SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. BERNARD ANGELS

1. Procès-verbal (p. 1).

2. Envoi d'un projet de loi à une commission spéciale (p. 2).

3. Candidatures à une commission spéciale (p. 3).

4. Rappel au règlement (p. 4).

Mme Odette Terrade, MM. le président, Jean-François Le Grand, au nom de la commission des affaires économiques.

Suspension et reprise de la séance (p. 5)

5. Air France. - Discussion d'un projet de loi (p. 6).

Rappel au règlement : Mme Hélène Luc.

Discussion générale : MM. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer ; Jean-François Le Grand, rapporteur de la commission des affaires économiques ; Yves Fréville, rapporteur pour avis de la commission des finances ; Daniel Soulage, Yvon Collin, Jean-Marc Pastor.

PRÉSIDENCE DE M. SERGE VINÇON

Mme Odette Terrade.

PRÉSIDENCE DE M. BERNARD ANGELS

M. François Marc.

M. le ministre.

Clôture de la discussion générale.

6. Nomination des membres d'une commission spéciale (p. 7).

7. Air France. - Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi (p. 8).

Question préalable (p. 9)

Motion n° 1 de Mme Marie-Claude Beaudeau. - Mme Marie-France Beaufils, MM. Serge Vinçon, Jean-François Le Grand, rapporteur de la commission des affaires économiques ; Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. - Rejet par scrutin public.

Demande de renvoi à la commission (p. 10)

Motion n° 3 de M. Jean-Marc Pastor. - MM. Jean-Marc Pastor, le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Article additionnel avant l'article 1er (p. 11)

Amendement n° 4 de M. Jean-Marc Pastor. - MM. François Marc, le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Article 1er (p. 12)

Mmes Hélène Luc, Marie-Claude Beaudeau, M. Robert Bret.

Amendements identiques n°s 5 de M. Jean-Marc Pastor et 14 de Mme Marie-France Beaufils ; amendements n°s 6, 7 de M. Jean-Marc Pastor et 13 de M. Serge Vinçon. - M. Jean-Marc Pastor, Mmes Marie-France Beaufils, Gisèle Printz, MM. Serge Vinçon, le rapporteur, le ministre, Yves Fréville, rapporteur pour avis de la commission des finances. - Rejet des amendements n°s 5, 14, 6 et 7 ; adoption de l'amendement n° 13.

Adoption de l'article modifié.

M. le ministre.

Suspension et reprise de la séance (p. 13)

PRÉSIDENCE DE M. DANIEL HOEFFEL

Article 2 (p. 14)

Mme Marie-France Beaufils.

Amendements identiques n°s 8 de M. Jean-Marc Pastor et 15 de Mme Marie-France Beaufils. - M. Jean-Marc Pastor, Mme Odette Terrade, MM. le rapporteur, le ministre, Robert Del Picchia. - Rejet, par scrutin public, des deux amendements.

Adoption de l'article.

Article 3 (p. 15)

Mme Hélène Luc.

Amendements identiques n°s 9 de M. Jean-Marc Pastor et 16 de Mme Marie-France Beaufils. - M. Jean-Marc Pastor, Mme Marie-France Beaufils, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet des deux amendements.

Adoption de l'article.

Article 4 (p. 16)

Mme Odette Terrade.

Amendements identiques n°s 10 de M. Jean-Marc Pastor et 17 de Mme Marie-France Beaufils. - M. Jean-Marc Pastor, Mme Marie-France Beaufils, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet des deux amendements.

Adoption de l'article.

Article 5 (p. 17)

Mme Marie-Claude Beaudeau.

Amendements identiques n°s 11 de M. Jean-Marc Pastor et 18 de Mme Marie-France Beaufils. - Mmes Gisèle Printz, Marie-France Beaufils, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet des deux amendements.

Adoption de l'article.

Article 6 (p. 18)

Mme Odette Terrade.

Amendements identiques n°s 12 de M. Jean-Marc Pastor et 19 de Mme Marie-France Beaufils ; amendement n° 2 de la commission. - M. François Marc, Mme Marie-France Beaufils, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet des amendements n°s 12 et 19 ; adoption de l'amendement n° 2.

Adoption de l'article modifié.

Vote sur l'ensemble (p. 19)

Mmes Marie-France Beaufils, Hélène Luc, MM. Jean-Marc Pastor, Philippe Arnaud, Mme Brigitte Luypaert, MM. le rapporteur, le ministre.

Adoption, par scrutin public, du projet de loi.

M. le ministre, Mme Hélène Luc.

8. Retrait de l'ordre du jour d'une question orale (p. 20).

9. Dépôt d'un projet de loi (p. 21).

10. Dépôt de propositions de loi (p. 22).

11. Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution (p. 23).

12. Dépôt de rapports (p. 24).

13. Dépôt d'un avis (p. 25).

14. Ordre du jour (p. 26).

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. BERNARD ANGELS

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

ENVOI D'UN PROJET DE LOI

À UNE COMMISSION SPÉCIALE

M. le président. M. le président a reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, pour l'initiative économique.

Le projet de loi sera imprimé sous le n° 170 et distribué.

En application de l'article 17, alinéa 1, du règlement, la conférence des présidents propose d'envoyer ce projet de loi à une commission spéciale.

Il n'y a pas d'opposition ?...

Il en est ainsi décidé.

3

CANDIDATURES

À UNE COMMISSION SPÉCIALE

M. le président. En conséquence, l'ordre du jour appelle la nomination des membres de cette commission spéciale.

Il va être procédé à une nomination conformément aux dispositions de l'article 10 du règlement.

La liste des candidats établie par les présidents des groupes a été affichée.

Cette liste sera ratifiée à l'expiration d'un délai d'une heure, s'il n'y a pas d'opposition.

4

RAPPEL AU RÈGLEMENT

M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, pour un rappel au règlement.

M. Jean Chérioux. Est-ce un vrai rappel au règlement ?

Mme Odette Terrade. Monsieur le président, de nombreux salariés d'Air France, mais aussi d'Air Lib manifestent en ce moment même en face du Sénat pour exprimer leurs vives inquiétudes et leur colère devant les choix gouvernementaux en ce qui concerne tant Air France qu'Air Lib.

En effet, le libéralisme et les effets ravageurs de la loi de l'argent sur la société, plus particulièrement sur les services publics, sera au centre du débat qui va s'ouvrir aujourd'hui.

Si ces salariés sont porteurs de revendications, ce qui est légitime, ils sont aussi porteurs d'un message à l'intention des usagers et de la collectivité tout entière. Ils nous avertissent tous, chacun à sa manière, de la catastrophe inéluctable que représentera pour le transport aérien la généralisation de la logique financière, c'est-à-dire de la logique du profit.

Ils sont donc en ce moment devant notre assemblée et demandent à être entendus par l'ensemble des groupes politiques. Les recevoir serait un véritable acte démocratique, je dirais même que c'est pour nous une obligation démocratique.

Je vous demande donc, monsieur le président, au nom de mon groupe, de suspendre la séance le temps nécessaire - une heure paraît convenable - pour que chaque groupe puisse rencontrer une délégation.

Entamer le débat sans écouter les personnels qui font vivre tous les jours le transport aérien relèverait d'une conception particulièrement élitiste de la vie politique.

Je suis persuadée, monsieur le président, que vous serez sensible à ce dernier argument et que vous répondrez positivement à la demande du groupe CRC. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)

M. le président. Madame Terrade, je vous donne acte de votre rappel au règlement.

Mme Odette Terrade. Et la suspension de séance !

M. Jean Chérioux. Il n'y a jamais eu de suspension de séance fondée sur un rappel au règlement, monsieur le président.

M. le président. C'est à la présidence de décider, monsieur Chérioux.

Madame Terrade, je ne peux pas autoriser une suspension de séance d'une heure, car je n'en vois pas la justification. En revanche, je peux vous accorder une suspension de séance de cinq minutes, voire d'un quart d'heure.

M. Claude Estier. Une demi-heure !

M. Robert Bret. Une demi-heure, monsieur le président, le temps que les groupes puissent recevoir les représentants des organisations.

M. Jean-François Le Grand, au nom de la commission des affaires économiques et du Plan. Je demande la parole.

M. le président. La parole est à M. Le Grand.

M. Jean-François Le Grand, au nom de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, il vous appartient en tant que président de séance de juger de l'opportunité d'un rappel au règlement. On peut toutefois se demander s'il s'agit bien du règlement lorsqu'est demandée une audition particulière ! Quoi qu'il en soit, je ne porterai pas de jugement sur le fond : c'est vous qui présidez.

Je dirai simplement, au nom de la commission, que ce projet de loi nous est soumis depuis déjà un certain temps. La commission a mis à profit ce délai pour recevoir autant qu'il était nécessaire l'ensemble des syndicats, des catégories professionnelles, bref l'ensemble des acteurs du transport aérien. Aussi, elle n'a aucunement besoin d'une suspension de séance, car elle a fait en son temps le travail qui lui était imparti.

M. Robert Bret. Il ne s'agit pas de la commission ; il s'agit des groupes !

M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pendant un quart d'heure.

M. Jean Chérioux. Monsieur le président, il faut interroger le Sénat.

M. le président. Cette décision relève du président de séance, monsieur Chérioux. Je juge, en effet, qu'il est inutile de commencer un débat alors que des difficultés surgissent dès le départ. Cette suspension d'un quart d'heure nous permettra d'engager la discussion dans des conditions plus sereines.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures dix, est reprise à quinze heures vingt-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

5

AIR FRANCE

Discussion d'un projet de loi

 
Dossier législatif : projet de loi  relatif aux entreprises de transport aérien et notamment à la société Air France
Discussion générale (interruption de la discussion)

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 108, 2002-2003) relatif aux entreprises de transport aérien et notamment à la société Air France. (Rapport n° 165 [2002-2003] et avis n° 164 [2002-2003]).

Mme Hélène Luc. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. Eric Doligé. Cela ne va pas recommencer !

M. le président. Sur quel article se fonde votre rappel au règlement, madame Luc ?

Mme Hélène Luc. Sur l'article concernant le déroulement des travaux.

M. le président. Quel est le numéro de l'article ?

Mme Hélène Luc. Il s'agit de l'article 34.

M. le président. Cet article a trait aux congés des sénateurs. (Sourires.) Vous voulez sans doute parler de l'article 36...

Mme Hélène Luc. En effet, monsieur le président.

M. le président. Vous avez la parole, madame Luc.

Mme Hélène Luc. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les salariés d'Air Lib sont encore sous le choc. Ils luttent avec une énergie peu commune, car ils veulent travailler. Les brutalités policières et les gaz lacrymogènes dont ils ont été victimes avant-hier dans l'aérogare d'Orly ne font que renforcer leur volonté.

Vous avez, monsieur le ministre, en accord avec le président du CSAM, le Conseil supérieur de l'aviation marchande, notre collègue M. Jean-François Le Grand, décidé de retirer sa licence de vol à la compagnie Air Lib, clouant au sol ses avions et abandonnant ainsi dans la « nature » des milliers de passagers à la veille des vacances de février, alors que la commission de conciliation avait commencé de se réunir le 14 novembre et devait travailler jusqu'au 14 février. Pourquoi ne pas avoir maintenu la licence de vol jusqu'à cette dernière date, qui doit voir Me Lafont rendre le rapport de conciliation au président du tribunal de commerce ?

Les salariés d'Air Lib ont reçu cette décision comme un coup de grâce, comme un arrêt de mort de leur compagnie.

Vous m'avez répondu, hier, monsieur le ministre, en présence de nombreux élus, notamment du président du conseil général du Val-de-Marne, de M. Gaston Viens, maire d'Orly, et de notre collègue Odette Terrade, qu'à partir du 5 février il n'y avait plus d'assurance pour les avions et les passagers. Or, d'après les renseignements dont je dispose - mais cela va de soi -, ils n'auraient pas été moins assurés le 14 février qu'ils ne l'étaient le 7.

Vous savez, monsieur le ministre, dans quelles conditions difficiles Air Lib a pris la succession de Swissair, M. Seillières ayant laissé 6 milliards de francs de dettes. Il a été condamné, pour le moment, à payer 1,45 milliard de francs ; il n'a, à ce jour, versé qu'un milliard de francs. Mais le procès aura lieu, sans aucun doute, et il faudra qu'il paie.

Pour l'heure, le Gouvernement doit aider Air Lib à vivre, afin de sauver les 3 500 emplois directs et les 18 000 emplois indirects que représente cette compagnie.

Air Lib, repris par M. Corbet, a bénéficié d'un prêt de 30 millions de francs de la part du gouvernement de M. Jospin, M. Gayssot étant ministre de l'équipement, prêt que vous avez reconduit, monsieur le ministre, je le reconnais bien volontiers.

Les événéments du 11 septembre 2001 sont venus malheureusement s'ajouter aux difficultés financières héritées de Swissair pour fragiliser encore plus la compagnie. Celle-ci s'en est, malgré tout, sortie, notamment grâce à la reprise des vols vers l'Algérie qu'Air France n'a pas repris, mais aussi grâce à une motivation admirable des salariés, farouchement déterminés à sauver Air Lib.

Les salariés avaient donc besoin d'un nouvel investisseur. C'est alors qu'IMCA, société hollandaise présidée par M. De Vlieger, s'est présentée, proposant de renouveler la flotte et d'acheter dix-neuf Airbus A 320.

Il y a deux ans, Airbus a reçu 54 millions de dollars d'acompte de Swissair pour l'achat de deux Airbus A 320, qui ont été vendus à la compagnie Air DOM. Après la faillite de Swissair, la somme en cause devait revenir à Air Lib. Or Airbus refuse cette issue. C'est le seul point de blocage qui empêche IMCA de signer l'accord de conciliation.

Car il est faux de dire qu'IMCA s'est retirée de la négociation ! Mais, pour signer, il fallait que l'accord avec Airbus se conclue.

Aujourd'hui, IMCA relance la négociation et veut aboutir. Vous avez pris connaissance de ses nouvelles propositions ce matin, de même que l'Elysée, Matignon et Me Lafont.

Il faut réunir de toute urgence Airbus, IMCA et un représentant du Gouvernement.

Bien sûr, je ne peux pas me porter garante de cette société - ce n'est pas mon rôle -, mais j'insiste, avec Odette Terrade, pour que tout soit tenté afin de sauver Air Lib. C'est une question de volonté politique du Premier ministre, qui doit trancher, et du Président de la République, à qui nous nous sommes adressées et, bien entendu, de vous-même, monsieur le ministre.

Jean-Claude Gayssot avait commencé à travailler en coopération avec Air France, qu'il fallait développer. Vous n'avez pas poursuivi cette action.

Vous vous deviez d'écouter les salariés, les syndicats, avec qui nous ne cessons de dire que la seule solution viable et durable passe par une formule bâtie avec le groupe public Air France et la création d'un pôle public de transport aérien, à la faveur d'un grand débat national.

M. le président. Veuillez conclure, madame Luc !

Mme Hélène Luc. Je termine, monsieur le président.

Il y a place pour ces deux compagnies, qui se complètent sur les liaisons nationales et internationales. Or loin de vous engager dans une telle voie, vous brusquez la privatisation d'Air France, qui nous précipite dans une déréglementation plus féroce encore, avec les graves conséquences que cela suppose pour la sécurité, et dans la perte d'un service public qui a fait ses preuves et qui marche.

Les salariés d'Air Lib et d'Air France - je pense, en particulier, à ces très nombreuses femmes, dont certaines élèvent seules leurs enfants - veulent travailler, veulent voler, au service de leurs passagers sur leurs avions. Tous et toutes le proclamaient hier dans l'aérogare d'Orly, applaudis par les passagers.

L'aide que le Gouvernement doit apporter s'il veut sauver Air Lib coûtera moins cher que les indemnités de chômage que, à défaut, il faudra verser. L'heure n'est pas au reclassement, qui serait très difficile, comme M. Bussereau l'a admis hier sur France Inter, pour ne pas dire impossible ; l'heure est au sauvetage d'Air Lib, en instaurant une réelle coopération avec Air France, au lieu de laisser les créneaux disponibles aux compagnies étrangères, Easy Jet, Ryan Air et autres, qui lorgnent sans vergogne sur lesdits créneaux.

C'est bien dans ces termes, monsieur le ministre, que se pose aujourd'hui le problème. Il est encore temps de sauver Air Lib, et vous pouvez jouer un rôle majeur à cet égard. Ce serait tout à votre honneur. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. - On applaudit également dans les tribunes du public.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, Air France, car il s'agit d'Air France,...

Mme Hélène Luc. Non ! Monsieur le président !

M. Gilles de Robien, ministre. ... est inscrite depuis 1993 sur la liste des entreprises privatisables.

Mme Hélène Luc. Monsieur le président !

M. Gilles de Robien, ministre. Une première ouverture, minoritaire, du capital de la compagnie a eu lieu en février 1999...

Mme Hélène Luc. Monsieur le président, je demande que M. le ministre me réponde ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. le président. M. le ministre a seul la parole et il est libre de son propos.

Mme Hélène Luc. J'ai cru que M. le ministre montait à la tribune pour me répondre !

M. Jean Chérioux. C'est Mme Luc qui préside, maintenant !

M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le ministre.

M. Gilles de Robien, ministre. Cette première ouverture du capital, donc, avait nécessité d'apporter des changements d'ordre législatif aux dispositions du code de l'aviation civile qui régissent Air France.

Mme Hélène Luc. C'est inadmissible ! Voilà le cas que l'on fait des parlementaires !

M. Robert Bret. C'est révélateur !

M. Gilles de Robien, ministre. Le premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, a annoncé en juillet dernier que le recentrage de l'Etat sur ses missions essentielles conduisait également à redéfinir son intervention dans le champ économique, au cas par cas, et selon une approche pragmatique, l'Etat ayant vocation à se retirer du secteur concurrentiel sauf lorsque des intérêts stratégiques sont en jeu.

Dans ce cadre, Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, et moi-même avons annoncé à la fin du mois de juillet la décision du Gouvernement de lancer le processus de privatisation d'Air France.

Comme vous le savez, la situation de la compagnie Air France est bonne,...

Mme Marie-Claude Beaudeau. C'est pour cela que vous voulez la casser !

M. Gilles de Robien, ministre. ... dans un secteur qui peine à sortir d'une crise profonde amorcée au printemps 2001 et dramatiquement aggravée par les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis.

Air France a été l'une des rares compagnies en Europe et dans le monde à ne pas subir de pertes au cours de cette période. Elle a même enregistré un bénéfice net de 153 millions d'euros pour l'exercice 2001-2002 et de 275 millions d'euros pour le premier semestre, clos le 30 septembre 2002, de l'exercice en cours. Aujourd'hui, Air France a une structure financière saine avec un endettement raisonnable et stable.

Mme Marie-Claude Beaudeau. Donc, cela marche bien, mais on casse !

M. Gilles de Robien, ministre. Il convient, mesdames, messieurs les sénateurs, de saluer l'esprit de responsabilité des agents d'Air France, qui ont permis ce formidable redressement. (Mme Marie-Claude Beaudeau, se tournant vers la tribune du public : « C'est grâce à vous cela ! Si cela marche bien, c'est grâce au blocage des salaires ! »)

Mme Hélène Luc. Et c'est comme cela que vous les en récompensez, monsieur le ministre !

M. Gilles de Robien, ministre. Ils ont été raisonnables, ils ont su négocier et gérer cette entreprise avec beaucoup de talent et d'esprit de responsabilité. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)

La compagnie tire aujourd'hui parti des efforts consentis au milieu des années 1990 par l'Etat, par l'entreprise et par ses salariés. La société a alors mené à bien un important chantier de désendettement, d'assainissement et de restructuration de l'appareil de production.

Ce retour à la rentabilité lui a permis de rattraper son retard dans l'intégration à une alliance de taille mondiale. En juin 2000, elle a créé l'alliance Skyteam, avec Delta Airlines, Aeromexico et Korean Air, rejointes ensuite par Alitalia et par la compagnie tchèque CSA. Elle a en outre contracté avec Alitalia des accords étroits qui ont amené les deux sociétés à procéder à une prise de participation réciproque de 2 % de leur capital ainsi qu'à un échange d'administrateurs.

Par ailleurs, Air France a entamé au début de l'année 2002 des discussions en vue d'un rapprochement avec KLM, discussions qui se sont accélérées en août 2002 à la suite de la conclusion d'un accord de partenariat entre les compagnies Delta, Northwest et Continental Airlines, ces deux dernières étant alliées à la compagnie néerlandaise.

Ces discussions montrent que la consolidation du transport aérien européen, pronostiquée par tous, est vraiment en train de démarrer. Or les discussions passées avec Alitalia et présentes avec KLM montrent qu'il n'est pas envisageable que d'autres compagnies européennes acceptent de lier leur destin à celui d'Air France en allant au-delà d'une alliance commerciale tant qu'elle sera contrôlée par l'Etat. La privatisation d'Air France est donc une condition nécessaire pour qu'elle ne soit pas, à l'avenir, marginalisée dans la restructuration qui s'ébauche en Europe et pour qu'elle puisse y jouer un rôle majeur, à l'instar de Lufthansa ou de British Airways.

M. Claude Estier. Pourquoi Delta avait-il accepté ?

M. Gilles de Robien, ministre. En outre, la sortie de la compagnie du secteur public renforcera son attrait pour les investisseurs et lui donnera donc plus de facilités pour financer son développement en ayant recours au marché financier, par une augmentation de capital ou par une émission obligatoire.

Cette analyse a conduit le Gouvernement à considérer que l'intérêt d'Air France ainsi que ses perspectives d'alliance et de développement militaient pour un retrait partiel de l'Etat de son capital. Dans cette optique, l'Etat fera passer sa participation de 54,4 % à un peu moins de 20 % du capital, pour accompagner la mutation de l'entreprise tout en restant l'un de ses principaux actionnaires.

Toutefois, la privatisation d'Air France ne doit pas faire peser de risques sur ses droits de trafic vers les pays extracommunautaires. En effet, si la majorité du capital d'Air France devait être détenue par des intérêts non français, ses droits de trafic, accordés dans le cadre d'accords bilatéraux, pourraient être remis en cause par les pays concernés, en application des clauses de nationalité figurant dans ces accords. Ces clauses font partie du fondement des relations aériennes internationales, dont le cadre général a été posé par la convention de Chicago du 7 décembre 1944.

La Cour de justice des Communautés européennes, dans le cadre d'une procédure concernant les accords conclus avec les Etats-Unis par huit pays membres, a rendu le 5 novembre dernier un arrêt déclarant la clause de nationalité type des accords aériens contraire au traité de Rome. Nous sommes entrés dans une phase de consultations avec les autres Etats membres et la Commission pour tirer tous les enseignements de cette nouvelle jurisprudence. Sans que l'on puisse encore dire ce qu'elle sera, il semble inéluctable que la France doive, dans le futur, négocier une nouvelle clause, communautaire et non plus nationale, avec les quelque 120 Etats avec lesquels nous avons des accords bilatéraux.

Nous ne pouvons pas nous permettre de laisser les droits de trafic d'Air France sans protection pendant la durée, qui va se compter en années, de ce grand chantier. Toutes les grandes concurrentes d'Air France - British Airways, Lufthansa, Iberia, KLM - ont des dispositifs nationaux permettant de concilier la protection des droits de trafic et le statut d'entreprise privée cotée en bourse.

Le choix du mécanisme que vous propose le Gouvernement repose sur plusieurs critères : il ne doit pas receler de risques juridiques ou financiers indus pour l'Etat, ce qui a, en particulier, conduit à rejeter le système néerlandais, qui aurait pu conduire l'Etat à devoir renationaliser Air France ; il doit donner toutes les garanties nécessaires de sécurité aux investisseurs ; il doit reposer sur la responsabilité et l'autodiscipline des actionnaires, la cession forcée n'étant utilisée qu'en dernier recours ; enfin, bien évidemment, il ne doit contenir aucune disposition qui soit en contradiction avec nos engagements européens.

Le texte de l'article 1er qui vous est soumis satisfait à l'ensemble de ces contraintes. En outre, il n'aura pas à être modifié quand l'ensemble de nos clauses de nationalité bilatérales auront été changées en clauses communautaires.

Toujours dans le domaine de la protection des intérêts généraux, le Gouvernement a, après mûre réflexion, décidé de vous proposer d'abroger l'article L. 342-2 du code de l'aviation civile, relatif aux missions d'intérêt général imposées par l'Etat à Air France, qui trouve son origine dans la loi du 16 juin 1948 portant institution de la compagnie Air France. Il est, en effet, apparu que le retrait progressif de l'Etat du capital de la compagnie et les obligations d'égalité de traitement et de mise en concurrence limitaient considérablement la portée de ces dispositions. Son abrogation ne supprimera pas la possibilité, pour l'Etat, de faire appel à la réquisition ou de contracter avec Air France comme avec les autres compagnies pour l'exécution d'une mission d'intérêt général. Je précise également que les dispositions de la réglementation communautaire concernant les obligations de service public continueront à s'appliquer à Air France.

Cette évolution est apparue importante pour placer Air France sur un pied d'égalité avec les autres compagnies françaises et communautaires en termes de concurrence. Elle pose toutefois la question de la conception d'un nouveau cadre pour l'exercice de missions d'intérêt général spécifiques au transport aérien permettant de pallier les inconvénients de la contractualisation et de la réquisition. J'ai lancé une réflexion sur ce sujet au sein de mes services, afin de déterminer quelles missions d'intérêt général l'Etat pourrait être amené à confier aux entreprises de transport aérien et quel cadre juridique, prenant en compte l'ensemble des compagnies françaises, pourrait, dans cette perspective, être mis en place.

S'agissant des aspects sociaux de la privatisation, ce projet de loi traduit les engagements pris par le Gouvernement fin juillet. L'article 2 fixe un cadre législatif qui permettra à l'entreprise de conserver les modalités actuelles de la participation des salariés à la gestion de l'entreprise, sans toutefois l'y contraindre. De même, l'article 3 prévoit de ménager une durée de deux ans pour que le statut du personnel soit transposé en un accord d'entreprise par la négociation collective.

Ce texte contient également des dispositions qui permettront de poursuivre dans la voie de l'ouverture du capital de 1999 pour constituer un actionnariat salarié important. Les modalités de l'offre réservée aux salariés prévues par la loi du 2 juillet 1998 sont reconduites ; les salariés pourront souscrire jusqu'à 15 % du volume d'actions cédé par l'Etat, aux conditions préférentielles habituelles dans ce type d'opération.

Mme Marie-Claude Beaudeau. Les salariés de France Télécom s'en souviennent !

M. Gilles de Robien, ministre. De plus, un nouvel échange salaire contre actions sera proposé. Il sera non pas réservé aux seuls pilotes, comme en 1999, mais ouvert à tous les salariés volontaires.

Mme Marie-Claude Beaudeau. Ah, voilà !

M. Gilles de Robien, ministre. Enfin, je voudrais aborder la question des modalités et du calendrier.

L'opération de privatisation proprement dite nécessite de franchir en amont un certain nombre d'étapes juridiques, parmi lesquelles les plus importantes sont l'adoption par le Parlement de ce projet de loi, la prise d'un décret d'application en Conseil d'Etat et la réunion d'une assemblée générale pour modifier les statuts de la société. En outre, la date de l'opération, qui nécessite l'information la plus précise possible des investisseurs potentiels, doit tenir compte du calendrier de publication des informations financières de la compagnie.

La privatisation d'Air France pourrait donc avoir lieu mi-2003 ou en fin d'année. Le Gouvernement entendant bien évidemment protéger les intérêts des contribuables, l'opération ne se déroulera que lorsque les conditions de marché le permettront.

Mme Marie-Claude Beaudeau. Et voilà !

M. Gilles de Robien, ministre. La valeur boursière d'Air France souffre à ce jour des conditions générales du marché boursier et des incertitudes liées à l'amélioration de la conjoncture mondiale ainsi qu'à la clarification de la situation géopolitique.

M. Jean-François Le Grand, rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan. Bien sûr !

M. Gilles de Robien, ministre. Compte tenu de ces incertitudes, il ne m'est pas possible de me prononcer plus précisément sur les modalités de l'opération, notamment sur le prix de mise sur le marché des actions.

M. Claude Estier. Alors, ajournez le projet !

Mme Marie-Claude Beaudeau. Il n'y a pas urgence !

M. Jean Chérioux. Pourquoi Mme Beaudeau parle-t-elle tout le temps ?

M. Gilles de Robien, ministre. Ces paramètres seront fixés en temps utile, avec le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Nous devons cependant nous mettre en situation d'être prêts au plus tôt, pour ne pas laisser passer le moment où les conditions de l'opération seront réunies.

Mesdames, messieurs les représentants du parti communiste, je vous remercie de votre courtoisie ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-François Le Grand, rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'avais préparé un texte écrit afin d'aborder dans un premier temps le fond du sujet qui nous préoccupe aujourd'hui, puis, dans un second temps, d'analyser les différents articles de ce projet de loi. Toutefois, M. le ministre ayant parfaitement exposé la philosophie globale de ce projet et compte tenu du contexte social difficile que nous connaissons...

Mme Marie-Claude Beaudeau. Ah ?

M. Jean-François Le Grand, rapporteur. ... et qui ne laisse personne - je dis bien personne ! - indifférent,...

Mme Marie-Claude Beaudeau. Vous versez des larmes de crocodile !

M. Jean-François Le Grand, rapporteur. ... je laisserai de côté ce texte écrit pour me livrer simplement à un exposé sur le fond, tel que je le ressens à la fois comme parlementaire et comme citoyen, mais aussi en tant que président du Conseil supérieur de l'aviation marchande, le CSAM.

Tout d'abord, puisque le parallèle est fait en permanence entre Air Lib et Air France, je voudrais rappeler quels sont les points communs - sans en dresser une liste exhaustive - entre ces deux compagnies.

Je le dis sans aucune flagornerie, sans aucune démagogie, sans recherche d'aucun effet de manche, elles ont en commun la qualité de leurs personnels dans l'exécution de leur travail.

Mme Marie-Claude Beaudeau. C'est parce qu'ils sont dans les tribunes que vous le dites !

M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Je vous en prie, madame Beaudeau ! La Haute Assemblée a toujours donné l'exemple de la courtoisie et de la démocratie !

M. Jean Chérioux. On n'a pas le droit de s'adresser au public dans les tribunes, madame Beaudeau !

M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Lorsque l'on est élu, c'est que l'on a été choisi et, si l'on a été choisi, c'est que l'on est porteur de certains messages. La moindre des courtoisies démocratiques exige de laisser celui qui s'exprime dire ce dont il est porteur ! Alors respectons, si vous le voulez bien, cette courtoisie. Je vous promets, madame, en tant que rapporteur, que vous aurez tout loisir de vous exprimer autant que vous le voudrez sur l'ensemble des amendements au cours de la présente discussion.

Mme Marie-Claude Beaudeau. C'est notre droit !

M. Jean-François Le Grand, rapporteur. La clarté du débat exige que chacun se respecte, et je vous respecterai comme je l'ai toujours fait !

Le premier point commun entre Air Lib et Air France est donc la qualité de leurs personnels dans l'exécution de leur travail - et c'est probablement la moindre des choses -, mais aussi la recherche de la meilleure productivité, de la meilleure rentabilité et du meilleur service, autant d'éléments qui sont indissociables du bon fonctionnement d'une entreprise. En différentes occasions, l'ensemble des salariés de ces deux entreprises a su prendre ses responsabilités.

Chacun se souvient ici des moments difficiles d'Air France : les salariés avaient alors accepté un certain nombre de dispositions, notamment un blocage des salaires, pour permettre à l'ensemble de l'entreprise de se redresser. S'agissant d'Air Lib, chacun sait quel a été ces derniers temps, en particulier ces dernières semaines -, permettez-moi de le souligner, car je l'ai vécu de l'intérieur - le sens de la responsabilité du personnel, et je le dis, je le répète, sans flagornerie aucune. Pour avoir rencontré les responsables syndicaux, mais aussi d'autres personnes, je tiens ici à témoigner de cette réalité.

Je pourrais encore citer d'autres points communs entre ces deux entreprises, mais je n'oublie pas non plus les points de divergence, dont le principal - et je le dis sans aucune agressivité - tient pour l'essentiel au management et à la stratégie de chaque entreprise. (Mme Odette Terrade s'exclame.)

Dans un cas, le management a été de qualité : les stratégies ont été engagées avec l'accord du personnel, et c'est ce qui fait que, aujourd'hui, Air France a la position qu'on lui connaît et qu'elle fait beaucoup d'envieux dans le transport aérien.

M. Claude Estier. Pourquoi vouloir changer, alors ?

M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Dans l'autre cas, malheureusement, les erreurs stratégiques se sont accumulées. Air Lib est ainsi tombée de Charybde en Scylla, ce qui l'a conduite aujourd'hui à affronter une situation sans issue favorable possible.

Au-delà de ces erreurs de stratégie, encore faut-il avoir des capacités financières suffisantes pour accompagner les décisions prises et les choix opérés. Et c'est bien là le coeur de notre préoccupation aujourd'hui : sommes-nous décidés à donner à Air France de nouveaux moyens financiers pour que la compagnie continue d'évoluer malgré les difficultés que chacun connaît dans le transport aérien ? En effet, il n'y a pas qu'Air Lib ! D'autres entreprises, sur d'autres continents ou dans d'autres pays, traversent elles aussi des crises sans solution. L'environnement du transport aérien est en effet en évolution constante, une évolution que l'histoire récente suffit à expliquer.

Au demeurant, le 11 septembre - quelle qu'ait été la douleur que ces événements ont provoquée - a été moins un facteur déclenchant que le révélateur d'une situation qui était déjà difficile. Le 11 septembre n'a fait que précipiter les choses dans une atmosphère qui était déjà saturée, pour reprendre des termes de chimie.

Aujourd'hui, nous devons être des observateurs vigilants et attentifs. Notre devoir de parlementaires est non seulement de répondre aux problèmes quotidiens, mais aussi d'anticiper sur vingt ou trente ans, afin que nos actions d'aujourd'hui n'obèrent pas les évolutions de demain.

Durant la période où Air France était une entreprise publique, se sont nouées ce que l'on a appelé des alliances, grâce auxquelles Air France occupe aujourd'hui une position de premier plan. Les alliances ont été la réponse aux difficultés croissantes que rencontrait le transport aérien.

Mais, aujourd'hui, l'alliance n'est plus suffisante. En effet, on voit arriver, dans le transport aérien comme dans d'autres modes de transport, de nouveaux acteurs, avec les compagnies à bas prix, les compagnies que l'on appelle low cost, qui ont diminué les coûts d'exploitation afin de baisser les prix et de pratiquer des low fare.

Ces nouveaux acteurs n'ont pas du tout une logique de grande entreprise, mais une logique de desserte de point à point et, d'une certaine manière, une logique d'aménagement du territoire, dans une logique de démocratisation du transport aérien (Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste. - On proteste également dans les tribunes du public), afin de proposer des billets un peu moins chers.

Si Air France avait refusé cette évolution du transport aérien, il lui faudrait alors craindre des lendemains qui déchantent très vite, et même beaucoup plus vite qu'on ne l'imagine, parce que la situation est globalement fragile : le transport aérien est une des rares activités qui dégagent peu de bénéfices en mobilisant énormément de moyens.

Air France, face à cette situation, est obligée de réagir, de faire preuve d'adaptation et de réactivité, en développant deux éléments qui ont été à la base de sa réussite.

Le premier élément, c'est ce que l'on appelle le hub, qui est une plate-forme de correspondance. Ainsi, le hub parisien est une plate-forme d'excellence : au sein du dispositif européen, elle est la mieux placée, celle qui offre le plus de capacité à se développer et à accueillir, d'autant que le facteur limitant de l'activite aéroportuaire n'est pas le nombre de mouvements ou le nombre de passagers, mais le niveau de nuisance. A partir du moment où ce niveau n'est plus acceptable, il n'est plus possible de développer le hub. Toujours est-il que la mise en place du hub de Roissy - Charles-de-Gaulle a été une réussite en tous points.

La raison majeure de la réussite d'Air France, c'est donc bien sa capacité à s'adapter au marché et à la demande.

M. Claude Estier. Dans ces conditions, il n'y a aucune raison de privatiser Air France !

M. Jean-François Le Grand, rapporteur. C'est un autre débat !

Le deuxième élément de la logique de la réussite, c'est ce qu'on appelle le yield management, avec la gestion unitaire du siège : lorsque vous prenez un avion, vous ne payez jamais votre billet au même prix que le passager qui voyage à côté de vous, à prestations identiques. Et, si Air France a réussi dans ce domaine, c'est que Christian Blanc a eu l'intelligence de s'entourer d'une équipe compétitive en matière de gestion unitaire des sièges alors que, dans le même temps, d'autres compagnies faisaient, elles, appel à des avocats.

Face à l'évolution actuelle du transport aérien, veillons à ne jamais nous tromper de stratégie. L'entreprise doit bénéficier des financements adéquats, mais il ne s'agit pas ici de relancer le débat sur la privatisation. La privatisation ou la nationalisation, cela relève d'un débat dogmatique qui est dépassé.

Aujourd'hui, la logique, c'est l'évolution du capital d'Air France.

Mme Odette Terrade. C'est votre logique, ce n'est pas la nôtre !

M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Si, c'est la vôtre : en 1994, vous avez mis en place un actionnariat populaire imposé parce qu'il a fallu investir 3 milliards d'euros - 20 milliards de francs - pour recapitaliser Air France et faire « redécoller » - si j'ose dire... - l'entreprise. A l'époque, M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement et des transports, avait décidé, en 1999, d'ouvrir le capital d'Air France en diminuant la part de l'Etat pour la ramener à 54,5 %. Or M. Gayssot n'est pas, que je sache, un parangon du libéralisme ! Ce n'est pas quelqu'un qui se répand, ici ou ailleurs, sur les bienfaits de la concurrence ! Toujours est-il qu'il a éprouvé le besoin - parce que c'était une nécessité, et c'est tout à son honneur et à l'honneur de ce gouvernement-là de l'avoir reconnu - d'ouvrir le capital d'Air France, permettant ainsi un afflux de capitaux extérieurs et permettant à l'entreprise, grâce à une stratégie adaptée, de bénéficier de financements de plus en plus adaptés. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Jean Chérioux. Remerciez-le !

M. Claude Estier. Mais l'entreprise est restée une entreprise publique !

M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Les grandes entreprises du transport aérien qui survivront, monsieur Estier, seront celles qui seront réactives et qui sauront s'adapter au marché et constituer non plus les alliances de jadis, mais des alliances capitalistiques.

M. Claude Estier. Pourquoi voulez-vous aller plus loin ?

M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Vous savez bien que, dans l'univers mondialisé, l'entreprise publique n'est pas celle qui, a priori, attire les capitaux ! Or Air France aura besoin de capitaux pour son propre développement. C'est pourquoi nous avons besoin de cette évolution, et nous ne pouvons que féliciter le Gouvernement d'être revenu sur la loi de privatisation de 1993, car aujourd'hui il ne s'agit plus de savoir si l'on nationalise ou non, mais si l'on est à même de s'adapter au marché en ouvrant le capital.

Remercions donc le Gouvernement d'avoir fait appel, en la circonstance, au Parlement. En effet, monsieur le ministre, vous auriez pu tout simplement appliquer la loi de 1993. Mais vous avez souhaité revenir devant le Parlement, et nous vous en remercions parce que l'évolution d'un certain nombre d'entreprises de tranport ne peut se décider dans l'obscurité, dans l'absence de transparence. La meilleure garantie que vous pouviez donner à l'évolution du transport aérien était de demander au Parlement de légiférer sur un sujet qui est si important pour notre société.

S'agissant des dispositions financières, notre excellent collègue Yves Fréville s'exprimera tout à l'heure au nom de la commission des finances, qui est saisie pour avis. Permettez-moi simplement, en conclusion, d'évoquer quelques-uns des articles dont nous allons débattre dans un instant.

L'article 1er contient des dispositions de codification et institue un dispositif de garantie s'agissant de la nationalité d'Air France. Au Conseil supérieur de l'aviation marchande, c'est un sujet qui nous tient à coeur !

Ce contrôle de nationalité devra être réalisé en temps réel, alors même qu'il s'agit de domaines extrêmement volatils. Mais notre collègue Yves Fréville reviendra sur ce point tout à l'heure. Quoi qu'il en soit, les dispositions que vous proposez sont, pour l'essentiel, de nature à nous rassurer.

L'article 2 du projet de loi vise à assurer le maintien des droits acquis. Il s'agit d'un élément important, mes chers collègues ! Et, si je saluais tout à l'heure la qualité des différents intervenants dans l'entreprise, ce n'est certainement pas pour miner le dialogue social, subrepticement, au détour de l'examen d'un article d'un projet de loi ! Les droits acquis constituant une notion fondamentale, il est donc bon de graver cette notion dans le marbre, afin d'éviter qu'elle ne puisse être remise en cause.

Un délai de deux ans est prévu pour mener à terme les négociations. J'entends déjà dire que l'instabilité sociale régnera pendant ce temps-là. Je ne voudrais pas faire d'humour dans un instant aussi difficile et aussi douloureux, mais rien n'interdit de régler le problème en quinze jours !

Deux ans, c'est un délai maximum pour conclure des accords salariaux. A partir du moment où les partenaires se seront retrouvés sur l'essentiel, il n'est pas interdit d'aller plus vite ! En effet, ce n'est ni l'intérêt des syndicats ni des personnels d'Air France de décider de mettre en danger la survie de l'entreprise.

Mme Hélène Luc. On sait ce qu'est, pour vous, la concertation !

M. Jean-François Le Grand, rapporteur. La concertation, c'est ce que nous avons fait en interrogeant tout le monde. C'est aussi plein d'autres choses, mais c'est un autre débat.

Mme Hélène Luc. Vous avez discuté avec les syndicats et, dans la nuit même, vous avez enlevé la licence de vol !

M. Jean-François Le Grand, rapporteur. L'article 2 tend à garantir la représentation des salariés dans le conseil d'administration. Or, madame Luc, vous avez déposé un amendement qui va à l'encontre du système dérogatoire pour revenir au droit commun.

Nous sommes là pour veiller aux intérêts des salariés ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste. - Vives exclamations sur les travées du groupe du CRC et du groupe socialiste.)

Mme Hélène Luc. Bien sûr !

M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Heureusement que nous sommes là pour ne pas voter votre amendement !

L'article 5 organise l'échange salaire contre actions. Nous reviendrons sur ce sujet dans la discussion des articles.

Mme Hélène Luc. Vous avez un mépris incroyable pour les salariés d'Air France ! (Exclamations prolongées sur les travées du groupe CRC.)

M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Madame Luc, qui a déposé, à l'article 2, l'amendement n° 15, qui met fin au système dérogatoire pour en revenir au système de droit commun ?

M. Jean Chérioux. Les adversaires de la participation !

Mme Marie-Claude Beaudeau. C'est un procès d'intention !

M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Avec lesystème de droit commun, le conseil d'administration ne pourrait accueillir que quatre ou cinq représentants des salariés alors qu'avec le système dérogatoire, qui figure dans ce projet de loi, jusqu'à six représentants des salariés pourraient y participer.

M. Robert Bret. C'est une caricature !

M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Voilà les réflexions que je souhaitais vous livrer.

Mme Marie-Claude Beaudeau. Vous n'avez pas beaucoup d'arguments !

Mme Hélène Luc. Vous êtes bien gênés !

M. Jean-François Le Grand, rapporteur. L'article 6 prévoit un ensemble de dispositions de codification.

Mes chers collègues, je conclurai en remerciant la commission de m'avoir fait l'honneur de la représenter.

Le sujet est trop grave, la situation sociale trop difficile, l'inquiétude trop grande,...

Mme Hélène Luc. Ne pleurez pas, monsieur Le Grand !

M. Jean-François Le Grand. ... - et je partage les propos tenus tout à l'heure sur les salariés qui sont dans l'angoisse - pour qu'on ne leur réponde pas par de la commisération. Il faut des actes. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Yves Fréville, rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous devons faire face à une crise lourde de conséquences en termes d'emplois pour une compagnie aérienne qui est trop faiblement capitalisée et qui n'a pas les ressources nécessaires pour devenir une grande compagnie low cost.

