment lorsqu'il est victime de violences conjugales.

Dans le cadre de l'organisation judiciaire des séparations, nous devons particulièrement veiller à ce que les personnes engagées dans ces procédures ne soient pas les otages du droit.

C'est pourquoi nous devons veiller à simplifier les procédures. Un divorce est toujours un échec douloureux, mais, selon la durée du mariage, la présence ou l'absence d'enfants, l'existence ou non d'un patrimoine conjugal, le règlement du divorce sera plus ou moins facile. Or, jusqu'à présent, le divorce sur requête conjointe nécessitait deux passages devant le juge aux affaires familiales.

Il me semble qu'une seule audience peut répondre aux attentes des familles dans les situations les plus adaptées. Il s'agit non pas de faciliter le divorce, mais de tenir compte des réalités.

Il convient, par ailleurs, de prévoir une deuxième audience pour les cas qui présenteraient une difficulté.

Nous devons, de plus, harmoniser les règles de droit en ce qui concerne, outre la liquidation du régime matrimonial dont le règlement doit pouvoir se préparer dès le prononcé des mesures provisoires, la rupture du lien entre la notion de faute et les conséquences financières du divorce, ainsi que l'instauration du tronc commun de procédure qui ne fige pas les époux dans une situation conflictuelle dès la première convocation.

Il est important, enfin, d'apaiser les conflits. A ce sujet, je compte beaucoup sur la médiation familiale comme nouvel outil au service des familles, dans la gestion de leur conflit.

La médiation familiale vise à mettre au premier plan l'exercice consensuel de l'autorité parentale en s'appuyant sur la responsabilisation des parents.

Mais il faut admettre notre retard ; d'où la nécessité de nous impliquer activement en faveur de la médiation familiale.

La médiation judiciaire a été introduite dans notre code de procédure civile par la loi du 8 février 1995 relative à l'organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative. Ainsi, la possibilité pour le juge de désigner « en tout état de la procédure » une tierce personne pour procéder à une médiation a été reconnue.

La loi du 4 mars 2002 relative à l'autorité parentale a introduit la médiation familiale dans le code civil en donnant aux juges aux affaires familiales la possibilité de l'ordonner lorsque les parents en sont d'accord. Enfin, le juge peut même délivrer aux parents l'injonction de rencontrer un médiateur familial, qui leur exposera les avantages de cette méthode.

Au-delà du rappel de ces dispositions législatives et réglementaires, je tiens particulièrement à remercier Mme Monique Sassier, directrice générale de l'Union nationale des associations familiales, l'UNAF, de la qualité des travaux du Conseil national de la médiation familiale qu'elle préside. L'intense activité de ce conseil a permis d'offrir à la médiation familiale une reconnaissance institutionnelle.

L'intégration de la médiation familiale dans la politique familiale suppose le respect de certains principes.

Il faut d'abord donner à la médiation familiale sa juste place. En effet, toutes les situations de conflit familial ne relèvent pas de la médiation familiale. Il ne s'agit pas non plus de remplacer la procédure judiciaire ni d'instaurer un contrôle social généralisé. L'accès à la médiation familiale doit cependant être développé le plus en amont possible des conflits familiaux, avant que le conflit ne dégénère et ne se fige dans le cadre du débat judiciaire.

C'est à ce titre que la médiation familiale devient de plus en plus une préoccupation de l'action sociale des caisses d'allocations familiales. Je tiens d'ailleurs à saluer l'engagement très important de la caisse nationale et des caisses d'allocations familiales en faveur du développement de la médiation familiale.

Il convient ensuite de définir avec rigueur la spécificité de la médiation familiale : le recours à cette possibilité relève d'une démarche volontaire qui suppose un rapport d'égalité entre les personnes concernées. Les violences physiques ou morales, de trop nombreuses inégalités entre les personnes constituent autant de contre-indications à la médiation. Dans ces situations, l'intervention du juge, le rappel à la loi, demeurent nécessaires.

Il s'agit enfin de garantir le professionnalisme des médiateurs. Il est indispensable d'assurer la formation, la déontologie et la compétence pluridisciplinaire des médiateurs familiaux, tiers indépendants et impartiaux.

C'est sur la base de ce constat que j'ai préparé le décret portant reconnaissance du diplôme d'Etat de médiateur familial dont la parution au Journal officiel du 9 décembre 2003 anticipe la réforme du droit du divorce. Il s'agit d'un diplôme de formation continue. La formation sera pluridisciplinaire en matière psychologique, sociale et juridique.

Je voudrais, par ailleurs, saluer les initiatives existantes dans le domaine de la médiation familiale. Le nouvel élan que je souhaite donner ne serait rien s'il ne valorisait l'existant. C'est pourquoi j'ai souhaité que, dans le cadre des mesures réglementaires qui ont été prises, une place particulière garantisse la validation des acquis.

Parallèlement à la reconnaissance officielle de la médiation familiale, il est envisagé un renforcement du soutien public aux actions de médiation familiale ainsi qu'un développement de l'information auprès tant des professionnels que du public qui pourrait y avoir recours.

En France, la médiation est principalement pratiquée par les associations qui peuvent bénéficier de subventions versées par les caisses d'allocations familiales, le ministère de la justice et le ministère de la santé, de la famille et des personnes handicapées.

L'objectif en matière de financement est de poursuivre, dans le cadre de la prochaine convention d'objectifs et de gestion, le partenariat liant l'Etat et la Caisse nationale d'allocations familiales, tout en maintenant la participation financière des familles.

C'est parce que notre société met au premier plan l'affirmation de la responsabilité durable des deux parents et qu'elle insiste sur le partage égal de l'autorité parentale qu'il convient de privilégier, en cas de séparation, la restauration du dialogue, la préservation de liens de qualité entre les parents et les enfants, et un idéal de responsabilité commune.

C'est cette ambition qui conduit notre action et que je souhaite vous faire partager. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Patrice Gélard, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le divorce est toujours un drame : c'est l'échec d'une expérience personnelle menée à deux et il entraîne généralement une modification dans les conditions de vie, dans les conditions de logement, voire dans les conditions de travail. Il ne se limite pas à un acte, il s'accompagne de deux ruptures : rupture quant aux biens, rupture quant à la garde des enfants.

Depuis 1804 - nous fêterons cette année le bicentenaire du code civil - le divorce est un droit, que la République a constamment reconnu.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Non !

M. Patrice Gélard, rapporteur. Ce droit ne remet en cause ni les convictions personnelles des uns ou des autres ni le mariage comme institution. C'est la raison pour laquelle, dans l'actuel projet de loi, l'institution du mariage demeure inchangée. C'est aussi la raison pour laquelle nous avons voulu que, chaque fois qu'un divorce intervient, le juge en soit l'arbitre. Il est, en effet, fondamental pour l'institution même du mariage de maintenir l'intervention du juge, du moins dans l'état actuel de l'opinion publique.

Le présent projet de loi est le résultat d'un long processus qui a débuté en décembre 2001 à l'Assemblée nationale, avec le dépôt de la proposition de loi de notre collègue député M. François Colcombet. Cette proposition de loi était quelque peu révolutionnaire, du moins dans sa version initiale, dans la mesure où elle supprimait le divorce pour faute et essayait de trouver d'autres formules permettant d'apaiser la situation des couples en instance de séparation.

Lors du débat qui s'est déroulé à l'Assemblée nationale, il est très vite apparu que la suppression du divorce pour faute n'allait pas sans poser de nombreux problèmes.

C'est la raison pour laquelle, en février 2002, notre assemblée a profondément remanié le texte de l'Assemblée nationale pour proposer une rédaction plus cohérente, plus simple, peut-être moins révolutionnaire, certes, mais plus adaptée à la psychologie collective de l'époque.

Dès l'arrivée au pouvoir de la nouvelle majorité, M. le garde des sceaux a décidé de mettre en place une commission, dont le travail a permis d'aboutir au texte qui nous est aujourd'hui proposé et qui s'inspire très largement de celui que le Sénat avait adopté en février 2002.

Je tiens cependant à préciser que ce texte innove en grande partie par rapport à ce dernier texte dans lequel n'était pas abordé le problème de la prestation compensatoire et qui ne remettait donc pas en cause la loi de 2000.

Le présent projet de loi ne constitue pas une révolution juridique. Il ne traite d'ailleurs pas de la totalité des aspects du divorce. Par exemple, il n'y est pas question de la garde des enfants, ce problème ayant été réglé avec l'adoption de la loi relative à l'autorité parentale. Il convient de laisser le temps faire son travail et de voir si la loi relative à l'autorité parentale est bien acceptée ou non.

Ce projet de loi a essentiellement pour objet de moderniser un texte qui remonte maintenant à près de trente ans, à savoir la loi de 1975. L'évolution en matière de divorce a été extrêmement rapide puisque le nombre des divorces a doublé entre 1975 et 2003. Nous nous trouvons par ailleurs dans une situation tout à fait différente de celle de l'époque où a été voté ce texte, la condition féminine ayant considérablement changé, même si elle n'est pas encore totalement équivalente à la condition masculine.

Le projet de loi vise ensuite à pacifier les relations entre les conjoints lors d'un divorce. Celui-ci était trop souvent - ce fut d'ailleurs la raison d'être de la proposition de loi Colcombet - une bataille, une guerre opposant l'un à l'autre les deux parents, ce qui avait des incidences dramatiques sur les enfants du couple.

L'idée que l'on retrouvera tout au long de ce texte est précisément d'éviter les affrontements et de faire en sorte que le divorce pour faute, qui représente malheureusement 38,2 % des divorces, laisse progressivement la place à d'autres formes de divorce, alors que l'actuelle législation incite à des détournements de procédure afin d'éviter des conséquences financières lourdes.

Nous avons également tenté d'améliorer et d'accélérer les procédures de façon à les rendre plus compréhensibles, plus simples et plus efficaces.

Enfin, il était nécessaire de régler dans les dispositions annexes les conflits qui pouvaient intervenir entre la présente loi, celle de 2000 et celle de 1975.

Après la présentation des dispositions essentielles de ce texte à laquelle je vais me livrer, je formulerai, si vous le permettez, monsieur le ministre, quelques propositions et suggestions qui nous permettront peut-être d'aller plus loin à l'avenir.

Tout d'abord, cette réforme consacre l'intervention du juge dans les quatre cas de divorce. Le juge reste incontournable ; le divorce à la française demeure un divorce judiciaire.

Le projet de loi prévoit deux sortes de divorce : le divorce par consentement mutuel et les divorces conflictuels.

Le divorce par consentement mutuel est simplifié. Il n'y a qu'une seule comparution devant le juge, à moins que ce dernier n'estime qu'il faille aller plus avant et approfondir les accords entre les parties.

Dans le divorce par consentement mutuel, tout est réglé : la garde des enfants, la prestation compensatoire, la liquidation des biens. Le juge n'est là que pour constater que l'accord des parties a été trouvé.

A cet égard, un problème a été soulevé à plusieurs reprises, celui de l'unicité ou de la dualité des avocats. Il y a des arguments en faveur des deux thèses. Je ne les développerai pas puisqu'ils figurent dans mon rapport écrit. Je dirai simplement qu'à l'heure actuelle, dans 90 % des cas, il y a un seul avocat. Dans un certain nombre de cas, effectivement, un deuxième avocat aurait été utile. De toute façon, rien n'interdit aux parties de recourir à deux avocats dès le départ ou bien à tout moment du déroulement de la procédure.

J'en viens aux divorces conflictuels.

Nous avons conservé l'ancien divorce pour demande acceptée. Il est simplifié et il fait partie maintenant d'un tronc commun. La nature du divorce que l'on sollicite ne sera pas indiquée dès le départ. Le choix de la procédure de divorce sera fait et, après l'échec de la tentative de conciliation, on choisira la formule que l'on estime la mieux adaptée.

Le divorce pour faute est maintenu. Il est précisé que la faute peut donner lieu au versement de dommages et intérêts. A cet égard, je tiens à vous dire, monsieur le garde des sceaux, qu'il nous faudra peut-être rappeler au juge que les dommages et intérêts en matière de faute ne doivent pas être purement symboliques et qu'il sera parfois nécessaire d'augmenter considérablement ces dommages et intérêts, qui sont tout à fait distincts de la prestation compensatoire.

Nouveauté importante : la prestation compensatoire est dissociée de la nature du divorce. Quand on engageait un divorce pour rupture de la vie commune par exemple, on prenait tous les torts à sa charge. Dorénavant, il y aura une dissociation entre les deux, ce qui redonne à la prestation compensatoire sa signification d'origine, c'est-à-dire une prestation ayant pour but de compenser les inégalités engendrées par le divorce dans la situation financière des deux époux.

Enfin est instauré un nouveau divorce pour altération définitive du lien conjugal. Lorsqu'il y aura rupture pendant deux ans de la vie commune, tant sur le plan matériel que sur le plan affectif, le divorce deviendra possible alors que, dans la situation actuelle, il faut attendre six ans, ce qui entraîne des drames importants et contribue à aggraver les tensions entre les deux candidats au divorce.

Je tiens à souligner l'élément tout à fait important que constitue l'article 12 relatif aux pouvoirs du juge, lesquels sont précisés, analysés et développés. Sur ce point, je tiens, comme M. Jacob, à souligner l'importance que devra revêtir à l'avenir la médiation.

Nous n'en sommes qu'aux balbutiements. Pour l'instant, le juge ne peut pas imposer la médiation. Mais celle-ci devra remplir une fonction que ne peut pas remplir le juge à l'heure actuelle.

Le juge aux affaires familiales n'a pas le temps d'écouter suffisamment les deux parties. Celles-ci sont frustrées lorsque le juge leur a consacré dix minutes, et encore quant il a le temps de les leur consacrer !

Le médiateur aura le temps d'écouter, le temps de permettre à chacun de se défouler, de dire ce qu'il a sur le coeur, de mieux comprendre les mécanismes du divorce, qui ne sont pas toujours simples.

Certaines des personnalités que nous avons auditionnées ont considéré qu'il faudrait expliquer ce qu'est le divorce lors du mariage. Pourquoi pas ? Il est vrai que nos concitoyens ont une méconnaissance totale des mécanismes en matière de divorce, comme d'ailleurs en matière d'obligations du mariage.

Il y a là un problème de fond auquel il faudra réfléchir, peut-être dans le cadre de la formation aux institutions et aux droits dispensée dans nos collèges et nos lycées.

Je tiens également à souligner l'importance de l'article 22 de la loi relatif aux violences conjugales. Cet article devait nécessairement figurer dans la loi. N'oublions pas que nous sommes dans une procédure civile et non dans une procédure pénale. Dorénavant, au lieu de recourir à la procédure pénale, on pourra recourir à la procédure de l'article 22, qui aura pour conséquence de dédramatiser les relations entre époux, surtout à l'égard des enfants.

Enfin, la loi améliore la prestation compensatoire, du moins dans sa conception initiale.

Vous vous le rappelez tous, nous avons été obligés de revoir la loi de 1975 en 2000 parce que la prestation compensatoire n'avait pas pris ses racines dans la pratique judiciaire. En réalité, on continuait d'utiliser le système de la pension alimentaire. Le capital était l'exception, la rente viagère était la règle ; cela a entraîné toute une série de conséquences que l'on avait mal analysées en 1975 et auxquelles on a tenté de remédier en 2000.

Nous continuons d'affirmer que la prestation compensatoire doit prioritairement et essentiellement être un capital et non une rente viagère, ainsi que le disent les articles 270, 271 et 274 du code civil modifié.

Nous avons rétabli le principe de la possibilité du cumul du capital et de la rente viagère, mais avec la possibilité à tout moment de substituer un capital à cette rente viagère.

Nous avons maintenu un régime conventionnel possible en matière de prestation compensatoire, ainsi que la grande innovation que M. le ministre a souligné tout à l'heure, à savoir la transmissibilité de la prestation compensatoire aux héritiers dans la limite de l'actif successoral, ce qui mettra fin à des conflits qui ont duré parfois vingt ou trente ans.

Avant de conclure, monsieur le garde des sceaux, monsieur le ministre, je vais vous livrer une série de pistes de réflexion qui sont le résultat des auditions auxquelles nous avons procédé et des courriers que nous avons pu recevoir.

La première piste concerne un problème qui, s'il n'a pas de lien direct avec le divorce, en a un avec le mariage et avec le principe d'égalité entre les hommes et les femmes.

Est-il normal à notre époque que l'on maintienne l'âge minimal du mariage à quinze ans pour les jeunes filles et à dix-huit ans pour les garçons. Ne faudra-t-il pas un jour fixer un âge unique pour les garçons et les filles ?

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Quinze ans pour tout le monde ! (Sourires.)

M. Patrice Gélard, rapporteur. Je vous livre une deuxième piste qui est évoquée dans certains amendements, je veux parler de la déjudiciarisation du divorce, du moins du divorce par consentement mutuel quand il n'y a ni enfant ni bien.

La commission n'a pas accepté lesdits amendements, mais je pense qu'à terme il nous faudra réfléchir à la possibilité de déjudiciariser un certain nombre de divorces, pour lesquels l'intervention du juge serait simplement maintenu pour homologuer la demande des deux époux.

Dans le même ordre d'idées, ne pourrait-on pas prévoir dans les contrats prénuptiaux la possibilité d'une certaine avance sur une liquidation éventuelle ? Dans les contrats de mariage, le notaire ne pourrait-il pas enregistrer l'engagement des deux époux à répartir, en cas de divorce, de telle ou telle façon les biens ou la prestation compensatoire ? Ce dispositif existe dans un certain nombre de pays, au Canada, par exemple, mais aussi dans un certain nombre d'Etats américains. C'est une piste que les notaires commencent à étudier et il serait bon, je crois, qu'ils continuent leur recherche dans ce domaine.

Autre problème qui a été soulevé au cours du débat en commission : la dispense de l'obligation de fidélité à partir du moment où est posée la demande de divorce.

Ce problème est effectivement complexe. Actuellement, au moment de la demande de divorce, les obligations du mariage sont encore maintenues. Un certain nombre d'associations, un certain nombre de juristes nous ont demandé d'examiner ce point. Si nous n'avons pas voulu aller plus avant dans ce texte, je crois qu'il nous faudra réfléchir sur cet élément pour l'avenir.

Permettez-moi en outre, monsieur le garde des sceaux, de vous demander d'être particulièrement ferme à l'égard de vos collègues de Bercy. Il est inadmissible que le ministère des finances considère les demandeurs de divorce comme des vaches à lait et utilise le divorce pour les pressurer au maximum, au point qu'ils en viennent à aliéner leurs biens. Il est absolument nécessaire que soient revues les dispositions fiscales applicables en cas de divorce.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien !

M. Patrice Gélard, rapporteur. Je voudrais, pour terminer, attirer votre attention sur la situation de la personne divorcée qui, durant son mariage, n'a pu cotiser pour obtenir une retraite ou dont les cotisations ne lui permettent de percevoir qu'une pension de retraite très inférieure à celle de son ex-conjoint.

Ne pourrait-on, à cet égard, envisager une réforme s'inspirant de ce qui se fait en Allemagne ? Dans ce pays, lorsqu'un couple ne perçoit qu'une seule retraite parce que l'autre a accepté de ne pas travailler pour permettre la promotion sociale de son conjoint ou pour s'occuper de l'éducation des enfants, les droits à la retraite sont redistribués entre les époux, même lorsqu'il y a eu divorce, ce que perçoit celui qui n'a pas cotisé étant alors calculé au prorata du temps passé ensemble. De même, lorsque l'un des conjoints a droit à une retraite supérieure à l'autre, on divise par deux la différence.

Il y a là, me semble-t-il, une piste tout à fait intéressante si l'on veut effectivement réduire un certain nombre de sources de conflits, notamment en matière de prestation compensatoire et de rente viagère, points sur lesquels M. Dreyfus-Schmidt nous présentera sans doute quelques amendements.

Telles sont, monsieur le ministre, les remarques que je souhaitais formuler et qui font suite aux auditions auxquelles la commission des lois a procédé. En tout cas, celle-ci et son rapporteur se réjouissent du dépôt de ce texte équilibré, moderne et nuancé, qui devrait contribuer à pacifier les relations en matière de divorce. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme la représentante de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.

Mme Janine Rozier, représentante de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, je tiens tout d'abord, au nom de la délégation, à remercier M. le président de la commission des lois d'avoir bien voulu solliciter notre avis.

Après la loi du 11 juillet 1975, qui avait « démocratisé » le divorce, nous avons eu à discuter la proposition de loi de M. Colcombet, qui voulait tout aplanir, tout excuser et supprimer, notamment, le divorce pour faute. Cette proposition avait suscité beaucoup de craintes dans le monde familial associatif, qui, chacun le sait, est très actif et très attentif à tout ce qui touche aux besoins de la famille.

Aujourd'hui, nous est soumis un projet de loi qui tend à apporter une simplification notable du divorce par consentement mutuel et à améliorer, dans l'apaisement, le fonctionnement des autres procédures de divorce.

Il faut donc trouver, au travers des mots difficiles et ampoulés de certains textes, un moyen d'agir sur les sentiments intimes qui régissent la vie privée des hommes et des femmes de notre temps, mais aussi sur leurs ressentiments : lourde tâche !

Ce projet de loi est bien accueilli par les experts, par l'institution nationale concernée, par les professionnels, et il le sera sans doute par la Haute Assemblée, grâce à la science que développera le doyen Gélard.

Les recommandations que je vais formuler traduisent les sentiments de notre délégation et ont été adoptées à l'unanimité de ses membres, toutes tendances confondues. C'est assez dire que le sujet évoqué aujourd'hui n'est pas un sujet de politique politicienne. Il n'est question ni de droite ni de gauche ; il est seulement question des hommes et des femmes d'aujourd'hui, confrontés aux difficultés de la vie de tous les jours.

Pour ma part, je regrette que les choses aient été prises à l'envers puisque nous traitons du divorce avant que nous n'ayons traité du mariage.

Le mariage existe depuis la nuit des temps et toutes les civilisations l'ont connu ou le connaissent. Avec le laxisme ambiant et la dégradation des moeurs et de la morale,...

Mme Danièle Pourtaud. Aïe, aïe, aïe !

Mme Janine Rozier, représentante de la délégation. ... on a eu tendance à ne considérer, dans le mariage, qu'un contrat, alors que c'est une institution, l'une des bases de notre société et aussi, pour beaucoup, un sacrement, que toutes les grandes théories sur la laïcité n'ont pas encore réussi à détrôner. (Murmures sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

Mme Paulette Brisepierre. Très bien !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. La rose a des épines ! (Sourires sur les travées socialistes.)

Mme Janine Rozier, représentante de la délégation. C'est pourquoi il existe toujours. C'est pourquoi il est recherché. Dans la profondeur de leur être, nos concitoyens aiment le mariage, et il nous faudra y penser.

Je me réjouis qu'il nous ait été donné un « ministre délégué à la famille » et que celui-ci ait souhaité mettre en place un groupe de travail pour réfléchir pendant plusieurs mois aux améliorations de la loi sur le divorce.

Composé de professionnels tels que présidents de tribunaux, juges aux affaires familiales, avocats, notaires, professeurs d'université, juristes, mais aussi de députés et de sénateurs compétents dans ce domaine, le groupe de travail a su faire en sorte que les dispositions nouvelles soient non pas une incitation au divorce, mais une meilleure façon de faire fonctionner les dispositions existantes en les adaptant et en les améliorant, avec un souci permanent d'apaisement dans les situations conflictuelles, notamment pour assurer une meilleure protection des enfants et de leur équilibre après la séparation de leurs parents.

Nous allons donc finalement vers un divorce objectif, en privilégiant les accords et en instituant une médiation professionnelle, dont on attend beaucoup.

Depuis la préconisation de la médiation familiale qu'a prévue la loi sur l'exercice de l'autorité parentale, sur laquelle j'avais déjà eu l'honneur de présenter l'avis de la délégation aux droits des femmes du Sénat, l'idée a fait son chemin et nous en attendons l'officialisation par un diplôme d'Etat. Nous avons noté avec satisfaction que, dans le présent projet de loi, la médiation est prévue avant et pendant l'instance ; c'est une grande avancée.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. A mille euros !

Mme Janine Rozier, représentante de la délégation. Les membres du groupe de travail dont je viens de parler ont été unanimement d'accord pour ne pas supprimer le divorce pour faute, et notre délégation s'en réjouit. Il faut, en effet, conserver le divorce pour faute afin que ne soient pas passées sous silence les violences quelles qu'elles soient, physiques, morales, psychologiques, sexuelles, subies par l'un des conjoints, de manière qu'elles ne se reproduisent pas, mais qu'elles soient au contraire dénoncées, et pour aider le conjoint victime à se reconstruire, même si des esprits plus « modernes » pensaient autrement.

Dans le divorce, il faut aussi tenir compte du fait que toutes les classes de la société sont concernées. Bien entendu, les plus simples sont le plus douloureusement touchés. Pour beaucoup de gens, la procédure de divorce est leur premier contact avec la justice. Il faut que cette justice ait les moyens d'écouter, de prendre connaissance des dossiers pour, ensuite, arrêter de façon équitable les conséquences de la séparation, sans oublier les conséquences matérielles.

Il faut aussi pouvoir expliquer les procédures et les mots employés, qui ne relèvent pas de la conversation courante et qui ajoutent au traumatisme.

Au demeurant, le divorce est souvent plus qu'un traumatisme : il peut entraîner humiliation, culpabilisation, détresse devant l'étendue et le prix des procédures, amertume, sentiment d'un sort injuste... Un conjoint qui a consacré sa vie et son temps au bien-être de son foyer et à l'éducation de ses enfants peut se retrouver, du jour au lendemain, sans foyer, sans ressources, sans possibilité d'emploi, sans couverture sociale, sans mutuelle et, naturellement, sans amour.

Comment régler d'un seul coup, par une loi, un aussi vaste problème ? Comment, notamment, trouver une prestation compensatoire à la hauteur du préjudice causé ?

Dans 92 % des cas, on le sait, les enfants sont confiés à leur mère. La loi sur l'autorité parentale a permis de pallier les dégâts qui seraient occasionnés par une société sans pères. La présente loi doit éviter la ruine économique, morale et sociale du conjoint qui a consacré une partie de sa vie au foyer conjugal. C'est une question d'élémentaire équité. La délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes y est très attentive.

Peut-être aurez-vous remarqué que, sans doute pour la première fois, dans une discussion générale, sont inscrits sept orateurs femmes et seulement six orateurs hommes. Compte tenu du petit nombre de femmes sénatrices, c'est un signe fort.

Vous renvoyant à mon rapport d'information, qui, je le rappelle, a été approuvé à l'unanimité par les membres de notre délégation,...

Mme Hélène Luc. Par les membres présents !

Mme Janine Rozier, représentante de la délégation. ... j'insisterai simplement sur les points suivants.

Tout d'abord, nous approuvons le principe de la réforme proposée, qui vise à apaiser le divorce et à assurer un équilibre entre les époux en les incitant à concentrer davantage leur attention sur les conséquences prévisibles de leur séparation plutôt que sur ses causes, leur préoccupation majeure devant rester l'avenir de leurs enfants.

Cette approbation de principe n'a cependant pas empêché la délégation d'adopter un parti pris de réalisme. Nous souhaitons tout particulièrment que le législateur se prononce sur des données de droit ou de procédure civile, en gardant à l'esprit les facteurs fondamentaux qui déterminent les ressources des conjoints. Rappelons qu'il subsiste aujourd'hui en France, des inégalités de revenus entre hommes et femmes : de l'ordre de 25 % pour les salaires et de plus de 40 % pour les retraites.

Consciente de la diversité des attentes des Français, qui veulent à la fois plus de justice et moins de procédure, la délégation approuve la simplification du divorce par consentement mutuel.

Elle souhaite que cette simplification permette aux magistrats de consacrer plus de temps à la détection d'éventuelles violences ou pressions conjugales et de conseiller utilement les époux dans la préparation et la gestion de l'après-divorce.

Elle approuve pleinement le dispositif permettant à l'époux victime de violences de saisir le juge, avant même toute requête en divorce, pour organiser la résidence séparée du couple en bénéficiant d'une priorité quant à son maintien dans le domicile conjugal. Elle souligne, à ce titre, que l'auteur des violences ne doit pas pouvoir se soustraire à des obligations relatives au financement du logement.

La discussion du présent projet de loi nous est apparue comme une occasion propice pour souligner la nécessité d'appliquer, sur le terrain, les dispositions législatives qui visent à éteindre progressivement et irréversiblement certaines pratiques du statut personnel en vigueur à Mayotte comme la polygamie et la répudiation unilatérale.

La demande en divorce étant la principale occasion - souvent la première et la seule - pour le citoyen d'être confronté à la justice ainsi qu'à la terminologie judiciaire, la délégation recommande de perfectionner l'information du justiciable, trop souvent désorienté, en mettant à sa disposition des lexiques et des schémas simples et en favorisant la présence de deux avocats dès l'ordonnance de non-conciliation, pour une assistance indispensable des deux parties, tant sur le plan juridique que sur le plan psychologique, face à la rupture et à l'échec du couple.

La délégation aux droits des femmes souligne la nécessité de prendre en considération les situations difficiles au moment de la fixation des modalités de versement de la prestation compensatoire.

En particulier, elle souhaite que soit facilité le panachage entre capital et rente viagère et s'inquiète du durcissement des critères d'attibution d'une rente viagère, considérant qu'il faut laisser au juge plus de souplesse dans le choix entre le versement d'un capital ou d'une rente.

Elle estime nécessaire de veiller à ce que le décret fixant le barème de conversion d'une rente en capital définisse des modalités de conversion équitables et d'écarter cette possibilité lorsque l'époux créancier a, par-dessus tout, besoin de moyens de subsistance réguliers.

La délégation souligne enfin que la prestation compensatoire doit être complétée par une palette d'outils de rééquilibrage qui vont du contrat d'assurance-vie en faveur du conjoint jusqu'à l'aménagement de conditions permettant à un parent isolé de concilier vie professionnelle et vie familiale.

Au-delà du rapport de la délégation aux droits des femmes du Sénat, dont je viens de vous transmettre les recommandations, travaillant dans le domaine social depuis plus de trente ans, confrontée au problème du divorce au travers de mes mandats, de mon action au sein d'associations et même dans le milieu politique, je me suis aperçue que les femmes étaient bien plus touchées dans leur être par cet accident de la vie.

Sans doute est-ce dû au fait que, malgré tous les efforts déployés pour nous faire devenir les « égales des hommes », nous restons des femmes, avec des sentiments maternels viscéraux qui aiguisent une sensibilité et une sentimentalité parfois qualifiées de « féminines » avec une certaine condescendance.

Mais j'ai aussi l'impression - ce n'est, je l'espère, qu'une impression - que les hommes ont toujours un léger sourire à l'évocation des problèmes qui touchent les sentiments, considérant qu'il s'agit de sensiblerie toute féminine. (Mme Nicole Borvo s'esclaffe.)

En effet, je vous trouve quelquefois bien légers, messieurs mes collègues, quand, voulant échanger votre femme de cinquante ans contre deux de vingt-cinq, vous oubliez que, si vous êtes devenus ces grands hommes respectés, vous le devez sans doute, pour une part, à une épouse qui, dans l'ombre, a travaillé pour vous. « Derrière tout homme qui réussit, cherchez la femme ! »

Mme Danièle Pourtaud. Et derrière la femme qui réussit ?

Mme Janine Rozier, représentante de la délégation. Peut-être faut-il chercher l'homme !

Je ne sais plus qui a dit cela, mais il me suffit de regarder autour de nous, ne serait-ce que les grands hommes du moment, pour mesurer la justesse de cette formule. (Exclamations amusées sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

Aussi, messieurs mes chers collègues, merci de faire en sorte que, hommes et femmes, nous légiférions pour la justice et l'équité, conformément à notre honneur d'élus responsables. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.

Mme Gisèle Gautier, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tout d'abord, permettez-moi, au nom de notre délégation, de remercier notre rapporteur, Mme Janine Rozier. (Mme Paulette Brisepierre applaudit.)

Je sais combien elle s'est investie dans ce dossier sensible et a su, avec discernement, traduire les observations et les préoccupations qui ont été formulées lors des auditions par les recommandations qu'elle vient de présenter et qui, je le rappelle, ont été votées à l'unanimité.

Madame, soyez-en fécilitée !

Réformer le divorce n'est pas une tâche aisée : premièrement, parce qu'il s'agit, sur le plan affectif, d'un des sujets les plus douloureux pour les hommes et pour les femmes, deuxièmement, parce que, trop souvent, le divorce est susceptible de créer des situations socialement difficiles à vivre et à gérer ; troisièmement, parce qu'il s'agit, en France, et on ne le sait pas suffisamment, du principal point de contact entre le citoyen et la justice.

Dans cet esprit, je me limiterai à trois remarques rapides : l'une générale et deux autres ponctuelles.

Globalement, je tire des divers travaux techniques sur le projet de loi et des auditions de la commission des lois ou de la délégation aux droits des femmes une conclusion majeure : il y a tout lieu de se féliciter de l'architecture et de la « mécanique » générale du texte qui nous est soumis. Cela explique que ce projet fasse l'objet, dans ses grandes lignes, d'un assez large consensus.

A mon sens, toute la difficulté consistait à trouver un point d'équilibre entre la nécessité d'apaiser le divorce, de définir des procédures plus lisibles, bien articulées entre elles, et, dans le même temps, celle de ne pas « faciliter » les séparations.

Je tiens ici à souligner ma conviction selon laquelle un fonctionnement plus efficace des procédures de divorce n'est pas du tout synonyme d'un « encouragement » au divorce.

En revanche, mes chers collègues, en améliorant l'efficacité des procédures de divorce, nous avons l'occasion d'améliorer un aspect essentiel de la relation entre les citoyens et la justice. D'une manière générale, je suis extrêmement favorable à tout ce qui peut améliorer le fonctionnement de nos institutions et, par suite, consolider le respect qui leur est dû.

Je ferai d'ailleurs remarquer que, malgré la diversité des législations en vigueur, notamment chez nos voisins européens, aucune d'entre elles n'a réussi à contrecarrer, sur une longue période, la montée du nombre de divorces. Inversement, la légère diminution de ce nombre depuis les années 1990 ne doit pas grand-chose à des modifications législatives. Même les pays qui ont interdit le divorce n'ont guère réussi à juguler les séparations de fait et, lorsque l'interdiction est levée, on constate un effet de « rattrapage ». Tout cela doit nous inciter à conserver la plus grande modestie et à observer le plus grand pragmatisme.

En la matière, le pragmatisme consiste avant tout à attirer l'attention des époux sur les conséquences de leur séparation : divorcer, c'est bien entendu souffrir, c'est analyser le passé, mais c'est également envisager l'avenir. C'est pourquoi il faut donner « du temps au temps », car une réflexion suffisante sur l'avenir peut parfois conduire à la réconciliation.

Le pragmatisme, c'est aussi de permettre au juge de se concentrer sur les points véritablement essentiels d'un divorce, alors qu'aujourd'hui l'aspect conflictuel finit parfois par masquer ce qui est important. A mon sens, la meilleure gestion du temps judiciaire est un objectif sous-jacent à ce projet de réforme et nous ne devons pas le négliger, autant pour les magistrats que pour les familles.

A ce titre, je rappelle l'une des recommandations de la délégation du Sénat aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes : faire en sorte que les mesures de simplification permettent aux magistrats de consacrer plus de temps à la détection d'éventuelles violences ou pressions conjugales et de conseiller utilement les époux dans la préparation et la gestion de l'après-divorce. J'ajouterai qu'il conviendrait également qu'ils prennent plus de temps pour ménager une éventuelle réconciliation en se focalisant moins sur le conflit.

J'en viens à deux remarques plus ciblées.

Concrètement, un divorce, c'est la séparation d'un foyer social, économique et fiscal en deux nouvelles entités. En tant qu'élus locaux, il nous arrive à toutes et à tous d'être confrontés, au quotidien, à un certain nombre de conséquences pratiques des divorces : un besoin accru de logements, d'emplois, de formations, de transports tant collectifs qu'individuels, d'aides sociales, avec le phénomène majeur de l'appauvrissement des époux séparés. C'est une logique et un constat !

Dans ces conditions, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous ne pouvons pas nous permettre de traiter du divorce comme d'un corpus juridique abstrait.

Permettez-moi de reprendre ici quelques-unes des statistiques les plus significatives que nous a fait aimablement parvenir la chancellerie.

Entre 1997 et 2001, les procédures de divorce ont, chaque année, concerné environ 4 000 épouses de plus de soixante ans, ce qui est considérable ; étant donné les très grandes inégalités du montant des retraites entre hommes et femmes pour ces générations - cela a été évoqué tout à l'heure -, il n'est pas étonnant que des inquiétudes très fortes, que je partage pleinement, se manifestent à l'égard de ces femmes, dont certaines sont dépourvues de ressources. Le mécanisme de fixation de la prestation compensatoire doit permettre d'assurer, autant que faire se peut, l'attribution d'une rente viagère aux personnes que je qualifierai de « vulnérables ».

Pour les jugements de divorce, les chiffres annuels avoisinent 15 000 pour les épouses de cinquante à soixante ans et 35 000 pour les femmes de quarante à cinquante ans. Certaines ont un emploi, mais nous savons bien que les taux d'activité des femmes décroissent pour les générations les moins jeunes. Il faut également rappeler qu'un certain nombre de Françaises se sont consacrées exclusivement à leur famille pour un ensemble de raisons qui tiennent à la fois à une certaine conception du mariage et au fait qu'il était, hier encore plus qu'aujourd'hui, difficile de concilier vie professionnelle et vie familiale.

Bien entendu, on peut réfléchir, et nous le proposons, à un partage des droits à la retraite, comme le font nos voisins allemands, pour rééquilibrer la situation des épouses dont l'activité non rémunérée a permis à leurs maris de se consacrer à plein temps à leur carrière. Je rappelle aussi que, dans nombre d'entreprises familiales, le travail du conjoint sans statut est essentiel, et pourtant la situation est parfois catastrophique en cas de divorce : je pense aux conjoints d'agriculteurs, de commerçants, d'artisans et de membres de professions libérales.

Réfléchissons donc ensemble à des solutions innovantes, mais la prospective ne doit pas conduire à adopter une « politique de l'autruche », c'est-à-dire à se masquer la réalité.

N'oublions pas non plus que le manque de ressources conduit un certain nombre de couples à hésiter ou à renoncer à divorcer. Comme nous l'avons bien souligné lors des réunions de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances, c'est dans ce type de situations que l'on rencontre des cas assez dramatiques de violences ou de harcèlement conjugal. Disons-le franchement : il y a des femmes battues ou harcelées toute leur vie, mais qui restent avec leur conjoint parce qu'elles ne peuvent aller nulle part ailleurs. Il est, de ce point de vue, très important que le présent projet de loi institue une procédure permettant au juge de statuer sur la résidence séparée des époux et puisse, en particulier, attribuer la jouissance du logement - ou d'un autre logement, je le dis à titre personnel - à la victime des violences.

Je ferai une remarque à ce sujet : le projet de loi maintient le divorce pour faute mais, pour apaiser les procédures, il dissocie les conséquences financières de l'attribution des torts. Nous nous en félicitons, et cela permettra, je l'espère, de limiter les procédures artificielles. En revanche, dans un souci d'efficacité et d'équilibre, il faut simultanément renforcer la sanction des violences conjugales et j'espère que le dispositif prévu par l'article 22 du projet de loi sera reçu par les conjoints violents comme un signal fort de dissuasion. Faisons preuve, là encore, de réalisme.

Premièrement, rappelons que cette démarche devant le juge civil n'empêche pas les victimes, bien au contraire, d'agir de façon plus énergique au plan pénal.

Deuxièmement, l'article 22 du projet de loi parle de « violences » ou de « mettre gravement en danger » son conjoint ou ses enfants. Faut-il continuer à ne pas clairement « pointer » - j'ignore si ce terme est adéquat - le harcèlement conjugal répété, qui provoque parfois aussi des effets dévastateurs en termes d'humiliations et de dégradations concernant la santé physique ou mentale ? On peut se poser la question et je suis tentée, par le biais d'un amendement, de la soumettre au Sénat.

Troisièmement, enfin, que se passera-t-il lorsque le juge aura attribué la jouissance du logement conjugal à la victime ? Comment, en effet, éviter que le conjoint violent ne revienne, par exemple, faire du tapage nocturne et proférer de nouvelles menaces la nuit à la porte du logement familial ? Là aussi, des solutions doivent être au moins esquissées. Mais ce sont des pistes de réflexion qui doivent impérativement être prises en compte.

Je conclurai très brièvement ces quelques remarques par un souhait.

Ce projet de loi marque, à mon avis, une étape essentielle à la fois vers la dissuasion des violences conjugales, l'apaisement du divorce et une meilleurs efficacité des procédures judiciaires. Pour accompagner cette évolution, comme Mme Rozier l'a dit tout à l'heure, la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances a préconisé une information claire de nos concitoyens, qui ont besoin de mieux comprendre la terminologie juridique.

Une telle démarche me paraît, en effet, non seulement nécessaire, mais essentielle, car il s'agit d'un domaine très complexe qui n'est pas toujours accessible au commun des mortels !

Même parmi les juristes chevronnés - notre assemblée en compte un certain nombre -, je me demande combien pourraient citer de manière infaillible les nombreux cas de divorces prévus par notre code civil, sans même évoquer la technique procédurale.

Il est donc de notre devoir de veiller à la lisibilité et à la compréhension par les Français des règles que nous votons, tout particulièrement si elles incitent à la responsabilité et à une certaine sérénité, comme c'est le cas pour ce texte que nous approuvons. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

Groupe Union pour un mouvement populaire : 51 minutes ;

Groupe socialiste : 28 minutes ;

Groupe de l'Union centriste : 13 minutes ;

Groupe communiste républicain et citoyen : 12 minutes ;

Groupe du Rassemblement démocratique et social européen : 10 minutes ;

Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe : 6 minutes.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Josiane Mathon.

Mme Josiane Mathon. « Nous sommes en train de refondre profondément le droit de la famille, mais nous le faisons par petits morceaux [...] ce qui donne finalement une vision quelque peu décousue, un peu en patchwork, de la réforme du droit de la famille. » Vous reconnaîtrez là, j'en suis sûre, les propos que vous avez tenus le 21 février 2002, monsieur le rapporteur, lors de l'examen de la proposition de loi Colcombet. Ils ne manquent pas d'intérêt au regard de la situation actuelle, tant ils nous apparaissent d'une singulière actualité.

Et encore, je vous fais grâce des passages où vous déploriez, avec vigueur et talent, je vous le reconnais, le rythme effréné auquel était astreint le Parlement en cette période de fin de législature. C'eût été vraiment trop désobligeant eu égard aux dix-huit mois qui viennent de s'écouler !

