Art. 706-103 et 706-104 du code de procédure pénale
Dossier législatif : projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité
Division et art. additionnels après l'art. 10

Article 10

M. le président. Art. 10. - Le code de l'environnement est ainsi modifié :

1° Dans la sous-section 2 de la section 1 du chapitre VIII du titre Ier du livre II, sont insérés, avant l'article L. 218-10, un paragraphe 1 intitulé « Incriminations et peines » et, avant l'article L. 218-26, un paragraphe 2 intitulé « Procédure » ;

2° L'article L. 218-10 est ainsi modifié :

a) Au I, les mots : « de quatre ans d'emprisonnement et de 600 000 EUR d'amende » sont remplacés par les mots : « de dix ans d'emprisonnement et de 1 000 000 EUR d'amende » ;

b) Il est complété par un III ainsi rédigé :

« III. - La peine d'amende prévue au I peut être remplacée par une amende équivalente aux deux tiers de la valeur de la cargaison transportée ou du fret. »

3° Au premier alinéa de l'article L. 218-11, les mots : « de deux ans d'emprisonnement et de 180 000 EUR d'amende » sont remplacés par les mots : « de cinq ans d'emprisonnement et de 500 000 EUR d'amende » ;

4° L'article L. 218-22 est ainsi modifié :

a) Au deuxième alinéa, les mots : « de peines égales à la moitié de celles prévues audit article » sont remplacés par les mots : « de cinq ans d'emprisonnement et de 500 000 EUR d'amende » ;

b) Au troisième alinéa, les références : « L. 218-12 et L. 218-13 » sont remplacées par la référence : « et L. 218-12 » et les mots : « de peines égales à la moitié de celles prévues auxdits articles » sont remplacés par les mots : « de trois ans d'emprisonnement et de 200 000 EUR d'amende » ;

c) Après le troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque l'infraction est commise au moyen d'un navire ou engin entrant dans les catégories visées à l'article L. 218-13, elle est punie de 4 000 EUR d'amende. » ;

d) Dans le quatrième alinéa, les mots : « deux alinéas précédents » sont remplacés par les mots : « deuxième, troisième et quatrième alinéas » ;

5° L'article L. 218-24 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, avant les mots : « Le tribunal », il est inséré la mention « I. - » ;

b) Le troisième alinéa est remplacé par un II ainsi rédigé :

« II. - Les personnes physiques coupables des infractions prévues par la présente sous-section encourent également les peines complémentaires suivantes :

« 1° L'interdiction, à titre définitif ou pour cinq ans au plus, d'exercer l'activité professionnelle à l'occasion de laquelle l'infraction a été commise ;

« 2° La fermeture, définitive ou pour une durée de cinq ans au plus, des établissements ou de l'un ou plusieurs établissements ayant servi à commettre l'infraction ;

« 3° L'exclusion des marchés publics, à titre définitif ou pour une durée de cinq ans au plus ;

« 4° La confiscation du navire ou de l'engin ayant servi à commettre l'infraction ;

« 5° L'affichage ou la publication de la décision, dans les conditions de l'article 131-35 du code pénal ;

« 6° La confiscation de tout ou partie de leurs biens, quelle qu'en soit la nature, meubles ou immeubles, divis ou indivis. » ;

6° L'article L. 218-25 est ainsi modifié :

a) Le 2° du II est ainsi rédigé :

« 2° Les peines mentionnées aux 1° , 2° , 4° , 5° , 6° , 8° et 9° de l'article 131-39 du code pénal ; »

b) Le II est complété par un 3° ainsi rédigé :

« 3° La confiscation de tout ou partie de leurs biens, quelle qu'en soit la nature, meubles ou immeubles, divis ou indivis. » ;

7° L'article L. 218-29 est ainsi rédigé :

« Art. L. 218-29. - Les règles relatives à la compétence des juridictions pénales spécialisées pour connaître des infractions prévues par la présente sous-section sont fixées par les articles 706-102 à 706-106 du code de procédure pénale ci-après reproduits :

« Art. 706-102. - Pour l'enquête, la poursuite, l'instruction et, s'il s'agit de délits, le jugement des infractions en matière de pollution des eaux marines et des voies ouvertes à la navigation maritime prévues et réprimées par le chapitre VIII du titre Ier du livre II du code de l'environnement, qui sont commises dans les eaux territoriales, les eaux intérieures et les voies navigables, la compétence d'un tribunal de grande instance peut être étendue au ressort d'une ou plusieurs cours d'appel.

« Les dispositions du premier alinéa s'appliquent également lorsque les infractions mentionnées dans cet alinéa, à l'exception de celle visée à l'article L. 218-22 du code de l'environnement, sont commises dans la zone économique exclusive ou dans la zone de protection écologique.

« Toutefois, dans les affaires qui sont ou apparaissent d'une grande complexité, le procureur de la République près le tribunal de grande instance mentionné au premier alinéa peut requérir le juge d'instruction, dans les conditions et selon les modalités prévues par les articles 706-105 et 706-106, de se dessaisir au profit du tribunal de grande instance de Paris.

« Cette compétence s'étend aux infractions connexes.

« Un décret fixe la liste et le ressort de ces juridictions du littoral maritime, qui comprennent une section du parquet et des formations d'instruction et de jugement spécialisées pour connaître de ces infractions.

« Art. 706-103. - Pour l'enquête, la poursuite, l'instruction et le jugement des infractions visées à l'article 706-102 commises hors des espaces maritimes sous juridiction française à bord d'un navire français, le tribunal de grande instance compétent est le tribunal de grande instance de Paris.