Aujourd'hui, nous devons assurer l'avenir à long terme de notre compagnie nationale, Air France. Sa privatisation a été autorisée par la loi du 19 juillet 1993. Elle n'a pas été remise en cause par le précédent gouvernement. Au contraire, ce gouvernement-là a décidé l'ouverture du capital de cette société à hauteur de 44 % et l'a transformée en société cotée en bourse.

Il s'agit aujourd'hui non pas d'autoriser la privatisation, mais uniquement de prévoir les mesures d'accompagnement qui permettront, le moment venu, de mener à bien cette privatisation.

Mme Hélène Luc. Vous « privatisez », mais vous n'osez pas le dire !

M. Yves Fréville, rapporteur pour avis. Privatiser, madame, cela signifie simplement que le capital ne sera plus majoritairement détenu par l'Etat.

Mme Hélène Luc. Voilà ! C'est la définition. Appelez les choses par leur nom !

M. Yves Fréville, rapporteur pour avis. Voilà ce que cela signifie en termes clairs.

Si cette privatisation peut être envisagée aujourd'hui, c'est parce que l'Etat - notre commission des finances a été sensible à cela - a investi en 1994 - c'était notre majorité - 20 milliards de francs pour recapitaliser la société Air France.

Le calcul est très simple : Air France compte 70 000 salairés. Ainsi, par salarié - et non pour chaque salarié, ce qui n'est pas la même chose - un capital de 300 000 francs a été attribué pour qu'il puisse travailler. Voilà ce qui a été accompli.

Cet exemple montre que c'est en recapitalisant une société de ce type qu'on parvient à la rendre viable.

Comment allons-nous aujourd'hui retrouver capitaux et moyens pour permettre à cette société nationale de se développer ?

Deux questions préalables se posent : pourquoi privatiser ? Pourquoi une loi ?

D'abord, il n'existe aucun monopole naturel en matière de tranport aérien qui justifie le maintien d'une société publique. Bien au contraire, depuis l'ouverture de l'espace aérien, puis du fait de l'entrée en vigueur d'un certain nombre de « paquets » européens entre 1987 et 1993, l'espace communautaire est devenu un espace concurrentiel. C'est pourquoi Air France a perdu son monopole et se trouve aujourd'hui placé dans une situation de concurrence sur le marché européen.

Par ailleurs, comme l'a excellemment précisé M. le ministre tout à l'heure, certaines missions de service public peuvent être assurées à égalité par les différentes compagnies aériennes quel que soit leur statut, public ou privé.

En revanche, il faut qu'Air France soit capable de s'adapter à l'évolution à long terme du trafic aérien. Je ne suis pas une pythie et cette tribune n'est pas un trépied : je ne sais pas quelle sera cette évolution et il faut faire face à toutes les éventualités. La segmentation du marché entre compagnies à bas coût et compagnies nationales se poursuivra-t-elle ?

Les quatorze grandes sociétés nationales européennes vont-elles se regrouper en trois ou quatre ? Dès à présent, Lufthansa, British Airways et Air France possèdent d'ailleurs chacune 16 % du marché. Ira-t-on vers ces regroupements ? Je ne le sais.

Ce que je sais, c'est que les statuts d'Air France doivent rendre possibles toutes les évolutions.

Certains estiment suffisant le système actuel qu'évoquait M. le ministre et qui permet des alliances commerciales, de type Skyteam. De telles alliances permettent de mettre en commun un certain nombre de gains de productivité ou de s'appuyer sur la complémentarité des réseaux. Mais rien ne dit qu'il ne faudra pas aller plus loin, par exemple en autorisant des participations croisées entre les grandes sociétés.

C'est là que la question de la privatisation se joue. Si Air France est obligé de conserver 50 % de capitaux publics, il arrivera - et nous sommes payés pour le savoir, si vous me permettez d'employer cette expression triviale, mes chers collègues - ce qui s'est passé avec France Télécom.

En 1990, France Télécom a été obligée de prendre des participations ici et ailleurs en payant cash, c'est-à-dire en espèces sonnantes et trébuchantes, au lieu d'organiser des participations croisées de titres.

M. Jean Arthuis. Eh oui !

M. Yves Fréville, rapporteur pour avis. Donc, pour permettre les regroupements qui seront peut être nécessaires, la société Air France devra pouvoir recourir aux participations croisées, sans que celles-ci puissent dépasser le seuil de 50 %.

Telle est la raison de la privatisation d'Air France, ce n'est pas une question de finances de l'Etat, c'est une question d'avenir pour notre société nationale.

Pourquoi une loi ? Il convient de légiférer parce que, contrairement à ce que certains prétendent, le marché aérien n'est pas dépourvu de contrôles. Il n'est pas un marché dérégulé.

Il existe des licences d'exploitation, des droits de trafic, des créneaux horaires. Le tout est contrôlé par le Gouvernement, de façon que les entreprises de transport aérien restent nationales ou, à tout le moins, européennes, communautaires.

En d'autres termes, nous ne voulons pas que se reproduise dans le secteur du transport aérien ce que l'on voit, hélas ! dans le trafic maritime, c'est-à-dire l'apparition de pavillons de complaisance. Ce projet de loi a essentiellement pour objet de maintenir le caractère national ou communautaire des entreprises de transport aérien. Ces précisions juridiques ont été très bien prises en compte dans ce projet de loi.

Comment assurer la protection de nos intérêts nationaux ? Plusieurs solutions sont possibles. Ce problème n'est pas spécifique à la France. Il s'est également posé en Grande-Bretagne, aux Pays-Bas, en Allemagne. Nous avions donc le choix entre plusieurs systèmes.

Certains défendaient l'idée d'un agrément préalable du ministre, c'est-à-dire un contrôle a priori. Cela s'est avéré relativement difficile à mettre en place compte tenu de la réglementation communautaire.

D'autres souhaitaient le maintien de l'action spécifique, vous savez, la golden share, qui avait été prévue en 1993. Cette solution présentait un certain avantage : elle permettait, en détenant 20 % du capital d'une entreprise d'avoir un pouvoir de blocage au sein de son conseil d'administration.

Mais la Cour de justice des Communautés européennes estime aujourd'hui - et cela a été le cas pour la France dans l'affaire Elf - que l'action spécifique n'est plus de mise. Donc, on est allé vers une autre solution.

Pour résoudre ces problèmes, il fallait donc une loi.

Je voudrais maintenant, en quelques mots, présenter les techniques qui permettent d'arriver à ce résultat et d'entrer un peu dans le dispositif législatif.

Il existe deux procédures que la commission des finances a plus particulièrement étudiées. La première a trait au contrôle de la nationalité des actionnaires ?

La procédure qui a été mise en place est assez complexe - nous aurons l'occasion de l'examiner lors de la discussion des articles. C'est la cession forcée d'actions. Cela signifie qu'à la suite du déclenchement d'un certain nombre de seuils, s'il s'avérait par hasard que des étrangers en nombre entraient dans le capital de la société, ils seraient obligés de revendre leurs actions.

Cette procédure est très compliquée, mais, ce qui est important, c'est qu'elle est faite pour ne jamais jouer.

Ce qui est important, c'est que le dispositif législatif qui nous est proposé soit dissuasif.

Qu'arriverait-il très concrètement si un étranger, une société étrangère ou un fonds de pension de je ne sais quel pays voulait acheter des actions d'Air France ? La compagnie Air France, perdant sa nationalité, n'étant plus contrôlée à plus de 50 % par des intérêts communautaires, perdrait toute valeur, parce que les droits de trafic qui permettent à Air France d'aller, par exemple, du Caire à Paris et de Paris au Caire sont liés à sa nationalité. Le jour où la compagnie ne serait plus contrôlée par des intérêts nationaux, ce droit de trafic s'effondrerait, les créneaux horaires disparaîtraient.

Par conséquent, il est important que le projet de loi mette en place des dispositifs d'annonces : si des capitaux étrangers voulaient contrôler une partie d'Air France, leurs détendeurs seraient immédiatement avertis que le jeu n'en vaut pas la chandelle puisque, automatiquement, la compagnie perdrait sa valeur. Tel est le premier dispositif, qui permet de contrôler la nationalité.

Le second dispositif sur lequel je voulais intervenir réside dans le renouvellement de l'offre d'échange entre des réductions de salaire pour le personnel et les actions gratuites qui seraient données à ce personnel en échange de ces réductions de salaire.

Mes chers collègues, nous n'innovons pas ! (Mme Marie-Claude Beaudeau s'exclame.) C'est exactement le dispositif qui avait été adopté par M. Gayssot au nom du précédent gouvernement...

Mme Marie-Claude Beaudeau. C'est pour cela que nous avions voté contre !

M. Yves Fréville, rapporteur pour avis. ... en l'élargissant. C'est ce dispositif qui est intégralement repris dans le présent projet de loi. (Mme Odette Terrade proteste également.)

Bien plus, si la partie du capital qui est réservée à cette action d'échange - baisse des rémunérations contre attribution d'actions - s'élève à 6 %, c'est parce qu'au moment de l'élaboration du projet de 1998-1999, la possibilité d'aller jusqu'au seuil de 12 % avait été évoquée. L'ouverture d'une tranche de 6 % avait été réalisée par le précédent gouvernement. Le Gouvernement nous propose aujourd'hui, très logiquement, dans le cadre des accords qui avaient été passés avec les pilotes à l'époque, d'aller jusqu'au seuil de 12 %.

Mme Marie-Claude Beaudeau. Je crois qu'il n'y avait que les pilotes !

M. Yves Fréville, rapporteur pour avis. Telle est la logique dans laquelle s'inscrit le présent projet de loi.

Il prévoit simplement deux mesures supplémentaires : la première consiste à étendre ce droit, qui était réservé aux pilotes, à l'ensemble du personnel salarié d'Air France, et je crois que personne ne peut le regretter.

La deuxième mesure prévoit que l'Etat, qui n'est plus totalement possesseur des actions d'Air France, procédera à l'indemnisation des actions gratuites à due proportion de sa part dans le capital actuel d'Air France.

Mes chers collègues, c'est là un dispositif législatif qui nous paraît équilibré et semble assurer dans de bonnes conditions la mise en route du processus de privatisation. C'est pourquoi la commission des finances, à la majorité, lui a donné un avis favorable.

Air France a su s'adapter à la nouvelle donne du marché du transport aérien grâce à un effort considérable du contribuable.

Il faut maintenant lui permettre de conforter sa position en trouvant, sur les marchés, les capitaux dont elle a besoin pour devenir un leader européen, avec l'aide de ses salariés.

Tel est l'objectif de cette loi de privatisation et c'est la raison pour laquelle votre commission des finances l'a approuvée. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)

M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

Groupe socialiste, 43 minutes ;

Groupe de l'Union centriste, 18 minutes ;

Groupe communiste républicain et citoyen, 16 minutes ;

Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 13 minutes.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Daniel Soulage.

M. Daniel Soulage. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dois-je rappeler le contexte économique et social, hélas ! tendu dans lequel nous débutons aujourd'hui l'examen du projet de loi relatif aux entreprises de transport aérien, notamment à la société Air France. Coïncidence de calendrier, c'est aussi aujourd'hui qu'est observé un arrêt de travail de cinquante-cinq minutes sur l'ensemble des sites du groupe aérien à l'appel des centrales syndicales représentatives. Monsieur le ministre, nous les entendons presque manifester d'ici.

L'objet de ce projet de loi est d'organiser la privatisation partielle d'Air France, qui était attendue. Elle couronne l'effort public de recapitalisation de cette compagnie après la grave crise qu'elle a connue au début des années quatre-vingt-dix, effort supporté par les personnels du groupe et le contribuable. La recapitalisation était un préalable incontournable à la privatisation aujourd'hui en discussion.

Cette privatisation apparaît à bien des égards une nécessité - voire une urgence - autant qu'une question de justice sociale. Cependant, elle cristallise à juste titre un grand nombre d'inquiétudes légitimes auxquelles il nous appartient de répondre.

La privatisation d'Air France s'inscrit dans une logique plus globale rendue nécessaire par les insuffisances du secteur public. Depuis vingt ans, il apparaît que les entreprises publiques intervenant dans des secteurs non régaliens n'ont pas tenu toutes leurs promesses. En dix ans, leur dette a pratiquement doublé. Bien que celle-ci ait récemment été réduite, elle a pu représenter près du quart de la dette de l'Etat.

La carence de productivité d'un bon nombre de ces entreprises détenues par les collectivités publiques a pesé sur la croissance de l'ensemble de l'économie.

C'est ce qui explique que, depuis la loi du 6 août 1986, tous les gouvernements poursuivent l'effort de dégonflement du secteur public. Non seulement, les privatisations améliorent les performances des entreprises concernées, mais elles sont de surcroît l'occasion de développer le placement de l'épargne en fonds propres pour les entreprises et procurent de nouvelles ressources financières au budget de l'Etat.

Air France n'a pas et ne peut toujours pas échapper à cette logique.

Comme vous l'avez souligné, monsieur le ministre, l'histoire récente d'Air France est celle d'une réussite. En l'espace d'une décennie, la compagnie a su surmonter une grave crise, se restructurer, moderniser sa flotte, résister à la chute du trafic consécutive aux attentats du 11 septembre 2001 et initier un réseau d'alliance aujourd'hui formalisé par Skyteam.

Ces succès ne sont pas étrangers à l'ouverture de plus de 45 % du capital d'Air France en février 1999, dans le cadre de la déréglementation communautaire des transports civils aériens.

Aujourd'hui, Air France va bien, alors, pourront rétorquer certains esprits chagrins autant que mal informés, pourquoi aller plus loin ?

La situation actuelle d'Air France n'est pas statique. Un processus a été lancé. Air France n'a pas achevé sa mutation. Elle ne pourra continuer sur sa lancée que grâce au réseau d'alliances sur lequel elle commence déjà à s'appuyer. Or créer et consolider un tel réseau n'est réalisable que si des échanges de capital sont possibles. Ce système, aujourd'hui utilisé par tous les grands groupes mondiaux, permet de consolider ses positions sans dépenser un centime. Alors que la compétition intracommunautaire et internationale s'est considérablement accrue, Air France doit avoir accès à de nouvelles ressources sur les marchés financiers pour accompagner son développement et poursuivre la modernisation de sa flotte. Pour employer une métaphore aéronautique, les marchés lui fourniront le kérosène nécessaire à la poursuite de son décollage. (Sourires.)

Il est en outre indispensable de passer rapidement sous la barre des 50 % de capital public afin de donner aux investisseurs le pouvoir d'orienter réellement le devenir de la compagnie et de prendre les décisions stratégiques qui s'imposent.

C'est une règle générale : la structure du capital doit évoluer en phase avec les transformations profondes des entreprises et des marchés sur lesquels elles évoluent.

Monsieur le ministre, c'est pour toutes ces raisons que votre décision de procéder à la privatisation d'Air France semble inspirée par la plus élémentaire des sagesses, d'autant que la démarche gouvernementale est prudente. En effet, comme vous l'avez rappelé, il s'agit d'abandonner au marché non pas la totalité du capital détenu par l'Etat, mais seulement une partie. Il est important de procéder par étapes afin de laisser à l'entreprise le temps de s'adapter à son nouveau statut et d'observer les évolutions du marché dans un cadre européen dérégulé.

La privatisation d'Air France est une nécessité, certes, peut-être même une urgence. C'est aussi, comme je vous le disais, une question de justice sociale. Aujourd'hui, que la situation financière de la compagnie est assainie et que celle-ci a renoué avec les profits, il apparaît normal que personnels et contribuables touchent les dividendes de leur investissement, touchent les dividendes des 20 milliards de francs versés par les pouvoirs publics voilà onze ans.

Toutefois, il nous appartient de répondre aux inquiétudes que soulève un tel transfert de capital dans un contexte marqué par de nombreuses incertitudes macroéconomiques, par le dépôt de bilan d'Air Liberté et par la crise affectant le trafic aérien.

Le présent projet de loi a pour objet d'organiser, c'est évident, mais aussi et peut-être finalement surtout, monsieur le ministre, de rassurer toutes les parties prenantes à la vie et au devenir de la troisième compagnie aérienne du monde. Et ces parties prenantes sont nombreuses.

Il est tout d'abord parfaitement légitime que les salariés d'Air France s'interrogent sur l'avenir de leur emploi et sur l'opportunité d'une privatisation après l'annonce du dépôt de bilan d'Air Liberté.

Il est également tout à fait naturel que ces mêmes salariés s'inquiètent du changement de statut dont ils vont faire l'objet au cours des prochaines années. Avec eux, nous ne pouvons que nous interroger : le délai « d'une durée maximale de deux ans » pour conduire les négociations collectives menant à une convention destinée à remplacer le statut réglementaire sera-t-il suffisant ? L'accès des salariés au capital de la compagnie est-il suffisamment large ? Est-il effectué à des conditions suffisamment préférentielles ? La compagnie sera-t-elle dirigée par un conseil d'administration ou ce dernier sera-t-il remplacé par un conseil de surveillance ?

Il est ensuite légitime que les investisseurs soient inquiets : l'obligation faite à la compagnie de dédommager l'Etat pour le manque à gagner lié au développement de l'actionnariat salarié ne pèsera-t-elle pas sur des cours déjà très bas ? Les résultats de l'entreprise n'en seront-ils pas d'autant plus affectés que les entreprises concurrentes privées ne supporteront pas les mêmes contraintes ?

Il est enfin très légitime, monsieur le ministre, que le citoyen et le consommateur de services publics soient en droit de se poser des questions. Compte tenu de la montée en puissance des compagnies low cost sur les lignes métropolitaines, Air France sera-t-elle en mesure de conserver et de garantir une couverture homogène de l'ensemble du territoire ? A quelles obligations de service public la compagnie sera-t-elle soumise après la privatisation ?

Monsieur le ministre, vous avez les moyens de nous apporter des réponses à toutes ces questions, plus légitimes les unes que les autres. L'opinion publique doit, par exemple, comprendre que l'essor d'Air France peut fournir de formidables occasions de reclassement aux salariés d'Air Liberté.

Plus que jamais, il ne suffira pas au législateur d'être dans le droit chemin : il doit aussi être pédagogue. Le présent projet de loi vous permettra d'abandonner aux marchés 30 % du capital d'Air France, mais encore vous faudra-t-il choisir le bon moment et la bonne manière pour le faire.

Il me reste à vous remercier, monsieur le ministre, et à féliciter la commission des affaires économiques, son rapporteur, M. Jean-François Le Grand ainsi que notre collègue et ami M. Yves Fréville, rapporteur pour avis, pour leur excellent travail. Vous l'aurez compris, le groupe de l'Union centriste votera le projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Yvon Collin.

M. Yvon Collin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi relatif aux entreprises de transport aérien et à la société Air France comporte plusieurs volets. Certains d'entre eux sont spécifiques à Air France, d'autres seraient appliqués à toute société de transport aérien qui viendrait à être cotée.

Ce projet de loi s'inscrit dans un contexte très particulier : depuis les attentats du 11 septembre 2001, le secteur du transport aérien connaît la plus importante crise de son histoire, qui se caractérise par l'application du chapitre 11 de la loi américaine sur les faillites à de nombreuses compagnies aériennes outre-Atlantique. En France, l'échec aujourd'hui quasi-certain - même s'il reste théoriquement deux jours pour croire à l'arrivée d'un repreneur - du sauvetage d'Air Lib symbolise ces difficultés et les conséquences sociales dramatiques qui en résultent.

Dans cette conjoncture très dégradée, la société Air France a su tirer son épingle du jeu et elle est aujourd'hui l'une des compagnies enregistrant les meilleurs résultats d'Europe, voire du monde. Certes, des mauvais esprits pourraient considérer qu'« au pays des aveugles les borgnes sont rois », mais la bonne résistance d'Air France est tout de même significative des remarquables progrès réalisés en quelques années.

N'oublions pas, mes chers collègues, que, voilà dix ans, la compagnie était au bord de la faillite et que sa survie n'avait été rendue possible que grâce à une recapitalisation de l'Etat d'un montant de 20 milliards de francs, soit 3 milliards d'euros.

Aujourd'hui, un tel sauvetage d'une entreprise privée par les contribuables ne serait plus possible, compte tenu de l'évolution des règles et de la jurisprudence européenne, dont l'impact sur le secteur du transport public aérien en Europe est de plus en plus important. Les règles du marché unique sont pleinement en vigueur depuis 1997 dans le secteur aérien, les créneaux horaires sont attribués aux compagnies aériennes selon des normes communes, et le projet de ciel unique européen vise à prolonger cette harmonisation, sous l'impulsion de la Commission européenne, qui souhaite encourager la libéralisation du transport aérien en Europe et, à terme, parvenir à une consolidation du secteur.

Les arrêts de la Cour de justice des Communautés européennes du 5 novembre 2002 témoignent de cette évolution, en prévoyant que les droits de trafic relèveront désormais non plus de la seule compétence des Etats, mais d'une compétence partagée entre les Etats membres et les institutions communautaires. Nous sommes de ce point de vue au milieu du gué, puisque les accords bilatéraux définissant les droits de trafic sont encore en vigueur, mais qu'ils devraient être progressivement remplacés par des accords conclus entre l'Union européenne et des pays tiers.

Cette situation explique d'ailleurs que la rédaction de l'article 1er du projet de loi, aux termes duquel sont prévus les mécanismes permettant de protéger la nationalité des compagnies françaises cotées de transport aérien, vise à ce qu'il soit tenu compte de la condition de nationalité actuellement nécessaire pour bénéficier des droits de trafic, et de la condition de contrôle effectif par des intérêts communautaires, qui pourrait remplacer la première au cours des années à venir.

Dans un contexte de crise du secteur et d'évolutions profondes des règles qui y sont applicables, tous les experts considèrent que le paysage du transport aérien en Europe est amené à être profondément bouleversé au cours des prochaines années.

Aujourd'hui, les compagnies low cost connaissent une croissance très importante de leurs parts de marché, et de nombreuses compagnies nationales vivotent, sans, toutefois, réussir à assurer leur viabilité à long terme, tandis que plusieurs compagnies importantes comme Lufthansa, British Airways et Air France apparaissent comme les acteurs dominants du marché. Les experts prédisent qu'à terme seulement trois ou quatre compagnies aériennes internationales et généralistes pourraient subsister en Europe, aux côtés des compagnies low cost et des compagnies à vocation régionale.

Air France fait, à l'évidence, partie de ces compagnies majeures. Ses atouts sont nombreux : une flotte modernisée, une image de marque porteuse, la dynamique de l'alliance Skyteam et, enfin, le formidable atout que représente le hub de Roissy et ses capacités de développement incomparables en Europe.

Pour réussir à jouer le rôle qui lui revient, Air France doit pouvoir s'engager dans des alliances capitalistiques avec d'autres compagnies européennes. Or son statut public ne le lui permet pas : les compagnies aériennes sont, en quelque sorte, des porte-drapeaux, des ambassadeurs d'un pays, et les Etats ne veulent pas laisser une compagnie derrière laquelle ils voient un gouvernement prendre le contrôle de leur compagnie nationale. Ce fut la raison du refus opposé par KLM et par Alitalia à des projets d'alliance capitalistiques, cette dernière ayant tout de même procédé à un échange d'actions avec Air France, portant sur 2 % de leur capital respectif.

Je vous invite donc à être pragmatiques, mes chers collègues : face aux évolutions probables du transport aérien, le maintien de la majorité du capital d'Air France dans le secteur public conduirait vraisemblablement à isoler et à marginaliser la compagnie. Or les enjeux sont considérables non seulement pour la compagnie Air France, mais aussi pour la vitalité de l'emploi et pour l'attractivité de la France.

Ne vaut-il pas mieux permettre à la société de se lancer dans la bataille plutôt que de la contraindre à regarder ses principaux rivaux se partager le marché ? Pour ma part, mon choix est clair, et le maintien d'Air France dans le secteur public ne me semble guère justifié.

Pour autant, il ne s'agit pas, comme voudraient le croire certains de nos collègues, de livrer Air France au libéralisme le plus complet, et de réduire les droits et avantages dont bénéficient à juste titre ses salariés. Les salariés d'une compagnie aérienne sont l'une de ses forces majeures, et le statut public des personnels n'empêche pas aujourd'hui la compagnie de réaliser des bénéfices. A contrario, Bristish Airways, qui a ajusté systématiquement ses charges de personnel aux évolutions de son activité, a des résultats aujourd'hui largement inférieurs à ceux d'Air France, ce qui montre bien que la flexibilité la plus totale n'est pas la meilleure recette pour réussir.

L'article 3 du projet de loi prévoit que le statut public des salariés sera maintenu pour une période pouvant aller jusqu'à deux ans afin de permettre la négociation d'accords d'entreprise. Je souhaite que ces négociations donnent lieu à une transcription aussi fidèle que possible du statut actuel des salariés dans le droit privé.

L'offre préférentielle d'actions et l'échange salaire-actions proposé aux salariés par le biais de l'article 5 permettra d'impliquer davantage les salariés dans la vie de l'entreprise, puisqu'ils devraient disposer, à l'issue de la privatisation, de près de 20 % du capital de la société, soit un montant comparable à celui que devrait conserver l'Etat. Je me félicite d'ailleurs que l'offre d'échange salaire-actions soit désormais ouverte à l'ensemble des salariés et non aux seuls pilotes, comme cela a été le cas dans le passé, exacerbant quelque peu les clivages entre les différentes catégories de personnel.

D'autres mesures permettent de garantir le maintien des conditions actuelles d'exercice de son activité de transporteur aérien par Air France. Il s'agit d'abord du dispositif complexe visant à protéger la nationalité de la compagnie, prévu à l'article 1er. M. le rapporteur pour avis s'est largement exprimé sur ce point. Il s'agit également du maintien de la représentation des actionnaires salariés et des salariés au conseil d'administration d'Air France.

Dans l'ensemble, le projet de loi dont nous discutons me semble fournir les garanties nécessaires, tant à la compagnie Air France qu'à ses salariés. Le transport aérien est un secteur qui doit évidemment être régulé, notamment parce que des normes de sécurité et de sûreté drastiques doivent être imposées aux compagnies aériennes et aux gestionnaires d'aéroports, dans un contexte de risque terroriste majeur. Il faut évidemment aussi que le transport aérien assume ses missions de service public et contribue ainsi à l'aménagement de notre territoire. Mais croire que la seule solution pour ce faire est le maintien du contrôle de l'Etat sur la compagnie aérienne nationale ne me semble pas réaliste. D'autres moyens existent dès aujourd'hui, qui sont parfaitement indépendants du statut de la compagnie aérienne.

Compte tenu de l'évolution probable du transport aérien en Europe et des garanties offertes par le présent projet de loi, qui confie à Air France les rênes de son destin et les moyens dont elle aura besoin pour se développer et renforcer ainsi l'attractivité de la France, je me prononce en faveur de l'adoption de ce texte. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Pastor.

M. Jean-Marc Pastor. Monsieur le ministre, le projet de loi que vous défendez aujourd'hui et qui vise à privatiser Air France me fait penser à l'expression populaire brocardant la classe politique : « Dites-nous ce dont vous avez besoin, nous vous dirons comment vous en passer ». Dites-nous ce que vous attendez de l'Etat en matière de politique aérienne et le Gouvernement vous dira comment privatiser Air France.

Pourtant, force est de constater qu'aujourd'hui Air France se porte bien et que son statut d'entreprise publique - l'Etat conservant 54 % du capital social, mais les salariés en détenant 13 % - n'a pas nui à son développement ni à son rayonnement.

Le modèle Air France fonctionne bien depuis la mise en oeuvre du plan de reconstruction et depuis la recapitalisation dont cette entreprise a été l'objet. Ses résultats sont le fruit d'options commerciales judicieuses, auxquelles on doit associer l'ensemble du personnel, qui a consenti d'importants efforts, en termes de gel des salaires notamment, et a su préserver l'avenir de la compagnie en trouvant un modus videndi stable. Bien entendu, je ne veux pas oublier non plus son P-DG, dont la bonne gestion est reconnue aujourd'hui par tous.

Air France est une entreprise rentable, à telle enseigne qu'elle vient de réaliser le seul résultat bénéficiaire en Europe et le troisième mondial dans le difficile contexte du ralentissement économique et de l'après 11-septembre 2001.

Pour la sixième année consécutive, Air France va présenter des résultats positifs, et son bénéfice d'exploitation en progression, couplé à un ratio d'endettement acceptable de 68 % de ses fonds propres, conforte sa position sur les cinq continents, notamment en Europe où elle gagne des parts de marché.

Les événements dramatiques du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis ont été lourds de conséquences pour le transport aérien mondial en général. Ces conséquences se font encore sentir, bien sûr. Air France a su s'adapter très rapidement à la nouvelle donne, en raison de sa grande réactivité et d'une grande faculté de redéploiement du réseau par réduction de l'offre sur le Moyen-Orient et l'Amérique du Nord, et l'augmentation de l'offre sur l'Afrique, les Caraïbes et l'océan Indien. En évitant une guerre tarifaire et l'écroulement des prix, la compagnie a bien su gérer la crise. Sa stratégie d'anticipation, à savoir le renouvellement d'une partie de la flotte plus tôt que prévu, ainsi que les deux cents mesures financières d'adaptation, ont contribué à en faire la seule compagnie à annoncer des résultats bénéficiaires en 2001.

Dès lors, le projet de privatisation que vous ne présentez aujourd'hui, monsieur le ministre, est quelque peu en décalage avec les nécessités du moment.

A vrai dire, il est une marque de dogmatisme proche de l'acte de foi. « Il faut privatiser parce que c'est bon pour la France ! » : voilà le leitmotiv qui anime aujourd'hui le Gouvernement.

Cette stratégie libérale devrait démarrer à l'automne 2002 en ce qui concerne Air France, considérée comme l'entreprise publique sans doute la plus facile à privatiser. C'était aller un peu vite en besogne, comme la réalité l'a rappelé à M. Mer. Sauf à brader l'entreprise, le Gouvernement devra attendre.

Il ne faut pas oublier que les compagnies aériennes ne sont tout de même pas des entreprises comme les autres et que le protectionnisme s'applique toujours fortement à ce secteur, où, en définitive, les entreprises sont aussi des porte-drapeaux et véhiculent une part de souveraineté, ce que les marchés n'apprécient que modérément. C'est l'une des raisons pour lesquelles Air France « sous-performe » en Bourse les valeurs des autres compagnies depuis l'annonce de sa privatisation le 29 juillet dernier, le titre cotant aujourd'hui moins de 9 euros, quand il en valait 14 au printemps 1999.

Et puis, il y a l'Irak et l'inquiétude générale que les Etats-Unis font peser sur le monde.

Face à cette réalité, la soif du tout privé ou du tout marché qui anime ce gouvernement depuis son installation fait fi de l'intérêt de l'entreprise, de celui de son personnel et de celui de la nation.

Elle fait fi de l'intérêt stratégique d'Air France, intérêt stratégique pourtant invoqué par le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale pour justifier que l'Etat ne se retire pas du secteur concurrentiel.

Elle fait fi de l'effort important que la collectivité nationale et les salariés de l'entreprise ont fourni pour la redresser.

Elle fait fi du service public assuré par Air France et que notre rapporteur avait relevé comme n'étant pas un élément déterminant lors de la discussion budgétaire de 1998.

Elle fait même fi de la situation internationale troublée et des perspectives de conflit que nous avons tous à l'esprit et dont on peut aisément comprendre l'impact qu'elles sont susceptibles de produire sur le trafic aérien dans les années à venir.

Bref, elle fait fi du pragmatisme dont ce gouvernement se veut le chantre.

D'ailleurs, on ne peut pas dire que le plus grand pragmatisme ait inspiré la majorité sénatoriale en 1998, qui a refusé de voter pour l'ouverture du capital d'Air France au prétexte que l'on n'allait pas assez loin.

Deux arguments sont aujourd'hui avancés pour privatiser Air France : d'une part, accélérer la modernisation de sa flotte et, d'autre part, consolider ses alliances et nouer des partenariats. Ces arguments ne tiennent pas.

La flotte d'Air France est jeune, donc très bien portante et renouvelée régulièrement : 8,3 ans de moyenne d'âge, contre plus de 10 ans au niveau mondial.

On nous dit par ailleurs que KLM chercherait à s'adosser à une grande compagnie et que la nature publique d'Air France serait un élément déterminant du choix. Outre que la privatisation n'apporte finalement aucune garantie sur l'alliance qui serait passée avec cette compagnie néerlandaise, Air France ne s'était pas moins rapprochée de la compagnie américaine Delta Airlines, qui n'avait pas attendu que l'Etat français se dessaisisse de sa participation majoritaire pour nouer les fils d'un partenariat fructueux via Skyteam.

M. Claude Estier. Absolument !

M. Jean-Marc Pastor. Plus que les alliances financières, ce sont de telles alliances commerciales qui fondent la réussite du transport aérien. Car c'est un secteur qui se prête mal à l'entrée dans le capital d'une compagnie d'un de ses partenaires étrangers, ce qu'au demeurant la presse financière confirme en indiquant que l'heure est plutôt au décroisement des participations croisées.

KLM a été la première compagnie européenne à nouer une alliance capitalistique avec une compagnie américaine, Northwest, à la fin des années quatre-vingt, à hauteur de 17 %. Mais elle s'en est ensuite dégagée, compte tenu de la législation américaine sur la nationalité des capitaux, pour signer un simple accord commercial. KLM est une compagnie de taille moyenne, certes intéressante pour Air France, car elle lui permettrait de renforcer ses positions en Asie et de bénéficier du hub d'Amsterdam, mais il est douteux qu'elle ait les moyens de dicter de telles conditions : toutes les tentatives qu'elle a faites auprès des autres compagnies européennes, notamment British Airways, ont échoué, ne l'oubliez pas, monsieur le ministre, mes chers collègues !

Chacun le sait bien dans cet hémicycle, ce qui fait surtout la force d'Air France, c'est qu'elle valorise et utilise très bien ses atouts principaux que sont Skyteam et le hub de Roissy.

L'alliance commerciale Skyteam, avec cinq autres grandes compagnies aériennes internationales, a été la première à bénéficier de l'immunité antitrust sur l'Atlantique Nord et le Pacifique Nord, ce qui lui a permis d'optimiser ses réseaux et de produire des services et des tarifs compétitifs et harmonisés sur deux axes majeurs du transport aérien.

Le hub que la compagnie a développé à Roissy est une véritable plate-forme de correspondance mondiale, qui lui a permis de mieux amortir la crise et, notamment, de faire face aux compagnies à bas coût. Ce hub est l'un des rares à ne pas être encore saturé, mais pour combien de temps ?

A cet égard, la politique aéroportuaire n'est pas clairement définie et les choix du Gouvernement en la matière n'apportent aucune solution. Votre décision de ne pas tenir compte du travail accompli dans le cadre de la démarche d'utilité concertée pour un site aéroportuaire international n'est pas facilement compréhensible au regard du développement d'une véritable politique aéroportuaire globale. Vos choix ne sont pas plus lisibles en ce qui concerne la place des grands aéroports régionaux.

Tenter de défaire tout ce que le gouvernement précédent a pu accomplir ne peut sérieusement vous tenir lieu de programme de travail, monsieur le ministre.

En tout cas, pour Air France, il est essentiel d'avoir une vision claire des perspectives de Roissy dans le cadre d'une politique du transport aérien. C'est autrement plus déterminant pour sa pérennité que la démarche aléatoire de privatisation que vous nous soumettez aujourd'hui.

Faut-il laisser les compagnies à bas coût prendre pied sur le territoire, dont l'aménagement, c'est le moins que l'on puisse dire, n'est pas leur préoccupation ? Une fois la compagnie Air France privatisée, que deviendra le pôle régional ? Quelles seront ses missions ? Quel sera l'avenir des plate-formes régionales ? Et comment seront prises en compte les dessertes TGV sur les lignes intérieures et européennes ?

Par ailleurs, actuellement, on ne connaît ni le calendrier précis ni les modalités de l'opération de privatisation, et vos propos introductifs, monsieur le ministre, ne sont pas spécialement rassurants. On sait simplement que le Gouvernement veut attendre des jours meilleurs, ce qui ne semble pas se profiler à l'horizon.

L'article 1er du projet de loi prévoit d'insérer, dans le code de l'aviation civile, un nouveau chapitre censé permettre à l'ensemble des compagnies aériennes françaises cotées en bourses, donc en définitive à Air France privatisée, même si le texte fait l'économie de le préciser, de contrôler leur actionnariat pour que leur licence d'exploitation et leurs droits de trafic ne leur échappent pas.

Le système est conçu pour respecter le seul droit communautaire qui conditionne le maintien d'une licence d'exploitation à une détention majoritaire du capital et à un contrôle effectif par des intérêts communautaires.

Mais cet article ne donne aucun moyen à la puissance publique de contrôler la nature du capital de l'entreprise : pas de golden share, pas de possibilité d'intervention en cas de menace sur les intérêts stratégiques du pays ou de risque de remise en cause des missions d'intérêt général, pas d'agrément de la puissance publique pour autoriser des prises de participation importantes. Les dispositions protectrices prévues par les lois de privatisation de 1986 et 1993 ne sont même pas utilisées. Pourtant, KLM dispose déjà de ce type de protection et, nous, nous ne l'aurions pas !

Ensuite, le projet de loi prévoit de conforter la place des salariés dans le capital social d'Air France. Mais ces derniers, qui vont perdre leur statut d'ici à deux ans, ne semblent pas souhaiter souscrire une nouvelle offre dans le cadre d'un échange salaires contre actions et demandent, en tout état de cause, que le capital soit composé de pôles stables, ce que ne garantit absolument pas le texte qui nous est présenté.

L'aticle 6 tend à abroger les articles du code de l'aviation civile qui définissent l'objet social de la société, les conditions du contrôle général et du contrôle économique et financier par la puissance publique, ainsi que la contractualisation des missions d'intérêt général. Aucune obligation en matière d'aménagement du territoire ne pourra désormais être imposée à Air France, ce qui rejoint, finalement, le raisonnement de votre majorité au Sénat, monsieur le ministre, pour laquelle Air France est une entreprise comme les autres, dans le capital de laquelle l'Etat n'a pas à maintenir une participation majoritaire.

S'il est vrai que l'activité d'Air France s'opère largement dans un secteur concurrentiel, ce raisonnement passe sous silence une mission importante d'Air France en matière d'aménagement du territoire, à savoir la desserte des départements et territoires d'outre mer et de la Corse au titre de la continuité territoriale. Si Air France est privatisée et si Air Lib est en faillite, quelle compagnie desservira de manière pérenne ces zones à caractère déficitaire ? S'agira-t-il d'Air DOM, dont le président de la République semblait souhaiter la création dans le cas où Air Lib ne survivrait pas ? Quelle cacophonie avec les propos qu'a tenus dernièrement Léon Bertrand, secrétaire d'Etat au tourisme !

Une entreprise publique telle qu'Air France qui, dans les années quatre-vingt, assurait exclusivement la desserte des départements d'outre-mer, est sans doute mieux armée pour garantir la continuité territoriale dans le respect du cahier des charges.

Du reste, la gestion en zigzag du dossier Air Lib de la part du Gouvernement permet, malheureusement, de mesurer pleinement les mésaventures de la logique concurrentielle du transport aérien. L'action du Gouvernement se limite, pour l'heure, à des actes de communication, de compassion à l'égard du personnel d'Air Lib, qui masquent mal son manque de perspectives dans le domaine du transport aérien. Les trois mille cinq cents salariés d'Air Lib, qui ont travaillé d'arrache-pied pour sauver leur compagnie de la faillite, attendaient mieux. En tout cas, on ne peut que relever la contradiction qui consiste à vouloir privatiser Air France tout en lui suggérant une prise en charge sociale du personnel d'Air Lib.

Monsieur le ministre, pouvez-vous également nous expliquer - j'aborde là un autre domaine - les dérapages qui ont eu lieu avant-hier, à Orly : les forces de l'ordre ont utilisé toute la panoplie guerrière face à des salariés qui défendaient tout simplement leur outil de travail, au milieu de passagers, hommes, femmes et enfants ?

Pour notre part, nous ne pouvons nous associer à une pétition de principe qui postule que seule la gestion privée est performante, alors que cette position est infirmée par les bonnes performances d'Air France et alors que l'Etat a su, jusqu'à présent, assumer ses responsabilités en tant qu'actionnaire principal par la recapitalisation, à hauteur de 3 milliards d'euros, mais aussi en tant que responsable de la politique des transports par la création de deux nouvelles pistes sur l'aéroport de Roissy.

Nous ne pouvons vous suivre, monsieur le ministre, car que serait devenue Air France en 1993, alors que l'entreprise connaissait de graves difficultés, si son actionnaire n'avait pas été l'Etat ? Quel investisseur aurait mobilisé plus de 3 miliards d'euros pour la redresser ? Et je ne parle pas des risques d'externalisation des fonctions informatiques, fret, maintenance ou encore de la baisse du niveau de sécurité que redoutent, à juste titre, les syndicats et que la seule recherche du profit est tout à fait susceptible de produire demain.

Nous ne vous aiderons pas à mettre ne oeuvre, dix ans après son adoption par la droite parlementaire, la loi de privatisation du 19 juillet 1993 du gouvernement Balladur, qui avait inscrit Air France dans la liste des entreprises privatisables.

Nous ne vous aiderons pas non plus à trouver des ressources pour renflouer les caisses de l'Etat, mises à mal par les promesses de campagne du Président de la République et les choix budgétaires et économiques du Gouvernement.

En ce qui nous concerne, nous refusons la logique qui consisterait à privatiser les bénéfices et à socialiser les pertes.

Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, le groupe socialiste s'opposera à ce texte de privatisation. L'ensemble des amendements que nous avons déposés sont, vous le comprenez bien, des amendements de suppression, car ce texte nous paraît aujourd'hui inopportun. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

(M. Serge Vinçon remplace M. Bernard Angels au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. SERGE VINÇON

vice-président

M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade.

Mme Odette Terrade. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi relatif aux entreprises de transport aérien et notamment à la société Air France, examiné aujourd'hui en première lecture par notre Haute Assemblée, est représentatif de la politique libérale sans limite du gouvernement de M. Raffarin.

Ce texte, qui engage la privatisation pure et simple de la société nationale de transport aérien Air France, se traduit, dans les faits, par l'abandon aux intérêts privés de l'un des fleurons de nos services publics français.

Au regard des expériences passées et actuelles d'autres compagnies aériennes, il préfigure un avenir plus qu'incertain pour des milliers de salariés, d'usagers et de riverains des aéroports français.

Aucune justification n'est avancée s'agissant des dispositions de ce projet de loi, aucun bilan n'est tiré ni de la politique de déréglementation, ni des premières phases de la privatisation mise en place depuis maintenant une vingtaine d'années, ni de l'ouverture du capital d'Air France en 1998 par le précédent gouvernement.

L'argument principal que vous avancez pour justifier le dépôt de ce projet de loi est de vouloir, pour la compagnie nationale, consolider des alliances et nouer des partenariats, qui ne pourraient se faire qu'avec l'ouverture à 80 % du capital d'Air France.

Pourtant, les effets de cette privatisation impulsée par Bruxelles sont évidents : c'est le développement de la sous-traitance, y compris en matière de maintenance, avec tous les risques que cela comporte du point de vue de la sécurité ; c'est l'abandon de lignes internationales et des cargos, comme à Orly, ce qui contribue au dépérissement du fret aérien, avec toutes les conséquences qui en découlent en termes d'emplois pour la plate-forme aéroportuaire et, plus largement, pour toute la région d'Ile-de-France.

De plus, ce projet de loi ouvre la voie aux multiples privatisations annoncées de nos services publics. Certaines dispositions de ce texte - je pense notamment à celles de l'article 1er et de l'article 5, mais nous aurons l'occasion d'y revenir lors de la discussion des articles - sont très inquiétantes.