Je n'aurai donc pas cette « cruauté » et je me contenterai d'observer que cette critique ne s'est en rien altérée si l'on se réfère au bilan gouvernemental. On serait bien en peine, en effet, de définir une ligne claire, ce fil conducteur auquel vous aspiriez tant, qui traduirait une vision renouvelée du droit de la famille et autour duquel s'organiseraient, se fédéreraient en quelque sorte, les textes soumis au Parlement : réforme de la dévolution du nom de famille, réforme du divorce ou mesures ponctuelles dans des textes tels que l'accueil et la protection de l'enfance.

Cette absence de politique d'ensemble reflète en réalité le manque d'ambition du Gouvernement en la matière, ce que traduit parfaitement le texte soumis à notre examen aujourd'hui : le groupe de travail mis en place conjointement par les ministères de la justice et de la famille a été conduit à travailler dans un cadre d'emblée rétréci, étriqué, puisqu'étaient exclues du champ de la réflexion la question du divorce sans juge et la suppression du divorce pour faute.

Aujourd'hui, nous devons donc prendre le texte gouvernemental pour ce qu'il est : un toilettage de la réforme du divorce dans un but, certes honorable et partagé par tous, d'apaisement des conflits et d'allégement de la procédure, mais qui, par son manque de hauteur, risque de manquer son objectif de « pacification » du divorce, à l'instar de ce qui s'était déjà passé avec la réforme de 1975.

Certes, la réforme proposée comporte des éléments positifs : il ne peut être d'autant moins question de le nier qu'ils entérinent une approche amorcée sous le précédent gouvernement.

Je pense en particulier à tout ce qui encourage les accords entre époux et plus généralement aux éléments de conciliation, dès lors que le contrôle du juge est assuré. Ainsi en est-il de la reprise d'une forme simplifiée de divorce par consentement mutuel, possible dès la première comparution et sur laquelle nous sommes d'accord à partir du moment où s'exerce le contrôle du juge sur les conventions des parties : cela évitera des procédures coûteuses et inutilement lentes. Nous approuvons également largement les réformes proposées pour la prestation compensatoire, j'y reviendrai.

Cependant, ces améliorations ne dissimulent pas le fait que, en fin de compte, la logique intrinsèque du divorce actuel n'est pas rompue malgré des atténuations et que la faute continue de sous-tendre la procédure, comme l'a parfaitement observé M. Alain Bénabent lors de son audition.

Car, tout en consacrant le droit au divorce par la création d'un nouveau cas « pour altération définitive du lien conjugal » au bout de deux ans de cessation de communauté de vie, et par le maintien corrélatif du divorce pour faute, le projet de loi atténue notablement la portée de cette reconnaissance : il laisse subsister un regard social, un jugement moral sur le divorce, là où nous pensons qu'il s'agit avant tout de l'échec, toujours douloureux, du couple, qu'il ne s'agit pas de culpabiliser, au risque d'aggraver les conflits, dont nul ne sort gagnant, et surtout pas les enfants sans parler de l'hypothèque sur les chances de reconstruction pour l'avenir.

Ainsi, malgré un tronc commun procédural pour l'ensemble des divorces contentieux qui interdit de faire mention des causes au moment de l'introduction de la demande et malgré la place donnée à la conciliation, on peut craindre que l'apaisement des conflits ne reste un voeu pieux, ne serait-ce que par le jeu des demandes reconventionnelles. D'autant que, dans le cadre de l'article 246, la faute continue d'avoir la primeur de l'examen du juge.

La faute resurgit à chaque détour. Elle est prise en compte dans le cadre du règlement des effets patrimoniaux, alors même qu'on souhaitait les distinguer de la notion de torts. Ainsi, l'octroi de dommages et intérêts, déjà lié dans l'article 1382 à l'existence d'un comportement répréhensible, est prévu lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs ; mais surtout, le juge peut toujours refuser d'accorder une prestation compensatoire lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs de l'un des époux.

Dès lors, comme le note M. Bénabent, « à partir du moment où un intérêt matériel est attaché à la proclamation des torts de l'un des époux, le débat sur la faute va être de nouveau attisé ». Nous considérons, pour notre part, que tant qu'on ne rompra pas avec une notion de faute, on n'en sortira pas.

Reste la question des violences conjugales, qui apparaît en filigrane pour justifier le maintien d'un cas de divorce pour faute : dans le nouveau système, il y aurait, d'une part, des fautes mineures, pour lesquelles on aurait le droit de divorcer au bout de deux ans et, d'autre part, des « violations graves » et « renouvelées », si l'on retient la formulation opportune de la commission, qui s'attachent au divorce pour faute.

Au titre de ces violations, on trouve les violences physiques ou mentales et le harcèlement moral. Or, pour nous, ces actes doivent être qualifiés pour ce qu'ils sont : des actes socialement et pénalement graves, qui ne sont malheureusement d'ailleurs pas seulement l'apanage des divorces pour faute.

C'est pourquoi la solution trouvée par l'Assemblée nationale sous la législature précédente nous paraissait intéressante, en donnant une sanction judiciaire à part entière et même pénale à ces comportements, au-delà d'une répression en tant que comportements fautifs dans le cadre du mariage. La spécificité de ce type de violences que permet l'intimité de la relation conjugale était consacrée parallèlement par une mention expresse dans le jugement de divorce, option tout à fait opportune, à l'heure où l'on reconnaît enfin le harcèlement moral au travail. On sait d'ailleurs que cette reconnaissance est indispensable à la reconstruction des victimes.

Telle n'est pas l'option qui a été choisie dans ce texte. Néanmoins, nous notons, pour nous en réjouir, que le Gouvernement a repris l'idée d'un dispositif spécifique de protection, déjà suggéré dans la proposition de loi Colcombet, en permettant à la victime, avant toute procédure de divorce, de saisir le juge aux fins d'éviction de l'époux violent du domicile conjugal.

Nous sommes en revanche plus réservés sur le caractère contradictoire de la procédure qui impose à la victime une confrontation avec son agresseur, alors même qu'on connaît la difficulté psychologique qu'éprouvent ces femmes battues à agir. Il faut que les époux, dans ce cadre, soient entendus séparément par le juge. De la même façon, nous continuons d'être résolument hostiles à la possibilité de médiation en cas de violences conjugales, car cela revient à nier la gravité de ces comportements que de considérer qu'on peut en discuter.

Enfin, je m'attarderai quelque peu sur la réforme de la prestation compensatoire instituée par la loi de 1975, aux fins de substitution de la pension alimentaire qui avait généré d'interminables conflits entre les ex-époux.

Elle était généreuse dans son principe, en garantissant un revenu, à une époque d'explosion du nombre de divorces, à l'époux divorcé, le plus souvent la femme au foyer, en compensation des disparités des niveaux de vie résultant de la rupture. L'aggravation du chômage a pourtant montré les effets néfastes du système : il en était résulté des situations particulièrement injustes où l'ex-époux, devenu chômeur, était astreint au paiement d'une prestation qu'il n'était plus en mesure d'assumer à l'égard d'une ex-épouse remariée avantageusement depuis ! Sans même parler des effets de la transmissibilité aux héritiers...

C'est pourquoi mon collègue M. Robert Pagès, d'un côté, et M. Nicolas About, de l'autre, avaient tous deux proposé en 1998 une réforme de la prestation compensatoire afin de la rendre plus facilement révisable ; parallèlement, pour que la prestation compensatoire ne devienne pas une sorte d'assurance vie, les sénateurs communistes proposaient de la rendre caduque en cas de remariage, de concubinage notoire, voire de PACS, et de la supprimer à la mort du débirentier, la rendant ainsi intransmissible aux héritiers.

A l'issue du débat de l'an 2000, nous avions dit combien le texte adopté nous semblait rester au milieu du gué et risquait d'alimenter le contentieux de l'après-divorce, en s'attachant plus à atténuer qu'à renouveler véritablement le système. Preuve nous est donnée aujourd'hui que les craintes que nous avions alors exposées n'étaient pas infondées.

Ainsi, on doit approuver la redéfinition claire de la prestation compensatoire, qui a pour objet non pas de compenser la baisse d'un niveau de vie mais bien, comme le souligne le rapport, de « prendre en compte la conséquence des choix faits en commun pendant le mariage ». Déconnectée enfin de la faute, avec le bémol précédemment évoqué, la prestation compensatoire devient possible dans le cadre du divorce pour rupture du lien conjugal, mettant fin à la survivance du devoir de secours, et également dans le cas du divorce pour faute à l'égard de l'époux fautif.

De la même manière, le projet de loi fait écho au souhait exprimé par les sénateurs communistes lors de la discussion de la loi du 30 juin 2000, afin que l'incitation au versement en capital soit plus forte : nous approuvons ainsi tant la limitation de l'octroi de la rente viagère à l'absence d'amélioration envisageable de la situation du créancier que l'assouplissement des modalités du versement en capital : panachage entre les différents modes de versement en capital, substitution qui peut désormais ne porter que sur une partie de la dette.

Nous regrettons en revanche que la transmissibilité aux héritiers soit maintenue même si elle est limitée à la valeur de l'actif successoral. De même, nous persistons à penser que le remariage, le concubinage ou le PACS du créancier doivent être directement pris en compte : nous vous proposerons des amendements en ce sens.

Différents interlocuteurs ont néanmoins appelé l'attention sur la situation des femmes divorcées pour qui l'abandon du système de la rente peut avoir des conséquences dramatiques - vous êtes d'ailleurs de ceux-là, monsieur le rapporteur. Ils appellent en particulier notre attention sur le risque de la transformation subite en capital à la mort du débiteur, qui ne permettra pas aux femmes âgées de bénéficier de moyens de subsistance suffisants, quand elles ne doivent leur survie qu'à leur ex-conjoint et que leurs droits à la retraite sont souvent très modestes.

Nous ne sommes pas, nous communistes, insensibles à cette situation, d'autant qu'on sait que les femmes, qui, en pratique, sont très largement celles qui prennent l'initiative de la séparation, sont également celles qui en payent souvent le prix fort. Mais cette question dépasse très largement celle du « solde » des effets du divorce et met en jeu la solidarité nationale. Pour notre part, nous considérons qu'il n'est pas possible de se défausser sur l'ex-mari d'une responsabilité à l'égard des personnes âgées qui concerne la société tout entière.

La situation de précarité dans laquelle vivent beaucoup de ces femmes seules, spécialement lorsqu'elles ont à leur charge des enfants, est bien le fait d'une politique sociale à l'égard des plus démunis dont on ne peut pas dire qu'elle soit au centre de l'action gouvernementale.

Déjà, en 2001, le rapport du groupe de travail « Familles et pauvreté » soulignait que : « Toutes les familles n'ont pas, pour aborder les mutations et les risques inédits de la famille, les mêmes ressources, en particulier lorsque la fragilisation familiale liée à la rupture d'un couple se combine à la fragilité sociale ou y précipite, dans un contexte où les salaires féminins sont, on l'a vu, les plus modestes, voire les plus structurellement insuffisants, où le surchômage féminin est avéré, ainsi d'ailleurs que sa durée plus longue, où la charge des enfants continue d'incomber d'abord aux femmes. »

Or la politique de destruction sociale menée par la majorité est en train de produire des effets catastrophiques sur ces foyers monoparentaux.

Le Secours catholique a alerté récemment sur la situation des femmes élevant seules des enfants et qui sont dans un état de précarité extrêmement inquiétant.

Ce sont aujourd'hui près de 1 600 000 personnes, dont 800 000 enfants, qui sont en situation de pauvreté !

Que dire, monsieur le ministre, à cette femme qui élève seule quatre enfants et qui, depuis le 1er janvier dernier, « grâce » à votre réforme de l'allocation chômage, ne touche plus pour l'ensemble de sa famille que 13,56 euros par jour au titre de l'ASS, l'allocation spécifique de solidarité ?

Le singulier silence autour de la politique familiale et des actions menées en direction des familles en difficulté est très inquiétant. A l'heure où l'inégalité juridique entre les familles tend à disparaître au travers de la pluralité des modèles, qu'il s'agisse du mariage, du PACS ou du concubinage, l'enjeu réside bien dans l'inégalité économique, qui ne cesse de s'aggraver.

C'est en ayant à l'esprit l'ensemble de ces éléments que les sénateurs communistes opteront aujourd'hui pour une abstention très critique : ce texte contient des améliorations, même si elles restent modestes, à une procédure de divorce aujourd'hui largement centrée sur la faute avec les effets destructeurs qu'on connaît ; les avancées relatives à la prestation compensatoire sont également réelles. Néanmoins, nous restons bien sceptiques sur les effets de la réforme, qui aurait mérité d'être beaucoup plus ambitieuse. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. - Mme Gisèle Printz applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Sylvie Desmarescaux.

Mme Sylvie Desmarescaux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi soumis à notre appréciation répond en grande partie aux attentes que nous avions formulées l'année dernière lors de l'examen de la proposition de loi relative à la réforme du divorce. C'est une grande satisfaction de constater que le travail des sénateurs est entendu et apprécié.

Réformer le divorce était devenu indispensable. Combien sont-ils dans notre entourage à se plaindre de procédures trop longues et trop coûteuses ou à regretter les effets d'une procédure engagée sur le fondement de la faute parce qu'aucune autre solution ne leur est offerte ?

Je me réjouis que cette réforme ne soit que la première étape de la politique nouvelle voulue par le Gouvernement en direction des couples et des familles, mais je m'interroge tout de même sur le morcellement du droit de la famille auquel nous assistons. Notre démarche ne manque-t-elle pas un peu de logique puisque nous discutons du divorce, alors même que les nouvelles règles relatives au mariage n'ont pas encore été définies ?

Mais revenons-en au texte. N'étant pas praticienne, les dispositions du projet de loi me semblaient, au premier abord, tout à fait correctes, en ce qu'elles allaient dans le sens que nous avions défini l'an dernier. Toutefois, à y regarder de plus près, certaines dispositions auront des conséquences graves, que je souhaiterais mettre en lumière.

Concernant le divorce pour altération définitive du lien conjugal, prenons garde à ce qu'il ne devienne pas une simple résiliation de contrat assortie d'un préavis de deux ans ! Simplification des procédures, oui, mais dans le respect des « références essentielles qui constituent le socle de notre société », à savoir l'engagement, la solidarité, la responsabilité.

Affirmer que le divorce met fin au devoir de secours entre époux dans tous les cas, c'est empêcher le défendeur à une procédure en divorce pour altération définitive du lien conjugal de demander à bénéficier d'une pension alimentaire. Mais que fait-on de l'institution du mariage ? Selon les articles 212 et suivants du code civil, les époux - on le répète souvent en tant que maire - se doivent fidélité, secours et assistance ; ils assurent ensemble la direction morale et matérielle de la famille et contribuent à proportion de leurs facultés respectives aux charges du mariage.

Ces obligations représentent tout autant des engagements des époux l'un envers l'autre que des décisions prises ensemble dans l'intérêt de la famille. Le divorce ne tire pas un trait définitif sur le passé et le couple, même séparé, doit continuer à assumer les conséquences de ses choix de vie. Nombre de personnes, essentiellement des femmes aujourd'hui âgées de quarante à cinquante-cinq ans, ont sacrifié leur carrière, en tout ou en partie, pour s'occuper des enfants, pour se consacrer à une personne handicapée, pour travailler dans l'entreprise familiale, ou tout simplement parce que la carrière de leur conjoint l'exigeait.

A quoi pourront-elles prétendre une fois le divorce prononcé ? D'un côté, elles sont trop âgées pour se réintégrer valablement sur le marché du travail et, de toute façon, elles sont trop âgées pour se constituer une retraite décente. D'un autre côté, elles sont en bonne santé et trop jeunes pour pouvoir prétendre à une prestation compensatoire fixée sous forme de rente viagère.

Que leur reste-t-il ? Une prestation compensatoire fixée sous forme de capital, dont le versement, la plupart du temps, est étalé sur huit ans. Affronter la vieillesse et la maladie dans ces conditions est impossible.

Je propose donc, en premier lieu, de supprimer cette limitation de durée de huit ans, et, en second lieu, de rétablir la pension alimentaire, sous contrôle du juge. La pension alimentaire n'est pas injuste, il s'agit non pas de gommer les disparités entre époux, mais de permettre aux plus démunis de subvenir à leurs besoins. La question est de savoir à qui revient cette charge : à celui qui s'y est engagé par le mariage, aux enfants, ou à la société ? Va-t-on réellement apaiser les débats en contraignant le parent démuni à poursuivre ses enfants en justice ?

Et qu'on ne me dise pas que la pension alimentaire induit une multiplication des recours contentieux en révision, alors que l'article 276-3 du code civil ouvre la possibilité pour le juge de réviser la prestation compensatoire fixée sous forme de rente ! De plus, comme il n'est pas toujours dans l'intérêt du défendeur de bénéficier d'une pension alimentaire, elle ne répondra finalement qu'à des situations résiduelles.

En tant que législateur, nous avons le devoir de protéger les plus faibles. Dans tous les autres domaines, la loi protège celui qui est susceptible d'avoir besoin d'elle, que ce soit le consommateur, le salarié, l'acheteur immobilier... et elle ignorerait la situation du conjoint démuni, malade ou handicapé !

Concernant la prestation compensatoire fixée sous forme de rente viagère, le projet de loi permet au débiteur de saisir le juge d'une demande de substitution d'un capital à tout ou partie de la rente ; « le montant du capital substitué prend notamment en compte les sommes déjà versées ».

Tout d'abord, il est demandé aux parlementaires d'adopter une telle disposition sans savoir quel sera le barème utilisé pour cette substitution. Ensuite, si l'on se réfère aux différents barèmes existants, et notamment au barème annexé au décret du 8 août 1989 fixant les modalités de conversion en capital d'une rente consécutive à un accident, on aboutit à des situations totalement inadmissibles pour celui à qui l'on a attribué la prestation compensatoire sous forme de rente viagère.

Prendre en considération le montant des sommes déjà versées conduit à anéantir tout droit du bénéficiaire. Imaginons, par exemple, que la demande de conversion soit faite alors que le mari verse, depuis dix-huit ans, à son ex-épouse âgée de soixante-dix-huit ans, une prestation compensatoire égale à 500 euros par mois. Elle a déjà perçu 108 000 euros, alors que le capital converti selon le barème sus-visé est égal à 31 650 euros. Devra-t-elle rembourser le trop-perçu ?

Je vous rappelle que la rente viagère ne peut être accordée qu'au seul créancier dont l'âge ou l'état de santé ne lui permet pas de subvenir à ses besoins et pour lequel aucune amélioration notable de sa situation financière n'est envisageable. Il s'agit donc bien d'une personne qui ne dispose d'aucune ressource et qui n'a aucun espoir d'en recevoir, à l'exception de la rente qui lui a été allouée !

Encore une fois, le législateur ne joue pas son rôle de protecteur s'il accepte la substitution de la rente viagère en capital en ces termes.

Enfin, je considère qu'il est du devoir des héritiers de prendre en charge le paiement de la prestation compensatoire, sachant qu'il leur est toujours possible de refuser la succession. Pourquoi faire du créancier de cette « dette » du défunt un créancier différent des autres ?

Pour terminer, je souhaiterais connaître les intentions du Gouvernement concernant la législation fiscale applicable au régime du capital et de la rente. Car s'il est de sa volonté d'encourager le versement d'un capital, il est nécessaire de prévoir des mesures fiscales allant dans ce sens. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Joly.

M. Bernard Joly. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les trois objectifs - simplifier, pacifier, protéger - affichés par les ministres concernés et repris largement marquent réellement cette troisième et, souhaitons-le, dernière réforme du divorce, du moins pour les années à venir.

Plusieurs socles ont permis des approches éclairées : le rapport de Mme Dekeuwer-Défossez et la proposition de loi de notre excellent collègue Patrice Gélard, rapporteur, qui a été enrichie des réflexions d'un groupe de travail réuni à la Chancellerie. De plus, une large concertation avec les associations familiales de toutes sensibilités ainsi qu'avec des représentants des pères divorcés a porté ses fruits. Ces derniers avaient d'ailleurs fait largement entendre leur mécontentement, leurs demandes n'étant pas suffisamment prises en considération, compte tenu de la nouvelle place qu'ils estiment tenir auprès de leurs enfants. Cette place serait gommée par le divorce et par le fait que la garde est trop souvent confiée à la mère.

De profondes évolutions sociologiques ont marqué ces dernières décennies. Les modalités de vie en couple font que le mariage intervient de plus en plus tard, que les situations de concubinage ou d'union libre sont en progression comme les naissances hors mariage. Les séparations n'ont plus le caractère dramatique et parfois infamant d'autrefois. Les femmes, le plus souvent victimes, ont acquis une autonomie croissante, notamment d'ordre économique, qui les rend moins vulnérables.

Néanmoins, et notre collègue Janine Rozier, au nom de la délégation du Sénat aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, l'a très bien souligné dans son rapport, si le taux d'activité des personnes âgées de quinze ans à soixante-quatre ans s'élève à 62,1 %, il est de douze points supérieur pour les hommes de la même tranche d'âge. Les écarts de salaires sont de 25 % environ en faveur de ces derniers et les pensions de retraites des femmes sont inférieures de 42 % à celles des hommes.

Les difficultés que ne manqueront pas de rencontrer les femmes divorcées qui, au terme d'une vie consacrée à la famille, se retrouvent à l'âge de la retraite avec de très faibles ressources, ont également été soulignées. La rente mixte peut apporter une réponse mieux adaptée.

Dans la mesure où le divorce reste l'échec d'une espérance et d'un projet soutenu à deux, il convenait, dans certains cas, et grâce à de nouvelles dispositions, de libérer les époux de l'obligation de produire des témoignages dégradants. D'une façon générale, il fallait dédramatiser les choses sans banaliser la démarche. Fallait-il, justement, supprimer la nécessité de six mois d'union pour introduire une procédure, fût-elle de consentement mutuel ? Cela me paraît faire abstraction de la solennité de l'engagement qui a été pris.

Le présent projet de loi interdit d'indiquer les motifs du divorce dans la requête initiale, tout comme il prévoit de séparer les conséquences du divorce et la réparation des torts afin d'éviter l'escalade des conflits. Toutefois, les torts exclusifs n'écartent pas systématiquement le bénéfice de l'obtention d'une prestation compensatoire. Il me semble que le prononcé pour ce motif sanctionne bien une faute constituée par la violation grave des devoirs et des obligations du mariage par l'un des époux.

Si l'obligation d'assistance est maintenue, elle n'en reste pas moins mal vécue par celui qui a subi des conditions de vie qui ont atteint son honneur, sa réputation et parfois sont intégrité physique. Je ne dis pas qu'il faille ouvrir droit à « réparation », mais peut-on à la fois être l'offensé et la main secourable envers celui qui est l'auteur des violences morales ou physiques ?

La fin de la transmissibilité de la rente aux héritiers du débiteur de la prestation apporte un certain apaisement. Ceux-ci ne sont plus personnellement tenus à son paiement que dans la limite de l'actif successoral. Je me pose cependant la question suivante : qu'adviendra-t-il si l'actif successoral est uniquement constitué d'un appartement dans lequel a été maintenu le membre du couple créancier, lorsque ce bien est vendu ? Je souhaiterais être éclairé à ce sujet.

Enfin, et j'ai déposé un amendement en ce sens, il me semble équitable que, en cas de remariage ou de toute autre forme de vie maritale du créancier, le bénéfice de la prestation compensatoire ou de la rente viagère s'éteigne.

L'actuel dispositif de la prestation compensatoire sous forme de rente viagère répond à la nécessité de ne pas faire supporter à la solidarité nationale ce qui revient à la solidarité familiale et au libre choix des conjoints. Toutefois, lier l'un des conjoints au devoir de solidarité vis-à-vis de la seconde famille du créancier, qui n'est pas la sienne, heurte le bon sens et la morale.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Et l'assurance vie !

M. Bernard Joly. En effet, dans le cas du maintien de la rente viagère après son remariage, le créancier cumule la prestation compensatoire avec le bénéfice juridique d'un nouveau devoir de secours, mais aussi avec les avantages des droits du conjoint survivant, le cas échéant. Je souhaite vivement voir adopter cette disposition au sein d'un texte qui vise à placer le divorce dans un cadre plus apaisant, plus souple, plus juste, et dont les délais soient plus rapides. Je remercie M. Michel Dreyfus-Schmidt de ses commentaires ! (Sourires. - Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur celles de l'Union centriste et de l'UMP.)

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cela prouve que je vous ai écouté !

M. le président. La parole est à Mme Michèle André.

Mme Michèle André. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en ce qui concerne le divorce, nous constatons une évolution lente : depuis la loi Naquet, en 1884, au divorce-sanction prononcé sur la faute de l'un des époux et qui a été maintenu parce qu'il répondait à une demande sociologique indéniable, ont été ajoutées, en 1975, deux autres possibilités : le divorce par consentement mutuel et le divorce pour rupture de la vie commune, qui correspondent aux hypothèses de séparation de fait des époux et d'altération des facultés mentales du conjoint après six ans de vie commune.

Cette loi avait également pour ambition de favoriser la conclusion d'accords entre époux en cours de procédure en ce qui concerne les enfants ainsi que la liquidation et le partage de la communauté. Le législateur s'était efforcé de regrouper le règlement définitif de tous les rapports entre époux, mais, convenons-en, la loi de 1975 n'a que partiellement atteint cet objectif : la progression des divorces par consentement mutuel n'a pas marginalisé le divorce pour faute, et celui-ci est loin d'être dédramatisé !

Dès son arrivée au gouvernement, Lionel Jospin avait annoncé son intention de réformer le droit de la famille afin de l'adapter aux évolutions des dernières décennies. Dans cette perspective, les rapports Théry et Dekeuwer-Défossez ont été respectivement remis à Elisabeth Guigou, alors garde des sceaux, en 1998 et 1999.

Ces travaux ont inspiré la loi relative aux droits du conjoint survivant, la loi relative à la dévolution du nom de famille, la réforme de la prestation compensatoire et la loi, importante, relative à l'autorité parentale. Je me félicite que le projet de loi qui nous est soumis n'ait pas remis en cause les dispositions de cette dernière loi, qui règle les conséquences du divorce ou de la séparation à l'égard des enfants.

S'agissant de la réforme du divorce, en 2002, sous la précédente législature, une proposition de loi du député François Colcombet, à laquelle plusieurs d'entre vous ont fait allusion, créait un véritable droit au divorce. La procédure de divorce pour faute était supprimée ainsi que le divorce pour rupture de la vie commune.

La demande en divorce d'un époux devait être fondée sur la rupture irrémédiable du lien conjugal. C'est le constat par le juge de cette rupture irrémédiable qui devait déterminer le prononcé du divorce.

Pour pacifier les relations entre les époux, le juge pouvait leur proposer de recourir à la médiation familiale. Il pouvait également prendre en compte l'existence de faits d'une particulière gravité liés à des violences pouvant donner lieu à dommages et intérêts. Des mesures de protection pouvaient être mises en place avant la demande et au cours de la procédure pour les victimes de violences.

Le divorce sur requête conjointe était supprimé et remplacé par le divorce par consentement mutuel. Une seule audience devant le juge était nécessaire, sauf si ce dernier constatait la survivance de difficultés ou de désaccords.

A titre personnel, je considérais que si cette forme de divorce répondait à l'attente d'une partie de nos concitoyens, elle ne répondait pas à l'ensemble des situations. Il me paraissait prématuré de passer directement de la loi de 1975 à cette forme de divorce ; une étape intermédiaire était souhaitable.

Le projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui reprend sur le fond le texte adopté par notre assemblée en février 2002, qui s'inspirait de la proposition de loi de M. Colcombet.

Je ne comprends pas, monsieur le ministre, si ce n'est pour revendiquer un droit de paternité sur ce texte, pourquoi vous n'avez pas tout simplement poursuivi la navette, réduisant ainsi de deux ans les délais d'entrée en vigueur d'une réforme très attendue par nos concitoyens, alors que vous déclarez aujourd'hui l'urgence. (Très bien ! sur les travées du groupe socialiste.)

Votre texte reprend schématiquement l'organisation actuelle des quatre causes de divorce, situation typiquement française. Il a pour ambition de dédramatiser le divorce et de responsabiliser les époux qui se séparent. Qui s'en plaindrait ?

Le divorce par consentement mutuel est simplifié. Le choix de cette forme de divorce nécessite que les époux s'entendent tant sur le principe de la séparation que sur ses conséquences.

Le contrôle traditionnel du juge est maintenu et porte, au-delà du caractère libre et éclairé du consentement des époux, sur l'équilibre de la convention pour chacun d'eux et la préservation de l'intérêt des enfants.

Dans le cadre de ce type de divorce, monsieur le ministre, le projet de loi ne fait pas obligation aux époux d'avoir chacun leur avocat. Ils peuvent, comme aujourd'hui, prendre un avocat commun. L'avocat unique ne nous paraît pas être une solution totalement satisfaisante. En effet, lorsqu'il faut résoudre des problèmes concernant les enfants, le partage des biens patrimoniaux, le calcul et les modalités de versement de la prestation compensatoire, il peut être difficile pour l'avocat unique de concilier les intérêts des deux époux. Nous vous proposerons un amendement rendant obligatoire l'assistance d'un avocat pour chacune des parties.

A ce sujet, monsieur le ministre, je tiens à insister sur la nécessité de procéder à une réforme en profondeur de l'aide juridictionnelle, comme le proposait votre prédécesseur Marylise Lebranchu. Il est fondamental de garantir l'égalité de tous devant la justice. Je souhaiterais connaître vos intentions sur ce point.

Les innovations sont plus importantes en ce qui concerne le divorce pour acceptation du principe de la rupture du mariage. Le projet consiste à donner sa juste place à ce divorce, dans toutes les hypothèses où les époux s'accorderont sur le principe du divorce et sur l'ensemble des conséquences à en tirer.

Le divorce pour altération définitive du lien conjugal est l'innovation majeure du projet de loi. Il englobera l'ancien divorce pour rupture de la vie commune et pour altération des facultés mentales.

Ainsi est instauré, comme le proposait François Colcombet, un véritable droit au divorce, sous la condition soit d'un délai de deux ans de séparation de fait avant le dépôt de la requête, soit d'une suspension de la procédure de dix-huit mois, après l'audience de conciliation.

Le défendeur ne pourra plus opposer à la demande en divorce l'exceptionnelle dureté résultant pour lui du prononcé du divorce. Par ailleurs, à la différence de l'actuel divorce pour rupture de la vie commune, ce cas de divorce est traité comme les autres pour ce qui concerne les conséquences financières ; le devoir de secours disparaît. Nous serons sous le régime de la prestation compensatoire.

S'agissant du délai, François Colcombet n'exigeait pas de séparation préalable pour introduire la requête initiale en divorce. Toutefois, le juge devait, en cas de contestation par l'époux défendeur du caractère irrémédiable de la rupture du lien conjugal, renvoyer la cause à une nouvelle audience dans un délai compris entre quatre et huit mois.

Mme Dekeuwer-Defossez préconisait, dans un premier temps, un délai de trois ans, puis elle avait reconnu qu'un délai de deux ans paraissait finalement adapté. C'est ce dernier délai qui a été retenu dans le projet de loi. Nous y sommes favorables, en espérant que, dans quelques années, nous pourrons le supprimer purement et simplement et - pourquoi pas ? - nous rapprocher du droit anglais, où la déclaration du demandeur, pourvu qu'elle soit répétée et persistante, suffit à conduire au prononcé du divorce.

Le mode de calcul de ce délai me paraît, en revanche, compliqué et peu lisible. Notre groupe vous proposera un amendement tendant à retenir, plus simplement, une période de deux années précédant l'assignation en divorce.

Je souhaite que cette forme de divorce se développe pour, à terme, réduire à un rôle résiduel le divorce pour faute maintenu par ce texte.

Comme les associations de lutte contre les violences conjugales, je considère qu'il est nécessaire, dans un premier temps tout au moins, de conserver ce type de procédure, notamment dans les cas de violence, afin de permettre à l'époux victime de se reconstruire grâce à une reconnaissance judiciaire.

Nous vous soumettrons un amendement tendant à substituer à la qualification de divorce « pour faute » celle, plus exacte, moins archaïque et moins stigmatisante, de divorce « pour manquement aux obligations du mariage ». C'est non pas seulement de la sémantique, mais bien le souci de traiter les époux en adultes responsables.

Cela n'empêche pas de dire notre attachement à la notion de violations renouvelées de l'article 242 du code civil.

S'agissant des mesures urgentes requises par l'intérêt de la famille, le projet de loi complète utilement l'article 220-1 du code civil, en prévoyant que, lorsque les violences exercées par un époux mettent en danger son conjoint, un ou plusieurs enfants, le juge peut statuer sur la résidence séparée des époux en précisant lequel des deux continuera à résider dans le logement conjugal. Sauf circonstances particulières, le logement familial est attribué au conjoint qui n'est pas l'auteur des violences. Nous proposerons, toutefois, afin de limiter les risques d'erreur, que cette procédure soit contradictoire.

Le texte précise également que les mesures sont caduques si aucune requête en divorce ou en séparation de corps n'a été déposée dans les trois mois. Ce délai nous paraît court. Il faut accorder à l'époux victime de violences, le plus souvent la femme, un délai de réflexion et de protection plus long avant de prendre une décision de séparation. Nous proposerons de porter ce délai à six mois.

S'agissant de la prestation compensatoire, nous nous félicitons que le projet de loi ne remette pas en cause la loi de 2000 et prévoie simplement de remédier à certaines de ses imperfections. Afin de mieux protéger les femmes âgées, nous suggérerons de faire figurer parmi les éléments dont le juge doit tenir compte pour fixer la prestation compensatoire les choix professionnels faits par un époux en faveur de la carrière de l'autre.

Comme la proposition de François Colcombet, le projet de loi fait une plus large place à la médiation, qui figurera désormais parmi les mesures provisoires susceptibles d'être prescrites par le juge.

A ce sujet, je me réjouis du développement de la médiation familiale ces dernières années. Elle permet d'accompagner les couples dans leurs difficultés familiales et de favoriser la réflexion avec l'aide d'un tiers spécialisé. Elle peut contribuer à atténuer les effets dramatiques du divorce.

Aujourd'hui, de nombreuses associations offrent un service sérieux et professionnel aux familles. Mais il faut l'encadrer davantage. Il est nécessaire de l'organiser, de fixer des conditions de diplômes, après avoir assuré une formation dans les domaines psychologique et juridique. Je souhaiterais, monsieur le ministre, connaître vos intentions en ce domaine.

En conclusion, ce texte constitue, après vingt-huit ans, une étape vers un divorce plus simplifié, et, espérons-le, plus pacifié, afin que la raison prenne le pas sur la passion et les excès au moment de la rupture d'une vie commune pour tous ceux qui sont concernés : hommes, femmes, enfants ou proches.

Le sort réservé à nos amendements déterminera le sens de notre vote final. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Fauchon. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste.)

M. Pierre Fauchon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l'occasion de l'examen de ce texte en première lecture, il convient de souligner les mérites de notre collègue Patrice Gélard (M. Philippe Nogrix applaudit), non seulement pour son rapport, qui a bien éclairé la commission des lois, ainsi que l'ensemble du Sénat sur cette question si délicate du divorce, mais aussi et peut-être surtout parce que le présent texte procède assez directement des précédentes délibérations du Sénat sur le même sujet, délibérations dans lesquelles il était intervenu de la manière la plus pertinente dans les mêmes fonctions de rapporteur.

Nous nous réjouissons, du même coup, de la qualité du texte qui nous est proposé par le Gouvernement.

Il convient aussi de ne pas oublier que la grande réforme intervenue dans ce domaine, naguère si conflictuel...

M. Jean-Jacques Hyest. Tout à fait !

M. Pierre Fauchon. ... - on a un peu oublié le climat des années soixante-quinze -, était due à l'initiative du président Giscard d'Estaing (Ah ! sur les travées du groupe socialiste) et a été conduite par le gouvernement de Jacques Chirac et son ministre de la justice, Jean Lecanuet (Nouvelles exclamations sur les travées du groupe socialiste), avec l'aide technique très précieuse du doyen Carbonnier,...

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Et de vous-même !

M. Pierre Fauchon. ... qui vient de nous quitter, ce qui représente une perte pour le monde du droit.

Ayant été associé de très près, à titre personnel, aux travaux parlementaires de l'époque, on comprendra que j'aie à coeur de rappeler les mérites de cette grande réforme de société. A l'époque, il fallait quelque courage pour proposer cette réforme en dépit de l'opposition de personnalités de premier plan, parmi lesquelles figurait M. Jean Foyer lui-même. (M. Michel Dreyfus-Schmidt s'exclame.)

Pour en venir au présent texte, disons immédiatement qu'il satisfait des objectifs louables par des moyens qui nous semblent dans l'ensemble adéquats. Sa caractéristique la plus remarquable est l'humanisme qui l'inspire : chaque règle est conçue pour que le divorce soit plus simple, moins dramatique, moins conflictuel, au total plus juste pour les époux comme pour leurs enfants et leurs ayants droit.

C'est ainsi que nous approuvons les nouvelles mesures relatives à la généralisation des prestations compensatoires sous forme de capital, ainsi que le système de prestation compensatoire. M. le rapporteur a affirmé ce matin, en commission, qu'il était fondamentalement différent du système des pensions alimentaires, qu'il ne fallait pas les confondre, et que la notion de prestation compensatoire répondait mieux aux données actuelles du divorce.

Dans cet esprit, nous souhaitons que le Gouvernement mette tout en oeuvre pour que le juge ne laisse effectivement qu'une place subsidiaire aux rentes viagères. La loi précédente avait déjà cet objet, mais force est de reconnaître que les juges ne l'ont pas toujours entendu ainsi.

Nous saluons également la fin de la transmissibilité de ces prestations aux héritiers du débiteur et, par-dessus tout, les passerelles mises en place pour permettre aux époux d'opter à tout moment de la procédure pour un divorce plus consensuel. Il faudra absolument que les magistrats veillent à faire jouer ces passerelles le plus souvent possible.

Ce projet de loi est marqué par la volonté de minimiser les phases contentieuses, ce qui est excellent. Cette volonté ressort clairement du fait que l'introduction de la requête ne nécessite plus l'indication des motifs de divorce. En effet, cette requête correspond à une phase de conciliation pendant laquelle les époux doivent, autant que possible, essayer de se comprendre. Ainsi, le projet de loi repousse le moment de l'articulation des griefs, qui est le déclencheur des conflits entre les époux ; tous les praticiens ici présents le savent. C'est en effet à partir du moment où les époux commencent à formuler par des écrits officiels leurs reproches et à les faire valoir devant le juge que la situation s'envenime irrémédiablement. Quel avocat n'a pas connu ce qu'il peut y avoir d'artificiel dans la formulation des griefs ?

C'est ainsi que l'on passe d'un constat de mésentente et d'échec, non exempt d'une certaine compréhension, à une confrontation agressive, aux conséquences néfastes tant pour les époux que pour les enfants qui assistent à ce triste spectacle et en font souvent les frais.

En retardant l'énoncé des griefs, le Gouvernement apporte donc une réelle amélioration, et nous l'en félicitons.

Nous participerons activement à ce débat en vous soumettant certains amendements qui nous tiennent à coeur et qui trouvent leur fondement dans la sensibilité qui nous est propre.

En premier lieu, nous souhaitons que le délai requis pour caractériser la rupture définitive du lien conjugal soit bien de deux ans, c'est-à-dire que deux années se soient écoulées avant l'invocation de cette cause de divorce.

Je sais bien que nous avons adopté un mécanisme, que j'ai cru pouvoir appeler « l'avance à l'allumage ». Evidemment, c'est l'assignation qui ouvre réellement le contentieux. Par conséquent, je m'incline. Mais si l'on réduisait les délais, on tendrait à rapprocher cette procédure d'une pure et simple répudiation, ce qui, pour le moment, n'est pas dans notre esprit.

Comme vous l'avez dit, monsieur Gélard, il faut être évolutif dans cette affaire, comme sont évolutives les moeurs de notre société. Les situations ne sont plus du tout les mêmes que voilà vingt ou trente ans, ne serait-ce que parce que les couples ne sont plus obligés de se marier. A partir du moment où ils ont opté pour cette institution, il est normal que les formalités de rupture du mariage comportent une certaine solennité. De ce point de vue, je suis tout à fait réservé sur les formules de simplification qui feraient du divorce une simple formalité. Etant donné que nul n'est obligé de se marier, même pour fonder une famille, il n'y a pas de raison de transformer la rupture du mariage en une simple formalité. Cela me parait être une fausse piste.

En outre, il ne nous paraît pas superflu de maintenir la clause d'excessive dureté autorisant le juge à rejeter la demande de divorce sur ce fondement, compte tenu des conséquences graves pour les enfants ou le conjoint qui n'est pas demandeur. Si cette disposition a peu de chance de prospérer, il nous semble néanmoins que, dans certaines situations dramatiques, cette sécurité n'est pas tout à fait inutile.

Il s'agira également de revenir sur la présence de deux avocats dans la procédure de divorce par consentement mutuel. En effet, il nous semble que le choix d'un avocat unique ne soit pas tout à fait pertinent (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste), et ce pour plusieurs raisons.

En premier lieu, il est contraire à la mission fondamentale et au tempérament d'un avocat d'apporter son concours à deux personnes qui sont en situation conflictuelle.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien !

M. Pierre Fauchon. L'avocat est un défenseur, un combattant, ce n'est pas un médiateur !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien !

M. Pierre Fauchon. La présence de deux avocats permet seule de garantir l'équilibre.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien !

M. Pierre Fauchon. En deuxième lieu, l'avocat joue très souvent, en pratique, un rôle d'aide psychologique pour ses clients en facilitant l'analyse de la situation et en envisageant les perspectives d'avenir.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien !

M. Pierre Fauchon. Il est douteux qu'il puisse le faire d'une manière réellement équilibrée pour deux parties opposées.

Enfin, en troisième lieu, la présence de deux avocats n'est pas nécessairement de nature à aggraver le climat conflictuel : le professionnalisme confraternel joue son rôle et permet, au contraire, dans bien des cas, une coopération active et positive entre les praticiens.

Quoi qu'il en soit, la commission, dans son immense sagesse, a adopté sur cette question une solution intermédiaire fondée sur la confiance faite au juge de pressentir le caractère artificiel d'un accord apparent et d'obliger les parties à s'assurer chacune d'un avocat personnel. (M. Michel Dreyfus-Schmidt s'exclame.) Espérons que cette solution se révélera satisfaisante. Mais j'ai quelques doutes sur ce point.

