SEANCE DU 17 DECEMBRE 2002


SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN

1. Procès-verbal (p. 0 ).

2. Candidatures à une commission mixte paritaire (p. 1 ).

3. Questions orales (p. 2 ).

MENACE DE DÉMANTÈLEMENT DU RÉSEAU
DE SUCCURSALES DE LA BANQUE DE FRANCE (p. 3 )

Question de Mme Marie-Claude Beaudeau. - Mmes Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie ; Marie-Claude Beaudeau.

RETARDS RÉCURRENTS DES RECTORATS DANS LES PAIEMENTS
DES TRAITEMENTS DES ENSEIGNANTS (p. 4 )

Question de M. Bernard Fournier. - MM. Xavier Darcos, ministre délégué à l'enseignement scolaire ; Bernard Fournier.

PROBLÈMES DE GESTION DES COMMUNES
SITUÉES EN AVAL D'UN BARRAGE (p. 5 )

Question de M. Paul Blanc. - MM. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer ; Paul Blanc.

SATURATION DE L'AUTOROUTE A 4 (p. 6 )

Question de M. Gérard Longuet. - MM. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer ; Gérard Longuet.

RÉFORME DE LA POLITIQUE COMMUNE DE LA PÊCHE (p. 7 )

Question de M. Fernand Demilly. - MM. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer ; Fernand Demilly.

DÉPENSES DE FONCTIONNEMENT DES SERVICES
DÉPARTEMENTAUX D'INCENDIE ET DE SECOURS (p. 8 )

Question de M. Alain Vasselle. - MM. Christian Jacob, ministre délégué à la famille ; Alain Vasselle.

PERSONNES HANDICAPÉES EN SITUATION
DE GRANDE DÉPENDANCE VIVANT À DOMICILE (p. 9 )

Question de Mme Marie-France Beaufils. - M. Christian Jacob, ministre délégué à la famille ; Mme Marie-France Beaufils.

SITUATION DU SERVICE DE DIABÉTOLOGIE
DU CHU HENRI-MONDOR DE CRÉTEIL (p. 10 )

Question de Mme Hélène Luc. - M. Christian Jacob, ministre délégué à la famille ; Mme Hélène Luc.

RÉGLEMENTATION EN MATIÈRE D'HYGIÈNE
ET DE SÉCURITÉ DU TRAVAIL APPLICABLE
À LA FONCTION PUBLIQUE TERRITORIALE (p. 11 )

Question de M. Claude Biwer. - M. Christian Jacob, ministre délégué à la famille ; M. Claude Biwer.

REVALORISATION DU MINIMUM CONTRIBUTIF (p. 12 )

Question de M. Yann Gaillard. - MM. Hubert Falco, secrétaire d'Etat aux personnes âgées ; Yann Gaillard.

MAINTIEN DU DEUXIÈME VERSEMENT
DE LA DOTATION JEUNES AGRICULTEURS (p. 13 )

Question de M. Bernard Joly. - MM. Hubert Falco, secrétaire d'Etat aux personnes âgées ; Bernard Joly.

RÉGLEMENTATION COMMUNAUTAIRE
SUR L'ÉTIQUETAGE DES VINS (p. 14 )

Question de M. Jean-François Picheral. - MM. Hubert Falco, secrétaire d'Etat aux personnes âgées ; Jean-François Picheral.

RÉORGANISATION DES SERVICES PUBLICS
EN MILIEU RURAL (p. 15 )

Question de M. Dominique Mortemousque. - MM. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat ; Dominique Mortemousque.

4. Nomination de membres d'une commission mixte paritaire (p. 16 ).

Suspension et reprise de la séance (p. 17 )

PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET

5. Communication (p. 18 ).

6. Loi de finances rectificative pour 2002. - Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi (p. 19 ).

Articles additionnels après l'article 45 (p. 20 )

Amendement n° 43 rectifié de M. Michel Charasse. - MM. Michel Charasse, Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances ; Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 51 rectifié de M. Henri de Richemont. - MM. Patrice Gélard, le rapporteur général, le ministre délégué. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 52 rectifiéter de M. Lucien Lanier. - MM. Lucien Lanier, le rapporteur général, le ministre délégué. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 64 rectifié de M. Jacques Oudin, repris par la commission. - MM. le rapporteur général, le ministre délégué, Thierry Foucaud, Paul Loridant, Robert Bret, Roland Muzeau, Michel Dreyfus-Schmidt, le président, Alain Vasselle, Mmes Marie-Claude Beaudeau, Hélène Luc, M. Joël Bourdin, Mme Marie-France Beaufils, MM. Yann Gaillard, Bruno Sido, Jean Chérioux, Jean Arthuis, Louis Souvet. - Adoption, par scrutin public, de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 76 rectifié de la commission. - MM. Jean Arthuis, président de la commission des finances ; le ministre délégué, Paul Loridant, le rapporteur général. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 77 de la commission. - MM. le rapporteur général, le ministre délégué. - Retrait.

Vote sur l'ensemble (p. 21 )

MM. Denis Badré, Jean-Pierre Demerliat, Joël Bourdin.

PRÉSIDENCE DE M. GUY FISCHER

MM. Thierry Foucaud, le rapporteur général, le président de la commission, le ministre délégué.
Adoption, par scrutin public, du projet de loi.

7. Nomination de membres d'une commission mixte paritaire (p. 22 ).

8. Négociation collective en matière de licenciements économiques. - Adoption d'un projet de loi (p. 23 ).
Rappel au règlement : MM. Roland Muzeau, Nicolas About, président de la commission des affaires sociales.
Discussion générale : MM. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité ; Alain Gournac, rapporteur de la commission des affaires sociales ; Gilbert Chabroux, Bernard Seillier.

Suspension et reprise de la séance (p. 24 )

PRÉSIDENCE DE M. ADRIEN GOUTEYRON

M. le président.
MM. Roland Muzeau, Louis Souvet, François Zocchetto.
M. le ministre.
Clôture de la discussion générale.

Question préalable (p. 25 )

Motion n° 32 de M. Roland Muzeau. - MM. Guy Fischer, le rapporteur, le ministre, Gilbert Chabroux, François Zocchetto. - Rejet.

Article 1er (p. 26 )

Amendements identiques n°s 1 de M. Gilbert Chabroux et 31 de M. Roland Muzeau ; amendements identiques n°s 2 de M. Gilbert Chabroux et 33 de M. Roland Muzeau ; amendements n°s 34 de M. Roland Muzeau, 3 et 4 de M. Gilbert Chabroux ; amendements identiques n°s 5 de M. Gilbert Chabroux et 35 de M. Roland Muzeau ; amendements identiques n°s 6 de M. Gilbert Chabroux et 36 de M. Roland Muzeau ; amendements identiques n°s 7 de M. Gilbert Chabroux et 37 de M. Roland Muzeau ; amendements identiques n°s 8 de M. Gilbert Chabroux et 38 de M. Roland Muzeau ; amendements identiques n°s 9 de M. Gilbert Chabroux et 39 de M. Roland Muzeau ; amendements identiques n°s 10 de M. Gilbert Chabroux et 40 de M. Roland Muzeau ; amendements identiques n°s 11 rectifié de M. Gilbert Chabroux et 41 rectifié de M. Roland Muzeau ; amendements n°s 12 et 13 de M. Gilbert Chabroux. - MM. Gilbert Chabroux, Roland Muzeau, le rapporteur, le ministre. - Rejet des vingt-trois amendements.
Adoption de l'article.

Articles additionnels après l'article 1er (p. 27 )

Amendement n° 43 de M. Roland Muzeau. - MM. Roland Muzeau, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 42 de M. Roland Muzeau. - Rejet.
Amendement n° 45 de M. Roland Muzeau. - MM. Roland Muzeau, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 44 de M. Roland Muzeau. - MM. Roland Muzeau, le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Article 2 (p. 28 )

MM. Guy Fischer, le ministre.
Amendements identiques n°s 14 de M. Gilbert Chabroux et 46 de M. Roland Muzeau ; amendements n°s 47 et 48 de M. Roland Muzeau. - Mme Gisèle Printz, MM. Roland Muzeau, le rapporteur, le ministre. - Rejet des quatre amendements.
Adoption de l'article.

Article 3 (p. 29 )

Amendements identiques n°s 15 de M. Gilbert Chabroux et 49 de M. Roland Muzeau ; amendement n° 50 de M. Roland Muzeau. - Mme Gisèle Printz, MM. Roland Muzeau, le rapporteur, le ministre. - Rejet des trois amendements.
Adoption de l'article.

Article 4 (p. 30 )

Amendements identiques n°s 16 de M. Gilbert Chabroux et 51 de M. Roland Muzeau. - MM. Gilbert Chabroux, Guy Fischer, le rapporteur, le ministre, le président de la commission, Roland Muzeau. - Rejet des deux amendements.
Adoption de l'article.

Article 5 (p. 31 )

Amendements identiques n°s 17 de M. Gilbert Chabroux et 52 de M. Roland Muzeau. - MM. Gilbert Chabroux, Guy Fischer, le rapporteur, le ministre. - Rejet des deux amendements.
Adoption de l'article.

Article 6. - Adoption (p. 32 )

Articles additionnels après l'article 6 (p. 33 )

Amendement n° 54 de M. Gérard César. - MM. Auguste Cazalet, le rapporteur, le ministre. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 22 rectifié de M. Bernard Joly. - MM. Bernard Joly, le rapporteur, le ministre, Roland Muzeau. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 30 rectifié de M. Louis Moinard. - MM. Louis Moinard, le rapporteur, le ministre. - Retrait.
Amendement n° 53 rectifié de M. Pierre Hérisson. - MM. Pierre Hérisson, le rapporteur, le ministre. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Vote sur l'ensemble (p. 34 )

MM. Roland Muzeau, Gilbert Chabroux, Pierre Hérisson, Mme Annick Bocandé, MM. Bernard Seillier, le président de la commission, le rapporteur.
Adoption du projet de loi.
M. le ministre.

9. Nomination de membres d'une commission mixte paritaire (p. 35 ).

10. Transmission d'un projet de loi (p. 36 ).

11. Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution (p. 37 ).

12. Ordre du jour (p. 38 ).



COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures trente.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

CANDIDATURES À UNE COMMISSION
MIXTE PARITAIRE

M. le président. J'informe le Sénat que la commission des affaires économiques et du Plan m'a fait connaître qu'elle a procédé à la désignation des candidats à une éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif aux marchés énergétiques et au service public de l'énergie.
Cette liste a été affichée conformément à l'article 12, alinéa 4, du règlement et sera ratifiée si aucune opposition n'est faite dans le délai d'une heure.

3

QUESTIONS ORALES

M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

MENACE DE DÉMANTÈLEMENT DU RÉSEAU
DE SUCCURSALES DE LA BANQUE DE FRANCE

M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau, auteur de la question n° 85, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, en ce moment même, des milliers de salariés de la Banque de France sont en grève, à l'appel de la quasi-totalité de leurs organisations syndicales. Avec force et détermination, ils s'opposent à nouveau à la remise en cause des conditions d'accomplissement des missions de service public et d'intérêt général que la collectivité a confiées à cette institution.
Son gouverneur annonce en effet le lancement d'un vaste plan de restructuration qui se traduirait, selon ses propres propos, par la suppression de la moitié des deux cent onze succursales existantes.
Cette perspective, synonyme de véritable démantèlement du réseau de la Banque de France, soulève de vives réactions d'inquiétude et de réprobation dans le pays, non seulement de la part des salariés, mais aussi d'associations d'usagers et, vous le savez, madame la ministre, de très nombreux élus de toutes tendances politiques.
A ce titre, permettez-moi de citer un extrait du communiqué de la Fédération des villes moyennes, qui souligne « la contradiction existant entre la volonté affichée du Gouvernement de maintenir, voire de renforcer l'action des services publics auprès du citoyen, et la refonte programmée du réseau Banque de France » ainsi que le « caractère déstructurant des reconcentrations envisagées ».
Les conséquences de la fermeture de plus de cent succursales seraient extrêmement graves, aussi bien pour l'emploi que pour la politique d'aménagement du territoire, de renforcement de la cohésion sociale, de développement économique local, dont la Banque de France est un acteur essentiel dans le cadre de ses missions d'intérêt général.
M. Trichet s'est flatté, devant la commission des finances de notre assemblée, en réponse à l'une de mes questions, d'avoir diminué, depuis 1994, de 2 500 - sur un total de 19 000 -, l'effectif des personnels sous statut. Il a notamment déclaré « qu'il y a encore beaucoup de chemin à faire dans cette voie ».
Comprenez que, pour nous, cet objectif est alarmant et consternant. Il coïncide avec le projet de rétraction programmée des activités de service public de la Banque via la fermeture de ses succursales.
La Banque de France a en charge de par la loi, vous le savez bien, madame la ministre, le traitement des dossiers de surendettement : 400 000 cas sont en instance à l'heure actuelle. Chacun sait qu'avec cette population fragilisée, le traitement personnalisé de chaque dossier est le meilleur garant d'une solution adaptée et durable. Est-ce en fermant une centaine de points d'accueil que l'on va faciliter ce travail ?
Les succursales exécutent également des services d'études et d'expertise au coeur du tissu économique local pour le compte des collectivités et des entreprises. Cela va-t-il dans le sens de la décentralisation et du soutien à l'emploi que d'éloigner cette activité des bassins d'emplois, voire de la faire purement et simplement disparaître ? De même, les fonctions très importantes de sécurisation des paiements et de médiation bancaire seraient remises en cause.
La fermeture des succursales irait de pair avec celle de dizaines de caisses institutionnelles et menacerait dangereusement la fiabilité et les conditions de sécurité de l'entretien de la monnaie fiduciaire, notamment du recyclage des billets.
S'agit-il de transférer ces activités au secteur privé, aux transporteurs de fonds et aux banques, aux dépens de la sécurité et pour un coût bien supérieur assumé par la collectivité ?
La Banque de France étant reconnue comme une institution structurante pour l'aménagement du territoire, des études d'impact sont rendues obligatoires, vous le savez, madame la ministre, par le décret n° 2001-601 avant toute fermeture ou implantation. Où en sont ces études ? La représentation parlementaire devrait également être informée de la répartition du bénéfice de l'année 2001 entre la Banque et l'Etat.
Enfin, fondamentalement, madame la ministre, pouvez-vous dire quelle est l'ambition du Gouvernement pour l'avenir de la Banque de France, institution majeure de la République ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie. Madame la sénatrice, le réseau des succursales de la Banque de France comprend deux cent onze implantations dont le maillage et l'organisation sont hérités du xixe siècle et des deux premières décennies du xxe siècle. La Banque de France a, aujourd'hui, le réseau le plus dense d'Europe.
La Banque de France est engagée depuis plusieurs années dans un mouvement de modernisation de ses activités et d'adaptation de ses structures et de ses méthodes qui prend en compte les importantes mutations que connaissent les activités exercées dans ses comptoirs et au siège, à savoir la concentration des opérations de numéraire avec la clientèle institutionnelle, la modernisation de l'ensemble du traitement de la monnaie fiduciaire, la rationalisation des circuits de recouvrement et d'échanges, la dématérialisation des supports et l'automatisation de l'ensemble des opérations dans le domaine scriptural, et, enfin, les progrès des échanges informatisés en matière d'information économique. En outre, elle doit s'adapter à l'intégration dans le système européen de banques centrales.
La poursuite de cet important mouvement de modernisation et de baisse des coûts constitue, vous ne pouvez le contester, madame la sénatrice, une nécessité de gestion pour la Banque de France, alors que les taux d'intérêt sont très bas et que la circulation fiduciaire de l'euro est beaucoup moins élevée que celle du franc.
Dans ce contexte, le gouverneur de la Banque de France a annoncé, le 15 octobre 2002, le lancement d'une mission de réflexion sur l'évolution du réseau des succursales et sur l'avenir des opérations avec la clientèle particulière. C'est en effet vers l'avenir, comme vous l'avez très bien dit, que nous devons nous tourner. Cette mission, confiée au secrétaire général de la Banque de France, a pour but de mener à bien une concertation approfondie - j'insiste sur cet élément important - avec les partenaires sociaux ainsi qu'avec les élus locaux.
La Banque de France, comme tout organisme public, doit veiller à rendre à la collectivité nationale le meilleur service au meilleur coût, en prenant en compte l'ensemble des évolutions qui affectent ses métiers ainsi que les attentes légitimes du public en matière de qualité et d'efficacité du service rendu.
L'ensemble de nos partenaires européens, vous le savez, ont tiré, dans les années récentes, les conséquences de ces mutations en procédant à des réformes de leur banque centrale. La France ne peut demeurer en retrait de cette évolution.
L'Etat entend donc conforter la Banque de France dans sa volonté de jouer tout son rôle dans la vie économique et sociale et dans le souci permanent d'optimiser sa gestion.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Madame la ministre, je regrette de vous dire qu'aucun des arguments avancés par le gouverneur pour justifier son plan ne me semble recevable. Vous les reprenez à votre compte, à la suite de M. Mer qui répondait, la semaine dernière, à la question d'actualité de l'un de nos collègues. Je me permets d'ailleurs de signaler à cet égard que M. Mer ne semble se déplacer dans cette assemblée qu'en présence des caméras de télévision.
La Banque de France n'est pas une filiale de la Banque centrale européenne ; c'est, au contraire, la BCE qui est une filiale commune aux banques centrales européennes. Par conséquent, nous ne voyons pas en quoi la Banque de France devrait suivre l'exemple des restructurations d'autres banques centrales européennes, dont le champ des missions de service public est loin d'être comparable au nôtre.
Par ailleurs, s'agissant du résultat financier de la Banque, la baisse éventuelle du compte d'exploitation, qui est exclusivement fondé sur la rente monétaire, est totalement indépendante de son exécution et ne saurait servir de prétexte à la réduction du champ d'activité de ses missions d'intérêt général.
Ce résultat s'annonce d'ailleurs beaucoup moins mauvais que ce qui avait été avancé, et des bénéfices très importants ont été largement reversés, à juste titre, à l'Etat.
Madame la ministre, je n'ai fait qu'aborder les problèmes de sécurité, mais je tiens à vous faire remarquer que les convoyeurs de fonds effectuent de longs trajets inadaptés à leur nouveau dispositif de protection et que des sommes importantes risquent de rester entreposées dans les agences bancaires : cela renforcera les problèmes de sécurité rencontrés par cette profession. La question de l'efficacité de la lutte contre le faux-monnayage est également posée.
Madame la ministre, vous avez insisté sur le fait que vous considériez que tous ces points devaient être examinés dans la plus grande concertation. Je trouve que le gouverneur de la Banque de France mène une restructuration à la hussarde et qu'un large débat public impliquant tous les acteurs, qu'il s'agisse des salariés, des élus ou des représentants des usagers, est nécessaire pour réaffirmer les missions non monétaires de la Banque de France. Je vous ferai d'ailleurs observer, madame la ministre, que le président de notre assemblée, M. Christian Poncelet, lorsqu'il était président de la commission des finances, demandait dès 1998 l'organisation et la tenue d'un large débat public sur cette question.
Madame la ministre, votre réponse n'apporte rien de nouveau, et je le regrette. C'est pourquoi les mots d'ordre retenus par les syndicats ce matin sont porteurs de raison et d'avenir : ils disent non au déclin, oui au service public de proximité, oui à une Banque de France au service de la nation !

RETARDS RÉCURRENTS DES RECTORATS
DANS LES PAIEMENTS DES TRAITEMENTS
DES ENSEIGNANTS

M. le président. La parole est à M. Bernard Fournier, auteur de la question n° 53, adressée à M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche.
M. Bernard Fournier. Je souhaite appeler l'attention de M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche sur un problème récurrent de l'administration, qui compromet la bonne marche du service public et peut-être même le recrutement du personnel enseignant sur le long terme.
En effet, la bonne foi nous condamne à reconnaître que les modalités de règlement des émoluments des maîtres auxiliaires et des professeurs sont loin d'être satisfaisantes.
Des retards de plusieurs mois interviennent dans le règlement des salaires des fonctionnaires et des agents auxiliaires, ce qui induit des problèmes de trésorerie extrêmement graves pour les jeunes qui ont choisi ce métier par vocation, un métier que certains sont contraints à quitter par nécessité, conséquence d'une administration « mauvaise payeuse ».
J'ai été le témoin, au sein de mon cabinet parlementaire, de ces problèmes injustifiables, car toute excuse informatique ou bureaucratique ne résiste pas devant des enseignants qui ont à coeur l'éducation des jeunes générations et qui se trouvent dans une précarité sociale sans fondement.
Le règlement des sommes dues atteint des délais très surprenants : il faut plus de trois mois pour qu'un maître auxiliaire perçoive son traitement après un changement de poste, ce retard pouvant parfois atteindre six ou huit mois.
Après un changement indiciaire, certains professeurs ont dû patienter quatorze mois pour que le nouvel échelon leur soit appliqué. Transposées dans le secteur marchand, ces situations engorgeraient les conseils de prud'hommes !
Je citerai un autre cas, qui n'est pas rare : celui des enseignants non titulaires, qui doivent attendre le versement des indemnités de chômage durant huit mois parfois.
De tels délais sont, vous me l'accorderez, monsieur le ministre, manifestement incompatibles avec la bonne administration du service public.
Je ne parlerai pas des inéluctables difficultés juridiques que ces délais soulèvent, mais j'évoquerai des impératifs éthiques : le « mammouth » doit devenir plus véloce lorsqu'il s'agit de payer ce qu'il doit aux professeurs.
Je citerai, comme un clin d'oeil, Danton, qui disait qu'après le pain l'éducation est le premier besoin du peuple. Pour ma part, je pense qu'après avoir dispensé l'éducation, les enseignants doivent avoir accès au pain !
Je vous remercie donc, monsieur le ministre, de bien vouloir me préciser si des mesures pourraient être prises ou des recommandations formulées afin que les traitements des fonctionnaires de l'éducation nationale et de l'éducation privée sous contrat avec l'Etat soient versés effectivement et normalement à la fin du mois, après service fait.
Je reste personnellement convaincu que la refonte de votre administration, par le jeu de la décentralisation, pourrait opportunément régler ce type de problème.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Xavier Darcos, ministre délégué à l'enseignement scolaire. Monsieur Fournier, vous avez raison de poser la question préoccupante de la bonne gestion des traitements des professeurs. C'est une question essentielle, en particulier dans la perspective qui est la nôtre pour les prochaines années, puisque, vous le savez, nous allons devoir procéder à des recrutements massifs pour faire face aux très nombreux départs à la retraite qui sont prévisibles d'ici à 2006. On estime ainsi que, en 2007 et 2008, il faudra qu'un diplômé sur quatre que produira la nation française devienne professeur pour répondre aux besoins.
Nous attachons donc une grande importance au renouvellement du corps professoral et nous avons demandé à l'inspection générale des finances de réaliser sur ce sujet un audit qui nous a été remis, à Luc Ferry et à moi-même, vendredi dernier et dont les conclusions seront rendues publiques aujourd'hui.
En particulier, il ne faut pas que les jeunes soient dissuadés d'entrer dans le métier d'enseignant par crainte de faire les frais de la mauvaise gestion des traitements.
Il ne faut certes pas donner le mauvais exemple, mais je veux rappeler cependant, monsieur Fournier, que de grands progrès ont été réalisés ces dernières années dans la gestion d'un effectif qui compte tout de même 1 335 000 personnes.
D'abord, la gestion informatisée de la paie concerne tous les personnels titulaires du second degré public, ainsi que tous les agents non titulaires enseignants du second degré.
Ensuite, tous les maîtres auxiliaires ont une garantie de réemploi depuis 1997, ce qui leur permet de percevoir une rémunération sans discontinuité.
Enfin, pour gérer les retards de paiement que vous signalez, et dont je ne conteste pas la réalité mais qui restent très minoritaires, nous avons mis en place un dispositif d'acompte sur rémunération à hauteur de 90 % des sommes dues, qui a été généralisé à presque tous les secteurs.
Force est cependant de reconnaître qu'il subsiste des secteurs dans lesquels la situation n'est pas complètement satisfaisante, et j'ai demandé aux services de tout mettre en oeuvre pour parvenir à une amélioration.
Je citerai trois secteurs dans lesquels des améliorations sont attendues, le premier étant celui des indemnités de chômage. La procédure est très lourde. Elle fait intervenir successivement de multiples acteurs : les ASSEDIC, les services gestionnaires, les trésoreries et les paieries générales, ce qui entraîne des délais pouvant parfois aller, comme vous l'avez dit, jusqu'à huit mois. Ce n'est pas admissible, nous en sommes d'accord, et il faut donc réduire les délais.
Pour y parvenir, nous pensons en particulier « dématérialiser », comme on dit dans notre jargon, les pièces justificatives.
Deuxième secteur dans lequel nous pouvons signaler des améliorations, l'informatisation de la paie des personnels enseignants du second degré dans l'enseignement privé est en cours de déploiement.
Enfin, troisième secteur, le chantier de l'informatisation sera ouvert dans les premiers jours de 2003 pour ce qui concerne les personnels enseignants du premier degré de l'enseignement public.
Le Gouvernement partage donc, monsieur le sénateur, votre préoccupation et vous pouvez être assuré de mon engagement pour que les personnels de l'éducation nationale touchent en temps et en heure ce à quoi ils ont droit, c'est-à-dire le pain et, puisque nous sommes à la veille des fêtes, pourquoi pas le pain et les jeux : panem et circenses !
M. le président. La parole est à M. Bernard Fournier.
M. Bernard Fournier. Je remercie M. le ministre de prêter une oreille très attentive aux préoccupations du corps enseignant. Je ne doutais pas que tel serait le cas et j'ai noté avec intérêt les trois axes prioritaires d'action retenus pour améliorer la situation. Nous serons très attentifs à leur mise en oeuvre dans les mois qui viennent.

PROBLÈMES DE GESTION
DES COMMUNES SITUÉES EN AVAL D'UN BARRAGE

M. le président. La parole est à M. Paul Blanc, auteur de la question n° 87, adressée à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.
M. Paul Blanc. Monsieur le secrétaire d'Etat, je souhaite attirer votre attention sur les très grandes difficultés que rencontrent les élus locaux dont la commune est, par malheur, située en aval d'un barrage pour la gestion de l'urbanisme, les services de la DDE bloquant systématiquement tous les permis de construire.
Je citerai à titre d'exemples deux communes de mon département.
La commune de Porté-Puymorens, qui est située en aval de la retenue d'eau de Lanoux, a ainsi vu son POS « retoqué », le permis de construire d'un centre de secours lui ayant notamment été refusé au prétexte qu'en cas de rupture du barrage le terrain, comme, en définitive, toute la commune, était inondable. Si le barrage venait à céder, c'est en réalité toute la vallée du Carol qui serait emportée et il ne resterait plus grand-chose de la commune de Porté-Puymorens !
La commune de Rodes, qui, elle, est située en aval de Vinça, se voit également refuser la plupart de ses permis de construire à cause du barrage en amont, alors que la rupture de ce dernier risquerait, là encore, d'emporter la totalité de la commune !
Il faut savoir que, dans le département des Pyrénées-Orientales, d'une part, 38 % de la plaine est en zone inondable, d'autre part, plus de 150 communes sont situées en zone de montagne et qu'à ces deux titres les règles d'urbanisme sont extrêmement sévères. Or, dans ce même département, on s'attend à ce que d'ici à dix ou quinze ans il y ait 80 000 personnes de plus, soit une augmentation de la population de 25 % ! On peut dès lors se poser la question de savoir où construire pour loger les futurs habitants.
Je souhaiterais donc, monsieur le secrétaire d'Etat, que soient examinés avec les services de la DDE les moyens d'atténuer la sévérité des règles d'urbanisme de façon que nous puissions construire suffisamment de logements pour accueillir ces nouveaux habitants.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer. Monsieur le sénateur, je me suis récemment rendu dans votre département, et vous aviez alors attiré mon attention sur cette question que je vous remercie de poser à nouveau devant la Haute Assemblée.
Je ne suis pas en mesure de vous apporter une réponse détaillée sur les communes des Pyrénées-Orientales que vous avez citées. Je vous propose que, sur ces questions précises, nous prenions date pour organiser une réunion de travail avec les services de l'équipement. Aujourd'hui, je vous répondrai plutôt sur le fond, à partir des indications que Mme Bachelot-Narquin, qui a compétence en la matière, m'a fournies.
Les zones situées à l'aval des aménagements hydrauliques - barrages hydroélectriques, d'irrigation, de soutien, d'étiage, de stockage, d'adduction d'eau potable, mais aussi conduites forcées, usines hydroélectriques, etc. - sont de plus en plus le lieu d'activités diverses à caractère sportif, socio-éducatif ou ludique. Ces activités sont souvent exercées par des personnes extérieures au site peu à même d'en apprécier les dangers, et les événements dramatiques du Drac ont rappelé qu'il convenait d'être particulièrement vigilant dans ces zones.
Afin d'assurer la sécurité des usagers fréquentant ces zones et de leur permettre de mettre en oeuvre les réflexes nécessaires en la matière, l'action des préfets porte en général sur les mesures à prendre pour que l'information du public soit efficace et clairement identifiable, ainsi que sur les moyens d'alerte qui peuvent être mis en place sur ces zones. Les préfets disposent pour ce faire d'un arsenal juridique qui leur permet, au travers des arrêtés d'autorisation et des règlements d'eau, de faire mettre en place par l'exploitant, en liaison avec les usagers, un affichage avertissant du risque dans les zones vulnérables, des procédures d'information et des moyens d'alerte.
Les préfets vérifient également que le mode d'exploitation des ouvrages n'entraîne pas de dangers graves. Les actions réglementaires doivent tenir compte de l'évolution permanente de l'utilisation des cours d'eau pour assurer la sécurité des personnes dans le cadre de l'exploitation des ouvrages.
Enfin, des réglementations d'accès et de fréquentation de certains sites dangereux peuvent être prises par l'autorité de police - le maire notamment -, en s'appuyant sur les textes de police générale ou sur les textes relatifs à l'urbanisme.
La circulaire du 13 juillet 1999, qui traite de ces différentes actions en tenant compte du recensement des sites présentant un risque particulier, prévoit - et c'est, monsieur Blanc, le point qui vous intéresse - que les préfets peuvent limiter la construction en aval des barrages par la mise en oeuvre d'un plan de prévention des risques, un PPR, prenant en compte les risques d'inondation, par le porté à connaissance lors de l'élaboration des documents d'urbanisme ou, enfin, par l'application, au coup par coup, de l'article R.111-2 du code de l'urbanisme.
Il s'agit là des règles de précaution que peuvent mettre en oeuvre l'autorité préfectorale ou les maires.
Puis vient le problème du développement économique et touristique, qui est, monsieur le sénateur, d'une tout autre nature.
En définitive, il faut trouver un équilibre entre la protection naturelle des zones situées en aval des barrages et le développement économique dans un département comme le vôtre, où l'espace est difficile à gérer ou rare et où il y a une forte augmentation de population.
Je vous propose donc, comme je le disais au début de ma réponse, que nous consacrions ensemble une séance de travail à faire le point, très précisément, des impératifs de protection et de sécurité d'une part, des impératifs d'aménagement du territoire et de développement économique d'autre part, dans les Pyrénées-Orientales.
M. le président. La parole est à M. Paul Blanc.
M. Paul Blanc. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, de votre réponse. Je suis bien sûr preneur ! Il y a des problèmes tout à fait concrets qui, me semble-t-il, pourraient être réglés à condition que tout le monde, les élus comme les représentants de l'administration, y mette un peu de bonne volonté.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je prendrai donc contact rapidement avec votre cabinet pour organiser la réunion de travail que vous me proposez.

SATURATION DE L'AUTOROUTE A 4

M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, auteur de la question n° 101, adressée à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.
M. Gérard Longuet. Monsieur le secrétaire d'Etat, depuis une vingtaine d'années, l'est de la France n'a cessé de s'éloigner de Paris, non pas en distance kilométrique, naturellement, mais en distance « temps ».
En ce qui concerne le ferroviaire, nous pouvons espérer que la réalisation en cours du TGV Est permettra de compenser une inégalité qui pesait fortement sur nos régions du Grand Est.
En ce qui concerne en revanche les liaisons routières, la situation ne cesse de s'aggraver. Je m'exprimerai comme usager, mais aussi et surtout, - solidairement avec les présidents des deux autres régions les plus directement concernées, l'Alsace et la Champage-Ardenne - en tant que président du conseil général de la Lorraine.
Paris reste la capitale de la France et l'Ile-de-France est elle-même une région-capitale. C'est une responsabilité. Or, on a parfois le sentiment qu'elle n'est assumée ni par les responsables de la région d'Ile-de-France ni, par les autorités de l'Etat dans le schéma d'organisation des transports routiers de l'Ile-de-France et qu'il n'est pas tenu compte de ceux qui se rendent à Paris venant de la province.
Dans le cas du Grand Est, l'autoroute d'accès principale est l'autoroute A 4. Or cette autoroute relie Paris et la province, mais assure également, apparemment, une fonction de périphérique de l'Ile-de-France, puisque l'autoroute A 4 est utilisée par l'A 86 ainsi que par l'A 104. Cette coexistence d'un trafic radial Paris-province et d'un trafic périphérique de Paris et de l'Ile-de-France aboutit à une saturation quasi permanente de l'autoroute A 4.
Ainsi, même en respectant les limitations de vitesse, il faut presque moins de temps - j'exagère un peu - pour aller de la Lorraine à Paris que pour entrer dans la région parisienne, notamment lorsque l'on aborde celle-ci à partir de l'A 104.
Je vous poserai maintenant deux questions, monsieur le secrétaire d'Etat.
La première aura un aspect technique : existe-t-il des projets permettant aux usagers de l'autoroute A 4 d'espérer retrouver les normes de circulation et de fluidité qui prévalaient lors de la mise en service de cet équipement ?
D'une façon plus générale, souhaitez-vous et pouvez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, prendre des initiatives, à l'occasion des négociations des contrats de plan, afin que les régions puissent être entendues par l'Ile-de-France et par l'administration centrale, qui doivent de temps en temps se souvenir que les provinciaux ont le droit d'accéder à Paris, puisqu'ils y sont obligés, dans des conditions de fluidité et de confort plus satisfaisantes ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Monsieur le sénateur, vous avez évoqué, au début de votre intervention, la desserte de l'est de la France, et en particulier de la région que vous présidez.
Je voudrais rappeler, à cet égard, que les travaux du TGV Est suivent leur cours et que les problèmes techniques qui se sont posés à cette occasion sont en voie de résolution. M. le Premier ministre a d'ailleurs pris publiquement l'engagement, dans votre région ainsi qu'en Alsace, que l'Etat prendrait en compte les surcoûts liés à des problèmes de diverses natures et que la solidarité nationale jouerait pour le chantier du TGV Est, lequel représente un équipement très important, faisant l'objet, comme vous l'avez souligné, monsieur le sénateur, de financements croisés entre l'Etat et les régions traversées, l'Ile-de-France, en particulier le département de la Seine-et-Marne, ayant fait montre d'une réelle solidarité.
M. Gérard Longuet. C'est vrai !
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Quoi qu'il en soit, cette desserte ferroviaire étant en cours de réalisation, l'autoroute A 4 joue, pour l'heure, un rôle particulièrement important. Aux problèmes que vous avez cités, monsieur le sénateur, s'ajoutent ceux qui sont liés au voisinage d'Eurodisney...
M. Gérard Longuet. Exact !
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. ... et au développement de la ville nouvelle de Marne-la-Vallée, laquelle constitue un pôle économique et résidentiel très dense.
Au nom de M. Gilles de Robien, je voudrais maintenant vous donner les renseignements techniques que vous attendez.
L'autoroute A 4, dans sa partie pénétrant l'agglomération parisienne, connaît un trafic élevé, variant de 84 000 véhicules par jour à l'est de la Francilienne à 257 000 véhicules par jour au droit de Saint-Maurice : la saturation est donc réelle.
Le schéma directeur d'Ile-de-France adopté en 1994 prévoit la réalisation d'opérations routières à l'est de Paris, pour offrir de nouvelles capacités de circulation : il s'agit du doublement de l'A 4 sur le tronc commun A 4-A 86 à la hauteur de Saint-Maurice et de l'A 103 entre le noeud de Rosny et l'A 4 à Noisy-le-Grand, ainsi que de l'opération appelée improprement « découdage de la Francilienne », du prolongement de l'actuelle déviation de Lagny-sur-Marne jusqu'à l'échangeur entre l'A 4 et la route nationale 36, de la déviation de la RN 4 entre Champigny-sur-Marne et Pontault-Combault et de l'élargissement de l'A 4 de Champigny-sur-Marne à Bailly-Romainvilliers.
En outre, il convient de citer l'amélioration de la liaison entre les autoroutes A 1, A 4, A 5 et A 6 par les routes nationales 330 et 36 aménagées, ainsi que les déviations de Meaux et de Melun. Cette liaison constituera une rocade parallèle à la Francilienne.
Toutes ces opérations n'ont, pour l'essentiel, pas été inscrites dans le contrat de plan entre l'Etat et la région pour la période 2000-2006, compte tenu de difficultés d'insertion et des coûts particulièrement élevés dans ce secteur proche de Paris.
Toutefois, il convient de signaler que, dans l'optique de la préparation d'opérations futures, il a été décidé d'étudier les possibilités de financement de l'opération de doublement. Cette étude est aujourd'hui engagée.
En ce qui concerne le tronc commun A 4-A 86, qui représente un point très difficile de la circulation sur l'A 4, il a été demandé aux préfets de la région d'Ile-de-France et du Val-de-Marne d'étudier la possibilité d'offrir à moindre coût une voie supplémentaire aux usagers du tronc commun pendant les heures de pointe. Le dispositif envisagé comporte une voie de droite protégée de la circulation, lorsque celle-ci est fluide, par des barrières mobiles, ce qui permettrait aux usagers de se réfugier sur cette voie, à l'abri du trafic, en cas d'incidents. Lorsque la circulation deviendra plus dense, cette voie sera utilisée pour le trafic général.
Le financement d'un tel dispositif est programmé en vue d'une mise en service à partir de la fin de 2004.
Parallèlement, une étude générale de circulation dans ce secteur proche de la ville nouvelle de Marne-la-Vallée est en cours. D'ores et déjà, certaines hypothèses ont été étudiées.
Monsieur le sénateur, vous avez eu raison de signaler le trafic excessif sur l'autoroute A 4 et la concurrence existant entre une circulation de proximité des Franciliens, stimulée par une politique de développement de l'est de Paris, et la liaison entre l'est de la France et la région parisienne, qui concerne également nos voisins européens, notamment allemands.
Votre suggestion relative à l'organisation d'une réunion de travail rassemblant les représentants des régions utilisatrices des grandes autoroutes débouchant en Ile-de-France, les représentants de la région d'Ile-de-France et l'Etat est excellente. Si vous le voulez bien, nous essaierons de la mettre en oeuvre dans les mois à venir, afin de pouvoir en tirer des conclusions pratiques en matière d'aménagement du territoire.
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet.
M. Gérard Longuet. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie de votre réponse, que nous allons approfondir sur le plan technique. Le point le plus important tient à la perspective d'une réunion de travail placée sous votre autorité, associant, peut-être par secteur, les représentants de la région d'Ile-de-France et ceux des régions « utilisatrices ». Cela serait sans doute l'occasion de rappeler que, dans la plupart des régions de France, lorsque l'on emprunte l'autoroute, on acquitte immédiatement le péage, alors que le réseau autoroutier francilien est, pour l'essentiel, d'accès gratuit, ce qui rend le financement des opérations beaucoup plus complexe.

RÉFORME DE LA POLITIQUE
COMMUNE DE LA PÊCHE

M. le président. La parole est à M. Fernand Demilly, auteur de la question n° 90, adressée à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.
M. Fernand Demilly. Ma question s'adressait au ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Lorsque je l'ai posée, j'ignorais que la réunion du conseil des ministres chargés de la pêche aurait lieu cette semaine à Bruxelles, et je comprends donc parfaitement l'absence de M. Gaymard.
Une cinquantaine de navires de pêche artisanale sont exploités à partir des trois ports de la baie de Somme : Le Crotoy, Saint-Valéry et Le Hourdel. La flottille est majoritairement composée de chalutiers de moins de douze mètres et engendre une importante activité économique de pêche côtière, ciblée sur quelques espèces à forte valeur marchande et à caractère saisonnier, avec une production déclarée de soles, de plies, de limandes, de coquilles saint-jacques et de crevettes grises qui s'est élevée à 2 265 tonnes en 2001. Elle concerne plus de cent vingt marins.
Toutefois, la flotte de pêche picarde est soumise à un cadre réglementaire de plus en plus contraignant et la Commission européenne propose de réduire l'effort de pêche, en « cassant » encore des bateaux et en incitant les pêcheurs à se reconvertir.
Les dispositions de ce projet de réforme de la politique commune de la pêche sont particulièrement inquiétantes : réduction des quotas de capture selon les espèces et retrait de navires conduisant à la disparition d'emplois, suppression des aides publiques à la construction et à la modernisation des navires de pêche et primes à la démolition. Ces mesures pourraient conduire, à terme, à la désertification de nos côtes, qui sont animées par la pêche artisanale.
Le groupe d'étude sénatorial sur la mer, dont je fais partie, a fait part de son opposition à ces propositions et a déploré que les autorités européennes n'aient pas retenu les suggestions formulées par le Parlement français.
Je sais que M. Hervé Gaymard a pris l'initiative de réunir les groupes des « amis de la pêche », avec lesquels il a élaboré une synthèse équilibrée entre la gestion durable de la ressource et la prise en compte de la dimension sociale, économique et territoriale de la pêche artisanale sur le littoral national. Pouvez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, faire le point sur la position française et sur les négociations en cours à Bruxelles ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer. Monsieur le sénateur, nous sommes en pleine actualité. En effet, au moment où je vous parle, le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales, M. Hervé Gaymard, participe à Bruxelles au conseil des ministres de la pêche, qui durera peut-être toute la semaine. Il s'agit de défendre au mieux les intérêts de la France, et vous connaissez les positions que M. le Président de la République et M. le Premier ministre ont prises en la matière : nous n'acceptons pas les propositions qui nous sont faites par le commissaire européen Franz Fischler.
Les dossiers à l'examen concernent les projets de règlement relatifs à la réforme de la politique commune de la pêche, le règlement du Conseil instituant des mesures de reconstitution des stocks de cabillaud et de merlu, ainsi que la décision relative aux totaux admissibles de captures, les TAC, et aux quotas pour l'année 2003.
La proposition de la Commission européenne remonte à mai 2002. Le gouvernement français, quant à lui, a toujours indiqué qu'il avait le souci d'une politique de gestion durable de la ressource, mais qu'il souhaitait également que la réforme prenne en compte la dimension sociale, économique et territoriale de la pêche communautaire et de la pêche française. Tout comme vous, monsieur le sénateur, il a jugé inacceptable, je le répète, la proposition initiale de la Commission.
Quelles sont les demandes que formule actuellement à Bruxelles M. Hervé Gaymard au nom du Gouvernement ? Je vais maintenant tâcher de répondre à cette question, que M. Oudin a lui aussi posée voilà quelques jours.
La France souhaite voir mettre en oeuvre une gestion pluriannuelle des stocks halieutiques qui soit adaptée à la réalité de la situation biologique et qui distingue clairement des autres les stocks pour lesquels un plan de restauration est nécessaire.
Elle désire en outre que soit appliqué un seul instrument de régulation des captures pour la gestion d'un même stock et que soit absolument proscrite l'utilisation simultanée d'instruments différents.
Il convient à notre sens de laisser au Conseil les compétences de décision en matière de gestion de la ressource et de refuser tout transfert de pouvoir, dans ce domaine, au bénéfice de la Commission, afin que la décision reste politique.
Enfin, la France compte s'opposer à la suppression de la faculté donnée aux Etats membres d'aider à la modernisation et au renouvellement de la flotte de pêche, pour autant, naturellement, que les Etats n'augmentent pas globalement les capacités de capture.
Nous avons bâti des argumentaires précis montrant que le maintien des aides publiques est nécessaire pour le renouvellement et la modernisation de la flotte de pêche et que l'utilisation de l'effort de pêche, en substitution ou en complément des systèmes déjà existants, présenterait de nombreux inconvénients sans offrir aucun avantage.
Ces documents ont déjà été remis à la Commission européenne et aux professionnels de la pêche, que M. Hervé Gaymard a rencontrés le 11 décembre dernier.
Par ailleurs, monsieur Demilly, vous avez reçu, comme l'ensemble des parlementaires, un courrier adressé par M. Gaymard dans lequel celui-ci fait un point précis sur les propositions que la France entend défendre. Au cours du conseil des ministres de la pêche, nous allons essayer de faire évoluer la position communautaire, afin de maintenir, pour la pêche française, de véritables perspectives d'avenir.
En tout état de cause, nous n'accepterons pas un projet de réforme qui remettrait en cause l'effort de modernisation de nos professionnels : tel est le message, monsieur le sénateur, que vous pouvez transmettre aux pêcheurs de votre département. La négociation n'est pas facile, mais la France n'est pas isolée, puisqu'elle a constitué autour d'elle le groupe des Etats amis de la pêche. Nous nous heurtons à une attitude résolue de la Commission, et c'est donc un véritable combat politique, au sens noble du terme, que nous menons cette semaine à Bruxelles, dans l'intérêt de la pêche française.
Je vous remercie, monsieur le sénateur, d'avoir montré au Gouvernement l'importance que vous accordiez à ce dossier.
M. le président. La parole est à M. Fernand Demilly.
M. Fernand Demilly. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie de ces informations, que je communiquerai aux élus et aux artisans pêcheurs de la baie de Somme.
Ma question avait, en réalité, un double objectif : faire le point sur les négociations avec Bruxelles et M. Franz Fischler, le commissaire européen chargé de la pêche, mais aussi apporter notre soutien à la position prise par la France et par M. Hervé Gaymard, à qui vous voudrez bien transmettre ce message.
Nous apprécions l'action menée avec les Etat amis de la mer, à savoir la Grèce, l'Italie, l'Espagne, le Portugal et l'Irlande, et nous approuvons la contre-proposition française concernant la gestion durable et responsable de la ressource halieutique, l'effort de pêche et le maintien des aides publiques à la construction et à la modernisation des navires de pêche.
Monsieur le secrétaire d'Etat, nos pêcheurs et les élus qui les représentent comptent sur la résolution et la volonté de M. Hervé Gaymard.