En ce qui concerne le développement de l'actionnariat salarié, le Gouvernement, qui prône pourtant le dialogue social, n'a pas tenu compte du mécontentement des salariés. Doit-on rappeler que, lors de la précédente ouverture du capital, les salariés, en contrepartie de réductions de salaires, ont acquis des actions d'une valeur de 12 et 14 euros, qui auraient dû, leur avait-on dit, grimper jusqu'à 30 euros ? Or, aujourd'hui, le cours de l'action se situe à 8 euros ! Comment ne pas partager le sentiment de ces salariés qui se sentent piégés et lésés ?

Face à l'instabilité inhérente aux marchés financiers, doit-on poursuivre cette expérience, sur fond de blocage des salaires ?

Par ailleurs, s'agissant de l'emploi - et c'est l'un des points les plus importants -, au moment où les plans sociaux se multiplient en France, au moment où le secteur aérien, français et international, traverse une crise qui a mis en grande difficulté de nombreuses compagnies aériennes, vouloir privatiser, c'est aller contre l'emploi.

Ainsi, aux Etats-Unis comme en Europe, les compagnies privées ont réduit de manière drastique leurs effectifs : depuis la fin de l'année 2001, American Airlines a supprimé 27 000 emplois ; US Airways, 12 000 ; British Airways, 7 500 ; Delta Airlines, 13 000 ; Air Canada, 9 000. La faillite de Swissair se sera traduite, quant à elle, par la suppression de 9 000 emplois, et celle de United Airlines concernerait 84 000 salariés.

Jusqu'à présent, Air France a mieux résisté aux conséquences du ralentissement du trafic aérien. On voit donc bien la différence entre une gestion purement privée et une gestion publique, où la visée à long terme prime sur les circonstances conjoncturelles et où l'intérêt général du secteur et l'intérêt des salariés sont pris en compte !

D'expérience, on constate, en effet, qu'une gestion strictement privée fait toujours de l'emploi la première variable d'ajustement.

Ensuite, il faut rappeler que les menaces de guerre en Irak et la crise en Côte d'Ivoire affectent et fragilisent l'ensemble du secteur aérien et rendent son avenir très dépendant de l'actualité géopolitique, comme l'indique, dans son rapport, M. Fréville.

Aujourd'hui, Air France se place au troisième rang mondial pour le transport international de passagers et au quatrième rang pour le transport de fret en Europe. Elle est le numéro un des grands transporteurs aériens et, qui plus est, elle assure son autofinancement à hauteur de 80 %. Air France assure aujourd'hui 1 700 vols quotidiens vers plus de deux cents destinations, réparties dans quatre-vingt-onze pays ! Notre compagnie publique enregistre un bénéfice d'exploitation de 235 millions d'euros sur la période 2001-2002. Son chiffre d'affaires a progressé de 2 % pour l'exercice précédent.

Vous le voyez, Air France a réussi là où de nombreuses compagnies aériennes sont en faillite. Pourquoi ?

Premièrement, parce que Air France, entreprise publique, investit tous les jours dans la qualité du travail effectué et du service rendu aux usagers.

Or, c'est là que le bât blesse. Soyons clairs. Vos propositions, monsieur le ministre, remettent en cause le statut des salariés d'Air France. Mais c'est justement ce statut qui assure le droit des salariés, en formations, en conditions de travail et en grilles de salaires, et qui représente un investissement qu'aucune entreprise privée ne veut engager. C'est aussi la condition sine qua non de la sécurité et de la qualité de nos services de transport aérien !

Or les articles 3 et 5 de votre projet de loi orchestrent purement et simplement l'abandon d'un statut progressiste acquis et préservé par les salariés depuis de nombreuses années.

Avec les salariés d'Air France, aujourd'hui présents en délégation devant le Sénat, nous ne voulons pas, monsieur le ministre, vivre les expériences anglaises de privatisation, ni connaître des drames semblables à ceux de la catastrophe de Paddington. Nous ne devons donc pas aller plus loin dans cette remise en cause, si nous voulons écarter le danger, pour le transport aérien, qui résulterait de la dégradation des conditions de sécurité.

Les salariés d'Air France ont montré, lors des multiples épreuves financières, leurs motivations et leurs engagements pour contribuer à sauver la compagnie. Les plans de restructuration passés ont déjà conduit à trop de remises en question de leurs statuts, de leurs salaires et de leurs conditions de travail !

Deuxièmement, si, à ce jour, Air France a réussi là où les autres compagnies ont été mises en difficulté, c'est parce que notre compagnie a pu renouveler sa flotte grâce à une recapitalisation publique de 20 milliards de francs.

M. Gilles de Robien, ministre. Grâce à qui ?

Mme Odette Terrade. Cela représente un investissement très lourd et continu, investissement que seul peut supporter une entreprise publique ! La compagnie s'est dotée d'une flotte rajeunie, l'âge moyen des avions français étant de 8,3 ans, pour une moyenne mondiale de 10,3 ans.

Le programme des A 380, tout comme la qualité du suivi technique et de maintenance de la flotte, place Air France dans le peloton de tête pour ce qui est du respect de l'environnement et de la sécurité.

Autrement dit, Air France est une entreprise publique en bonne santé financière, malgré une conjoncture économique plus que difficile. En voulant privatiser une entreprise publique performante, le Gouvernement est à contre-courant de beaucoup d'Etats qui regrettent aujourd'hui l'abandon de leurs compagnies nationales à la finance.

D'ailleurs, avec les conséquences du 11 septembre 2001 sur l'économie de l'activité aérienne mondiale, force est de constater que de nombreux Etats réinvestissent des fonds publics pour sauver leurs compagnies nationales.

Ainsi, en 2002, les Etats-Unis ont réinjecté 15 milliards de dollars dans des compagnies américaines. En Italie, le gouvernement de M. Berlusconi vient de renforcer Alitalia avec des fonds publics.

Alors, en quoi le statut actuel de la compagnie française empêcherait-il de renforcer les alliances ? Cela ne l'a pas empêché, en tout cas, de nouer des alliances avec les plus grandes compagnies aériennes - Aeromexico, Delta Airlines et Korean Air, ni de tisser un solide réseau d'accords commerciaux et stratégiques dans le cadre de l'alliance Skyteam.

La privatisation d'Air France s'inscrit dans un grand mouvement idéologique mondial et européen qui active le processus d'engagement dans l'économie libérale, au détriment d'une économie raisonnée et respecteuse des droits sociaux et humains.

Ainsi, le transport aérien dans son ensemble connaît des problèmes aigus liés à la saturation des aéroports et à la surcharge des systèmes de contrôle aérien.

Les compagnies aériennes se plaignent du morcellement de l'espace aérien européen, source d'inefficacité et responsable de retards considérables : l'infrastructure aéroportuaire se rapproche chaque année des limites de capacité.

« Le ciel unique », annoncé comme un plan de normes européennes ayant comme priorité la sécurité, ne répond pas à ces attentes. Il se contredit même, puisqu'il permet la déréglementation des sites aéroportuaires et de ses activités. Il invite au démantèlement et à la libéralisation des services dits « annexes » tels que la météorologie, les équipementiers du contrôle aérien, les bagagistes, alors même que les exigences en matière de sécurité et de sûreté rendent nécessaire le maintien de prestations de services de haut niveau en matière de contrôle aérien, de qualification du personnel et de qualité des infrastructures et des matériels !

Monsieur le ministre, le propre de l'activité du transport aérien et de l'aéroportuaire est qu'il assure la sécurité des citoyens. Cette activité relève, selon nous, du service public et nécessite des financements sûrs et pérennes, autrement dit, des financements publics.

A l'inverse, la déréglementation dégrade les conditions de sécurité et de sûreté. Elle contribue nécessairement à la détérioration des conditions de travail et, en conséquence, nuit à la qualité du service public.

Ainsi, les nombreux retards, l'encombrement de l'espace aérien, l'émergence de compagnies aériennes à bas coût dites low cost, sont très inquiétants en ce qui concerne tant la sécurité que la sûreté des salariés, des usagers et des riverains.

Nous savons que les compagnies low cost ont une démarche qui est tout le contraire d'un projet de démocratisation du transport aérien. Elles ne garantissent pas un accès aux transports aériens plus égalitaire pour les usagers. Leur seule originalité est d'économiser sur tous les services et d'augmenter fortement les taux d'utilisation des appareils.

Pour bénéficier des prix d'appel relayés par de gros efforts de publicité, les clients doivent avoir programmé leur voyage longtemps à l'avance. Mais, plus la date du vol approche, plus ces sociétés à bas coût augmentent leurs prix !

Par ailleurs, en matière de transports, la guerre des prix sur le long terme n'a jamais été une garantie de qualité et de sécurité ! Les compagnies low cost favorisent le développement d'une concurrence déloyale, pas seulement à « bas coût », mais aussi au moyen de « coups bas » qui tirent les prix vers le bas, ce qui fragilise d'autant la rentabilité du secteur.

En effet, pour tenir et résister, de telles compagnies bénéficient souvent d'aides non négligeables des collectivités locales ou encore d'une réduction de la redevance aéroportuaire. Or plusieurs aéroports ont connu des fermetures rapides de lignes dès leur ouverture, ce qui constitue, à n'en pas douter, un gâchis financier considérable, au détriment du contribuable !

Non seulement les conditions statutaires et les grilles de rémunérations des salariés sont bafouées, mais, en plus, ces compagnies introduisent sur notre territoire une concurrence effrénée en ce qui concerne les créneaux horaires et les aéroports de province. Par ailleurs, elles exposent les riverains à des nuisances sonores préjudiciables pour la santé.

Enfin, monsieur le ministre, comment ne pas évoquer la situation dramatique d'Air Lib, héritage de la gestion à la Ernest-Antoine Seillières d'AOM-Air Liberté ?

Aujourd'hui, le dossier d'Air Lib semble encore ouvert : de nouvelles propositions d'éventuels repreneurs doivent être examinées jusqu'au bout avec attention.

Toutes les offres susceptibles d'apporter des solutions de reprise viable à long terme doivent être étudiées de façon minutieuse pour ne laisser aucune prise aux appétits financiers de prédateurs qui lorgnent déjà avec intérêt sur les créneaux libérés et qui n'ont cure du savoir-faire et du devenir des personnels !

Air Lib, ce sont plus de 3 200 emplois sacrifiés, auxquels s'ajoutent des milliers d'emplois induits. Le Val-de-Marne, l'Essonne, les communes riveraines de l'aéroport d'Orly seront durement touchés par les conséquences sociales et économiques que la fin d'Air Lib entraînera sur cette plate-forme. Et n'oublions pas les départements d'outre-mer ayant des dessertes Air Lib !

En ce qui concerne le pôle d'Orly ainsi que l'ensemble du bassin d'activité et d'emploi du Sud parisien, c'est l'essor économique qui est compromis.

L'abandon d'Air Lib coûtera plus cher, humainement, d'abord, et économiquement, ensuite, que l'absorption par Air France ou un partenariat durable avec ses filiales. Ces solutions préserveraient non seulement les créneaux horaires de circulation d'Air Lib, mais aussi les emplois et les compétences de cette compagnie.

Quel gâchis, monsieur le ministre, que ce lâchage de cette société !

Mme Hélène Luc. Absolument !

Mme Odette Terrade. Vous savez ce que le bradage d'Air Lib signifie pour les riverains des aéroports, celui d'Orly, en l'occurrence : c'est la guerre et la concurrence entre les compagnies dites à « bas prix », prêtes à tous les coups bas pour l'obtention de créneaux horaires de circulation, au mépris de la gêne que cela occasionne pour les riverains.

Aujourd'hui, ce sont des hommes et des femmes et leurs familles qui sont pris en otages et sacrifiés au seul profit de la rentabilité financière. C'est intolérable ! Mais il y a plus : l'emploi étant ainsi menacé, cela signifie la remise en cause des ressources des collectivités territoriales riveraines, alors que, précisément, dans le cadre de la décentralisation mise en place par le Gouvernement, on exigera toujours plus de ces dernières.

Privatiser tout le secteur aérien comme vous le préconisez, avec ce projet de loi, pour Air France, c'est vraiment partir à l'aventure. Les salariés et leurs familles valent beaucoup plus que des cotations boursières, monsieur le ministre !

Et même si le Gouvernement se réserve la mise sur le marché au moment opportun, la privatisation voulue entraînera une profonde restructuration économique et sociale de l'entreprise qui aura pour finalité le gain maximum, le plus rapide possible, au profit des nouveaux propriétaires.

Mais qui seront ces nouveaux propriétaires, ces nouveaux actionnaires ? Votre projet de loi est plus qu'évasif sur ce point, monsieur le ministre, car il ne contient aucune garantie digne de ce nom en la matière, surtout que les créneaux horaires sont attribués en fonction de la nationalité des capitaux !

Pouvez-vous nous donner l'assurance que notre service public ne sera pas bradé ?

A l'inverse, nous avons besoin, monsieur le ministre, non pas d'un bradage, non, mais d'un véritable pôle public de transport aérien contribuant, en complémentarité avec les autres modes de transport, à l'aménagement de notre territoire, dans la perspective du développement durable.

Outre le fait que vous abandonnez le principe même de la péréquation tarifaire, condition sine qua non d'un développement équilibré de notre territoire qui ne vise pas seulement l'exploitation des lignes rentables, vous n'intégrez pas la nécessaire complémentarité des modes de transport et des infrastructures dans un souci d'économie d'énergie, de réduction des durées des trajets pour les usagers et de réduction de la pollution.

C'est bien notre service public que vous sacrifiez aujourd'hui avec un tel projet de loi !

Vous comprendrez, monsieur le ministre, que, pour toutes ces raisons, nous ne puissions accepter un tel texte qui nous engage sur la voie de la régression sociale, de la déstructuration de notre territoire et de la marchandisation totale du trafic aérien.

En conséquence, le groupe CRC a déposé une motion tendant à opposer la question préalable sur un texte dont il estime qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste. On applaudit également dans les tribunes du public.)

(M. Bernard Angels remplace M. Serge Vinçon au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. BERNARD ANGELS

vice-président

M. le président. La parole est à M. François Marc.

M. François Marc. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au début du mois de juillet dernier, à l'occasion de sa déclaration de politique générale, le Premier ministre indiquait : « D'une manière générale, l'Etat a vocation à se retirer du secteur concurrentiel, sauf lorsque les intérêts stratégiques sont en jeu. »

Or nul n'ignore que le transport aérien est aujourd'hui confronté à une crise majeure et à de profondes restructurations. De surcroît, les compagnies aériennes n'ont pas été épargnées par le marasme boursier des derniers mois, et leur avenir est largement conditionné par la situation géopolitique internationale.

On se rappelle que, en 1991, lors de la première guerre en Irak, le secteur avait été affecté pendant dix-huit mois et avait connu une situation dramatiquement difficile.

Comment comprendre, dès lors, ce choix de privatiser en urgence ? Est-il dicté par des objectifs de rationalité économique ou s'est-il imposé sur des considérations strictement idéologiques et à courte vue ? Je crains que cette dernière interprétation ne soit la bonne !

L'argumentaire développé par le Gouvernement pour justifier la privatisation d'Air France apparaît en effet bien mince et dissimule mal les motivations essentiellement idéologiques de cette privatisation précipitée.

L'objectif affiché du projet de loi est double : il prévoit les conditions de la privatisation de la compagnie Air France mais, au-delà, il organise la dérégulation de tout un secteur de notre économie. Or il me semble que le secteur du transport aérien recèle aujourd'hui des enjeux stratégiques majeurs, sur le plan tant national qu'international, qui ne permettent pas d'envisager le désengagement de la collectivité publique.

Par ailleurs, et malgré les arguments avancés par le Gouvernement, tout porte à croire que la privatisation du capital ne favorisera en rien le développement de la compagnie Air France.

En dépit d'une croissance importante, la rentabilité du transport aérien reste en effet fragile, car l'activité n'offre que de faibles marges allant, généralement, de 1 % à 3 %. De nombreux exemples étrangers démontrent que la privatisation du capital n'est pas un gage de croissance. En outre, la récente faillite d'Air Lib démontre, tout autant que les multiples déboires des compagnies américaines, la vulnérabilité des entreprises privées de ce secteur.

Dans ce contexte, la privatisation d'Air France présente des risques majeurs.

Incontestablement, sur ce dossier, le Gouvernement navigue à vue ! En effet, le dispositif financier, ainsi que les mesures conservatoires destinées à préserver la nationalité du capital, ne donne à l'Etat aucun levier décisif pour préserver nos intérêts stratégiques dans ce secteur ni assurer un maintien des missions de service public dans le transport aérien. C'est donc bien une dérégulation totale du secteur qui se profile à l'horizon, ce qui n'est pas acceptable.

Monsieur le ministre, tout le monde en convient aujourd'hui, dans un contexte sectoriel fortement perturbé, Air France se présente comme une société en très bonne santé.

Il est, à cet égard, important de souligner que, si Air France repose aujourd'hui sur des bases financières saines et réalise depuis plusieurs années maintenant des bénéfices, c'est en partie grâce aux efforts fournis tant par l'Etat que par les salariés.

M. Gilles de Robien, ministre. Je suis tout à fait d'accord !

M. François Marc. Aujourd'hui, la compagnie transporte plus de 43 millions de voyageurs et s'est imposée comme la première compagnie en Europe par ses bénéfices. Ainsi, en dépit des difficultés rencontrées dans le domaine du transport aérien à la suite des événements du 11 septembre 2001, et malgré la concurrence très rude que connaît le secteur, l'entreprise publique maintient ses bons résultats.

La preuve est faite, monsieur le ministre, que la détention majoritairement publique du capital n'est pas un handicap pour Air France. La politique menée en concertation entre l'Etat et les salariés s'est imposée comme une stratégie gagnante, en Europe et dans le monde.

On peut dès lors s'interroger sur la légitimité des arguments avancés par le Gouvernement en faveur de la privatisation d'Air France.

Le Gouvernement estime, tout d'abord, que la privatisation de la compagnie permettrait d'accélérer la modernisation de la flotte. Cet argument ne tient pas : la flotte d'Air France est jeune ; ses appareils ont 8,3 ans en moyenne, contre plus de 10 ans au niveau mondial. Par ailleurs, son endettement est parmi les plus faibles au monde, ce qui lui donne les capacités de financement nécessaires pour envisager des investissements.

En outre, deux arguments principaux ont été avancés par le Gouvernement. Ainsi, la privatisation permettrait à Air France de consolider ses alliances et de nouer des partenariats. Ces deux arguments ne résistent pas non plus à l'examen...

Air France n'a en effet pas eu besoin de recourir à la privatisation de son capital pour consolider ses alliances et nouer de nouveaux partenariats. Le statut public n'a vraisemblablement pas effrayé la compagnie privée américaine Delta Airlines avec laquelle elle a signé, en 2000, une alliance commerciale. Cette alliance - Skyteam -, est aujourd'hui la troisième alliance mondiale : outre Air France et Delta Airlines, elle regroupe aujourd'hui Aeromexico, CSA, Korean Airlines et, depuis peu, Alitalia. Skyteam est aujourd'hui en position de force et pourrait prochainement s'élargir grâce à un rapprochement avec les compagnies de l'alliance Wings, composée des compagnies américaines Continental Airlines et Northwest ainsi que de la compagnie hollandaise KLM.

Ces stratégies d'alliances démontrent que le transport aérien se structure non pas sur des échanges capitalistiques mais bien sur des partenariats commerciaux.

Dans la mesure où les enjeux des alliances se situent sur un terrain non pas financier mais strictement commercial, le statut public d'Air France ne peut donc être invoqué comme un frein au développement de nouveaux partenariats.

M. Guy Fischer et Mme Hélène Luc. C'est vrai !

M. François Marc. Derrière ces arguments, on peut dès lors discerner les vraies motivations du Gouvernement : des motivations non seulement idéologiques, mais également budgétaires.

Une motivation idéologique, tout d'abord, car, pour les ultralibéraux, seule la gestion privée est efficace et performante, et nous l'avons encore entendu tout à l'heure. Une motivation budgétaire ensuite, et cela ne surprendra personne ! Le Gouvernement doit, en effet, impérativement trouver de nouvelles mannes budgétaires, afin de donner suite aux promesses électorales du printemps dernier sans encourir de blâme européen...

M. Louis de Broissia. Pour payer ce qu'il restait à payer !

M. François Marc. En définitive, l'unique question fondamentale doit être posée très simplement : le jeu en vaut-il la chandelle ? (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

Je répondrai bien entendu par la négative : les 800 millions d'euros dont pourrait bénéficier l'Etat en cédant son capital semblent bien peu de chose face aux risques inhérents à la privatisation d'Air France. Et ces risques sont multiples : ils touchent tant à l'avenir de la compagnie qu'à celui du transport aérien français dans son ensemble.

Sur le plan social, tout d'abord, l'article 3 du projet de loi met en place une « période de transition » de deux ans durant laquelle seront menées les négociations destinées à faire entrer dans le droit commun les personnels d'Air France.

Dans ce contexte, il est fort probable que le processus de privatisation deviendra un facteur de déstabilisation sociale au sein de la compagnie, comme le craignent déjà les syndicats - le groupe socialiste les a auditionnés - et comme en attestent les mouvements de grève actuels. Aucune assurance n'est en effet apportée aux salariés sur leur statut à l'issue de cette période de transition.

Sur le plan financier ensuite, le montage proposé semble bien fragile.

Le projet de loi vise à faire rentrer Air France dans le droit commun des sociétés ; mais, en filigrane, il aboutira à une dérégulation quasi totale du secteur du transport aérien. Cette dernière sera d'ailleurs bien plus grande que chez nos partenaires européens ou internationaux, car le texte ne pose que de frêles garde-fous en matière d'actionnariat.

Mme Hélène Luc. Absolument !

M. François Marc. L'article 1er a ainsi pour objet d'insérer dans le code de l'aviation civile un nouveau chapitre dont l'application donnera aux compagnies aériennes françaises cotées en Bourse, en l'occurrence à la seule compagnie Air France privatisée, la possibilité de contrôler leur actionnariat afin de préserver leur licence d'exploitation et leurs droits de trafic.

La détention d'une licence d'exploitation de transporteur aérien communautaire est en effet subordonnée à la détention majoritaire du capital et au contrôle effectif du transporteur par des intérêts communautaires. Est donc prévu dans le projet de loi un dispositif de cession forcée de titres par les actionnaires non communautaires dès lors que la licence d'exploitation ou le droit de trafic de la compagnie seraient menacés ; mais aucune précision ne nous a été apportée aujourd'hui sur la façon dont il serait mis en oeuvre !

La nature de ce dispositif m'amène à formuler deux remarques.

Si des mesures de préservation du caractère communautaire de la compagnie sont contenues dans le projet de loi, aucune disposition conservatoire réellement fiable n'est envisagée en ce qui concerne la nationalité française du capital. On peut donc en déduire que la préservation d'un pavillon français dans le domaine aérien n'est pas prioritaire pour le Gouvernement. Or, 25 % de l'activité d'Air France concerne des vols intérieurs. Comment peut-on être assuré que cette activité serait effectivement prise en charge dans des conditions satisfaisantes par une compagnie à capitaux errants ?

Mme Odette Terrade. Absolument !

M. François Marc. Cette question paraît aujourd'hui d'autant plus cruciale que, malheureusement, le principal concurrent d'Air France sur le créneau national, Air Lib, va sans doute disparaître.

Par ailleurs, le dispositif proposé vise à ce que soit confiée à la seule entreprise la maîtrise du capital. La collectivité publique ne disposera donc plus d'aucun levier pour contrôler l'actionnariat : pas d'action spécifique ; pas d'agrément de la puissance publique en cas de prise de participation importante ; pas de possibilité d'intervention en cas de menace sur les intérêts stratégiques du pays ou de risque de remise en cause des missions d'intérêt général.

Il est à noter que les dispositions protectrices contenues dans les lois de privatisation de 1986 et de 1993 sont, elles aussi, laissées de côté.

En programmant le désengagement de l'Etat du secteur du transport aérien, le Gouvernement banalise cette activité sans tenir compte des missions spécifiques qu'elle assume en matière d'aménagement du territoire. En effet, l'article 6 du projet de loi tend à supprimer les dispositions du code de l'aviation civile organisant la contractualisation entre Air France et l'Etat en matière de desserte.

Si le transport aérien est, demain, régi par le seul critère du profit maximal, alors se posera avec acuité la question du coût des services offerts par les compagnies. Un certain nombre de lignes sont déjà en situation de monopole de fait ; comment, face à Air France privatisée, l'Etat pourrait-il intervenir pour éviter une escalade des tarifs, voire la suppression pure et simple de certaines dessertes ?

Le droit communautaire ne permet d'imposer des obligations de service public en matière de transport aérien que sous des conditions très restrictives. La suppression de toute tutelle étatique sur le transport aérien met donc potentiellement en péril de nombreuses dessertes régionales en France. Ce fait devrait imposer que soient repensées les politiques intermodales, mais ce n'est visiblement pas à l'ordre du jour.

Monsieur le ministre, vous l'aurez compris : nous voterons contre ce projet de loi de privatisation, qui ne repose sur aucune justification acceptable, je crois l'avoir démontré,...

M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Non !

M. François Marc. ... et qui n'a d'autre objet que la mise en oeuvre de principes dogmatiques ultra-libéraux bien connus.

On nous dit qu'il faut soumettre les entreprises au jeu de la concurrence. Mais, pour de nombreuses lignes intérieures, aujourd'hui, la concurrence n'existe plus. De quoi parle-t-on ?

On nous dit que la privatisation améliore les performances des entreprises. Or Air France, en dépit de sa capitalisation publique, est l'une des compagnies les plus efficaces au monde. L'argument ne tient donc pas non plus.

On nous dit que le jeu de la concurrence empêche la montée en puissance des monopoles. Or, de fait, le monopole d'Air France existe déjà sur de nombreuses dessertes régulières françaises. En choisissant de le faire passer au secteur privé, le Gouvernement accepte d'emblée le principe d'une tarification inflationniste et inégalitaire.

On nous dit qu'Air France doit avoir les mains libres pour mener sa politique en toute indépendance. Mais alors qu'il tient ce discours, le Gouvernement convoque les dirigeants d'Air France pour exiger d'eux le reclassement des salariés d'Air Lib, démontrant ainsi pleinement le bien-fondé de nos arguments : monsieur le ministre, le maintien du statut public d'Air France, au fond, a parfois du bon, et vous l'avez démontré dimanche dernier ! (M. le ministre fait un signe dubitatif.)

Tous ces arguments justifient le rejet de ce projet de loi par le groupe socialiste. Mais il n'est pas encore trop tard, monsieur le ministre : renoncez à ce texte ! (Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC ainsi que sur certaines travées du RDSE. - On applaudit également dans les tribunes du public.)

M. le président. Je demande aux personnes qui assistent aux débats dans les tribunes de ne point manifester leur approbation ou leur désapprobation, sinon je serai obligé de les faire sortir. Elles sont en effet tenues d'écouter en silence.

M. Hilaire Flandre. Absolument !

Mme Hélène Luc. Elles ne le savent pas !

M. le président. Elles le savent, madame Luc, puisqu'un huissier est allé les prévenir.

Mme Hélène Luc. Il faut le leur dire !

M. Jean-François Le Grand, rapporteur. C'est fait !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Gilles de Robien, ministre. J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt les arguments des uns et des autres.

Après avoir lu vos excellents rapports, messieurs Le Grand et Fréville, et vous avoir entendus l'un et l'autre traiter la question d'Air France et des transports en général en faisant preuve d'un grand talent et d'une très fine connaissance du dossier, permettez-moi de vous dire combien j'ai apprécié la très grande qualité de vos interventions et de l'analyse que vous nous avez présentée. Vous avez su parfaitement poser le débat d'aujourd'hui non pas en termes polémiques, mais en termes de perspectives, en termes d'avenir et de développement d'une grande compagnie aérienne française. Je vous en remercie.

Je vous remercie également d'avoir souligné les besoins de réactivité d'Air France. Certes, l'entreprise a réussi à subsister jusqu'à aujourd'hui, voire à se développer aussi bien, sinon mieux que d'autres, avec un statut mixte, partie privé, partie public. Mais celui-ci lui suffira-t-il, dans l'avenir, à assurer son développement à l'échelon planétaire ? (M. le rapporteur applaudit.)

M. Robert Bret. Sans vouloir jouer à la Pythie, c'est peut-être l'inverse !

M. Gilles de Robien, ministre. Je soulignerai aussi la nécessité de permettre à Air France de dépasser ses alliances commerciales actuelles, car, si elle se satisfait aujourd'hui de Skyteam, demain, l'accélération des échanges, la démocratisation du transport aérien, lui imposeront de trouver de nouveaux moyens, de nouvelles perspectives, afin de pouvoir conclure des accords avec d'autres compagnies aériennes et de pouvoir desservir la planète entière.

Je résumerai l'intervention de MM. les rapporteurs, s'ils me le permettent, en disant qu'il faut donner de nouvelles chances à Air France pour les années, pour les décennies qui viennent.

M. Soulage a insisté sur le souci de justice sociale qui caractérise le projet de loi, et je l'en remercie. On aurait pu l'oublier, tant de nombreux intervenants ont évoqué le capital, les actions, le statut public...

Mme Marie-Claude Beaudeau. N'importe quoi !

M. Gilles de Robien, ministre. Effectivement, monsieur Soulage, l'offre d'échange d'une part du salaire contre des actions concerne cette fois-ci tous les personnels,...

M. Robert Bret. Quelle chance !

M. Guy Fischer. Voilà du social !

M. Gilles de Robien, ministre. ... alors que, dans le passé, un autre gouvernement - de gauche ! - n'avait pensé qu'aux plus riches, c'est-à-dire aux pilotes. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Vives protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

Nous avons en effet voulu, par ce projet de loi, démocratiser l'accès au capital de l'entreprise en prenant en compte l'ensemble du personnel, qui représente aujourd'hui 70 000 salariés.

M. Louis de Broissia. Cela les dérange !

M. Gilles de Robien, ministre. Cela peut effectivement déranger ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. Guy Fischer. Vous osez dire cela !

Mme Hélène Luc et M. Claude Estier. C'est lamentable !

M. Gilles de Robien, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs de l'opposition, c'est bien de poser des questions et de défendre des arguments, mais c'est bien aussi, dans une assemblée démocratique, d'écouter les réponses, même si elles vous gênent. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP. - Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. Claude Estier. C'est vous qui faites de la polémique !

M. Gilles de Robien, ministre. En outre, monsieur Soulage, comme vous l'avez souligné avec raison, il est normal que le contribuable soit récompensé des très importants efforts qu'il a consentis dans le passé pour sauver Air France.

M. Yves Fréville, rapporteur pour avis. Eh oui !

M. Gilles de Robien, ministre. Il est vrai également que le travail de consolidation d'une entreprise comme Air France n'est jamais terminé : certains d'entre vous l'ont rappelé, le transport aérien est un secteur fragile qu'il faut consolider en permanence.

Air France doit donc trouver les capitaux dont elle aura besoin, ne serait-ce que pour le renouvellement de sa flotte. Il faut tout de même savoir que, aujourd'hui, elle y consacre 1 milliard d'euros. Or, quand il s'agira d'acheter les gros Airbus, il sera indispensable qu'elle trouve des capitaux supplémentaires très importants, ce qui nécessitera le soutien de nouveaux partenaires.

Mme Hélène Luc. Ce n'est pas un argument !

M. Gilles de Robien, ministre. Je note que cet objectif était déjà clairement affiché par le gouvernement précédent en 1999, lorsqu'il a ouvert le capital d'Air France.

M. Collin a souligné à juste titre les progrès très importants qu'a faits Air France depuis la crise des années 1992 à 1994.

En matière de droits de trafic, M. Collin a raison : nous sommes actuellement, après les récentes décisions de la Cour de justice des Communautés européennes, « au milieu du gué ». Il fallait, dans l'attente d'éventuelles évolutions, protéger la nationalité d'Air France pour préserver les droits de trafic, et c'est d'ailleurs tout l'objet de l'article 1er du projet de loi, comme vous l'avez relevé, monsieur Collin.

Vous avez également insisté, monsieur le sénateur, sur la nécessité de ne pas marginaliser Air France. C'est effectivement ce qui arriverait si le capital restait trop étroitement dans le domaine public : l'ouvrir, c'est donc éviter à l'entreprise de se marginaliser !

Monsieur Pastor, vous avez souligné qu'Air France se portait bien. Oui, monsieur, je le confirme : Air France se porte bien, et s'il en est ainsi, c'est qu'elle a un personnel de très grande valeur, un management de très grande qualité. Mais c'est aussi, permettez-moi de vous le dire, parce qu'un gouvernement, en 1993, a su, après bien des années d'abandon, recapitaliser Air France. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.) Vous l'avez reconnu : il s'agit du gouvernement Balladur.

Mme Hélène Luc. Un gouvernement qui a soutenu Air France !...

M. Gilles de Robien, ministre. Pour autant, il ne faut pas en déduire que l'on peut désormais rester immobile : dans la vie, les choses bougent, et notre devoir est aujourd'hui d'offrir à Air France toutes les chances possibles dans un secteur très concurrentiel et qui évolue à grande vitesse - à la vitesse du son !

Air France a besoin de beaucoup de souplesse afin de pouvoir accéder au marché avec une grande réactivité. Elle doit envisager et saisir les occasions d'alliances - alliances qui seront de plus en plus puissantes. Ce sont là les chances que nous voulons offrir à Air France.

« Sauf à brader l'entreprise, le Gouvernement devra attendre », avez-vous dit, monsieur Pastor. Mais je n'ai rien dit d'autre en vous présentant tout à l'heure le projet de loi ! Il n'est absolument pas question de brader Air France demain matin, alors que le cours de l'action s'établit autour de 8 euros !

L'adoption de ce texte nous permettra d'ouvrir 30 % à 35 % du capital, soit progressivement, soit en une seule fois, et d'en céder une partie au personnel dans des conditions privilégiées. Mais elle ne nous obligera pas à le faire demain matin !

Nous prendrons donc le temps d'attendre le bon moment, de façon, je l'ai dit tout à l'heure, que les intérêts des contribuables soient préservés mais aussi ceux du personnel - son statut, vous le savez, est garanti pendant deux ans - et ceux des actionnaires futurs. Grâce à l'adoption du projet de loi, nous seront prêts quand le moment sera venu.

Mais, auparavant, nous devons passer par plusieurs étapes : l'examen du texte par le Parlement, la promulgation de la loi, puis l'assemblée générale d'Air France, ce qui nous amènera au printemps, voire au début de l'été. La précipitation n'est donc pas la caractéristique essentielle de notre démarche !

D'après vous, monsieur Pastor, les besoins d'Air France pour renouveler sa flotte ne sont pas importants. C'est absolument faux ! Certes, ces dernières années, Air France a renouvelé sa flotte correctement. Il n'en reste pas moins nécessaire, aujourd'hui, de consacrer à ces investissements 1 milliard d'euros par an pendant au moins cinq ans : ce n'est pas rien !

N'oubliez pas que le coût unitaire des Airbus A 380, dont l'acquisition par Air France était souhaitée par le précédent gouvernement, s'élève à quelque 150 millions d'euros. Un milliard d'euros ne permet donc l'achat que de cinq ou six appareils par an ! Par conséquent, Air France devra trouver des partenaires capables de lui apporter des moyens financiers supplémentaires.

Vous affirmez, monsieur le sénateur, que nous bradons les services d'intérêt général. Ces mots sonnent très bien pour le public, et parfois pour la presse, mais vous savez que l'Etat garde toute possibilité, en cas de nécessité, de réquisitionner une compagnie aérienne, en particulier Air France. Par conséquent, les mesures d'intérêt général sont totalement sauvegardées.

Affirmer, comme vous le faites, madame Terrade, que la privatisation met en cause la sécurité, ce n'est pas bien. C'est susciter un sentiment de peur que rien ne justifie. Vous qui connaissez bien le secteur aérien et Air France, vous ne pouvez pas dire que les mesures de sécurité seront touchées par le processus de privatisation. Vous ne pouvez pas établir de comparaison avec les chemins de fer britanniques - mais sans doute connaissez-vous mieux le secteur ferroviaire. C'est un raccourci malheureux, une démonstration trop simplificatrice. (Mme Marie-Claude Beaudeau proteste.)

Le secteur aérien reste très réglementé à l'échelon européen, comme j'ai moi-même eu l'occasion de le constater lors des conseils des ministres des transports. La sécurité fait l'objet de contrôles extrêmement stricts de la part des Etats, quel que soit le statut des entreprises, et vous le savez bien. Agiter l'argument de la sécurité ne me semble franchement pas être à la hauteur des débats, et ce n'est pas ce qu'attendent Air France ni la représentation nationale.

Mme Odette Terrade. C'est ce que l'on verra !

M. Gilles de Robien, ministre. Je préfère utiliser d'autres arguments, mais je crains de ne pas réussir à vous convaincre, car votre bulletin de vote est pratiquement dans l'urne.

Mme Odette Terrade. Tout comme votre décision est déjà prise, monsieur le ministre !

M. Gilles de Robien, ministre. C'est le principe même de la libéralisation du transport aérien que vous combattez. C'est pourtant celui qu'ont adopté les entreprises de transport aérien dans le monde entier, y compris celles avec lesquelles Air France passe des alliances et souhaite en passer davantage encore.

Je ne ferai donc pas ici de discours idéologique : je veux essayer de rester pragmatique et agir avant tout dans l'intérêt d'Air France.

Vous approuvez les financements publics : je rappelle que c'est M. Balladur qui a recapitalisé Air France lorsque la compagnie en a eu besoin, et non un gouvernement que vous souteniez !

Vous réprouvez la vente au privé des actions d'Air France. Mais c'est M. Jospin qui a ouvert la voie en 1999, je vous le rappelle ! N'est-ce pas au demeurant mon prédécesseur, M. Gayssot, qui a négocié avec les Etats-Unis un accord de ciel ouvert, accord que j'approuve d'ailleurs et qui est le plus libéral qui ait jamais été conclu ?

Madame Terrade, enfin, vous critiquez vivement l'actionnariat salarié. Cela non plus, ce n'est pas bien !

Mme Hélène Luc. Arrêtez de porter des jugements ! « Ce n'est pas bien ! Ce n'est pas bien ! »...

M. Gilles de Robien, ministre. M. Gayssot considérait au contraire, en 2000, que « l'opération destinée aux salariés a été aussi innovante que réussie pour Air France ». Nous voulons faire davantage encore pour les salariés, qu'ils soient pilotes ou qu'ils ne le soient pas.

Mme Marie-Claude Beaudeau. C'est bien ce qui nous inquiète !

M. Gilles de Robien, ministre. L'actionnariat salarié vous inquiète ? C'est votre remarque qui est inquiétante !

Mme Marie-Claude Beaudeau. Demandez aux salariés de France Télécom ce qu'ils en pensent !

M. Gilles de Robien, ministre. Madame Terrade, vous insistez sur la prise en compte des salariés dans l'élaboration de la stratégie de l'entreprise. Mais l'actionnariat salarié et la forte représentation au conseil d'administration des salariés dans leurs différentes composantes, les pilotes commes les personnels au sol, aux côtés de l'Etat, sont justement des orientations que nous proposons de consolider. Et c'est vous qui rejetez un article du projet de loi tendant à assurer une forte représentation des salariés ! C'est à n'y rien comprendre !

Mme Odette Terrade. Nous rejetons le texte dans son ensemble ! Ne nous faites pas de procès d'intention sur cet article !

M. Gilles de Robien, ministre. C'est vous qui l'avez dit, je réponds à vos arguments, et je lis les amendements que vous avez déposés : ils visent à réduire la représentation des salariés au conseil d'administration. Que je le dise vous gêne, mais, ces amendements, vous les avez déposés et, nous, nous nous y opposons ! (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)

M. Louis de Broissia. Ils ne savent pas ce qu'ils signent : il faut leur pardonner !

M. Gilles de Robien, ministre. M. Marc a fait les questions et, parfois, les réponses. C'est plus facile !

Monsieur Marc, vous dites qu'Air France est une entreprise stratégique. C'est vrai. Je veux vous rassurer : qui nierait aujourd'hui que le transport aérien constitue une activité stratégique ?

C'est bien pourquoi nous entendons conforter Air France et lui donner la flexibilité indispensable pour s'adapter à l'évolution de ses missions, en effet stratégiques.

D'ailleurs, si nous garantissons la nationalité française, c'est parce que c'est stratégique ! Si l'Etat conserve une part du capital et reste au conseil d'administration, c'est parce que c'est stratégique ! Et c'est aussi pourquoi nous avons veillé à ce que les missions d'intérêt général soient garanties.

Je veux être clair : le Gouvernement a une haute idée de l'importance du transport aérien français.

Monsieur Marc, vous parlez d'action spécifique. Vous savez bien que la Cour de justice européenne a, dans un arrêt du 4 juin 2002 - arrêt donc très récent -, strictement encadré le recours aux actions spécifiques. C'est ce qui nous a conduit à imaginer un autre mécanisme pour garantir dans le projet de loi la nationalité française, et votre argument ne semble donc pas tenir.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je crois avoir répondu à l'essentiel de vos questions et c'est, je l'espère, en toute connaissance de cause que vous allez maintenant vous prononcer. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi  relatif aux entreprises de transport aérien et notamment à la société Air France
Question préalable

6

NOMINATION DES MEMBRES

D'UNE COMMISSION SPÉCIALE

M. le président. Je rappelle qu'il a été procédé à l'affichage de la liste des candidats aux fonctions de membre de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, pour l'initiative économique (n° 170, 2002-2003).

Le délai fixé par le règlement est expiré.

Je n'ai reçu aucune opposition.

En conséquence, la liste est ratifiée et je proclame membres de cette commission spéciale :

MM. Philippe Adnot, Jean-Paul Alduy, Bernard Angels, Mmes Annick Bocandé, Yolande Boyer, MM. Jean Chérioux, M. Gérard Cornu, Gérard Dériot, Paul Dubrule, Jean-Paul Emin, Thierry Foucaud, Christian Gaudin, Jean-Pierre Godefroy, Francis Grignon, Charles Guené, Jean-Jacques Hyest, Pierre Laffitte, Gérard Larcher, Philippe Leroy, Roland du Luart, Philippe Marini, Marc Massion, Roland Muzeau, Joseph Ostermann, Jacques Oudin, Jean-François Picheral, Bernard Piras, Henri de Raincourt, Daniel Raoul, Bernard Saugey, Claude Saunier, Louis Souvet, Mme Odette Terrade, MM. René Trégouët, Pierre-Yvon Trémel, André Vallet, François Zocchetto.

7

AIR FRANCE

Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi (n° 108, 2002-2003) relatif aux entreprises de transport aérien et notamment à la société Air France.

Question préalable

Discussion générale (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi  relatif aux entreprises de transport aérien et notamment à la société Air France
Demande de renvoi à la commission

M. le président. Je suis saisi, par Mmes Beaufils, Terrade, Luc, Beaudeau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, d'une motion n° 1, tendant à opposer la question préalable.

Cette motion est ainsi rédigée :

« En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi relatif aux entreprises de transport aérien et notamment à la société Air France (n° 108, 2002-2003). »

Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à Mme Marie-France Beaufils, auteur de la motion.

Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la discussion générale vient de montrer, comme l'on pouvait s'y attendre, quels étaient les véritables motifs du projet de loi que nous examinons.

Il s'agit en effet bel et bien, dans la logique du Gouvernement, de poursuivre la mise en oeuvre de la déréglementation et de la libéralisation du transport aérien, le cas d'Air France étant, dans les faits, à la fois conjoncturel et plus profondément stratégique.

La crise d'Air Lib tombe bien mal. Elle montre les dégâts que peut causer le libéralisme et les menaces qu'il fait peser sur le service public et sur l'emploi.

