SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET

1. Procès-verbal (p. 1).

2. Questions d'actualité au Gouvernement (p. 2).

M. le président.

RÉFORME DE LA POLITIQUE AGRICOLE COMMUNE (p. 3)

MM. Aymeri de Montesquiou, Jean-François Copé, secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement.

NOTATION DE L'ÉPREUVE DE MATHÉMATIQUES

DU BACCALAURÉAT (p. 4)

MM. Jean-Claude Carle, Luc Ferry, ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche.

SITUATION DES ENTREPRISES D'INSERTION (p. 5)

M. Gilbert Chabroux, Mme Dominique Versini, secrétaire d'Etat à la lutte contre la précarité et l'exclusion.

ARRESTATION DES MOUDJAHIDIN DU PEUPLE (p. 6)

MM. Dominique Braye, Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

PERSPECTIVES POUR LA SAISON TOURISTIQUE ESTIVALE

ET LE TOURISME RURAL (p. 7)

MM. Philippe Nogrix, Léon Bertrand, secrétaire d'Etat au tourisme.

BAISSE DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES (p. 8)

MM. Alain Dufaut, Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire.

ARRESTATION DE JOSÉ BOVÉ ET LIBERTÉ SYNDICALE (p. 9)

MM. Guy Fischer, Pierre Bédier, secrétaire d'Etat aux programmes immobiliers de la justice.

RÉFORME DE LA POLITIQUE AGRICOLE COMMUNE (p. 10)

MM. Roland du Luart, Jean-François Copé, secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement.

LUTTE CONTRE LA POLLUTION SUR LES CÔTES DU MORBIHAN

CONSÉCUTIVE AU NAUFRAGE DU PRESTIGE (p. 11)

Mmes Odette Herviaux, Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable.

BILAN DES GROUPES

D'INTERVENTION RÉGIONAUX (GIR) (p. 12)

MM. Christian Demuynck, Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

M. le président.

Suspension et reprise de la séance (p. 13)

3. Candidatures à une commission mixte paritaire (p. 14).

4. Organisme extraparlementaire (p. 15).

5. Dépôt d'un rapport de la Cour des comptes (p. 16).

6. Orientation budgétaire. - Débat sur une déclaration du Gouvernement (p. 17).

MM. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire ; Jean Arthuis, président de la commission des finances ; Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances.

PRÉSIDENCE DE M. BERNARD ANGELS

MM. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales ; Xavier de Villepin, Denis Badré, Aymeri de Montesquiou, Gérard Miquel, Philippe Adnot, Thierry Foucaud, Jacques Oudin.

PRÉSIDENCE DE M. GUY FISCHER

MM. Jacques Pelletier, Bernard Angels, Paul Loridant, Yves Fréville, Jean-Yves Mano.

M. le ministre délégué.

Clôture du débat.

7. Décisions du Conseil constitutionnel (p. 18).

8. Nomination de membres d'une commission mixte paritaire (p. 19).

9. Transmission de projets de loi (p. 20).

10. Dépôt d'une proposition de loi (p. 21).

11. Clôture de la session ordinaire (p. 22).

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

QUESTIONS D'ACTUALITÉ

AU GOUVERNEMENT

M. le président. L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

Mes chers collègues, M. le Premier ministre ne pourra participer à notre séance de questions dans la mesure où il effectue un déplacement officiel en Allemagne.

J'invite les intervenants et les ministres qui leur répondent à observer avec rigueur le temps de deux minutes trente imparti à chacun.

RÉFORME DE LA POLITIQUE AGRICOLE COMMUNE

M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.

M. Aymeri de Montesquiou. Ma question était destinée à M. Gaymard, mais, monsieur Copé, je comprends parfaitement que les négociations de Luxembourg l'aient retenu cet après-midi, et c'est donc à vous que je m'adresse.

Les agriculteurs français considèrent que la PAC première manière leur a donné les moyens de développer et de moderniser leur exploitation. La seconde PAC, qui impliquait la baisse des prix agricoles et l'attribution d'une aide à la surface, leur fut plus difficile à accepter, car une trop grande part de leurs revenus leur semblait provenir de subventions, et non de leur travail.

M. Jean-Pierre Sueur. Ils avaient raison !

M. Aymeri de Montesquiou. Les projets de réforme en cours leur font maintenant avant tout redouter une baisse des prix et un découplage entre la production et les subventions.

Le ministre de l'agriculture a toujours affirmé que la position française sur la PAC serait « ferme, mais pas fermée ».

Ce matin, un accord a été conclu à Luxembourg.

Pouvez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, nous exposer les grandes lignes de cet accord et nous rassurer quant à la préservation des principes essentiels de la PAC ?

Quelles garanties pouvez-vous apporter sur les enveloppes budgétaires consacrées à l'agriculture française ?

Enfin, pouvez-vous nous préciser les incidences de cet accord sur les prix agricoles, qui doivent demeurer un des éléments essentiels de la rémunération des agriculteurs ? (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Jean-François Copé, secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur, vous le savez, mon collègue Hervé Gaymard n'est pas encore rentré de Luxembourg où les négociations viennent seulement de s'achever.

Après un an d'âpres négociations durant lequel nous avons défendu pied à pied nos positions, nous sommes parvenus à un accord qui me paraît devoir donner légitimement satisfaction à la France pour au moins trois raisons.

M. Jean-Pierre Sueur. Ce n'est pas ce que pensent les agriculteurs !

M. Jean-François Copé, secrétaire d'Etat. D'abord, les principes essentiels de la PAC sont préservés. Je pense en particulier aux outils de régulation économique, à la solidarité financière et à la présence des agriculteurs sur l'ensemble du territoire, présence à laquelle, dans cette assemblée, tous, je le sais, sont attachés.

Ensuite, cet accord trace enfin des perspectives durables et stables pour nos agriculteurs, qui sortiront ainsi d'une difficile période d'incertitude concernant leur avenir.

Enfin, la réforme permettra à la France et à l'Union européenne de faire valoir avec le maximum d'efficacité leurs intérêts lors des négociations de l'Organisation mondiale du commerce, à Cancùn.

Je voudrais vous rassurer sur deux points, monsieur le sénateur.

D'une part, grâce aux décisions prises au Conseil européen de Bruxelles en octobre dernier et confirmées à Luxembourg, la réforme s'appuie sur un budget stable pour une Europe à vingt-cinq jusqu'en 2013.

D'autre part, s'agissant des incidences sur les prix agricoles, la France a obtenu l'abandon de la baisse des prix des céréales, qui figurait dans le projet de la Commission. Elle a également obtenu que la baisse du prix du lait souhaitée par la Commission soit considérablement diminuée et ne porte que sur le beurre.

En résumé, cet accord est un bon accord...

M. Jean-Pierre Sueur. Ce n'est pas ce que disent les agriculteurs !

M. Jean-François Copé, secrétaire d'Etat. ... et nous le devons, pour une bonne part, à l'entente franco-allemande.

Il s'adressera à la fois aux paysans, qui ont désormais un cadre stable et durable, aux citoyens, grâce à une meilleure prise en compte de l'environnement dans l'activité agricole, et, enfin, au reste du monde dans la perspective de l'OMC. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

NOTATION DE L'ÉPREUVE DE MATHÉMATIQUES

DU BACCALAURÉAT

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Carle.

M. Jean-Claude Carle. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale.

Chacun aura pu constater que, du fait des différents mouvements de grève de ces dernières semaines, la fin de l'année scolaire se sera déroulée dans un climat peu propice à l'étude.

Ainsi, les conditions dans lesquelles certains élèves ont été contraints de se rendre à leurs examens n'ont pas toujours été favorables au passage des épreuves. A Avignon, des grévistes ont même essayé de bloquer les issues de centres d'examens pour tenter d'empêcher les élèves de passer leurs épreuves ! (Murmures sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

Je tiens donc à vous féliciter, monsieur le ministre, des dispositions que vous avez prises pour que tout se passe finalement dans une atmosphère relativement sereine.

Mme Nicole Borvo. On l'a vu avec l'épreuve de mathématiques !

M. Jean-Claude Carle. En outre, je tiens à remercier tous les professeurs qui ont su assumer leurs responsabilités et ne pas mélanger leurs revendications et l'avenir de leurs élèves. (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste. - Marques d'approbation sur les travées de l'UMP.)

M. Jean-Claude Carle. Ma question concerne l'épreuve de mathématiques du bac S ainsi que celle du bac ES.

Mme Nicole Borvo. Elle était infaisable !

M. Jean-Claude Carle. Des inquiétudes quant aux notations et aux barèmes appliqués pour l'épreuve de mathématiques se font jour et laissent apparaître des inégalités selon les académies d'appartenance des élèves.

Mme Nicole Borvo. La faute à qui ?

M. Jean-Claude Carle. Ainsi, les notes iraient de 20 sur 20 à Lyon, à 23 sur 20 en Ile-de-France et jusqu'à 35 sur 20 à Clermont-Ferrand, puisque l'élève noté sur 23 ou sur 35 garderait la note qu'il a obtenue, sans que celle-ci soit proportionnellement ramenée à une note sur 20.

Mme Nicole Borvo. Ce n'est pas la faute des enseignants, que je sache, c'est celle de l'inspection générale !

M. Jean-Claude Carle. Monsieur le ministre, s'agit-il d'une nouvelle « perle » du bac ? La mention « bien » étant fixée à 14, la mention « très bien » à 16, avec 22 sur 20 les lauréats obtiendraient-ils une mention « plus que parfait » ? Plus sérieusement, les parents et les étudiants sont très inquiets et trouveraient injustes de telles différences alors que l'examen est national.

Il est consternant de constater que ceux qui prétendaient défendre l'unicité de l'éducation nationale soient aujourd'hui responsables, de par leur attitude, d'une inégalité de traitement entre les élèves suivant leur académie d'origine. (Vifs applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

Mme Nicole Borvo. Vous ne connaissez pas le fonctionnement du ministère !

M. Jean-Claude Carle. Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous donner des informations concernant ce problème et nous garantir que le principe d'égalité devant l'examen sera respecté ?

Mme Nicole Borvo. Vous parlez trop longtemps de sujets que vous ne connaissez pas !

M. Jean-Claude Carle. Est-il, par ailleurs, techniquement envisageable que les sujets soient préparés dans des périodes plus courtes, sachant qu'à l'heure actuelle l'élaboration des sujets débute plus d'un an avant l'épreuve elle-même ?

M. Paul Raoult. C'est la chienlit !

M. Jean-Claude Carle. Les élèves et leurs familles souhaitent être rassurés, car l'école de la République, qui, je le sais, vous est très chère, doit offrir les mêmes chances à tous. (Très bien ! et nouveaux applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. A l'intention de ceux qui s'interrogeaient il y a un instant, j'indique que M. Carle a utilisé deux minutes et vingt-neuf secondes !

La parole est à M. le ministre.

M. Luc Ferry, ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Monsieur Carle, je ferai deux remarques préalables.

En premier lieu, le sujet qui a été proposé cette année aux élèves de terminale S est parfaitement conforme au programme. Je peux vous montrer à quoi ressemble un tétraèdre, si vous ne le savez pas déjà. (M. le ministre montre un graphique.) Je dois avouer que je ne suis pas moi-même spécialiste du sujet, mais tout un chapitre du programme y est bien consacré et je crois que personne ne peut nier aujourd'hui qu'il est tout à fait normal que ce sujet ait été choisi. (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

Cela étant, il s'agit d'un nouveau programme et, par conséquent, d'un sujet totalement inédit qui a effectivement déconcerté un certain nombre de candidats. C'est pourquoi j'ai immédiatement fait deux suggestions.

D'une part, j'ai proposé que l'on établisse un barème adapté à l'épreuve, ce qui ne veut pas dire qu'il s'agit d'une faveur et ce qui, évidemment, ne signifie pas non plus que la notation ne se fera pas sur 20. Je peux vous rassurer sur ce point : l'épreuve sera notée sur 20, et les hypothèses fantaisistes que vous évoquez, à juste titre puisqu'elles ont été mentionnées dans la presse, sont donc écartées.

Mme Nicole Borvo. Vous ne connaissez pas les mécanismes de l'éducation nationale !

M. Luc Ferry, ministre. D'autre part, et c'est le vrai problème, il faut évidemment s'assurer de l'égalité de traitement entre tous les candidats sur l'ensemble du territoire. J'ai par conséquent demandé à l'inspection générale de s'assurer que les inspecteurs pédagogiques régionaux contactent tous - je dis bien « tous » - les correcteurs de l'épreuve de mathématiques pour leur donner le barème national. C'est aujourd'hui chose faite, et c'est donc ce barème qui sera mis en oeuvre pour les corrections sur tout le territoire.

Les premiers éléments d'information - puisque, tout de même, nous disposons d'un certain nombre d'indications ! - sont tout à fait rassurants, et je suis en mesure de vous affirmer que le bac sera tout aussi équitable cette année que les années précédentes.

Par ailleurs, il est évident que je demanderai aux présidents de jury et aux jurys, qui sont souverains, de procéder à nouveau à l'harmonisation des notes, toujours afin qu'il n'y ait pas d'inéquité sur l'ensemble du territoire.

En outre, les présidents de jury ont non seulement le droit, mais également le devoir de tenir compte du livret scolaire, lequel permet de connaître les résultats d'un élève tout au long de l'année.

Je le répète donc : le barème de notation sera bien sur 20, il sera adapté à l'épreuve et il sera respecté à l'échelle nationale par l'ensemble des jurys. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

SITUATION DES ENTREPRISES D'INSERTION

M. le président. La parole est à M. Gilbert Chabroux.

M. Gilbert Chabroux. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre, même s'il est absent.

Le Président de la République promet toujours de nouvelles baisses d'impôt.

M. Henri de Raincourt. Il a raison ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)

M. Gilbert Chabroux. Dans le même temps, le ministre des finances prévoit de nouvelles annulations de crédits. De nombreux secteurs sont touchés par ces gels et ces annulations budgétaires dont le montant s'élève, avec les reports 2002, à 11 milliards d'euros.

M. Guy Fischer. Là, vous vous taisez, chers collègues de la majorité !

M. Gilbert Chabroux. Au regard d'une telle somme, le secteur de l'insertion par l'économique ne représente qu'un faible poids budgétaire, mais son rôle est essentiel sur le plan social et humain. Or les crédits de ce secteur étaient déjà en baisse de 11 % dans la loi de finances pour 2003. Avec les gels que vous avez décidés, ils vont être encore réduits de moitié.

Aujourd'hui, nous sommes alertés par les entreprises d'insertion et de travail temporaire d'insertion sur les graves difficultés financières auxquelles elles sont confrontées.

M. Jacques Mahéas. Tout à fait !

M. Gilbert Chabroux. Déjà, beaucoup d'entre elles ont dû cesser leur activité. Voudrait-on les faire disparaître que l'on ne s'y prendrait pas autrement !

L'Etat prend le risque de mener au dépôt de bilan des milliers d'associations et d'entreprises qui participent activement à la lutte contre l'exclusion. Avez-vous mesuré les graves conséquences qui en découleraient pour nombre de nos concitoyens condamnés à la précarité et à l'exclusion ?

Monsieur le Premier ministre, vouloir à tout prix réduire les impôts est un choix politique qu'il vous revient d'assumer non seulement à l'égard de ceux qui en bénéficient, mais à l'égard de la population dans son ensemble.

Que pouvez-vous répondre aux acteurs de l'insertion et de la lutte contre l'exclusion et à tous ceux qui s'inquiètent de ce nouveau désengagement de l'Etat ? Est-il cohérent d'abandonner une politique qui fonctionne sous prétexte de faire des économies mais avec la perspective de créer de nouvelles difficultés et d'entraîner de nouvelles dépenses ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.

Mme Dominique Versini, secrétaire d'Etat à la lutte contre la précarité et l'exclusion. Monsieur le sénateur, tout d'abord, je tiens à vous informer que M. le Premier ministre a accepté de lever intégralement le gel des crédits consacrés à la lutte contre l'exclusion ainsi qu'à l'insertion par l'activité économique. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Guy Fischer. Enfin !

M. Jacques Mahéas. Les crédits ne sont pas encore arrivés sur le terrain !

Mme Dominique Versini, secrétaire d'Etat. Bien évidemment, nous reconnaissons l'importance du secteur de l'insertion par l'activité économique et de toutes les associations qui luttent contre l'exclusion !

M. Charles Revet. C'est bien la meilleure façon de lutter contre l'exclusion !

Mme Dominique Versini, secrétaire d'Etat. Vous nous demandez si nous avons mesuré les conséquences du gel des crédits. Je vous réponds qu'il s'agissait de mettre en place une politique responsable en matière budgétaire et je dois vous demander à mon tour si vous avez bien mesuré les conséquences de la politique précédente ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste. - Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Elle a pourtant consisté à mettre en quasi-faillite l'ensemble du secteur de lutte contre l'exclusion et d'insertion par l'activité économique ! (Bravo ! sur les travées de l'UMP. - Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Jacques Mahéas. C'est scandaleux !

Mme Dominique Versini, secrétaire d'Etat. Pour avoir réalisé un état des lieux, je suis au regret de devoir vous dire, mesdames, messieurs les sénateurs, que, du fait de la politique précédente, la situation financière de l'ensemble de ces associations est totalement dégradée ! (Les protestations émanant des travées du groupe socialiste et du groupe CRC couvrent partiellement la voix de Mme la secrétaire d'Etat.)

C'est le résultat du non-paiement des engagements de l'Etat par le précédent gouvernement et de l'application des 35 heures imposée aux associations sans leur donner les moyens de fonctionnement correspondants.

Mesdames, messieurs les sénateurs, nous nous attachons au contraire à régler les problèmes éthiques des associations de lutte contre l'exclusion et à répondre à bon nombre de leurs demandes, comme le paiement mensuel des subventions,...

M. Jacques Mahéas. C'est faux !

Mme Dominique Versini, secrétaire d'Etat. ... qui sera mis en place par François Fillon à compter de janvier 2004. (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste. - Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

ARRESTATION DES MOUDJAHIDIN DU PEUPLE

M. le président. La parole est à M. Dominique Braye.

M. Dominique Braye. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

Monsieur le ministre, le week-end dernier, dix-sept membres de l'organisation des moudjahidin du peuple d'Iran, l'OMPI, ont été mis en examen pour « association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste » et « financement du terrorisme ».

A leur domicile d'Auvers-sur-Oise ont été retrouvés des gilets pare-balles, des moyens de réception satellite, un plan de Paris où étaient surlignées des rues proches de l'ambassade des Etats-Unis et 9 millions de dollars en liquide...

Je tiens à vous féliciter, monsieur le ministre, de la réussite de cette opération d'envergure qui a mobilisé 1 200 policiers et 80 gendarmes et qui s'est déroulée sans incidents majeurs.

Mme Nicole Borvo. Sans incidents ?

M. Dominique Braye. Rappelons que cette organisation a été à l'origine de nombreux attentats dans le monde : par exemple, en avril 1992, contre des ambassades et consulats iraniens dans neuf pays, dont l'Allemagne, l'Angleterre et la France, ou, plus récemment encore, en juin 1998, dans le palais de justice de Téhéran, causant la mort de plusieurs civils.

L'organisation de ce mouvement d'inspiration islamo-marxiste s'apparente à celle d'une secte, avec un culte de la personnalité très important centré sur ses dirigeants.

Cet aspect sectaire rend cette organisation incontrôlable et irrationnelle, comme l'ont prouvé les différentes immolations de sympathisants. Si ceux-ci sont prêts, dans leur dévotion sans faille et aveugle à leurs chefs, à aller jusqu'au sacrifice final, le risque d'attentats suicides ciblés ne doit pas être écarté, monsieur le ministre.

Mme Nicole Borvo. Ah oui ! C'est évident !

M. Dominique Braye. Tout donne donc à penser qu'ils auraient pu engager des actions terroristes à partir de notre territoire. (Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. Guy Fischer. On met le feu !

M. Dominique Braye. Au regard de cette affaire et, d'une manière plus générale, sans bien sûr dévoiler des informations à caractère confidentiel, pouvez-vous, monsieur le ministre, à l'heure où nombre de nos compatriotes s'apprêtent à partir en vacances, contrairement à nous parlementaires (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. - Sourires sur les travées de l'UMP), nous préciser si des risques d'attentats ou d'actions terroristes sur notre territoire sont à redouter ? Le cas échéant, quelles mesures envisagez-vous de prendre et quels moyens comptez-vous engager ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur certaines travées de l'Union centriste.)

M. le président. Je suis satisfait de vous voir enthousiastes pour prolonger la session, mes chers collègues ! (Sourires.)

La parole est à M. le ministre.

M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Je ne conçois pas, monsieur Braye, qu'il puisse y avoir la moindre polémique à propos de l'OMPI,...

Mme Nicole Borvo. On se demande pourquoi M. Braye intervient, alors !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. ... parce que je n'imagine pas que l'on puisse soutenir, sur quelques travées de cette assemblée que ce soit, des gens qui ne le méritent pas !

M. Marcel-Pierre Cléach. On ne sait jamais !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. En effet, il s'agit d'une secte parmi les plus brutales et les plus cruelles, qui prône en outre un intégrisme islamiste doublé du marxisme le plus radical, pour ce qu'il en reste !

M. Raymond Courrière. Il y a dix ans qu'ils sont en France !

Mme Nicole Borvo. Cela n'a rien à voir avec le marxisme !

M. Guy Fischer. C'est l'amalgame !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Si quelques membres de cette assemblée ont pu avoir des doutes à cet égard, cela est dû au fait que, depuis plusieurs années, cette organisation, comme toutes les sectes, se montre très habile à communiquer. Elle a donc pu entraîner dans l'erreur des gens de bonne foi.

Le spectacle, dans un certain nombre de capitales, dont la nôtre, de personnes s'immolant dans un climat de fanatisme absolument terrifiant,...

Mme Nicole Borvo. Ça fait sale !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. ... a montré que la France ne pouvait pas tolérer que le quartier général d'une organisation terroriste internationale s'installe en son coeur, à proximité de Paris.

M. Claude Estier. Cela fait vingt ans qu'ils sont là !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Eh bien, monsieur Estier, s'il en est ainsi, il faut s'interroger sur les raisons de cette présence, et non sur les raisons pour lesquelles nous avons agi ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme Nicole Borvo. Vous les avez autorisés à rentrer sur le territoire !

M. Paul Raoult. Démagogue !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Par ailleurs, depuis le conflit en Irak, les services du contre-espionnage français ont reçu des informations très précises attestant de la réalité du rassemblement à Auvers-sur-Oise de la structure militaire de cette organisation. J'en veux pour preuve les huit millions de dollars en liquide trouvés au siège de l'association !

Mesdames, messieurs les sénateurs, si l'un de nos compatriotes était trouvé en possession du dixième de cette somme sans pouvoir fournir d'explications sur son origine, il serait soupçonné d'être impliqué dans une opération de blanchiment. Les moudjahidin du peuple ne doivent pas être au-dessus des lois ! Il n'y a aucune raison de tolérer cela ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Enfin, que le message soit reçu partout dans le monde : à partir du moment où une organisation est répertoriée par l'Union européenne comme organisation terroriste, le devoir de solidarité de la France à l'égard de la communauté internationale est de faire ce qu'il faut pour l'éradiquer !

Mme Odette Terrade. « L'éradiquer » !

Mme Nicole Borvo. On va rétablir la peine de mort !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Onze personnes sont en prison, dix-sept ont été mises en examen. Je rappelle au parti communiste français (M. Dominique Braye s'esclaffe) qu'il s'agissait d'une procédure judiciaire et que les forces de l'ordre ont été requises sur demande de M. Jean-Louis Bruguière, qui est une référence dans le monde entier en matière d'efficacité dans la lutte contre le terrorisme. Ce fait devrait nous permettre de nous rassembler autour de cette opération qui a fait honneur à la France ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme Marie-Claude Beaudeau. Cela fait vingt ans qu'ils sont à Auvers !

PERSPECTIVES POUR LA SAISON TOURISTIQUE ESTIVALE

ET LE TOURISME RURAL

M. le président. La parole est à M. Philippe Nogrix.

M. Philippe Nogrix. Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'Etat au tourisme.

Monsieur le secrétaire d'Etat, à une semaine du début des vacances d'été, il me semble important de faire le point sur l'industrie du tourisme en France et les perspectives qui s'ouvrent à elle pour la saison. Le tourisme constitue une richesse importante pour notre pays, avec plus de 120 milliards d'euros de chiffre d'affaires et près d'un million d'emplois.

Cela étant, les professionnels du tourisme sont inquiets : d'après certains quotidiens, des régions phares, en particulier sur la façade atlantique, enregistrent une chute des taux de réservation allant de 30 % à 40 %, due notamment à la désaffection des touristes étrangers, essentiellement américains et allemands.

Mme Nicole Borvo. Ils n'aiment pas le pétrole sur les plages !

M. Philippe Nogrix. Cette situation est la conséquence d'une année marquée par la marée noire liée au naufrage du Prestige, par un contexte international perturbé et, enfin, par les grèves en France. (Mme Nicole Borvo sourit.)

Il serait nécessaire de développer une coopération interministérielle à la suite de la publication brutale et sujette à interprétation de documents sur l'état sanitaire des plages. Ces publications sont souvent stigmatisantes et ne reflètent pas nécessairement les efforts accomplis. Vous savez, monsieur le secrétaire d'Etat, que les élus locaux et les professionnels du tourisme sont des gens sérieux, soucieux de la qualité de l'environnement.

Aussi souhaiterais-je connaître, monsieur le secrétaire d'Etat, les prévisions de vos services pour la saison d'été qui débute et les actions que vous envisagez de mener à l'étranger pour convaincre les touristes de revenir en France.

Par ailleurs, on assiste depuis une dizaine d'années au développement de nouvelles formes de tourisme : tourisme vert, tourisme à la ferme. Elu d'un département rural, je suis particulièrement sensible à la mise en place de ces nouveaux modes d'hébergement dans les exploitations agricoles. C'est là un tourisme éducatif, permettant aux jeunes enfants de découvrir un monde qu'ils ignorent très souvent et qui, pourtant, est essentiel à la vie.

Le développement de telles initiatives permet de redynamiser le tissu rural, de maintenir des exploitations et surtout de faire vivre des zones où l'on lutte contre le dépeuplement et l'exode rural.

Monsieur le secrétaire d'Etat, quelles actions envisagez-vous d'engager pour attirer à nouveau les touristes étrangers en France, quelle vision du tourisme rural avez-vous, comment mieux informer le public sur l'état de notre littoral et sur la lutte contre la dégradation de celui-ci, notamment par les pétroliers ? (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Léon Bertrand, secrétaire d'Etat au tourisme. Vous avez raison, monsieur Nogrix, d'affirmer que les événements internationaux et écologiques ont des répercussions négatives sur l'économie touristique de notre pays.

Comment avons-nous réagi ?

Nous avons d'abord mis en place une cellule de veille, qui est, je le rappelle, un lieu de rencontre entre les professionnels, leur permettant de s'adapter et de réagir rapidement.

Nous avons également lancé des campagnes pour promouvoir la « destination France ». La première de ces campagnes a concerné, bien entendu, l'Aquitaine. Elle a été financée par l'Etat à hauteur de 1,4 million d'euros, soit 50 % du montant total, et des actions spécifiques ont été engagées en direction des marchés allemand et néerlandais.

De plus, nous venons de lancer aux Etats-Unis une campagne de promotion dont les premières retombées dans la presse dépassent toutes nos espérances.

Certes, nous constatons depuis quelque temps un certain retard dans les réservations faites par la clientèle étrangère, surtout dans les zones littorales et pour le mois de juillet, mais nous observons une légère reprise pour le mois d'août.

En outre, le nombre des réservations effectuées par la clientèle française reste stable par rapport à l'année dernière. Mais, compte tenu du nouveau comportement des consommateurs et de nos efforts de promotion, je pense que ces indicateurs évolueront favorablement.

Concernant le tourisme rural, celui-ci se développe fortement. Il représente aujourd'hui près de 30 % de la fréquentation tant française qu'étrangère et constitue un facteur important de développement et d'aménagement des territoires ruraux. Comme vous l'avez souhaité, monsieur le sénateur, j'entends amplifier notre action dans ce domaine.

En premier lieu, nous comptons proposer, dans le cadre du projet de loi de développement rural qui sera présenté par mon collègue Hervé Gaymard, des mesures incitatives visant à favoriser la rénovation ou la réhabilitation du patrimoine bâti et des hébergements à des fins touristiques.

En second lieu, une campagne de promotion en direction du grand public sera lancée. Elle sera déclinée le temps d'un week-end, à l'automne 2003, et permettra la mise en valeur de la diversité des ressources de l'espace rural.

Comme vous le voyez, monsieur le sénateur, de nombreuses raisons nous autorisent à rester optimistes pour cette saison. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Philippe Nogrix. Merci !

BAISSE DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES

M. le président. La parole est à M. Alain Dufaut.

M. Alain Dufaut. Ma question s'adresse à M. le ministre délégué au budget.

Comme le démontrent encore de récents travaux du Sénat, la fiscalité française est particulièrement pénalisante.

M. Henri de Raincourt. C'est vrai !

M. Alain Dufaut. Elle est l'une des plus lourdes de l'Union européenne. (Murmures sur les travées du groupe socialiste.)

M. Raymond Courrière. Ça va baisser !

M. Guy Fischer. Vous avez baissé l'ISF !

M. Alain Dufaut. C'est aussi l'une des plus complexes et des plus inadaptées à la réalité économique et sociale. L'impôt sur le revenu est l'un des impôts les moins productifs et les moins incitatifs au travail. Notre pays est aussi particulièrement mal placé en matière de taxation des entreprises.

Mme Nicole Borvo. Vous avez de mauvais chiffres !

M. Alain Dufaut. Cette pression fiscale est lourde de conséquences, au regard à la fois de la compétitivité de nos entreprises, de l'attractivité de notre territoire et, bien entendu, de l'activité économique en général.

M. Raymond Courrière. Tout cela est faux !

M. Alain Dufaut. Forts de ce constat, monsieur le ministre, nous devons donc impérativement alléger les impôts,...

M. Raymond Courrière. Il faut lire les journaux !

M. Alain Dufaut. ... les charges et les contraintes administratives pesant sur ceux qui travaillent et créent des emplois dans ce pays.

Nous avons commencé à le faire l'année dernière, et nous maintiendrons le cap,...

Mme Nicole Borvo. On en voit les résultats pour l'emploi !

M. Alain Dufaut. ... comme l'a confirmé le Président de la République lundi dernier, au Palais des congrès de Paris, à l'occasion de la cérémonie de clôture de la célébration du bicentenaire de la chambre de commerce et d'industrie de Paris.

Je concède, monsieur le ministre, que l'exercice n'est pas simple, car le Gouvernement doit aussi tenir compte du ralentissement de la croissance et, surtout, de l'état dégradé des finances publiques dont nous avons hérité en 2002. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. - Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Alain Gournac. Eh oui !

M. Jacques Mahéas. Trop c'est trop !

M. Alain Dufaut. Monsieur le ministre, pourriez-vous aujourd'hui nous préciser quelle est votre stratégie, à la fois pour maîtriser les dépenses publiques et pour continuer à réduire de manière sensible les impôts et les charges ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'Union centriste et du RDSE.)

Mme Nicole Borvo. La réduction des charges est-elle efficace pour l'emploi ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur le sénateur, le lien que vous faites entre les dépenses et l'impôt est capital pour comprendre l'engrenage fatal dans lequel nous avons été enfermés.

M. Jacques Mahéas. Dans lequel vous vous enfermez !

M. Alain Lambert, ministre délégué. Se réjouir de tant de dépenses, c'est vouloir beaucoup d'impôts, et vouloir beaucoup d'impôts, c'est fragiliser nos territoires et nos emplois.

M. Jacques Mahéas. C'est aussi redistribuer !

M. Alain Lambert, ministre délégué. N'oublions jamais que nos communes et nos villes sont en concurrence avec d'autres communes, d'autres villes, sur ce continent et ailleurs, où les savoir-faire sont équivalents aux nôtres. Si nous sommes plus chers, nous perdrons nos emplois ! (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)

M. Alain Gournac. Bravo !

M. Alain Lambert, ministre délégué. La baisse des prélèvements, monsieur le sénateur, est décisive pour la préservation des emplois de nos compatriotes. (Très bien ! sur les travées de l'UMP.)

Mme Nicole Borvo. L'Asie !

M. Alain Lambert, ministre délégué. Pour qu'elle soit possible, il faut en effet agir, comme vous l'avez très bien dit, sur les dépenses.

M. Paul Raoult. Et les solidarités ?

M. Alain Lambert, ministre délégué. Le Gouvernement, vous le savez, a pris la décision - et il s'est donné les moyens de s'y tenir - de faire en sorte qu'il ne soit pas dépensé en 2003 un euro de plus que ce que le Parlement a autorisé. Le débat d'orientation budgétaire qui suivra cette séance de questions d'actualité nous permettra d'aborder ce sujet. Le Gouvernement propose que la reconduction en valeur des dépenses soit maintenue jusqu'en 2006, afin précisément que nous puissions dégager les marges de manoeuvre nécessaires à la poursuite de la baisse des prélèvements obligatoires, qui est vitale pour la performance et la compétitivité de notre pays.

Soyez assuré, monsieur le sénateur, de la détermination absolue du Gouvernement. Il a pris des engagements, il les tiendra jusqu'au bout ! Il y est résolu ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'Union centriste et du RDSE.)

C'est le plus sûr moyen d'assurer l'avenir de l'emploi des Français, et nous pouvons être fiers du choix politique que nous avons fait : c'était celui que nos compatriotes attendaient. (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.)

ARRESTATION DE JOSÉ BOVÉ

ET LIBERTÉ SYNDICALE

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Ma question s'adressait à M. le Premier ministre.

En juillet dernier, nous débattions du projet de loi d'amnistie. Je déplorais alors que tout ait été prévu pour exclure du champ du dispositif les délits de rébellion à l'égard de l'autorité publique, liés par exemple aux actions des syndicats de salariés, de la Confédération paysanne ou des associations, lorsqu'il s'agissait, en particulier, de s'opposer à une fermeture d'entreprise ou à une expulsion de locataires.

M. Jean Chérioux. La loi est pour tout le monde !

M. Guy Fischer. On vient d'emprisonner José Bové au terme d'une opération commando théâtralisée. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Jean Chérioux. La loi est pour tout le monde !

M. Gérard Braun. Ce sont les juges !

M. Dominique Braye. C'est un voyou !

M. Guy Fischer. J'aurais aimé que l'on mette autant de zèle à faire arrêter tous les patrons voyous qui narguent les lois de la République ! (Vifs applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste. - Vives protestations sur les travées de l'UMP.)

M. Alain Gournac. C'est inacceptable ! Lamentable !

M. Jean Chérioux. Respectez la loi !

M. Guy Fischer. C'est M. le Premier ministre qui a parlé de patrons voyous !

L'emprisonnement de José Bové n'est pas un fait isolé, pas plus que les manoeuvres d'intimidation à l'encontre des manifestants contre la réforme des retraites, des enseignants, des cheminots ou des salariés des Autoroutes du sud de la France et des entreprises du Nord et du Pas-de-Calais, que l'évacuation musclée de la Maison des ensembles, lieu symbolique de la lutte pour la régularisation des sans-papiers et contre la précarité, ou encore que la traduction en justice de passagers du vol Paris-Bamako qui avaient protesté contre les traitements infligés à bord à des sans-papiers expulsés vers le Mali. Ces violences s'inscrivent dans une volonté politique de criminaliser le mouvement social et revendicatif. (Vives protestations sur les travées de l'UMP.)

M. Dominique Braye. La justice s'est prononcée !

M. Jean Chérioux. La loi est la même pour tout le monde !

Mme Nicole Borvo. Vous êtes bien placés pour en parler !

M. Hilaire Flandre. Et les goulags, vous, vous en avez entendu parler ?

M. Guy Fischer. Vous êtes en train de créer un délit de militantisme. (Rires sur les travées de l'UMP.) Pouvoir politique et justice appliquent sans complexe deux poids, deux mesures : d'un côté, intimidation et répression à l'encontre des militants qui expriment des revendications largement approuvées par l'opinion, tels José Bové et Alain Hébert, militant CGT de l'arsenal de Cherbourg ;...