Sur d'autres questions, nous rejoignons la position de la commission des lois et de notre collègue Patrice Gélard : il s'agit, par exemple, du rétablissement de la référence aux atteintes renouvelées aux obligations du mariage pour caractériser la faute.

De même, il nous semble essentiel d'affirmer formellement la nécessité du respect du système contradictoire dans la procédure de séparation de résidence à la suite de violences conjugales. Même l'auteur d'un acte inadmissible a le droit d'être entendu pour tenter de s'expliquer et d'être compris.

Enfin, il est peut-être regrettable que la proposition de notre excellent collègue Nicolas About concernant les mariages forcés n'ait pu être approuvée par la commission. Il nous semble qu'il y a tout de même là un vrai problème, auquel il conviendrait de trouver une solution appropriée.

Renouvelant notre approbation au Gouvernement et l'espoir de voir quelques-uns de nos amendements - sinon tous ! - adoptés, j'exprime le soutien du groupe de l'Union centriste à ce texte. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste.)

M. Michel Dreyfus-Schmidt. On voit qu'il y a urgence !

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest. (Applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP.)

M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme Pierre Fauchon l'a rappelé tout à l'heure, à l'évidence, la volonté permanente du législateur, depuis la loi de 1975, est de dédramatiser le divorce et d'en régler définitivement les conséquences lors de son prononcé.

A cet égard, la loi de 1975 avait constitué une innovation considérable, et la notion de rupture de la vie commune avait été difficilement acceptée par certains. Bien sûr, il existait déjà une possibilité qu'utilisaient les brillants avocats, à savoir la séparation de corps, puis la conversion en divorce.

M. Pierre Fauchon. Au bout de trois ans !

M. Jean-Jacques Hyest. Cela allongeait en effet les délais. On arrivait, certes, au terme de la procédure, mais c'était quand même plus compliqué.

En réalité, le législateur essaie de suivre toujours la même voie. Certaines procédures n'ont pas été beaucoup utilisées, à l'image de la rupture de la vie commune, qui représente à peu près 1 % des divorces. Finalement, malgré toutes les dispositions qui ont été prises en ce qui concerne le divorce par consentement mutuel, le nombre de divorces pour faute demeure extrêmement important.

Nous sommes donc saisis à nouveau d'un texte de loi sur le divorce. Parmi les nombreux travaux d'experts réalisés, je citerai ceux qui ont été conduits par la commission constituée par le Gouvernement. A la fin de la précédente législature, le 21 février 2002, nous avons débattu de la proposition de loi portant réforme du divorce, texte qui avait été examiné avec la plus grande attention par le Sénat. Il est vrai - et il faut en féliciter le rapporteur - qu'il y a une continuité entre ce que nous avons voté en 2002 et ce qui nous est proposé aujourd'hui.

Des raisons profondes justifient que le divorce pour faute subsiste. D'ailleurs, ceux-là mêmes qui voulaient le supprimer s'étaient rendu compte que la faute était réintroduite dans certains cas, notamment en matière de violences conjugales graves. Cela démontre bien que les violations graves ou répétées des devoirs du mariage doivent avoir des conséquences particulières. Autrement, et c'était l'inquiétude de certains - cette inquiétude s'était d'ailleurs déjà manifestée en 1975 avec la notion de rupture de la vie commune - on risquait d'aboutir à un « divorce-répudiation ». Pourquoi alors avoir institué le mariage dans le droit civil et pour quelle raison le maire doit-il déclarer que les époux se doivent mutuellement fidélité, secours et assistance ? A l'évidence, le non-respect des obligations du mariage doit engendrer des conséquences.

Néanmoins, le mariage évolue, les conditions de vie se modifient, ne serait-ce que la progression de l'égalité professionnelle, et le nombre de divorces par consentement mutuel ou de divorces demandés et acceptés augmente. Dans les autres cas, il faut, bien entendu, comme vous le proposez, monsieur le ministre, favoriser la médiation à tout moment.

Dans ce projet de loi, il n'est pas question de la situation des enfants, sujet sur lequel nous avons délibéré longuement. Il faut absolument régler les conditions matérielles de la liquidation de la situation le plus tôt possible ; j'insiste sur ce point. On n'y arrive pas tout à fait, parce que c'est compliqué, mais le projet de loi va dans ce sens, ce qui est extrêmement positif.

De même, la dissociation des conséquences financières de l'attribution des torts fera sans aucun doute diminuer l'intérêt que certains avaient à demander le divorce pour faute. Ce sont des évolutions et une pacification qui devraient produite leurs effets.

Certains voudraient casser le thermomètre pour faire baisser la fièvre (M. Michel Drefus-Schmidt s'exclame), mais, en fait, ce n'est jamais le cas. Si des personnes veulent engager une procédure, surtout si elles ont chacune un avocat extrêmement actif, il est évident que cela continuera. Il y aura toujours des gens qui voudront, à l'occasion du divorce, régler un contentieux ancien. Il faut en tenir compte, mais de nombreux progrès ont tout de même été accomplis dans ce domaine.

Vous me permettrez, en tant que rapporteur de la loi de 2000 relative à la prestation compensatoire en matière de divorce, de faire quelques observations.

D'abord, je me réjouis que, malgré les requêtes persistantes de ceux qui voudraient d'une prestation compensatoire dont on pourrait se décharger assez vite, en oubliant d'ailleurs dans quelles conditions elle est attribuée au moment du divorce, le projet de loi ne remette aucunement en cause les principes. Madame Demarescaux, je suis désolé de devoir vous rappeler qu'il s'agit non pas d'une pension alimentaire - on ne va pas revenir à ce qui se passait avant la loi de 1975 ! - mais bien d'une prestation compensatoire et qu'il faut favoriser autant que faire se peut le versement en capital.

L'obligation de secours doit en effet cesser à partir du moment où le divorce est définitivement prononcé. Si l'obligation de secours perdurait, il s'agirait de tout autre chose, et on pourrait, quarante ou cinquante ans après le divorce, demander qu'il soit tenu compte de l'évolution de la situation des ex-époux.

Je sais bien que certains étaient attachés à la pension alimentaire et estiment même que la prestation compensatoire sous forme de rente est hypocrite et qu'elle est un artifice. (M. Michel Dreyfus-Schmidt acquiesce.) Je ne le crois pas, et je rappelle quand même que, lorsque la loi de 2000 a été votée, des dispositions fiscales plus favorables au versement en capital, notamment au versement échelonné, ont été adoptées, alors que les dispositions antérieures encourageaient le versement d'une rente viagère.

Je sais bien qu'un certain nombre de cas posent problème mais je crois que la prestation compensatoire ne doit être versée qu'exceptionnellement sous forme de rente viagère, tout en approuvant, bien entendu, qu'il soit tenu compte de la situation des femmes qui se sont consacrées à l'éducation de leurs enfants, souvent en aidant leur conjoint dans sa profession, et qui se trouvent démunies lorsque ce dernier pense pouvoir aller chercher ailleurs son bonheur.

Bien entendu, il faut pouvoir leur accorder une compensation sous la forme d'une rente viagère.

Certes, au moment de la retraite, une pension de réversion est souvent attribuée, au prorata de la durée de mariage, et cela peut représenter des ressources non négligeables.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est déductible !

M. Jean-Jacques Hyest. Les précisions et simplifications apportées par ce projet de loi me conviennent. Je m'interroge toutefois, monsieur le ministre, en ce qui concerne la transmissibilité de la prestation aux héritiers.

Il est précisé que la transmissibilité reste dans la limite de l'actif, mais rien n'interdisait auparavant aux héritiers de refuser la succession si l'actif n'était pas suffisant pour payer la prestation. On peut le préciser dans la loi, mais tout le monde sait qu'il vaut mieux accepter certains héritages sous bénéfice d'inventaire, même en dehors de toute prestation compensatoire ! Il est en effet toujours possible que des dettes soient découvertes. C'était donc déjà une sage précaution, même si la situation paraissait brillante, car on découvrait parfois des choses étonnantes, en cas de décès de ses parents notamment.

En revanche, il reste le problème du calcul. En effet, si la rente viagère est prescrite dans les situations que j'évoquais, pour des raisons liées notamment à l'âge, à la maladie ou au fait de ne pas avoir pu travailler, comment tenir compte des rentes déjà versées pour fixer le capital ? Je sais bien que nous sommes là dans le domaine réglementaire, mais recourra-t-on à une méthode de capitalisation ou de conversion ?

Il ne faudrait tout de même pas que le capital soit réduit à néant sous prétexte que la personne a vécu très longtemps, ce qui, à la limite, risque d'être le cas.

Il faut être attentif à ce point. Je souhaiterais donc, monsieur le ministre, que vous puissiez nous préciser les conditions dans lesquelles la conversion en capital sera opérée.

On sait faire la conversion d'un capital en une rente, mais il faudra définir les modalités de la conversion d'une rente en capital, lorsqu'une rente a été payée pendant plusieurs années.

Je considère, monsieur le ministre, que ce projet de loi est tout à fait opportun. Il constitue une avancée significative pour faire en sorte que les divorces soient moins source de contentieux sur le plan moral mais aussi sur le plan financier et, bien entendu, pour éviter que les enfants n'en soient les victimes.

Ce texte, qui me paraît s'inscrire dans la continuité de la législation qui a été votée depuis une trentaine d'années, devrait accueillir une large adhésion sauf de la part de ceux qui sont particulièrement attachés à l'héritage. J'ai ainsi entendu l'une de nos collègues communistes nous expliquer que l'héritage était une chose merveilleuse, alors que, pour moi, cela n'est jamais qu'une espérance, une potentialité.

Monsieur le ministre, je ne doute pas que notre assemblée, qui avait déjà voté à une très large majorité les propositions de la commission des lois en 2002, fera de même en ce qui concerne ce texte. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Serge Lagauche.

M. Serge Lagauche. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la modernisation et la simplification de nos procédures de divorce sont attendues par nos concitoyens. Si ce projet de loi va globalement dans le bon sens, je regrette néanmoins que l'architecture des procédures de divorce reste compliquée. Le texte qui nous est proposé garde, en effet, quatre procédures de divorce, alors que la proposition Colcombet n'en comportait plus que deux.

Si le divorce pour faute est maintenu - pour notre part, nous préférons l'expression de divorce pour manquement aux obligations du mariage -, les conséquences financières du divorce seront désormais dissociées des torts, ce que nous approuvons totalement, puisque c'est un élément essentiel vers la « pacification » des procédures de divorce.

Pour autant, si l'on veut que cette réforme ait une chance d'atteindre son objectif, qui est d'apaiser, dans la mesure du possible, le climat des divorces et de limiter le divorce pour faute aux cas les plus graves, un effort pédagogique important d'information et d'explication devra être mené, tout particulièrement entre le dépôt de la requête et l'introduction de l'instance, s'il n'a pas été mis en oeuvre auparavant.

La demande d'une meilleure information du justiciable exprimée par notre collègue Janine Rozier est une constante forte de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entres les hommes et les femmes ; elle renouvelle celle que j'avais déjà formulée, en tant que rapporteur sur le texte de 2001, et qui visait à mettre à la disposition de nos concitoyens des guides pratiques récapitulant les garanties dont disposent les époux et des schémas expliquant clairement le déroulement et l'articulation des procédures.

Contrairement à M. Fauchon, le groupe socialiste défend un véritable droit au divorce fondé sur le constat commun de l'échec du couple. C'est pourquoi nous vous proposerons d'instituer un divorce administratif dans des cas limités : pour les couples mariés depuis moins de cinq ans, sans enfants mineurs ni bien immobilier, et dans lesquels chacun exerce une activité professionnelle.

Il existe un effet générationnel dans la conception du divorce : les jeunes générations trouvent le divorce pour faute dépassé et les différentes procédures inadaptées au constat commun de l'échec d'un mariage relativement récent lorsque les conséquences matérielles de l'après-divorce sont limitées et les conséquences familiales inexistantes.

Concernant les situations de violences conjugales - situations dont, dans une forte majorité, la victime est la femme -, je note avec satisfaction que le texte reprend le dispositif prévu dans la proposition de loi de 2001 et permet ainsi à une épouse victime de violences conjugales de saisir le juge pour obtenir la résidence séparée du couple et la jouissance exclusive du domicile conjugal. Nous considérons que c'est une mesure essentielle de protection des victimes.

Reprenant l'une des recommandations du rapport de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes pour la proposition de loi Colcombet, nous proposons de faire passer le délai de mise en oeuvre de cette mesure de protection d'urgence de trois à six mois. Il nous semble en effet indispensable de laisser aux femmes victimes de violences conjugales, physiques et/ou orales, plus de temps pour « se retourner » avant d'être en mesure de se lancer dans une procédure de divorce, en somme pour « reprendre leur souffle » s'agissant de situations personnelles particulièrement compliquées et éprouvantes, les femmes victimes de violences au sein de leur couple se trouvant bien souvent sous l'emprise psychologique de leur conjoint.

Je mesure les réserves du rapporteur de la commission des lois sur le dispositif d'éviction du domicile du conjoint violent qui prévoit que, si celui-ci n'obtempère pas, une procédure d'expulsion devra être engagée, un délai de deux mois pour le recours à la force publique s'appliquant. Mais l'allongement du délai que nous proposons permettra, même après un passage en foyer par exemple, à la femme de regagner son domicile, son cadre de vie habituel avant l'engagement de la procédure. Cette perspective peut être, dans certains cas, un élément facilitant la prise de décision.

Nous estimons également que la mise en danger d'un conjoint ou d'un ou plusieurs de ses enfants est suffisante pour mettre en oeuvre cette mesure urgente de protection et qu'il n'est nul besoin d'exiger qu'ils soient mis « gravement » en danger. Par contre, nous considérons, tout comme la commission des lois, que la procédure doit être contradictoire et nous faisons d'ailleurs une proposition en ce sens.

Toujours dans les cas de violences conjugales, je m'interroge sur le soin laissé au juge d'apprécier l'opportunité d'une médiation entre l'époux violent et sa victime. Nous avions eu ce débat lors de la première lecture de la proposition de loi Colcombet, l'interdiction du recours à la médiation dans ces cas précis étant une revendication forte des associations d'aide aux victimes de violences conjugales. Personnellement, je partage l'avis de ces dernières sur l'impossibilité de la médiation, car elle ne reviendrait qu'à entériner une relation de dominant à dominé, préjudiciable non seulement à un règlement équilibré du divorce, mais également à la reconstruction psychologique de la victime. L'emprise et la menace que représente l'ex-conjoint ne permettent pas une solution à l'amiable.

La violence conjugale relève non pas du conflit, mais du délit : il s'agit donc, non pas de trouver un arrangement par le biais de la médiation, mais de condamner des comportements qui ont violé le droit à la liberté, à l'intégrité physique et psychique d'une personne.

Les violences conjugales recouvrent un processus construit qui amène l'un des conjoints à totalement dominer l'autre, à systématiquement le contraindre. Progressivement, la victime peut sombrer, à force de violences physiques, morales, sexuelles, de privations de toutes sortes, de manipulations, de stratégies d'isolement, soit dans le silence et l'indicible, soit dans des comportements d'excitation majeure, en tout cas dans une spirale de honte et de culpabilité. Rien n'ayant jamais été dit, aucun acte condamné, la loi jamais rappelée, la victime pense qu'elle est responsable du comportement de son conjoint. Nous devons avoir présente à l'esprit cette dimension psychologique tout à fait particulière à ces situations.

Dans cette perspective, il est essentiel de conserver, à l'article 242 du code civil, les deux aspects de la violation des devoirs et obligations du mariage : grave ou renouvelée. Les termes de « violation renouvelée » sont indispensables pour lutter contre l'emprise psychologique, le harcèlement moral.

L'emprise psychologique peut conduire aussi, dans la pratique, à un consentement extorqué : certaines femmes, tout particulièrement celles qui sont victimes de violences, souhaitant prioritairement fuir le despotisme conjugal.

Aussi, les recommandations faites en 2001 de lancer des campagnes de communication sur l'ampleur et la gravité des violences conjugales, afin, d'une part, de rompre le sentiment d'isolement et le silence des femmes, et, d'autre part, d'adapter l'appareil d'analyse statistique des divorces au recensement et à la détection des faits constitutifs de violences conjugales, restent d'actualité.

Enfin, soucieux de l'équilibre économique des conséquences du divorce, en particulier pour les femmes qui ont abandonné leur emploi ou n'ont pas exercé d'activité professionnelle et qui, par conséquent, auront peu ou pas de pension de retraite, nous présenterons des amendements concernant la prestation compensatoire. Nous souhaitons, notamment, que les choix professionnels faits par une épouse, pas seulement au motif de l'éducation des enfants, mais également en faveur de la carrière de l'autre, puissent être pris en compte par le juge pour la fixation du montant de la prestation compensatoire.

En conclusion, ce projet de loi ne va pas, selon moi, assez loin, même s'il marque indéniablement un progrès dans la modernisation de la procédure tout en précisant le dispositif qui permet à l'époux victime de violences de saisir le juge avant même toute requête en divorce.

Permettez-moi d'ajouter, mes chers collègues, que j'ai trouvé très constructives les suggestions de M. Patrick Gélard, rapporteur de la commission des lois. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Christian Demuynck.

M. Christian Demuynck. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la réforme aujourd'hui soumise à la Haute Assemblée s'insère dans le cadre plus général d'une modernisation et d'une refonte du droit de la famille prenant place dans le vaste chantier ouvert par le Gouvernement pour simplifier et clarifier notre législation.

Après diverses réformes ponctuelles, au premier rang desquelles on trouve la loi du 30 juin 2000 relative à la prestation compensatoire, le présent projet de loi adapte les dispositions sur le divorce aux évolutions de la société française. Elle est d'ailleurs très attendue par un grand nombre de nos concitoyens concernés par cette procédure, comme en témoignent les chiffres, puisque, bien qu'en baisse, le divorce touche tout de même 113 000 couples par an.

Par ailleurs, la législation en vigueur, qui est issue de la loi du 11 juillet 1975, appelle des modifications.

Nous connaissons actuellement quatre cas de divorce : le divorce pour rupture de la vie commune, le divorce pour faute, le divorce sur demande conjointe et le divorce demandé par un époux et accepté par l'autre.

Ainsi, la loi de 1975 prévoyait un divorce « à la carte » adapté à la pluralité des situations pouvant être rencontrées.

Mais, malgré les statistiques apparemment satisfaisantes du système actuel, puisque 52 % des divorces prononcés le sont par consentement mutuel, la pratique a mis en exergue divers aspects négatifs de notre législation qui rendent la situation insatisfaisante.

Premièrement, les détournements de procédure sont fréquents. Par exemple, la procédure pour faute reste largement employée. En 2001, elle représentait 38,5 % des cas prononcés directement. Or elle est souvent motivée par des considérations opportunistes, d'ordre procédural ou financier, ce qui a pour conséquence directe d'accentuer le climat négatif au sein des familles. Les conflits peuvent aboutir à de véritables guérillas, organisées autour du rassemblement des preuves contre l'ex-conjoint, contexte très néfaste, particulièrement pour les enfants.

Il en va de même du divorce pour rupture de la vie commune, qui est demeuré très marginal, puisque moins de 1,3 % des divorces étaient, en 2001, prononcés à l'issue de cette procédure. Cette situation résultait en particulier du délai de séparation requis, qui était d'au moins six ans, ainsi que des conséquences pour le demandeur, à savoir un maintien du devoir de secours et une prise en compte intégrale de la charge financière de la procédure.

Des difficultés existent aussi dans le cas du divorce demandé par un époux et accepté par l'autre, puisque l'autre époux peut refuser de donner son accord, ne pas comparaître, ou encore se rétracter, ce qui a pour conséquence le renvoi de la procédure à son stade initial.

Enfin, malgré la loi du 30 juin 2000, le problème de la prestation compensatoire continue à se poser avec une particulière acuité. D'une part, cette dernière reste souvent attribuée sous forme de rente. D'autre part, la jurisprudence a rendu la révision éventuelle de cette prestation quasiment impossible, ce qui n'a pas manqué de générer des situations injustes.

Enfin, la transmissibilité passive de la prestation aux héritiers du débiteur en cas de décès fait l'objet d'une critique importante, puisqu'elle peut aboutir à ce qu'une seconde épouse et ses enfants soient tenus de continuer à verser une rente viagère à une première épouse, sans tenir compte des conditions financières, d'une part, et du degré de proximité avec cette dernière, d'autre part. La loi du 30 juin 2000 a certes atténué les effets de la législation, mais elle n'a pas réglé certains problèmes, notamment celui de la transmissibilité passive de la prestation compensatoire.

Si l'on couple à cette liste non exhaustive les grandes évolutions de notre société depuis les lois de 1975, notamment en ce qui concerne le statut de la femme, sa place au sein du couple ainsi que l'augmentation exponentielle du nombre de divorces - de 30 000 par an dans les années soixante, on est passé à 120 000 en 1995 -, on ne peut que reconnaître qu'une réforme était devenue hautement nécessaire.

Le projet dont nous débattons revêt, au-delà de ses dispositions purement techniques, une importance symbolique particulière, car le corollaire de la procédure de divorce, c'est l'institution du mariage. Réformer le divorce, c'est ainsi toucher à la conception même du mariage dans notre société.

Je suis donc heureux, monsieur le ministre, que le texte que vous nous soumettez soit la résultante de plusieurs années de réflexion et de concertation sur ce thème. En effet, votre réforme a pour but de simplifier, de moderniser la législation, mais aussi les procédures, sans toutefois les faciliter de façon outrancière, ce qui rejaillirait immanquablement sur la perception sociale du mariage.

La première réussite de ce projet de loi réside donc dans son équilibre réformateur et, sur ce point, il est particulièrement important de souligner, monsieur le ministre, que vous n'introduisez pas, comme il a été parfois demandé, la facilité des procédures par voie administrative ou la suppression du divorce pour faute.

Votre réforme s'articule autour de trois grands axes.

Premièrement, vous maintenez le pluralisme des cas tout en les modernisant. Par exemple, le divorce pour rupture de la vie commune est remplacé par le divorce pour altération définitive du lien conjugal, qui sera prononcé après le constat par le juge d'une séparation depuis au moins deux ans, contre six ans actuellement.

Deuxièmement, la volonté d'apaiser et de rationaliser les procédures en les rendant moins conflictuelles trouve sa traduction dans l'instauration de certains mécanismes : une comparution unique pour les divorces par consentement mutuel remplace ainsi les deux comparutions actuellement prévues et un tronc commun au divorce contentieux est mis en place, ce qui permettra de passer d'une procédure très conflictuelle à une procédure plus douce qui privilégie la conciliation.

Enfin, dans le cadre du divorce par acceptation du principe de la rupture du mariage, il ne sera plus possible de revenir sur le principe de rupture, une fois l'accord donné.

Le dernier grand axe développé par votre projet de loi concerne le traitement des conséquences avec, notamment, l'assouplissement du dispositif relatif à la prestation compensatoire, ainsi que la protection accentuée de l'époux victime. Pour ce qui touche à la prestation compensatoire, la législation sera notamment modifiée en matière de transmissibilité passive, puisque les héritiers du débiteur ne seront désormais, en cas de décès de ce dernier, redevables que dans la limite de l'actif successoral, à moins que ces derniers n'en décident autrement.

De plus, les modalités de versement de la prestation, sous forme de rente viagère ou de capital, seront assouplies afin de mieux prendre en considération la diversité des situations, ainsi que leurs variations dans le temps.

En matière de protection de l'époux victime, notamment, de violences conjugales, le texte prévoit le versement de dommages et intérêts, ainsi que la possibilité pour l'époux victime de saisir le juge afin d'obtenir la résidence séparée du couple et la jouissance exclusive du domicile conjugal, et ce avant même d'introduire une procédure de divorce.

Enfin, la liquidation du régime patrimonial, dès le prononcé du divorce, est favorisée par l'injonction faite aux époux de fournir une proposition de règlement des intérêts pécuniaires dès la demande introductive d'instance, sous peine d'irrecevabilité.

Votre projet, monsieur le ministre, est donc équilibré. Fruit de concertations, il s'inscrit largement dans la perspective simplificatrice et modernisatrice affichée par le Gouvernement.

Néanmoins, permettez-moi de souligner certains points sensibles du projet de loi, tels que la disparition de la clause d'exceptionnelle dureté ou la suppression du devoir de secours.

Il convient également de porter une attention particulière au problème de la prestation compensatoire, notamment à la possibilité de substitution d'un capital à la rente viagère, qui pourra désormais être demandée, à tout moment, par le débiteur et par ses héritiers.

Cette possibilité, certes souhaitable, n'est pas sans présenter des risques pour certaines femmes ayant consacré leur vie à l'éducation de leurs enfants. Disposant de droits à la retraite très faibles, cette rente constitue leur principale source de revenus. Elles pourraient dès lors être fragilisées.

Pour toutes les raisons que je viens d'exposer, monsieur le ministre, je ne peux que vous féliciter de votre action, notamment en termes de clarification, de simplification et de modernisation - ô combien nécessaire ! - de notre législation, au vu de l'imbroglio juridique qui caractérise aujourd'hui notre droit. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne risque pas, après mon intervention, de souffrir d'un torticolis ! Je pourrais, en effet, ne regarder que la gauche de l'hémicycle !

Mme Paulette Brisepierre. Regardez par ici !

M. Christian Demuynck. Et nous alors ?

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Proportionnellement, la gauche est nettement plus représentée que la droite dans ce débat !

M. Jean Chérioux. Voilà un début de discours bien indécent ! Si c'est votre seul argument, c'est lamentable !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Ce n'est pas un argument, mon cher collègue, c'est une constatation !

M. Jean-Marie Poirier. C'est trop facile !

M. Claude Estier. Dites à vos collègues d'être plus nombreux !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Monsieur Chérioux, je constate que je vous donne, lors de chacune de mes interventions, le plaisir de hurler !

M. le président. Veuillez poursuivre, madame Cerisier-ben Guiga !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Mes chers collègues, ce projet de loi s'inscrit dans une continuité qui, depuis quarante ans, vise à faire en sorte que le mariage, mieux adapté à l'évolution de la vie des femmes et aux conséquences qui en découlent pour les hommes, ne se termine pas, presque une fois sur deux, par un divorce souvent conflictuel et ruineux.

Mon intervention s'articulera selon trois axes.

Le premier axe concerne la nécessité d'introduire de la souplesse dans nos procédures de divorce.

L'adoption d'amendements est nécessaire pour que la loi qui résultera de nos travaux soit aussi adaptée que possible à la diversité des situations que l'on observe aujourd'hui au sein de la population française, où coexistent des générations et des milieux sociaux dont la conception et le vécu du mariage ne présentent que peu de similitudes.

Quoi de commun en effet entre le divorce de femmes de plus de soixante ans, éduquées dans l'esprit familialiste du baby boom, qui n'ont pas eu accès à la contraception - ou si difficilement, rappelez-vous -, qui considéraient comme un devoir de sacrifier leur carrière à celle de leur mari, et le divorce de femmes de quarante ans qui n'ont eu qu'un ou deux enfants, une fois la trentaine passée et leur situation professionnelle consolidée ?

Par ailleurs, force est de constater que les femmes âgées de plus de cinquante ans et inactives sont très pénalisées par le présent texte. Certains des amendements que nous avons déposés visent à remédier à cette situation.

Quoi de commun encore entre le divorce d'un couple disposant de hauts revenus, où l'épouse peut garder un train de vie décent avec ses seules ressources, et le divorce le plus répandu, celui qui touche une famille à bas revenus ou à revenus moyens, où l'épouse s'est laissée tenter par les mirages du congé parental, a perdu toute qualification professionnelle - si tant est qu'elle en ait jamais eu une ? Les membres de cette famille vont, après un divorce, sombrer dans la misère et dans l'exclusion sociale. (M. Robert Badinter applaudit.)

Ce n'est pas un hasard si, aujourd'hui, les gros bataillons de pauvres en France sont constitués de femmes seules avec enfants.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Absolument !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Les conséquences matérielles et morales de ces divorces, en particulier pour les enfants, ne sont pas suffisamment prises en compte dans ce texte.

Le deuxième axe de mon intervention porte sur l'inégalité entre les femmes et les hommes devant le divorce.

La crise du mariage est née, je le rappelle, de l'accès des femmes à une plus grande autonomie financière, à une meilleure formation scolaire et professionnelle, à la liberté de décider d'avoir ou non des enfants, à l'accès, enfin, « à l'égalité et à la dignité de sujet de droit », selon l'expression d'Irène Théry.

Ces révolutions combinées ont mis fin à l'acceptation féminine de la relation inégalitaire et hiérarchique entre l'époux et l'épouse sur laquelle reposait le mariage.

Trop peu d'hommes, y compris parmi les jeunes, ont vraiment assimilé cette révolution.

Combien de violences conjugales dans les milieux sociaux les plus huppés naissent, par exemple, du fait qu'un mari ne supporte pas que sa femme ait une vie professionnelle ou, pire, qu'elle réussisse et que ses gains soient supérieurs aux siens ?

Combien de violences sont, dans d'autres milieux, appelées « corrections », car un mari « à l'ancienne » corrige sa femme comme on corrige un enfant ?

Il en résulte ce paradoxe que les femmes sont plus nombreuses que les hommes à demander le divorce, soit parce que la vie conjugale ne correspond pas à leurs attentes, soit parce qu'elle met leur intégrité morale et physique en danger.

Or, du fait des maternités, ce sont bien les femmes qui sont le plus impliquées dans la vie familiale et dans les travaux domestiques. En effet, elles assurent seules 80 % des tâches ménagères. Par ailleurs, leurs revenus sont plus faibles que ceux des hommes, comme le démontrent toutes les statistiques qui ont été faites sur l'inégalité des revenus d'activité et sur le montant des retraites. Ce sont elles qui connaîtront les conditions de vie les plus difficiles après la séparation voire, si elles avaient déjà de bas revenus, la misère.

Tant que l'évolution des esprits masculins n'aura pas permis de combler le fossé entre les nouvelles attentes des femmes en ce qui concerne la vie conjugale et des archaïsmes persistants, le nombre de divorces ira croissant. Ils resteront conflictuels et les femmes continueront à les aborder en position d'infériorité, surtout si elles sont peu instruites, peu qualifiées, âgées ou psychologiquement dominées, victimes de violences morales et physiques répétées.

Dans le souci d'être « politiquement corrects », nous pouvons certes gommer l'inégalité des sexes dans le mariage et face au divorce par l'emploi d'un vocabulaire asexué - ne dit-on pas « créditeur », « débiteur » de la pension compensatoire, par exemple ? Toutefois, de nombreux amendements, malheureusement rejetés en commission, sont nécessaires pour que la loi permette de remédier à des inégalités persistantes. Il faut modifier, par exemple, les dispositions relatives aux actes de violences, au domicile ou à la prestation compensatoire, sous peine de voir s'aggraver des injustices déjà insupportables et de nuire par ricochet à l'intérêt des enfants.

Enfin - c'est le troisième axe de mon intervention - je pense que la contractualisation du lien conjugal pourrait venir au secours de l'institution du mariage que les Français aiment, à laquelle ils sont attachés, même s'ils la fragilisent par leurs pratiques.

Je rappelle que, du temps de Molière, quand un père décidait de marier ses enfants, il n'était question, au moins sur la scène, que de faire venir un notaire pour établir le contrat. La cérémonie religieuse était passée sous silence. Tout indique en effet que l'aspect contractuel du mariage n'a pas toujours été aussi en retrait par rapport à l'aspect institutionnel qu'il l'est aujourd'hui.

Naguère, dans les familles bourgeoises - j'ai connu ce temps -, les familles veillaient aux intérêts à venir des jeunes mariés inconscients en négociant un contrat de mariage chez le notaire.

Ne pensent aujourd'hui au contrat notarié que ceux qui ont été échaudés par un divorce conflictuel et ruineux, faute de contrat.

Pourquoi ne pas encourager les jeunes futurs mariés à recourir au contrat notarié lors de la préparation au mariage ?

M. Jean Chérioux. Il n'y a pas beaucoup d'amour dans tout cela !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Au cours de nos débats, tout en cherchant à simplifier et à dédramatiser les procédures, il me semble que nous ne devrions pas oublier qu'un divorce est une rupture du contrat défini par les articles 203 à 226 du code civil.

Personne n'est obligé aujourd'hui de souscrire un tel contrat. La cohabitation juvénile, le concubinage, le PACS, toutes les options sont ouvertes, et tant mieux ! Raison de plus pour agir de façon aussi responsable dans le mariage qu'en union libre.

Je ne vois pas en quoi ce serait affaiblir l'institution du mariage que de rappeler que ce contrat, signé solennellement devant l'officier d'état civil, a au moins autant de valeur et que sa rupture doit être aussi bien encadrée que celle d'un bail locatif ou d'une police d'assurance.

Il me semble, et je sais que cela peut paraître étonnant, qu'au moment du mariage les futurs époux devraient être amenés à réfléchir sur les engagements qu'ils prennent mutuellement et envers leurs enfants, ainsi que sur les conditions dans lesquelles ils pourront les rompre. Au lieu d'écouter distraitement M. ou Mme le maire leur lire quelques extraits du code civil, qu'ils prononcent eux-mêmes solennellement le texte de ces articles ! Cela aiderait les hommes et les femmes à prendre conscience que l'égalité des sexes a fait passer le mariage dans un autre registre, celui d'un lien librement consenti, juridiquement solide, réellement réciproque, bref, un vrai contrat.

Je reviendrai, au cours de la discussion des amendements, sur les aspects particuliers du mariage et du divorce entre conjoints de nationalités différentes, situation de plus en plus répandue que les lois internes, les accords bilatéraux et internationaux encadrent mal, sans parler de jurisprudences souvent aberrantes.

Faisons donc un effort de simplification ! Efforçons-nous de trouver des procédures plus justes et plus rapides, adaptables à la diversité des situations.

N'oublions pas toutefois pas que nous légiférons pour des personnes qui, le plus souvent, traversent une épreuve douloureuse qui génère des mesquineries, des égoïsmes, des lâchetés et des cruautés que Balzac n'aurait pas imaginés. Sachons que tout dépendra, in fine de la compétence, du savoir-faire, de l'humanité et du bon sens des magistrats et des avocats qui accompagneront les conjoints dans cette épreuve. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Danièle Pourtaud, dernier orateur inscrit.

Mme Danièle Pourtaud. Je suis effectivement la dernière oratrice ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, sans aller, comme Eric-Emmanuel Schmitt dans sa pièce de théâtre Petits crimes conjugaux, jusqu'à affirmer : « Quand vous assistez à un mariage, demandez-vous lequel des deux époux assassinera l'autre » (Sourires sur les travées du groupe socialiste), il faut néanmoins reconnaître qu'il était indispensable de moderniser la procédure de divorce en France, essentiellement pour la pacifier.

Cet épisode malheureux de la vie de couple concerne chaque année environ 230 000 de nos concitoyens et concitoyennes et, comme en 1975, date de la précédente réforme, il est devenu nécessaire d'adapter la loi à l'évolution de la société.

Disons-le d'emblée, je regrette votre choix, monsieur le ministre, d'avoir enterré la proposition de loi, présentée par mon ancien collègue et ami François Colcombet, adoptée en première lecture, au début de l'année 2002, par les deux assemblées.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce n'est pas le choix de M. Jacob !

Mme Danièle Pourtaud. Si vous l'aviez reprise, vous auriez pu gagner du temps, répondre un an plus tôt aux demandes de nos concitoyens et éviter ainsi de déclarer l'urgence, ce qui, s'agissant d'un texte aux implications aussi complexes, n'est certainement pas une bonne chose.

Votre projet de loi reprend toutefois pour l'essentiel l'excellent travail de notre ancien collègue, en créant un véritable droit au divorce. Nous ne pouvons que nous en féliciter.

Il suffit de lire les témoignages repris par la presse ce matin pour constater que la loi de 1975 n'a pas permis de dédramatiser une procédure trop longue et souvent trop coûteuse qui, malgré la progression du nombre des divorces par consentement mutuel - 57 % des divorces en 2000 -, laisse encore une place prépondérante au divorce pour faute prononcé dans plus de 42 % des cas. Cette dernière procédure, nous le savons, tend à envenimer les relations entre les époux, tout en prenant les enfants en otage, alors que, dans la moitié des cas de divorce pour faute, le juge statue en partageant les torts.

J'évoquerai, rapidement, faute de temps, plusieurs aspects positifs du texte.

Tout d'abord, pour limiter le recours systématique au divorce pour faute, il est instauré un divorce pour altération définitive du lien conjugal. Désormais, il suffira de prouver, pour obtenir le divorce, qu'il y a eu cessation de la communauté de vie durant deux ans.

Ensuite, pour réduire les délais et préserver les chances de conciliation, est créé un tronc commun pour les trois procédures de divorces contentieuses - sur demande acceptée, pour altération définitive du lien conjugal et pour faute - permettant de changer de procédure, sans revenir à la case départ.

Enfin, pour éviter que les questions financières ne soient au coeur de la procédure, elles en seront détachées comme l'est déjà le sort des enfants depuis la loi de 1975. Cette disposition devrait elle aussi permettre de limiter le recours abusif au divorce pour faute et d'assainir les relations entre époux.

Au-delà de ces avancées, monsieur le ministre, je tiens à émettre deux réserves avant de vous poser quelques questions.

Première réserve : le groupe socialiste, je le rappelle, n'a jamais été favorable au maintien du divorce pour faute, qui perpétue dans notre République un principe moral judéo-chrétien et rétablit une pratique archaïque selon laquelle l'époux fautif était répudié. Fidèles à une conception laïque de la République, nous proposons au minimum une requalification de cette procédure en manquement aux devoirs du mariage.

Deuxième réserve : pourquoi ne pas aller au bout de la reconnaissance du droit au divorce en le rendant réellement facile et gratuit pour les couples qui, d'un commun accord, reconnaissent, dans les premières années de leur mariage, avoir fait une erreur ?

Au total, 20 000 couples se séparent chaque année dans les cinq ans qui suivent leur mariage. Pour répondre à ces situations de moins en moins marginales, il serait sans doute opportun, lorsqu'il n'y a ni biens communs ni enfants à charge, d'instaurer ce que l'on pourrait appeler un « divorce administratif », avec une procédure minimale, prononcé par le maire à la mairie. Voilà qui faciliterait beaucoup les relations entre époux et soulagerait les tribunaux ! Si cette proposition ne recueille pas la majorité, il nous semble pour le moins indispensable, toujours pour les couples sans enfants et sans biens dont les deux époux travaillent, de prévoir une procédure simplifiée, avec un passage devant le juge, sans la présence d'un avocat.

Je vous poserai maintenant une question, monsieur le ministre, sur le renforcement de la médiation familiale en cas de divorce contentieux. Nous sommes évidemment favorables à cette disposition. En effet, même si elle n'efface pas les conflits au sein du couple, elle permet de les surmonter pour construire au mieux l'avenir, surtout celui des enfants. Je souhaite néanmoins que vous m'apportiez des garanties sur la création, à laquelle le Gouvernement s'est engagé, d'un conseil supérieur de la médiation familiale. Par ailleurs, allez-vous mettre en place, comme le prévoyait le gouvernement de Lionel Jospin, un statut du médiateur et une formation correspondante ?

Enfin, en qualité de vice-présidente de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, je suis particulièrement attentive à la situation des femmes. Il ne me paraît pas souhaitable, comme l'ont d'ailleurs souligné mes collègues, de se limiter à un seul avocat dans le cas du divorce par consentement mutuel. Il n'est pas rare que l'une des parties, le plus souvent l'épouse, n'ait aucune idée du patrimoine réel de son conjoint. En cas de léger désaccord ou de malentendu, il me paraît nécessaire que chaque époux puisse bénéficier des conseils de son propre avocat et de son soutien pour défendre ses intérêts. Il serait par ailleurs nécessaire de réviser les conditions de l'octroi de l'aide juridictionnelle. J'espère que M. Perben y pensera à la faveur d'un prochain texte.

Mais je ne saurais conclure sans aborder le cas des femmes victimes de violences. La société française a reçu un choc en découvrant que six femmes mouraient chaque mois sous les coups de leur conjoint ; selon l'enquête nationale sur les violences envers les femmes et les familles, une femme sur dix est victime de violences conjugales.

Bien sûr, les femmes peuvent porter plainte, et le code pénal a déjà armé les tribunaux ; mais, dans ces moments dramatiques, l'accueil et l'écoute des victimes ainsi que la rapidité des mesures de protection, qui sont essentiels, sont encore, dans bien des cas, peu satisfaisants.

Le gouvernement de Lionel Jospin avait souhaité que les magistrats ainsi que les forces de police et de gendarmerie soient formés à l'accueil des victimes de violences. Pouvez-vous, monsieur le ministre, faire le point de la situation ?

Par ailleurs, il est essentiel de protéger le plus rapidement possible les victimes qui, il faut bien le reconnaître, sont dans la plupart des cas des femmes. Combien d'entre elles supportent jusqu'au drame des violences répétées parce qu'elles ne veulent pas quitter leurs enfants, ou leur appartement, ou les deux ?

La proposition de loi Colcombet avait constitué une réelle avancée en donnant au juge civil la possibilité d'écarter le conjoint violent du domicile conjugal pour trois mois ; au-delà, et en l'absence de procédure de divorce, ces mesures devenaient caduques. Vous reprenez ces dispositions ; nous ne pouvons que les approuver, en formulant cependant deux réserves.

Au sein de la délégation aux droits des femmes, mon collègue Serge Lagauche et moi-même avions, à l'époque, beaucoup insisté pour que la durée de ces mesures provisoires soit portée à six mois. Nous reprenons cette proposition dans l'un de nos amendements. En effet, les victimes, souvent très éprouvées, ont besoin de temps pour se détacher psychologiquement du joug de leur conjoint et, à plus forte raison, pour le faire définitivement en engageant une procédure de divorce.

Par ailleurs, pour éviter les fausses déclarations, les accusations infondées qui peuvent briser une vie, il faut préserver les droits de la défense et prévoir une procédure contradictoire. Nous défendrons également un amendement sur ce point.

Enfin, je suis convaincue que, pour lutter contre ce grave fléau, il faut agir sur les mentalités et les comportements. Il me semble nécessaire, monsieur le ministre, que le Gouvernement reprenne l'initiative de grandes campagnes d'information sur les violences, comme celle que notre collègue Michèle André avait menée en son temps. Pouvez-vous nous rassurer sur les intentions du Gouvernement en la matière ?

Monsieur le ministre, mes chers collègues, nous espérons que ce texte, nécessaire pour les Françaises et les Français, pourra enfin voir le jour et que vous saurez faire preuve d'esprit d'ouverture en acceptant nos amendements, pour que nous puissions le voter. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Christian Jacob, ministre délégué. Je répondrai brièvement aux différents intervenants, puisque nous aurons l'occasion de revenir sur les divers sujets lors de la discussion des amendements.