Monsieur le ministre, les arguments que vous apportez dans l'exposé des motifs et que vous avez rappelés devant la commission sont bien peu convaincants : ils ne nous éclairent pas sur l'avenir de l'entreprise et sur celui de ses salariés ; surtout, ils n'ouvrent aucune perspective sur les choix que le Gouvernement proposera en réponse aux défis de l'aménagement du territoire dans une démarche de développement durable.

Le transport aérien est un mode de déplacement qui a sa pertinence aux côtés des autres modes de transport. Quelle est la réflexion du Gouvernement sur les indispensables complémentarités entre modes de transport ? Comment entend-il traiter la question de l'accessibilité des moyens de communication aux populations ? Quel est le contenu des missions de service public qui peuvent être assignées aux entreprises de transport et quels moyens l'Etat est-il prêt à y consacrer ? Rien n'est dit.

Puisque, en 1993, la privatisation d'Air France était déjà prévue par la loi, pourquoi présenter un texte qui tend à laisser croire que l'on engage un débat public sur le sujet alors qu'aucune orientation dans le domaine des transports n'est véritablement définie ?

C'est en fait un texte d'application pure et simple de la loi de 1993 et vous regrettez sur le fond que celle-ci n'ait pas pu être pleinement mise en oeuvre. L'ouverture du capital opérée en 1999 ne vous suffit pas. Vous voulez aller au-delà. Pourquoi ? Vos arguments sont loin d'être convaincants !

Vous nous dites que nous sommes dogmatiques lorsque nous proposons de garder une entreprise nationale - ce qui ne veut pas dire qu'on ne peut pas améliorer encore son activité -, mais je crois qu'aujourd'hui le dogmatisme est bien de votre côté : c'est celui du libéralisme à tout prix.

J'en viens à quelques données essentielles.

Entreprise publique depuis la Libération de par la forte volonté politique des gouvernements issus de la Résistance, lesquels se plaçaient dans la perspective du redressement du pays, la compagnie Air France a connu une évolution générale et un parcours pour le moins significatifs dans un contexte difficile.

Nous l'avons affirmé dans le cadre de la discussion générale, son statut public ne l'a pas empêchée d'acquérir de fortes positions commerciales, ce qu'illustrent sa situation financière globale et ses positions sur le « marché » du transport aérien.

Il est d'ailleurs significatif que l'on mette aujourd'hui « sur les rails » la perspective de la privatisation alors même que la situation financière et comptable du groupe Air France est, dans son ensemble, quelque peu différente - c'est le moins que l'on puisse dire - de la situation d'autres compagnies aériennes, et nous pourrions citer British Airways, qui a goûté de longue date aux délices de la privatisation, ou encore United Airlines.

Cette compagnie américaine connaît en effet des difficultés financières majeures qui l'amènent d'ailleurs aujourd'hui à solliciter du gouvernement de M. Bush, pourtant attaché au libéralisme, une intervention pour venir au secours d'un secteur aérien en grande difficulté, les pertes cumulées des majors américaines dépassant 9 milliards de dollars.

Pour en revenir au cas du groupe Air France, chacun ici sait que la situation actuelle est largement due aux efforts et aux sacrifices que les personnels ont consentis il y a peu, en particulier dans le cadre de l'ouverture du capital, débattue ici même en 1998 et inscrite dans la loi du 2 juillet 1998, ouverture à propos de laquelle notre collègue Pierre Lefebvre avait exprimé toutes les inquiétudes de notre groupe.

Air France restait néanmoins une entreprise publique, avec l'Etat comme actionnaire principal et capable donc d'infléchir les orientations de la société en fonction du rôle que souhaitait lui donner notre pays dans le transport aérien.

A l'époque, Air France n'était effectivement pas dans une situation financière aussi favorable qu'aujourd'hui : des choix d'alliances et d'investissements externes pour le moins discutables l'avaient lourdement endettée.

Mais l'endettement du groupe était également imputable à des choix de gestion, déterminés au plus haut niveau, mettant les entreprises publiques en demeure de dégager, soit par l'autofinancement, soit par l'endettement auprès des établissements de crédit ou des marchés financiers, les moyens nécessaires à leurs investissements et à leur développement.

Nous débattons de ce projet de loi à un moment où, compte tenu de la bonne marche d'Air France, la privatisation peut être considérée par certains comme une sorte d'opportunité boursière.

Pour l'Etat, toujours sur le court terme, l'opération est susceptible de dégager une partie significative du produit attendu des opérations d'alimentation du compte d'affectation spéciale, estimé dans la loi de finances pour 2003 à 8 milliards d'euros. Nous savons bien que d'autres entreprises publiques ont besoin du soutien financier de l'Etat !

Mais nous savons aussi que le Gouvernement veut répondre aux exigences du traité de Maastricht et réduire son déficit. Or, les choix qui sont opérés depuis le mois de juin dernier sont catastrophiques et risquent de le creuser plus encore. Il y a d'autres choix que ceux que vous préconisez pour alimenter le budget !

Nous ferons la grâce au Gouvernement de limiter notre appréciation sur cette opération à une simple opportunité.

Je veux revenir sur l'un des autres arguments invoqués : celui d'une privatisation nécessaire au passage d'alliances industrielles et commerciales fondées, entre autres choses, sur un processus de participations croisées ou d'échanges de titres.

Un tel changement de situation juridique est-il indispensable et incontournable ?

Nous ne le pensons pas et notre opinion se fonde notamment sur une analyse d'opérations proches, menées dans d'autres secteurs récemment, qui ont conduit certaines entreprises à connaître des difficultés majeures.

Le fond de la question se situe sans doute là : il n'y a pas de bilan complet et précis de toutes les ouvertures de capital ayant eu lieu dernièrement. Avant même de s'engager dans une privatisation dont l'issue sera désastreuse pour les entreprises de transport aérien, le plus judicieux serait de faire véritablement le point sur les conséquences de ces ouvertures, et on pourrait commencer par le cas de France Télécom.

De la même manière, certaines des alliances passées d'Air France lui ont causé quelques déboires, montrant à l'envi que vouloir appréhender le développement de l'entreprise sur la base de critères strictement financiers n'était pas la solution la plus adaptée.

Le statut d'entreprise publique du groupe Air France n'est donc pas un obstacle, loin de là, au passage d'alliances industrielles ou commerciales. L'Etat peut et doit garder un rôle d'actionnaire principal et jouer pleinement ce rôle.

Est-il inconcevable, dans le contexte économique actuel, de développer un service public du transport aérien porté par des entreprises du secteur public dans lesquelles l'efficacité sociale et économique ne serait pas fondée uniquement sur la progression de la courbe de rentabilité ? La conception même d'entreprise publique doit rester la règle.

Dans cette optique, c'est le renforcement du rôle de service public d'Air France qui doit être à l'ordre du jour, et la péréquation tarifaire doit à nouveau devenir un de ses objectifs. Il est en effet déplorable de constater que des tarifs exorbitants sont pratiqués sur certaines lignes parce qu'elles sont jugées peu rentables, ce qui permet aux sociétés à bas coûts, les low cost, de s'implanter peu à peu.

Ainsi, il convient d'opérer au plus vite un ajustement des coûts pour que chaque usager des entreprises de transport public ait le droit d'utiliser ce service en toute égalité.

Notre pays dispose en effet aujourd'hui d'une grande compagnie nationale occupant des positions commerciales fortes, diversifiées, ce qui lui a d'ailleurs permis de subir moins que d'autres la pression à la baisse qui s'est exercée sur l'ensemble du trafic Atlantique Nord après les attentats du 11 septembre 2001.

Il dispose également d'un opérateur décisif en matière d'aménagement, de conception et de gestion des plates-formes aéroportuaires : je veux parler d'Aéroports de Paris, dont la compétence est largement reconnue, au-delà même de nos frontières.

Il faut aujourd'hui avoir la volonté politique de concevoir le transport aérien en complémentarité des autres modes de transport. Il est nécessaire de se positionner en fonction d'une vision claire des véritables besoins des populations sur le territoire national, y compris dans les DOM-TOM, avec, comme objectif premier, une conception nette du développement durable du transport. Cela suppose de choisir le mode de transport le plus pertinent pour répondre aux besoins, et c'est pourquoi il est très important que l'Etat conserve son rôle d'actionnaire principal.

Le développement du train à grande vitesse sur certaines liaisons rend parfaitement inutile tout projet de relance de la desserte aérienne. Dans le même temps, sur certains segments du marché domestique, des perspectives de développement demeurent, et l'on pense, par exemple, à la desserte du bassin méditerranéen ou encore à celle des départements et territoires d'outre-mer.

De telles perspectives de développement, inscrites de manière plus générale dans le développement même des pays et territoires concernés, peuvent-elles être valablement prises en compte dans le cadre d'une gestion privée ?

Nous ne le pensons pas, et se pose dès lors clairement la question de la fiabilité politique du choix stratégique qu'implique le présent projet de loi. C'est bel et bien ce qui est en cause, car on sait quelles orientations ont pu être données aux entreprises publiques privatisées depuis 1986 : au-delà d'alliances plus ou moins circonstancielles, ce sont en effet, dans bien des domaines, des choix économiques tournant le dos aux intérêts de la nation dans son ensemble qui ont été validés.

Que dire des plans sociaux en cascade qui ont affecté de nombreuses entreprises privatisées, « liquidant » chaque fois plus d'emplois, plus d'activités pourtant importantes, voire essentielles, pour notre pays ?

L'histoire des privatisations des quinze dernières années est jalonnée de ces événements qui ont affecté et affectent encore la vie économique et sociale de notre pays, même si certains considèrent qu'ils font, en quelque sorte, partie de la règle du jeu économique, dès lors que l'on fonde la viabilité d'une entreprise sur sa rentabilité à court terme.

S'agissant du transport aérien, notre sujet de ce jour, nous sommes confrontés à des enjeux clairs : vous nous proposez, dans un contexte de développement à venir du trafic, de laisser agir le marché, qui serait la meilleure garantie de réponse aux attentes de la clientèle.

Dans cette perspective, la privatisation d'Air France, comme nous l'avons souligné, constituerait le premier pas d'une privatisation de l'ensemble de la filière, notamment dans le cadre de la logistique aéroportuaire et de la sécurité.

Cette privatisation répondrait-elle aux impératifs d'un service public à la hauteur des attentes ? Permettrait-elle notamment de relever les défis de la complémentarité intermodale, de l'aménagement du territoire, de l'amélioration de la liaison entre les différentes parties du territoire national en métropole, en Europe et outre-mer ?

Les contraintes liées à la rentabilisation de l'acquisition des titres, les visées financières de court terme ne constituent-elles pas au contraire un obstacle à la mise en oeuvre des objectifs que je viens de rappeler ? Nous le pensons, et nous estimons qu'à court terme ce sont les personnels qui feront les frais de cette opération, qui se traduira par la recherche d'une réduction des coûts de production du service rendu passant notamment par l'externalisation de certaines fonctions, externalisation qui, on le sait, fut à la base des difficultés antérieures de la compagnie nationale.

Au-delà des personnels, ce sera le service public du transport aérien dans son ensemble - autrement dit, les usagers - qui sera victime du choix que l'on nous demande d'avaliser aujourd'hui.

Pour l'ensemble de ces raisons, les parlementaires du groupe communiste républicain et citoyen vous invitent à adopter la motion tendant à opposer la question préalable, afin de rejeter sans appel le présent projet de loi.

Il faut au contraire que nous conservions à notre entreprise publique Air France toutes ses capacités pour qu'elle ait les moyens, comme vient de le dire Odette Terrade, de reprendre les activités d'Air Lib et pour qu'elle puisse, avec ses salariés, répondre aux besoins de notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Serge Vinçon, contre la motion. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et le l'Union centriste.)

M. Serge Vinçon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en 1990, la commission de contrôle du Sénat, présidée par notre collègue Ernest Cartigny, chargée d'examiner la gestion administrative, financière et technique de l'entreprise nationale Air France s'était, entre autres choses, inquiétée des résultats de la compagnie.

Elle avait estimé que la politique de cession d'actifs dans laquelle s'était engagée l'entreprise, concomitamment au rachat d'UTA, pour faire face aux difficultés de financement de ses énormes besoins d'investissement trouverait très vite ses limites et ne ferait que reporter la progression de l'endettement.

La commission de contrôle avait insisté sur la nécessité d'une ouverture aux capitaux privés, au plus tard en 1993, faute de fonds propres que l'Etat ne serait plus en mesure de fournir.

Elle concluait en ces termes : « Si l'exemple ne vient pas forcément de l'étranger, tout conduit à penser que l'ouverture du capital à des capitaux privés est inéluctable et indispensable. Une gestion moderne, une autonomie de décisions, des capitaux ouverts constituent les voies de la modernité dans lesquelles le groupe Air France pourrait s'engager dans un contexte concurrentiel difficile. »

La justesse de ces conclusions est progressivement apparue au grand jour et a été largement reconnue, au-delà même des clivages politiques traditionnels.

M. Alain Juppé, alors Premier ministre, considérait à juste titre le passage dans le secteur privé de la société comme un élément clé de son dynamisme économique.

En conséquence, l'ouverture du capital du groupe Air France devait répondre à l'engagement du gouvernement français devant Bruxelles comme la condition de sa recapitalisation à hauteur de 20 milliards de francs.

C'est dans ce sillage qu'au printemps 2000 le gouvernement de M. Jospin inscrivait son action en présentant au Parlement un projet de loi visant à alléger la tutelle administrative de l'Etat sur l'entreprise.

Je tiens à rappeler que la majorité à l'Assemblée nationale, qui n'était pas la même que celle d'aujourd'hui, avait adopté ce texte.

M. Claude Estier. Vous, vous ne l'aviez pas voté !

M. Serge Vinçon. Aujourd'hui, nous ne pouvons donc que nous réjouir de constater que le Gouvernement, grâce à ce projet de loi, qui réduit encore la participation de l'Etat dans le capital d'Air France, permette à la compagnie tout à la fois de consolider ses alliances, de maintenir sa place dans la compétition internationale, de nouer des partenariats et d'accélérer la modernisation de sa flotte.

Ainsi l'Etat, qui possède actuellement 54,4 % du capital de l'entreprise, réduira sa participation pour ne détenir, à l'issue de l'opération, que 20 % du capital.

Deux exigences sont, de ce fait, conciliées : d'une part, le seuil de capital détenu étant limité, les investisseurs ne seront plus inquiétés par la présence trop importante de l'Etat et, d'autre part, l'Etat conservera un poids réel dans le conseil d'administration, assurant par là même la stabilité de l'actionnariat.

Par ailleurs, nous nous félicitons, monsieur le ministre, que le Gouvernement entende agir avec prudence et pragmatisme, comme vous l'avez rappelé à l'instant, en ne fixant pas d'emblée un calendrier strict. Il s'est en effet engagé à ce que la cession des actions intervienne au moment opportun, lorsque les conditions du marché seront favorables. C'est un moyen de préserver la santé financière de la compagnie.

En outre, il est prévu une période de transition de deux ans au maximum, à partir de la date du transfert au secteur privé, afin que de nouveaux accords d'entreprise sur le statut du personnel soient négociés, garantissant la prise en compte des intérêts des salariés.

La sortie de la compagnie Air France du secteur public nécessite, bien évidemment, des adaptations législatives. Elles sont contenues dans le présent projet de loi ; je rappellerai ici les principales d'entre elles.

Dans la mesure où la licence d'exploitation de transporteur aérien communautaire est conditionnée par une détention majoritaire du capital et un contrôle effectif par des intérêts communautaires et qu'elle ne doit pas être remise en cause lorsque la majorité du capital passera à des actionnaires privés, l'article 1er prévoit une procédure de cession forcée des actions.

Dans le cas où un actionnaire n'aura pas cédé ses titres dans un délai de deux mois, l'article 1er prévoit également que la société pourra saisir le président du tribunal de grande instance de Paris, qui fera procéder à cette cession dans des conditions telles qu'elles préservent le cours de l'action.

En ce qui concerne le conseil d'administration et, le cas échéant, le conseil de surveillance d'Air France, il pourra compter jusqu'à six administrateurs élus par les salariés, au lieu de cinq. Pour leur élection, les salariés pourront se répartir entre quatre collèges : personnel navigant technique, personnel navigant commercial, cadres et autres salariés.

La représentation des salariés actionnaires au sein du conseil d'administration ou du conseil de surveillance pourra se faire selon une répartition en deux catégories : personnel navigant technique et autres salariés.

L'article 4 spécifie, quant à lui, que, lors du transfert au secteur privé, les membres et le président du conseil d'administration restent en fonction jusqu'à l'issue de la réunion de la première assemblée générale des actionnaires postérieure au transfert.

Pareillement, le mandat des administrateurs salariés sera maintenu pendant six mois après le transfert de la majorité du capital.

L'article 5 apporte une précision importante, puisque l'Etat est autorisé à céder, gratuitement ou à titre préférentiel, des actions, dans la limite de 6 % du capital, aux salariés ayant consenti à des réductions de salaire. Il prévoit en outre que la société Air France remboursera à l'Etat le coût de cette cession préférentielle, selon des critères fixés par décret en Conseil d'Etat.

Ces dispositions très précises permettent donc d'envisager l'évolution d'Air France vers le secteur privé avec toutes les assurances nécessaires pour les salariés et la bonne santé de l'entreprise.

Avant de conclure, je souhaiterais insister sur un point.

Dans l'environnement européen, avant le 11 septembre 2001, la crise économique, comme l'a rappelé M. le rapporteur, faisait déjà sentir ses effets sur de nombreuses compagnies aériennes, de façon violente dans certains cas, modérée dans d'autres, mais sans encore atteindre Air France.

A cette crise classique est venue s'ajouter la tragédie des attentats terroristes, qui a engendré une rupture considérable, particulièrement sensible pour l'ensemble du transport aérien mondial.

Malgré cela, Air France est restée l'une des rares compagnies aériennes à ne pas avoir subi de pertes. En effet, sa situation est restée favorable, puisque, comme vous l'avez précisé à plusieurs reprises, monsieur le ministre, elle a enregistré un résultat positif de 153 millions d'euros pour l'exercice 2001-2002 et de 275 millions d'euros pour le premier semestre de 2002.

Ces résultats sont non pas le fruit du hasard, mais bien celui des efforts fournis par les hommes et les femmes qui constituent l'entreprise. Nous tenons à les saluer aujourd'hui, car ils ont permis à Air France de maîtriser son endettement, d'assainir sa situation financière et d'aboutir à la création de l'alliance mondiale Skyteam, qui s'est révélée particulièrement solide.

Mme Hélène Luc. C'est pour cela que vous privatisez !

M. Serge Vinçon. Actuellement, des négociations sont en cours pour opérer d'autres alliances, indispensables pour faire face à la concurrence, notamment américaine.

En conclusion, il nous faut donner à la compagnie les moyens d'évoluer et de nouer ces alliances ; il en va de sa compétitivité et de son avenir.

Le projet de loi que nous examinons aujourd'hui le permet, tant il est vrai que la propriété d'Etat entrave l'intégration d'Air France dans un paysage aérien fortement concurrentiel et mondialisé qui impose alliances et regroupements. Une présence moins forte de l'Etat actionnaire permettra des échanges capitalistiques et un financement direct par l'appel aux marchés.

Ainsi, parce que ce projet de loi offre une chance réelle à la compagnie Air France de se développer, parce qu'il est légitime que les contribuables bénéficient aujourd'hui d'un retour sur leur investissement après la recapitalisation de la société menée au milieu des années quatre-vingt-dix, parce que le Gouvernement donne toutes les garanties permettant la réussite de ce projet, parce que nous estimons que le texte traite tous les aspects sociaux en laissant une très large part aux négociations, parce que l'ouverture du capital préserve les intérêts des salariés autant que ceux de l'Etat, le groupe de l'UMP s'oppose à la motion déposée par notre excellente collègue, Mme Marie-France Beaufils, et le groupe communiste républicain et citoyen, pour apporter son soutien total à votre projet de loi, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Défavorable.

Mme Hélène Luc. Voilà qui est argumenté !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Gilles de Robien, ministre. Je remercie M. Vinçon d'avoir excellemment développé les arguments de fond essentiels.

Dans la mesure où j'approuve entièrement ses conclusions, j'émets un avis défavorable sur la motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

Mme Hélène Luc. Quel mépris !

M. le président. Je mets aux voix la motion n° 1, tendant à opposer la question préalable.

Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain et citoyen.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ? ...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

87314313157105208 Le Sénat n'a pas adopté. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

Demande de renvoi à la commission

Question préalable
Dossier législatif : projet de loi  relatif aux entreprises de transport aérien et notamment à la société Air France
Avant l'article 1er

M. le président. Je suis saisi, par MM. Pastor, Marc et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, d'une motion n° 3, tendant au renvoi à la commission.

Cette motion est ainsi rédigée :

« En application de l'article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des affaires économiques et du Plan le projet de loi relatif aux entreprises de transport aérien et notamment à la société Air France (n° 108, 2002-2003). »

Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

Aucune explication de vote n'est admise.

La parole est à M. Jean-Marc Pastor, auteur de la motion.

M. Jean-Marc Pastor. Monsieur le ministre, les arguments que vous avez développés tout à l'heure ne m'ont pas convaincu ; me revoici donc ! (Sourires.)

Que le groupe socialiste ait décidé de déposer une motion tendant au renvoi à la commission sur le projet de loi visant à la privatisation d'Air France s'explique par les choix du Gouvernement, dont nous pensons qu'ils sont erronés, et par la dramatique situation d'Air Lib, qui nous paraît éclairer singulièrement le dogmatisme de la position de la majorité actuelle.

Nous le disons clairement : Air France ne doit pas être privatisée. Air France, grâce à son statut public, a pu traverser les graves difficultés que connaissait le secteur aérien et devenir l'une des toutes premières compagnies mondiales. La privatisation d'Air France, ce sont des suppressions d'emplois à venir, c'est la course au profit et à la rentabilité, qui s'accommode mal des impératifs de sécurité et d'aménagement du territoire, comme on a malheureusement déjà trop souvent pu le constater.

Qui peut assurer aujourd'hui qu'il n'y aura pas externalisation d'un certain nombre de fonctions ? Les actionnaires privés souhaiteront rapidement faire le tri entre ce qui est rentable et ce qui ne l'est pas avant de se séparer, probablement, de pans entiers d'activité. Qui empêchera que la maintenance se fasse ailleurs qu'en France ou que l'informatique ou la sécurité soit sous-traitée ?

Il serait d'ailleurs légitime que l'Etat prenne en charge le surcoût lié à la sûreté aérienne, pour aider les compagnies et les gestionnaires d'aéroports.

Les salariés d'Air France s'inquiètent de la privatisation ; ils redoutent qu'elle n'entraîne un démantèlement et des plans sociaux comparables à ceux dont ils peuvent actuellement observer les conséquences.

Dès lors, nous voudrions savoir quelle place tiennent non seulement Air France, mais aussi Air Lib, dans la politique des transports conduite par le Gouvernement. Il faudra bien que vous nous fournissiez des éléments sur les orientations de votre politique aérienne, monsieur le ministre, car il n'est pas sérieux de dire que la démocratisation du secteur et l'amélioration de la desserte de notre territoire seront assurées par les compagnies à bas coûts.

Vous le savez aussi bien que nous : les compagnies low cost, si elles offrent des tarifs certes compétitifs, ne font qu'écrémer le marché. En aucun cas elles ne se préoccupent spontanément de l'aménagement du territoire.

Or c'est précisément sur ce point que l'Etat est attendu. Le transport aérien n'est nullement une activité marchande comme une autre.

Qu'Air France consolide son implantation européenne, nous le voulons tous, mais dans quelle Europe et avec quels objectifs ? Là est la question, car la desserte de notre territoire n'est pas satisfaisante, et il est du ressort de la puissance publique française de l'améliorer.

Plusieurs d'entre nous se préoccupent des dessertes régionales. Ils savent que les conditions ne sont pas les mêmes selon que l'on habite à Toulouse ou à Limoges. Qu'entendez-vous faire, monsieur le ministre, en vue d'une harmonisation des dessertes et pour que les prix ne soient pas à ce point différents que l'avion ne soit accessible qu'aux plus aisés de nos concitoyens sur les lignes peu rentables ?

Le FIATA, le Fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien, est un instrument qui contribue à l'équilibre financier des dessertes aériennes mises en place dans l'intérêt de l'aménagement du territoire. Or les lignes transitant par un hub ne semblent pas éligibles à ce fonds. Ne faut-il pas réfléchir à son fonctionnement et aux critères d'éligibilité retenus ? Que comptez-vous faire à ce sujet, monsieur le ministre, et pour contrer la tendance à la remise en question des lignes les moins rentables, qui résulte des pratiques de certaines compagnies aériennes ?

Il conviendrait que la notion d'intérêt général progresse à l'échelon de l'Union européenne : elle intéresse, notamment, la desserte des territoires d'outre-mer. Vous proposez de ne plus confier cette mission à Air France ; quelle autre compagnie l'assumera ?

Il en va de même pour la politique aéroportuaire : vous souhaitez qu'Aéroports de Paris soit mis sur le marché, mais vous ne devez pas oublier la nécessité de définir une politique aéroportuaire équilibrée. L'importance du transport aérien pour notre économie impose que l'Etat se penche très rapidement sur cette question.

L'aéroport de Roissy n'est pas encore saturé, mais le développement du hub d'Air France a conduit à la multiplication du nombre de passagers en transit. Il faudra bien que le Gouvernement prenne ses responsabilités et développe une véritable politique aéroportuaire globale, qui tienne compte non seulement de la situation de l'aéroport de Roissy, mais aussi du potentiel de plates-formes régionales parfois complémentaires. Ces dernières sont des outils d'aménagement du territoire qui doivent être valorisés et peuvent être le lieu de développement de hubs régionaux. De même, elles pourraient être le point de départ ou d'arrivée de liaisons ne passant pas par les aéroports parisiens.

Il faut s'appuyer sur un nouvel aéroport à vocation internationale et sur les plates-formes régionales.

Par ailleurs, le TGV ne doit pas être négligé. Puisque l'alternative est, de plus en plus souvent, le TGV ou Air France, il faudra bien en tirer des conclusions s'agissant des orientations publiques. Souhaitez-vous vous conformer, monsieur le ministre, aux préconisations du schéma de services collectifs des transports ?

Vous nous dites vouloir préparer la consolidation du transport aérien européen. Or qu'est-ce donc que votre projet, si ce n'est un plan de restructuration ? Qu'est-ce donc, si ce n'est l'abandon de la desserte des territoires d'outre-mer ?

Dès lors que des accords bilatéraux internationaux sont contestés devant la juridiction communautaire au profit de l'Union européenne, la privatisation n'est assurément pas la solution pour garantir, à terme, des droits de trafic à Air France et pour maintenir sa nationalité française.

A cela s'ajoute le traumatisme d'Air Lib, qui marque l'échec non seulement des négociations, mais aussi de la gestion gouvernementale, dont le moins que l'on puisse dire, c'est qu'elle n'a pas mis en exergue une volonté farouche de sauver la compagnie. On a multiplié les signaux négatifs, les ultimatums, les déclarations agressives et les dates butoirs, et précipité les salariés dans le doute, si ce n'est dans le désespoir, alors qu'ils se sont totalement impliqués, depuis plusieurs années, pour faire vivre leur entreprise. Ils continuent d'ailleurs de lutter dans la rue.

Quelle offre faites-vous à ces personnels méritants ? Rejoindre Air France, pour une partie d'entre eux, même si l'on sait que l'on sera loin du compte ? Mais alors, on ne comprend plus comment vous pouvez en même temps vouloir privatiser Air France, sous prétexte de laisser l'entreprise maîtresse de sa stratégie, et maintenir une pression de l'Etat pour « sauver la face ».

En tout état de cause, la menace du chômage plane au-dessus non seulement des 3 500 salariés d'Air Lib, mais aussi de nombre des 18 000 emplois indirects.

En cette période de forte hausse du chômage - 30 000 demandeurs d'emploi supplémentaires ont été dénombrés pour les mois de novembre et décembre 2002 - et dans un contexte marqué par une série de plans de licenciements et de dépôts de bilan - Metaleurop, Daewoo, Péchiney, Arcelor, Danone, GIAT-Industries, etc. - quelle politique active de l'emploi ce gouvernement conduit-il ? La présence ostensible du Premier ministre lors de l'assemblée générale du MEDEF et la réduction du montant de l'impôt de solidarité sur la fortune ne sont pas des signes encourageants pour les salariés, loin de là ! même si le Gouvernement dénonce les « patrons voyous ». Où en est la mise en oeuvre du droit personnel à la reconversion annoncé par le M. le Premier ministre dans un élan interventionniste ? L'emploi ne doit pas être une variable d'ajustement dans une situation économique détériorée. Les salariés d'Air Lib, comme les salariés de Metaleurop ou de Daewoo, veulent des actes, et pas seulement de la compassion.

Au lieu de vous empresser de redistribuer les créneaux aériens libérés, assurez la poursuite d'Air Lib et le maintien des emplois.

Quant au contexte déprimé des marchés et aux bruits de bottes que font entendre les Etats-Unis au sujet de l'Irak, ils renforcent la forte impression d'un Gouvernement « droit dans ses bottes », engagé sur une voie toute tracée, une voie libérale qu'une communication habile, mais zigzagante aujourd'hui, peine à masquer.

Ce contexte, produit par les velléités guerrières du Président des Etats-Unis, est le plus mauvais que l'on puisse envisager pour le secteur du transport aérien.

M. François Marc. C'est vrai !

M. Jean-Marc Pastor. Que l'on se souvienne des effets catastrophiques et durables de la guerre du golfe ! Air France était en phase de restructuration et le plan qui lui a permis, à l'époque, de retrouver une attitude commerciale offensive n'en a été que plus difficile à mettre en oeuvre.

Pourquoi donc entamer une procédure de privatisation dans une période de fortes turbulences, si ce n'est par idéologie, au moment où le cours de l'action est au plus bas ? On a tout entendu. Voilà une semaine, vous avez annoncé, monsieur le ministre, que pratiquement 40 % d'actions seraient émises sur le marché. Ce matin, la presse faisait état de 5 %. Vous nous avez parlé de 30 %. Tout cela constitue une forme de cacophonie, qui nous interpelle.

C'est pourquoi, face à des questions qui sont restées sans réponse, le groupe socialiste, qui s'oppose clairement à ce texte, propose de le renvoyer à la commission. La motion tendant à opposer la question préalable, présentée par nos collègues du groupe communiste républicain et citoyen, a bien sûr été repoussée. Aussi, il nous a paru nécessaire, une fois encore, de vous tendre la main (M. le ministre sourit), afin de voir si notre assemblée aurait la sagesse de se donner le temps nécessaire pour entendre l'ensemble des syndicats d'Air France et d'Air Lib. La Commission européenne...

M. Gilles de Robien, ministre. Des droits de l'homme !

M. Jean-Marc Pastor ... des transports, par exemple, pourrait, elle aussi, être entendue. En effet, nous ne voyons pas l'intérêt de se lancer dans un processus qui mettra Air France, en dépit de ses bons résultats, à la merci d'une concurrence qui, hélas ! a broyé nombre de compagnies aériennes, notamment américaines.

Tout à l'heure, notre excellent rapporteur faisait référence à la courtoisie démocratique, selon laquelle chacun peut s'exprimer. Je le remercie de ses propos auxquels j'adhère pleinement.

Monsieur le ministre, les imprécisions concernant le pourcentage du capital mis sur le marché, la valeur de l'action et la période où sera menée l'opération ainsi que le contexte national et international, notamment géopolitique, à quarante-huit heures d'un grand débat sur la sécurité aérienne sont autant de raisons pour que nous nous opposions aujourd'hui à ce texte et que nous proposions un temps de réflexion afin que cette question soit examinée plus sereinement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Après avoir écouté avec une grande attention et beaucoup d'intérêt M. Pastor, je suis perplexe. Je cherche encore dans ses propos les raisons qui militent pour un renvoi à la commission. Aussi, je ferai simplement trois observations.

La première : aménagement du territoire, devenir d'Aéroports de Paris et des plates-formes aéroportuaires, évolution du FIATA et raisons pour lesquelles il a été créé, autant de sujets intéressants, mais que l'on a plutôt l'habitude de débattre lors de l'examen du projet de loi de finances. Nous pourrons donc les évoquer à ce moment-là ou lors d'un débat sur les transports et l'intermodalité. En tout cas, ces sujets ne justifient pas un renvoi à la commission.

Ma deuxième observation concerne le fond. Elle me permettra, madame Luc, de préciser les raisons pour lesquelles je ne suis pas intervenu longuement pour répondre à l'excellente intervention de Mme Beaufils. Je comprends parfaitement votre logique. Celle-ci n'est pas la nôtre, en tout cas, à l'évidence, pas la mienne.

Mme Hélène Luc. C'est clair !

M. Robert Bret. On l'a bien compris !

Mme Hélène Luc. On peut tout de même se donner la peine de fournir des arguments !

M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Si je n'ai pas répondu, et je vous prie de m'en excuser, c'est parce que l'on était déjà intervenu longuement sur le fond. J'aurais dû remercier Serge Vinçon de la qualité de son intervention. (Ah ! sur les travées du groupe CRC.)

M. Robert Bret. Cela a permis à l'UMP d'intervenir !

M. Jean-François Le Grand, rapporteur. L'intervention de M. Vinçon était complète, ce qui m'avait dispensé de la moindre observation. (M. Daniel Soulage applaudit.) J'adhère totalement à ses propos, en ce qui concerne tant le fond que la forme.

Mme Hélène Luc. Ils ne sont pas nombreux vos amis comme cela !

M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Sur le fond, nous avions donc débattu.

J'en viens à ma troisième observation. Ne voyez aucune malice dans mes propos, monsieur Pastor, mais lorsque le projet de loi a été examiné en commission, vous avez souhaité - je ne dévoile aucun secret puisque le Bulletin des commissions en fait foi - ne pas intervenir car vous étiez opposé à ce texte sur le fond. Vous ne vouliez pas débattre des articles.

M. Claude Estier. A quoi cela aurait-il servi ?

M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Là encore, je comprends fort bien votre position. Puisque vous n'avez pas alors voulu débattre du texte, pourquoi demander aujourd'hui son renvoi à la commission ?

Aussi, la commission émet un avis défavorable sur cette motion. (Applaudissements sur les travées de l'UMP).

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Gilles de Robien, ministre. Je souhaite compléter les excellents propos de M. le rapporteur en réponse à M. Pastor.

Sur une intervention de quatorze minutes et demie, quatre minutes et demie ont été consacrées à Air France et dix minutes au reste, tout le reste.

M. Claude Estier. Tout est lié !

M. Gilles de Robien, ministre. Aussi, s'agissant d'un renvoi à la commission, il faudrait savoir d'abord à quelle commission il est destiné. La commission des affaires étrangères à propos de l'Irak ? La commission des finances au sujet des finances ?

M. Jean-Marc Pastor. On peut vous aider !

M. Gilles de Robien, ministre. Oui, éclairez-moi, monsieur Pastor ! En effet, tout à l'heure, vous faisiez déjà les questions et les réponses. Vous m'avez prêté des propos aux termes desquels Air France ne desservirait plus les départements d'outre-mer. Pouvez-vous retrouver, dans le compte rendu des débats, une telle phrase de ma part ?

M. Jean-Marc Pastor. Le Président de la République !

M. Gilles de Robien, ministre. Lui, c'est lui, moi, c'est moi ! En tout cas, il n'a certainement pas parlé de la desserte des départements d'outre-mer en ces termes. Donc, il n'a pas mis en cause Air France dans cette desserte. (Mme Hélène Luc s'exclame.)

M. Robert Bret. Tout est déjà organisé !

M. Gilles de Robien, ministre. Monsieur Pastor, je vous en prie, notre débat doit être courtois - il l'est - mais aussi loyal. Je vous demande de ne pas faire les questions et les réponses, et de ne pas me prêter des propos que je n'ai jamais tenus.

M. Louis de Broissia. Très bien !

M. Gilles de Robien, ministre. Je vais maintenant vous répondre sur les quatre minutes et demie que vous avez consacrées à Air France. Vous avez de nouveau utilisé l'argument de la sécurité. Comme je l'ai dit tout à l'heure à Mme Terrade, ce n'est pas correct. En effet, vous savez très bien, si vous connaissez le domaine aérien, que ce n'est pas le statut d'Air France qui fera plus ou moins de sécurité. Vous savez très bien que les professionnels du transport aérien font de la sécurité leur priorité absolue. J'ai reçu leurs messages avant chaque conseil des ministres européens des transports et je me suis attaché à relayer cette préoccupation sur les transports à chaque fois. Comme je l'ai déjà dit, le contrôle des Etats est très fort et permanent en matière de sécurité. En l'occurrence, le statut des compagnies aériennes ne joue aucun rôle, sinon cela signifierait que d'autres compagnies aujourd'hui privées sont dénuées de sécurité. Monsieur Pastor, quel que soit le lieu où vous vous trouvez, voyagez-vous exclusivement avec Air France,...

M. Claude Estier. De préférence !

M. Gilles de Robien, ministre, ... afin de ne pas prendre des risques considérables ? Je vous en prie, pour vous-même et pour nous qui profitons de votre présence, ne dites pas qu'il faut voyager avec les compagnies nationalisées car ce sont les seules compagnies dans lesquelles la sécurité est assurée. Franchement, ce n'est pas sérieux !

M. Jean Chérioux. Ce n'est, en effet, pas un bon argument !

M. Gilles de Robien, ministre. Pendant deux minutes, vous avez développé l'argument de l'aménagement du territoire. Vous connaissez bien le dispositif. D'une part, il y a l'appel d'offres, avec les subventions possibles du FIATA. D'autre part, il y a l'aide aux passagers. Si le FIATA est un excellent outil, il peut être optimisé et il faut sans doute le conforter. Nous sommes prêts à en discuter. Le statut du capital d'Air France n'a rien à voir avec le mécanisme des aides publiques aux lignes aériennes qui sont structurellement déficitaires. Aujourd'hui, ce sont plutôt des entreprises aériennes privées qui opèrent sur ces lignes dites « lignes d'aménagement du territoire ». Si vous le savez, votre argument tombe.

Enfin, s'agissant des DOM puisque vous en avez parlé, sachez que la desserte des départements d'outre-mer représente 20 % du chiffre d'affaires long courrier d'Air France. La compagnie Air France a donc vocation, il faut l'affirmer, à être sur tous les marchés importants au départ de la métropole. Pourquoi Air France se désengagerait-elle de la desserte des DOM, qui est indispensable, d'autant que ces lignes sont viables pour Air France ? Par conséquent, nous avons à la fois l'aménagement du territoire, la desserte des DOM et la viabilité, si je puis dire, la compétitivité. N'ayez donc aucune crainte en ce qui concerne la desserte des départements d'outre-mer.

Je ne vois donc pas quel argument valable justifie votre demande de renvoi à la commission. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)

M. Jean-Marc Pastor. Le Président de la République s'est exprimé !

M. le président. Je mets aux voix la motion n° 3, tendant au renvoi à la commission.

(La motion n'est pas adoptée.)

M. le président. En conséquence, nous passons à la discussion des articles.

Demande de renvoi à la commission
Dossier législatif : projet de loi  relatif aux entreprises de transport aérien et notamment à la société Air France
Art. 1er

Article additionnel avant l'article 1er

M. le président. L'amendement n° 4, présenté par MM. Pastor, Marc et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Avant l'article 1er, ajouter un nouvel article ainsi rédigé :

« Dans la liste annexée à l'article 2 de la loi n° 93-923 du 19 juillet 1993 de privatisation, la référence "société Air France" est supprimée. »

La parole est à M. François Marc.

M. François Marc. En 1993, le gouvernement de M. Balladur a décidé de recapitaliser Air France. C'était une très bonne décision, qu'aurait sans doute prise tout gouvernement, compte tenu de la crise qui a suivi la guerre d'Irak. En revanche, il a pris une autre décision qui ne me semble pas bonne : il a inscrit Air France sur la liste des entreprises privatisables. Le présent amendement a pour objet de retirer Air France de cette liste constituée en 1993 et donc de déclarer qu'Air France n'est plus une entreprise à privatiser.

Air France est une activité stratégique, avez-vous dit monsieur le ministre. Or j'ai cité tout à l'heure les propos de M. le Premier ministre, lors de sa déclaration de politique générale, affirmant que toutes les entreprises avaient naturellement vocation à rejoindre le secteur privé, sauf celles qui présentent un intérêt stratégique. Monsieur le ministre, de deux choses l'une : ou bien M. le Premier ministre dit vrai quand il affirme que tout ce qui est stratégique doit rester dans le secteur public, ou bien il dit faux et ce sont alors vos propres arguments qu'il faut prendre en considération. En tout cas, la contradiction est flagrante. Je serais heureux que vous puissiez expliquer pour quelle raison, à six mois d'intervalle, le ministre des transports contredit de manière aussi flagrante M. le Premier ministre.

S'agissant des motifs pour lesquels nous présentons cet amendement, ils ont déjà été indiqués, pour l'essentiel, dans nos interventions précédentes. J'ajouterai simplement que, aujourd'hui, incontestablement, tous les éléments qui ont été débattus ici prouvent d'une façon très claire qu'il faut préserver cet outil d'action publique en France.

Privatiser Air France, ce serait en effet priver la collectivité d'un outil qui a contribué largement au succès de la construction aéronautique française. Certes, Airbus doit surtout ses succès à ses propres performances, mais il les doit aussi à la volonté de l'Etat de développer un pôle aéronautique puissant, en s'appuyant sur une compagnie nationale forte.

Privatiser Air France, c'est se priver des synergies que l'Etat peut susciter dans un secteur comme l'aéronautique, synergies créatrices d'emplois et de richesses.

Privatiser Air France, c'est la rendre plus vulnérable aux aléas économiques et géopolitiques. Que serait devenue Air France si elle avait pris d'importantes participations dans les compagnies américaines, qui sont placées aujourd'hui sous la protection de la législation américaine sur les faillites ? Air France aurait-elle dû dégager des fonds pour renflouer ces sociétés américaines ?

Vous avancez plusieurs motifs pour justifier l'injustifiable. D'abord, il s'agirait de nouer des alliances et des partenariats capitalistiques. Or, comme chacun sait et ainsi que nous l'avons déjà dit, le transport aérien est structuré avant tout par des alliances commerciales. Il l'est aussi par des infrastructures aéroportuaires. Or celles-ci, comme la troisième piste de Roissy, ont été et sont toujours financées par la collectivité nationale, qui a intérêt à assurer la compétitivité de sa compagnie aérienne nationale, mais aussi la desserte de son territoire. Aujourd'hui, vous voulez confier ces objectifs aux intérêts privés : nous ne pouvons l'accepter.

Vous avancez un autre argument : il s'agirait de consolider le transport aérien européen. Or, consolider, cela signifie restructurer, c'est-à-dire supprimer des emplois pour que, à terme, selon les bonnes lois capitalistiques, la raison du plus fort, il ne reste plus que trois grandes entreprises européennes : Air France, Bristish Airways et Lufthansa.

Vous voulez privatiser parce que c'est un dogme auquel vous êtes viscéralement attachés. Peu importe la conjoncture, vous raisonnez hors du temps et de la réalité. Vous voulez privatiser, mais, malheureusement pour vous, vous avez de plus en plus de difficultés à justifier votre position. Et toutes les questions qui se posent aujourd'hui dans le pays - et qui étaient encore ce matin évoquées par certains journaux - montrent les incertitudes qui pèsent sur le montage financier annoncé. Aux yeux de certains, si l'on en juge notamment par l'article du Figaro, ce montage paraît incompréhensible ou, en tout cas, inapplicable.

Dans ces conditions, nous considérons, monsieur le ministre, qu'Air France ne doit pas être privatisée. La logique inscrite en 1993 doit être effacée. C'est pourquoi nous proposons cet article additionnel, qui vise à supprimer Air France de la liste des sociétés privatisables. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Je ne reprendrai pas l'ensemble des arguments, car cela m'amènerait à des redites pour chaque amendement ou prise de parole. (M. François Marc s'exclame.)