M. Hilaire Flandre. Les incendiaires de la CGT !

M. Guy Fischer. ... de l'autre, un non-lieu pour le gouverneur de la Banque de France et la libération de Papon pour raisons de santé. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Dominique Braye. C'est scandaleux !

M. Guy Fischer. Votre dérive antisociale et antisyndicale et votre logique répressive nous inquiètent. Il s'agit d'un redoutable recul de la liberté d'opinion dans notre pays, et c'est pourquoi nous venons de déposer une proposition de loi d'amnistie sociale pour l'ensemble des syndicalistes,...

M. le président. Monsieur Fischer, posez votre question, sinon je devrai vous couper la parole !

M. Guy Fischer. ... les membres des associations, les militants de la solidarité et des droits de l'homme et les salariés frappés de condamnations pour des faits relevant de l'action syndicale et sociale.

M. Dominique Braye. Coupez-lui le micro !

M. Jean Chérioux. Il s'agit de faits délictueux !

M. Guy Fischer. Je poserai trois questions au Gouvernement. (Ah ! sur les travées de l'UMP.)

Premièrement, allez-vous oui ou non vous conformer à notre tradition d'apaisement des tensions sociales en décidant l'amnistie sociale pour ces actes ?

M. Dominique Braye. Encore une faveur !

M. Guy Fischer. Cette première question s'adressait en fait au Président de la République.

Deuxièmement, allez-vous libérer José Bové ? (Non ! sur les travées de l'UMP.)

On en reparlera !

Troisièmement, allez-vous accepter l'inscription à l'ordre du jour de notre proposition de loi de justice et d'équité ? (Non ! sur les travées de l'UMP. - Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. Monsieur Fischer, vous n'avez pas respecté votre temps de parole ; votre intervention a duré quatre minutes et une seconde ! (Rires et exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.) Je le précise afin que l'on se montre tolérant à l'égard des autres orateurs.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Pierre Bédier, secrétaire d'Etat aux programmes immobiliers de la justice. Monsieur le sénateur, les faits, rien que les faits !

En février 1998, M. José Bové a été condamné à huit mois d'emprisonnement avec sursis, pour dégradation ou détérioration grave d'un bien appartenant à autrui avec entrée par effraction. Il s'agissait, en l'espèce, de la destruction de conteneurs renfermant plusieurs tonnes de semences transgéniques.

En décembre 2001, M. Bové a été condamné à six mois d'emprisonnement pour destruction, dégradation ou détérioration du bien d'autrui commise en réunion, avec entrée par effraction, et en état de récidive légale.

Mme Nicole Borvo. Ceux qui ont incendié le parlement de Bretagne ne sont pas en prison ! Vous le savez !

M. Pierre Bédier, secrétaire d'Etat. Il avait détruit du matériel informatique et plusieurs milliers de plants de riz génétiquement modifié au CIRAD, le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement, fruits de travaux de recherche fondamentale de très haut niveau, destinés à l'amélioration de l'agriculture dans le tiers monde.

Son pourvoi en cassation a été rejeté le 19 novembre 2002. La deuxième condamnation entraîne révocation de plein droit du sursis. Cette révocation a été limitée à quatre mois, soit une peine totale à accomplir de dix mois.

M. Bové a refusé par courrier de répondre à la convocation du juge de l'application des peines,...

MM. Alain Gournac et Adrien Gouteyron. Voilà !

M. Pierre Bédier, secrétaire d'Etat. ... visant à permettre l'aménagement de la peine, inférieure à un an, au motif qu'il ne sollicitait pas d'aménagement mais s'en remettait à la décision du Président de la République.

Le 5 mai, le juge de l'application des peines a donc retourné le dossier au procureur général pour mise à exécution, qui a eu lieu le 22 juin 2003, dans des conditions de sécurité liées aux provocations verbales de M. Bové, qui menaçait de troubler l'ordre public si l'on voulait l'arrêter.

M. Dominique Braye. C'est un voyou !

M. Pierre Bédier, secrétaire d'Etat. Son casier judiciaire - car il s'agit bien d'un délinquant multirécidiviste -...

M. Paul Raoult. Il y en a bien d'autres !

M. Pierre Bédier, secrétaire d'Etat. ... mentionne trois autres condamnations : le 22 mars 2001, il était condamné à trois mois d'emprisonnement pour dégradation grave du Mc Donald de Millau, puis à une amende délictuelle de 6 000 francs pour des violences commises en réunion et, le 22 octobre 2002, à cent jours-amende pour destruction commise en réunion et en récidive d'un champ de colza transgénique. (M. Jacques Mahéas s'exclame.)

Rappelons enfin que M. Bové a la possibilité de présenter une requête en confusion de la peine de trois mois prononcée le 22 mars 2001, qu'il a déjà exécutée, avec celle qui a été prononcée le 20 décembre 2001, puisque les infractions, commises respectivement le 12 août et le 5 juin 1999, sont en concours. Si une telle requête était déposée et approuvée, le quantum restant à exécuter se trouverait réduit à sept mois au lieu de dix.

Mme Marie-Claude Beaudeau. Il faut libérer José Bové ! C'est honteux !

M. Pierre Bédier, secrétaire d'Etat. Voilà pourquoi je crois que faire de M. Bové une nouvelle Jeanne d'Arc est une erreur profonde. M. Bové est un provocateur...

Mme Nicole Borvo. Où sont les chasseurs qui ont saccagé les bureaux d'un ministre ?

M. Pierre Bédier, secrétaire d'Etat. ... je le dis dans cette enceinte où l'on vote la loi, M. Bové veut inventer la loi à la carte (Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste), la loi qui lui convient et la loi qui ne lui convient pas.

La République française n'est pas la république des soviets, il n'y a qu'une loi pour toutes et pour tous, et vous devriez vous en inspirer ! (Vifs applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Il a dit : « les soviets » !

Mme Nicole Borvo. On en reparlera !

RÉFORME DE LA POLITIQUE AGRICOLE COMMUNE

M. le président. La parole est à M. Roland du Luart. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Roland du Luart. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, la négociation sur l'avenir de la politique agricole commune est entrée depuis quinze jours dans une phase très active à Luxembourg.

La France, appuyée par les autres pays agricoles de l'Union européenne, a refusé le compromis proposé par la présidence grecque et par la Commission. (M. Jean-Pierre Sueur s'exclame.)

Notre ministre de l'agriculture, Hervé Gaymard, a fait connaître clairement et fermement les positions et les priorités de la France, en particulier sur les prix d'intervention et sur le découplage.

Cependant, même avec le troisième document de compromis présenté la semaine dernière, le commissaire européen à l'agriculture, M. Fischler, campait sur ses positions, au point que le Président de la République s'était une nouvelle fois étonné, à l'issue du sommet de Thessalonique, le 20 juin dernier, de l'obstination de la Commission, jugeant que ses propositions n'étaient « pas acceptables et ne seront pas acceptées par la France ».

M. Raymond Courrière. Il a changé d'idée, déjà !

M. Roland du Luart. Les négociations ont repris hier à Luxembourg et, tôt ce matin, un accord a enfin été trouvé. Pouvez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, nous donner des précisions sur cet accord ?

Nous tenons à féliciter notre ministre de l'agriculture, Hervé Gaymard (Applaudissements sur les travées de l'UMP), qui a réussi à obtenir l'abandon de la baisse des prix des céréales et le maintien des majorations mensuelles, ainsi qu'une réduction considérable du prix du lait, qui ne concernerait en fait que le prix du beurre, comme cela vient d'être rappelé. (M. Raymond Courrière s'exclame.)

Cependant, permettez-nous de rester inquiets : il paraîtrait que la menace du système du découplage n'a pas été évacuée. Le principe du découplage, même partiel,...

M. Jean-Pierre Sueur. Ils ont signé !

M. Roland du Luart. ... est une très grave préoccupation pour nos agriculteurs. Nous sommes en effet attachés à ce qu'ils soient rémunérés en fonction de leur travail, de leur production, et non pas artificiellement, ce qui serait la négation même de leur métier.

M. Jean-Pierre Sueur. Voilà !

M. Roland du Luart. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie de bien vouloir nous donner des précisions sur ce projet qui nous préoccupe tant dans cette assemblée. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Jean-François Copé, secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur, vous l'avez souligné, cette réforme adapte certains mécanismes de la PAC, comme cela s'est déjà produit à plusieurs reprises depuis quarante ans.

A mon tour, je veux insister sur un point : compte tenu de la diversité des intérêts en cause...

M. Raymond Courrière. Eh oui !

M. Jean-François Copé, secrétaire d'Etat. ... et de la dureté des propositions initiales de la Commission et de certains de nos partenaires de l'Union européenne, je crois que l'on peut se féliciter de cet accord. Car, le moins que l'on puisse dire, c'est que l'on revient de très loin !

M. Raymond Courrière. Maintenant, ils rament !

M. Jean-François Copé, secrétaire d'Etat. Je veux rappeler que figuraient dans les propositions de la commission le découplage total des aides et la baisse du prix des céréales, deux projets qui, pour la France, étaient évidemment inacceptables.

M. Paul Raoult. C'est déjà fait !

M. Jean-François Copé, secrétaire d'Etat. Au cours des intenses négociations qui ont été conduites, le Gouvernement, et en particulier Hervé Gaymard, a défendu ses convictions avec beaucoup de fermeté pour arriver à un compromis satisfaisant pour la France.

M. Raymond Courrière. En prenant des virages en épingle à cheveux !

M. Jean-François Copé, secrétaire d'Etat. Dans le secteur des céréales, pour répondre à votre question, la France a obtenu que le découplage des aides soit partiel et, surtout, que le calendrier de mise en oeuvre progressive de cette mesure permette une concertation étroite avec les professionnels. Je vous confirme, de nouveau, que le prix des céréales ne baissera pas.

Mme Nicole Borvo. Très bien !

M. Jean-François Copé, secrétaire d'Etat. Ensuite, dans le secteur de l'élevage, le regroupement des aides permettra une meilleure gestion des marchés et le maintien de l'équilibre des territoires.

Enfin et surtout, l'accord de Luxembourg va tracer des perspectives stables pour nos agriculteurs jusqu'en 2013. A la demande de la France, des avancées significatives ont été obtenues. D'abord, les financements communautaires pour l'installation des jeunes agriculteurs vont être augmentés. Ensuite, le principe, attendu depuis longtemps, de la mise en place d'un dispositif de gestion des crises des marchés en faveur des secteurs qui ne bénéficient pas d'aides directes de la PAC a été acté.

Dans les négociations en cours à l'OMC, l'Europe va maintenant devoir tirer le meilleur parti de la réforme qui vient d'être adoptée pour solde de tout compte : une disposition en ce sens a d'ailleurs été insérée dans le texte de l'accord, à la demande de la France. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'Union centriste et du RDSE.)

LUTTE CONTRE LA POLLUTION SUR LES CÔTES DU MORBIHAN

CONSÉCUTIVE AU NAUFRAGE DU PRESTIGE

M. le président. La parole est à Mme Odette Herviaux.

Mme Odette Herviaux. Madame la ministre, depuis plus d'un mois et demi, pratiquement toutes les côtes morbihannaises sont souillées à chaque marée par des plaques de mazout plus ou moins grandes provenant du pétrolier Prestige. Ces boulettes ou galettes, selon la taille, présentes partout en plus ou moins grand nombre, inquiètent très sérieusement les habitants, les touristes et, bien sûr, les municipalités.

A la demande des élus de l'association des maires du Morbihan, je me fais le porte-parole des maires du littoral qui, depuis plusieurs semaines, sont confrontés à la colère des estivants et de leurs propres administrés qui, depuis plus d'un mois, ont l'impression de se battre seuls contre cette pollution.

Ils ont accepté de ne pas alerter les médias dans le souci de ne pas compromettre la saison touristique. Cependant, si cette attitude consensuelle se concevait naguère, elle n'a plus lieu d'être à trois jours de l'arrivée massive des estivants, qui sont en droit d'être informés exactement sur ce qui les attend.

Faute de communication officielle sur ce sujet, à ce jour, ce sont les maires qui, encore une fois, seront mis en cause au premier chef. Car la situation ne s'améliore pas, bien au contraire : les fortes chaleurs de ces derniers jours ont rendu presque impossible la récupération des boulettes par les personnels communaux, qui sont les seuls personnels dont nous disposons la plupart du temps. Comment s'en sortir avec une équipe ne comptant parfois que quatre personnes pour nettoyer neuf kilomètres de plage !

Il est vrai que des mesures ponctuelles ont été prises, madame la ministre, notamment à l'île de Groix, ou à Belle-Île où dix équivalents temps plein ont été affectés voilà plusieurs semaines ; quelque 250 tonnes de fioul ont ainsi pu être ramassées.

D'autres effectifs sont annoncés par un courrier préfectoral du 23 juin, en particulier deux équipes de quinze personnes de la sécurité civile, ainsi que quelques pompiers venant d'autres départements, mais dont l'intervention se fera « exclusivement dans le cadre de chantiers de grande ampleur, par journée reconductible en fonction du travail à accomplir et des besoins des autres communes ».

Pour connaître parfaitement la situation, je puis vous assurer, madame la ministre, que ces moyens humains arrivent bien tardivement et qu'ils sont surtout nettement insuffisants. C'est quotidiennement, voire à chaque marée, qu'il faut recommencer la tâche sur presque tout le littoral.

De plus, ces mesures ne règlent en rien le problème des avances financières pour les communes et des moyens matériels qu'il faut mettre en place.

Pouvez-vous, madame la ministre, affecter les moyens matériels et humains réellement nécessaires sur le terrain et rassurer les maires, en garantissant non seulement la prise en compte la plus rapide possible de toutes les dépenses occasionnées, mais aussi la pérennité des aides au-delà de la saison estivale si elle se révèle nécessaire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Jean-Pierre Sueur. C'est une bonne question !

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable. Madame la sénatrice, je vous remercie pour le ton mesuré de votre question. Il est vrai que nos côtes atlantiques sont, à la suite du naufrage du Prestige, soumises à une marée noire particulièrement éprouvante. La nature itérative de cette marée noire est un drame pour nos communes, pour leur activité économique et pour l'impact écologique qui en résulte.

Dès le début de cette marée noire, nous avons pris les mesures qui convenaient en Aquitaine. Aujourd'hui, en Bretagne, nous sommes face à une marée noire diffuse, particulièrement difficile à traiter.

Je ne peux pas vous laisser dire, madame la sénatrice, que l'Etat a laissé seules les communes du littoral. En effet, dès le début du mois de mai, avec mon collègue M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC),...

M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Ils sont jaloux !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. ... nous avons renforcé les moyens des sapeurs-pompiers et développé ceux de la sécurité civile. Des consignes de vigilance ont été adressées à Mme la préfète de la zone de défense ouest. Des crédits lui ont été délégués pour permettre l'embauche de plusieurs dizaines de contrats à durée déterminée payés sur les crédits Polmar - plan de lutte contre les pollutions marines.

Bien entendu, l'Etat se déploie sur les zones particulièrement difficiles à traiter, en particulier sur les zones rocheuses, et s'occupe de l'intégralité de la filière d'élimination des déchets pétroliers, afin de permettre les économies d'échelle et de régler ainsi par une trentaine de marchés la question de la gestion de ces déchets.

D'ores et déjà, 2,9 millions d'euros ont été délégués à Mme la préfète de la zone de défense ouest. Autant que de besoin, des crédits seront délégués tout au long de la gestion de cette marée noire et, bien entendu, au-delà de la saison estivale si le besoin s'en fait sentir.

C'est en relation avec les élus locaux et avec l'ensemble des élus nationaux que nous avons décidé de ne pas communiquer sur cette marée noire, mais d'agir pour préserver les intérêts économiques de votre région et du département du Morbihan, madame la sénatrice. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

BILAN DES GROUPES D'INTERVENTION RÉGIONAUX (GIR)

M. le président. La parole est à M. Christian Demuynck.

M. Christian Demuynck. Monsieur le ministre de l'intérieur, le 22 mai 2002, les groupes d'intervention régionaux étaient créés par une circulaire interministérielle.

Nous avons alors entendu l'opposition nous dire que cela ne fonctionnerait pas, que la police nationale et la gendarmerie ne coopéreraient pas (M. Dominique Braye s'exclame), que la mise en commun des fichiers serait impossible. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Pourtant, au bout d'une année, la coordination est effective et, une nouvelle fois, le Gouvernement se montre à la hauteur de ses ambitions. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Jean-Pierre Sueur. C'est téléphoné !

M. Jacques Mahéas. Cireur de pompes !

M. Christian Demuynck. Ainsi, vingt-huit GIR composés de façon pluridisciplinaire, associant notamment policiers, gendarmes et douaniers, ont été mis en place. Les GIR forment le prolongement opérationnel des services locaux et spécialisés traditionnels, permettant à l'ensemble des services de travailler en symbiose.

M. Jean-Pierre Sueur. Il fait la réponse !

M. Christian Demuynck. Par leur polyvalence et la délimitation stricte de leurs attributions, ils ont réussi à s'intégrer réellement dans le dispositif global de sécurité intérieure.

M. Jean-Pierre Sueur. Il n'y a plus rien à répondre. Tout est dit !

M. Christian Demuynck. Monsieur le ministre, nous connaissons votre volonté de coordonner toujours davantage les services de l'Etat afin d'aller vers une efficacité toujours plus grande en matière de lutte contre la délinquance et la criminalité.

M. Jacques Mahéas. Cela augmente à Neuilly-Plaisance !

M. Christian Demuynck. Je ne peux que vous affirmer mon plein et entier soutien dans cette tâche ô combien difficile !

Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous dresser le bilan de la première année d'action des GIR ? Pourriez-vous nous faire part des nouveaux développements de leur action et de leur organisation ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Raymond Courrière. Après avoir écrit la question M. le ministre de l'intérieur va faire la réponse ! (Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. - Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. le président. M. Courrière est un garçon généreux : il prête aux autres ce qu'il faisait hier ! (Rires et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur le président, vous semblez avoir envie de répondre à cette bonne question !

(Sourires.)

Tout d'abord, je veux rendre hommage à M. Sueur qui, écoutant la question qui m'a été posée, a dit, sans doute au nom du groupe socialiste : « Il a raison, il n'y a plus rien à répondre. » C'est vrai !

M. Jean-Pierre Sueur. Ce n'est pas ce que j'ai dit !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Le groupe socialiste avait dit, au moment où nous avons installé les GIR, qu'il serait impossible de faire travailler ensemble gendarmes et policiers. Vous avez eu tort, c'est bien de le reconnaître.

Le groupe socialiste avait attiré l'attention sur le problème du secret professionnel entre les agents du fisc, les policiers et les gendarmes. Une nouvelle fois, vous vous êtes trompés, c'est bien de le reconnaître.

Le groupe socialiste nous avait mis en garde contre une concurrence possible entre la police judiciaire et les GIR. Une nouvelle fois, vous vous êtes trompés. Je ne veux pas vous accabler : faute avouée est à moitié pardonnée ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Les GIR, ce sont d'abord des gens qui acceptent de travailler ensemble alors que, traditionnellement, il convenait de dire que la différence culturelle entre ces administrations était telle qu'elles ne pourraient pas travailler ensemble.

Surtout, la création des GIR permet une autre approche : au lieu d'attendre qu'un crime ou un délit soit commis, une action de police est engagée en amont,...

Mme Odette Terrade. Ils arrêtent avant ! (Rires sur les travées du groupe CRC.)

M. Nicolas Sarkozy, ministre. ... une action de police qui s'intéresse au patrimoine des délinquants.

M. Dominique Braye. Voilà !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Or, c'est sans doute pour cette raison, madame Borvo, que le parti communiste a perdu son électorat populaire. (Exclamations sur les travées du CRC. - Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme Nicole Borvo. Je n'ai rien demandé !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Le parti communiste a eu 3 % des suffrages aux dernières élections présidentielles parce que vous n'avez pas compris que, dans ces quartiers-là, nos concitoyens en ont plus qu'assez de voir des individus se pavaner dans des voitures que ceux qui travaillent ne pourront jamais se payer ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur les travées de l'Union centriste.)

Eh bien, avec les GIR, nous nous attaquons à l'argent du crime, nous nous attaquons à l'économie souterraine !

Monsieur Mahéas, vous vous plaignez que, dans votre ville, cela n'aille pas assez bien.

M. Jacques Mahéas. Trente policiers en moins !

Mme Nicole Borvo. Dans mon département, il n'y a plus de policiers !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. C'est sans doute parce que, dans votre ville, on sait qu'une fois revenu au Sénat vous faites tout pour vous opposer à la politique du Gouvernement !

Rejoignez-nous, monsieur Mahéas, et vous aurez une part du succès du Gouvernement ! (Vifs applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. Mes chers collègues, nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement. Je vais suspendre la séance.

M. Jacques Mahéas. Je demande la parole pour un fait personnel, monsieur le président. J'ai été mis en cause par M. Sarkozy ! (Protestations sur les travées de l'UMP.)

M. le président. Monsieur Mahéas, vous le savez bien, en application de l'article 36, alinéa 3, du règlement, vous ne pouvez intervenir, pour un fait personnel, qu'en fin de séance.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures quinze.)

M. le président. La séance est reprise.

3

CANDIDATURES

À UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE

M. le président. J'informe le Sénat que la commission des affaires culturelles m'a fait connaître qu'elle a procédé à la désignation des candidats à une éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi modifiant la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 relative à l'archéologie préventive.

Cette liste a été affichée conformément à l'article 12, alinéa 4, du règlement et sera ratifiée si aucune opposition n'est faite dans le délai d'une heure.

4

ORGANISME EXTRAPARLEMENTAIRE

M. le président. J'informe le Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation du sénateur appelé à siéger au sein du comité de surveillance du Fonds de solidarité vieillesse.

Conformément à l'article 9 du règlement, j'invite la commission des affaires sociales à présenter une candidature.

La nomination au sein de cet organisme extraparlementaire aura lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l'article 9 du règlement.

5

DÉPÔT D'UN RAPPORT DE LA COUR

DES COMPTES

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier président de la Cour des comptes le rapport sur « La vie avec un handicap ».

Acte est donné du dépôt de ce rapport.

6

ORIENTATION BUDGÉTAIRE

Débat sur une déclaration du Gouvernement

M. le président. L'ordre du jour appelle la déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat d'orientation budgétaire.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est avec un très grand plaisir que j'ouvre ce débat d'orientation budgétaire, le septième depuis 1990.

Dès l'origine, la commission des finances du Sénat, dont, monsieur le ministre, vous étiez le rapporteur général, a contribué à la mise en place de ce temps fort de notre année financière.

Ce rendez-vous, certes rituel mais ô combien nécessaire, nous permet de faire le point sur l'évolution de l'économie nationale et de débattre des orientations de la prochaine loi de finances, sur la base d'un rapport qui nous est déposé conformément à l'article 48 de la loi organique relative aux lois de finances.

Il n'y a là rien d'étrange puisque le Gouvernement exige des collectivités territoriales qu'avant leur débat budgétaire elles se livrent à un débat d'orientation. L'Etat doit bien s'appliquer à lui-même ce qu'il recommande aux collectivités locales !

Ce débat d'orientation budgétaire est le premier élément de la gamme des instruments de contrôle en amont de l'action du Gouvernement, auxquels le Sénat attache une grande importance.

Avant le vote de la loi de finances, nous aurons un nouveau débat sur les prélèvements obligatoires et leur évolution, le premier s'étant tenu en octobre dernier ; puis viendra le vote de la loi de règlement de l'exercice 2002, qui permettra d'éclairer les conditions de l'équilibre budgétaire.

Pour l'heure, je forme le souhait que nous puissions, majorité et opposition, interroger le Gouvernement sur sa stratégie économique et financière.

La parole est M. le ministre délégué.

M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur le président du Sénat, vous avez fort bien rappelé l'historique de ce débat d'orientation budgétaire, que vous aviez appelé de vos voeux, puis mis en oeuvre alors que vous présidiez la commission des finances, dont j'avais l'honneur d'être rapporteur général à vos côtés.

La tenue de ce débat, aujourd'hui, témoigne de notre volonté commune de partager la stratégie budgétaire et, naturellement, de faire vivre les dispositions de la loi organique du 1er août 2001, même si notre nouvelle « constitution financière » n'a pas rendu ce débat explicitement obligatoire. Seule la remise par le Gouvernement d'un rapport constitue une obligation juridique. Pourtant, votre commission des finances et le Gouvernement ont, conjointement, voulu ce débat d'orientation.

Ce dernier est particulièrement utile. Le budget de l'Etat se prépare, désormais, tout au long de l'année : le dialogue entre le Gouvernement et le Parlement ne peut plus se résumer à nos traditionnels rendez-vous de l'automne.

En fait, au cours de cette année, nous avons eu plusieurs débats au sein du Parlement. Nous avons eu des échanges sur le contrôle, sur la maîtrise des dépenses publiques, et ceux-ci ont préparé notre séance d'aujourd'hui.

Les souhaits que vous avez émis ont contribué aux premières orientations que le Gouvernement a retenues dans la préparation du buget pour 2004 et, plus précisément, au choix de la norme globale d'évolution des dépenses.

L'article 48 de la loi organique, qui régit le contenu du rapport du Gouvernement, lui assigne deux champs principaux : préciser les évolutions enregistrées depuis l'automne en matière économique et budgétaire et éclairer notre horizon de moyen terme en ce domaine.

Permettez-moi tout d'abord de présenter le contexte macro-économique de cette politique économique et les grandes orientations qui sont celles du Gouvernement. Je préciserai ensuite les conséquences en résultant pour le budget de l'Etat.

La situation économique de cette année est complexe. Reconnaissons-le très sincèrement.

Il y avait un obstacle majeur à la reprise : le climat de tensions internationales. Il est aujourd'hui largement levé et les conditions sont désormais remplies pour une reprise, au niveau mondial, dans la zone euro, particulièrement en France.

Dans la zone euro, en effet, les taux d'intérêt sont bas et la Banque centrale européenne a donné un signal important en ce sens. Il est vrai que la baisse du dollar ne favorise pas nos exportations, mais elle permet la désinflation, donc des gains de pouvoir d'achat et la poursuite de la baisse des taux d'intérêt. Par ailleurs, la situation financière des ménages européens est plutôt bonne en général, notamment par rapport aux Etats-Unis.

C'est encore plus vrai pour la France : les ménages ont du pouvoir d'achat. le Gouvernement y contribue d'ailleurs avec les baisses d'impôt. Il y contribue également avec le fort relèvement du SMIC - jusqu'à hauteur de 5,3 % - qui interviendra au 1er juillet. La situation des entreprises s'est améliorée ; elles ont besoin d'investissement, elles ont besoin de restocker.

Pourtant, la reprise n'est pas encore là, disons-le très lucidement. Les chiffres ne sont pas encore connus de manière précise mais, d'après ce que nous savons, le premier semestre a été décevant. La croissance risque de ne pas atteindre sur l'année le taux de 1,3 % que nous avions retenu en mars dernier et qui est rappelé dans le document que vous avez reçu, mesdames, messieurs les sénateurs. Au demeurant, une bonne surprise reste encore possible à ce stade de l'année.

Rappelons-nous, mesdames, messieurs les sénateurs, qu'en novembre et décembre dernier, le consensus des prévisions privées pour 2002 était - à un mois de la fin de l'année - de 1 %. La croissance a finalement été de 1,2 %. Il ne faut donc pas accorder aux prévisions, fût-ce aux plus sérieuses, la précision qu'elles ne peuvent pas offrir. Le Premier ministre a évoqué une fourchette de croissance de 0,8 % à 1,5 %. C'est une approche raisonnable. Comme l'a déclaré Francis Mer cette semaine, nous avons encore le temps d'envisager l'éventualité d'une croissance plus faible...

Examinons à présent plus en détail notre situation et nos perspectives budgétaires.

Ce n'est un secret pour personne, les comptes publics se sont massivement dégradés l'année dernière. Entre 2001 et 2002, le besoin de financement des administrations publiques est passé de 1,5 à 3,1 points de PIB. Comment en est-on arrivé là ?

Cette dégradation résulte du ralentissement conjoncturel, personne ne songe à le nier, mais elle procède également de facteurs structurels. Dans la période de forte croissance qu'a connue la France de 1998 à 2000, l'effort d'assainissement a été très insuffisant.

La Commission européenne souligne elle-même que l'effort d'ajustement des comptes publics entamé en 1995 a été stoppé en 1999, au profit d'une politique budgétaire expansive, alors même que nous étions en phase haute de cycle.

Le précédent gouvernement a conduit une politique de baisse d'impôt qui ne reposait sur aucun financement pérenne, c'est-à-dire sans réduction à due concurrence des dépenses publiques. C'est ainsi que les baisses discrétionnaires de prélèvements obligatoires ont été supérieures de 2,5 points de PIB à la baisse de la part des dépenses publiques dans le PIB.

Cette dérive structurelle a été masquée un temps par les plus-values fiscales exceptionnelles qu'a engendrées la bulle Internet au cours des années 1999 à 2001. Je rappelle simplement que, de 1999 à 2001, l'élasticité des recettes fiscales a été proche de 2.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. D'où la cagnotte !

M. Alain Lambert, ministre délégué. A titre d'illustration, les recettes de l'impôt sur les sociétés ont quasiment doublé entre 1996 et 2001, passant de 26 milliards à 49 milliards d'euros. Et c'est sur la base d'évolutions aussi inespérées, fondées sur des plus-values fiscales qui n'étaient évidemment pas pérennes, que des baisses d'impôt ont été décidées.

M. Raymond Courrière. A la demande du Président de la République !

M. Alain Lambert, ministre délégué. Quel usage a été fait de cette manne ?

L'application d'une politique de « bon père de famille », selon la formule qui consacre le sens élevé des responsabilités, aurait conduit à mettre à profit ces recettes pour assainir nos comptes publics. Tel n'a pas été le choix du précédent gouvernement. Il a préféré diminuer optiquement les impôts et augmenter les dépenses, qu'il avait par ailleurs sous-évaluées. L'Etat s'est alors comporté comme ces start-up de la nouvelle économie que nous avons critiquées et qui, à la même époque, ont brûlé en quelques mois la totalité de leurs fonds propres.

Nous pouvons aujourd'hui faire les comptes et clarifier les responsabilités respectives des gouvernements qui se sont succédé.

Nous assumons notre part dans le déficit pour 2002. Oui, nous avons décidé d'inscrire pour 600 millions d'euros de dépenses supplémentaires afin de restaurer l'autorité de l'Etat dans ses missions régaliennes, celles où il demeurera toujours irremplaçable, ses missions de justice, de police, de défense. Ces dépenses étaient attendues par les Français. Nous les revendiquons. Qui nous les reprochera ?

Quelle est, en regard, la responsabilité du précédent Gouvernement ?

Près de 20 milliards d'euros de dépenses pérennes nouvelles ont été engagées : au titre des 35 heures, de la création de 48 000 emplois nouveaux de l'Etat sur la durée de la législature, de 220 000 emplois-jeunes, de trois prestations nouvelles, à savoir l'allocation personnalisée d'autonomie, la couverture maladie universelle et l'aide médicale au profit des étrangers en situation irrégulière.

Je dois y ajouter les sous-budgétisations de la loi de finances initiale, mises en évidence par l'audit de MM. Nasse et Bonnet, pour plus de 7,4 milliards d'euros.

Enfin, pour être complet, je ne saurais oublier les dettes de l'Etat que vous avons dû apurer, à hauteur de 1,8 milliard d'euros.

Je rappelle, en outre, que nous avons payé trois primes de Noël en décembre dernier : celle de 2002 mais également celles de 2000 et de 2001.

Je suis, bien entendu, prêt à discuter de tous ces chiffres avec ceux qui le souhaiteraient.

La situation de nos finances publiques porte donc en 2003 le poids des déséquilibres structurels accumulés depuis trois ans. D'après les organisations internationales elles-mêmes - ce n'est pas nous qui l'inventons ! -, le solde structurel s'est dégradé de près de 1,5 point de PIB entre 1999 et 2002.

Dans une conjoncture économique aujourd'hui plus difficile, qui affecte les recettes, le Gouvernement a décidé de laisser jouer les stabilisateurs automatiques en recettes tout en maîtrisant strictement les dépenses publiques.

Le ralentissement de la conjoncture entraîne une dégradation des recettes de l'Etat que nous estimons, à ce stade, à 5,1 milliards d'euros.

Le principal facteur de révision concerne l'impôt sur les sociétés. Je dois souligner que cette mauvaise nouvelle n'a pas de lien direct avec le ralentissement conjoncturel persistant en 2003. Nous anticipons, s'agissant de l'impôt sur les sociétés, un écart d'au moins 3,1 milliards d'euros par rapport à la loi de finances initiale. Cette prévision dégradée s'explique par la diminution du bénéfice fiscal en 2002, qui pèsera doublement sur les recettes de 2003 par jeu du mécanisme d'acompte et de solde. Les acomptes étaient en effet restés relativement élevés en 2002. La chute du bénéfice fiscal 2002 devrait donc se traduire par des soldes 2003 faibles et par des acomptes diminués à compter du mois du juin. Tous ceux qui savent comment s'acquitte l'impôt sur les sociétés partageront sans doute cette analyse.

Le rapport présenté par le Gouvernement décrit l'ensemble des facteurs de correction identifiables aujourd'hui, impôt par impôt. C'est la première fois qu'une information aussi détaillée est fournie au Parlement. Nous avons ainsi tenu l'engagement pris devant vous à l'occasion de la présentation du projet de loi de finances pour 2003.

Les dépenses publiques en 2003 seront maîtrisées, et cela dans la plus complète transparence. Les dépenses de l'Etat ne devront pas dépasser le niveau autorisé par le Parlement : il est, je vous le rappelle, de 273,8 milliards d'euros. A cette fin, le Gouvernement a déployé de manière précoce un dispositif de mise en réserve, touchant à la fois des crédits de la loi de finances pour 2003, à hauteur de 4 milliards d'euros, et les crédits reportés des gestions précédentes, pour 6,6 milliards d'euros. Conformément aux dispositions de la nouvelle « constitution financière », le Gouvernement a informé, étape par étape, le Parlement, par le truchement des commissions des finances.

Le déficit des administrations publiques pour 2003 pourrait finalement s'inscrire, compte tenu des moindres recettes que je viens d'évoquer, dans une fourchette allant de 3,5 % à 3,6 % du PIB.

Quelles sont les perspectives pour 2004-2006 ?

L'objectif central du Gouvernement est de reconstituer des marges de manoeuvre fiscales et budgétaires, de manière à pouvoir mener une autre politique que celle du service de la dette. Car le financement de la dette pourrait rapidement devenir notre première et navrante priorité si nos finances publiques n'étaient pas assainies.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Tout à fait !

M. Alain Lambert, ministre délégué. Au regard du traité de Maastricht, la France se trouve aujourd'hui en situation de « déficit public excessif » : l'Europe nous invite à redescendre en dessous du seuil de 3 % dès 2004. Les règles européennes, que l'on peut évidemment discuter, ne font, en fin de compte, qu'affirmer des principes de bon sens : il n'est pas possible d'accumuler sans fin des déficits publics, sauf à accroître le fardeau d'une dette dont nous devrions assumer les intérêts et que nous finirions par léguer à nos enfants.

Le pacte de stabilité est nécessaire à tous : il constitue - selon la formule que le président Arthuis aime à utiliser - le « règlement de copropriété de la monnaie unique européenne ». A terme, si les déficits se pérennisaient en Europe, la stabilité de l'euro serait menacée. Les taux d'intérêt augmenteraient de manière néfaste pour la croissance européenne.

Face à la situation difficile qui est la sienne, la France doit s'engager dans une véritable consolidation budgétaire.

Que nous enseignent, à cet égard, les comparaisons internationales ? Je considère, pour ma part, qu'elles sont plutôt réconfortantes pour nous et porteuses d'espoirs. Elles montrent qu'il n'y a pas de fatalité en matière budgétaire. Les exemples du Canada, de la Suède, dont les gouvernements ne sont pas comparables, des Pays-Bas - même si ce pays n'est pas, actuellement, en bonne santé économique - attestent qu'il est toujours possible pour un pays, s'il en a la volonté, d'assainir en profondeur ses comptes publics, en dépit d'une situation initiale très dégradée. Notre déficit prévisionnel pour 2003 représente environ 3,5 % du PIB, mais le Canada a résorbé en moins de quatre ans un déficit équivalant à plus de 6 points de PIB et il achève cette année son sixième exercice excédentaire d'affilée. Cet assainissement, il ne l'a pas réalisé en augmentant les impôts, mais tout simplement en maîtrisant et en réduisant sa dépense publique.