« Le tribunal de grande instance de Paris est également compétent pour l'enquête, la poursuite, l'instruction et le jugement de l'infraction visée à l'article L. 218-22 du code de l'environnement, ainsi que des infractions qui lui sont connexes, lorsque ces infractions sont commises dans la zone économique exclusive ou dans la zone de protection écologique.

« Art. 706-104. - Le procureur de la République, le juge d'instruction, la formation correctionnelle spécialisée du tribunal de grande instance mentionné à l'article 706-102 exercent, sur toute l'étendue du ressort fixé en application de cet article, une compétence concurrente à celle qui résulte de l'application des articles 43, 52, 382, 663 (deuxième alinéa) et 706-42.

« Ils exercent également, dans les mêmes conditions, une compétence concurrente à celle qui résulte des critères de compétence suivants :

« 1° Lieu d'immatriculation du navire, engin ou plate-forme ou de son attachement en douanes ;

« 2° Lieu où le navire, engin ou plate-forme est ou peut être trouvé.

« La juridiction spécialisée saisie demeure compétente, quelles que soient les incriminations retenues lors du règlement ou du jugement de l'affaire. Toutefois, si les faits constituent une contravention, le juge d'instruction prononce le renvoi de l'affaire devant le tribunal de police compétent en application de l'article 522.

« Art. 706-105. - Le procureur de la République près un tribunal de grande instance autre que celui mentionné à l'article 706-102 peut, pour les infractions entrant dans le champ d'application de cet article, requérir le juge d'instruction de se dessaisir au profit de la juridiction d'instruction compétente en application de cet article. Les parties sont préalablement avisées et invitées à faire connaître leurs observations ; l'ordonnance est rendue huit jours au plus tôt après cet avis.

« Lorsque le juge d'instruction décide de se dessaisir, son ordonnance ne prend effet qu'à compter du délai de cinq jours prévu par l'article 706-106 ; lorsqu'un recours est exercé en application de cet article, le juge d'instruction demeure saisi jusqu'à ce que soit porté à sa connaissance l'arrêt de la chambre de l'instruction, passé en force de chose jugée ou celui de la chambre criminelle de la Cour de cassation.

« Dès que l'ordonnance est passée en force de chose jugée, le procureur de la République adresse le dossier de la procédure au procureur de la République près le tribunal compétent en application de l'article 706-104.

« Les dispositions du présent article sont applicables devant la chambre de l'instruction.

« Art. 706-106. - L'ordonnance rendue en application de l'article 706-105 peut, à l'exclusion de toute autre voie de recours, être déférée dans les cinq jours de sa notification, à la requête du ministère public ou des parties, soit à la chambre de l'instruction si la juridiction spécialisée devant laquelle le dessaisissement a été ordonné ou refusé se trouve dans le ressort de la même cour d'appel, soit, dans le cas contraire, à la chambre criminelle de la Cour de cassation. La chambre de l'instruction ou la chambre criminelle désigne, dans les huit jours suivant la date de réception du dossier, le juge d'instruction chargé de poursuivre l'information.

« L'arrêt de la chambre de l'instruction ou de la chambre criminelle est porté à la connaissance du juge d'instruction ainsi qu'au ministère public et notifié aux parties.

« Les dispositions du présent article sont applicables à l'arrêt de la chambre de l'instruction rendu sur le fondement du dernier alinéa de l'article 706-105, le recours étant alors porté devant la chambre criminelle. »

L'amendement n° 271 rectifié, présenté par M. de Richemont, est ainsi libellé :

« I. - Dans le premier alinéa du texte proposé par le b du 5° de cet article pour remplacer le troisième alinéa de l'article L. 218-24 du code de l'environnement, remplacer les mots : "la présente sous-section" par les mots : "les articles L. 218-10 à L. 218-21".

« II. - Compléter, in fine, le même texte par un alinéa ainsi rédigé :

« III. - Les personnes physiques coupables des infractions prévues par l'article L. 218-22 encourent à titre de peine complémentaire, la peine d'affichage de la décision prononcée ou de diffusion de celle-ci dans les conditions de l'article 131-35 du code pénal. »

La parole est à M. Henri de Richemont.

M. Henri de Richemont. Cet amendement, qui me paraît très important, tend à opérer pour l'application des peines complémentaires pouvant être prononcées à l'encontre des armateurs et des commandants une distinction entre les faits de pollution volontaires et involontaires.

Le texte actuel du code de l'environnement prévoit des peines de prison et d'amende, mais l'article L. 218-21 de ce code en exonère les armateurs et les navires étrangers en application de l'article 230 de la convention de Montego Bay, article selon lequel les seules peines pouvant être infligées à des armateurs étrangers en dehors des eaux territoriales sont des peines d'amende.

L'article L. 218-21 du code de l'environnement restant inchangé et la convention de Montego Bay continuant à s'appliquer, les peines complémentaires, qui vont de la confiscation du navire à la dissolution de la compagnie d'armement, ne pourront s'appliquer qu'aux armateurs et commandants français, alors que la jurisprudence fait apparaître qu'ils ne sont pas les vrais pollueurs de nos mers.

Monsieur le garde des sceaux, le Gouvernement, très légitimement, veut développer le pavillon français. Aujourd'hui au vingt-huitième rang mondial,...

M. Emmanuel Hamel. Hélas !

M. Henri de Richemont. ... notre flotte ne représente que 0,5 % de la flotte mondiale. Nous ne pesons donc rien au sein de l'organisation maritime internationale, l'OMI. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement prend des dispositions pour tenter de rapatrier des navires sous pavillon français, mais il est bien évident qu'un tel texte, loin d'encourager des armateurs à revenir sous pavillon français, poussera ceux qui le sont à « dépavilloner » leurs navires !