Je voudrais tout d'abord m'associer, à l'instar de M. le garde des sceaux, aux remerciements que nombre d'entre vous ont adressés à Patrice Gélard et à l'ensemble des membres de la commission des lois pour le travail qu'ils réalisent depuis près de deux ans maintenant et pour la contribution importante des sénateurs, notamment pour l'implication personnelle de M. Gélard.

Au-delà de celles qui ont déjà été prises en compte dans la rédaction du projet de loi, j'ai noté quelques-unes des remarques concernant la nécessité des dommages-intérêts - bien qu'ils ne relèvent pas, effectivement, du seul domaine du symbole, mais doivent être à la hauteur du préjudice - et la médiation familiale.

Mme Rozier a exprimé ses craintes à propos de la simplification, sans oublier la souffrance matérielle et morale. A la lecture du texte, et compte tenu des enrichissements qu'apporteront les amendements, elle peut être rassurée sur ce sujet. De plus, les modifications proposées pour la prestation compensatoire permettront de conjuguer souplesse et protection du conjoint.

Madame Gautier, dans le même souci de ne pas risquer de marginaliser les femmes, la possibilité de maintenir la rente viagère dans des cas exceptionnels permet de prémunir des conséquences financières du divorce le conjoint qui serait le plus exposé socialement.

Madame Josiane Mathon, vous avez déploré que le débat sur la déjudiciarisation ait été occulté et tronqué. Il n'a pas été occulté, il n'a pas été tronqué : il a été tranché, certes dans le sens que vous ne souhaitiez pas, mais de façon très nette, puisque nous nous sommes très clairement opposés à cette déjudiciarisation.

Au demeurant, mesdames, messieurs les sénateurs de l'opposition, vous avez été nombreux à refuser la notion de divorce pour faute et, dans le même temps, comme Mme Cerisier-ben Guiga, à mettre l'accent - légitimement - sur les violences conjugales. Or, l'une des raisons du maintien du divorce pour faute réside précisément dans la protection contre les violences conjugales. Il est certes possible d'intervenir au pénal, mais il serait tout de même un comble que le divorce ne puisse être demandé au titre des violences conjugales !

M. Jean-Jacques Hyest. Oui !

M. Christian Jacob, ministre délégué. Madame Desmarescaux, il est clair que, dans notre esprit, l'altération définitive du lien conjugal n'a rien d'une répudiation : c'est le constat objectif que, de fait, il n'y a plus de raison de maintenir le mariage.

La suppression du devoir de secours permet de clarifier les conséquences du divorce - c'était l'un des objectifs que nous nous étions fixés -, de la même façon que la modification de la prestation compensatoire permet une plus grande souplesse tant dans la fixation de son montant que dans les possibilités de révision.

Monsieur Bernard Joly, si un logement appartient en propre à un créancier, il n'entre évidemment pas dans la succession à la mort du débiteur ! En fait, à la fois le débiteur et le créancier passeront devant le notaire avant de passer devant le juge !

Madame André, la possibilité d'avoir deux avocats, bien entendu, existe, et elle est d'ailleurs souvent utilisée. Vous souhaiteriez la rendre obligatoire. Les associations familiales, mais aussi un grand nombre de professionnels du droit avec lesquels j'ai été en contact, estiment au contraire qu'une plus grande souplesse est nécessaire : dans un divorce par consentement mutuel, à partir du moment où les deux conjoints se mettent d'accord sur le choix d'un avocat commun, je ne suis pas persuadé qu'il faille leur imposer une contrainte supplémentaire.

Vous m'avez également interrogé sur la médiation familiale, et vous souhaitiez savoir quand le diplôme d'Etat serait créé. Il est en place : je l'ai dit au cours de la discussion générale, le décret a été publié le 9 décembre dernier. Un arrêté complémentaire sera pris afin de préciser les heures de formation consacrées à la psychologie, au droit, à la sociologie, etc.

Monsieur Fauchon, dans le cas des divorces pour altération définitive du lien conjugal, un accord quasi unanime s'est dégagé sur un délai de procédure de deux ans.

Monsieur Hyest, vous avez évoqué la transmission aux héritiers de la prestation compensatoire. Or, vous l'avez souligné vous-même, le fait d'accepter la succession sous réserve d'inventaire permet d'assurer la protection des héritiers. Peut-être des améliorations rédactionnelles sont-elles encore souhaitables - pour ma part, je n'y suis pas opposé -, mais nous y reviendrons lors de l'examen des amendements.

M. Serge Lagauche a insisté sur la question de la médiation familiale et des violences conjugales. Là aussi, je crois que l'on ne pouvait pas être plus clair que je ne l'ai été dans mon intervention liminaire : la médiation n'intervient pas dans les cas de violences conjugales, qui relèvent du juge, et c'est un point de vue que tout le monde partage.

Monsieur Christian Demuynck, les conditions de la transmissibilité doivent, bien entendu, permettre de respecter la diversité des situations, tout le monde en est d'accord, et c'est en tout cas dans cet esprit qu'a été rédigé le projet de loi et que M. le garde des sceaux s'est engagé sur les modifications relatives à la prestation compensatoire.

J'en viens au contrat de mariage, madame Cerisier-ben Guiga. Comme un certain nombre d'entre vous, je suis maire et, comme vous, je sais à quel point il est nécessaire de maintenir un divorce pour faute : en aucun cas ne doit être instauré un divorce administratif relevant de la compétence du maire. Au demeurant, c'est au notaire, et non au maire, qu'il appartient d'établir le contrat de mariage ! Le contraire serait un non-sens !

Madame Pourtaud, vous m'interrogez sur la création du Conseil national de la médiation familiale. Mais il existe déjà, il est en place, et nous nous sommes largement inspirés de ses travaux pour préparer le décret du 9 décembre dernier.

Je regrette d'ailleurs, je le dis très cordialement, que, compte tenu des différentes propositions que vous nous avez faites, vous n'ayez trouvé en cinq ans ni le temps ni le ministre pour défendre un projet tel que celui-là ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Danièle Pourtaud. Il y a tout de même eu la proposition de loi Colcombet, qui a fait l'objet d'une lecture devant chaque assemblée !

M. Christian Jacob, ministre délégué. Nous, en dix-huit mois, nous avons réussi à le faire. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

Rappel au règlement

 
 
 

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour un rappel au règlement.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le garde des sceaux, nous vous souhaitons une bonne année, et nous sommes ravis que vous soyez de nouveau parmi nous. Nous avons en effet été inquiets à votre sujet. Il nous a été annoncé tout à l'heure, par la voix de M. le président, que le Gouvernement demandait l'urgence sur ce projet de loi.

Mes chers collègues, nous sommes en train d'écrire le code civil ! Le projet de loi est un texte délicat, il soulève des problèmes difficiles, et nous ne pouvons que protester contre cette manière de procéder : il n'est pas raisonnable de demander l'urgence sur un texte visant à modifier le code civil et, je le répète, nous regrettons que cela ait été fait.

Monsieur le garde des sceaux, vous êtes revenu au moment où nous nous apprêtions à demander la suspension de nos travaux parce qu'il ne nous paraissait pas possible de nous passer de vous.

Nous avons eu l'occasion d'apprécier vivement M. le ministre délégué à la famille, qui, tout à l'heure, a consacré son intervention à la médiation familiale, ce qui se comprend parfaitement, et qui nous a confirmé qu'un décret avait été publié. Nous aurions pu l'interroger sur le coût d'une médiation familiale. En effet, lorsque nous demandons l'intervention de deux avocats, le rapporteur nous oppose que cela reviendrait trop cher à l'aide juridictionnelle ; or il est évident que les médiateurs ne sont pas gratuits non plus, puisque le même rapporteur mentionne, pour cinq séances, le coût de 1 000 euros. Des explications doivent donc être fournies sur ce point.

Sur l'ensemble du texte, maintenant, de véritables problèmes demeurent, monsieur le ministre. On joue sur les mots en opposant le caractère indemnitaire que revêt la prestation compensatoire depuis la loi de 1975 au caractère véritablement alimentaire de la rente viagère annuelle, dont tout le monde convient qu'elle ne peut pas être supprimée : le conjoint se trouve parfois dans une situation telle qu'il est impensable de ne pas compenser les années passées à se sacrifier pour les enfants ou pour l'époux.

La loi du 30 juin 2000 relative à la prestation compensatoire en matière de divorce représentait déjà un progrès.

M. Jean-Jacques Hyest. Oui !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il a alors été admis qu'il fallait pouvoir réviser la prestation compensatoire et qu'il n'était plus possible de s'en tenir à son caractère purement indemnitaire ni de régler une fois pour toutes les conséquences du mariage et du divorce, comme on avait prétendu le faire en 1975.

M. René Garrec, président de la commission. Eh oui !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. M. le rapporteur nous indique que la chancellerie ne peut pas nous fournir de statistiques sur l'application par les tribunaux de la loi de 2000. Nous savons seulement que 60 % des demandes de révision auraient été acceptées - ce qui n'est déjà pas mal ! Peut-être les autres n'étaient-elles pas justifiées ? Nous aimerions tout de même pouvoir tirer les leçons de cette loi, qui est toute récente, avant de la modifier profondément ! En effet, ceux qui continuent à protester parce que les héritiers - en particulier la deuxième femme et les enfants du deuxième lit - seraient obligés de payer ne tiennent pas compte du fait qu'il est désormais possible au débiteur comme aux héritiers de demander, pour le capital, la modification des modalités et, pour la prestation compensatoire sous forme de rente viagère, la révision, la suppression ou la diminution.

Il faut constater les résultats de l'application de la loi avant de se montrer révolutionnaire au point de réclamer que les héritiers ne soient plus tenus par les dettes dont ils héritent en même temps que de l'actif. On ne peut pas avoir le beurre et l'argent du beurre !

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Dreyfus-Schmidt !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. J'en ai presque terminé, monsieur le président !

En ce qui concerne le capital, il est évident que, s'il est payé immédiatement, on n'en parle plus ; mais il est tout aussi évident que celui qui aura obtenu la faveur de ne le payer qu'en huit ans ou même plus et qui prétend que la dette s'éteigne à sa mort sera avantagé sur celui qui l'aura réglé immédiatement. Au contraire, le débiteur est lésé, et il n'y a plus de justice !

De même, il est très facile pour le débiteur qui veut éviter tout problème à ses enfants, y compris issus d'un deuxième lit, de souscrire une assurance vie pour capital ou rente viagère.

Tels sont les éléments que je voulais apporter pour montrer que ce projet de loi mérite un large débat, mérite une navette, mérite que nous en discutions sérieusement et non pas d'une manière politique, avec un vote automatique de la part du Sénat, comme celui-ci en prend malheureusement trop souvent l'habitude.

Il ne suffit pas d'annoncer une loi pour qu'elle soit adoptée ; il ne suffit pas non plus, monsieur le garde des sceaux, que vous désigniez un groupe de travail, dont j'ai demandé que l'on veuille bien me communiquer la composition...

M. Patrice Gélard, rapporteur. Je croyais qu'il avait fini !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. ... et dont a d'ailleurs fait partie - je le lui ai dit en commission, je peux le répéter en séance - celui qui, ayant déjà rapporté la loi de 2000 devant le Sénat, était naturellement appelé à rapporter également ce projet de loi et qui se sent prisonnier, il a bien voulu nous le confier, des travaux auxquels il a participé.

M. Jean Chérioux. Non, il n'a pas dit cela !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est en substance ce qu'il a dit !

M. Patrice Gélard, rapporteur. Je n'ai jamais dit cela !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce n'est pas à un groupe de travail qu'il revient de faire la loi, c'est au Parlement et, pour l'instant, au Sénat. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, monsieur Dreyfus-Schmidt.

La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Dominique Perben, garde des sceaux. S'agissant de la déclaration d'urgence, je sais que ce texte est important et qu'il est attendu depuis très longtemps par nos concitoyens. Certains de vos amis politiques, monsieur Dreyfus-Schmidt, avaient déjà essayé, pendant la législature précédente, de faire aboutir un texte sur ce sujet ; mais je ne reviens pas sur ces considérations historiques.

Dès ma prise de fonction, j'ai effectivement demandé que soit constitué un groupe de travail composé de parlementaires, d'avocats, de magistrats.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. De la majorité !

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Monsieur le sénateur, il me semble qu'il appartient au ministre d'organiser son travail comme la bonne préparation des textes lui paraît l'exiger !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Et à nous d'en penser ce nous voulons !

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Absolument ! Il s'agit là du rôle de l'exécutif, il ne s'agit en rien du travail du Parlement ! Ne mélangeons pas les choses.

Si je souhaite m'entourer de l'avis de quelques parlementaires, c'est de ma responsabilité, et seulement de la mienne. Que les choses soient claires ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.) Il s'agit là du travail de préparation de l'exécutif, auquel je peux décider d'associer tel ou tel parlementaire si je le souhaite. Ne mélangeons pas les choses !

Mme Danièle Pourtaud. Cela méritait d'être dit !

M. Dominique Perben, garde des sceaux. De même, il est tout à fait normal que je demande à mon collègue Christian Jacob de me suppléer pendant deux heures dans cette enceinte lorsque je suis retenu par d'autres obligations. Cela relève également de l'organisation du travail gouvernemental.

En ce qui concerne la déclaration d'urgence, le texte qui nous occupe, monsieur Dreyfus-Schmidt, est très consensuel, même si j'ai bien compris que vous aviez des réserves sur tel ou tel point ; ce n'est pas moi qui le dis, ce sont des observateurs extérieurs. Je pense donc qu'il serait dommage de renvoyer l'application des dispositions de ce projet de loi à la fin de l'année 2004, comme ce serait le cas s'il devait faire l'objet d'une navette. Je vous le dis en toute honnêteté, monsieur Dreyfus-Schmidt : je me suis interrogé sur ce point et j'ai examiné le calendrier des travaux parlementaires avant de demander au Premier ministre de déclarer l'urgence pour ce texte.

Nous savons bien, les uns et les autres, et vous particulièrement, qui êtes avocat, que l'attente d'une réforme dans ce domaine est forte. Nous devons donc, me semble-t-il, tenir compte du fait que ce texte est en gestation depuis au moins quatre ou cinq ans et qu'il a été présenté en conseil des ministres voilà maintenant plus de sept mois. Le calendrier parlementaire étant ce qu'il est,...

M. Claude Estier. On fait trop de lois !

M. Dominique Perben, garde des sceaux. ... même si nous pouvons tous déplorer son encombrement, ne pas déclarer l'urgence aurait abouti à repousser l'application du texte à la fin de 2004, alors que, grâce à cette procédure, nous pouvons avoir un espoir raisonnable qu'elle intervienne avant l'été prochain. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est trop loin !

M. le président. Nous passons à la discussion des articles.

TITRE Ier

DISPOSITIONS MODIFIANT LE CODE CIVIL

Articles additionnels avant l'article 1er

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi relatif au divorce
Art. 1er

M. le président. L'amendement n° 57, présenté par M. Dreyfus-Schmidt, Mme M. André, M. Badinter, Mmes Cerisier-ben Guiga et Durrieu, M. Lagauche, Mme Pourtaud et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Avant l'article 230 du code civil, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. ... - Dans les cinq années qui suivent le mariage, lorsque les époux n'ont ni enfants mineurs ni biens immobiliers et qu'ils travaillent l'un et l'autre, le divorce, demandé conjointement, peut être prononcé par l'officier d'état civil, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. »

La parole est à Mme Danièle Pourtaud.

Mme Danièle Pourtaud. Cet amendement vise à instaurer un divorce administratif. C'est là une pratique issue du droit romain, répandue à l'époque de la Révolution française et aujourd'hui appliquée dans les pays anglo-saxons.

Dans le cadre du divorce administratif romain, il n'est pas reconnu au mariage un caractère indissoluble, celui-ci étant conçu comme un consentement devant être renouvelé régulièrement. Dès lors, il suffit à un époux désirant faire cesser l'union d'en informer l'autre par toute voie officielle. Il s'agit en quelque sorte d'un divorce « remède », permettant de prendre acte d'une désunion effective du ménage.

A la Révolution française, il était inconcevable de se lier maritalement de façon définitive à une autre personne. Le mariage perpétuel était considéré comme une atteinte à la liberté individuelle. Durant cette période, le divorce par consentement mutuel est accepté par le biais d'une simple déclaration devant l'officier de l'état civil.

C'est donc ce type de divorce, avec un encadrement strict, que nous proposons au Sénat d'instaurer. Le dispositif est le suivant : deux époux constatant leur incompatibilité d'humeur pourraient divorcer devant l'officier de l'état civil dans les cinq années suivant le mariage dès lors qu'ils rempliraient des conditions cumulatives relatives à l'absence d'enfants mineurs et de biens immobiliers et qu'ils travailleraient l'un et l'autre. Je rappelle à cet égard que chaque année 20 000 divorces sont prononcés dans les cinq ans suivant le mariage.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Patrice Gélard, rapporteur. Comme je l'ai expliqué dans mon intervention liminaire et ainsi que cela est précisé dans mon rapport écrit, la commission des lois s'est clairement prononcée pour le maintien de l'intervention du juge dans tous les cas de divorce.

C'est la raison pour laquelle elle est totalement défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement, qui soulève un problème très important.

En effet, dans tous les cas de divorce, même quand il y a consentement mutuel, il est selon moi nécessaire qu'un juge puisse vérifier que les intérêts de l'un et l'autre époux sont véritablement préservés. Cela me paraît absolument indispensable.

Par ailleurs, ayant pris connaissance de l'ensemble des amendements déposés par le groupe socialiste, je dois avouer que l'amendement que nous examinons ne me semble pas cohérent avec celui qui tend à exiger le recours à deux avocats pour la procédure de divorce, même en cas de consentement mutuel ! Je ne comprends pas très bien !

M. le président. Avant de mettre aux voix l'amendement n° 57, sur lequel la commission demande que le Sénat se prononce par un scrutin public (Exclamations sur les travées du groupe socialiste), je donne la parole à Mme Josiane Mathon, pour explication de vote.

Mme Josiane Mathon. Le présent amendement, déposé par nos collègues socialistes, constitue un « ballon d'essai » intéressant.

Réservée aux cas de divorce les plus « simples », la procédure présentée permettrait aux époux, par le jeu du parallélisme des formes, d'introduire une requête en divorce directement devant l'officier de l'état civil.

Personnellement, je suis favorable à l'institution d'une telle forme de divorce, eu égard à la lourdeur et au coût de la procédure judiciaire actuelle.

En effet, la procédure de divorce, même quand il y a consentement mutuel, a une durée incompressible. Celle-ci n'apparaît profitable ni aux époux ni à l'institution judiciaire elle-même, qu'elle contribue à encombrer bien inutilement lorsque le règlement du divorce ne semble pas devoir poser problème.

Certes, si le texte était adopté en l'état, la procédure de divorce par consentement mutuel serait alors allégée et ne comporterait plus qu'une seule audience de conciliation, mais il reste que les délais d'audiencement peuvent être particulièrement longs.

En outre, le coût moyen d'un divorce est estimé à 760 euros pour chacun des époux. On sait d'ailleurs que le contentieux de la famille absorbe près de 60 % des crédits alloués à l'aide juridictionnelle. Pour les foyers dont les revenus sont supérieurs au plafond de ressources pour l'obtention de l'aide juridictionnelle, ce coût, en l'absence de tout bien et de tout contentieux, apparaît particulièrement injustifié, surtout lorsqu'il n'y a ni bien ni enfants et que le contrôle du juge est donc purement formel, et peut constituer une cause supplémentaire de paupérisation.

M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.

M. Bernard Frimat. Monsieur le président, lors d'une précédente séance, vous avez cité Edouard Herriot, selon lequel un bon discours pouvait quelquefois faire changer d'avis, mais jamais de vote ! Or je vois que notre collègue Jean Chérioux a déjà préparé les bulletins de vote de son groupe en prévision du scrutin public qui interviendra bientôt : à défaut donc de pouvoir l'amener à changer son vote, je vais quand même essayer de le faire changer d'avis ! (Sourires.)

M. Jean Chérioux. Merci de souligner ma présence !

M. Bernard Frimat. Monsieur le garde des sceaux, vous nous avez invités à la cohérence. On ne peut qu'être sensible à une telle invitation, et je vais moi aussi en appeler à la cohérence en m'adressant à M. le rapporteur.

Peut-être est-ce dû à l'heure ou à la nécessité de gagner du temps dans la perspective des scrutins publics qu'il ne manquera pas de demander, mais M. Gélard me semble moins disert sur ce sujet que ce matin en commission. En effet, si ma mémoire est bonne, il avait alors indiqué à notre collègue Michel Dreyfus-Schmidt que l'amendement n° 57 présentait avant tout le défaut d'être prématuré.

M. Patrice Gélard, rapporteur. Tout à fait !

M. Bernard Frimat. Je reconnais qu'il n'avait pas précisé à quelle échéance notre proposition deviendrait viable : est-ce au bout de cent quatre-vingts jours ? (Sourires.)

En tout état de cause, M. le rapporteur a reconnu que cet amendement soulevait un vrai problème et qu'il ouvre une voie dans laquelle nous devrons nous engager.

En effet, il est important que la législation soit adaptée aux évolutions de la société. Ainsi, dans les cas où il n'existe aucun point de contentieux susceptible d'être tranché par le juge, où il n'y a ni enfants mineurs ni patrimoine et où les deux futurs ex-époux sont d'accord pour considérer que leur mariage a été un échec, ne conviendrait-il pas d'envisager les moyens de dédramatiser complètement, de pacifier le divorce, de simplifier la procédure ? Or instituer un divorce prononcé par un officier de l'état civil représenterait une simplification considérable !

Certes, les contraintes liées aux réflexions menées par le groupe de travail ne nous permettent pas d'aller jusque-là aujourd'hui, je le conçois, mais nous entendons prendre date à l'occasion de ce débat. En effet, j'estime que l'évolution de notre société nous amènera, après d'autres, à nous engager dans cette voie, dans un délai sans doute plus court que celui qui s'est écoulé entre la promulgation de la loi de 1975 et l'élaboration du texte dont nous débattons aujourd'hui.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Si la majorité estime que ses travées ne sont pas suffisamment garnies, je suggère, plutôt que de recourir à un scrutin public pour le vote de chaque amendement,...

Mme Paulette Brisepierre. Vous savez pourtant le faire !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. ... de suspendre nos travaux, de manière à laisser le temps à certains de nos collègues de rejoindre l'hémicycle. Sinon, notre débat sera tellement ralenti par les scrutins publics que nous ne parviendrons pas, à l'évidence, à achever la discussion de ce texte d'ici à demain soir !

Cela étant dit, j'indique que si notre amendement n° 57 n'est pas adopté, nous demanderons, monsieur le président, l'examen par priorité de l'amendement n° 59 rectifié, qui lui est subsidiaire.

En outre, je voudrais répondre à M. le garde des sceaux, qui estime contradictoire de notre part de demander que le divorce soit simplifié au point que les parties n'aient plus besoin de recourir aux services d'un avocat dans certains cas où il y a consentement mutuel, alors que, par ailleurs, nous préconisons l'intervention de deux avocats dans d'autres situations. M. le garde des sceaux est trop fin connaisseur du dossier pour n'avoir pas remarqué que nous distinguons les cas où il n'y a aucun contentieux de ceux où il en existe !

M. Patrice Gélard, rapporteur. Voyons, monsieur Dreyfus-Schmidt, il n'y a pas de contentieux dans les cas de divorce par consentement mutuel !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ainsi, à nos yeux, dans les cas, très fréquents, où les époux travaillent l'un et l'autre et n'émettent aucune revendication et où il n'y a ni enfants mineurs ni biens immobiliers, la présence d'un avocat n'est pas utile.

En revanche, si le couple a des enfants mineurs ou détient un patrimoine, ou si l'un des époux ne travaille pas ou bénéficie de revenus nettement inférieurs à ceux de son conjoint, il est nécessaire que chacun soit conseillé par son avocat. Nous reviendrons tout à l'heure sur ce point.

Quoi qu'il en soit, monsieur le garde des sceaux, lorsque vous nous dites que nous sommes en contradiction avec nous-mêmes, ou vous vous trompez, ce qui m'étonnerait, ou vous êtes trop habile !...

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Patrice Gélard, rapporteur. Je tiens à répondre à M. Frimat, qui m'a mis en cause.

Monsieur Frimat, j'ai exposé le point de vue de la commission lors de mon intervention liminaire. J'ai alors précisément indiqué que la proposition qui nous occupe constituait une piste de recherche pour l'avenir. Par conséquent, je ne juge pas utile d'y revenir à l'occasion de la discussion d'un amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 57.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)


M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 120 :

Nombre de votants319
Nombre de suffrages exprimés319
Majorité absolue des suffrages160
Pour115
Contre204

Demande de priorité

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le président, je demande l'examen par priorité de l'amendement n° 59 rectifié à l'article 2, qui a pratiquement le même objet que l'amendement n° 57 et qui lui est subsidiaire. Cela permettrait de clarifier le débat.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur cette demande de priorité ?

M. Patrice Gélard, rapporteur. Favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Il n'y a pas d'opposition ?...

La priorité est ordonnée.

J'appelle donc par priorité l'amendement n° 59 rectifié, présenté par M. Dreyfus-Schmidt, Mme M. André, M. Badinter, Mmes Cerisier-ben Guiga et Durrieu, M. Lagauche, Mme Pourtaud et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, et ainsi libellé :

« I. - Avant le texte proposé par le II de l'article 2 pour l'article 230 du code civil, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Art. 230 A. - Lorsque les époux n'ont ni enfant mineur, ni biens immobiliers et qu'ils travaillent l'un et l'autre, ils peuvent saisir le juge aux affaires familiales d'une demande conjointe en divorce et comparaître devant lui même sans l'assistance d'aucun avocat. »

« II. - En conséquence, dans le premier alinéa du II de l'article 2, remplacer les références : "230 et 232" par les références : "230 A, 230 et 232". »

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Le Sénat vient de rejeter un amendement tendant à prévoir que, dans des cas très précis, le divorce puisse être prononcé par un officier de l'état civil. M. le rapporteur, qui est du même avis que nous, pense que nous y viendrons sûrement un jour, mais il est dommage que nous soyons toujours un peu en avance sur lui ! Espérons que ce ne sera pas le cas ici, pour cet amendement de repli par rapport à l'amendement n° 57 !

Certes, il est bien entendu toujours possible de prendre un avocat, ou même deux en l'état actuel des choses, mais nous demandons que, dans le cas où les époux n'ont d'enfant mineur, pas de patrimoine et où ils travaillent tous les deux, ils puissent comparaître sans devoir recourir à un avocat.

M. le garde des sceaux ne verra là, j'en suis sûr, aucune contradiction dans nos propositions ! Il s'agit de cas tout à fait particuliers, et comme le couple comparaît devant le juge, ce dernier pourra vérifier que les époux sont éclairés, fermement décidés et libres, ce que ne peut faire, nous objectait tout à l'heure M. le garde des sceaux, un officier de l'état civil. Cela étant, puisque, en matière de mariage, M. Sarkozy a fait adopter par le Sénat un article aux termes duquel sont confiées aux maires des prérogatives de cet ordre, il ne serait pas extraordinaire que, par parallélisme, des dispositions analogues soient votées s'agissant du divorce ! Mais le Sénat a refusé de s'engager dans cette voie.

Quoi qu'il en soit, l'amendement n° 59 rectifé prévoit que le juge aux affaires familiales décidera, mais que les parties n'auront pas l'obligation de prendre un avocat. Cela permettrait d'ailleurs de dégager des crédits, en particulier au profit de l'aide juridictionnelle, afin que, dans d'autres cas que nous examinerons ultérieurement, le recours à deux avocats soit obligatoire.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Patrice Gélard, rapporteur. Il est le même que sur l'amendement n° 57. J'ajouterai, et ce point est fondamental, qu'il est inimaginable que, dans l'état actuel de leurs connaissances juridiques, nos concitoyens soient en mesure d'établir seuls une convention. Ce n'est pas possible !

De toute façon, pour les divorces par consentement mutuel, la présence d'un avocat est prévue. Comme nous maintenons en l'état cette forme de divorce - nous nous sommes bornés à réduire les délais -, il n'y a aucune raison, aux yeux de la commission, d'approuver cet amendement, du moins pour l'instant, monsieur Dreyfus-Schmidt ! Vous me reprochez d'être moins rapide que vous ; je suis peut-être, dans ce domaine, plus sage.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il y aurait une convention type !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Défavorable, pour la même raison.

M. le président. La parole est à M. Robert Badinter, pour explication de vote.

M. Robert Badinter. M. le rapporteur a parlé de convention. En l'occurrence, il s'agit d'un mariage qui a échoué très vite et les deux époux s'en sont rendu compte. Ils n'ont ni enfant ni biens immobiliers et ils travaillent l'un et l'autre. La convention n'est pas indispensable. Les deux époux sont d'accord, ils constatent eux-mêmes leur échec et vont voir le juge qui s'assure qu'il n'y a pas de fraude.

La chose est extraordinairement simple, car nous sommes dans un cas classique où le mariage a échoué vite, les deux époux souhaitant reprendre leur liberté. Ce ne serait pas le cas s'il y avait des enfants ou des biens immobiliers ou si l'un des conjoints - on pense nécessairement à la femme - n'exerçait pas une activité professionnelle. Par conséquent, c'est le divorce le plus simple qui soit.

Il s'agit - j'ai étudié les statistiques de la Chancellerie - de quelques milliers de cas. C'est une voie d'avenir dans laquelle on pourrait s'engager.

Quant à la présence de l'avocat, elle est souhaitable, mais non indispensable. Les justiciables eux-mêmes considèrent que, dans des cas très simples, la présence d'un avocat n'est pas nécessaire. D'ailleurs, je ne suis pas sûr que les avocats souhaitent être présents dans des affaires aussi simples.

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Cette proposition est plus complexe qu'il n'y paraît. Si l'on voulait suivre M. Badinter, ne conviendrait-il pas d'ajouter les biens mobiliers ? Que faire du portefeuille d'actions ou du mobilier au sens traditionnel ?

M. Patrice Gélard, rapporteur. Du chien ! (Sourires.)

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Ce n'est pas si simple. Vous le savez, monsieur Dreyfus-Schmidt, les gens se disputent parfois pour des choses très modestes.

C'est pourquoi l'intervention d'un homme de droit me paraît indispensable pour préparer les choses. Sinon, il faudrait tellement compléter l'amendement que l'on n'exclurait plus rien. On compliquerait les choses pour quelques cas.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est le juge qui appréciera !

M. Dominique Perben, garde des sceaux. On créerait un risque de contentieux.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je ne comprends pas les difficultés qu'on nous oppose. En effet, contrairement au cas précédent, un juge est présent, auquel les deux parties disent qu'elles ne possèdent rien, sauf quelques meubles qu'elles ont partagés. Les époux ne réclament rien et demandent simplement au juge de prononcer le divorce.

Dans ce cas, le juge pourrait disposer d'un imprimé pour en donner acte aux parties et pour prononcer le divorce. C'est simple. Il n'y a pas besoin de compliquer. Certes, vous pouvez sous-amender notre amendement, mais c'est totalement inutile.

Pourquoi remettre au lendemain ce que l'on peut faire le jour même ? Je voudrais que tous nos collègues, car ce sont eux qui vont prendre la décision, admettent que, dans un tel cas, avec le contrôle du juge, il n'y a pas de raison d'obliger les parties à prendre un ou deux avocats.

M. le président. La parole est à Mme Michèle André, pour explication de vote.

Mme Michèle André. Nous parlons de personnes très modestes qui n'ont que leur travail et qui se rendent compte très rapidement qu'elles ont fait une erreur et que ce mariage ne leur convient pas. La situation est donc simple, puisqu'elles n'ont à se partager que trois chaises.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce sera plus facile s'il y a quatre chaises ! (Sourires.)

Mme Michèle André. Pour ces personnes, les frais d'avocat représentent une somme importante.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 59 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Articles additionnels avant l'article 1er (suite)

M. le président. L'amendement n° 33 rectifié, présenté par Mme Desmarescaux, MM. Darniche, Seillier et Türk, est ainsi libellé :

« Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Le deuxième alinéa de l'article 247 du code civil est complété par une phrase ainsi rédigée : "Juge du divorce, il est aussi le juge de la liquidation du régime matrimonial". »

La parole est à Mme Sylvie Desmarescaux.

Mme Sylvie Desmarescaux. Le juge du divorce doit être aussi le juge de la liquidation du régime matrimonial.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Patrice Gélard, rapporteur. Cet amendement étant satisfait par notre amendement n° 20 à l'article 22, je demande à Mme Desmarescaux - qui a fait un très gros travail d'amendements - de bien vouloir le retirer.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Même avis.

M. le président. Madame Desmarescaux, l'amendement n° 33 rectifié est-il maintenu ?

Mme Sylvie Desmarescaux. Je suis satisfaite. Aussi, je retire cet amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 33 rectifié est retiré.

L'amendement n° 58, présenté par M. Dreyfus-Schmidt, Mme M. André, M. Badinter, Mmes Cerisier-ben Guiga et Durrieu, M. Lagauche, Mme Pourtaud et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« A compter du 1er janvier 2004, le versement d'une pension de réversion ne peut être refusé du fait soit de remariage, soit de concubinage notoire ou non, soit de nouveau pacte civil de solidarité. »

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il s'agit d'un amendement très important, que nous aimerions voir adopté par le Sénat afin que l'Assemblée nationale en soit saisie.

En règle générale et depuis un certain nombre d'années, exception faite de certaines professions comme les marins, le conjoint divorcé qui s'est remarié ou qui vit en concubinage, notoire ou non, n'a plus droit à la pension de réversion. Il en de même pour les PACS. Il est choquant que le législateur ait accepté que des personnes puissent ainsi être incitées à ne pas refaire leur vie. Pour continuer à toucher la pension de réversion, le conjoint devra vivre en concubinage non notoire et dans la crainte que quelqu'un le dénonce.

Nous avons été satisfaits de lire dans le rapport de M. Patrice Gélard la note suivante : « cette déduction entretient une confusion des genres, la prestation visant à compenser la disparité dans les conditions de vie des époux du fait de leur séparation, tandis que la pension de réversion constitue un droit acquis à titre personnel à l'encontre des assurances sociales - je dirai : ou des compagnies d'assurance - et n'est que la traduction des cotisations payées pendant la durée du mariage par le titulaire de la pension de retraite, auxquelles le conjoint divorcé peut être considéré comme ayant participé à travers sa contribution aux charges du mariage ». En effet, il n'est que justice, même en cas de remariage ou de concubinage, que celui qui a participé à la consitution d'une retraite puisse avoir droit à la pension de réversion.

Le rapporteur a proposé une formule inspirée du système allemand, mais qui en réalité n'a rien à voir, dans lequel il faudrait additionner la retraite des deux conjoints pour que chacun ait droit à la moitié de la pension. Mais le problème que nous traitons est tout à fait différent. Par ailleurs, il a indiqué, dans son rapport, que la loi du 21 août 2003 relative aux retraites a supprimé les conditions de non-remariage ou de non-concubinage. C'est vrai pour la retraite de base de la sécurité sociale, sous réserve d'ailleurs, aux termes de l'article 31, que « les ressources personnelles ou celles du ménage n'excèdent pas des plafonds fixés par décret », mais ce n'est pas vrai pour toutes les retraites complémentaires, qui, bien souvent, sont les plus importantes.

Ce matin, en commission, M. le rapporteur nous a dit qu'il n'était pas possible d'intervenir dans des contrats de droit privé. Or, s'il est évident que les conventions « tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites », encore faut-il qu'elles soient « légalement formées ». En conséquence, si le législateur intervient pour préciser, comme nous le proposons dans notre amendement, que, « à compter du 1er janvier 2004, le versement d'une pension de réversion ne peut être refusé du fait soit de remariage, soit de concubinage notoire ou non, soit de nouveau pacte civil de solidarité », cette disposition s'appliquera évidemment aux compagnies d'assurance. J'ajoute que la situation actuelle n'est pas, pour elles, source de bénéfices puisque, s'il y a remariage, l'ensemble de la pension est reporté sur la seconde épouse, bien qu'elle n'ait pas participé à la constitution de la totalité de cette retraite, alors même que le partage se fait normalement au prorata des années de vie en communauté.

Voilà pourquoi il nous paraît très important de franchir ce pas. Les arguments juridiques qui nous ont été opposés sont erronés, ne sont pas valables. (M. le rapporteur proteste.) Il suffit que nous inscrivions cette disposition dans la loi pour qu'elle s'impose aux compagnies d'assurance.

M. Patrice Gélard, rapporteur. Non !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je vous demande de nouveau d'adopter cet amendement afin que la commission mixte paritaire en soit saisie.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Patrice Gélard, rapporteur. La commission émet naturellement un avis défavorable.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Naturellement !

M. Patrice Gélard, rapporteur. D'abord, cet amendement fait un peu figure de cavalier : il ne traite pas directement du divorce et de ses modalités.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est à la suite du divorce !

M. Patrice Gélard, rapporteur. Certes, mais parfois dix ou vingt ans après. Donc, la procédure de divorce est terminée.

De plus, je rappelle que la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites a prévu qu'à partir du 1er juillet 2004 aucune condition de remariage, de PACS ou de concubinage ne sera exigée. Par conséquent, vous avez largement satisfaction.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Pas pour les fonctionnaires !

M. Patrice Gélard, rapporteur. Et je suis obligé de dire que, en tant que législateur, nous ne pouvons pas imposer à des caisses de retraite complémentaire, qui dépendent des partenaires sociaux, des règles que nous aurions adoptées ici. Nous risquerions de voir demain l'ensemble des caisses de retraite manifester au motif que nous leur imposons une disposition sans les consulter.

Je voudrais tout de même rappeler à M. Dreyfus-Schmidt que la notion de convention « légalement formée » concerne uniquement la forme.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Absolument pas !

M. Patrice Gélard, rapporteur. Les conventions doivent être conformes à la loi. Mais la loi ne peut pas s'immiscer dans les affaires privées.

Mme Danièle Pourtaud et M. Michel Dreyfus-Schmidt. Mais si !

M. Patrice Gélard, rapporteur. Mais non ! Nous n'entrons pas dans ce jeu. Nous ne sommes pas des étatistes. Nous n'avons pas décidé, pour l'instant, de mettre sous le contrôle de l'Etat et de la loi les retraites complémentaires. On pourra peut-être le faire plus tard, mais ce n'est pas à l'ordre du jour aujourd'hui.

Mme Danièle Pourtaud. L'âge de la retraite, par exemple !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Le Gouvernement émet un avis défavorable. Un tel amendement, vous en êtes bien conscient, monsieur le sénateur, pose une multitude de questions sur lesquelles votre assemblée n'est pas éclairée. En tout cas, le ministre que je suis ne l'est pas suffisamment. Le sujet nécessite d'abord une bonne connaissance de la réalité que vous souhaitez modifier.

M. Patrice Gélard, rapporteur. Effectivement !

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Or je n'ai pas eu le temps de me rapprocher de mon collègue François Fillon afin de pouvoir donner au Sénat des éléments statistiques sérieux. Je ne peux pas non plus vous dire quelles seraient les conséquences de cette disposition sur un certain nombre de caisses de retraite. Enfin, s'agissant des intéressés, cet amendement peut avoir des conséquences considérables, qu'elles soient positives ou négatives.

M. Patrice Gélard, rapporteur. Ou négatives, en effet !

M. Dominique Perben, garde des sceaux. En l'occurrence, il faut être extrêmement prudent. Je ne peux donc qu'émettre un avis défavorable. Je ne dis pas que la question n'est pas pertinente car c'est un sujet, bien sûr, très important. Mais l'adoption de l'amendement introduirait un élément tout à fait nouveau dans le texte par rapport à son ambition initiale, à savoir réformer certaines dispositions du code civil. L'amendement tend en effet à modifier un équilibre économique, à la fois collectivement et individuellement.

Je ne peux que m'opposer à l'adoption dans de telles conditions d'une mesure dont nous ne pouvons pas entrevoir de façon précise les conséquences.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. D'abord, monsieur le ministre, il n'est pas exact de dire que l'adoption de cette disposition aurait des effets négatifs.

M. Patrice Gélard, rapporteur. Pour la deuxième épouse !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Par ailleurs, nous avons déposé cet amendement hier après-midi, avant le délai limite fixé à dix-sept heures. Cependant, je ne suis pas opposé, monsieur le garde des sceaux, à ce que nous réservions cet amendement jusqu'à demain après-midi ou demain soir, afin que vous puissiez prendre les contacts que vous souhaitez.

Au demeurant, la mesure proposée ne peut pas avoir d'effets négatifs.

M. Patrice Gélard, rapporteur. Et la deuxième épouse ? Et la troisième ?

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cela n'aurait que des effets positifs.

J'ajoute, et c'est important, que la loi du 21 août 2003 ne porte que sur la pension de réversion de base de la sécurité sociale, sous réserve de conditions de ressources, et, surtout, que ce dispositif n'est pas applicable aux fonctionnaires de l'Etat. Pour ceux-ci, la loi du 13 juillet 1982, qui n'est pas modifiée, a prévu une condition de non-remariage ou de non-concubinage.

C'est un point très important. En vérité, nous avions cru que c'était l'un des problèmes que nous avions évoqués, y compris lorsque vous êtes venu, monsieur le ministre, vous expliquer devant la commission des lois. Lorsque nos collègues Pierre Fauchon et Jean-René Lecerf ont posé des questions sur les pensions de réversion, M. le rapporteur leur a proposé, s'ils le souhaitaient, de déposer des amendements. Nous avons donc cru que, nous aussi, nous pouvions le faire.

Monsieur le rapporteur, vous vous trompez.

M. Patrice Gélard, rapporteur. Pas du tout !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. La suite de la discussion permettra à tout le monde de vérifier qu'il ne s'agit pas seulement d'une question de forme. Dans l'article 1134 du code civil, lorsqu'il est précisé conventions « légalement formées », cela veut dire que ces conventions ne peuvent aller au-delà de ce que permet la loi.

M. Patrice Gélard, rapporteur. Cela veut dire des conventions qui respectent la loi !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous demandons précisément que la loi interdise que l'on puisse priver d'une pension de réversion au motif de remariage ou de concubinage, notoire ou non, ou de nouveau PACS.

M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 58.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le président, je demande la réserve de cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur cette demande de réserve ?

M. Patrice Gélard, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Défavorable.

M. le président. Je consulte le Sénat sur la demande de réserve formulée par M. Michel Dreyfus-Schmidt.

La réserve n'est pas ordonnée.