Les comparaisons internationales nous montrent clairement que le facteur clef de ces consolidations budgétaires réussies et pérennes réside dans la détermination à réduire significativement le poids de la dépense publique dans le PIB.

Le cadrage du budget pour 2004 témoigne de cette ambition. Les dépenses de l'Etat seront globalement stabilisées en volume tandis que les dépenses hors dette et fonction publique seront stabilisées en valeur. Et nous souhaitons poursuivre cette stratégie de maîtrise des dépenses de l'Etat jusqu'à 2006 afin d'assainir profondément nos comptes publics et de dégager les marges de manoeuvre nécessaires pour réaliser les baisses d'impôts et de charges qui sont indispensables à notre pays.

Naturellement, il ne faut pas sous-estimer l'effort qu'une telle politique représente. Mais, encore une fois, ces mesures ont été appliquées ailleurs et elles ont réussi.

Dans un scénario de stabilisation sur trois ans des dépenses de l'Etat en volume, les crédits progresseraient au même rythme que les prix, soit une augmentation globale de 12,5 milliards d'euros sur trois ans. Cependant, sur ce total, la progression mécanique des dépenses de pensions et du service de la dette ainsi que la hausse prévisible de la masse salariale « préempteraient » 12,2 milliards d'euros. Afin de pouvoir assurer le financement des dépenses concernant l'autorité de l'Etat et dont je parlais tout à l'heure, les autres dépenses de l'Etat devront être réduites de près de 2 milliards d'euros.

Cette politique d'assainissement suppose que l'Etat puisse se doter d'outils de redéploiement des crédits. C'est la raison pour laquelle j'ai proposé cette année au Premier ministre de rénover en profondeur la procédure budgétaire. La préparation du budget s'inscrit désormais dans une démarche beaucoup plus structurante que celle que nous connaissions.

Le Gouvernement a instauré des conférences de réformes structurelles, qui permettent d'identifier, très en amont dans le processus d'élaboration du projet de loi de finances, les sources d'économies possible et les voies de réforme. Les réformes ayant été examinées à cette occasion trouveront leur première traduction dans le projet de loi des finances pour 2004. Elles permettront notamment le non-renouvellement d'une partie des départs à la retraite des fonctionnaires, tout en améliorant la qualité du service public rendu aux usagers.

S'agissant de la réduction des impôts et des charges, notre cap est clair, mesdames, messieurs les sénateurs, et je sais que c'est celui de votre majorité : il est d'alléger le fardeau des prélèvements qui pèsent sur les Français et bride les énergies. En 2004, les charges sur les bas salaires seront allégées pour faciliter la convergence des SMIC. En outre, des mesures ont déjà été votées ou sont en passe de l'être pour développer l'initiative économique, promouvoir le mécénat, aider l'outre-mer, soutenir l'investissement locatif et le développement territorial à travers les zones franches urbaines.

Toutes ces mesures, dont le coût sera traduit dans le projet de loi des finances pour 2004, attestent la volonté du Gouvernement de soutenir les acteurs économiques par des aides précises, efficaces et ciblées. Nous pouvons donc déjà affirmer que l'effort en matière d'allégement des prélèvements obligatoires sera substantiel en 2004.

Par conséquent, nous conservons notre cap de réduction des impôts et des charges. L'effort sera, bien sûr, déterminé par la vigueur de la conjoncture et notre réussite dans la maîtrise de la dépense. La baisse des impôts devra demeurer compatible avec une résorption rapide de nos déficits publics. La politique du Gouvernement se veut, à cet égard, réaliste et responsable.

Au total, mesdames, messieurs les sénateurs, l'action du Gouvernement s'inscrit dans une conjoncture aujourd'hui maussade. Elle se résume en quelques principes simples : maîtriser la dépense, de façon à dégager des marges de manoeuvre ; ne pas accroître les prélèvements et, au contraire, continuer à les réduire, au service de l'emploi et d'une croissance plus soutenue ; réformer et moderniser la France dans la durée.

Il faut en effet réformer les retraites pour sauver notre système par répartition, le rendre plus juste en donnant plus de liberté à chacun ; moderniser l'Etat pour qu'il rende un service plus efficace, plus proche des citoyens grâce à la décentralisation, tout en prélevant moins sur la richesse nationale ; réformer aussi, pour le sauver, un système de santé auquel nous sommes attachés mais qui peut et doit être plus performant, sans que son coût échappe à tout contrôle.

En conclusion, mesdames, messieurs les sénateurs, je dirai que les Français percevront nécessairement les fruits de cette politique, que nous pouvons qualifier de politique de courage. C'est en tout cas le seul moyen d'offrir à notre pays une économie forte, une croissance solide garantissant à tous les Français un emploi et nous permettant de gagner puis de conserver la meilleure place possible dans le monde. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat d'orientation budgétaire qui se tient aujourd'hui est un rendez-vous stratégique. C'est dire si nous vous remercions, monsieur le ministre, d'avoir veillé à ce qu'il puisse être inscrit à l'ordre du jour de notre assemblée avant la fin de la session ordinaire, alors même que le calendrier parlementaire était quelque peu perturbé par les discussions en cours à l'Assemblée nationale sur la réforme du financement des retraites.

C'est le premier débat d'orientation budgétaire qui se tient depuis l'arrivée au pouvoir du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin. Il nous revient donc de définir ce que doit être le cap, ce que doivent être les grandes orientations de la législature en matière de finances publiques.

En effet, si tout n'est pas possible immédiatement et si beaucoup de ce qui se fera dépend de l'état effectif de la conjoncture dans les semaines ou les mois à venir, il importe que nous définissions et classions par ordre de priorité et d'urgence nos propres préconisations.

En tout état de cause, le « principe de précaution » nous conduit à nous préparer à pouvoir faire face à une croissance modeste. J'observe en effet que, depuis bientôt trois ans, la croissance est à un niveau particulièrement faible et qu'il n'est pas sûr qu'elle puisse se redresser à court terme.

En vous renvoyant pour l'essentiel au rapport de Philippe Marini, fort judicieusement intitulé « La quadrature du cercle », je voudrais pour ma part tenter de répondre à deux questions : tout d'abord, quels sont les éléments les plus saillants de notre situation budgétaire au sens strict et, plus généralement, de nos finances publiques ? Ensuite, quelles doivent être nos grandes orientations, tant sur le fond que sur la forme ?

L'un des éléments les plus saillants de notre politique budgétaire - je crois pouvoir le dire, et vous l'avez confirmé, monsieur le ministre - est le caractère préoccupant de notre situation, qui est, en effet, conditionnée par le faible niveau de croissance, estimée jusqu'à maintenant à 1,3 % par le Gouvernement pour 2003. Mais beaucoup en doutent, certains allant même jusqu'à évoquer la perspective d'une situation de déflation.

Cela a pour effet de dégrader le déficit budgétaire, qui risque de franchir en 2003 le seuil symbolique des 50 milliards d'euros. Cela signifie concrètement que, chaque jour, 137 millions d'euros de dépenses ne sont pas financées ou que, avec un déficit représentant 17 % de son budget, l'Etat vit à crédit pendant deux mois de l'année, ce qu'aucun particulier, aucune entreprise ni aucune collectivité locale ne pourrait faire.

Pis encore, ce déficit est mal utilisé, car il sert à financer pour un peu plus de 22 milliards d'euros des dépenses courantes, et pour seulement 27 milliards d'euros, soit un montant à peine supérieur, des dépenses d'investissement. Le résultat de cette dérive est que nous léguons à chaque Français à sa naissance un poids de dette de plus de 15 000 euros, soit 50 % de plus que ce que supporte un jeune Espagnol ou un jeune Britannique. Il est donc de notre responsabilité politique et de notre devoir moral de nous préparer à y mettre fin.

Mais l'Etat n'est pas seul à emprunter pour financer des dépenses courantes. La sécurité sociale risque, elle aussi, de devoir emprunter au moins 8 milliards d'euros d'ici à la fin de l'année.

Quel remède y apporter ? Comment « faire entrer l'édredon dans la valise », pour reprendre une expression chère au ministre délégué au budget ? (M. le ministre délégué sourit.)

Il n'y a qu'une solution, renouer avec la croissance, certes, mais aussi - et dès maintenant - maîtriser la dépense, ce à quoi le Gouvernement s'est déjà engagé en réfléchissant sans tabou ni faux-semblant à la question du format de l'Etat et à celle des effectifs des fonctionnaires.

En ce domaine comme dans d'autres, n'hésitons pas à nous comparer, à observer ce qui se passe ailleurs, à comprendre ceux qui ont mené à bien leurs réformes structurelles, allégeant de manière très significative le poids de leur dépense publique.

Ainsi, deux pays aussi différents que le Canada et la Suède en ont eu la volonté dans les années quatre-vingt-dix et ont su redimensionner le champ des interventions publiques sans nuire, bien au contraire, à la qualité du service public, c'est-à-dire du service rendu au public. Il s'est alors agi, notamment, de décentraliser la gestion des écoles aux communes suédoises, de privatiser certains services hospitaliers pour les rendre plus efficaces, ou de réexaminer tous les programmes budgétaires canadiens en se posant ces quelques questions simples : cela sert-il l'intérêt public, est-il légitime et nécessaire de le confier au seul gouvernement ou d'y associer le secteur privé et le secteur bénévole, et le secteur public en a-t-il véritablement les moyens ?

A cet égard, la loi organique sur les lois de finances nous conduit à nous engager dans cette démarche et à nous poser les mêmes questions.

En un mot, il s'est agi de se fixer un horizon clair, d'avoir le courage de la réforme, d'avoir la conviction et la capacité à l'expliquer et non de s'en remettre à la seule providence pour régler les difficultés.

A nous de faire preuve d'audace et d'imagination, loin des faux-semblants et vaines promesses, et donc de définir nos propres priorités. Cessons de nous raconter de jolies histoires ; pratiquons le langage de la vérité ; n'attendons pas la délocalisation de nos activités productives et de nos emplois ; ne laissons pas nos précieux atouts s'altérer. Ce qui est en jeu, c'est la préservation de la qualité de nos services publics et de notre propre cohésion sociale.

Quels sont les grands chantiers de la législature ?

A ces grands chantiers, à ces grandes ambitions, le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin s'est déjà attelé avec courage et détermination. Il a ouvert le chantier de la réforme des retraites, chantier trop souvent retardé par le précédent gouvernement, qui avait pourtant du temps pour le faire et, surtout, des moyens financiers issus d'une conjoncture alors favorable.

Le Parlement examinera bientôt, à l'automne, le chantier de l'assurance maladie - ce dont je me félicite -, et nous devrons faire preuve de réalisme, là encore, et de courage.

A cet égard - et nous aurons l'occasion d'en reparler en octobre prochain au moment du débat sur l'évolution des prélèvements obligatoires, autre rendez-vous que vous honorez, monsieur le ministre -, j'estime qu'une réflexion sur la fiscalité, sur la prise en compte de la mondialisation ne doit pas exclure le recours à ce qu'on pourrait appeler une « TVA sociale ».

Et, puisque j'évoque la TVA, permettez-moi une fois encore, monsieur le ministre, d'insister sur la nécessité de parvenir à glisser, entre le taux normal de 19,6 % et le taux réduit de 5,5 %, un taux intermédiaire autour de 12 % à 14 %.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. S'agissant de ces grands chantiers, il nous faut, au plan de la méthode, conforter un « contrat de législature », c'est-à-dire déterminer celles des réformes structurelles que nous jugeons essentielles afin de rompre avec la gestion « au fil de l'eau » du précédent gouvernement et de mettre en place une stratégie cohérente pour les finances publiques telle que la commission des finances l'a toujours définie et telle que le rapporteur général va la détailler dans quelques instants.

Il s'agit de diminuer durablement les prélèvements obligatoires lorsque nous en aurons les moyens, notamment les charges sociales - et pas seulement pour les bas salaires, sinon nous créerons des « trappes à bas salaires » - et de préparer l'avenir en matière de dépenses en inversant la tendance passée au « toujours plus ».

Pour ma part, je souhaiterais, aujourd'hui, évoquer trois exigences qui me paraissent essentielles et sur lesquelles la commission des finances entend plus particulièrement continuer à travailler.

La première exigence consiste à réformer l'Etat. Pour ce faire, nous disposons désormais d'un outil puissant et adapté, à savoir la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances. Nous avons tous assumé notre part de paternité en faisant alors oeuvre commune par-delà les clivages politiques, et il appartient aujourd'hui à l'un de ses « pères spirituels », Alain Lambert, de la mettre en oeuvre avec la ténacité et le courage qui le caractérisent.

M. Xavier de Villepin. Très bien !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Dans ce combat contre les zones d'ombre et les inerties, les habitudes et les corporatismes de tous horizons, vous pouvez compter, monsieur le ministre, vous le savez, sur le soutien du Parlement, qui ne pourra qu'être gagnant au terme de cette « révolution copernicienne budgétaire ». Nous vous aiderons à mettre de la lumière dans chaque pièce de la maison publique.

D'ores et déjà, nous avons fait vaciller les colonnes du temple des certitudes budgétaires passées. C'est ainsi que, à l'automne dernier, le Sénat a démontré avec courage, en examinant chaque budget euro par euro, que des économies étaient possibles, même si l'exercice - chacun s'en souvient - était difficile. Nous avons fait preuve d'esprit de responsabilité, même si le jugement des chiffres est parfois cruel : les 30 millions d'euros que nous avons économisé ne représentent que 0,06 % du déficit annuel : en dix jours de débats, nous avons économisé l'équivalent de cinq heures de déficit d'une année. (Sourires.) Nous devrons donc remettre l'ouvrage sur le métier.

M. Paul Loridant. La productivité n'est pas très élevée !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Pour cela, nous avons mis en place une série d'auditions des ministres dépensiers, auxquelles les présidents et les rapporteurs pour avis des commissions compétentes ont été conviés. Elles se sont révelées très instructives !

Nous avons également procédé à un vaste tour d'horizon de l'état d'avancement de la mise en place, ministère par ministère, de la loi organique relative aux lois de finances, dont je présenterai dans les jours à venir une première synthèse.

Dans cet esprit et en liaison étroite avec l'ensemble des autres commissions permanentes du Sénat, dont je salue ici les présidents, nous unirons nos efforts pour proposer une lecture commune du prochain texte budgétaire en insistant sur les thématiques qui nous sont chères et qui nous rassemblent. Je pense notamment à la question des effectifs ou à celle de la recherche publique, de son utilité, de son poids et de sa meilleure articulation avec la recherche financée sur fonds privés.

Monsieur le ministre, je pense qu'il y a là matière à faire émerger d'emblée une mission interministérielle, aux programmes spécifiques, qui devrait avoir valeur d'exemple.

Décentraliser, c'est la deuxième exigence et le deuxième chantier essentiel pour notre Haute Assemblée.

Il importe en effet de faire vivre l'acte II de la décentralisation et de traduire concrètement les principes contenus dans la loi constitutionnelle du 28 mars 2003. Il s'agit, pour les collectivités locales, de disposer de ressources autonomes, c'est-à-dire de recettes fiscales « pleines et entières », dont celles-ci doivent pouvoir fixer elles-mêmes les taux.

Il s'agit également de veiller à ce que les collectivités locales ne soient pas confinées à faire de la « sous-traitance pour le compte de l'Etat », à l'image de ce qui avait été mis en place sous la précédente législature avec l'allocation personnalisée d'autonomie. Il faut pour cela transférer aux collectivités locales les compétences...

Mme Marie-Claude Beaudeau. Et l'argent !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. ... et les moyens pour les exercer, et non créer un degré supplémentaire de contrainte. C'est ainsi que nous mettrons pleinement en oeuvre sur le plan local cette éthique de la responsabilité qui nous permettra, enfin, de réformer les modes d'action et d'intervention de la puissance publique.

Enfin, troisième exigence, il faut avoir une vision et un engagement européens.

Oui, toutes ces réformes ne peuvent être conçues que dans un cadre européen. En 2000, M. le rapporteur général avait intitulé son rapport préparatoire au débat d'orientation budgétaire - vous vous en souvenez, monsieur le ministre - « Comment être crédible en Europe ? ». Cette interrogation fondamentale n'a pas changé et se pose aujourd'hui en ces termes : comment l'Europe économique et monétaire peut-elle être crédible ?

Il lui faut pour cela un gouvernement économique et, à ce titre, je le regrette - oui, je le regrette beaucoup - que la Convention pour la réforme des institutions n'y soit pas parvenue. Cruel paradoxe au moment même où les soubresauts de la conjoncture, la difficulté à contenir la dépense publique dans un contexte d'effritement des recettes fiscales et non fiscales ont pour effet de creuser nos déficits publics. La tentation est en effet forte de voir dans les règles posées par le pacte de stabilité et de croissance, et donc dans l'euro, la cause de tous nos maux et la source de toutes nos difficultés. Or rien n'est moins vrai. L'euro, bien au contraire, est un bouclier destiné à nous préserver des chocs extrêmes.

Lorsque le gouvernement français a mené le combat pour la monnaie unique, il s'est agi, mes chers collègues, de mettre le marché européen à l'abri de ces dévaluations compétitives qui minaient la croissance et détruisaient les emplois. Pour lancer l'euro, il a donc fallu concevoir, vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, un règlement de copropriété de notre nouvelle monnaie : le pacte de stabilité et de croissance. A l'époque, nous avions conçu un dispositif transitoire - je dis bien transitoire - dans l'attente d'un gouvernement européen.

Au surplus, nous étions dans la logique économique des cinquante dernières années, marquées par des cycles de croissance soutenue, rythmées par les pressions inflationnistes.

Ce que nous n'avions pas prévu, c'est que la mondialisation et la globalisation entraîneraient des changements structurels considérables dont nous ne mesurons pas encore toutes les conséquences. Ainsi, notre principal danger n'est plus aujourd'hui celui de la surchauffe inflationniste, mais celui de voir nos économies, celles de l'Allemagne et de la France, qui représentent la moitié de la richesse de l'Europe des Quinze, entrer en stagnation.

C'est dire si nous attendions de la Convention qu'elle dote l'Union européenne des institutions démocratiques et du gouvernement économique qui lui font dramatiquement défaut.

J'espère que l'Allemagne et la France n'entrent pas dans un processus identique à celui que connaît depuis maintenant dix ans le Japon ! C'est en tout cas de l'Europe que nous attendons désormais des actions de stabilisation. Il est urgent, à l'échelon européen, de mettre en synergie la politique monétaire et la politique budgétaire, et de veiller, dans l'immédiat, à améliorer la coordination entre les pays.

Notre monnaie unique est gérée par une Banque centrale européenne, mais nous ne disposons pas d'un gouvernement économique. L'Europe n'est donc pas en situation de parvenir à ce que l'on appelle le policy mix, soit le bon dosage des politiques budgétaire et monétaire. A cet égard, nul ne peut dire que la gestion monétaire est marquée d'une audace toute particulière !

Mes chers collègues, aujourd'hui, ce qui nous manque, c'est la croissance, ainsi que la capacité de nos économies à prendre des risques pour lutter efficacement contre des pays émergents toujours plus compétitifs.

Si la croissance nous manque, nous devons valoriser le travail, l'esprit d'entreprise, et nous demander si la réduction du temps de travail est un activateur de croissance.

Pour faire de la croissance, il faut travailler plus et, pour travailler plus, il faut être motivé, libéré de lois et de règles qui sont devenues des entraves et des freins. Il faut être intéressé et comprendre qu'au-delà de l'épreuve immédiate se dessine un horizon prometteur, un sort meilleur. Il nous faut cesser de jouer les prolongations sur des partitions archaïques. Saurons-nous être lucides et nous débarrasser de nos entraves législatives et réglementaires ?

En ce domaine comme dans d'autres, pour tracer la voie, il nous faut une volonté. Elle ne peut qu'être européenne et politique, et elle doit s'appuyer sur une politique budgétaire nationale assainie, ambitieuse et courageuse.

Pour la mener au service de l'intérêt de notre pays, nous serons toujours à vos côtés, monsieur le ministre. Nous ferons le pari de l'intelligence des Français et nous proclamerons notre confiance et notre optimisme. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes pris dans un réseau de contradictions telles que je n'ai pas hésité à intituler le rapport de la commission des finances : « La quadrature du cercle ? », étant entendu que nous nous efforçons de répondre à cette question en expliquant comment en sortir.

Si l'on s'en tient au simple constat, nous constatons que la conjoncture est dégradée : nous ne sortons pas de la dépression et nous ne savons pas quand va intervenir le point de retournement.

Les recettes fiscales sont fragiles, leur élasticité est faible et nous sommes déçus par les résultats figurant dans les situations périodiques.

La norme de progression des dépenses est difficile à tenir, tant sont multiples les besoins et les convoitises dans les différents secteurs de l'action de l'Etat.

Les dépenses de sécurité sociale sont encore plus dynamiques et, en 2003, de façon très préoccupante, le déficit des organismes sociaux va s'ajouter à celui de l'Etat.

Le creusement des déficits alimente la dette et réduit nos marges de manoeuvre.

De plus, nous travaillons dans le cadre défini - j'allais dire « autrefois » - par l'Union européenne du temps de Maastricht et d'Amsterdam, c'est-à-dire, mes chers collègues, dans un autre temps économique.

Dans ces conditions, comment maîtriser les dépenses publiques sans ajouter à la dégradation de la conjoncture ? Comment ne pas se placer « au ban de l'Europe » tout en faisant des choix budgétaires compatibles avec la nécessité - que nous sentons - de ranimer dans ce pays les germes de croissance qui peuvent encore y exister ? Comment maîtriser les déficits des comptes sociaux, tout en répondant aux besoins légitimes d'une population qui vieillit ? Voilà les questions fondamentales auxquelles nous sommes confrontés !

Pour tâcher de vous faire partager les convictions de la commission des finances, je voudrais aborder successivement la conjoncture économique, la question très préoccupante du cadre communautaire de notre action, puis les pistes qui, à notre sens, permettraient de rompre cette quadrature du cercle budgétaire.

Beaucoup a été dit sur les prévisions de croissance.

Les prévisions de croissance sont matière contingente et volatile : nous ne faisons que confronter nos analyses. Mais force est de constater, monsieur le ministre délégué, que les révisions successives des prévisions de croissance, dont on ne peut évidemment pas vous faire grief, contribuent à un creusement particulièrement préoccupant de nos finances publiques.

Il est vrai que le rythme d'évolution de l'économie en France, et encore davantage en Allemagne, est, pour beaucoup d'entre nous, un sujet d'étonnement. Un tel ralentissement, déjà si durable, est une circonstance assez exceptionnelle dans l'histoire économique de nos pays.

Rappelons que, depuis le point haut du cycle, qui a été atteint au cours de l'année 2000 avec un taux de croissance annuel de 4,2 %, chaque année, le rythme de croissance de l'économie française s'est dégradé. Certes, depuis l'année 2000 et au cours de la période la plus récente, est apparu un nouveau risque ou, plus exactement, un risque décrit dans les ouvrages d'économie politique que nous avons étudiés dans les facultés, mais qui apparaissait tellement lointain, tellement décalé, tellement irréel que nous ne nous sentions plus concernés par lui : je veux parler de la déflation.

Une étude récente du Fonds monétaire international citée figurant dans notre rapport situe les principaux pays du monde sur un tableau de la déflation. Quels sont les pays qui se rapprochent de la description économique des critères de la situation de déflation ?

Nous savons que, pendant quelques années, la pauvre Argentine a connu sans contestation possible cette situation.

Nous savons que, aujourd'hui, trois pays, dont un très important - le Japon -, sont dans une situation que l'on peut qualifier de déflationniste.

Nous savons aussi, ce qui est plus inquiétant, que notre principal partenaire économique et politique, l'Allemagne fédérale, est aujourd'hui dans une situation proche de la déflation.

Quels sont les trois critères qui peuvent s'appliquer à la situation allemande ?

En premier lieu, il y a la parité de la monnaie. Naturellement, on s'interroge sur le bien-fondé du taux de conversion du mark en euro voilà quelques années et nos amis Allemands s'interrogent aujourd'hui sur ce qui, pourtant, à l'époque, leur était apparu presque comme une évidence.

En deuxième lieu, il y a la politique monétaire, qui manque totalement de souplesse, une politique monétaire qui, on ne saurait lui en faire reproche, est conduite dans l'intérêt global de la zone euro et non pas dans l'intérêt de tel ou tel territoire particulier, fut-il celui de l'Allemagne fédérale.

En troisième lieu, sujet particulier de surprise pour beaucoup d'analystes, le système bancaire allemand fait preuve d'une grande fragilité. Il est à certains égards mis en cause dans ses structures et ses fondements et il doit s'adapter de façon particulièrement douloureuse.

Ces trois constatations peuvent faire penser à une situation proche de la description en théorie économique de la déflation.

Or, mes chers collègues, chacun le sait, les problèmes des Allemands sont nos problèmes, de même qu'à un moindre titre nos problèmes sont les leurs. Sans doute avez-vous observé que, le 8 mai dernier, la Banque centrale européenne, en modifiant l'expression de sa stratégie, a, pour la première fois, ajouté la prévention des risques de déflation.

Dès lors, interrogeons-nous un peu plus à fond, comme l'a fait le président Arthuis il y a quelques instants, sur le cadre institutionnel de l'Europe et sur la façon dont il peut servir l'emploi, l'investissement et la croissance dans notre économie.

Il est clair, mes chers collègues, que nous ne disposons pas, aujourd'hui, des instruments de coordination qui nous permettraient de réagir correctement et avec vivacité aux aléas de la conjoncture.

La politique monétaire, je l'ai évoqué, est rigide et globale.

La politique budgétaire est définie par des indicateurs qu'il nous faut en principe respecter. Rien n'impose aux Etats de la zone euro de faire converger leurs structures de prix de revient du travail au sein de leur économie, leurs systèmes fiscaux et leurs prélèvements obligatoires.

Les ajustements des différents territoires se font par l'intermédiaire des facteurs réels de l'économie, c'est-à-dire par les décisions d'investissement et par la variation du niveau de l'emploi, autrement dit du chômage, au sein des différents pays.

L'euro est certes, à présent, notre patrimoine, mais il faut être conscient du rôle qu'il joue : de protecteur, il ne doit pas devenir anesthésiant.

Il joue un rôle protecteur, certes, des situations de crise et des dévaluations dramatiques avec les programmes d'accompagnement qui en découlaient, mais il joue aussi un rôle anesthésiant, peut-être, si, derrière cette protection, nous ne savons pas, ni en France ni en Allemagne, nous organiser pour prendre à bras-le-corps les problèmes de structure de nos économies.

La nécessité de ces réformes structurelles est une évidence qui s'impose à chacun de nos deux pays. Faut-il rappeler que les deux Etats, qui représentent à peu près 50 % du produit intérieur brut de la zone euro, sont les deux seuls, au sein de la zone euro, dans lesquels le déficit est supérieur à 3 % du produit intérieur brut, les deux seuls dont le ratio de la dette sur le produit intérieur brut a augmenté entre 1996 et 2002.

Ces données concrètes doivent nous conduire à nous interroger sur les méthodes de gouvernance de la zone euro.

Comme M. le président Arthuis, je regrette profondément qu'à l'issue des travaux, par ailleurs sans doute féconds, de la Convention et à peu de temps de la nouvelle conférence intergouvernementale sur les institutions européennes, la question de la gouvernance économique de la zone euro ait été, hélas ! complètement éludée.

M. Xavier de Villepin. C'est vrai !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Je regrette que, ne pouvant choisir entre l'approfondissement et l'élargissement, l'Union passe à côté de ce redoutable problème, de ce problème qui s'impose : la gouvernance économique.

Malgré le caractère provisoire du « règlement de copropriété », ces règles ont déjà évolué dans la pratique. L'an dernier, lorsque je hasardais un pronostic, lorsque je disais que le retour à l'équilibre théoriquement imposé pour 2004 était strictement impossible à cette échéance, je suscitais parfois quelques réactions. Aujourd'hui, monsieur le ministre - je parle sous votre contrôle - je ne crois pas qu'au sein des pays de la zone euro des voix autorisées contestent l'objectif de 2007 pour la remise à l'équilibre de nos comptes publics.

Par ailleurs, nous voyons que l'appréciation en termes de déficits structurels s'est imposée. C'est une preuve de réalisme de la part de la Commission européenne. Mais cela ne saurait suffire et il est clair que l'Europe de la monnaie, l'Europe de la zone euro, ne peut longtemps continuer à vivre avec des règles que les deux plus importantes économies de cette zone n'arrivent pas à respecter. C'est une simple question de bon sens.

L'euro, sans une gouvernance économique commune, a pour effet - n'ayons pas peur de le dire - de renforcer les handicaps de certaines économies par rapport aux autres et, dans la durée, de fausser encore davantage les conditions de la concurrence.

Pour demain, il faut souhaiter que cette gouvernance commune permette d'assumer ensemble une fiscalité en convergence avant d'être une fiscalité commune (M. Paul Loridant s'exclame) et que le dialogue en matière de politique économique soit institutionnalisé pour faire évoluer le policy mix en fonction de la situation du monde et de notre situation propre.

Dans le cadre si complexe que nous impose la conjoncture et du fait du caractère ambigu et incomplet de la construction européenne, quelle stratégie devons-nous adopter pour les finances publiques ?

Le cap du Gouvernement est le bon, monsieur le ministre.

Je rappelle les principes sur lesquels il repose : réduction des prélèvements obligatoires ; réduction de la part des dépenses publiques dans le produit intérieur brut ; réduction du déficit pour ne pas aggraver la dette. Il est clair que ces principes, appliqués sur la durée de la législature, sont les bons.

Etudions tout d'abord les chiffres des recettes, puis ceux des dépenses, et, enfin, ceux qui concernent le solde et son financement.

Nous avons eu une surprise, monsieur le ministre, avec les données de 2002. Cette surprise, qui n'est que la traduction de la basse conjoncture économique, porte sur le taux des prélèvements obligatoires.

Le taux des prélèvements obligatoires, 43,9 % du produit intérieur brut, correspond, à peu de chose près, à l'objectif que vous vous étiez fixé, si je ne me trompe, pour l'année 2006. Cet objectif aurait été atteint dès 2002 pour des raisons liées au faible rendement de la fiscalité et des cotisations sociales. Nous assistons donc à l'inversion du phénomène qui, en 1999-2000, avait permis de parler de la « cagnotte » et de son mauvais usage d'après la commission des finances du Sénat.

M. Alain Lambert, ministre délégué. Le théorème !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Absolument ! C'était le théorème de l'époque : les impôts baissent, mais les prélèvements augmentent. Ce n'était que la constatation d'une forte élasticité des recettes par rapport à la croissance de cette époque.

Nous savons bien que, aujourd'hui, mener une politique des ressources publiques est chose difficile. Même si le cap de la baisse doît être préservé pour l'année 2004, il faudra faire preuve de réalisme à partir des réalisations effectives de l'année 2003 en choisissant les signaux ciblés que la conjoncture nous permettra d'évaluer, de manière qu'ils soient efficaces en termes psychologiques, qu'ils n'aggravent pas les difficultés de nos finances publiques et ne détériorent pas de manière trop prononcée un solde déjà très préoccupant.

Monsieur le ministre, la clef de la stratégie budgétaire demeure la maîtrise des dépenses publiques. Avec environ 55 % du produit intérieur brut, notre pays affiche les dépenses publiques les plus élevées d'Europe. Il nous faudra donc agir avec constance pour réduire sur la durée cette exception française. Mais soyons conscients de la difficulté de l'exercice et du fait que les deux tiers du budget de l'Etat sont représentés par les salaires, la dette et les pensions.

Que peut-on faire ? Il reste deux solutions.

La première consiste, en même temps et successivement, à jouer sur le tiers restant. Mais, monsieur le ministre, même s'il faut être attentif à la gestion de chaque euro dépensé dans chaque ministère, il ne servirait à rien de ne pas réduire les effectifs de ministères qui n'auraient plus suffisamment de crédits à utiliser.

La deuxième solution - assurément la plus vertueuse - consiste à procéder à des réformes structurelles, qui ont déjà été évoquées. Cette solution repose à mon sens sur trois axes.

Le premier axe consiste à profiter des flux de départ à la retraite des fonctionnaires publics - ils seront 58 000 en 2004 - en se fixant l'objectif d'un remplacement sur deux en moyenne. Ainsi, on allège l'Etat et l'on contribue à créer les marges de manoeuvre de demain.

Le deuxième axe est la réforme de l'administration conformément aux objectifs de la nouvelle loi organique. Cette réforme permettra, avec la décentralisation, de responsabiliser davantage les acteurs et d'améliorer le rapport qualité - prix des services rendus.

Le troisième axe vise à concentrer les moyens sur les priorités que sont la défense, la justice et la sécurité, domaines qui sont au coeur des compétences régaliennes de l'Etat, et à préserver un niveau suffisant de dépenses d'investissement car, dans la conjoncture déprimée qui est actuellement la nôtre, ce n'est vraiment pas le moment de réduire les flux qui ont le plus de pertinence en termes d'emploi et de développement des entreprises.

A ce propos, monsieur le ministre, la commission des finances considère que l'initiative annoncée par la prochaine présidence italienne de l'Union européenne est une initiative intéressante qui doit être abordée dans un esprit positif pour valoriser les besoins d'infrastructures transeuropéennes et pour trouver ensemble des solutions communautaires afin de financer ces infrastructures.

Je terminerai par quelques mots sur le déficit, mes chers collègues.

Il va très probablement atteindre, à la fin de cette année 2003, une cinquantaine de milliards d'euros, c'est-à-dire le chiffre le plus élevé depuis 1995. Cela se traduira par une dette en expansion considérable : près de 120 milliards d'euros devront être levés sur les marchés en 2003, dont 58 % pour rembourser des emprunts antérieurs venus à échéance, environ 19 % pour financer les dépenses de fonctionnement et près de 25 %, soit le quart, pour financer les investissements, étant observé que l'annuité 2003 des investissements a été élevée par rapport à la pratique des années précédentes, ce qu'il faut incontestablement inscrire au crédit du Gouvernement.

Contenir la dette, c'est, à l'évidence, une urgente nécessité. En effet, lorsque l'on observe que, en stock, elle va s'établir à près de 950 milliards d'euros, que nous franchissons, en 2003, le seuil des 60 % du produit intérieur brut, et que, après avoir eu, en 1996, le troisième meilleur ratio de dette nous sommes aujourd'hui au dixième rang en Europe, on ne peut que marquer une grande inquiétude, monsieur le ministre !

Et cela d'autant plus que la baisse continue des taux d'intérêt conduit à occulter une partie du phénomène réel d'alourdissement de l'endettement. Comme le montre le rapport écrit de la commission, l'« effet taux » a compensé à peu près la moitié de l'« effet volume » au cours de la période récente. De même que les arbres ne montent pas jusqu'au ciel, de même les taux d'intérêt un jour remonteront dans les cycles de l'économie.

Monsieur le ministre, cette situation nous préoccupe. En même temps, nous voulons exprimer notre confiance à l'égard des efforts que vous déployez, de votre pugnacité, de votre persévérance et du cap qui est affirmé par le Président de la République, le Premier ministre et le Gouvernement. Nous pensons que, certes, nous sortirons de la « quadrature du cercle budgétaire », mais qu'il faudra, pour y parvenir, une dose considérable d'énergie et de pédagogie.

En conclusion, mes chers collègues, nous devons en sortir pour plusieurs raisons.

La première raison est économique : la remise en ordre de nos finances publiques conditionne l'emploi et toute chose dans ce pays.

La deuxième raison est démocratique : à cet égard, peut-être faudra-t-il renouveler le pacte républicain de la fiscalité et faire en sorte que nos concitoyens comprennent mieux la politique fiscale, en la rendant plus claire, en affirmant mieux ses orientations, en associant les parlementaires qui assument le consentement à l'impôt à un tel débat, non pas dans le court terme, mais avec une visée de moyen et de long terme.

Enfin, la troisième raison, la plus importante, est que nous devons sortir de cette situation, car ce qui est en cause dans cette affaire, c'est l'indépendance de la France, l'existence de sa voix originale en Europe et dans le monde.