De surcroît, monsieur le ministre, plus aucune banque n'acceptera de financer des navires sous pavillon français, puisque ce seront les seuls sur lesquels pèsera un risque de confiscation.

La situation serait absolument kafkaïenne ! Il est bon que nous légiférions contre les pollueurs des mers, mais, si cette législation ne se retourne que contre nos armateurs, contre nos commandants, contre nos navires, contre notre pavillon, nous empêcherons notre nation de redevenir une grande puissance maritime.

Si nous voulons que notre pays puisse oeuvrer en faveur de la sécurité des mers, il faut lui permettre de développer son pavillon, faute de quoi il continuera à ne rien peser au sein de l'OMI, où le Liberia, les Bahamas, tous les autres pays ont plus de poids que la France !

La volonté du Gouvernement n'est sûrement pas de sanctionner les seuls armateurs sous pavillon français et d'exonérer de leur responsabilité les navires étrangers.

L'amendement que j'ai déposé vise à corriger ce qui semble donc être une erreur. Je ne crois pas qu'il existe au monde un seul Etat qui légiférerait ainsi contre ses seuls ressortissants !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. François Zocchetto, rapporteur. La commission, qui a entendu avec un vif intérêt les arguments avancés par l'un de ses membres, particulièrement qualifié pour aborder le sujet, a, dans un premier temps, été un peu troublée, car elle était déchirée entre protection de l'environnement et protection de nos intérêts nationaux.

Elle avait décidé de s'en remettre à la sagesse du Sénat, mais l'amendement que nous présente maintenant M. de Richemont, amendement qui est rectifié par rapport à celui qu'a étudié la commission, recueille mon avis favorable à titre personnel, car il parvient à concilier protection du milieu marin et protection du pavillon français en distinguant pollutions volontaires et pollutions involontaires.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. La préoccupation de M. de Richemont de ne pas pénaliser les navires français par rapport aux navires étrangers me paraît tout à fait fondée, et, dans la mesure où son amendement distingue entre pollutions volontaires et pollutions involontaires, je m'en remets à la sagesse du Sénat.

M. Emmanuel Hamel. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Robert Bret, pour explication de vote.

M. Robert Bret. Nous sommes confrontés à un vrai problème : notre collègue Henri de Richemont avance des arguments forts, à commencer par la nécessité de ne pas pénaliser notre flotte, mais, dans le même temps, on ne peut pas faire passer un signal qui revient à donner un droit à polluer !

J'ai déjà dit que la question posée était celle de l'harmonisation européenne. Pour faire avancer le droit à l'échelon européen sur ces question, allons-nous attendre que tout soit réglé à l'échelon européen ou au contraire donner l'exemple à l'échelon de notre pays ?

Pour ma part, je préfère la seconde solution, même si les peines complémentaires ne s'appliqueraient d'abord qu'aux armateurs et commandants de navires battant pavillon français, car je ne vois pas comment faire avancer la question autrement et je vous mets en garde, mes chers collègues, contre le risque d'afficher avec un tel signal un droit à la pollution. Je l'ai dit, l'essentiel de la pollution en Méditerranée a pour cause les dégazages en mer des bateaux - sans autorisation bien entendu - alors qu'il y a dans le port de Marseille-Fos, toutes les installations pour dégazer. Que notre collègue Henri de Richemont nous explique comment nous allons faire respecter le droit à ne pas polluer en Méditerranée !

M. le président. La parole est à M. Henri de Richemont, pour explication de vote.

M. Henri de Richemont. Je crois que tous ici nous sommes opposés aux pollutions maritimes, qu'elles viennent de la mer comme de la terre d'ailleurs ! Pour répondre à notre collègue Robert Bret, je tiens à dire qu'à Bruxelles l'on discute en ce moment même les termes d'une directive qui traite exactement de notre sujet et qui prévoit des peines bien inférieures à celles dont nous discutons aujourd'hui ici. Cela signifie que, dans quelque temps, nous allons devoir transposer dans notre propre droit une directive qui nous obligera à revenir sur ce que nous sommes en train de faire. Ma première réaction aurait été de dire : attendons la directive ! Je comprends toutefois parfaitement que nous voulions envoyer un signal, mais à quoi sert en définitive ce signal ?

Je le redis, aucune des décisions rendues à ce jour ne condamne un commandant français pour pollution maritime. Alors que les dispositions de l'article 230 de la convention de Montego Bay et de l'article 218-21 du code de l'environnement exonèrent les armateurs et les commandants étrangers qui polluent en haute mer, c'est pourtant contre ces seuls commandants français que nous instituons des peines complémentaires.

M. Robert Bret. Pas contre ceux qui respectent la loi !

M. Henri de Richemont. Demain, les banques, pour financer un navire, demanderont aux armateurs de quitter le pavillon français. Aujourd'hui, on peut « dépavillonner » comme on l'entend, et il n'y aura bientôt plus de pavillon français : notre poids tant à Bruxelles qu'au sein de l'OMI sera réduit à néant.

M. Robert Bret. Que les armateurs respectent la loi, monsieur de Richemont !

Mme Nicole Borvo. S'ils respectent la loi, ils ne risquent rien !