Je mets donc aux voix l'amendement n° 58.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Art.  additionnels avant l'art. 1er
Dossier législatif : projet de loi relatif au divorce
Art. 2

Article 1er

L'article 229 du code civil est ainsi rédigé :

« Art. 229. - Le divorce peut être prononcé en cas :

« - soit de consentement mutuel ;

« - soit d'acceptation du principe de la rupture du mariage ;

« - soit d'altération définitive du lien conjugal ;

« - soit de faute. »

M. le président. L'amendement n° 111, présenté par M. About et les membres du groupe de l'Union centriste, est ainsi libellé :

« Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« - soit de minorité du demandeur au divorce à la date du mariage. »

La parole est à Mme Gisèle Gautier.

Mme Gisèle Gautier. Important, cet amendement l'est tout particulièrement, puisqu'il est relatif au divorce des mineurs et, plus précisément, aux mariages forcés des mineurs. Il s'agit d'introduire un nouveau cas de divorce, au terme d'une procédure simple, au bénéfice de personnes qui, mineures lors de leur mariage - il y en a, malheureusement - ont été mariées contre leur volonté. Elles doivent pouvoir divorcer sans contrainte. Certes, il existe une procédure d'annulation, mais elle est complexe. Il faut, en effet, rapporter la preuve que le consentement a été vicié, ce qui est difficile, surtout lorsque les événements ont eu lieu alors que la personne concernée n'était encore qu'adolescente.

Voilà pourquoi nous proposons que la personne mariée alors qu'elle était mineure puisse demander le divorce sur ce seul fondement. La minorité dûment prouvée, ce qui ne représente pas de difficulté particulière, suffira à fonder le divorce.

Dans le cas d'un mariage forcé, ce procédé permettra à la personne concernée de partir facilement sans que son conjoint puisse s'y opposer. Il est difficile de croire qu'un conjoint de bonne foi puisse s'opposer à ce que la personne qui ne désire pas rester avec lui le quitte.

Cependant, même si le mariage a été bref, il peut avoir des conséquences, non seulement sur les biens des époux, mais également sur les enfants qui ont pu naître de cette union. C'est pourquoi il est proposé que cette possibilité soit incluse dans les procédures de divorce énumérées à l'article 1er.

En outre, il ne faut pas craindre les abus, puisque la possibilité de demander le divorce sur ce fondement est enfermée dans un délai qui trouve son terme aux vingt-trois ans du demandeur au divorce.

Nous ne limitons pas le recours à cette procédure aux seules personnes victimes de mariages forcés. En effet, la condition unique de l'âge englobe également toutes les jeunes personnes qui se sont mariées sur un coup de coeur, et qui le regrettent profondément par la suite. Cette procédure leur sera donc ouverte. Il est bien normal, en effet, de permettre à ces personnes de réparer facilement leur erreur.

Contrairement à ce que l'on pourrait penser, cette nouvelle cause de divorce ne remet en rien en cause la nature de ce projet de loi, elle renforce simplement la protection des mineurs.

De surcroît, cette mesure aujourd'hui nécessaire a vocation à tomber en désuétude dans quelques années, puisque, si vous adoptez notre amendement visant à fixer désormais l'âge légal du mariage à dix-huit ans, pour les hommes comme pour les femmes, cette possibilité de divorce ne s'appliquera plus à partir de 2012.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Patrice Gélard, rapporteur. M. About et les membres du groupe de l'Union centriste posent un vrai problème, celui des mariages forcés : ils existent, et ceux d'entre nous qui sont officiers d'état civil en ont tous connu au moins un cas, et savent que, devant ce phénomène, nous sommes totalement démunis. Cependant, la solution préconisée ne me paraît pas la bonne.

Tout d'abord, je relève que l'on introduit une inégalité en ouvrant cette procédure aux femmes, et pas aux hommes. Voilà déjà une atteinte au principe d'égalité.

Ensuite, je m'interroge sur la place de ce nouveau cas de divorce par rapport aux autres. S'il s'agit d'un vice du consentement, il convient alors d'appliquer les règles applicables au vice du consentement. Je rappelle d'ailleurs que la jeune fille mineure devient émancipée par le mariage et, par conséquent, peut engager des actions en justice, dès le moment de son émancipation.

Enfin, pour cet amendement comme pour les précédents, je suis dans l'incapacité de mesurer les conséquences d'une telle mesure et, surtout, les difficultés juridiques qu'elle pourrait susciter. Adopter cette solution, c'est s'engager en toute impréparation dans une voie extrêmement périlleuse.

Je rappelle qu'il existe des procédures d'annulation. En outre, il sera toujours possible de demander le divorce pour altération définitive du lien conjugal, dans la mesure où l'époux aura disparu...

Je ne comprends donc pas bien l'intérêt de cette disposition par rapport à l'arsenal juridique dont disposent déjà, à l'heure actuelle, les jeunes femmes dans cet état. Au surplus, je crains qu'elle ne soit absolument inapplicable si la personne, mariée à l'âge de quinze ans, agit à vingt-trois ans.

Par conséquent, je suis désolé de devoir émettre sur cet amendement, ainsi d'ailleurs que sur toute la série d'amendements de même nature, un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement. Le problème posé est bien réel, c'est celui des mariages forcés ou des mariages non vraiment consentis, mais la réponse proposée n'est pas la bonne.

En revanche, dans le texte qu'a fait adopter il y a quelques semaines Nicolas Sarkozy, il est prévu que l'officier d'état civil, s'il a un doute, peut entendre les futurs conjoints, ensemble et séparément ; si le doute persiste, l'officier d'état civil ne procède pas au mariage. Voilà la bonne réponse. Je m'étais d'ailleurs prononcé très favorablement sur ce dispositif. Mais cette possibilité de divorce automatique que vous proposez ne me paraît pas pertinente.

M. le président. L'amendement n° 111 est-il maintenu, madame Gautier ?

Mme Gisèle Gautier. Malheureusement, monsieur le président, les réponses qui m'ont été apportées ne m'ont pas convaincue, et je maintiens mon amendement.

Je précise, d'une part, que je n'ai pas insisté sur le sexe ; j'ai parlé de la personne d'une façon générale.

M. Patrice Gélard, rapporteur. Ce sont des femmes !

Mme Gisèle Gautier. D'autre part, nous visons dans cet amendement non seulement les mariages forcés, mais aussi les unions consenties par immaturité, par naïveté : on ne s'aperçoit pas des conséquences, et il est trop tard ensuite.

En tout état de cause, il s'agit avant tout de fixer l'âge légal du mariage à dix-huit ans.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je tiens à remercier vivement Mme Gautier d'avoir maintenu son amendement, ce qui me permet de tenter de la convaincre de le retirer ou de convaincre le Sénat de voter contre ! (Sourires.)

M. About est trop habile. Il avait déposé un amendement fixant l'âge du mariage à dix-huit ans, pour les femmes comme pour les hommes. Interrogé à ce sujet, quand il a été entendu par la commission des lois, M. le garde des sceaux a répondu que le texte concernait le divorce et non le mariage. M. About a alors imaginé cet autre procédé pour parvenir au même résultat.

Il est vrai que l'amendement ne fait pas état du sexe de la personne. Mais il se trouve que les hommes ne peuvent se marier qu'à dix-huit ans. Votre proposition ne paraît donc viser que les personnes du sexe féminin, ma chère collègue. Ce n'est pas tout à fait exact parce que l'on peut obtenir du procureur de la République une dérogation pour se marier avant dix-huit ans et l'on est alors émancipé par le mariage. Mais ce qui est vrai pour les hommes serait vrai également pour les femmes, si elles ne pouvaient pas se marier dès l'âge de quinze ans.

Voilà de même ce qu'il faut garder à l'esprit.

En outre, compte tenu effectivement de la disposition « Sarkozy », il y a une possibilité de contrôle, non par un juge, mais par le maire.

Sur le reste, franchement, cela me rappelle ce délai de prescription que l'on voudrait allonger à toute la durée de la vie au bénéfice de ceux qui prétendent avoir subi des atteintes sexuelles. Mais il serait tout de même trop facile pour une femme mariée avant dix-huit ans de demander le divorce, sur le seul fondement de la minorité, dix ans, quarante ans ou cinquante ans après !

J'avoue que je ne comprends pas comment vous pouvez faire une proposition comme celle-là, vous qui ne souhaitez pas faciliter le divorce.

Enfin, on nous dit qu'il y aurait beaucoup de mariages forcés. Y en a-t-il beaucoup en France ? Je n'en sais rien et cela mériterait tout de même une étude pour savoir ce qu'il en est, et si le phénomène est bien réel.

Je suis, comme la plupart de mes collègues, officier d'état civil. Pour ma part, je n'ai jamais rencontré de mariage qui m'ait paru forcé, mais, s'il y en a et si l'on prétend que c'est le fait de certaines confessions, comme cela nous a été dit ce matin en commission des lois, est-ce bien opportun, au moment où l'on s'interroge encore sur la législation à venir concernant le voile, d'adopter maintenant un tel texte ? Je ne le crois pas.

C'est pourquoi vous avez vraiment toutes les raisons, ma chère collègue, de retirer votre amendement, ou le Sénat aurait, à défaut, toutes les raisons de le repousser.

M. le président. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, pour explication de vote.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Je suis tout à fait convaincue par les arguments de M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cependant, je suis moins affirmative que lui en ce qui concerne les mariages forcés : ils existent bel et bien, mon cher collègue. Ils n'ont pas lieu en France, mais sont organisés à l'étranger, à l'occasion de vacances. Tous nos consulats rapportent les mêmes faits, attestés, d'ailleurs, par les problèmes que pose la transcription de ces mariages en France. Car ce sont des mariages transcrits.

Je crois qu'en effet le seul moyen de mettre fin aux pressions qui sont exercées sur des très jeunes filles - de quinze ans à dix-huit ans - pour les marier contre leur gré à l'occasion de vacances au pays sera de retarder l'âge légal du mariage en France et de le fixer à dix-huit ans. Cela leur donnera un peu plus de temps pour échapper à l'influence familiale.

D'ici là, je ne vois pas comment on pourrait adopter un tel amendement, d'autant que, faute de délai prévu, il ne paraît pas applicable. Cela étant, le problème est bien réel.

M. le président. Madame Gautier, maintenez-vous toujours votre amendement ?

Mme Gisèle Gautier. Effectivement, la procédure d'annulation existe, mais elle est très complexe, car il faut rapporter la preuve que le consentement a été vicié, ce qui n'est pas évident pour une personne mineure, vous en conviendrez avec moi.

Aussi, pour les raisons déjà évoquées, je maintiens cet amendement, que je voterai !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 111.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.

(L'article 1er est adopté.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures quinze, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Daniel Hoeffel.)

PRÉSIDENCE DE M. DANIEL HOEFFEL

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion du projet de loi relatif au divorce.

Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'article 2.

Chapitre Ier

Des cas de divorce

Art. 1er
Dossier législatif : projet de loi relatif au divorce
Art. 3

Article 2

I. - Les intitulés : « paragraphe 1 - Du divorce sur demande conjointe des époux » et « paragraphe 2 - Du divorce demandé par un époux et accepté par l'autre » de la section 1 du chapitre Ier du titre VI du livre Ier du code civil sont supprimés.

II. - Cette section comprend les articles 230 et 232 ainsi rédigés :

« Art. 230. - Le divorce peut être demandé conjointement par les époux lorsqu'ils s'entendent sur la rupture du mariage et ses effets en soumettant à l'approbation du juge une convention réglant les conséquences du divorce.

« Art. 232. - Le juge homologue la convention et prononce le divorce s'il a acquis la conviction que la volonté de chacun des époux est réelle et que leur consentement est libre et éclairé.

« Il peut refuser l'homologation et ne pas prononcer le divorce s'il constate que la convention préserve insuffisamment les intérêts des enfants ou de l'un des époux. »

M. le président. L'amendement n° 59 rectifié a déjà été examiné par priorité.

L'amendement n° 103, présenté par M. Mercier et les membres du groupe de l'Union centriste, est ainsi libellé :

« Compléter le premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article 232 du code civil par les mots : tant sur la rupture du mariage que sur la convention de règlement du divorce. »

La parole est à Mme Gisèle Gautier.

Mme Gisèle Gautier. La comparution unique devant le juge, dans le cadre de la procédure de divorce par consentement mutuel, est une mesure de simplification afin que le divorce soit rapidement prononcé.

Toutefois, on l'a dit à maintes reprises, le divorce ne doit pas être prononcé dans la précipitation. C'est pourquoi le juge doit s'assurer que les époux veulent effectivement se séparer et qu'ils sont en accord sur tout point du règlement du divorce avant d'homologuer la convention de séparation et de prononcer le divorce.

Cette précision formelle permettrait le réexamen avec les époux de chaque point de la convention, évitant tout risque de contentieux ultérieurs, le juge pouvant ne pas homologuer la convention s'il constate que les parties n'étaient en réalité pas d'accord. En outre, s'il y a des contentieux ultérieurs, cette mesure permettrait de protéger les juges contre des accusations de règlement hâtif du divorce.

Cet amendement n'apporte pas de changement fondamental au projet de loi, mais cela va mieux en le disant.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Patrice Gélard, rapporteur. Cet amendement s'avère redondant par rapport à l'article 230 du code civil, qui n'est pas modifié par le projet de loi. Par conséquent, j'en demande le retrait.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Même avis.

M. le président. Madame Gautier, l'amendement n° 103 est-il maintenu ?

Mme Gisèle Gautier. Compte tenu de ces précisions, je retire cet amendement.

M. le président. L'amendement n° 103 est retiré.

L'amendement n° 60, présenté par Mme Cerisier-ben Guiga, est ainsi libellé :

« Compléter le texte proposé par le II de cet article pour l'article 232 du code civil par un alinéa ainsi rédigé :

« Toutefois, à la demande de l'un ou des deux époux, une seconde comparution est ordonnée par le juge. »

La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Le projet de loi supprime la double comparution devant le juge en matière de divorce par consentement mutuel. Cette disposition paraît tout à fait excellente à mon groupe en ce qu'elle permettra un traitement beaucoup plus rapide des vrais divorces par consentement mutuel ne présentant pas de difficulté particulière. Cela signifie que l'avocat ou les avocats vont préparer une convention définitive de divorce qui réglera tous les problèmes inhérents à la rupture.

Je m'interroge simplement sur le fait que seul le juge aura la possibilité de faire revenir les parties devant lui s'il l'estime utile dans certaines circonstances.

Par mon amendement, je propose qu'à la demande de l'un ou des deux époux la seconde comparution soit ordonnée par le juge.

En effet, tous les praticiens vous le diront, il y a une proportion non négligeable de faux consentements mutuels, de consentements mutuels extorqués à l'époux en situation d'infériorité, en situation de dépendance psychologique. Or le juge, pris dans la masse des affaires qui se succèdent, ne décèle pas nécessairement les cas un peu tangents, surtout s'il n'y a qu'un avocat, celui-ci ayant été choisi par l'époux en situation de force. Il arrive trop souvent que ce dernier - dans la plupart des cas, le mari - dise : « Prenons l'avocat de ma société, ce sera plus simple et il nous prendra moins cher. » Le résultat, c'est que l'avocat en question défend surtout les intérêts de l'un et pas ceux de l'autre. Finalement, l'épouse en situation d'infériorité s'est laissée aller au départ à accepter un divorce par consentement mutuel qui ne lui est pas favorable.

Aussi, il serait bon, me semble-t-il, de laisser, dans des cas très limités, la possibilité à l'un des époux de se ressaissir et de demander une seconde comparution.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Patrice Gélard, rapporteur. Même si je trouve les arguments de Mme Cerisier-ben Guiga intéressants, je vais toutefois émettre un avis défavorable pour plusieurs raisons.

Premièrement, c'est le juge qui doit estimer s'il y a lieu ou non de procéder à une seconde comparution.

Deuxièmement, rien n'interdit à l'une ou l'autre des parties de demander au juge de comparaître devant lui une nouvelle fois.

En fait, je crains, madame, que votre amendement n'aille à l'encontre de l'esprit de la réforme du divorce que nous sommes en train de mener et qui a pour objet d'accélérer, de rendre plus facile la procédure de divorce par consentement mutuel. Les juges ne sont pas des imbéciles, ils savent ce qu'ils font, et ils se rendront bien compte si les deux parties sont totalement consentantes ou si l'une ou l'autre éprouve des réticences. Il faut donc leur faire confiance et leur laisser la responsabilité de décider d'une seconde comparution si l'une ou l'autre des deux parties le lui ont demandé ou s'il estime que la convention établie n'est pas satisfaisante.

Par conséquent, la solution que nous avons adoptée est sage. Votre idée est intéressante, mais elle risque d'aboutir à un allongement des délais.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement. L'objet du texte est de faire en sorte, en cas de consentement mutuel, de simplifier et surtout d'accélérer la procédure.

Nous connaissons tous un grand nombre de cas dans lesquels, en fait, il y a accord mais qui, pour des raisons d'audiencement, prennent du retard, entretenant une situation de crispation, de tension à l'intérieur du foyer, avec toutes les conséquences qui peuvent s'ensuivre.

Au moment de la comparution, chacun s'exprimera et si l'un ou l'autre des époux manifeste la volonté de se rétracter, soit une seconde comparution sera ordonnée, soit il y aura changement de nature du divorce.

L'amendement aurait le gros inconvénient de rendre illisible la réforme. Nous avons souhaité que, lorsqu'il y a consentement mutuel, il n'y ait qu'une seule comparution afin d'accélérer le processus.

M. le président. Madame Cerisier-ben Guiga, l'amendement n° 60 est-il maintenu ?

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Je suis sensible aux arguments de M. le rapporteur et de M. le ministre. L'essentiel est effectivement d'obtenir une accélération et une simplification des procédures du divorce par consentement mutuel, et c'est à l'usage que l'on verra si, oui ou non, les juges rencontrent des difficultés.

Je m'inquiète surtout de ce qu'il n'y ait qu'un seul avocat dans cette procédure car cela ne me semble pas donner toutes les garanties nécessaires.

Quoi qu'il en soit, j'accepte de retirer l'amendement n° 60 ; on verra bien dans quelques années !

M. le président. L'amendement n° 60 est retiré.

Je mets aux voix l'article 2.

(L'article 2 est adopté.)

Art. 2
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Art. 4

Article 3

I. - L'intitulé de la section 2 du chapitre Ier du titre VI du livre Ier du même code est ainsi modifié :

« Section 2. - Du divorce accepté. »

II. - Cette section comprend les articles 233 et 234 ainsi rédigés :

« Art. 233. - Le divorce peut être demandé par l'un ou l'autre des époux ou par les deux lorsqu'ils acceptent le principe de la rupture du mariage sans considération des faits à l'origine de celle-ci.

« Cette acceptation n'est pas susceptible de rétractation, même par la voie de l'appel.

« Art. 234. - S'il a acquis la conviction que chacun des époux a donné librement son accord, le juge prononce le divorce et statue sur ses conséquences. »

M. le président. L'amendement n° 99, présenté par M. Mercier et les membres du groupe de l'Union centriste, est ainsi libellé :

« Le second alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article 233 du code civil est ainsi rédigé :

« Un délai de deux mois suivant l'acceptation est ouvert au conjoint pour se rétracter. »

La parole est à Mme Gisèle Gautier.

Mme Gisèle Gautier. L'impossibilité de rétractation après acceptation du divorce par acceptation du principe de la rupture du mariage nous semble excessive. Elle est en effet de nature à brimer la volonté de l'époux ou de l'épouse qui peut changer d'avis au cours de la procédure. Lui refuser le droit de se rétracter revient à l'empêcher d'exprimer librement sa volonté.

En outre, le juge doit apprécier la réalité et la liberté de l'acceptation des époux. Comment pourrait-il reconnaître le consentement réel et libre de l'époux qui fait part de sa volonté de divorcer pour un autre motif ? S'il le faisait, il y aurait un trop grand nombre de cas d'acceptation du principe de la rupture du mariage finalement extorquée.

Toutefois, il ne faut pas autoriser une rétractation sans poser de délai, sinon cela affecterait la sécurité juridique de l'époux demandeur. Un délai de deux mois suivant l'acceptation paraît raisonnable pour permettre à l'époux ayant accepté le principe de la rupture de se rétracter.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Patrice Gélard, rapporteur. Je suis très sensible à cet amendement, mais le processus de divorce en cas d'acceptation du principe de la rupture du mariage vise précisément à rendre celui-ci plus sûr en évitant les rétractations.

Je tiens à préciser que, dans cette procédure, il y aura deux avocats. En tout cas, nous ne pouvons pas accepter le principe de rétractations qui remettraient en cause notre objectif principal, qui est d'accélérer les choses, de les rendre plus simples. L'insécurité qui naîtrait du fait des rétractations possibles irait à l'encontre de cette mission que nous nous sommes fixée les uns et les autres.

Par conséquent, je suis obligé de donner un avis défavorable sur cet amendement, à moins qu'il ne soit retiré.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Même avis.

M. le président. Madame Gautier, l'amendement n° 99 est-il maintenu ?

Mme Gisèle Gautier. M. le rapporteur est un bon avocat puisqu'il a réussi à me convaincre : je retire l'amendement.

M. le président. L'amendement n° 99 est retiré.

Je mets aux voix l'article 3.

(L'article 3 est adopté.)

Art. 3
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Art. additionnel après l'art. 4

Article 4

I. - Avant l'article 237 du même code, est insérée une section 3 intitulée : « Du divorce pour altération définitive du lien conjugal ».

II. - Cette section comprend les articles 237 et 238 ainsi rédigés :

« Art. 237. - Le divorce peut être demandé par l'un des époux lorsque le lien conjugal est définitivement altéré.

« Art. 238. - L'altération définitive du lien conjugal résulte de la cessation de la communauté de vie, tant affective que matérielle, entre les époux durant les deux années précédant la requête initiale en divorce ou pendant une période de deux ans entre le prononcé de l'ordonnance de non-conciliation et l'introduction de l'instance.

« Nonobstant ces dispositions, le divorce est prononcé pour altération définitive du lien conjugal dans le cas prévu au deuxième alinéa de l'article 246, dès lors que la demande présentée sur ce fondement est formée à titre reconventionnel. »

M. le président. L'amendement n° 61, présenté par M. Dreyfus-Schmidt, Mme M. André, M. Badinter, Mmes Cerisier-ben Guiga et Durrieu, M. Lagauche, Mme Pourtaud et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Dans le premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article 238 du code civil, supprimer les mots : ", tant affective que matérielle,". »

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous avons été très déçus que notre amendement ne soit pas accepté par la commission.

En effet, la formulation actuelle de l'article 238, à laquelle nous proposons en fait de revenir, est la suivante : « Il en est de même lorsque les facultés mentales du conjoint se trouvent, depuis six ans, ... » - mais nous sommes d'accord pour que ce délai soit ramené à deux ans - « ... si gravement altérées qu'aucune communauté de vie ne subsiste plus entre les époux. » C'est clair, net et précis, et la jurisprudence montre que les juges savent parfaitement de quoi il retourne.

C'est pourquoi, d'ailleurs, nous rectifions notre amendement, de manière que, dans l'article 238 du code civil tel qu'il est proposé, après le mot « résulte » et avant le mot « précédant », la rédaction soit la suivante : « de ce qu'aucune communauté de vie ne subsiste plus entre les époux depuis deux années ».

Autrement dit, nous proposons qu'il ne soit plus question de la « cessation de la communauté de vie, tant affective que matérielle, entre les époux ».

En effet, nous ne comprenons pas comment pourrait être prouvée la cessation de la communauté de vie affective. On voit bien ce que recouvre la cessation de communauté de vie matérielle, encore que des époux puissent être séparés, par exemple, du fait de nécessités professionnelles. Mais il ne s'agit pas de savoir si c'est la communauté de vie matérielle ou la communauté de vie affective qui a cessé : il s'agit de savoir s'il n'y a plus aucune communauté de vie. C'est ce que prévoit actuellement le texte de l'article 238 et il n'y a pas de raison de changer.

Nous nous permettons d'insister parce que, au lieu de régler les problèmes, on va les compliquer. En effet, celui dont le conjoint voudra divorcer au bout de deux années de rupture de la vie commune pourra toujours dire que, matériellement, il n'était plus là mais que, « affectivement », il était toujours présent. Comment le savoir ? Comment le prouver ? Où est, dès lors, l'intérêt d'inscrire dans la loi les termes « matérielle ou affective » ?

M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 61 rectifié, présenté par M. Dreyfus-Schmidt, Mme M. André, M. Badinter, Mmes Cerisier-ben Guiga et Durrieu, M. Lagauche, Mme Pourtaud et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, et ainsi libellé :

« Dans le premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article 238 du code civil, remplacer les mots : "de la cessation de la communauté de vie, tant affective que matérielle, entre les époux durant les deux années" par les mots : "de ce qu'aucune communauté de vie ne subsiste plus entre les époux depuis deux années". »

Quel est l'avis de la commission ?

M. Patrice Gélard, rapporteur. Je dois dire que l'approche de M. Dreyfus-Schmidt est intéressante. Cependant, si nous avons maintenu la formulation qu'il critique, c'est parce que la Cour de cassation a exigé dans ses arrêts successifs que la communauté de vie, tant matérielle qu'affective, ait cessé entre les conjoints.

Je ne voudrais pas que la Cour de cassation vienne, par ce biais, compliquer, voire empêcher l'application des nouvelles dispositions que nous voulons mettre en place.

C'est la raison pour laquelle je suis au regret d'émettre un avis défavorable.

En reprenant les termes de la Cour de cassation, nous ne risquons rien ! Nous ne lui causons pas la moindre peine ! (Sourires.) Elle pourra continuer d'appliquer sa jurisprudence en matière de cessation de la vie commune, d'altération du lien conjugal.

A l'inverse, monsieur Dreyfus-Schmidt, si votre amendement était adopté, je craindrais que la Cour de cassation ne développe une nouvelle jurisprudence qui nous obligerait à légiférer à nouveau. C'est pourquoi je vous demande, avec toute l'amitié que je vous porte, de retirer cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement. Outre ce qui vient d'être dit par le rapporteur, à savoir que le texte figurant dans le projet reprend purement et simplement la jurisprudence de la Cour de cassation, il me paraît important que cela soit inscrit dans le code.

En effet, dès lors que nous portons le délai à deux ans, il convient que le constat qui est fait porte à la fois sur l'aspect affectif et sur l'aspect matériel. Sinon, risquent d'être introduites des demandes en divorce fondées uniquement sur une situation de fait, par exemple l'existence de deux domiciles différents pour des raisons professionnelles, alors qu'il a pu y avoir par ailleurs continuation d'une certaine vie affective, attestée par des échanges de lettres ou quelque autre élément. Ne pas en tenir compte reviendrait en fait à raccourcir encore le délai.

Je crois donc que, à la fois au regard de la jurisprudence actuelle à la Cour de cassation et pour préserver l'esprit du texte, son équilibre et sa modération, il serait tout à fait inopportun d'adopter cet amendement.

M. le président. Monsieur Dreyfus-Schmidt, l'amendement n° 61 rectifié est-il maintenu ?

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je tiens d'abord à préciser que la commission des lois a repoussé notre amendement par 11 voix contre 9. C'est dire que la discussion avait été serrée ! Et si vous prenez en compte les votes défavorables du rapporteur et du président, avec toute l'autorité qui est la leur, vous constatez que la majorité présente en commission s'était, en vérité, prononcée pour.

Qu'a dit la Cour de cassation ? Selon le Dalloz, que « l'article 237 n'effectue aucune distinction quant aux circonstances ayant accompagné la séparation des époux et il suffit, pour que les conditions prévues par la loi soient remplies, que la communauté de vie, tant matérielle qu'affective, ait cessé entre les conjoints ». Or cela, la Cour de cassation l'a dit en 1980 ! Depuis, plus rien !

M. Patrice Gélard, rapporteur. Lisez la suite !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Mais la suite n'a aucun rapport ! La voici : « Une séparation légale consécutive à un jugement de séparation de corps peut servir de fondement à une demande en divorce pour rupture de la vie commune. »

Je le répète, cette jurisprudence est vieille de près de vingt-quatre ans !

M. René Garrec, président de la commission des lois. Elle est donc fermement établie !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Au demeurant, elle n'est nullement contraire à la position que je défends. C'est une question de preuves. La formule selon laquelle « il ne subsiste aucune communauté de vie » dit bien ce qu'elle veut dire. Elle signifie qu'il faut éventuellement rechercher s'il subsiste ou non quoi que ce soit de cette communauté. A partir du moment où il n'en subsiste rien, cela inclut évidemment l'aspect matériel, l'aspect affectif ou tout ce que vous voudrez ! Véritablement, vous risquez de compliquer les choses !

Je n'ai pas eu communication, malgré ma demande, de la composition du groupe de travail, et je le regrette. En tout cas, c'est un mauvais argument que celui qui consiste à s'appuyer sur trois arrêts de la Cour de cassation datant de 1980, et qui ne disent d'ailleurs pas le contraire de ce que je dis, à savoir que la communauté de vie ne doit en rien subsister !

Il suffit de reprendre cette formule plutôt que de permettre qu'on ergote d'un côté ou de l'autre de la barre en disant que, matériellement, c'est vrai, il n'y avait plus communauté de vie, mais que, affectivement, celle-ci continuait. Et le président devra solliciter des attestations ou faire entendre des témoins, qui expliqueront par exemple que le mari avait dit : « Je l'aime bien, je ne lui veux pas de mal... » ou que sais-je encore !

Dans ces conditions, monsieur le président, nous maintenons évidemment l'amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 61 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 117, présenté par Mme G. Gautier, M. Mercier et les membres du groupe de l'Union centriste, est ainsi libellé :

« Après les mots : "entre les époux", rédiger comme suit la fin du premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article 238 du code civil : "durant les trois années précédant la requête initiale en divorce". »

L'amendement n° 120, présenté par M. Dreyfus-Schmidt, Mme M. André, M. Badinter, Mmes Cerisier-ben Guiga et Durrieu, M. Lagauche, Mme Pourtaud et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Après les mots : "deux années précédant", rédiger comme suit la fin du premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article 238 du code civil : "l'assignation en divorce". »

La parole est à Mme Gisèle Gautier, pour présenter l'amendement n° 117.

Mme Gisèle Gautier. J'ai bien entendu les arguments de M. le rapporteur tendant à nous faire comprendre qu'il n'y avait pas lieu de prolonger outre mesure le délai concernant la possibilité de demander unilatéralement le divorce.

Lorsque j'ai été conduite à rédiger cet amendement, j'ai pris en considération le fait que la séparation imposée à l'un des conjoints est toujours très douloureuse pour celui-ci, à la fois psychologiquement et matériellement, et qu'il convenait de lui accorder davantage de temps, au moins pour s'organiser pratiquement, pour trouver du travail, éventuellement un logement, et aussi pour que la douleur s'apaise.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour défendre l'amendement n° 120.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous n'avons pas été étonnés que la commission donne un avis favorable sur cet amendement puisqu'il est strictement identique à celui que nous avait proposé M. le rapporteur avant que la commission ne le repousse.

Une discussion fort intéressante s'est néanmoins instaurée sur le point de savoir comment on allait calculer les deux années de « cessation de toute communauté de vie ».

Le texte qui nous est soumis évoque, d'un côté, « les deux années précédant la requête initiale en divorce » et, d'un autre côté, « une période de deux ans entre le prononcé de l'ordonnance de non-conciliation et l'introduction de l'instance ». Cela constitue deux hypothèses un peu lourdes à concevoir. Nous proposons donc de viser simplement les deux années précédant l'assignation, et cela quel que soit le motif de la requête.

Nous avons donc estimé que, en définitive, le premier mouvement de la commission était le bon et nous nous y sommes ralliés.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Patrice Gélard, rapporteur. En ce qui concerne l'amendement de Mme Gautier, nous avons eu une très longue discussion sur la question de savoir si ce délai devait être de deux ou de trois ans.

Je comprends parfaitement vos arguments, ma chère collègue, mais la commission a estimé qu'un délai de trois ans constituait une durée trop longue par rapport à la rapidité qui caractérise notre époque.

Cela dit, nous aurons un débat avec l'Assemblée nationale sur cette question, car je sais que son rapporteur inclinera, lui, plutôt pour trois ans. Moi, j'estime que deux ans constituent un délai suffisamment long, d'autant qu'il convient d'y ajouter les délais de procédure.

C'est la raison pour laquelle je vous invite, madame Gautier, à retirer cet amendement en sachant que nous serons certainement amenés à revoir cette question en commission mixte paritaire.

Sur votre amendement n° 120, monsieur Dreyfus-Schmidt, je suis en parfait accord avec vous ; vous avez d'ailleurs repris un amendement que j'avais initialement déposé, mais qui avait disparu après un cafouillage un peu byzantin au sein de la commission. Il faut dire que, à la fin du mois de décembre, nous étions épuisés par la surcharge de travail parlementaire qu'a connue la commission des lois !

M. René Garrec, président de la commission des lois. C'est vrai !

M. Patrice Gélard, rapporteur. En fin de compte, il convient de distinguer trois cas. Dans le premier, les époux sont réellement séparés depuis deux ans. Ils vivent dans des logements différents, et n'ont plus rien en commun. Il s'agit dans ce cas des deux ans précédant l'introduction du divorce. Nous sommes d'accord sur ce point qui ne pose pas de problème, puisque le projet de loi prévoit ce cas.

Le deuxième cas est celui des époux qui demandent le divorce, mais qui ne voulant pas invoquer le divorce pour faute, ni entamer une procédure en demandé-accepté, vont se reporter sur le divorce pour altération définitive du lien conjugal.

Dans ce cas, le délai de deux ans est nécessaire, mais il convient de trouver une date à partir de laquelle ce délai va commencer à courir. J'avais proposé, pour ma part, la date de l'assignation ; vous la reprenez et je suis totalement en accord avec vous.

En outre, l'amendement que vous proposez, qui est identique à celui que j'avais déposé, va aussi dans le sens de ceux qui, dans le troisième cas, avaient commencé à mener une vie totalement séparée, pendant une période de six mois, un an ou dix-huit mois, mais inférieure à deux ans, et donc qui n'était pas décomptée dans le texte initial du Gouvernement.

Votre amendement satisfait totalement la commission, monsieur Dreyfus-Schmidt, et c'est la raison pour laquelle j'émets en sa faveur un avis extrêmement favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Je souhaite replacer ces deux amendements dans le cadre général du projet de loi que je présente, dont l'un des objectifs est de faire en sorte que les époux ne se tournent plus dorénavant vers le divorce pour faute mais optent pour une formule beaucoup plus pacifiée telle que celle qui est proposée.

En effet, près de 50 % des divorces sont encore des divorces pour faute car c'est bien souvent le seul moyen que l'un des deux conjoints trouve pour obtenir le divorce, avec toutes les conséquences que l'on sait, notamment la recherche de preuves plus ou moins sollicitées. Je passe sur ce processus que nous connaissons tous à travers les cas que nous avons pu rencontrer.

C'est la raison pour laquelle je suis défavorable à l'amendement n° 117 qui aura pour effet de maintenir la recherche du divorce pour faute pour un grand nombre de couples.

M. Patrice Gélard, rapporteur. Exactement !

M. Dominique Perben, garde des sceaux. En réalité, le délai sera supérieur à trois ans, compte tenu du point de départ de la procédure. Par conséquent, ces « faux divorces pour faute », si je puis dire, vont subsister, alors qu'ils sont tout à fait négatifs en termes de capacités à refaire une vie, à reconstruire un projet, à essayer de protéger les enfants des couples divorcés. Tous ces arguments m'incitent à souhaiter vivement que le recours au divorce pour faute devienne beaucoup plus exceptionnel.

En revanche, je suis favorable à l'amendement n° 120, qui simplifie effectivement le texte du projet de loi.

M. le président. Madame Gautier, l'amendement n° 117 est-il maintenu ?

Mme Gisèle Gautier. Il est vrai que les membres de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes que je préside se sont interrogés sur ce point et c'est à la suite d'une longue discussion, toutes sensibilités confondues, que cet amendement a été formulé.

En ne nous opposant pas un « niet » catégorique, à savoir que ce point pourra éventuellement être de nouveau discuté, M. le rapporteur m'a apporté tous apaisements. Aussi, je retire cet amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 117 est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 120.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 109, présenté par M. Mercier et les membres du groupe de l'Union centriste, est ainsi libellé :

« Compléter le texte proposé par le II de cet article pour l'article 238 du code civil par un alinéa ainsi rédigé :

« Si l'autre époux établit que le divorce aurait, soit pour lui, compte tenu notamment de son âge et de la durée du mariage, soit pour les enfants, des conséquences matérielles et morales d'une exceptionnelle dureté, le juge rejette la demande. »

La parole est à Mme Gisèle Gautier.

Mme Gisèle Gautier. Cet amendement a pour objet de rétablir la « clause de dureté » prévue par l'article 240 du code civil et que le présent projet de loi abroge. Il est en effet important de permettre au juge de rejeter la demande de mariage dans les cas, il en existe, où le divorce aurait des conséquences dramatiques pour l'un ou l'autre des conjoints.

Les différentes interventions ont bien montré que le juge est un homme responsable, de bon sens, faisant preuve de capacités de raisonnement. On peut donc imaginer qu'il puisse prendre lui-même la décision de rejeter la demande de mariage au regard des éléments dont il a connaissance.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Patrice Gélard, rapporteur. Je suis très ennuyé par cet amendement.

Tout en comprenant très bien les motivations qui animent ses auteurs, je suis obligé de dire qu'il est totalement contraire à l'esprit du texte que nous examinons aujourd'hui, lequel envisage tout simplement de supprimer la clause de dureté dont je rappelle qu'elle donnait au juge le pouvoir d'interdire un divorce.

M. Jean-Jacques Hyest. Oui !

M. Patrice Gélard, rapporteur. De plus, cet amendement est totalement contraire à la disposition nouvelle introduite par le présent projet de loi concernant le divorce pour altération définitive du lien conjugal, disposition à laquelle la clause de dureté ne pourra pas être opposée.

Si vous me le permettez, je distinguerai deux sortes de mariage. En premier lieu, le mariage de la République, qui est le mariage civil, avec ses droits et ses obligations, pour chacun des époux, que l'officier d'état civil énonce en donnant lecture des articles 212, 213, 214 et 215 du code civil et du nouvel article sur l'autorité parentale. L'une des corrélations du mariage civil depuis 1804 est la reconnaissance du divorce.

En second lieu, à côté du mariage civil, il existe les mariages religieux où chacun prend des engagements différents. Mais la République, au nom de la laïcité, n'a pas à tenir compte de ces engagements religieux. Dès lors, nous ne pouvons pas prendre en considération l'argument que vous soulevez, madame Gautier, celui de l'extrême dureté, qui repose en réalité exclusivement sur des concepts religieux et non pas laïques.

M. Jean-Jacques Hyest. Non ! Revoyez votre droit canon ! Le mariage catholique est indissoluble !

M. Patrice Gélard, rapporteur. Cet argument en relève en grande partie tout de même !

M. René Garrec, président de la commission des lois. Il n'a pas prononcé le mot !

M. Patrice Gélard, rapporteur. Voilà pourquoi, si nous comprenons très bien les raisons qui motivent cet amendement, nous ne pouvons pas l'accepter dans le cadre de la réforme que nous envisageons aujourd'hui, parce qu'il constituerait un retour en arrière par rapport à toute la pratique qui s'est développée depuis 1975.

C'est la raison pour laquelle je souhaite que vous le retiriez, sinon je serai obligé de donner un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

Je m'en tiendrai à l'essentiel : l'esprit du texte est de faire en sorte que le mariage soit préservé lorsqu'il a un sens. S'il y a des conséquences graves pour l'un des deux conjoints, la réponse est, non pas le maintien de force du mariage, mais le traitement des conséquences matérielles du divorce, la prestation compensatoire et le nouvel article 266 en matière de dommages et intérêts que le Sénat examinera ultérieurement et que vous me permettrez de lire : « Sans préjudice de l'application de l'article 270, des dommages et intérêts peuvent être accordés à un époux en réparation des conséquences d'une particulière gravité qu'il subit du fait de la dissolution du mariage, soit lorsqu'il était défendeur à un divorce prononcé pour altération définitive du lien conjugal, soit lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs de son conjoint. »

La réponse, en l'occurrence, ne peut être que matérielle.

M. Jean-Jacques Hyest. Eh oui !

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Sinon nous nous enfermons dans une conception du mariage qui n'est pas la nôtre.

Ne mélangeons pas les choses : s'il y a effectivement impossibilité de poursuivre la vie conjugale, il importe d'en prendre acte et de permettre une protection des personnes concernées, tant des parents que des enfants.

En revanche, il faut que la justice puisse tenir compte de la réalité, y compris matérielle, et de la gravité des conséquences que peut avoir le divorce. La prestation compensatoire, d'une part, et les dommages et intérêts, d'autre part, sont prévus à cet effet.

M. le président. Madame Gautier, l'amendement n° 109 est-il maintenu ?

Mme Gisèle Gautier. Je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 109 est retiré.

Je mets aux voix l'article 4, modifié.

(L'article 4 est adopté.)

Art. 4
Dossier législatif : projet de loi relatif au divorce
Art. 5

Article additionnel après l'article 4

M. le président. L'amendement n° 110 rectifié, présenté par M. About et les membres du groupe de l'Union centriste, est ainsi libellé :

« Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« I. - Après l'article 238 du code civil, il est inséré une section 4 intitulée : "Section 4. - Du divorce des personnes mineures à la date du mariage".

« II. - Cette section comprend les articles... à ... ainsi rédigés :

« Art. ... - Le divorce peut être demandé par le conjoint lorsque le mariage a eu lieu alors qu'il était mineur.

« Art. ... - La demande de divorce sur ce fondement n'est plus recevable lorsque le conjoint a atteint l'âge de 23 ans révolus.

« Art. ... - Dès lors qu'il est avéré que l'époux était mineur lors du mariage, le juge prononce le divorce sur ce fondement et statue sur ses conséquences. »

Cet amendement n'a plus d'objet.

Art. additionnel après l'art. 4
Dossier législatif : projet de loi relatif au divorce
Art. 6

Article 5

I. - Il est créé après l'article 238 du même code une section 4 intitulée : « Du divorce pour faute ».

Elle comprend les articles 242, 244, 245, 245-1 et 246.

II. - L'article 242 du même code est ainsi rédigé :

« Art. 242. - Le divorce peut être demandé par l'un des époux lorsque des faits constitutifs d'une violation grave des devoirs et obligations du mariage sont imputables à son conjoint et rendent intolérable le maintien de la vie commune. »

III. - L'article 246 du même code est ainsi rédigé :

« Art. 246. - Si une demande pour altération définitive du lien conjugal et une demande pour faute sont concurremment présentées, le juge examine en premier lieu la demande pour faute.