Que nous le voulions ou non, mes chers collègues, nous serons toujours jugés à l'aune de notre gestion et les points de vue que les responsables de la France tiendront dans le monde seront d'autant plus crédibles que notre pays aura su concevoir et assumer les réformes indispensables. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

(M. Bernard Angels remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. BERNARD ANGELS

vice-président

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, abordant le débat d'orientation budgétaire, la tâche de président de la commission des affaires sociales n'est pas aisée.

Il intervient en qualité de président d'une des cinq commissions saisies pour avis des différents fascicules budgétaires. A ce titre, il ne peut que s'inquiéter de la paralysie de l'action des ministères sociaux qui résulterait des rigueurs de la régulation budgétaire ou des difficultés rencontrées par le monde associatif dans l'action déterminante qu'il mène sur le terrain pour l'insertion des plus défavorisés.

Mais, en sa qualité de président de la commission saisie au fond des projets de loi de financement de la sécurité sociale, il ne lui est guère possible de ne pas se pencher avec attention sur les considérations que comportent tant le rapport du Gouvernement que celui de la commission des finances sur les perspectives des finances sociales. Je prends ainsi connaissance, permettez-moi de vous le dire, de ma feuille de route, en quelque sorte, pour les mois qui viennent !

Parmi les quatre orientations majeures que retient le Gouvernement pour « se donner les moyens d'une maîtrise durable de la dépense publique » figurent, en effet, deux chantiers qui ne sauraient laisser notre commission indifférente.

Le premier chantier est la réforme des retraites, qui doit assurer la pérennité de notre système de répartition. Elle constitue un double enjeu pour les budgets sociaux, non seulement pour les régimes de retraite, dont les objectifs de dépenses figurent dans la loi de financement, mais encore pour l'assurance maladie à travers la fonction publique hospitalière et l'effort supplémentaire qui sera demandé aux employeurs publics. Cet effort est évalué à plus de la moitié des besoins de financement à l'horizon 2020.

Le second chantier concerne précisément la « réforme ambitieuse » dont doit faire l'objet l'assurance maladie. Le rapport qui est présenté par le Gouvernement et qui est l'objet même du présent débat, en application de l'article 48 de la loi organique relative aux lois de financement, évoque la mise en oeuvre « des incitations micro-économiques adéquates pour responsabiliser le comportement des acteurs, du côté tant de l'offre que de la demande de soins ».

S'en faisant l'écho, le rapport de notre excellent rapporteur général de la commission des finances appelle, de façon générale, à un « sursaut nécessaire » de nos finances sociales.

De fait, la commission des affaires sociales, à travers les travaux de notre collègue M. Alain Vasselle, rapporteur des lois de financement de la sécurité sociale pour les équilibres financiers et l'assurance maladie, a contribué à nourrir nos débats d'aujourd'hui en menant une double réflexion au cours du printemps.

Sa première réflexion a porté sur l'évolution de la caisse d'amortissement de la dette sociale, la CADES, dont les missions ont été curieusement élargies à l'amortissement de la dette de l'Etat à l'égard de la sécurité sociale. Je fais référence, vous l'avez compris, à l'ardoise laissée par le fameux FOREC, le fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale.

Notre rapporteur a souligné avec justesse que la CADES ne saurait sans danger devenir une « caisse perpétuelle de refinancement des déficits courants ».

Il ajoutait - non sans quelque malice - que seul le budget de l'Etat pouvait se permettre un tel luxe, dont font les frais les générations qui nous suivent.

La seconde réflexion de notre commission a concerné les perspectives de l'assurance maladie, à travers, notamment, les trois groupes de travail mis en place au sein de la commission des comptes de la sécurité sociale.

M. Alain Vasselle concluait son rapport en soulignant qu'il revenait au Gouvernement une tâche considérable : celle, tout à la fois, de résoudre la crise financière actuelle de l'assurance maladie et de mettre en oeuvre sa réforme différée, mais également, ajoutait-il, de redonner un sens aux lois de fiancement de la sécurité sociale, qui ont pour mission de garantir notre protection sociale contre une gestion « au fil de l'eau », pour reprendre vos propres termes, monsieur Arthuis.

Car telle est bien la conviction que je partage avec mes prédécesseurs à la commission des affaires sociales, M. Jean-Pierre Fourcade et notre ancien collègue M. Jean Delaneau : les lois de financement de la sécurité sociale doivent être l'instrument d'un redressement durable de nos comptes sociaux.

Or nous avons constaté avec tristesse, au cours de la précédente législature, que cet instrument n'avait pas été utilisé et qu'il avait même été dévoyé pour servir de support annuel au détournement des ressources de la sécurité sociale qui ont été affectées au financement des 35 heures.

Il est de l'intérêt de nos finances publiques - je le dis avec quelque solennité - de conforter cet instrument qui doit permettre au Parlement de prendre des mesures nécessaires et de les prendre en temps utile.

Si nous ne le faisons pas, nous reviendrons à l'époque où la gestion de nos finances sociales se caractérisait par une alternance de crises aiguës et de plans de redressement mettant en oeuvre, dans l'urgence, des mesures de court terme.

Le déficit de l'assurance maladie est aujourd'hui extrêmement préoccupant, comme l'est la dette qu'elle a accumulée pendant une période où pourtant ses recettes étaient exceptionnellement élevées dans un contexte conjoncturel lui-même exceptionnel.

Lors de nos débats à la commission des affaires sociales, certains de nos collègues ont fait remarquer, à juste titre, que le déficit actuel de l'assurance maladie représentait environ 7 % de la masse des dépenses. Ils ont fait valoir que, pour le budget de l'Etat, ce ratio était proche de 14 %. Pourtant, pourrait-on ajouter, le budget n'a pas libéré les otages qui ont été pris à la sécurité sociale tout au long de la précédente législature.

De fait, on ne peut qu'être impressionné par la mission qui, aujourd'hui, incombe à nos finances sociales au sens large, c'est-à-dire incluant l'assurance chômage.

En effet, le rapport de la commission des finances souligne que le Gouvernement attend des administrations de sécurité sociale une contribution décisive au redressement du solde des administrations publiques.

D'après notre rapporteur général, il leur serait demandé un effort de 0,3 point de PIB, ce qui ramènerait leur besoin de financement à 0,2 point en 2004. L'Etat se contenterait, pour sa part, d'un effort de 0,2 point, qui ferait tomber son besoin de financement à 3,2 points.

Ainsi, en 2004, le besoin de financement des administrations de sécurité sociale serait réduit de 60 %, et celui de l'Etat, de 6 % !

M. Yves Fréville. Ce n'est pas comparable !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il faut le rapporter aux masses. Vous me direz ce que vous en pensez. En tout cas, l'effort est considérable.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C'est du fonctionnement pur !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Notre rapporteur général en conclut que « la maîtrise des dépenses de sécurité sociale, en particulier de l'assurance maladie, constitue une condition essentielle du respect par la France de ses engagements européens en matière de maîtrise des finances publiques ».

Si ce n'est pas comparable, en tous les cas, nous avons conscience d'une chose, c'est que notre responsabilité est écrasante. J'espère que nous serons à la hauteur.

M. Alain Lambert, ministre délégué. Absolument !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Sans aucun doute !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Cette ambition appelle, toutefois, de ma part, deux observations.

La première, pour souhaiter vivement que les mesures nécessaires à l'indispensable redressement des comptes de l'assurance maladie s'inscrivent réellement dans une perspective structurelle ou de long terme, seule à même de permettre à notre système d'assurance maladie de garantir l'accès de tous au juste soin.

La seconde, pour constater que le Gouvernement et notre commission des finances placent les finances sociales au coeur de notre débat d'aujourd'hui.

Pourquoi, dans ces conditions, ne pas faire de ce débat d'orientation budgétaire un véritable débat d'orientation sur nos finances publiques ?

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bonne idée !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Notre commission exprime, chaque année, le regret qu'il n'en soit pas ainsi et trouve, chaque année, dans les excellents rapports préparatoires à ce débat, une raison supplémentaire de regretter l'absence, au banc du Gouvernement, du ministre chargé de la sécurité sociale.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Excellent !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il n'est pas, que je sache, ministre pour avis de l'assurance maladie !

Notre commission aurait pu alors se rapprocher plus commodément de la commission des finances. Nous aurions pu évoquer le chantier de la clarification des relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale.

Un groupe de travail a été constitué sur cette question entre les commissions des finances et des affaires sociales des deux assemblées, sous l'égide de M. Jean-François Mattei et avec la participation, monsieur le ministre, de votre cabinet.

Ses réflexions sont bien au coeur de décisions lourdes qui pourraient être évoquées aujourd'hui, car elles déterminent ce que sera à l'automne la présentation des lois de finances et des lois de financement.

Telles sont les limites, me semble-t-il, du débat qui nous réunit aujourd'hui. Le débat consacré aux prélèvements obligatoires que nous aurons à l'automne, cette fois organisé conjointement par nos deux commissions, ne palliera pas, je le crains, cette insuffisance. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

Groupe Union pour un mouvement populaire : 114 minutes.

Groupe socialiste : 59 minutes.

Groupe de l'Union centriste : 23 minutes.

Groupe communiste républicain et citoyen : 20 minutes.

Groupe du Rassemblement démocratique et social européen : 16 minutes.

Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe : 8 minutes.

Dans la suite du débat, la parole est à M. Xavier de Villepin.

M. Xavier de Villepin. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, le débat d'orientation budgétaire n'a peut-être jamais aussi bien porté son nom.

Face aux difficultés, certains choisiront l'immobilisme ou le retour en arrière, voire des chemins de traverse. Le groupe UMP du Sénat souhaite, pour sa part, réaffirmer sa volonté d'aller de l'avant sur le chemin de la croissance, des baisses d'impôts, de la maîtrise des dépenses, donc sur celui des réformes. Ce n'est pas le chemin le plus facile dans le contexte économique actuel, mais c'est celui de la responsabilité politique et de l'intérêt national.

La détermination politique n'interdit pas le pragmatisme économique et budgétaire, bien au contraire. Nous devons d'abord tenir compte d'un contexte économique qui s'est fortement dégradé. Depuis un an, les mauvaises surprises se sont succédé : tensions en Irak, hausse du prix du pétrole, faiblesse continue des investissements, inquiétude des consommateurs.

L'année 2003 a commencé dans la crise diplomatique ; elle se poursuit dans la morosité économique. Les conditions d'une reprise de la croissance sont là, mais cette reprise se fait attendre. Si certains indicateurs économiques avancés sont encourageants, notamment aux Etats-Unis, d'autres sont inquiétants, en particulier en Europe.

Comme le souligne notre collègue Philippe Marini dans son excellent rapport d'information, plusieurs aléas pèsent sur l'économie de la zone euro, à commencer par l'appréciation de la monnaie unique par rapport au dollar.

La chute de la croissance en Europe résulte de deux tendances : un investissement insuffisant et la volonté des entreprises de réduire leurs dettes, d'où une compression de l'emploi, ce qui induit une hausse du chômage, notamment en France, en Allemagne et en Italie, pays ayant des charges trop lourdes. Le risque possible réside dans la déflation due à la faiblesse de la demande qu'entraîne l'excès d'endettement.

M. Marini a parlé longuement de la déflation, et j'approuve entièrement ses propos. Pour ma part, je crois que la déflation est un fléau qui est largement connu depuis la crise de 1929, mais je ne suis pas sûr que nous ayons progressé dans la lutte contre ce mal !

Les prévisions varient considérablement selon les instituts de conjoncture, et le consensus des économistes n'est, le plus souvent, que la moyenne de leurs divergences, le révélateur de leurs approximations.

Le Gouvernement a donc raison de retenir des hypothèses médianes, ni trop pessimistes ni trop volontaristes, et surtout de s'y tenir, sans en changer au gré du vent des marchés financiers ou des publications statistiques.

Mais si le contexte économique joue un rôle important, il n'est pas le seul. Nous devons également tenir compte d'une situation budgétaire très difficile.

L'augmentation du déficit public en 2002 s'explique non seulement par des facteurs conjoncturels, comme le ralentissement de la croissance, mais également par des facteurs structurels, notamment un effort insuffisant en matière d'assainissement des comptes de l'Etat au cours de la précédente législature.

Le rapport présenté par le Gouvernement en vue du débat d'aujourd'hui permet de mesurer les conséquences de la politique budgétaire menée entre 1997 et 2002 : absence de réforme structurelle, réduction insuffisante des déficits publics, augmentation des dépenses pérennes pendant les années de forte croissance.

La création de nouveaux postes de fonctionnaires, les 35 heures, les emplois-jeunes, la couverture maladie universelle et l'allocation personnalisée d'autonomie sont autant de charges nouvelles qui pèsent sur les finances de l'Etat et des collectivités locales.

Le poids des dépenses publiques a atteint 53,6 points du produit intérieur brut en 2002, chiffre supérieur de près de 5,5 points à la moyenne de la zone euro. Un tel écart ne se justifie pas entre des pays dont les systèmes publics et les régimes sociaux sont comparables. Il ne s'explique que par une culture de la dépense qui handicape notre pays en termes de compétitivité et de développement.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !

M. Xavier de Villepin. Pendant plusieurs années, cette dérive structurelle a été masquée par la bonne conjoncture et l'augmentation mécanique des recettes fiscales, le recours massif aux recettes non fiscales, la baisse des taux d'intérêt et, il faut le souligner, une certaine opacité budgétaire. Le ralentissement de la croissance n'a fait que porter au grand jour l'ampleur de ce problème structurel.

Ce phénomène se retrouve pour les comptes de la sécurité sociale ; notre ami Nicolas About nous l'a indiqué.

La progression de la dette publique a, elle aussi, longtemps été occultée par la bonne conjoncture et la baisse des taux d'intérêt. Son poids a atteint 59,1 % du PIB en 2002 et il en représenterait 60,5 % en 2003, puis 61,4 % en 2004.

L'Etat se trouve de nouveau contraint d'emprunter pour payer les intérêts de sa dette. Ce n'est ni financièrement raisonnable ni politiquement acceptable.

Il faudrait y ajouter la « dette invisible » de l'Etat ou le « hors-bilan », dont notre rapporteur général a souligné l'importance. Je pense, en particulier, aux charges liées aux pensions des fonctionnaires de l'Etat auxquelles ce dernier devra inévitablement faire face.

Toutes ces dérives auront de lourdes conséquences. Faute de réformes structurelles, elles devront tôt ou tard être financées par une augmentation des impôts et des charges qui pèsent sur les entreprises et les ménages.

La France est au pied du mur. Elle refusait hier de regarder la vérité en face ; l'Europe l'oblige aujourd'hui à le faire.

Au premier trimestre 2003, le Gouvernement a tiré les conséquences du dérapage budgétaire constaté en 2002. Il prévoit désormais un déficit des administrations publiques de 3,1 % du PIB en 2002, de 3,4 % en 2003 et - souhaitons-le, monsieur le ministre - de 2,9 % en 2004.

Le dépassement du seuil de 3 % a conduit la Commission européenne à déclencher à l'encontre de la France la procédure dite de « déficit excessif ».

Le 3 juin dernier, le Conseil a placé la France devant ses responsabilités en lui fixant un délai de quatre mois pour prendre les mesures suivies d'effet susceptibles de corriger le caractère excessif de son déficit.

Le Gouvernement s'est fermement engagé en ce sens et nous ne pouvons que l'en féliciter. Il y va, en effet, de la parole de la France et de sa crédibilité en Europe.

Mes chers collègues, si nous avons le devoir d'agir, nous devons le faire avec discernement.

Notre première préoccupation doit être de redresser les comptes publics, mais sans « casser » la croissance.

Le respect du pacte de stabilité suivi du retour progressif à des finances publiques équilibrées est un engagement diplomatique, mais ce n'est pas une fin en soi. Il ne doit pas empêcher la mise en oeuvre par les Etats membres de mesures de pilotage économique pour lutter contre la dégradation de la conjoncture. Le seul et véritable objectif économique, c'est la croissance.

Cette croissance n'a été que d'un peu plus de 2 % par an en moyenne depuis le début des années quatre-vingt en France, contre plus de 3 % aux Etats-Unis. Ce déficit de croissance s'accompagne d'un déficit d'emploi, avec de lourdes conséquences en termes de productivité, de compétitivité, de dépenses publiques et de pression fiscale.

Notre politique budgétaire doit donc développer les capacités d'initiative dans notre pays, afin de créer les conditions d'une croissance plus forte et plus durable.

Les baisses d'impôts et de charges doivent être poursuivies. Leur rythme peut être modulé en fonction de la conjoncture, mais le cap doit être maintenu. Le Président de la République et le Gouvernement se sont clairement engagés en ce sens et le groupe UMP les soutient dans cette démarche.

Le travail et l'emploi dans l'entreprise doivent aussi être réhabilités par des actions en faveur de la formation et de l'insertion professionnelles des plus démunis.

Nous devons également poursuivre et amplifier la politique engagée en faveur de l'innovation et de la recherche, secteur stratégique.

Il convient de maîtriser globalement les dépenses de l'Etat, tout en préservant ses missions essentielles.

Dans un contexte économique dégradé en 2003, il faut saluer la volonté du Gouvernement de respecter, en exécution, le niveau de dépenses autorisé par le Parlement en loi de finances initiale. Il a pris ses responsabilités en décidant sans tarder des mesures de régulation budgétaire. C'est une preuve de sa détermination et un signal positif envoyé à nos partenaires européens.

Toutefois, monsieur le ministre, maîtrise globale des dépenses n'implique pas vision uniforme : certaines dépenses sont prioritaires, d'autres moins. Le Gouvernement doit agir avec mesure et finesse - je suis persuadé que vous le ferez -...

M. Alain Lambert, ministre délégué. Et avec discernement !

M. Xavier de Villepin. ... en modulant l'effort selon ses objectifs. Les dépenses d'investissement doivent, par exemple, être privilégiées sur les dépenses de fonctionnement.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !

M. Xavier de Villepin. De même, les priorités fixées par le Président de la République et le Gouvernement doivent être préservées. Je pense à la sécurité, à la justice, à la défense et à l'aide publique au développement, mais aussi à la sécurité routière, à la lutte contre le cancer et à l'action dans le domaine du handicap.

Nous souhaitons, en particulier, non seulement que les crédits de la loi de programmation militaire soient respectés,...

M. Philippe Marini, rapporteur général, et M. Jean Chérioux. Très bien !

M. Xavier de Villepin. ... mais aussi que le contenu physique des programmes soit réalisé. Dans le domaine de la défense, la France se situe en seconde position en Europe, derrière la Grande-Bretagne. Elle doit, pour pouvoir être crédible, tenir sa place et soutenir son effort.

M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est essentiel !

M. Xavier de Villepin. Par ailleurs, il convient de maintenir les engagements en matière de recherche et technologie pour consolider et aider notre industrie de défense.

Enfin, monsieur le ministre, un bon gestionnaire n'est pas seulement un gestionnaire rigoureux, c'est aussi un gestionnaire avisé. Appliquée trop strictement - et je connais votre attention sur le sujet -, la régulation budgétaire risquerait de mettre en péril la réforme de l'Etat. Elle serait contre-productive si elle aboutissait à un découragement des fonctionnaires, à l'heure où l'onsouhaite réduire leur nombre et les mobiliser en vue de la réforme de leurs administrations. N'oublions pas que la réforme de l'Etat se fera non pas contre eux, mais avec eux.

Si la régulation budgétaire est légitime dans son principe, elle doit être humaine dans ses modalités. Elle ne doit pas se résumer à des décisions autoritaires et à un dialogue de sourds entre Bercy et les autres ministères. Les réductions de crédits doivent être réfléchies dans le cadre d'un dialogue aimable et renouvelé.

A ce sujet, il faut moderniser en profondeur la méthode de travail gouvernementale en matière budgétaire. La volonté d'impliquer les ministres dans la recherche d'économies va dans le bon sens, de même que l'organisation de « conférences d'économies structurelles », ministère par ministère, en amont de la procédure budgétaire.

Mais ces nouvelles procédures ne seront efficaces que si elles s'accompagnent d'un changement de comportement au sein des services de l'Etat. Chacun - comme en amour, monsieur le ministre - doit faire un pas vers l'autre, pour rendre l'Etat plus efficace et plus économe : les uns en s'efforçant, comme vous l'avez dit, d'avoir une conception moins « arithmétique » de la politique budgétaire ; les autres en renonçant à une certaine « culture de la dépense » et en développant un esprit de performance.

La volonté de réforme ne sera durable que si elle est partagée. Là encore, ce n'est qu'ensemble que nous pourrons réussir les réformes de sructures qui s'imposent.

Les réformes que vous avez engagées sont essentielles. Elles seules permettront de retrouver une maîtrise durable des finances publiques.

L'augmentation de la charge de la dette et des dépenses de la fonction publique accroît la rigidité de la dépense publique et limite chaque année un peu plus les capacités d'action politique.

A ce rythme et compte tenu des évolutions démographiques, les pouvoirs publics n'auront bientôt de « pouvoirs » que le nom, au risque de susciter l'incompréhension de nos concitoyens et de favoriser un vote extrémiste.

Il est donc vital de restaurer les marges de manoeuvre de l'Etat.

Le Gouvernement a engagé quatre réformes majeures : celle des retraites, celle de l'assurance maladie, celle de l'Etat, enfin celle de la décentralisation, pour améliorer l'efficacité des services publics, réforme à laquelle le Sénat est particulièrement attentif.

Ces réformes sont essentielles pour l'avenir de la France. Elles impliquent de profonds changements dans l'organisation de nos services publics et sociaux et remettent en cause de nombreuses habitudes. Elles suscitent donc naturellement des inquiétudes, voire des oppositions.

Le Gouvernement doit en tenir compte et faire preuve d'un esprit de dialogue et d'ouverture, mais sans renoncer sur le fond, compte tenu des enjeux auxquels est confronté notre pays.

Mes chers collègues, les choix du Gouvernement honorent l'action politique. Ce sont des choix difficiles, mais courageux.

Sur le plan international, la France s'est grandie en montrant sa détermination et en assumant ses responsabilités, quoi qu'il en coûte. Elle doit faire de même sur le plan national.

C'est le chemin tracé par le Président de la République, c'est celui sur lequel s'est engagé le Gouvernement, et c'est lui que le groupe UMP suivra avec confiance et détermination.

Monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur général, vous pouvez compter sur notre appui. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Denis Badré.

M. Denis Badré. Monsieur le ministre, vous avez présenté clairement, et avec beaucoup de pédagogie, la situation de nos finances publiques, ce dont nous vous sommes reconnaissants.

Le président de notre commission des finances, M. Jean Arthuis, et notre rapporteur général, M. Philippe Marini, ont repris cette description avec encore moins de fard, et il fallait, je pense qu'ils le fassent ainsi. Car nous devons regarder les choses en face, si nous voulons assumer nos responsabilités.

Oui, il faut dire la vérité aux Français si nous voulons qu'ils comprennent et qu'ils acceptent les réformes importantes et urgentes qui doivent être engagées. Il faut leur dire ce que sont nos prévisions de croissance, leur expliquer ce que cela signifie pour eux, et préciser que ces prévisions risquent d'être encore revues à la baisse.

Notre déficit se creuse vertigineusement ; la barre fatidique des 3 % fixée par le traité de Maastricht est enfoncée, et le pacte de stabilité, que nous avions préconisé, se retourne contre nous !

Il est évidemment très fâcheux que notre déficit évolue à la hausse et qu'il se rapproche de 4 %, d'abord parce que nous nous souvenons très précisément des efforts réalisés par la France lorsque Jean Arthuis était à Bercy pour descendre en dessous de la barre des 3 %. Et ce n'était pas non plus très facile à cette époque.

Mais c'est également et surtout regrettable sur le principe, parce que cela veut dire que nous ne respectons pas un engagement européen. Or, comment construire l'Europe, sinon sur le fondement d'engagements réciproques et d'une confiance mutuelle générale dans le respect de ces engagements ? Je préférerais que la France, mère de l'Union européenne, soit exemplaire à ce titre.

Alors que nous entendons continuer à jouer avec l'Allemagne un rôle d'entraînement dans la construction européenne, il est également fâcheux que nous nous retrouvions avec elle derniers de la classe.

Cette situation ne renforce ni notre autorité ni notre capacité à entraîner les autres. On en serait donc au « faites ce que je dis et non ce que je fais » ! Je trouve cela d'autant plus triste qu'il n'y avait pas là de fatalité : les autres Etats de l'Union ont affronté, au cours des dernières années, des difficultés assez voisines et ont évolué dans le même contexte international que nous. Et ils s'en sortent en général mieux, sans aucun doute parce qu'ils ont su plus tôt et plus vite regarder la réalité en face et faire montre de courage politique, et parce qu'ils ont su aussi s'adapter dans un monde ouvert, en engageant les réformes nécessaires.

L'ampleur de notre déficit et sa tendance à poursuivre son dérapage ne peuvent plus être acceptées. Que penser d'un budget dont près du quart des dépenses n'est pas couvert en recettes ? Quelle confiance accorderions-nous à un Etat qui se satisferait, sans réagir, de voir sa dette dépasser 60 % de son produit intérieur brut ? Il s'agit, bien sûr, du rapport de la dette au PIB. Si le seuil de 60 % est dépassé, c'est parce que le dénominateur, le PIB, n'augmente plus suffisamment, mais c'est aussi parce que les déficits, générateurs de la dette, eux, augmentent et ne cessent de s'ajouter les uns aux autres. Le numérateur progresse donc plus vite que le dénominateur, entraînant l'explosion du ratio.

Dans cette situation, nous ne sommes pas en mesure d'assumer suffisamment nos responsabilités au sein d'une union monétaire dont l'existence nous protège pourtant de bien des difficultés.

Mais il y a plus grave : notre compétitivité, au sein d'un marché unique européen qui réunit nos principaux partenaires commerciaux, s'érode très vite. Heureusement, parmi ces partenaires, le premier, l'Allemagne, n'a rien à nous envier. Mais ce n'est pas une consolation, et il y a les autres, vis-à-vis desquels notre situation ne s'améliore pas.

Parmi les réformes que j'évoquais tout à l'heure, il faut donc donner la priorité à celles qui nous permettront d'exister à nouveau fortement au sein de l'Union européenne. Il faut aussi jouer, à nouveau, et quoi qu'il en coûte dans l'instant, un rôle moteur pour faire progresser l'harmonisation fiscale en Europe. Nous ne sommes pas immédiatement demandeurs de cette harmonisation. Le poids de nos prélèvements obligatoires étant en effet plus important que la moyenne de ceux qui sont observés chez nos partenaires, l'effort à faire sera, le moment venu, également plus lourd. Et il le sera d'autant plus que ce moment viendra plus tard. C'est donc une raison supplémentaire pour commencer tout de suite. En effet, compte tenu de l'aggravation de ce différentiel de prélèvements obligatoires, nos entreprises voient leur handicap augmenter.

Ce sera difficile, précisément parce que notre situation n'est pas bonne, mais c'est aussi parce que notre situation n'est pas bonne qu'il est indispensable et urgent d'agir. Ce que nous ne sommes pas suffisamment capables de faire par nous-mêmes, ce que nous ne sommes pas complètement disposés à demander à l'Europe, acceptons au moins que l'Europe nous l'impose ! Et préparons-nous à le vivre, même si c'est difficile.

Au demeurant, derrière la question de notre compétitivité au sein de l'Europe, il y en a une qui nous rapproche de nos partenaires de l'Union, et qui concerne notre compétitivité d'ensemble dans le monde. Nous voyons là une autre raison d'accélérer la construction européenne en la dotant de bonnes institutions. Les propositions de la Convention vont d'ailleurs dans ce sens. Mais il faut aller au-delà pour que l'Union progresse au niveau de son pouvoir économique et de sa réalité sur la scène internationale. MM. Jean Arthuis et Philippe Marini insistaient fort justement - chacun à sa manière - sur ce point tout à l'heure. Ils ont eu raison de le faire, car ce sujet est essentiel.

Il faut aussi que l'Union se dote d'un budget digne de ce nom. Je ne cède pas à la tentation de développer cette question, pourtant, elle aussi, essentielle, car je l'ai déjà très longuement exposée à cette tribune. J'espère que nous arriverons tout de même un jour à l'aborder et, peut-être, à la traiter. Il est important, monsieur le ministre, que chacun prenne bien conscience du fait que nous ne disposons pas aujourd'hui d'un vrai budget, d'un budget capable de construire l'Union, de la faire progresser, de la faire reconnaître par les citoyens de l'Union.

M. Yves Fréville. Très bien !

M. Denis Badré. Je me suis arrêté sur le contexte de la construction européenne. Je l'ai fait volontairement, avec la certitude d'être parfaitement dans notre sujet. Car, de ce que nous ferons de l'Europe dépendra très largement notre capacité à faire quelque chose de notre pays ; de ce que nous ferons de l'Europe dépendra notre capacité à relever les défis du moment. Et, lorsque nous parlons de réformes, il s'agit bien sûr de réformer notre Etat, sur un plan franco-français, mais il s'agit également de bâtir enfin une Europe politique au plein sens du terme, qui serve nos intérêts et nos desseins dans le monde.

Si la reprise est annoncée d'ici à la fin de l'année 2003 aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, elle reste plus incertaine dans la zone euro, en partie du fait de la réappréciation rapide de la devise européenne. L'Allemagne est menacée par la déflation ; d'autres pays comme l'Italie, l'Irlande ou l'Espagne flirtent avec l'inflation, ce qui incite la BCE à une certaine prudence lorsqu'il lui faut baisser les taux d'intérêt.

D'ailleurs, comme le note très justement M. le rapporteur général, le niveau élevé des déficits publics pourrait susciter une augmentation des taux d'intérêt à long terme...

Face à ces incertitudes, quelle stratégie notre pays peut-il et doit-il adopter ? Nous le répétons inlassablement, que le contexte soit porteur ou non, il faut maîtriser la dépense et réduire les déficits. Bien sûr, c'est plus facile lorsque le contexte est bon ; bien sûr, c'est plus difficile lorsqu'il faut aussi réduire les prélèvements fiscaux. Actuellement, la tâche est d'autant plus difficile qu'elle n'a pas été anticipée par le précédent gouvernement, en un temps pourtant bien plus favorable.

Nous sommes là placés devant le grand défi que devra relever le budget pour 2004.

Le pacte de stabilité représente aujourd'hui une contrainte, mais nous avons choisi de l'accepter, car elle est globalement saine. Le rapport de la commission des finances rappelle, à cet égard, avec beaucoup de justesse, que le pacte de stabilité n'empêche pas un Etat membre d'augmenter ses dépenses d'investissement. L'article 104 du traité demande à la Commission de considérer comme une circonstance atténuante ce type de choix. En fait, cette disposition n'est que la traduction claire d'une réalité forte et éternelle : le déficit, c'est de l'emprunt ; l'emprunt a un sens lorsqu'il s'agit de financer de l'investissement, mais il doit être banni lorsqu'il s'agit de financer des dépenses de fonctionnement.

La réduction des dépenses de fonctionnement est donc impérative et ne peut se satisfaire ni de délais ni de frilosité. Tel a été le choix du Sénat et de sa commission des finances au cours de l'examen de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2003.

Au-delà des intérêts catégoriels et des arrière-pensées politiciennes, notre assemblée devait mettre en conformité ses paroles et ses actes ; elle l'a fait. La régulation budgétaire en cours, et que nos choix préfiguraient, nous donne raison.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !

M. Denis Badré. Je sais que nous avons en votre personne, monsieur le ministre, un allié résolu dans cet effort de rationalisation et de vérité budgétaire.

C'est en grande partie grâce à notre rigueur que nous pourrons dégager les marges de manoeuvre nécessaires aux mesures de réduction des charges fiscales ou sociales qu'attendent et notre économie et les Français.

Je viens d'utiliser le mot « rigueur » : il me semble encore trop controversé. Or être rigoureux ne peut être perçu comme un défaut : nous veillons tous à l'être au moins intellectuellement. Les Français peuvent comprendre la vérité et doivent la connaître. Notre devoir est de la leur dire. Il faut leur dire qu'en dehors de discipline forte il y a peu d'avenir visible. Il faut les alerter sur la nécessité de réformer en profondeur notre pays. Il faut chercher à les associer au maximum aux efforts à engager.

L'actualité des dernières semaines montre qu'il reste du chemin à parcourir pour que les Français s'approprient vraiment ce réflexe de la réforme qui ne leur est pas encore complètement spontané.

Mais, si nous voulons que les Français acceptent ces réformes, ne les désespérons pas ! Pour que la vérité soit mieux reçue, il est sans doute utile de rappeler que l'effort qui va leur être demandé a de bonnes chances d'être payant, à terme.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Bien sûr !

M. Denis Badré. La France et les Français disposent en effet d'atouts enviés, plutôt plus importants que ceux de nos partenaires de l'Union européenne. Encore faut-il les exploiter et nous débarrasser de tous les handicaps qui pèsent toujours encore sur notre économie. Nous pouvons très bien retrouver la voie des succès économiques : l'exemple d'autres pays d'Europe qui ont accepté de difficiles réformes est éloquent.

Le rapport sénatorial sur l'expatriation des compétences, des capitaux et des entreprises...

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Excellent rapport !

M. Denis Badré. Excellent rapport, merci monsieur le président de la commission de le rappeler ! (Sourires.)

Ce rapport insistait sur la compétence et sur l'excellence professionnelle des Français. A tous les niveaux et dans tous les domaines, notre main-d'oeuvre est enviée et appréciée dans le monde entier.

Mme Marie-Claude Beaudeau. Grâce au service public !

M. Denis Badré. Si cela a échappé à la France, cela n'a pas échappé à nos principaux concurrents qui, très normalement, attirent maintenant les meilleurs d'entre nous, les meilleurs des Français, et ce d'autant plus facilement que ceux-ci sont très adaptables.

Malheureusement, un départ, c'est souvent pour longtemps ; ce sont des recettes fiscales en moins chez nous et en plus ailleurs ; c'est de l'activité en moins chez nous et en plus ailleurs ; c'est de l'emploi en moins chez nous et en plus ailleurs ; c'est donc, demain, encore plus de recettes fiscales et sociales en moins chez nous et en plus ailleurs !

Cette distance entre nous et nos partenaires, entre nous et nos concurrents, se creuse dans tous les domaines. C'est une régression évidente de notre compétitivité.

Si les Français sont bons, cela doit d'abord servir la France. Il ne faut pas empêcher les Français de travailler, et les 35 heures l'ont un peu fait, malheureusement. En tout cas, à l'échelon international, cela a été perçu comme un indicateur tout à fait négatif de notre capacité à préparer l'avenir.

M. Xavier de Villepin. C'est vrai !

M. Denis Badré. Les arguments psychologiques, dans ce domaine, sont importants, ainsi que la perception que nous avons des choses.

Il faut offrir aux Français des conditions de travail qui leur permettent, ainsi qu'aux meilleurs étrangers qui le souhaitent, de s'exprimer chez nous dans de bonnes conditions.

Ce qu'ils demandent, les uns et les autres, ils le demandent parce qu'ils savent combien il fait bon vivre chez nous. A partir du moment où il fait bon vivre chez nous, ils souhaitent travailler chez nous, mais ils ne le feront que s'il fait également bon travailler chez nous !

Mais quelles sont-elles ces conditions de travail qui nous permettront de résister à la concurrence ? C'est moins de prélèvements obligatoires, moins de tracasseries administratives, un soutien plus grand à l'initiative et, il faut le rappeler à temps et à contretemps, là encore, le support d'une politique scientifique vigoureusement relancée.

Les meilleurs mathématiciens et les meilleurs biologistes du monde sont français. Il est fâcheux qu'ils résident à Boston. Il faut que cela cesse. Les meilleurs mathématiciens et les meilleurs biologistes après les Français sont indiens. Comme les Français, ils résident à Boston. Je préférerais qu'ils soient, avec les Français, en France ! (Sourires.)

La baisse de l'impôt sur le revenu va, bien sûr, dans le bon sens, à cet égard. La concurrence fiscale existe, il faut la considérer avec réalisme et sans idéologie excessive. C'est dans cet esprit que je suis bien souvent intervenu à cette tribune sur une autre nécessité, celle de revoir l'impôt de solidarité sur la fortune.

Je rappelle simplement ici que seulement six des quinze membres de l'Union européenne et neuf des trente membres de l'OCDE disposent d'un impôt de cette nature. Nous ne pourrons éviter de revenir sur ce sujet lors de notre débat budgétaire de l'automne.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Bien sûr !