DÉPENSES DE FONCTIONNEMENT DES SERVICES
DÉPARTEMENTAUX D'INCENDIE ET DE SECOURS

M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, auteur de la question n° 89, adressée à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
M. Alain Vasselle. Ma question était adressée à M. Mattei, mais je suis persuadé que M. Jacob apaisera sans difficulté les inquiétudes des élus en ce qui concerne les services départementaux d'incendie et de secours.
Les conseils généraux voient croître d'année en année les charges qu'ils supportent au titre des services départementaux d'incendie et de secours. Les coûts de fonctionnement de ces services, ajoutés au financement de l'allocation personnalisée d'autonomie, pèsent sur leurs budgets et risquent de contraindre certains d'entre eux à aggraver la pression fiscale.
Il devient donc urgent non seulement de légiférer de nouveau en cette matière, mais surtout de prendre un arrêté visant à appliquer l'article 124 de la loi relative à la démocratie de proximité, qui prévoyait le remboursement des frais engagés par les services d'incendie et de secours lorsque, à la suite d'un appel adressé au centre 15, ils sont amenés à intervenir pour porter secours à des personnes.
Or, les élus que nous sommes le savent bien, la difficulté tient au fait que de nombreux ambulanciers ou médecins hésitent à se rendre dans certains quartiers sensibles ou difficiles, voire refusent de se déplacer, par crainte d'être bombardés de cailloux et de voir leurs véhicules détériorés. Les pompiers interviennent alors, mais l'addition reste à payer.
Les frais devraient en principe être couverts par la sécurité sociale. Or, tant que le ministre de l'intérieur et le ministre chargé de la santé n'auront pas pris un arrêté interministériel de nature à permettre l'application de l'article 124 de la loi relative à la démocratie de proximité, les services départementaux d'incendie et de secours ne pourront obtenir de dédommagement pour les dépenses engagées. Dans le seul département de l'Oise, les pompiers assurent pas moins de 15 000 sorties par an en lieu et place des services de santé.
J'aimerais donc, monsieur le ministre, que vous puissiez rassurer l'ensemble des présidents de conseil général de France et des chefs de service départemental d'incendie et de secours. Les SDIS doivent pouvoir se retourner vers la sécurité sociale pour couvrir les dépenses que j'ai évoquées. Je sais que cela posera des problèmes à cette dernière, mais nous aurons l'occasion d'en débattre en d'autres lieux et lors de la discussion d'autres textes.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Christian Jacob, ministre délégué à la famille. Monsieur le sénateur, il s'agit là d'un sujet sur lequel vous êtes expert à un double titre, puisqu'il concerne à la fois la sécurité sociale et les SDIS.
L'article 124 de la loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité, à laquelle vous faisiez allusion voilà quelques instants, prévoit effectivement que les interventions ne relevant pas des missions propres des services départementaux d'incendie et de secours et assurées à la demande des SAMU, les services d'aide médicale urgente, en cas d'indisponibilité des ambulanciers privés, pourront être prises en charge, sur le plan financier, par les établissements de santé sièges de SAMU.
Comme vous l'avez rappelé, les modalités de mise en oeuvre de ces dispositions doivent être précisées par un arrêté conjoint du ministère de l'intérieur et du ministère chargé de la sécurité sociale. Plusieurs réunions de travail entre le ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales et le ministère de la santé ont déjà eu lieu sur ce sujet. Le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie a également été consulté sur les modalités tarifaires de cet arrêté. Le texte de ce dernier est actuellement en cours de rédaction, et je puis donc vous rassurer sur ce point.
Je mesure toute l'importance du rôle joué par les services départementaux d'incendie et de secours - je le dis également au nom de M. Jean-François Mattei - en matière d'urgences préhospitalières et de participation au transport sanitaire lorsque les ambulanciers ne peuvent se rendre disponibles, alors que ces actions ne relèvent pas de leur mission initiale.
Le rôle de chacun est quelquefois flou, et il est nécessaire de clarifier la répartition des compétences entre les SAMU, les SDIS et les ambulanciers privés. Des travaux en ce sens sont menés depuis juin 2001 par les services de M. Jean-François Mattei et ceux du ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. La fédération des sapeurs-pompiers, les représentants des SAMU et les ambulanciers y ont été associés. Ils ont abouti à la rédaction d'une circulaire clarifiant les missions des services intervenant en matière d'aide médicale urgente, qui doit être cosignée par les deux ministres. Il serait cohérent que cette signature anticipe la parution de l'arrêté ou du moins coïncide avec celle-ci.
J'ajoute que, parallèlement à ces travaux, les services du ministère chargé de la santé ont engagé, en octobre 2000, une concertation avec les ambulanciers privés, en vue de réorganiser la garde et de diminuer ainsi les cas d'indisponibilité de ces derniers. Dès le début de l'année 2003, des dispositions réglementaires et financières les aideront à mieux remplir leur mission, notamment la nuit, les week-ends et les jours fériés. Le recours aux services départementaux d'incendie et de secours pour carence des ambulanciers privés devrait donc, en principe, devenir moins fréquent à compter de cette date.
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle.
M. Alain Vasselle. Je prends acte de la volonté du Gouvernement d'avancer sur ce dossier. Je suis tout à fait rassuré d'entendre que, dès les premiers jours de l'année 2003, l'arrêté sera appliqué au profit des services d'incendie et de secours.
Je note avec satisfaction ce souci de clarification des compétences entre les uns et les autres. Je ne doute pas que les services d'incendie et de secours seront les porte-parole des préoccupations et des attentes des conseils généraux, qui sont devenus les principaux financeurs.
Je note également votre souci de l'organisation des gardes en ce qui concerne les ambulanciers privés. J'appelle simplement votre attention, monsieur le ministre, sur la sécurité d'intervention des ambulanciers privés. Je ne sais pas si ce point fait partie des discussions qui sont engagées avec le ministre de l'intérieur, M. Sarkozy. J'espère qu'il est pris en compte. Si la sécurité n'est pas assurée, les ambulanciers privés hésiteront, lorsqu'on les appellera la nuit, à se rendre dans un quartier sensible de Paris, de Marseille ou d'une autre ville de province ! Et si les secours n'arrivent pas, le réflexe de la personne concernée sera de composer le 18. Des problèmes d'intervention se poseront alors et la solution des difficultés sera reportée à plus tard.
J'espère que la sécurité sociale adoptera un comportement vertueux. Nous risquons en effet d'être confrontés aux difficultés que nous connaissons dans les maisons de retraite avec les forfaits soins, le forfait dépendance, en ce qui concerne la partie qui est à la charge du conseil général : c'est une bataille qui s'éternise ; on est en train de discuter sur la part qui revient à l'un et à l'autre.
J'espère que l'arrêté sera suffisamment précis et clair pour qu'il n'y ait plus de discussion de marchands de tapis entre la sécurité sociale et les services d'incendie et de secours ou les conseils généraux. Une clarification était absolument nécessaire dans ce domaine.
Je prends note avec satisfaction de la volonté du Gouvernement d'avancer. J'espère que les dispositions seront appliquées de manière positive pour les uns et les autres, et que je n'aurai donc pas à réitérer ma question l'année prochaine.

PERSONNES HANDICAPÉES EN SITUATION
DE GRANDE DÉPENDANCE VIVANT À DOMICILE

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, auteur de la question n° 84, adressée à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.
Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'allocation compensatrice versée par les conseils généraux et destinée à couvrir les dépenses liées au recours à une tierce personne pour les personnes handicapées qui ont besoin de se faire aider pour les actes essentiels de l'existence perd régulièrement de sa valeur par rapport au SMIC. Cette baisse du montant de l'aide se traduit par une diminution d'intervention par tierce personne : l'allocation, lorsqu'elle est accordée à son taux maximal, ne permet plus aujourd'hui de rémunérer qu'environ trois heures par jour, contre quatre heures trente en 1982.
Comme l'Association des paralysés de France le revendique, la compensation intégrale des surcoûts liés au handicap, et notamment ceux qui se rattachent au recours à une tierce personne, devrait être calculée sur la base d'une évaluation individuelle des besoins.
A l'heure actuelle, force est de constater que la situation des personnes fortement dépendantes reste inchangée. Pourtant, un plan d'action devait être mis en place à partir de mars 2002, à la suite de la réunion qui a eu lieu le 11 mars dernier, avec des personnes très dépendantes, au ministère de l'emploi et de la solidarité.
Les axes de ce plan envisageaient les mesures suivantes : le triplement de la subvention de l'Etat aux services d'auxiliaires de vie, la publication du décret permettant l'ouverture des soins infirmiers aux personnes handicapées, la généralisation du déplafonnement de l'allocation compensatrice pour tierce personne sur l'ensemble des départements et la prise en charge ambulatoire par des établissements d'hébergement.
Qu'est-il advenu de ces mesures ? Où en est leur évaluation et leur suivi, sujets sur lesquels devaient se réunir les acteurs concernés ?
Aujourd'hui, le budget pour 2003 prévoit la création de postes d'auxiliaires de vie pour le maintien à domicile de 103 personnes lourdement handicapées. C'est dérisoire par rapport aux besoins : la France compte en effet 600 nouveaux tétraplégiques par an et environ 15 000 personnes lourdement handicapées à la suite d'un accident.
Nous demandons le financement de l'aide humaine à hauteur des besoins des personnes handicapées.
Dans le cadre du plan triennal 2001-2003, la création de 3 150 postes supplémentaires d'auxiliaires de vie était prévue. Qu'en est-il aujourd'hui, monsieur le ministre ? Ce sont généralement les familles qui assument avec beaucoup de dévouement l'aide aux personnes handicapées, mais nombre de ces familles finissent par s'épuiser.
En France, on dénombre 4 000 ergothérapeutes, contre 40 000 en Grande-Bretagne pour une population quasi identique.
Par ailleurs, les personnes handicapées qui vivent actuellement à domicile - elles représentent 90 % des personnes handicapées - soit par choix, soit parce qu'elles sont sur une liste d'attente depuis des années pour accéder à un établissement adapté, rencontrent des problèmes financiers pour acquérir les moyens matériels et faire réaliser les aménagements spécifiques dont elles ont besoin dans leur vie quotidienne. Qui finance les sommes restant à charge une fois que les prestations du régime obligatoire, légales et supplémentaires, sont versées ? Ce problème est, pour elles, difficile à résoudre.
La prise en charge intégrale des aides techniques doit être assurée par la sécurité sociale. Il faut impérativement que les progrès techniques profitent aux personnes handicapées et que le taux réduit de TVA soit appliqué à toutes les aides techniques et d'appareillage qui leur sont attribuées. C'est d'ailleurs ce que préconisait le rapport présenté au Sénat en juillet 2002. Tout cela doit se faire en concertation avec les intéressés eux-mêmes, afin de définir la liste d'inscription au tarif interministériel des prestations sanitaires.
Un handicapé de notre département menace actuellement de faire une grève de la faim s'il n'obtient pas une aide personnalisée suffisante pour continuer à vivre chez lui. Il a malheureusement fallu les grèves de la faim de l'écrivain Marcel Nuss, les coups de gueule médiatisés de Philippe Streiff, ancien pilote de Formule 1, tétraplégique à la suite d'un accident survenulors du Grand Prix du Brésil en 1989, et ceux de personnes moins connues pour que ceux-ci soient écoutés. Faudra-t-il d'autres grèves de la faim pouir que ces personnes lourdement dépendantes se fassent enfin entendre ?
Les propositions qui ont été faites doivent être inscrites dans une loi, pour une refonte globale afin d'en assurer la pérennisation ; les moyens budgétaires à la hauteur des besoins doivent être dégagés.
Cette loi doit permettre de sortir de « la complexité, de l'incohérence, de l'opacité et de l'injustice du maquis actuel des règles dans lequel ces personnes et leurs familles doivent se frayer un difficile chemin », comme le disait M. Royez, secrétaire général de la Fédération nationale des accidentés du travail et handicapés, la FNATH, dans un article du Monde. Pourquoi ne pas reprendre leur proposition visant à créer une nouvelle branche de la sécurité sociale « handicap et dépendance » pour regrouper, harmoniser et simplifier l'ensemble des dispositifs dans le cadre de la solidarité nationale ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Christian Jacob, ministre délégué à la famille. Madame le sénateur, je vous présente tout d'abord les excuses de Mme Marie-Thérèse Boisseau, qui aurait souhaité vous répondre directement mais qui m'a chargé de la représenter.
La situation des personnes lourdement handicapées qui expriment le choix de rester à leur domicile retient tout particulièrement l'attention du Gouvernement.
Un certain nombre d'entre elles se sont regroupées au sein d'une coordination « handicap et autonomie », vous y avez fait allusion, dont le porte-parole, Marcel Nuss, a été reçu à plusieurs reprises par les membres du cabinet du ministre de la santé, Jean-François Mattei, et du cabinet de Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées.
D'ores et déjà, à la suite de ces entretiens, des mesures d'urgence ont été arrêtées par une circulaire qui a été adressée aux préfets le 10 octobre dernier. Ces mesures concernent les aides humaines et techniques nécessaires au maintien à domicile de ces personnes.
En premier lieu, 900 postes d'auxiliaires de vie ont été créés au titre de l'année 2002, et doivent effectivement être en place avant le 31 décembre de cette année. Dans ce cadre, les personnes lourdement handicapées peuvent bénéficier du triplement de l'aide au regard de l'assistance permanente dont ils ont besoin.
En deuxième lieu, l'intervention dérogatoire des services de soins infirmiers à domicile reste possible jusqu'à la publication prochaine du décret qui étendra la mission de ces services aux personnes handicapées, laquelle ne se cantonnera plus aux seules personnes âgées.
Enfin, en troisième lieu, l'accompagnement à leur domicile de personnes lourdement handicapées à partir d'équipes de maisons d'accueil spécialisées est d'ores et déjà expérimenté dans trois départements.
Pour l'année 2003, cet effort sera accentué puisque la loi de finances comporte une majoration de 30 % des crédits déconcentrés aux directions départementales des affaires sanitaires et sociales, les DDASS, de façon à répondre au moins aux trois objectifs suivants : achever la création dans chaque département d'un site pour la vie autonome, destiné à simplifier et à accélérer le recours aux aides techniques et humaines ; atteindre les 5 000 postes d'auxiliaires de vie ; développer des réseaux « santé-handicap » pour réunir autour des personnes lourdement handicapées des praticiens libéraux, des services de soins et des associations.
Enfin, parmi les axes de la réforme de la loi d'orientation de 1975, figurent les conditions du libre choix entre la vie à domicile et l'accueil en établissement. Un groupe de travail du Conseil national consultatif des personnes handicapées, installé le 3 décembre dernier, y réfléchit déjà.
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le ministre, j'ai entendu avec plaisir l'annonce des créations de postes d'auxiliaires de vie. J'aurais aimé savoir - mais peut-être pourrais-je obtenir l'information directement auprès du ministère ? (M. le ministre opine) - où ces 900 postes seront ventilés. C'est tout de même un élément important.
Par ailleurs, vous n'avez pas répondu sur le premier problème, qui me semble très important, à savoir le niveau de l'aide apportée pour que la prise en charge soit acceptable financièrement par les personnes handicapées elles-mêmes. Le montant actuel de l'allocation compensatrice ne leur permet pas de prendre en charge dans de bonnes conditions financières les auxiliaires de vie. C'est sur ce problème que je souhaitais attirer encore plus fortement votre attention. J'espère que le décret paraîtra très rapidement, car le régime dérogatoire est source de difficultés.

SITUATION DU SERVICE DE DIABÉTOLOGIE
DU CHU HENRI-MONDOR DE CRÉTEIL

M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc, auteur de la question n° 63, adressée à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.
Mme Hélène Luc. Monsieur le ministre, à l'occasion de la journée mondiale du diabète, le 14 novembre dernier, le Quotidien du Médecin indiquait que, à travers le monde, au moins 177 millions de personnes étaient touchées par le diabète, soit près de six fois plus que voilà quinze ans, et que, si rien n'était fait pour enrayer cette terrible maladie, le nombre de diabétiques atteindrait 300 millions d'ici à vingt-cinq ans !
S'agissant de la France, on dénombre 2 millions de personnes concernées par cette maladie, soit 3 % de la population, et on estime à 500 000 à 800 000 le nombre de personnes qui sont diabétiques sans le savoir.
Première cause de cécité et de dialyse rénale, le diabète est une maladie qui peut entraîner de graves complications lorsque les soins ne sont pas appropriés, en augmentant les risques de maladies cardio-vasculaires et d'amputations.
Aussi, conformément aux orientations de la conférence nationale de santé, l'organisation des soins doit être améliorée en développant la prévention grâce à un mode de vie adapté - régime alimentaire, activité physique, notamment - ainsi que l'éducation et le travail en réseau de services hospitaliers des médecins libéraux, des soins à domicile et des centres de santé.
Cependant, à la suite de la restructuration du service d'endocrinologie - diabétologie nutrition, qui était placé sous la responsabilité du professeur Perlemuter au CHU Henri-Mondor de Créteil, en service d'unité de diabétologie rattaché au service de médecine interne, celui-ci a perdu sa vocation universitaire de recherche, du fait, semble-t-il, de difficultés rencontrées pour trouver un successeur à ce professeur. C'est très regrettable.
Aussi, les 6 500 diabétiques suivis au CHU Henri-Mondor ont subi une réduction de capacité de soins se traduisant par des délais qui s'allongent jusqu'à six mois pour obtenir un rendez-vous et par une augmentation des hospitalisations, qui dénote une prise en charge trop tardive, avec des conséquences souvent dramatiques.
On m'a assurée que la direction de l'Assistance publique, le directeur de l'hôpital Henri-Mondor, le président du comité médical consultatif ont la volonté de rouvrir ce service. Cela ne saurait évidemment se faire sans que cet hôpital retrouve sa vocation universitaire. C'est pourquoi, monsieur le ministre, il est indispensable de recréer en toute urgence un pôle hospitalo-universitaire de référence au CHU Henri-Mondor. Monsieur le ministre, à quelle date cela sera-t-il fait ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Christian Jacob, ministre délégué à la famille. Madame le sénateur, je vous présente les excuses de M. Mattei, qui est actuellement retenu à l'Assemblée nationale et qui aurait souhaité répondre lui-même à votre question.
Effectivement, le service de diabétologie du CHU Henri-Mondor à Créteil a disparu.
A la suite du départ en retraite du professeur Perlemuter, il n'a pas été possible, faute de candidats, de poursuivre l'activité du service. C'est pourquoi le service du professeur Perlemuter a été transformé en unité fonctionnelle rattachée au service de médecine interne du professeur Schaeffer.
Ce rattachement est une bonne chose et n'a pas entamé, loin de là, la volonté de la communauté hospitalière de renforcer les effectifs de cette unité fonctionnelle.
Ainsi, une demande de création d'emploi de praticien hospitalier, PH, a été formulée pour 2003 et l'hôpital s'est engagé à financer le poste budgétaire. Mme le professeur Schaeffer a, dès avril 2002, lancé un appel à candidatures. Il a été fructueux, et une candidature sera prochainement examinée par la commission du personnel médical d'Henri-Mondor.
Enfin, s'agissant de l'évolution de cette structure vers un pôle universitaire, des discussions ont été engagées dans ce sens avec le doyen de la faculté.
Je pense vous avoir ainsi rassurée, en partie au moins.
M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc.
Mme Hélène Luc. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse.
Nous aurions probablement pu faire autrement, mais, les choses étant ce qu'elles sont, le principal est que ce service ouvre de nouveau.
Votre réponse était très attendue par les 6 500 diabétiques concernés, représentés ce matin dans nos tribunes, notamment par le président de la Ligue des diabétiques d'Ile-de-France, M. Sokolowsky.
Elle était également attendue par le conseil général du Val-de-Marne. Pour ma part, j'ai reçu beaucoup de courrier.
Votre réponse est encourageante. J'ai bien noté ce que vous nous avez dit. Si j'ai bien compris, tout est mis en oeuvre pour que le service rouvre, mais nous sommes bien d'accord, avec la recherche universitaire.
Toutefois, je ne vous cacherai pas, monsieur le ministre, que les diabétiques et moi-même resterons très vigilants car ce service doit rouvrir très bientôt. Vous ne nous avez pas donné de date, mais, j'espère que cette réouverture interviendra très prochainement, puisque l'appel à candidatures a eu lieu. Ne pouvez-vous vraiment pas nous donner une date, monsieur le ministre ?

RÉGLEMENTATION EN MATIÈRE D'HYGIÈNE
ET DE SÉCURITÉ DU TRAVAIL APPLICABLE
À LA FONCTION PUBLIQUE TERRITORIALE

M. le président. La parole est à M. Claude Biwer, auteur de la question n° 11, adressée à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.
M. Claude Biwer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mes collègues maires de communes du département de la Meuse, comme, sans doute, tous nos autres collègues maires, ont reçu, dans le courant du mois de janvier 2002, une circulaire de vingt-deux pages explicitant l'ensemble des dispositions qui doivent être mises en place afin de respecter les termes du décret du 16 juin 2000 modifiant un décret de 1985 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la médecine professionnelle et préventive dans la fonction publique territoriale.
Cette circulaire a plongé plus d'un de nos collègues, notamment les maires des petites communes, dans un abîme de perplexité ! En effet, son titre II, relatif à la mise en oeuvre des règles d'hygiène et de sécurité et au contrôle de leur application, précise que les autorités territoriales sont responsables de l'hygiène et de la sécurité de leurs agents, ce qui semble tout à fait légitime.
Cependant, il est ajouté que « toute collectivité se doit de désigner un ou plusieurs ACMO - agents chargés d'assurer la mise en oeuvre des règles d'hygiène et de sécurité -, notamment s'il y a plusieurs sites distincts, cette nomination s'effectuant désormais avec l'accord du ou des intéressés et après avis du comité d'hygiène et de sécurité ou à défaut du comité technique paritaire. [...] Dans l'hypothèse où aucun agent de la collectivité ne donnerait son accord à l'autorité territoriale pour l'exercice des fonctions d'ACMO, celles-ci pourront être confiées au secrétaire de mairie ou au directeur général des services, l'hygiène et la sécurité entrant dans le cadre général de leurs missions ».
Comme si cela ne suffisait pas, la circulaire précise encore : « Afin d'assurer le bon respect de l'ensemble des règles relatives à l'hygiène et à la sécurité du travail, un dispositif d'inspection est organisé. [...] L'autorité territoriale désigne le ou les agents chargés d'assurer une fonction d'inspection après avis du CHS - le comité d'hygiène et de sécurité - ou à défaut du CTP - le comité technique paritaire - ou peut passer convention à cet effet avec le centre de gestion. »
Après m'être renseigné auprès des services de la préfecture, j'ai appris que les dispositions de ce décret s'appliquent aussi bien aux villes de plus de 100 000 habitants disposant de plusieurs centaines d'agents qu'aux communes de 100 habitants, sinon moins, ne disposant que d'un ou de deux fonctionnaires territoriaux, souvent à temps partiel, voire à temps partagé avec d'autres communes. Ainsi, avec la meilleure volonté du monde, ces communes ne peuvent appliquer la réglementation.
En effet, il peut sembler quelque peu surréaliste d'exiger des maires la nomination d'un, voire de plusieurs agents chargés d'assurer la mise en oeuvre des règles d'hygiène et de sécurité et, qui plus est, d'agents chargés de la fonction d'inspection. C'est le type même de mesures à caractère technocratique ne tenant nullement compte des réalités locales, qui sont forcément diverses.
Il ne s'agit pas de remettre en cause la nécessité d'assurer l'hygiène et la sécurité dans la fonction publique territoriale, bien entendu : il s'agit de trouver les voies et moyens permettant une application effective de ces dispositions dans les petites communes. La solution pourrait consister à autoriser la désignation des ACMO et des agents remplissant les fonctions d'inspection dans un cadre intercommunal, ce qui ne semble pas possible à l'heure actuelle.
Monsieur le ministre, je compte sur vous pour adapter cette réglementation aux petites communes, qui sont très nombreuses dans le département que j'ai l'honneur de représenter dans notre assemblée : vous en conviendrez volontiers avec moi, mieux vaut adapter intelligemment un texte que ne pas l'appliquer !
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Christian Jacob, ministre délégué à la famille. Monsieur le sénateur, je tiens tout d'abord à vous présenter les excuses de M. Patrick Devedjian, qui souhaitait répondre personnellement à votre question mais qui n'a malheureusement pu être présent ce matin. Il m'a chargé de vous transmettre la réponse suivante.
Monsieur le sénateur, vous évoquez les difficultés d'application dans les petites communes du décret du 16 juin 2000 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail dans la fonction publique territoriale.
Votre question est double, puisque les autorités territoriales, vous l'avez rappelé, doivent désigner, d'une part, un ou plusieurs agents ayant pour mission d'assurer la mise en oeuvre des règles d'hygiène et de sécurité et, d'autre part, des agents chargés de la fonction d'inspection.
Les fonctions d'ACMO sont par nature des fonctions de proximité et doivent être exercées par un agent de la collectivité territoriale, seul un agent de terrain étant à même de bien connaître les spécificités liées à son emploi. Il me semble donc logique de maintenir cette règle de bon sens, les situations variant selon les collectivités territoriales. Toutefois, si l'autorité territoriale n'obtient pas l'accord d'un ou de plusieurs agents, les fonctions peuvent être assurées par « le secrétaire de mairie ou le directeur général des services », et je reprends là les termes de la circulaire du 9 octobre 2001 du ministre de l'intérieur.
Les fonctions d'inspection nécessitent une moins grande proximité avec le terrain ; c'est pourquoi le décret du 10 juin 1985 autorise l'autorité territoriale à passer une convention avec le centre de gestion, solution à laquelle recouvrent déjà certaines petites collectivités.
L'intercommunalité donne donc la possibilité de régler un certain nombre de difficultés en permettant de faire « remonter » certains services à son niveau. Les services du ministère sont cependant prêts à étudier la possibilité de faire évoluer ces règles pour permettre une éventuelle désignation de ces agents de sécurité par le groupement de communes. M. le président. La parole est à M. Claude Biwer.
M. Claude Biwer. Je remercie M. le ministre d'envisager une telle possibilité d'évolution, qui nous permettra d'aborder la situation différemment.
L'intercommunalité est à l'ordre du jour en toutes circonstances. Il faudrait que, dans des cas comme celui que je viens d'évoquer, elle s'adapte, comme devrait s'adapter, chaque fois que cela est possible, la notion même de commune, selon qu'il s'agit d'une petite ou d'une grande collectivité : nous n'avons pas les mêmes possibilités ni les mêmes engagements dans les unes ou dans les autres !
Nous souhaitons vivement que, parfois, on regarde au-delà du périphérique !

REVALORISATION DU MINIMUM CONTRIBUTIF

M. le président. La parole est à M. Yann Gaillard, auteur de la question n° 93, adressée à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
M. Yann Gaillard. Ma question porte sur une bizarrerie de notre législation que je trouve choquante et qui est liée à la différence existant entre le minimum contributif et le minimum vieillesse.
Après avoir reçu une délégation de retraités de mon département représentant différentes organisations syndicales, qui avait notamment attiré mon attention sur cette bizarrerie, j'avais posé en novembre 2001 une question écrite au précédent gouvernement. Il ne m'a jamais été répondu. La question étant devenue caduque, j'ai attendu l'ouverture de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003, mais, n'y ayant pas trouvé d'éléments de réponse, je me suis résolu à poser à nouveau cette question.
Instauré par une loi de 1983 et découlant d'un minimum de retraite qui avait été créé en 1945, le minimum contributif avait pour objet de faire en sorte que les retraites les plus basses soient égales à 95 % du SMIC. Depuis, le SMIC a connu des « coups de pouce », tandis que les retraites suivaient l'évolution des prix, si bien que, aujourd'hui, le minimum contributif - il concerne trois millions de retraités, dont 70 % de femmes, qui ont travaillé et cotisé pendant cent cinquante trimestres, c'est-à-dire toute leur vie - correspond à environ 60 % du SMIC et s'élève à 525,63 euros par mois, alors que le minimum vieillesse, conféré à des personnes que la société aide en raison de leur situation difficile mais qui n'ont pas contribué au financement de leur retraite, atteint 569,38 euros par mois. C'est un peu choquant !
Cette question n'ayant pas été traitée de façon claire lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, je vous demande, monsieur le secrétaire d'Etat, quel est votre point de vue.
Comme vous l'avez rappelé, monsieur le sénateur, il est incontestable que le minimum contributif, qui représentait l'équivalent de 60 % du SMIC brut en 1983, n'en représente plus aujourd'hui que 45 %.
J'observe également, avec vous, qu'il est paradoxal que le montant du minimum contributif, qui est de 525,63 euros mensuels, soit aujourd'hui inférieur à celui du minimum vieillesse, qui s'élève, je le rappelle, à 569,38 euros, alors qu'en 1983 les montants des deux minima étaient identiques. Le minimum vieillesse a en effet bénéficié de « coups de pouce » différenciés.
Le minimum contributif évolue aujourd'hui au même rythme que les pensions. Une revalorisation importante du montant des pensions pèserait sur l'équilibre de nos régimes de retraites sans pour autant améliorer de manière notable le montant du minimum contributif. Seule une revalorisation différenciée par rapport aux pensions de vieillesse est donc envisageable.
Le texte de votre question, monsieur le sénateur, mentionne un montant d'au moins 152 euros par mois ainsi qu'une indexation du minimum contributif sur le SMIC, afin que, pour une carrière complète, aucune pension des régimes général et complémentaire ne soit inférieure au SMIC.
Or ces propositions sont difficilement compatibles avec les exigences d'équilibre financier de nos régimes de retraite. J'attire en outre votre attention sur le fait qu'une revalorisation de cette nature ne profiterait pas aux personnes les plus démunies, c'est-à-dire à celles qui sont à la fois bénéficiaires du minimum contributif et du minimum vieillesse. En effet, le coup de pouce sur le minimum contributif serait en tout ou partie compensé par la baisse corrélative de l'allocation supplémentaire du minimum vieillesse.
Une piste d'évolution serait alors de rendre le montant attribué plus directement proportionnel à l'effort contributif réel ; on en reviendrait ainsi à l'objectif initialement visé par le minimum contributif. Des solutions seront étudiées dans le cadre de la réforme dont l'élaboration est prévue, comme je l'ai précisé, au début de l'année prochaine.
En conclusion, je vous indique que le Gouvernement est conscient du véritable problème social que pose aujourd'hui l'existence d'un minimum contributif inférieur au minimum vieillesse. Nous essaierons de redonner tout son sens à l'objectif que s'était initialement fixé le législateur.
M. le président. La parole est à M. Yann Gaillard.
M. Yann Gaillard. Je m'attendais bien à ce que M. le secrétaire d'Etat élargisse le débat et pose le problème de la place du minimum contributif au sein de l'ensemble des prestations.
Monsieur le secrétaire d'Etat, j'ai écouté votre réponse avec intérêt ; vous avez bien montré à quel point la question est complexe, puisque toute mesure prise peut à la fois améliorer certains aspects et en aggraver d'autres.
Je n'ai pas de solution à proposer pour le moment. Je note donc avec une grande satisfaction, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous avez pris conscience du problème - et je suppose qu'il en va de même du Gouvernement - et que la question sera étudiée spécifiquement lors de l'élaboration de la grande réforme des retraites, qui, évidemment, sera d'une tout autre ampleur.
En tout état de cause, s'il s'avérait impossible d'obtenir que le minimum contributif soit supérieur au minimum vieillesse, mieux vaudrait alors supprimer cette notion, qui aboutit à une situation absurde !
M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat. Tout à fait !

MAINTIEN DU DEUXIÈME VERSEMENT
DE LA DOTATION JEUNES AGRICULTEURS

M. le président. La parole est à M. Bernard Joly, auteur de la question n° 86, adressée à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.
M. Bernard Joly. Monsieur le secrétaire d'Etat, pour accompagner les jeunes agriculteurs au moment de leur installation, l'Etat leur attribue des aides de trésorerie d'origine européenne afin de sécuriser leurs débuts et de leur permettre de faire face aux lourds engagements financiers qu'ils doivent supporter durant les premières années de leur activité.
Cette dotation est versée en deux fractions : les deux tiers lors de l'installation, le dernier tiers à la troisième année d'exploitation. Cette deuxième partie n'est validée qu'après qu'a été vérifié que le demandeur est toujours exploitant, mais aussi que son projet présente toutes les garanties de fiabilité et qu'il dégage un revenu suffisant. Si tel n'est pas le cas, le complément prévu n'est pas versé.
Ce système prévalait jusqu'à la nouvelle circulaire n° 7025 du 5 juin 2002, qui porte sur deux principes de la gestion du second volet : elle vise à modifier les délais d'instruction jusqu'ici souples et elle ouvre la possibilité d'étudier la quatrième année de revenus. En d'autres termes, un encadrement plus rigide occulte désormais la réalité.
Précédemment, les délais de réclamation du solde de la dotation pouvaient connaître une certaine marge, si bien qu'un candidat dont le revenu avait atteint les objectifs fixés au terme de la troisième année pouvait prétendre au complément financier, et ce quelle que soit la date à laquelle il le demandait. Or, depuis le mois de juin dernier, les organismes ont mission de veiller plus scrupuleusement à l'application des termes de la circulaire d'origine, qui remonte au 20 octobre 1997. En clair, le solde n'est versé qu'à la condition que la demande ait été formulée dans l'année qui suit le troisième exercice.
Dans mon département, dix-neuf dossiers ont été déposés avec un an de retard au regard de la circulaire précitée. Ils ont été validés par la commission départementale d'orientation agricole, la CDOA, mais les organismes payeurs se sont conformés strictement aux textes, refusant d'observer la souplesse antérieure pour ces cas qui sont à la charnière entre deux situations.
La prise en compte d'une quatrième année pour l'obtention du revenu minimum est maintenant exclue. Or il est patent que l'exploitant n'arrête pas pour autant de travailler et que ce seuil, compte tenu des aléas de ce type d'activité, est sujet à décalage dans un sens ou dans un autre.
Monsieur le secrétaire d'Etat, comptez-vous revenir au dispositif antérieur, afin, d'une part, de ne pas changer les règles de la procédure en cours d'application et, d'autre part, de prendre en considération l'existence d'impondérables inhérents à l'activité agricole interdisant de répondre aux exigences d'un texte qui méconnaît la nécessité d'une certaine flexibilité ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Monsieur le sénateur, permettez-moi de vous transmettre les excuses d'Hervé Gaymard, qui, vous le savez, mène en ce moment à Bruxelles un combat pour préserver les droits de pêche de notre pays, combat qui le retiendra certainement toute la semaine.
Monsieur le sénateur, la circulaire n° 7025 du 5 juin 2002 intègre les dispositions récentes prises en application du décret n° 2001-925 du 3 octobre 2001 et destinées à harmoniser le dispositif réglementaire national avec le règlement de développement rural n° 1257/1999 du Conseil du 17 mai 1999.
Concernant les conditions économiques, le règlement de développement rural pose l'exigence que la viabilité économique de l'exploitation soit atteinte au terme de la troisième année suivant l'installation.
De ce fait, le versement de la seconde fraction de la dotation est accordé au titre du troisième exercice, sans report possible de l'examen du revenu en quatrième année. Le paiement du solde de la dotation reste néanmoins possible lorsque la condition de revenu minimum de la troisième année n'est pas satisfaite pour des motifs de crise conjoncturelle, d'épizootie ou d'accident climatique.
M. le président. La parole est à M. Bernard Joly.
M. Bernard Joly. Monsieur le secrétaire d'Etat, nous voulons une véritable politique d'installation des jeunes agriculteurs. Alors, montrons de la souplesse pour les cas qui portent sur deux exercices !
Nous prônons la proximité, nous prônons la simplification administrative : appliquons-les !

RÉGLEMENTATION COMMUNAUTAIRE
SUR L'ÉTIQUETAGE DES VINS

M. le président. La parole est à M. Jean-François Picheral, auteur de la question n° 95, adressée à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.
M. Jean-François Picheral. Monsieur le secrétaire d'Etat, j'ai souhaité attirer l'attention de M. le ministre de l'agriculture, dont je comprends parfaitement l'absence aujourd'hui, sur le règlement communautaire récent portant diverses modifications sur l'étiquetage des vins et sur sa prochaine entrée en vigueur en droit français.
En vue de répondre au principe d'applicabilité directe du droit communautaire dérivé, le ministère de l'agriculture va être amené prochainement à envisager son application concrète au niveau national, afin de mettre en oeuvre ces dispositions communautaires, dont le but est d'assurer des informations claires et loyales des consommateurs par un étiquetage précis et suffisamment complet des vins qui leur sont offerts.
A l'écoute des professionnels du secteur, il est apparu que ce décret devrait permettre non seulement de redonner tout leur sens aux mentions trop souvent fourvoyées, tels les noms de « domaine », de « château », ou aux mentions « mise en bouteille à la propriété », mais aussi de mettre en oeuvre efficacement l'interdiction des noms patronymiques fictifs.
Par ailleurs, il semble qu'en matière de millésime et de nom de cépage le règlement communautaire ait mis en place la règle des 85 % permettant aux viticulteurs de faire figurer dans l'étiquetage d'un vin l'année de récolte alors même que 15 % du raisin a été récolté une autre année.
Le décret que M. le ministre s'apprête à signer ne peut reprendre ce mécanisme. En maintenant la règle des 100 %, il doit empêcher les dérives commerciales et que soit abusivement mentionné le nom de millésime ou de cépage.
Aussi, je souhaiterais vivement, et avec moi l'ensemble des professionnels du vin, que soient précisés les critères retenus par le ministère de l'agriculture en vue d'appliquer en droit français ce règlement communautaire qui, bien adapté, permettra de maintenir les critères de qualité spécifique au secteur viticole français.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Monsieur le sénateur, je vous sais très attaché à la qualité des vins français, et plus particulièrement à la qualité des vins de notre région. Nous partageons d'ailleurs cet attachement avec M. le président.
M. le président. Nous en buvons en effet un peu !
M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat. Mais modérément ! (Sourires.)
La réglementation communautaire relative à l'étiquetage des vins nécessite, pour être mise en oeuvre, d'être complétée et précisée par des dispositions nationales. Ces dispositions doivent permettre d'assurer une information claire, loyale et précise des consommateurs, tout en répondant aux préoccupations de la filière viticole.
La Commission européenne a souhaité, au début du mois de novembre, que l'entrée en vigueur du règlement n° 753/2002 soit repoussée au 1er août 2003, afin notamment de disposer du temps nécessaire pour transmettre des explications aux pays tiers préoccupés par le contenu de ce règlement.
Un projet de décret, précisant notamment les conditions d'application du règlement CE 753/2002 relatif à la désignation, la dénomination, la présentation et la protection de certains produits vitivinicoles, est donc actuellement en préparation dans le cadre d'une très large concertation avec les représentants professionnels et les associations de consommateurs.
Les modalités d'indication du millésime et du nom du cépage sur l'étiquette des différentes catégories de vin font partie des principaux sujets en discussion. Il s'agit, monsieur le sénateur, d'un point très sensible qui doit être examiné en prenant en compte à la fois les appellations d'origine, qui ont fait la notoriété des vins français, vous le savez parfaitement, et le message que les opérateurs souhaitent délivrer aux consommateurs à travers l'étiquetage.
M. le président. La parole est à M. Jean-François Picheral.
M. Jean-François Picheral. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre, qui est une réponse d'attente, si je comprends bien. J'espère que, dans son action, M. le ministre ira dans le sens des professionnels qui lui posent, par mon intermédiaire, cette question. J'espère également que M. le président comme vous-même, qui êtes, vous l'avez dit, très intéressé par ce problème, ...
M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat. Tout à fait !
M. Jean-François Picheral. ... nous aiderez à obtenir ce que les professionnels désirent face à l'importante concurrence mondiale que nos vins français subissentactuellement.
M. le président. Nous évoquons la situation du vin français sous le regard de Portalis, qui, tout spécialiste de droit constitutionnel qu'il était, produisait à Saint-Cyr-sur-Mer, dans le Var, un vin de très grande qualité, dont l'exploitation se poursuit encore.
M. Jean-François Picheral. Il faut ajouter que Portalis était aixois, provençal à 100 % !
M. le président. Tout à fait !