M. Henri de Richemont. Donnons des signaux, mais faisons attention à ne pas être contreproductifs. Or sanctionner uniquement des commandants français ne sert à rien. Je ne connais en effet pas un commandant français qui dégazerait volontairement en mer. Si seuls les armateurs et les marins français sont sanctionnables, les banques, compte tenu du risque, vont refuser de financer des bateaux sous pavillon français, tandis que les armateurs ou les marins étrangers qui polluent seront exonérés de toute sanction, ce qui paraît tout de même assez extravagant.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo. Les sanctions ne concernent que ceux qui enfreignent la loi. On nous explique que pas un seul commandant français ne risque de tomber sous le coup de ces sanctions, mais on n'en revendique pas moins pour eux une sorte de droit à polluer. Il y a tout de même là quelque chose d'étrange.

J'estime pour ma part qu'une législation répressive en la matière donnera à notre pays un très bon argument dans les négociations européennes.

M. Henri de Richemont. Pas du tout !

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Je pense que les choses sont claires pour M. de Richemont et pour moi-même, mais je voudrais qu'elles le soient pour tous.

L'amendement n° 271 rectifié prévoit à titre de peines complémentaires l'ensemble des peines prévues dans le projet de loi, mais il en réduit l'application aux seuls cas où l'infraction aura été commise volontairement.

Les pollutions résultant d'un accident de mer sont donc seules visées, madame Borvo et monsieur Bret : lorsqu'il y a infraction volontaire, c'est-à-dire lorsque la pollution n'est pas le résultat d'un accident de mer, l'ensemble des peines complémentaires prévues s'appliquent.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 271 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 272 rectifié, présenté par M. de Richemont, est ainsi libellé :

« I. - Avant le a du 6° de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« ...) Au I, les mots : "à la présente sous-section" sont remplacés par les mots : "aux articles L. 218-10 à L. 218-21".

« II. - Compléter le 6° de cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

« ...) Cet article est complété in fine par un paragraphe ainsi rédigé :

« III. - Les personnes morales peuvent également être déclarées pénalement responsables dans les mêmes conditions des infractions définies par l'article L. 218-22. Elles encourent les peines prévues au II à l'exception des peines mentionnées aux 1°, 2°, 4° et 8° de l'article 131-39 du code pénal prévues au 2° du II ainsi que de la peine prévue au 3° du II. »

La parole est à M. Henri de Richemont.

M. Henri de Richemont. Dans une optique consensuelle, j'ai déposé un amendement tendant à soustraire aux foudres de la loi les auteurs d'accidents involontaires, des peines complémentaires demeurant prévues pour les actes volontaires.

Je redis à la Haute Assemblée que, compte tenu de l'article 230 de la convention de Montego Bay, ces peines complémentaires ne s'appliqueront qu'aux marins français et non aux marins étrangers, qui ne peuvent être passibles que d'une peine d'amende. Je ne reviendrai pas sur l'argumentation que j'ai développée, mais c'est là une situation que, pour ma part, je ne trouve pas forcément satisfaisante à l'heure où l'on veut redévelopper le pavillon français.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. François Zocchetto, rapporteur. Favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Robert Badinter, pour explication de vote.

M. Robert Badinter. A partir du moment où l'amendement n° 271 rectifié a déjà été voté en l'état, il est évident que l'amendement n° 272 rectifié connaîtra le même sort. Toutefois, je souhaite que, au cours de la navette, cette question soit examinée de très près. Pour ma part, je n'ai pas l'expertise de M. de Richemont, s'agissant notamment de ce que dispose l'article 230 de la convention de Montego Bay, mais c'est là un problème très difficile.

Vous avez développé avec beaucoup de talent et de conviction, monsieur de Richemont, un argument auquel on ne peut rester insensible, relatif à la nécessité de ne pas pénaliser l'armement français, qui ne se porte pas bien.

Cependant, vous savez à quel point il est essentiel, à l'heure actuelle, que nos concitoyens aient le sentiment que nous faisons absolument tout ce qu'il est possible de faire s'agissant de la protection des côtes françaises, y compris pour réprimer les agissements éventuels des trop rares - je suis le premier à le dire - capitaines et armateurs français.

En effet, les catastrophes qui sont survenues ont été profondément ressenties par les populations du littoral et, au-delà, par toute la nation. Par conséquent, si l'argument selon lequel il convient de retenir les sanctions les plus mesurées pour ne pas pénaliser l'armement français sur le plan international a certes sa valeur, il doit faire l'objet d'une réflexion plus approfondie au cours de la navette.

A cet égard, je regrette, monsieur de Richemont, que vous n'ayez pu assister à la réunion de la commission des lois, parce que nous étions dans un état de profonde perplexité.

M. le président. La parole est à M. Henri de Richemont, pour explication de vote.

M. Henri de Richemont. Monsieur Badinter, je suis le premier à regretter de n'avoir pu assister à la réunion de la commission ; je me trouvais alors à Osaka, au chantier naval de Kawasaki, où des armateurs étrangers immatriculaient deux navires gaziers sous pavillon français. J'en étais très fier, et je ne voudrais vraiment pas qu'ils passent sous un autre pavillon.

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Dominique Perben, garde des sceaux. En réponse à M. Badinter, je prends l'engagement devant le Sénat de refaire le point sur la question soulevée avec l'ensemble des professionnels, quel que soit leur rôle sur le plan économique, afin que l'on puisse bien clarifier les choses au cours de la navette. Il faut moraliser la situation et lutter contre les voyous des mers. L'affaire du Prestige est invraisemblable.

M. Robert Bret. Tout à fait !

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Il ne s'agit nullement là d'opérateurs sérieux qui travaillent à défendre les intérêts économiques français.