M. Denis Badré. Il y va, là encore, de notre compétitivité et, je le répète, l'argument psychologique et la perception que suscitent les choix de notre pays sont déterminants si nous voulons retenir les meilleurs d'entre nous chez nous...

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Bien sûr !

M. Denis Badré. ... et attirer les meilleurs étrangers chez nous.

Monsieur le ministre, jamais une réflexion d'ensemble sur les taxations qui pèsent sur le patrimoine, qu'il s'agisse de l'ISF, du foncier bâti ou non bâti, des droits de mutation ou des droits de succession, par exemple, n'est apparue aussi nécessaire.

Je sais que vous avez ce souci en tête. Notre commission des finances s'en préoccupe également. Il faudra, dans les semaines qui viennent, que nous sachions nous rapprocher, là encore, pour faire progresser une vraie réflexion qui soit débarrassée de toute idéologie, dans une démarche empreinte du pragmatisme le plus rigoureux.

Nous ne devons, bien sûr, en aucune façon oublier l'entreprise dans ce vaste effort de réduction des impôts.

Si les allégements en faveur des particuliers favorisent la consommation et l'épargne, ceux qui concernent le secteur productif sont directement générateurs d'investissements, d'emplois, donc de richesses. Il faut que nos entreprises et les investisseurs privés se sentent soutenus, notamment lorsqu'ils travaillent pour l'exportation.

Par ailleurs, seulement une entreprise étrangère sur deux présentes en France projetait, en 2002, de s'y développer, tandis qu'une sur quatre envisageait de délocaliser tout ou partie de ses activités françaises en dehors de notre territoire. Il faut enrayer ce processus de délocalisation que Jean Arthuis dénonçait déjà il y a une dizaine d'années,...

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Dix ans !

M. Denis Badré. ... processus qui touche autant les entreprises françaises que les sociétés étrangères installées en France. Cette exigence est d'autant plus vraie que nous vivons un élargissement historique de l'Union européenne. Cet élargissement est une chance pour l'Europe, mais il faut aussi voir tous les problèmes qu'il pose. Nous avons là une difficulté évidente à traiter.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Bien sûr !

M. Denis Badré. Vérité et réforme, Europe et compétitivité : tels sont les termes sur lesquels j'ai voulu insister dans cette intervention que j'ai faite au nom du groupe de l'Union centriste.

Il y a urgence, et ce sera difficile. Il faut dire la vérité sur la réalité de la situation, mais il faut rappeler aussi que, si nous choisissons de valoriser nos atouts - et ils sont exceptionnels -, si nous choisissons de réduire nos handicaps - et ils sont à l'évidence excessifs, au moins autant que nos déficits -, alors l'avenir restera ouvert pour nous.

Puisse ce débat d'orientation budgétaire, qui vient bien à son heure, monsieur le ministre, contribuer à nous faire prendre conscience à la fois de ces dures réalités, mais aussi des chances que la France conserve dans un monde désormais totalement ouvert. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.

M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, près de 20 % de déficit, soit 49,7 milliards d'euros, tel est l'écart abyssal annoncé aujourd'hui entre les dépenses et les recettes de l'Etat. C'est la réalité budgétaire de notre pays, la preuve tristement objective que l'Etat vit bien au-dessus de ses moyens ! Quel Français connaît ou même imagine un tel chiffre ? Il n'est même pas certain que beaucoup d'entre nous l'aient à l'esprit ! C'est pourtant la vérité qu'il faut aujourd'hui dire aux Français, après la situation irréelle de la prétendue « cagnotte » de l'année 2000.

Ce pourcentage de 20 % cadre immédiatement le débat d'orientation budgétaire pour 2004. Il relativise l'idée selon laquelle un budget permet de mettre en place l'architecture de la politique d'un gouvernement. Nos concitoyens doivent savoir que les mesures proposées tiennent non pas à des choix idéologiques, mais à la simple recherche des grands équilibres budgétaires, dont la disparition mettrait en danger la cohésion nationale.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !

M. Aymeri de Montesquiou. M. le rapporteur général a excellemment expliqué combien était inquiétante la situation de l'économie et des finances publiques françaises, avec une baisse de la croissance qui avait pour corollaire une dégradation très rapide des déficits publics, effectivement estimés en 2003 à 3,7 % du PIB par la Commission européenne. Il a donc appelé à prendre des décisions courageuses en matière de maîtrise de la dépense publique, considérant l'année 2003 comme une « année test ».

J'adhère pleinement à l'analyse de M. le rapporteur général du budget et, pour limiter les risques de redondance, j'aborderai ce débat d'orientation budgétaire essentiellement sous l'angle de la communication, c'est-à-dire du langage à tenir aux Français, car il est impossible d'appliquer une politique budgétaire courageuse sans le soutien des citoyens.

L'éradication de ces 20 % de déficit doit être l'objectif de cette législature, parce que tout gouvernement serait rendu impotent par le poids d'une dette de 60,5 % du PIB suscitée par un déficit récurrent ; parce que notre pays est happé dans une spirale qui a vu notre dette décupler en vingt ans ; parce que, aujourd'hui, chaque Français doit supporter 15 000 euros dans la dette collective et parce que nous ne pouvons laisser s'aggraver un tel handicap pour les générations futures. En vérité, l'Etat « est mûr pour figurer au fichier des surendettés », pour reprendre le titre d'un célèbre hebdomadaire satirique !

Il faut encore être soulagé en constatant que ce niveau d'endettement apparaisse dans un contexte de taux d'intérêt relativement bas, car une simple augmentation de deux points de taux d'intérêt ferait passer la dette au premier rang des postes budgétaires de l'Etat, devant les crédits de l'éducation nationale. C'est dire l'extrême précarité du système !

Face au non-respect d'un premier critère de convergence, avec un déficit de 3,5 % du PIB, puis d'un deuxième, avec un endettement dépassant 60 % du PIB, il n'est plus temps de proposer de simples ajustements ou des « réformettes ». Aujourd'hui, si notre pays n'avait pas déjà intégré la zone euro, il ne se qualifierait plus ! Aujourd'hui, si notre monnaie n'était pas l'euro, le franc connaîtrait des attaques spéculatives ! (M. Jacques Oudin approuve.)

Il nous faut chercher des remèdes qui puissent être compris par nos concitoyens, premières victimes de l'impéritie de l'Etat. Ce sont eux qui, par les impôts indirects - payés par tous - ou par les impôts directs - payés par la moitié des ménages -, subissent les dramatiques erreurs de ceux à qui ils ont confié la gestion de l'argent public. Ils sont certainement prêts à accepter des audits pour que les administrations de l'Etat s'inspirent des performances des entreprises.

Dans leur grande majorité, nos concitoyens savent comment gérer le budget du ménage. Pour qu'ils comprennent les choix budgétaires du Gouvernement, ils doivent pouvoir établir une analogie entre la situation budgétaire de l'Etat et celle de leur ménage, et comparer les solutions proposées avec celles qu'ils choisiraient pour eux-mêmes. En République, « l'Etat, c'est eux ».

Dans leur ménage, dans une situation comparable, nos concitoyens ont trois solutions : emprunter davantage, gagner plus, dépenser moins. L'Etat n'a pas d'autres choix.

Premièrement, à la place de l'Etat, nos concitoyens pourraient-ils recourir à un emprunt supplémentaire ? Le surendettement est déjà trop fort et ils ne pourraient plus emprunter, donc l'Etat non plus, lui qui a épuisé cette solution dans le cadre de ses engagements européens, fort heureusement contraignants.

Deuxièmement, si les Français peuvent éventuellement espérer une augmentation de leur salaire ou de leur revenu, l'Etat peut-il, lui, augmenter ses recettes par de la croissance ? A ce jour, hélas, non ! Aujourd'hui, l'aggravation de la dégradation provient du mouvement en ciseaux de la progression de 0,89 % de la dépense et de la dégradation de 5,6 % des recettes. Il nous faut attendre une conjoncture meilleure.

Alors, pouvons-nous augmenter les recettes fiscales ? Pour 2003, et pour la troisième année consécutive, la revue Forbes Global classait la France en tête pour la pression fiscale et indiquait que notre pays subissait « la plus grande douleur fiscale au monde ». Cet indice est calculé à partir d'indicateurs-clés tels que le taux d'imposition maximal sur les revenus des individus et des sociétés, les impôts sur la richesse, la TVA et les taxes de sécurité sociale payables par les employeurs et les employés. Nous devons, au contraire, restaurer l'attractivité de notre pays et valoriser nos atouts en faisant tendre notre fiscalité vers le niveau de nos concurrents, ce qui revient à les baisser.

Pour augmenter momentanément leurs revenus, les Français peuvent vendre leurs bijoux de famille, mais c'est un fusil à un coup. De même, l'Etat a privatisé progressivement les entreprises publiques viables et arrivera au terme de la vente de son patrimoine, même si les recettes des ouverture de capital sont encore susceptibles de rapporter 8 milliards d'euros en 2003.

Quelle solution reste-t-il ? La troisième, c'est-à-dire que, comme les Français dans une situation identique, l'Etat est conduit à économiser. Le temps est donc venu d'une maîtrise des dépenses de l'Etat avec l'objectif d'une croissance zéro en volume pour la législature. Sans circonvolution, il faut le dire aux Français. Ils comprendront.

Le Gouvernement a déjà mis 4 milliards d'euros en réserve en février. Il a annulé 1,4 milliard d'euros de crédits en mars, et plus de la moitié des reports ont été gelés.

Maintenant, ces premiers efforts doivent être suivis d'une baisse des dépenses, essentiellement sur la fonction publique, qui consomme 44 % du budget de l'Etat. Les effectifs de la fonction publique ont augmenté de 23 % en dix ans. Les Français ont-ils des services publics plus performants pour autant ?

Il faut expliquer aux Français l'occasion historique que représente l'arrivée à la retraite de plus de 60 000 fonctionnaires par an entre 2006 et 2012. Il sera possible, de manière indolore, de ne pas remplacer tous ces emplois. C'est une manière d'alléger à la fois le poids et la rigidité du budget de l'Etat.

Cette orientation est corroborée par l'exemple de notre premier partenaire européen. Il y a en matière budgétaire une exception franco-allemande, hélas ! puisque seuls ces deux pays connaissent un déficit supérieur à 3 % du PIB et ont connu un ratio dette - PIB en forte augmentation entre 1998 et 2002.

M. Gerhard Schröder a montré la voie d'une austérité douloureuse mais nécessaire. Osons faire de même et osons dire la vérité aux Français. On peut parler de « redimensionnement » de la dépense publique et souhaiter une dépense stabilisée en volume. Il faut aller jusqu'à vouloir une baisse de cette dépense.

Monsieur le ministre, le Gouvernement s'attaque aujourd'hui avec courage à la réforme des retraites. A la rentrée, il s'attellera à la réforme de notre système d'assurance maladie, dont le déficit est très préoccupant.

Le chemin qui mène vers l'équilibre budgétaire sera très dur, nous devons le dire aux Français. Le déficit, l'endettement doivent être connus de nos concitoyens. A eux, à travers le débat politique, de reconnaître la façon dont le fruit de leur travail aura été utilisé.

Les Français se détourneront des hommes politiques si ceux-ci ne leur disent pas la réalité des choses et ne leur expliquent pas les raisons qui justifient la politique qu'ils conduisent. Si le terme de « rigueur » est plus approprié pour qualifier cette politique, pourquoi ne pas l'utiliser ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. Excellent !

M. Aymeri de Montesquiou. L'exaspération, l'anti-parlementarime, l'extrémisme, pourraient être les fruits amers d'une conception de la politique qui aurait proscrit de son vocabulaire le mot « courage » !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, et M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !

M. Aymeri de Montesquiou. Nous savons ce que nous avons à faire d'un point de vue théorique. Sachons faire de la politique « l'art du possible » et utilisons plus souvent les mots de « vérité » et de « courage ».

Comme la grande majorité des membres du groupe du Rassemblement démocratique et social européen, je soutiendrai les mesures que le Gouvernement compte prendre pour réformer notre pays et tendre à un équilibre budgétaire tant attendu. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur celles de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Miquel.

M. Gérard Miquel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, hormis les années d'élections législatives, le débat d'orientation budgétaire est devenu traditionnel à la fin de chaque session parlementaire.

Le sujet est vaste ; aussi, j'articulerai mon intervention autour de trois grands points en espérant être clair : l'économie, le déficit public et, enfin, la politique du Gouvernement en matière de recettes et de dépenses publiques.

Je commence donc, logiquement, par la conjoncture économique puisqu'elle est à la base - nous le savons bien - de toute construction budgétaire.

Le Gouvernement a bâti le budget de 2003 sur une prévision de croissance de 2,5 %. Au cours de l'automne 2002, l'opposition et la plupart des économistes avaient jugé cette prévision excessivement optimiste. Aujourd'hui, force est de constater qu'ils avaient raison et que le Gouvernement avait tort !

En effet, dès le mois de mars 2003, le Gouvernement a révisé sa prévision à la baisse de près de moitié. En outre, selon la note de conjoncture de l'INSEE, parue en juin, la croissance du PIB ne devrait pas, cette année, dépasser 0,8 %. Avec un tel écart, - croissance inférieure de 70 % à la prévision -, on ne peut plus vraiment parler de « prévision économique », il vaudrait mieux parler « d'imprévision économique » !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Ce n'est pas le sujet !

M. Gérard Miquel. Mon cher collègue, je vous ai écouté avec beaucoup d'attention et j'accepte vos remarques. Toutefois, je dirai ce que je pense de votre intervention dans quelques instants.

En 2002, le gouvernement Jospin avait prévu un taux de croissance de 2,5 % alors que celui-ci n'a finalement atteint que 1,2 %. Monsieur le rapporteur général, dès le mois de juillet 2002, vous avez conclu que la prévision du gouvernement Jospin était irréaliste !

M. Jean Chérioux. Et il avait raison !

M. Gérard Miquel. Et vous aviez raison ! Confiant dans votre honnêteté intellectuelle, je suis convaincu que vous n'hésiteriez pas à qualifier aujourd'hui la prévision Raffarin pour 2003 d'« aberrante ».

M. Philippe Marini, rapporteur général. Je ne le dirais pas ainsi !

M. Gérard Miquel. Deux fois moins, c'est tout de même mieux que trois fois moins ! Les chiffres parlent d'eux-mêmes et laissent peu de place à la mauvaise foi.

M. Jean Chérioux. Ce sont les conséquences de la gestion précédente ! (Mme Odette Terrade s'exclame.)

M. Gérard Miquel. Je vais y venir !

Le Gouvernement persiste dans l'erreur en maintenant inchangée sa dernière estimation - rendue publique en mars 2003 - de 1,3 % pour cette année. Pourtant, les économistes et l'INSEE s'accordent sur un taux de croissance inférieur à 1 %. Cette attitude est affligeante, même si l'on imagine aisément qu'il est embarrassant pour la droite de dire la vérité aux Français...

M. Alain Lambert, ministre délégué. Non !

M. Gérard Miquel. ... étant donné qu'elle révèle l'échec de sa politique économique.

Un budget fondé sur une croissance délibérément surestimée se traduit évidemment par une diminution des recettes et une augmentation des dépenses, notamment des dépenses d'intervention. Finalement, le déficit budgétaire voté par le Parlement est largement dépassé. Il est regrettable, monsieur le ministre, que vous n'appliquiez pas les recommandations que vous aviez posées en 2000 dans un fameux rapport intitulé En finir avec le mensonge budgétaire.

Comme je viens de le démontrer, le principe de sincérité budgétaire, pourtant au coeur de la nouvelle loi organique, est mis à mal par le Gouvernement. Plus grave encore, la décision du Conseil constitutionnel du 27 décembre 2002 n'est pas respectée. Celle-ci prévoyait en effet que, si « au cours de l'exercice 2003, les grandes lignes de l'équilibre de la loi de finances s'écartaient sensiblement des prévisions, il appartiendrait au Gouvernement de soumettre au Parlement un projet de loi de finances rectificative ».

Le Gouvernement empêche le Parlement d'exercer les droits qu'il tient de la loi organique et que le Conseil constitutionnel a rappelés. Cette attitude est pour le moins méprisante à l'égard de la représentation nationale et de ses mandants, les Français.

La réduction de l'impôt sur le revenu n'a pas produit les merveilleux effets promis par le Président de la République et par la droite. Les résultats économiques du Gouvernement sont mauvais, c'est patent ! Mais cela n'a rien de surprenant étant donné que la baisse de l'impôt n'a profité qu'aux plus aisés. C'est donc naturellement que cette baisse s'est traduite par un gonflement de l'épargne des ménages et non par un renforcement de la consommation et de la croissance.

L'INSEE ne fait que confirmer cette analyse lorsqu'il relève que l'épargne a culminé à 18 % à la fin de 2002, contre 16 % en 2001. Ce chiffre exceptionnel est d'autant plus inquiétant que, selon les économistes, les ménages frappés par les licenciements puisent pourtant dans leurs économies pour vivre au quotidien.

Enfin, la baisse de 1,6 % de la consommation en mai dernier ne fait malheureusement que confirmer le caractère catastrophique des choix fiscaux du Gouvernement. Je dois avouer néanmoins que M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a eu l'honnêteté de reconnaître que les baisses d'impôts ne se sont pas forcément traduites par une augmentation de la consommation.

Sous l'effet de l'abandon de l'ensemble des politiques volontaristes en faveur de l'emploi, le chômage atteindrait au minimum 9,6 % à la fin de 2003, selon l'INSEE. Mais ce danger n'émeut pas la droite car, tandis que le chômage augmente, elle diminue les crédits de l'emploi et suspend la loi de modernisation sociale. Elle licencie aussi les emplois-jeunes. Cette véritable politique de lutte contre l'emploi devra être assumée devant les Français.

Le gouvernement de Lionel Jospin avait rétabli la confiance en moins d'un an. (Exclamations sur les travées de l'UMP.) Le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, en moins d'un an, a dilapidé cet acquis.

Certes, la conjoncture internationale s'est détériorée en 2003 ; il serait donc injuste de rendre le Gouvernement responsable de tous les maux, mes chers collègues.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous progressez !

M. Gérard Miquel. Il est néanmoins de mon devoir de dénoncer son incapacité à faire aussi bien que nos partenaires européens, car telle est la triste vérité !

En effet, alors que chez nous, de 1998 à 2002, la croissance a été systématiquement supérieure à celle de la zone euro, selon l'Observatoire français des conjonctures économiques, l'OFCE, en 2003 et en 2004, elle serait inférieure.

En conclusion, le gouvernement Raffarin, c'est plus d'efforts pour moins de croissance.

Pour 2004, le Gouvernement prévoit de nouveau une croissance de 2,5 %. Est-ce vraiment sérieux ? Pour l'OFCE, la croissance ne dépasserait pas 1,6 %. L'Observatoire considère, en outre, que la prévision gouvernementale est totalement déraisonnable, car la guerre en Irak n'explique pas grand-chose à la situation actuelle de la France.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Mais si !

M. Gérard Miquel. En conclusion, notre économie va plus mal que ne le dit le Gouvernement, et ses choix politiques et fiscaux en sont largement responsables.

J'en viens au deuxième point de mon intervention : le déficit public. Là, mes chers collègues, tout ou presque a été dit par la Cour des comptes.

Ainsi, elle note dans son rapport préliminaire sur l'exécution des lois de finances : « En 2002, la situation s'aggrave nettement : le déficit du budget de l'Etat atteint 49,3 milliards d'euros. Ce niveau de déficit présente la caractéristique d'être le plus fort depuis huit ans. Il est très en dessous - 4,7 milliards d'euros - de l'hypothèse la plus favorable de l'audit des finances publiques effectué après les élections, le 24 juin 2002.

M. Jean Arthuis. Il y a trois primes de Noël !

M. Gérard Miquel. « Il est même, à l'inverse de ce qui était observé depuis 1997, supérieur aux objectifs réajustés lors du collectif de décembre. »

Ainsi, le déficit de l'Etat a atteint un niveau particulièrement inquiétant. Il est supérieur de près de 5 milliards d'euros à l'hypothèse la plus défavorable de l'audit de juin 2002, qui traduisait pourtant, selon le ministre de l'économie, la situation réelle des finances publiques laissées par le gouvernement de Lionel Jospin.

Dès lors, d'où provient cet écart, si ce n'est de la mauvaise gestion du Gouvernement, notamment de ses baisses d'impôt injustes, voire irresponsables ? En tout cas, la conjoncture économique n'est nullement en cause, puisque l'audit retenait une hypothèse de croissance de 1,3 %, très proche du niveau atteint de 1,2 %.

Le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin est donc, pour une large part, clairement reponsable de la dégradation du déficit de l'Etat en 2002.

En outre, le déficit public a dépassé la limite de 3 % du PIB en 2002. Les ministres européens des finances ont donc sanctionné le Gouvernement pour « déficit excessif », lui laissant jusqu'au 3 octobre pour présenter ses mesures de redressement des finances publiques.

De plus, si le déficit atteint, en 2004, 3,6 % du PIB, comme le prévoit d'ores et déjà la Commission européenne, notre pays serait alors condamné à verser une amende financière. Que n'aurions-nous entendu si la gauche avait conduit la France à de telles sanctions !

Le Gouvernement prévoit-il de devenir plus sincère et meilleur gestionnaire en 2003 et 2004 ? « Absolument pas », répond la Commission européenne en indiquant que le déficit public atteindra respectivement 3,7 % et 3,6 % du PIB pour ces deux années, tandis que le Gouvernement annonce seulement 3,4 % et 2,9 %.

Pourquoi un tel écart, monsieur le ministre ? Je serais fort intéressé d'en connaître l'origine. Est-ce que ce sera encore, en 2004, la faute du gouvernement de Lionel Jospin ? Ah, le coup de l'héritage ! Il est classique mais efficace,... du moins jusqu'à ce que les Français s'en lassent, si ce n'est déjà fait (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

Et pourquoi un tel écart en 2003 avec le déficit public affiché dans la loi de finances, soit 2,6 % ?

Je constate que M. le rapporteur général, avec discernement et franchise, estime « irréaliste » l'objectif affiché par le Gouvernement de retour sous la barre des 3 % en 2004.

M. Philippe Marini, rapporteur général. J'espère me tromper !

M. Gérard Miquel. Votre objectivité est très largement reconnue par la presse, monsieur le rapporteur général, jusqu'à L'Humanité.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Je vous remercie.

M. Jean Chérioux. Ne le dites pas trop fort !

M. Gérard Miquel. Je n'avais pas perçu les mêmes échos voilà quelques années, vous vous améliorez !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Eh oui, on se bonifie avec le temps !

M. Gérard Miquel. J'espère que vous serez entendu et que le débat aura lieu, enfin, sur des bases réalistes et sincères.

Comment croire le Gouvernement lorsqu'il affirme qu'il entend respecter les engagements européens de la France en 2004 ? Pour atteindre cet objectif, il faudrait trouver, au bas mot, 10 milliards d'euros, mes chers collègues ! Or, dans le rapport du Gouvernement, on n'entrevoit pas l'ombre d'un euro !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Il faut donc annuler plus de crédits !

M. Gérard Miquel. Une fois de plus, la loi organique relative aux lois de finances est dévoyée. Le rapport du Gouvernement ne respecte pas les dispositions qu'elle a prévues. Il est de plus extrêmement partial, l'information budgétaire se mêlant à la propagande.

Jamais l'opacité sur les intentions budgétaires d'un gouvernement n'a été aussi forte que cette année ! Le projet de loi de finances pour 2004 est bouclé pour l'essentiel, mais nous n'en connaissons rien.

Le troisième et dernier point de mon intervention concerne la politique budgétaire du Gouvernement.

Le gel de 4 milliards d'euros de crédits réalisé dès février 2003 prouve que la loi de finances pour 2003 n'était qu'un texte d'affichage et que le Gouvernement n'a que faire du vote du Parlement.

Les crédits de l'éducation nationale, de la recherche ou encore des affaires sociales, déjà en baisse, dans la loi de finances sont désormais carrément sacrifiés. La rigueur budgétaire est inexorablement en marche. En outre, au gel de crédits de 4 milliards d'euros, dont 1,4 milliard a été définitivement annulé, s'ajoutent 7 milliards d'euros de reports.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Faut-il encore plus de déficit ?

M. Gérard Miquel. Cette maîtrise comptable frappe aveuglément tous les budgets, sauf peut-être ceux qui sont considérés comme prioritaires. Et encore, il semblerait que, sous couvert de transferts, les crédits de la défense soient l'objet de véritables gels. De plus, le titre V de ce budget sera ponctionné pour financer les opérations extérieures. Mais en l'absence de transparence budgétaire, je dois avouer qu'il est difficile d'en savoir davantage, sauf à espérer bénéficier, de-ci de-là, d'indiscrétions dans la presse.

La rigueur atteint une telle ampleur que le ministère des affaires étrangères a dû annuler sa participation à la fête de la musique pour cause de restrictions budgétaires. Si les idéologues de droite se félicitent sûrement de cette annulation, la fête de la musique n'étant pas une mission régalienne de l'Etat, les Français, en revanche, la regrettent, car ils apprécient la fête de la musique, mes chers collègues.

M. Jean Chérioux. C'est d'un haut niveau !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Elle s'est très bien passée à Compiègne, sans un sou de subvention de l'Etat !

Mme Marie-Claude Beaudeau. C'est une ville riche !

M. Gérard Miquel. A Compiègne, je n'en doute pas, monsieur le rapporteur général. Mais les gels de crédits peuvent avoir des conséquences autrement plus graves - et je redeviens sérieux, monsieur le rapporteur général.

M. Jean Chérioux. Ah, ce n'était que de l'humour !

M. Gérard Miquel. Il faut bien faire preuve d'un peu d'humour dans les interventions ! Cela détend !

M. Xavier de Villepin. Bien sûr !

M. Gérard Miquel. Mais les gels de crédits peuvent avoir des conséquences autrement plus sérieuses, voire dramatiques, lorsqu'ils touchent certains crédits comme ceux du programme de protection Biotox, par exemple.

Selon une note des ministres des affaires sociales et de la santé envoyée le 14 mai au Premier ministre, les mesures de régulation sont « sur le point d'empêcher nos ministères de fonctionner au quotidien ». Ce n'est pas moi qui le dis.

M. Alain Lambert, ministre délégué. C'est Le Canard enchaîné !

M. Gérard Miquel. Les crédits en faveur des « publics en difficulté » ont été frappés de plein fouet par la rigueur budgétaire, alors que les difficultés économiques nécessiteraient au contraire leur augmentation. Evidemment, ce n'est pas la droite qui va s'en émouvoir !

Ce que la droite appelle « la France d'en bas » a droit aux discours et à la compassion du Gouvernement. Les riches, eux, ont droit à sa générosité.

M. Philippe Nogrix. Comme au parti socialiste !

M. Jean Chérioux. C'est toujours de l'humour...

Mme Marie-Claude Beaudeau. Un peu moins !

M. Gérard Miquel. Suppression des crédits pour les publics en difficulté, mais baisse de l'impôt sur le revenu et de l'ISF grâce à la discrète mais efficace loi Dutreil sur l'initiative économique : bref, cadeau pour les grandes fortunes, rigueur budgétaire pour tous les autres !

M. Jean-Yves Mano. Absolument !

M. Gérard Miquel. Cette politique est incontestablement celle d'une droite dure, ultralibérale et bras armé du MEDEF. La droite prend sa revanche sociale. Elle s'attaque aux services publics,...

M. Philippe Nogrix. Aux dépenses excessives !

M. Gérard Miquel. ... à la protection sociale,...

M. Philippe Nogrix. Au déficit budgétaire !

M. Gérard Miquel. ... aux droits des salariés...

M. Philippe Nogrix. A l'irresponsabilité !

M. Gérard Miquel. ... et détruit la moindre politique de solidarité nationale. Au final, les Français subissent son credo : la concurrence, la dérégulation, la flexibilité du travail,...

M. Philippe Nogrix. La flexibilité des loisirs !

M. Gérard Miquel. ... la baisse des coûts salariaux, la baisse des retraites,...

M. Philippe Nogrix. Les retraites anticipées !

M. Gérard Miquel. ... la loi du marché et l'individualisme. Malheur aux vaincus du marché tout puissant !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Tout cela manque de nuance !

M. Gérard Miquel. En 2004, le Gouvernement souhaite poursuivre la baisse de l'impôt sur le revenu afin de développer l'épargne retraite. Evidemment, ce cadeau fiscal ne bénéficiera qu'aux plus fortunés.

Mais le plus intéressant est l'aveu que contient cette annonce. En effet, contrairement à ce qu'il prétend, le Gouvernement n'a pas sauvé la retraite par répartition puisqu'il met en place un dispositif encourageant la capitalisation !

Les cadeaux fiscaux clientélistes du Gouvernement ont creusé le déficit budgétaire, comme le souligne la Cour des comptes : « La baisse de 5 % de l'IR décidée en collectif d'été a accentué le tassement de la progression des recettes fiscales nettes, qui s'établissent à 240,2 milliards d'euros, contre 244 milliards d'euros en 2001, soit une diminution de 1,9 %. Cette politique qui peut être facilement absorbée en période de forte croissance ou de consolidation de la croissance devient très délicate dans un contexte économique défavorable. »

Notre rapporteur général ne pense pas autre chose lorsqu'il écrit : « Il serait assurément dangereux d'engager dans l'immédiat une baisse massive des prélèvements obligatoires. »

M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous l'avez vous-même noté, mon cher collègue : « dans l'immédiat » !

M. Gérard Miquel. Enfin, ces baisses inefficaces à court terme, comme en témoigne le triste état de notre économie, ne seront pas plus efficaces dans le long terme.

J'en viens à la dénonciation du déclin de la compétitivité de la France, thème préféré de notre Premier ministre et qu'ont repris certains des orateurs qui m'ont précédé à cette tribune.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Exact !

M. Gérard Miquel. Cette dénonciation ne repose sur aucune réalité, comme le montrent deux études récentes de l'OCDE et du Conseil d'analyse économique, organisme placé auprès du Premier ministre.

Selon l'OCDE, la France est le second pays au monde à avoir attiré le plus d'investisseurs en 2002. La vérité est donc que notre pays est compétitif et attractif... Du moins l'était-il jusqu'en 2002, avant que le Gouvernement Raffarin ne réduise les crédits consacrés à la recherche. Vous le savez, mes chers collègues, la recherche est pourtant déterminante pour notre avenir et pour notre compétitivité.

Dès lors, prétendre que la France est en déclin relève du mensonge et constitue une grossière manipulation visant à justifier une politique libérale de remise en cause des droits sociaux, des services publics et de l'impôt.

Pour sa part, le Conseil d'analyse économique contredit indiscutablement le discours officiel, puisque, selon cet organisme, « la fiscalité sur les hauts revenus n'est pas défavorable, contrairement à une idée reçue ».

Tout le monde aura aussi noté que la droite applique très sélectivement son programme de baisse des impôts. Elle privilégie nettement la réduction de l'impôt sur le revenu, qui ne profite qu'aux plus aisés, et oublie la baisse de la TVA sur la restauration, qui a sûrement l'inconvénient de profiter à tous, n'est-ce pas mes chers collègues de la majorité ? Cette baisse, vous l'aviez pourtant promise.

M. Philippe Marini, rapporteur général. On devrait augmenter la fiscalité sur les truffes !

M. Gérard Miquel. Et comment expliquer les exonérations d'impôt de solidarité sur la fortune votées récemment alors qu'elles n'étaient même pas dans le programme électoral de la droite ? Bel exemple d'esprit démocratique et de respect des Français !

Ces cadeaux fiscaux du Gouvernement ont également des répercussions néfastes sur les collectivités locales puisqu'ils contribuent à assécher leurs ressources.

Ne nous y trompons pas : la décentralisation libérale du Gouvernement est défavorable à l'Etat, dernière entrave aux forces du marché, mais elle n'est pas pour autant favorable aux collectivités locales.

Pour baisser les impôts sans dégrader excessivement le déficit de l'Etat, le Premier ministre prévoit de transférer des charges aux collectivités locales sans les compenser. Le tour de passe-passe est simple : la compensation des charges transférées se fera sur la base des dépenses que l'Etat leur consacre aujourd'hui. Mais voilà, à force d'annulations de crédits supportables à très court terme, il ne leur consacrera bientôt plus rien !

Dans ces conditions, la hausse des impôts locaux n'est pas près de s'interrompre ! Or, à la différence des impôts de l'Etat, les impôts locaux pénalisent davantage les Français modestes.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Ce n'est pas vrai ! Et les dégrèvements ?

M. Gérard Miquel. Avec ce Gouvernement, les difficultés n'attendent pas : dès cette année, les élus locaux sont confrontés à des problèmes financiers, et, dans certains cas, la situation est déjà grave.

En 2003, la dotation forfaitaire des communes progresse moins que l'inflation. Autant dire que nombre de communes sont pénalisées par une baisse en volume de la dotation par rapport à 2002 ! Celles qui se sont engagées dans l'intercommunauté ont même l'impression d'avoir été trahies.

M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est un discours de préau !

M. Gérard Miquel. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous donner des informations sur la DGF des communes afin d'apaiser les inquiétudes des élus locaux ?

L'Etat capte en 2003 plusieurs ressources qui appartenaient auparavant aux collectivités locales. Je prendrai comme exemple le cas du FNDAE, le fonds national de développement des adductions d'eau.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Il n'y a plus d'eau !

M. Gérard Miquel. Mes chers collègues, lors du débat budgétaire, nous avons évoqué ce sujet qui, comme à vous tous, me tient particulièrement à coeur en tant qu'élu local, mais aussi en tant que rapporteur de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Excellent rapport !

Mme Marie-Claude Beaudeau. C'est vrai : c'est un très bon rapport !

M. Gérard Miquel. Le FNDAE perd cette année au profit de l'Etat la ressource qui lui venait du PMU. Pourtant, lors de l'examen de la loi de finances pour 2003, monsieur le ministre, en réponse à une question que je vous avais posée,...

M. Philippe Marini, rapporteur général. On n'est plus dans les orientations !

M. Gérard Miquel. ... vous déclariez : « Je peux prendre devant vous l'engagement qu'il ne manquera pas un euro pour la réalisation des travaux que vous souhaitez conduire dans vos départements. »

Or, mon département,...

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C'est un beau département ! (Rires.)

M. Gérard Miquel. ... et je serais étonné qu'il soit le seul dans ce cas, a perdu en dotation du FNDAE la bagatelle de 72 %.

M. Philippe Nogrix. Oh ! la la ! Il n'y a peut-être plus d'eau !

M. Gérard Miquel. J'aimerais que vous puissiez me dire, monsieur le ministre, qu'il s'agit là d'une simple erreur administrative et qu'elle sera corrigée !

M. Xavier de Villepin. Bien sûr ! Soyons optimistes !

M. Philippe Nogrix. Etes-vous sûr que vous ne confondez pas les francs et les euros ?

M. Gérard Miquel. Non, je ne confonds pas les francs et les euros, et je note là une forte contradiction - cela devient habituel - entre l'effet d'annonce - la charte de l'environnement - et la réalité financière.

Je dénonce donc solennellement, à l'occasion de ce débat, la politique antisociale du Gouvernement, qui délite la solidarité nationale,...

M. Philippe Nogrix. Non !

M. Gérard Miquel. ... et son dogmatisme idéologique, qui conduit la France vers sa ruine économique et financière.

M. Philippe Nogrix. Eh bien !

M. Gérard Miquel. Plusieurs orateurs ont parlé de la fameuse « cagnotte ». Je tiens à vous rappeler, mes chers collègues, que c'est le Président de la République lui-même, dans son discours du 14 juillet 2000, qui a exhorté le gouvernement de Lionel Jospin à redistribuer les fruits de la croissance.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Il fallait d'abord les avouer avant de les distribuer !

M. Gérard Miquel. Aujourd'hui, vous dénoncez l'utilisation de cette cagnotte qui, en fait, n'existait pas : quand on a un déficit comme le nôtre, on n'a pas de cagnotte !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Ce n'est pas ce que vous disiez à l'époque !

M. Gérard Miquel. Monsieur le rapporteur général, vous ne me contredirez pas !

M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Miquel !

M. Gérard Miquel. Monsieur le président, je termine, mais qui a demandé, avec force conviction, cette redistribution, sinon le Président de la République ? Vous n'avez pas été très nombreux à contredire ses propos à ce moment-là !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous ne le contredisons jamais !