RÉORGANISATION DES SERVICES PUBLICS
EN MILIEU RURAL

M. le président. La parole est à M. Dominique Mortemousque, auteur de la question n° 75, adressée à M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire.
M. Dominique Mortemousque. Monsieur le secrétaire d'Etat, ma question porte sur la réorganisation des services publics en milieu rural, dont le démantèlement lancinant risque de se traduire par un véritable abandon de nos communes.
Depuis une dizaine d'années, les élus des cantons ruraux sont régulièrement informés de la fermeture, qui d'une école, qui d'un bureau de poste, qui d'une perception et, le plus souvent, ils sont mis devant le fait accompli, sans aucune concertation préalable, malgré les engagements qui avaient été pris par le gouvernement précédent et qui n'ont pas été tenus.
L'immense majorité des élus des cantons ruraux considèrent que le déclin n'est pas inéluctable et qu'il dépend de la volonté des élus et des pouvoirs publics de bâtir un nouveau développement reposant sur les réalités locales.
C'est d'ailleurs dans cet esprit que M. le Premier ministre, au cours des premiers mois qui ont suivi sa prise de fonctions à Matignon, a demandé aux parlementaires de participer aux assises régionales des libertés locales.
Ces travaux devaient constituer une nouvelle étape de la décentralisation.
En Dordogne, lors de ces assises, le thème du service public en milieu rural a constitué la première des priorités pour l'ensemble des élus, car un projet d'aménagement du territoire offrant des perspectives à chaque commune permettrait à celle-ci d'envisager un avenir attractif pour l'ensemble de ses administrés.
Lors du congrès des maires de Dordogne, qui a eu lieu le 4 octobre dernier, j'ai proposé aux élus d'agir en ce sens. Ils m'y ont vivement encouragé.
Aussi est-ce la raison pour laquelle je souhaiterais connaître la position de M. le ministre sur une proposition de réorganisation territoriale dont la réalisation se décompose comme suit.
Il faut d'abord dresser l'inventaire des services publics existant dans chaque département en faisant ressortir leurs lieux actuels d'implantation et les contraintes d'adaptation pour l'avenir pesant sur eux. Cet inventaire, qui apportera une connaissance globale de ce qui existe, nous permettra d'exiger des services performants et de qualité.
Il faut ensuite faire le point sur les nouvelles technologies, que ce soit la téléphonie mobile ou la couverture par le réseau ADSL. Il est en effet important que, dans tous les cantons ruraux, la téléphonie mobile mais aussi le web soient accessibles afin que chacun puisse communiquer par l'intermédiaire d'une messagerie électronique. Notons que la demande de télétravail ne cesse de se développer. C'est le fait des chefs d'entreprise, des créateurs d'entreprise mais aussi des propriétaires de résidences secondaires : tous attendent le développement de ces moyens de communication pour installer leurs activités et leur famille là où ils ont choisi de vivre.
Il faut également organiser les moyens d'agir, d'une part en rendant opérationnelle la cellule interministérielle qui existe au niveau du département et qui est placée sous l'autorité du préfet en la dotant de moyens suffisants, d'autre part en élargissant le champ de compétence de cette cellule afin que tous les établissements publics soient soumis à cette autorité locale.
Il faut enfin prévoir une évaluation annuelle de cette réorganisation fonctionnelle des services publics afin, le cas échéant, d'adapter le dispositif.
Cette démarche doit aboutir, grâce à l'utilisation optimale des nouvelles technologies, à une répartition équilibrée et cohérente des nouveaux équipements sur l'ensemble du territoire, facteur de cohésion et de confiance des élus.
Je souhaiterais donc connaître la position de M. le ministre sur ces propositions qui tendent à s'articuler autour d'un véritable contrat territorial définissant la France rurale du xxie siècle, en parfaite cohérence avec le dernier comité interministériel pour l'aménagement et le développement du territoire, le CIADT, qui s'est tenu le 13 décembre dernier.
Ces propositions concrètes devraient contribuer à faire émerger des initiatives qui redonnent envie de travailler en milieu rural. Notre département est prêt à expérimenter cette organisation sur les 557 communes de son territoire.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Monsieur le sénateur, je tiens d'abord à vous présenter les excuses de M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire, qui aurait souhaité pouvoir vous répondre personnellement mais qui, en ce moment, préside une table ronde réunissant les syndicats sur les conséquences de la décentralisation. Au cours de cette table ronde, d'ailleurs, a été évoquée la question qui vous préoccupe : la réorganisation territoriale du service public.
Je peux d'ailleurs vous rassurer : vos constatations et vos suggestions rejoignent très exactement la préoccupation de M. Jean-Paul Delevoye et de l'ensemble du Gouvernement. Il faut en effet sortir d'une situation dans laquelle le milieu rural a le sentiment de subir et d'assister impuissant à la fermeture des services publics les uns après les autres pour entrer dans une démarche d'anticipation tendant vers l'organisation des services publics en milieu rural. C'est très exactement la démarche que vous avez engagée dans le cadre des assises des libertés locales, en Dordogne, et nous vous en remercions.
Comment atteindre cet objectif ? Vous avez vous-même évoqué les deux logiques qui s'affrontent : celle de la rationalisation des moyens appliqués par les responsables gestionnaires dans la mesure où le service public ne peut échapper à l'impératif de productivité et de performance si le pays veut maîtriser ses déficits et diminuer les impôts ; celle tout aussi fondamentale d'une attente légitime quant à la présence des services publics en milieu rural, où très souvent elle est vitale pour pérenniser l'activité et le développement.
Je vais maintenant résumer les messages du Gouvernement par rapport à cette question fondamentale.
Premier message : la réorganisation des services publics ne doit pas se traduire par la condamnation d'un territoire. Le Gouvernement croit, comme vous, à la valeur essentielle des principes qui commandent la présence du service public : un égal accès sur l'ensemble du territoire, l'Etat restant le garant de l'égalité des droits et des chances des Français où qu'ils soient, une égale qualité dans le traitement des dossiers, un délai maîtrisé et une réponse sécurisée irréprochable sur le plan technique.
Cela passe, bien entendu, comme vous l'avez indiqué, par la couverture de l'ensemble du territoire par les nouveaux leviers du développement que sont la téléphonie mobile et les hauts débits numériques. Vous savez que cette dimension est au coeur de la stratégie du Premier ministre pour ce qu'il a appelé « la République numérique » que nous devons bâtir ensemble.
Actuellement, hélas ! le bilan est très peu convaincant.
L'éparpillement des compétences fragilise la qualité des réponses et nourrit une incertitude quant à la pérennité de la présence des services publics, qui, légitimement, préoccupe les populations.
Par conséquent - c'est le deuxième message - comme vous le souhaitez, pour sortir de cet engrenage, il faut bâtir ensemble un nouveau contrat qui soit « gagnant-gagnant ».
Pour cela, il convient d'abord de s'appuyer sur les nouvelles technologies de l'information et de la communication, qui permettent de développer de nouveaux modes d'accueil de proximité. Chacun devrait pouvoir avoir accès, à travers les messageries électroniques, à l'ensemble des services publics, à condition bien entendu que tout le territoire soit équipé de bornes publiques d'accès à Internet dotées du personnel capable d'accompagner les utilisateurs dans leur démarche.
Cela nous permettrait de concilier la proximité de l'accueil et la réorganisation en pôles de compétences pour le traitement des dossiers afin d'apporter tous les éléments techniques nécessaires à une société développée et complexe comme la nôtre.
Très concrètement, il nous faut donc poursuivre la multiplication des points d'accueil en développant, autour de l'Etat, des acteurs locaux, départementaux, régionaux, des établissements publics intercommunaux, l'offre des services publics, avec le souci d'évoluer vers le guichet unique, lequel inclurait d'ailleurs les services à caractère social ; je pense aux URSSAF, aux caisses d'allocations familiales ou aux ASSEDIC.
Enfin, troisième message, il faut engager une démarche cohérente fondée sur un schéma d'organisation territoriale des services publics et ne pas se contenter de discours incantatoires, voire d'un moratoire, lequel en fait n'est qu'un piège car il ne fait que retarder les évolutions inéluctables. Une approche pragmatique du terrain est nécessaire.
La réussite de la décentralisation dépendra de notre capacité à réformer l'organisation territoriale de l'Etat et des services publics.
Sur un territoire donné, comme la Dordogne, il faut donc fédérer l'ensemble des acteurs, y compris les agents du service public, pour aboutir au schéma le plus cohérent de l'offre de services publics qui réponde à deux impératifs : faciliter les démarches pour les usagers et rationaliser le traitement des demandes.
Telle est la préoccupation - vous y avez fait référence - qui a guidé les choix du Gouvernement lors de la dernière réunion du comité interministériel à l'aménagement du territoire. Il a également été décidé que plusieurs départements devraient mener une expérimentation.
Nous savons, monsieur le sénateur, que vous êtes tout particulièrement sensible à la nécessité de réorganiser le service public territorial en milieu rural. Jean-Paul Delevoye et, bien entendu, Xavier Darcos seront très attentifs à la situation de la Dordogne et aux propositions qui seront faites pour que, ensemble, nous trouvions les moyens de sortir de la logique du fatalisme ou du déclin pour anticiper les évolutions nécessaires et faire en sorte que le service public accompagne le développement de votre beau département.
M. le président. La parole est à M. Dominique Mortemousque.

M. Dominique Mortemousque. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, des réponses de qualité que vous venez de me faire. Elles vont nourrir en nous beaucoup d'espoir. Sachez que nous sommes prêts à contribuer à l'action qui va être engagée. La confiance ne se décrète pas, mais je suis intimement convaincu que les maires ruraux seront un gisement important de cohésion sociale si l'on prend en considération leur participation.
Prenons un exemple très concret : celui de la téléphonie mobile.
Aujourd'hui, tout le monde est conscient des vertus de cet outil, si bien que les demandes de cabines téléphoniques archaïques et dépassées se sont complètement taries.
Je suis convaincu que les maires seront prêts à accepter des modifications dans les services existants - donc des économies et une meilleure performance - si l'on sait leur faire percevoir de façon tangible les nouveaux enjeux.

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NOMINATIONS DE MEMBRES
D'UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE

M. le président. Pour le cas où le Gouvernement déciderait de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif aux marchés énergétiques et au service public de l'énergie, il va être procédé à la nomination des membres de cette commission mixte paritaire.
La liste des candidats a été affichée ; je n'ai reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par l'article 12 du règlement.
En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette éventuelle commission mixte paritaire :
Titulaires : MM. Gérard Larcher, Jean-François Le Grand, Pierre Hérisson, Ladislas Poniatowski, Bernard Joly, Daniel Raoul, Yves Coquelle.
Suppléants : Mme Marie-France Beaufils, MM. François Fortassin, Christian Gaudin, Alain Gérard, Henri Revol, Pierre-Yvon Trémel, Jean-Pierre Vial.
Cette nomination prendra effet si M. le Premier ministre décide de provoquer la réunion de cette commission mixte paritaire et dès que M. le président du Sénat en aura été informé.
Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.
La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures vingt, est reprise à seize heures, sous la présidence de M. Christian Poncelet.)

PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET

M. le président. La séance est reprise.

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COMMUNICATION

M. le président. Monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est avec une très grande émotion que j'ai assisté, samedi dernier, ainsi que beaucoup d'entre nous, aux obsèques de notre regretté collègue Robert Calméjane, subitement décédé dans l'enceinte même du Sénat le 10 décembre. (M. le ministre délégué, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent.) Nous étions en effet nombreux à être venus rendre un dernier hommage à cet homme chaleureux, qui a joué un rôle éminent dans son département et sa commune et dont la personnalité était particulièrement rayonnante.
Sa famille a tenu à remercier publiquement de leur promptitude et de leur dévouement non seulement l'équipe du SAMU, mais aussi les membres du personnel du Sénat, tout particulièrement le cabinet médical et les services de sécurité, qui ont prodigué les premiers soins à notre collègue.
Ils ont tout tenté pour le réanimer. Hélas ! comme vous le savez, malgré leurs efforts, le processus fatal n'a pu être enrayé, et Robert Calméjane est malheureusement décédé peu après son admission au service de réanimation de l'hôpital Cochin.
Avec nos questeurs, je souhaite, au nom de la famille et en votre nom à tous, exprimer notre gratitude à nos collaborateurs, qui, une fois de plus, ont fait preuve d'une très grande compétence.
Conformément à la tradition parlementaire, je prononcerai ultérieurement l'éloge funèbre de notre regretté collègue.

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LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE POUR 2002

Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2002 (n° 95, 2002-2003), adopté par l'Assemblée nationale. [Rapport n° 97, 2002-2003]).
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus aux amendements tendant à insérer des articles additionnels après l'article 45.

Articles additionnels après l'article 45



M. le président.
L'amendement n° 43, présenté par MM. Charasse, Miquel, Massion, Moreigne, Sergent, Demerliat, Lise, Haut, Marc, Angels, Auban et les membres du groupe socialiste et rattachée, est ainsi libellé :
« Après l'article 45, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I - A l'article 133-4 du code pénal, les mots : "deux années" sont remplacés par les mots : "quatre années".
« II - Les dispositions du présent article s'appliquent aux condamnations prononcées à compter du 1er janvier 2003. »
La parole est à M. Michel Charasse.
M. Michel Charasse. Il s'agit de revenir sur une question, le recouvrement des amendes pénales, qui a été évoquée - M. le ministre et M. le rapporteur général s'en souviennent certainement - lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2003. C'est, en vérité, un problème que j'avais déjà soulevé à plusieurs reprises, mais sans succès, non pas tant du fait du ministère du budget que de celui du ministère de la justice.
Aujourd'hui, on constate qu'un très grand nombre d'amendes ne sont pas recouvrées dans le délai de prescription de deux ans, faute, la plupart du temps, de retrouver les personnes redevables.
J'avais proposé une solution consistant à « arrêter le compteur », c'est-à-dire à bloquer la prescription à compter de la notification de la condamnation au comptable des amendes et non plus au redevable.
M. le ministre avait souhaité qu'une réflexion soit conduite d'ici à l'examen du collectif. M'étant rapproché de ses services, je crois avoir trouvé une solution qui, pour être sans doute moins opérationnelle que celle que j'avais initialement proposée, pourrait néanmoins être acceptée dans un premier temps. Il s'agirait tout simplement de porter de deux ans à quatre ans le délai de prescription des amendes pénales, comme en matière de créances de l'Etat. Tel est l'objet de l'amendement n° 43.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des compes économiques de la nation. Je souhaite tout d'abord resituer cette excellente proposition dans son contexte.
La prescription, en matière de recouvrement des amendes, court à partir du prononcé de la peine. Elle est de deux ans pour les contraventions, de cinq ans pour les délits et de vingt ans pour les crimes.
Les délais de cinq ans et de vingt ans concernent un nombre très limité d'amendes et offrent au comptable une garantie suffisante contre la « fuite du temps ». Il n'en est pas de même pour les neuf millions d'amendes forfaitaires majorées soumises à la prescription de deux ans. Environ 70 % d'entre elles sont annulées ou admises en non-valeur, et ce, dans 20 % des cas, parce que le domicile n'est pas connu ou n'est pas bien établi.
La solution qu'avait initialement proposée notre collègue Michel Charasse n'était pas totalement réalisable, car la notification au comptable aurait dû être faite par voie d'huissier, ce qui aurait eu un coût global élevé.
La solution proposée aujourd'hui ne présente, selon la commission, aucun inconvénient. Il s'agit d'allonger la prescription de deux à quatre ans pour les contraventions, afin de laisser le temps à la justice de retrouver le contrevenant.
Ainsi seraient harmonisés les délais de prescription en matière fiscale.
J'ajoute que, dans un article précédent, nous avons institué la même durée de prescription pour les créances douanières. La règle de la prescription de quatre ans est en effet la règle de droit commun en matière de créance fiscale ou assimilée.
S'agissant souvent ici de contraventions liées à des infractions aux règles de la sécurité routière, la mesure proposée, d'une plus grande rigueur vis-à-vis des contrevenants, nous semble s'inscrire parfaitement dans le plan du Gouvernement visant à lutter contre la délinquance routière, plan dont des événements dramatiques récents ont montré l'urgente nécessité.
Ainsi, le Sénat, grâce à l'initiative de Michel Charasse, et avec le soutien de la commission des finances, pourrait apporter son concours à la mise en oeuvre de dispositions dissuasives tendant à assurer dans notre pays une meilleure sécurité routière.
L'avis de la commission est donc tout à fait favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Le Gouvernement partage la préoccupation exprimée par Michel Charasse et relayée par la commission des finances. Il est favorable à un allongement de ce délai de prescription. Toutefois, sa préférence irait à un délai de trois ans, plus conforme au souhait des différents ministères concernés, et je me permets de demander à Michel Charasse de bien vouloir rectifier son amendement dans ce sens.
Quoi qu'il en soit, monsieur Charasse, je vous remercie de l'initiative que vous avez prise.
M. le président. Monsieur Charasse, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans le sens souhaité par le Gouvernement ?
M. Michel Charasse. Je ne peux pas être plus royaliste que le roi ! Si le ministre pense qu'un délai de trois ans est préférable à un délai de quatre ans, je n'y vois pas d'inconvénient.
J'espère simplement que cette seule année supplémentaire permettra d'éponger une grande partie de la « fuite » que vient de signaler le rapporteur général, que je remercie d'ailleurs du travail de recherche qu'il a effectué. Il a en effet apporté des statistiques dont je ne disposais pas : je pressentais seulement que la situation était castastrophique.
Bien entendu, si le fait de porter le délai de prescription de deux à trois ans permet de réaliser des progrès substantiels dans la récupération des créances de l'Etat, c'est bien volontiers que je rectifie mon amendement.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 43 rectifié, qui est ainsi libellé :
« Après l'article 45, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I - A l'article 133-4 du code pénal, les mots : "deux années" sont remplacés par les mots : "trois années" ;
« II - Les dispositions du présent article s'appliquent aux condamnations prononcées à compter du 1er janvier 2003. »
Je mets cet amendement aux voix.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 45.
L'amendement n° 51, présenté par MM. de Richemont, Gélard, Gérard, Le Grand, Oudin, de Rohan et P. André, est ainsi libellé :
« Après l'article 45, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« A l'article 6 de la loi n° 2001-43 du 16 janvier 2001 portant dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine des transports, les mots : "promulgation de la présente loi" sont remplacés par les mots : "publication du décret prévu à l'article 3". »
La parole est à M. Patrice Gélard.
M. Patrice Gélard. Le dépôt de cet amendement est lié à un problème bien connu : le retard constaté dans la parution d'un certain nombre de décrets.
La loi du 16 janvier 2001 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine des transports a mis fin au monopole des courtiers interprètes et conducteurs de navires. Il a toutefois été prévu que, pendant une période transitoire de deux ans, ces personnes conserveraient leur monopole. Or, à l'heure actuelle, les décrets d'application de cette loi n'ont toujours pas paru.
C'est la raison pour laquelle nous demandons, par cet amendement, que la durée de la période transitoire soit maintenue à deux ans, mais que ce délai courre à compter de la date de publication du décret prévu à l'article 3 de cette loi et non pas à compter de la date de promulgation de la loi, de manière que ces professions puissent supporter dans des conditions normales la transition de la situation actuelle à la situation nouvelle et puissent, entre-temps, bénéficier de l'indemnisation prévue.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. L'initiative de notre collègue Henri de Richemont, dont Patrice Gélard vient de nous donner connaissance, vient à point nommé combler ce qu'il faut bien appeler une carence de l'administration.
Comme l'a rappelé M. Gélard, la loi du 16 janvier 2001 a prévu, conformément aux exigences du droit européen, la suppression de la profession de courtier maritime. Cette suppression devait être effective dans un délai de deux ans à compter de la promulgation de la loi, soit le 16 janvier 2003, autrement dit dans quelques jours.
Une procédure d'indemnisation des courtiers en activité avait été décidée. Un décret en Conseil d'Etat devait instituer une commission chargée d'évaluer le préjudice subi par les courtiers. Or, faute de décret, aucune commission n'a encore été constituée et, a fortiori, aucun préjudice n'a encore été évalué.
Le présent amendement prévoit donc que le délai de deux ans prévu par la loi, à l'issue duquel le monopole des courtiers maritimes prendra effectivement fin, parte de la publication du décret en Conseil d'Etat et non de la publication de la loi.
Monsieur le ministre, nous espérons que vous vous ferez, auprès de votre collègue en charge de ce dossier, l'interprète de la volonté du Sénat de voir la situation se débloquer dans les meilleurs délais, d'autant que la France a déjà tardé à se mettre en conformité avec le droit européen, qui, dans ce domaine comme dans d'autres, exige la suppression de certains monopoles professionnels.
La commission a, bien entendu, émis un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert, ministre délégué. Le Gouvernement comprend tout à fait la préoccupation des auteurs de cet amendement.
Alors que le monopole des courtiers maritimes devrait disparaître dans quelques jours, la commission chargée de fixer les indemnisations n'est toujours pas constituée. La demande de prolongation du délai pendant lequel la profession pourra conserver son monopole est donc parfaitement légitime.
Je tiens toutefois à vous indiquer que la commission nationale chargée de cette mission pourra être prochainement constituée.
Compte tenu des retards qui sont intervenus dans la mise en place du dispositif global d'indemnisation, et sous le bénéfice de ces explications, je vous propose de ramener le délai de deux ans à un an, de manière à ne pas repousser trop loin dans le temps la fin du monopole des courtiers interprètes et conducteurs de navires.
Il faut, je crois, imposer plus de célérité à nos administrations, et je sais que M. Dominique Bussereau partage cette volonté. Il saura faire diligence pour que cette question soit réglée l'an prochain, à la même époque.
Je demande donc à M. Patrice Gélard de bien vouloir rectifier son amendement de telle sorte que le délai en cause soit d'un an à compter de la publication du décret ici visé.
M. le président. Monsieur Gélard, accédez-vous au souhait de M. le ministre ?
M. Patrice Gélard. Monsieur le ministre, une durée d'un an m'apparaît trop courte pour mettre en place la commission et lui permettre de calculer l'indemnisation à laquelle ont droit ces courtiers. L'indemnisation risque alors de n'être versée qu'au-delà du délai d'un an, ce qui fait que les intéressés n'auront pas le temps de « se retourner ».
C'est pourquoi je me permets de vous proposer de couper la poire en deux en prévoyant dix-huit mois.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Alain Lambert, ministre délégué. Qu'il n'y ait pas de malentendu ! Je croyais bien faire et aller dans le sens de ce que souhaitait le Sénat en proposant de ramener le délai à un an, pour inciter nos administrations à faire diligence. En effet, si l'on maintient un délai de deux ans, on risque fort de conserver le rythme actuel.
Patrice Gélard est normand, et moi aussi ; mais nous ne sommes pas dans une discussion entre Normands : nous essayons, au contraire, l'un et l'autre, chacun à sa manière, de faire en sorte que les choses aillent plus vite.
Je maintiens donc ma suggestion, mais le dernier mot reviendra évidemment au Sénat.
M. le président. Monsieur Gélard, maintenez-vous votre position ?
M. Patrice Gélard. Sur ce point, en l'absence de mon ami Henri de Richemont, je me rallierai à ce que dira M. le rapporteur général.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je remercie vivement notre collègue, et je vais tâcher de me montrer digne de sa confiance.
Que souhaite-t-on ? Que les courtiers soient indemnisés le plus vite possible. Dès lors, le délai d'un an constitue une pression plus forte et plus efficace pour arriver à ce résultat. Mais, monsieur le ministre, l'essentiel est que le décret soit publié - c'est d'ailleurs ce qui explique l'existence de ce délai. J'ai cru comprendre que vos relations avec M. le secrétaire d'Etat aux transports vous permettaient de nous dire que tout va être mis en oeuvre pour que ce fameux décret soit enfin publié. Dès lors, cher collègue Patrice Gélard, je pense qu'avec ce délai d'un an les intentions des auteurs de l'amendement seront respectées et je vous suggère vivement de suivre la proposition de M. le ministre.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Alain Lambert, ministre délégué. Monsieur le président, dans ces conditions, je propose la rectification suivante à M. Gélard : il s'agirait de remplacer les mots « promulgation de la présente loi » par les mots « deux ans suivant la promulgation de la présente loi », et les mots « publication du décret prévu à l'article 3 » par les mots : « un an après la publication du décret prévu à l'article 3 ».
M. le président. Monsieur Gélard, acceptez-vous la rectification que vous propose le Gouvernement ?
M. Patrice Gélard. Je l'accepte, monsieur le président.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 51 rectifié, présenté par MM. de Richemont, Gélard, Le Grand, Oudin, de Rohan et P. André, et ainsi libellé :
« Après l'article 45, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« A l'article 6 de la loi n° 2001-43 du 16 janvier 2001 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine des transports, les mots : "deux ans suivant la promulgation de la présente loi" sont remplacés par les mots : "un an après la publication du décret prévu à l'article 3". »
Je mets cet amendement aux voix.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 45.
L'amendement n° 52 rectifié bis , présenté par M. Lanier et les membres du groupe Union pour un mouvement populaire, est ainsi libellé :
« Après l'article 45, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Nonobstant les dispositions du chapitre unique du titre 1er du livre III du code général des collectivités territoriales, les dispositions de la section 3 du chapitre Ier du titre Ier du livre II du code du domaine de l'Etat sont, sous réserve des adaptations prévues par les II, III et IV du présent article, applicables au domaine public compris dans la zone A du marché d'intérêt national de Paris-Rungis telle que délimitée par le décret n° 62-795 du 13 juillet 1962 modifié, quelle que soit la personne publique propriétaire du sol.
« II. - Dans le domaine public compris dans la zone A mentionnée au I ci-dessus, les autorisations mentionnées à l'article L. 34-1 du code du domaine de l'Etat ne sont pas soumises aux dispositions de l'article L. 34-4 du même code. Par exception au troisième alinéa de l'article L. 34-1 du même code, la durée de l'autorisation ne peut excéder celle de la convention liant l'Etat à la société gestionnaire du marché d'intérêt national de Paris-Rungis.
« III. - Par exception à l'article L. 34-7 du même code, les titulaires d'autorisations du domaine public compris dans la zone A mentionnée au I du présent article peuvent recourir au crédit-bail pour financer les équipements et aménagements exclusivement affectés à leur activité.
« IV. - A l'expiration de la période d'autorisation d'occupation, les ouvrages, constructions et installations de caractère immobilier deviennent la propriété des collectivités publiques propriétaires des sols occupés.
« En cas de résiliation anticipée par l'Etat de la convention le liant à la société gestionnaire du marché d'intérêt national de Paris-Rungis, l'Etat assume la totalité des conséquences financières liées à la résiliation anticipée et unilatérale des titres portant création de droits réels.
« V. - Un décret précise les modalités d'application du présent article.
« VI. - Les pertes de recettes résultant pour l'Etat des dispositions du IV sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus par les articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Lucien Lanier.
M. Lucien Lanier. Le présent amendement a pour objet d'introduire un article additionnel qui tend à adapter le cadre juridique du marché d'intérêt national de Rungis, afin de lui permettre d'épouser son temps et de faciliter sa modernisation.
Il permet de reconnaître aux entreprises des droits réels sur l'emprise du marché d'intérêt national de Paris-Rungis en fonction de leurs efforts personnels, de leurs investissements et pour la durée de la concession.
Le processus proposé repose à la fois sur la cohérence des textes et sur la responsabilité des utilisateurs.
Moderniser le marché d'intérêt national, le MIN, c'est reconnaître son rôle irremplaçable de plate-forme d'approvisionnement du commerce de proximité et de la restauration collective. C'est aussi lui offrir des possibilités de développement par l'évolution progressive de son rôle essentiel de prestataire de services en liaison étroite - et c'est important - avec le pôle vétérinaire et de sécurité alimentaire de Maisons-Alfort, à un moment où l'on prête à la sécurité des aliments un intérêt tout particulier.
Le MIN emploie aujourd'hui plus de 12 000 personnes. Le coût d'un programme de modernisation de ses infrastructures est évalué à 130 millions d'euros sur cinq ans. Il s'agit aujourd'hui de faire évoluer la mission de service public du marché en tenant compte de son insertion dans l'économie de l'Union européenne.
Comment parvenir à cette indispensable modernisation si l'on veut que le MIN continue utilement son action sans se laisser prendre par le vieillissement ? Il est proposé que les nouveaux titres d'occupation confèrent à leurs titulaires un droit réel dont l'attribution serait subordonnée à leurs propres efforts d'investissement. Ces droits seraient cessibles et transmissibles, et ouvriraient la possibilité de recourir au crédit-bail. Ainsi, les opérateurs du marché, disposant d'une garantie suffisante, pourraient obtenir les concours bancaires indispensables et valoriser leurs investissements en fonction des normes réglementaires.
Faute de ces dispositions, l'essentiel des investissements resterait, dans le cadre juridique actuel, à la charge de la société d'économie mixte d'aménagement et de gestion du marché d'intérêt national de la région, la SEMMARIS, qui est la société gestionnaire du marché et qui serait, dès lors, obligée de demander à l'Etat, son principal actionnaire, une augmentation de ses fonds propres, car elle est incapable financièrement de faire face à la rénovation actuelle du marché.
Bien entendu, je le répète, ces droits réels ne seraient consentis aux entreprises que pour la durée de la concession, nécessairement prolongée de manière suffisante. Mais, à l'échéance, les investissements de caractère immobilier deviendraient la propriété des collectivités publiques propriétaires des sols occupés.
L'enjeu qui vous est proposé est à mon avis de très grande importance parce qu'il s'inscrit dans deux options : ou bien ne rien changer et laisser le marché d'intérêt national de Rungis s'étioler lentement jusqu'à nier sa mission de service public, ou bien mettre en place les mesures nécessaires à un bon et sain accomplissement de cette mission de service public qui, depuis 1967, favorise l'intérêt général, l'intérêt des consommateurs et l'équilibre nécessaire des différentes formes de la distribution.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ce sujet est particulièrement important et mérite quelques commentaires.
Il s'agit du volet législatif de la réforme d'ensemble des marchés de gros en Ile-de-France, plus particulièrement du marché d'intérêt national de Rungis.
A l'étude depuis 1994, cette réforme, mes chers collègues, a été préparée par le précédent gouvernement et elle est, je crois, finalisée à l'heure actuelle. Elle recueille, nous a-t-on dit, l'accord des professionnels concernés.
M. Lucien Lanier. Tout à fait !
M. Philippe Marini, rapporteur général. M. Lanier, qui a suivi avec grande attention cette question qu'il connaît par le menu, le confirme.
En premier lieu, le présent amendement vise à permettre à la société gestionnaire de Rungis, la SEMMARIS, majoritairement détenue par l'Etat, d'accorder des droits réels immobiliers aux entreprises qui investiraient dans des immobilisations situées à Rungis, par exemple des installations frigorifiques.
Le dispositif que tend à élaborer l'amendement n° 52 rectifié bis est assez complexe et repose sur une catégorie existante du code du domaine de l'Etat, les occupations constitutives de droits réels.
En deuxième lieu, l'amendement vise à permettre à la SEMMARIS de reconnaître ses droits réels en lieu et place de l'Etat, tout en précisant que leur durée ne peut excéder celle, définie par décret, de la convention entre l'Etat et la SEMMARIS elle-même.
En troisième lieu, l'amendement a pour objet de permettre aux entreprises concernées de recourir au crédit-bail pour leurs travaux : dès lors qu'elles sont titrées et bénéficient de garanties réelles, le financement de leurs investissements se trouvera tout naturellement facilité.
En quatrième lieu, il s'agit de prévoir qu'à l'échéance des titres d'occupation les immeubles reviendront aux collectivités publiques propriétaires des sols et non pas seulement à l'Etat.
Enfin, en cinquième lieu, il s'agit de prévoir une indemnisation des détenteurs de ces titres réels d'occupation en cas de résiliation anticipée de la convention entre l'Etat et la SEMMARIS. Ce dispositif nous semble complet et tout à fait conforme aux principes du droit public.
Par ailleurs, aujourd'hui, et cela depuis l'origine du marché, les grossistes ne disposent d'aucun droit en contrepartie des travaux qu'ils ont effectués sur le domaine de l'Etat, car les installations qu'ils réalisent conservent le caractère d'immeubles par destination et, dès lors, ne sont pas cessibles. Cela constitue un frein important à l'investissement, un facteur de fragilité de la situation financière des entreprises concernées et une entrave à la modernisation de Rungis, la SEMMARIS n'étant pas en mesure de financer sur ses fonds propres - c'est-à-dire, dans une large mesure, ceux de l'Etat - la modernisation qui serait indispensable.
En définitive, mes chers collègues, la commission des finances remercie M. Lucien Lanier d'avoir présenté cette proposition, qui est très importante sur le plan économique, et, abordant cet amendement dans un esprit très favorable, elle souhaite connaître l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert, ministre délégué. L'intervention de M. le rapporteur général me permettra d'être bref.
La mesure qui est proposée apporte en effet plusieurs améliorations au dispositif actuel, au nombre desquelles la possibilité pour les opérateurs de trouver les financements nécessaires à de très lourds investissements en vue de moderniser leurs installations et de les rendre conformes aux normes sanitaires actuelles. La souplesse de gestion, en autorisant la SEMMARIS à attribuer des droits réels, tels que le recours au crédit-bail, qui sont très demandés par les opérateurs, en confortant la situation financière des entreprises, renforcera leur assise et leur ouvrira des perspectives de développement, qui pourront s'accompagner de créations d'emplois pour les opérateurs les plus dynamiques.
Le Gouvernement est donc favorable à votre proposition, monsieur Lanier, et lève le gage.
M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° 52 rectifié ter .
Quel est maintenant l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Avis favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 52 rectifié ter .