M. Claude Estier. On peut tout de suite terminer le débat !

M. Jean-François Le Grand, rapporteur. N'ayons plus de débats d'un autre âge. Aujourd'hui, il ne s'agit pas d'un débat entre privatisation et nationalisation. Ce n'est pas non plus un débat entre l'école libre et l'école publique. Ces thèmes ont fait l'objet, ici même, de joutes oratoires sans doute sympathiques mais qui, avec le temps, s'avèrent inutiles.

Actuellement nous évoluons vers une situation dans laquelle il n'y aura plus que quelques grandes compagnies. M. le ministre l'a rappelé tout à l'heure, et je ne vais pas répéter ses excellents propos. En outre, j'ai l'impression d'enfoncer des portes ouvertes en disant que les compagnies qui continueront d'exister seront de grandes compagnies au niveau international. Elles ne pourront résister et subsister que si elles s'appuient sur deux points que j'ai déjà évoqués,...

Mme Hélène Luc. On l'avait compris !

M. Jean-François Le Grand, rapporteur. ... à savoir, d'une part, la stratégie et le management et, d'autre part, la capacité financière à réagir. Tout est là ! Où trouvera-t-on le capital sinon chez les capitalistes, dans un certain nombre d'entreprises et grâce à des alliances qui ne seront pas seulement commerciales ? Ne mélangeons pas les genres. Les alliances commerciales sont excellentes, mais elles sont insuffisantes. C'est la raison pour laquelle il faut aller plus loin. Voilà ce que je voulais dire sur le fond.

Ma seconde remarque sera empreinte d'un peu de malice. Vous voulez supprimer Air France de la liste des entreprises privatisables. Celle-ci résultait de la loi de 1993. Pendant cinq ans, vous avez eu le loisir de revenir sur cette loi. Vous auriez donc pu supprimer Air France de cette liste et même - pourquoi pas ? - toutes les sociétés qui y figurent.

M. Louis de Broissia. Voilà !

Mme Hélène Luc. Faites aussi bien que nous, monsieur Le Grand, et laissez Air France comme elle est !

M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Vous pouvez effectivement formuler avec insistance une telle demande à travers un amendement : cela fait partie des prérogatives parlementaires. Mais pourquoi le demander maintenant ? Je reconnais que je vous dis cela avec un peu de malice et pour vous provoquer.

M. François Marc. On est passé à 54 %.

M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Vous voulez prendre en compte tout ce qui est autour de l'aérien. Comme M. le ministre l'a excellemment dit - et c'est pourquoi je regrette de devoir le répéter - le texte que nous examinons traite de l'organisation financière d'Air France, non pas de tout ce qui est situé à la périphérie de l'aéronautique. Je veux bien que l'on mélange tout et que l'on songe notamment à EADS...

M. François Marc. Mais l'heure est grave !

M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Bien sûr ! Nous discutons d'un texte qui ne sera pas applicable demain matin à l'aube.

Mme Marie-Claude Beaudeau. Donc, on peut renvoyer le texte à la commission !

M. Jean-François Le Grand, rapporteur. M. le ministre s'est parfaitement exprimé sur ce point. Le Gouvernement souhaite, a-t-il dit, avoir la possibilité d'agir au moment opportun, afin de ne pas être pris au dépourvu. C'est en effet ce qui pourrait nous arriver de pire en politique.

Aussi, la commission émet un avis défavorable. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Gilles de Robien, ministre. Monsieur Marc, nous sommes l'un et l'autre bretons et donc têtus. Vous vous entêtez, semble-t-il, dans une économie administrée. Celle-ci a laissé de mauvais souvenirs à nos concitoyens et aux contribuables. France Télécom et le Crédit Lyonnais ont dû être renfloués précisément parce que l'économie était administrée. Regardez ce que cela a coûté aux contribuables !

Un sénateur de l'UMP. Absolument !

M. Gilles de Robien, ministre. Bretons ou non, nous nous entêtons, au contraire, vers une économie libéralisée. L'économie de marché, cela ne veut pas dire le libéralisme sauvage. Nous savons où se trouvent les équilibres sur des lignes et des activités. Mais là où existent des nécessités d'aménagement du territoire, nous savons aussi subventionner, je l'ai dit tout à l'heure.

Puisque vous vous entêtez dans cette idée d'économie administrée, je vous rappelle que M. Jospin a autorisé la privatisation d'Aérospatiale, entreprise hautement stratégique. Vous voyez que les exemples que vous prenez peuvent, dans certains cas, se retourner contre vous.

En fait, si on veut vraiment qu'Air France se modernise, achète du matériel de plus en plus performant, ait des capacités de plus en plus optimales, fasse des économies de carburant et détienne une technologie d'avant-garde afin d'améliorer la sécurité, les conditions de confort, mais aussi conquérir des places sur le marché, il faut des capitaux. Or ce n'est pas l'Etat qui va injecter ces capitaux, ce temps-là est révolu - il n'y a qu'à voir ce que cela a donné -, c'est plutôt le marché.

L'argument du renouvellement de la flotte est un argument fort, comme l'est celui des alliances commerciales qu'à excellemment exposé M. le rapporteur. Il faut le dire, aujourd'hui les entreprises à forte prédominance étatique - Air France en est le seul exemple dans le domaine aérien - font peur aux entreprises qui pourraient s'allier avec elles. Il faut en tirer les conséquences.

Le Gouvernement émet, par conséquent, un avis défavorable sur l'amendement n° 4.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Avant l'article 1er
Dossier législatif : projet de loi  relatif aux entreprises de transport aérien et notamment à la société Air France
Art. 2

Article 1er

M. le président. « Art. 1er. - Le titre III du livre III du code de l'aviation civile (partie Législative) est modifié comme suit :

« 1° Les articles L. 330-1 à L. 330-9 constituent un chapitre 1er intitulé : "Dispositions générales" ;

« 2° Il est ajouté à ce chapitre Ier un article L. 330-10 ainsi rédigé :

« Art. L. 330-10. - Les conditions d'application des articles L. 330-3, L. 330-4 et L. 330-6 sont déterminées par décret en Conseil d'Etat. »

« 3° Il est créé un chapitre II ainsi rédigé :

« Chapitre II

« Dispositions applicables aux entreprises de transport aérien dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé

« Art. L. 330-11. - Les titres émis par les sociétés qui sont l'objet du présent chapitre prennent les formes prévues aux articles L. 228-1 et suivants du code de commerce, sous réserve des dispositions suivantes.

« Les statuts d'une société titulaire d'une licence d'exploitation de transporteur aérien délivrée en application de l'article L. 330-1 et dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé déterminent les conditions dans lesquelles la société impose la mise sous forme nominative des titres composant son capital. Cette obligation peut ne s'appliquer qu'aux actionnaires détenant une certaine fraction du capital ou des droits de vote. Les statuts prévoient une procédure d'identification des détenteurs de titres. Ils précisent les informations qui doivent être communiquées à la société par les détenteurs de titres sous forme nominative, afin de permettre à cette dernière de s'assurer du respect des règles et stipulations fixées par les règlements communautaires, les accords internationaux ou le présent chapitre, et notamment de celles relatives à la composition et à la répartition de son actionnariat ou à son contrôle effectif, au sens desdites règles et stipulations.

« Ces statuts peuvent prévoir que tout actionnaire soumis à l'obligation de mise sous forme nominative de ses titres qui n'a pas son domicile, au sens de l'article 102 du code civil, ou son siège, sur le territoire français doit, pour l'application du présent chapitre, faire élection de domicile auprès d'un intermédiaire financier habilité teneur de compte domicilié en France et en informer la société.

« Ils peuvent également prévoir, lorsqu'une personne n'a pas transmis les informations mentionnées aux deux précédents alinéas, ou a transmis des renseignements incomplets ou erronés malgré une demande de régularisation adressée par la société, que les titres donnant accès immédiatement ou à terme au capital, et pour lesquels cette personne a été inscrite en compte, sont privés du droit de vote pour toute assemblée d'actionnaires qui se tiendrait jusqu'à la date de régularisation, et que le paiement du dividende correspondant est différé jusqu'à cette date.

« Par dérogation au premier alinéa de l'article L. 228-23 du code de commerce, les statuts peuvent prévoir les conditions dans lesquelles les cessions d'actions, y compris entre actionnaires, sont soumises à agrément de la société.

« Art. L. 330-12. - Dans le cas où la société de transport aérien constate que la licence d'exploitation de transporteur aérien ou les droits de trafic accordés en vertu d'accords internationaux dont elle bénéficie risquent d'être remis en cause, en raison, soit d'une évolution de son actionnariat, appréciée au regard de seuils de détention du capital ou des droits de vote fixés par un décret en Conseil d'Etat, soit, par suite d'une telle évolution, d'un changement dans son contrôle effectif, au sens du règlement (CEE) n° 2407/92 du 23 juillet 1992 concernant les licences de transporteurs aériens, annexé au présent code, elle peut, après avoir procédé à l'information des actionnaires et du public, enjoindre à certains des actionnaires de céder tout ou partie de leurs titres. Sont, par priorité, l'objet de cette injonction, les actionnaires autres que ceux ressortissants des Etats membres de la Communauté européenne ou des Etats parties à l'accord sur l'Espace économique européen ou à tout autre accord ayant la même portée en matière de transport aérien. Les titres faisant l'objet de l'injonction sont déterminés dans l'ordre de leur inscription sous forme nominative, en commençant par les derniers inscrits. A compter de cette injonction, les titres en cause sont privés du droit de vote jusqu'à la date de leur cession.

« Art. L. 330-13. - Dans le cas où un actionnaire n'a pas cédé ses titres dans un délai de deux mois à compter de l'injonction faite par la société en application de l'article L. 330-12, la société peut saisir le président du tribunal de grande instance de Paris qui, statuant par ordonnance en référé et sans recours possible, désigne un organisme mentionné à l'article L. 531-1 du code monétaire et financier chargé de faire procéder à leur cession dans les conditions prévues à l'article L. 330-14. Les titres en possession du détenteur en infraction ne peuvent plus être cédés que dans ces conditions.

« A défaut d'une telle saisine par la société, le titulaire des titres en cause recouvre la libre disposition de ces derniers et les droits de vote qui y sont attachés.

« Art. L. 330-14. - Si l'organisme mentionné à l'article L. 330-13 constate que la liquidité du titre est suffisante au regard des conditions définies par le décret en Conseil d'Etat mentionné à l'article L. 330-12, les titres sont vendus sur les marchés où ils sont cotés. La vente peut être échelonnée sur plusieurs séances de bourse dans un délai n'excédant pas deux mois à compter de la date de désignation de l'organisme, s'il apparaît que la vente en une seule fois peut influencer le cours de façon significative. Si, à l'expiration de ce délai, l'intégralité des titres n'a pu être cédée, les titres non cédés sont proposés à la société qui peut les acquérir à un prix égal à la moyenne, pondérée par les volumes, des cours de bourse des jours de cotation compris dans ce délai, constatée par l'organisme.

« Dans le cas où la liquidité du titre ne permet pas qu'il soit procédé à la vente selon les modalités prévues à l'alinéa précédent, les titres sont proposés à la société qui peut les acquérir. Le prix est déterminé par l'organisme selon les méthodes objectives pratiquées en cas de cession d'actifs, en tenant compte notamment, selon une pondération appropriée, de la valeur boursière des titres, de la valeur des actifs, des bénéfices réalisés, de l'existence de filiales et des perspectives d'avenir.

« A défaut d'acquisition par la société des titres en cause dans un délai fixé par le décret en Conseil d'Etat mentionné à l'article L. 330-12, leurs titulaires recouvrent la libre disposition de ceux-ci et les droits de vote qui y sont attachés.

« Dans tous les cas, le produit de la vente des titres, net de frais, est versé sans délai à l'actionnaire concerné.

« Les dispositions du présent article s'appliquent nonobstant les dispositions des articles L. 225-206 à L. 225-217 du code de commerce. Les actions que la société possède au-delà du seuil de 10 % prévu par l'article L. 225-210 du même code doivent être cédées dans le délai d'un an à compter de leur acquisition. »

La parole est à Mme Hélène Luc, sur l'article.

Mme Hélène Luc. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, plus que jamais, le transport aérien répond de nos jours au besoin impérieux des hommes, des femmes et des jeunes de notre planète de se connaître et de visiter les différents pays. Il constitue par conséquent un véritable relais de communication entre les hommes.

Concorde et l'aérospatiale sont allés plus loin encore et je souhaite m'incliner devant les dernières victimes de l'aventure aérospatiale, les astronautes de la navette Columbia, partis triomphants et qu'on ne reverra plus. Mais l'aventure continuera.

Nous avons tous admiré Nungesser, Mermoz, Saint-Exupéry et bien d'autres.

Aujourd'hui, nous sommes fiers de notre compagnie nationale Air France, la meilleure du monde dans plusieurs domaines.

La compagnie a transporté 43,3 millions de passagers de 2001 à mars 2002 ; ses résultats financiers la placent au troisième rang mondial, derrière Singapour Airlines et la compagnie australienne Qantas. En Europe, elle est le numéro un des grands transporteurs aériens.

Air France a mieux résisté que ses concurrents à la crise du 11 septembre et, au lieu de licencier comme d'autres compagnies l'ont fait, guidée par l'intérêt à long terme, elle a accéléré la formation des hommes.

Son bénéfice net d'exploitation est de 153 millions d'euros. Cette année encore, elle enregistrera des bénéfices. Son chiffre d'affaires a progressé de 2 %, atteignant 12,528 milliards d'euros.

De son côté, British Airways a plongé dans le rouge, tandis que Lufthansa réalisait un bénéfice tout juste positif.

Monsieur le ministre, non seulement la privatisation d'Air France n'est pas incontournable, mais elle portera un coup aux capacités de développement et d'alliance de l'entreprise. Vous voulez ainsi démolir le fleuron de l'aviation civile que représente Air France dans notre pays, dans le monde, en Europe, cette compagnie que l'on nous envie à l'étranger !

Vous voulez privatiser notre compagnie aérienne et la soumettre aux lois implacables du marché libéral alors qu'il est vital pour un pays - particulièrement en temps de guerre - qu'une compagnie aérienne remplisse une mission de service public.

Mes amis Odette Terrade, Marie-France Beaufils et Jean-Marc Pastor ont indiqué les raisons de fond qui justifient notre opposition résolue, ainsi que celle de tous les syndicats d'Air France et d'Air Lib, à la privatisation d'Air France, car c'est tout le problème du transport aérien français qui est posé en cette occasion.

Dans un journal du soir n'a-t-on pas lu qu'avec la disparition d'Air Lib la privatisation d'Air France se présentait dans les plus mauvaises conditions ? Un syndicaliste a ajouté : « On vend les bijoux de famille ». C'est vrai, mais il y a beaucoup plus grave : vous allez livrer à la dictature des marchés financiers une entreprise qui réussit et, ce faisant, vous allez la fragiliser.

Sa gestion publique et non étatique tient compte de la compétition internationale, mais le fait que cette gestion ne soit pas fondée sur une recherche immédiate de la rentabilité est un atout. Telle est la condition du développement de notre compagnie aérienne.

L'exemple de Swissair et d'autres compagnies qui gèrent au court terme est là pour démontrer comment on ferme, comment on licencie.

Quand M. Seillière et le groupe Wendel ont abandonné Air Liberté et Air Littoral ils ont montré qu'ils agissaient au nom d'intérêts privés particuliers et que peu leur importait que des milliers de salariés se retrouvent au chômage.

La privatisation d'Air France va se traduire par la redéfinition de ses fréquences, de ses logiques et par la recherche du plus rentable.

Monsieur le ministre, que deviendront les compagnies régionales comme la compagnie Corse Méditerranée ?

C'est une politique à courte vue : on fait rentrer de l'argent frais, mais cela ne peut pas durer. D'ailleurs, monsieur le ministre, depuis que le Gouvernement a décidé la privatisation d'Air France, le cours de l'action est en baisse. (M. le ministre sourit.) Vous ne pouvez pas dire le contraire !

Il est possible de démontrer l'efficacité économique et sociale d'une compagnie publique. Depuis 1997, la réalité a donné raison à la politique qui a été menée pendant cette période. C'est le bon sens même : pourquoi casser quelque chose qui marche ?

La privatisation d'Air France prend aujourd'hui une importance encore plus grande avec les difficultés, voire la liquidation d'Air Lib.

Le ciel français va être entièrement livré à la concurrence, à la déréglementation, à la libéralisation, comme aux Etats-Unis, avec les conséquences que nous connaissons, les cimetières d'avions notamment.

S'agissant de la guerre contre l'Irak que veut déclencher le président George Bush, la France donnera, pour peu qu'elle tienne jusqu'au bout, un exemple bénéfique pour l'avenir. La France, traitée de vieille Europe par les Américains, démontre qu'elle est capable de jouer un grand rôle pour empêcher la guerre ; en l'occurrence, elle joue un rôle original et elle a raison.

Air France est aussi une originalité de la France. Nous devons démontrer que ce service public créé à la Libération par le peuple français et le général de Gaulle tient bon, se développera, s'adaptera, en tout cas qu'il est capable de le faire au moment même où la Grande-Bretagne s'interroge sur la renationalisation de ses chemins de fer.

Chers collègues de la majorité, vous auriez dû voter notre motion tendant à opposer la question préalable ; vous auriez ainsi bien travaillé pour le développement d'Air France.

Ce qu'il faut avant tout, monsieur le ministre, c'est un vrai débat engagé au Parlement sur les possibilités de créer un véritable pôle public de transport aérien. Vous ne l'avez pas fait, ce qui montre le mépris dans lequel vous tenez les parlementaires, mépris que vous avez manifesté tout à l'heure en ne répondant pas à mon interpellation sur Air Lib,...

M. Yves Fréville, rapporteur pour avis. Ce n'était pas une interpellation, c'était un rappel au règlement.

Mme Hélène Luc. ... alors qu'il est de tradition dans notre assemblée que les ministres présents répondent aux interpellations. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

Aujourd'hui, vous brusquez la privatisation avec une quinzaine de sénateurs de votre majorité. (Protestations sur les mêmes travées.) Et l'UMP n'est même pas intervenue dans le débat ! Il est vrai, mes chers collègues, que vous n'êtes là que pour voter et que vous n'avez rien à faire du débat de fond sur le transport aérien ! (Vives protestations sur les travées de l'UMP.)

Si ce que je dis ne vous plaît pas, peu importe, c'est la vérité ! Regardez vos travées !

M. Bernard Plasait. regardez les vôtres !

M. Robert Bret. Nous, nous ne sommes pas muets !

M. le président. Madame Luc, veuillez conclure, maintenant !

Mme Hélène Luc. Il est scandaleux qu'un projet de cette importance soit discuté sans qu'aucun membre de l'UMP, nouvellement créée au Sénat, ne participe à la discussion.

MM. Hilaire Flandre et Bernard Plasait. Comment cela ? (M. Serge Vinçon se lève et s'incline en souriant.)

Mme Hélène Luc. Oui, vous ne pouviez pas faire autrement !

M. le président. Madame Luc, je vous prie de conclure !

Mme Hélène Luc. Vous étiez obligé de répondre à notre question préalable.

Quant à nous, membres du groupe CRC, nous nous battrons jusqu'au bout aux côtés des salariés d'Air France et de ceux d'Air Lib, qui sont désormais engagés dans le même combat. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. Bernard Plasait. Vous n'avez pas le monopole de la représentation des salariés !

M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau.

Mme Marie-Claude Beaudeau. L'article 1er du projet de loi a pour objet de faire figurer, dans le code de l'aviation civile, la possibilité pour une compagnie de céder tout ou partie de ses titres, librement ou par décision du tribunal de grande instance de Paris.

Cet article donnera à Air France la possibilité de modifier son actionnariat et fera d'une compagnie nationale - je reprends la formule que vous avez récemment employée sur les ondes radio, monsieur le ministre - une société de caractère privé.

Je ferai remarquer que la notion de société avait déjà été modifiée en 1998, puisque, à compter de cette date, la nouvelle appellation avait déjà été votée sans que personne ne s'y oppose, si ce n'est notre groupe.

Avec cet article 1er, le principe de la privatisation d'Air France est retenu et il sera vraisemblablement voté par notre assemblée.

Je veux bien reconnaître que l'intention ne date pas d'aujourd'hui.

En 1986, M. Edouard Balladur, alors Premier ministre, avait fait part du projet de privatisation d'Air France et de vingt-deux autres entreprises. Ce projet ne s'est pas réalisé en raison du krach boursier, mais le travail de sape de la compagnie nationale s'est poursuivi pour répondre à ceux qui, déjà à l'époque, affirmaient que « la privatisation d'Air France ne se ferait jamais ».

A partir de 1990, trois présidents-directeurs généraux, MM. Attali, Blanc et Spinetta, préparèrent la privatisation par une politique de rigueur agressive : plus de créations d'emplois et blocage des salaires, double échelle des salaires entraînant une baisse du pouvoir d'achat de 20 %. L'illusion qu'a pu représenter pour les salariés l'acquisition d'actions se résume au chiffre suivant : l'action Air France a baissé de 56 %.

La direction d'Air France ose parler de croissance réelle dans la période 1997-2000 ; elle oublie de dire que c'est avec une politique d'embauche limitée à 6 % - ce qu'elle ne reconnaît pas d'ailleurs -, alors que la progression annuelle du chiffre d'affaires atteignait 10 %, et avec une augmentation de la productivité du travail de 18 %. La croissance a été mise au service exclusif du profit et de la baisse de la part des salaires dans la valeur ajoutée.

La « croissance rentable » a profité de la déréglementation du transport aérien à l'échelle européenne et mondiale. L'ouverture du capital en 1998 était la nouvelle étape préparant la privatisation d'aujourd'hui.

La rentabilité d'Air France a été assurée par le travail et les sacrifices - tout à l'heure, monsieur le ministre, je vous ai entendu parler de « souffrance » - de ses 70 000 employés, du pilote au manutentionnaire, du commandant à l'ouvrier.

La bonne santé d'Air France est réelle alors que les sociétés aériennes privées s'écroulent les unes après les autres. Malgré ce que certains appellent pudiquement les contrecoups du 11 septembre 2001, Air France a enregistré, de juillet à septembre 2002, un résultat positif avant impôt de 113 millions d'euros, ce qui, entre nous, monsieur le ministre, aurait pu lui donner l'envie et l'ambition de prendre en charge Air Lib, dans le cadre d'une politique digne d'une compagnie nationale.

Je trouve tout de même un peu étonnantes les critiques émises par certains, dont vous-même, monsieur le ministre, contre une société néerlandaise, laquelle aurait failli, alors que la compagnie nationale, comme vous l'appelez, n'a pas osé lever le petit doigt. C'est une curieuse conception de l'intérêt national de l'aviation civile !

Va-t-on continuer à accuser une société étrangère de n'avoir pas servi l'intérêt du transport aérien français alors que le Gouvernement et sa compagnie nationale s'en sont totalement désintéressés, sauf pour retenir quelques centaines d'employés qui seront peut-être embauchés à bon compte.

Je souhaiterais revenir sur quelques chiffres. Jean-François Le Grand et Serge Vinçon ont valorisé le travail des salariés d'Air France et démontré que ceux-ci étaient pour une large part à l'origine de la prospérité de l'entreprise. Ils ont évidemment raison, personne ne le conteste.

Lors de l'ouverture du capital d'Air France, en mars 1999, la valorisation était de 18,2 milliards de francs, l'endettement s'élevait à 14,4 milliards de francs et l'action cotait 14 euros. Depuis, Air France a toujours été bénéficiaire et a connu un niveau d'investissement élevé : 38 milliards de francs en quatre ans, avec un taux d'autofinancement de 85 %. Son taux d'endettement est passé de 0,81 % en 1999 à 0,73 % en 2002. En partant d'une valeur patrimoniale de 2,7 milliards d'euros en 1999, à laquelle il faut ajouter 5,9 milliards d'euros d'investissement et soustraire 1,3 milliard d'euros de cessions d'actifs et 0,7 milliard d'euros d'amélioration des dettes, on obtient une valorisation de 6,6 milliards d'euros à la fin du dernier exercice de mars 2002, l'action atteignant une valeur potentielle de 30,38 euros, contre, je le rappelle, 14 euros en 1999.

Voilà comment, au cours des quatre dernières années, le travail des salariés a permis à la compagnie de s'autofinancer pour plus de 5 milliards d'euros.

Les salariés en seront-ils récompensés ? A quoi leur travail aura-t-il servi ? A préparer une privatisation juteuse !

A cette occasion, je voudrais reprendre le débat que nous avons eu ici en 1998 et redire que l'inquiétude des salariés est fondée devant cette privatisation, inquiétude que nous éprouvons également puisque nous allons rejeter ce projet de loi.

Je rappellerai ce que disait en mai 1998 Alain Lambert, alors rapporteur du projet de loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier dont l'un des articles prévoyait l'ouverture du capital d'Air France : « Seule une privatisation est donc de nature à apporter une solution satisfaisante aux difficultés financières suscitées pour la compagnie et pour l'Etat par le maintien d'Air France dans le secteur public. » - je ne vois pas très bien quelles étaient les difficultés financières d'Air France ! « Mais la privatisation ne doit pas être perçue comme une opération exclusivement financière. Elle représente aussi une solution aux problèmes de gestion d'Air France. »

M. Jean-François Le Grand, rapporteur. C'est exactement cela !

Mme Marie-Claude Beaudeau. « L'appartenance de la compagnie au secteur public limite l'autonomie de gestion de l'entreprise. Les tutelles qui pèsent sur elle ralentissent les décisions ou même entravent les mesures d'adaptation qui se révèlent nécessaires. Le dialogue social est vicié dès lors que le ministre apparaît comme un recours, d'autant mieux mobilisable que pèsent sur lui des contraintes de toutes sortes. »

On comprend bien que ce que l'on veut, avec la privatisation, c'est une adaptation. Dès lors, on voit pourquoi le personnel est inquiet et redoute que cette privatisation ne se retourne contre lui.

M. Hilaire Flandre. Il faut voir l'intérêt du pays !

Mme Marie-Claude Beaudeau. Car les salariés savent parfaitement, comme vous-mêmes, mes chers collègues, que les actionnaires demandent toujours un retour sur investissement. Ils savent bien que, par conséquent, ce sont eux qui se trouvent systématiquement sacrifiés.

Voilà pourquoi nous n'approuvons pas ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Robert Bret.

M. Robert Bret. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais appeler votre attention sur la question de la desserte aérienne de l'outre-mer. C'est une équation à plusieurs inconnues, dans un contexte marqué, d'une part, par la privatisation de la compagnie nationale et, d'autre part, par la situation de la compagnie Air Lib.

Vous connaissez, monsieur le ministre, l'inquiétude grandissante des élus et des populations d'outre-mer face aux turbulences qui affectent notre paysage aérien. Ils s'interrogent sur le maintien, dans les meilleures conditions, d'une offre de transport suffisante pour assurer la circulation sur le territoire national. Ils s'inquiètent également des conséquences d'une diminution de l'offre de sièges, diminution qui affecterait assurément le développement de leurs collectivités, notamment leur développement touristique.

En fait, si leur inquiétude porte sur le règlement dans les meilleurs délais de questions qui revêtent un caractère d'urgence, leur demande essentielle vise à la mise en place d'un cadre durable susceptible d'assurer le désenclavement de leurs territoires ainsi que la mobilité des habitants, désenclavement et mobilité qui sont d'importants facteurs de développement.

Dans quelques semaines, va s'ouvrir la saison touristique, dans un climat international qui n'incite guère à l'optimisme. Vous savez, monsieur le ministre, quelles difficultés connaît, depuis plusieurs saisons déjà, le tourisme en outre-mer, notamment aux Antilles, confrontées à la concurrence des pays voisins. Cette situation est aujourd'hui aggravée par la suppression des rotations d'Air Lib qui, tant aux Antilles que dans l'océan Indien, assurait plus de 30 % du marché.

Nous devons d'ores et déjà affronter cette situation nouvelle et gérer au mieux cette période de crise, dont les conséquences risquent d'être dramatiques pour les économies de l'outre-mer, déjà sinistrées.

Monsieur le ministre, je vous poserai quatre questions.

Le Gouvernement est-il prêt à ouvrir sans tarder une concertation avec l'ensemble des élus de l'outre-mer et des acteurs concernés pour tenter de parer au mieux à la situation que je viens de décrire ?

Votre gouvernement sera-t-il, demain, en mesure d'exiger d'Air France privatisée le respect des obligations de service public ?

Le Gouvernement est-il en mesure, aujourd'hui, dans ces conditions, de demander à la compagnie Air France de contribuer au règlement de ce problème en augmentant le nombre de ses rotations vers les régions de l'outre-mer ?

Enfin, le Gouvernement sera-t-il également en mesure de demander à Air France privatisée de jouer la complémentarité avec les autres compagnies qui assureront la desserte de l'outre-mer ?

A cet égard, je voudrais souligner que certains départements ou territoires d'outre-mer - la Réunion et la Polynésie française - ont dores et déjà apporté une contribution essentielle pour répondre aux besoins de leurs populations en créant leurs propres compagnies.

Ainsi, sur l'initiative des collectivités locales réunionnaises, la compagnie régionale Air Austral assurera dès le mois de juin prochain, en plus de la desserte des pays voisins, des liaisons régulières entre Paris et la Réunion.

Le caractère vital pour l'outre-mer d'un niveau suffisant d'offre de transport avec la métropole nous oblige à engager une réflexion sur le soutien que pourrait apporter la puissance publique au maintien, dans la durée, de ces lignes de service public.

Si le projet de loi de programme pour l'outre-mer qui va venir en discussion devant notre assemblée permet d'envisager la mise en place d'un dispositif d'incitation à la création de compagnies, la priorité doit porter sur l'aide aux passagers. Monsieur le ministre, en outre-mer, la demande visant à la mise en oeuvre d'une continuité territoriale, qui a déjà trouvé une application en Espagne et au Portugal au bénéfice de leurs résidents, recueille l'unanimité. En France, une dotation est attribuée à la Corse. La continuité territoriale doit être également applicable dans les même conditions, aux deux millions d'habitants de l'outre-mer français, population par définition captive. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. Je suis saisi de cinq amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° 5 est présenté par MM. Pastor, Marc et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée.

L'amendement n° 14 est présenté par Mmes Beaufils, Terrade, Beaudeau et Luc, MM. Le Cam et Coquelle, Mme Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

« Supprimer l'article 1er. »

L'amendement n° 6, présenté par MM. Pastor, Marc et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Rédiger comme suit cet article :

« L'article L. 341-1 du code de l'aviation civile est complété in fine par un alinéa ainsi rédigé : "L'Etat détient directement plus de la moitié de son capital social." »

L'amendement n° 13, présenté par M. Vinçon et les membres du groupe de l'UMP, est ainsi libellé :

« Compléter le troisième alinéa du texte proposé par le 3° de cet article pour l'article L. 330-11 du code de l'aviation civile par une phrase ainsi rédigée : "Cette élection de domicile pourra être valablement effectuée par tout intermédiaire inscrit pour compte de tiers visé à l'article L. 228-1 du code de commerce.". »

L'amendement n° 7, présenté par MM. Pastor, Marc et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Après le texte proposé par le 3° de cet article pour l'article L. 330-14 du code de l'aviation civile, ajouter un nouvel article ainsi rédigé :

« Art. L. ... - Si la protection d'intérêts nationaux ou le bon accomplissement de missions d'intérêt général l'exigent, une action ordinaire de l'Etat est transformée en action spécifique assortie de tout ou partie des droits mentionnés à l'article 10 de la loi n° 86-912 du 6 août 1986 relative aux modalités des privatisations. »

La parole est à M. Jean-Marc Pastor, pour présenter l'amendement n° 5.

M. Jean-Marc Pastor. L'article 1er constitue le coeur du dispositif gouvernemental : il consacre la banalisation du transport aérien et met en place un dispositif complexe, censé s'appliquer à toutes les compagnies françaises cotées en bourse, en vue de permettre le contrôle de la nationalité des titulaires des actions.

Tout d'abord, il est fondé sur un présupposé que la réalité et votre stratégie même démentent, monsieur le ministre : celui selon lequel il pourrait y avoir, en France, plusieurs compagnies aériennes nationales cotées en bourse.

De quelles compagnies parle-t-on ? D'Air France, certes. Mais les autres, quelles sont-elles ? Air Lib ? Vous ne vous hâtez pas pour la sauver ! Une nouvelle compagnie pour desservir les DOM, comme le Président de la République l'a annoncé ? J'ai bien entendu vos propos, monsieur le ministre : « Lui, c'est lui ; moi, c'est moi ! » Mais comment le Gouvernement entend-t-il assurer la viabilité de cette nouvelle compagnie alors qu'il favorise la dérégulation, source de nouveaux mouvements de concentration ?

En un mot, cet article nous apparaît comme une fiction.

Le système en lui-même l'est aussi. M. le rapporteur pour avis, M. Fréville, l'écrit lui-même à la page 41 de son rapport : le dispositif est conçu comme une arme « dissuasive » ; il n'a donc pas vocation à s'appliquer. Il fait « appel à l'esprit de responsabilité des actionnaires et des investisseurs potentiels et aux mécanismes autorégulateurs des marchés financiers ».

Permettez-nous de ne pas partager votre bel optimisme ! Cet optimisme, la réalité nous montre d'ailleurs tous les jours qu'il faut s'en méfier !

Nous ne pouvons faire confiance à un système qui exclut complètement la puissance publique et qui s'en remet à ce qui résultera des statuts, qu'il s'agisse du dispositif de mise au nominatif des titres ou du dispositif d'agrément des cessions d'actifs.

Vous prétendez également que ce système permettra de contrôler la nationalité des actionnaires par la mise au nominatif des titres. Cette disposition sera aisément contournable si sont mis en place des montages financiers dissimulés par des porteurs d'actions.

Vous nous dites encore vous inscrire dans le droit-fil, d'une part, de la jurisprudence européenne récente qui condamne les accords bilatéraux en matière de droit de trafic et, d'autre part, du droit européen en matière d'actionnariat des compagnies aériennes. Cela signifie que le contrôle opéré ne permet pas de garantir le maintien d'un actionnariat français : on peut seulement s'assurer qu'il est communautaire.

Je note que ce n'est pas le choix de la plupart des autres Etats européens, même s'ils contreviennent au droit communautaire. Le maintien d'un pavillon français national est encore perçu comme une nécessité par nombre de nos partenaires. Il faut sans doute construire l'Europe du transport aérien, mais nous devons en mesurer toutes les conséquences.

Sommes-nous prêts à transférer à la Commission la gestion des droits de trafic ? C'est un vrai débat qu'on ne peut résoudre à travers l'examen d'un article technique relatif à la privatisation d'Air France.

En fait, l'article 1er soulève la question de la disparition du pavillon français dans le domaine du transport aérien et, par là même, des leviers dont dispose notre pays pour aménager en voies de communication son territoire.

Au total, cet article pose plus de problèmes qu'il n'en résout. Il traduit une conception du transport aérien que nous ne partageons pas. C'est pourquoi nous proposons de le supprimer. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour présenter l'amendement n° 14.

Mme Marie-France Beaufils. Le Gouvernement engage aujourd'hui la privatisation d'Air France alors que le contexte économique et financier aurait dû l'inciter à y renoncer.

Les membres du groupe communiste républicain et citoyen l'ont souligné dans la discussion générale : une telle privatisation n'est pas inéluctable. L'argument selon lequel la nécessité de nouer des accords internationaux serait incompatible avec le maintien d'une entreprise publique ne nous paraît aucunement fondé. Et doit-on encore souligner que rien dans les traités européens ne nous contraint à la privatisation ?

A contrario, les dispositions de cet article 1er nous inquiètent profondément, car elles risquent de remettre en cause notre indépendance nationale à travers la perte de notre maîtrise des droits de trafic, que garantit la nationalité française de la compagnie aérienne.

Car, monsieur le ministre, ce qui permet aujourd'hui d'identifier et de préserver la nationalité d'une entreprise, n'est-ce pas précisément la propriété publique d'une majorité de son capital ? Le critère d'identification de la nationalité d'une entreprise, puisqu'il s'agit bien de cette question, ne réside-t-il pas dans la détention d'au moins un tiers du capital, si ce n'est de la moitié ?

Hier soir, j'assistais avec M. le rapporteur à un débat au cours duquel M. Saint-Etienne, économiste spécialiste de ces problèmes, a émis certain nombre de réserves sur les propositions actuelles du Gouvernement.

L'Etat ne conservera plus que 20 % du capital de l'entreprise, ce qui ne constitue pas une minorité de blocage conférant un réel pouvoir de décision non seulement sur les choix stratégiques à long terme de la compagnie mais aussi sur la préservation des droits de trafic.

De ce point de vue, les dispositions de cet article n'apportent, par ailleurs, aucune garantie. A la différence de ce qui existe chez certains de nos partenaires européens qui ont mis en place des dispositifs comme les clauses de renationalisation ou de détention d'action préférentielle par l'Etat, permettant d'éviter une prise de contrôle de la société par des intérêts étrangers, votre projet de loi demeure, sur cette question cruciale, largement insuffisant.

Quelle garantie nous offre l'obligation de domiciliation auprès d'un intermédiaire financier domicilié en France ?

Et ce n'est pas non plus la détention nominative des actions qui permettra de protéger la compagnie contre des OPA hostiles !

Ce qu'il faut, c'est non seulement pouvoir suivre l'évolution de la répartition du capital de l'entreprise mais aussi stabiliser cet actionnariat. Or, par définition, monsieur le ministre, et la conjoncture récente nous a permis de le vérifier, les marchés financiers, grâce à leur liquidité, permettent une transférabilité totale des actions d'opérateur à opérateur. La vocation des spéculateurs est précisément de jouer sur la variation des cours boursiers en vue de réaliser des plus-values !

Enfin, comment ne pas souligner qu'en réalité votre projet de loi anticipe la réalisation du marché européen des transports aériens sans qu'un réel débat démocratique associant les citoyens, les usagers et les salariés ait eu lieu ?

Selon la Commission européenne, le système actuel des droits de trafic ferait obstacle au mouvement de concentration et au rapprochement des compagnies aériennes de l'Union européenne. Ce sont donc précisément les prérogatives que détient l'Etat français en matière d'octroi des droits de trafic que vous remettez en cause en permettant une concentration du capital à hauteur de 50 % entre les mains d'actionnaires communautaires. Quel sens cela prend-il dans le cadre de l'élargissement de l'Union européenne ?

Nous pensons que vous faites peser de lourds risques sur la sécurité et la sûreté du transport aérien et que vous compromettez, en soumettant la stratégie de la compagnie aux grands conglomérats européens, guidés par la logique de rentabilité, notre aménagement du territoire.

Tel est le sens de notre amendement tendant à supprimer l'article 1er.

M. le président. La parole est à Mme Gisèle Printz, pour présenter l'amendement n° 6.

Mme Gisèle Printz. Compte tenu des intérêts nationaux en jeu, nous proposons de préciser que le capital social d'Air France est détenu majoritairement par l'Etat, ce qui implique qu'Air France ne puisse être privatisée.

M. le président. La parole est à M. Serge Vinçon, pour présenter l'amendement n° 13.

M. Serge Vinçon. Cet amendement vise à permettre aux intermédiaires inscrits de mettre en oeuvre la formalité française d'élection de domicile au lieu et place des actionnaires étrangers pour le compte desquels ils sont inscrits.

M. le président. La parole est à Mme Gisèle Printz, pour présenter l'amendement n° 7.

Mme Gisèle Printz. Les lois de privatisation de 1986 et 1993 ont mis en place des dispositifs visant à protéger la nationalité des sociétés privatisées, dispositifs que le présent projet de loi ne reprend pas. Ainsi, ces lois prévoient que le montant total des titres cédés directement ou indirectement par l'Etat à des personnes étrangères ne peut excéder 20 % du capital. Elles permettent aussi, lorsque la protection d'intérêts nationaux l'exige, qu'une action ordinaire soit transformée en action spécifique, de sorte que les pouvoirs publics puissent agréer les participations excédant 10 % du capital et qui sont détenues par une même personne. Elles permettent enfin de nommer au conseil d'administration des représentants de l'Etat.

Le transport aérien étant d'intérêt stratégique pour un pays, nous proposons d'appliquer les dispositions protectrices de la nationalité prévues par les lois de privatisation dans deux cas : lorsque des intérêts nationaux sont en jeu ou lorsque le bon accomplissement des missions d'intérêt général l'exige.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Je rappellerai d'abord que l'article 1er prévoit notamment la mise en place d'un dispositif de garantie de la nationalité d'Air France, à défaut duquel des droits de trafic n'existeraient plus. C'est l'intérêt fondamental de ce dispositif.

Il s'agit d'un dispositif à trois étages, avec une identification de l'actionnariat par mise au nominatif des titres, par une injonction de vendre lorsque la nationalité de l'entreprise est menacée et par une cession forcée si l'injonction n'a pas suffi.

Mme Beaufils a, par ailleurs, fait allusion au dispositif qu'ont mis en place nos amis hollandais, avec KLM, ce qu'on appelle le système de la golden share, c'est-à-dire de l'action privilégiée. Mais il y avait surtout la possibilité, pour le gouvernement néerlandais, de remonter à plus de 50 % dans l'actionnariat si la compagnie encourait un risque. J'en parle au passé puisque deux arrêts de la Cour de justice des Communautés européennes, en date du 4 juin et du 5 novembre 2002, ont jugé que cette disposition n'était pas conforme à la réglementation européenne. Cela signifie que si, d'aventure, le gouvernement de La Haye voulait faire jouer cette disposition, il ne le pourrait pas.

Bien entendu, ce qui vaut pour les Pays-Bas vaut également pour la France et pour l'ensemble de la Communauté européenne.

Pour ces raisons, la commission est défavorable aux amendements identiques n°s 5 et 14 ainsi qu'aux amendements n°s 6 et 7.

En revanche, elle a émis un avis favorable sur l'amendement n° 13 de M. Vinçon. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Mes chers collègues, cela n'a rien à voir avec l'amitié : cela a à voir avec la raison. L'amendement n° 13 est en effet de bon sens puisqu'il prévoit une simplification des procédures de domiciliation. Pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple ? Je remercie d'ailleurs M. Vinçon de cette proposition. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Gilles de Robien, ministre. Le Gouvernement est défavorable aux amendements identiques n°s 5 et 14.

En effet, si l'on supprimait l'article 1er, qui permet de conserver la nationalité française de la compagnie, donc les droits de trafic, donc l'outil de travail, que resterait-il d'Air France ? Sans droits de trafic, l'entreprise ne vaudrait plus rien !

Sur l'action spécifique, j'ai déjà répondu. L'arrêt du 4 juin 2002 invalide ce procédé. C'est pourquoi nous ne l'avons pas proposé.

Dans l'amendement n° 6, il s'agit de maintenir la participation de l'Etat à 51 % du capital, ce qui ne correspond évidemment pas à notre position.

Nous proposons un mécanisme qui permet d'ouvrir plus largement le capital tout en garantissant les droits de trafic et la licence.

Monsieur Bret, vous vous interrogez sur la desserte des départements d'outre-mer. Depuis 1993, c'est la libéralisation qui prévaut sur les liaisons en question, et la situation d'Air France à cet égard n'est pas privilégiée, pas plus que celle des autres transporteurs présents sur ce marché.

Cependant, des obligations de service public existent et des systèmes d'aide sont prévus. D'ores et déjà, d'ailleurs, à la suite de la défaillance d'Air Lib, des capacités supplémentaires ont été mises en oeuvre, à titre palliatif, par Air France sur la Réunion et par Corsair sur les Antilles.

Le Gouvernement est donc défavorable aux amendements n°s 6 et 7.

Il est évidemment favorable à l'amendement n° 13, qui prévoit une procédure permettant de contacter plus directement et plus facilement les actionnaires pour leur demander, par exemple, s'il y avait lieu, de céder leurs titres.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Yves Fréville. rapporteur pour avis. La commission des finances n'est pas saisie de ces amendements. Je tiens toutefois à préciser que, dans la mesure où nous avons décidé qu'Air France continuerait à figurer sur la liste des entreprises privatisables, nous devons garantir, comme le rappelait M. le ministre, des droits de trafic et la nationalité.