M. Gérard Miquel. Monsieur le ministre, vous connaissez le potentiel de sympathie dont vous jouissez dans cet hémicycle. Quand j'entends toutes les promesses qui sont faites, parfois au plus haut niveau de l'Etat, je me dis, connaissant votre rigueur intellectuelle, que vos amis ne vous facilitent pas toujours la tâche ! (Sourires et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot.

M. Philippe Adnot. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat d'orientation budgétaire est un moment particulièrement intéressant de la vie parlementaire. Comme je ne dispose que de quelques minutes, vous me permettrez de ne pas poser sur ce débat un regard de spécialiste, ce que je ne suis pas, d'ailleurs, mais plutôt de m'intéresser aux principes, quelquefois avec amusement et curiosité.

Normalement, l'exercice est assez simple : il suffit d'apprécier les recettes, qu'elles soient d'origine fiscale ou non fiscale, ou qu'elles proviennent de l'emprunt, qui représente en fait le déficit budgétaire acceptable, et, à partir de là, de construire les dépenses.

L'évaluation des recettes fiscales donne aujourd'hui lieu à un débat : faut-il ou non baisser les impôts ?

C'est une approche qui, personnellement, m'étonne. La décision de baisser les impôts ne peut se réduire au seul constat de l'importance des recettes. Croit-on, oui ou non, qu'il faille libérer les forces créatrices de richesses ? Croit-on, oui ou non, que le bilan global dépend seulement d'une éventuelle croissance de la consommation ? Ne faut-il pas aussi dynamiser l'envie de créer ?

Quant au déficit budgétaire - donc aux emprunts -, puisque l'Etat ne rembourse pas d'annuité en capital, la seule question n'est pas son montant, mais ce qu'il couvre. Peut-on durablement continuer à couvrir des dépenses de fonctionnement par le déficit ?

Le meilleur exemple de ce qu'il ne faut pas faire est le financement de l'allocation personnalisée d'autonomie : faudra-t-il chaque année emprunter de nouveau pour assurer la part de l'Etat plus l'annuité de remboursement de l'emprunt précédent ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. Bonne question !

M. Philippe Adnot. Pourtant, nous savions qu'il existait un moyen de maîtriser la dépense. Je rappelle à quelques-uns que, hélas ! je me suis trouvé bien seul pour tenter de le faire adopter.

M. Philippe Marini, rapporteur général. La récupération sur succession...

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Vous n'étiez pas seul, monsieur Adnot !

M. Philippe Adnot. La vérité, c'est que le budget doit être construit sur une base minimale qui oblige à ne pas structurer les dépenses obligatoires sur des recettes hypothétiques ou exceptionnelles.

Les éventuelles bonnes surprises du PIB ou des recettes fiscales doivent être à la base de marges de manoeuvre qui permettent un arbitrage entre maîtrise de l'endettement et politiques de l'investissement.

M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est en effet ce qu'il faut faire.

M. Philippe Adnot. La gauche a commis l'erreur de profiter des bonnes années pour structurer la dépense de fonctionnement.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Eh oui !

M. Philippe Adnot. La France aujourd'hui est victime de cette attitude. Ne commettons pas le même crime contre l'avenir.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !

M. Philippe Adnot. Par parenthèse, je rappelle, puisqu'on a parlé des « cadeaux » fiscaux qui seraient faits à l'heure actuelle, que le plus beau cadeau fiscal qui ait été fait l'a tout de même été par la gauche le jour où a été supprimée la vignette automobile ! Pour le possesseur d'une petite voiture de type 4 L, le cadeau s'élevait à 250 francs, pour le possesseur d'une Mercedes, à 15 000 francs. En termes de cadeaux aux plus riches, vous êtes imbattables !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Voilà une excellente réponse !

M. Jean-Claude Frécon. On a fait une erreur !

M. Philippe Adnot. L'appréciation des dépenses doit découler de cette analyse.

Pour maîtriser les dépenses, il convient donc de s'appuyer sur quelques règles simples qui concernent aussi bien le Parlement que le Gouvernement.

Monsieur le ministre, il faut arrêter l'inflation, quelle qu'en soit l'origine, des nouveaux textes non gagés par l'annulation d'une dépense existante.

C'est à l'intérieur de la dépense existante que nous devons trouver des marges de manoeuvre. Les ministres et les parlementaires, en particulier les rapporteurs, doivent être unis dans un même effort.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Bravo !

M. Philippe Adnot. Il importe de chasser le gaspillage, les doublons et les dépenses inutiles. C'est possible, et je vais y revenir, mais je voudrais dire auparavant que, trop souvent - cela a encore été le cas tout à l'heure - on commence par déclarer que l'on va maîtriser la dépense, puis on énonce les nombreux domaines qui feront exception...

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Qui a dit cela ?

M. Philippe Adnot. Or, chacun des ministères a la possibilité, avec l'enveloppe dont il dispose actuellement, de choisir sa dépense. Il peut faire une analyse de ses besoins et trouver les ressources correspondantes. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Philippe Marini, rapporteur général. Bravo !

M. Philippe Adnot. Cela suppose de s'intéresser à la qualité de la dépense publique et pas seulement à son montant. Le problème ne tient pas seulement aux régulations, il tient aussi à l'investissement. Quel est l'investissement qui a le meilleur retour ? Quel est celui qui fait effet de levier pour créer de la richesse ?

Hélas ! nous ne sommes pas toujours suffisamment rigoureux en la matière. Quelques exemples démontrent pourtant que c'est possible.

Le ministère de l'environnement manque de moyens pour financer l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, l'ADEME. Il va donc y avoir une demande de crédits supplémentaires. La gauche a détourné les ressources de l'ADEME pour financer les 35 heures et, aujourd'hui, l'ADEME n'a plus les moyens de couvrir les dépenses auxquelles elle s'était engagée. Dans le cadre d'une mission que m'a confiée la commission des finances, je vous ai présenté un rapport qui montre que, grâce à un changement de l'organisation du conseil supérieur de la pêche, la subvention d'équilibre de 20 millions d'euros ne serait plus nécessaire.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Excellent !

M. Philippe Adnot. Nous savons donc pertinemment qu'il est possible, par des arbitrages, de trouver des économies qui permettront de dégager les moyens nécessaires.

Autre exemple : un texte concernant la sécurité civile est en préparation, exercice louable s'il en est, mais qui peut éventuellement coûter cher. Or, doit-on ignorer le rôle que pourrait jouer l'armée au niveau zonal, puisqu'elle est obligée de disposer d'un équipement adapté aux missions de sécurité et d'en assurer l'entretien ? N'y aurait-il pas là moyen d'éviter de « doublonner » et de faire des économies ? Monsieur le ministre, quand ce débat aura lieu, il faudra y penser. Sinon, nous ne maîtriserons jamais aucune dépense.

L'acte II de la décentralisation doit également se concevoir dans cet esprit. Puisqu'il va y avoir réorganisation des services de l'Etat, c'est le moment de mobiliser toute l'énergie, toute la matière grise disponible pour atteindre le seul objectif qui vaille : rendre notre pays plus souple, plus efficace, plus compétitif, en diminuant ses charges de structure et en fluidifiant son fonctionnement.

La tâche, je le sais, ne sera pas facile, et nous serons parfois en contradiction. C'est ainsi, par exemple, que je n'ai pas signé la proposition de loi organique qui visait à augmenter le nombre de sénateurs. Si nous voulons être cohérents en matière de maîtrise de la dépense, alors il ne faut pas, selon moi, créer de dépenses supplémentaires qui ne soient pas indispensables. (M. Philippe Nogrix applaudit.)

Nous devons nous attaquer à la quadrature du cercle, comme l'a dit M. le rapporteur général. Je puis simplement vous assurer, monsieur le ministre, que nous serons à vos côtés pour vous apporter notre soutien, nos idées, notre conviction. Le jeu, je crois, en vaut la chandelle ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Philippe Marini, rapporteur général. Bravo !

M. le président. Mes chers collègues, avec l'accord de M. le ministre et de M. le président de la commission des finances, nous pouvons, si chacun y met du sien, éviter de siéger en séance de nuit. Encore faut-il que chacun respecte son temps de parole !

La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat d'orientation budgétaire pour 2003 se situe sous des auspices tout à fait particuliers.

En effet, alors que nous avions eu l'occasion, lors du débat budgétaire, de souligner à quel point les attendus et les estimations du projet de loi de finances nous paraissaient inexacts, nous pouvons aujourd'hui vérifier, à l'aune des éléments financiers disponibles, que nous avions raison de nous poser quelques questions.

Ainsi en était-il de la prévision de croissance économique, fixée dans le cadre du projet de loi de finances à hauteur de 2,5 % : il apparaît que ce taux ne sera pas atteint, avec tout ce que cela implique, puisque l'on se situera, au mieux, à hauteur de 1,3 % et, plus vraisemblablement, à un point de croissance seulement.

Chers collègues de la majorité sénatoriale, j'ai d'ailleurs pu constater en commission des finances que vous étiez pour le moins inquiets !

Il est vrai que la situation est préoccupante : un déficit dérapant vers les 50 milliards d'euros pour l'exercice 2003, un stock de dette publique dépassant les 900 milliards d'euros et seulement l'espérance un peu vaine d'un déficit réduit à 45 milliards d'euros en 2004 !

Cette situation a évidemment plusieurs origines, dont certaines doivent, à l'occasion de ce débat, être soulignées. Figurent ainsi parmi les obstacles rencontrés pour atteindre les objectifs de croissance, l'atonie de la consommation populaire et la faiblesse de l'investissement productif, notamment des entreprises. Ce sont, parmi d'autres, autant de causes qui expliquent le ralentissement de l'activité économique.

Pourtant, que ne nous avait-on pas promis lors de la discussion du projet de loi de finances !

Le mouvement de baisse des impôts, les mesures d'incitation fiscale diverses et variées, s'adressant notamment aux entreprises et aux ménages les plus aisés, devaient contribuer à la relance de l'activité économique.

Tel n'est pas le cas et tout se passe comme si l'argent public avait été dépensé sans que l'on accorde à son affectation toute l'attention requise, sans que l'on fasse l'effort de s'interroger sur la pertinence et l'efficacité de la dépense.

Comment, par exemple, ne pas s'interroger sur le sens de la politique de réduction des cotisations sociales patronales quand on constate une aggravation de la situation de l'emploi ? Moins d'emplois, c'est moins de recettes pour la sécurité sociale et pour les retraites ; c'est donc, également, moins de croissance.

Le pays a déjà connu, dans le passé, des politiques de cette nature, privilégiant l'offre au détriment de la satisfaction des besoins populaires. Rappelons-nous, par exemple, le gouvernement Balladur, entre 1993 et 1997, détenteur du record de l'augmentation de la dette publique.

Dans le cadre de l'exécution budgétaire, qu'a-t-on en outre pu constater ? Essentiellement une remise en question de la valeur du débat budgétaire mené au parlement.

En effet, il n'a pas fallu dix jours au Gouvernement, en cette année 2003, pour procéder au plus important transfert de crédits sans doute jamais réalisé.

Par décret en date du 10 janvier, la totalité des charges de pension des fonctionnaires, budgétées dans chaque département ministériel, a été imputée sur le compte des charges communes. Des sommes particulièrement significatives - plus de 27 milliards d'euros - ont donc quitté le champ des dépenses adossées à des recettes fiscales pour celui des dépenses gagées sur des ressources extra-budgétaires.

Ce choix, que nous nous devons de rappeler alors même que l'Assemblée nationale examine, avec toute l'attention requise, le projet de loi sur les retraites, est dangereux sur la durée et illustre singulièrement la conception profonde qui anime ce gouvernement s'agissant de la gestion du budget de l'Etat.

De manière plus générale, les six premiers mois de l'année ont été marqués par la multiplication des arrêtés d'annulation de crédits et des reports de crédits de 2002 sur l'exercice 2003, pour des montants tout à fait significatifs.

C'est ainsi que le décret du 14 mars dernier a porté sur des annulations de crédits d'un montant particulièrement élevé, dépassant le milliard et demi d'euros et représentant, par exemple, l'annulation de plus de 50 % des dépenses nouvelles en crédits d'intervention.

Ce sont des dizaines de millions d'euros de crédits ouverts dans les domaines de la recherche, de l'éducation, du logement social, du développement de la vie associative qui ont ainsi été annulés, sans autre justification que celle de tenir, coûte que coûte, les objectifs fixés en matière de déficit, dont on sait pertinemment qu'ils ne pourront être atteints sans nouvelles coupes budgétaires.

C'est dans ce contexte, rapidement retracé ici, que le présent débat d'orientation budgétaire se situe.

Le Gouvernement, malgré l'échec patent de son pari macroéconomique, va-t-il persévérer ? La réponse nous paraît claire, elle est d'ailleurs annoncée.

Le Président de la République lui-même a indiqué que le mouvement de baisse des impôts se poursuivrait, accompagnant la décentralisation, c'est-à-dire le transfert du volume de charges le plus important possible vers les collectivités territoriales. Il s'agit d'une réforme de l'Etat consistant à réduire, lentement mais sûrement, la présence des services publics sur le territoire. D'autres réformes essentielles, comme celle qui porte sur les retraites, tendent à miner pour l'avenir le socle de la solidarité entre les générations.

La baisse des impôts a prouvé sa profonde inefficacité, parce qu'elle a été gagée sur une réduction de la dépense publique, qui s'avère meurtrière, en dernière instance, pour la relance de l'activité économique.

Quand - mais quand ? - les théoriciens forcenés du libéralisme comprendront-ils que la dépense publique peut être un levier pour l'ensemble de l'activité économique et qu'elle provoque souvent l'intervention du secteur privé ?

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Nous devrions disposer d'une force extraordinaire !

M. Thierry Foucaud. Chercher aujourd'hui à la réduire coûte que coûte est donc antiéconomique et inefficace. Cela amène de nouvelles difficultés ; c'est une erreur politique, c'est une erreur économique.

On nous annonce d'ailleurs que l'on va pousser toujours plus loin dans cette voie, en procédant notamment à de nouveaux transferts de charges en direction des collectivités territoriales,...

M. Philippe Marini, rapporteur général. De charges et de ressources !

M. Thierry Foucaud. ... ce qui plaît beaucoup à M. le rapporteur général. Nous avons pu l'entendre voilà quelques instants ! Des champs d'intervention de plus en plus étendus seront ainsi purement et simplement abandonnés.

Cela concerne notamment des domaines comme la culture ou le sport, mais aussi la recherche, ou encore le logement. Dans ce secteur, on supprime les crédits PLA - prêts locatifs aidés - et PALULOS - primes à l'amélioration des logements à usage locatif et à occupation sociale. C'est là une mesure grave, qui pose la question du logement social en France, à l'heure même où l'on crée un nouveau dispositif d'incitation fiscale à l'investissement privé, en attendant d'aller encore plus loin dans d'autres domaines...

Ces choix politiques ne correspondent manifestement pas aux attentes des populations et ne permettront pas de satisfaire les besoins de celles-ci.

Répondre aux impératifs du développement de l'emploi, répondre aux besoins en matière de logement social, répondre aux attentes en matière de protection sociale et de solidarité nationale appelle d'autres solutions que celles qui consistent à décliner sans cesse avantages et optimisation fiscaux, toujours au profit des mêmes, sans que cela contribue ni au développement de l'activité, ni à la réduction des inégalités, ni à la justice sociale.

Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen estiment donc, naturellement, que d'autres solutions, en termes d'affectation des ressources publiques, doivent être mises en oeuvre.

Cela vaut d'ailleurs dans le domaine des dépenses budgétaires directes comme dans celui de la dépense fiscale.

Cela implique, notamment, de se libérer du carcan imposé par les orientations européennes. Il a été mis en place dans le dessein ultime de permettre l'appréciation de l'euro, alors même qu'il apparaît aujourd'hui nettement que cette appréciation s'avère plus dommageable pour l'emploi et la croissance qu'une dépréciation.

Le respect d'un certain niveau de déficit qui conditionne en particulier nombre des politiques publiques menées par les gouvernements des Quinze se révèle une course épuisante, sans qu'il amène une amélioration réelle de la situation, laquelle s'aggrave au contraire.

L'objectif d'équilibre pour 2006 est, sans la moindre équivoque, parfaitement impossible à atteindre, d'autant qu'il est fondé, selon toute vraisemblance, sur une forme d'obstination théorique plutôt que sur une nécessité absolue pour les économies des Quinze. Cela apparaît de plus en plus nettement.

On pourrait pourtant fort bien concevoir une réduction plus progressive des déficits publics, mais cela suppose une autre conception de l'action publique, une réforme fiscale incitant plus directement au développement de l'emploi, de la formation et de l'investissement que celle qui est aujourd'hui mise en oeuvre.

Plusieurs mesures nous semblent d'ailleurs devoir être prises dès maintenant.

Tout d'abord, il est plus que temps d'interrompre le mouvement de réduction des taux d'imposition du barème de l'impôt sur le revenu et d'opter désormais pour des baisses plus ciblées, visant certaines catégories de revenus ou de contribuables.

Au moment où l'on débat de l'avenir des retraites, il serait peut-être bienvenu de revoir la situation fiscale de nos retraités et de consentir un effort particulier en leur faveur.

De la même manière, on peut fort bien concevoir d'accorder aux salariés des déductions complémentaires de leur revenu imposable, en vue de leur rendre, autant que faire se peut, un peu de pouvoir d'achat.

Dans le domaine de la TVA, il importe de se pencher réellement sur la question du maintien du taux réduit pour les travaux et de son application au secteur de la restauration. Une telle mesure, au demeurant, ne peut bien sûr être mise en oeuvre sans qu'une attention particulière soit accordée à ses effets en matière d'emploi et de développement de l'activité.

S'agissant de l'impôt sur les sociétés ou de l'impôt de solidarité sur la fortune, nous pensons là encore qu'il est temps de mettre un terme au mouvement d'allégement amorcé en 2002, qui prolonge une tendance lourde se manifestant, dans ce domaine, depuis plusieurs années.

Il est donc crucial, de notre point de vue, que, pour les trois années à venir, plutôt que d'afficher un objectif incantatoire de baisse des impôts, l'on puisse mettre en oeuvre une véritable réforme fiscale alliant efficacité économique et justice sociale.

S'agissant précisément de la justice sociale, nous ne pouvons que souligner encore une fois l'importance particulière que revêtent les niveaux de l'emploi et des salaires pour le processus de croissance.

Nous ne pourrons en effet escompter aucune amélioration durable de la situation des comptes publics tant que les salaires nets du secteur privé ne progresseront que de moins de 0,5 point par an en valeur constante et tant que tout sera fait pour encourager les politiques de déflation salariale menées par les entreprises. Force est de constater que ce n'est pas la voie choisie dans le cadre fixé par le Gouvernement au travers du document de présentation de ses orientations pour la période 2004-2006 et de la présente discussion.

Vous l'aurez compris, mes chers collègues, les parlementaires du groupe communiste républicain et citoyen feront valoir des priorités différentes, car nous sommes bel et bien placés devant un choix de société. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Oudin.

M. Jacques Oudin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'objet premier de ce débat d'orientation budgétaire est de cerner les grandes lignes du projet de loi de finances pour 2004.

Il fournit aussi l'occasion de présenter une stratégie financière à plus long terme, qui peut comporter plusieurs échéances : 2006 pour déterminer l'évolution de certains agrégats des finances publiques, conformément à nos engagements européens ; 2020 ou 2030 pour définir les grandes lignes de notre politique dans le domaine de l'investissement public et, plus particulièrement, dans celui des infrastructures de transports.

A cet égard, nous pouvons nous poser au moins trois questions préalables.

Premièrement, quelle a été l'évolution de l'investissement public au cours des dix dernières années ?

Deuxièmement, l'investissement public est-il ou non favorable à la croissance de notre économie ?

Troisièmement, peut-on envisager un nouveau partage du financement de l'investissement entre le contribuable et l'usager, avec une participation accrue de ce dernier ?

Concernant l'évolution de la place de l'agrégat « investissements publics » au sein des grands agrégats des finances de l'Etat, il apparaît nécessaire, monsieur le ministre, que vous puissiez informer utilement les parlementaires de la décroissance continue que nous avons connue au cours des dernières années et des conséquences de celle-ci.

Trois postes de dépenses sont toujours en croissance : les dépenses de fonctionnement de l'administration, les dépenses de répartition à vocation sociale et le service de la dette. En revanche, le poste qui régresse inexorablement est celui de l'investissement public financé ou dirigé par l'Etat.

Il est certes indispensable de mettre l'accent sur la réduction des dépenses de fonctionnement de l'Etat. M. le rapporteur général et M. le président de la commission des finances l'ont souligné. Cette diminution passera par un remodelage des structures et du périmètre d'action de l'Etat. La décentralisation sera, nous le savons, un volet important de cette réforme.

Toutefois, je souhaite que la réduction éventuelle des dépenses de fonctionnement de l'Etat permette rapidement de dégager de façon active de nouvelles marges de manoeuvre pour l'investissement public.

Devant ce constat, je formulerai une première question : quelle doit être la place des dépenses d'investissements civils dans le budget de l'Etat, à moyen et à long termes ? Poser cette question amène à en poser immédiatement une seconde : l'investissement public est-il ou non favorable et nécessaire à la croissance ?

Je n'ignore pas que, dans une situation budgétaire difficile, votre priorité, monsieur le ministre, est d'éviter d'augmenter le déficit avant de le résorber. Toutefois, dans le même temps, vous avez la volonté de stimuler la croissance. L'investissement public peut-il et doit-il y contribuer ?

A l'évidence, et sans qu'il soit besoin d'entrer dans des analyses économiques sophistiquées, la réponse est positive : l'effet dynamique et multiplicateur de l'investissement est suffisamment connu pour qu'il ne soit pas nécessaire de s'appesantir sur ce sujet.

Parmi les différents types d'investissements, il y a ceux qui concernent les infrastructures de transports.

Les débats des 20 mai et 3 juin derniers, respectivement à l'Assemblée nationale et au Sénat, ont été révélateurs d'un profond malaise : cinquante-huit députés et soixante et un sénateurs sont intervenus au cours de près de vingt heures de discussion. Ils n'ont pas parlé que de leurs problèmes locaux ; nombre d'entre eux ont constaté et déploré la régression importante de nos investissements dans le domaine des transports et la détérioration des modalités de financement et de fonctionnement de ce secteur.

La commission des finances du Sénat m'avait demandé de poursuivre mes réflexions, engagées sous votre autorité voilà quelques années, monsieur le ministre, sur le financement des investissements dans le domaine des transports.

Le premier constat que j'ai formulé concerne la chute dramatique de ces investissements.

Pour les infrastructures ferroviaires, les dépenses publiques représentaient 2,5 milliards d'euros en 1991, dont 1,5 milliard d'euros pour les lignes à grande vitesse. Dix ans plus tard, en 2001, ces dépenses étaient réduites à 1,1 milliard d'euros, dont seulement 300 millions d'euros pour les lignes à grande vitesse.

Ainsi, les investissements ferroviaires, priorité nationale s'il en est, ont été divisés par deux en dix ans, et par cinq s'agissant des lignes à grande vitesse, dont la création est réclamée par tous les parlementaires de la métropole !

Concernant le réseau routier, l'effort d'investissement s'est ralenti depuis le pic de 9,1 milliards d'euros atteint en 1996. L'effort d'investissement sur le réseau routier concédé, qui représentait 3 milliards d'euros en 1996, n'atteignait plus que 1,7 milliard d'euros en 2001. L'investissement a donc été réduit de moitié.

Pour résumer, depuis 1997, l'effort total d'investissement en matière d'infrastructures de transports n'a cessé de régresser en termes réels, alors que, dans le même temps, notre économie était en pleine croissance. La chute des investissements la plus brutale, à hauteur de 8 %, s'est ainsi produite en 1999, alors que le PIB, la même année, progressait de 4,7 % en valeur.

Les investissements en matière de transports représentaient 1,1 % du PIB par an en moyenne de 1991 à 1996. Ils n'atteignaient plus que 0,9 % du PIB entre 1997 et 2001. La différence, soit 0,2 % du PIB, correspond à un manque de 2,75 milliards d'euros par an. Or, dans le même temps, les collectivités locales ont fait, pour leur part, le choix de l'investissement. Heureusement qu'elles étaient là !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Absolument !

M. Jacques Oudin. Selon les statistiques de l'INSEE, entre 1978 et 2000, le volume d'investissement des administrations publiques locales a crû, en moyenne, de 2,5 % par an. Ce sont elles qui ont permis que l'investissement public global ne recule pas davantage encore. En fait, les subventions de l'Etat aux infrastructures de transports représentent 3,5 milliards d'euros par an, alors que les collectivités locales y consacrent 8 milliards d'euros par an, soit deux fois plus.

Le niveau que nous avons désormais atteint dans ce domaine place la France aux derniers rangs des pays développés pour la part du PIB consacrée aux infrastructures de transports.

Or, parallèlement, la demande continue à augmenter à un rythme élevé. C'est le deuxième constat.

Toutes les études qui ont pu être menées sur les perspectives, à vingt ou trente ans le démontrent sans ambiguïté : nos sociétés évoluent vers une demande accrue de mobilité, que ce soit pour les ménages ou pour les entreprises.

La conséquence directe de la création d'un vaste espace européen est l'accroissement des échanges de personnes et de marchandises. Or les échanges se font principalement par le biais de moyens de transport.

Nos concitoyens, qu'ils soient français ou européens, aspirent à davantage de voies de transport rapides et sûres : lignes à grande vitesse et autoroutes.

On sait que, désormais, les entreprises ne se développent ou ne s'installent que si elles peuvent bénéficier d'une bonne desserte en matière de logistique et de transports. On pourrait également évoquer, à cet instant, la communication numérique à haut débit.

La mondialisation ne fait qu'accentuer cette demande de transport, notamment maritime et aérien. Mais les ports ou les aéroports n'ont d'avenir que s'ils sont bien desservis par des réseaux de transports terrestres.

Bref, dans ce contexte, vous devez comprendre, monsieur le ministre, l'attente et l'impatience des parlementaires, qui se font l'écho des demandes des populations qu'ils représentent.

Il y a plusieurs contrevérités que nous avons lues et entendues au cours des débats sur les transports, mais il est préférable de ne pas trop les développer. J'en citerai au moins quatre.

Première contrevérité : il est possible de découpler la croissance économique de la croissance des transports. A moyen terme, c'est impossible. Deuxième contrevérité : la demande de transports va se ralentir. C'est faux ! Troisième contrevérité : la France est désormais suffisamment équipée en matière de transports. C'est inexact, et il suffit d'écouter les parlementaires pour le comprendre. Quatrième contrevérité : la croissance économique peut se poursuivre sans un effort important dans le domaine des transports. Cela ne dure qu'un temps.

L'excellent audit des transports, réalisé à la demande du Gouvernement, a eu le mérite, au moins, de confirmer l'existence de besoins considérables, mais qui ne sont pas excessifs par rapport aux évolutions passées, celles de la France, et aux besoins constatés chez nos voisins européens, à titre de comparaison.

Le troisième constat est que notre système de financement des réseaux de transports est largement grippé et qu'il ne peut plus faire face à la demande.

Il y a eu la suppression de l'adossement, la suppression du fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables, qui a rejoint au musée de l'histoire financière le fonds spécial d'investissement routier, le FSIR et le fonds spécial des grands travaux, l'affectation de la taxe d'aménagement du territoire, la TAT, au budget général et l'endettement paralysant du système ferroviaire, dont on pourrait d'ailleurs faire l'historique.

Dans ces conditions, un nouveau recours massif aux contributions des collectivités territoriales est intervenu dans le domaine des transports : les régions ont été mises à contribution pour les réseaux ferroviaires régionaux. Elles l'ont été également, avec les départements, pour la réalisation des lignes à grande vitesse. Les mêmes ont été sollicités pour les nouvelles sections d'autoroutes ou pour des aménagements ponctuels comme les échangeurs. Les régions seraient aussi mises à contribution pour les liaisons fluviales.

Or le Parlement a voté, le 28 mars 2003, une nouvelle révision de la Constitution qui précise dans son article 72-2 nouveau : « Tout transfert de compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales s'accompagne de l'attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d'augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi. »

Dans le domaine des transports, comme dans les autres secteurs, la nouvelle répartition des compétences devra s'accompagner d'une nouvelle donne financière.

Pour cette raison, il est préférable de voir clair dans les comptes des transports, dans les ratios d'efficacité et de productivité des différents modes de transport, et dans la rentabilité des différents réseaux de transports.

Dans ce contexte, nous attendons avec impatience les nouveaux comptes des transports tels qu'ils ont été définis par l'article 12 de la loi de finances rectificative du 6 août 2002.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous confirmer que la nouvelle version des comptes des transports sera bien présentée au Parlement en septembre 2003, avant le prochain débat budgétaire ?

Nous souhaitons savoir si le secteur des transports peut dégager des moyens suffisants pour autofinancer son développement.

Nous pourrons également, en analysant ces comptes, nous faire une meilleure opinion du partage de la charge entre le contribuable et l'usager.

A l'évidence, l'usager, qui aspire à disposer de moyens de transports efficaces et performants, peut et doit en payer le juste prix. Il serait prêt à le faire, mais encore faudrait-il qu'il puisse avoir l'assurance que sa contribution soit bien affectée au service correspondant. Or, malheureusement, ce n'est pas toujours le cas ; en tout état de cause, ce n'est pas le cas actuellement.

Ne parlons par de nouvelles taxations sur les transports routiers, comme cela a été mentionné, notamment dans le rapport de la DATAR, sans faire auparavant toute la lumière sur l'utilisation du produit des taxes anciennes.

Souvenez-vous de la taxe d'aménagement du territoire, que j'ai évoquée. Souvenez-vous également de la TIPP, qui a été instaurée en 1949 pour assurer le financement de la rénovation du réseau ferroviaire - on l'a oublié depuis longtemps !

Au-delà des comptes des transports, l'application rapide au domaine des transports de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, du 1er août 2001 me paraît devoir être une priorité : pour ma part, je suis impatient de connaître les missions, les programmes, les indicateurs qui seront retenus pour éclairer au mieux le Parlement et la nation sur le budget des transports et sur les choix prioritaires qui seront effectués. Là encore, monsieur le ministre, pouvez-vous nous apporter des précisions et nous indiquer les échéances retenues ?

Pour esquisser les contours d'un nouveau système financier des transports, le Sénat a formulé - j'allais dire presque à l'unanimité - plusieurs propositions qu'il me semble nécessaire de rappeler.

La première concerne l'évaluation des besoins futurs de notre pays dans le domaine des transports. Nous souhaitons développer les infrastructures et en réduire les frais de fonctionnement. Une loi de programmation nous apparaît souhaitable avec des schémas nationaux s'appuyant sur des schémas multimodaux régionaux ou inter-régionaux de transports.

La deuxième proposition concerne le rétablissement, demandé par tous, d'un fonds de financement et de péréquation des transports.

Ce fonds pourrait avoir le statut d'un établissement public cogéré par l'Etat et les régions, ce qui serait une nouveauté. Il serait alimenté par le produit des taxes spécifiques appliquées aux transports, à commencer par la TAT et les dividendes des sociétés d'autoroutes.

Le monde des transports a besoin d'un système de péréquation efficace qui soit à la fois spatial - des régions riches vers les régions pauvres -, modal - de la route vers les autres modes - et temporel - du court terme vers le long terme.

La troisième proposition concerne le devenir des sociétés d'autoroutes, vaste débat dans lequel nous souhaitons que le Parlement soit entendu. La démonstration de la commission des finances semble avoir convaincu le Sénat. A l'heure actuelle et dans le contexte qui est celui du financement des transports, il n'est pas souhaitable de poursuivre la privatisation des sociétés d'autoroutes engagée par le gouvernement précédent.

Mme Marie-Claude Beaudeau. Nous avons voté contre la privatisation des Autoroutes du sud de la France !

M. Jacques Oudin. A l'horizon 2030, date de l'achèvement des principales concessions, les revenus cumulés perçus par l'Etat dépasseraient très largement le produit immédiat de la vente du capital. Monsieur le ministre, si vous avez des arguments contraires qui justifieraient la poursuite de la privatisation annoncée par le gouvernement précédent, nous les entendrons bien volontiers.

La quatrième proposition est de clarifier les relations financières entre l'Etat et les collectivités territoriales dans le cofinancement de certaines infrastructures de transport, et plus particulièrement pour les autoroutes. Mais cela pourrait être transposé au transport ferroviaire ou aux voies fluviales.

Il n'est ni équitable ni souhaitable, dans le domaine des autoroutes, de maintenir le monopole de la perception du péage pour des sociétés d'autoroutes tout en obligeant les collectivités à verser sur leur budget, c'est-à-dire sur les impôts locaux, des participations considérables pour le financement de certaines liaisons ou de différents ouvrages, je pense en particulier aux échangeurs autoroutiers. Il doit exister un traitement équitable entre tous les apporteurs de capitaux, que ce soient des entreprises privées, l'Etat ou les collectivités territoriales. Il serait d'ailleurs juste que ces mêmes collectivités puissent réaliser elles-mêmes des voies rapides à péage, et nous le demanderons.

Enfin, la dernière orientation consiste à intégrer davantage dans notre politique des transports la dimension européenne pour donner à la France un rôle accru de plaque tournante dans les réseaux transeuropéens de transports.

A cet effet, l'harmonisation des tarifications est nécessaire, ainsi que l'accroissement des financements européens, pour la réalisation de certaines traversées montagneuses.

Monsieur le ministre, nous connaissons les problèmes auxquels vous devez faire face pour rétablir l'équilibre de nos finances publiques. Mais le court terme ne doit pas occulter l'avenir. Une politique des transports est une action à très long terme, et les retards accumulés se rattrapent très difficilement. Il est donc nécessaire que vous puissiez bien comprendre les besoins et les aspirations de nos collectivités et de nos territoires dans ce domaine. Nos capacités de développement local sont en partie conditionnées par la qualité de nos réseaux de transports et de nos réseaux logistiques.

Sous le bénéfice de ces observations, monsieur le ministre, vous pouvez compter sur notre soutien le plus actif pour la réussite de votre politique. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

(M. Guy Fischer remplace M. Bernard Angels au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. GUY FISCHER

vice-président

M. le président. La parole est à M. Jacques Pelletier.

M. Jacques Pelletier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'ai souhaité intervenir aujourd'hui pour rappeler que l'aide publique au développement constitue, comme l'a dit le Président de la République, une grande priorité, et que des engagements fermes, mais réalistes, avaient été pris en 2002 pour qu'elle atteigne 0,5 % du PIB d'ici à 2007.

Le récent sommet d'Evian est venu rappeler la nécessité d'une plus grande ouverture vers le Sud, mais aussi la difficulté de trouver la hiérarchie des priorités et de bien coordonner l'action des différents bailleurs de fonds.

Le terrorisme, les récents conflits et les chroniques errements de l'Afrique avaient également contribué à ternir le relatif optimisme qui s'était fait jour après les nombreuses initiatives multilatérales récentes, comme Monterrey ou le NEPAD, le Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique.

Selon le ministre délégué à la coopération, la situation budgétaire de la coopération internationale est le produit de deux influences contradictoires : d'une part, la conjoncture budgétaire, qui découle du fort ralentissement de la croissance, et, d'autre part, la volonté de relever l'aide française au développement affirmée par le Président de la République et par le Premier ministre.

Je souhaiterais que vous me confirmiez, monsieur le ministre, que le cap fixé par le Président de la République, à savoir atteindre en 2007 une aide publique au développement représentant 0,5 % du PIB, sera fermement tenu, et que l'objectif de 0,39 % fixé dans la loi de finances pour 2003 sera au minimum atteint, malgré la conjoncture difficile.

J'ai noté avec plaisir un rééquilibrage des actions de coopération en faveur de l'aide bilatérale, en particulier vers l'Afrique. La part bilatérale de l'aide publique est ainsi passée de 61 % en 2001 à 63 % en 2002, et devrait atteindre 69 % en 2003, on ne peut que s'en féliciter.

Je tiens également à rappeler que, pour de nombreux pays africains, le développement ne peut malheureusement pas se concevoir tant que le sida poursuit ses ravages dans les populations. Cela explique la très bonne initiative du Président de la République de tripler la contribution française au fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et la malaria.