Je m'engage donc très volontiers, je le répète, à ce que des discussions très franches soient menées avec les professionnels, afin que des éléments complémentaires puissent éventuellement être versés au débat. Je suis d'ailleurs prêt à associer un certain nombre de parlementaires à ces échanges.

Le dispositif inscrit à l'amendement qui a été adopté me paraît équilibré, mais je suis tout à fait disposé à aller plus loin dans la transparence et dans la recherche de la meilleure solution possible, en vue de défendre à la fois l'environnement et les intérêts du pavillon français.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 272 rectifié.

M. Robert Bret. Le groupe CRC s'abstient.

M. Jean-Pierre Sueur. Le groupe socialiste également.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 456, présenté par MM. de Rohan, Gérard et les membres du groupe Union pour un mouvement populaire, est ainsi libellé :

« Supprimer le quatrième alinéa du texte proposé par le 7° de cet article pour l'article L. 218-29 du code de l'environnement. »

Cet amendement n'a plus d'objet.

L'amendement n° 82, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

« I. _ Dans la première phrase du premier alinéa du texte proposé par le 7° de cet article pour reproduire l'article 706-105 du code de procédure pénale à l'article L. 218-29 du code de l'environnement, remplacer les mots : "celui mentionné" par les mots : "ceux visés".

« II. _ Dans la seconde phrase du premier alinéa du texte proposé par le 7° de cet article pour reproduire l'article 706-105 du code de procédure pénale à l'article L. 218-29 du code de l'environnement, après les mots : "leurs observations", insérer les mots : "par le juge d'instruction".

« III. _ Après les mots : "huit jours", rédiger comme suit la fin de la seconde phrase du premier alinéa du texte proposé par le 7° de cet article pour reproduire l'article 706-105 du code de procédure pénale à l'article L. 218-29 du code de l'environnement : "au plus tôt et un mois au plus tard à compter de cet avis."

« IV. _ Compléter le premier alinéa du texte proposé par le 7° de cet article pour reproduire l'article 706-106 du code de procédure pénale à l'article L. 218-29 du code de l'environnement par la phrase suivante :

« Le ministère public peut également saisir directement la chambre de l'instruction ou la chambre criminelle de la Cour de cassation lorsque le juge d'instruction n'a pas rendu son ordonnance dans le délai d'un mois prévu au premier alinéa de l'article 706-105.

« V. _ Dans la première phrase du premier alinéa du texte proposé par le 7° de cet article pour reproduire l'article 706-106 du code de procédure pénale à l'article L. 218-29 du code de l'environnement, remplacer les mots : "devant laquelle le dessaisissement a été ordonné ou refusé se trouve dans le ressort de la même cour d'appel" par les mots : "au profit de laquelle le dessaisissement a été ordonné ou refusé se trouve dans le ressort de la cour d'appel dans lequel est située la juridiction initialement saisie". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. François Zocchetto, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix d'amendement n° 82.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 10, modifié.

(L'article 10 est adopté.)

Art. 10
Dossier législatif : projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité
Art. 11

Division et articles additionnels après l'article 10

M. le président. L'amendement n° 256, présenté par MM. Carle, Balarello, Geoffroy, Ginésy, Natali, Peyrat, Trucy et les membres du groupe Union pour un mouvement populaire, est ainsi libellé :

« Après l'article 10, insérer une division additionnelle ainsi rédigée :

« Section...

« Dispositions relatives aux infractions en matière d'incendie de forêts ».

L'amendement n° 257, présenté par MM. Carle, Balarello, Geoffroy, Ginésy, Natali, Peyrat, Trucy et les membres du groupe Union pour un mouvement populaire, est ainsi libellé :

« Après l'article 10, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« L'article 322-5 du code pénal est complété in fine par quatre alinéas ainsi rédigés :

« Lorsqu'il s'agit de l'incendie de bois, forêts, landes, maquis, plantations ou reboisements d'autrui, les peines sont portées à deux ans d'emprisonnement et à 30 000 euros d'amende dans le cas prévu par le premier alinéa, et à trois ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende dans le cas prévu par le deuxième alinéa.

« Si cet incendie est intervenu dans des conditions de nature à exposer les personnes à un dommage corporel ou à créer un dommage irréversible à l'environnement, les peines sont portées à trois ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende dans le cas prévu par le premier alinéa, et à cinq ans d'emprisonnement et 100 000 euros d'amende dans le cas prévu par le deuxième alinéa.

« Si l'incendie a provoqué pour autrui une incapacité totale de travail pendant huit jours au plus, les peines sont portées à cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende dans le cas prévu par le premier alinéa, et à sept ans d'emprisonnement et 100 000 euros d'amende dans le cas prévu par le deuxième alinéa.

« S'il a provoqué la mort d'une ou plusieurs personnes, les peines sont portées à sept ans d'emprisonnement et 100 000 euros d'amende dans le cas prévu par le premier alinéa, et à dix ans d'emprisonnement et 150 000 euros d'amende dans le cas prévu par le deuxième alinéa. »

L'amendement n° 258, présenté par MM. Carle, Balarello, Peyrat, Geoffroy, Trucy, Natali et les membres du groupe Union pour un mouvement populaire, est ainsi libellé :

« Après l'article 10, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« I. _ L'article 322-6 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu'il s'agit de l'incendie de bois, forêts, landes, maquis, plantations ou reboisements d'autrui intervenu dans des conditions de nature à exposer les personnes à un dommage corporel ou à créer un dommage irréversible à l'environnement, les peines sont portées à quinze ans d'emprisonnement et à 150 000 euros d'amende. »

« II. _ L'article 322-7 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu'il s'agit de l'incendie de bois, forêts, landes, maquis, plantations ou reboisements d'autrui, les peines sont portées à vingt ans de réclusion et à 200 000 euros d'amende. »

« III. _ Après le quatrième alinéa (3°) de l'article 322-8 du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu'il s'agit de l'incendie de bois, forêts, landes, maquis, plantations ou reboisements d'autrui, les peines sont portées à trente ans de réclusion et à 200 000 euros d'amende. »

« IV. _ Après le premier alinéa de l'article 322-9 du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu'il s'agit de l'incendie de bois, forêts, landes, maquis, plantations ou reboisements d'autrui, les peines sont portées à la réclusion criminelle à perpétuité et à 200 000 euros d'amende. »

La parole est à M. Jean-Claude Carle.