Les lois de privatisation disposaient que l'action spécifique permettrait de protéger les intérêts nationaux. La difficulté tient maintenant au fait que, la compétence étant européenne pour le trafic intra-communautaire et partagée pour les relations internationales, la France ne pourrait plus utiliser son droit d'action spécifique de façon inégalitaire entre les différents partenaires européens. Il a donc été nécessaire, pour la période intérimaire consacrée à de nouvelles négociations sur le plan international, d'élaborer une autre procédure.

Les auteurs de l'amendement n° 7 nous proposent de revenir au statu quo ante. Nous serions obligés, si cet amendement était adopté, de reprendre cette discussion dans un an ou deux et nous ne pourrions pas procéder à de nouvelles négociations de droits de trafic.

Il est donc logique de suivre la position préconisée par la commission saisie au fond : le rejet. (M. le rapporteur et M. Serge Vinçon applaudissent.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 5 et 14.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 6.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Pastor, pour explication de vote sur l'amendement n° 13.

M. Jean-Marc Pastor. Cet amendement, qui vise en apparence à simplifier la situation, pose un nouveau problème.

Il donne aux intermédiaires inscrits la possibilité de procéder à l'élection de domicile au nom des actionnaires non résidents pour le compte desquels ils détiennent des titres et cela risque d'entraîner plus d'opacité sur la nationalité de ces actionnaires.

C'est la raison pour laquelle nous sommes prudents et que nous partageons pas l'engouement suscité par cet amendement. Nous voterons donc contre.

M. Jean-François Le Grand, rapporteur. C'est transparent !

M. Yves Fréville, rapporteur pour avis. C'est le droit commun !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 13.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er, modifié.

(L'article 1er est adopté.)

M. Gilles de Robien, ministre. Je demande la parole.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Gilles de Robien, ministre. Je m'adresse à Mme Luc qui, tout à l'heure, m'a reproché de ne pas lui avoir répondu et qui a dit que c'était par mépris. Tout au contraire, c'est par respect pour la Haute Assemblée.

Il s'agissait d'un rappel au règlement ; or, comme chacun le sait, le règlement intérieur stipule qu'un rappel au règlement s'adresse au président de la Haute Assemblée et non au ministre.

Mme Hélène Luc. Absolument pas ! Un ministre peut répondre ! Cela se produit souvent au Sénat !

M. Gilles de Robien, ministre. Voilà l'explication, madame Luc. Le malentendu est dissipé. Nous allons pouvoir les uns et les autres dîner sans aucune méprise. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt-cinq, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Daniel Hoeffel.)

PRÉSIDENCE DE M. DANIEL HOEFFEL

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion du projet de loi relatif aux entreprises de transport aérien et notamment à la société Air France.

Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'article 2.

Art. 1er
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Art. 3

Article 2

M. le président. « Art. 2. - L'article L. 342-3 du code de l'aviation civile est remplacé par les dispositions suivantes :

« Art. L. 342-3. - Le conseil d'administration ou, selon le cas, le conseil de surveillance de la société Air France peut compter jusqu'à six membres élus par les salariés dans les conditions prévues, selon le cas, par les articles L. 225-27 à L. 225-34 ou les articles L. 225-79 et L. 225-80 du code de commerce. Pour l'élection de ces membres, les statuts peuvent prévoir que les salariés sont répartis entre quatre collèges comprenant respectivement le personnel navigant technique, le personnel navigant commercial, les cadres et les autres salariés. Les statuts fixent alors le nombre de membres élus par chacun des collèges.

« Les statuts peuvent prévoir que la représentation des salariés actionnaires au conseil d'administration ou, selon le cas, au conseil de surveillance, peut se faire en deux catégories, comprenant respectivement le personnel navigant technique et les autres salariés. Les statuts fixent alors le nombre de membres de chaque catégorie, qui sont désignés, pour chacune d'elles, dans les conditions prévues par l'article L. 225-23 ou par l'article L. 225-71 du code de commerce. »

La parole est à Mme Marie-France Beaufils, sur l'article.

Mme Marie-France Beaufils. Nos services publics se sont construits dans l'histoire grâce à la lutte du peuple français et de ses salariés. La question de la démocratisation de l'organisation des services publics a été posée en 1983 par le ministre de la fonction publique, M. Anicet Le Pors. A l'époque, cette loi fut une avancée vers la représentativité d'un plus grand nombre de salariés dans les conseils d'administration des services publics comme celui d'Air France. Son conseil d'administration a été l'un des instruments donnés à l'ensemble des acteurs sociaux pour intervenir sur les objectifs et les moyens de la compagnie aérienne.

Nous pensons, comme beaucoup de citoyens - vous le savez -, non seulement qu'il ne faut pas privatiser Air France, mais que, au contraire, il faut développer un pôle public et de qualité des transports aériens, qui réponde pleinement aux besoins importants et croissants du service public.

N'avez-vous pas senti, au-delà de la France, en Europe et dans le monde, l'aspiration grandissante à un développement non marchand et de qualité des services publics et à leur renforcement par une gestion pleinement démocratique ?

La démocratisation passe nécessairement par une représentativité des salariés et des usagers, pour ne pas laisser aux seuls actionnaires le droit exclusif des choix de gestion. L'histoire nous a montré et nous montre encore aujourd'hui que les salariés d'Air France, comme ceux de la SNCF, d'EDF-GDF ou des hôpitaux, sont les meilleurs acteurs pour porter plus haut les exigences de notre peuple en matière de services rendus à la population qui soient dignes de ce nom et, pour ce qui nous concerne aujourd'hui, de transports aériens publics qui répondent aux besoins d'accès et de circulation égalitaires, de qualité, sûrs et performants pour tous les citoyens.

Dans cet article, avec la création de plusieurs collèges, vous orchestrez l'opposition entre les salariés d'Air France. Le conseil d'administration que vous proposez sera à l'image de votre loi : une ségrégation sociale entre les salariés de la future entreprise privée.

Les salariés actionnaires y seront représentés en deux catégories. La division des personnels, selon les catégories ou selon leurs statuts, ne demande plus qu'à se réveiller pour s'exprimer à l'intérieur du conseil d'administration et fera finalement le jeu du démantèlement de l'entreprise. La tension sera permanente entre les intérêts contradictoires, entre les groupes financiers d'actionnaires, entre les groupes d'actionnaires salariés et les autres salariés, eux-mêmes divisés par catégories sociales.

Par vos propositions, vous mettez la future entreprise privée sous le contrôle d'un conseil d'administration fractionné. Nous savons que les droits reconnus aux salariés aujourd'hui seront les premiers remis en question pour rentabiliser la future compagnie aérienne, et que le conseil d'administration proposé dans votre article sera l'outil nécessaire au travail de démantèlement d'Air France.

Tout à l'heure, vous souhaitiez donner de la dynamique à la société Air France. Ce n'est pas, me semble-t-il, le sens de votre proposition.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 8 est présenté par MM. Pastor, Marc et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée.

L'amendement n° 15 est présenté par Mmes Beaufils, Terrade, Beaudeau et Luc, MM. Le Cam et Coquelle, Mme Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

« Supprimer l'article 2. »

La parole est à M. Jean-Marc Pastor, pour présenter l'amendement n° 8.

M. Jean-Marc Pastor. Il s'agit d'un amendement de conséquence dans la mesure où, dès l'article 1er, nous présentons des amendements visant à supprimer les articles de ce projet de loi.

M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, pour présenter l'amendement n° 15.

Mme Odette Terrade. Cet amendement n° 15 est celui avec lequel vous avez aimablement tenté, tant ce matin en commission que cet après-midi dans l'hémicycle, de faire croire que nous serions contre les salariés, puisque nous demandions la suppression de l'article 2.

En fait, nous sommes contre la totalité du projet de loi, et c'est pourquoi nous avons déposé des amendements de suppression sur les différents articles qui le composent.

Avec l'article 2, que veut nous faire croire le Gouvernement ? Il veut nous faire croire qu'il prend en considération la dimension sociale et syndicale de l'entreprise et qu'il agit pour le mieux-être de celle-ci.

Dans le rapport de la commission des affaires économiques, M. le rapporteur écrit que « la reconnaissance, dans la loi, des différences de situation des catégories de personnel est donc de nature à pérenniser la structuration du dialogue social, en reprenant les acquis de l'histoire de l'entreprise ».

Bien loin de pérenniser la structuration du dialogue social, nous nous dirigeons directement vers une déliquescence de la cohésion salariale, cela à tel point que les seuls intérêts des futurs actionnaires privés seront servis, au détriment de ceux du personnel.

Diviser pour mieux régner pourrait ainsi être le mot d'ordre de ce projet de loi avec cet article. Eparpiller les forces pour mieux les contrôler, affaiblir les catégories de personnel en leur faisant croire qu'elles sont différentes et qu'elles doivent donc exister indépendamment les unes des autres, tel est le véritable objectif !

Dans cette perspective, le conseil d'administration ou le conseil de surveillance vont, à terme, devenir une chambre d'enregistrement des décisions prises ailleurs. Le personnel n'aura plus aucune marge de manoeuvre sur sa propre entreprise.

La division sera d'autant plus nette que le collège cadres deviendra un collège à part entière alors qu'il n'existait jusqu'à présent qu'un siège réservé.

Comme nous avons eu l'occasion de le dire tout au long de cette discussion, la force d'Air France réside dans l'implication de son personnel dans la bonne marche de l'entreprise. Car, au-delà même d'un simple emploi, les salariés s'investissent totalement dans la mission de service public qui leur est confiée.

Pour que la compagnie Air France continue à être le fleuron du transport aérien français au niveau international, il est nécessaire d'associer les salariés en leur donnant un véritable pouvoir d'intervention et de contrôle sur la gestion de l'entreprise, c'est-à-dire en instaurant une démocratie sociale à tous les échelons.

Bien loin de dissocier les personnels, l'objectif premier doit être d'encourager un dialogue constant associé à un sentiment d'appartenance fort à une entreprise qui dépasse le statut spécifique de chacun.

Parce que l'article 2 du présent projet de loi laisse présager un affaiblissement de l'intervention des employés d'Air France sur leur propre entreprise et érige la volonté libérale du marché comme futur décideur unique au détriment de l'intérêt général et de l'intérêt des salariés, nous vous demandons d'adopter cet amendement de suppression.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-François Le Grand, rapporteur. La commission émet un avis empreint de perplexité. Il y a des moments où je me demande si l'enthousiasme avec lequel ils mettent en l'air - si vous me permettez l'expression - le projet de loi, en supprimant tous les articles, ne projette pas les groupes socialiste et CRC au-delà de l'obstacle et si, finalement, ils n'auraient pas eu intérêt à réfréner quelque peu leurs ardeurs !

Ce matin, la commission s'en est remis à la sagesse du Sénat, tout simplement parce que le système dérogatoire qui est prévu dans l'article 2 permet aux salariés d'Air France d'avoir une représentation au-delà du droit commun codifié dans le code du commerce sous l'article L. 225-27, dont je ne vais pas vous infliger la lecture, mais que je tiens à votre disposition et que les huissiers peuvent vous porter si vous le souhaitez.

En l'absence de ce système dérogatoire, la représentation des salariés ne pourrait en effet pas aller au-delà de quatre, voire cinq dans certaines conditions, ce qui est en deçà de six, le nombre préconisé pour le conseil d'administration d'Air France. La commission, souhaitant que les salariés continuent d'être représentés d'une manière décente, cohérente, et que soient repris un certain nombre d'acquis de l'entreprise, s'en est donc remis à la sagesse du Sénat, pensant que c'était la meilleure manière de défendre réellement et au fond, sur cet article en particulier, le droit des salariés.

M. Robert Del Picchia. Très bien !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Gilles de Robien, ministre. Le Gouvernement est évidemment défavorable à ces amendements, qui sont manifestement antisociaux (Protestations sur les travées du groupe CRC) et qui réduiraient la représentation, élargie et modulée en fonction des catégories de personnels, des salariés dans l'entreprise.

Le Gouvernement est défavorable à la suppression de l'article 2, lequel tend à assurer la continuité de la représentation actuelle, et donc à favoriser la paix sociale dans l'entreprise.

M. le président. La parole est à M. Robert Del Picchia, contre les amendements n°s 8 et 15.

M. Robert Del Picchia. Après vous avoir écoutée, madame le sénateur, on pouvait effectivement se demander s'il ne fallait pas défendre un peu plus les salariés. Mais M. le rapporteur et M. le ministre m'ont totalement convaincu du bien-fondé de cet article et, si j'avais quelques hésitations, je suis désormais contre les amendements n°s 8 et 15.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 8 et 15.

Je suis saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une du groupe communiste républicain et citoyen et, l'autre, du groupe de l'UMP.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ? ...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

88315313157112201 Je mets aux voix l'article 2.

(L'article 2 est adopté.)

Art. 2
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Art. 4

Article 3

M. le président. « Art. 3. - A compter de la date du transfert au secteur privé de la majorité du capital de la société Air France, des négociations sont engagées par celle-ci avec les organisations syndicales représentatives des salariés à l'effet de conclure la convention ou les accords d'entreprise devant se substituer aux dispositions portant statut du personnel prises en vertu des dispositions du code de l'aviation civile.

« Les dispositions portant statut du personnel en vigueur à la date du transfert au secteur privé de la majorité du capital continuent de s'appliquer à la société Air France jusqu'à la date d'entrée en vigueur de la convention ou des accords mentionnés à l'alinéa précédent, et au plus pendant un délai de deux ans à compter du transfert au secteur privé de la majorité du capital. Les dispositions de l'article L. 351-4 du code du travail ne s'appliquent à la société Air France qu'à partir de la même date ou, à défaut de convention ou d'accords, à l'expiration d'un délai de deux ans à compter dudit transfert. Jusqu'alors continuent de s'appliquer les dispositions de l'article L. 351-12 du code du travail.

La parole est à Mme Hélène Luc, sur l'article.

Mme Hélène Luc. En modifiant le statut des salariés, le Gouvernement va remettre en cause tout l'équilibre interne de l'entreprise. En effet, ce statut forme le support de toute une série de règlements et d'accords vitaux. De ce fait, en le modifiant, vous modifiez toute cette ossature indispensable à l'entreprise, la projetant ainsi vers une dégradation inéluctable des conditions sociales.

Je voudrais d'ailleurs insister sur le fait que ce projet de loi, en ne faisant qu'évoquer le statut de manière large et évasive, minimise volontairement l'impact que cela aura sur le salarié. Il en est de même de la reconnaissance de la qualification, ainsi que des salaires, sans parler des conditions de travail et de l'accès à la formation.

Il n'y a aucune garantie, si ce n'est celle de faire perdre aux employés des acquis sociaux essentiels. Il s'agit non pas d'une avancée, mais bien d'une régression.

Vous nous parlez, monsieur le ministre, d'une période de négociation transitoire ; le rapporteur y voit la marque d'une volonté de ne pas dégrader les conditions de travail. Nous savons bien ce que cela signifie. Je me demande dans quelle mesure cela constitue une garantie pour les employés.

Regardons de plus près le texte. Nous voyons alors l'annonce d'une durée plus qu'évasive censée garantir les droits des personnels. Nous voyons aussi l'absence de garanties salariales. Bref, nous ne voyons rien de tout ce que vous voudriez nous faire croire.

La réussite d'Air France réside bien dans le fait que la compagnie n'est pas soumise aux critères de rentabilité financière du secteur privé : elle repose surtout et avant tout sur le haut niveau de qualification des personnels et sur la qualité de leur travail.

Nous n'avons que trop d'exemples de compagnies dans lesquelles les salariés travaillent dans des conditions indignes : bas salaires et accumulation des heures de vol sont leur lot quotidien.

Dans ce dossier, tout a une incidence. Toucher au statut du personnel remettra en cause les méthodes de travail et le savoir-faire. Au final, ce seront la qualité des prestations servies par l'entreprise et la sécurité des passagers qui en pâtiront.

Le groupe communiste républicain et citoyen refuse une régression sociale des employés, qui sont aujourd'hui régis par un statut spécifique beaucoup plus protecteur que celui du droit commun des sociétés privées.

Nous demandons qu'une réévaluation soit amorcée non pas dans le sens voulu par le Gouvernement, mais en plein accord avec la mission de service public et de prédominance de l'Etat. Tel est le sens de notre amendement et nous vous demandons de l'adopter. (Très bien ! sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 9 est présenté par MM. Pastor, Marc et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée.

L'amendement n° 16 est présenté par Mmes Beaufils, Terrade, Beaudeau et Luc, MM. Le Cam et Coquelle, Mme Didier et les membres du groupe Communiste républicain et citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

« Supprimer l'article 3. »

La parole est à M. Jean-Marc Pastor, pour défendre l'amendement n° 9.

M. Jean-Marc Pastor. Je serai bref, car l'argumentaire est le même.

Je rappellerai simplement que les personnels d'Air France sont régis non pas par le droit du travail, mais par un statut spécifique, beaucoup plus protecteur. Or l'article 3 vise à soumettre les salariés au droit commun des sociétés privées, donc à supprimer leur statut particulier.

Le présent amendement a pour objet de maintenir la situation sociale des personnels d'Air France.

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour défendre l'amendement n° 16.

Mme Marie-France Beaufils. Je serai également brève, car Hélène Luc vient de développer les arguments en faveur de la suppression de cet article 3.

Le statut actuel des salariés d'Air France est apprécié et il a démontré ses capacités à mobiliser les personnels pour leur permettre de passer le cap des difficultés qu'ils ont connues ces dernières années.

C'est la raison pour laquelle nous estimons qu'il ne faut pas changer ce statut.

Le fait d'accorder un délai de deux ans pour la négociation ne résout pas le problème, puisque les choix qui seront offerts aux salariés ne correspondront pas à ceux qui sont les leurs aujourd'hui en termes de statut.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-François Le Grand, rapporteur. La commission se réjouit de voir que la majorité du Sénat vient de sauver la représentation du personnel au sein du conseil d'administration. Mutatis mutandis, j'ose espérer que cette même majorité sauvera la possibilité de négociation et évitera, en ne votant pas la suppression de l'article 3, que les salariés ne retombent, dès la privatisation, dans un cadre de droit commun.

M. Robert Bret. Les salariés ne sont pas dupes !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Gilles de Robien, ministre. L'article 3 représente une avancée sociale considérable...

M. Robert Bret. C'est sûr ! Vous êtes un incompris !

Mme Marie-France Beaufils. Ce n'est pas ce que disent les syndicats !

M. Gilles de Robien, ministre. ... et le supprimer constituerait une régression sociale.

Par conséquent, le Gouvernement ne peut émettre un avis favorable sur les amendements de suppression de cet article.

Je vous rappelle que cet article reconnaît et met en valeur la représentation du personnel et la représentation syndicale, qu'il stipule l'obligation de négocier avec les organisations syndicales et que, enfin, il prévoit un délai de deux ans pour cette négociation.

Par ailleurs, la société Air France s'est engagée à préserver l'ensemble des acquis du personnel et à proposer un accord-cadre sur la méthode et sur les principes qui sont en cours de signature avec les organisations syndicales.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 9 et 16.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 3.

(L'article 3 est adopté.)

Art. 3
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Art. 5

Article 4

M. le président. « Art. 4. - Pour l'application à la société Air France de l'article 8-1 de la loi n° 86-912 du 6 août 1986 relative aux modalités des privatisations, les statuts de cette société peuvent prévoir que la représentation des salariés et des salariés actionnaires au conseil d'administration ou, selon le cas, au conseil de surveillance, est celle prévue par l'article L. 342-3 du code de l'aviation civile dans sa rédaction issue de l'article 2 de la présente loi.

« Lors du transfert au secteur privé de la majorité du capital de la société Air France, les membres ainsi que le président du conseil d'administration de cette société restent en fonction jusqu'à l'issue de la réunion de la première assemblée générale des actionnaires postérieure à ce transfert. L'assemblée générale des actionnaires doit être convoquée dans les deux mois suivant le transfert.

« Toutefois les administrateurs de la société Air France élus par les salariés et les administrateurs représentant les salariés actionnaires restent en fonction jusqu'à l'élection ou la désignation, selon le cas, des nouveaux administrateurs, conformément aux dispositions de l'article L. 342-3 du code de l'aviation civile dans sa rédaction issue de l'article 2 de la présente loi. Cette élection et cette désignation interviennent dans un délai maximum de six mois suivant le transfert au secteur privé de la majorité du capital de la société. »

La parole est à Mme Odette Terrade, sur l'article.

Mme Odette Terrade. Cet article tendrait à nous faire croire qu'un passage harmonieux de l'entreprise publique au secteur privé est possible, que la spécificité des administrateurs représentant les salariés sera prise en compte et qu'il est même prévu la prolongation de cette période de transition. Pourtant, permettez-moi de vous le dire, ce n'est pas l'avis des salariés d'Air France !

D'ailleurs, dans le contexte de la privatisation du capital d'Air France, par exemple, un grand nombre des salariés actionnaires se sentent comme les jouets de la Bourse ou, pire, les acteurs de leur propre exploitation.

Au risque de me répéter, mais la répétition a une valeur pédagogique, je suis convaincue que, sans l'obtention de droits nouveaux pour les salariés, sans l'intervention et le contrôle de ceux-ci sur la gestion de l'entreprise, sans l'expression d'une véritable démocratie sociale à tous les échelons, l'actionnariat salarié n'est, en définitive, rien d'autre que la forme la plus achevée de l'exploitation capitaliste.

Je ne me fais aucune illusion sur les pouvoirs proposés aux salariés actionnaires dans le cadre du transfert de la majorité du capital d'Air France au secteur privé. La future entreprise privée Air France va connaître des conflits sociaux dont vous assumerez la responsabilité.

Vous mettez l'entreprise sous contrôle de la finance et vous pensez que les salariés et les usagers resteront sans rien dire ! Peut-on se satisfaire d'une situation de légalisation d'un conseil d'administration qui, dans cette période transitoire, ne sera plus qu'une chambre d'enregistrement des décisions prises par la finance ?

Le processus de libéralisation d'Air France sert la libéralisation du ciel européen vers une séparation des fonctions de fournisseurs de services et des fonctions de contrôle et de régulation.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 10 est présenté par MM. Pastor, Marc et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée.

L'amendement n° 17 est présenté par Mmes Beaufils, Terrade, Beaudeau et Luc, MM. Le Cam et Coquelle, Mme Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

« Supprimer l'article 4. »

La parole est à M. Jean-Marc Pastor, pour présenter l'amendement n° 10.

M. Jean-Marc Pastor. Il s'agit simplement d'un amendement de conséquence.

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour présenter l'amendement n° 17.

Mme Marie-France Beaufils. Comme le disait Mme Terrade tout à l'heure, la répétition a une valeur pédagogique.

M. Hilaire Flandre. C'est la méthode Coué !

Mme Marie-France Beaufils. Vous savez que j'ai exercé le métier de professeur des écoles. Par conséquent, cela ne vous surprendra pas. Donc, au risque de nous répéter, nous considérons que cet article 4 est assez remarquable quant aux difficultés juridiques qui découlent de la volonté affichée de parvenir à privatiser l'entreprise publique de transport aérien qu'est Air France.

En effet, comme la législation en vigueur est parfaitement inadaptée, on se retrouve contraint, dès lors que l'on cherche à atteindre cet objectif économiquement et socialement discutable qu'est la privatisation, de prévoir des dispositions spécifiques propres à la composition des organes dirigeants de l'entreprise.

Cet article 4 semble donc, en quelque sorte, à l'instar de l'article 1er sur les conditions de cession des titres de la compagnie nationale, conçu pour masquer ou atténuer la portée de l'orientation affichée. Mais, concurremment, il constitue un article de conséquence des choix opérés.

Le fait de ne pas privatiser - soulignons-le encore une fois - nous aurait dispensés de cette petite gymnastique législative qu'illustre l'article 4.

Cela dit, les conditions mêmes de mise en oeuvre de l'article 4 nous conduisent à nous interroger sur les motivations profondes qui sous-tendent le projet de loi.

Il s'agit, en particulier, de cette question récurrente de la répartition des sièges entre les différentes catégories de personnels, le Gouvernement tentant, d'une certaine manière, de tirer parti d'antagonismes plus ou moins avérés entre personnels au sol et personnels navigants pour s'assurer d'une représentation des salariés dans les organes dirigeants de l'entreprise plus sensible aux appels du libéralisme, donc plus conforme ou plus docile aux orientations qui pourraient découler d'une gestion de l'entreprise banalisée.

Cependant, une question demeure, elle aussi récurrente. En effet, tout laisse à penser que, quand bien même les salariés disposeraient d'un nombre plus élevé qu'ailleurs de représentants dans les organes décisionnels de l'entreprise, ce serait la règle banale du droit des sociétés qui s'imposerait, c'est-à-dire celle de la majorité des droits de vote découlant de la détention de la majorité des actions.

Nous pourrions avoir assez rapidement une situation où, face aux actions résiduellement détenues par l'Etat et à celles que posséderaient les personnels au sol, des majorités de circonstance se dégageraient dans les assemblées générales d'actionnaires, rassemblant les actionnaires salariés ou anciens salariés du personnel navigant technique et les actionnaires purement privés, qu'il s'agisse de personnes physiques ou de personnes morales.

De fait, nous nous permettons de douter de la qualité des décisions de conseil d'administration ou d'assemblées générales où n'auraient d'importance que les impératifs traditionnels du libéralisme, c'est-à-dire la rémunération du capital et l'élévation du niveau de rentabilité. C'est pourtant ce à quoi nous risquons de tendre si l'on suit à la lettre les orientations de ce texte et singulièrement de cet article 4, malgré les apparents garde-fous qu'il prétend apporter aux dérives en la matière.On sait ce qu'ont donné ces décisions de conseils d'administration dans d'autres cas !

Rappelons rapidement que c'est bien parce que la compagnie générale d'industrie et de participations, la CGIP, de M. Seillière, président du MEDEF et farouche défenseur de la refondation sociale, a décidé, un beau jour, pour de purs impératifs financiers, de retirer sa participation, qu'Air Liberté a connu une première procédure collective, avant la reprise par l'équipe animée par Jean-Charles Corbet, ou encore que la compagnie Swissair, historiquement implantée dans le domaine du transport aérien, a dû déposer son bilan.

Souhaite-t-on la même chose à notre compagnie nationale, au motif d'une privatisation hâtivement adoptée et ne devant, semble-t-il, rapporter qu'une somme dérisoire au compte d'affectation spéciale du produit des privatisations ? Lui souhaite-t-on d'être ainsi à la merci de décisions de conseils d'administration ou d'assemblées générales d'actionnaires où quelques prédateurs financiers feraient bon poids des missions de service public que l'entreprise assume aujourd'hui ?

Telle n'est évidemment pas l'orientation des sénateurs communistes républicains et citoyens, qui vous proposent naturellement de rejeter sans ambiguïté l'article 4 du présent projet de loi.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Au risque, moi aussi, de me répéter - mais ne nous a-t-on pas dit que la répétition avait une valeur pédagogique ? -, avis défavorable !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Gilles de Robien, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, quand de nouveaux actionnaires entrent dans le capital d'une entreprise, il faut bien en tirer les conséquences sur la composition du conseil d'administration. Franchement, priver Air France de conseil d'administration, ce n'est pas raisonnable. D'ailleurs, ce serait, du même coup, priver les salariés de représentation au sein du conseil d'administration.

Mme Marie-France Beaufils. Mais l'entreprise a un conseil d'administration !

M. Gilles de Robien, ministre. A l'évidence, nous ne pouvons accepter ces amendements identiques de suppression. (M. Robert Del Picchia applaudit.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 10 et 17.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 4.

(L'article 4 est adopté.)

Art. 4
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Art. 6

Article 5

M. le président. « Art. 5. - L'article 51 de la loi n° 98-546 du 2 juillet 1998 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier est modifié ainsi qu'il suit :

« I. - Les dispositions du II sont remplacées par les dispositions suivantes :

« II. - En cas d'opération donnant lieu à l'application du III du présent article, l'Etat est autorisé à céder gratuitement ou à des conditions préférentielles aux salariés de la société Air France qui auront consenti à des réductions de leur salaire, des actions de cette société, dans la limite de 6 % de son capital.

« La société Air France rembourse à l'Etat le coût, déterminé selon des critères fixés par décret en Conseil d'Etat, résultant pour ce dernier de la mise en oeuvre de l'alinéa précédent, en tenant compte notamment de l'augmentation de valeur de la participation de l'Etat pouvant résulter des réductions de salaire.

« Une convention passée entre la société et l'Etat prévoit les modalités de ce remboursement, qui doit intervenir au plus tard dans un délai de deux ans, et qui peut notamment prendre la forme d'une attribution à l'Etat de titres d'Air France, ou l'attribution par la société Air France d'actions gratuites, au titre de l'article 12 ou de l'article 13 de la loi n° 86-912 du 6 août 1986 relative aux modalités des privatisations. Cette convention doit être approuvée par la commission mentionnée à l'article 3 de ladite loi.

« L'article L. 225-40 du code de commerce n'est pas applicable à la procédure d'approbation de la convention qui est soumise à l'approbation directe du conseil d'administration, sur le rapport des commissaires aux comptes.

« Sous réserve des dispositions de l'article 150-0D du code général des impôts, la valeur des actions mentionnées au présent II n'est pas retenue pour le calcul de l'assiette de tous impôts, taxes et prélèvements assis sur les salaires ou les revenus. Elle n'a pas le caractère d'éléments de salaire pour l'application de la législation du travail et de la sécurité sociale.

« Les dispositions du premier alinéa de l'article L. 443-2 du code du travail ne sont pas applicables aux opérations régies par le présent II.

« Les avantages résultant de l'application des dispositions du II et du III du présent article sont cumulables. Lesdites dispositions sont sans influence sur les droits antérieurement acquis par les salariés de la société Air France au titre du présent article.

« Un décret détermine les conditions d'application du présent II, et notamment le délai, qui ne peut excéder cinq ans, pendant lequel tout ou partie des actions visées au présent II sont incessibles. »

« II. - Il est inséré un IV ainsi rédigé :

« IV. - Les dispositions du II et du III s'appliquent tant que les articles 11 et 12 de la loi n° 86-912 du 6 août 1986 sont applicables à la société Air France. »

La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau, sur l'article.

Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'article 5 précise les conditions de cession d'une participation de l'Etat dans la société Air France et les modalités de remboursement, ainsi qu'une cession aux salariés de la société Air France d'actions dans la limite de 6 % du capital pour les salariés ayant consenti des réductions de salaire.

Est-ce l'intérêt d'Air France ? Est-ce l'intérêt du transport aérien public ? Est-ce l'intérêt des personnels de recevoir ces participations d'Etat, et pour en faire quoi ? Voilà quelques questions qui doivent être abordées avant de décider la cession.

Au préalable, je voudrais dire, et la situation d'Air Lib est là pour nous le rappeler, que les sociétés privées actuelles sont en situation difficile. Le cas de Swissair doit aussi nous faire réfléchir.

Le grand défi du transport aérien au xxie siècle est de concilier le développement avec les contraintes environnementales et de sécurité, et de trouver, par le biais des industries aérospatiales, les moyens de développer des technologies nouvelles.

Puis-je vous rappeler que le transport aérien s'est développé, au cours des cinquante dernières années, deux fois plus vite que l'économie mondiale ? Le transport aérien a pu vivre et se développer hors des règles économiques du secteur commercial. De plus, protégé par des sociétés spécialisées à statut de société d'Etat, le transport aérien n'a pas eu à rémunérer le capital investi.

Aujourd'hui, le transport aérien dans son ensemble trouvera-t-il les moyens de financer les nouvelles technologies dont il a besoin ? La réponse est non. C'est pourquoi le président de la Lufthansa peut écrire : « A l'avenir, émergeront cinq à six compagnies exploitant des flottes de plus de mille avions. »

La société Air France peut-elle avoir cette ambition ? Non ! Air France, affaiblie par la privatisation, se trouvera en situation plus difficile encore. Son développement devra désormais se faire sur fonds propres, c'est-à-dire, en dernier ressort, avec l'argent des passagers. Or son nouveau statut va placer Air France en concurrence avec d'autres sociétés qui, comme Easy Jet, entendent casser les prix.

La privatisation ne condamne-t-elle pas Air France au déclin ? On pourrait le croire à en juger, par exemple, les objectifs fixés par la NASA pour le développement du trafic aérien, qui devrait répondre par un triplement de la capacité du système aérien d'ici à dix ans, avec une réduction des coûts de 25 % la première décennie et de 50 % la seconde.

Comment la société Air France, privatisée, seule, avec un capital amputé, pourra-t-elle résister et respecter de tels objectifs ? Elle ne pourra que difficilement atteindre la situation d'une méga compagnie.

Je tiens à enrichir votre réflexion de l'expérience d'aujourd'hui. Le patrimoine boursier des actionnaires salariés, en effet, a fondu comme neige au soleil sur le marché. Par quel miracle la société Air France échapperait-elle à cette règle ? Chez France Télécom, les actionnaires salariés ont payé leur titre 22,2 euros. Après avoir culminé à 47 euros, l'action a chuté, le 30 septembre 2002, à 6,94 euros.

Après avoir trompé les salariés de France Télécom, on les a volés ! (Exclamations sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. Roland du Luart. C'est un peu excessif : tant que vous n'avez pas vendu, vous n'avez rien perdu !

M. Robert Del Picchia. C'est virtuel !

Mme Marie-Claude Beaudeau. N'en sera-t-il pas de même pour les salariés d'Air France ?

France Télécom n'est pas un cas isolé. On pourrait prendre l'exemple de Thalès et de bien d'autres.

Le Monde a publié, voilà quelques jours, un bilan des plus grandes sociétés ayant un grand nombre d'actionnaires salariés - plus de 30 000. Dans toutes ces sociétés, le pourcentage moyen du portefeuille salarié est en baisse, sauf deux - le Crédit Lyonnais et Renault.

L'évolution négative est la plus forte chez Vivendi-Environnement - moins 71 % -, chez Alcatel - moins 65 % -, chez Air France - moins 45 % -, chez Axa - moins 50 % -, et chez Aventis - moins 46 %.

La cession de parts au personnel d'Air France ne fera que précipiter l'affaiblissement d'Air France et cultiver de nouvelles illusions du type France Télécom.

Les diminutions de salaires serviront à financer les investissements. L'action Air France a été valorisée avec un montant inférieur aux investissements des quatre dernières années.

Le travail de chaque salarié, moins rémunéré, a permis chaque mois d'autofinancer à hauteur de plus de 1 500 euros d'investissement le développement de la compagnie.

Contrairement à ce que vous écrivez, monsieur le rapporteur, il ne s'agit pas d'une majoration des ressources des employés d'Air France : c'est une exploitation nouvelle, mais dissimulée.

Nous nous prononçons donc contre l'article 5, dont nous demandons la suppression, comme nous demandons le rejet de l'ensemble du projet de loi.

M. Robert Bret. Très bien !

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 11 est présenté par MM. Pastor, Marc et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée.

L'amendement n° 18 est présenté par Mmes Beaufils, Terrade, Beaudeau et Luc, MM. Le Cam et Coquelle, Mme Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

« Supprimer l'article 5 ».

La parole est à Mme Gisèle Printz, pour présenter l'amendement n° 11.

Mme Gisèle Printz. Cet amendement a pour objet de supprimer, avec l'article 5, une mesure destinée au personnel mais dont celui-ci ne veut pas, à savoir le dispositif d'échange « salaire contre actions ».

L'intersyndicale y est défavorable et les pilotes les plus ouverts à ce dispositif réclament désormais l'ajournement du projet de loi.

Le système « salaire contre actions » a été utilisé en 1998 ; il montre aujourd'hui ses limites. Il ne peut que favoriser les hauts salaires et ne peut séduire les petits et les moyens salaires, dont le pouvoir d'achat est garanti par le salaire et non par la détention d'actions.

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour présenter l'amendement n° 18.

Mme Marie-France Beaufils. Cet article 5 s'inscrit dans une logique purement libérale, puisqu'il vise à développer l'actionnariat dans le secteur aérien.

Au vu des derniers événements, comme la faillite des fonds de pension, et de la récurrence des krachs boursiers qui, aux Etats-Unis, par exemple, ont fait perdre aux petits porteurs toutes leurs économies, une telle orientation, qui relève de la même logique, ne nous semble guère favorable aux salariés. Elle exigerait, monsieur le ministre, une réflexion nationale, comme vient de le rappeler Mme Marie-Claude Beaudeau, puisqu'elle vise à transformer de manière radicale le mode de rémunération, traditionnellement fondé sur le salariat.

Pour le dire autrement, on tente ici de substituer au statut de salarié, auquel sont attachés un certain nombre de droits en matière de sécurité sociale, et ce au sens large de l'expression, un mode de gestion salariale qui remet précisément en cause l'ensemble de ces droits progressistes, parmi lesquels ceux qui garantissent les retraites, fruits de longues et dures luttes des salariés pour l'émancipation et l'amélioration des conditions de vie.

Depuis plusieurs années, les salaires ont été bloqués à Air France ou n'ont progressé que très faiblement. Les salariés ont donc déjà consenti d'énormes efforts. Or, nous l'avons souligné lors de la discussion générale, les cours actuels des actions Air France sont bien en deçà du niveau que les salariés espéraient. La généralisation du dispositif d'échange « salaire contre actions » risque d'être à nouveau source de déboires pour les salariés.

En réalité, la compensation des pertes de salaires demeure soumise aux sautes d'humeur des marchés financiers. Ce nouveau mode d'implication et d'intéressement des salariés à la bonne santé de leur entreprise se retournera contre eux.

Par ailleurs, le risque existe d'une répartition inégale au sein de l'entreprise, car il est évident que l'échange d'actions dépendra du niveau du salaire. Cela ne sera pas sans susciter des conflits sociaux, avec des conséquences désastreuses pour l'avenir du groupe. La majorité des organisations représentatives ne se satisfait pas de telles dispositions impliquant des salaires au rabais et une rémunération soumise à l'instabilité des marchés financiers.

Faut-il encore ajouter que l'exonération fiscale ne pourra profiter aux salariés que s'ils ne vendent pas leurs actions ?

Comme le souhaitent les représentants des salariés d'Air France que nous avons reçus, nous vous proposons de voter cet amendement de suppression de l'article 5.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Monsieur le président, je suis de plus en plus inquiet : même le primaire que je suis ne semble plus pouvoir comprendre les choses simples ! (Sourires.)

Je vous rappelle, en effet, que cette disposition avait été présentée en son temps par Jean-Claude Gayssot, plutôt proche de vos idées, madame Beaufils. C'est lui qui avait introduit cette formule d'échange, mais en la réservant aux seuls pilotes.

Ici, le Gouvernement va plus loin, puisqu'il ouvre le dispositif à tous les salariés, et de manière optionnelle, car rien n'est imposé. En outre, cela ne sera pas considéré comme un élément du salaire. Et, pourtant, vous êtes contre ! En confidence, personnellement, je ne comprends plus rien, mais la commission, elle, avait compris, et elle a émis un avis défavorable sur ces amendements identiques de suppression !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Gilles de Robien, ministre. Pour renchérir sur M. le rapporteur, j'affirme que cet article est indispensable tant sur le plan économique que sur le plan social.

Sur le plan économique, je reprends les propos de M. Gayssot en mars 2000 : « Un échange entre salaire et actions participe directement à la baisse des coûts de production de la société sans que le revenu des salariés en soit affecté sur la durée de leur carrière. » C'était le point de vue économique défendu par M. Gayssot.

M. Roland du Luart. C'était le bon sens !

M. Gilles de Robien, ministre. Je tiens, pour ma part, à défendre, avec la majorité et au nom du Gouvernement, le point de vue social.

D'abord, il s'agit d'une mesure facultative, j'insiste sur ce point. Les salariés ne seront pas obligés d'échanger des actions contre une éventuelle modération salariale.

Ensuite, pour la première fois, et c'est une avancée sociale considérable, la mesure qui, du temps de M. Gayssot, n'était destinée qu'aux pilotes, s'adresse, cette fois, à l'ensemble du personnel d'Air France. Ainsi, 70 000 personnes vont pouvoir, à titre facultatif, si elles le souhaitent, en bénéficier. Et enfin, songez-y, quelle avancée sociale pour la gestion de l'entreprise que d'associer les salariés à la stratégie d'une belle entreprise comme Air France.

Mme Marie-France Beaufils. Nous ne sommes pas dans la même logique !

M. Gilles de Robien, ministre. Leur refuser cette possibilité, c'est ne pas comprendre la volonté des salariés !

M. Robert Bret. Cela reste à prouver !

M. Gilles de Robien, ministre. Nous disposons, d'ailleurs, aujourd'hui, mesdames, messieurs les sénateurs, d'une enquête dont les résultats prouvent qu'une majorité des salariés est favorable au dispositif.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur les amendements de suppression n°s 11 et 18. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 11 et 18.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 5.

(L'article 5 est adopté).

Art. 5
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Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 6

M. le président. « Art. 6. - I. - Les dispositions du premier alinéa de l'article L. 341-4 du code de l'aviation civile sont abrogées.

« II. - Les dispositions de l'article 2 de la présente loi entrent en vigueur à la date du transfert au secteur privé de la majorité du capital de la société Air France.

« Les dispositions des articles L. 341-1, L. 342-1 et L. 342-2 du code de l'aviation civile sont abrogées à cette même date. »

La parole est à Mme Odette Terrade, sur l'article.

Mme Odette Terrade. Alors que nous terminons l'examen de ce projet de loi de privatisation de la compagnie Air France, je voudrais attirer votre attention sur les résultats du trafic aérien et la spécialisation des deux aéroports parisiens, Orly et Roissy-Charles-de-Gaulle, l'un pour le trafic domestique et l'Union européenne, l'autre pour le trafic international.

Ces choix ont abouti à une sous-utilisation des installations d'Orly et à un surcoût économique dans la gestion de la plateforme, conduisant à des réductions d'effectifs et à une augmentation nuisible du trafic de Roissy.

De fait, depuis de nombreuses années, on assiste à un déclin de la plateforme d'Orly, avec la disparition de milliers d'emplois induits. Ce déclin va s'accentuer avec la faillite d'Air Lib et, je l'ai dit lors de la discussion générale, toutes les conséquences en termes d'emplois et de ressources pour les collectivités locales.

En réalité, c'est donc non pas en termes d'opposition que l'on doit envisager le développement de nos deux aéroports, mais en pleine complémentarité.

L'agglomération parisienne est desservie par deux platesformes aéroportuaires, Orly au sud, Roissy au nord. Elle a besoin de ses deux aéroports pour assurer la desserte équilibrée de l'ensemble du Bassin parisien.

La situation actuelle est marquée par une confusion dommageable.

D'un côté, il est évident que le centre principal, le lieu de croissance est à Roissy, qui dispose d'un potentiel important.

De plus, à partir du moment où Air France a opté pour une stratégie de hub, cela implique qu'elle rabatte le plus possible son trafic sur Roissy.

Dans le même temps, cependant, Orly garde une image de marque bien meilleure : c'est l'aéroport le plus demandé, aussi bien sur le plan local que sur le plan international. Il y aurait un grand danger pour Air France à abandonner Orly uniquement aux compagnies low cost.

Il faut donc développer conjointement les atouts des deux aéroports.

Cela passe par une liaison commode et rapide entre les deux plateformes, liaison qui, actuellement, fait cruellement défaut. Les deux aéroports ont été conçus non seulement hors du rail, mais même en opposition avec le rail, du moins pour Orly.

La liaison ferrée Orly-Roissy est prévue, mais sa réalisation sera étalée et menée en plusieurs phases. Accorder la priorité à cette liaison complète entre les deux aéroports constituerait un élément important - ce ne serait pas le seul - à la fois pour la complémentarité de l'activité des deux aéroports, mais aussi pour la redynamisation du pôle économique et du bassin d'emploi d'Orly.