Je suis intimement convaincu que l'aide au développement doit être l'affaire de tous et qu'il faut donc améliorer et renforcer la mobilisation des efforts. Le Haut Conseil de la coopération internationale y veille, notamment en s'attachant à promouvoir l'éducation au développement ; l'action des collectivités territoriales et des ONG, les organisations non gouvernementales, est, à cet égard, particulièrement précieuse par l'expérience de terrain qu'elle apporte à la coopération.

En tout état de cause, le cap reste fixé par l'engagement du Président de la République d'atteindre le taux de 0,5 % en 2007. Il semble que le cap sera tenu, grâce au poids des annulations de la dette dans le cadre de l'initiative Pays pauvres très endettés et de son prolongement français, les contrats de désendettement-développement.

Ces opérations d'annulation de dettes sont certes indispensables pour donner aux pays en développement la marge de manoeuvre sans laquelle aucune action durable n'est possible. Mais, par construction, elles n'ont qu'un temps. Si l'objectif de 0,5 % doit réellement être atteint, il est indispensable de maintenir en état notre appareil de coopération traditionnelle, qui devra prendre le relais des annulations de dette quand celles-ci déclineront. Il me semble donc impératif de préserver un niveau minimal de crédits, en particulier sur les chapitres suivants : concours financiers, coopération internationale et développement, fonds de solidarité prioritaire et Agence française de développement.

Après dix années de diminution, tant en volume qu'en part du PIB, l'aide au développement amorce un redressement et fait l'objet d'un traitement plus favorable dans le projet de loi de finances pour 2003. J'espère qu'il en sera de même en 2004, monsieur le ministre.

Le ministre des affaires étrangères a rappelé les engagements du Président de la République d'une augmentation de 50 % en cinq ans de l'aide publique afin de parvenir à un taux de 0,5 % du PIB en 2005 et de 0,7 % en 2010, qui serait alors conforme à l'objectif des Nations unies.

Je me réjouis donc, comme beaucoup de mes collègues, de cette première étape de la relance de l'aide au développement et de la priorité officiellement accordée à l'Afrique, que révèle d'ores et déjà la programmation géographique de la direction générale de la coopération internationale et du développement, la DGCID, qui concentre la grande majorité des pays pauvres que l'aide publique a vocation à soutenir.

Je reconnais que l'aide publique au développement française bénéficie actuellement d'un environnement plus favorable, mais elle voit par ailleurs son efficacité entravée par une régulation budgétaire.

L'ampleur de la régulation budgétaire en 2002 porte préjudice à la sincérité des inscriptions budgétaires et introduit de grandes difficultés de gestion pour certaines lignes.

Mme Marie-Claude Beaudeau. Ça c'est vrai !

M. Jacques Pelletier. La contrainte que fait peser la dégradation actuelle de la conjoncture laisse craindre que l'aide publique au développement ne soit, en 2003, à nouveau considérée comme une variable d'ajustement, ce que je ne souhaite pas. J'espère que les blocages actuels ne perdureront pas et que des efforts seront prochainement entrepris pour remédier à ces situations.

Je souhaite à présent évoquer l'aide-projet, qui constitue une spécificité de la coopération française, alors que de nombreux pays donateurs, en particulier anglo-saxons, privilégient l'aide-programme.

Or je suis un peu inquiet, car la régulation budgétaire frappe en premier lieu le fonds de solidarité prioritaire, instrument majeur de l'aide-projet.

Je pense que l'aide-projet demeure un vecteur nécessaire de l'aide française, ne serait-ce que parce que ses effets sont les plus visibles et les plus directement bénéfiques pour les populations concernées, et que son soutien doit être plus clairement manifesté.

Par ailleurs, je pense que nous devons rester très vigilants face à l'obligation de réforme de l'aide européenne. En effet, l'aide européenne évolue peu et la France est aujourd'hui en quelque sorte le bailleur d'une vaste « caisse d'épargne » qui encaisse et amoncelle, mais ne décaisse qu'avec une grande lenteur. Les interventions du FED, le fonds européen de développement, sont le résultat de procédures très, voire trop technocratiques.

En conclusion, je dirai qu'il est nécessaire de moderniser les structures et la lisibilité de l'aide au développement tant sur le plan national que sur le plan européen.

La présentation budgétaire très morcelée de l'aide au développement demeure, en effet, peu lisible, et c'est bien dommage pour la promotion de l'éducation au développement que nous avons lancée en direction de nos concitoyens.

Monsieur le ministre, je connais votre attachement à la coopération internationale,...

M. Alain Lambert, ministre délégué. Je la pratique !

M. Jacques Pelletier. ... et il ne date pas d'hier. Je souhaite donc très fermement que ce secteur reste une priorité en 2004. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste et de l'UMP.)

Mme Marie-Claude Beaudeau. Très bien ! J'ai envie de vous applaudir, monsieur Pelletier.

M. le président. La parole est à M. Bernard Angels.

M. Bernard Angels. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce débat d'orientation budgétaire se situe à un moment clé pour notre économie, pour nos compatriotes, pour notre pays.

Un moment clé, car notre économie va mal, et les Français en ressentent douloureusement les conséquences. Un moment clé, car cela fait maintenant plus d'un an que le Gouvernement est en charge des affaires du pays et il est possible d'évaluer l'impact de ses choix politiques. Un moment clé, car, ainsi que la Commission européenne ou la Cour des comptes l'ont rappelé, les efforts pour redresser la barre ne peuvent plus attendre.

L'état de grâce est terminé et, avec lui, le temps des promesses hasardeuses.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Oh !

M. Bernard Angels. L'heure est aux choix, à la responsabilité, à la rupture.

Les orateurs qui m'ont précédé ont décrit par le menu le sombre tableau de notre économie : croissance en berne, emploi salarié sinistré, déficit galopant, moins-values fiscales importantes.

Monsieur le ministre, loin de moi l'idée de vous faire endosser la responsabilité complète de cet état de fait. La situation européenne et internationale est difficile, très difficile, et, pour être tout à fait honnête, j'admets volontiers qu'elle avait commencé à se dégrader quelques mois avant votre arrivée au pouvoir. Je vous invite, par ailleurs, à faire preuve de cette même honnêteté, afin de ne pas noircir les résultats de la législature précédente et d'endosser vos propres responsabilités.

Depuis plus d'un an, je me suis efforcé de tirer la sonnette d'alarme, de vous alerter régulièrement pour prévenir cette situation catastrophique. Lors de nos débats en commission des finances et dans cet hémicycle, j'ai marqué, à plusieurs reprises, mon inquiétude face à la dérive des comptes, à la montée du chômage, à la stagnation de l'activité. Vous n'en avez cure, drapés dans une légitimité démocratique que personne ne vous conteste, mais aveuglés aussi par votre idéologie. Aujourd'hui, force est malheureusement de constater que ces alertes auraient mérité d'être prises en compte.

Aussi êtes-vous comptables de cet échec, non point tant parce que vous l'auriez volontairement provoqué que par votre entêtement à mener une politique irresponsable et dangereuse pour l'équilibre de notre pays.

Qu'avons-nous, en effet, entendu depuis plusieurs mois de la part des ministres, en particulier du premier d'entre eux ? En substance, cela : oui, les difficultés existent, mais nous gardons le cap. Nous avons confiance en nous et, demain, tout ira mieux !

Rappelons-nous, à ce propos, la fière assurance du candidat Jacques Chirac gageant ses baisses d'impôt sur une croissance de 3 % ou, plus près de nous, sur une prévision de 2,3 %, à laquelle le Gouvernement s'est longtemps accroché. Vous vous êtes mentis à vous-mêmes, délaissant pour l'occasion le costume du Dr Knock pour celui du Dr Coué. (Sourires.) Mais vous ne pouvez avoir raison contre tout le monde !

Finalement, vous avez été dépassés par la situation et vous vous en êtes tenus à des réformes idéologiques, à des promesses démagogiques et à des stratégies intenables. Le 23 juin, une nouvelle fois, le Président Chirac a rappelé votre seul credo : la baisse des impôts.

Force est de constater que cette véritable obsession s'est révélée inefficace en termes de revalorisation du pouvoir d'achat. Elle ne recueille même pas l'assentiment de vos propres supporters. J'en veux pour preuve les récents propos des deux rapporteurs généraux des commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat. Elle compromet également dangereusement le retour à l'équilibre de notre économie dans les années à venir en faisant planer le spectre de la dette et des coupes franches dans les dépenses.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Ce n'est pas seulement un spectre, hélas !

M. Bernard Angels. Je suis d'accord avec vous.

Ce faisant, vous avez ruiné la confiance de nos concitoyens et de nos entreprises, construite depuis 1997. Vous avez instillé dans la tête de tous les Français la pernicieuse perspective d'une inéluctable politique de rigueur. Par ailleurs, vous avez brisé le pacte de bonne conduite que nous avions établi avec nos partenaires européens. Vous avez ainsi handicapé les conditions d'une possible reprise.

Pourtant, je serais tenté de dire que les critiques ne sont plus de mise. Aujourd'hui, il nous faut réagir vite et changer de cap ! Il nous faut redonner à la France les armes nécessaires pour retrouver le chemin de la croissance ! Il nous faut redonner aux Français la confiance nécessaire en leur économie et, plus largement, en leur pays !

Ce débat d'orientation budgétaire aurait pu, aurait dû constituer un signal pour nos concitoyens. L'impossibilité de jouer sur le déficit, l'absence de marges monétaires, l'inflation jugulée ne laissent, en effet, que peu de leviers en dehors de la politique budgétaire, d'où l'importance de cette discussion.

On pouvait légitimement, connaissant l'attachement d'Alain Lambert pour cet exercice et la gravité de la situation, s'attendre à une présentation claire, lisible et détaillée des choix effectués en matière de politique économique.

Espoir vain s'il en est ! Que nous avez-vous présenté, monsieur le ministre ? Un document resserré, rabougri, dirai-je, qui n'a de rapport que le nom ! S'il s'étend largement sur les conditions économiques, voire sur le passé, il n'offre que peu de perspectives pour l'avenir et, surtout, ne propose aucune solution !

Si, au moins, le document que vous nous présentez allait dans le sens de l'esprit de la loi organique que vous avez ardemment défendue dans cet hémicycle, il y a encore quelques mois, mon cher Alain Lambert ! Mais ce n'est même pas le cas ! L'esprit de la loi, au Sénat, serait-il si différent de la lettre de cette même loi, au ministère ?

En effet, les hésitations et les mystères du Gouvernement durant la préparation de ce débat d'orientation ne manquent pas d'étonner même nos collègues de la majorité, M. le rapporteur général le premier. Et cela ne nous rassure guère sur la sincérité de votre démarche !

L'inconsistance du rapport que vous nous avez communiqué et ses impasses nombreuses - sur les modalités de réduction du déficit, les comptes de la sécurité sociale, la gestion des effectifs de la fonction publique ou le financement de vos promesses de baisses d'impôts - ne vont pas dans le sens de la lisibilité que vous prôniez, monsieur le ministre, et je le regrette sincèrement. Ce sont ainsi près de 20 milliards d'euros qu'il s'agit de rattraper en un an. Où allez-vous les trouver ? Point de réponse dans votre rapport...

Vous misez tout sur un gel des dépenses dont la mise en oeuvre hasardeuse et précipitée a, d'ores et déjà, créé de graves dysfonctionnements dans les services publics. La recherche, la culture, l'emploi, l'action sociale ou l'éducation vont encore une fois en faire les frais. Qu'en sera-t-il exactement ? Point de réponse dans votre rapport.

A défaut d'une stratégie réfléchie et consciencieuse, vous nous proposez un démantèlement des services publics, une politique de rigueur simpliste, un plan d'austérité déguisé par un semblant de débat, dont les hypothèses mêmes ont été corrigées après sa rédaction !

On ne peut légitimement se satisfaire de cela, d'autant que la situation, je le répète, est alarmante.

Car, vous l'aurez compris, nous ne devons pas jouer la montre une minute de plus ! Nous devons être offensifs et ambitieux pour la France et pour l'Europe. Nous devons rattraper le temps que vous avez perdu. (M. le ministre délégué s'exclame.) Nous devons faire ce que vous n'avez pas osé faire depuis un an.

Oser, cela signifie renoncer aux promesses démagogiques faites en 2002.

Oser, cela signifie inverser la tendance pour donner la priorité à l'emploi.

Oser, cela signifie aussi dire la vérité aux Français en tirant les leçons de vos erreurs dans une loi de finances rectificative.

Oser, cela signifie également pour le gouvernement français et pour le chef de l'Etat prendre l'initiative, à l'échelle européenne, d'un plan de relance de grande ampleur pour la consommation et la croissance.

Cette initiative, monsieur le ministre, s'avérerait, à plus d'un titre, essentielle pour l'avenir de notre pays.

La plupart des pays européens subissent un ralentissement de leur croissance, ralentissement qu'ils parviennent difficilement à endiguer et dont pâtissent des millions de chômeurs et des centaines d'entreprises.

Or l'emploi fait bien partie des priorités d'action que nous partageons avec nos partenaires européens. N'avions-nous pas décidé ensemble, au mois de mars 2000 à Lisbonne, de mener à bien une stratégie pour l'emploi ? Cet objectif est-il abandonné ?

Dans un deuxième temps, il est indéniable que nous ne pouvons nous contenter de bricolages budgétaires de courte vue - et là nos avis se rejoignent, monsieur le raporteur général -, nous assurant dans le meilleur des cas un strict respect du pacte de stabilité.

Nous ne pourrons, en effet, tirer pleinement avantage de la monnaie unique que si l'ensemble du territoire européen bénéficie de la croissance. Nous avons besoin de mesures d'envergure à moyen et long terme qui nous permettent d'assurer les conditions d'un développement durable, qui nous permettent d'assurer les conditions d'une confiance durable.

Ce n'est pas faire preuve de faiblesse que d'affirmer que nous ne pouvons pas agir seuls pour lutter efficacement contre la crise économique !

Enfin, on ne peut nier que des pans importants de l'économie nécessiteraient un investissement important et soutenu. Je pense à une politique d'investissement massive dans le domaine des transports et des infrastructures. Je pense à la recherche, secteur dans lequel l'Europe accuse un retard conséquent par rapport aux Etats-Unis.

Il ne faut pas oublier que l'Union européenne a toute légitimité pour agir en complément de l'action des Etats membres. Nous disposons également de moyens institutionnels financiers et d'une capacité d'emprunt pour mener à bien un plan de relance de la croissance.

Là encore, nulle trace de ces pistes de travail dans votre rapport.

Vous l'avez compris, monsieur le ministre, j'attendais du Gouvernement et de vous en particulier un apport bien plus conséquent, tant sur le fond que sur la forme, à l'occasion de ce débat d'orientation budgétaire.

M. le président. La parole est à M. Paul Loridant.

M. Paul Loridant. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la lecture tant du rapport présenté à la commission des finances par notre collègue Philippe Marini que du document relatif à l'évolution de l'économie nationale rédigé sous l'autorité de M. le ministre délégué au budget nous conduit à penser que tous deux doivent regretter leur complicité d'antan.

En effet, il fut une époque où l'un dénonçait l'absence de transparence et de sincérité budgétaires tandis que l'autre déclinait les règles de bonne gouvernance économique, libérales bien entendu.

L'exercice doit être aujourd'hui difficile pour vous. A peine trois mois après une discussion surréaliste du projet de loi de finances pour 2003, bâti sur une hypothétique croissance de 2,5 %, vous avez été contraint, monsieur le ministre, de ramener vos espoirs de croissance à un niveau singulièrement plus bas, 1,3 %, environ la moitié de ce que vous annonciez comme envisageable. Et encore, comme le souligne notre collègue Philippe Marini, il s'agit là d'une « hypothèse volontariste supérieure au consensus » puisque l'INSEE n'envisage qu'une croissance de 0,8 % pour 2003.

Monsieur le ministre, comment expliquer que vos hypothèses soient différentes de celles de vos services...

M. Alain Lambert, ministre délégué. Non !

M. Paul Loridant. Sauf erreur de ma part, l'INSEE fait bien partie de vos services !

M. Alain Lambert, ministre délégué. Il est indépendant !

M. Paul Loridant. Certes, monsieur le ministre, mais les économistes de l'INSEE sont des hommes compétents, et je constate que vous ne leur faites pas confiance.

Dans ces conditions, que penser du rôle du Parlement ? Avouez qu'en matière de sincérité budgétaire on aurait pu attendre mieux !

Votre stratégie budgétaire, qui repose sur l'idée que la baisse des prélèvements obligatoires est la condition nécessaire d'une croissance vigoureuse, semble pour l'instant ne pas fait preuve d'efficacité.

En effet, les études économiques tendent à démontrer que les baisses d'impôt disparaissent dans des trappes dites « à liquidité » et viennent plutôt alimenter la hausse du taux d'épargne. Mais vous persistez dans vos choix !

Cette politique de cadeaux fiscaux aux gros revenus se fait au détriment du fonctionnement des services publics et des grands investissements dont le pays a besoin ; j'ai bien entendu les propos de notre collègue Jacques Oudin il y a quelques instants à ce sujet. Dans le même temps, vous maintenez envers et contre tout la politique de baisse des dépenses publiques.

Monsieur le rapporteur général, permettez-moi de vous dire que votre rapport est d'une grande qualité.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Je commence à m'inquiéter, mon cher collègue ! (Sourires.)

M. Alain Lambert, ministre délégué. Quel déluge de compliments, cet après-midi !

M. Paul Loridant. J'en partage largement les analyses, mais je diverge sur les propositions.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Ah ! Tout de même ! (Nouveaux sourires.)

M. Paul Loridant. En effet, vous vous inquiétez à juste titre, monsieur le rapporteur général, des risques de déflation qui planent sur les économies européennes, en particulier sur celle de notre pays.

Décidément, l'heure n'est plus à la pensée unique !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Je n'en ai jamais été un adepte !

M. Paul Loridant. Bravo de le reconnaître, mais il faut en tirer les conséquences !

Tout comme M. Prodi il y a quelques mois, le rapporteur général du budget s'interroge sur la pertinence d'un respect rigoureux du pacte de stabilité budgétaire.

Le fait est que l'objectif d'équilibre des comptes publics à l'horizon 2006 qui était fixé dans le pacte de stabilité a, passez-moi l'expression, « du plomb dans l'aile ». (M. le rapporteur général opine.) On peut se demander, sur un strict plan de doctrine économique, s'il a même aujourd'hui encore un sens.

Si j'ai bien compris ce que vous avez dit à cette tribune, monsieur le rapporteur général, l'esprit de Maastricht et le pacte de stabilité seraient d'un autre temps.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Eh oui !

M. Paul Loridant. A quoi servirait en effet un équilibre des comptes publics qui serait fondé sur l'appauvrissement des salariés par une déflation salariale serrée, sur le développement de la précarité du travail, sur la remise en cause des droits sociaux et de la solidarité nationale, comme l'illustre le projet de réforme des retraites actuellement en débat à l'Assemblée nationale ?

Bref, monsieur le ministre, comment, comme vous le suggère le rapporteur général, prévenir la baisse de la consommation et de l'investissement qui se dessine ? En effet, le vrai risque pour l'année 2004, c'est le risque d'un équilibre de sous-emploi. Nous savons que les équilibres de sous-emploi sont possibles.

Il est grand temps de changer de braquet et de politique.

L'action de l'Etat ne doit pas accompagner de manière exclusive les choix de gestion des grandes entreprises, ni permettre aux ménages les plus aisés d'optimiser leurs placements spéculatifs.

Elle doit répondre clairement aux besoins de la collectivité, s'attaquer à la réduction des inégalités sociales, objectif annoncé par le président de la République, à la mise en oeuvre des droits fondamentaux des individus.

Monsieur le ministre, vous et votre Gouvernement êtes en train de réaliser que la question sociale nous a rattrapés, ou plutôt vous a rattrapés.

C'est à partir de ces choix que le budget de 2004 devrait être pensé.

Or, ce n'est manifestement pas l'orientation suivie par le Gouvernement, en tout cas nous ne l'avons pas ressentie dans le rapport d'orientation budgétaire pour l'année 2004.

C'est pourquoi, le moment venu, nous proposerons des choix alternatifs aux orientations qui sont dessinées mais, d'ores et déjà, monsieur le ministre, je voudrais vous demander de renoncer à la baisse des impôts.

Pour ma part, comme l'an passé, je préconise la stricte stabilité de la pression fiscale pour permettre de dégager les ressources nécessaires à la réforme de l'Etat, comme vous le souhaitez, mais en préservant les services publics comme, pour ma part, je le souhaite vivement. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Yves Fréville.

M. Yves Fréville. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, oui, c'est exact, voici revenu le temps de l'inquiétude et de l'incertitude.

Inquiétude face au déficit budgétaire, qui a atteint 50 milliards d'euros l'année dernière et qui atteindra probablement ce montant cette année. Nous retrouvons le niveau de 1993, l'année horrible que nous avons connue.

Incertitude quant à l'évolution de l'activité. Reconnaissons-le, les perspectives de croissance pour 2003 ne se réaliseront pas puisque la croissance devrait en fait se situer entre 0,8 % et 1,2 %. Et surtout, nous ne savons pas quand la reprise aura lieu.

Les modèles économiques affirment que les conditions générales sont favorables, mais ils ne nous permettent pas de savoir si la reprise interviendra dans un mois ou dans un an.

Dans une telle situation, le mieux serait, monsieur le ministre, que vous ne preniez vos décisions en matière de recettes budgétaires que le plus tard possible afin d'être mieux éclairé. Pour ma part, je ne jouerai pas la Pythie.

Au demeurant, dans ce climat marqué par l'inquiétude et par l'incertitude, le Gouvernement doit être lucide et ferme dans ses objectifs et dans ses choix fondamentaux, déterminé dans ses actions.

Ces choix fondamentaux doivent s'inscrire dans une triple perspective temporelle.

Première perspective : le long terme.

Comme M. de Villepin le rappelait voilà un instant, le taux de croissance de la France, sur dix ans, est inférieur d'un point à celui des Etats-Unis. Comme le Gouvernement, nous pensons qu'un niveau de dépenses publiques proche de 55 % ne peut qu'affaiblir la compétitivité de notre pays dans une économie désormais mondialisée. Les dépenses publiques sont certes utiles, même à ce niveau de 55 %, mais il arrive un moment où elles pèsent sur le coût du travail, sur l'emploi, sur l'innovation. Vous avez donc raison, monsieur le ministre, de vouloir réduire à long terme les dépenses publiques, car c'est la seule manière de réduire les prélèvements obligatoires.

Deuxième perspective : le moyen terme.

Nous devons nous adapter à une économie mondiale qui, depuis le premier choc pétrolier, est redevenue cyclique, comme elle l'était avant-guerre.

Il faudra nous habituer à vivre des périodes de crises, suivies de booms, à voir des bulles financières exploser. Il nous faudra nous adapter à cette situation nouvelle.

Car nous avons tendance à oublier ce caractère cyclique, éventuellement très accentué, de la vie économique. C'est ainsi que, aussitôt la croissance revenue, le gouvernement précédent et sa majorité ont pensé que la croissance serait indéfinie. Nous-mêmes, en 1997, il faut le reconnaître, nous n'avions pas pensé que la reprise serait aussi rapide. Et peut-être aujourd'hui nous alarmons-nous à tort !

L'essentiel est d'avoir une politique budgétaire susceptible de s'adapter à cette économie redevenue cyclique, et dans laquelle on verra peut-être poindre la déflation. Mais cela passe nécessairement par la réduction de notre déficit structurel. Or, à l'heure actuelle, sur les 3,5 ou 3,6 points de PIB que représente le déficit, les deux tiers sont de nature structurelle. C'est cette part que, avec vous, monsieur le ministre, nous voulons voir disparaître dans les quelques années qui viennent.

Le troisième horizon, c'est évidemment le court terme : il faut que, grâce à une politique budgétaire que je qualifierai d'« accommodante », nous ne brisions pas les possibilités de reprise, mais que, au contraire, nous puissions la hâter.

Or c'est à l'échelon européen que tout se joue. La politique monétaire européenne est devenue légèrement contracyclique. Cependant, dans une zone monétaire intégrée, c'est au pouvoir « fédéral » qu'il appartient d'exercer la fonction budgétaire de stabilisation. Aux Etats-Unis, c'est possible parce qu'il y a des impôts fédéraux, un budget fédéral, et l'on voit avec quelle force le gouvernement fédéral américain manie aujourd'hui ces instruments.

L'Europe a une monnaie, certes, mais elle a un budget nain. Comment pourrait-elle, dès lors, mener par elle-même une politique budgétaire contracyclique ?

Puisqu'on nous demande de réduire notre déficit structurel, il serait normal que l'Europe nous permette d'avoir aujourd'hui une politique budgétaire accommodante, quitte à ce que nous ne repassions pas immédiatement sous la barre des 3 %.

Voilà pour les principes fondamentaux. Au-delà, il faut aussi que le Gouvernement soit déterminé dans son action. Mais je suis certain qu'il le sera.

Quiconque a suivi les débats budgétaires qui ont eu lieu il y a quatre ans et suit les débats budgétaires d'aujourd'hui peut constater que ce sont exactement les mêmes propositions qui sont formulées, les mêmes instruments que l'on entend utiliser : il s'agit, concernant les dépenses, de fixer une norme de progression à ne pas dépasser et, concernant les recettes, de laisser jouer les stabilisateurs automatiques. Si les principes sont bien les mêmes, c'est dans leur respect que l'on peut observer une différence entre le gouvernement précédent et le gouvernement actuel. Or une politique ne vaut que par la détermination avec laquelle elle est menée.

Les deux normes qui ont été retenues - norme d'évolution des dépenses visant à leur stabilisation en volume sur plusieurs années, indépendamment de la conjoncture, et norme consistant à laisser jouer les stabilisateurs automatiques - me satisfont.

Monsieur le ministre, permettez-moi cependant de vous soumettre quatre interrogations concernant la signification de ces normes.

La première porte sur la norme relative aux recettes. Bien sûr, il faut laisser jouer les stabilisateurs automatiques, et il serait absurde, comme vous le disiez tout à l'heure, de permettre que les fluctuations énormes de l'impôt sur les sociétés entraînent des variations de taux en sens inverse destinées à assurer un équilibre purement comptable mais qui se retourneraient contre la croissance.

Mai en matière d'assurance maladie, sous quelle condition peut-on laisser jouer les stabilisateurs automatiques. Le déficit de l'assurance maladie, qui était de 7 milliards d'euros voilà dix ans, a été pratiquement réduit à néant au sommet de la croissance, avant de replonger aujourd'hui à environ 10 milliards d'euros. Mais on ne peut laisser jouer les stabilisateurs automatiques que si, en moyenne, sur l'ensemble du cycle, les recettes assurent l'équilibre. Or ce n'est pas le cas, aujourd'hui, pour l'assurance maladie.

L'ONDAM est, si j'ose dire, un sabre de bois, et l'on ne parvient pas à maîtriser les dépenses de santé. Le trend des dépenses est tel que l'on n'arrive pas à le ramener à un niveau compatible avec celui des recettes actuelles. Il faudra bien ajuster les recettes : de manière collective, à travers la CSG, de manière mutualisée ou de manière individuelle, on peut en discuter ; mais on voit bien là la limite du jeu des stabilisateurs automatiques.

Ma deuxième interrogation concerne les impôts : faut-il, en bas de cycle, réduire de façon discrétionnaire le taux de certains impôts ?

Bien sûr, on respectera les engagements déjà pris, y compris ceux qui concernent la baisse des charges liées au SMIC. Mais faut-il aller plus loin ? J'ai tendance à considérer que si un impôt doit baisser pour des raisons structurelles, parce que son taux actuel pénalise le travail et la prise de risque, et à condition qu'on prenne en compte sa diminution voire sa suppression dans le calcul du déficit structurel, alors, il ne faut pas hésiter.

En effet, pour favoriser la croissance, il vaut bien mieux - l'argumentation de Jean-Paul Fitoussi me paraît à cet égard tout à fait pertinente - réduire un impôt en bas de cycle qu'en haut de cycle.

Je pense que ces mesures devraient s'inscrire dans le cadre de vraies réformes fiscales.

Rapprochons le taux normal et le taux réduit de la TVA ; rapprochons la fiscalité des actions de celle des obligations, mais n'improvisons pas au coup par coup. Si des mesures structurelles de ce type sont justifiées, adoptons-les le plus rapidement possible, évidemment après les avoir étudiées.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Bonne démarche !

M. Yves Fréville. J'en viens à ma troisième interrogation.

Il convient de faire respecter la norme d'évolution des dépenses. La solution qui a été choisie dans les lettres de cadrage, et qui consiste à stabiliser la dépense de l'Etat en volume, est tout à fait justifiée. Encore faut-il respecter, en exécution, ce choix. Par les mesures rigoureuses que vous avez prises - gel partiel des reports, obligation de ne pas dépenser plus que les crédits inscrits dans la loi de finances initiale, quel que soit le montant des reports -, vous démontrez votre détermination à faire respecter la norme.

Permettez-moi cependant de vous demandez si cette norme vaut pour les concours de l'Etat aux collectivités locales. Pour ma part, j'estime que l'on peut très bien, l'année prochaine, reconduire le pacte de croissance et de stabilité. Il faudra bien, de toute façon, en définir un. Au demeurant, un tiers de 1 % de croissance en volume, cela ne fait jamais que 0,33 %, à quoi il faut bien sûr ajouter le taux d'inflation. Mais je suis certain que, si l'on arrive à maîtriser, voire à réduire les dégrèvements d'impôts locaux, le pacte de stabilité pourra parfaitement être reconduit sans que le respect de la norme d'évolution des dépenses de l'Etat - ou plutôt de quasi-dépenses puisqu'il s'agit de prélèvements et de dégrèvements - s'en trouve affecté.

Enfin, quatrième interrogation, comment faire en sorte que la norme de stabilisation en volume soit respectée ? Si la charge des pensions de retraite augmente au minimum de 5 % et celle de la dette au minimum de 4 %, les autres dépenses devront être stabilisées en valeur. Certains budgets devront baisser : c'est une nécessité.

Je suis absolument persuadé que, comme le disait Philippe Adnot, il existe des voies permettant de réduire les dépenses. La première consiste à redéfinir les missions de l'administration.

Je prendrai l'exemple de l'enseignement, que je connais plus particulièrement. On développe partout le nombre des options, et c'est très bien. Mais est-il nécessaire de le faire sans limite ? Est-il nécessaire que les dépenses par élève des lycées soient plus importantes que celles de l'enseignement supérieur, alors que c'est l'inverse que l'on observe dans la plupart des autres pays ?

En matière de recherche, au lieu qu'il y ait, comme aujourd'hui, beaucoup de chercheurs sans moyens, je préférerais qu'il y ait moins de chercheurs mais avec les moyens qui les rendent efficaces !

On parle toujours de l'administration, mais on pourra pas se dispenser de remettre en cause aussi les crédits d'intervention. Si l'on fait la somme, ménage par ménage, des allocations de toute nature versées aux ménages, on risque fort de constater que la répartition globale n'est pas totalement satisfaisante... Je dirai la même chose, quitte à être impopulaire, en ce qui concerne les dotations aux collectivités locales.

M. le rapporteur général a évoqué la quadrature du cercle, problème insoluble en géométrie. Si l'on ne peut résoudre la quadrature du cercle, on peut s'en approcher. Je suis sûr que, par la gestion rigoureuse que le Gouvernement engage, monsieur le ministre, vous y parviendrez et redonnerez la confiance aux Français, qui savent qu'un déficit de 17 % est insoutenable pour eux et pour leur enfants. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Mano.

M. Jean-Yves Mano. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat d'orientation budgétaire qui s'est ouvert aujourd'hui se situe dans un contexte difficile sur le plan économique. Toutefois, si l'on peut dire objectivement que la conjoncture internationale pèse sur l'activité, la politique du Gouvernement ne fait qu'aggraver la situation.

Vous avez souligné, monsieur le ministre, que l'année 2003 constituait l'« année test » en matière de choix budgétaires et de politique économique. Le moins que l'on puisse dire, c'est que, jusqu'à ce jour, le test n'est pas concluant, bien au contraire, et je ne vois dans votre politique ni perspectives d'amélioration ni motifs d'espoir pour les Français.

En effet, les déficits publics ne cessent de grimper, le chômage massif est de retour et le déficit de la sécurité sociale explose.

Le déficit public dépassera sans doute les 3,5 % du PIB. Oublié l'équilibre des finances publiques pour 2004 ! Irréaliste, bien sûr, pour un gouvernement qui ne fait pas de l'emploi sa priorité et qui accumule les cadeaux fiscaux. L'objectif est désormais reporté à 2007.

Notre pays est mis à l'index par la Commission de Bruxelles. Nous allons être lourdement sanctionnés, mais vous continuez à mener une politique hasardeuse qui met en danger les générations futures.

La trajectoire que vous évoquez souvent, monsieur le ministre, doit être sérieusement revue, car elle nous mène droit dans le mur, voire dans le gouffre.

La croissance, vous l'avez étouffée : elle est en chute libre : 1,8 % en 2001, 1,2 % en 2002, vraisemblablement, hélas ! 0,8 % en 2003. Pour 2004, vos prévisions sont totalement déraisonnables.

Les raisons, nous les connaissons ; vos explications nous les rejetons.

Force est de constater qu'il aura suffi de quelques mois pour fragiliser la confiance et faire revenir la France dans le peloton européen alors qu'elle était auparavant le moteur de l'Europe.

Vous rejouez la partie perdue de 1995 à 1997 en commettant les mêmes erreurs ; vous ne tirez aucune leçon de vos échecs passés.

Il est désormais tout à fait incontestable que ce sont les décisions du Gouvernement qui ont précipité la France dans d'extrêmes difficultés que nous ne pensions plus connaître.

Car il vous a fallu respecter des promesses électorales inconsidérées qui coûtent si cher aujourd'hui à la France.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Voilà des propos faciles !

M. Jean-Yves Mano. Et vous annoncez toujours plus de baisses d'impôts pour les plus aisés, moins de protection sociale pour les plus démunis et le gel des budgets jusqu'en 2006.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Discours de conseil général !

M. Jean-Yves Mano. Pardonnez-moi, mais les Français savent que c'est bien la réalité ! Ils la vivent tous les jours !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous n'avons pas besoin de caricature !

M. Jean-Yves Mano. Bientôt, certains ministères ne pourront plus fonctionner. Ce n'est pas moi qui le dis, ce sont les ministres,...

M. Alain Lambert, ministre délégué. C'est le Canard enchaîné !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Monsieur Mano, ne confondez pas le Canard enchaîné et les ministères !

M. Jean-Yves Mano. ... hormis le ministre de la justice et le ministre de l'intérieur. Oublié l'emploi, oubliée la recherche, oublié l'enseignement, oublié le logement !

Mais vous persistez : baisse de l'impôt s

ur la fortune ! A en croire vos prévisions de baisses d'impôts, ce sont 24 milliards d'euros qu'il faudra trouver pour les quatre ans à venir !

La santé fait maintenant office de variable d'ajustement : déremboursement d'un certain nombre de médicaments et de prestations, risque de mise en place d'un système concurrentiel dans la gestion de l'assurance maladie, déficit de la sécurité sociale non maîtrisé, etc. Jusqu'où irez-vous ?

Monsieur le ministre, si ce n'est un retour à la rigueur ou un budget de récession - cela vous n'osez évidemment pas l'avouer ! -, c'est une politique libérale agressive.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Ah bon ?

M. Jean-Yves Mano. Mais il n'y a rien d'étonnant à cela : la droite s'assume désormais.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Eh oui !

M. Jean-Yves Mano. Elle n'a plus que deux objectifs, d'abord la revanche sociale, ensuite, le désengagement de l'Etat, avec moins de services publics, moins de protection et, bien sûr, moins d'impôts pour les plus favorisés.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C'est incroyable !

M. Jean-Yves Mano. Notre pays, monsieur le ministre, a besoin de plus de solidarité et de moins de cadeaux clientélistes.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Et c'est eux qui disent ça !

M. Jean-Yves Mano. Votre réponse, on la devine : vous trouverez des issues dans la décentralisation, que vous avez d'ailleurs réussie en quelques mois à rendre impopulaire. Car votre seul objectif, c'est de transférer les charges vers les collectivités territoriales. La décentralisation n'est pour vous que la solution à l'inconnue de votre équation budgétaire.

La décentralisation mérite mieux que cela. Les Français aussi !