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 45.
L'amendement n° 64, présenté par M. Oudin, est ainsi libellé :
« Après l'article 45, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« La loi n° 2001-7 du 4 janvier 2001 relative au contrôle des fonds publics accordés aux entreprises est abrogée. »
Cet amendement n'est pas soutenu.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je le reprends au nom de la commission des finances, monsieur le président. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Paul Loridant. On comprend mieux !
M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° 64 rectifié.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. J'observe un certain enthousiasme sur la partie gauche de notre assemblée, et je m'en réjouis, mes chers collègues !
M. Jacques Oudin a souhaité abroger la loi du 4 janvier 2001 qui a créé une commission nationale et vingt-deux commissions régionales de contrôle des aides publiques aux entreprises.
Il convient de rappeler que l'ensemble de ce dispositif administratif complètement inutile et stérile, dispositif de pur bavardage,...
M. Michel Doublet. C'est bien vrai !
M. Philippe Marini, rapporteur général. ... résulte d'une proposition de loi de M. Robert Hue, alors député du Val-d'Oise.
M. Michel Doublet. Oh !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cet amendement ne fait, au demeurant, que renouer avec la position du Sénat puisque, sur le rapport de notre collègue Joseph Ostermann, nous avions opposé trois fois la question préalable au texte qu'il s'agit d'abroger ici.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Pour du bavardage, cela fait beaucoup !
M. Paul Loridant. Ce doit être du bavardage sérieux !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous estimions alors, et c'est toujours le cas, que cette commission nationale venait alourdir inutilement les tâches du Commissariat général du Plan, qui en assure le secrétariat, sans les enrichir pour autant.
La suppression de ces entités administratives ne gênera en rien l'accomplissement des travaux du Plan.
Il reste qu'aucun des élus ayant saisi la commission nationale depuis qu'elle a été créée n'a reçu de réponse, m'a-t-on dit, et cela prouve bien son peu d'efficacité.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Vous l'avez bloquée au mois de juin !
M. Philippe Marini, rapporteur général. On voit mal comment la création d'une commission administrative, mes chers collègues, pourrait jouer un rôle quelconque dans la lutte contre le chômage. Ce sont des idées qui viennent de loin, qui viennent d'hier, d'avant-hier, et qui n'ont vraiment plus de rapport avec la situation économique que nous rencontrons.
M. Bruno Sido. Absolument !
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission des finances reprend donc bien volontiers l'amendement de M. Jacques Oudin et souhaite qu'il recueille un large accord. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Bruno Sido. Très bien ! Excellent amendement !
M. le président. Pour qu'il n'y ait pas de mauvaise interprétation, monsieur le rapporteur général, pouvez-vous nous confirmer qu'il s'agit bien de fonds publics, c'est-à-dire de fonds d'Etat ou de fonds des collectivités territoriales ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Tout à fait, monsieur le président.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert, ministre délégué. Favorable.
M. Paul Loridant. Sans commentaire ?
M. le président. La parole est à Thierry Foucaud, contre l'amendement.
M. Thierry Foucaud. Monsieur le ministre, il n'y a pas de petites économies, pourrait-on dire, à la lecture de cet amendement n° 64 rectifié, initialement déposé par notre collègue Jacques Oudin - qui n'était d'ailleurs pas là pour le défendre - et qui tend à abroger la loi du 4 janvier 2001 créant la commission nationale de contrôle des fonds publics accordés aux entreprises ainsi que des commissions régionales.
Les prétextes invoqués sont assez classiques : l'organisme concerné serait inutile, organiser ses travaux coûterait de l'argent et, défaut rédhibitoire, l'existence de la commission procéderait de l'affichage politique.
En fait, soyons clairs, il s'agit surtout, ainsi que nous l'avions d'ailleurs dénoncé lorsque la proposition de loi créant cette commission était venue en discussion devant la Haute Assemblée, de maintenir autour de l'argent public qui est accordé - et cela sous des formes diverses, aux entreprises notamment - une sorte de secret, comme si le législateur et, de manière plus large, le citoyen n'étaient pas en droit de connaître l'usage qui est fait de ces sommes.
En quelque sorte, on peut dire que la France d'en haut profite et que celle d'en bas subit !
Parallèlement, depuis l'adoption de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 et de la loi de finances pour 2003, on sait que les sommes dévolues au financement des exonérations de cotisations sociales, d'un montant global de 15,8 milliards de francs, sont supérieures aux crédits du ministère du travail. Et l'on ne devrait même pas savoir à quoi servent ces sommes au demeurant considérables et qui ne représentent d'ailleurs qu'une partie de l'effort public en direction des entreprises, effort qui comprend aussi les aides fiscales portant sur les différents impôts qu'elles acquittent ou les aides directes à l'investissement que comprennent certains budgets ?
La commission nationale de contrôle a donc encore aujourd'hui toute son utilité, notamment quand on cherche à utiliser le plus efficacement possible les deniers publics, dès lors qu'il s'agit, par exemple, de l'emploi, qui demeure, comme vous le savez, le pivot essentiel de cette dépense en direction des entreprises.
Mesdames et messieurs de la majorité sénatoriale, au moment où les plans sociaux se multiplient, il faut peut-être arrêter, comme je l'ai déjà dit dans la discussion générale, de ne donner satisfaction qu'au MEDEF et de n'être réceptifs qu'aux voeux exprimés par le grand patronat.
Il est vrai, monsieur le ministre, que vous êtes issu du monde de l'entreprise, et qu'à partir de ce moment-là on peut craindre le pire. (Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Jean Chérioux. Dire cela, c'est inadmissible !
M. Thierry Foucaud. Avec cet amendement, vous prenez une décision anti-économique. Vous proposez en effet d'abroger la loi du 4 janvier 2001 qui obéit au bon sens en organisant le contrôle de l'usage des fonds publics, provenant de l'Etat ou des collectivités locales, en direction des entreprises.
Nous ne pouvons donc qu'inviter le Sénat à ne pas voter cet amendement, qui est en contradiction avec la transparence nécessaire quant à l'utilisation de la ressource publique. Notre Haute Assemblée prétend pourtant défendre cette exigence ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Paul Loridant, pour explication de vote.
M. Paul Loridant. Hier soir, dans le courant de la discussion du projet de loi de finances rectificative, nous avons examiné un amendement déposé par un de nos collègues de la majorité tendant à accroître les aides fiscales accordées aux entreprises, notamment à celles qui décidaient de s'installer dans des zones urbaines sensibles. Nous avons passé un long moment dans cet hémicycle à écouter son argumentation, ses explications. Il faut aider les entreprises à s'installer dans certains quartiers difficiles, il faut les soutenir puisque c'est créateur d'emplois, nous a-t-il dit.
De plus, lors de la discussion du projet de loi de finances, nous avons pu constater que les amendements déposés étaient systématiquement favorables aux entreprises, mais au nom de l'emploi et pour favoriser le dynamisme économique. Soit !
Aujourd'hui, l'amendement de M. Oudin vise à revenir sur une disposition qui me semble de bon sens.
L'Etat, mais parfois aussi des régions, des départements ou des communes, sont appelés à accorder des aides directes ou indirectes à des entreprises pour favoriser l'emploi, au nom de l'aménagement du territoire, ou que sais-je encore ! Or il arrive que telle entreprise ayant bénéficié d'une aide ferme ses portes un an ou deux ans après, parce qu'elle est confrontée à des difficultés. Des parlementaires de tous bords montent alors au créneau pour protester parce qu'il n'est pas normal que telle entreprise, d'origine japonaise par exemple, ait bénéficié d'une aide et cesse son activité.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Qu'est-ce que la commission nationale de contrôle va pouvoir y changer ?
M. Paul Loridant. Personnellement, j'ai le souvenir d'un vieux dossier - les poupées Bella, à Perpignan - d'une entreprise qui a reçu moult aides publiques parce qu'elle rencontrait des difficultés, mais qui a, quelques années ensuite, fermé. Je pourrais citer d'autres exemples, en Lorraine par exemple. La liste est longue !
Il est donc normal que les pouvoirs publics, en particulier les parlementaires, demandent la mise en place d'une procédure particulière afin de contrôler, de vérifier l'usage des fonds publics accordés à des entreprises, notamment en faveur des créations d'emplois, même lorsqu'il y a non pas nécessairement malversation, mais mauvaise gestion.
Tel était l'objet de cette proposition de loi. On peut penser ce que l'on veut de la méthode, mais telle était bien, en tout cas, l'intention du législateur.
Par ailleurs, je me souviens que le PDG de l'entreprise Michelin a annoncé simultanément des dividendes et un plan de restructuration prévoyant des licenciements. Cette décision avait suscité un réel émoi dans l'ensemble de la classe politique et sur toutes les travées de l'hémicycle.
Revenir aujourd'hui sur cette mesure d'une façon honteuse, incidemment, à l'occasion de l'examen d'un amendement dont l'auteur n'est même pas en séance pour le défendre, me paraît inacceptable.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Pourquoi serions-nous honteux de nos travaux ?
Mme Hélène Luc. En plus, l'auteur de l'amendement n'est pas là !
M. Paul Loridant. Mes chers collègues, je vous le dis : assumez votre décision ! Si vous décidez de supprimer cette disposition, faites-le, vous avez la majorité pour le faire, mais nous saurons vous rappeler, lorsque vous accorderez des fonds publics à ces entreprises afin de créer des emplois...
M. Bruno Sido. Cela ne changera rien !
M. Paul Loridant. ... et que ces fonds disparaîtront ensuite, que vous serez alors de ceux qui auront été complices d'un détournement de fonds publics au détriment des salariés ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Bruno Sido. C'est scandaleux !
M. Philippe Marini, rapporteur général. On ne peut pas laisser dire cela !
M. Bruno Sido. Votre suspicion est scandaleuse, monsieur le sénateur !
M. le président. La parole est à M. Robert Bret, pour explication de vote.
M. Robert Bret. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, au détour de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2002, notre collègue M. Oudin, sénateur de l'UMP, ancien trésorier du RPR,...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Quel rapport ?
M. Robert Bret. ... nous propose un amendement tendant à abroger purement et simplement la loi relative au contrôle des fonds publics accordés aux entreprises, amendement repris, pour cause d'absence, par M. le rapporteur général.
Chers collègues de la majorité sénatoriale, d'un côté, il ne se passe pas un jour sans que vous n'invoquiez un droit de regard accru sur l'utilisation de l'argent public pour motiver régulièrement la réduction des dépenses publiques - comme l'a d'ailleurs montré la discussion du projet de la loi de finances pour 2003 - et, de l'autre, dans vos départements, comme l'a rappelé M. Paul Loridant, face aux fermetures, aux restructurations, aux fusions d'entreprises et aux plans sociaux, vous poussez de grands cris, vous n'avez pas de mots assez forts pour dénoncer de telles pratiques.
Ainsi, dans mon département, les Bouches-du-Rhône, près de 500 emplois ont été supprimés dans la société Gemplus, après son entrée en bourse. Cette entreprise a bénéficié d'exonérations fiscales et de subventions fort importantes de la part des collectivités territoriales. Les parlementaires de droite de ce département crient donc au scandale. Mais, ici, vous approuvez tout simplement les décisions de Gemplus et de la bourse. (M. Alain Vasselle proteste.)
On pourrait multiplier les exemples !
Au motif que la commission de contrôle a été, à l'origine, proposée par un parlementaire issu de la gauche plurielle, M. Robert Hue, cette loi devrait disparaître. (M. Alain Vasselle proteste de nouveau.)
En 2003, près de 16 milliards d'euros d'argent public - comme l'a rappelé M. Thierry Foucaud -, soit plus de 100 milliards de francs, vont être accordés au seul titre des exonérations des cotisations sociales, et leur utilisation ne devrait plus être contrôlée !
Mes chers collègues, à quel moment parlez-vous vrai ? Dans vos départements, avec la France d'en bas, ou ici, au Parlement, en répondant aux attentes du MEDEF ?
La bonne réponse est la seconde : vous ne songez qu'aux intérêts du MEDEF. Les choses sont claires ! (Applaudissement sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote.
M. Roland Muzeau. Le contrôle des fonds publics est un symbole fort. La droite le met en avant. M. le rapporteur général en a parlé et les propos de M. le président de la commission sont tout à fait éloquents.
La suppression de ce contrôle aurait dû être entérinée la nuit passée, mais les débats en ont décidé autrement. Fort heureusement, je préfère en effet que cette question soit traitée l'après-midi plutôt qu'à une heure tardive de la nuit, par quelques sénateurs seulement.
La démarche, en service commandé, de notre collègue M. Oudin, ancien trésorier du RPR, est symbolique.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Quel rapport ?
M. Alain Vasselle. Il n'y a pas de trésorier chez vous ?
M. Roland Muzeau. Ne soyez pas inquiets : vous faites désormais tous partie de l'UMP !
Cette démarche aboutit à faire retomber une chape de plomb sur les milliards de fonds publics utilisés au nom de la défense de l'emploi alors qu'en fait vous ne soutenez pas l'emploi.
Les exemples de scandales sont nombreux dans notre pays. J'en citerai trois seulement : Whirlpool, Daewoo et Moulinex. Dans ce dernier cas, vous savez de quoi nous parlons, monsieur le ministre...
Le débat engagé par le conseil d'administration de l'UNEDIC ces derniers jours donne un autre éclairage. On s'interroge enfin sur les suppressions d'emplois payées sur fonds publics et qui plombent les comptes de l'UNEDIC. Le président du conseil d'administration de cet organisme indique qu'il faut mettre un terme à cette pratique. Mais vous, vous voulez maintenir l'opacité.
La vérité, c'est que vous ne voulez pas que les Français sachent combien de milliards sont octroyés au MEDEF et combien de milliards supplémentaires vous voulez lui accorder.
M. Alain Vasselle. Que faites-vous du contrôle du Parlement ?
M. Roland Muzeau. La loi de finances et ce collectif démontrent les choix que vous faites en faveur du MEDEF, du patronat, au détriment des salariés. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je pensais que nous étions unanimes pour considérer qu'il ne faut pas trop mélanger les genres, que les fonds privés ne doivent pas intervenir dans le domaine public, en particulier en matière de campagne électorale ou de financement des partis politiques, et, parallèlement, qu'il faut surveiller l'usage des fonds publics lorsqu'ils sont engagés pour essayer de créer des emplois.
Le souci d'aider est légitime. Tout le monde le fait, toutes les collectivités territoriales, M. le président avait raison de le rappeler, et pas seulement l'Etat...
M. le président. Monsieur Dreyfus-Schmidt, quand une entreprise propose à un département d'installer ou d'étendre une unité industrielle et que le département considère que les éléments dont il dispose ne permettent pas d'accorder cet avantage, et que, par conséquent, il la refuse, nous sommes la cible de manifestations de la part d'organisations syndicales ou politiques qui considèrent que le refus du département privera la région d'activités et d'emplois !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Bien sûr !
M. le président. Ce comportement traduit une contradiction fréquente, il est vrai, chez nos compatriotes. (MM. Thierry Foucaud et Roland Muzeau font un geste de dénégation.)
Veuillez poursuivre, monsieur Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le président, chacun prend évidemment ses responsabilités et fait ce qu'il croit devoir faire. Pour créer des emplois, il y a en effet beaucoup à réaliser, et il n'est pas question de reprocher quoi que ce soit à telle ou telle collectivité.
Il est question ici de surveiller celui qui demande et obtient des fonds publics et en fait un autre usage que celui qu'on attendait de lui.
On nous dit que c'est le travail du Parlement. Certes, mais il existe tellement de cas à travers le pays, au sein de toutes les collectivités, qu'il n'est pas possible au Parlement de faire ce travail de contrôle !
La mise en place de commissions - une commission nationale, mais aussi des commissions régionales - pour accomplir ce travail de manière, précisément, à renseigner le Parlement lui-même, était donc une excellente idée.
M. le rapporteur général nous dit qu'il semble que ces commissions ne se soient pas réunies. Si elles ne sont pas réunies, cela répond à l'objet de votre amendement. Mais attendons au moins qu'elles se réunissent ! La loi n'est pas vieille !
Quand une loi a été votée, attendons de voir l'usage qui en est fait pour en juger. Il n'y a pas d'urgence, c'est le moins qu'on puisse dire.
Je vous demande de laisser cette loi s'appliquer, de manière à être éclairés avant de prendre des mesures, non pas contre les élus qui auront cru devoir aider des entreprises privées pour créer des emplois, mais contre ceux qui auront abusé de la bonne foi des élus pour encaisser de l'argent pour eux-mêmes et non pour créer les emplois durables comme on l'attendait d'eux. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. Après les nombreuses interventions de nos collègues de l'opposition sur cette proposition d'abrogation d'une loi, je m'interroge sur leur conception du rôle du Parlement dans le cadre de ses missions de contrôle.
Il y a un point sur lequel je peux être d'accord avec M. Dreyfus-Schmidt : aujourd'hui, depuis l'instauration de la session unique, les conditions ne sont plus réunies pour permettre au Parlement d'exercer d'une manière satisfaisante ses missions de contrôle.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Absolument !
M. Alain Vasselle. Comme je l'ai déjà dénoncé à l'occasion d'un autre débat, en raison du grand nombre de textes législatifs que nous sommes obligés d'examiner, nous n'avons plus aujourd'hui suffisamment de temps pour exercer toutes les missions de contrôle qu'il est de notre devoir d'exercer.
Cela veut-il dire pour autant qu'il faut que nous nous déchargions de ces missions de contrôle sur des commissions ou des comités ad hoc qui permettraient de contrôler l'utilisation des fonds publics ? Ma réponse est non !
Il appartient au Parlement de jouer son rôle éminent qui est le contrôle de l'exécutif de l'application des textes et de l'utilisation des fonds publics. Il nous appartient donc, monsieur le président, dans le cadre des discussions sur l'organisation de notre temps de travail et sur la fixation de l'ordre du jour, avec le Gouvernement, en conférence des présidents, de dégager un temps suffisant pour nous permettre de remplir complètement notre mission.
Je le dis d'autant plus volontiers que, en tant que rapporteur des équilibres financiers généraux du projet de loi de financement de la sécurité sociale, je sais bien que nous n'avons pas hésité un seul instant à exercer notre mission de contrôle. Je le dis à l'intention de M. Muzeau, qui mettait en doute l'utilisation des crédits et des avantages qui ont été apportés à des entreprises au titre des exonérations de charges sociales.
M. Thierry Foucaud. Ce n'est pas la même chose ! C'est n'importe quoi !
M. Robert Bret. C'est hors sujet !
M. Alain Vasselle. Je le redis - mais vous le savez, monsieur Muzeau -, au sein de la commission des affaires sociales, à la fois mon prédécesseur, Charles Descours, et moi-même, nous n'avons pas hésité à exercer les missions de contrôle qui sont les nôtres sur l'utilisation de cette exonération.
Ne faites donc pas de procès d'intention au Parlement. Laissons au Parlement, et pas à d'autres, le soin d'exercer ses missions. On n'est jamais mieux servi que par soi-même !
M. Roland Muzeau. Ne mélangez pas tout !
M. le président. Monsieur Vasselle, je suis d'accord avec vous pour dire qu'il faut laisser du temps au Parlement pour qu'il puisse exercer ses missions, mais je vous rappelle que vous avez voté en faveur de la session unique !
M. Alain Vasselle. Je n'étais pas d'accord ! C'était une initiative de Philippe Séguin ! (Sourires.)
M. le président. Il ne fallait pas voter !
La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau, pour explication de vote.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Il y a une confusion, et c'est l'intervention de notre collègue Alain Vasselle qui me permet de le dire.
La commission en question n'est ni une commission parlementaire ni une mission de contrôle du Parlement. C'est une commission nationale dans laquelle siègent plusieurs parlementaires, députés et sénateurs, mais où sont représentés également les syndicats et les organisations patronales. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Cette commission s'est réunie au moins deux fois.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous sommes sauvés !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je rappelle qu'elle n'a été créée que depuis à peine un an, mais que, depuis le mois de juin, depuis que le nouveau gouvernement est en place, le fonctionnement de cette commission est bloqué et celle-ci ne se réunit plus.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Elle ne sert à rien !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Parallèlement au fonctionnement de la commission nationale - je pense que vous le savez - des commissions régionales se sont réunies. Elles ont été saisies par des organismes de tous bords, y compris des organisations patronales et des parlementaires, peut-être même par certains d'entre vous.
Cette commission, je le rappelle, est chargée de contrôler l'utilisation de fonds publics et en aucun cas de fonds privés, comme l'a souligné à juste titre M. Dreyfus-Schmidt. Qui, dans cette enceinte, est contre le contrôle des fonds publics ?
M. Jean Chérioux. Personne !
M. Alain Vasselle. C'est au Parlement de le faire !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Nous donnons des fonds publics, je le rappelle, pour encourager la création d'emplois, pour que nos régions vivent. Or on s'aperçoit que certains entrepreneurs utilisent l'argent public à d'autres fins que le développement de leur activité. Il est impossible que vous soyez opposés au contrôle de l'utilisation des fonds pubics !
M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc, pour explication de vote.
Mme Hélène Luc. Monsieur le rapporteur général, vous avez repris l'amendement de M. Oudin, et ce n'est pas à votre gloire.
Avec cette commission, nous disposions d'un outil de contrôle de l'argent public. (Protestations sur les travées de l'UMP.)
Nous avons tous connaissance de faits répréhensibles. (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.) Pensons à ce qui s'est passé à Air Lib !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Pour Air Lib, Jean-Claude Gayssot a une sacrée responsabilité ! Vous parlez d'or, madame !
Mme Hélène Luc. Parlons de M. Seillières !
Parlons de Moulinex, que vous connaissez bien, monsieur le ministre. Les ouvrières de chez Moulinex ont travaillé dans cette usine pendant trente ans. Pendant trente ans, elles ont permis à leur patron de faire des profits, de dégager des bénéfices...
M. Alain Vasselle. C'est ringard !
Mme Hélène Luc. ... et leur seule récompense, c'est d'être au chômage, c'est d'être traitées comme des moins que rien. (Protestations sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
J'ai honte pour les patrons qui ont fait cela.
M. Jean Chérioux. Nous avons honte de ce que vous dites, parce que c'est grotesque !
M. Alain Vasselle. C'est de la caricature !
Mme Hélène Luc. Monsieur Lambert, vous appartenez au Gouvernement de M. Raffarin. Certains ministres de ce cabinet font un travail très apprécié.
M. Alain Lambert, ministre délégué. Par exemple ?
Mme Hélène Luc. Vous êtes très sûrs de vous, trop sûrs de vous. Vous vous targuez de M. Sarkozy par-ci, de M. Sarkozy par-là. (Rires sur les travées de l'UMP.)
M. Alain Vasselle. C'est un bon !
Mme Hélène Luc. Savez-vous que 59 % des salariés sont inquiets pour leur travail ? Faites attention, parce qu'ils vont réagir ! Certains l'ont d'ailleurs déjà fait, et d'autres réagiront !
Si vous pensez que cette commission ne se réunit pas assez, faisons en sorte qu'elle se réunisse davantage !
Nous avons un nouveau préfet de région, que vous connaissez bien aussi, monsieur le président, monsieur le ministre. Demandez-lui que cette commission se réunisse, demandez-lui des comptes ! Celle que nous avons créée dans le Val-de-Marne se réunit. Faites le bilan des réunions de toutes ces commissions, et nous verrons ensuite ce que nous pouvons faire de plus !
M. Alain Vasselle. Cela ne sert à rien de multiplier les réunions de commission !
Mme Hélène Luc. Votre façon d'agir me fait penser que vous voulez démolir tout ce que nous avons essayé de faire. Pour une fois qu'un amendement permettait d'assainir la vie économique, vous le remettez en cause !
Cela ressemble - j'hésite à le dire, parce que je n'aime pas ce mot - ...
M. le président. Alors ne le dites pas !
Mme Hélène Luc. Si, je le dirai quand même !
Cela ressemble à une vengeance contre ce que nous avons fait. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Roland Courteau. C'est de la revanche !
M. Jean Chérioux. C'est ridicule !
Mme Hélène Luc. Vous devriez vous honorer du travail de cette commission qui est profitable pour tous, pour la France, car il est important de savoir où passent les fonds publics !
Puisque vous parlez des impôts, du contrôle, parlons-en jusqu'au bout et améliorons ce qui peut être amélioré !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il faut contrôler, et non parler !
Mme Hélène Luc. Répondez-moi sur Air Lib ! Répondez-moi sur M. Seillières, qui est parti avec 6 milliards de francs de dettes, qui a été condamné à payer 1,4 milliard de francs, mais qui n'en a payé que 1 milliard, et qui met en cause la vie de cette compagnie aérienne ! Cela fait partie des choses que nous demandons : qu'il paie tout ce qu'il doit ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je souhaite en revenir à des sujets un peu plus budgétaires ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Mme Hélène Luc. Parce que cela n'était pas budgétaire !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Monsieur le président, je souhaiterais apporter un complément de réponse, si l'on veut bien m'écouter !
Mes chers collègues, avez-vous entendu parler des chambres régionales des comptes ?
M. Joël Bourdin. Voilà !
M. Roland Muzeau. Il y en a un ici qui en a entendu parler !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Avez-vous entendu parler, cher collègue Dreyfus-Schmidt, vous qui êtes un juriste éminent, de la Cour des comptes ?
Mme Hélène Luc. Qu'a-t-elle fait ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Avez-vous entendu parler des inspections générales des différents ministères ? Croyez-vous que, dans notre pays, on dépense des fonds publics sans contrôle ?
M. Thierry Foucaud. Cela arrive !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Croyez-vous que nous ayons attendu cette commission « Théodule » de Robert Hue pour contrôler les fonds publics ?
M. Roland Muzeau. Il y a des entreprises qui en profitent, et qui en profitent vraiment !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous sommes dans un Etat de droit, auquel nous sommes particulièrement attachés. Nous sommes fatigués de ces effets de manche, qui ne veulent rien dire et qui n'ont aucun rapport avec les faits !
M. Thierry Foucaud. Les Français en ont marre des magouilles !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Effectivement, on comprend que vous soyez malheureux, parce que la loi Hue a été la seule loi due au parti communiste en cinq ans. C'est l'os que M. Jospin lui a donné à ronger ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme Hélène Luc. C'est une bonne loi !
M. le président. Mes chers collègues, poursuivons le débat dans la sérénité. Quelqu'un n'a-t-il pas dit que tout ce qui est excessif est insignifiant ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
La parole est à M. Joël Bourdin, pour explication de vote.
M. Joël Bourdin. Monsieur le président, je suis personnellement très étonné de cette ambiance de lutte des classes.
Mme Hélène Luc. Absolument ! C'est bien la lutte des classes !
M. Joël Bourdin. Il n'y a vraiment qu'en France que nos collègues communistes tiennent des propos pareils ! Comme si les aides servaient à renforcer les profits des entrepreneurs et qu'elles ne contribuaient pas aussi à consolider l'outil de travail des travailleurs !
J'observe que, dans tous les cas qui ont été cités, les demandes d'aides émanent de tout le monde, et le plus souvent des syndicats eux-mêmes. Je trouve cela tout à fait normal ! Il est en revanche assez étonnant que certains de nos collègues ne considèrent les aides qu'avec suspicion, alors que d'une manière générale, les aides sont accordées à des entreprises qui en font la meilleure utilisation possible pour sauver « l'outil de travail des travailleurs », pour utiliser vos propres termes.
Quant au reste, M. le rapporteur général m'a retiré le « pain » de la bouche...
M. Henri de Raincourt. C'est dommage ! (Sourires.)
M. Joël Bourdin. ... en rappelant l'existence des tribunaux administratifs, des tribunaux de l'ordre judiciaire pour les faits d'ordre pénal, des chambres régionales des comptes, de la Cour des comptes, de la commission des finances du Sénat, dont les commissaires spéciaux peuvent effectuer des contrôles, et des commissions d'enquête.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Et les collectivités territoriales ?
M. Joël Bourdin. Ce ne sont pas les dispositifs de contrôle et d'enquête qui manquent. Il n'y a vraiment aucune raison d'en inventer d'autres ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. Je suis vraiment très surprise d'avoir entendu M. Vasselle...
M. Bruno Sido. Il est parti ! (Sourires.)
Mme Marie-France Beaufils. ... évoquer la loi Robert Hue.
M. Henri de Raincourt. Il est parti aussi ! (Rires.)
Mme Marie-France Beaufils. Effectivement, il est passé très vite dans l'hémicycle, mais il a dit des choses qui me font réagir.
Il a laissé supposer que seuls les fonds venant du budget de l'Etat intervenaient dans l'activité économique privée. Or, M. le président Poncelet vient de le dire tout à l'heure, les collectivités territoriales, qu'il s'agisse des régions, des départements ou des communes, apportent, elles aussi, des fonds ! Au moment où les uns et les autres souhaitent que les collectivités territoriales prennent davantage de responsabilités, je ne vois pas pourquoi on leur refuserait le droit d'être elles-mêmes parties prenantes au sein de commissions qui aura la possibilité de vérifier...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Les communes ne vérifient rien, elles ne font que bavarder !
Mme Marie-France Beaufils. ... l'utilisation des fonds publics qu'elles ont investis dans des activités économiques qui se sont installées dans leur département et leur région. Ces fonds doivent pouvoir être contrôlés par les élus, par les représentants des salariés, ce que rendent possible les commissions créées par la loi de janvier 2001.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ce que vous voulez, ce ne sont pas des commissions, ce sont des soviets !
Mme Hélène Luc. Cela vous fait rire, monsieur Marini ? C'est triste !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Triste expérience historique, oui !
Mme Marie-France Beaufils. Je suis d'autant plus surprise que, lors du congrès des agences d'urbanisme, auquel j'assistais vendredi à Marseille, j'ai entendu M. Gaudin, en clôturant ce congrès, exprimer sa volonté que soient mieux contrôlés les fonds publics utilisés dans l'entreprise de Marseille que citait M. Robert Bret tout à l'heure,...
Mme Hélène Luc. Absolument !
Mme Marie-France Beaufils. ... car il était lui-même soucieux face aux décisions qui venaient d'être prises !
Je ne comprends donc pas qu'au sein de cette assemblée on reproche à cette commission de jouer un rôle à l'échelon départemental ou régional, et qu'à Marseille, quand on est confronté au problème, on défende cette commission de contrôle des fonds publics ! C'est contradictoire !
Au moment de l'examen du projet relatif à la démocratie de proximité, j'ai également entendu un certain nombre d'élus manifester leur volonté de surveiller les fonds publics accordés aux associations. J'ai eu la démonstration que vous aviez plus d'exigence sur l'utilisation des fonds publics destinés aux associations que sur l'utilisation des fonds destinés aux entreprises ! Je le regrette, et je pense que vous nous intentez un mauvais procès...
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est du roman !
Mme Marie-France Beaufils. ... quand nous demandons le maintien de cette loi et que nous prenons toutes les dispositions nécessaires à son application ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Paul Loridant. Très bien !
Mme Hélène Luc. Je demande la parole...
M. le président. La parole est à M. Yann Gaillard, pour explication de vote.
Mme Hélène Luc. Monsieur le président, j'ai été mise en cause et je souhaite répondre à l'un de nos collègues qui a tenu des propos que je ne peux laisser passer.
M. le président. La parole est à M. Yann Gaillard !
M. Yann Gaillard. J'avoue que j'ai du mal à comprendre l'utilité de ce débat. Je trouve cet amendement tendant à permettre une nouvelle organisation administrative assez anodin. (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Mme Hélène Luc. Anodin ?
M. Yann Gaillard. Il ne mérite en tout cas ni cet excès d'honneur ni cette indignité. (Rires sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.) Je regrette que nous ayons donné l'occasion à tous les membres du nombreux groupe CRC de monter l'un après l'autre au créneau...
Mme Hélène Luc. Nous avons déposé une question préalable !
M. Yann Gaillard. ... et de faire des procès d'intention extravagants.
Mme Hélène Luc. Allez au moins dans le sens de ce que vous défendez et ayez le courage de vos opinions !
M. Yann Gaillard. Personne ne se refuse à vérifier l'utilisation des fonds publics.
Quant au rôle du Parlement, M. le président a raison d'affimer que, si nous n'avions pas instauré cette réforme de la session unique, nous aurions peut-être plus de temps pour effectuer des tâches de contrôle, au lieu d'organiser des débats qui, parfois, ne sont pas toujours d'une utilité exceptionnelle, comme celui que nous improvisons en ce moment !
Il est vrai que le Parlement est un lieu où l'on parle : alors, parlons. Pour ma part, en signe de protestation contre ce dérapage, je m'abstiendrai sur cet amendement parce que je trouve ce débat inutile.
M. le président. Merci, monsieur Yann Gaillard, de vos propos sur la session unique !
La parole est à M. Yves Fréville, pour explication de vote.
M. Yves Fréville. Je poserai deux questions.
La première est simple : faut-il contrôler les fonds publics ?
M. Bruno Sido. Oui !
Mme Hélène Luc. Et alors ?
M. Yves Fréville. Bien sûr ! D'ailleurs, personne ici ne met ce principe en cause.
J'irai même plus loin : il faudrait contrôler non seulement les fonds publics accordés aux entreprises privées, mais également les dépenses fiscales, et je crois que cela fait l'unanimité ici !
Mme Hélène Luc. Pourquoi voulez-vous abroger cette loi, alors ?
M. Yves Fréville. La seconde question est encore plus simple : les commissions qui ont été mises en place ont-elles les pouvoirs de contrôle nécessaires pour être efficaces ?
Mme Hélène Luc. Oui !
M. Yves Fréville. Non ! Elles ne sont pas efficaces.
M. Jean Chérioux. C'est du toc !
Mme Hélène Luc. Il faut les rendre efficaces !
M. Yves Fréville. Lorsque les subventions sont accordées à l'échelon national, la situation est très simple, nous avons le pouvoir de contrôle. Moi, je prends le temps d'opérer des contrôles et je vous assure qu'on peut très bien le faire. J'ai, par exemple, contrôlé tous les dégrèvements de taxe d'habitation ; j'y ai consacré beaucoup de temps et je ne vois pas pourquoi tous mes collègues rapporteurs spéciaux - mais je sais qu'ils le font - ne le feraient pas.
En outre, la Constitution nous accorde le concours de la Cour des comptes. A l'échelon local, les élus locaux peuvent exercer un contrôle avec l'aide des chambres régionales des comptes.
Si vos commissions avaient d'autres pouvoirs que celui de se réunir pour discuter, je serais tout à fait d'accord pour les maintenir. A mon sens, elles n'ont pas ces autres pouvoirs. Elles sont donc inutiles.
M. Jean Chérioux. C'est du verbiage !
M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote.
M. Bruno Sido. Rendons à César ce qui est à César ! Au fond, s'il y a un sage dans cette assemblée, c'est bien M. Dreyfus-Schmidt. En effet, j'ai peut-être été un peu excessif - pardonnez-moi, cher collègue - car, au fond, votre argument est bon.
Vous nous dites que cette commission ne s'est jamais réunie. Effectivement, pourquoi tirer sur l'ambulance ? Laissons-la se réunir et, dans dix ans, nous en reparlerons !
De mon point de vue, on confond le contrôle et l'attribution des fonds. Monsieur le président, je suis président d'un exécutif local, le conseil général de la Haute-Marne, et je connais les mécanismes intimes qui président à l'attribution des fonds. Croyez bien que ceux qui disposent de fonds, qu'il s'agisse de l'Etat, du conseil régional ou du conseil général, les attribuent en examinant à la loupe la situation des entreprises ! Cela constitue un contrôle a priori .
Bien entendu, personne n'est contre le contrôle a posteriori, mais, M. le rapporteur général l'a dit, il existe déjà de nombreux organismes dont le rôle est de vérifier si les entreprises qui bénéficient de ces fonds les utilisent bien.
Si M. Robert Hue a fait voter cette loi, c'est bel est bien à la suite de la fermeture d'entreprises qui avaient reçu de nombreuses aides, lorsque c'était trop tard. Si une commission était nécessaire, son rôle serait de vérifier que les entreprises qui sont aidées ne sont pas en train de sombrer.
Selon moi, les interventions qui ont eu lieu sont, pardonnez-moi de le dire, terriblement politiciennes. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Paul Loridant. Parce que les vôtres ne le sont pas ? Il y aurait de l'idéologie ici, mais pas là !
M. Bruno Sido. Si certaines commissions ne servent à rien, il faut les supprimer.
J'ai une solution à vous proposer, monsieur le ministre : supprimons toutes les aides aux entreprises, qu'elles soient directes ou indirectes. C'est à Bruxelles de le décider. Il s'agirait là d'une bonne décision parce que de nombreuses commissions, qui font perdre du temps et qui coûtent très chers aux contribuables, ne se réuniraient plus.
Mme Hélène Luc. Monsieur le président, je demande la parole.
M. le président. Madame, vous êtes déjà intervenue pour expliquer votre vote, et le règlement ne m'autorise pas à vous donner la parole une seconde fois.
Mme Hélène Luc. Je voudrais répondre à M. Bourdin !
M. le président. Non, madame, je ne peux manifestement pas vous donner la parole. (Protestations sur les travées du groupe CRC.)
Mme Hélène Luc. Mais c'est pour répondre à M. Bourdin !
M. le président. Madame Luc, si vous me demandez la parole pour un fait personnel, je vous la donnerai à la fin de la séance, conformément à l'article 36, alinéa 3, du règlement.
Mme Hélène Luc. Mais, ce soir, je ne peux pas rester jusqu'à la fin de la séance !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission demande un vote par scrutin public sur cet amendement.
Mme Hélène Luc. Nous allions le demander !
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.
M. Henri de Raincourt. Ce n'est pas la peine ! (Sourires.)
M. Thierry Foucaud. J'observe que notre collègue M. Joël Bourdin reconnaît l'existence des classes ! Pour moi, ce n'est pas une découverte. Mais, si vous le reconnaissez, cela nous fait l'économie d'une démonstration !
M. Joël Bourdin. Non, je n'ai pas dit cela !
M. Thierry Foucaud. C'est vrai qu'il y a la France d'en bas, qui subit, et la France d'en haut, qui exploite et qui, je dirai, profite. (Rires sur les travées de l'UMP.)
M. Joël Bourdin. Je n'ai pas dit cela !
M. Jean Chérioux. C'était il y a un siècle !
M. Thierry Foucaud Mais, plus sérieusement...
M. Jean Chérioux. Plus sérieusement, oui, parce que là, ce n'est pas très sérieux !
M. Thierry Foucaud. ... vous avez constaté, comme nous, qu'il y a une véritable crise de la politique, que les Françaises et les Français veulent de la transparence. C'est d'ailleurs ce que le candidat Chirac a demandé. Y serait-il opposé ?
M. Henri de Raincourt. Sûrement pas !
M. Thierry Foucaud. Cette commission est un dispositif simple pour contrôler l'utilisation des fonds publics, qu'ils soient destinés ou non aux entreprises. Cela nous concerne toutes et tous, et vous aussi lorsque vous êtes confrontés à des fermetures d'entreprises à la suite desquelles des centaines et des milliers de personnes se retrouvent au chômage, comme c'est le cas dans les villes qui ont été citées voilà quelques instants par ma collègue Mme Beaufils. Il faut donc de la transparence.
Mais vous vous dites que vous êtes majoritaires, vous y mettez de l'acharnement, un acharnement de droite, un acharnement que je qualifierai d'idéologique.
D'ailleurs, hier soir, j'entendais parler d'« Etat UMP ». Un sénateur du groupe de l'Union centriste disait même que le groupe était « trop gros »,...
M. Joël Bourdin. Cela ne risque pas d'arriver au PC !
M. Thierry Foucaud. ... que lui-même ne servait à rien et qu'il ne voyait même pas l'utilité de venir ! Je ne le nommerai pas, mais vous devinez de qui je veux parler. C'est ce pauvre collègue à qui l'on demandait de retirer amendement sur amendement !
Ce serait, selon moi, une erreur économique - certes, ce n'est pas pour vous une erreur politique, puisque cela fait partie de votre politique - que de ne pas vouloir contrôler les fonds publics, car cela conduirait à accroître le fossé qui sépare le monde de la politique, d'un côté, et les Françaises et les Français, de l'autre.
En terminant, je dirai simplement que cette commission peut se réunir régulièrement, c'est tout simple, et sachez que si la commission nationale ne s'est pas réunie, ce n'est pas la faute du groupe CRC !
Mme Hélène Luc. Je demande la parole pour un rappel au règlement sur le déroulement de nos travaux !
M. le président. La parole est à M. Jean Chérioux, pour explication de vote.
M. Jean Chérioux. Ce débat est à la fois affligeant, de par les excès que l'on entend d'un certain côté de cet hémicycle, et très éclairant.
Tout à l'heure, l'un de nos collègues disait à très juste titre que les Français voulaient de la transparence, notamment sur le plan financier, concernant l'usage des fonds publics qui sont utilisés pour venir en aide à certaines entreprises pour des raisons d'emploi.
Oui, les Français veulent la transparence, et ils peuvent l'obtenir !
M. Roland Muzeau. Non !
M. Jean Chérioux. En effet, les moyens juridiques existent, on vous l'a dit, à la fois au niveau ministériel, au niveau du Parlement et au niveau des collectivités locales, auxquels s'ajoute l'aide d'un certain nombre d'organismes dont on connaît la qualité du contrôle, ce dont parfois vous vous plaignez, d'ailleurs : je veux parler de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes. Il est des moments où vous trouvez que ces chambres sont un peu exigeantes...
M. Thierry Foucaud. D'autres que nous le pensent !
M. Jean Chérioux. ... mais cette rigueur est justifiée, car leur rôle est de défendre les deniers publics. Par conséquent, les moyens de contrôle existent, et la transparence également.
M. Roland Muzeau. Non !
M. Jean Chérioux. Dès lors, pourquoi un doute existe-t-il au sein de la population ? Parce qu'il y a des manipulations, comme celle à laquelle vous vous livrez.
M. Roland Muzeau. Mais non !
M. Philippe Marini, rapporteur général. De la part de la CGT !
M. Jean Chérioux. Lorsque vous avez fait voter ce texte pour créer cette fameuse commission de contrôle, c'était pour amuser la galerie : il s'agissait de faire croire qu'on en avait besoin, alors que tel n'était pas le cas. Et le discours que vous tenez aujourd'hui est effarant, car vous essayez de jeter la suspicion sur la classe politique, notamment sur vos adversaires. C'est un discours antidémocratique !
M. Thierry Foucaud. C'est vous qui êtes antidémocratique !
M. Jean Chérioux. Je ne pense pas que les Français se laisseront prendre à ces excès ! Ils sont suffisamment intelligents pour comprendre que tous ces discours reposent sur des artifices. La réalité du contrôle existe, et c'est pourquoi nous voulons aujourd'hui supprimer des organismes en « contreplaqué », qui ne servent à rien ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean Arthuis, pour explication de vote.
M. Jean Arthuis. J'interviens à titre personnel et en qualité de membre du groupe de l'Union centriste. Je tiens, en effet, à dire à Thierry Foucaud que les sénateurs du groupe de l'Union centriste sont à leur place au sein de la majorité sénatoriale et qu'ils n'éprouvent aucun état d'âme. Par conséquent, je récuse les propos qu'il a tenus voilà un instant.
S'agissant du sujet qui nous préoccupe, toutes les décisions tendant à attribuer des aides publiques sont publiées à la fois sur le plan local et sur le plan national.
La sagesse réside dans la position qu'a exprimée notre collègue Bruno Sido : il faut supprimer toutes ces aides publiques le plus rapidement possible et réduire en conséquence le montant des prélèvements qui sont opérés sur les entreprises, faute de quoi les délocalisations s'accéléreront.
Enfin, compte tenu de la durée de ce débat, je considère que ceux d'entre nous qui auraient été tentés de déposer un amendement tendant à remettre en cause les dispositions votées l'an passé pour instituer la taxe Tobin - à condition, toutefois, que l'ensemble des pays de l'Union européenne ratifie un tel dispositif - ont eu raison de ne pas le faire.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Pourtant, Jacques Chirac le demande !
M. le président. La parole est à M. Louis Souvet, pour explication de vote.
Mme Hélène Luc. Voilà peut-être quelqu'un de sage !
M. Louis Souvet. A l'échelon national, il est possible que la commission nationale des aides publiques aux entreprises soit inutile. C'est compréhensible, car elle se trouve très loin du lieu où les aides aux entreprises sont utilisées. Toutefois, il existe, au sein des départements, c'est-à-dire en un lieu proche des entreprises, un représentant de l'Etat et des directeurs départementaux du travail et de l'emploi qui peuvent, eux, contrôler à la fois l'attribution et l'emploi des fonds. Il importe, en effet, de vérifier que les engagements des entreprises sont tenus. A l'évidence, on ne peut pas accorder des fonds sans en contrôler l'utilisation ! Si l'entreprise ne tient pas ses engagements, lui demandera-t-on cependant de rembourser les fonds qu'elle a reçus ? Dans l'affirmative, elle disparaîtra vraisemblablement.
Il faudrait faire en sorte - ce serait beaucoup plus facile pour tout le monde - que soient supprimées toutes les aides accordées aux entreprises, je me rallie donc aux propos tenus par le président de la commission des finances à cet égard.
Les entreprises pourraient alors être soutenues sous une autre forme, par exemple grâce à une réduction de leurs impôts. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme Hélène Luc. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc.
Mme Hélène Luc. Je souhaite intervenir sur le déroulement de nos travaux.
Je n'autorise pas M. Bourdin à dire que nous sommes en présence d'un amendement du parti communiste. Nous sommes des élus comme les autres ! Nous ne travaillons pas pour le parti communiste : nous sommes des citoyens élus démocratiquement, même si le mode de scrutin n'est pas assez démocratique !
Je n'autorise pas M. Bourdin...
M. le président. Madame Luc, puisqu'il s'agit d'un fait personnel, je vous redonnerai la parole à la fin de la séance !
Mme Hélène Luc. ... à dire que nous travaillons contre l'intérêt des entreprises !
M. le président. Vous n'avez plus la parole, madame Luc !
Mme Hélène Luc. Vous avez tort de couvrir ce qui est en train de se passer, monsieur le président ! C'est très grave !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 64 rectifié.
Je suis saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, de la commission des finances, l'autre, du groupe communiste républicain et citoyen.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ? ...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 75:

Nombre de votants 315
Nombre de suffrages exprimés 312
Majorité absolue des suffrages 157
Pour l'adoption 202
Contre 110

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 45.
Mme Hélène Luc. C'est la lutte des classes ! M. Bourdin à raison !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous retrouvez vos repères !
M. le président. Madame Luc, si vous souhaitez intervenir, vous le ferez à la fin de la présente séance, pour un fait personnel.
L'amendement n° 76 rectifié, présenté par MM. Marini et Arthuis, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Après l'article 45, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article L. 142-3 du code monétaire et financier est ainsi modifié :
« A. - Au premier et au deuxième alinéas, le chiffre : "six" est remplacé par le chiffre : "quatre".
« B. - Au deuxième alinéa, le chiffre : "neuf" est remplacé par le chiffre : "six".
« C. - Au quatrième alinéa, le mot : "tiers" est remplacé par le mot : "moitié".
« II. - Au deuxième alinéa de l'article L. 142-7 du code monétaire et financier, le chiffre : "six" est remplacé par le chiffre : "cinq".
« III. - Les membres du Conseil de la politique monétaire autres que le gouverneur et les sous-gouverneurs en fonction à la date de la publication de la présente loi exercent leur mandat jusqu'à leur terme.
« IV. - Le dividende versé par la Banque de France à l'Etat est accru à due concurrence du montant des économies résultant du I, ci-dessus. »
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Cet amendement répond à deux préoccupations : il s'agit, d'une part, de contribuer à la réduction du déficit du budget de l'Etat et, peut être, à un horizon plus lointain, d'amplifier l'excédent budgétaire ; il s'agit, d'autre part, de tirer les conséquences du transfert du pouvoir monétaire de la Banque de France à la Banque centrale européenne.
Vous vous souvenez, mes chers collègues, qu'une loi de 1993 a consacré l'indépendance de la Banque de France et a institué le Conseil de la politique monétaire, qui est composé de neuf membres : le gouverneur et les deux sous-gouverneurs de la Banque de France, ainsi que six personnalités nommées en conseil des ministres, sur proposition des présidents de l'Assemblée nationale, du Sénat et du Conseil économique et social.
Depuis le 1er janvier 1999, le pouvoir monétaire est exercé par la Banque centrale européenne. Par conséquent, la question se pose de savoir quel est aujourd'hui le rôle du Conseil de la politique monétaire.
Il ne s'agit pas de donner ici une réponse définitive à cette question, mais nous constatons que le mandat de deux de ses membres élus pour neuf ans arrive à échéance le 6 janvier prochain. Il paraît judicieux de ne pas renouveler ces deux mandats, donc de ramener de six à quatre le nombre des membres dudit conseil.
Nous vous proposons par ailleurs de faire passer la durée du mandat de neuf ans à six ans et de prévoir le renouvellement non plus par tiers tous les trois ans, mais par moitié tous les trois ans, sans préjuger du devenir, à une échéance plus éloignée, du Conseil de la politique monétaire.
Nous vous suggérons également de ramener le nombre minimal des membres présents requis pour la validité des délibérations de six à cinq.
Enfin, nous vous proposons que l'économie qui résultera de ces dispositions soit convertie en dividende supplémentaire versé par la Banque de France au profit du budget de l'Etat.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert, ministre délégué. Il est proposé de réduire de six à quatre le nombre des membres du Conseil de la politique monétaire en ne renouvelant pas les mandats qui arrivent à échéance au début de l'année prochaine.
Cette proposition s'inscrit dans un mouvement qui a été engagé lors du collectif d'été, au cours duquel vous avez voté une disposition tendant à réduire de 800 000 euros le coût de fonctionnement de ce conseil.
A chaque fois que nous nous engagerons sur la voie de la réduction des dépenses, monsieur le président de la commission, nous cheminerons ensemble, et j'espère le plus loin possible, pour revenir à l'équilibre, voire davantage. Le Gouvernement - le gouverneur de la Banque de France également - est favorable à cette initiative, qui contribue à atteindre l'objectif que nous nous sommes fixé : les structures de la Banque de France doivent être adaptées à l'environnement, qui évolue. Comme l'a rappelé la semaine dernière, dans une autre enceinte, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, l'impératif d'efficience ne doit pas être oublié.
Partageant votre souci de rechercher une pleine efficacité des structures de notre banque centrale, le Gouvernement est favorable à cet amendement.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Paul Loridant, pour explication de vote.
M. Paul Loridant. A vrai dire je ne suis pas en désaccord avec l'amendement qui est proposé, mais l'on peut s'interroger, une fois de plus, monsieur le rappoprteur général, monsieur le président de la commission, sur la méthode retenue ; je m'adresse en même temps au Gouvernement et à sa majorité.
Cet amendement nous est présenté comme une affaire anodine. Pourquoi pas ? Pourtant, voilà quelques années, nous avons voté une loi modifiant le statut de la banque centrale, et son examen avait donné lieu à des débats serrés dans les deux hémicycles. Or, là, on propose de modifier des éléments fondamentaux par la voie d'un amendement qui, au demeurant, n'a pas été présenté à l'Assemblée nationale. A la lecture d'un journal daté d'hier matin, j'ai cru comprendre que le président de la commission des finances du Sénat avait rencontré le président de la commission des finances de l'Assemblée nationale, ce qui est normal, et que leur discussion avait débouché sur un amendement. Dont acte !
Il est vrai qu'aujourd'hui, dans la mesure où l'euro est en place et où le pouvoir monétaire s'est très largement déplacé à Francfort, à la Banque centrale européenne, le rôle du Conseil de la politique monétaire est moins clair. Mais on aurait peut-être gagné à discuter de cette mesure à l'occasion d'un débat organisé plutôt que de la découvrir au travers d'un amendement.
Le président de la commission suggère d'augmenter le dividende versé par la Banque de France au profit du budget de l'Etat. Mais encore faut-il qu'il y ait un dividende en 2003 ! Or, d'après mes informations, compte tenu du moindre volume de la circulation fiduciaire et des difficultés liées à la baisse des taux aux Etats-Unis, donc du moindre rendement des placements en devises de la Banque centrale européenne, j'ai le sentiment que le compte de résultat de la Banque de France sera négatif. On peut toujours majorer le dividende d'un résultat négatif !...
Pour verser un dividende, vous conviendrez qu'il faut tout de même un exercice bénéficiaire ! On ne peut pas prélever des sommes au motif de la suppression de deux postes de membres du Conseil de la politique monétaire, alors même que le compte d'exploitation affichera vraisemblablement un déficit.
Cela dit, personnellement, je m'abstiendrai sur cet amendement, ce qui correspond à une approbation à demi-mot...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Aux deux tiers ! (Sourires.)
M. le président. Il n'y a pas de bulletin de vote à cet effet ! (Sourires).
M. Jean Chérioux. C'est une abstention positive !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je ne reviendrai pas sur le fond même de l'amendement, dont je suis co-signataire et qui me semble raisonnable. Je souhaite cependant répondre aux propos qui ont été tenus à plusieurs reprises en ce qui concerne l'exercice du droit d'amendement. Je trouve étrange que des parlementaires contestent l'utilisation du droit d'amendement au Sénat ! (M. Paul Loridant s'exclame.)
Par définition, un collectif budgétaire est un texte qui traite de nombreux sujets différents. Nous sommes donc parfaitement dans notre rôle lorsque nous nous efforçons d'améliorer et d'actualiser la législation sur tous les points où cela nous semble nécessaire. Il n'y a, en ce domaine, aucun monopole ! Nous sommes dans un systéme bicaméral, et le Sénat y occupe la place qui lui revient.
Par conséquent, mon cher collègue, le débat a lieu, sur des sujets qui sont d'ailleurs bien connus : ce n'est pas la première fois que l'on évoque la réduction du nombre des membres du Conseil de la politique monétaire. La question est mûre : la preuve en est que, sur ce sujet, nous partageons la même opinion. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je remercie M. le ministre du soutien qu'il apporte à cet amendement.
Monsieur Loridant, la modernisation de la vie politique est sans doute en marche, mais nous sommes encore prisonniers d'un certain nombre de conventions. C'est si vrai qu'alors que vous partagez les motivations qui sous-tendent cet amendement et que vous seriez prêt à le voter, vous êtes tenu par une sorte de convention. J'apprécie néanmoins votre soutien.
Il est vrai que je me suis entretenu de ce projet avec le président de la commission des finances de l'Assemblée nationale. Je tiens d'ailleurs à rendre hommage, en cet instant, aux travaux accomplis par nos collègues de l'Assemblée nationale. La question avait d'ailleurs été soulevée à l'occasion du collectif d'été et, en quelque sorte, nous ne faisons que consacrer les orientations prises à ce moment-là. S'agissant du dividende, monsieur Loridant, j'imagine que vous connaissez bien les structures de la Banque de France (Sourires) et que vous vous inquiétez du devenir de cette institution, voyant venir un possible déficit. Je connais votre sens de l'intérêt général, ...
M. Paul Loridant. Absolument !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. ... votre souci de l'exigence d'équilibre des finances publiques, et je ne doute pas que vous apporterez votre soutien à toutes les décisions qui pourraient être prises...
M. Paul Loridant. Au plan de suppression d'effectifs ?
M. Jean Arthuis, président de la commisssion des finances. ... tendant à permettre à la Banque de France d'équilibrer ses comptes et, je l'espère, d'être en situation de verser un dividende à son actionnaire. D'avance, je tiens à vous en remercier ! (Sourires.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 76 rectifié.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Le groupe socialiste ne prend pas part au vote !

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je constate que cet amendement a été adopté à l'unanimité des suffrages exprimés.
Un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 45.
L'amendement n° 77, présenté par M. Marini, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Après l'article 45, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le premier alinéa du VI de l'article 20 de la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale est complété par les mots suivants : "ou en position hors cadres."
« II. - Après le troisième alinéa du VI de l'article 20 de la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 précitée, il est inséré un alinéa nouveau rédigé comme suit :
« Les agents qui ont été mis en position hors cadres lors de périodes antérieures au 1er janvier 2002 sont admis à faire valider ces périodes de position hors cadres au titre du régime spécial français dont ils relevaient. Pour l'application du présent alinéa, ils sont réputés en position de détachement pour les périodes concernées sous condition du versement des cotisations afférentes. »
« III. - Les charges résultant du présent article sont compensées par une augmentation, à due concurrence, des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je ne vais pas entrer dans le détail technique de cet amendement. Je voudrais simplement m'adresser à M. le ministre pour l'interroger, car la commission, sur ce sujet, n 'a pas bien compris quel était l'avis du Gouvernement.
Lors de l'examen de l'article 45, rattaché au budget de la fonction publique, le ministre chargé de la fonction publique avait émis un avis défavorable. J'ai cru comprendre, ensuite, que nos collègues députés n'avaient pas la même perception des choses. Aussi, pour aller au terme de notre travail, monsieur le ministre, j'aurais souhaité connaître précisément la position du Gouvernement sur l'amendement présenté par la commission des finances.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert, ministre délégué. Ce sujet ne relevant pas directement de ma compétence, monsieur le rapporteur général, je vous apporterai la réponse la plus officielle qui soit.
L'article 20 de la loi de modernisation a mis fin, pour l'avenir, à l'obligation de double cotisation dans les régimes de fonctionnaires et le régime de droit local pour les fonctionnaires qui effectuent une période de détachement auprès d'une administration ou d'un organisme implanté sur le territoire d'un Etat étranger. Un droit d'option a été proposé.
Pour le passé, quand des doubles cotisations avaient été perçues, l'article 20 a permis aux agents concernés encore en activité de demander le remboursement du montant des retenues pour pensions civiles versées pendant les périodes de détachement. Les agent retraités pouvaient, quant à eux, demander la restitution des montants de leur pension dont le versement avait été suspendu ou réduit.
Le paragraphe I de l'amendement vise à étendre ce dispositif aux agents placés hors cadres.
Une telle extension soulèverait des difficultés. L'article 41 du décret du 16 septembre 1985 prévoit, en effet, que les retenues pour pension ne sont pas exigibles dans la position hors cadres. Les retenues pour pension n'étant pas versées, un remboursement n'aurait donc pas d'objet véritable, contrairement à la situation qui prévaut pour les agents placés en détachement.
Par ailleurs, le fonctionnaire placé en position hors cadres est uniquement soumis au régime de retraite régissant la fonction qu'il exerce à l'étranger. Par conséquent, aucune réduction ou suspension ne peut intervenir sur la pension que le fonctionnaire serait amené à percevoir au titre du régime des fonctionnaires français, dès lors qu'il n'y a pas eu cotisation à deux régimes de retraite pour la même période.
L'amendement prévoit également, dans son paragraphe II, de valider dans le régime des fonctionnaires, sous condition du versement des cotisations afférentes, les périodes antérieures au 1er janvier 2002 accomplies par les agents placés hors cadres.
Or on peut rappeler qu'un dispositif de prise en compte des périodes passées dans la position hors cadres au titre du régime de retraite des fonctionnaires existe d'ores et déjà pour ceux qui n'ont pas de droits dans le régime d'accueil.
Les régimes étrangers ou ceux des organisations internationales remboursent, dans la plupart des cas, les cotisations salariales et souvent patronales versées et valorisées, lorsque la période effectuée est inférieure à celle qui permet d'obtenir des droits à pension.
L'article 41 du décret du 16 septembre 1985 permet aux fonctionnaires placés dans la position hors cadres de solliciter, dans certaines conditions et dans les trois mois suivant leur réintégration, la prise en compte au titre du code des pensions civiles et militaires de retraite de la période passée hors cadres.
Par ailleurs, il convient de signaler que c'est par choix, afin d'éviter de payer une double cotisation, que certains fonctionnaires ont opté pour la position hors cadres.
Dans ces conditions, et au vu des dispositions qui régissent déjà le statut des fonctionnaires placés hors cadres, je suis contraint de vous demander, monsieur le rapporteur général, de retirer cet amendement. A défaut, je demanderais au Sénat de le rejeter.
M. le président. Monsieur le rapporteur général, l'amendement n° 77 est-il maintenu ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission souhaitait une clarification de M. le ministre délégué au budget : c'est chose faite. Dès lors, l'amendement n'est plus nécessaire, et je le retire.
M. Joël Bourdin. Nous sommes rassurés !
M. le président. L'amendement n° 77 est retiré.