M. Jean-Claude Carle. Ces trois amendements ont trait aux dégradations et aux destructions consécutives aux incendies.

En effet, l'ensemble de nos compatriotes ont été consternés par la gravité des incendies qui ont ravagé le pays cet été : plus de 63 000 hectares de forêts ont été détruits, dont 10 000 hectares par le seul incendie du massif des Maures. Mes collègues du sud de la France en parleraient beaucoup mieux que moi.

Ces incendies sont souvent la conséquence de comportements insouciants, inconscients ou malveillants, voire d'actes criminels. Ils portent atteinte à la sécurité des biens et des personnes, qu'il s'agisse des résidants, des vacanciers ou des sauveteurs au sens large du terme.

Mais ils ont aussi des conséquences graves, voire irréversibles pour notre patrimoine naturel, économique et culturel.

Ainsi, comme l'a rappelé à plusieurs reprises le Président de la République, notamment lors de sa visite à l'unité de sécurité civile de Brignoles ou lors du conseil des ministres du 21 juillet dernier, « les pyromanes comptent parmi les délinquants les plus dangereux parce que leurs actes criminels mettent en péril l'avenir de notre environnement et la richesse de notre patrimoine, détruisent en quelques heures ce que des hommes et des femmes ont mis toute une vie à construire, une vie qu'ils perdent parfois au plus fort des incendies. Contre ces destructeurs de vie qui ne sont pas aujourd'hui sanctionnés, la justice doit s'exercer sans faiblesse. La sanction est le corollaire indispensable de la prévention ».

Devant un phénomène qui prend chaque année plus d'ampleur, le législateur doit adapter le quantum des peines encourues. Les dispositions actuelles du code forestier prévoient des sanctions graduées en fonction de la gravité de l'acte, de son caractère volontaire ou involontaire et du fait qu'il porte ou non atteinte aux personnes et qu'il mette ou non en danger la vie d'autrui.

Il convient désormais, devant ce véritable fléau, de prendre en compte ce que j'appellerai un délit d'atteinte au patrimoine de l'humanité, tant les conséquences en sont graves, voire irréversibles, et privent parfois plusieurs générations de la jouissance de fabuleux acquis naturels, culturels ou économiques, préservés et développés par nos pères.

Saint-Exupéry a écrit : « Nous n'héritons pas de la terre de nos aïeux, nous l'empruntons à nos enfants. » Il est donc de notre responsabilité de ne pas laisser un tel passif aux générations futures et de condamner avec toute la sévérité nécessaire ceux qui portent atteinte à ce patrimoine, car ils portent atteinte à la vie au sens large, notamment à celle des sauveteurs.

Que l'on me permette, à cet égard, de rendre hommage aux sapeurs-pompiers, aux pilotes de bombardier d'eau, aux forces de police et de gendarmerie, qui ont fait preuve d'un courage exemplaire pour protéger cette vie, quelquefois, malheureusement, au péril de la leur.

C'est aussi pour eux que nous devons adapter notre législation. Tel est l'objet de ces trois amendements.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. François Zocchetto, rapporteur. La commission est favorable à ces trois amendements. Il s'agit de prévoir des peines aggravées pour les auteurs d'incendies volontaires allumés en forêt. Une telle évolution serait tout à fait justifiée : M. Carle a rappelé, avec beaucoup de pertinence, à quel point les forêts constituent un patrimoine qui mérite d'être protégé. Dois-je rappeler à mon tour que, depuis le début de l'année, 63 000 hectares de forêts ont été détruits en France, les départements du Var et de la Haute-Corse ayant été les plus touchés ?

Je soulignerai que le code pénal a notamment pour objet de marquer l'attachement de la société à certaines valeurs. La protection de l'environnement, en particulier des forêts, doit aujourd'hui faire partie de ces valeurs affirmées par le code pénal.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Je suis favorable à ces trois amendements. Je voudrais rappeler que, dès le début de l'été, lorsque l'on a eu constaté l'ampleur des incendies, j'ai envoyé successivement deux circulaires aux procureurs de la République pour leur demander d'être extrêmement vigilants s'agissant de ces affaires. Je les ai invités, d'une part, à prescrire des fouilles de véhicules dans les zones à risque et, d'autre part, à requérir en utilisant au maximum les possibilités offertes par le code pénal.

Leur travail, coordonné avec celui des services d'enquête, a donné de très notables résultats, puisque plus d'une vingtaine de personnes se trouvent aujourd'hui sous les verrous. Un certain nombre de condamnations sont devenues définitives, et je crois que l'action des services d'enquête de la police et de la gendarmerie et celle des magistrats ont eu un réel effet dissuasif.

Toutefois, au regard de ce qui s'est passé au cours de ces trois derniers mois, il me paraît opportun d'émettre un signal supplémentaire en matière de vigilance et de dissuasion, pour éviter que, dans les années à venir, ne se renouvelle la catastrophe écologique que nous avons connue cet été et qui a provoqué des dégâts considérables et trop de pertes en vies humaines.