M. le président. Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° 12 est présenté par MM. Pastor, Marc et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée.

L'amendement n° 19 est présenté par Mmes Beaufils, Terrade, Beaudeau et Luc, MM. Le Cam et Coquelle, Mme Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

« Supprimer l'article 6. »

L'amendement n° 2, présenté par M. Le Grand, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

« Dans le I de cet article, remplacer la référence : "L. 341-4" par la référence "L. 342-4". »

La parole est à M. François Marc, pour présenter l'amendement n° 12.

M. François Marc. L'article 6, dont nous proposons la suppression, résume jusqu'à la caricature l'esprit du projet de loi tout entier et la politique du transport aérien d'un gouvernement assoiffé de dérégulation.

A l'occasion de l'examen du texte constitutionnel relatif à l'organisation décentralisée de la République, nous avons déjà dénoncé ici l'attitude du Gouvernement qui consiste à laisser les territoires à leur misère. Il est en effet prévu dans le projet de loi constitutionnelle une procédure d'expérimentation à la carte, qui donnera la possibilité aux régions et aux territoires riches de mettre en oeuvre des compétences, à titre expérimental et de manière exceptionnelle, dès lors qu'ils en auront les moyens. A l'inverse, les territoires modestes, à faibles ressources, ne pourront pas expérimenter grand-chose, faute des ressources nécessaires.

Nous sommes ici au coeur d'une logique tout à fait explicite qui consiste à abandonner totalement des territoires à leur sort et, en l'occurrence, à se priver de toutes les procédures qui permettraient d'exiger d'Air France qu'elle assume des missions de service public et des missions d'intérêt général.

Certes, s'agissant de l'équilibrage des comptes, il faut prendre en considération la dimension économique et financière, qui peut se comprendre dans la logique du texte qui nous est proposé.

En revanche, il paraît incompréhensible que cela conduise à l'abandon total des missions de service public et des missions d'intérêt général, d'autant plus incompréhensible pour qui relit les propos que tenait M. Le Grand à l'occasion de la discussion budgétaire. On est frappé de constater que M. le rapporteur prônait un changement de politique de desserte aérienne à l'égard des territoires. Cela faisait d'ailleurs deux ou trois ans qu'il dénonçait l'abandon progressif d'un certain nombre de lignes, au détriment des lignes moyennes, ainsi que des modifications de programmes et des suppressions de lignes, surtout dues à Air France.

De la même façon, au moment du vote du budget, il y a quelques semaines, M. le rapporteur indiquait qu'il fallait assouplir les critères d'éligibilité au fonds d'intervention pour les aéroports et les transports aériens, le FIATA, afin qu'un nombre plus important de liaisons puissent bénéficier de ce soutien. Il indiquait également qu'il fallait raisonner en termes de « liaison de service public ». Or, aujourd'hui, en totale contradiction avec lui-même, M. le rapporteur balaie tout ce qui a fait sa philosophie naguère, notamment pour laisser aux entreprises l'entière liberté de fixer leurs tarifs. Car, dans l'expression « missions de service public », il faut entendre également la fixation des prix, mes chers collègues !

Donc, une fois privatisée, Air France va non seulement continuer d'abandonner des dessertes, ce que M. le rapporteur a pu dénoncer en d'autres temps, mais aussi inscrire les tarifs dans un processus inflationniste, au grand dam des territoires les plus excentrés, des petites villes et des villes moyennes.

Cette logique de dérégulation est tout à fait inadmissible, raison pour laquelle nous proposons de supprimer l'article 6.

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour présenter l'amendement n° 19.

Mme Marie-France Beaufils. Cet amendement tire la conséquence de tous ceux qui ont été précédemment déposés puisqu'il tend à supprimer l'article 6, qui vise à modifier le code de l'aviation civile pour faire tomber les entreprises de transport aérien, dont Air France, dans le domaine de la législation de droit commun.

Nous avons déjà eu maintes fois l'occasion de le dire tout au long de ce débat, mais je le répète : il n'y a pire avenir pour une entreprise de transport aérien - et pour Air France - que de perdre ses prérogatives publiques au profit de prérogatives privées ; il n'y a pire avenir pour les usagers des transports aériens que de perdre des entreprises assurant des missions de service public au profit d'entreprises privatisées dévouées corps et âme aux logiques du marché.

Nous nous trouvons dans une situation dans laquelle brader les entreprises publiques est devenu un objectif pour le Gouvernement sans que celui-ci en mesure pour autant les implications sur le service apporté aux usagers et sur les entreprises elles-mêmes. Croire que l'abandon du secteur public au profit du secteur privé n'aura que des conséquences positives relève de l'utopie.

Vous parlez de bienfait pour le transport aérien, monsieur le ministre ; moi, je parlerai de débandade ! Quel avenir envisagez-vous pour le transport aérien, sinon un avenir sombre ? Les entreprises régionales seront amenées à disparaître, et Air France recentrera ses activités dans un but de rentabilité.

Qui assumera les vols nationaux ? Qui assumera les missions de service public ? Les low cost ? Assurément pas ! Fort attrayantes pour certains, ces compagnies prétendument à bas coût n'ont qu'un seul objectif : le profit à tout prix. Aujourd'hui, elles tissent une toile tentaculaire qui donne à croire qu'elles pallieront les carences futures des grandes compagnies privées. Mais qu'adviendra-t-il demain ? Consolidées autour de quelques monopoles, ces compagnies abandonneront les lignes peu rentables tout en continuant à communiquer sur des tarifs prétendument attractifs, mais pourtant très chers pour le passager.

Ce processus est d'ailleurs déjà engagé ! Qui, en fin de compte, en pâtira sinon, bien évidemment, les usagers et les employés ?

Toutes ces considérations nous conduisent à plaider contre le retour des entreprises de transport aérien et de la société Air France dans le droit commun. Mieux vaut réfléchir à la création d'un véritable pôle public du transport aérien dans lequel l'Etat conserverait une réelle marge d'intervention et d'initiative et grâce auquel tous eraient bénéficiaires : salariés, usagers et Etat !

C'est la raison pour laquelle nous vous demandons, mes chers collègues, d'adopter cet amendement et de montrer ainsi votre attachement aux missions de service public qu'assument les entreprises de transport aérien françaises.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 2 et donner l'avis de la commission sur les amendements identiques n°s 12 et 19.

M. Jean-François Le Grand, rapporteur. L'amendement n° 2 vise simplement à corriger une erreur matérielle.

Quant aux amendements n°s 12 et 19, la commission y est évidemment défavorable.

Cependant, je ne peux pas laisser sans réponse les propos qu'a tenus à l'instant notre collègue M. Marc : les obligations de service public - les OSP - et l'aménagement du territoire n'ont rien à voir avec le statut de l'entreprise.

Mme Hélène Luc. Bien sûr que si !

M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Mais non ! La raison en est d'ailleurs évidente : les lignes aériennes dites « OSP », qui bénéficient de subventions du FIATA, sont choisies au terme d'un appel d'offres auquel peuvent répondre les entreprises tant privées que publiques. Le statut de l'entreprise n'intervient donc pas du tout en la circonstance.

Je souhaitais rectifier cette erreur.

Je rappelle par ailleurs que le FIATA intervient dès lors que sont remplis un certain nombre de critères, que je ne citerai pas tous, qui portent notamment sur la proximité d'autres aéroports ou sur la substitution de moyens alternatifs de transport.

Le FIATA a lui-même succédé au fonds de péréquation du transport aérien, le FPTA, à la naissance duquel j'avais eu, avec le comité Abraham, l'honneur de participer, et je parle sous le contrôle de ceux qui connaissent bien la DGAC. Le FPTA, je le dis comme je le pense, a été amélioré par le précédent grouvernement, qui a élargi son champ d'application en même temps qu'il réduisait la ressource prélevée sur les passagers.

La mission majeure du FIATA, je dirai même sa seule fonction, est de rééquilibrer les chances territoriales, de refuser les fatalités territoriales. Elle est donc totalement indépendante du statut de l'entreprise, et je ne voudrais pas que l'on puisse penser que, parce que l'on ouvre le capital d'Air France, on abandonnerait l'aménagement du territoire !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Gilles de Robien, ministre. Je suis bien entendu favorable sur l'amendement n° 2.

En revanche, je suis défavorable aux amendements n°s 12 et 19.

Monsieur Marc, mesdames, messieurs les sénateurs de l'opposition, il va vous falloir résoudre une contradiction qui s'est manifestée tout au long du débat.

Vous vous êtes largement félicités des bénéfices dégagés par Air France, dont vous en avez tiré argument pour demander que l'on ne change pas la donne, que l'on ne modifie pas le statut de l'entreprise. Or, si Air France dégage des bénéfices, si son chiffre d'affaires est en hausse, si ses effectifs sont passés en quelques années de 56 000 à 70 000 salariés, c'est justement parce qu'elle est sortie de l'économie administrée, monsieur Marc, alors que vous-même êtes resté dans cette logique. On ne peut pas, même lorsqu'il s'agit d'aménagement du territoire, enjoindre à une entreprise comme Air France de faire du Paris-Rodez à 50 euros, sauf à la voir perdre de son chiffre d'affaires, perdre ses marges et, finalement, devoir être renflouée - ou ne pas l'être - par le contribuable.

Si, au contraire, on laisse jouer le marché par le biais d'appels d'offres et de consultations, si l'on fait appel au FIATA pour obtenir une aide au billet, alors, on peut desservir le territoire. Mais ne confondez pas l'aménagement du territoire et l'harmonisation des statuts et des règles du jeu entre les compagnies aériennes !

Si nous souhaitons le maintien de l'article 6, c'est évidemment pour pouvoir harmoniser les statuts des compagnies aériennes de façon que la concurrence soit loyale et qu'Air France puisse non seulement jouer à jeu égal avec les autres compagnies, mais également passer de bons acords avec certaines d'entre elles et assurer ainsi une desserte mondiale. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 12 et 19.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

2023uM. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 6, modifié.

(L'article 6 est adopté.)

Vote sur l'ensemble

Art. 6
Dossier législatif : projet de loi  relatif aux entreprises de transport aérien et notamment à la société Air France
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à Mme Marie-France Beaufils pour explication de vote.

Mme Marie-France Beaufils. Tout au long de la discussion, nous avons essayé de parvenir à un échange. Pourtant, j'ai plutôt l'impression qu'il n'y a eu qu'une succession d'interventions. La majorité sénatoriale m'a même paru avoir du mal à s'engager dans un vrai débat, dans le débat politique de fond qui aurait dû avoir lieu sur ce que devrait être aujourd'hui l'aménagement du territoire dans une conception qui intègre tous les modes de transport.

J'ai bien entendu certaines remarques. Ainsi, vous nous avez indiqué, monsieur le ministre, que votre démarche était appréciée et approuvée par la majorité des salariés d'Air France. Ayant eu l'occasion de rencontrer les représentants des salariés, j'ai pu constater que les pilotes, qui considéraient d'un oeil peut-être bienveillant une ouverture plus large du capital lors des premières négociations, ont eux-mêmes rejoint la grande majorité des autres salariés dans leur refus du projet de loi tel qu'il nous est présenté aujourd'hui.

Il semble aussi que, de surcroît, certains économistes - et je ne me réfère pas à ceux qui sont mes amis, pour ne pas me voir de nouveau taxée de dogmatisme - soulèvent également la question du risque que comporte une ouverture très large du capital de l'entreprise qui serait caractérisée par une très faible participation de l'Etat.

Tout à l'heure, nous avons essayé d'expliquer pourquoi nous étions inquiets pour le service public. Votre exemple de la liaison Paris - Rodez, monsieur le ministre, me donne un argument supplémentaire. Je suis pour ma part favorable à la péréquation ; ainsi, j'estime qu'une entreprise de service public telle que peut l'être Air France si l'Etat conserve une participation majoritaire dans son capital est précisément en mesure de faire en sorte que les lignes les plus rentables compensent le déficit de celles qui ne le sont pas. C'est dans cette perspective que, me semble-t-il, on doit se placer, car elle seule permet véritablement d'apporter une réponse en termes d'aménagement du territoire.

Aussi, le groupe communiste républicain et citoyen votera contre le texte qui nous est soumis. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc.

Mme Hélène Luc. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention sera brève.

Etant une passionnée de l'aviation et du transport aérien, je considère que le débat auquel nous avons assisté n'était aucunement le débat approfondi, le débat d'ensemble qui aurait pu, qui aurait dû avoir lieu.

M. Hilaire Flandre. Vous ne le vouliez pas !

Mme Hélène Luc. Il est vrai que tel n'était pas l'objectif que le Gouvernement cherchait à atteindre : celui-ci voulait seulement obtenir que la majorité sénatoriale vote le texte.

Même si nous ne partageons pas les mêmes idées, le Sénat nous a habitués à des rapports intéressants sur ces sujets ou d'autres. Or, celui que vous nous avez présenté, monsieur le rapporteur, est vide, et pour cause !

Pourtant, les analyses à faire, les questions à poser, les propositions à formuler ne manquaient pas ! Ainsi, pourquoi ne pas avoir étudié les conséquences de l'augmentation significative du trafic aérien dans les dix prochaines années ?

Mais, à l'évidence, cela ne vous intéressait pas. Avec votre gouvernement, vous avez voulu, monsieur le ministre, terminer le travail que M. Blanc avait commencé en 1997 et dont l'échec l'avait conduit à la démission.

Les enjeux sont clairs, mais nous n'avons pas la même logique.

La privatisation que vous envisagez entraînera bien d'autres conséquences que celles sur lesquelles Marie-France Beaufils et Odette Terrade, notamment, ont attiré l'attention du Sénat. Ainsi, les élus du Val-de-Marne se sont battus, avec le président du conseil général, pour que le groupe Air France Industries reste implanté sur le site d'Orly et ne devienne pas une société privée.

En outre, qu'adviendra-t-il de la Compagnie Corse-Méditerranée, la CCM-Corse ? Monsieur le ministre, vous n'avez pas répondu à ma question, qui est pourtant très intéressante !

S'agissant de l'aménagement du territoire, j'ai assisté au colloque « Transport avenir », au cours duquel a été clairement prévue la privatisation des aéroports de province. Il serait même question de transférer les aéroports de Roissy et d'Orly aux régions, voire de les privatiser.

Monsieur le ministre, qu'adviendra-t-il si Air France, privatisée, commande des Boeing plutôt que des Airbus ? Il n'est pas impossible que des fonds de pension américains entrent dans le capital d'Air France, ce qui ne serait pas sans conséquences sur l'industrie aéronautique française !

M. Robert Bret. C'est le libéralisme !

M. Hilaire Flandre. C'est déjà le cas !

Mme Hélène Luc. C'est donc le libéralisme complet !

Ainsi, monsieur le ministre, vous serez celui qui aura pris la responsabilité de privatiser Air France avec votre majorité parlementaire.

Ainsi, pour les salariés d'Air Lib, vous serez le ministre qui n'aura pas fait ce qu'il fallait pour sauver leur entreprise et qui lui aura donné le coup de grâce. Les salariés d'Air France, qui ont fait de leur compagnie l'une des meilleures au monde pour la sécurité des avions, pour la qualité de la formation des personnels à tous les niveaux, sont inquiets sur leur statut et le caractère public de l'entreprise. Avec eux, nous sommes tristes.

Le transport aérien connaît en France une situation que bien des pays nous envient : une compagnie publique, Air France, et une compagnie privée, Air Lib, qui travaillaient en complémentarité sur les lignes françaises, européennes et internationales, et qui, ainsi que le souhaitait M. Jean-Claude Gayssot, auraient pu développer des coopérations.

Nous verrons ce qu'il adviendra. Mais ce n'est pas la première fois qu'une loi de privatisation est votée, et j'ai en mémoire l'exemple de la SFP, la Société française de production et de création audiovisuelles, pour laquelle l'application de la loi a pris huit ans en raison du désaccord des salariés. Je regrette, je dois l'avouer, que ce soit un gouvernement de gauche qui l'ait promulguée !

M. Roland du Luart. Vous seriez encore au pouvoir, vous privatiseriez Air France !

Mme Hélène Luc. Oh non ! Je dis tout à fait objectivement ce que je pense, comme j'en ai l'habitude.

Monsieur le ministre, les salariés d'Air France n'en ont pas terminé. Comme vous, ils ne pensent pas que cette privatisation se fasse tout de suite, en raison du prix de l'action et des incertitudes de la situation internationale. Mais ils contribueront à ce qu'elle n'ait pas lieu du tout, et je serai à leurs côtés, avec tous les membres de mon groupe, pour qu'elle ne soit jamais réalisée.

Enfin - petite touche départementale ! - j'ai pris hier matin bonne note, monsieur le ministre, de votre accord pour la tenue d'une table ronde sur les problèmes de la plate-forme d'Orly. Je vous engage donc à nous y convier le plus rapidement possible.

Monsieur le ministre, la séance d'aujourd'hui, mercredi 12 février 2003, fera date, et nous ne manquerons pas d'en reparler. Les travailleurs, les salariés d'Air France, que ce soient les pilotes, les personnels au sol ou les personnels administratifs, sont aujourd'hui très déçus. Ils n'attendaient pas cela de l'élection de M. Chirac, à laquelle bon nombre d'entre eux ont contribué ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.) Ils ne s'attendaient pas à ce que M. Jean-Pierre Raffarin, qui ne cesse de parler de concertation, fasse voter d'une manière aussi brutale la privatisation d'Air France.

Cette question très importante mériterait un vrai débat. Il n'a pas eu lieu, je le regrette très sincèrement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Pastor.

M. Jean-Marc Pastor. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est une triste soirée : triste d'abord parce que l'on assiste au basculement dans le privé d'un service public qui était un des fleurons de la France ; triste ensuite parce que, au-delà de la décision de la privatisation, on met en vente au plus mauvais moment un service public excédentaire ; triste enfin et surtout à cause de la forme et du fond du débat qui s'achève.

Sur la forme, nous savons tous qu'il n'y a pas en politique de cadeaux pour ceux qui perdent : il n'y a pas d'espace pour les minoritaires, et vous nous en donnez aujourd'hui, une fois de plus, la preuve.

Deux jours de débat étaient prévus pour ce texte d'une extrême importance : quelques heures ont suffi pour bâcler la question de la privatisation d'Air France !

Mme Marie-Claude Beaudeau. C'est vrai !

M. Hilaire Flandre. Vous n'avez déposé que des amendements de suppression !

Mme Odette Terrade. Il n'y a pas eu beaucoup d'interventions de votre part !

M. Jean-Marc Pastor. C'est l'ambiance générale qui m'a attristé. Je regrette que l'arrogance et la suffisance aient plané tout le long de ce faux débat, ceux qui se savent les plus forts s'étant refusés à la discussion. Il n'y a, en effet, presque pas eu d'interventions du côté de la majorité.

C'est, je crois, le signe d'un appauvrissement de la démocratie...

Mme Odette Terrade. Absolument !

M. Jean-Marc Pastor. ... et je tenais, monsieur le président, à relever avec quel mépris ce débat avait été mené. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Une commission qui se réunit à douze heures trente pour examiner la totalité des amendements et qui lève la séance à douze heures trente-cinq : je laisse à chacun d'entre vous la liberté d'apprécier cette façon de travailler, mais, pour ma part, j'estime que c'est une pantalonnade de démocratie !

M. Guy Fischer. Eh oui !

M. Jean-Marc Pastor. Je vous souhaite de réussir, monsieur le ministre, car la France a besoin de ses transports aériens, mais, si vous croyez que, pour vous et pour votre politique, c'est une grande journée, sachez que, pour d'autres, c'est une bien triste journée : le recours à l'article 49-3 de la Constitution à l'Assemblée nationale...

Mme Hélène Luc. Oui !

M. Jean-Marc Pastor ... et la privatisation d'Air France bâclée au cours d'un prétendu débat républicain au Sénat !

Nous l'avons dit cet après-midi, on brade le service public au bénéfice du secteur privé sans évoquer une seule fois le citoyen et le service qu'il est en droit d'attendre sur tout le territoire français. Je ne reviens pas sur nos arguments, nous sommes désabusés, mais personne ne sera surpris que nous votions contre ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Arnaud.

M. Philippe Arnaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est une journée heureuse qui s'achève, une journée pleine de promesses !

Notre pays peut être fier d'Air France et il doit le demeurer. C'est une grande compagnie, qui est aujourd'hui à la croisée des chemins.

Mme Marie-Claude Beaudeau. Elle a pris le mauvais chemin !

M. Philippe Arnaud. Bien sûr, monsieur le ministre, c'est avec pragmatisme que le Gouvernement devra déterminer le moment et les modalités de l'ouverture du capital : il tiendra compte des considérations économiques, mais certainement aussi, dans ce contexte de grande incertitude, des considérations géopolitiques.

Il conviendra, monsieur le ministre, d'être pédagogue pour faire comprendre la nécessité de la privatisation et la chance qu'elle représente.

Après les efforts déployés depuis dix ans par les pouvoirs publics, par les dirigeants de la compagnie et par son personnel pour faire d'Air France un géant du transport civil aérien, le présent projet de loi nous permet de donner un nouvel élan à la troisième compagnie aérienne du monde.

Au nom du contribuable, au nom des salariés de l'entreprise, nous ne nous sentons pas le droit de laisser passer cette chance.

Oui, monsieur le ministre, la privatisation partielle d'Air France est à la fois une nécessité et une chance : une chance pour toutes les parties intéressées au développement de la compagnie, une chance pour les personnels, dont la représentation au sein des organes de la direction ne sera pas altérée et qui se verront associés au capital de la société.

Ces personnels, parce qu'il sont responsables, participeront au développement de leur entreprise.

C'est une chance pour les investisseurs, qui disposeront, enfin, des moyens d'orienter le devenir de la compagnie.

C'est une chance pour l'Etat et donc pour le contribuable.

C'est peut-être aussi - pourquoi pas ? - une chance pour certains salariés d'Air Lib.

Mme Marie-Claude Beaudeau. Pour certains seulement !

M. Philippe Arnaud. C'est pourquoi, placés face à nos responsabilités, nous sommes heureux de donner son envol à une très belle réussite française.

Il me reste à vous remercier, monsieur le ministre, à féliciter de leur excellent travail la commission des affaires économiques et son rapporteur, M. Jean-François Le Grand, ainsi que notre collègue et ami Yves Fréville, rapporteur pour avis.

Vous l'aurez compris, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe de l'Union centriste votera le projet de loi ! (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Luypaert.

Mme Brigitte Luypaert. Monsieur le ministre, le groupe de l'UMP apporte son entier soutien au projet de loi que vous nous présentez aujourd'hui.

L'actualité, avec l'annonce de l'arrêt d'Air Lib, a placé les projecteurs sur l'ensemble du secteur aérien de notre pays. Nous connaissons, monsieur le ministre, votre détermination, d'abord pour tout mettre en oeuvre afin d'aider à la poursuite de l'activité d'Air Lib et de favoriser un accord de reprise de l'entreprise, puis pour assurer un dispositif exceptionnel à tous les salariés de l'entreprise.

Mme Hélène Luc. Certainement...

Mme Brigitte Luypaert. Ces éléments méritaient, me semble-t-il, d'être rappelés.

Mme Hélène Luc. Allez le dire aux salariés !

Mme Brigitte Luypaert. Ce soir, nous discutons d'un texte qui doit permettre à Air France de continuer son développement et sa modernisation.

Comme l'ont très précisément exposé les rapporteurs, MM. Le Grand et Fréville, ainsi que notre collègue Serge Vinçon, ce texte permet l'ouverture du capital d'Air France en toute sécurité, en préservant les spécificités historiques de l'entreprise et dans le respect des droits des salariés.

A l'heure de la concurrence mondiale, il est en effet de notre devoir de législateur de donner à Air France tous les moyens de son expansion et tous les atouts pour son développement à long terme, en particulier par des moyens financiers renouvelés qui ouvrent la possibilité d'alliances renforcées.

Dans ce cadre, un désengagement progressif et maîtrisé de l'Etat garantira le développement de l'entreprise.

Plusieurs dispositions, notamment la détention nominative des actions, protégeront la compagnie contre toute tentative de prise de contrôle par des étrangers.

Vous entendez, monsieur le ministre, et nous vous en félicitons, agir avec pragmatisme en ne fixant pas un calendrier strict pour la cession des actions détenues par l'Etat : la cession n'interviendra que lorsque les conditions du marché seront favorables.

Parallèlement, la représentation des salariés au conseil d'administration est maintenue dans sa spécificité actuelle ; des échanges « salaires-actions » sont prévus.

Vous agissez encore avec pragmatisme, monsieur le ministre, en encourageant la concertation. Ainsi, la direction de l'entreprise devra ouvrir des négociations avec les salariés afin de prendre en compte leurs intérêts.

Pour toutes ces raisons, le groupe de l'UMP votera le projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Je me vois, de façon inhabituelle dans notre Haute Assemblée, obligé d'intervenir, car je ne peux laisser dire sans réponse, monsieur Pastor, les propos que vous avez tenus sur le travail en commission qui, je le dis sans animosité, sont inexacts et désobligeants.

Monsieur Pastor, je vous ai demandé ce matin si vous accepteriez que nous examinions assez rapidement vos amendements. Vous m'avez répondu par l'affirmative en ajoutant que nous aurions le temps d'en débattre en séance. Et il est vrai que vos amendements sont tous...

M. Robert Del Picchia. Ils sont identiques !

M. Jean-François Le Grand, rapporteur. ... empreints de la même philosophie, ce qui est la marque d'une grande continuité qu'il ne nous appartient pas de juger. C'est la raison pour laquelle je n'ai pas procédé autrement.

Nous avons cependant examiné plus longuement les amendements n°s 8 et 15, parce qu'ils vont à l'encontre de vos propositions habituelles. Je vous ai d'ailleurs fait remarquer que vous étiez probablement en train de vous « prendre les pieds dans le tapis » ...

M. François Marc. C'est vous qui vous prenez les pieds dans le tapis !

M. Jean-François Le Grand, rapporteur. ... et je vous avais annoncé que, sur ces deux amendements, la commission s'en remettait à la sagesse du Sénat.

J'ajoute que, le mercredi 5 février, il y a eu une réunion de la commission des affaires éonomiques au cours de laquelle nous avons étudié au fond le texte qui nous était présenté. Vous m'aviez alors dit, monsieur Pastor, que, parce vous étiez en désaccord total sur le fond, vous n'interviendriez pas en commission, mais en séance publique. C'était votre droit le plus strict, mais ne nous dites pas maintenant que nous avons bâclé le travail en commission !

M. Jean-Marc Pastor. Ici aussi !

M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Si certains ne se sont pas exprimés, c'est de leur fait et de leur fait seulement. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

Mme Odette Terrade. Il était midi passé lorsque nous nous sommes réunis !

M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Madame, je ne crois pas que nous gagnerons en honorabilité en continuant à débattre sur un tel thème !

Mme Hélène Luc. Bâcler un projet aussi important en quelques heures ! La séance a commencé à quinze heures ; il est vingt-trois heures, et nous avons terminé ! C'est scandaleux !

M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Permettez-moi d'évoquer maintenant quelques points fondamentaux. Madame Luc, j'ai le bonheur d'être d'accord avec vous : le 12 février sera une grande date dans l'histoire d'Air France. (Applaudissements sur les travées du l'UMP et de l'Union centriste.)

Mme Hélène Luc. On verra !

M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Je remercie donc le Gouvernement d'avoir fait le choix du Sénat pour présenter ce texte en première lecture. (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.)

Je veux également, au nom de mon collègue Yves Fréville, rapporteur pour avis de la commission des finances, remercier nos collaborateurs et le remercier lui-même, car, grâce à sa grande connaissance des questions financières, il a enrichi le débat et contribué à l'amélioration du texte.

Je remercie aussi ceux de nos collègues qui ont fait en sorte que le débat ne dévie pas de son objet,...

M. Guy Fischer. Ils ne risquaient pas de dévier !

M. Jean-François Le Grand, rapporteur. ... à savoir l'ouverture du capital d'Air France. La tentation était grande...

M. Robert Bret. Ils se sont retenus !

M. Jean-François Le Grand, rapporteur. ... de faire des amalgames. Vous avez, pour l'essentiel, résisté à cette tentation et fait en sorte que nous ayons un débat au fond sur l'ouverture du capital d'Air France. Ce sera une grande date, mais nous n'en avons pas moins à l'esprit - personne ne saurait l'oublier - la grande douleur et la grande angoisse des salariés d'Air Lib.

Mme Hélène Luc. S'il vous plaît, ne parlez pas de leur angoisse ! Vous n'aviez qu'à faire ce qu'il fallait !

M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Je me suis déjà exprimé sur les causes de la situation actuelle d'Air Lib. Il y a eu des erreurs de management, des erreurs stratégiques.

Mme Hélène Luc. Même s'il y a eu des erreurs, vous vous deviez d'aider à sauver cette compagnie et vous ne l'avez pas fait !

M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Par comparaison, le fait que nous ayons donné à Air France les moyens de financer sa stratégie est un gage d'espoir pour l'avenir. Air France, je le souhaite, restera en tête des grandes compagnies mondiales en matière de desserte...

M. Guy Fischer. Quelle société sera créée ?

M. Jean-François Le Grand, rapporteur. ... et ce sera à l'honneur du Sénat d'y avoir contribué avec autant de dignité. (M. Serge Vinçon applaudit.)

Dans le même temps, madame Luc, je souhaiterais que les salariés qui peuvent espérer des jours meilleurs conservent un peu de pudeur dans leurs revendications salariales, alors que leurs collègues resteront sur le carreau et ne voleront plus ! (Protestations sur les travées du groupe CRC.)

Mme Hélène Luc. Comment osez-vous dire cela ?

M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Nous avons donné au Gouvernement les moyens d'agir au moment qu'il jugera opportun pour ouvrir le capital d'Air France. J'ai toute confiance en lui pour choisir le meilleur moment, dans l'intérêt des salariés, dans l'intérêt de la compagnie, mais aussi dans l'intérêt des contribuables, qui, je le rappelle, ont été, il y a maintenant près de dix ans, les premiers actionnaires d'Air France. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain et citoyen.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 89 :

315315158203112 M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Gilles de Robien, ministre. Je remercie du fond du coeur l'ensemble des membres de la majorité d'avoir adopté en première lecture ce texte très important. Je tiens à souligner l'excellent travail effectué par la commission, sous l'autorité de son rapporteur.

Un sénateur de l'UMP. Très bien !

M. Gilles de Robien, ministre. Le rapport écrit est remarquable et complet. Les interventions de M. le rapporteur ont été déterminantes. Je souhaite remercier également M. Yves Fréville pour le travail de spécialiste qu'il a accompli. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.) En effet, siègent dans cette assemblée des élus qui sont aussi des experts.

Je me tourne vers les membres de l'opposition. Que Mme Luc et ses collègues ne regrettent pas ce débat !

Mme Hélène Luc. Je regrette qu'il n'ait pas eu lieu !

M. Gilles de Robien, ministre. Par rapport à la majorité, vous avez bénéficié d'un temps de parole trois ou quatre fois plus important. Vous avez donc pu vous exprimer.

Mme Hélène Luc. Il n'y a pas eu de débat sur le fond, monsieur le ministre !

M. Gilles de Robien, ministre. Nous avons bien écouté vos arguments. Si nous n'avons pas pu les prendre en compte, c'est parce que, sur le fond, ils n'étaient pas convaincants. Il ne s'agit pas d'une question d'idéologie. Nous nous sommes efforcés d'être pragmatiques.

Madame Luc, je vous demande de revenir sur vos propos aux termes desquels ce texte ne sera jamais appliqué. Il s'imposera à tout le monde. Comme vous êtes une démocrate, vous admettrez que, lorsqu'il aura été adopté définitivement, il devra être appliqué. En effet, quand la loi est votée, il faut l'appliquer, et non pas monter les citoyens contre elle, ce qui serait certainement contraire à vos convictions.

Je veux remercier l'ensemble des membres de la Haute Assemblée de leur perspicacité, et en particulier les membres de la majorité pour leurs choix. Je vous remercie, monsieur le président, de la manière dont vous avez mené les débats, avec fermeté et courtoisie. Je remercie également l'ensemble du personnel.

Après sa deuxième lecture, ce texte très important permettra aux ailes tricolores de survoler le monde entier - ce sera une grande fierté nationale - en augmentant le nombre de passagers ainsi que d'embauches, et en portant nos couleurs partout. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)

Mme Hélène Luc. Je demande la parole.

M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc.

Mme Hélène Luc. Monsieur le ministre, un texte voté doit être appliqué. Il s'est déjà produit - et j'ai pris à dessein l'exemple de la SFP - qu'un texte, même voté par le Parlement, ne puisse pas être appliqué parce que les salariés n'étaient pas d'accord et que le rapport de forces dans le pays ne permettait pas son application. Voilà ce que j'ai voulu dire.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : projet de loi  relatif aux entreprises de transport aérien et notamment à la société Air France
 

8

RETRAIT DE L'ORDRE DU JOUR

D'UNE QUESTION ORALE

M. le président. J'informe le Sénat que la question orale n° 157 de M. Thierry Foucaud est retirée, à la demande de son auteur, de l'ordre du jour de la séance du 25 février 2003.

9

DÉPÔT D'UN PROJET DE LOI

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre un projet de loi réformant le statut de certaines professions judiciaires ou juridiques, des experts judiciaires et des conseils en propriété industrielle.

Le projet de loi sera imprimé sous le numéro 176, distribué et renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

10

DÉPÔT DE PROPOSITIONS DE LOI

M. le président. J'ai reçu de Mme Claire-Lise Campion, MM. Bertrand Auban, Jean Besson, Didier Boulaud, Mmes Marie-Christine Blandin, Yolande Boyer,M. Bernard Cazeau, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Gilbert Chabroux, Roland Courteau, Jean-Pierre Demerliat, Claude Domeizel, Michel Dreyfus-Schmidt, Jean-Pierre Godefroy, Mme Odette Herviaux, MM. Alain Journet, Serge Lagauche, Roger Lagorsse, François Marc, Mmes Danièle Pourtaud, Gisèle Printz, M. AndréRouvière, Mme Michèle San Vicente, MM. ClaudeSaunier, Jean-Pierre Sueur, Simon Sutour, Jean-Marc Todeschini, André Vantomme et les membres du groupe socialiste et apparenté une proposition de loi tendant à la création de délégations parlementaires aux droits des enfants.

La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 177, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

J'ai reçu de M. Michel Moreigne une proposition de loi portant modification de la loi n° 2001-647 du 20 juillet 2001 relative à la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées et à l'allocation personnalisée d'autonomie.

La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 178, distribuée et renvoyée à la commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

11

TEXTES SOUMIS AU SÉNAT EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- fiche de position commune du Conseil/... PESC du ... concernant les dérogations aux mesures restrictives prévues par la position commune 2002/402/PESC.

Ce texte sera imprimé sous le numéro E 2208 et distribué.

J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- projet de décision du Conseil modifiant la décision 2000/265/CE établissant un règlement financier régissant les aspect budgétaires de la gestion par le Secrétaire général adjoint du Conseil des contrats conclus par celui-ci, en tant que représentant de certains Etats membres, concernant l'installation et le fonctionnement de l'infrastructure de communication pour l'environnement Schengen, dénommée « Sisnet ».

Ce texte sera imprimé sous le numéro E 2209 et distribué.

J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- projet d'accord entre les Etats-Unis d'Amérique et l'Union européenne en matière d'extradition. Projet d'accord entre les Etats-Unis d'Amérique et l'Union européenne en matière d'entraide judiciaire.

Ce texte sera imprimé sous le numéro E 2210 et distribué.

12

DÉPÔT DE RAPPORTS

M. le président. J'ai reçu de M. Didier Boulaud un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi, adopté par l'assemblée nationale, autorisant la ratification de l'accord de stabilisation et d'association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la République de Croatie, d'autre part (ensemble huit annexes et six protocoles) (n° 135, 2002-2003).

Le rapport sera imprimé sous le numéro 172 et distribué.

J'ai reçu de M. Michel Pelchat un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées :

- sur le projet de loi autorisant l'approbation de la convention sur les polluants organiques persistants (ensemble six annexes) (n° 395, 2001-2002) ;

- sur le projet de loi autorisant l'approbation de la convention sur la procédure de consentement préalable en connaissance de cause applicable à certains produits chimiques et pesticides dangereux qui font l'objet d'un commerce international (ensemble cinq annexes) (n° 396, 2001-2002).

Le rapport sera imprimé sous le numéro 173 et distribué.

J'ai reçu de M. Robert Del Picchia un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de son Altesse sérénissime le Prince de Monaco relatif à l'attribution et à l'utilisation par la société Télé Monte Carlo de fréquences hertziennes terrestres pour la diffusion de son programme à partir d'installations d'émission implantées en territoire français (ensemble sous annexe) (n° 113, 2002-2003).

Le rapport sera imprimé sous le numéro 174 et distribué.

J'ai reçu de MM. Dominique Braye et Charles Guené un rapport fait au nom de la commission des affaires économiques et du Plan sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant diverses dispositions relatives à l'urbanisme, à l'habitat et à la construction (n° 160, 2002-2003).

Le rapport sera imprimé sous le numéro 175 et distribué.

13

DÉPÔT D'UN AVIS

M. le président. J'ai reçu de M. Pierre Jarlier un avis présenté au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant diverses dispositions relatives à l'urbanisme, à l'habitat et à la construction (n° 160, 2002-2003).

L'avis sera imprimé sous le numéro 171 et distribué.

14

ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au jeudi 13 février 2003, à quinze heures et, éventuellement, le soir :

1. Questions d'actualité au Gouvernement.

2. Discussion des conclusions du rapport (n° 162, 2002-2003) de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi pour la sécurité intérieure.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire.

Délais limites pour les inscriptions de parole

et pour le dépôt des amendements

Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant diverses dispositions relatives à l'urbanisme, à l'habitat et à la construction (n° 160, 2002-2003) :

Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 24 février 2003, à dix-sept heures ;

Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 24 février 2003, à dix-sept heures.

Personne ne demande la parole ?...

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt-trois heures cinq.)

Le Directeur

du service du compte rendu intégral,

MONIQUE MUYARD

ERRATA

au compte rendu intégral de la séance du 30 janvier 2003

BIOÉTHIQUE

Page 515, 2e colonne, 14e alinéa (art. 214-4), dernière ligne :

Au lieu de : « 4 500 000 »,

Lire : « 7 500 000 ».

Page 516, 1re colonne, 8e alinéa (art. 215-4), 2e ligne :

Après : « crimes »,

Ajouter : « prévus ».

Page 524, 1re colonne, 5e alinéa (art. 511-17), dernière ligne :

Au lieu de : « 1 000 000 »,

Lire : « 100 000 ».

MODIFICATIONS AUX LISTES

DES MEMBRES DES GROUPES

Groupe socialiste

(81 membres au lieu de 80)

Ajouter le nom de M. Yves Krattinger.

Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe

(5 au lieu de 6)

Supprimer le nom de M. Yves Krattinger.

Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON

QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)

Organisation des services publics

et services de proximité en milieu rural

178. - 12 février 2003. - M. Jean Boyer attire l'attention de M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation sur l'organisation des services publics et des services de proximité en milieu rural. Les politiques nationales, trop souvent sectorielles et cloisonnées, n'ont pas suffisamment pris en compte, ces dernières années, les conséquences des évolutions démographiques. Les collectivités ont mis en oeuvre des politiques de développement des territoires ruraux, sans toujours trouver dans les dispositifs nationaux l'accompagnement souhaitable et adapté aux difficultés inhérentes au contexte local. Il faut certes des équipements mais les hommes ont aussi besoin de points de rencontres, d'échanges. La crainte de certains agriculteurs n'est pas de manquer de surfaces, mais de voisins ! Nous ne pouvons qu'approuver la volonté de l'Etat à définir une politique nouvelle en faveur de l'initiative économique. Encore faut-il que demain cet engagement vienne non seulement proposer une légitime compensation du « handicap naturel » pour les zones de montagne et le monde rural, mais vienne aussi apporter un témoignage de solidarité ? Il convient de réagir par une politique ambitieuse. L'esprit de l'action du secrétariat d'Etat chargé du commerce et de l'artisanat doit marquer de son empreinte une démarcheé spécifique au travers par exemple d'un moratoire qui pourrait permettre à nos services publics, mais aussi à nos services de proximité quels qu'ils soient, de faire preuve s'il en était besoin de leur utilité mais aussi et surtout de leur efficacité. Il importe de les pérenniser par des mesures de bon sens, de réalisme basées sur des prescriptions raisonnées et raisonnables. Oui, nous devons avoir à l'esprit que la notion de service doit être une notion de solidarité, mais aussi être convaincus que le secteur privé tient une place indispensable dans la vie sociale d'un pays : c'est là où les gens se retrouvent, se rassemblent, échangent, parfois se réconforent en combattant l'individualisme. Il fait ainsi référence au service bancaire, à la presse, à la régie des tabacs et... même au téléphone public en 2003. Les mesures nouvelles ne doivent pas alourdir la législation, s'empiler, se chevaucher, être synonyme de lourdeurs, d'incompréhensions, de confusions car elles décourageaient et génèreraient l'abandon des projets. La logique économique ne doit pas être prioritaire. Il l'interroge sur l'opportunité de la mise en place par exemple comme en agriculture d'une dotation, spécifique au milieu rural, d'installation réservée ? Le monde rural profond est malade, il est temps de le sauver par des décisions courageuses. Il lui demande ce qu'il envisage de faire pour enrayer les difficultés.

Protection des salariés de General Trailers

contre l'exposition à l'amiante

179. - 12 février 2003. - M. Daniel Reiner attire l'attention de M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité sur un dossier qui a été déposé le 26 août 2002 dans son ministère et qui n'a toujours pas reçu de réponse. Ce dossier vise à inscrire par arrêté ministériel, l'entreprise General Trailers (ex Trailor) de Lunéville, sur la lise des établissements dont les salariés ont été exposés à l'amiante. En effet, tant les témoignages de salariés, que le rapport établi par le médecin du travail de l'établissement, ont mis en évidence les risques encourus quotidiennement et ce, par les travailleurs, résultant de l'exposition à des poussières d'amiante très fines durant de nombreuses années. Aucune information n'ayant été communiquée sur un éventuel risque d'exposition, il n'y avait pas de dispositifs de captation des poussières, ni de protection des voies respiratoires. Actuellement, cet état de fait amène les services de la médecine du travail à une surveillance médicale post-exposition. Cette surveillance concerne quatre-vingt-trois salariés. Aussi, il lui demande quelles sont les démarches effectuées par ses services concernant l'inscription de cette entreprise sur la liste des établissements traitant des matériaux contenant de l'amiante, en sachant que cette mesure permettrait une cessation d'activité anticipée pour les salariés ayant été exposés.

Aides de l'Etat à l'installation

des réseaux d'assainissement des eaux

180. - 12 février 2003. - M. Jean Besson sollicite l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur les difficultés d'application du décret du 16 décembre 1999 dans le cadre de la loi sur l'eau. En effet, la loi n° 92-3 du 3 janvier 1992 dite loi sur l'eau fait obligation aux communes de prendre en charge les dépenses relatives aux systèmes d'assainissement collectif. Le décret n° 94-469 du 3 juin 1994 précise que les communes dotées d'un réseau d'assainissement collectif doivent, pour les plus petites d'entre elles, mettre en place un traitement de leurs eaux usées avant le 31 décembre 2005. Dans le département de la Drôme, de très nombreuses communes à faible population permanente, et à faible potentiel fiscal, doivent engager des opérations multiples et coûteuses souvent, dans le bourg-centre et dans les hameaux (au nombre parfois de deux ou trois au plus). Des dispositifs de financements exceptionnels avaient pu être mis en place généralement avec des subventions exceptionnelles pour parvenir à un taux de subvention globalement suffisant au regard des possibilités financières de ces communes qui pouvait atteindre 85 %, voire 95 %. Cette situation s'est singulièrement compliquée avec le décret n° 99-1060 du 16 décembre 1999 qui stipule qu'il ne peut y avoir de subvention de l'Etat au-delà du plafond de 80 % d'aides publiques. Compte tenu de la contrainte du plafond des aides publiques qu'il impose, même avec les dispositions dérogatoires possibles, qui permettent une prise en charge par le budget principal de la commune des dépenses d'équipements qui relèvent normalement du budget annexe de l'assainissement, les communes sont confrontées à une impasse budgétaire. Le décret de 1999 qui ne prévoit aucune disposition particulière pour les plus petites communes ne permettra pas à celles-ci de réaliser leurs investissements d'assainissement collectif comme la loi les y oblige. Le retard pris dans l'application de la directive 91/271/CEE du 21 mai 1991 risque fort de s'aggraver. Il lui demande quelles solutions envisage le Gouvernement pour introduire une souplesse nécessaire dans l'application de ce décret du 16 décembre 1999.