Vote sur l'ensemble



M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi de finance rectificative, je donne la parole à M. Denis Badré, pour explication de vote.
M. Denis Badré. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous arrivons au terme d'un débat préparé dans des délais très courts, néanmoins de très bonne tenue, certes un peu décousu, mais c'est la loi du genre. On a souvent dit, en effet, qu'un collectif budgétaire ressemblait parfois à une hotte de Père Noël, formule que je préfère à celle de « fourre-tout », qui est moins de saison ! (Sourires.)
Lors de la discussion générale, j'avais indiqué que le groupe de l'Union centriste voterait le texte tel qu'il serait amendé par le Sénat. Je ne peux qu'être fidèle à cet engagement, et confirme donc notre vote positif. Cela ne doit d'ailleurs être une surprise pour personne, puisque notre soutien au Gouvernement, parfaitement notoire, doit très normalement se manifester sans état d'âme sur la loi de finances et sur ses collectifs.
Le texte « tel qu'il sera amendé » : disant cela, je ne sautais pas vraiment dans l'inconnu, imaginant déjà que le texte sortirait de notre débat assez peu modifié. Le Père Noël repart effectivement sans avoir excessivement puisé dans sa hotte ! (Sourires.) Nous sommes tout de même heureux de trouver dans notre soulier l'amendement de simplification de Valérie Létard sur la TGAP. Considérant que ce dispositif a été voté à l'unanimité par la Haute Assemblée, la commission mixte paritaire pourra le conforter sans trop de difficultés.
S'agissant, par ailleurs, de vrais sujets, comme les biocarburants et le développement agricole - avec la substitution de l'ADAR, l'agence de développement agricole et rural, à l'ANDA, l'association nationale de développement agricole -, nous avons avancé des propositions élaborées au terme de solides réflexions. Vous nous avez écoutés sans vraiment pouvoir tout de suite nous entendre. J'espère, monsieur le ministre, que vous allez méditer nos arguments. Il s'agit, je le répète, de vrais problèmes sur lesquels des progrès réels sont tout à la fois nécessaires et possibles.
Je tiens enfin à redire combien nous avons encore apprécié, spécialement dans ce débat un peu difficile, la capacité d'écoute et le goût du dialogue manifesté par le rapporteur général, M. Philippe Marini, et par le président de la commission des finances, M. Jean Arthuis.
Ils ont su donner le ton à notre débat en faisant en sorte que, même dans des conditions difficiles, celui-ci soit aussi constructif que possible. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Demerliat.
M. Jean-Pierre Demerliat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'examen de ce collectif pour 2002 a pris plus de temps que prévu. Lors de la discussion à l'Assemblée nationale, nos collègues députés ont été submergés par des amendements gouvernementaux, parfois très lourds, comme les amendements relatifs à France Télécom ou aux zones franches urbaines. Les députés ont donc dû travailler dans l'urgence.
Le Sénat, confronté à la même situation, a pâti des mêmes contraintes. Je crois, monsieur le ministre, que la méthode est à revoir, car elle n'offre assurément pas les meilleures conditions pour un travail législatif de qualité.
Dans ces conditions difficiles, sur l'initiative de mon groupe, le Sénat a néanmoins adopté des améliorations significatives dans plusieurs domaines. On peut citer, entre autres, la nouvelle répartition du produit des amendes de police municipale, la prise en charge identique de la protection judiciaire de fonctionnaires d'administrations différentes parties à un même procès, et l'amélioration du recouvrement des amendes pénales.
Néanmoins, comme je l'ai dit au nom du groupe socialiste lors de la discussion générale, le collectif 2002 enregistre un dérapage important des finances publiques. Le déficit public se creuse en effet de 20 % depuis le constat établi par l'audit réalisé en juin de cette année : il atteint désormais 2,8 % du PIB. On est ainsi passé de 2,3 % selon la prévision de l'audit, très optimiste, à 2,8 % du PIB.
La baisse de l'impôt sur le revenu, essentiellement réservée aux Français les plus fortunés, détériore le solde du budget de l'Etat en dépit des coupes claires - 2,6 milliards d'euros d'annulation de crédits - réalisées dans les budgets de l'emploi, de la solidarité ou de l'éducation. Les plus modestes font ainsi les frais des cadeaux fiscaux clientélistes du Gouvernement.
L'avenir est obéré par l'accroissement de la dette qui en résultera forcément. Les générations futures en souffriront. Le groupe socialiste dénonce cette politique de régression sociale et d'irresponsabilité financière.
Sur de très nombreux points, le texte issu de nos débats n'est pas satisfaisant. Un compromis semble avoir été péniblement trouvé sur la création de l'ADAR et les taxes fiscales qui l'accompagnent, mais il n'est pas évident qu'il soit favorable au monde agricole.
L'avenir nous éclairera. La preuve, une fois de plus, sera ainsi apportée que la précipitation n'est pas forcément bonne.
Les débats relatifs à France Télécom ne nous ont pas apporté les éclaircissements que nous attendions. Le sauvetage de ce fleuron de notre économie nationale est assurément une bonne chose. Toutefois, notre collègue Paul Loridant a souligné, à juste titre, que le dispositif financier prévu n'était pas conforme à notre droit budgétaire.
En effet, alors qu'il existe un compte spécial du Trésor destiné à enregistrer les opérations financières résultant des activités de l'Etat actionnaire, le Gouvernement ne l'utilise pas. Il préfère, au contraire, mettre en place une invraisemblable « usine à gaz » reposant sur l'entreprise de recherches et d'activités pétrolières, l'ERAP, avec le concours de la Caisse des dépôts et consignations. Le pétrole et les télécommunications seraient-ils cousins, voire frères ? La solution extrabudgétaire n'est assurément pas conforme au principe d'unité budgétaire. Vous donnez ainsi un petit frère au fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale, le FOREC, que vous avez tant décrié.
Les débats sur France Télécom ne nous ont pas apporté les assurances que nous attendions. En cas de privatisation - ce que nous ne souhaitons pas -, nous ne connaissons pas les perspectives qui seraient offertes aux personnels de l'entreprise.
Monsieur le ministre, vous envisagez de reclasser dans les administrations de l'Etat les fonctionnaires de France Télécom alors que, parallèlement, vous diminuez les effectifs de la fonction publique. Ces techniciens de haut niveau aux qualifications pointues, forts d'une culture d'entreprise et de service public, trouveront-ils leur place dans les administrations traditionnelles ? Autant de questions qui restent sans réponse.
La relance des zones franches urbaines, introduite sous forme d'amendement, ne s'appuie pas, faute de temps, sur des études d'impact suffisantes, ce que nous regrettons. Les effets d'aubaine ne sont pas supprimés.
En outre, l'efficacité de ces dispositifs d'allégement fiscaux, au demeurant très politiques, n'est pas établie, alors que leur coût est, en revanche, très important.
Quel est le nombre des emplois créés ou sauvegardés grâce à ces allégements ? Combien auraient de toute façon été créés ou conservés ? Nous ne le savons pas. Le Sénat semble avoir fondé son vote non sur des faits, mais sur des préjugés.
Pour toutes ces raisons, et surtout parce qu'il traduit une politique libérale brutale, le groupe socialiste votera contre ce collectif budgétaire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Joël Bourdin.
M. Joël Bourdin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous achevons l'examen de ce texte que nous avons abordé dans des conditions difficiles, étant donné sa transmission tardive par l'Assemblée nationale. Nous avons néanmoins pris le temps d'en examiner les points les plus complexes et les plus sensibles.
Je pense en particulier à l'aménagement de la fiscalité des biocarburants et au financement de la nouvelle agence de développement agricole et rural, l'ADAR. Sur ce dernier point, nous sommes parvenus à une solution équilibrée, grâce à une initiative pertinente de M. le rapporteur général, mais grâce aussi à l'esprit d'ouverture qu'a manifesté M. le ministre délégué au budget.
Nos débats ont également permis d'aborder des questions importantes pour l'avenir de certains secteurs, comme celui des transports maritime, fluvial ou terreste.
Mais, au-delà de ces points spécifiques, nous avons encore une fois pu mesurer le poids de l'héritage que nous a légué la majorité précédente.
L'année 2002 restera marquée par une dégradation spectaculaire de nos finances publiques. La hausse du déficit budgétaire était telle - plus de 50 % - qu'il était impossible de la combler, sauf à asphyxier notre économie, dans un contexte qui est déjà marqué par un très net ralentissement de la croissance.
Le Gouvernement est parvenu à stopper les dérives, ce qui est déjà bien compte tenu de la nouvelle moins-value de recettes constatée. Nous y voyons là un acte de responsabilité budgétaire qui tranche nettement avec la gestion précédente.
Réformer, c'est faire bouger les lignes, modifier les équilibres et remettre en cause certaines situations établies. Le cap est parfois difficile à tenir face aux revendications catégorielles, aux intérêts sectoriels et aux tentations dépensières.
Nos débats montrent qu'il nous faudra du courage, mais aussi de la pédagogie, lorsque nous aborderons, en 2003, les grandes réformes des retraites, de la santé et des finances locales.
Enfin, et surtout, cette discussion restera marquée par un souci de sincérité et de transparence qui honore le Gouvernement. Nous y voyons une marque de respect pour le Parlement et pour l'ensemble de nos concitoyens, envers lesquels nous avons un véritable devoir de vérité.
Responsabilité et transparence, telles sont les principales caractéristiques de ce collectif budgétaire. C'est donc sans hésiter que le groupe de l'Union pour un mouvement populaire votera le texte qui résulte des travaux de notre assemblée. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Alain Gournac. Très bien !

(M. Guy Fischer remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. GUY FISCHER
vice-président

M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi de finances rectificative pour 2002 ne sort pas véritablement amélioré de nos travaux. Il est vrai que les conditions du débat, ainsi que nous l'avons rappelé dans la discussion générale, sont loin d'avoir été idéales. De plus, le texte initial avait déjà connu, lors de la discussion à l'Assemblée nationale, une sensible évolution, passant de quarante articles à soixante-dix.
Pour une grande part, ces dispositions, faute de mieux, en quelque sorte, ont été adoptées conformes par la Haute Assemblée - ce qui dévitalise encore un peu plus le rôle que cette dernière peut jouer dans l'équilibre de l'activité parlementaire. En effet, après quelques débats, on s'est contenté d'une adoption conforme des textes votés au Palais-Bourbon.
Dans les faits, donc, aucune amélioration réelle du texte n'a été enregistrée. On peut même dire que, sur certains points, il marque une régression, comme en témoignent les débats que nous avons eus sur l'aide médicale d'Etat - qui rompt avec la tradition de générosité de notre pays -, sur l'abrogation de la loi sur le contrôle des fonds publics accordés aux entreprises, ou encore sur le devenir du financement du développement rural.
Surtout, le collectif budgétaire que nous venons d'examiner consacre une fois de plus les orientations en faveur de la réduction de la dépense publique qui avaient marqué le collectif examiné l'été dernier.
Que l'on ne nous fasse pas dire qu'il s'agit d'une orientation de « vérité des prix », soldant d'abord et avant tout les comptes de la gestion antérieure.
La vérité est que le déficit public atteint un niveau encore plus élevé que ne le prévoyait le collectif d'été, voire le présent collectif, et que cela résulte en partie des choix opérés par ce gouvernement.
Je veux parler du gaspillage de millions d'euros dans une baisse de l'impôt sur le revenu mettant à mal la justice fiscale, sans effet positif sur la croissance et l'emploi, comme nous l'avons dit et redit, ainsi que de la gestion technocratique et autoritaire de la dépense publique qui serre les cordons de la bourse dès qu'il s'agit de financer l'action sociale, l'éducation ou la construction et la réhabilitation de logements sociaux.
Le présent collectif budgétaire est donc à l'image de ce que nous pressentions des intentions du Gouvernement dès la déclaration de politique générale.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. Thierry Foucaud. La baisse des impôts accordée aux revenus les plus aisés se traduit immanquablement par moins de service public, moins de dépenses publiques pour le plus grand nombre. Pour faire plaisir à quelques-uns, on ajoute de la peine et de la souffrance à la grande majorité des autres.
C'est sous le bénéfice de ces observations que les sénatrices et les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen ne voteront pas ce projet de loi de finances rectificative pour 2002. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur le fond du texte.
Je voudrais simplement remercier toutes celles et tous ceux qui ont participé au débat, notamment la présidence - nous avons vu avec quelle vivacité et quel souci de participer à ce débat le président du Sénat est venu y imprimer sa marque -, mais aussi le président de la commission des finances, bien entendu, et tout spécialement les administrateurs et les personnels de la commission des finances qui, dans l'exercice si particulier du collectif budgétaire, sont soumis à rude épreuve et grâce auxquels nous arrivons à participer utilement à la législation.
Monsieur le ministre, vous avez bien voulu, par votre esprit de grande ouverture et par la connaissance très précise que vous avez de ces sujets, nous permettre d'avancer sur toute une série de thèmes.
Mes chers collègues, nous avons voté vingt et un articles additionnels nouveaux, et une quarantaine d'amendements ; nous voyons ainsi s'annoncer des travaux utiles et intéressants pour la très prochaine commission mixte paritaire.
Monsieur le ministre, soyez à nouveau remercié de l'écoute qui est la vôtre à l'égard du Sénat, et vous toutes et vous tous, mes chers collègues, de votre présence et de vos interventions actives, parfois passionnées, dans le cours de nos débats. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais m'associer aux remerciements que M. le rapporteur général vient d'exprimer. J'ajouterai mes compliments et mes remerciements personnels à votre égard, monsieur le rapporteur général, vous qui avez conduit ce débat de bout en bout, qui avez donné le ton et le rythme à ces échanges, comme lors de la discussion de la loi de finances pour 2003.
Ce collectif budgétaire a pourtant été débattu dans des conditions délicates, puisque les députés l'ont adopté le 11 décembre et que, dès le soir du 12 décembre, monsieur le rapporteur général, vous avez permis à la commission des finances d'en faire l'analyse.
Acceptez l'expression de ma gratitude et de ma confiance ; je souhaite que notre assemblée, par ses applaudissements, vous manifeste sa reconnaissance. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Alain Lambert, ministre délégué. Je tiens à adresser tous mes remerciements au Sénat, qui, dans un instant, j'en suis sûr, adoptera ce collectif budgétaire, pour la qualité de ses travaux.
Je comprends que vous ayez pu regretter que ces travaux se soient déroulés dans un laps de temps contraint ; néanmoins, c'est inhérent à ce type d'exercice.
Je voudrais redire à la commission des finances combien j'apprécie la qualité de la relation que nous avons nouée ainsi que celle du travail qui a été accompli.
Je réitère mon offre de travailler en permanence en amont sur tous ces sujets, car les dispositions législatives introduites dans notre droit sont de plus en plus complexes. Il nous faut donc veiller à ne pas élaborer une norme dont la sécurité juridique serait défectueuse.
Je souhaite naturellement adresser tous mes remerciements à la présidence et à tous les services du Sénat, mais également, si vous le permettez, à mes collaborateurs, qui ont essayé de rester à votre écoute.
Comme nous approchons des fêtes de fin d'année, je vous souhaite à tous de passer de bonnes fêtes en famille. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi de finances rectificative.
En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 76:

Nombre de votants 319
Nombre de suffrages exprimés 316
Majorité absolue des suffrages 159
Pour l'adoption 207
Contre 109

7

NOMINATION DE MEMBRES
D'UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d'une commission mixte paritaire sur le texte que nous venons d'adopter.
Il va être procédé immédiatement à la nomination de sept membres titulaires et de sept membres suppléants de cette commission mixte paritaire.
La liste des candidats établie par la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation a été affichée conformément à l'article 12 du règlement.
Je n'ai reçu aucune opposition.
En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire :
Titulaires : MM. Jean Arthuis, Philippe Marini, Roland du Luart, Jacques Oudin, Aymeri de Montesquiou, Michel Charasse et Paul Loridant.
Suppléants : MM. Bernard Angels, Denis Badré, Joël Bourdin, Gérard Braun, Paul Girod, Marc Massion et Joseph Ostermann.