M. le président. La parole est à M. Robert Bret, pour explication de vote.

M. Robert Bret. Les violents incendies de l'été dernier, qui ont vu la disparition de plus de 70 000 hectares de forêts et de garrigues, ont mis en évidence de façon dramatique les limites des politiques mises en oeuvre en matière de prévention et de lutte. Comme cela a encore été rappelé tout à l'heure lors des questions d'actualité au Gouvernement, huit victimes sont à déplorer, et le feu est arrivé aux portes des communes, y compris des plus grandes villes, non seulement dans le Var, mais aussi dans le département des Bouches-du-Rhône. Des campings ont été détruits, des milliers de personnes ont dû être évacuées...

Voilà des années que les régions méditerranéennes brûlent. Par rapport aux autres massifs forestiers français, les forêts du bassin méditerranéen présentent de nombreuses particularités liées aux conditions climatiques - sécheresse, vents -, à la nature des essences d'arbres, lesquels sont essentiellement des résineux, à la composition et à la profondeur des sols, au relief tourmenté, à l'accès difficile, à l'urbanisation imbriquée - je pense particulièrement ici au mitage.

Se borner à invoquer le soleil, la sécheresse, le vent, l'imprudence, voire la responsabilité, des pyromanes ne peut suffire à expliquer ces sinistres. Cela ne permettra pas d'apporter des réponses.

Bien sûr, il faut trouver les auteurs de ces feux et les condamner. Toutefois, les réponses qu'il convient d'apporter aujourd'hui ne peuvent se limiter à la recherche et à la sanction des pyromanes, comme l'a proposé dès cet été le Gouvernement et comme le proposent aujourd'hui nos collègues par le biais de leurs amendements. Il faut aussi agir en amont, en matière de prévention.

Or, au-delà des moyens matériels et humains dont disposent la protection civile, les services départementaux d'incendie et de secours ou encore le bataillon des marins-pompiers de Marseille, nous nous interrogeons, comme M. le ministre de l'intérieur, sur le nombre et la vétusté des avions Canadair et Tracker. Nous savons que, depuis trois saisons, les pilotes de la sécurité civile plaident pour l'achat d'un ou de deux gros porteurs, afin de restaurer la puissance de frappe de la flotte à son meilleur niveau. Le ministre de l'intérieur s'est engagé à ce que deux avions soient achetés, de même, probablement, que des hélicoptères. C'est très bien, mais il faudra veiller à ce que les crédits correspondants soient inscrits au budget pour 2004 !

Surtout, nous pensons qu'il faut poser le problème de la gestion de l'espace forestier et rural méditerranéen dans une perspective de massif et dans le cadre d'une responsabilité nationale, que prévoit d'ailleurs la loi du 9 juillet 2001 lorsqu'elle dispose que « la politique forestière relève de la compétence de l'Etat, qui en assure la cohérence nationale ». Une approche spécifique à la forêt méditerranéenne devra être définie.

Les forêts méditerranéennes sont d'autant plus combustibles qu'elles sont broussailleuses. Or les broussailles, on le sait, se sont développées en raison de l'exode rural et du recul de l'agriculture dans nos départements. Il est donc nécessaire de faire appliquer rigoureusement les dispositions législatives portant obligation de débroussailler les terrains jusqu'à cinquante mètres au moins des habitations, le maire de la commune pouvant allonger cette distance.

Cependant, ne faut-il pas prendre d'autres mesures pour maintenir les exploitations agricoles et forestières existantes, voire pour en réimplanter de nouvelles par le biais des contrats territoriaux d'exploitation prévus par la loi d'orientation agricole du 9 octobre 1999, dispositif que le gouvernement de M. Raffarin souhaite abandonner ?

Le plus souvent, la notion de rentabilité des forêts est appréciée par les propriétaires privés en fonction des perspectives de constructibilité. Elles jouent alors le rôle de placement spéculatif. Cela contribue à faire disparaître les exploitations agricoles, et les jeunes agriculteurs rencontrent des difficultés pour trouver des terres où s'installer.

Il est donc nécessaire et urgent de mettre en place un vaste programme de reboisement et de restructuration tenant compte des particularités de chaque massif, avec des peuplements forestiers composés de nouvelles essences d'arbres, moins vulnérables aux incendies.

Toujours en termes de prévention, il conviendra, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2004 et dans le cadre du débat sur la décentralisation, de mener une réflexion sur les moyens alloués à l'Office national des forêts, lesquels sont vraiment insuffisants. Dans le Var, par exemple, on compte un patrouilleur pour vingt communes, soit huit patrouilles pour 180 000 hectares ! Est-ce suffisant ? Et encore, on annonce des réductions d'effectifs au sein de l'ONF !

Nous proposons donc que l'Etat et les collectivités territoriales s'engagent dans le cadre d'un plan pluriannuel destiné à définir les objectifs à atteindre et les moyens correspondants, l'Etat organisant chaque année, pour permettre le suivi de l'application de ce plan, une conférence réunissant l'ensemble des acteurs concernés.

Si la politique de lutte contre les incendies forestiers est nationale, il est aussi possible de tirer parti de l'action de l'Union européenne. A cet égard, cette dernière a adopté un règlement qui prescrit le classement de certaines régions à risques, dont la nôtre. La nouvelle loi forestière du 9 juillet 2001 nous a permis de nous mettre en conformité, aussi pouvons-nous demander à l'Union européenne les subventions nécessaires.