ANNEXES AU PROCÈS-VERBAL

de la séance

du mercredi 12 février 2003

SCRUTIN (n° 87)

sur la motion n° 1, déposée par Mme Marie-France Beaufils et les membres du groupe communiste républicain et citoyen tendant à opposer la question préalable au projet de loi relatif aux entreprises de transport aérien, et notamment à la société Air France.

Nombre de votants :314Nombre de suffrages exprimés :314Pour : 105Contre : 209Le Sénat n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN

GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (23) :

Pour : 23.

GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (27) :

Contre : 27.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (17) :

Contre : 17.

GROUPE SOCIALISTE (83) :

Pour : 82.

N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Bernard Angels, qui présidait la séance.

GROUPE UNION POUR UN MOUVEMENT POPULAIRE (166) :

Contre : 165.

N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Christian Poncelet, président du Sénat.

Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (5) :

N'ont pas pris part au vote : 5.

Ont voté pour

Michèle André

Henri d'Attilio

Bertrand Auban

François Autain

Jean-Yves Autexier

Robert Badinter

Marie-Claude Beaudeau

Marie-France Beaufils

Jean-Pierre Bel

Jacques Bellanger

Maryse Bergé-Lavigne

Jean Besson

Pierre Biarnès

Danielle Bidard-Reydet

Marie-Christine Blandin

Nicole Borvo

Didier Boulaud

Yolande Boyer

Robert Bret

Claire-Lise Campion

Jean-Louis Carrère

Bernard Cazeau

Monique Cerisier-ben Guiga

Gilbert Chabroux

Michel Charasse

Gérard Collomb

Yves Coquelle

Raymond Courrière

Roland Courteau

Yves Dauge

Annie David

Marcel Debarge

Jean-Pierre Demerliat

Michelle Demessine

Evelyne Didier

Claude Domeizel

Michel Dreyfus-Schmidt

Josette Durrieu

Bernard Dussaut

Claude Estier

Guy Fischer

Thierry Foucaud

Jean-Claude Frécon

Bernard Frimat

Charles Gautier

Jean-Pierre Godefroy

Jean-Noël Guérini

Claude Haut

Odette Herviaux

Alain Journet

Yves Krattinger

André Labarrère

Philippe Labeyrie

Serge Lagauche

Roger Lagorsse

Gérard Le Cam

André Lejeune

Louis Le Pensec

Claude Lise

Paul Loridant

Hélène Luc

Philippe Madrelle

Jacques Mahéas

Jean-Yves Mano

François Marc

Jean-Pierre Masseret

Marc Massion

Josiane Mathon

Pierre Mauroy

Louis Mermaz

Gérard Miquel

Michel Moreigne

Roland Muzeau

Jean-Marc Pastor

Guy Penne

Daniel Percheron

Jean-Claude Peyronnet

Jean-François Picheral

Bernard Piras

Jean-Pierre Plancade

Danièle Pourtaud

Gisèle Printz

Jack Ralite

Daniel Raoul

Paul Raoult

Daniel Reiner

Ivan Renar

Roger Rinchet

Gérard Roujas

André Rouvière

Michèle San Vicente

Claude Saunier

Michel Sergent

René-Pierre Signé

Jean-Pierre Sueur

Simon Sutour

Odette Terrade

Michel Teston

Jean-Marc Todeschini

Pierre-Yvon Tremel

André Vantomme

Paul Vergès

André Vezinhet

Marcel Vidal

Henri Weber

Ont voté contre

Nicolas About

Jean-Paul Alduy

Nicolas Alfonsi

Jean-Paul Amoudry

Pierre André

Philippe Arnaud

Jean Arthuis

Denis Badré

Gérard Bailly

José Balarello

Gilbert Barbier

Bernard Barraux

Jacques Baudot

Jean-Michel Baylet

Michel Bécot

Claude Belot

Daniel Bernardet

Roger Besse

Laurent Béteille

Joël Billard

Claude Biwer

Jean Bizet

Jacques Blanc

Paul Blanc

Maurice Blin

Annick Bocandé

Didier Borotra

Joël Bourdin

Brigitte Bout

André Boyer

Jean Boyer

Jean-Guy Branger

Gérard Braun

Dominique Braye

Paulette Brisepierre

Louis de Broissia

Jean-Pierre Cantegrit

Jean-Claude Carle

Ernest Cartigny

Auguste Cazalet

Charles Ceccaldi-Raynaud

Gérard César

Jacques Chaumont

Jean Chérioux

Marcel-Pierre Cleach

Jean Clouet

Christian Cointat

Yvon Collin

Gérard Cornu

Jean-Patrick Courtois

Robert Del Picchia

Gérard Delfau

Fernand Demilly

Christian Demuynck

Marcel Deneux

Gérard Dériot

Rodolphe Désiré

Yves Detraigne

Eric Doligé

Jacques Dominati

Michel Doublet

Paul Dubrule

Alain Dufaut

André Dulait

Ambroise Dupont

Jean-Léonce Dupont

Hubert Durand-Chastel

Louis Duvernois

Daniel Eckenspieller

Jean-Paul Emin

Jean-Paul Emorine

Michel Esneu

Jean-Claude Etienne

Pierre Fauchon

Jean Faure

Françoise Férat

André Ferrand

Hilaire Flandre

Gaston Flosse

François Fortassin

Alain Fouché

Jean-Pierre Fourcade

Bernard Fournier

Serge Franchis

Philippe François

Jean François-Poncet

Yves Fréville

Yann Gaillard

René Garrec

Christian Gaudin

Jean-Claude Gaudin

Philippe de Gaulle

Gisèle Gautier

Patrice Gélard

André Geoffroy

Alain Gérard

François Gerbaud

Charles Ginésy

Francis Giraud

Paul Girod

Daniel Goulet

Jacqueline Gourault

Alain Gournac

Adrien Gouteyron

Francis Grignon

Louis Grillot

Georges Gruillot

Charles Guené

Michel Guerry

Hubert Haenel

Emmanuel Hamel

Françoise Henneron

Marcel Henry

Pierre Hérisson

Daniel Hoeffel

Jean-François Humbert

Jean-Jacques Hyest

Pierre Jarlier

Bernard Joly

Jean-Marc Juilhard

Roger Karoutchi

Joseph Kergueris

Christian de La Malène

Jean-Philippe Lachenaud

Pierre Laffitte

Lucien Lanier

Jacques Larché

Gérard Larcher

André Lardeux

Dominique Larifla

Patrick Lassourd

Robert Laufoaulu

René-Georges Laurin

Jean-René Lecerf

Dominique Leclerc

Jacques Legendre

Jean-François Le Grand

Serge Lepeltier

Philippe Leroy

Marcel Lesbros

Valérie Létard

Gérard Longuet

Jean-Louis Lorrain

Simon Loueckhote

Roland du Luart

Brigitte Luypaert

Max Marest

Philippe Marini

Pierre Martin

Jean Louis Masson

Serge Mathieu

Michel Mercier

Lucette Michaux-Chevry

Jean-Luc Miraux

Louis Moinard

René Monory

Aymeri de Montesquiou

Dominique Mortemousque

Georges Mouly

Bernard Murat

Philippe Nachbar

Paul Natali

Philippe Nogrix

Nelly Olin

Joseph Ostermann

Georges Othily

Jacques Oudin

Monique Papon

Anne-Marie Payet

Michel Pelchat

Jacques Pelletier

Jean Pépin

Jacques Peyrat

Xavier Pintat

Bernard Plasait

Jean-Marie Poirier

Ladislas Poniatowski

André Pourny

Jean Puech

Henri de Raincourt

Victor Reux

Charles Revet

Henri Revol

Henri de Richemont

Philippe Richert

Yves Rispat

Josselin de Rohan

Roger Romani

Janine Rozier

Bernard Saugey

Jean-Pierre Schosteck

Bruno Sido

Daniel Soulage

Louis Souvet

Michel Thiollière

Henri Torre

René Trégouët

André Trillard

François Trucy

Maurice Ulrich

Jacques Valade

André Vallet

Jean-Marie Vanlerenberghe

Alain Vasselle

Jean-Pierre Vial

Xavier de Villepin

Serge Vinçon

Jean-Paul Virapoullé

François Zocchetto

N'ont pas pris part au vote

Philippe Adnot, Philippe Darniche, Sylvie Desmarescaux, Bernard Seillier, Alex Türk. Christian Poncelet, président du Sénat, et Bernard Angels, qui présidait la séance.

Les nombres annoncés en séance avaient été de :

Nombre de votants :314Nombre des suffrages exprimés :313Majorité absolue des suffrages exprimés :157Pour :105Contre : 208Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés conformément à la liste ci-dessus.

SCRUTIN (n° 88)

sur l'amendement n° 8 présenté par MM. Jean-Marc Pastor et François Marc et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, et sur l'amendement n° 15 présenté par Mme Marie-France Beaufils tendant à supprimer l'article 2 du projet de loi relatif aux entreprises de transport aérien et notamment à la société Air France.

Nombre de votants :313Nombre de suffrages exprimés :311Pour : 111Contre : 200Le Sénat n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN

GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (23) :

Pour : 23.

GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (27) :

Contre : 27.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (17) :

Pour : 6. _ MM. Nicolas Alfonsi, André Boyer, Gérard Delfau, Rodolphe Désiré, François Fortassin et Dominique Larifla.

Contre : 9.

Abstentions : 2. _ MM. Jean-Michel Baylet et Yvon Collin.

GROUPE SOCIALISTE (83) :

Pour : 82.

N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Yves Krattinger.

GROUPE UNION POUR UN MOUVEMENT POPULAIRE (166) :

Contre : 164.

N'ont pas pris part au vote : 2. _ M. Christian Poncelet, président du Sénat, et M. Daniel Hoeffel, qui présidait la séance.

Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (5) :

N'ont pas pris part au vote : 5.

Ont voté pour

Nicolas Alfonsi

Michèle André

Bernard Angels

Henri d'Attilio

Bertrand Auban

François Autain

Jean-Yves Autexier

Robert Badinter

Marie-Claude Beaudeau

Marie-France Beaufils

Jean-Pierre Bel

Jacques Bellanger

Maryse Bergé-Lavigne

Jean Besson

Pierre Biarnès

Danielle Bidard-Reydet

Marie-Christine Blandin

Nicole Borvo

Didier Boulaud

André Boyer

Yolande Boyer

Robert Bret

Claire-Lise Campion

Jean-Louis Carrère

Bernard Cazeau

Monique Cerisier-ben Guiga

Gilbert Chabroux

Michel Charasse

Gérard Collomb

Yves Coquelle

Raymond Courrière

Roland Courteau

Yves Dauge

Annie David

Marcel Debarge

Gérard Delfau

Jean-Pierre Demerliat

Michelle Demessine

Rodolphe Désiré

Evelyne Didier

Claude Domeizel

Michel Dreyfus-Schmidt

Josette Durrieu

Bernard Dussaut

Claude Estier

Guy Fischer

François Fortassin

Thierry Foucaud

Jean-Claude Frécon

Bernard Frimat

Charles Gautier

Jean-Pierre Godefroy

Jean-Noël Guérini

Claude Haut

Odette Herviaux

Alain Journet

Yves Krattinger

André Labarrère

Philippe Labeyrie

Serge Lagauche

Roger Lagorsse

Dominique Larifla

Gérard Le Cam

André Lejeune

Louis Le Pensec

Claude Lise

Paul Loridant

Hélène Luc

Philippe Madrelle

Jacques Mahéas

Jean-Yves Mano

François Marc

Jean-Pierre Masseret

Marc Massion

Josiane Mathon

Pierre Mauroy

Louis Mermaz

Gérard Miquel

Michel Moreigne

Roland Muzeau

Jean-Marc Pastor

Guy Penne

Daniel Percheron

Jean-Claude Peyronnet

Jean-François Picheral

Bernard Piras

Jean-Pierre Plancade

Danièle Pourtaud

Gisèle Printz

Jack Ralite

Daniel Raoul

Paul Raoult

Daniel Reiner

Ivan Renar

Roger Rinchet

Gérard Roujas

André Rouvière

Michèle San Vicente

Claude Saunier

Michel Sergent

René-Pierre Signé

Jean-Pierre Sueur

Simon Sutour

Odette Terrade

Michel Teston

Jean-Marc Todeschini

Pierre-Yvon Tremel

André Vantomme

Paul Vergès

André Vezinhet

Marcel Vidal

Henri Weber

Ont voté contre

Nicolas About

Jean-Paul Alduy

Jean-Paul Amoudry

Pierre André

Philippe Arnaud

Jean Arthuis

Denis Badré

Gérard Bailly

José Balarello

Gilbert Barbier

Bernard Barraux

Jacques Baudot

Michel Bécot

Claude Belot

Daniel Bernardet

Roger Besse

Laurent Béteille

Joël Billard

Claude Biwer

Jean Bizet

Jacques Blanc

Paul Blanc

Maurice Blin

Annick Bocandé

Didier Borotra

Joël Bourdin

Brigitte Bout

Jean Boyer

Jean-Guy Branger

Gérard Braun

Dominique Braye

Paulette Brisepierre

Louis de Broissia

Jean-Pierre Cantegrit

Jean-Claude Carle

Ernest Cartigny

Auguste Cazalet

Charles Ceccaldi-Raynaud

Gérard César

Jacques Chaumont

Jean Chérioux

Marcel-Pierre Cleach

Jean Clouet

Christian Cointat

Gérard Cornu

Jean-Patrick Courtois

Robert Del Picchia

Fernand Demilly

Christian Demuynck

Marcel Deneux

Gérard Dériot

Yves Detraigne

Eric Doligé

Jacques Dominati

Michel Doublet

Paul Dubrule

Alain Dufaut

André Dulait

Ambroise Dupont

Jean-Léonce Dupont

Hubert Durand-Chastel

Louis Duvernois

Daniel Eckenspieller

Jean-Paul Emin

Jean-Paul Emorine

Michel Esneu

Jean-Claude Etienne

Pierre Fauchon

Jean Faure

Françoise Férat

André Ferrand

Hilaire Flandre

Gaston Flosse

Alain Fouché

Jean-Pierre Fourcade

Bernard Fournier

Serge Franchis

Philippe François

Jean François-Poncet

Yves Fréville

Yann Gaillard

René Garrec

Christian Gaudin

Jean-Claude Gaudin

Philippe de Gaulle

Gisèle Gautier

Patrice Gélard

André Geoffroy

Alain Gérard

François Gerbaud

Charles Ginésy

Francis Giraud

Paul Girod

Daniel Goulet

Jacqueline Gourault

Alain Gournac

Adrien Gouteyron

Francis Grignon

Louis Grillot

Georges Gruillot

Charles Guené

Michel Guerry

Hubert Haenel

Emmanuel Hamel

Françoise Henneron

Marcel Henry

Pierre Hérisson

Jean-François Humbert

Jean-Jacques Hyest

Pierre Jarlier

Bernard Joly

Jean-Marc Juilhard

Roger Karoutchi

Joseph Kergueris

Christian de La Malène

Jean-Philippe Lachenaud

Pierre Laffitte

Lucien Lanier

Jacques Larché

Gérard Larcher

André Lardeux

Patrick Lassourd

Robert Laufoaulu

René-Georges Laurin

Jean-René Lecerf

Dominique Leclerc

Jacques Legendre

Jean-François Le Grand

Serge Lepeltier

Philippe Leroy

Marcel Lesbros

Valérie Létard

Gérard Longuet

Jean-Louis Lorrain

Simon Loueckhote

Roland du Luart

Brigitte Luypaert

Max Marest

Philippe Marini

Pierre Martin

Jean Louis Masson

Serge Mathieu

Michel Mercier

Lucette Michaux-Chevry

Jean-Luc Miraux

Louis Moinard

René Monory

Aymeri de Montesquiou

Dominique Mortemousque

Georges Mouly

Bernard Murat

Philippe Nachbar

Paul Natali

Philippe Nogrix

Nelly Olin

Joseph Ostermann

Georges Othily

Jacques Oudin

Monique Papon

Anne-Marie Payet

Michel Pelchat

Jacques Pelletier

Jean Pépin

Jacques Peyrat

Xavier Pintat

Bernard Plasait

Jean-Marie Poirier

Ladislas Poniatowski

André Pourny

Jean Puech

Henri de Raincourt

Victor Reux

Charles Revet

Henri Revol

Henri de Richemont

Philippe Richert

Yves Rispat

Josselin de Rohan

Roger Romani

Janine Rozier

Bernard Saugey

Jean-Pierre Schosteck

Bruno Sido

Daniel Soulage

Louis Souvet

Michel Thiollière

Henri Torre

René Trégouët

André Trillard

François Trucy

Maurice Ulrich

Jacques Valade

André Vallet

Jean-Marie Vanlerenberghe

Alain Vasselle

Jean-Pierre Vial

Xavier de Villepin

Serge Vinçon

Jean-Paul Virapoullé

François Zocchetto

Abstentions

Jean-Michel Baylet, Yvon Collin.

N'ont pas pris part au vote

Philippe Adnot, Philippe Darniche, Sylvie Desmarescaux, Yves Krattinger, Bernard Seillier, Alex Türk. Christian Poncelet, président du Sénat, et Daniel Hoeffel, qui présidait la séance.

Les nombres annoncés en séance avaient été de :

Nombre de votants : 315Nombre des suffrages exprimés :313Majorité absolue des suffrages exprimés :157Pour : 112Contre : 201Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés conformément à la liste ci-dessus.

SCRUTIN (n° 89)

sur l'ensemble du projet de loi relatif aux entreprises de transport aérien et notamment à la société Air France.

Nombre de votants :313Nombre de suffrages exprimés :313Pour : 201Contre : 112Le Sénat a adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN

GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (23) :

Contre : 23.

GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (27) :

Pour : 27.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (17) :

Pour : 10.

Contre : 7. _ MM. Nicolas Alfonsi, Jean-Michel Baylet, André Boyer, Gérard Delfau, Rodolphe Désiré, François Fortassin et Dominique Larifla.

GROUPE SOCIALISTE (83) :

Contre : 82.

N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Yves Krattinger.

GROUPE UNION POUR UN MOUVEMENT POPULAIRE (166) :

Pour : 164.

N'ont pas pris part au vote : 2. _ M. Christian Poncelet, président du Sénat, et M. Daniel Hoeffel, qui présidait la séance.

Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (5) :

N'ont pas pris part au vote : 5.

Ont voté pour

Nicolas About

Jean-Paul Alduy

Jean-Paul Amoudry

Pierre André

Philippe Arnaud

Jean Arthuis

Denis Badré

Gérard Bailly

José Balarello

Gilbert Barbier

Bernard Barraux

Jacques Baudot

Michel Bécot

Claude Belot

Daniel Bernardet

Roger Besse

Laurent Béteille

Joël Billard

Claude Biwer

Jean Bizet

Jacques Blanc

Paul Blanc

Maurice Blin

Annick Bocandé

Didier Borotra

Joël Bourdin

Brigitte Bout

Jean Boyer

Jean-Guy Branger

Gérard Braun

Dominique Braye

Paulette Brisepierre

Louis de Broissia

Jean-Pierre Cantegrit

Jean-Claude Carle

Ernest Cartigny

Auguste Cazalet

Charles Ceccaldi-Raynaud

Gérard César

Jacques Chaumont

Jean Chérioux

Marcel-Pierre Cleach

Jean Clouet

Christian Cointat

Yvon Collin

Gérard Cornu

Jean-Patrick Courtois

Robert Del Picchia

Fernand Demilly

Christian Demuynck

Marcel Deneux

Gérard Dériot

Yves Detraigne

Eric Doligé

Jacques Dominati

Michel Doublet

Paul Dubrule

Alain Dufaut

André Dulait

Ambroise Dupont

Jean-Léonce Dupont

Hubert Durand-Chastel

Louis Duvernois

Daniel Eckenspieller

Jean-Paul Emin

Jean-Paul Emorine

Michel Esneu

Jean-Claude Etienne

Pierre Fauchon

Jean Faure

Françoise Férat

André Ferrand

Hilaire Flandre

Gaston Flosse

Alain Fouché

Jean-Pierre Fourcade

Bernard Fournier

Serge Franchis

Philippe François

Jean François-Poncet

Yves Fréville

Yann Gaillard

René Garrec

Christian Gaudin

Jean-Claude Gaudin

Philippe de Gaulle

Gisèle Gautier

Patrice Gélard

André Geoffroy

Alain Gérard

François Gerbaud

Charles Ginésy

Francis Giraud

Paul Girod

Daniel Goulet

Jacqueline Gourault

Alain Gournac

Adrien Gouteyron

Francis Grignon

Louis Grillot

Georges Gruillot

Charles Guené

Michel Guerry

Hubert Haenel

Emmanuel Hamel

Françoise Henneron

Marcel Henry

Pierre Hérisson

Jean-François Humbert

Jean-Jacques Hyest

Pierre Jarlier

Bernard Joly

Jean-Marc Juilhard

Roger Karoutchi

Joseph Kergueris

Christian de La Malène

Jean-Philippe Lachenaud

Pierre Laffitte

Lucien Lanier

Jacques Larché

Gérard Larcher

André Lardeux

Patrick Lassourd

Robert Laufoaulu

René-Georges Laurin

Jean-René Lecerf

Dominique Leclerc

Jacques Legendre

Jean-François Le Grand

Serge Lepeltier

Philippe Leroy

Marcel Lesbros

Valérie Létard

Gérard Longuet

Jean-Louis Lorrain

Simon Loueckhote

Roland du Luart

Brigitte Luypaert

Max Marest

Philippe Marini

Pierre Martin

Jean Louis Masson

Serge Mathieu

Michel Mercier

Lucette Michaux-Chevry

Jean-Luc Miraux

Louis Moinard

René Monory

Aymeri de Montesquiou

Dominique Mortemousque

Georges Mouly

Bernard Murat

Philippe Nachbar

Paul Natali

Philippe Nogrix

Nelly Olin

Joseph Ostermann

Georges Othily

Jacques Oudin

Monique Papon

Anne-Marie Payet

Michel Pelchat

Jacques Pelletier

Jean Pépin

Jacques Peyrat

Xavier Pintat

Bernard Plasait

Jean-Marie Poirier

Ladislas Poniatowski

André Pourny

Jean Puech

Henri de Raincourt

Victor Reux

Charles Revet

Henri Revol

Henri de Richemont

Philippe Richert

Yves Rispat

Josselin de Rohan

Roger Romani

Janine Rozier

Bernard Saugey

Jean-Pierre Schosteck

Bruno Sido

Daniel Soulage

Louis Souvet

Michel Thiollière

Henri Torre

René Trégouët

André Trillard

François Trucy

Maurice Ulrich

Jacques Valade

André Vallet

Jean-Marie Vanlerenberghe

Alain Vasselle

Jean-Pierre Vial

Xavier de Villepin

Serge Vinçon

Jean-Paul Virapoullé

François Zocchetto

Ont voté contre

Nicolas Alfonsi

Michèle André

Bernard Angels

Henri d'Attilio

Bertrand Auban

François Autain

Jean-Yves Autexier

Robert Badinter

Jean-Michel Baylet

Marie-Claude Beaudeau

Marie-France Beaufils

Jean-Pierre Bel

Jacques Bellanger

Maryse Bergé-Lavigne

Jean Besson

Pierre Biarnès

Danielle Bidard-Reydet

Marie-Christine Blandin

Nicole Borvo

Didier Boulaud

André Boyer

Yolande Boyer

Robert Bret

Claire-Lise Campion

Jean-Louis Carrère

Bernard Cazeau

Monique Cerisier-ben Guiga

Gilbert Chabroux

Michel Charasse

Gérard Collomb

Yves Coquelle

Raymond Courrière

Roland Courteau

Yves Dauge

Annie David

Marcel Debarge

Gérard Delfau

Jean-Pierre Demerliat

Michelle Demessine

Rodolphe Désiré

Evelyne Didier

Claude Domeizel

Michel Dreyfus-Schmidt

Josette Durrieu

Bernard Dussaut

Claude Estier

Guy Fischer

François Fortassin

Thierry Foucaud

Jean-Claude Frécon

Bernard Frimat

Charles Gautier

Jean-Pierre Godefroy

Jean-Noël Guérini

Claude Haut

Odette Herviaux

Alain Journet

André Labarrère

Philippe Labeyrie

Serge Lagauche

Roger Lagorsse

Dominique Larifla

Gérard Le Cam

André Lejeune

Louis Le Pensec

Claude Lise

Paul Loridant

Hélène Luc

Philippe Madrelle

Jacques Mahéas

Jean-Yves Mano

François Marc

Jean-Pierre Masseret

Marc Massion

Josiane Mathon

Pierre Mauroy

Louis Mermaz

Gérard Miquel

Michel Moreigne

Roland Muzeau

Jean-Marc Pastor

Guy Penne

Daniel Percheron

Jean-Claude Peyronnet

Jean-François Picheral

Bernard Piras

Jean-Pierre Plancade

Danièle Pourtaud

Gisèle Printz

Jack Ralite

Daniel Raoul

Paul Raoult

Daniel Reiner

Ivan Renar

Roger Rinchet

Gérard Roujas

André Rouvière

Michèle San Vicente

Claude Saunier

Michel Sergent

René-Pierre Signé

Jean-Pierre Sueur

Simon Sutour

Odette Terrade

Michel Teston

Jean-Marc Todeschini

Pierre-Yvon Tremel

André Vantomme

Paul Vergès

André Vezinhet

Marcel Vidal

Henri Weber

N'ont pas pris part au vote

Philippe Adnot, Philippe Darniche, Sylvie Desmarescaux, Yves Krattinger, Bernard Seillier, Alex Türk, Christian Poncelet, président du Sénat, et Daniel Hoeffel, qui présidait la séance.

Les nombres annoncés en séance avaient été de :

Nombre de votants :315Nombre des suffrages exprimés :315Majorité absolue des suffrages exprimés :158Pour :203Contre : 112Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés conformément à la liste ci-dessus.

SCRUTIN (n° 88)

sur l'amendement n° 8 présenté par MM. Jean-Marc Pastor et François Marc et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, et sur l'amendement n° 15 présenté par Mme Marie-France Beaufils tendant à supprimer l'article 2 du projet de loi relatif aux entreprises de transport aérien et notamment à la société Air France.

Nombre de votants :313Nombre de suffrages exprimés :311Pour : 111Contre : 200Le Sénat n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN

GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (23) :

Pour : 23.

GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (27) :

Contre : 27.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (17) :

Pour : 6. _ MM. Nicolas Alfonsi, André Boyer, Gérard Delfau, Rodolphe Désiré, François Fortassin et Dominique Larifla.

Contre : 9.

Abstentions : 2. _ MM. Jean-Michel Baylet et Yvon Collin.

GROUPE SOCIALISTE (83) :

Pour : 82.

N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Yves Krattinger.

GROUPE UNION POUR UN MOUVEMENT POPULAIRE (166) :

Contre : 164.

N'ont pas pris part au vote : 2. _ M. Christian Poncelet, président du Sénat, et M. Daniel Hoeffel, qui présidait la séance.

Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (5) :

N'ont pas pris part au vote : 5.

Ont voté pour

Nicolas Alfonsi

Michèle André

Bernard Angels

Henri d'Attilio

Bertrand Auban

François Autain

Jean-Yves Autexier

Robert Badinter

Marie-Claude Beaudeau

Marie-France Beaufils

Jean-Pierre Bel

Jacques Bellanger

Maryse Bergé-Lavigne

Jean Besson

Pierre Biarnès

Danielle Bidard-Reydet

Marie-Christine Blandin

Nicole Borvo

Didier Boulaud

André Boyer

Yolande Boyer

Robert Bret

Claire-Lise Campion

Jean-Louis Carrère

Bernard Cazeau

Monique Cerisier-ben Guiga

Gilbert Chabroux

Michel Charasse

Gérard Collomb

Yves Coquelle

Raymond Courrière

Roland Courteau

Yves Dauge

Annie David

Marcel Debarge

Gérard Delfau

Jean-Pierre Demerliat

Michelle Demessine

Rodolphe Désiré

Evelyne Didier

Claude Domeizel

Michel Dreyfus-Schmidt

Josette Durrieu

Bernard Dussaut

Claude Estier

Guy Fischer

François Fortassin

Thierry Foucaud

Jean-Claude Frécon

Bernard Frimat

Charles Gautier

Jean-Pierre Godefroy

Jean-Noël Guérini

Claude Haut

Odette Herviaux

Alain Journet

André Labarrère

Philippe Labeyrie

Serge Lagauche

Roger Lagorsse

Dominique Larifla

Gérard Le Cam

André Lejeune

Louis Le Pensec

Claude Lise

Paul Loridant

Hélène Luc

Philippe Madrelle

Jacques Mahéas

Jean-Yves Mano

François Marc

Jean-Pierre Masseret

Marc Massion

Josiane Mathon

Pierre Mauroy

Louis Mermaz

Gérard Miquel

Michel Moreigne

Roland Muzeau

Jean-Marc Pastor

Guy Penne

Daniel Percheron

Jean-Claude Peyronnet

Jean-François Picheral

Bernard Piras

Jean-Pierre Plancade

Danièle Pourtaud

Gisèle Printz

Jack Ralite

Daniel Raoul

Paul Raoult

Daniel Reiner

Ivan Renar

Roger Rinchet

Gérard Roujas

André Rouvière

Michèle San Vicente

Claude Saunier

Michel Sergent

René-Pierre Signé

Jean-Pierre Sueur

Simon Sutour

Odette Terrade

Michel Teston

Jean-Marc Todeschini

Pierre-Yvon Tremel

André Vantomme

Paul Vergès

André Vezinhet

Marcel Vidal

Henri Weber

Ont voté contre

Nicolas About

Jean-Paul Alduy

Jean-Paul Amoudry

Pierre André

Philippe Arnaud

Jean Arthuis

Denis Badré

Gérard Bailly

José Balarello

Gilbert Barbier

Bernard Barraux

Jacques Baudot

Michel Bécot

Claude Belot

Daniel Bernardet

Roger Besse

Laurent Béteille

Joël Billard

Claude Biwer

Jean Bizet

Jacques Blanc

Paul Blanc

Maurice Blin

Annick Bocandé

Didier Borotra

Joël Bourdin

Brigitte Bout

Jean Boyer

Jean-Guy Branger

Gérard Braun

Dominique Braye

Paulette Brisepierre

Louis de Broissia

Jean-Pierre Cantegrit

Jean-Claude Carle

Ernest Cartigny

Auguste Cazalet

Charles Ceccaldi-Raynaud

Gérard César

Jacques Chaumont

Jean Chérioux

Marcel-Pierre Cleach

Jean Clouet

Christian Cointat

Gérard Cornu

Jean-Patrick Courtois

Robert Del Picchia

Fernand Demilly

Christian Demuynck

Marcel Deneux

Gérard Dériot

Yves Detraigne

Eric Doligé

Jacques Dominati

Michel Doublet

Paul Dubrule

Alain Dufaut

André Dulait

Ambroise Dupont

Jean-Léonce Dupont

Hubert Durand-Chastel

Louis Duvernois

Daniel Eckenspieller

Jean-Paul Emin

Jean-Paul Emorine

Michel Esneu

Jean-Claude Etienne

Pierre Fauchon

Jean Faure

Françoise Férat

André Ferrand

Hilaire Flandre

Gaston Flosse

Alain Fouché

Jean-Pierre Fourcade

Bernard Fournier

Serge Franchis

Philippe François

Jean François-Poncet

Yves Fréville

Yann Gaillard

René Garrec

Christian Gaudin

Jean-Claude Gaudin

Philippe de Gaulle

Gisèle Gautier

Patrice Gélard

André Geoffroy

Alain Gérard

François Gerbaud

Charles Ginésy

Francis Giraud

Paul Girod

Daniel Goulet

Jacqueline Gourault

Alain Gournac

Adrien Gouteyron

Francis Grignon

Louis Grillot

Georges Gruillot

Charles Guené

Michel Guerry

Hubert Haenel

Emmanuel Hamel

Françoise Henneron

Marcel Henry

Pierre Hérisson

Jean-François Humbert

Jean-Jacques Hyest

Pierre Jarlier

Bernard Joly

Jean-Marc Juilhard

Roger Karoutchi

Joseph Kergueris

Christian de La Malène

Jean-Philippe Lachenaud

Pierre Laffitte

Lucien Lanier

Jacques Larché

Gérard Larcher

André Lardeux

Patrick Lassourd

Robert Laufoaulu

René-Georges Laurin

Jean-René Lecerf

Dominique Leclerc

Jacques Legendre

Jean-François Le Grand

Serge Lepeltier

Philippe Leroy

Marcel Lesbros

Valérie Létard

Gérard Longuet

Jean-Louis Lorrain

Simon Loueckhote

Roland du Luart

Brigitte Luypaert

Max Marest

Philippe Marini

Pierre Martin

Jean Louis Masson

Serge Mathieu

Michel Mercier

Lucette Michaux-Chevry

Jean-Luc Miraux

Louis Moinard

René Monory

Aymeri de Montesquiou

Dominique Mortemousque

Georges Mouly

Bernard Murat

Philippe Nachbar

Paul Natali

Philippe Nogrix

Nelly Olin

Joseph Ostermann

Georges Othily

Jacques Oudin

Monique Papon

Anne-Marie Payet

Michel Pelchat

Jacques Pelletier

Jean Pépin

Jacques Peyrat

Xavier Pintat

Bernard Plasait

Jean-Marie Poirier

Ladislas Poniatowski

André Pourny

Jean Puech

Henri de Raincourt

Victor Reux

Charles Revet

Henri Revol

Henri de Richemont

Philippe Richert

Yves Rispat

Josselin de Rohan

Roger Romani

Janine Rozier

Bernard Saugey

Jean-Pierre Schosteck

Bruno Sido

Daniel Soulage

Louis Souvet

Michel Thiollière

Henri Torre

René Trégouët

André Trillard

François Trucy

Maurice Ulrich

Jacques Valade

André Vallet

Jean-Marie Vanlerenberghe

Alain Vasselle

Jean-Pierre Vial

Xavier de Villepin

Serge Vinçon

Jean-Paul Virapoullé

François Zocchetto

Abstentions

Jean-Michel Baylet, Yvon Collin.

N'ont pas pris part au vote

Philippe Adnot, Philippe Darniche, Sylvie Desmarescaux, Yves Krattinger, Bernard Seillier, Alex Türk, Christian Poncelet, président du Sénat, et M. Daniel Hoeffel, qui présidait la séance.

Les nombres annoncés en séance avaient été de :

Nombre de votants : 315Nombre des suffrages exprimés :313Majorité absolue des suffrages exprimés :157Pour : 112Contre : 201Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés conformément à la liste ci-dessus.

SCRUTIN (n° 89)

sur l'ensemble du projet de loi relatif aux entreprises de transport aérien et notamment à la société Air France.

Nombre de votants :313Nombre de suffrages exprimés :313Pour : 201Contre : 112Le Sénat a adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN

GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (23) :

Contre : 23.

GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (27) :

Pour : 27.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (17) :

Pour : 10.

Contre : 7. _ MM. Nicolas Alfonsi, Jean-Michel Baylet, André Boyer, Gérard Delfau, Rodolphe Désiré, François Fortassin et Dominique Larifla.

GROUPE SOCIALISTE (83) :

Contre : 82.

N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Yves Krattinger.

GROUPE UNION POUR UN MOUVEMENT POPULAIRE (166) :

Pour : 164.

N'ont pas pris part au vote : 2. _ M. Christian Poncelet, président du Sénat, et M. Daniel Hoeffel, qui présidait la séance.

Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (5) :

N'ont pas pris part au vote : 5.

Ont voté pour

Nicolas About

Jean-Paul Alduy

Jean-Paul Amoudry

Pierre André

Philippe Arnaud

Jean Arthuis

Denis Badré

Gérard Bailly

José Balarello

Gilbert Barbier

Bernard Barraux

Jacques Baudot

Michel Bécot

Claude Belot

Daniel Bernardet

Roger Besse

Laurent Béteille

Joël Billard

Claude Biwer

Jean Bizet

Jacques Blanc

Paul Blanc

Maurice Blin

Annick Bocandé

Didier Borotra

Joël Bourdin

Brigitte Bout

Jean Boyer

Jean-Guy Branger

Gérard Braun

Dominique Braye

Paulette Brisepierre

Louis de Broissia

Jean-Pierre Cantegrit

Jean-Claude Carle

Ernest Cartigny

Auguste Cazalet

Charles Ceccaldi-Raynaud

Gérard César

Jacques Chaumont

Jean Chérioux

Marcel-Pierre Cleach

Jean Clouet

Christian Cointat

Yvon Collin

Gérard Cornu

Jean-Patrick Courtois

Robert Del Picchia

Fernand Demilly

Christian Demuynck

Marcel Deneux

Gérard Dériot

Yves Detraigne

Eric Doligé

Jacques Dominati

Michel Doublet

Paul Dubrule

Alain Dufaut

André Dulait

Ambroise Dupont

Jean-Léonce Dupont

Hubert Durand-Chastel

Louis Duvernois

Daniel Eckenspieller

Jean-Paul Emin

Jean-Paul Emorine

Michel Esneu

Jean-Claude Etienne

Pierre Fauchon

Jean Faure

Françoise Férat

André Ferrand

Hilaire Flandre

Gaston Flosse

Alain Fouché

Jean-Pierre Fourcade

Bernard Fournier

Serge Franchis

Philippe François

Jean François-Poncet

Yves Fréville

Yann Gaillard

René Garrec

Christian Gaudin

Jean-Claude Gaudin

Philippe de Gaulle

Gisèle Gautier

Patrice Gélard

André Geoffroy

Alain Gérard

François Gerbaud

Charles Ginésy

Francis Giraud

Paul Girod

Daniel Goulet

Jacqueline Gourault

Alain Gournac

Adrien Gouteyron

Francis Grignon

Louis Grillot

Georges Gruillot

Charles Guené

Michel Guerry

Hubert Haenel

Emmanuel Hamel

Françoise Henneron

Marcel Henry

Pierre Hérisson

Jean-François Humbert

Jean-Jacques Hyest

Pierre Jarlier

Bernard Joly

Jean-Marc Juilhard

Roger Karoutchi

Joseph Kergueris

Christian de La Malène

Jean-Philippe Lachenaud

Pierre Laffitte

Lucien Lanier

Jacques Larché

Gérard Larcher

André Lardeux

Patrick Lassourd

Robert Laufoaulu

René-Georges Laurin

Jean-René Lecerf

Dominique Leclerc

Jacques Legendre

Jean-François Le Grand

Serge Lepeltier

Philippe Leroy

Marcel Lesbros

Valérie Létard

Gérard Longuet

Jean-Louis Lorrain

Simon Loueckhote

Roland du Luart

Brigitte Luypaert

Max Marest

Philippe Marini

Pierre Martin

Jean Louis Masson

Serge Mathieu

Michel Mercier

Lucette Michaux-Chevry

Jean-Luc Miraux

Louis Moinard

René Monory

Aymeri de Montesquiou

Dominique Mortemousque

Georges Mouly

Bernard Murat

Philippe Nachbar

Paul Natali

Philippe Nogrix

Nelly Olin

Joseph Ostermann

Georges Othily

Jacques Oudin

Monique Papon

Anne-Marie Payet

Michel Pelchat

Jacques Pelletier

Jean Pépin

Jacques Peyrat

Xavier Pintat

Bernard Plasait

Jean-Marie Poirier

Ladislas Poniatowski

André Pourny

Jean Puech

Henri de Raincourt

Victor Reux

Charles Revet

Henri Revol

Henri de Richemont

Philippe Richert

Yves Rispat

Josselin de Rohan

Roger Romani

Janine Rozier

Bernard Saugey

Jean-Pierre Schosteck

Bruno Sido

Daniel Soulage

Louis Souvet

Michel Thiollière

Henri Torre

René Trégouët

André Trillard

François Trucy

Maurice Ulrich

Jacques Valade

André Vallet

Jean-Marie Vanlerenberghe

Alain Vasselle

Jean-Pierre Vial

Xavier de Villepin

Serge Vinçon

Jean-Paul Virapoullé

François Zocchetto

Ont voté contre

Nicolas Alfonsi

Michèle André

Bernard Angels

Henri d'Attilio

Bertrand Auban

François Autain

Jean-Yves Autexier

Robert Badinter

Jean-Michel Baylet

Marie-Claude Beaudeau

Marie-France Beaufils

Jean-Pierre Bel

Jacques Bellanger

Maryse Bergé-Lavigne

Jean Besson

Pierre Biarnès

Danielle Bidard-Reydet

Marie-Christine Blandin

Nicole Borvo

Didier Boulaud

André Boyer

Yolande Boyer

Robert Bret

Claire-Lise Campion

Jean-Louis Carrère

Bernard Cazeau

Monique Cerisier-ben Guiga

Gilbert Chabroux

Michel Charasse

Gérard Collomb

Yves Coquelle

Raymond Courrière

Roland Courteau

Yves Dauge

Annie David

Marcel Debarge

Gérard Delfau

Jean-Pierre Demerliat

Michelle Demessine

Rodolphe Désiré

Evelyne Didier

Claude Domeizel

Michel Dreyfus-Schmidt

Josette Durrieu

Bernard Dussaut

Claude Estier

Guy Fischer

François Fortassin

Thierry Foucaud

Jean-Claude Frécon

Bernard Frimat

Charles Gautier

Jean-Pierre Godefroy

Jean-Noël Guérini

Claude Haut

Odette Herviaux

Alain Journet

André Labarrère

Philippe Labeyrie

Serge Lagauche

Roger Lagorsse

Dominique Larifla

Gérard Le Cam

André Lejeune

Louis Le Pensec

Claude Lise

Paul Loridant

Hélène Luc

Philippe Madrelle

Jacques Mahéas

Jean-Yves Mano

François Marc

Jean-Pierre Masseret

Marc Massion

Josiane Mathon

Pierre Mauroy

Louis Mermaz

Gérard Miquel

Michel Moreigne

Roland Muzeau

Jean-Marc Pastor

Guy Penne

Daniel Percheron

Jean-Claude Peyronnet

Jean-François Picheral

Bernard Piras

Jean-Pierre Plancade

Danièle Pourtaud

Gisèle Printz

Jack Ralite

Daniel Raoul

Paul Raoult

Daniel Reiner

Ivan Renar

Roger Rinchet

Gérard Roujas

André Rouvière

Michèle San Vicente

Claude Saunier

Michel Sergent

René-Pierre Signé

Jean-Pierre Sueur

Simon Sutour

Odette Terrade

Michel Teston

Jean-Marc Todeschini

Pierre-Yvon Tremel

André Vantomme

Paul Vergès

André Vezinhet

Marcel Vidal

Henri Weber

N'ont pas pris part au vote

Philippe Adnot, Philippe Darniche, Sylvie Desmarescaux, Yves Krattinger, Bernard Seillier, Alex Türk, Christian Poncelet, président du Sénat, et Daniel Hoeffel, qui présidait la séance.

Les nombres annoncés en séance avaient été de :

Nombre de votants :315Nombre des suffrages exprimés :315Majorité absolue des suffrages exprimés :158Pour :203Contre : 112Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés conformément à la liste ci-dessus.