8

NÉGOCIATION COLLECTIVE EN MATIÈRE
DE LICENCIEMENTS ÉCONOMIQUES

Adoption d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 91, 2002-2003), adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, portant relance de la négociation collective en matière de licenciements économiques. [Rapport n° 92 (2002-2003).]
M. Roland Muzeau. Je demande la parole, pour un rappel au règlement.
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Monsieur le président, le groupe communiste républicain et citoyen souhaite que les travaux de notre assemblée se déroulent dans les meilleures conditions possibles. Or la commission des affaires sociales, sur un sujet aussi important que le travail et l'emploi, n'a pu se réunir avant la séance publique.
La valse-hésitation à laquelle nous avons assisté au cours du débat qui vient de s'achever augure mal de la discussion qui va maintenant s'ouvrir : on nous a annoncé que cinquante-quatre amendements avaient été déposés, puis quarante-quatre ; certains amendements ont été déposés, puis retirés, puis maintenus, alors que la commission des affaires sociales avait annoncé sa volonté d'obtenir un vote conforme...
Vous comprendrez que, pour ajuster sa position, un groupe parlementaire souhaite au moins avoir connaissance des amendements et de la position de chacun avant le début de la discussion !
Il n'est pas dans nos habitudes, monsieur le président, de faire un rappel au règlement sur l'organisation de nos travaux, mais je le fais en la circonstance parce que je le crois justifié compte tenu de l'importance du texte que nous allons maintenant examiner.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je prie tout d'abord M. Muzeau de me pardonner d'avoir pris la décision que j'ai prise ; je peux comprendre qu'elle ait gêné le groupe CRC dans la préparation de son travail.
Toutefois, pour que la commission puisse travailler dans de bonnes conditions, je désirais connaître très précisément l'ensemble des amendements avant de la réunir. Par ailleurs, il est fréquent que la commission se réunisse à la fin de la discussion générale pour étudier l'ensemble des amendements. De fait, la convocation de la commission prévoit la suite éventuelle de l'examen des amendements demain matin.
Pour autant, je prie à nouveau M. Muzeau d'accepter mes excuses pour le report de cette réunion, parce qu'il n'est pas dans les habitudes de la commission des affaires sociales d'agir ainsi.
M. Roland Muzeau. Je les accepte !
M. le président. Je vous donne acte de votre rappel au règlement, monsieur Muzeau.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, à travers cette réforme ciblée de la loi de modernisation sociale, nous abordons un sujet difficile, celui du licenciement économique et de ses conséquences sur l'emploi.
C'est un sujet sur lequel nous n'avons pas le droit de mentir aux Français. Les restructurations et les licenciements font partie de la vie d'une entreprise. En matière économique, rien n'est définitif, rien n'est jamais acquis. Prétendre le contraire, faire croire le contraire, c'est, d'une certaine manière, tromper les salariés.
Ces licenciements, ces restructurations parfois brutales, il faut en revanche s'efforcer d'en anticiper les conséquences. Tel est l'objet de la mission sur les mutations économiques qui est chargée d'évaluer et de coordonner les actions.
Il faut aussi savoir les accompagner avec efficacité et humanité. Il faut surtout tenter de les dissuader, plus précisément de les transcender, en mettant en oeuvre une stratégie économique dynamique et attractive, porteuse en termes de créations d'emplois.
Telle est l'ambition du Gouvernement, qui se propose, par ce projet de loi, d'écarter les fausses solutions de la loi dite « de modernisation sociale ». Nous jugeons certaines dispositions de cette loi préjudiciables aux salariés et à notre économie. Il convenait d'agir !
Combien d'entreprises en difficulté choisiraient de cesser toute activité plutôt que de s'aventurer dans le labyrinthe de la loi du 17 janvier 2002 si le Gouvernement laissait les choses en l'état ? (Protestations sur les travées du groupe CRC.)
M. Jean Chérioux. Eh oui !
M. François Fillon, ministre. Combien d'investisseurs internationaux s'implanteraient hors de notre pays, lassés par notre tendance à rendre nos règles sociales toujours plus complexes, plus lourdes, mais surtout plus imprévisibles ?
M. François Marc. La France est en tête !
M. François Fillon, ministre. Combien de salariés se retrouveraient sans emploi, ébranlés et désorientés par les effets pervers d'une loi en forme de mirage, qui, en faisant mine de durcir la législation sur les licenciements, prétendait les éviter ?
C'est pourquoi il nous a paru nécessaire de rebattre les cartes en redonnant la main aux partenaires sociaux. Il nous faut parvenir à un droit du licenciement privilégiant, à l'instar de la plupart de nos partenaires européens, la recherche d'un accord collectif. Il y va de l'intérêt de chacun, des salariés comme des employeurs.
Tel est le sens de ce projet de loi portant relance de la négociation collective en matière de licenciements économiques, dont je me permets de vous tracer les grandes lignes.
L'article 1er renvoie à la négociation interprofessionnelle différentes dispositions de la loi du 17 janvier 2002, dont il suspend l'application pendant une période de dix-huit mois. Si les partenaires sociaux parviennent à un accord, comme je le souhaite et comme je le crois, une nouvelle loi devra en déduire le régime définitif en matière d'information et de consultation des représentants du personnel en cas de restructuration et de plan social.
Les dispositions suspendues portent sur les modifications apportées aux règles organisant la concertation et le dialogue entre l'employeur et les représentants élus du personnel. Il faut rappeler que ces modifications n'avaient fait l'objet ni d'un accord entre les partenaires sociaux ni même d'une concertation avec eux, et qu'elles furent critiquées par l'ensemble des organisations syndicales.
En prévoyant la mise en place d'un médiateur, une séparation et une succession dans le temps des procédures de consultation prévues au titre des livres IV et III du code du travail, en introduisant de nouvelles étapes dans l'exercice par l'administration de son pouvoir de contrôle dans le cadre du livre III, la loi du 17 janvier 2002 comporte des risques d'allongement des délais, voire de blocage, et d'insécurité juridique pour les entreprises.
Par ailleurs, l'article 109 de la loi du 17 janvier 2002, qui écartait des critères prévus par la loi pour déterminer l'ordre des licenciements le critère des qualités professionnelles - tout en laissant d'ailleurs aux employeurs la possibilité d'y avoir recours -, était la source d'une grande confusion. C'est pour clarifier l'application de ces critères, qui font l'objet d'un encadrement dans la plupart des conventions collectives, que l'article 109 est suspendu.
Deux autres articles ont également été suspendus par l'Assemblée nationale : l'article 96, qui obligeait à négocier le passage à 35 heures avant d'établir un plan social - sa suppression, maintenant toute symbolique, est justifiée, car il est inutile de multiplier les contraintes administratives de ce genre -, et l'article 100, qui prévoyait une consultation du comité d'entreprise avant toute annonce publique ayant des conséquences pour l'emploi. Ce dernier article ne faisait qu'ajouter de la confusion, sans apporter de compétence nouvelle au comité d'entreprise.
M. François Marc. Et la transparence ?
M. François Fillon, ministre. L'article 1er du projet de loi entend donc, mesdames, messieurs les sénateurs, renouer avec la tradition française du paritarisme qui, disons-le, a été largement rompue à la fois par la loi sur les 35 heures et par la loi dite de modernisation sociale.
M. Nicolas About, président de la commission. Oui, elle a été mise à mal !
M. François Fillon, ministre. Cette tradition a conduit à impulser les grandes réformes dans le domaine de l'emploi et de la formation professionnelle à partir d'accords nationaux interprofessionnels, dont je citerai quelques exemples.
Ainsi, l'accord du 10 février 1969 a précisé le contenu et les délais de la procédure de consultation du comité d'entreprise avant toute compression d'effectif.
L'accord du 10 octobre 1974 a institué, alors que le chômage connaissait une croissance rapide liée au premier choc pétrolier, une indemnité spécifique pour les salariés licenciés pour motif économique.
L'accord interprofessionnel du 20 octobre 1986, conclu après l'abandon de l'autorisation administrative de licenciement, a quant à lui défini les garanties reconnues aux salariés, ainsi que les modalités de leur reclassement.
En suspendant certains articles de la loi du 17 janvier 2002 et en appelant à l'ouverture de négociations, le projet de loi n'entend en aucun cas limiter l'objet et le champ de la négociation, au contraire !
Le dialogue social qui doit exister à l'occasion d'une restructuration et d'un projet de licenciement ne peut en effet se limiter aux procédures d'information et de consultation des représentants du personnel.
L'enjeu est aussi de développer la formation et de traduire, de façon concrète et opérationnelle, l'obligation d'adaptation des salariés à l'évolution de leur emploi.
J'ai pour ma part encouragé les partenaires sociaux à reprendre les négociations interrompues sur la formation professionnelle. Le développement d'une logique d'« assurance emploi », c'est-à-dire d'une formation individuelle tout au long de la vie, constituera la seule et véritable garantie pour les salariés face au changement des emplois et des compétences, comme face aux évolutions des marchés et des technologies.
L'assurance emploi relève d'une responsabilité partagée entre les partenaires sociaux et les pouvoirs publics. L'Etat sera donc très attentif aux solutions issues des négociations qui s'engagent.
Enfin, des négociations s'ouvriront également à la fin de l'année sur l'assurance chômage. A cette occasion, les voies et moyens de développer la formation des demandeurs d'emploi et de faciliter les reconversions professionnelles devront être examinés.
L'article 2 du projet de loi s'inspire de la même conception des relations sociales. A travers la possibilité, reconnue à titre expérimental, de conclure des accords d'entreprises relatifs à l'information et à la consultation du comité d'entreprise en cas de licenciement économique, cet article vise à conforter les accords de méthode déjà signés dans certaines entreprises et à encourager leur négociation dans les autres.
Ces accords devront préciser les modalités concrètes de mise en oeuvre des obligations générales en matière de consultation des représentants du personnel. Ils pourront, le cas échéant, prévoir des modalités différentes des prescriptions actuelles du code du travail, si elles sont mieux adaptées à la situation de l'entreprise.
Toutefois, ces accords ne pourront en aucun cas déroger aux dispositions relatives au contenu de l'information délivrée au comité d'entreprise, ou priver celui-ci de son droit de formuler des propositions différentes de celles de l'employeur et de recourir à une expertise.
Ces accords ne pourront pas non plus avoir pour effet de priver l'administration de ses prérogatives en matière de contrôle du plan social.
Dans la mesure même où ces accords de méthode pourront prévoir des modalités d'organisation du dialogue social différentes de celles qui sont prévues par la loi, certaines garanties sont introduites.
En premier lieu, l'accord est conclu à titre expérimental. Sa durée est donc limitée à deux ans. Ces accords de méthode pourront ainsi nourrir la négociation interprofessionnelle qui va s'engager, mais ils ne pourront en aucun cas préjuger de l'issue de celle-ci, non plus que du régime définitif, qui sera fixé par la loi.
En second lieu, l'accord devra être signé par des syndicats majoritaires. Il s'agit à la fois d'un gage d'adhésion des salariés à une démarche négociée, de la recherche d'un compromis et d'une sécurité pour l'entreprise. La logique de l'accord majoritaire est en effet à l'opposé d'une logique de confrontation et d'opposion exacerbée où les différends se règlent devant le juge, souvent au préjudice de l'entreprise comme des salariés.
L'accord de méthode ainsi dessiné à l'article 2 innove à un double titre.
Il illustre d'abord une certaine idée de la démocratie sociale dans l'entreprise, articulée autour d'acteurs représentatifs, reconnus légitimes et responsables, engagés dans un dialogue continu, y compris dans les phases les plus difficiles de la vie de l'entreprise.
Il faudra bien entendu aller plus loin en ce domaine, en s'appuyant sur la position commune définie par les partenaires sociaux au niveau interprofessionnel en juillet 2001. Comme je l'ai indiqué à plusieurs reprises devant le Sénat, nous ouvrirons ce dossier dès le début de l'année prochaine, et les résultats des élections prud'homales ont montré combien il était désormais urgent de traiter cette question.
Il nous faut à la fois renforcer la légitimité des accords signés, notamment au niveau des entreprises, et ouvrir un espace plus large et plus autonome à la culture et à la pratique de la négociation. Mon intention est donc de poser le débat avec l'ensemble des partenaires sociaux, dès le début du mois de janvier.
L'accord de méthode prévu par le projet de loi est également de nature à donner un nouvel élan à la négociation sur l'emploi. L'enjeu est important : il s'agit de développer au niveau de l'entreprise une gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences, et d'anticiper les mutations de l'entreprise en mettant en place des dispositifs d'adaptation des salariés et de reclassement en amont du licenciement.
L'application de l'article 2 du présent projet de loi fera l'objet d'un rapport du Gouvernement, accompagné de l'avis motivé de la commission nationale de la négociation collective, dont le Parlement sera le destinataire.
L'Assemblée nationale a également souhaité mieux définir le partage de la charge de la preuve en cas de harcèlement moral. Le texte qu'elle a adopté reprend les dispositions d'une directive européenne.
Le recours au médiateur est également clarifié afin de mieux faire apparaître son rôle informel de médiation-conciliation.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi qui vous est soumis vise à remettre les partenaires sociaux au coeur de l'évolution de nos règles sociales.
Il s'écarte des fausses solutions issues de la loi du 17 janvier 2002, qui se fondaient sur l'idée qu'on limiterait les licenciements en allongeant les procédures, avec tous les risques de blocage et de judiciarisation excessive des rapports sociaux que cela entraîne.
Il entend réunir les conditions d'un dialogue social équilibré et renouvelé pour apporter les garanties véritables dont les salariés ont besoin, à commencer par celle de pouvoir retrouver un emploi lorsque celui qu'ils occupent vient à être supprimé pour des raisons économiques objectives. Cela passe par une véritable gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences, ainsi que par la mise en place d'une assurance « emploi formation ».
L'Etat et les partenaires sociaux ont le devoir de trouver ensemble les meilleures solutions pour relever ces défis. Ce projet de loi est un moyen pour y parvenir.
Ni statu quo, ni retour en arrière, ce projet ouvre, vous l'aurez compris, des perspectives nouvelles.
Il privilégie une approche originale. Le choix de la suspension plutôt que de l'abrogation est délibéré. Il s'agit, d'une part, de prendre le contre-pied des pratiques tranchées de nos prédécesseurs et, d'autre part, d'impulser un processus créatif en plaçant les partenaires sociaux en situation de responsabilité.
Avec ce projet de loi, l'innovation est bien au rendez-vous.
Le renvoi aux partenaires sociaux pour élaborer un « corpus prélégislatif » nous éloigne, je l'ai dit, d'une culture gouvernementale et législative où tout était cadenassé.
L'expérimentation dans les entreprises est, elle aussi, stimulante et illustre notre volonté d'aller vers le terrain, là où s'élaborent les solutions empiriques.
Afin que cette pratique expériementale ne soit pas dévoyée, une nouvelle pratique est introduite : celle de l'accord majoritaire.
Renvoi aux partenaires sociaux, expérimentation, accord majoritaire, nous suscitons progressivement une mutation du paysage social et des règles qui le régissaient traditionnellement !
A cet égard, je veux attirer votre attention sur la cohérence d'une philosophie politique et d'une méthode qui va crescendo : la loi relative au contrat jeunes en entreprise offrait déjà des espaces personnels de négociation et de création aux partenaires sociaux ; la loi sur les 35 heures accroît ces espaces ; la loi de modernisation sociale les élargit davantage ; la loi à venir sur la démocratie sociale devrait, je l'espère, couronner le tout.
Pas à pas, nous sommes ainsi, mesdames, messieurs les sénateurs, en train de replacer le curseur entre la loi et le contrat, et ce au profit des partenaires sociaux. Nous mettons ainsi en mouvement la société participative que le Président de la République et le Premier ministre appellent de leurs voeux. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.- M. le président de la commission et M. le rapporteur applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les mêmes travées.)
M. Alain Gournac, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le ministre, ce projet de loi est le troisième texte d'importance que vous soumettez au Parlement pour « rénover », selon l'expression qui vous est chère, notre pacte social.
Après l'insertion professionnelle des jeunes le plus en difficulté, après l'aménagement des 35 heures et la baisse des charges sociales, le Gouvernement a fait le choix d'engager une réforme en profondeur de notre droit du licenciement économique.
Il est vrai que les licenciements sont toujours un drame humain, tant pour le salarié que pour l'employeur.
Il est vrai aussi que la réglementation applicable en la matière est ancienne et qu'elle se caractérise par sa dimension essentiellement procédurale. Son formalisme, souvent excessif, conduit le plus souvent à entretenir une dynamique d'affrontement. Dès lors, il ne permet pas d'anticiper et d'accompagner avec suffisamment d'efficacité les conséquences sociales des restructurations et, par là même, il réduit à la portion congrue les possibilités de négociation.
Cet état du droit n'est pas satisfaisant. Le droit du licenciement touche en effet le coeur de nos relations sociales. Par ses répercussions, il conditionne l'avenir des salariés et la survie des entreprises. En cela, il nécessite d'être traité avec la plus extrême attention : il doit viser à assurer, dans les meilleures conditions, l'équilibre entre les nécessaires garanties accordées aux salariés et la prise en compte des contraintes pesant sur les entreprises en restructuration. Autant les restructurations « de confort » sont inacceptables, autant les entreprises doivent pouvoir s'adapter, sans pour autant, bien sûr, ignorer le sort de leurs salariés.
M. Roland Muzeau. Quand même !
M. Alain Gournac, rapporteur. Il semble cependant que le point d'équilibre ne puisse jamais être durablement atteint : les insatisfactions se cristallisent et l'équilibre est toujours remis en cause sous la pression croisée de la nécessité des restructurations et des revendications des salariés.
J'observe d'ailleurs qu'en la matière le dialogue social semble « en panne », puisque le dernier accord interprofessionnel d'importance remonte à 1986. Pourtant, qui mieux que les partenaires sociaux est susceptible de déterminer et de faire évoluer cet équilibre ?
Aussi, conformément à ses engagements, le Gouvernement appelle aujourd'hui à une relance du dialogue social. Il s'agit désormais de renouer avec une tradition ancienne qui faisait de la négociation nationale interprofessionnelle le fondement et le catalyseur des grandes réformes dans le domaine de l'emploi.
Cette démarche repose néanmoins sur un préalable si l'on veut donner toute sa place à la négociation collective : la mise entre parenthèses des récentes dispositions législatives. Leur maintien en l'état ne pourrait, à l'évidence, que brouiller la négociation à venir.
La loi du 17 janvier 2002, dite de modernisation sociale, restera sans nul doute dans les annales parlementaires comme le contre-exemple d'un travail législatif de qualité.
M. Gilbert Chabroux. Ben voyons !
M. Alain Gournac, rapporteur. Le volet de ce texte consacré aux licenciements économiques en témoigne avec force.
Composé initialement de six articles, ce volet en comporte désormais trente, la plupart de ces articles ayant été introduits en deuxième lecture à l'Assemblée nationale, à l'issue qui plus est d'une seconde délibération.
Chacun se souvient des circonstances dans lesquelles ils ont été insérés : à la suite de plusieurs annonces de plans sociaux au printemps 2001 et sous la pression d'une partie de sa majorité plurielle, le précédent gouvernement a accepté finalement d'introduire un nombre important d'amendements conduisant à réformer profondément notre droit du licenciement économique.
Cette loi de circonstance élaborée à la hâte ne pouvait toutefois apporter une réponse satisfaisante, tant elle restait marquée par ses deux défauts originels.
Sur la méthode, les partenaires sociaux n'ont en aucune manière été associés, ni même consultés. Auditionnés en juin 2001 par la commission, ils ont d'ailleurs fait unanimement part de leurs réserves, plus ou moins fortes, sur la méthode retenue, mais aussi sur la nature même des dispositions introduites, ce qui m'amène au fond.
Sur le fond, ces dispositions ont pour effet d'accroître à l'extrême la complexité des procédures de licenciement économique sans pour autant les rendre plus protectrices pour les salariés, mais en accentuant encore les freins à l'investissement et l'insécurité juridique pour les entreprises.
De fait, le texte renforce la dimension déjà principalement procédurale de notre droit du licenciement. Il écarte par là même toute possibilité d'accroître la place encore trop restreinte accordée à la négociation collective dans la conduite des restructurations.
Le Gouvernement a donc logiquement souhaité, conformément à ses engagements, revenir sur une partie de ces dispositions pour laisser toute sa place au dialogue social. Le présent projet de loi prévoit donc de suspendre, pour une durée limitée, l'application des dispositions les plus critiquées de la loi du 17 janvier dernier.
Mais, contrairement à ce que certains laissent entendre, la portée de ce texte est loin de se limiter à cette seule dimension. Il constitue en effet une première étape dans la voie de la réforme de notre droit du licenciement économique. Pour cela, il en définit la méthode et en organise les conditions.
La méthode, c'est celle du dialogue social, qui doit retrouver toute sa place sur ce sujet difficile.
La condition, c'est la mise entre parenthèses des dispositions les plus critiquables de la loi du 17 janvier 2002, qui nécessitent un réexamen par les partenaires sociaux.
La méthode, tout d'abord : ces dernières années, malgré l'évolution de la situation de l'emploi et en dépit des mouvements de restructuration, le droit du licenciement économique n'a réservé qu'une place trop restreinte au dialogue social.
Au niveau national et interprofessionnel, le dernier accord majeur en la matière date du 20 octobre 1986.
Au niveau de l'entreprise, la réglementation actuelle n'accorde qu'un rôle très subsidiaire à la négociation collective au détriment des procédures d'information et de consultation des institutions représentatives du personnel.
Le présent projet de loi entend redynamiser le dialogue social à ces deux niveaux.
Au niveau interprofessionnel, le projet de loi constitue une invitation explicite et solennelle aux partenaires sociaux pour engager une nouvelle négociation nationale interprofessionnelle, préalable indispensable à toute nouvelle intervention législative.
C'est en effet seulement au vu des résultats de la négociation que sera ultérieurement présenté un projet de loi « définissant les procédures relatives à la prévention des licenciements économiques, aux règles d'information et de consultation des représentants du personnel et aux règles relatives au plan de sauvegarde de l'emploi ».
Le présent texte ne préjuge donc en rien des résultats de la future négociation et se contente simplement d'organiser les conditions les plus favorables possibles à son déroulement.
Il s'agit donc bien d'un texte de méthode. Il répond en cela à l'appel du Président de la République dans son message lu au Parlement le 2 juillet dernier : « Nous devons également inscrire dans notre pratique et notre droit la priorité donnée au dialogue social. Les partenaires sociaux seront systématiquement invités à négocier sur les grandes réformes qui intéressent les relations du travail, avant toute initiative législative du Gouvernement. »
Je ne méconnais certes pas les difficultés que ne manqueront pas de rencontrer les partenaires sociaux pour aboutir à un accord en la matière. Je considère toutefois que les possibilités de réussite sont réelles.
J'ai auditionné les représentants des partenaires sociaux qui seront partie à cette négociation. Il ressort nettement de ces entretiens que tous sont aujourd'hui ouverts à la discussion. Je m'en félicite, et je salue les évolutions qui ont pu intervenir ici ou là.
M. François Marc. N'importe quoi ! Vous rêvez !
M. Roland Muzeau. C'est bientôt Noël !
M. Alain Gournac, rapporteur. Pour autant, j'estime que, pour aboutir à un compromis constructif, cette négociation ne pourra se limiter à aborder la seule question des procédures de licenciement, mais devra embrasser plus largement l'ensemble de la question de l'emploi. Je fais ici confiance à l'esprit de responsabilité des partenaires sociaux. Je crois d'ailleurs qu'ils auraient quelque mal à demander que la loi laisse suffisamment d'espace à la négociation collective tout en se défaussant sur le législateur en cas de difficulté.
En deçà de l'échelon national, le projet de loi vise également à redynamiser la négociation d'entreprise en favorisant la conclusion d'accords lors de licenciements économiques collectifs. Cela relève du bon sens que de privilégier le dialogue constructif plutôt que la confrontation stérile.
Ainsi, le droit européen insiste sur la nécessité de rechercher un accord. La directive du 20 juillet 1998 sur les licenciements collectifs prévoit que, « lorsqu'un employeur envisage d'effectuer des licenciements collectifs, il est tenu de procéder, en temps utile, à des consultations des représentants des travailleurs en vue d'aboutir à un accord ».
Déjà, de nombreux pays européens subordonnent la mise en oeuvre des plans sociaux à la recherche d'un accord : c'est le cas, notamment, de l'Allemagne, de l'Espagne et de l'Italie.
Cependant, la France se singularise par la faiblesse de sa culture de la négociation d'entreprise en matière de licenciements économiques.
Le projet de loi vise quant à lui à favoriser cette négociation. Il prévoit d'instituer, à cette fin, des accords expérimentaux permettant de mettre en place des procédures mieux adaptées aux réalités et aux spécificités de chaque entreprise.
Cette démarche expérimentale n'est pas une création ex nihilo ; elle s'inspire largement des « accords de méthode » qui ont pu être conclus avec succès dans certaines entreprises ces dernières années.
Malgré la diversité des cas, on retrouve dans ces accords de méthode deux types de dispositions qui me semblent tout à fait intéressantes : d'abord, l'aménagement des délais de procédure en contrepartie d'un engagement sur la précocité de l'information, sur la qualité de la concertation et sur l'octroi de moyens supplémentaires pour les représentants du personnel ; ensuite, la création de structures paritaires ad hoc , soit pour définir une méthode en amont de la procédure, soit pour gérer de façon paritaire l'exécution du plan de sauvegarde de l'emploi.
L'article 2 du projet de loi autorise la conclusion de tels accords expérimentaux pour une durée n'excédant pas deux ans. Il vise, en cela, à donner une base légale et claire aux accords de méthode déjà signés et à encourager leur développement.
L'objectif est alors, au-delà de la seule définition des procédures applicables, d'encourager les partenaires sociaux à élaborer un compromis et de favoriser ainsi le reclassement des salariés.
Ces accords expérimentaux revêtent une double particularité.
En premier lieu, ils peuvent être, le cas échéant, dérogatoires aux dispositions des livres III et IV du code du travail, à l'exception des dispositions relatives au contenu de l'information transmise au comité d'entreprise et à la procédure applicable aux entreprises en redressement ou en liquidation judiciaire.
L'introduction d'une telle possibilité de dérogation était, à l'évidence, incontournable. Les livres III et IV du code du travail déterminent notamment, en effet, les délais de la procédure applicable. Dès lors, si l'on veut que ces accords puissent permettre d'adapter la procédure, il devenait indispensable d'introduire une possibilité de dérogation. A défaut, les accords auraient été constitutifs du délit d'entrave.
La possibilité de dérogation reste toutefois fortement encadrée : elle ne devrait concerner que l'aménagement des délais de procédure et le nombre de réunions des représentants du personnel.
En second lieu, la validité de l'accord est subordonnée au respect d'un nouveau principe majoritaire. On comprend volontiers que, dans le souci de renforcer la légitimité de tels accords, le Gouvernement ait souhaité les assortir de l'obligation d'avoir été conclus par les organisations syndicales majoritaires dans l'entreprise. Il reste qu'une telle disposition s'écarte quelque peu des propositions formulées par les partenaires sociaux dans la prise de position commune du 16 juillet 2001 sur les voies et moyens de l'approfondissement de la négociation collective et risque d'anticiper sur la négociation à venir et sur le projet de loi, annoncé par le Gouvernement, portant réforme de la négociation collective. Pour autant, le dispositif reste expérimental et doit donc être considéré en tant que tel.
J'estime que ces accords expérimentaux constituent autant de chances dans l'attente de la conclusion d'un accord national interprofessionnel et pourront aider, après évaluation approfondie, à nourrir cette négociation, et, le cas échéant, à préparer le futur projet de loi.
Fondée sur la relance du dialogue dans le domaine de la prévention et de l'accompagnement des licenciements économiques, la démarche du Gouvernement se heurte aujourd'hui à certaines dispositions de la loi du 17 janvier dernier qui ne relèvent pas de cette logique de négociation.
Aussi le projet de loi prévoit-il de suspendre provisoirement, le temps que la négociation nationale interprofessionnelle porte ses fruits, les dispositions de ce texte relatives aux procédures de licenciement : j'approuve pleinement cette démarche.
Je considère, à ce propos, que le débat qui a pu naître ici ou là sur les mérites comparés de l'abrogation et de la suspension n'a finalement plus grand sens. Dans les deux cas, il s'agit de revenir au droit applicable antérieurement à la loi du 17 janvier dernier, dans l'attente d'une évolution de notre législation.
M. Roland Muzeau. C'est une marche arrière !
M. Alain Gournac, rapporteur. Cette suspension s'articule d'ailleurs autour de la négociation nationale interprofessionnelle et des suites qui pourront lui être données.
C'est ainsi que la suspension est prévue pour une durée maximale de trente mois, cette durée laissant suffisamment de latitude aux partenaires sociaux pour engager une négociation dans la sérénité et pour parvenir, comme je le souhaite, à un accord qui servira de base à la future législation.
Le projet de loi, dont le contenu sera déterminé au vu des résultats de la négociation interprofessionnelle, devrait toutefois être déposé, que la négociation aboutisse ou non. Tout statu quo s'agissant de notre droit du licenciement serait en effet préjudiciable tant aux entreprises qu'aux salariés. En l'absence d'accord, il appartiendra donc au législateur de prendre ses responsabilités.
L'article 1er du projet de loi détermine le champ des dispositions suspendues.
Le volet « licenciement » de la loi du 17 janvier 2002 comporte trente articles, mais le projet de loi ne prévoit la suspension de l'application que de neuf d'entre eux.
M. Roland Muzeau. Pour l'instant !
M. Alain Gournac, rapporteur. Six de ces articles concernent très directement le déroulement des procédures collectives.
Les articles 97 et 98 imposent aux chefs d'entreprise, avant toute restructuration ayant pour conséquence la suppression d'au moins cent emplois, de présenter aux organes de direction et de surveillance une étude d'impact social et territorial des conséquences de la restructuration.
L'article 99 instaure une séparation stricte des procédures de consultation des représentants du personnel sur le projet de restructuration au titre du livre IV, d'une part, et sur le plan de sauvegarde de l'emploi au titre du livre III, d'autre part.
Les articles 101 et 106 introduisent, notamment, un nouveau droit d'opposition, pour le comité d'entreprise, au projet de restructuration, qui prend la forme de la saisine d'un médiateur.
L'article 116 élargit les pouvoirs de l'inspection du travail, permettant, en particulier, d'exiger une réunion supplémentaire du comité d'entreprise si l'inspection du travail constate une carence dans le contenu du plan social.
Les articles 102 et 104 sont des articles de cohérence rédactionnelle tirant les conséquences de l'article 101. Le dernier article, l'article 109, est relatif aux critères présidant à la fixation de l'ordre des licenciements et supprime le critère de qualité professionnelle.
Je passerai brièvement sur l'appréciation de ces dispositions ; nous en avons suffisamment débattu voilà quelques mois. Je rappellerai simplement que la commission avait alors proposé soit de les supprimer, soit de les modifier.
En revanche, je souhaite insister sur le champ relativement restreint des dispositions suspendues. Cela tient à la logique même du projet de loi ; le texte renvoie, en effet, à la négociation nationale interprofessionnelle le soin de déterminer les voies et moyens permettant de faciliter le dialogue social, au sein de l'entreprise, sur les projets de restructuration. Il annonce également un futur projet de loi portant sur les procédures de prévention des licenciements économiques. Dès lors, il était logique que, par cohérence avec le cadre de la négociation et avec celui du futur projet de loi, le champ des dispositions suspendues se limite aux dispositions relatives à la procédure de licenciement.
Lors de l'examen du texte en première lecture, l'Assemblée nationale a étendu le champ de la suspension à deux nouveaux articles : les articles 96 et 100 de la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002. Cette extension ne saurait surprendre et correspond pleinement à la logique du projet de loi, dans la mesure où les articles en question ont également trait aux procédures applicables en cas de restructuration.
Ainsi, l'article 96 - dit « amendement Michelin » - introduit, en ce qui concerne les entreprises employant au moins cinquante salariés, l'obligation, pour l'employeur, d'engager une négociation sur un accord de réduction du temps de travail préalablement à l'établissement d'un plan social et à sa communication aux représentants du personnel.
De même, l'article 100 prévoit que toute annonce publique, par un chef d'entreprise, de mesures ayant des conséquences pour l'emploi et pour les conditions de travail doit avoir, au préalable, fait l'objet d'une information du comité d'entreprise.
Lors des débats sur le projet de loi de modernisation sociale, la commission avait, là encore, formulé les plus vives réserves sur ces deux articles. Elle ne peut donc que souhaiter à son tour leur suspension.
Au-delà de la simple extension du champ des articles suspendus, l'Assemblée nationale a, en outre, souhaité modifier au fond deux dispositions issues de la loi du 17 janvier 2002 : elles concernent la lutte contre le harcèlement moral au travail.
Notre assemblée avait, en son temps, souscrit à cet objectif, et avait d'ailleurs largement contribué à l'élaboration de ces nouvelles dispositions. Cependant, nous avions également souligné, à l'époque, le manque de cohérence de certaines des dispositions adoptées par l'Assemblée nationale, qui risquaient de déséquilibrer fortement la nouvelle législation et d'aboutir à une judiciarisation excessive des relations du travail.
En première lecture, l'Assemblée nationale a modifié le dispositif sur deux points dans le sens qu'avait alors préconisé la commission des affaires sociales du Sénat.
Tout d'abord, elle a rééquilibré le régime de la charge de la preuve devant le juge, compte tenu des réserves d'interprétation formulées par le Conseil constitutionnel. Ce régime reste toutefois plus favorable au demandeur que le droit commun et devient, de ce fait, pleinement conforme au droit européen.
Ensuite, elle a simplifié la procédure de médiation, afin de permettre un rapprochement effectif des parties et de prévenir ainsi toute procédure judiciaire.
Enfin, l'Assemblée nationale a inséré un article 6, sur l'initiative du Gouvernement, visant à mettre à la charge du fonds de solidarité vieillesse, le FSV, le financement des cotisations de retraite complémentaire des bénéficiaires de l'allocation équivalent retraite, l'AER.
La commission a déjà fait part de sa grande réticence quant à l'intervention du FSV dans le champ de la protection sociale complémentaire. Le coût de la mesure proposée par le Gouvernement, évalué à 3,9 millions d'euros, pose moins un problème de montant qu'un problème de principe.
Toutefois, prenant acte du fait que le dispositif présenté vise à répondre dans l'immédiat à une demande justifiée des régimes complémentaires, et sous le bénéfice des engagements pris par le Gouvernement d'aboutir rapidement à une remise en ordre des circuits financiers de la sécurité sociale, la commission a jugé possible d'accepter, à titre transitoire, cette extension des missions du FSV.
En conclusion, la commission des affaires sociales du Sénat souscrit très largement aux dispositions du présent projet de loi. Il ne constitue, certes, qu'une première étape dans la nécessaire réforme de notre droit du licenciement économique, mais il en fixe clairement la méthode - celle du dialogue social - et met en place les conditions nécessaires à son aboutissement. La commission ne vous propose donc pas, mes chers collègues, de modifier le présent projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 83 minutes ;
Groupe socialiste, 43 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 18 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 16 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, 7 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Gilbert Chabroux. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Gilbert Chabroux. Monsieur le ministre, le jeu de massacre continue !
M. Nicolas About, président de la commission. Ah !
M. Gilbert Chabroux. En juillet dernier, vous annonciez la fin des emplois-jeunes ; en octobre, vous portiez un coup d'arrêt à la réduction du temps de travail : c'était l'abrogation, de fait, de la loi sur les 35 heures. Vous venez d'ailleurs de le confirmer en remettant en cause l'accord paritaire qui avait été signé dans le secteur de l'hôtellerie et de la restauration.
Quelle conception avez-vous du dialogue social ? Cet accord - faut-il le rappeler ? - avait été signé par des syndicats majoritaires : quelle confiance pouvons-nous donc vous accorder aujourd'hui, lorsque vous nous dites que vous voulez relancer la négociation collective ?
La présentation, voilà deux semaines, de votre projet de budget pour 2003 a constitué une nouvelle étape. Les crédits alloués à l'emploi et au traitement social du chômage subiront des coupes claires : le programme TRACE, le trajet d'accès à l'emploi, est durement frappé, la dotation aux CES, les contrats emploi solidarité, est fortement réduite, les crédits affectés aux CEC, les contrats emploi consolidés diminuent également, l'insertion par l'économique voit ses moyens régresser.
Aujourd'hui, vous vous attaquez à la loi de modernisation sociale.
M. Nicolas About, président de la commission. Ou plutôt : « dite de modernisation sociale » !
M. Gilbert Chabroux. Que restera-t-il de l'oeuvre accomplie par le précédent gouvernement dans le domaine économique et social ? Rien, me répondrez-vous !
M. Nicolas About, président de la commission. Heureusement !
M. Gilbert Chabroux. Que faut-il penser de cette méthode de « détricotage », de démolition que vous érigez en principe ?
M. Nicolas About, président de la commission. C'est l'alternance !
M. Gilbert Chabroux. D'abord, détruire !
M. Alain Gournac, rapporteur. Pas du tout !
M. Nicolas About, président de la commission. Non, reconstruire !
M. Gilbert Chabroux. Quelles en seront les conséquences pour notre pays, alors que la situation de l'emploi ne cesse de se dégrader ? Peut-on impunément supprimer tous les outils de lutte contre le chômage qui avaient été mis en place au cours des années précédentes ? Peut-on élaborer une politique digne de ce nom avec des suppressions, des amputations, des démolitions ?
M. Nicolas About, président de la commission. On supprime les entraves ! On libère !
M. Gilbert Chabroux. Certes, pour ce qui concerne les 35 heures, vous ne vous attaquez pas frontalement à la loi. Vous prétendez « assouplir » - c'est un mot que vous aimez - le droit de licenciement en suspendant l'application des articles qui constituaient un frein aux licenciements économiques. Vous voulez les suspendre pendant dix-huit mois, en espérant que patronat et syndicats mettront à profit ce délai pour négocier et se mettre d'accord sur un nouveau dispositif.
M. Nicolas About, président de la commission. Il est vrai qu'ils en ont perdu l'habitude !
M. Gilbert Chabroux. Vous incitez les partenaires sociaux à signer un accord national interprofessionnel,...
M. Alain Gournac, rapporteur. C'est exact !
M. Gilbert Chabroux. ... mais vous savez bien que c'est une abrogation de fait qui est ainsi engagée, puisque vous avez vous-même déploré le manque de volonté de négocier du patronat et des syndicats.
M. Alain Gournac, rapporteur. Cela évolue !
M. Gilbert Chabroux. Le président du MEDEF a déclaré que « la suspension de la loi de modernisation sociale est une subtilité non désirée par les partenaires sociaux ».
M. François Marc. Alors ?
M. Gilbert Chabroux. Il a ajouté qu'il « doute très fort de la capacité qu'auraient les syndicats d'accepter les propositions des employeurs dans ce domaine, et réciproquement ».
Il considère enfin que le problème des licenciements est un sujet de discussion et non de négociation,...
M. Alain Gournac, rapporteur. Cette déclaration date de septembre !
M. Gilbert Chabroux. ... une discussion qui, sans doute, n'engage à rien.
Pourquoi le patronat négocierait-il, puisqu'il obtient l'essentiel, à savoir la suspension, sans risque de retour en arrière, de la loi de modernisation sociale ?
Les syndicats, quant à eux, selon le compte rendu de la sous-commission nationale de la négociation collective, sont résolument opposés à votre projet, monsieur le ministre. Quel sens aurait cette négociation, quand on sait d'avance qu'elle a pour objet de rendre les licenciements économiques plus faciles, et quel sens a votre projet de loi s'il ne peut y avoir de véritable négociation, une négociation qui puisse aboutir ?
Les députés de l'UDF ont fait observer que la suspension va entraîner un imbroglio juridique, ce qui n'est pas faux, et ils ont cherché à amender votre texte. Dans cette enceinte, la droite n'a apparemment rien, ou presque, à dire !
M. Alain Gournac, rapporteur. Pourtant, j'ai parlé longtemps !
M. Gilbert Chabroux. Nous en sommes surpris ! J'attendais que l'UDF s'exprime aussi au Sénat, présente des amendements, mais nous sommes dans une situation inédite : la commission des affaires sociales n'a déposé aucun amendement, alors qu'elle s'était toujours honorée, jusqu'à présent, d'apporter sa contribution au débat.
M. Roland Muzeau. Ils n'ont pas obtenu l'autorisation !
M. Nicolas About, président de la commission. Nous allons nous rattraper ! M. Gilbert Chabroux. Vous allez revenir à la législation qui s'appliquait en 1986 et 1989, comme s'il ne s'était rien passé depuis quinze ans, comme s'il n'y avait pas eu l'affaire Michelin, comme s'il n'y avait pas eu l'affaire Marks & Spencer, comme s'il n'y avait pas eu de licenciements boursiers, comme si la situation ne s'était pas considérablement dégradée avec la multiplication de plans sociaux qui n'ont pour objet, dans bon nombre de cas, que de réunir les conditions nécessaires pour accroître le profit et faire en sorte qu'il dépasse 10 % !
Peut-on ne pas réagir - le Gouvernement ne l'a pas fait - aux propos tenus par Guillaume Sarkozy, vice-président du MEDEF, qui a déclaré : « Je suis fier d'être un patron qui délocalise » ?
Qu'en pensez-vous ? Comment réagissez-vous ?
Depuis le début du mois de septembre, 150 000 emplois sont menacés par de nouveaux plans sociaux. Chaque jour apporte son lot de mauvaises nouvelles : la semaine dernière, c'était, entre autres, Gemplus et Daewoo qui annonçaient de fortes réductions d'effectifs. Et ce n'est pas la loi de modernisation sociale qui a créé cette situation puisque, malheureusement, elle n'est pas entrée en application : le temps a manqué pour cela. La partie de la loi de modernisation sociale relative aux licenciements économiques appelait six décrets : cinq ont été transmis au Conseil d'État, qui en a examiné deux. Ces deux décrets ont été publiés avec le décret simple, avant le deuxième tour de l'élection présidentielle. Les autres décrets n'ont pas pu être pris. Vous ne pouvez donc pas rendre la loi de modernisation sociale responsable de tous les maux !
Cette situation qui se dégrade jour après jour doit vous interpeller.
Que faites-vous, qu'allez-vous faire pour résister à cette vague de plans sociaux ? Laisserez-vous les patrons ouvrir toutes grandes les vannes des licenciements et proclamer leur fierté de délocaliser ? Comment peut-on être fier de fermer des entreprises et de licencier, avec toutes les conséquences humaines que l'on sait ?
M. François Marc. C'est incroyable !
M. Gilbert Chabroux. N'est-ce pas un signal dangereux que vous donnez au patronat en suspendant la loi de modernisation sociale ?
Qui plus est, pourquoi allez-vous au-delà de votre texte initial en acceptant de supprimer l'amendement « Michelin », qui obligeait les entreprises à négocier les 35 heures avant de procéder à un plan social ? C'était pourtant un préalable bien normal !
Comment admettre que les salariés licenciés n'aient plus de temps de travail du tout tandis que d'autres font des heures supplémentaires ?
La valeur emblématique de cet amendement n'ayant pu vous échapper, ne peut-on y voir le signe d'une volonté de « revanche sociale » ?
Peut-être pouvez-vous encore revenir sur l'amendement adopté à l'Assemblée nationale ? Si vous ne le faites pas, ce sera un acte de régression sociale caractérisé et vous en endosserez la responsabilité. Pour notre part, nous présenterons un amendement de suppression et nous verrons bien...
Il en va de même pour le harcèlement moral au travail. Vous avez en ce domaine également accepté de remettre en cause des dispositions de la loi de modernisation sociale qui constituaient une avancée sociale majeure. Nous avions pourtant eu un débat intéressant sur ce sujet.
Vous savez bien que le harcèlement moral au travail est, hélas ! un phénomène très répandu.
Selon le Bureau international du travail, la France est en tête des pays avancés en matière de violence au travail. L'INSEE estime ainsi que 7 millions de Français sont concernés. La médecine du travail évalue à plus de 90% le nombre de médecins ayant eu connaissance d'au moins un cas de harcèlement au travail, et 21% d'entre eux jugent ce phénomène fréquent.
Ces chiffres viennent d'être rappelés par M. Paul Ariès, politologue, professeur de management, dans un article publié par le journal Libération du 9 décembre 2002, sous le titre : « L'entreprise, cette mauvaise mère ». Selon Paul Ariès, « il est grand temps de s'intéresser aux fantasmes managériaux - idée d'un monde sans limites, culte de la toute-puissance - pour prendre conscience qu'une partie du patronat "intégriste" a perdu le sens des réalités ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.) Or c'est dans ce contexte que vous avez accepté les dispositions proposées par les députés de droite qui veulent revenir sur la charge de la preuve. Ces dispositions vont rendre pratiquement impossible tout recours par les salariés. Elles constituent, vous le savez, un obstacle quasi infranchissable. C'est une régression.
Mais revenons au projet de loi.
Le motif essentiel que vous invoquez à l'appui de ce projet de loi, c'est que la France perdrait de son attractivité économique et que les procédures en vigueur dans notre pays seraient dissuasives. Or « la France est plus attractive que jamais », selon le titre d'un article du journal Le Monde en date du 26 novembre 2002.
Le Gouvernement, Premier ministre en tête, a mis en scène, à l'exemple du Chef de l'Etat, le scénario d'un prétendu déclin de notre pays en exploitant, sans scrupules, un simple sondage d'opinion réalisé par le Forum économique mondial auprès de dirigeants d'entreprise qui rétrograderait la France de la vingtième à la trentième place en matière de compétitivité.
Or l'Organisation de coopération et de développement économique, l'OCDE, établit clairement qu'en 2001 la France a été l'un des rares pays développés à avoir attiré plus d'investissements étrangers qu'en 2000. Elle apparaît comme le troisième pays d'accueil pour les investissements directs à l'étranger. Surtout, loin de décliner, ces investissements ont progressé en France de 23 % de 2000 à 2001. Or, 2001, c'était l'année de naissance de la loi de modernisation sociale. Il faut croire qu'elle ne faisait pas peur autant que vous le dites aux investisseurs étrangers !
Vous avez déclaré que cette loi était connue dans le monde entier. Ce doit être en bien ! Le secrétaire d'Etat au commerce extérieur vient d'ailleurs de confirmer l'attrait de notre territoire dans son rapport d'activité pour 2001. Vous n'allez pas le démentir ! Il a ajouté : « Les données de la Banque de France confirment la situation exceptionnelle de notre pays. Les investissements étrangers représentent désormais 4 % du PIB, contre 3,3 % en 2000. »
M. François Marc. C'est la vérité !
M. Gilbert Chabroux. Faut-il ajouter que les perspectives pour 2002 sont, selon la Conférence des Nations unies pour le commerce et le développement, laCNUCED, plus encourageantes encore qu'en 2001 ? Dans un rapport de cet organisme, on peut lire : « Les entrées d'investissements directs étrangers pourraient pour la première fois en trois décennies atteindre des niveaux presque comparables à ceux observés aux Etats-Unis. »
M. Alain Gournac, rapporteur. C'est grâce à la nouvelle majorité !
M. Gilbert Chabroux. Dès lors, je répète ma question : la loi de modernisation sociale est-elle un épouvantail ? Est-elle responsable de tous les maux, y compris de ceux qui n'existent que dans l'imagination de la droite ?
M. François Marc. Eh oui !
M. Gilbert Chabroux. Les articles que vous voulez suspendre ne méritent pas l'opprobre. Ils visent simplement à s'opposer aux licenciements abusifs, ils améliorent la concertation avec les salariés et les acteurs extérieurs à l'entreprise, les élus locaux par exemple, qui sont forcément intéressés par une étude d'impact social et territorial.
Ces dispositions existent dans d'autres pays, en Allemagne notamment. Il faut cesser de dire qu'en France les procédures sont beaucoup plus lourdes qu'ailleurs !
En France, le seuil de déclenchement de la procédure de licenciement collectif se situe à dix licenciements en un mois, alors qu'il est à cinq en Allemagne et en Suède et à dix sur trois mois en Espagne.
Concernant l'ordre des départs, la France est l'un des pays les plus souples alors que c'est souvent, dans les autres pays, le principe du « dernier rentré, premier sorti » qui s'applique.
Autre différence : en France, en Belgique, au Royaume-Uni et en Suède, la procédure d'information-consultation du comité d'entreprise n'est pas axée sur la recherche d'un accord alors qu'en Allemagne, en Italie et en Espagne elle doit obligatoirement se conclure par un accord. En Espagne subsiste encore l'autorisation administrative de licenciement.
Il est vrai que l'application de la loi de modernisation sociale aurait pour effet d'allonger la procédure - de trois semaines en cas de désaccord entre les partenaires sociaux - mais d'autres pays comme l'Allemagne et la Suède ont des délais encore plus longs. En tout état de cause, s'il s'agit de sauver des emplois, qui pourrait se plaindre de consacrer un peu plus de temps pour ne pas bâcler un plan social ?
Vous évoquez toujours les contraintes insupportables qui conduisent les entreprises à déposer leur bilan faute d'avoir pu licencier à temps.
Il y a toujours trop de charges, trop de procédures, mais, selon l'INSEE, le nombre de défaillances d'entreprises a baissé sensiblement depuis 1997.
On se souvient de ce que disaient les patrons de l'autorisation administrative de licenciement et des promesses d'embauche qu'ils faisaient en échange de sa suppression.
M. Nicolas About, président de la commission. C'était le temps de la croissance !
M. Gilbert Chabroux. Qu'en a-t-il été des 350 000 emplois qui devaient être créés ?
N'est-ce pas un nouveau marché de dupes qui se prépare ?
M. Nicolas About, président de la commission. Où sont les fruits de la croissance ?
M. Gilbert Chabroux. Les salariés risquent bien, en effet, d'être dupés par les accords d'entreprise que vous encouragez en vous inspirant des « accords de méthode » déjà signés dans de grandes entreprises. Ces accords d'entreprise seraient dérogatoires à la loi en matière d'information et de consultation du personnel. La négociation ne se développerait donc non pas de façon complémentaire à la loi, mais en se substituant à celle-ci.
Les syndicats y voient une brèche dans l'ordre public social et dans la hiérarchie des normes. Alors que l'on connaît la pression qui s'exerce sur les négociations dans le cadre des plans de restructuration et de licenciement, de tels accords consistent pour l'employeur à faire entériner par les syndicats ses objectifs économiques et à faire en sorte que les salariés en assument les conséquences négatives.
De fait, c'est l'égalité entre les salariés qui est remise en cause si chaque entreprise fixe ses propres règles. C'est faire fi du principe d'égalité. La protection du salarié, qui est, à l'origine, l'objectif poursuivi par le code du travail, est ainsi mise à mal.
Il est pourtant évident qu'il faut disposer d'un socle minimum de garanties pour assurer la protection des salariés. L'objectif devrait être la conclusion d'accords collectifs plus favorables aux salariés, alors qu'au contraire vous ouvrez la voie à des accords moins favorables.
Monsieur le ministre, le texte que vous nous présentez aujourd'hui aura les mêmes effets que ceux que vous nous avez présentés au cours des derniers mois. Je pense en particulier au projet de loi qui remet en cause la réduction du temps de travail : il a pour objectif de faciliter les plans sociaux en supprimant le frein que constituait la loi de modernisation sociale, il ne peut donc conduire qu'à une aggravation du chômage alors que la situation est particulièrement inquiétante.
On ne peut qu'éprouver un sentiment de tristesse devant un tel gâchis. Vous aurez, en six mois, réussi à détruire tous les outils de lutte contre le chômage qui avaient été mis en place par le gouvernement précédent et qui avaient fait leurs preuves. Il nous restera maintenant, hélas ! à mesurer les effets désastreux de cette « politique de la hache » sur l'économie et la vie sociale de notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC).
M. le président. La parole est à M. Bernard Seillier.
M. Bernard Seillier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous ne serez pas étonnés que mon analyse soit diamétralement opposée à celle que vient de présenter l'orateur qui m'a précédé.
Vous avez très clairement et complètement abordé, monsieur le ministre le fond d'une question douloureuse mais qu'il ne faut pas fuir : celle de l'accident de parcours dans la vie de l'entreprise.
La démarche législative que vous nous proposez présente une double qualité, sur le fond et sur la méthode.
Sur le fond, d'abord, il s'agit de refuser la bonne conscience acquise à bon compte mais qui, sous-estimant la puissance de la réalité économique, conduit plus tard à un drame plus grand que celui que l'on prétendait éviter.
Face à la perspective d'un licenciement économique, il est plus facile d'accumuler les obstacles de procédure que de permettre à l'entreprise de retrouver la santé, fût-ce au prix d'un déchirement qu'il faut, au contraire, rendre passager.
En fait, comme vous l'avez bien dit, une telle méthode est une incitation à contournement, soit par des pratiques perverses, soit par des délocalisations. Il est compréhensible que les entreprises cherchent à alléger les contraintes qui pèsent d'une façon qu'elles jugent excessive sur leur existence.
La version extrême de cette inclination consiste à vouloir supprimer toute entrave, en imaginant qu'une telle forme de liberté non régulée serait, tout compte fait, la plus favorable à la création d'emplois. On prétend ainsi permettre au tissu économique de respirer au rythme de la conjoncture et de l'innovation. On sait en effet ce qu'ont pu coûter en termes humains et financiers certaines évolutions refusées au moment opportun et qui ont conduit plus tard à des reconversions en catastrophe de bassins industriels complets !
On reconnaît bien là les thèses du libéralisme économique dans leur version la plus dure. Dans l'abstrait, elles ne sont pas fausses ; mais leur grand défaut est de ne pas tenir compte d'une réalité essentielle qui touche, comme vous l'avez dit, au pacte social C'est là le fond véritable du problème : celui de l'humanisme dans l'entreprise.
C'est sur ce souci d'humanisme que peut se contruire toute une philosophie de la relation collective dans le travail, de la dimension humaine de l'entreprise, philosophie qui s'est notamment affirmée à travers la politique de participation. Elle répond à une aspiration essentielle de l'homme. Je salue à cette occasion le sénateur Alain Gournac, rapporteur de la commission des affaires sociales, qui l'a parfaitement explicitée.
Votre démarche, monsieur le ministre, constitue un réel espoir, après l'anti-modèle que représentait la loi dite de modernisation sociale. Je ne reprendrai pas l'ensemble des points que vous avez mis en lumière pour expliciter votre démarche, le rapporteur les a fort bien soulignés. Ce que j'observe, c'est la cohérence de vos propositions. Il m'apparaît clairement que votre projet possède une unité intérieure qui découle du respect constant du principe d'un humanisme qui place à la base du respect de la dignité des personnes le principe de leur coopération.
La neutralisation des effets aliénants du pouvoir et de ses risques d'arbitraire ne peut pas relever uniquement d'une cohérence de structure, en réalité rapidement inopérante ; seules les personnes elles-mêmes peuvent y parvenir, dans leurs rapports quotidiens, dans leur volonté de restructurer un accord collectif jusque dans l'une des situations les plus difficiles à affronter : la mise en danger de l'avenir de l'entreprise. Le pacte social, véritable vitalité du lien social entre tous les membres de l'entreprise, jusqu'à ses dirigeants hiérarchiques - constituera toujours le frein le plus puissant aux licenciements économiques. C'est pourquoi l'erreur serait de limiter la portée de ce texte à une simple déconstruction d'une loi qui se croyait bien à tort protectrice pour les salariés.
Ce projet de loi est bien plus que cela. Il renoue avec une inspiration délaissée depuis trop longtemps en ce domaine, celle de l'humanisme, par opposition au structuralisme. Il n'y a peut-être qu'en matière de santé que cet humanisme est resté relativement actif jusqu'à ce jour, à travers les démarches d'humanisation des hôpitaux et, plus généralement, par le respect croissant de la dignité des malades.
Aujourd'hui, c'est au coeur de la vie de l'entreprise qu'il faut réintroduire - et que vous réintroduisez - la fécondité d'une démarche essentielle pour la société. Je souhaite qu'elle soit comprise, car je suis sûr qu'elle seule peut réussir. Il faut l'expliquer, comme vous venez de le faire, et la faire connaître, car son succès dépend de sa mise en oeuvre par les acteurs mêmes de la vie quotidienne dans l'entreprise.
La démarche engagée par le Gouvernement sur plusieurs plans, notamment sur celui de la décentralisation, est inspirée par cette philosophie. Je la caractériserai par la volonté de réintroduire la responsabilité dans la pratique quotidienne de la vie publique en harmonisant les relations de coopération entre tous ses niveaux d'expression institutionnelle.
J'observe un parallèle entre le progrès de la démocratie sociale qu'offre ce texte et celui de la démocratie locale qu'induit la réforme de la décentralisation.
Les principaux mots clefs sont la coopération et la participation.
Ces questions mériteraient d'être développées, mais le temps qui m'est imparti ne me permet pas de le faire en cet instant.
Je voudrais toutefois souligner un autre grand mérite de ce projet de loi, qui concerne la méthode de la réforme. Il est très important et, par sa qualité, rejoint le fond au lieu de proposer une abrogation des dispositions malencontreuses de la loi dite de modernisation sociale, vous en proposez la suspension pour une durée limitée. On pourrait n'y voir que prudence, et c'en est une, en effet ; mais elle est du meilleur aloi. Car, quelle garantie plus forte pouvons-nous offrir de notre bonne foi que celle du retour à la législation ancienne si la chance donnée à l'initiative créatrice venait par malheur à ne pas être saisie ? Je ne peux l'imaginer.
Cette manière de procéder est certes révélatrice de courage, de confiance dans la méthode retenue ; mais surtout, et c'est fondamental, elle est respecteuse de la philosophie même qui inspire le contenu de ce texte.
Pourrait-on imaginer que, reprochant le dirigisme de la méthode législative antérieure et voulant introduire dans les relations de travail la philosophie de la coopération de chacun à l'oeuvre commune, fût-elle confrontée aux situations les plus dures qui soient, le Gouvernement et le Parlement imposent le chemin de cet humanisme dans l'entreprise ? Ce serait contradictoire !
Ce texte, une fois voté et entré en vigueur, restera une proposition librement offerte qui n'exercera pas de pression sur les acteurs de la négociation dans les entreprises. J'admire l'exemplarité de la méthode et sa cohérence interne. Pouvait-on en attendre moins lorsqu'il s'agit de cohérence sociale ? L'enjeu est considérable.
Puisse l'application de cette future loi connaître un grand succès ! Puissent les juristes, les exégètes du droit du travail, apprécier à leur juste valeur toutes les dimensions que j'ai voulu évoquer brièvement dans mon intervention !
Je vous remercie, monsieur le ministre, d'inscrire dans cette législature un ferment que, personnellement, je souhaite voir se développer avec succès : celui d'une politique humaniste en actes, et non pas seulement en mots.
Je suis certain que votre futur projet de loi relatif à la démocratie sociale confirmera dans toute sa plénitude la qualité d'un esprit que je me plais à voir réapparaître et qui fut celui des créateurs de notre droit social dans ce qu'il offre de meilleur : permettre l'émergence d'une société fondée sur la confiance plutôt que sur la norme. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heure trente.
La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Adrien Gouteyron.)