Chers collègues, il s'agit de traiter le problème dans sa globalité, et non de l'envisager sous un aspect particulier. Sinon, nous serons amenés chaque année à nous interroger sur le degré des sanctions pénales à appliquer aux pyromanes, sans empêcher pour autant la survenue de nouveaux incendies.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 256.

M. Robert Bret. Le groupe CRC s'abstient.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, une division additionnelle ainsi rédigée est insérée dans le projet de loi, après l'article 10.

Je mets aux voix l'amendement n° 257.

M. Robert Bret. Le groupe CRC s'abstient.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 10.

Je mets aux voix l'amendement n° 258.

M. Robert Bret. Le groupe CRC s'abstient.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 10.

L'amendement n° 417, présenté par Mme Borvo, M. Bret, Mmes Mathon, Beaudeau, Beaufils et Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud et Le Cam, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès, est ainsi libellé :

« Après l'article 10, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Le livre V du code pénal est complété par un titre ainsi rédigé :

« Titre...

« Des atteintes à l'environnement

« Art... _ Sont punis de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende, lorsqu'ils sont commis intentionnellement :

« 1° Le fait de rejeter, émettre ou introduire des substances ou des radiations ionisantes dans l'atmosphère, le sol, les eaux qui causent la mort ou de graves lésions à des personnes, ou créant un risque significatif de causer la mort ou de graves lésions à des personnes ;

« 2° Le fait de rejeter, d'émettre ou d'introduire de manière illicite des substances ou des radiations ionisantes dans l'atmosphère, le sol ou les eaux, qui causent ou sont susceptibles de causer leur détérioration durable ou la mort ou de graves lésions à des personnes, ou des dommages substantiels à des monuments protégés, à d'autres objets protégés, à des biens, à des animaux ou à des végétaux ;

« 3° Le fait d'éliminer, de traiter, de stocker, de transporter, d'exporter ou d'importer des déchets dangereux qui causent ou sont susceptibles de causer la mort ou de graves lésions à des personnes, ou de causer des dommages substantiels à la qualité de l'air, du sol, des eaux, à des animaux ou à des végétaux ;

« 4° Le fait d'exploiter de manière illicite une installation dans laquelle une activité dangereuse est exercée et qui cause ou est susceptible de causer la mort ou de graves lésions à des personnes, ou des dommages substantiels à la qualité de l'air, du sol, des eaux, à des animaux ou à des végétaux ;

« 5° Le fait de fabriquer, de traiter, de stocker, d'utiliser, de transporter, d'exporter ou d'importer de manière illicite des matières nucléaires ou autres substances radioactives dangereuses qui causent ou sont susceptibles de causer la mort ou de graves lésions à des personnes, ou des dommages substantiels à la qualité de l'air, du sol, des eaux, à des animaux ou à des végétaux ;

« Art... _ Les personnes physiques coupables des infractions prévues au présent chapitre encourent également la peine complémentaire d'interdiction pour une durée de dix ans au plus, d'exercer l'activité professionnelle ou sociale dans l'exercice de laquelle ou à l'occasion de laquelle l'infraction a été commise.

« Art... _ Les personnes morales peuvent être déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues par l'article 121-2, des infractions définies au présent chapitre. Les peines encourues par les personnes morales sont :

« 1° L'amende, suivant les modalités prévues par l'article 131-38 ;

« 2° Les peines mentionnées à l'article 131-39. L'interdiction mentionnée au 2° de l'article 131-39 porte sur l'activité dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise. »

La parole est à Mme Nicole Borvo.

Mme Nicole Borvo. Cette incrimination constitue la transposition en droit français de l'article 2 de la convention européenne sur la protection de l'environnement, signée par la France le 4 novembre 1998 et qui est toujours en instance de ratification. Elle recouvre un certain nombre de faits incriminés dans le code de l'environnement.

Cet amendement vise d'abord à inscrire dans le code pénal les infractions relatives à l'environnement, ce qui a une portée non seulement symbolique - les auteurs d'atteintes à l'environnement sont des délinquants comme les autres -, mais aussi pratique, du fait qu'il est plus facile d'accéder à un texte unique qu'à des articles dispersés.

Par ailleurs, on ne saurait envisager une réforme constitutionnelle, comme celle que le Gouvernement envisage de mettre en place avec la charte sur l'environnement pour inscrire les principes fondamentaux du droit de l'environnement au sommet de la hiérarchie des normes, tout en conservant au droit pénal de l'environnement un caractère essentiellement technique. Les infractions les plus graves en matière de santé publique figurent au code pénal ; il doit en être de même en matière d'environnement.

Notre amendement vise également, en reprenant les dispositions d'une convention du Conseil de l'Europe, à faciliter la répression des comportements dans l'espace européen le plus étendu. Les cas récents de pollution des mers, par exemple, suffisent à démontrer que les sanctions ne peuvent avoir une portée exclusivement hexagonale.

L'adoption de cet amendement permettrait enfin à notre pays de montrer l'exemple en anticipant la ratification et l'entrée en vigueur de cette convention européenne.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. François Zocchetto, rapporteur. Mme Borvo propose une transposition en droit français de l'article 2 de la convention européenne sur la protection de l'environnement. Je lui ferai observer que cette convention n'a pas encore été ratifiée.

Mme Nicole Borvo. Absolument !

M. François Zocchetto, rapporteur. Il paraît donc peu judicieux d'aborder cette transposition par le biais d'un « cavalier », le thème de l'environnement me semblant mériter un projet de loi spécifique.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Le Gouvernement, comme la commission, est défavorable à cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 417.

(L'amendement n'est pas adopté.)