« S'il rejette celle-ci, le juge statue sur la demande en divorce pour altération définitive du lien conjugal. »

M. le président. L'amendement n° 112, présenté par M. About et les membres du groupe de l'Union centriste, est ainsi libellé :

« I. - Au premier alinéa du I de cet article, remplacer les mots : "article 238" par les mots : "article 241" et les mots : "section 4" par les mots : "section 5". »

Cet amendement n'a plus d'objet.

M. le président. L'amendement n° 62 rectifié, présenté par M. Dreyfus-Schmidt, Mme M. André, M. Badinter, Mmes Cerisier-ben Guiga et Durrieu, M. Lagauche, Mme Pourtaud et les membres du groupe Socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« A la fin du premier alinéa du I de cet article, remplacer les mots : "Du divorce pour faute" par les mots : "Du divorce pour manquements aux obligations du mariage". »

La parole est à Mme Michèle André.

Mme Michèle André. A la différence de l'union libre, le mariage crée un certain nombre de devoirs réciproques entre les époux. Rappelons l'article 212 du code civil, qui prévoit que les époux se doivent mutuellement fidélité, secours et assistance, et l'article 213 qui dispose que les époux assurent ensemble la direction morale et matérielle de la famille, pourvoient à l'éducation de leurs enfants et préparent leur avenir.

L'article 214, quant à lui, prévoit que si les conventions matrimoniales ne règlent pas la contribution des époux aux charges du mariage, ils y contribuent à proportion de leurs facultés respectives.

Enfin, le premier alinéa de l'article 215 dispose que les époux s'obligent mutuellement à une communauté de vie.

Ainsi, le mariage est une sorte d'association qui comporte des devoirs et des missions conjointes.

Il faut toutefois remarquer qu'en pratique c'est seulement à l'occasion d'une action en divorce que le manquement à ces devoirs sera sanctionné. Ainsi, l'article 242 du code civil dispose que le divorce peut être demandé par un époux pour des faits imputables à l'autre, lorsque ces faits constituent une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage et rendent intolérable le maintien de la vie commune. Cet article vise la violation des devoirs et obligations du mariage.

Pourquoi qualifier le divorce qui sanctionne ces manquements de « divorce pour faute » ? Il nous paraît plus approprié de le nommer « divorce pour manquements aux obligations du mariage ». Tel est l'objet de cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Patrice Gélard, rapporteur. Je comprends très bien la préoccupation sémantique de nos collègues du groupe socialiste.

Mais je regrette d'abord le « s » à « manquements », puisqu'il faudra que le juge constate plusieurs manquements aux obligations du mariage avant de prononcer le divorce.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous avez raison : nous rectifions l'amendement !

M. Patrice Gélard, rapporteur. Ensuite, tout le monde connaît le divorce pour faute ; il a l'avantage de ne comporter qu'un mot. En revanche, la formulation « manquements aux obligations du mariage » compte trois mots, plus « aux » et « du ». Elle est beaucoup plus longue...

M. Bernard Frimat. Cinq mots !

M. Patrice Gélard, rapporteur. ... et plus compliquée.

J'ajoute que l'idée de manquements aux obligations du mariage m'inquiète un peu, car cette appellation ouvrira au juge une possibilité d'interprétation que la faute ne lui offre pas.

On sait ce qu'est la faute. L'appellation « manquements aux obligations du mariage » donnera lieu à une jurisprudence abondante sur ce qui est manquement et ce qui ne l'est pas.

C'est la raison pour laquelle, tout en comprenant parfaitement cette volonté de pacifier les relations entre les conjoints, la faute paraissant évidemment une notion beaucoup plus brutale, je suis obligé de donner un avis défavorable sur cet amendement qui, à mon avis, dénature l'esprit dans lequel nous travaillons.

Aussi, je demande à M. Dreyfus-Schmidt de le retirer afin de garder, pour l'instant, l'appellation « faute ».

J'ai annoncé dans mon rapport écrit que nous ne sommes qu'à une étape et qu'il faudra certainement revoir ce texte dans vingt ans. A ce moment-là, la faute aura peut-être complètement disparu et les manquements aux obligations du mariage pourront alors lui succéder dans la législation.

Mais, pour l'instant, le terme me paraît trop flou par rapport à la réalité et, surtout, à l'état d'esprit de ceux qui aujourd'hui, dans 38,2 % des cas, demandent le divorce en invoquant la faute et non pas les manquements aux obligations du mariage.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Défavorable.

M. le président. Monsieur Dreyfus-Schmidt, l'amendement n° 62 rectifié est-il maintenu ?

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous avons de la suite dans les idées. En effet, celui d'entre nous qui avait expliqué notre vote sur le texte, tel qu'il sortait du Sénat, de la proposition de loi Colcombet s'exprimait ainsi : « Le nouveau texte ne nous satisfait pas, compte tenu, en particulier, du divorce pour « faute », mot qui, d'ailleurs, me choque intensément. En effet, il s'agit d'adultes, lesquels commettent peut-être des manquements, mais sûrement pas des fautes ! ». Excusez-moi de m'être cité moi-même. (Sourires.)

Je dois dire que nous ne sommes pas les seuls à exprimer cet avis. Notre collègue Pierre Fauchon déplore - je vous renvoie à la page 2827 du Bulletin des commissions du 20 décembre 2003 - le maintien de l'appellation de divorce pour faute, tout en étant d'accord avec le maintien de la procédure, car il estime l'appellation stigmatisante.

Cette question est certes simplement de mot et de nom. Mais ce que nous voudrions faire comprendre, c'est qu'il s'agit d'adultes, ou éventuellement de personnes émancipées par le mariage. Il ne s'agit ni d'enfants pris en faute ni de pénitents coupables de fautes qui les amèneraient à se frapper la poitrine.

Le mot a une certaine importance. Je vous accorde de conserver la procédure que prévoyait déjà la proposition de la loi Colembet, notamment quant aux dommages et intérêts. A cet égard, M. le garde des sceaux ne nous a d'ailleurs pas encore dit si les héritiers seraient tenus ultra vires ou intra vires.

On ne peut donc exclure en tant que tel le divorce qu'on a toujours appelé « divorce pour faute ». Mais puisque l'on veut dédramatiser, l'appellation « Du divorce pour manquement aux obligations du mariage » y contribuera avec notre rectification, le mot « manquement » étant au singulier.

M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 62 rectifié bis, présenté par M. Dreyfus-Schmidt, Mme M. André, M. Badinter, Mmes Cerisier-ben Guiga et Durrieu, M. Lagauche, Mme Pourtaud et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, et ainsi libellé :

« A la fin du premier alinéa du I de cet article, remplacer les mots : "Du divorce pour faute" par les mots : "Du divorce pour manquement aux obligations du mariage". »

La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, pour explication de vote.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Il me semble déceler un certain manque de cohérence entre l'attitude du rapporteur face à la clause de dureté à laquelle il reprochait, à juste titre, d'avoir une très forte connotation religieuse et sa volonté de tenir mordicus à l'emploi du mot « faute » qui, dans ma mémoire, évoque le « mea culpa, mea culpa, mea maxima culpa » - c'est ma faute, c'est ma faute, c'est ma très grande faute -, à l'acte de contrition, La Faute de l'abbé Mouret ; enfin, c'est le péché !

Pour nous, qui avons une formation catholique, le mot « faute » évoque très clairement le péché et non pas le manquement à une obligation légale ou contractuelle.

Telle est la raison pour laquelle, dans le cadre de la modernisation de notre droit et dans un objectif de dédramatisation, l'amendement proposé par notre groupe mérite d'être retenu.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Patrice Gélard, rapporteur. Je ferai simplement remarquer que, en droit, la faute n'est pas le péché !

M. René Garrec, président de la commission des lois. Tout à fait !

M. Patrice Gélard, rapporteur. Nous connaissons bien évidemment la faute pénale, qui a donné lieu à une jurisprudence constante. Mais il existe également la faute civile, énoncée dans les articles 1382, 1383 et 1384 du code civil. Par conséquent, il s'agit d'un domaine que tous les professeurs de droit connaissent par coeur et l'on ne va pas apporter des modifications uniquement pour un problème de sémantique !

En outre, cette nouvelle conception pourrait laisser la place à des interprétations de jurisprudence que je ne suis pas capable, à l'heure actuelle, d'envisager.

M. Robert Del Picchia. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Dominique Perben, garde des sceaux. J'ajouterai simplement un mot quant à l'esprit de ce projet de loi qui maintient l'intitulé de « divorce pour faute ». Le texte que je vous propose au nom du Gouvernement vise à simplifier, à pacifier, mais aussi à responsabiliser. Il faut que les mots aient un sens. Le mot « faute » a un sens, et c'est la raison pour laquelle je souhaite qu'il soit maintenu. (M. Robert Del Picchia applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme Janine Rozier, pour explication de vote.

Mme Janine Rozier. Je ne partage absolument pas l'analyse de M. Dreyfus-Schmidt et de Mme Cerisier-ben Guiga. Sans parler d'engagement religieux, le mariage civile est une parole donnée. Or manquer à sa parole, c'est une faute !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il s'agit d'un manquement, puisque vous dites vous-même « manquer à sa parole » !

C'est beaucoup plus politique qu'on le croit !

M. René Garrec, président de la commission des lois. Pas du tout, monsieur Dreyfus-Schmidt !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 62 rectifié bis.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 102, présenté par M. Mercier et les membres du groupe de l'Union centriste, est ainsi libellé :

« Supprimer le II de cet article. »

L'amendement n° 92 rectifié bis, présenté par Mmes Rozier, Bout et Brisepierre, MM. Del Picchia, Doligé et Gournac, Mme Henneron, M. Moinard, Mmes Payet et G. Gautier, est ainsi libellé :

« Dans le texte proposé par le II de cet article pour l'article 242 du code civil, après les mots : "des faits constitutifs", insérer les mots : "d'un harcèlement ou". »

Les deux derniers amendements sont identiques.

L'amendement n° 2 est présenté par M. Gélard, au nom de la commission.

L'amendement n° 63 est présenté par M. Dreyfus-Schmidt, Mme M. André, M. Badinter, Mmes Cerisier-ben Guiga et Durrieu, M. Lagauche, Mme Pourtaud et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

« Dans le texte proposé par le II de cet article pour l'article 242 du code civil, après les mots : "violation grave", insérer les mots : "ou renouvelée". »

La parole est à Mme Gisèle Gautier, pour présenter l'amendement n° 102.

Mme Gisèle Gautier. La suppression de la référence aux violations renouvelées aux devoirs et aux obligations du mariage est une erreur. L'exposé des motifs précise que ces violations renouvelées seraient comprises dans la violation grave, ce qui n'est pas tout à fait la même chose.

Il faut reconnaître que les violations répétées ne sont pas forcément graves mais justifient la demande de divorce pour faute, car des procédés tels que le harcèlement moral peuvent faire souffrir autant que des sévices graves.

Il faut bien remarquer que la répétition et la gravité sont des termes étrangers l'un à l'autre. La gravité ne peut s'apprécier que sur des actes tels que le viol, les coups et blessures. Une insulte n'est pas grave, des insultes quotidiennes ne le sont pas non plus. Quelle est la famille qui ne se dispute pas quelquefois ?

En revanche, leur répétition engendre des souffrances comparables à celles des violations graves et peut même détruire, annihiler l'individu, en l'humiliant en permanence sur les plans non seulement physique, mais aussi psychologique et moral.

Il faut donc conserver, à mon avis, la référence aux violations renouvelées en tant que fondement d'une demande de divorce pour faute et revenir, de ce fait, à une rédaction similaire à l'actuel article 242 du code civil.

En outre, si l'on supprime cette référence, les justiciables n'auront aucune garantie que le juge prendra en compte ces violations renouvelées, ce qui créera une source d'insécurité juridique.

M. le président. La parole est à Mme Janine Rozier, pour présenter l'amendement n° 92 rectifié bis.

Mme Janine Rozier. Cet amendement vise à mieux « cibler » les conditions qui rendent intolérable le maintien de la vie commune, en introduisant une référence explicite au harcèlement. On en parle depuis suffisamment longtemps : le harcèlement n'est plus, aujourd'hui, une notion vague. Bien qu'elle soit sous-entendue par la rédaction actuelle de l'article, il est préférable qu'elle devienne explicite.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 2.

M. Patrice Gélard, rapporteur. Si vous le permettez, monsieur le président, je présenterai l'amendement n° 2, et je donnerai ensuite l'avis de la commission sur les amendements n°s 102, 92 rectifié bis et 63.

La définition de la faute comprend la violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage. Or le projet de loi tend à considérer les seules violations graves, les violations renouvelées n'étant plus mentionnées. Selon la Chancellerie, elles seraient englobées dans la définition de la violation grave.

Cette modification ne paraît pas très claire, d'autant que le harcèlement moral pourrait être plus difficilement retenu par la jurisprudence. La commission propose donc de rétablir la précision « violation grave ou renouvelée ».

Par mon amendement, je satisfais les auteurs des amendements n°s 102, 92 rectifié bis et 63, ce dernier étant identique à celui que j'ai déposé.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour présenter l'amendement n° 63.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ni dans le texte de M. Colcombet ni dans celui du Gouvernement ne figurait l'adjectif « renouvelée », qui paraissait superflu. Mais certains ont cru bon d'apporter cette précision, estimant que ce qui va sans dire va encore mieux en le disant. Nous avons, nous-mêmes, accepté d'entrer dans cette voie. C'est la raison pour laquelle nous avons déposé cet amendement. Mais, sur le fond, tout le monde était parfaitement d'accord.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. M. le rapporteur a tout dit. J'approuve volontiers son amendement, qui vise à revenir au texte actuel et, comme lui, j'estime que, s'il était adopté, il satisferait les trois autres.

M. le président. Madame Gautier, votre amendement est-il maintenu ?

Mme Gisèle Gautier. Cet amendement tenait particulièrement à coeur à la délégation pour les droits des femmes. Je suis tout à fait satisfaite, puisqu'il est pris en considération. Je le retire donc.

M. le président. L'amendement n° 102 est retiré.

Madame Rozier, l'amendement n° 92 rectifié bis est-il maintenu ?

Mme Janine Rozier. Il est satisfait, je le retire.

M. le président. L'amendement n° 92 rectifié bis est retiré.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 2 et 63.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 64, présenté par M. Dreyfus-Schmidt, Mme M. André, M. Badinter, Mmes Cerisier-ben Guiga et Durrieu, M. Lagauche, Mme Pourtaud et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le texte proposé par le III de cet article pour l'article 246 du code civil :

« Art. 246. - Si une demande pour altération définitive du lien conjugal et une demande pour faute sont concurremment présentées, le juge examine en premier lieu la demande en divorce pour altération définitive du lien conjugal.

« S'il rejette celle-ci, le juge statue sur la demande en divorce pour manquements aux obligations du mariage. »

L'amendement n° 65, présenté par M. Dreyfus-Schmidt, Mme M. André, M. Badinter, Mmes Cerisier-ben Guiga et Durrieu, M. Lagauche, Mme Pourtaud et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le texte proposé par le III de cet article pour l'article 246 du code civil :

« Art. 246. - Si une demande pour altération définitive du lien conjugal et une demande pour faute sont concurremment présentées, le juge examine en premier lieu la demande en divorce pour altération définitive du lien conjugal.

« S'il rejette celle-ci, le juge statue sur la demande en divorce pour faute. »

L'amendement n° 130, présenté par M. Dreyfus-Schmidt, Mme M. André, M. Badinter, Mmes Cerisier-ben Guiga et Durrieu, M. Lagauche, Mme Pourtaud et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« A la fin du premier alinéa du texte proposé par le III de cet article pour l'article 246 du code civil, remplacer les mots : "pour faute" par les mots : "pour manquements aux obligations du mariage". »

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous retirons l'amendement n° 64, qui fait référence aux « manquements aux obligations du mariage ».

L'amendement n° 65 est comparable à l'amendement n° 64, mais fait référence au « divorce pour faute ». Il précise que « si une demande pour altération définitive du lien conjugal et une demande pour faute sont présentées concurremment, le juge examine en premier lieu la demande en divorce pour altération définitive du lien conjugal ». Or c'est le contraire qui est proposé par le texte.

« S'il rejette celle-ci, le juge statue sur la demande en divorce pour faute. » En effet, les signataires de ce texte estiment que l'esprit général de ce projet de loi étant de pacifier le divorce, il paraît plus cohérent de prévoir que le juge examine en premier lieu la demande en divorce pour altération définitive du lien conjugal, puis, s'il la rejette, la demande pour faute.

Quant à l'amendement n° 130, il n'a plus d'objet.

M. le président. L'amendement n° 64 est retiré.

L'amendement n° 130 n'a plus d'objet.

Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 65 ?

M. Patrice Gélard, rapporteur. Je comprends très bien ce que nous suggère dans son amendement M. Dreyfus-Schmidt.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Mais...

M. Patrice Gélard, rapporteur. Toutefois, cet amendement pose un problème. (Sourires.) On ne peut pas, compte tenu de la logique du système que nous allons mettre en place, exclure la possibilité d'examiner le divorce pour faute.

M. Jean-Jacques Hyest. Non !

M. Patrice Gélard, rapporteur. Or, si nous adoptions l'amendement n° 65, nous serions en réalité obligés d'exclure le divorce pour faute...

M. Jean-Jacques Hyest. Bien sûr !

M. Patrice Gélard, rapporteur. Par conséquent, on porterait atteinte aux droits de l'une des parties à la procédure de divorce.

Je comprends très bien la motivation qui est la vôtre, monsieur Dreyfus-Schmidt, et c'est la raison pour laquelle je vous demande de revenir au texte initial, qui n'exclut pas l'examen du divorce pour faute.

Si le juge s'aperçoit qu'il n'y a pas de faute, il reviendra à la notion d'altération définitive des relations conjugales.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. L'avis du Gouvernement est identique à celui de M. le rapporteur.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 65.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 5, modifié.

(L'article 5 est adopté.)

Art. 5
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Art. 7

Article 6

Les articles 247, 248-1, 251, 252, 252-1, 252-2, 252-3, 271 alinéa 2, 275-1, 276-2 et 280 du même code, deviennent respectivement les articles 228, 245-1, 252, 252-1, 252-2, 252-3, 252-4, 272, 275, 280-2 et 281.

M. le président. L'amendement n° 3, présenté par M. Gélard, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« I. - Dans cet article, remplacer les références : "276-2 et 280" par les références : "276-2, 280 et 1450".

« II. - Par conséquent, remplacer les références : "280-2 et 281" par les références : "280-2, 281 et 265-2". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Patrice Gélard, rapporteur. Cet amendement, qui est formel, tend à déplacer les dispositions de l'article 1450 du code civil relatives aux conventions passées pendant l'instance en divorce actuellement incluses dans les règles relatives aux régimes matrimoniaux au nouvel article 265-2 du code civil, afin de les regrouper avec les dispositions relatives au divorce.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Le Gouvernement émet un avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 6, modifié.

(L'article 6 est adopté.)

Art. 6
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Art. 8

Article 7

I. - Après l'article 246 du même code, il est créé une section 5 intitulée : « Des modifications du fondement d'une demande en divorce ».

II. - Cette section comprend les articles 247, 247-1 et 247-2 ainsi rédigés :

« Art. 247. - Les époux peuvent, à tout moment de la procédure, demander au juge de constater leur accord pour voir prononcer leur divorce par consentement mutuel en lui présentant une convention réglant les conséquences de celui-ci.

« Art. 247-1. - Les époux peuvent également, à tout moment de la procédure, lorsque le divorce aura été demandé pour altération définitive du lien conjugal ou pour faute, demander au juge de constater leur accord pour voir prononcer le divorce pour acceptation du principe de la rupture du mariage.

« Art. 247-2. - Si, dans le cadre d'une instance introduite pour altération définitive du lien conjugal, le défendeur demande reconventionnellement le divorce pour faute, le demandeur peut invoquer les fautes de son conjoint et modifier le fondement de sa demande. »

M. le président. L'amendement n° 113, présenté par M. About et les membres du groupe de l'Union centriste, est ainsi libellé :

« Au I de cet article, remplacer les mots : "section 5" par les mots : "section 6". »

Cet amendement n'a plus d'objet.

L'amendement n° 66, présenté par M. Dreyfus-Schmidt, Mme André, M. Badinter, Mmes Cerisier-ben Guiga et Durrieu, M. Lagauche, Mme Pourtaud et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« I. - Dans le texte proposé par le II de cet article pour l'article 247-1 du code civil, remplacer les mots : "pour faute" par les mots : "pour manquements aux obligations du mariage".

« II. - En conséquence, dans le texte proposé par le II de cet article pour l'article 247-2 du code civil, remplacer les mots : "pour faute" par les mots : "pour manquements aux obligations du mariage". »

Cet amendement n'a plus d'objet.

L'amendement n° 128, présenté par M. About et les membres du groupe de l'Union centriste, est ainsi libellé :

« Compléter le texte proposé par le II de cet article pour l'article 247-1 du code civil par les mots : "pour minorité du demandeur au divorce à la date du mariage". »

Cet amendement n'a plus d'objet.

Je mets aux voix l'article 7.

(L'article 7 est adopté.)

Chapitre II

De la procédure du divorce

Art. 7
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Art. 9

Article 8

Dans la section 1 du chapitre II du titre VI du livre Ier du même code, les articles 249, 249-3 et 249-4 sont modifiés comme suit :

I. - Au premier alinéa de l'article 249 :

- après les mots : « du conseil de famille », sont insérés les mots : « ou du juge des tutelles, » ;

- les mots : « et, dans la mesure du possible, après audition de l'intéressé par le juge ou le conseil de famille. » sont ajoutés à la fin de l'alinéa.

II. - Il est ajouté à la fin de l'article 249-3 une phrase ainsi rédigée :

« Toutefois, le juge peut prendre les mesures provisoires prévues aux articles 254 et 255 et les mesures urgentes de l'article 257. »

III. - A l'article 249-4, après les mots : « par consentement mutuel », sont ajoutés les mots : « ou pour acceptation du principe de la rupture du mariage ».

M. le président. L'amendement n° 126, présenté par MM. Darniche et Durand-Chastel, Mme Desmarescaux, MM. Adnot, Seillier et Türk, est ainsi libellé :

« Après le premier alinéa de cet article, insérer un paragraphe ainsi rédigé :

« ... - L'article 248 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Tout au long de la procédure du divorce, le juge sensibilise chaque fois que nécessaire, le couple à sa coresponsabilité parentale en vue de garantir la sécurité de leurs enfants jusqu'au prononcé définitif du jugement exécutoire.

« Afin de répondre aux situations d'urgence et de prévenir tout déplacement parental des enfants vers l'étranger, il peut statuer lors des débats sur leur protection en ordonnant temporairement l'interdiction de sortie du territoire des enfants sans l'autorisation des deux parents. »

La parole est à Mme Sylvie Desmarescaux.

Mme Sylvie Desmarescaux. Dès le début de la procédure juridique et jusqu'au prononcé définitif du jugement de divorce ou de séparation de corps, il est important que le juge compétent puisse informer, tout au long des débats et chaque fois que cela s'avère nécessaire, les deux parents des conséquences judiciaires et des peines encourues, afin de prévenir efficacement tout déplacement illicite de leurs enfants mineurs vers l'étranger.

Dans l'intérêt évident et constant de l'enfant, cet amendement de « coresponsabilité parentale » vise à rendre plus sereine la procédure actuelle de divorce ou de séparation en favorisant une meilleure information préventive - puis, s'il le faut, répressive - de chacun des parents par le juge compétent.

Gouverner, n'est-ce pas prévoir ? Alors que l'Union européenne intègrera prochainement dix nouveaux pays membres et que la France célèbrera le 21 mars prochain le bicentenaire de la promulgation du code civil, qui fut le premier code moderne en Europe, il apparaît opportun pour notre Haute Assemblée de « légiférer préventivement » en vue d'éviter dès maintenant l'inquiétant et prévisible essor des « enlèvements parentaux » d'enfants vers l'étranger, tout particulièrement pour les couples binationaux, mais également franco-français, et ce dans le cadre trop souvent dramatique du divorce ou des fortes tensions inhérentes à la séparation du couple.

En effet, n'étant pas toujours présent physiquement lors des audiences, l'enfant n'en demeure pas moins une « cible par procuration », voire, dans les cas les plus douloureux, une « arme par destination », et ne sort jamais psychologiquement indemne de la procédure entamée par ses parents.

En conséquence, et par souci préventif, il est du devoir du législateur par la loi et du magistrat par le jugement de protéger l'enfant en droit puis dans les faits pour que, désormais, il ne puisse plus servir « d'otage » affectif voire physique tout au long de la procédure.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Patrice Gélard, rapporteur. Monsieur le président, je comprends très bien l'argumentation de Mme Desmarescaux, qui vise à prévenir les déplacements illicites des enfants.

Or la loi du 4 mars 2002 relative à l'autorité parentale a prévu cette situation. En effet, en cas de problème de ce genre, sera inscrite sur le passeport des parents l'interdiction de sortie du territoire des enfants. C'est la raison pour laquelle j'estime que cet amendement est satisfait.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Même avis.

M. le président. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, pour explication de vote.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Je comprends tout à fait le souci évoqué par ma collègue, car les cas d'enlèvements internationaux d'enfants se multiplient. Malheureusement, ce problème n'est pas du ressort du ministre de la justice, mais relève du ministre de l'intérieur. Et le jour où la police des frontières acceptera d'examiner sérieusement les passeports des enfants et de vérifier que l'enfant possède une autorisation de sortie du territoire, les choses iront bien mieux !

J'en ai personnellement fait l'expérience à plusieurs reprises avec mes petits-enfants. Ces derniers étaient, bien sûr, munis d'une autorisation de sortie du territoire. Lorsque j'ai fait remarquer à l'agent de la police des frontières, à Roissy comme à Orly, qu'il oubliait de me demander ce papier, il m'a fait remarquer qu'il avait autre chose à faire que de vérifier « ce que font les gosses » !

C'est très exactement ainsi que les choses se passent. Je l'ai fait remarquer à plusieurs reprises au ministère des affaires étrangères et à la direction des étrangers en France : aussi longtemps que la police des frontières fera preuve d'une totale négligence concernant les sorties d'enfants du territoire, la situation sera sans espoir !

M. le président. Madame Desmarescaux, l'amendement n° 126 est-il maintenu ?

Mme Sylvie Desmarescaux. Compte tenu des réponses de M. le rapporteur et de M. le ministre et au regard de la loi du 4 mars 2002, je retire cet amendement.

M. le président. L'amendement n° 126 est retiré.

L'amendement n° 67, présenté par M. Dreyfus-Schmidt, Mme M. André, M. Badinter, Mmes Cerisier-ben Guiga et Durrieu, M. Lagauche, Mme Pourtaud et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« I. - Dans le troisième alinéa du I de cet article, supprimer les mots : ", dans la mesure du possible,".

« II. - Dans le même texte, après les mots : "par le juge ou le conseil de famille", insérer les mots : "sauf si son état de santé l'interdit". »

La parole est à Mme Michèle André.

Mme Michèle André. Le second alinéa de l'article 249 du code civil dispose que le majeur en curatelle exerce lui-même l'action en justice avec l'assistance du curateur. Le projet de loi complète cette disposition en prévoyant que, dans la mesure du possible, le majeur en curatelle devra être auditionné par le juge ou le conseil de famille.

L'amendement n° 67 tend à poser le principe de l'audition par le juge ou le conseil de famille du majeur en tutelle lorsqu'une demande en divorce est formée en son nom. Toutefois, afin de ne pas bloquer les procédures, il pourra être fait exception à ce principe lorsque l'état de santé de l'intéressé ne lui permettra pas d'être auditionné.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Patrice Gélard, rapporteur. Je comprends parfaitement les préoccupations de Mme André, qui m'ont été présentées plusieurs fois. Il s'agit notamment des divorces pour altération définitive du lien conjugal, l'un des époux étant atteint d'une maladie très grave et n'ayant plus sa conscience.

Pour démontrer l'état de santé du majeur en tutelle, il faudra produire un certificat médical et demander parfois une, voire deux, contre-expertises. De toute façon, le juge des affaires familiales entendra l'intéressé au cours de la procédure. Or des auditions répétées peuvent avoir des conséquences néfastes sur son état de santé.

Je vous demande donc de retirer cet amendement, malgré son intérêt. D'une part, je crois qu'il est satisfait par le fait que le juge des affaires familiales prendra toutes les mesures nécessaires. D'autre part, il ne faut pas multiplier les examens médicaux et les comparutions d'une personne dont l'état de santé est fragile.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement. La rédaction proposée est plus restrictive que celle du projet de loi.

En effet, il existe d'autres raisons, qui seront prises en compte par le juge, susceptibles d'empêcher l'audition du majeur en tutelle.

M. le président. Madame André, l'amendement n° 67 est-il maintenu ?

Mme Michèle André. Il ne me paraît pas dramatique de le retirer, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 67 est retiré.

Je mets aux voix l'article 8.

(L'article 8 est adopté.)

Art. 8
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Art. 10

Article 9

I. - L'intitulé de la section 2 du chapitre II du titre VI du livre Ier du même code est ainsi modifié :

Section 2. - De la procédure applicable au divorce par consentement mutuel. »

II. - Cette section comprend les articles 250, 250-1, 250-2 et 250-3 ainsi rédigés :

« Art. 250. - La demande en divorce est présentée par les avocats respectifs des parties ou par un avocat choisi d'un commun accord.

« Le juge examine la demande avec chacun des époux, puis les réunit. Il appelle ensuite le ou les avocats.

« Art. 250-1. - Lorsque les conditions prévues à l'article 232 sont réunies, le juge homologue la convention réglant les conséquences du divorce et, par la même décision, prononce celui-ci.

« Art. 250-2. - En cas de refus d'homologation de la convention, le juge peut cependant homologuer les mesures provisoires au sens des articles 254 et 255 que les parties s'accordent à prendre jusqu'à la date à laquelle le jugement de divorce passe en force de chose jugée, sous réserve qu'elles soient conformes à l'intérêt du ou des enfants.

« Une nouvelle convention peut alors être présentée par les époux dans un délai maximum de six mois.

« Art. 250-3. - A défaut de présentation d'une nouvelle convention dans le délai fixé à l'article 250-2 ou si le juge refuse une nouvelle fois l'homologation, la demande en divorce est caduque. »

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 68 est présenté par M. Dreyfus-Schmidt, M. André, M. Badinter, Mmes Cerisier-ben Guiga et Durrieu, M. Lagauche, Mme Pourtaud et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée.

L'amendement n° 101 est présenté par M. Mercier et les membres du groupe de l'Union centriste.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

« I. - A la fin du premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article 250 du code civil, supprimer les mots : "ou par un avocat choisi d'un commun accord".

« II. - Dans la seconde phrase du deuxième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article 250 du code civil, supprimer les mots : "le ou". »

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour présenter l'amendement n° 68.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Avant d'aborder ce problème dont nous avons beaucoup discuté, je veux rappeler que le groupe socialiste a, dans des amendements précédents que le Sénat n'a pas retenus, proposé que, lorsqu'ils n'ont ni enfant ni patrimoine, les époux puissent ne pas avoir d'avocat du tout. Que l'on ne nous reproche donc pas ici de ne nous occuper que des intérêts pécuniaires des avocats.

C'est en effet uniquement dans l'intérêt des justiciables que nous demandons, comme nous le faisons depuis longtemps, que, dans les cas de divorce par consentement mutuel où, au contraire, il y a des enfants, un patrimoine ou l'un des époux qui ne travaille pas, chacune des parties ait son propre avocat.

Je regrette que certains de nos collègues appartenant à la majorité ne soient pas présents ce soir. Certes, l'amendement suivant va être défendu par un membre de l'Union centriste, mais je pense surtout à l'un de nos collègues de l'UMP, qui, sachant par expérience qu'un avocat ne peut pas être un arbitre, partage notre avis.

Un avocat est non pas un arbitre mais un conseiller, et cela reste vrai même lorsque l'avocat de l'un, qui s'engage à couvrir les frais, accepte de devenir aussi l'avocat de l'autre. Même dans ce cas-là, quand les clients se tournent vers leur avocat unique pour poser la question du montant de la pension alimentaire, celui-ci ne peut pas dire qu'elle doit être de tant par enfant : s'il est parfaitement consciencieux - et, bien sûr, il l'est dans 99,99 % des cas -, il répondra aux époux qu'à son avis le montant doit se situer dans une fourchette comprise entre tant et tant, mais que c'est à eux de se mettre d'accord. Et c'est ainsi que l'on arrive à des cotes mal taillées !

Au contraire, si chacune des parties a un avocat, il pourra y avoir une discussion dans laquelle les intérêts de l'une et de l'autre seront défendus et l'on parviendra en définitive à un arbitrage qui tiendra compte des intérêts des deux parties.

On dit, et c'est parfaitement exact, que, dans de nombreux cas, il y a moins de dramatisation avec un seul avocat. Mais, encore une fois, après l'essentiel, on passe ensuite à la fixation d'une prestation compensatoire, sous forme de capital, voire de rente viagère. Combien le capital ? Echelonné sur combien d'années ? Ce serait l'avocat qui devrait décider ?

M. Patrice Gélard, rapporteur. C'est le notaire !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Les époux vont choisir entre les solutions proposées par l'avocat, mais sans que les intérêts de l'un et de l'autre soient véritablement défendus.

Je pourrais d'ailleurs aller plus loin : c'est vrai pour la prestation compensatoire, mais c'est vrai aussi pour le domicile, pour le droit de visite, etc.

L'argument qui nous a été opposé est qu'imposer deux avocats risquerait de coûter cher à l'aide juridictionnelle. D'abord, il n'est pas certain que si l'un des époux peut en bénéficier, l'autre doive nécessairement en bénéficier aussi. Ensuite, cela devrait coûter d'autant plus cher à l'aide juridictionnelle qu'elle serait relevée, car elle est vraiment très basse actuellement ! Pas d'avocat du tout, ce serait certes moins cher, mais il faut savoir ce que l'on veut et ne pas s'arrêter à de telles considérations.

C'est pourquoi nous insistons, et notre position est partagée par beaucoup, y compris par nombre de magistrats.

Tout à l'heure, dans un amendement subsidiaire, nous verrons les cas dans lesquels l'homologation n'est pas accordée par le juge ; de manière générale, nous aimerions que l'on revienne à la tradition, à savoir que l'avocat est le conseiller de son client et ne peut pas s'occuper de deux parties ayant des intérêts différents. Or, il est évident que deux époux qui divorcent, même s'ils sont décidés à le faire par consentement mutuel et intelligemment, ont des intérêts différents.

M. le président. La parole est à Mme Gisèle Gautier, pour présenter l'amendement n° 101.

Mme Gisèle Gautier. La finalité du divorce par consentement mutuel, on l'a compris, est de favoriser l'entente entre les époux. C'est une excellente chose. En revanche, je crois que le choix d'un avocat unique n'est pas pertinent. En effet, cela fait courir le risque d'un déséquilibre entre les époux, l'un prenant un ascendant sur l'autre devant l'avocat.

En outre, si le juge refuse d'homologuer la convention élaborée par les époux, ceux-ci doivent recommencer à discuter le règlement du divorce, moment malheureusement propice à la dégradation de leurs relations et pendant lequel l'avocat se trouve dans une situation inconfortable, car il ne doit pas prendre partie pour l'un des époux.

La présence d'un avocat unique fait également courir le risque d'un déséquilibre entre les époux, car une des parties peut choisir de conserver les services de cet avocat qui connaît mieux le dossier que quiconque, notamment dans le cadre des prestations conservatoires.

La présence de deux avocats ne signifie pas pour autant que les parties sont en conflit. S'agissant d'une profession à ordre, la confraternité est très développée et ces professionnels savent très bien, quand ils le veulent, coopérer pour que le divorce se déroule sereinement.

Enfin, bien que cette procédure soit la moins douloureuse pour les parties, j'en conviens, et que celles-ci ne soient pas systématiquement en conflit, les époux sont bien souvent psychologiquement affectés par la séparation. C'est indéniable. L'avocat joue en pratique un rôle très important auprès de ses clients par son écoute et ses conseils fondés sur l'expérience. Dans ce contexte, il est préférable que chaque époux prenne un avocat.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Patrice Gélard, rapporteur. Comme Mme Gautier et M. Dreyfus-Schmidt, je me suis longuement interrogé. J'ai d'abord été, je le dis, séduit par l'argumentation du barreau de Paris et de la conférence des bâtonniers de France, en faveur de la présence de deux avocats lors des divorces par consentement mutuel.

Puis, j'ai étudié les choses un peu plus en profondeur et constaté que, dans 90 % des divorces par consentement mutuel - lesquels représentent à l'heure actuelle 48 % des divorces -, les couples font appel à un seul avocat, et que 70 % de ces affaires se règlent sans l'intervention de qui que ce soit à un deuxième niveau, ce qui veut dire que, dans 70 % des cas de divorce par consentement mutuel, l'avocat unique a été parfaitement capable de jouer son rôle.

N'oublions pas que l'avocat n'a pas seulement pour mission de défendre une partie. Depuis la fusion des conseillers juridiques et des avocats, l'avocat est aussi conseiller juridique, et c'est ce qu'il est en l'espèce. L'objet n'est pas de transformer l'avocat en défenseur au pénal. La pratique actuelle démontre qu'un avocat unique est parfaitement capable de conseiller l'une et l'autre parties.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce n'est pas cela, un conseiller juridique !

M. Patrice Gélard, rapporteur. De plus, je tiens à souligner que rien n'interdit dans notre droit actuel à chacune des parties de prendre un avocat différent. C'est la raison pour laquelle, en réalité, derrière cette apparente défense des intérêts du conjoint qui risquerait d'être écrasé par l'autre, avec la complicité de l'avocat, en cours de divorce, je crains, hélas ! que ne se cachent des questions strictement financières.

Rien n'interdit aux deux parties de prendre chacune un avocat, y compris en cours de procédure : si elles s'aperçoivent qu'il y a des problèmes, elles peuvent abandonner le premier avocat et prendre l'une et l'autre chacune un avocat.

Je pense que, dans le sens d'une justice bien comprise, la présence de deux avocats n'est pas essentielle et que le système qui fonctionne aujourd'hui est en grande partie satisfaisant, comme le démontrent les statistiques que j'ai citées tout à l'heure.

J'émets donc à l'égard de ces deux amendements identiques un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable à ces deux amendements. Après M. le rapporteur, je rappelle qu'à l'heure actuelle, dans neuf cas sur dix, les époux qui demandent un divorce par consentement mutuel font le choix d'un seul avocat. Nous sommes dans le cas où les conjoints sont d'accord...

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Pas du tout !

M. Dominique Perben, garde des sceaux. ... mais où ils ont besoin de l'aide d'un avocat pour rédiger le projet de convention. Par ailleurs, ils peuvent être animés par un souci légitime d'économie. Je ne vois donc pas l'intérêt de les obliger à avoir deux avocats, étant entendu qu'ils ont toujours la possibilité de le faire. Il s'agit de conjoints qui se sont mis d'accord. Inutile de leur imposer une contrainte supplémentaire.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ils sont d'accord sur le principe, pas sur le détail des modalités !

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 68 et 101.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 34 rectifié, présenté par Mme Desmarescaux, MM. Darniche, Seillier et Türk, est ainsi libellé :

« Rédiger comme suit le texte proposé par le II de cet article pour l'article 250-2 du code civil :

« Art. 250-2. - A la demande d'un ou des époux ou en cas de refus d'homologation de la convention, le juge peut cependant, à titre provisoire, homologuer les mesures que les parties s'accordent à prendre jusqu'à la date à laquelle le jugement de divorce passe en force de chose jugée.

« Le juge pourra également faire supprimer ou modifier les clauses de cette convention qui lui paraîtraient contraires à l'intérêt du ou des enfants.

« Une nouvelle convention est présentée par les époux dans un délai maximum de six mois.

« Ce délai peut être prorogé de la même durée à la demande expresse des parties qui entendent recourir à la médiation. »

L'amendement n° 69, présenté par Mme Cerisier-ben Guiga, est ainsi libellé :

« Dans le premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article 250-2 du code civil, après les mots : "En cas de refus d'homologation de la convention,", insérer les mots : "ou lorsqu'une seconde comparution a été demandée par l'un des époux ou les deux,". »

L'amendement n° 70, présenté par M. Dreyfus-Schmidt, Mme M. André, M. Badinter, Mmes Cerisier-ben Guiga et Durrieu, M. Lagauche, Mme Pourtaud et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Après le premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article 250-2 du code civil, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque le juge a refusé d'homologuer la convention, il peut proposer une mesure de médiation et, après avoir recueilli leur accord, désigner un médiateur familial. »

L'amendement n° 71 rectifié, présenté par M. Dreyfus-Schmidt, Mme M. André, M. Badinter, Mmes Cerisier-ben Guiga et Durrieu, M. Lagauche, Mme Pourtaud et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Après le premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article 250-2 du code civil, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Dans ce cas, chacun des époux est assisté d'un avocat. »

La parole est à Mme Sylvie Desmarescaux, pour présenter l'amendement n° 34 rectifié.

Mme Sylvie Desmarescaux. Je pense que l'on ne me contredira pas si je dis que le présent projet de loi a pour but de responsabiliser les époux et de leur permettre de régler, par eux-mêmes, les effets du divorce. La procédure de divorce par consentement mutuel répond pleinement à cet objectif puisqu'il suppose que les époux s'entendent tant sur la rupture que sur l'ensemble de ses conséquences.

Dans cet esprit, même si le juge n'a pas un simple rôle d'enregistrement de la convention conclue entre les parties, il n'a pas à statuer.

Dans le cas où une seconde comparution s'avérerait nécessaire, le juge ne doit pas imposer des mesures provisoires mais doit homologuer celles que les époux se sont accordés à prendre. La référence aux articles 254 et 255 applicables « aux autres cas de divorce » n'est pas souhaitable. Dans le cadre d'un divorce par consentement mutuel, le juge ne « prescrit » pas, il homologue.

Certes, il incombe au juge de s'assurer que la convention soumise à son approbation n'est pas contraire à l'ordre public et qu'elle est conforme à l'intérêt des époux et de leurs enfants. Il vérifie également le caractère libre et éclairé du consentement afin de s'assurer que l'un des époux n'exerce pas de pression quelconque sur l'autre. Pour le reste, le divorce par consentement mutuel est la loi des parties.