PRÉSIDENCE DE M. ADRIEN GOUTEYRON
vice-président

M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi portant relance de la négociation collective en matière de licenciements économiques.
J'informe le Sénat que la commission des affaires sociales m'a fait connaître qu'elle a d'ores et déjà procédé à la désignation des candidats qu'elle présentera si le Gouvernement demande la réunion d'une commission mixte paritaire en vue de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion sur le projet de loi portant relance de la négociation collective en matière de licenciements économiques, actuellement en cour d'examen.
Ces candidatures ont été affichées pour permettre le respect du délai réglementaire.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec ce projet de loi, le Gouvernement avance un peu plus dans son entreprise de remodelage profond de la société française.
Il prétend fixer le cadre du débat en expliquant qu'il y aurait, d'un côté, les partisans de l'interventionnisme, d'un protectionnisme, du tout-Etat, et, d'un autre côté, les modernes libéraux.
Non, monsieur le ministre, il y a, d'un côté, le gouvernement d'une droite revancharde, qui veut tout faire pour faciliter, voire encourager ce qui se passe en ce moment concernant la marchandisation du monde - dont des millions de citoyens commencent à percevoir la démence - et, de l'autre côté, ceux qui, comme nous, cherchent des voies nouvelles en s'opposant aux effets catastrophiques, sur les plans économique, social, humain et écologique, de la folie de la compétitivité sous pression financière.
Quoi qu'il en soit il est faux de laisser entendre que l'Etat et le législateur n'auraient plus de rôle à jouer. La question est de savoir lequel.
Vous nous dites : « Le Gouvernement est pour le dialogue social. Il va donc laisser les partenaires sociaux s'entendre sur ce qu'ils veulent voir figurer dans la loi en matière de licenciements. » Permettez-moi d'exprimer quelques doutes, sur la forme comme sur le fond.
En effet, depuis son installation, en juillet dernier, le Gouvernement ne nous a pas habitués à une telle sollicitude, mais plutôt, dans les faits, à un dirigisme sans faille.
Les exemples ne manquent malheureusement pas. Le cas du Crédit Lyonnais est assez représentatif. Alors que les organisations syndicales réclamaient depuis un certain temps, sans l'obtenir, un rendez-vous avec le ministre des finances, ce dernier annonce publiquement que l'Etat procède à la vente aux enchères de cet organisme bancaire. N'est-ce pas mettre tout le monde, notamment les organisations syndicales, devant le fait accompli ?
On peut faire le même constat sur les 35 heures, les emplois-jeunes, le SMIC, l'élaboration du budget pour 2003, les projets de privatisation de grands services publics, entre autres.
Et que dire du refus, quasi officiel, de procéder à un référendum, malgré les promesses faites en avril, sur un sujet aussi important que l'inscription dans la Constitution de la décentralisation ?
Les médias parlent de « détricotage » des lois votées par la gauche. J'aurais, personnellement, envie de parler de dynamitage des droits et des acquis.
Quand on voit que c'est au congrès du MEDEF de l'hôtellerie que le secrétaire d'Etat au tourisme, mandaté par vous-même, monsieur le ministre, vient annoncer qu'il remettait en cause l'accord sur les 35 heures de la branche, accord majoritaire conclu après deux ans et demi de négociations, on ne peut que dire : bonjour le dialogue social !
Force est de constater un écart permanent entre l'affichage sur le dialogue social et les actes de ce gouvernement. En matière de dialogue social, c'est la politique du fait accompli !
Au lieu de permettre à l'Etat d'assumer ses responsabilités en faisant prévaloir l'intérêt général et en répondant aux besoins avec un souci d'équité, la politique gouvernementale vise à réduire l'Etat à la portion congrue. En fait de pragmatisme, ce n'est rien moins qu'une démission consciente et organisée du politique au profit du marché et de la loi du plus fort.
Avec votre projet de loi, il s'agit de laisser tranquilles les chefs d'entreprise dans leur course folle aux profits, d'asseoir le règne des actionnaires. Et tant pis pour les salariés !
Pourtant, le patronat est aussi contraint de s'interroger : un PDG comme M. Louis Schweitzer dénonçait, dans une interview récente au Figaro , les gestions fondées uniquement sur le court terme et sur les cours de la bourse. Voici sa vision de la marche d'une entreprise : « Gérer une entreprise à trop court terme peut provoquer de graves désillusions. » Il ajoutait que « la recherche d'une maximisation à tout instant du cours de la bourse pose problème ».
De la même manière, un économiste comme M. Jacques Généreux, professeur à Sciences Po, donne cette appréciation juste et fine : « Qu'il faille mieux contrôler les patrons ne fait pas de doute, mais la question est : qui doit le faire ? ... En fait, le système capitaliste a été bouleversé par le déchaînement d'une politique de compétition généralisée, la dérégulation des marchés, l'ouverture à la concurrence des services publics, le recul des normes sociales. Par ailleurs, la libre circulation mondiale des capitaux a nourri l'obsession du taux de profit immédiat... Nous sommes désormais dans un contexte de guerre économique mondiale impitoyable et où le seul critère d'évaluation du management est la valeur de l'action et le rendement du capital au cours du dernier trimestre. C'est ce contexte qui est à la fois un pousse-au-crime pour les dirigeants malveillants et un "pousse-à-l'imprudence" pour les autres. »
Monsieur le ministre, vous n'ignorez rien du contexte dans lequel nous sommes. Vous avez pu noter, comme tout le monde, que la déferlante des plans sociaux se poursuit : Alcatel, Vivendi Universal, Thalès, la Snecma, Matra Auto, Gemplus, Hewlett Packard, Casino, les Mines de potasse d'Alsace... La liste est longue, et ce sont plus de 200 000 licenciements économiques qui ont été annoncés rien qu'au premier semestre 2002 !
Toutes les régions de France sont touchées. Dans notre région, 50 000 licenciements économiques sont recensés, et la vôtre, monsieur le ministre, n'est pas à l'abri, avec plus de 5 000 licenciements économiques prévus dans les Pays de la Loire.
Vous dites défendre une société de travail. Vous défendez, en fait, une société des actionnaires.
Monsieur le ministre, il est un peu trop facile d'incriminer la gauche et les quelques avancées qu'avait introduites la loi de modernisation sociale en matière de droits nouveaux des salariés. Ce n'est pas cela qui est en cause, ce sont la guerre économique mondiale et la compétition maximale qui entraînent de tels dégâts économiques et sociaux. Or vous ne faites rien pour vous y opposer, alors que, contrairement à ce que vous avez affirmé, notre groupe, lui, prend en compte cette réalité.
Vous nous dites que la loi de modernisation sociale était une loi de circonstance, élaborée sous le coup de l'émotion à l'annonce des licenciements, notamment chez LU et chez Marks & Spencer. Mais que ne faites-vous autant, ou mieux, à l'annonce de tous ces plans sociaux que vous considérez comme fatals ?
On sait que 80 % des licenciements concernent les PME. La situation devrait vous inciter à vous en préoccuper. Or vous n'en faites rien. Tous ces licenciements sont souvent consécutifs à des décisions des grands groupes donneurs d'ordres, prises au détriment des sous-traitants, généralement des PME-PMI.
De la même manière, vous n'évoquez jamais l'urgence d'un volet formation, dont tous les acteurs sociaux et économiques s'accordent à souligner l'importance cruciale.
Vous jouez sur les mots en parlant de « suspension » des articles qui vous gênent. Vous ne trompez que ceux qui veulent bien se laisser tromper ! Chacun peut mesurer, dans votre style de gouvernance, la répartition des rôles entre le Gouvernement et le MEDEF : l'un prononce publiquement ses exigences, l'autre donne l'image d'un modérateur soucieux des équilibres. La suspension pendant dix-huit, voire trente mois n'est en fait qu'un trompe-l'oeil. Il n'y aura pas de retour à la case départ, ni, a fortiori , d'avancées. D'ailleurs notre collègue Alain Gournac vient de déclarer que votre projet réformait en profondeur le droit de licenciement : le ton est donné !
Je suspens, dites-vous. Mais soyons sérieux ! Il s'agit bel et bien d'une suppression puisqu'il est question, à l'issue du délai, non de rétablir le texte, mais d'adopter une nouvelle réglementation à partir d'un hypothétique accord interprofessionnel, dont la signature pourra d'ailleurs être minoritaire.
En fait, il s'agit de supprimer les quelques garanties que les salariés avaient obtenues grâce à leurs luttes et d'assurer le retour au pouvoir absolu des employeurs.
A cet égard, la suppression de l'article 109 de la loi de modernisation sociale est particulièrement révélatrice. Cette disposition introduisait un peu de justice en matière de licenciements par la suppression des critères liés aux qualités professionnelles. Avec la disparition de cette mesure, les employeurs pourront de nouveau peser sur le choix des salariés à licencier en jouant sur les critères liés aux qualités professionnelles, ce qui aggravera considérablement la situation des salariés les plus fragilisés.
D'ores et déjà, les organisations syndicales ont exprimé leur désaccord total à l'égard de votre projet, en faisant valoir, notamment pour les syndicats de salariés, que la négociation envisagée fera porter aux organisations syndicales la responsabilité de rendre les licenciements plus faciles - pour FO et la CGT -, que la loi ne joue plus son rôle de filet de sécurité - pour la CFTC -, que les accords d'entreprise peuvent remettre en cause le droit du travail - pour la CGC. Il est vrai que ce projet de loi touche à des questions très sensibles pour les salariés : celle de leur droit à l'emploi, celle de leurs garanties et de leur protection en cas de licenciements ainsi que celle de la responsabilité des chefs d'entreprise face à l'emploi.
Ces dernières années, le recours massif aux licenciements pour motif économique a plongé des millions de nos concitoyens dans le chômage, provoquant ainsi une situation d'insécurité sociale pour une part grandissante des salariés et de leurs familles.
Dans le même temps, les entreprises ont usé et abusé, pour des centaines de milliers de salariés, des CDD, des contrats d'intérim et du temps partiel comme variables d'ajustement.
Ainsi, c'est toute la société qui se trouve fragilisée par le nombre de sans-emploi et de personnes en situation précaire. Outre les conséquences désastreuses sur le plan humain, psychologique et financier désastreuses du chômage et de la précarité pour des millions d'individus, cette politique provoque également la dégradation des conditions de travail. Elle dynamite les comptes sociaux, notamment ceux de la sécurité sociale, ainsi que le régime des retraites.
Dans un tel contexte, il est impossible, pour nous en tout cas, de se résigner à voir se succéder licenciements économiques et plans sociaux.
La loi de modernisation sociale n'est certes pas allée aussi loin que les parlementaires communistes le souhaitaient. Néanmoins, elle apportait des améliorations importantes.
Votre projet fait table rase de tout cela ! Il n'apporte aucun élément d'appréciation, aucun bilan sérieux à l'appui de cette révision. Il s'agit d'un texte purement idéologique et dogmatique, d'une nouvelle concession au MEDEF. Et quand on entend M. Guillaume Sarkozy, président d'un des dix « groupes de propositions et d'actions » du MEDEF, celui et dont l'objet est d'explorer des voies - cela ne s'invente pas ! - « pour une protection sociale plus efficace et moins coûteuse pour l'entreprise », dire sa « fierté » de délocaliser, on a vraiment de quoi s'inquiéter et se révolter ! Or nous ne vous avons pas entendu le faire, monsieur le ministre.
La droite en a rajouté par le dépôt de nouveaux amendements qui remettent en cause des acquis obtenus par la lutte des salariés, consacrés par la jurisprudence bien avant la loi de modernisation sociale. L'amendement « Michelin », qui obligeait l'employeur à négocier les 35 heures avant tout plan de licenciement, est supprimé, comme les dispositions dites « Marks & Spencer ».
Pour votre gouvernement, la cause du chômage tiendrait à des salaires trop élevés, à un droit du travail trop contraignant, à une législation trop dirigiste, bref, au carcan de textes qui entraverait les entreprises !
Vous avez même osé nous dire en commission que la loi de modernisation sociale aurait entraîné la fermeture et la faillite d'entreprises, et fait reculer l'investissement étranger. Cependant, à aucun moment, vous n'avancez la moindre démonstration, à l'appui de votre thèse ; vous n'en donnez même pas la moindre illustration. Et pour cause : les décrets d'application des mesures importantes de la loi de modernisation sociale ne sont pas encore parus ! Dès votre arrivée au pouvoir, vous vous êtes empressé de tout stopper.
Le projet de loi n'est accompagné d'aucune évaluation de ses conséquences sociales. Vous vous êtes d'ailleurs bien gardé de solliciter l'avis du Conseil économique et social. Pourtant, ses conséquences sont redoutables au regard des droits des salariés, de l'égalité devant le droit à l'emploi, de la sécurité juridique des relations de travail.
En effet, ce texte supprime toutes les dispositions qui permettaient aux salariés et à leurs représentants de contester un tant soit peu le bien-fondé des décisions conduisant aux licenciements ou à la cessation d'activité.
Les rares mesures, d'origine jurisprudentielle, imposant la consultation des comités d'entreprise, en amont du plan social, disparaissaient, tout comme la possibilité de formuler à ce stade des propositions alternatives.
Le maintien dans le texte de la référence à des propositions alternatives est illusoire : le plan social est alors déjà en cours, et le recours suspensif au médiateur pour les licenciements de plus de 100 salariés disparaît.
L'absence de réponse motivée n'est nullement sanctionnée.
L'accord d'entreprise peut s'affranchir de toutes les garanties liées au respect de la procédure.
Le texte déresponsabilise les entreprises en matière d'emploi en dispensant les organes de direction de se prononcer sur le projet de cessation d'activité et en supprimant l'étude d'impact social et territorial des projets stratégiques de l'entreprise.
Enfin, il réduit les pouvoirs de contrôle et de propositions de l'inspection du travail.
Avec ce texte, monsieur le ministre, vous avez travaillé à l'affaiblissement des salariés face aux licenciements et au retour du pouvoir absolu et sans limite des employeurs puisque même les quelques protections légales introduites par le Parlement après la suppression de l'autorisation administrative de licenciement pourront, elles aussi, être balayées par les accords conclus par l'entreprise, dans les conditions de pression et de chantage que l'on connaît.
Vous avez travaillé à détourner le sens même de la négociation collective. Au lieu d'être un droit des salariés, vous en faites un instrument de régression sociale, en supprimant les droits et les garanties que la négociation collective leur conférait jusqu'alors.
Allez-vous nous faire croire que vous ignorez la pression que subissent les négociateurs syndicaux dans le cadre des plans de restructuration et de licenciement ?
Vous donnez à la négociation le rôle de déroger aux garanties légales, dans un sens obligatoirement défavorable aux salariés.
Pour la première fois, les patrons et les syndicats seraient autorisés à revoir à la baisse les droits des comités d'entreprise, et décideraient des procédures et des modalités de licenciement.
Cette nouvelle atteinte, extrêmement grave, à l'ordre public social et à la hiérarchie des normes porte fondamentalement en elle la mort annoncée de pans entiers du code du travail. Que reste-t-il comme garantie si le droit de licenciement n'est plus fondé sur le socle du droit et est renvoyé à la négociation d'entreprise, sans même être encadré par la négociation interprofessionnelle ou de branche ?
D'ores et déjà, les salariés sont doublement lésés.
Ils le sont une première fois quant à leurs droits individuels : jusqu'ici, quels que soient les accords négociés et conclus lors des procédures de licenciement, les garanties légales conféraient aux salariés, individuellement,la possibilité de contester la légalité du licenciement économique. Désormais, l'accord se substitue à la loi, privant les salariés du socle minimum de garanties prévu par celle-ci.
Ils le sont une seconde fois quant aux droits de leurs représentants : les droits des comités d'entreprise pourront être définis - et limités - par les accords qui fixeront les conditions et les modalités d'information, de saisie et la procédure de consultation desdits comités.
Pour donner un semblant de légitimité à une négociation dont la seule vocation est de déréglementer, ce texte introduit la notion d'accord majoritaire.
En fait, le recours à l'accord majoritaire vient à l'appui d'une conception de la négociation qui va à l'encontre du droit des salariés à l'amélioration des garanties légales.
En revanche, le Gouvernement se garde bien de mettre en place l'accord majoritaire pour les négociations interprofessionnelles qui doivent servir à l'élaboration de la nouvelle législation en la matière. C'est donc la possibilité pour la minorité de faire la loi.
Plutôt que supprimer ce qui a été péniblement acquis par la voie législative hier, nous pensons qu'il faut, au contraire, améliorer la législation.
Déjà, l'an dernier, sous le gouvernement précédent, nous avions déposé des amendements allant plus loin que ceux de l'Assemblée nationale et visant à redéfinir le licenciement économique, à favoriser l'intervention des salariés en amont des procédures, à renforcer les pouvoirs des comités d'entreprise, à étendre les garanties en matière de licenciement à tous les salariés.
Nous proposerons une série d'amendements visant tout d'abord à nous opposer à la suppression des différents articles de la loi de modernisation sociale. Nous attacherons ensuite une attention toute particulière aux deux dispositions introduites à l'Assemblée nationale sur le harcèlement moral au travail. Enfin, nous ferons un certain nombre de propositions ciblées, concernant la définition du licenciement économique, la réintégration des salariés, la sous-traitance, sans oublier l'encadrement nécessaire des accords de méthode.
A propos de la négociation, nous restons plus que jamais convaincus que le respect de l'ordre public social et la hiérarchie des normes, dont la loi représente le socle minimum, sont - et doivent rester - les bases fondamentales sur lesquelles doit s'exercer le droit des salariés à la négociation collective, droit dont le principe majoritaire doit s'imposer à tous les niveaux et pour tout accord. Il convient en outre, sur des sujets aussi importants, de consulter l'ensemble des salariés. C'est une règle élémentaire de démocratie.
Enfin, il y a un an, notre collègue Alain Gournac regrettait en commission mixte paritaire que le débat fructueux qui s'est instauré contre le harcèlement moral n'ait pu se reproduire sur d'autres sujets ». Je suis en conséquence pour le moins surpris de l'amendement adopté à l'Assemblée nationale avec l'accord du Gouvernement et de l'absence de prise de position de la commission des affaires sociales, qui remettent en cause le travail parlementaire concernant le harcèlement moral. En chargeant désormais la victime, et non l'employeur, d'établir la preuve et en lui interdisant le recours à une personne extérieure libre de toute pression de l'entreprise, vous rendez impossible de fait la quasi-totalité des recours formulés par les salariés. Vous revenez à la situation qui prévalait avant la loi de modernisation sociale.
Je ne peux terminer mon propos sans citer M. André Solé, sociologue et professeur à HEC, qui, dans un article paru dans Le Figaro , en avril dernier, et intitulé « Pour le droit de dire non à l'actionnaire », écrivait : « Lorsque des intérêts particuliers menacent l'intérêt général, l'Etat doit intervenir pour défendre ce dernier. C'est sa mission, sa raison d'être. Exiger "moins d'Etat", n'est-ce pas préférer un monde se référant à un intérêt général réduit ?... Tout se passe comme si l'appétit de l'actionnaire n'avait pas de limites, comme si l'intérêt d'une catégorie de citoyens était supérieur à l'intérêt général... L'incapacité de l'Etat à protéger l'intérêt général finit par apparaître pour ce qu'elle est : une décision. »
Face à la voracité des intérêts particuliers, nous sommes résolument du côté de l'intérêt général, du côté des salariés pour obtenir de nouveaux droits. C'est pourquoi, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe CRC défendra des propositions d'avancées sociales et votera contre ce projet qui préfigure un recul grave des droits des salariés. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Louis Souvet.
M. Louis Souvet. Roland Muzeau ne m'en voudra pas, je l'espère, d'afficher quelques divergences avec les propos qu'il vient de tenir. (M. le rapporteur rit.)
M. Guy Fischer. Cela ne nous étonnera pas !
M. Louis Souvet. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, j'ai dit en commission ce que je pensais de ce projet de loi. Si je me répète ce soir à la tribune, c'est avant tout pour replacer les choses dans un contexte que je voudrais raisonnable et donc apaisé, contrastant avec ce que nous avons vécu en fin d'après-midi dans cet hémicycle.
Permettez-moi donc avant toute chose d'adresser mes félicitations à Alain Gournac, notre rapporteur, et aux fonctionnaires du Sénat qui l'ont accompagné dans sa démarche. Ils ont accompli un travail de qualité dont je veux les remercier.
Mais c'est en priorité à vous, monsieur le ministre, que je veux m'adresser ce soir. Vous êtes la cible de ceux qui s'opposent - par conviction ou par principe - à votre projet. Il est donc naturel que vous trouviez aussi quelques appuis.
Je voudrais d'abord dire à tous ceux qui ne l'auraient pas encore compris que nous sommes tous ici, sans exception, opposés au licenciement.
M. Alain Gournac, rapporteur. Bien sûr !
M. Louis Souvet. Un licenciement, c'est toujours un drame, et ce à plusieurs niveaux.
C'est un drame que vivent le licencié et sa famille. Cette dernière sera privée de ressources convenables, tandis que le licencié n'aura, souvent, pas d'autre horizon que l'inaction ou la reconversion.
C'est un drame pour l'entreprise, pour qui licencier traduit une série d'échecs : l'échec de son produit, de sa gestion financière, de sa politique de gestion, de ses ressources humaines, etc.
C'est un drame pour l'employeur, qui a souvent investi tout ce qu'il possédait dans une idée à laquelle il croyait et qui voit ses espoirs ruinés. Toutes les entreprises ne sont pas des multinationales ! Vous le savez bien, mes chers collègues.
C'est un drame pour l'équipe dirigeante, qui avait conçu un projet, un produit et que boude sa clientèle.
Ces choses étant entendues, vous avez adopté, monsieur le ministre, une démarche qui j'approuve pour différentes raisons.
D'abord, vous avez choisi de geler, pendant dix-huit mois, les effets sur le travail de la loi de modernisation sociale. Ce temps sera mis à profit pour observer. Il eût été plus simple, convenez-en, plus confortable, mais peut-être moins courageux et moins objectif, de choisir l'abrogation. Le texte aurait alors été résumé en trois lignes !
M. Alain Gournac. rapporteur. C'était fini !
M. Louis Souvet. Le gel de dix-huit mois - et c'est mon second motif de satisfaction - porte à la réflexion. Vous voulez, si je vous ai bien compris, instaurer un autre état d'esprit, tisser d'autres liens, dont celui, qui nous fait tant défaut, de la confiance. Je voudrais vous en féliciter. C'est un objectif ambitieux. Mais attention, monsieur le ministre, la route est longue ! Elle sera sans aucun doute hérissée de nombreuses difficultés. La réussite n'est pas obligatoire. Car toute la différence est là. L'erreur de nos prédécesseurs - selon moi - a été de croire que la loi pouvait tout régler.
M. Alain Gournac, rapporteur. Absolument !
M. Louis Souvet. Bien évidemment, vous avez compris que ce n'est pas possible. Il faut se connaître, se comprendre, prendre le temps de s'observer, de se jauger, d'échanger, voire de fixer des objectifs communs afin d'instaurer un vrai dialogue social. Il faut que les uns comprennent que rien ne peut se faire sans les autres, le patron a besoin de son personnel, le personnel ne peut vivre sans les entrepreneurs, ceux qui entreprennent et créent des emplois. La lutte des classes me semble appartenir au passé, et c'est heureux pour tous.
Mais le dialogue n'est pas une fin en soi. Le dialogue social n'a de raison d'être que s'il est conduit avec sagesse, dans un souci d'équilibre. Il doit apporter au texte ce que la loi ne peut lui donner. Il en est le complément naturel, l'habillage charnel.
Le président de la commission des affaires sociales nous disait, sur le ton de la plaisanterie, en brocardant la belle profession qui est la sienne, qu'il y a deux types de maladies : celles qui se guérissent seules et celles devant lesquelles le médecin est impuissant. Cela m'a beaucoup marqué. Il ne faut surtout pas que le dialogue social que vous voulez instaurer, monsieur le ministre, puisse s'identifier à cette image. Il devra donc être parfaitement maîtrisé de manière qu'il aboutisse, dans un souci, je le répète, d'équilibre.
Nous savons, M. le rapporteur l'a précisé, que tous les partenaires sociaux sont ouverts à la négociation. J'en suis personnellement heureux. Mais je vous demande, monsieur le ministre, d'être attentif à la manière dont certaines entreprises étrangères en particulier qui ont investi dans l'Hexagone se comportent. Il y a des licenciements « arrangés » qui devraient attirer l'attention de vos services de l'emploi en région !
Le droit en matière de licenciement n'est pas seulement complexe du fait du code du travail qui le régit. Il doit intégrer une autre dimension qui est celle du coeur et qui n'a rien à voir avec la froideur de la loi. Il nous appartiendra d'accompagner les mesures dictées par la loi pour qu'elles soient efficaces et empreintes d'un maximum d'humanité.
On peut regretter que, au fil des lois, au fil des ans, le droit de licenciement n'ait réservé qu'une place très étroite, trop étroite au dialogue social. C'est à cela, monsieur le ministre, que vous avez décidé de porter remède. Je m'en réjouis, même si je sais, comme vous, qu'il faudra être patient. On ne change pas les habitudes, les mentalités en un tournemain.
Il y a, en effet, bien des cas de licenciement. Nous aurions tort de les classer tous au même niveau.
Il y a l'entreprise qui licencie parce qu'elle est en réelle difficulté financière : son carnet de commandes s'effrite, elle ne vend plus ce qu'elle produit.
Il y a celles qui ne se sont pas réorganisées. Victimes d'un encadrement vieillissant, elles n'ont pas su prévoir la suite. Elles affichent un réel déclin. Mais tout n'est pas perdu. Il faut accepter de perdre un peu pour sauver et repartir.
Il y a celles, aussi, souvent dénoncées et servant de modèles - et d'excuses ou de justification à ceux qui combattent l'initiative privée. Celles-là sont en bonne santé. Elles construisent des produits qui se vendent bien. Elles investissent à l'étranger des capitaux souvent gagnés sur notre sol. Elles obéissent à la loi du « toujours plus », et « restructurent » - comme on dit pudiquement - leurs systèmes de production. Il n'est pas moral de leur venir en aide. Et, sans vouloir revenir sur le débat de cet après-midi, je dis, à l'échelon départemental, c'est-à-dire au niveau de proximité, les services de l'Etat doivent contrôler sans faiblesse si les engagements qui ont été pris en échange d'aides publiques sont tenus.
A votre méthode, que j'approuve, vous ajoutez un volet sur l'expérimentation. S'il y a un domaine où celle-ci doit trouver sa place, c'est bien celui-là. Toutes les parties engagées ont, chacune, une connaissance des problèmes. Elles ont donc leur place dans la recherche de solutions. Mais l'expérimentation ne peut être le dérèglement sans limites. Elle ne signifie pas faire n'importe quoi. C'est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, je vous demande d'être très attentif aux expériences qui vous seront proposées. Pour utiliser une image empruntée à la conduite automobile,...
M. Guy Fischer. Vous êtes un expert !
M. Louis Souvet. ... je dirai qu'il faudra s'appliquer à réaliser des dérapages contrôlés.
Voltaire a écrit que, sous l'Ancien Régime, quant on traversait la France, on changeait plus souvent de loi que de cheval. Il ne s'agit pas de tomber à nouveau dans ce travers, même si, comme l'a précisé M. le rapporteur, l'expérimentation offre une foule d'opportunités.
On a dit, concernant le projet de loi de modernisation sociale, qu'il avait laissé la part belle à l'imagination débridée ou au souci de revanche - je m'interroge - des députés. Je citerai, à l'appui de cette thèse, le fait que le projet du précédent gouvernement comportait six articles lors de son dépôt à l'Assemblée nationale, et trente à l'issue de la discussion. Bien évidemment, il n'est pas difficile, dans ces conditions, d'imaginer que les partenaires sociaux n'ont pas été consultés.
Pour se convaincre de l'imagination débridée des députés, il suffit de lire l'article 96 de la loi de modernisation sociale, qui oblige l'employeur en difficulté - s'il ne l'a pas déjà fait - à conclure un accord sur la réduction du temps de travail avant d'être autorisé à présenter un plan social. Dieu que ce terme « plan social » me déplaît quand il s'agit de licencier ! On aurait pu trouver autre chose... La langue française me semble suffisamment riche. Convenez en tout cas avec moi qu'il faut avoir une méconnaissance incroyable de la vie de l'entreprise pour faire de telles propositions ! Et l'on connaît le dur labeur qu'il a fallu fournir pour arriver à des accords sur les 35 heures, accords qui sont, pour une large part, à l'origine de nombreux problèmes touchant à la survie de nos entreprises et de nos hôpitaux ! L'article 100 de la loi de modernisation sociale n'est d'ailleurs pas meilleur...
Mais, à observer les plans sociaux qui succèdent aux licenciements déguisés, à déplorer les privations d'emplois, souvent opérées, d'ailleurs - à la satisfaction des employés - et avec la complicité des organisations syndicales sous la forme de départs en préretraite, de cessation d'activité des salariés âgés et autres mesures largement aux frais de la collectivité nationale, on explique bien, - même si on ne l'excuse pas, l'attitude des députés de l'Assemblée nationale il y a moins d'un an.
Vous avez affirmé devant notre commission votre volonté de rendre les départs avant soixante ans plus coûteux, dans un pays qui reste le champion des retraités jeunes et qui, par ailleurs, manque de compétences dans son économie. Nous ne pourrons que vous suivre dans cette voie.
Pour terminer, monsieur le ministre, vous aurez compris que je voterai votre projet de loi, parce qu'il vise à associer l'ensemble des forces de l'entreprise et parce qu'il fixe des objectifs humains auxquels j'adhère pleinement. Il tend à mobiliser toutes les forces de nos territoires et appelle au partage des responsabilités, à la mise en commun des idées et ne se satisfait pas de la chape de la loi. Il oblige à porter le regard plus loin, afin de construire la société dont nous avons besoin pour affronter en commun l'avenir. C'est une finalité gaullienne qui ne m'a pas échappé et à laquelle, vous l'avez compris, j'adhère. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. François Zocchetto.
M. François Zocchetto. Monsieur le ministre, vous étiez attendu avec impatience par la majorité d'entre nous, car il nous a fallu peu de temps pour mesurer tous les effets négatifs de la loi du 17 janvier 2002, loi que certains, avec un cynisme incroyable, ont qualifiée de « modernisation sociale » !
En effet, il est vraiment temps de mettre un terme à la lourdeur de la procédure de licenciement, et il est temps également de redynamiser la négociation interprofessionnelle pour la placer au coeur des relations entre les salariés et le patronat. Aussi, lorsque vous nous proposez, dans votre projet de loi, de suspendre plusieurs dispositions de la loi de modernisation sociale et de relancer une négociation interprofessionnelle à l'échelon national pour trouver un accord sur les règles à mettre en place en matière de licenciements, nous ne pouvons qu'être d'accord.
Cette fameuse loi du 17 janvier 2002 - on a rappelé tout à l'heure les circonstances dans lesquelles elle a été élaborée - a été fortement et à juste titre critiquée, notamment parce qu'elle alourdit excessivement la mise en oeuvre d'un licenciement économique ou d'une restructuration d'entreprise.
En formalisant les procédures, le dispositif place les entreprises dans un contexte d'insécurité juridique qui les met perpétuellement à la merci d'une sanction judiciaire pour non-respect des formes. Un certain nombre d'entreprises, et pas seulement des multinationales, ont déjà fait les frais de cette judiciarisation de la procédure. J'en connais une, installée dans l'ouest de la France, qui est en train de déménager pour s'installer en Espagne, à cause précisément des contraintes liées à la judiciarisation qu'elle a subie ces dernières semaines lorsqu'elle a dû réaliser un ajustement d'effectif. Ce ne sont pas de simples vues de l'esprit, ce sont des difficultés réelles que nous rencontrons en permanence.
Par ailleurs, le dispositif qui a été mis en place semble avoir un effet totalement inverse de celui qui était souhaité par le précédent gouvernement. En effet, en multipliant les consultations formelles des salariés, la loi envenime les relations et exacerbe les tensions au lieu de développer un climat de confiance entre les deux parties. Monsieur le ministre, devant la commission des affaires sociales, vous n'avez pas craint de qualifier cette loi d'antiéconomique et d'antisociale, et vous avez bien fait, même si les termes sont un peu forts.
En premier lieu, la loi est antiéconomique, parce que l'allongement des procédures conduit à la disparition d'entreprises. J'en donnais un exemple tout à l'heure. Et cela ne se passe pas que dans les grandes entreprises ! C'est aussi le cas dans toutes les PME, mais nous parlons beaucoup des délocalisations lorsqu'il s'agit de multinationales, et pas du tout quand c'est le fait de PME.
La plupart du temps, sauf dans un cas qui a été rappelé tout à l'heure, les chefs d'entreprise n'en parlent pas non plus. On s'aperçoit seulement qu'ils passent de plus en plus de temps dans les pays du Maghreb, de l'Europe de l'Est et de l'Asie. S'ils s'y rendent tous les mois ou tous les quinze jours, ce n'est pas pour faire du tourisme !
En second lieu, la loi est antisociale, car l'allongement des procédures a conduit non seulement à la disparition de ces entreprises, mais aussi - il faut le savoir - au développement de pratiques détestables. C'est ainsi que l'on voit ressurgir des procédures de licenciement pour faute personnelle ou pour faute grave qui sont, le plus souvent, sujettes à caution.
En 2001, le rapport fait au Premier ministre sur l'attractivité du territoire français par MM. Charzat, Hanotaux et Wendling, soulignait qu'à côté des reproches traditionnellement formulés sur la fiscalité française l'environnement juridique et social, perçu comme complexe et opaque, constituait la principale faiblesse de la France. Loin de nous l'idée d'avancer qu'il ne faut pas de législation en matière sociale et que celle-ci ne doit pas évoluer, bien au contraire ! Mais, lorsque cette législation est complexe, lorsqu'elle change tout le temps et qu'elle est opaque, les investisseurs fuient.
Lorsqu'on interroge les dirigeants de filiales étrangères sur ce qui, selon eux, constitue l'écueil majeur à l'investissement en France, ils citent à 85 % les rigidités sociales, à 84 % les 35 heures, à 63 % la législation sur la gestion des effectifs et à 62 % les lourdeurs administratives. Cela explique que les entreprises, au moment de monter un projet d'investissement, c'est-à-dire au moment où elles ont besoin de stabilité et de prévisibilité, quittent notre pays.
Je sais, c'est dur à entendre, mais c'est la réalité : une législation mouvante, des procédures longues, l'intervention toujours possible du pouvoir judiciaire dont on ne sait jamais - c'est normal, c'est sa nature - comment il va réagir rendent très difficiles les investissements dans notre pays. C'est pourquoi j'approuve sans hésitation votre logique de rupture avec le dispositif de la loi de « modernisation sociale » le mot m'a échappé... pardon !
C'est à bon escient que vous proposez la suspension d'un certain nombre de procédures, comme la non-concomitance dans le temps des procédures de consultation, l'extension des interventions de l'inspection du travail ou encore la procédure adoptée par les députés dire « amendement Michelin ».
Toutefois, monsieur le ministre, à l'instar d'un certain nombre de mes collègues de l'Assemblée nationale, je regrette que cette réforme ne soit pas plus ambitieuse...
M. Roland Muzeau. Cela viendra, rassurez-vous !
M. François Zocchetto. ... au sens où elle aurait pu abroger purement et simplement les dispositions critiquées.
M. Guy Fischer. C'est le premier pas. Ah, le centriste !
M. François Zocchetto. Comme M. le rapporteur, vous avez, monsieur le ministre, exprimé votre opposition à cette abrogation. L'un comme l'autre, vous avancez l'idée qu'elle n'aurait pas permis un dialogue susceptible d'aboutir à des propositions constructives. La solution retenue est donc la suspension des articles concernés.
Nous regrettons ce choix, car, à l'inverse, l'abrogation permettrait, selon nous, de fonder des négociations sur une base juridiquement stable. En effet, le dispositif actuel de la loi ne convient pas, tout le monde s'accorde à le dire, y compris les syndicats représentants les salariés. L'abrogation aurait donc permis de placer les partenaires sociaux devant leurs responsabilités, en les obligeant à trouver un accord.
Nous sommes cependant un peu inquiets, car le risque existe que certains ne bloquent les négociations, que ce soit les représentants des employeurs ou ceux des salariés. Peut-être certains seront-ils tentés, en effet, d'agir pour que, à l'expiration de la période de dix-huit mois, aucun accord ne soit trouvé et que des voies plus consensuelles ne puissent être empruntées.
Le risque existe également que les uns négocient sur la base des anciennes dispositions, sans chercher à trouver un accord se fondant sur les procédures nouvelles. On risque alors de se trouver dans le cas de figure qu'a connu le précédent gouvernement.
Votre projet de loi vise également à relancer le dialogue social. Sur cet objectif, nous sommes, évidemment, totalement d'accord avec vous. Pendant la durée de la suspension, des négociations interprofessionnelles seront lancées au niveau national, nous assurez-vous, afin qu'un accord soit trouvé sur les règles à appliquer en cas de licenciement économique.
Il est impératif aujourd'hui de renouer avec le dialogue social. Il faut incontestablement placer les personnes concernées face à leurs responsabilités, en les obligeant à trouver des solutions qui soient à la fois équilibrées et réalistes, car si la théorie est belle en matière de législation sociale, la réalité existe, et elle s'impose, surtout dans le contexte de mondialisation que nous connaissons.
Il est également prévu dans votre projet de loi - cela est très intéressant - que, pendant la période transitoire, des accords de méthode pourront être conclus afin de fixer des règles d'information et de consultation du comité d'entreprise. Ces accords, qui ont un caractère expérimental, serviront d'exemple pour les négociations organisées à l'échelon national.
Il s'agit maintenant de privilégier une attitude participative des partenaires sociaux, de ne plus emprunter le chemin que certains avant vous ont cru bon d'ouvrir et qui a donné lieu à des attitudes attentistes, dont les effets sont si mauvais.
Le groupe de l'Union centriste ne peut que souscrire à cette méthode qui, de surcroît, est conforme au droit européen. En effet, la directive du 20 juillet 1998 sur les licenciements collectifs prévoit que, « lorsqu'un employeur envisage d'effectuer des licenciements collectifs, il est tenu de procéder à des consultations de représentants des travailleurs en vue d'aboutir à un accord ».
Ce principe de consultation et de négociation, auquel vous tenez tant, optimise les chances de succès des restructurations d'entreprise. Car, cela a été très bien dit par mes collègues, ce n'est jamais de gaieté de coeur que l'on restructure une entreprise. C'est toujours contraint et forcé. L'employeur vit donc cette restructuration aussi durement que les salariés concernés.
M. Roland Muzeau. Bien sûr !
M. Guy Fischer. C'est pour faire plaisir à la bourse !
M. François Zocchetto. Je tiens, en outre, à souligner mon attachement à la protection des salariés touchés par des licenciements économiques. Suspendre les dispositions de la loi de modernisation sociale est une exigence aujourd'hui, mais cela ne doit pas se faire au détriment des salariés. Notre objectif est de renouer avec un lien social dynamique et productif au sein de l'entreprise. Nous devons trouver l'équilibre entre les intérêts de l'entreprise et ceux des salariés.
Il faut également condamner les licenciements - vous allez être satisfait ! - qui visent uniquement à améliorer les résultats financiers et boursiers.
M. Roland Muzeau. Comment ?
M. François Zocchetto. Nous savons aussi que la plupart des groupes qui sont cotés au CAC 40 ont un actionnariat majoritairement étranger et sont détenus par des fonds de pension américains et britanniques. Nous sommes lucides et nous savons qu'il faut veiller à limiter ces pratiques condamnables, car la situation des salariés français ne doit pas dépendre des résultats de la bourse de New York ou de San Francisco.
M. Roland Muzeau. Il fallait déposer des amendements ! Pourquoi ne l'avez-vous pas fait ?
M. François Zocchetto. Enfin, nous approuvons les articles 4 et 5 introduits par les députés concernant le harcèlement moral. En effet, le renversement de la charge de la preuve nous semble justifié, car il vise à limiter les cas de dénonciation abusive, qui peuvent avoir des conséquences dramatiques, sans nuire aux intérêts des salariés.
Tels sont, monsieur le ministre, les éléments que je tenais à apporter au débat au nom du groupe de l'Union centriste, qui, exceptée la réserve que j'ai émise, approuve dans son ensemble le dispositif que vous nous proposez ce soir. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Fillon, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais brièvement répondre aux orateurs, et surtout remercier le rapporteur, M. Alain Gournac, du travail tout à fait considérable qu'il a réalisé et qui illustre bien les graves défauts de la loi de modernisation sociale qu'il a mis en lumière.
Au-delà des positions convenues, il a évoqué la capacité des partenaires sociaux à s'asseoir à la table de négociation pour faire, comme ils l'avaient déjà fait dans le passé, évoluer le droit du licenciement dans le sens d'une meilleure protection des salariés et de l'entreprise, les deux ayant des intérêts qui sont liés.
Je le remercie également d'avoir replacé ce projet de loi dans un ensemble de textes que le Gouvernement vous a présentés, ou va vous présenter, et qui a sa cohérence, laquelle a d'ailleurs été soulignée aussi par les orateurs du groupe communiste républicain et citoyen. Ces textes visent, d'une part, à libérer, à assouplir, à rendre moins lourdes les réglementations qui pèsent sur notre économie, car nous devons être compétitifs, et, d'autre part, à rendre le dialogue social plus vivant, plus équilibré, et surtout moins crispé qu'il ne l'est, de tradition, donc depuis longtemps, dans notre pays !
M. Alain Gournac a eu raison, notamment, d'élargir son analyse en comparant la situation de notre pays à celle de nos voisins européens. Il me permet ainsi, en le citant, de répondre à plusieurs orateurs qui se sont exprimés pour ou contre cette idée que le droit social français ne serait finalement pas, par rapport aux autres pays européens, si pesant pour les uns ou trop pesant pour les autres.
De telles comparaisons nous amènent - et vous ont amenés - à une critique radicale de la loi de modernisation sociale. Sont en cause, dans cette affaire, non seulement la longueur des procédures, qui se retourne contre les salariés eux-mêmes, mais également l'insécurité juridique - M. François Zocchetto vient d'y insister - engendrée par la complexité, l'ambiguïté et la pénalisation des procédures.
Ce qui nous distingue réellement de nos voisins européens, c'est la faiblesse de notre culture en matière de dialogue social. La directive 98-59 de la Communauté européenne souligne pourtant son importance, en particulier dans les circonstances difficiles qui précèdent un licenciement.
Les quelques expériences d'accords de méthode que j'ai détaillées devant votre commission montrent que ce sont des accords « gagnant-gagnant ». Je souhaite que nous donnions toutes leurs chances à de tels accords, à l'expérience qu'ils représentent et, ensuite, à la négociation entre les partenaires sociaux.
Enfin, M. le rapporteur ne m'en voudra pas de lui dire que, tout comme M. Louis Souvet, j'ai senti dans son discours une fibre gaulliste qui ne pouvait pas manquer de m'émouvoir.
Avec beaucoup de nuances, M. Chabroux a présenté le projet du Gouvernement comme étant la nouvelle étape d'une entreprise de démolition. Mais que serait notre démocratie si, alors que les Français viennent de nous donner la majorité, nous continuions à vivre avec les textes que vous avez votés, que nous avons combattus et dont nous pensons qu'ils sont mauvais pour notre économie ?
M. Alain Gournac, rapporteur. C'est fou ! On devrait ne rien changer, selon eux !
M. François Fillon, ministre. Pourrions-nous continuer à parler à nos électeurs si nous appliquions sans discuter les réformes que vous avez votées, que nous avons combattues et que nous estimons mauvaises ? J'ai envie de dire que, si nous le faisions, nous serions condamnables vis-à-vis de la démocratie et de son fonctionnement, car notre rôle est bien de réduire le plus possible - certains dans la majorité trouvent que nous ne le faisons pas assez - les effets négatifs des textes que vous avez votés. Et il est vrai que vous en avez voté beaucoup de textes - 35 heures, loi de modernisation sociale... - qui non seulement alourdissent l'économie, mais aussi, on le voit chaque jour, pèsent un peu plus sur les comptes du pays et rendent de plus en plus difficile sa modernisation.
Nous, nous libérons, nous assouplissons. C'est évidemment une philosophie qui est assez éloignée de votre culture, ce qui vous fait dire que nous n'avons pas de projet politique ! Pour vous, un projet politique c'est en effet un texte de loi composé d'articles suffisamment nombreux pour bien encadrer toutes les situations, au point que ne subsiste pas l'ombre d'une hésitation dans la conduite de l'entreprise ! Notre projet politique à nous consiste, au contraire, à donner la liberté, à assouplir et à retirer des textes plutôt qu'à en faire voter de nouveaux.
Sans poursuivre trop longtemps ce débat polémique avec M. Chabroux, je souhaite répondre à quelques questions qu'il a évoquées pour essayer de le rassurer.
Tout d'abord, cette loi ne donne naissance à aucun imbroglio juridique. (M. Gilbert Chabroux s'exclame.) J'ai bien compris que vous faisiez référence à des propos tenus à l'Assemblée nationale, mais j'y ai répondu. D'ailleurs, ces propos n'ont pas été repris par François Zocchetto, qui est un avocat beaucoup trop fin pour ne pas savoir que ce texte ne s'appliquera pas qu'aux plans sociaux et aux licenciements qui seront décidés après sa publication : à l'évidence, les plans sociaux et les licenciements qui auront été lancés avant la promulgation de ce projet de loi seront du ressort de la loi de modernisation sociale.
Ensuite, s'agissant du harcèlement moral, vous essayez de faire croire aux Français que cette majorité irresponsable voudrait priver les salariés de la possibilité que vous leur avez offerte de faire référence au harcèlement moral et de se défendre. Or vous savez bien, vous qui êtes également un fin juriste, monsieur le sénateur, que tout cela n'a aucun sens, car le texte qui avait été voté était complètement déséquilibré : toute la charge de la preuve reposait sur le responsable de l'entreprise, c'est-à-dire sur celui qui était accusé de harcèlement moral. Nous avons simplement voulu rétablir un peu l'équilibre en revenant aux traditions du droit français : c'est le salarié qui s'estime victime d'un harcèlement moral qui enclenche la procédure, et c'est l'accusé qui doit se défendre et apporter la preuve de son innocence. Il s'agit d'une procédure équilibrée.
Quant à la modification du système de médiation, à l'évidence, imposer un médiateur à l'une des parties, comme c'était le cas dans la loi était une conception un peu particulière de la médiation. Dans mon esprit, le médiateur est une personne acceptée par les deux parties pour essayer d'aboutir à un accord. En cas de désaccord sur le choix du médiateur, le recours à ce dernier est impossible et l'affaire est portée devant le juge. Or, en l'occurrence, le texte prévoyait que le salarié pouvait imposer un médiateur au chef d'entreprise. Nous avons simplement voulu rétablir l'équilibre : soit le médiateur est accepté par les deux parties, soit la médiation est impossible et, à ce moment-là, il y a lieu d'intenter un procès.
J'ajoute que nous avons retiré du texte une scorie à la suite d'une proposition formulée, je le reconnais, par un parlementaire socialiste, afin d'éviter le recours à la médiation en cas de harcèlement sexuel, ce qui ne nous paraissait pas très logique.
M. Chabroux a également évoqué, comme M. Muzeau, les délocalisations et l'attractivité du territoire, pour nous expliquer qu'au fond tout va extrêmement bien dans notre pays...
M. Gilbert Chabroux. Tout allait bien !
M. François Fillon, ministre. ... en tout cas jusqu'à ce que nous arrivions, bien sûr !
La France était un pays très attractif. D'ailleurs, M. Chabroux l'a souligné, les défaillances d'entreprises ont beaucoup baissé à partir de 1997.
Il n'a échappé à personne que notre pays a connu une période de croissance entre 1997 et 1999...
M. Gilbert Chabroux. Grâce à qui ?
M. François Fillon, ministre. ... et que, dès lors, les défaillances d'entreprises ont été moins nombreuses.
Monsieur Chabroux, il faut regarder les choses en face ! L'accélération des délocalisations industrielles en France ne me réjouit pas. Elle représente un véritable risque, qui était d'ailleurs mentionné dans le rapport Charzat, d'une désindustrialisation de notre pays.
Aujourd'hui, nous connaissons encore une situation de création d'emplois. Tout à l'heure, M. Muzeau a cité des chiffres relatifs aux plans sociaux, et ces chiffres sont exacts, y compris pour ma région. Il a simplement oublié d'ajouter qu'à côté il existe des entreprises qui créent des emplois.
M. Alain Gournac, rapporteur. Cela, c'est positif !
M. François Fillon, ministre. Par conséquent, pour le moment, alors que le contexte économique n'est pas très favorable, notre pays continue de créer des emplois dans les services et dans le bâtiment, mais il en détruit dans l'industrie. Il y a donc un vrai risque de désindustrialisation de la France dans les années à venir si nous ne sommes pas capables de prendre des mesures (M. Roland Muzeau s'exclame) pour nous mettre au niveau non pas des pays à très bas salaires, sans charges sociales ni droit social, mais simplement des autres pays de l'Union européenne, qui sont nos concurrents directs sur tous les marchés.
Ne pas voir qu'il y a aujourd'hui une accélération des délocalisations, ne pas reconnaître qu'il existe un problème d'attractivité de notre pays dans le domaine industriel, c'est évidemment se voiler la face.
M. Alain Gournac, rapporteur. C'est être aveugle !
M. François Fillon, ministre. Je ne citerai qu'un chiffre : le montant total des investissements en France des cent premières entreprises françaises représentait, en 2001, 10 % du montant total desdits investissements, c'est-à-dire que 90 % de ceux-ci étaient réalisées hors de notre pays. C'est un véritable danger, et nous avons tous intérêt, même si nous n'avons pas exactement la même lecture de la situation, à essayer de faire preuve d'une plus grande objectivité pour y faire face.
Bernard Seillier a, lui aussi, souligné le fait que la suspension était non pas synonyme de prudence, mais un témoignage de respect à l'égard des partenaires sociaux et de leur libre arbitre.
Nous partageons, avec Bernard Seillier, la même philosophie du dialogue social : ce doit être non pas uniquement un exercice obligé, mais le levier d'une société plus participative, une société où la responsabilité est au coeur du contrat social. C'est bien une nouvelle façon d'orchestrer et d'enrichir la démocratie sociale qui est en jeu.
A cet égard, dire que les partenaires sociaux ne peuvent pas se mettre d'accord sur une réforme du droit du licenciement parce que c'est difficile, c'est nier leur capacité à prendre leurs responsabilités, mais c'est aussi nier l'attente des Français à l'égard des partenaires sociaux : les Français souhaitent que les partenaires sociaux soient responsables.
M. Alain Gournac, rapporteur. Bien sûr !
M. François Fillon, ministre. Et lorsque ceux-ci prennent leurs responsabilités, le mouvement syndical en général ne s'en trouve que renforcé.
Ce n'est pas en laissant tel ou tel syndicat minoritaire ou tel ou tel pouvoir prendre les décisions difficiles pour ne conserver que les revendications les plus positives que les organisations syndicales augmenteront leur audience dans notre pays. Si nous voulons que, demain, s'engage un vrai dialogue social, il faut que les organisations syndicales soient proches, constructives, responsables, et se respectent les unes les autres.
Si nous n'améliorons pas le dialogue social, les réformes que nous élaborons peuvent, certes, corriger pour un temps la situation, mais elles ne résoudront pas - j'en suis convaincu - les problèmes fondamentaux de l'économie française, il nous faut moins de conflits, davantage de contrats et une plus grande stabilité juridique, notamment à l'égard de l'extérieur. La meilleure façon d'obtenir cette stabilité juridique, c'est de donner plus de responsabilités aux partenaires sociaux, car lorsqu'ils les exercent en général, ils agissent en respectant à la fois l'intérêt des entreprises et celui des salariés.
Nombre de textes qui ont été votés ces dernières années n'auraient pas pu l'être si les partenaires sociaux avaient eu plus de responsabilités. J'ai sous les yeux l'ensemble des déclarations qui avaient été faites par les partenaires sociaux lors du vote de la loi de modernisation sociale, ainsi que le florilège de toutes celles qui avaient été faites par des membres de l'actuelle opposition - je vous en épargnerai la lecture : elles montrent à quel point les partenaires sociaux avaient été mis devant le fait accompli.
M. Muzeau a évoqué l'accord qui est intervenu en ce qui concerne l'hôtellerie, les cafés et la restauration. Je ne vais pas chercher à le convaincre : ce serait difficile, car il a ses convictions et il les défend. Je me bornerai à lui donner quelques indications.
Il a accusé le Gouvernement d'avoir remis en cause cet accord, au mépris du dialogue social. Je lui rappelle que cet accord continue de s'appliquer : ce qui a été remis en cause, c'est l'une de ses clauses.
Je livre cette clause aux membres de la Haute Assemblée : le gouvernement précédent avait prévu que la décroissance des horaires dans cette profession qui supporte des niveaux d'horaires très élevés - la décroissance n'était donc pas la même que dans les autres professions - était obtenue en échange d'un dispositif d'allégement de charges supplémentaire par rapport à celui de droit commun qui avait été instauré par les lois Aubry.
Pour notre part, nous considérons que cette promesse faite par le gouvernement précédent d'un allégement de charges supplémentaire, qui va au-delà des lois Aubry - lois qu'en général vous combattez, d'ailleurs, avec la plus grande énergie - n'est ni raisonnable ni possible à tenir compte tenu des conditions économiques actuelles. Or, l'accord prévoyait que si cet allègement de charges supplémentaire n'était pas effectué, la clause de l'accord sur la décroissance ne s'appliquait plus.
M. Muzeau a également regretté que nous ne mettions pas en place l'accord majoritaire pour les accords interprofessionnels, alors que nous l'avions introduit pour l'expérimentation dans les entreprises s'agissant des accords de méthode.
Je ne reprendrai pas le débat que nous avons déjà eu ici lors de l'examen de la loi sur les 35 heures, au cours duquel j'avais démontré qu'il n'y a jamais eu d'accord majoritaire lorsqu'il s'agit d'accords interprofessionnels. En effet, aujourd'hui, aucun moyen fiable ne permet de mesurer ce qu'est une organisation majoritaire dans une branche. C'est possible dans une entreprise. On peut considérer que c'est également possible sur le plan national, car quelques tests existent, comme les élections prud'homales. Mais c'est impossible dans les branches.
Pour autant, ce n'est pas parce qu'un accord interprofessionnel sur la réforme de la loi de modernisation sociale pourrait être conclu par un syndicat minoritaire qu'une minorité va imposer sa loi à la majorité : c'est oublier que cet accord doit être étendu. Du reste, s'agissant du texte qui nous occupe aujourd'hui, l'accord devra conduire le Gouvernement à réécrire un projet de loi, qui sera débattu par l'Assemblée nationale et par le Sénat. C'est dire si le risque qu'une minorité impose sa loi n'est pas, aujourd'hui, un risque réel !
Je voudrais rendre hommage, monsieur Souvet, à votre alliance subtile d'humanisme et de pragmatisme : humanisme, car vous nous avez tous renvoyés au devoir de solidarité envers les salariés qui se trouvent confrontés au drame du licenciement ; pragmatisme, car vous avez bien saisi les mécanismes du projet dont nous espérons le succès, et aussi parce que vous avez dénoncé les dangers du « dérapage contrôlé ». Permettez-moi, à mon tour, de me référer à mon expérience d'ancien président du circuit des 24 heures du Mans pour vous dire que je sais de quoi je parle. Mais je sais que ce sujet n'est pas très « politiquement correct » en ce moment. (Sourires.)
Monsieur Souvet, vous avez évoqué les licenciements arrangés. Vous me donnez ainsi l'occasion de dire une nouvelle fois que la loi de modernisation sociale a eu notamment pour conséquence la multiplication de tels licenciements arrangés.
Vous me permettrez de citer une organisation syndicale, la CFDT, qui déclarait, le 13 janvier 2002 : « Cette nouvelle définition aurait même conduit les entreprises à contourner le dispositif au moyen de licenciements individuels et aurait privé les salariés de plans sociaux qui leur offrent des garanties de formation ou de reclassement. »
La multiplication des licenciements arrangés est destinée à tourner les conséquences de la loi de modernisation sociale, ce qui nous renforce dans le sentiment que nous faisons oeuvre à la fois d'efficacité économique et d'efficacité sociale.
Pour conclure, je souhaite convaincre M. Zocchetto que la suspension était la seule voie possible pour conduire à la négociation. En effet, si nous avions abrogé les dispositions que nous nous apprêtons à suspendre, je ne vois pas qui aurait eu intérêt à négocier. Le patronat avait fait savoir assez bruyamment qu'il n'avait pas l'intention de négocier, et les organisations syndicales répétaient à l'envi que le sujet était beaucoup trop complexe pour qu'elles s'assoient autour d'une table de négociation. Nous serions donc revenus au droit antérieur, c'est-à-dire à celui de 1986, qui finalement ne satisfait personne. L'incitation à négocier aurait donc été extrêmement faible.
La suspension, c'est le moyen que le Gouvernement a choisi pour faire un peu pression, il faut bien le dire, un peu pression sur les partenaires sociaux afin qu'ils négocient. En effet, dans dix-huit mois, il faudra rédiger un nouveau texte. Les organisations syndicales ont donc intérêt à négocier si elles veulent que leurs idées soient prises en compte dans ce texte. Et le patronat a intérêt à ouvrir cette négociation s'il ne souhaite pas que le texte que le Gouvernement proposera soit simplement la reconduction de la situation de 1986.
Dans un contexte social différent, avec des partenaires sociaux qui auraient eu plus d'appétit pour la négociation, l'abrogation aurait peut-être été une bonne formule. En l'occurrence, la suspension est la meilleure méthode pour conduire à l'engagement de cette négociation.
Je veux d'ailleurs dire à tous ceux qui ont manifesté un grand scepticisme qu'ils se trompent, puisque certains partenaires sociaux ont déjà fait savoir très clairement qu'ilx étaient décidés à négocier. Réussiront-ils ? C'est une question à laquelle nous répondrons dans dix-huit mois.
Ma conviction est qu'ils peuvent réussir. Dans le cas contraire, les négociations qu'ils conduiront seront, de toute façon, un indicateur extrêmement intéressant pour préparer le texte que nous viendrons vous présenter à l'échéance de ce délai de suspension. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.