Mais vous ne vous arrêtez pas là. Après les annulations de crédits, puis les gels qui se tranformeront sans nul doute en annulations supplémentaires, précipitant le pays dans la crise, vous naviguez à vue en matière de politique budgétaire, au gré des ajustements successifs liés à la baisse du taux de croissance, qui est la conséquence de votre politique.

Permettez-moi, monsieur le ministre, à ce moment de mon intervention, d'aborder une question à laquelle je suis sensible, à savoir celle des crédits affectés au logement.

Réuni en congrès la semaine dernière à Lille, le monde du logement social a exprimé ses plus vives inquiétudes quant aux réponses apportées par le Gouvernement aux deux millions de demandeurs de logements sociaux et aux trois millions de mal-logés de ce pays.

Ce ne sont pas les annonces opportunistes de pseudo-dégel des crédits, opéré d'ailleurs par redéploiements internes au sein du ministère de l'équipement qui permettront de trouver une issue favorable à la crise financière du logement social.

Vous avez négligé la construction. Vous n'y avez pas consacré les moyens suffisants et vous avez priviligié l'investissement privé.

Dès lors, force est de constater que les choix du Gouvernement ne sont pas à la hauteur des enjeux.

Que dire des déclarations quasiment ubuesques du ministre de la ville affirmant la nécessité de démolir en quatre ans 200 000 logements, d'en reconstruire 200 000 et d'en entretenir 100 000 ? On se demande encore aujourd'hui où est la moindre ligne budgétaire correspondant à ces opérations - à moins qu'il ne s'agisse du prélèvement annuel de 400 000 euros sur le chapitre X du budget du logement ! -, alors que le ministre lui-même évoque un besoin de 30 milliards d'euros sur cinq ans. A l'évidence, vous ne savez pas comment financer ces logements.

Dans ces conditions, quelles nouvelles mesures d'économies envisagez-vous pour 2004 en matière de logement ? Après l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat, qu'allez-vous sacrifier ? Sans doute le fonds de solidarité logement !

Monsieur le ministre, au-delà des polémiques, tous les professionnels du logement sont inquiets.

En conclusion, je m'interrogerai sur les objectifs de votre politique. Elle me fait penser à l'action du Fonds monétaire international qui, au lieu de donner de l'oxygène aux pays en difficulté, les étouffe. Eh bien, monsieur le ministre, votre politique budgétaire étouffe la confiance, étouffe la croissance, étouffe l'emploi, en un mot étouffe les Français. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est tout ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Alain Lambert, ministre délégué. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j'aurai eu la chance aujourd'hui de participer successivement à deux débats d'orientation budgétaire : ce matin à l'Assemblée nationale, cet après-midi au Sénat.

M. Xavier de Villepin. Veinard ! (Sourires.)

M. Alain Lambert, ministre délégué. N'est-ce pas ?

Cela me permet en tout cas de mesurer la complémentarité des deux assemblées et de voir combien la réflexion s'enrichit à écouter les sénateurs faire part de leur point de vue sur l'avenir de nos comptes publics.

Je voudrais dire à M. le rapporteur général que je continue d'admirer le travail qu'il mène au sein de la commission des finances, sous l'autorité de M. le président Jean Arthuis et avec l'équipe qui l'entoure. Ce travail remarquable se traduit dans un rapport comme toujours d'une immense qualité, au titre toutefois quelque peu déroutant, du moins à l'oral dans la mesure où l'on n'« entend » pas le point d'interrogation qui suit la formule « la quadrature du cercle ».

Cela étant, monsieur le rapporteur général, ce que la géométrie ne sait pas résoudre, la politique saura le faire. Selon vos propres termes, nous saurons « en sortir ».

Vous avez dit qu'il en va de l'indépendance de la France, de l'existence même de sa voix dans le monde. En employant ces mots, vous avez placé le débat au niveau où il doit être. Je vous remercie de l'avoir fait et permettez-moi de faire miennes vos affirmations.

Je note avec le plus grand intérêt vos propositions tendant à améliorer la discussion sur l'évolution de notre système fiscal.

L'institution d'un rapport sur les prélèvements obligatoires par la loi organique constitue un progrès réel en ce qu'il permet un débat consolidé sur l'évolution de nos finances publiques qui englobent le budget de l'Etat et des finances sociales.

Sans doute cela pourrait-il être l'occasion d'un débat d'orientation fiscale permettant de recueillir les propositions du Parlement en matière d'évolution de notre structure fiscale, sujet décisif pour l'avenir du pays. Il serait intéressant, selon des modalités dont nous pourrions discuter ensemble, « d'ajouter », si j'ose dire, à ce dialogue entre le Parlement et l'exécutif cette dimension d'orientation fiscale, qui est stratégique.

Vous avez souligné fort justement la nécessité de faire de la maîtrise des dépenses l'étalon de notre marge de manoeuvre en matière de baisse des impôts. En formulant ainsi vos propos, j'espère les interpréter correctement.

Au fond, disons-le franchement puisque nous sommes entre nous, ne répétons pas les erreurs du gouvernement précédent. L'ambition de l'actuel gouvernement est de stabiliser les dépenses de l'Etat en volume jusqu'en 2006 afin de baisser les impôts tout en réduisant les déficits. J'en dirai davantage dans un instant en répondant aux orateurs.

Monsieur le président de la commission des finances, vous avez évoqué plusieurs ambitions, dont l'une a été formulée d'une manière si belle que j'ai décidé, si vous le voulez bien, de vous la voler.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je vous en prie !

M. Alain Lambert, ministre délégué. Il s'agit de « mettre de la lumière dans la maison des comptes publics ».

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Dans chaque pièce !

M. Alain Lambert, ministre délégué. Ensemble, éclairons toutes les pièces de cette maison : celles de l'Etat, mais aussi celles des comptes sociaux dont le redressement est tout aussi urgent et décisif. Je répondrai également à ce sujet au président de la commission des affaires sociales, M. About, dans un instant.

Monsieur le président de la commission des finances, utilisons, en effet, les outils modernes qui permettent d'éclairer toute la maison.

OEuvrons d'abord en faveur de la transparence. Sur les régulations, nous le faisons déjà. Sur l'exécution budgétaire aussi, puisque nous avons intégré nos prévisions de recettes dans notre rapport sur le débat d'orientation budgétaire.

OEuvrons également en faveur de l'exhaustivité. Vous êtes très attaché à cette notion depuis longtemps. Le compte général de l'administration des finances de 2002 contient une évaluation des engagements hors bilan de l'Etat, ce qui est un progrès.

OEuvrons aussi en faveur de la modernité, par le respect des obligations figurant dans la loi organique qui est, en effet, un enfant commun du Parlement et de l'exécutif. Nous devons élever cet enfant ensemble, l'amener à l'âge adulte afin qu'il puisse donner tous les fruits que nous pouvons attendre de lui. Nous y travaillons et nous continuerons d'y travailler.

De la même façon, vous avez proposé une mission interministérielle en matière de recherche. C'est une excellente idée. Elle répond d'ailleurs au souhait du ministre en charge de la recherche, Mme Haigneré. Je vous donne mon accord sur ce point.

S'agissant de la gouvernance économique en Europe, je sais que vous ne souhaitez pas que nous laissions l'euro orphelin, comme vous l'avez écrit dans un journal du soir paru hier.

Je m'attarderai un instant sur ce point, si vous le permettez. Je répondrai ainsi à la fois à votre intervention et à celle de M. le rapporteur général.

Vous vous êtes interrogés tous les deux sur un point capital : le gouvernement économique européen et la coordination des politiques économiques en Europe.

Il y a là une impérieuse nécessité qui implique de réunir plusieurs conditions : d'abord partager une vision commune et avoir des objectifs communs.

C'est un préalable, mais je voulais vous dire - ce dont vous vous doutez bien - que tel est déjà le cas. Je fais référence au pacte que vous qualifiez de « règlement de copropriété », à notre volonté, notre engagement communs de réduire nos déficits et à notre responsabilité devant nos concitoyens.

Faire vivre ensemble, coordonner, c'est échanger, se parler. Nous le faisons systématiquement et de plus en plus souvent. Nous le faisons en particulier avec nos voisins allemands, comme ce fut encore le cas la semaine dernière à l'occasion d'un conseil économique et financier entre la France et l'Allemagne.

Une autre dimension du gouvernement économique européen consiste à prendre en compte, dans chaque pays, la situation du moment.

Nous l'avons fait en France en 2003, en refusant d'accélérer l'ajustement structurel par des hausses des prélèvements de crainte d'empêcher ou de retarder la reprise.

Les Allemands s'y mettent, vous l'avez vu. Cela explique leurs projets actuels d'anticipation des baisses d'impôts : initialement prévues pour 2005, elles devraient commencer dès 2004.

Nous suivons la même démarche. Nous sommes d'accord sur les objectifs de réduction des déficits. Nous avons aussi pris conscience qu'il faut tout faire pour ne pas casser la croissance européenne et pour baisser les prélèvements.

Nous nous accordons aussi sur l'idée que la clé de tout, c'est la réduction du poids des dépenses publiques dans nos comptes.

Enfin, la coordination, c'est, au-delà de la politique macro-économique, la politique en faveur de la réforme et de la modernisation de nos pays, conformément aux grandes orientations de politique économique. Il s'agit, en priorité, de la réforme du marché du travail et de la réforme des retraites, autant d'éléments décisifs pour les performances de notre zone euro.

Dans le passé, nous n'avons pas toujours été d'accord sur ces points avec nos partenaires. Aujourd'hui, nous sommes d'accord, et je vous demande, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, de me croire quand je vous dis que nous agissons et que nos partenaires agissent aussi.

Naturellement, nous pouvons encore progresser en matière de coordination, mais nous ne partons pas de rien, même si nous n'en sommes pas encore au gouvernement économique européen que vous appelez de vos voeux, monsieur le président de la commission des finances. Notre volonté est forte et nous irons ensemble plus loin.

L'ébauche de ce gouvernement existe : c'est l'Eurogroupe. Nous avons avancé, conjointement avec les Allemands, des propositions lors de la convention européenne sur renforcer les missions de cet organisme sur les sujets qui concernent la zone euro.

Au terme de cette convention et de la conférence intergouvernementale, j'ai la conviction que nous aurons progressé.

Vous avez, monsieur Arthuis, évoqué la question du taux intermédiaire de la TVA, sujet sur lequel M. Denis Badré est un grand spécialiste. La révision de la structure des taux de TVA sera inscrite à l'ordre du jour des discussions communautaires du second semestre de l'année 2003.

Nous devrions connaître les propositions concrètes de la Commission dans le courant du mois de juillet, lorsque le projet de directive sera transmis aux Etats membres.

Ce débat, dans le cadre duquel la question d'un taux intermédiaire pourra être examinée, aboutira à l'adoption d'une directive révisant la fameuse annexe H à la sixième directive avant la fin de l'année 2003.

Néanmoins, je vous incite d'ores et déjà à réfléchir au problème suivant : l'idée d'un taux intermédiaire est intéressante, elle fera vraisemblablement disparaître le taux super réduit de 2,10 % applicable aux médicaments et à l'audiovisuel.

J'aimerai, le moment venu, connaître le point de vue de la commission des finances du Sénat sur ce délicat surjet.

J'en viens aux observations formulées par le président de la commission des affaires sociales, M. About. Il a dû s'absenter - il m'a prié de l'en excuser -, mais le président de la commission des finances et le rapporteur général doivent attacher également beaucoup d'importance à la question de la consolidation des comptes publics dont nous avons souvent eu l'occasion de discuter entre nous.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Absolument !

M. Alain Lambert, ministre délégué. En matière de redressement des comptes publics, M. Nicolas About n'a aucune hésitation à avoir entre les divers aspects de son rôle de président de commission : l'objectif d'équilibre des comptes sociaux est prioritaire dans la période difficile que nous connaissons. S'il en était autrement, la commission des affaires sociales passerait à côté de ses devoirs.

Les finances sociales sont une variable clé du redressement de nos comptes publics. En effet, les dépenses sociales sont à l'heure actuelle plus importantes que les dépenses de l'Etat : 40 % contre 30 %.

Ensuite, les chantiers décisifs de modernisation du pays doivent être menés dans ce périmètre. C'est la question des retraites : le Gouvernement s'y emploie. C'est la question de l'assurance maladie, également : le chantier s'ouvre. Il doit être mené à bien et nous aurons besoin de la contribution des commissions des affaires sociales de chacune des deux assemblées.

Aussi, je ne peux que saluer la proposition de M. About d'ouvrir un débat sur les finances publiques qui vienne consolider, en quelque sorte, les débats sur les comptes de l'Etat et sur les comptes sociaux. C'est une condition nécessaire à la restauration de la « soutenabilité » de nos comptes publics.

J'en viens aux propos du président Xavier de Villepin qui s'est exprimé au nom de l'UMP. Il nous a dit à quel point il soutient le Gouvernement pour aller de l'avant sur la croissance, sur la baisse des impôts, sur la compétitivité de la France et sur ce chemin difficile - comme il l'a si bien dit - de la responsabilité.

Je n'évoquerai pas tous les sujets qu'il a traités mais, comme je sais ceux qui lui sont chers, je dirai d'abord un mot de la programmation militaire. Monsieur le président, nous comptons bien respecter cette loi de programmation militaire et nous préparons le budget 2004 en ce sens.

Monsieur de Villepin, vous avez également soulevé la question de l'endettement des entreprises en soulignant le risque que cet endettement fait peser sur la reprise de l'investissement et donc de la croissance. C'est vrai, la dette est élevée, mais je dois préciser que les chiffres de l'INSEE confirment la forte concentration de ce problème dans quelques grands groupes, souvent publics d'ailleurs, qui ont mené une politique coûteuse d'acquisitions durant la « bulle » que nous avons évoquée à maintes reprises au cours de ce débat. Pour les autres entreprises, notamment pour les petites et moyennes entreprises, la situation financière ne s'est pas dégradée, d'après l'INSEE.

En outre, en raison de la faiblesse des taux d'intérêt, la charge de la dette est, le plus souvent, supportable même pour les entreprises endettées.

Il n'y a donc pas d'obstacle majeur à la reprise de l'investissement dès lors que - vous l'avez très bien dit - la confiance des entreprises et la confiance des ménages seront retrouvées.

Après l'intervention de M. le rapporteur général et avant celles de Denis Badré et de Paul Loridant, vous avez évoqué la question du risque de déflation. C'est, en effet, un sujet de débat économique aujourd'hui. Mais je pense franchement que la France ne fait pas partie des pays identifiables comme présentant un risque de déflation. En tout cas, elle n'est pas identifiée comme tel par le Fonds monétaire international dans l'étude qu'a citée M. le rapporteur général.

Ce sujet concerne davantage l'Allemagne, notre principal partenaire économique, ce qui nous appelle à la vigilance.

Les autorités allemandes se montrent responsables. Elles ne veulent pas pénaliser davantage l'activité. La Banque centrale européenne a aussi témoigné de sa vigilance en révisant sa stratégie monétaire : elle vise une inflation proche de 2 %, ce qui nous éloigne donc de 0 %.

Mais, monsieur Xavier de Villepin, je sais que si je ne vous répondais pas sur les mesures de régulation budgétaire et leur caractère éventuellement démobilisateur pour nos gestionnaires, je vous décevrais, d'autant que - à vous, je ne cacherai rien ! - (Sourires), j'ai « subliminalement » (Nouveaux sourires) senti dans vos propos non pas une critique, car l'affection qui nous unit vous a retenu, mais la crainte de voir des réactions arithmétiques prendre le pas sur le discernement.

Monsieur le président de Villepin, je vais vous renvoyer en quelque sorte la responsabilité du meilleur discernement possible. Les mesures de régulation ne sont pas des outils agréables à utiliser ! Ils ne sont pas agréables à subir, mais ils ne sont pas agréables non plus à utiliser. Vous n'avez pas le sentiment de faire preuve d'intelligence lorsque vous utilisez un acte de régulation !

Nous sommes contraints d'utiliser ces outils pour respecter votre autorisation souveraine : vous, parlementaires, êtes la volonté générale, vous êtes la représentation du peuple français, vous êtes le souverain, et le premier devoir du Gouvernement, c'est de respecter la volonté générale exprimée par le Parlement. Si vous décidez que nous ne devons pas dépenser au-delà de votre autorisation, dites-nous où nous devons mieux réguler !

Nous sommes prêts à vous entendre, à vous écouter, à agir selon vos recommandations. Nous prenons en compte les priorités qui sont fixées par le Gouvernement. Mais admettez avec moi que, dès lors qu'on ne veut pas dépenser plus que votre autorisation, ces priorités viennent réduire à due concurrence les crédits des autres missions de l'Etat. Lesquelles voulez-vous voir contribuer davantage ? Nous sommes à votre écoute sur ce sujet et nous tiendrons le plus grand compte de vos recommandations.

Une exécution budgétaire, monsieur de Villepin, doit être adaptable face à des évolutions que nous ne pouvons pas maîtriser en cours d'année. Nous enregistrons par exemple actuellement des dérapages spontanés sur certaines dépenses, notamment sur les guichets sociaux. Des lors, l'alternative est simple : soit c'est l'ensemble du déficit qui dérape au-delà de l'autorisation parlementaire et, si c'est le souhait du Sénat, il faut qu'il me le dise de manière claire et non ambiguë - je n'ai pas compris au travers des interventions que c'était le souhait de la majorité du Sénat -, ...

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Vous avez bien compris !

M. Alain Lambert, ministre délégué. ... soit nous maintenons un dispositif de régulation conçu non pas pour dépenser moins, je vous rassure tout de suite sur ce point, mais tout simplement pour respecter votre autorisation parlementaire.

Cela étant dit, après m'être expliqué en toute bonne foi, vous pouvez croire, monsieur le président, à tout mon zèle pour que ces régulations soient les moins gênantes possibles pour l'action publique.

M. Gérard Miquel m'a prié de l'excuser parce qu'il lui était impossible de rester jusqu'à la fin du débat. Je voudrais qu'il sache que mon adhésion à ses idées est inversement proportionnelle à l'estime personnelle que je lui porte. (Sourires.)

Il a évoqué la fragilité des prévisions. Il sait de quoi il parle ! Je lui dirai donc que je persiste et signe sur les travaux que j'ai eu l'honneur de mener au nom de la commission des finances sur la sincérité budgétaire. Je m'y applique, mais personne n'a le pouvoir de transformer en certitude ce qui n'est qu'une prévision et une évaluation.

S'agissant de la nécessité de déposer un collectif budgétaire, je ferai part très brièvement de la position du Gouvernement. L'objectif serait-il d'augmenter les dépenses ? Il n'en est pas question ! Serait-il d'augmenter les impôts ? Il n'en est pas question non plus !

Dès lors, il faudrait mesurer l'évolution des déficits. L'écart, je l'ai déjà donné, est, s'agissant des recettes fiscales, de 5,1 milliards, c'est-à-dire 1 % des masses qui sont en cause et qui représentent 500 milliards en recettes comme en dépenses. Cet écart de 5,1 milliards repose sur des évaluations et non sur des certitudes. Il n'est donc pas à exclure que la fin de l'année soit meilleure que le début : en conséquence, je ne vois pas vraiment la nécessité ou l'intérêt de déposer un collectif budgétaire.

L'essentiel, me semble-t-il, c'est d'informer le Parlement, et aucune information ne vous est cachée : je vous ai donné à chaque instant de l'année la totalité de celles dont je disposais.

S'agissant des autres questions que M. Miquel a évoquées, je lui adresserai une réponse particulière puisque l'heure tourne et que vous êtes, les uns et les autres, désireux de ne pas rentrer trop tard dans vos départements.

Sur l'effet de la baisse de l'impôt sur le revenu, dont il a dit un mot, je répondrai qu'elle est efficace. Et puisque, de temps en temps, référence est faite à l'INSEE, pensant que cela peut gêner le Gouvernement, citons le travail de cet institut sur les mérites des baisses d'impôt sur le revenu.

Dans sa dernière note de conjoncture, évoquant le taux de 0,25 % cet hiver, c'est-à-dire au moment où les incertitudes internationales étaient à leur maximum, l'INSEE a souligné l'intérêt que représentent les baisses d'impôt sur le revenu.

Au moment où la consommation reculait chez plusieurs de nos partenaires, alors au bord de la récession, nous avons eu, nous, la chance d'avoir une consommation qui résistait. Quelle aurait été l'incidence, sur la confiance des Français et sur la consommation, d'une absence de baisse d'impôts ?

La réduction de l'impôt sur le revenu est efficace aussi, et peut-être surtout, à moyen et à long terme. Nous l'avons dit en septembre dernier : elle valorise le travail des Français, l'initiative, elle est propice à la croissance, à l'emploi. Baisser l'impôt sur le revenu, c'est une bonne décision et le Gouvernement a l'intention de poursuivre dans cette voie.

Monsieur Jacques Oudin, vous que je sais toujours très attentif à l'investissement, soyez assuré de la détermination du Gouvernement à le favoriser et à lutter à vos côtés afin que les dépenses de fonctionnement de l'Etat ne viennent pas définitivement « manger » ce qui nous reste de capacité à investir. Cela étant très difficile à court terme, compte tenu de la rigidité de la budgétisation de l'Etat, il nous faut retrouver des marges de manoeuvre ; c'est tout le sens de la politique que nous menons.

S'agissant des infrastructures de transport, M. Oudin a souhaité que nous trouvions de nouvelles ressources. C'est bien l'intention du Gouvernement, comme l'ont indiqué MM. Gilles de Robien et Dominique Bussereau. Les besoins sont très importants, nous en sommes conscients, même si le niveau d'équipement du pays a progressé.

N'oublions pas les coûts très importants que supporte la collectivité, en raison notamment de l'endettement du système ferroviaire. Cela ne nous laisse qu'une marge de manoeuvre bien limitée !

M. Pelletier est intervenu sur l'aide publique au développement. Le Gouvernement souhaite développer son effort en la matière ; il est d'ailleurs en avance sur les objectifs qu'il s'était fixés.

S'agissant de la régulation, je viens de répondre longuement à M. de Villepin sur ce point et mon propos vaut pour vous, monsieur le sénateur.

Il convient de relativiser l'importance des mesures de régulation. Elles portent sur quelques dizaines de millions d'euros, alors que notre effort dépasse six milliards d'euros. Parlons franchement, comme nous l'avons toujours fait au Sénat. Ne vous laissez pas - j'allais dire « intoxiquer », mais l'expression n'est pas digne de cette maison ! (Sourires.) Ne prenez pas pour argent comptant tout ce que vous disent les gestionnaires car, parfois, les régulations s'appliquent sur des chapitres budgétaires qu'ils nous ont eux-mêmes indiqués !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Oh oui !

M. Alain Lambert, ministre délégué. Je veux à ce titre - le procès-verbal en fera foi - leur rappeler que la bonne manière consiste à discuter avec nous du chapitre le moins dommageable pour l'action publique qu'ils ont à mener. Quant au Gouvernement, il est à l'écoute du Parlement pour savoir quels autres chapitres il est possible, éventuellement, de réduire.

Monsieur Aymeri de Montesquiou, votre propos était si complet qu'il aurait pu être celui du ministre du budget ! Au fond, il valait réponse à l'ensemble des intervenants et, très franchement - mais j'espère ne pas vous gêner en vous répondant cela -, il est la meilleure réponse que l'on pouvait donner à l'opposition. Il y avait en effet, dans vos propos, une vigueur que je n'ai pas toujours, en raison du peu de forces qui me restent pour m'exprimer ! Je tiens à vous dire à quel point je partage votre point de vue sur l'ensemble des fondamentaux que vous avez rappelés pour que notre pays réussisse dans la bataille de la compétitivité, qui est la seule chance de la France.

J'en viens à l'intervention de M. Bernard Angels, et M. Jean-Yves Mano trouvera des réponses dans mon propos.

A sa manière, M. Angels a dit des choses très dures avec un ton très sympathique, ce qui est redoutable ! En revanche, son réquisitoire, que j'ai bien écouté, était trop sombre pour me convaincre. Il ne m'en voudra pas de le lui dire, il a été vraiment trop sévère sur le contenu du rapport préalable au débat d'orientation budgétaire, qui est totalement fidèle à l'article 48 de la loi d'orientation.

Jamais, monsieur Angels, il n'y avait eu de prévision d'exécution dans ce rapport : il y en a une cette fois. Jamais il n'y avait eu de projection pluriannuelle sur les recettes : il y en a une cette fois. Jamais la méthodologie de la prévision de recettes n'avait été dévoilée, en quelque sorte, et développée : vous en disposez aujourd'hui. Jamais il n'y avait eu de projection sur les dépenses : nous vous l'avons donnée. Jamais il n'y avait eu de transparence intégrale sur les régulations : nous avons fait preuve d'une transparence absolue. Il n'est donc pas juste de dire que ce rapport serait « rabougri ». Admettez avec moi que l'adjectif n'était pas le mieux choisi, car le rapport, au contraire, s'est enrichi.

S'agissant du groupe CRC, au nom duquel M. Thierry Foucaud s'est exprimé, je prends acte de son point de vue. Ce groupe est constant dans ses positions, qui restent très éloignées de celles du Gouvernement. Il m'est donc bien difficile, quelle que soit, encore une fois, l'estime personnelle que je lui porte, de trouver des points de convergence avec M. Foucaud !

S'agissant de l'intervention de M. Paul Loridant, il a trouvé des réponses aux questions qu'il se pose au sujet de la déflation. Comme d'autres sénateurs siégant du même côté de l'hémicycle, il a adressé au rapporteur général de nombreux compliments. Peut-être celui-ci devrait-il mettre en gras le point d'interrogation ornant le titre de son rapport ? (Sourires.)

M. Yves Fréville a rappelé, avec une pédagogie que j'ai beaucoup admirée, le caractère cyclique de l'économie et la nécessité de réduire notre déficit structurel. Il lira dans le compte rendu que la volonté du Gouvernement est d'effacer totalement ce déficit structurel.

Attendu les engagements européens forts et sincères d'Yves Fréville, les paroles qu'il a prononcées sur l'interprétation à donner au pacte de stabilité et de croissance pourraient être offertes en débat à nos partenaires européens.

S'agissant de l'assurance maladie, M. Fréville a raison, le problème est non pas celui des stabilisateurs automatiques, mais celui des dépenses. Néanmoins, si les dépenses n'étaient pas maîtrisées, il faudrait - je préfère parler au conditionnel - augmenter les recettes. Mais augmenter les recettes, mesdames, messieurs les sénateurs, c'est augmenter les prélèvements, et c'est l'inverse de ce qu'il faut faire pour l'avenir de la France.

S'agissant des dégrèvements, nous étudions, comme M. Fréville, la question du mécanisme de limitation au profit d'ailleurs de la péréquation.

S'agissant de la question du concours de l'Etat aux collectivités locales, aucune décision n'est encore prise à ce stade ; nous n'en sommes pas encore au débat budgétaire. Néanmoins, l'année où l'Etat - et je parle devant la commission des finances - limite la progression de sa dépense à zéro en volume, la question d'un traitement identique pour les concours de l'Etat aux collectivités locales mérite au moins d'être posée. Je ne sais pas quelle réponse pourra être donnée à cette question, mais on peut comprendre que le ministre du budget la pose.

Mesdames, messieurs les sénateurs et, si vous permettez, chers amis, je dirai en conclusion qu'il n'y a pas lieu de douter de l'avenir de la France, car elle est riche de femmes et d'hommes qui se battent et qui continueront de se battre de toutes leurs forces, pour que notre pays réussisse.

N'épuisons pas ces Français de bonne volonté. Ne les accablons pas de prélèvements excessifs imposés par une absence de maîtrise de notre dépense. Il nous faut donc maîtriser nos dépenses. C'est l'enjeu des années à venir. Ne dépensons pas plus, mais faisons en sorte de dépenser mieux : c'est ce que l'on dit généralement sur l'ensemble des travées. Offrons aux Français le meilleur service possible au meilleur rapport coût/efficacité.

Mesdames, messieurs les sénateurs, un tel enjeu mérite bien de réunir toutes les bonnes volontés, quelles que soient les travées sur lesquelles elles s'expriment. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Le débat est clos.

Acte est donné de la déclaration du Gouvernement, qui sera imprimée sous le numéro 374 et distribuée.

7

DÉCISIONS DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le président du Conseil constitutionnel, par lettre en date de ce jour, le texte des décisions rendues par le Conseil constitutionnel :

- d'une part, sur la loi urbanisme et habitat ;

- et, d'autre part, sur la loi habilitant le Gouvernement à simplifier le droit.

Acte est donné de cette communication.

Ces décisions du Conseil constitutionnel seront publiées au Journal officiel, édition des lois et décrets.

8

NOMINATION DE MEMBRES

D'UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE

M. le président. Pour le cas où le Gouvernement déciderait de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi modifiant la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 relative à l'archéologie préventive, il va être procédé à la nomination des membres de cette commission mixte paritaire.

La liste des candidats a été affichée ; je n'ai reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par l'article 12 du règlement.

En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentant du Sénat à cette éventuelle commission mixte paritaire :

Titulaires : MM. Jacques Valade, Jacques Legendre, Philippe Richert, Mme Françoise Férat, MM. Fernand Demilly, Ivan Renar et Serge Lagauche.

Suppléants : Mmes Marie-Christine Blandin, Annie David, MM. Daniel Eckenspieller, Serge Lepeltier, Pierre Martin, Jacques Pelletier et Jean-Marie Vanlerenberghe.

Cette nomination prendra effet si M. le Premier ministre décide de provoquer la réunion de cette commission mixte paritaire et dès que M. le président du Sénat en aura été informé.

9

TRANSMISSION DE PROJETS DE LOI

M. le président. J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l'Australie sur l'emploi des personnes à charge des membres des missions officielles d'un Etat dans l'autre.

Le projet de loi sera imprimé sous le n° 371, distribué et renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation d'un accord sous forme d'échange de lettres complétant l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne relatif à la coopération transfrontalière en matière policière et douanière du 3 octobre 1997.

Le projet de loi sera imprimé sous le n° 372, distribué et renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne relatif à une coopération sur l'observation de la Terre.

Le projet de loi sera imprimé sous le n° 373, distribué et renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume d'Arabie saoudite sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (ensemble un protocole).

Le projet de loi sera imprimé sous le n° 375, distribué et renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

10

DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI

M. le président. J'ai reçu de M. Robert Badinter et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattaché une proposition de loi relative aux crimes de guerre.

La proposition de loi sera imprimée sous le n° 370, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de legislation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

11

CLÔTURE DE LA SESSION ORDINAIRE

M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que, en application de l'article 28, premier alinéa, de la Constitution, la session ordinaire de 2002-2003 prendra fin le dernier jour ouvrable de juin, soit le lundi 30 juin.

La clôture de la session sera constatée par une communication qui sera publiée au Journal officiel.

Personne ne demande la parole ? ...

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures cinquante.)

Le Directeur

du service du compte rendu intégral,

MONIQUE MUYARD

QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)

Situation des établissements hébergeant

des personnes âgées dépendantes

290. - 26 juin 2003. - M. René-Pierre Signé appelle l'attention de M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité sur le plan de financement de la médicalisation des établissements hébergeant des personnes âgées dépendantes. On peut craindre que les engagements ne soient pas tenus puisque les crédits prévus au financement de cette mesure ne sont pas abondés. Ainsi apparaît le risque de bloquer la mise en place de cette démarche engagée par les établissements concernés et les conseils généraux, qui se fixaient un certain nombre d'objectifs pour améliorer leurs prestations dans le cadre de conventions tripartites signées avec l'Etat. La décision du Gouvernement d'interrompre la troisième tranche de financement en ne consacrant aucun crédit en 2003 à l'amélioration de la qualité des soins et du confort, pas plus qu'au recrutement de personnels supplémentaires, paraît contestable. Elle contribuera à détériorer la qualité de la prise en charge des personnes âgées, à dégrader gravement les conditions de travail des personnels et à augmenter les charges pesant sur les familles. Il lui demande de bien vouloir lui signifier si le Gouvernement a l'intention de poursuivre ce plan, notamment en ce qui concerne les conventions tripartites, et de confirmer le montant des crédits prévus au plan pluriannuel pour permettre l'application d'une politique digne et efficace pour les personnes âgées dépendantes.

Evolution du statut des assistantes maternelles permanentes

291. - 26 juin 2003. - M. Jean-Marc Pastor appelle l'attention de M. le ministre délégué à la famille sur le statut des assistantes maternelles permanentes de l'aide sociale à l'enfance, qui fait l'objet de réflexions depuis plusieurs mois sur de nombreux aspects de cette profession tels que : l'agrément préalable, qui évoluerait vers la professionnalisation de manière à être mieux distingué de la procédure d'embauche et serait acquis à durée indéterminée après un laps de temps de cinq ans ; la formation, afin d'aller vers la professionnalisation et une meilleure qualification des assistantes maternelles, qui serait sanctionnée par un certificat d'aptitude ; la protection sociale, avec accès aux congés maladie, maternité et mise en place d'une aide spécifique, dans ce cas assurée par une auxiliaire de vie, mais aussi accès à la médecine du travail ; la rémunération, qui est le pendant de la professionnalisation et mérite d'être harmonisée en même temps que portée progressivement à 169 heures pour l'accueil d'un enfant ; la prise en compte de la précarité via une rémunération d'attente versée sur une durée calculée au prorata de l'ancienneté et la modification de la loi afin d'interdire à l'employeur tout licenciement sans cause réelle et sérieuse ; les congés à mettre en concordance avec le droit commun des autres salariés et impliquant une organisation permettant la prise effective de congés ; l'organisation des équipes d'accueil familial permanent afin que l'assistante maternelle soit une collaboratrice à part entière au projet institutionnel et participe aux réunions d'évaluation, tout en étant informée des choix qui accompagnent l'enfant. Compte tenu des concertations réitérées depuis l'automne 2002 entre le cabinet du ministre et les organisations représentatives des assistantes maternelles permanentes, et eu égard à l'annonce, lors de la conférence de la famille du 29 avril dernier, de la mise en place d'un groupe de travail chargé d'élaborer la réforme législative nécessaire à la revalorisation de ce métier, il lui demande à quel stade d'avancement en est aujourd'hui parvenu ce statut et quelles sont les propositions qui lui ont été fournies par l'assemblée des départements de France, en matière de rémunération notamment ?

Situation de la médiathèque de Dole

292. - 26 juin 2003. - M. Gilbert Barbier appelle l'attention de M. le ministre de la culture et de la communication sur la situation délicate dans laquelle se trouve la médiathèque de Dole suite au départ du conservateur d'Etat qui en assurait la direction. Celle-ci a en effet quitté ses fonctions en juillet 2002, mais n'a toujours pas été remplacée à ce jour alors que deux commissions paritaires se sont déroulées depuis et qu'une nouvelle promotion de conservateurs est sortie de l'Ecole nationale supérieure des sciences de l'information et des bibliothèques (ENSSIB) en mai dernier. Cette vacance à la direction de la médiathèque a évidemment des conséquences sur son fonctionnement. Le cas de Dole n'est malheureusement pas isolé. De nombreuses autres communes, notamment Moulin en Auvergne, Brest en Bretagne, Compiègne dans l'Oise et Besançon en Franche-Comté, attendent depuis des mois, parfois même des années, la nomination d'un conservateur d'Etat pour leur bibliothèque. Conformément au décret n° 92-26 du 9 janvier 1992, les conservateurs d'Etat ont effectivement vocation à exercer les fonctions de direction et d'encadrement des bibliothèques municipales classées. Mais il semble qu'il y ait aujourd'hui plus de postes à pourvoir que de conservateurs à nommer, et surtout que les priorités d'affectation ne sont pas toujours favorables aux collectivités territoriales. Les nouveaux diplômés de l'ENSSIB, en petit nombre chaque année, rejoignent le plus souvent, en première affectation, les bibliothèques universitaires ou la Bibliothèque nationale de France, qui comptabilise, à elle seule, pas moins de six cents conservateurs. Ces règles sont particulièrement préjudiciables aux bibliothèques municipales classées, et plus généralement à la politique de lecture publique. Dans une perspective de décentralisation culturelle, souhaitée par le Gouvernement, il lui demande s'il envisage de donner aux collectivités territoriales les moyens de recruter directement des conservateurs territoriaux, personnels compétents et bénéficiant d'une formation de base identique à celle des conservateurs d'Etat.