De même, afin de préserver l'essence même de cette procédure, il importe de permettre aux parties de demander à pouvoir bénéficier d'une seconde comparution.

Alléger la procédure en n'imposant plus qu'une seule comparution est certes une bonne chose lorsque le divorce ne pose pas de problèmes particuliers : les époux n'ont pas d'enfant, ne sont pas propriétaires de leur habitation ou sont déjà séparés depuis quelque temps et ont déjà réglé les problèmes de garde d'enfants ou de partage des biens, s'il y en a.

Dans les autres cas, bénéficier d'une seconde comparution permet aux époux de disposer d'un temps de réflexion mis à profit pour évaluer le bien-fondé des mesures qu'ils se sont accordés à mettre en place lors de la première comparution, par exemple la jouissance du logement, la garde des enfants ou le fait de procéder à la vente d'un immeuble.

Durant cette période, les époux peuvent demander à modifier la convention s'ils considèrent que les mesures qui leur sont appliquées ne répondent pas, tout compte fait, à leurs attentes. Un nouvel accord peut être difficile à trouver. Il faut donc s'assurer que les époux pourront bénéficier du recours à la médiation familiale et, pour que celle-ci produise ses effets, permettre la prorogation de six mois du délai pour présenter au juge une nouvelle convention. Tout doit être mis en oeuvre pour faciliter le règlement du divorce par les parties elles-mêmes.

M. le président. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, pour présenter l'amendement n° 69.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Il n'a plus d'objet, et je le retire.

M. le président. L'amendement n° 69 est retiré.

La parole est à M. Bernard Frimat, pour présenter l'amendement n° 70.

M. Bernard Frimat. Il est également retiré.

M. le président. L'amendement n° 70 est retiré.

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour présenter l'amendement n° 71 rectifié.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Voilà l'amendement subsidiaire dont je parlais tout à l'heure.

Si le juge refuse l'homologation de la convention, cela signifie que l'avocat ou les avocats qui l'ont préparée n'ont pas respecté les intérêts de l'une au moins des parties.

Notre amendement prévoit que, dans ce cas et dans ce cas seulement, puisque tous nos amendements précédents portant sur le nombre d'avocats ont été repoussés, « chacun des époux est désormais assisté de son avocat, ». Bien évidemment, un avocat n'ayant pas le droit d'intervenir contre quelqu'un qui a été son client dans une même affaire, il s'agira de nouveaux avocats.

Je dois à la vérité de dire que la commission des lois a adopté cet amendement par dix-huit voix pour - mandats compris - et six abstentions. C'est tout de même impressionnant, et cela devrait retenir l'attention de nos collègues ici présents qui ne sont pas membres de la commission. M. le président de la commission, M. le rapporteur et M. Hyest se sont abstenus et, comme ils avaient chacun un mandat, cela fait six, mais les dix-huit autres ne sont, hélas ! pas tous là.

Quoi qu'il en soit, le succès de cet amendement ayant été assez complet, nous espérons bien que le Sénat saura suivre l'avis de sa commission.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Patrice Gélard, rapporteur. L'adoption de l'amendement n° 34 rectifié, je suis obligé de le relever, aboutirait, en cas de recours à la médiation, à un allongement des délais prévus dans la loi.

Or, tel n'est pas l'esprit dans lequel nous travaillons : nous ne pouvons pas, d'un côté, annoncer que nous voulons raccourcir les délais et, de l'autre, ouvrir de nouvelles possibilités de les augmenter. C'est la raison pour laquelle je suis malheureusement obligé d'émettre un avis défavorable sur cet amendement.

S'agissant de l'amendement n° 71 rectifié, je ne peux que confirmer les propos de M. Dreyfus-Schmidt : la commission lui a donné un avis favorable. Je dois dire que, à titre strictement personnel, j'avais opté pour un avis de sagesse.

Mais je suis obligé de rapporter les décisions de la commission !

M. René Garrec, président de la commission des lois. Exactement !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable à ces deux amendements.

Le rapporteur a dit, me semble-t-il, tout ce qu'il y avait à dire sur l'amendement n° 34 rectifié : je le regrette, mais il est vrai que son adoption aurait pour effet d'allonger inutilement les délais.

S'agissant de l'amendement n° 71 rectifié, je dois avouer que je ne le comprends pas. Les époux, qui sont d'accord entre eux, se présentent devant le juge accompagnés d'un avocat, et c'est le juge qui, considérant que le projet de convention ne convient pas, va leur demander de prendre deux nouveaux avocats. On sera donc en présence de trois conseils, sur le souhait du seul juge ! Il n'y a pas de logique dans cet amendement, monsieur le sénateur, excusez-moi de le dire, et j'émets donc un avis défavorable.

M. le président. Madame Desmarescaux, l'amendement n° 34 rectifié est-il maintenu ?

Mme Sylvie Desmarescaux. Je suis bien consciente que l'adoption de cet amendement aurait pour effet de prolonger la durée du divorce. Dès lors, assumant mon souci de respecter l'objet du projet de loi, qui tend à raccourcir les délais de procédure et à favoriser la rapidité du jugement, je retire mon amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 34 rectifié est retiré.

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote sur l'amendement n° 71 rectifié.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je tiens absolument à dissiper un malentendu : M. le garde des sceaux ne comprend pas la logique de mon amendement, je vais donc essayer de la lui expliquer ! Il devrait tout de même être impressionné par la netteté du vote qui est intervenu ce matin en commission.

Selon M. le garde des sceaux, les époux sont d'accord pour avoir un avocat commun et c'est au seul juge que le projet de convention ne convient pas. Mais pourquoi ? Parce que le juge, en vertu de dispositions du projet de loi sur lesquelles nous sommes tous d'accord - elles figuraient déjà dans la proposition de loi de M. Colcombet -, doit vérifier que le consentement des époux est libre et éclairé. S'il refuse d'homologuer la convention, c'est bien évidemment parce qu'il estime que l'un au moins des consentements n'est pas libre ou n'est pas éclairé et que l'avocat, s'il n'y en avait qu'un, ou les deux, s'il y en avait deux, n'ont pas su recueillir un avis éclairé et libre, une adhésion pleine et entière de chacune des parties.

Il nous paraît dès lors nécessaire que, lorsqu'il y avait un avocat, il y en ait désormais deux et, lorsqu'il y en avait deux, il y en ait alors deux autres.

M. Patrice Gélard, rapporteur. Pourquoi deux autres ?

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Lors de la présentation de cet amendement devant la commission, certains membres n'en avaient peut-être pas immédiatement compris l'esprit ; mais, en définitive, six d'entre eux ont demandé que la commission s'en remette à la sagesse du Sénat et dix-huit se sont prononcés pour un avis favorable.

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Monsieur le président, je n'avais effectivement pas tout compris : ce n'est pas un avocat, puis deux autres, qui font trois, mais éventuellement deux avocats, puis deux autres, qui font quatre !

Vous venez, monsieur le sénateur, de faire la démonstration que cet amendement doit être rejeté !

M. Patrice Gélard, rapporteur. Tout à fait !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 71 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. Michel Dreyfus-Schmidt. « Ma femme est une sorcière ! » (Sourires.)

M. Robert Del Picchia. Ce n'est pas la commission qui décide, sinon nous ne serions pas là !

M. le président. Je mets aux voix l'article 9.

(L'article 9 est adopté.)

Art. 9
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Art. 11

Article 10

I. - L'intitulé de la section 3 du chapitre II du titre VI du livre Ier du même code est ainsi modifié :

Section 3. - De la procédure applicable aux autres cas de divorce. »

Cette section comprend les articles 251 à 259-3.

II. - Il est créé au sein de cette section un paragraphe 1 intitulé : « De la requête initiale » et comprenant l'article 251 ainsi rédigé :

« Art. 251. - L'époux qui forme une demande en divorce présente, par avocat, une requête au juge. L'indication des motifs du divorce n'est pas requise. »

M. le président. L'amendement n° 4, présenté par M. Gélard, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Rédiger comme suit le texte proposé par le II de cet article pour l'article 251 du code civil :

« Art. 251. - L'époux qui forme une demande en divorce présente, par avocat, une requête au juge, sans indiquer les motifs du divorce. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Patrice Gélard, rapporteur. Le projet de loi prévoit que l'indication des motifs du divorce dans la requête introductive n'est pas requise. Cet amendement tend à aller plus loin en prévoyant qu'elle est même interdite.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 10, modifié.

(L'article 10 est adopté.)

Art. 10
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Art. 12

Article 11

I. - Après l'article 251 du même code, il est créé un paragraphe 2 intitulé : « De la conciliation », qui comprend les articles 252, 252-1, 252-2, 252-3, 252-4 et 253.

II. - A l'article 252 du même code :

- au premier alinéa, les mots : « Quand le divorce est demandé pour rupture de la vie commune ou pour faute, » sont supprimés ;

- le deuxième alinéa est remplacé par les dispositions suivantes :

« Le juge cherche à concilier les époux tant sur le principe du divorce que sur ses conséquences. »

III. - A l'article 252-1 du même code :

- le deuxième alinéa est remplacé par les dispositions suivantes :

« Les avocats sont ensuite appelés à assister et à participer à l'entretien. » ;

- le troisième alinéa est ainsi rédigé :

« Dans le cas où l'époux qui n'a pas formé la demande ne se présente pas à l'audience ou se trouve hors d'état de manifester sa volonté, le juge s'entretient avec l'autre conjoint et l'invite à la réflexion. »

IV. - L'article 252-3 du même code est ainsi rédigé :

« Art. 252-3. - Lorsque le juge constate que le demandeur maintient sa demande, il incite les époux à régler les conséquences du divorce à l'amiable.

« Il leur demande de présenter pour l'audience de jugement un projet de règlement des effets du divorce. A cet effet, il peut prendre les mesures provisoires prévues à l'article 255. »

V. - L'article 253 du même code est ainsi rédigé :

« Art. 253. - Les époux ne peuvent accepter le principe de la rupture du mariage et le prononcé du divorce sur le fondement de l'article 233 que s'ils sont chacun assistés par un avocat. »

M. le président. L'amendement n° 5, présenté par M. Gélard, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« I. - Au premier alinéa du II de cet article, après les mos : "du même code", ajouter les mots : "tel qu'il résulte de l'article 6".

« II. - En conséquence, procéder à la même adjonction de mots :

« - au premier alinéa du III de cet article ;

« - au premier alinéa du IV de cet article ;

« - au premier alinéa du IV de l'article 18 ;

« - au III de l'article 22 ;

« - au premier alinéa du IX de l'article 22 ;

« - dans le X de l'article 22. »

« La parole est à M. le rapporteur.

M. Patrice Gélard, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de précision.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 5.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 72, présenté par M. Dreyfus-Schmidt, Mme M. André, M. Badinter, Mmes Cerisier-ben Guiga et Durrieu, M. Lagauche, Mme Pourtaud et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« A la fin du texte proposé par le dernier alinéa du III de cet article pour le troisième alinéa de l'article 252-1 du code civil, supprimer les mots : "et l'invite à la réflexion". »

La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Nous ne voyons pas très bien l'intérêt de préciser que le magistrat « invite à la réflexion » l'époux qui a demandé le divorce et dont le conjoint ne s'est pas présenté à l'audience de conciliation. A quoi l'invite-t-il ? A réfléchir aux raisons pour lesquelles le conjoint ne s'est pas présenté ? A se demander si, après tout, il est bien raisonnable de demander le divorce ?

Cette situation rappelle celle du curé et du pénitent : « Mon enfant, réfléchissez bien ! Avez-vous péché ?... Vous direz trois Pater et trois Ave... » Ce n'est pas du tout ce que doit être la relation entre le magistrat et un époux demandeur du divorce !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Patrice Gélard, rapporteur. Cette invitation à la réflexion existant déjà dans le code civil, nous n'allons pas la remettre en cause.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ah bon ? Et que faisons-nous depuis le début de cette discussion sinon remettre en cause des dispositions du code civil ?

M. Patrice Gélard, rapporteur. Nous ne le ferons pas sur ce point, monsieur Dreyfus-Schmidt !

Par ailleurs, la plupart de nos concitoyens n'ont aucune idée de ce qui va entraîner la prononciation du divorce. Demander à un public qui, de la maternelle jusqu'à l'âge adulte, ignore tout des règles de notre vie en société, de l'institution du mariage et du divorce, de réfléchir sur ces questions est une saine incitation tout à fait justifiée.

C'est la raison pour laquelle j'émets sur cet amendement un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Même avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous ne connaissons toujours pas la composition du groupe de travail. Je suppose qu'il comportait des magistrats,...

M. Patrice Gélard, rapporteur. Oui !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. ... je suppose qu'il comportait des avocats,...

M. Patrice Gélard, rapporteur. Oui !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. ... et je suis prêt à parier qu'il ne s'en est pas trouvé un seul pour rapporter un cas où un juge aux affaires familiales aurait invité à la réflexion celui qui demandait le divorce, que ce soit un divorce par consentement mutuel ou pour rupture de la vie commune, alors que son conjoint ne s'était pas présenté. C'est peut-être inscrit dans le code civil, mais c'était une erreur !

Je ne vois pas de ma place si Portalis ne tremble pas sur ses fondations. (Nouveaux sourires.)

M. Patrice Gélard, rapporteur. Non, non ! Il ne bouge pas !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. On me dit qu'il reste de marbre, tant mieux ; mais il n'en pense sûrement pas moins ! (Sourires.)

M. Jean-Jacques Hyest. Il en a vu d'autres !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Une personne a demandé le divorce, son conjoint ne se présente pas, et c'est le moment que vous choisissez pour l'inviter à réfléchir ! Mais réfléchir à quoi ? A ne pas demander le divorce ? Est-ce là l'objet de la loi ? Est-ce le rôle d'un magistrat que de solliciter qu'on ne demande pas le divorce ? Sûrement pas !

Vous voulez gagner du temps, monsieur le rapporteur : là, on en perdrait - s'il se trouvait un magistrat pour le faire. Mais, je le répète, je n'ai personnellement jamais vu, et je me demande s'il y a ici quelqu'un qui ait jamais vu un magistrat appliquer cette disposition, et je sais pas dans quelles conditions elle avait été, en effet, introduite dans le code civil, que M. le rapporteur nous exhorte subitement à ne pas modifier alors que, depuis quinze heures, nous ne faisons que cela.

M. Patrice Gélard, rapporteur. Pas sur ce point !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cette disposition est tout à fait ridicule, et personne ne peut expliquer à quoi elle sert : ni M. le rapporteur ni M. le garde des sceaux ne nous a d'ailleurs précisé à quelle réflexion le juge aux affaires familiales devait inviter celui qui a demandé le divorce et dont l'adversaire est absent, et j'espère qu'on voudra bien me répondre avant que l'amendement ne soit mis aux voix.

M. Patrice Gélard, rapporteur. Nous avons déjà répondu !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Et s'il est mis aux voix sans que ni M. le rapporteur ni M. le ministre nous ait dit à quelle réflexion il faut inviter, j'espère bien que le Sénat acceptera de le voter, car il se grandirait en supprimant cette disposition.

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Monsieur le président, je ne voudrais pas qu'il soit dit que je ne réponds pas aux interrogations légitimes de M. Dreyfus-Schmidt !

Ce type de situation me paraît assez simple : quelqu'un demande le divorce, dans les conditions qui viennent d'être rappelées, et son conjoint ne se présente pas devant le juge. Il n'est pas inutile que celui-ci ait alors avec le demandeur une conversation lui permettant de réfléchir, par exemple, sur le fait de savoir s'il n'a pas présenté sa demande, éventuellement, sur un coup de tête, ou à l'occasion d'une circonstance particulière...

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il y a l'avocat pour cela !

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Je vous ai laissé parler, monsieur le sénateur ; si vous pouviez me laisser parler à mon tour, ce serait plus pratique pour le déroulement de nos débats !

Par ailleurs, je tiens à préciser que ce texte n'a pas été rédigé par je ne sais quelles personnes qui ne connaîtraient rien au droit. Il se trouve que la direction des affaires civiles de la Chancellerie - tout comme le groupe de travail qu'il m'importait de réunir, si je le souhaitais, pour me permettre de préparer le texte et de le présenter au Parlement - compte notamment des magistrats ayant une expérience en matière d'affaires familiales. Ces personnes, femmes et hommes, ont estimé que le projet de texte était conforme à l'expérience qu'ils pouvaient avoir de leur travail.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ils ne sont pas infaillibles !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 72.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. Michel Dreyfus-Schmidt. On a beau vous inviter à la réflexion, cela ne sert à rien !

M. Jean-Jacques Hyest. Nous avons encore besoin de l'approfondir !

M. le président. L'amendement n° 35 rectifié, présenté par Mme Desmarescaux, MM. Darniche, Seillier et Türk, est ainsi libellé :

« Remplacer la dernière phrase du texte proposé par le IV de cet article pour l'article 252-3 du code civil par deux phrases ainsi rédigées :

« A cet effet, il autorise chaque époux ou son mandataire à procéder à toutes recherches utiles auprès des débiteurs ou de ceux qui détiennent des valeurs pour le compte des époux ou toute autre information relative aux critères retenus par l'article 271, sans que le secret professionnel puisse être opposé. Il peut également prendre les mesures provisoires prévues à l'article 255. »

La parole est à Mme Sylvie Desmarescaux.

Mme Sylvie Desmarescaux. Quand le juge statue sur le divorce, il lui est impossible, chacun le sait, de connaître les résultats de la liquidation du régime matrimonial des époux.

Certes, la rédaction proposée pour l'article 252-3 du code civil répond partiellement à cet inconvénient en imposant aux parties de présenter un projet de règlement des effets du divorce pour l'audience de jugement. Toutefois, cette mesure ne saurait éviter quelques désagréments : la liquidation effective du régime matrimonial peut toujours réserver des surprises, telle la révélation de certains mouvements de fonds ou d'éventuelles récompenses ou créances entre époux. Il faut donc permettre aux époux d'avoir accès à toutes les informations utiles concernant leur conjoint.

En outre, pour répondre aux exigences de simplification des procédures et de réduction des coûts posées par le Gouvernement, il serait important de lever le secret professionnel. A l'heure actuelle, il tombe lorsque les époux en font la demande au juge. L'avocat doit alors présenter une requête et le juge désigne un expert, ce qui induit encore coût et lenteur.

Cet amendement concerne toutes sortes d'informations utiles au règlement des effets du divorce, telles que celles qui sont relatives au patrimoine ou aux pensions de retraite.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Patrice Gélard, rapporteur. Monsieur le président, je tiens à rendre hommage à Mme Sylvie Desmarescaux, car les amendements qu'elle a déposés dénotent une véritable recherche sur les différents problèmes posés.

Malheureusement, là encore, je suis obligé d'émettre un avis défavorable, et d'abord parce qu'il n'est pas dans la tradition française que des recherches soient menées indépendamment du juge : la conception dont relève la procédure américaine, où il est normal que l'avocat se livre à des investigations, n'est pas encore entrée dans nos moeurs. Peut-être cela viendra-t-il, peut-être sera-t-il un jour utile que l'avocat se transforme aussi en détective privé.

Pour l'instant, il appartient non pas aux parties, mais au juge d'effectuer les recherches. Il peut déjà désigner un expert à cet effet, et le secret est normalement levé en application de l'article 259-3 du code civil à l'égard du juge.

C'est la raison pour laquelle je ne peux qu'émettre un avis défavorable sur cet amendement, à moins que vous n'acceptiez, madame, de le retirer.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Même avis défavorable.

M. le président. Madame Desmarescaux, l'amendement n° 35 rectifié est-il maintenu ?

Mme Sylvie Desmarescaux. Après les propos aimables de M. Patrice Gélard, je ne veux pas être désagréable ! Je retire donc mon amendement.

M. le président. L'amendement n° 35 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l'article 11, modifié.

(L'article 11 est adopté.)

Art. 11
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Art. 13

Article 12

I. - Après l'article 253 du même code, il est créé un paragraphe 3 intitulé : « Des mesures provisoires » qui comprend les articles 254, 255, 256 et 257.

II. - L'article 254 du même code est ainsi rédigé :

« Art 254. - Lors de l'audience prévue à l'article 252, le juge prescrit, en considération des accords éventuels des époux, les mesures nécessaires pour assurer leur existence et celle des enfants jusqu'à la date à laquelle le jugement passe en force de chose jugée. »

III. - L'article 255 du même code est ainsi rédigé :

« Art. 255. - Le juge peut notamment :

« 1° Proposer aux époux une mesure de médiation et, après avoir recueilli leur accord, désigner un médiateur familial pour y procéder ;

« 2° Enjoindre aux époux de rencontrer un médiateur familial qui les informera sur l'objet et le déroulement de la médiation ;

« 3° Statuer sur les modalités de la résidence séparée des époux ;

« 4° Attribuer à l'un d'eux la jouissance du logement et du mobilier du ménage ou partager entre eux cette jouissance, en précisant son caractère gratuit ou non et, le cas échéant, en constatant l'accord des époux sur le montant d'une indemnité d'occupation ;

« 5° Ordonner la remise des vêtements et objets personnels ;

« 6° Fixer la pension alimentaire et la provision pour frais d'instance que l'un des époux devra verser à son conjoint, désigner celui ou ceux des époux qui devront assurer le règlement provisoire de tout ou partie des dettes ;

« 7° Accorder à l'un des époux des provisions à valoir sur ses droits dans la liquidation du régime matrimonial si la situation le rend nécessaire ;

« 8° Statuer sur l'attribution de la jouissance ou de la gestion des biens communs ou indivis autres que ceux visés au 4° du présent article, sous réserve des droits de chacun des époux dans la liquidation du régime matrimonial ;

« 9° Désigner un notaire ou un autre professionnel qualifié en vue de dresser un inventaire estimatif ou de faire des propositions quant au règlement des intérêts pécuniaires des époux ;

« 10° Désigner un notaire en vue d'élaborer un projet de liquidation du régime matrimonial. »

M. le président. L'amendement n° 74, présenté par Mme Cerisier-ben Guiga, est ainsi libellé :

« Compléter le texte proposé par le II de cet article pour l'article 254 du code civil par un alinéa ainsi rédigé :

« Le juge doit rappeler aux époux les dispositions relatives à l'exercice de l'autorité parentale prévues à l'article 373-2 du code civil. »

La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. L'article 12 permet de statuer sur l'ensemble des mesures provisoires pour le couple et pour les enfants. Nous constatons avec satisfaction que le projet de loi qui nous est soumis ne remet pas en cause la loi sur l'autorité parentale, et ne traite donc pas des effets du divorce sur les enfants.

Cependant, il serait souhaitable, pour la lisibilité du texte, de préciser dans l'article 254, modifié par le projet de loi, que le juge doit rappeler aux époux les dispositions relatives à l'exercice de l'autorité parentale. Nous sommes là dans un domaine où le manque d'information et de formation des familles est évident. Il s'agit de donner réellement au juge l'occasion d'apprendre quelque chose à des parents qui, dans les circonstances où ils se trouvent, auraient tendance à laisser de côté un certain nombre de leurs responsabilités vis-à-vis des enfants. Oui, le juge a, là, un rôle à jouer : il doit réellement informer !

On ne peut pas faire figurer dans l'article 254 toutes les dispositions à l'exception de celles qui concernent les enfants, qui restent les principales victimes des divorces. Il me semble que c'est le moment de parler d'eux.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Patrice Gélard, rapporteur. Je suis très sensible aux arguments de Mme Monique Cerisier-ben Guiga, et j'ai longtemps hésité quant à l'avis à donner sur cet amendement. J'avais envisagé de proposer un avis de sagesse, mais un certain nombre d'éléments m'ont conduit à rectifier mon point de vue.

D'abord, lorsque je relis l'article 12, je constate que le juge propose, enjoint, statue, attribue, ordonne, fixe, accorde, statue, désigne,...

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Invite à réfléchir !

M. Patrice Gélard, rapporteur. ... mais qu'il ne rappelle jamais. Le fait de rappeler est d'une autre nature.

Ensuite, ceux qui sont officiers d'état civil - c'est le cas de la plupart d'entre nous - ont lu, au cours des récents mariages qu'ils ont célébrés, l'article 373-2 du code civil, relatif à l'autorité parentale. Lors de chaque mariage, il est donné lecture de cet article, qui doit donc être connu.

En outre, je rappelle que nous avons une médiation.

Enfin, je souligne que ce projet de loi ne traite pas, à juste titre et de façon délibérée, de l'autorité parentale et de la garde des enfants.

Ne commençons pas à introduire dans ce texte des éléments qui nécessiteraient peut-être d'aller beaucoup plus loin et de remettre en cause la récente loi relative à l'autorité parentale. Je comprends bien l'esprit de votre amendement, qui est un peu une pétition de principe, mais j'en reviens toujours au même problème : la méconnaissance par nos concitoyens des règles de base de la vie en société. Ils ne connaissent pas le code civil, ils ne connaissent pas le mariage. Si on faisait une interrogation écrite à l'issue d'un mariage, on obtiendrait pratiquement 90 % de zéro. En effet, on n'écoute pas ce que dit l'officier d'état civil.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cela change souvent !

M. Patrice Gélard, rapporteur. Il serait effectivement souhaitable que nos concitoyens aient une meilleure information sur le mariage, sur le divorce et sur l'autorité parentale.

Madame Cerisier-ben Guiga, je suis donc d'accord avec vous. Cependant, ce que vous proposez ne doit pas être précisé dans cet article. Par conséquent, à moins que vous ne retiriez cet amendement, je serai malheureusement obligé d'émettre un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Même avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 74.

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)

M. le président. L'amendement n° 73, présenté par M. Dreyfus-Schmidt, Mme M. André, M. Badinter, Mmes Cerisier-ben Guiga et Durrieu, M. Lagauche, Mme Pourtaud et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Compléter le deuxième alinéa (1°) du texte proposé par le III de cet article pour l'article 255 du code civil par les mots : "ce dernier établit un rapport, même en cas d'échec de cette mesure, qui est remis au juge ;". »

La parole est à Mme Michèle André.

Mme Michèle André. Dans un souci de meilleure efficacité, il convient de permettre au juge de disposer d'un compte rendu de la médiation, quelle que soit l'issue de celle-ci. En effet, cela pourrait éclairer la situation des relations entre époux et ce serait une façon pertinente de lutter contre des conflits possibles après le divorce.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Patrice Gélard, rapporteur. Madame André, je suis totalement défavorable à cet amendement pour une raison très simple : les médiateurs refusent ce genre de proposition. Ils estiment que la médiation perdrait tout son sens à partir du moment où un compte rendu de celle-ci deviendrait obligatoire. En effet, la liberté de parole qui prévaut au cours de la médiation disparaîtrait complètement et la médiation deviendrait, en fin de compte, une quasi-procédure.

Ce serait aller à l'encontre de l'objectif même de la médiation familiale que de vouloir la bureaucratiser et l'enfermer dans des rapports devant être présentés ensuite au juge. On s'éloigne de l'idée même de médiation.

C'est pourquoi, au nom de ces principes et après avoir entendu les médiateurs, ceux qui vont être intégrés dans la nouvelle profession, je suis contraint de vous dire que cet amendement va à l'encontre même de l'esprit de la médiation. Je souhaiterais donc que vous retiriez cet amendement, madame André.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Je voudrais à mon tour convaincre Mme Michèle André de retirer cet amendement, qui répond à une erreur d'interprétation. Le médiateur n'est pas un expert judiciaire qui livre une analyse et qui, ainsi, apporte un élément de décision au juge.

M. Patrice Gélard, rapporteur. Il écoute !

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Le médiateur est là pour que, devant lui, tout se dise, que les conflits éventuellement s'apaisent, que des malentendus puissent être dissipés. Faire glisser la médiation vers une forme d'expertise serait une erreur et cela aurait pour résultat une inefficacité.

M. le président. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, pour explication de vote.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Nous n'avons pas imaginé cet amendement tout seuls ! Le magistrat chargé des affaires familiales au tribunal de grande instance de Paris, auditionné par la commission des lois - il s'agissait d'une audition publique - avait émis le voeu que le magistrat dispose, en effet, d'une espèce d'expertise, tout au moins d'un bref compte rendu lui permettant de mieux juger de la situation, quelle que soit l'issue de la médiation. Il avait fait référence aux pratiques d'autres pays, la Grande-Bretagne, par exemple, dans lesquels ce type d'intervention est habituel.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Patrice Gélard, rapporteur. Je crois qu'il y a un contresens sur les propos qu'a tenus ce magistrat. Il a effectivement dit ce que vous avez rappelé, madame Cerisier-ben Guiga. Il n'y a pas de remontée de l'information de la médiation, mais dans l'esprit de la médiation à la française les médiateurs ne sont pas des agents au service du juge des affaires familiales, ce n'est pas leur travail. La France ne dispose pas d'un système de type britannique dans lequel des experts sont désignés par le juge pour jouer ce rôle de médiateur. Ce sont non plus des médiateurs, mais des assistants du juge.

Il serait possible d'envisager une procédure dans laquelle le juge des affaires familiales aurait des assistants qui seraient chargés de le dégager des audiences qu'il n'a pas le temps de consacrer aux personnes qui divorcent. Mais ce n'est pas cela, la médiation ! Un médiateur écoute les deux parties, est là pour les entendre, a du temps pour cela et, petit à petit, les oriente sur un certain nombre de points. Les médiateurs ne sont pas des auxiliaires du juge des affaires familiales. Vouloir les transformer en auxiliaires du juge des affaires familiales revient à transformer complètement la médiation, telle qu'elle est conçue à l'heure actuelle.

Je crains que votre amendement n'aboutisse tout simplement à dénaturer et à désavouer la médiation familiale.

La médiation familiale intervient justement en dehors du juge. Le médiateur est là pour entendre les parties, pour être à leur disposition, pour leur donner quelques conseils, mais il ne statue pas, n'impose pas, n'arbitre pas. Vouloir transformer la médiation familiale en autre chose, c'est possible, je ne suis pas contre a priori, mais ce n'est pas la voie dans laquelle nous nous sommes engagés à l'heure actuelle.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je voudrais donner mon avis personnel sur cette question et sur cet amendement. Je dois dire que, à contre-courant, je n'ai jamais été pour la médiation en matière de justice. Et dans ce cas moins que jamais. Certes, les médiateurs peuvent être en effet des psychothérapeutes.

M. Patrice Gélard, rapporteur. Voilà !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Mais ne consultent un psychothérapeute que ceux qui le veulent. Or, en l'occurrence, cela peut être obligatoire. Cela coûte cher. La somme de mille euros est évoquée dans le rapport de la commission. Je ne sais pas qui va payer. Ce coût va évidemment s'ajouter à celui de l'avocat. A quoi cela sert-il, sinon à remplir le rôle qui est, non pas celui du juge parce qu'il n'en a pas le temps, mais celui des avocats qui doivent précisément chercher à rapprocher les points de vue ? Tel a toujours été mon avis personnel. Je le maintiens.

Cependant, j'imagine tout de même qu'il sera intéressant, si une médiation est imposée, que le juge soit informé de ce qui s'est passé afin d'en tenir compte lorsqu'il aura à prendre des décisions. Peu importe que ce compte rendu ne soit pas écrit, mais le moins que l'on puisse espérer, c'est que le juge soit informé des raisons pour lesquelles la médiation n'a pas abouti.

M. Patrice Gélard, rapporteur. Ce n'est pas la médiation !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Voilà ce que je voulais dire. Vous en tirerez les conséquences que vous voudrez.

M. le président. La parole est à Mme Michèle André, pour explication de vote.

Mme Michèle André. On s'aperçoit bien en discutant de cette question des médiateurs combien l'idée est encore neuve chez nous. Pour avoir observé les pratiques dans d'autre pays, il y a quelque dix ou quinze ans, constaté que ces personnes qui travaillaient beaucoup plus avec la justice, avec les juges, n'étaient pas des personnes si éloignées, je me rends compte que l'on a en France encore beaucoup de chemin à faire.

Cet amendement a donc pour objet d'affirmer que le retour d'information du médiateur avec les parties peut être utile et doit être connu pour éviter que ne se créent d'autres types de conflits, une parole étant dite et entendue ici et une autre ailleurs. On sait bien que le langage est en lui-même source de malentendus. Il faut éviter que ceux qui ont à travailler avec ignorent pourquoi les choses se sont passées ainsi.

Que cela soit écrit ne me gêne pas. Nous sommes tout de même dans un pays de tradition écrite, le travail effectué au bénéfice de la collectivité peut donner lieu à écrit. M. le rapporteur est contre cette proposition. Pour ce qui me concerne, je pense qu'elle doit être creusée, qu'elle a du bon. C'est pourquoi nous la maintenons.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 73.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 36 rectifié, présenté par Mme Desmarescaux, MM. Darniche, Seillier et Türk, est ainsi libellé :

« Après le sixième alinéa (5°) du texte proposé par le III de cet article pour l'article 255 du code civil, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« ...° Imposer aux époux la production d'une déclaration certifiant sur l'honneur leurs ressources, revenus, patrimoine et condition de vie. »

La parole est Mme Sylvie Desmarescaux.

Mme Sylvie Desmarescaux. Cet amendement, qui me paraît très important, permet au juge, s'il l'estime nécessaire, de demander aux époux de produire une déclaration sur l'honneur concernant leurs ressources, revenus, patrimoine et leur condition de vie, dans le cadre des mesures provisoires qu'il prescrit.

Cette mesure concernerait aussi bien l'époux demandeur que l'époux défendeur et permettrait au juge d'éclairer sa prise de décision. J'espère que la commission voudra bien émettre un avis favorable.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Patrice Gélard, rapporteur. Ma chère collègue, j'ai là aussi hésité, mais je suis malheureusement obligé de donner un avis défavorable. Bien sûr, il peut être utile au juge de disposer d'éléments sur le patrimoine des époux, mais cette disposition est déjà prévue à l'article 271 du code civil pour la fixation de la prestation compensatoire. En outre, le juge peut mandater un notaire ou un professionnel qualifié pour faire un inventaire qui sera nettement plus fiable qu'une simple déclaration sur l'honneur de l'un ou l'autre des époux.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Même avis.

M. le président. Madame Desmarescaux, l'amendement n° 36 rectifié est-il maintenu ?

Mme Sylvie Desmarescaux. Non, monsieur le président, je le retire.

M. le président. L'amendement n° 36 rectifié est retiré.

L'amendement n° 37 rectifié, présenté par Mme Desmarescaux, MM. Darniche, Seillier et Türk, est ainsi libellé :

« Dans l'antépénultième alinéa (8°) du texte proposé par le III de cet article pour l'article 255 du code civil, après les mots : "attribution de la jouissance," insérer les mots : "des biens communs, indivis ou propres, à titre gratuit ou non,". »

La parole est à Mme Sylvie Desmarescaux.

Mme Sylvie Desmarescaux. Dans l'antépénultième alinéa (8°) du texte proposé par le III de cet article, après les mots « attribution de la jouissance », puis-je souhaiter que l'on insère les mots « des biens communs indivis ou propres, à titre gratuit ou non » ?

En effet, le juge doit préciser s'il accorde la jouissance d'un bien à titre gratuit ou non, et ce afin d'éviter les contentieux ultérieurs. De plus, concernant la jouissance des biens, il convient d'ajouter aux biens communs et indivis, les biens propres d'un époux. Je prendrai un exemple. Parfois, l'un des époux utilise, dans le cadre de son activité professionnelle, par exemple, le bien propre de son conjoint ou de sa conjointe : un local ou simplement une voiture. Le juge doit pouvoir statuer sur le sort de ce bien.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Patrice Gélard, rapporteur. J'émets, là encore, un avis défavorable, même si j'ai beaucoup de sympathie et la plus grande admiration pour Mme Desmarescaux.

En effet, le projet de loi prévoit déjà que le juge peut statuer sur la jouissance à titre gratuit ou non du logement, ainsi que sur les biens communs et indivis. A ce stade de la procédure, il ne paraît pas souhaitable d'aller au-delà et de lui permettre de statuer sur les biens propres, cela apparaissant prématuré et devant intervenir au moment de la liquidation du régime matrimonial, et non avant.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Je partage le point de vue de M. le rapporteur. Ce serait aller très loin que de donner ainsi au juge conciliateur la possibilité de trancher sur les biens propres de l'autre conjoint. Il y a là un petit problème quant au droit de propriété. Je pense que cela ne peut intervenir qu'au moment de la liquidation.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. J'ai écouté avec attention ce qui vient d'être dit. Comme l'a précisé M. le rapporteur, le juge peut effectivement attribuer à l'un des époux la jouissance du logement et du mobilier du ménage, en précisant son caractère gratuit ou non. Cependant, je ne vois strictement rien sur les biens communs et indivis.

M. Jean-Jacques Hyest. Et le 8° ?

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Le 8° concerne l'attribution de la jouissance ou de la gestion des biens communs ou indivis, en effet. Il faudrait donc rectifier l'amendement en ajoutant les mots « ou propres, à titre gratuit ou non, ».

M. Jean-Jacques Hyest. C'est ce qu'a fait Mme Desmarescaux !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Sous réserve de cette précision, les explications qui viennent d'être données me paraissent tout à fait fondées. On n'en est pas à la liquidation, on est au départ de la procédure. L'exemple qui a été cité est pertinent : la voiture dont le mari se servirait à titre professionnel peut appartenir à l'épouse. Il n'y a donc pas de raison que, provisoirement, le juge ne décide pas que le mari pourra jouir de ce véhicule, par exemple en échange de telle somme. Je voterai cet amendement.

M. le président. Madame Desmarescaux, maintenez-vous cet amendement ?

Mme Sylvie Desmarescaux. Je le maintiens, monsieur le président. J'ai dit tout à l'heure que je n'étais pas une juriste. Je suis en effet loin de posséder les compétences de mes collègues. Je me sens toute petite ici.

M. Jean-Jacques Hyest. Il ne faut pas ! Il n'y a pas de juristes ou de non-juristes !

M. le président. Personne ici n'a à se considérer comme petit !

Mme Sylvie Desmarescaux. Dans le cas d'un divorce, si un époux utilise le bien propre de son conjoint, pourquoi cela ne peut-il pas être précisé ?

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Absolument !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 37 rectifié.

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)

M. le président. L'amendement n° 75, présenté par M. Dreyfus-Schmidt, Mme M. André, M. Badinter, Mmes Cerisier-ben Guiga et Durrieu, M. Lagauche, Mme Pourtaud et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Dans l'avant-dernier alinéa (9°) du texte proposé par le III de cet article pour l'article 255 du code civil, supprimer les mots : "notaire ou un autre". »

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vraiment, il faut avoir l'âme chevillée au corps pour continuer à débattre des amendements : il n'y a plus de débat et, s'il n'y a plus de débat, c'est parce qu'il reste, sur les travées de la majorité, j'allais dire trois, mais, pour l'instant, deux membres de la commission des lois, en revanche, dans l'opposition, j'en vois un, deux, trois, quatre, cinq. Quant aux autres sénateurs de la majorité, s'ils sont là, c'est parce qu'ils ont été requis, qu'ils me permettent de le dire ! (Protestations sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. Patrice Gélard, rapporteur. On n'a pas le droit de dire cela !

M. Jean-Jacques Hyest. Et la présidente de la délégation aux droits des femmes ?

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je ne parle pas de Mme Gautier, bien entendu.

M. Jean-Jacques Hyest. Et Madame Rozier, dont le rapport est, de surcroît, excellent ?

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Mais évidemment, je ne parle pas des auteurs de rapport ! Non ! Je parle de quelques-uns de nos collègues qui, précisément, ont fait la balance dans le vote qui vient d'intervenir. D'ailleurs, même les amendements qui s'imposent à l'évidence ne sont pas adoptés parce que le groupe de travail réuni par M. le garde des sceaux - ce qui était son droit le plus strict - a décidé de ne pas les retenir.

En plus, l'urgence est déclarée sur ce texte ! On imagine ce que cela va donner à l'Assemblée nationale où, nous a-t-on dit, le rapporteur devrait être encore plus sévère...

M. Robert Bret. Il peut y avoir un vote conforme !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. ... que le nôtre. D'ailleurs j'ignore - mais il serait intéressant qu'on nous le dise - si le rapporteur qui sera désigné à l'Assemblée nationale faisait ou non partie de ce groupe de travail.

M. Robert Bret. Il y aura un vote conforme !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Mais je vais tout de même essayer de défendre l'amendement n° 75 pour ceux de nos collègues qui ont bien voulu nous accompagner tout au long de cette soirée.

Le 9° du texte proposé pour le III de l'article 255 du code civil prévoit que le juge peut désigner, en vue de dresser un inventaire estimatif ou de faire des propositions quant au règlement des intérêts pécuniaires des époux, « un notaire ou un autre professionnel qualifié ».

S'il s'agit, par exemple, d'estimer un bâtiment, cela peut être un architecte ; s'il s'agit de biens fonciers, cela peut être un expert agricole. Bref, cela peut être n'importe quel professionnel - un ancien magistrat, par exemple - du moment qu'il est qualifié. Pourquoi faut-il alors que, par ce 9°, on privilégie une profession - celle de notaire - parmi toutes celles qui sont possibles ? Je n'ai rien contre les notaires et je trouve même tout à fait normal que le 10° du même article dispose que le juge peut désigner un notaire en vue d'élaborer un projet de liquidation du régime matrimonial, car cette tâche incombe au notaire, et à lui seul. En revanche, la profession de notaire n'a pas plus de raison qu'une autre de figurer dans la rédaction du 9°.

Cet amendement tend donc à supprimer les mots « un notaire ou un autre ». C'est clair, c'est net, et cela ne paraît pas poser de problème. Or, même là, nous n'avons pas obtenu l'approbation de M. le rapporteur, en commission. Si le Sénat voulait bien nous suivre en adoptant cet amendement, il démontrerait l'intérêt qu'il prend dans son entier à ce débat.

M. le président. Monsieur Dreyfus-Schmidt, je voudrais vous rappeler que, en séance publique, quelle que soit la commission dans laquelle siègent les uns et les autres, chacun s'exprime à égalité !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Heureusement !

M. le président. Je ne vois pas en quoi vous pouvez déduire de la situation l'absence de débat. Au contraire, chacun a pu s'exprimer en toute liberté. Veuillez poursuivre, mon cher collègue.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le président, ce que je déplore, ce n'est pas la présence d'autres collègues !

M. Robert Del Picchia. Mais si, c'est ce que vous avez dit !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Alors, je me suis mal exprimé, monsieur Del Picchia ! Au contraire, je me suis toujours opposé, et vous le savez, monsieur le président, à ceux qui prétendent donner de plus amples pouvoirs aux commission, pour l'adoption de textes législatifs. J'estime, en effet, que n'importe quel sénateur, quelle que soit la commission à laquelle il appartient, a parfaitement le droit de s'exprimer sur n'importe quel texte. Ce que je regrette, ce soir, c'est que nous ne soyons pas assez nombreux à nous exprimer. Je déplore surtout l'absence de plusieurs membres de la commission des lois qui auraient dû être présents ce soir, puisqu'ils ont suivi les travaux de la commission.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Patrice Gélard, rapporteur. Monsieur le président, les absents ont de bonnes raisons de ne pas être des nôtres ce soir. Si nous n'étions pas surchargés de travail, nous devrions être en congés parlementaires. Chacun le sait, cette semaine est traditionnellement consacrée aux voeux, dans toutes nos communes, dans tous nos départements, dans toutes nos régions, et il faut en tenir compte.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Oui !

M. Patrice Gélard, rapporteur. S'agissant de l'amendement n° 75, la commission a émis un avis défavorable parce qu'il est toujours possible de désigner un professionnel qualifié autre qu'un notaire. Cela étant, le notaire est la personne qui s'impose normalement et il n'y a pas de raison de stigmatiser une profession qui a précisément dans ses attributions cette mission de service public.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce n'est pas vrai !

M. Patrice Gélard, rapporteur. Si !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Robert Del Picchia, pour explication de vote.

M. Robert Del Picchia. J'aimerais, en fait, répondre à M. Dreyfus-Schmidt. Je suis heureux que vous soyez revenu sur vos premiers propos, mon cher collègue, car j'aurais vraiment été furieux que vous distinguiez, dans cet hémicycle, les sénateurs de la commission et les autres. Nous avons tous un même mandat sénatorial, un même mandat de la République, nous l'exerçons, et notre présence ici est tout à fait légitime !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Absolument !

M. Robert Del Picchia. Sinon, tout se déciderait en commission et il n'y aurait plus de séance publique. Il nous faudrait alors avoir modifié la Constitution et le règlement du Sénat.

M. le président. Dont acte !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je souhaite, au contraire, que beaucoup de sénateurs s'expriment en séance publique !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 75.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 38 rectifié, présenté par Mme Desmarescaux, MM. Darniche, Seillier et Türk, est ainsi libellé :

« Dans le dernier alinéa (10°) du texte proposé par le III de cet article pour l'article 255 du code civil, après les mots : "un notaire", insérer les mots : "ou un autre professionnel qualifié". »

M. Patrice Gélard, rapporteur. C'est le même amendement !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Non !

M. Bernard Frimat. Cela ne concerne pas le même alinéa !

M. le président. La parole est à Mme Sylvie Desmarescaux, pour présenter l'amendement n° 38 rectifié.

Mme Sylvie Desmarescaux. Bien que ne faisant pas partie de la commission des lois, je vais quand même m'exprimer sur un amendement qui, en effet, ne s'inscrit pas dans le même alinéa que le précédent.

Comme l'a dit notre collègue, le texte proposé pour l'article 255 (9°) prévoit la possibilité pour le juge de désigner un « autre professionnel qualifié en vue de dresser un inventaire estimatif ou de faire des propositions quant au règlement des intérêts pécuniaires des époux ». Je comprends donc difficilement que cet « autre professionnel qualifié » n'ait pas été mentionné dans le cadre de l'article 255 (10°) concernant l'élaboration d'un projet de liquidation du régime matrimonial.

De plus, dans le cadre des divorces consensuels, les avocats sont amenés à liquider le régime matrimonial des époux lorsque ceux-ci ne possèdent pas d'immeuble.

Dans l'esprit des rédacteurs de l'actuel projet de loi, ne serait-il pas possible d'étendre cette possibilité à toutes les autres procédures ? Bien évidemment, leur coût et leur durée s'en verraient, par là même, limités, puisque l'intervention du notaire ne serait plus obligatoire dans tous les cas. Il resterait bien évidemment au juge le soin de désigner celui qu'il estimerait le plus à même de remplir cette tâche.

En outre, par cette disposition, il est pris acte de la volonté du Gouvernement, qui introduit à l'article 1450, alinéa 2, du code civil, des dispositions selon lesquelles « lorsque la liquidation porte sur des biens soumis à la publicité foncière, la convention doit être passée par acte notarié ». A contrario, la liquidation portant sur des biens non soumis à publicité foncière ne nécessite pas l'intervention du notaire.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Patrice Gélard, rapporteur. Je suis un peu gêné, car cet amendement sous-entend l'intervention d'un lobby. Qui est cet « autre professionnel qualifié » ? Traduisons : c'est un avocat. Or, je suis désolé de devoir le préciser, mais celui qui est chargé de la liquidation d'un régime matrimonial,...

M. Jean-Jacques Hyest. C'est le notaire !

M. Patrice Gélard, rapporteur. ... c'est le notaire, et pas l'avocat, ni le commissaire-priseur, ni un autre expert.

Je comprends très bien les motivations de l'auteur de cet amendement, mais je ne peux pas aller dans ce sens. J'émets donc, au nom de la commission, un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Tout à l'heure, nous en étions au stade de la conciliation, et il s'agissait de faire l'inventaire d'un patrimoine. Dans ce cas, effectivement, cela peut être un notaire, un huissier, un commissaire-priseur, ou tout autre expert. Ici, la situation est différente : il s'agit de liquider le régime matrimonial, opération d'une grande technicité, qui peut être l'occasion d'erreurs considérables. Il faut donc maintenir, dans ce cas-là, l'intervention du notaire.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est pourquoi vous étiez favorable à mon amendement, tout à l'heure ! (Sourires.)

M. le président. Madame Desmarescaux, l'amendement est-il maintenu ?

Mme Sylvie Desmarescaux. Je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 38 rectifié est retiré.

L'amendement n° 6, présenté par M. Gélard, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Compléter le dernier alinéa (10°) du texte proposé par le III de cet article pour l'article 255 du code civil, par les mots : "et de formation des lots à partager". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Patrice Gélard, rapporteur. Cet amendement tend à prévoir que le notaire désigné peut faire des propositions de composition de lots en vue du partage. Il ne procéderait pas effectivement au partage, qui consisterait à faire des propositions d'affectation des lots.

Cela doit inciter les parties à trouver des accords en amont et permettre au juge, par la connaissance des lots, de fixer de manière plus précise et plus pertinente le montant et les modalités de la prestation compensatoire.

Cet amendement vise vraiment à clarifier la mission du notaire et à éviter que ce dernier ne décide de tout. N'oublions pas que la procédure est placée sous le contrôle du juge.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Avis favorable.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. En fait, monsieur le président, je souhaite déposer un sous-amendement.

J'entends régulièrement M. le rapporteur, chaque fois qu'il expose cet amendement, reprendre la même formule : « donner au notaire la possibilité de faire des propositions de composition de lots », à partager, cela va de soi.

Je propose donc que l'on ajoute entre le mot « et » et le mot « de » les mots : « des propositions ». Ainsi, ce sera plus clair : on ne lui demande pas de former des lots, on lui demande de faire des propositions de composition de lots à partager.

J'ai le sentiment de traduire très exactement la pensée de M. le rapporteur, car je reprends son expression constante lorsqu'il nous expose cet amendement.

M. le président. Je suis donc saisi d'un sous-amendement n° 132, présenté par M. Dreyfus-Schmidt et ainsi libellé :

« Dans le texte de l'amendement n° 6, après le mot : "et", insérer les mots : "des propositions". »

Quel est l'avis de la commission ?

M. Patrice Gélard, rapporteur. Ce sous-amendement n'apporte rien de plus, puisque le notaire est désigné en vue d'élaborer un projet de liquidation, et qu'il le fait à partir de lots.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Le Gouvernement partage l'avis de la commission.

M. le président. Le sous-amendement n° 132 est-il maintenu, monsieur Dreyfus-Schmidt ?

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Non seulement je le maintiens, mais je voudrais l'expliquer encore.

Un projet de liquidation comprend des propositions concrètes ; les propositions de lots, elles, sont à tirer au sort.

M. Patrice Gélard, rapporteur. Mais non !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous demandons donc au notaire, non pas de former des projets de lots pour que celui-ci soit proposé à celui-là, et celui-là à l'autre : il s'agit de proposition de lots.

Encore une fois, j'ai entendu en commission, et, ici même, M. le rapporteur dire qu'il voulait donner au notaire la possibilité de faire des propositions de lots. Je reprends très exactement ses termes, et qu'il ne me dise pas que cela ne change rien !

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 132.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 6.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 93 rectifié bis, présenté par Mmes Rozier, Bout et Brisepierre, MM. Del Picchia, Doligé et Gournac, Mmes Henneron et Desmarescaux, M. Moinard, Mmes Payet et Gautier, est ainsi libellé :

« Compléter le dernier alinéa (10°) du texte proposé par le III de cet article pour l'article 255 du code civil par le membre de phrase suivant : "; cette désignation est de droit si l'un des époux en fait la demande". »

La parole est à Mme Rozier.

Mme Janine Rozier. Cet amendement s'explique par son texte même, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Patrice Gélard, rapporteur. Cet amendement tend à prévoir que, si l'un des époux en fait la demande, le juge doit désigner un notaire afin de faire un projet de liquidation. Or le juge a d'ores et déjà cette possibilité.

J'ajoute que cette disposition pourrait malheureusement être utilisée de manière dilatoire par un époux, alors même que la liquidation du régime matrimonial ne soulèverait aucune difficulté. La désignation d'un notaire pourrait donc aboutir à retarder la procédure.

Je comprends très bien les raisons de cette proposition, mais elle est dangereuse et risque d'aboutir à l'effet exactement inverse de celui qui est recherché par les auteurs de l'amendement. La commission émet donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. M. le rapporteur a eu l'argument décisif, à mes yeux. Je crains, en effet, que cette proposition, qui est intéressante au premier abord, ne comporte ce risque d'allonger la procédure. C'est la raison pour laquelle, malgré l'intérêt de l'amendement, j'y suis défavorable.

M. le président. Madame Rozier, maintenez-vous votre amendement ?

Mme Janine Rozier. Non, monsieur le président, je me range à la sagesse de M. Gélard et de M. le garde des sceaux.

M. le président. L'amendement n° 93 rectifié bis est retiré.

L'amendement n° 76, présenté par M. Dreyfus-Schmidt, Mme M. André, M. Badinter, Mmes Cerisier-ben Guiga et Durrieu, M. Lagauche, Mme Pourtaud et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Compléter le texte proposé par le III de cet article pour l'article 255 du code civil par un alinéa ainsi rédigé :

« ... Demander aux époux de présenter les titres de propriété immobilière accompagnés de l'état hypothécaire. »

Le parole est à Mme Michèle André.

Mme Michèle André. Cet amendement vise à prévenir des situations inextricables. Vous vous en souvenez, nous avons, durant les auditions relatives à ce projet de loi, entendu Me Sacaze nous narrer l'histoire d'une femme de soixante-treize ans qui a été expulsée de l'immeuble qu'elle avait reçu dans le cadre d'une procédure de divorce, parce que son conjoint de l'époque avait oublié de rappeler qu'une hypothèque grevait le bien donné. Les mauvaises affaires de ce dernier ont entraîné par ricochet l'expulsion de cette femme.

Pour éviter que ne se reproduise une telle situation, inadmissible, et protéger le patrimoine donné, il est préférable que chaque époux puisse fournir un état hypothécaire de tous les biens immobiliers.

Il s'agit donc d'un amendement visant à prévenir toute manipulation, et peut-être tout règlement de comptes post-conjugal !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Patrice Gélard, rapporteur. Je comprends très bien cette préoccupation, et j'ai entendu comme vous Me Sacaze nous relater cette affaire dramatique.

Cependant, je crains que votre amendement ne soit mal placé dans le texte. Votre disposition ne devrait intervenir que lors de la liquidation du régime matrimonial, et non pas, de manière prématurée, au stade des mesures provisoires.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Le Gouvernement partage l'avis de la commission.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je voudrais rappeler très exactement ce qu'a dit Me Sacaze, que M. le rapporteur avait choisi de faire entendre par la commission : « Reste aussi le problème de publicité foncière. Je voudrais vous donner l'exemple de l'une de mes clientes, divorcée par consentement mutuel. Dans le cadre du partage effectué, le mari abandonne à sa femme, avec laquelle il a été marié trente-cinq ans, sa part dans un immeuble locatif. L'immeuble comprend deux appartements au premier étage et des magasins au rez-de-chaussée. L'épouse, qui n'avait jamais eu d'activité salariée, avait donc un capital qui lui rapportait des ressources mensuelles. Cinq ans après le divorce, elle reçoit la visite d'un expert chargé d'évaluer son immeuble. Elle se rend compte que son ancien mari a fait de mauvaises affaires et qu'il a été condamné par le tribunal de commerce à payer des emprunts à la banque. La banque avait constitué une hypothèque un mois avant le prononcé du divorce sur cet immeuble. »

Ensuite, la question suivante lui a été posée : « N'y a-t-il pas une responsabilité de l'avocat, ce dernier n'ayant pas vérifié l'état hypothécaire de l'immeuble ? »

Réponse : « Tout à fait. J'ai d'ailleurs assigné les professionnels en justice. Mais ce n'est pas une solution cohérente. »

Autre question : « La production d'un état hypothécaire ne peut-elle pas être rendue obligatoire par voie réglementaire, par exemple au moment de la production de la requête ? »

Réponse : « Je n'ai jamais omis de demander la publicité de l'état hypothécaire et j'exige du notaire qu'il soit adjoint à l'acte. Mais ce serait très positif que ce soit obligatoire. »

Il n'est pas dit dans notre amendement à quel moment les époux devraient présenter les titres de propriété immobilière, il y est simplement indiqué que le juge peut leur demander de présenter ces titres de propriété accompagnés de l'état hypothécaire.

Il peut décider que c'est dans l'immédiat, à l'occasion d'une future comparution, lors d'une autre séance, si le partage est compris dans la convention qui lui est soumise.

Je ne comprends absolument pas la position de M. le rapporteur et de M. le garde des sceaux : il y a tout intérêt à ce que le juge ait la possibilité de faire cette demande, d'autant qu'il peut préciser le moment où elle doit être satisfaite. Il serait bien dommage que cela ne figure pas dans la loi.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 76.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 12, modifié.

(L'article 12 est adopté.)

Art. 12
Dossier législatif : projet de loi relatif au divorce
Art. 14 (début)

Article 13

I. - Après l'article 257 du même code, il est créé un paragraphe 4 intitulé : « De l'introduction de l'instance en divorce » et comprenant les articles 257-1, 257-2 et 258.

II. - Les articles 257-1 et 257-2 du même code sont ainsi rédigés :

« Art. 257-1. - Après l'ordonnance de non-conciliation, un époux peut introduire l'instance ou former une demande reconventionnelle pour acceptation du principe de la rupture du mariage, pour altération définitive du lien conjugal ou pour faute.

« Toutefois, lorsqu'à l'audience de conciliation les époux ont déclaré accepter le principe de la rupture du mariage et le prononcé du divorce sur le fondement de l'article 233, l'instance ne peut être engagée que sur ce même fondement.

« Art. 257-2. - A peine d'irrecevabilité, la demande introductive d'instance comporte une proposition de règlement des intérêts pécuniaires et patrimoniaux des époux. »

M. le président. L'amendement n° 114, présenté par M. About et les membres du groupe de l'Union centriste, est ainsi libellé :

« Au premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article 257-1 du code civil, après les mots : "acceptation du principe de la rupture du mariage,", insérer les mots : "pour minorité du demandeur au divorce à la date du mariage,". »

Cet amendement n'a plus d'objet.

L'amendement n° 100, présenté par M. Mercier et les membres du groupe de l'Union centriste, est ainsi libellé :

« Au second alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 257-1 du code civil, après les mots : "même fondement", insérer les mots : "sous réserve de la possibilité de rétractation prévue au deuxième alinéa de l'article 233 du code civil". »

Cet amendement n'a plus d'objet.

L'amendement n° 39 rectifié, présenté par Mme Desmarescaux, MM. Darniche, Seillier et Türk, est ainsi libellé :

« Compléter le texte proposé par le II de cet article pour l'article 257-2 du code civil par les mots : "ainsi qu'une déclaration certifiant sur l'honneur les ressources, revenus, patrimoine et conditions de vie de chacun des époux." »

La parole est à Mme Sylvie Desmarescaux.

Mme Sylvie Desmarescaux. Cet amendement étant identique à un amendement que j'ai présenté à l'article 12 et qui a reçu en accueil défavorable, je le retire.

M. le président. L'amendement n° 39 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l'article 13.

(L'article 13 est adopté.)

Art. 13
Dossier législatif : projet de loi relatif au divorce
Art. 14 (interruption de la discussion)

Article 14

I. - La section 4 du chapitre II du titre VI du livre Ier du même code devient le paragraphe 5 de la section 3 du même chapitre.

II. - A l'article 259 du même code, il est ajouté une phrase ainsi rédigée :

« Toutefois, les descendants ne peuvent jamais être entendus sur les griefs invoqués par les époux. »

III. - Au premier alinéa de l'article 259-3 du même code, les mots : « désignés par lui » sont remplacés par les mots : « et autres personnes désignées par lui en application des 9° et 10° de l'article 255, ».

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 98, présenté par M. Zocchetto et les membres du groupe de l'Union centriste, est ainsi libellé :

« Après le II de cet article, insérer un paragraphe additionnel rédigé comme suit :

« ... - L'article 259-1 du même code est ainsi rédigé :

« Art. 259-1. - Un époux ne peut verser aux débats les communications échangées entre son conjoint et un tiers qu'il aurait obtenues par violence ou fraude. »

L'amendement n° 104, présenté par M. Mercier et les membres du groupe de l'Union centriste, est ainsi libellé :

« Après le II de cet article, insérer un paragraphe rédigé comme suit :

« A la fin de l'article 259-1 du même code, il est ajouté une phrase ainsi rédigée :

« Un époux ne peut pas non plus verser aux débats le contenu des écrits personnels appartenant à son conjoint qu'il aurait obtenu par fraude ou violence." »

La parole est Mme Gisèle Gautier.

Mme Gisèle Gautier. Le développement des nouvelles technologies de l'information conduit à correspondre fréquemment par des moyens autres que les lettres traditionnelles : courriers électroniques, messages téléphoniques oraux ou écrits, fax, etc. La notion de communication vise à regrouper sous un même terme l'ensemble des échanges entre les personnes.

Cette expression est issue de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, qui, reprenant en son article 8 les termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales de 1950 à propos du droit au respect de la vie privée, remplace l'expression « correspondance » par l'expression « communication ».

De la même manière que les correspondances, le contenu des journaux intimes et autres pensées ou réflexions écrites par un époux, sortes de correspondances avec soi-même, fait partie de la vie privée. Il en résulte que ces documents et leur contenu ne doivent pas être versés aux débats lorsqu'ils ont été obtenus par fraude ou violence.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Patrice Gélard, rapporteur. Je vais satisfaire Mme Gautier en émettant un avis favorable sur ces deux amendements, qui comblent en effet une lacune.

Mme Gisèle Gautier. Merci !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote sur l'amendement n° 98.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Le groupe socialiste, unanimement, votera ces deux amendements. (Sourires.)

M. Patrice Gélard, rapporteur. C'est bien !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 98.

(L'amendement est adopté à l'unanimité.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 104.

(L'amendement est adopté à l'unanimité.)

M. le président. L'amendement n° 77, présenté par M. Dreyfus-Schmidt, Mme M. André, M. Badinter, Mmes Cerisier-ben Guiga et Durrieu, M. Lagauche, Mme Pourtaud et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Rédiger comme suit le III de cet article :

« III. - Conformément à l'article 1084 du code de procédure civile :

« 1° les époux doivent se communiquer et communiquer au juge ainsi qu'aux experts désignés par lui tous renseignements et documents utiles pour fixer les prestations et pensions et liquider le régime matrimonial ;

« 2° le juge peut faire procéder à toutes recherches utiles auprès des débiteurs ou de ceux qui détiennent des valeurs pour le compte des époux sans que le secret professionnel puisse être opposé. »

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il s'agit d'un amendement de forme à propos duquel nous n'avons pas réussi à convaincre M. le rapporteur.

L'article 219-3 actuel du code civil dispose : « Les époux doivent se communiquer et communiquer au juge ainsi qu'aux experts désignés par lui tous renseignements et documents utiles pour fixer les prestations et pensions et liquider le régime matrimonial.

« Le juge peut faire procéder à toutes recherches utiles auprès des débiteurs ou de ceux qui détiennent des valeurs pour le compte des époux sans que le secret professionnel puisse être opposé. »

M. le rapporteur explique, à la page 94 de son rapport, qu'un décret du 3 décembre 2002 « a modifié les articles 1075-1, 1075-2 et 1084 du code de procédure civile », les deux premiers étant d'ailleurs insérés dans l'article 1084.

De quoi s'agit-il ? Il a été ajouté un deuxième alinéa à l'article 1075-2 indiquant que les époux « doivent également, à la demande du juge, produire les pièces justificatives relatives à leur patrimoine et leurs conditions de vie en complément de la déclaration sur l'honneur permettant la fixation de la prestation compensatoire ».

Nous avons purement et simplement pensé qu'il serait bon que le lecteur du code civil sache que des précisions sont apportées dans le code de procédure civile. C'est la raison pour laquelle nous avons proposé de rédiger ainsi le III de l'article 14 :

« III. - Conformément à l'article 1084 du code de procédure civile :

« 1° Les époux doivent se communiquer et communiquer au juge ainsi qu'aux experts désignés par lui tous renseignements et documents utiles pour fixer les prestations et pensions et liquider le régime matrimonial ;

« 2° Le juge peut faire procéder à toutes recherches utiles auprès des débiteurs ou de ceux qui détiennent des valeurs pour le compte des époux sans que le secret professionnel puisse être opposé. »

M. le rapporteur nous a opposé qu'il était impossible de se référer dans le code civil au code de procédure civile. Nous avons soutenu le contraire et lui avons communiqué les éléments prouvant que non seulement c'était parfaitement possible, mais que cela se faisait d'ores et déjà. Nous lui avons fourni la liste d'articles du code civil qui se réfèrent au code de procédure civile.

Il en est ainsi de l'article 111 du code civil : « Lorsqu'un acte contiendra, de la part des parties ou de l'une d'elles, élection de domicile pour l'exécution de ce même acte dans un autre lieu que celui du domicile réel, les significations, demandes et poursuites relatives à cet acte, pourront être faites au domicile convenu, et, sous réserve des dispositions de l'article 48 du nouveau code de procédure civile, devant le juge de ce domicile. »

Article 459 du code civil : « La vente des immeubles et des fonds de commerce appartenant à un mineur se fera publiquement aux enchères, en présence du subrogé tuteur, dans les conditions prévues aux articles 953 et suivants du code de procédure civile. »

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Ce n'est pas pareil !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Si ! Il est fait référence à un article du code de procédure civile dans le code civil.

Nous espérons cette fois convaincre M. le rapporteur que notre seul but est d'éviter que certains ignorent les précisions données par le code de procédure civile sur ce qui est visé au code civil.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Patrice Gélard, rapporteur. Certes, M. Dreyfus-Schmidt a raison, mais il est scandaleux que figurent dans le code civil des références au code de procédure civile, qui relève du pouvoir réglementaire. Depuis quand le législateur se réfère-t-il au pouvoir réglementaire ? C'est absurde ! En tant que juriste, je ne peux l'accepter, car c'est totalement contraire à l'équilibre des normes fixées par notre Constitution.

J'estime scandaleux que de tels dérapages aient eu lieu dans le passé et je souhaiterais qu'à l'avenir on procède sur ce point à un toilettage du code civil. C'est le code de procédure civile qui doit renvoyer au code civil et non le code civil au code de procédure civile.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Que, dans un article du code civil, il soit écrit « dans les conditions prévues à tel ou tel article du code de procédure civile », c'est normal. La loi fixe une règle et dit qu'elle s'appliquera dans les conditions prévues par un décret.

Ce qui n'est pas normal, en revanche, c'est qu'il soit mentionné dans le code civil : « sous réserve des dispositions figurant à tel article du code de procédure civile ». Une loi ne peut pas être définie sous réserve d'un décret.

Une erreur a été faite dans le passé. On ne peut que le regretter. Ce type d'errements juridiques ne doit pas être renouvelé. Je suis donc défavorable à l'amendement.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le garde des sceaux, nous sommes d'accord sur la formulation « dans les conditions fixées à l'article 1084 du code de procédure civile » ou « conformément au code de procédure civile ».

Je le répète, de nombreux textes font référence au code de procédure civile. C'est le cas de l'article 214 du code civil : « Si l'un des époux ne remplit pas ses obligations, il peut y être contraint par l'autre dans les formes prévues au code de procédure civile. »

Et je pourrais citer bien d'autres articles !

Bref, je propose donc de rectifier mon amendement en remplaçant l'expression : « Conformément à l'article 1084 du code de procédure civile » par celle de : « Dans les formes prévues au code de procédure civile ».

M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 77 rectifié, présenté par M. Dreyfus-Schmidt, Mme M. André, M. Badinter, Mmes Cerisier-ben Guiga et Durrieu, M. Lagauche, Mme Pourtaud et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, et ainsi libellé :

« Rédiger comme suit le III de cet article :

« III. - Dans les formes prévues au code de procédure civile :

« 1° Les époux doivent se communiquer et communiquer au juge ainsi qu'aux experts désignés par lui, tous renseignements et documents utiles pour fixer les prestations et pensions et liquider le régime matrimonial ;

« 2° Le juge peut faire procéder à toutes recherches utiles auprès des débiteurs ou de ceux qui détiennent des valeurs pour le compte des époux sans que le secret professionnel puisse être opposé. »

Quel est l'avis de la commission ?

M. Patrice Gélard, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 77 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 40 rectifié, présenté par Mme Desmarescaux, MM. Darniche, Seillier et Türk, est ainsi libellé :

« Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

« ...- Au second alinéa de l'article 259-3 du même code, les mots : "Le juge peut" sont remplacés par les mots : "Le juge, ainsi que les experts ou toute autre personne désignée par lui en application des 9° et 10° de l'article 255, peuvent". »

La parole est à Mme Sylvie Desmarescaux.

Mme Sylvie Desmarescaux. Afin d'éviter des procédures trop longues, et donc coûteuses, le juge, par la désignation d'un expert ou autre professionnel, autorise implicitement ce dernier à procéder à toutes recherches utiles concernant les revenus, ressources, dettes des époux, sans que le secret professionnel puisse être opposé. Cette autorisation implicite permettra de favoriser le désengorgement de la justice, puisqu'il ne sera plus nécessaire de déposer des requêtes successives afin d'obtenir la levée du secret professionnel.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Patrice Gélard, rapporteur. Le présent amendement n'apporte rien au texte de loi puisque cette possibilité est déjà prévue. Par conséquent, j'en demande le retrait.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Même avis.

M. le président. L'amendement n° 40 rectifié est-il maintenu, madame Desmarescaux ?

Mme Sylvie Desmarescaux. Je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 40 rectifié est retiré.

L'amendement n° 7, présenté par M. Gélard, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Compléter cet article par un paragraphe additionnel rédigé comme suit :

« IV. - A l'article 272 du même code tel qu'il résulte de l'article 6, les mots : "dans la convention visée à l'article 278" sont supprimés. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Patrice Gélard, rapporteur. Dans le cadre de la fixation d'une prestation compensatoire par le juge ou par les parties en vertu de de la convention visée à l'article 278 ou à l'occasion d'une demande de révision, les parties fournissent une déclaration certifiant sur l'honneur l'exactitude de leurs ressources, revenus, patrimoine et conditions de vie.

L'article 278 renvoie à la convention fixée en cas de divorce par demande conjointe ; or le projet de loi prévoit qu'une convention entre époux pourra désormais intervenir également dans le cadre des divorces contentieux. Cet amendement tend donc à prévoir que la déclaration sur l'honneur devra également être fournie pour les prestations compensatoires fixées par les parties dans un divorce contentieux.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 14, modifié.

(L'article 14 est adopté.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Art. 14 (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif au divorce
Art. 15

4

DÉPÔT D'UN PROJET DE LOI

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre un projet de loi relatif au contrat de volontariat de solidarité internationale.

Le projet de loi sera imprimé sous le n° 139, distribué et renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

5

TRANSMISSION DE PROJETS DE LOI

M. le président. J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social.

Le projet de loi sera imprimé sous le n° 133, distribué et renvoyé à la commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre un projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de la convention d'assistance administrative mutuelle entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République argentine pour la prévention, la recherche et la sanction des infractions douanières.

Le projet de loi sera imprimé sous le n° 134, distribué et renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre un projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord d'assistance mutuelle douanière entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de Malte pour la prévention, la recherche, la constatation et la sanction des infractions douanières.

Le projet de loi sera imprimé sous le n° 135, distribué et renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre un projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de la convention d'assistance administrative mutuelle entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République du Surinam pour la prévention, la recherche, la constatation et la sanction des infractions douanières.

Le projet de loi sera imprimé sous le n° 136, distribué et renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre un projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la République française et l'Organisation des Nations unies concernant l'exécution des peines prononcées par le Tribunal pénal international pour le Rwanda.

Le projet de loi sera imprimé sous le n° 137, distribué et renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, réformant le statut de certaines professions judiciaires ou juridiques, des experts judiciaires, des conseils en propriété industrielle et des experts en ventes aux enchères publiques.

Le projet de loi sera imprimé sous le n° 141, distribué et renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.

6

DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI

M. le président. J'ai reçu de MM. Michel Charasse, Jacques Bellanger, Jean Besson, Raymond Courrière, Roland Courteau, Mme Josette Durrieu, MM. Jean-Claude Frécon, Alain Journet, Serge Lagauche, Michel Moreigne, Jean-Marc Pastor, Jean-Claude Peyronnet, Bernard Piras, Jean-Pierre Plancade, Mmes Danièle Pourtaud, Michèle San Vicente, MM. René-Pierre Signé, Jean-Pierre Sueur, Simon Sutour, Pierre-Yvon Trémel, Marcel Vidal et Henri Weber une proposition de loi relative aux devoirs des enfants majeurs envers leurs ascendants âgés.

La proposition de loi sera imprimée sous le n° 140, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

7

DÉPÔT DE RAPPORTS

M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Guy Branger un rapport, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sur le projet de loi autorisant l'approbation d'un accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l'Ukraine relatif à la coopération policière (ensemble un échange de lettres) (n° 424, 2002-2003).

Le rapport sera imprimé sous le n° 131 et distribué.

J'ai reçu de Mme Maryse Bergé-Lavigne un rapport, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté d'Andorre relative aux bureaux à contrôles nationaux juxtaposés (n° 14, 2003-2004).

Le rapport sera imprimé sous le n° 132 et distribué.

J'ai reçu de MM. Francis Giraud et Jean-Louis Lorrain un rapport, fait au nom de la commission des affaires sociales, sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la politique de santé publique (n° 19, 2003-2004).

Le rapport sera imprimé sous le n° 138 et distribué.

8

ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, jeudi 8 janvier 2004, à neuf heures trente et à quinze heures :

Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi (n° 389, 2002-2003) relatif au divorce.

Rapport (n° 120, 2003-2004) de M. Patrice Gélard, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.

Rapport d'information (n° 117, 2003-2004) de Mme Janine Rozier, fait au nom de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.

Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.

Délai limite pour les inscriptions de parole

et pour le dépôt des amendements

Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la politique de santé publique (n° 19, 2003-2004) ;

Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 12 janvier 2004, à dix-sept heures ;

Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 12 janvier 2004, à dix-sept heures.

Personne ne demande la parole ?...

La séance est levée.

(La séance est levée le jeudi 8 janvier 2004, à zéro heure vingt.)

Le Directeur

du service du compte rendu intégral,

MONIQUE MUYARD

SUPPRESSION DES CRÉDITS D'ÉTAT AFFECTÉS AUX LIGNES ROUTIÈRES DÉPARTEMENTALES « DE SUBSTITUTION »

N° 388 - 7 janvier 2004 - M. Gérard Bailly appelle l'attention de M. le secrétaire d'Etat aux transports et à la mer sur la suppression de la contribution financière qui était accordée aux départements pour leur permettre d'organiser des services de transports routiers de voyageurs sur les liaisons antérieurement desservies par voies ferrées.

Le versement de ces crédits reposait sur plusieurs dispositions réglementaires, en particulier l'article 29 du décret n° 85-891 du 16 août 1985, non abrogé à ce jour, qui a prévu l'attribution aux départements des sommes correspondant aux contributions versées précédemment par l'Etat à la SNCF, pour l'exploitation des services de transports routiers dits de substitution. Cette contribution a toujours fait l'objet d'une ligne budgétaire spécifique inscrite au budget de la direction des transports terrestres.

Depuis 1986, l'Etat a versé régulièrement aux trente-neuf départements concernés ces crédits qui s'élevaient en 2002 à plus de 7 millions d'euros si l'on cumule les deux chapitres. Or, en 2002, les aides de l'Etat ont d'abord été gelées puis supprimées dans le cadre des restrictions budgétaires. En 2003, les crédits correspondants ont été versés globalement aux régions, dans le cadre de la régionalisation des transports ferroviaires.

Or, la région Franche-Comté n'a, semble-t-il, pas perçu la contribution financière que percevait le département du Jura.

La proposition d'intégration de ces lignes dans les services régionaux n'est pas satisfaisante compte tenu des investissements réalisés par le département du Jura pour les développer. Pour le département, c'est une contribution de 640 000 euros qui a été supprimée bien qu'il continue à assurer ces services, ne souhaitant pas diminuer l'offre de transports proposée ; ce qui l'a conduit à augmenter la fiscalité d'environ 1 %...

Les solutions proposées pour l'avenir sont floues. L'absence de crédits transférés correspondants aux dotations que chaque département percevait, risque d'aboutir, à terme, à la cessation d'exploitation de ces lignes alors même que près de 80 % des départements estiment que ces lignes sont très ou assez fréquentées et que leur disparition aurait des répercussions importantes pour les usagers.

Aussi il lui demande de bien vouloir rétablir ces services publics, par le jeu des dotations individuelles aux régions.Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON

ANNEXE AU PROCÈS-VERBAL

de la séance

du mercredi 7 janvier 2004

SCRUTIN (n° 120)

sur l'amendement n° 57, présenté par M. Michel Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, tendant à insérer un article additionnel avant l'article 1er du projet de loi relatif au divorce (divorce par consentement mutuel prononcé par l'officier d'état civil).


Nombre de votants : 319
Nombre de suffrages exprimés : 319
Pour : 114
Contre : 205
Le Sénat n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN

GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (23) :

Pour : 23.

GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (29) :

Contre : 29.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (17) :

Pour : 8. _ MM. Nicolas Alfonsi, Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin, Gérard Delfau, Rodolphe Désiré, François Fortassin et Dominique Larifla.

Contre : 9.

GROUPE SOCIALISTE (83) :

Pour : 83.

GROUPE DE L'UNION POUR UN MOUVEMENT POPULAIRE (164) :

Contre : 162.

N'ont pas pris part au vote : 2. _ M. Christian Poncelet, président du Sénat, et M. Jean-Claude Gaudin, qui présidait la séance.

Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (5) :

Contre : 5.

Ont voté pour

Nicolas Alfonsi

Michèle André

Bernard Angels

Henri d'Attilio

Bertrand Auban

François Autain

Jean-Yves Autexier

Robert Badinter

Jean-Michel Baylet

Marie-Claude Beaudeau

Marie-France Beaufils

Jean-Pierre Bel

Jacques Bellanger

Maryse Bergé-Lavigne

Jean Besson

Pierre Biarnès

Danielle Bidard-Reydet

Marie-Christine Blandin

Nicole Borvo

Didier Boulaud

André Boyer

Yolande Boyer

Robert Bret

Claire-Lise Campion

Jean-Louis Carrère

Bernard Cazeau

Monique Cerisier-ben Guiga

Gilbert Chabroux

Michel Charasse

Yvon Collin

Gérard Collomb

Yves Coquelle

Raymond Courrière

Roland Courteau

Yves Dauge

Annie David

Marcel Debarge

Gérard Delfau

Jean-Pierre Demerliat

Michelle Demessine

Rodolphe Désiré

Evelyne Didier

Claude Domeizel

Michel Dreyfus-Schmidt

Josette Durrieu

Bernard Dussaut

Claude Estier

Guy Fischer

François Fortassin

Thierry Foucaud

Jean-Claude Frécon

Bernard Frimat

Charles Gautier

Jean-Pierre Godefroy

Jean-Noël Guerini

Claude Haut

Odette Herviaux

Alain Journet

Yves Krattinger

André Labarrère

Philippe Labeyrie

Serge Lagauche

Roger Lagorsse

Dominique Larifla

Gérard Le Cam

André Lejeune

Louis Le Pensec

Claude Lise

Paul Loridant

Hélène Luc

Philippe Madrelle

Jacques Mahéas

Jean-Yves Mano

François Marc

Jean-Pierre Masseret

Marc Massion

Josiane Mathon

Pierre Mauroy

Louis Mermaz

Gérard Miquel

Michel Moreigne

Roland Muzeau

Jean-Marc Pastor

Guy Penne

Daniel Percheron

Jean-Claude Peyronnet

Jean-François Picheral

Bernard Piras

Jean-Pierre Plancade

Danièle Pourtaud

Gisèle Printz

Jack Ralite

Daniel Raoul

Paul Raoult

Daniel Reiner

Ivan Renar

Roger Rinchet

Gérard Roujas

André Rouvière

Michèle San Vicente

Claude Saunier

Michel Sergent

René-Pierre Signé

Jean-Pierre Sueur

Simon Sutour

Odette Terrade

Michel Teston

Jean-Marc Todeschini

Pierre-Yvon Trémel

André Vantomme

Paul Vergès

André Vézinhet

Marcel Vidal

Henri Weber

Ont voté contre

Nicolas About

Philippe Adnot

Jean-Paul Alduy

Jean-Paul Amoudry

Pierre André

Philippe Arnaud

Jean Arthuis

Denis Badré

Gérard Bailly

José Balarello

Gilbert Barbier

Bernard Barraux

Jacques Baudot

Michel Bécot

Claude Belot

Daniel Bernardet

Roger Besse

Laurent Béteille

Joël Billard

Claude Biwer

Jean Bizet

Jacques Blanc

Paul Blanc

Maurice Blin

Annick Bocandé

Didier Borotra

Joël Bourdin

Brigitte Bout

Jean Boyer

Jean-Guy Branger

Gérard Braun

Dominique Braye

Paulette Brisepierre

Louis de Broissia

Jean-Pierre Cantegrit

Jean-Claude Carle

Ernest Cartigny

Auguste Cazalet

Charles

Ceccaldi-Raynaud

Gérard César

Jacques Chaumont

Jean Chérioux

Marcel-Pierre Cléach

Jean Clouet

Christian Cointat

Gérard Cornu

Jean-Patrick Courtois

Philippe Darniche

Robert Del Picchia

Fernand Demilly

Christian Demuynck

Marcel Deneux

Gérard Dériot

Sylvie Desmarescaux

Yves Détraigne

Eric Doligé

Jacques Dominati

Michel Doublet

Paul Dubrule

Alain Dufaut

André Dulait

Ambroise Dupont

Jean-Léonce Dupont

Hubert Durand-Chastel

Louis Duvernois

Daniel Eckenspieller

Jean-Paul Emin

Jean-Paul Emorine

Michel Esneu

Jean-Claude Etienne

Pierre Fauchon

Jean Faure

Françoise Férat

André Ferrand

Hilaire Flandre

Gaston Flosse

Alain Fouché

Jean-Pierre Fourcade

Bernard Fournier

Serge Franchis

Philippe François

Jean François-Poncet

Yves Fréville

Yann Gaillard

René Garrec

Christian Gaudin

Philippe de Gaulle

Gisèle Gautier

Patrice Gélard

André Geoffroy

Alain Gérard

François Gerbaud

Charles Ginésy

Francis Giraud

Paul Girod

Daniel Goulet

Jacqueline Gourault

Alain Gournac

Adrien Gouteyron

Francis Grignon

Louis Grillot

Georges Gruillot

Charles Guené

Michel Guerry

Hubert Haenel

Françoise Henneron

Marcel Henry

Pierre Hérisson

Daniel Hoeffel

Jean-François Humbert

Jean-Jacques Hyest

Pierre Jarlier

Bernard Joly

Jean-Marc Juilhard

Roger Karoutchi

Joseph Kergueris

Christian

de La Malène

Jean-Philippe Lachenaud

Pierre Laffitte

Lucien Lanier

Jacques Larché

Gérard Larcher

André Lardeux

Robert Laufoaulu

René-Georges Laurin

Jean-René Lecerf

Dominique Leclerc

Jacques Legendre

Jean-François

Le Grand

Serge Lepeltier

Philippe Leroy

Marcel Lesbros

Valérie Létard

Gérard Longuet

Jean-Louis Lorrain

Simon Loueckhote

Roland du Luart

Brigitte Luypaert

Max Marest

Philippe Marini

Pierre Martin

Jean Louis Masson

Serge Mathieu

Michel Mercier

Lucette

Michaux-Chevry

Jean-Luc Miraux

Louis Moinard

René Monory

Aymeri

de Montesquiou

Dominique Mortemousque

Jacques Moulinier

Georges Mouly

Bernard Murat

Philippe Nachbar

Paul Natali

Philippe Nogrix

Nelly Olin

Joseph Ostermann

Georges Othily

Jacques Oudin

Monique Papon

Anne-Marie Payet

Michel Pelchat

Jacques Pelletier

Jean Pépin

Jacques Peyrat

Xavier Pintat

Bernard Plasait

Jean-Marie Poirier

Ladislas Poniatowski

André Pourny

Jean Puech

Henri de Raincourt

Victor Reux

Charles Revet

Henri Revol

Henri de Richemont

Philippe Richert

Yves Rispat

Josselin de Rohan

Roger Romani

Janine Rozier

Bernard Saugey

Jean-Pierre Schosteck

Bernard Seillier

Bruno Sido

Daniel Soulage

Louis Souvet

Yannick Texier

Michel Thiollière

Henri Torre

René Trégouët

André Trillard

François Trucy

Alex Turk

Maurice Ulrich

Jacques Valade

André Vallet

Jean-Marie Vanlerenberghe

Alain Vasselle

Jean-Pierre Vial

Xavier de Villepin

Serge Vinçon

Jean-Paul Virapoullé

François Zocchetto

N'ont pas pris part au vote

Christian Poncelet, président du Sénat, et Jean-Claude Gaudin, qui présidait la séance.

Les nombres annoncés en séance avaient été de :


Nombre de votants : 319
Nombre de suffrages exprimés : 319
Majorité absolue des suffrages exprimés : 160
Pour : 115
Contre : 204
Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés conformément à la liste ci-dessus.