Question préalable



M. le président.
Je suis saisi, par M. Muzeau, Mme Demessine, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, d'une motion n° 32, tendant à opposer la question préalable.
Cette motion est ainsi rédigée :
« En application de l'article 44, alinéa 3 du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, portant relance de la négociation collective en matière de licenciements économiques. »
Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Guy Fischer, auteur de la motion.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette question préalable n'est pas notre dernière bataille, car, de toute évidence, nous continuerons à lutter contre ce projet de loi.
Le volet anti-licenciement de la loi du 17 janvier 2002, dite de modernisation sociale, a d'emblée fait l'objet de vives critiques, d'oppositions résolues du MEDEF et de la droite.
Reprenant les thèmes chers au MEDEF, développés dans l'appel de cinquante-six grands patrons, vous avez alors dénoncé les dangers d'un « texte de circonstance », « improvisé pour des raisons politiques », « jouant contre l'emploi », « facteur d'insécurité juridique ». Tout cela a été rappelé aujourd'hui.
Dans son ensemble, l'opposition d'alors avait annoncé qu'en cas d'alternance politique elle reviendrait sur le dispositif en vigueur en matière de licenciement. Nous y sommes ! Le candidat Président de la République Jacques Chirac fixait la méthode : un droit de saisine préalable des partenaires sociaux sur toute initiative législative dans le domaine social.
Depuis la censure par le Conseil constitutionnel, saisi à votre demande, d'une disposition clé de cette loi très controversée portant nouvelle définition du licenciement économique, le patronat n'a eu de cesse d'agir pour que l'ensemble des autres dispositions de cette loi soient purement et simplement abrogées, car elles constituent des handicaps pour les entreprises dans la mesure où elles sont contraires à la loi du marché.
L'institution nouvelle d'un médiateur tiers à l'entreprise, la distinction claire pour les entreprises soumises à l'obligation d'établir un plan de sauvegarde de l'emploi entre la procédure diligentée dans le cadre du livre III et celle qui fut diligentée dans le cadre du livre IV, renforçant de fait les prérogatives des représentants du personnel en ce qui concerne le projet de restructuration, ont cristallisé les griefs.
Les arguments développés contre la loi de modernisation sociale voilà un an sont resservis à l'identique aujourd'hui.
Vous vous contentez d'affirmer, monsieur le ministre, sans jamais le démontrer, d'ailleurs, que le texte incriminé allongerait démesurément les procédures, pénaliserait les entreprises et réduirait l'attractivité du site France.
Or la fragilité de la loi de modernisation sociale tient justement au fait que, pour l'essentiel, ses dispositions n'ont pu trouver à s'appliquer faute de décret. C'est vrai pour le médiateur, dont l'objet est de rapprocher les points de vue du chef d'entreprise et du comité d'entreprise sur le projet de restructuration et de compression d'effectif, puisque vous n'avez pas officialisé la liste des médiateurs potentiels. C'est également vrai de l'obligation de réindustrialisation des bassins d'activité, des sites totalement ou partiellement fermés.
Concernant la durée de la procédure de licenciement, là encore, vous usez de faux prétextes pour mettre à mal les moyens nouveaux dont pouvaient disposer les représentants du personnel pour être en mesure de discuter du bien-fondé des projets de restructuration. Selon un directeur adjoint d'une direction départementale du travail, « il est vrai sur le papier que les délais ponctuant le déroulement de la procédure d'information et de consultation du comité d'entreprise dans le cadre du livre IV ont été rallongés ; mais, dans les grands dossiers de la taille de Whirlpool, la discussion économique et le volet social étaient déjà dissociés ; la durée théorique était de toute façon dépassée ».
Les justifications avancées à l'appui de la nécessaire évolution des règles en matière de licenciement économique ne nous satisfont guère plus.
S'agissant de la « sécurité juridique », monsieur le ministre, nous n'avons pas, loin s'en faut, la même conception de ce vocable. Dans la mesure où rien n'est plus insupportable à l'employeur que de devoir payer a posteriori les conséquences d'un licenciement abusif ou, pis encore, de devoir réintégrer un salarié injustement licencié, vous vous employez, messieurs, à sécuriser non pas l'emploi mais les licenciements !
Je reviendrai ultérieurement sur cette question lorsque je développerai notre appréciation sur les accords de méthode.
En ce qui concerne la place réservée actuellement à la négociation par notre législation en matière de licenciement économique, contrairement aux remarques faites à ce sujet par M. le rapporteur, la négociation d'un plan social est d'ores et déjà prévue par le code du travail, en son article L. 321-6.
Mais cette négociation est subordonnée à deux principes qui, de toute évidence, gênent les promoteurs de ce projet de loi.
Il s'agit, d'une part, de la consultation préalable du comité d'entreprise pour tout ce qui concerne la marche générale de l'entreprise et les décisions ayant des conséquences sur l'emploi. C'est un principe dont la jurisprudence a déduit « que le plan social, qui est d'abord un acte unilatéral de l'employeur, doit être discuté au sein du comité avant de pouvoir être adopté au cours d'une négociation avec les syndicats sous forme d'un accord collectif ». Je cite là la décision du tribunal de grande instance de Nanterre du 11 mars 1994 concernant IBM France.
Il s'agit, d'autre part, de la soumission de l'accord collectif aux dispositions d'ordre public relatives au contenu obligatoire du plan social.
Pourquoi, dès lors, chercher à introduire cette négociation et à transformer le plan de sauvegarde de l'emploi en convention négociée si ce n'est pour mieux contourner ces deux verrous, avec toutes les conséquences qui en résultent ?
L'argument selon lequel la loi actuelle serait en contradiction avec les dispositions de la directive européenne du 20 juillet 1998 relative au rapprochement des législations des Etats membres relève, à notre sens, de l'escroquerie intellectuelle. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Alain Gournac, rapporteur. C'est un peu fort !
M. Guy Fischer. Ecoutez-moi, c'est ma dernière prise de parole importante !
Certes, cette directive prévoit que l'employeur est tenu de procéder en temps utile à des consultations des représentants du personnel en vue d'aboutir à un accord, mais elle prévoit aussi qu'il faut entendre par « représentants des travailleurs » les « représentants des travailleurs prévus par la législation ou la pratique des Etats membres ». Or la législation française repose, depuis des décennies, sur deux types de représentation, la représentation élue et la représentation syndicale.
Il est donc parfaitement abusif de soutenir que la directive communautaire privilégierait l'accord avec les organisations syndicales en ce qui concerne la consultation du comité d'entreprise.
De même, la directive, si elle tend à favoriser la recherche d'un accord, qui, répétons-le, est déjà prévu en droit français, laisse la décision ultime en cas de désaccord à l'employeur.
Mais, puisque vous croyez pouvoir prendre appui sur la directive, je souhaite connaître votre opinion sur le paragraphe 4 de son article 4. Celui-ci permet à l'autorité publique de prolonger de soixante jours le délai entre le jour où elle est informée du projet de licenciement collectif et le jour d'envoi des lettres de licenciement « lorsque les problèmes posés par les licenciements collectifs envisagés risquent de ne pas trouver de solution dans le délai initial, qui est déjà de trente jours ». Voilà qui ne cadre pas vraiment avec la volonté d'aboutir à des procédures beaucoup plus rapides que les procédures actuelles !
Le projet de loi que vous défendez, monsieur le ministre, répond aux exigences fortes de certaines entreprises qui répugnent à voir leurs choix économiques discutés, qui souhaitent s'affranchir des différentes étapes de consultation du comité d'entreprise pour accélérer la mise en oeuvre du plan social et désamorcer ainsi toute mobilisation des salariés.
La question de la prévention des licenciements économiques est éminemment politique, dans la mesure où s'entrechoquent les sphères du social et de l'économique.
En fait, vous voulez prendre, à notre sens, une revanche sociale. Bien que vous vous en défendiez, monsieur le ministre, les modifications projetées sont uniquement dictées par des considérations idéologiques.
Au moment où la croissance fléchit, où le chômage repart à la hausse et où tous les secteurs d'activité, toutes les régions sont touchées par des annonces de restructuration avec leurs charrettes de licenciements, vous faites le choix risqué de lâcher du lest en direction des entreprises. Vous évacuez du code du travail des dispositions de nature à prévenir les licenciements économiques, à renforcer les droits d'intervention des salariés, qui sont tout de même les premiers concernés par les décisions prises, et à responsabiliser davantage les employeurs dans le cadre des projets de restructuration.
Vous avez défait la loi relative aux 35 heures ; vous avez décidé la fin des emplois jeunes.
Au moment de l'examen des crédits de l'emploi, nous avons dénoncé, rappelez-vous, les choix que vous faites en matière de politique économique et sociale.
En 2003, le montant des exonérations de cotisations sociales sur les bas salaires sera supérieur aux crédits d'intervention de votre ministère, qui sont pourtant nécessaires au traitement social du chômage, mais aussi au soutien des actions volontaristes susceptibles d'augmenter en volume l'emploi.
Quelle que soit la volonté de ce gouvernement de policer le message, votre acharnement à répéter que ce projet de loi ne touche pas aux droits propres des salariés mais uniquement à la forme, à la procédure applicable en matière de licenciement économique, prouve le contraire.
Le débat à l'Assemblée nationale, « l'appel au réflexe d'intelligence économique et sociale » lancé par certains députés à l'appui d'amendements visant à pousser plus loin la simplification entreprise aboutissent à réduire la protection du droit à l'emploi.
Votre texte, monsieur le ministre, satisfait doublement le MEDEF dans le mesure où, en plus de la suspension de onze articles de la loi de modernisation sociale, la primauté du contrat et de l'accord d'entreprise sur la loi se trouve consacrée.
M. Roland Muzeau. Eh oui !
M. Guy Fischer. Selon vos propres termes, « mesure après mesure, vous déplacez le curseur entre la loi et le contrat ». Nous ne partageons pas votre souhait « d'imaginer une subsidiarité sociale ». La seule véritable protection reste, selon nous, celle de la loi et ses dispositions d'ordre public.
Nous sommes conscients du réel apport de votre projet de loi, monsieur le ministre, qui est loin de se limiter à la simple mise entre parenthèses de la loi de modernisation sociale. Notre rapporteur note très justement que ce texte « constitue en effet une première étape dans la vie de la réforme de notre droit du licenciement ».
Toutefois, toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire, monsieur le ministre, et vous passez sous silence le fait que le régime antérieurement applicable en matière de licenciement ouvert à la négociation interprofessionnelle pourrait lui aussi être revu. Or deux droits actuels qui ne résultent nullement de la loi de modernisation sociale mais du droit antérieur je pense à l'article L. 321-4-1 résultant de la loi du 27 janvier 1993, sur initiative communiste sont dans le collimateur du MEDEF et de certains membres de la majorité proches de ce milieu. Il s'agit, d'une part, du droit du comité d'entreprise ou de toute organisation syndicale représentative de contester l'insuffisance du plan social et d'en obtenir l'annulation jusques et y compris dans ses effets, c'est-à-dire l'annulation des licenciements eux-mêmes. Il s'agit d'autre part, du droit, pour chaque salarié licencié dans le cadre d'un plan social, de contester l'insuffisance du plan devant le conseil des prud'hommes et d'obtenir, à titre individuel, sa réintégration. (M. le rapporteur manifeste son impatience.)
Monsieur le rapporteur, je dispose de quinze minutes !
M. Alain Gournac, rapporteur. C'est long !
M. Guy Fischer. Nous faisons des efforts pour terminer cette nuit l'examen de ce texte, et M. le rapporteur marque déjà son impatience !
M. Alain Gournac, rapporteur. Nous perdons du temps !
M. Roland Muzeau. Un peu de décence, monsieur le rapporteur !
M. Guy Fischer. Un quart d'heure, c'est peu, sur des sujets aussi importants !
M. Michel Mercier. Allons, monsieur Fischer, la colère est mauvaise conseillière !
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Fischer. M. Guy Fischer. Ce droit s'applique même dans le cas où le comité d'entreprise et les syndicats n'ont pas agi en amont ou si, ayant agi, leur demande a été rejetée par le tribunal de grande instance.
La très célèbre jurisprudence « Samaritaine », qui a permis de confirmer que la nullité qui affecte le plan social s'étend à tous les actes subséquents, en particulier aux licenciements prononcés par l'employeur, et qui impose la poursuite des contrats de travail illégalement rompus a été attaquée frontalement à l'Assemblée nationale. Les députés chefs d'entreprises de l'UMP et de l'UDF, fondateurs du club Génération Entreprise, ont provisoirement retiré leur amendement visant à supprimer cet acquis.
Une fois de plus, monsieur le ministre, le Gouvernement a excellemment joué son rôle de modérateur social en ne cédant pas, en apparence, aux pressions de cette frange de la majorité.
Toutefois, nous savons pertinemment que, au fond, vous partagez les motivations des auteurs de ces amendements jusqu'au-boutistes. Vous contenez leurs ardeurs à pousser encore plus loin la simplification uniquement pour ne pas faire trop de vagues.
Il est en effet inutile d'agiter un chiffon rouge alors que d'autres dispositions du projet de loi - l'article 2 notamment - peuvent aboutir à la remise en cause de ces droits.
Monsieur le ministre, nous avons pris la mesure des risques que font courir vos accords de méthode. A titre expérimental, ils pourront déroger à l'ordre public social et il est à craindre que, dans les mois à venir, sans attendre l'issue de la négociation nationale, ils permettent de supprimer les avancées législatives et jurisprudentielles intervenues depuis 1993.
Le moins que l'on puisse dire est que les syndicats de salariés, non-demandeurs d'une négociation nationale sur la modernisation du droit du licenciement économique, cette matière relevant de la compétence du législateur, voient mal comment cette négociation nationale interprofessionnelle pourrait aboutir. Le MEDEF ne le souhaite pas. De plus, - et c'est là l'essentiel -, comme l'exprime le secrétaire confédéral de FO, Jean-Claude Quentin, les syndicats voient mal comment ils pourront « négocier avec le patronat des dispositions qui seraient en retrait par rapport à celles qu'on suspend ».
Dans de telles conditions, les partenaires sociaux ont peu de chances d'aboutir à un accord. Par conséquent, les risques sont grands de voir demain les accords d'entreprise dérogatoires constituer le socle que reprendra le législateur à l'issue des dix-huit mois de suspension.
Dans l'état actuel des textes, rien n'interdit aux partenaires sociaux de convenir, par un accord de méthode, des conditions dans lesquelles doivent s'effectuer les différentes phases de la procédure de consultation des institutions représentatives du personnel, notamment en matière de restructuration.
Je vais conclure,...
M. Michel Mercier. Parce que c'est l'heure !
M. Guy Fischer. ... mais j'aurai l'occasion de m'exprimer de nouveau sur ce sujet.
M. Alain Gournac, rapporteur. Nous aussi ! (Sourires.) M. Guy Fischer. Le seul et unique objet de la loi Fillon sera de permettre des accords dérogatoires, et ce pour une raison simple : la loi actuelle permet déjà de conclure des accords non dérogatoires.
Pour la même raison, lorsqu'il est indiqué que l'objectif est de conforter les accords de méthode déjà signés, il faut comprendre qu'il s'agit de légaliser les accords illicites déjà signés.
Je m'arrête là, car je sens que l'on ne me prête plus guère d'attention. Mais je poursuivrai plus tard ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. Y a-t-il un orateur contre la motion ?...
Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Vous ne serez pas étonnés, mes chers collègues, que je sois tout à fait opposé à cette proposition, la question préalable consistant de fait à revenir à ce que nous ne voulons pas.
Pour notre part, nous voulons instaurer le dialogue social dans ce pays ; nous voulons tenter pendant dix-huit mois de faire évoluer la situation.
C'est la raison pour laquelle j'émets, au nom de la commission, un avis défavorable.
M. François Trucy. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ? M. François Fillon, ministre. Je ne suis pas sûr d'avoir bien compris quelle était la justification de la question préalable, mais il est vrai que M. Fischer n'a pas pu aller jusqu'au bout de sa démonstration. (Sourires ironiques sur les travées de l'UMP.) En revanche, j'ai bien entendu le raisonnement qui a été le sien.
Premier élément de la démonstration : nous ne pouvons pas savoir si la loi de modernisation sociale est mauvaise puisqu'elle n'a pas été appliquée.
Ce n'est pas vrai ! Beaucoup de dispositions de cette loi étaient d'application immédiate. C'était le cas de la non-concomitance des procédures, de l'allongement des procédures d'information du comité d'entreprise, de l'obligation de négocier le passage aux 35 heures, et du deuxième constat de carence de l'administration. Par conséquent, les procédures les plus contraignantes de la loi de modernisation sociale s'appliquaient déjà.
Il est vrai que certaines d'entre elles, telles que le doublement de l'indemnité de licenciement, le médiateur, le congé de reclassement, nécessitaient des décrets, qui d'ailleurs ont été pris. D'autres prévoyaient des décrets qui ne l'ont pas été, que ce soit par le gouvernement précédent ou par le nôtre ; il est clair que nous n'allions pas nous précipiter pour prendre des décrets relatifs à un texte que nous considérons comme dangereux tant pour l'économie que, finalement, pour l'emploi !
Deuxième élément de l'argumentation : les dispositions de la loi de modernisation sociale ne sont pas excessives, notamment eu égard aux dispositions existant dans les autres pays européens.
J'ai eu l'occasion de donner mon sentiment et ma réponse sur ce point.
Troisième élément de la démonstration : en réalité, ce texte n'obéit qu'à un désir de revanche sociale et il s'inscrit dans un choix risqué de modification des instruments de la politique de l'emploi à un moment où la conjoncture est plus difficile.
Je vous répondrai, monsieur le sénateur, que nous modifions la politique de l'emploi précisément parce que nous pensons qu'elle n'a pas réussi. Elle n'a pas permis à la France, une fois la croissance en recul, d'atteindre des performances comparables à celles des autres pays européens. Nous n'aurions pas touché à des dispositions qui fonctionnaient.
Nous sommes convaincus que ces dispositions non seulement n'ont pas amélioré, malgré leur coût excessif pour les finances publiques, les performances de notre pays en matière d'emploi, mais que, de surcroît, maintenant que la croissance est moins forte, elles pèsent sur notre compétitivité et nous font courir un risque de désindustrialisation.
Quatrième élément de la démonstration : les accords d'entreprise visent en réalité à remettre en cause l'ordre public social.
Je voudrais sur ce point vous rassurer, si cela est possible. L'accord de méthode ne remet en rien en cause l'ordre public social. Il ne remet en cause ni le droit du comité d'entreprise à être consulté sur le projet de restructuration et sur les mesures du plan social, ni son droit de formuler des propositions alternatives, ni les prérogatives de l'administration, évidemment, et encore moins les obligations concernant le contenu et la qualité des mesures sociales.
Ce sont bien ces principes qui sont d'ordre public social, et non pas les modalités de leur mise en oeuvre, qui peuvent effectivement faire l'objet d'expérimentations, d'accords dérogatoires. Ces derniers sont limités dans le temps à deux ans et trouveront naturellement leur aboutissement, positif ou négatif, dans le texte final que le Gouvernement vous soumettra après la négociation.
Enfin - et c'est le dernier élément de votre argumentation, monsieur Fischer -, vous dites que la négociation n'aura pas lieu parce que, finalement, personne ne voudra négocier. Je ne le crois pas. Je reconnais que nous prenons un risque en nous engageant dans cette voie ; c'est d'ailleurs ce qui me fait dire que la suspension est plus courageuse que l'abrogration, car elle va nous obliger dans dix-huit mois à revenir devant le Parlement, alors que nous aurions pu abroger cette disposition et ne pas poursuivre ce débat difficile.
Je suis convaincu que nous allons obtenir l'ouverture de ces négociations. Nous n'avons pas d'autre choix que de conduire les partenaires sociaux vers de nouvelles négociations sur la formation professionnelle, le droit des licenciements, les conditions de la démocratie sociale, parce que c'est la condition de l'évolution de notre système économique et social.
Je propose au Sénat, dans ces conditions, de repousser la question préalable.
M. le président. La parole est à M. Gilbert Chabroux, pour explication de vote.
M. Gilbert Chabroux. La démonstration de notre collègue Guy Fischer a été claire et probante. Le groupe CRC et le groupe socialiste aboutissent à la même conclusion : ce projet de loi est dangereux. Par conséquent, nous voterons la motion tendant à opposer la question préalable.
M. le président. La parole est à M. François Zocchetto, pour explication de vote.
M. François Zocchetto. Il est urgent de modifier la loi du 17 janvier 2002, tout d'abord parce que ce texte a déjà produit trop d'effets négatifs en termes d'emploi depuis quelques mois, ensuite parce qu'il est impératif de relancer le dialogue social.
Nous voterons donc contre la motion tendant à opposer la question préalable.
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 32, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.

(La motion n'est pas adoptée.)
M. le président. En conséquence, nous passons à la discussion des articles.

Article 1er



M. le président.
« Art. 1er. - I. - L'application des dispositions du code de commerce et du code du travail dans leur rédaction issue des articles 96, 97, 98, 99, 100, 101, 102, 104, 106, 109 et 116 de la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale est suspendue pour une période maximale de dix-huit mois à compter de la promulgation de la présente loi, sous réserve des dispositions prévues au II.
« II. - La suppression des dispositions mentionnées au I est maintenue pour une durée d'un an à compter du dépôt d'un projet de loi intervenant au cours de cette période et définissant, au vu des résultats de la négociation interprofessionnelle engagée entre les organisations professionnelles et syndicales représentatives au niveau national, les procédures relatives à la prévention des licenciements économiques, aux règles d'information et de consultation des représentants du personnel et aux règles relatives au plan de sauvegarde de l'emploi. La mention de la date du dépôt du projet de loi maintenant la suspension fait l'objet d'un avis publié au Journal officiel de la République française.
« III. - Pendant les périodes de suspension prévues aux I et II, les dispositions des articles L. 321-1-1, L. 321-3, L. 321-4-1, L. 321-7, L. 321-9, L. 432-1, L. 432-1 bis, L. 434-6, L. 435-3 et L. 439-2 du code du travail antérieures à leur modification par les articles de la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 précitée mentionnés au I sont rétablies. »
Je suis saisi de vingt-trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune ; toutefois, pour la clarté des débats, je les appellerai successivement.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 1 est présenté par MM. Chabroux et Godefroy, Mme Printz et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée.
L'amendement n° 31 est présenté par M. Muzeau, Mme Demessine, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« Supprimer cet article. »
La parole est à M. Gilbert Chabroux, pour défendre l'amendement n° 1.
M. Gilbert Chabroux. L'article 1er est l'article essentiel du projet de loi que nous examinons. Il répond à l'exigence du MEDEF d'un retour sans délai sur les dispositions protectrices prises par le précédent gouvernement et la majorité qui le soutenait en faveur des salariés menacés ou victimes de licenciement.
L'examen de cet article nous amène à faire quelques remarques sur les licenciements.
La première de ces remarques concerne cette phrase que l'on a souvent entendue, et encore ce soir, une phrase qui paraît pleine de bon sens : « On ne licencie pas par plaisir. » C'est évident !
C'est encore plus évident pour les patrons de PME et d'entreprises artisanales qui partagent quotidiennement le travail de leurs salariés et qui sont attachés au sort d'une entreprise qu'ils ont souvent créée. Ils doivent faire face aux difficultés causées par les fluctuations des commandes ou les caprices des donneurs d'ordres. Un plan social dans une PME est une catastrophe pour toute l'entreprise ; aucun doute n'existe à ce propos.
En revanche, il est possible d'affirmer que si le patron d'un groupe transnational ne licencie pas par plaisir, il le fait, dans certains cas, avec une relative indifférence, voire en éprouvant une forme de satisfaction. Que doit-on penser, par exemple, des phrases suivantes : « Je veux faire une entreprise sans salariés » ou : « Je suis fier d'être un patron qui délocalise » ?
Le chef d'entreprise - mais mérite-t-il encore ce nom ? - qui tient de tels propos sait pertinemment que son souci aveugle de profits immédiats et de création de valeur au bénéfice des plus gros actionnaires précipitera des milliers de salariés et des régions entières dans les plus grandes difficultés, difficultés que nous aurons à affronter, mes chers collègues, lorsque la population se tournera vers nous ! Le patronat, aux exceptions notables du Centre des jeunes dirigeants et du patronat chrétien, ne s'est jamais livré à aucune réflexion sérieuse pour dépasser ce mythe de la création de valeurs financières, ce « Monopoly » spéculatif qui débouche sur des krachs retentissants, dont les conséquences seront assumées par les seuls salariés.
La gestion prévisionnelle de l'emploi a été enterrée aussitôt que créée. Vous-même, monsieur le ministre, avez dû batailler contre vos soutiens les plus résolus à l'Assemblée nationale pour éviter la suppression des dispositions relatives à l'adaptation et à la formation dans le cadre d'un plan social. Dans le courant de la négociation que vous appelez de vos voeux, le patronat refuse de coupler la formation professionnelle et le traitement des plans sociaux. Qu'ajouter à cela ?
Dans ces conditions, pourquoi était-il indispensable de revenir, pour quelques mois, sur les dispositions de la loi de modernisation sociale, alors qu'il est par ailleurs demandé aux partenaires sociaux d'engager une négociation collective interprofessionnelle et par entreprise ? Pourquoi entreprendre cette démolition des nouvelles garanties accordées aux salariés en préalable à la négociation, plutôt que de partir simplement de ce qui existe déjà ?
Même si la majorité gouvernementale porte un jugement négatif sur les articles visés de la loi de modernisation sociale, la négociation prévue entre les partenaires sociaux devrait permettre d'y porter remède en quelques mois. La procédure employée témoigne d'une volonté claire de déstabiliser les parties qui seront alors en présence. En cas de licenciements boursiers, les syndicats ne pourront plus s'appuyer, face au MEDEF, principal acteur patronal concerné, sur des textes forts favorables aux salariés. Le président du MEDEF a d'ailleurs avoué, dans un premier temps, qu'une négociation avec les syndicats lui semblait impossible alors que les positions respectives de ceux-ci et du patronat paraissaient inconciliables. Il est vrai qu'il est ensuite revenu à un discours plus convenu...
Pour autant, cela ne change rien au fait que l'on cherche à obtenir la participation des syndicats, afin de les compromettre dans la mise en place d'une régression sociale. Nous observons d'ailleurs que, sur cette question fondamentale pour tant de salariés, nulle condition de représentativité spécifique n'est mentionnée. Vous reconnaissez cependant vous-même avec justesse, monsieur le ministre, que cette question de la majorité est fondamentale pour l'avenir et la crédibilité du dialogue social.
Dès lors, n'aurait-il pas été plus judicieux d'entamer cette future négociation collective d'importance en proposant quelques pistes ? Des difficultés pour tous sont à craindre si une signature exclusive ou minoritaire vient sanctionner un accord trop défavorable aux salariés. Cette affaire ne s'engage pas bien. Un déséquilibre est inutilement créé, et les conditions de la négociation ne sont pas limpides, qu'il s'agisse de la négociation interprofessionnelle ou de ces accords d'entreprise qui, on l'espère, dérogeront aux règles du droit du travail.
Vous nous avez beaucoup reproché, chers collègues de la majorité sénatoriale, de ne pas laisser une latitude suffisante aux partenaires sociaux. Pour notre part, nous craignons que, en tant que partisans de la doctrine libérale, vous n'en laissiez une beaucoup trop grande aux mieux armés d'entre eux, dont vous aurez d'ailleurs, au préalable, renforcé la puissance. L'Etat ne peut se désengager à ce point sur un dossier aussi important pour tous nos concitoyens.
Par conséquent, nous demandons la suppression de l'article 1er du projet de loi, qui tend à vicier dès le départ les conditions de la négociation. Il y avait sans doute mieux à faire, et il est tout à fait regrettable de formuler de telles propositions.
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour présenter l'amendement n° 31.
M. Roland Muzeau. Selon les prévisions de l'OFCE, l'Observatoire français des conjonctures économiques, la croissance molle provoquera, en 2003, une hausse du chômage. Certes, en octobre dernier, le taux de chômage est resté stable ; nous savons toutefois que, en réalité, l'augmentation du nombre des demandeurs d'emploi est contenue en raison non des embauches mais du nombre important des radiations prononcées par l'ANPE.
La presse a largement diffusé la carte de France des sinistres sociaux : 36 000 postes auraient été supprimés ou seraient susceptibles de l'être dès maintenant. A cet égard, le rapport de la commission des affaires sociales fait état d'une augmentation de l'ordre de 20 %, à la fin du mois de septembre 2002, du nombre des licenciements économiques par rapport aux neuf premiers mois de 2001.
Mes chers collègues, certains d'entre vous soulignent que tout licenciement est un drame, et vont même jusqu'à déplorer que des entreprises jouissant d'une bonne santé économique et financière procèdent à des restructurations « de confort ». Pourtant, sans même chercher à débattre de mesures immédiates de nature à enrayer ces licenciements, sans même discuter au fond des choix opérés par le Gouvernement, vous vous apprêtez, en l'espace d'une journée, à valider le démantèlement de la loi de modernisation sociale.
Dans le contexte actuel, nous considérons, quant à nous, que vos choix risqués desservent l'emploi. Les gages donnés aux chefs d'entreprise par ce projet de loi sont inacceptables et dangereux.
En effet, l'article 1er vise à suspendre certains articles de la loi de modernisation sociale dont le contenu n'est pas indifférent - mais j'aurai l'occasion d'y revenir. Il prévoit la tenue d'une négociation nationale et la mise en place de mesures transitoires.
Pour bien marquer notre opposition de fond à la suspension de dispositions protectrices pour les salariés en cas de licenciement économique, permettant aux représentants du personnel d'intervenir et conduisant à responsabiliser davantage les employeurs dans le cadre des procédures de restructuration, nous avons déposé cet amendement de suppression de l'article 1er.
Sur la méthode choisie de la suspension et du renvoi à la négociation collective, que l'on me permette deformuler quelques remarques.
Il ne me semble pas qu'il existe beaucoup de précédents en matière de suspension par le législateur dedispositions dont il est à l'origine, mais je peux metromper.
Par ailleurs, quoi que vous prétendiez, chers collègues de la majorité, suspendre pour dix-huit mois équivaut à abroger. En 1986, vous aviez procédé différemment, quand vous aviez décidé de supprimer l'autorisation administrative de licenciement : vous aviez alors « nettoyé par le vide » et fixé aux partenaires sociaux une obligation de conclure avant la fin de l'année. L'accord de 1986 n'est considéré comme une référence que par le MEDEF !
Aujourd'hui, vous procédez plus intelligemment, mais le résultat est strictement identique : le patronat aura, durant dix-huit mois, voire trente mois, les mains entièrement libres pour licencier sans retenue et renforcer sa position dans la négociation.
Pour toutes ces raisons, nous proposons au Sénat de supprimer l'article 1er.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 2 est présenté par MM. Chabroux et Godefroy, Mme Printz et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée.
L'amendement n° 33 est présenté par M. Muzeau, Mme Demessine, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« Dans le I de cet article, supprimer la référence : "96". »
La parole est à M. Gilbert Chabroux, pour présenter l'amendement n° 2.
M. Gilbert Chabroux. Nous souhaitons le maintien de l'article 96 de la loi de modernisation sociale.
Je rappelle que cet article prévoit que, à défaut d'avoir conclu ou engagé les négociations relatives à un accord de réduction du temps de travail, l'employeur peut voir la procédure de licenciement qu'il a entamée annulée par le juge. Cette disposition ne vaut évidemment pas pour les entreprises en situation de liquidation ou en règlement judiciaire.
Je rappelle que ce texte n'a pas été adopté par hasard. S'il a été appelé l'« amendement Michelin », c'est parce que cette entreprise avait engagé, précisément à cette époque, sans rechercher aucune solution de rechange, sans ouvrir aucune négociation préalable, une procédure de licenciement concernant plusieurs milliers de salariés.
L'énormité des faits a montré qu'il était indispensable de rappeler à certains employeurs la possibilité de recourir aux dispositifs de réduction du temps de travail. Ce n'était d'ailleurs pas une innovation, puisque l'idée d'utiliser la RTT pour préserver des emplois avait vu le jour lors de l'élaboration de la loi de Robien.
Vous aviez d'ailleurs voté cette loi, chers collègues, trouvant, à l'époque, l'idée judicieuse. Vous êtes maintenant opposés à la réduction du temps de travail, alors qu'il a été largement démontré, par de nombreux organismes d'études et de recherche, qu'elle contribue à la préservation et à la création d'emplois.
L'article 96 de la loi de modernisation sociale présente deux caractéristiques intéressantes.
En premier lieu, il apporte un important élément de souplesse. En effet, il prévoit l'obligation non pas d'avoir conclu un accord de réduction du temps de travail, mais d'avoir entamé des négociations en vue d'y parvenir. Il s'agit donc de favoriser le dialogue social au sein de l'entreprise, et non d'imposer une obligation absolue de résultat. La négociation entre les partenaires sociaux de l'entreprise est donc pleinement respectée.
En second lieu, il est conforme à un arrêt de la Cour de cassation du 20 janvier 2002, qui pose également le principe de la négociation préalable avant toute prise de décision.
La suppression de l'article 96 semble donc répondre davantage à des motifs idéologiques qu'à des nécessités objectives. Seule la volonté de revenir sur la réduction du temps de travail l'inspire, conformément aux désirs du MEDEF.
Nous nous étonnons néanmoins que l'on supprime un article visant à encourager la négociation, alors même que le Gouvernement et sa majorité mettent sans cesse l'accent sur cette dernière, préférée à la législation. Il est vrai que la teneur de l'article 96 de la loi de modernisation sociale ne convient pas au MEDEF, et que la spéculation boursière commande bien plus que l'avenir des salariés !
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour présenter l'amendement n° 33.
M. Roland Muzeau. Non contents de votre stratégie, monsieur le ministre, préférant l'abrogation à la suspension mais n'ayant pu obtenir d'aller ouvertement jusqu'au bout de votre démarche en renvoyant totalement et immédiatement à la négociation entre les partenaires sociaux, certains députés de l'UDF et de l'UMP ont cherché à élargir le champ de la suspension affectant les dispositions de la loi de modernisation sociale.
Par souci de simplification juridique, nous dit-on, toutes les grandes entreprises étant déjà passées aux 35 heures, lesdits députés ont, avec l'accord du Gouvernement, suspendu la disposition communément appelée « amendement Michelin ».
Cet accroissement du champ de la suspension n'est pas sans satisfaire la commission des affaires sociales, qui n'a eu de cesse, à chaque fois qu'un support législatif le permettait, de batailler contre l'obligation faite à l'employeur de conclure ou, à défaut, d'engager des négociations tendant à la conclusion d'un accord de réduction du temps de travail, obligation qui, il faut bien l'avouer, n'était pas si contraignante que cela et reflétait surtout un souci de moralité.
Mais peu importe, puisqu'elle va à l'encontre des décisions du Gouvernement en matière de temps de travail ! Par conséquent, après avoir assoupli, pour ne pas dire remis en cause, la loi Aubry II, vous refusez, chers collègues de la majorité sénatoriale, d'admettre que la RTT puisse être pour les entreprises un outil de nature à éviter les licenciements.
La portée symbolique de ce geste politique n'échappe à personne, nous n'entendons pas le cautionner, et c'est pourquoi nous avons déposé le présent amendement, qui vise à soustraire du champ de la suspension l'article 96 de la loi de modernisation sociale.
M. le président. L'amendement n° 34, présenté par M. Muzeau, Mme Demessine, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Dans le I de cet article, supprimer les références : "97, 98". »
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. L'article 97 de la loi de modernisation sociale prévoit de faire précéder toute cessation totale ou partielle d'activité concernant au moins cent salariés d'une décision des organes de direction et de surveillance de l'établissement ou de l'entreprise.
L'article 98 de la même loi vise quant à lui la réalisation d'une étude d'impact social et territorial servant à la prise de décision par lesdits organes quand ils sont saisis de tout projet de développement stratégique.
Ces dispositions vous sont insupportables, chers collègues de la majorité sénatoriale, dans la mesure où elles ont été insérées non dans le code du travail, mais dans le code de commerce. En effet, vous ne pouvez admettre une quelconque corrélation entre le droit du travail et le droit commercial, et l'adoption de la loi relative aux nouvelles régulations économiques vous a donc fait bondir.
Pourtant, comment ne pas admettre que les organes de direction puissent disposer, notamment en matière de cessation d'activité, d'un document d'information portant sur les conséquences directes ou indirectes pour l'entreprise, l'emploi, mais aussi le bassin d'emploi, de la décision qu'ils s'apprêtent à prendre ?
Nous sommes tous ici des élus locaux préoccupés par le devenir du tissu économique de nos régions. Dans la mesure où les projets de l'entreprise affectent l'emploi - et c'est nécessairement le cas -, il est de la responsabilité du chef d'entreprise de fournir de telles informations, de nature à améliorer les garanties apportées aux salariés.
Par conséquent, je propose, par cet amendement, de maintenir des dispositions dont le champ d'application reste très spécifique. C'est peut-être l'une des raisons qui avaient motivé le choix du rapporteur de la commission des affaires sociales, voilà un an, de ne pas revenir purement et simplement sur le principe de l'étude d'impact social et territorial !
M. le président. L'amendement n° 3, présenté par MM. Chabroux et Godefroy, Mme Printz et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Dans le I de cet article, supprimer la référence : "97". »
La parole est à M. Gilbert Chabroux.
M. Gilbert Chabroux. Je défendrai simultanément les amendements n°s 3 et 4, qui traitent du même sujet.
Avant toute fermeture d'un établissement ou compression d'effectifs concernant au moins cent salariés, le comité d'entreprise doit obligatoirement être consulté, et une étude d'impact social et territorial doit être réalisée et présentée au conseil d'administration et de surveillance.
La suppression de cette étude d'impact serait particulièrement étonnante. Je rappelle que, lors de la séance publique du 9 octobre 2001, la majorité du Sénat avait reconnu la légitimité de cette démarche. Au demeurant, de telles études d'impact sont couramment réalisées par des cabinets spécialisés, à la demande des entreprises et des élus des régions concernées. Pour ces entreprises, il s'agit de l'un de ces actes de « bonne gouvernance » chers au Premier ministre. Une logique purement financière peut, en effet, avoir des conséquences particulièrement négatives en termes d'image, et donc de chiffre d'affaires.
L'étude d'impact permet de prendre la mesure des conséquences sociales de la décision envisagée pour le territoire touché, et, par suite, de préparer l'éventuel reclassement des salariés. Au-delà de l'entreprise, les conséquences de la fermeture ou de la compression d'effectifs pour les sous-traitants, les autres entreprises de la région, les services publics locaux, les écoles et les commerces sont également identifiées : c'est le tissu économique et social de toute une région qui va être affecté, et parfois détruit.
Des mesures peuvent être prises pour tenter de recréer des entreprises, grâce souvent à des aides publiques, mais aussi à des aides de l'entreprise qui ferme ses portes.
Evidemment, l'étude d'impact présente l'inconvénient de mettre l'entreprise face à ses responsabilités. Si une entreprise a embauché des jeunes de seize ans puis les a fait travailler pendant trente ans sur le même poste sans jamais leur offrir aucune formation avant de délocaliser sa production, par exemple en Asie, l'étude d'impact social le mettra en évidence. L'exploitation subie par ces salariés apparaîtra alors dans toute sa cruauté.
Il en est de même de l'impact territorial : la quasi-impossibilité de réindustrialiser une région qui, en raison de son isolement, de la pauvreté de ses infrastructures, ne vivait que par une entreprise apparaît rapidement. On comprend que certains ne souhaitent pas voir leurs responsabilités ainsi mises en évidence !
Que résultera-t-il de l'abrogation de l'article 97 ? Les études d'impact continueront certes d'exister, mais sur la base du volontariat, comme c'est le cas aujourd'hui. Il est regrettable que le Gouvernement et sa majorité, de nouveau, agissent, contre les intentions qu'ils affichent par ailleurs, privant notre économie et, surtout, nos élus locaux d'un instrument particulièrement utile à l'intervention économique.
M. le président. L'amendement n° 4, présenté par MM. Chabroux et Godefroy, Mme Printz et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Dans le I de cet article, supprimer la référence : "98". »
La parole est à M. Gilbert Chabroux.
M. Gilbert Chabroux. Cet amendement est défendu.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 5 est présenté par MM. Chabroux et Godefroy, Mme Printz et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée.
L'amendement n° 35 est présenté par M. Muzeau, Mme Demessine, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« Dans le I de cet article, supprimer la référence : "99". »
La parole est à M. Gilbert Chabroux, pour défendre l'amendement n° 5.
M. Gilbert Chabroux. L'amendement n° 5 vise au maintien de l'article 99 de la loi de modernisation sociale.
Sur le plan juridique, cet article a simplement mis fin à la confusion née d'une accumulation de décisions prises en 1996 et en 1997 par la Cour de cassation qui indiquaient que les deux procédures définies dans les livres III et IV du code du travail pouvaient être concomitantes à condition de rester distinctes. Il a également précisé les modalités de concertation.
La suspension de cet article va donc réintroduire la confusion entre les deux procédures, qui avaient été séparées précisément pour favoriser le développement de la négociation, en permettant au comité d'entreprise de contester le bien-fondé des licenciements, donc de discuter sur le fond. Cette option ne convient manifestement pas aux représentants des groupes transnationaux : délocalisations et licenciements boursiers ne souffrent aucun retard !
C'est pour répondre à de tels procédés, qui voient les représentants du personnel mis devant le fait accompli, qu'un droit d'opposition avec recours suspensif a été instauré dans la loi que nous avons votée. Ce faisant, nous avions réintroduit un peu de citoyenneté dans l'entreprise, ce qui est évidemment en contradiction totale et définitive avec l'idéologie du libéralisme et de la spéculation.
On nous a reproché de mettre les entreprises en difficulté en allongeant les délais de procédure. Il n'en est rien, ainsi que je l'ai déjà expliqué. Ce reproche montre seulement que ceux qui le formulent font peu de cas du sens des responsabilités des salariés ! Lorsqu'une entreprise est véritablement en difficulté, il est de l'intérêt des salariés et de leurs représentants de trouver rapidement des solutions, que ce soit en interne ou pour faciliter le reclassement ; en revanche, quand il s'agit de licenciements organisés par une entreprise dont le seul but est d'augmenter son taux de profit par le biais de la sous-traitance ou de la délocalisation, il est de l'intérêt, mais aussi du devoir des salariés de lutter pour tenter de sauver leurs emplois et le tissu économique et social de la région.
Le comportement de prédateur de ces groupes doit être dénoncé, et les salariés sont en première ligne dans ce combat. Il est du devoir des pouvoirs publics, dont la raison d'être est de défendre l'intérêt général, de se donner les moyens de soutenir ces derniers.
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour défendre l'amendement n° 35.
M. Roland Muzeau. Beaucoup de choses ont été dites sur l'article 99 de la loi de modernisation sociale, qui, pour les entreprises soumises à l'obligation d'établir un plan social de sauvegarde de l'emploi, vise à distinguer la consultation du comité d'entreprise sur le projet de restructuration de celle qui porte sur le projet de licenciement : cet article serait source de rigidité, il allongerait démesurément la procédure d'information et de consultation des représentants du personnel, alors que les salariés ont intérêt à connaître rapidement leur sort. Tous ces arguments servent à masquer la véritable raison qui pousse la droite et le patronat à souhaiter non pas la dissociation, mais la confusion des procédures.
Dans l'esprit des auteurs de la loi de modernisation sociale, la clarification ainsi opérée dans l'articulation des deux procédures répondait à une volonté légitime de renforcer les pouvoirs d'intervention des comités d'entreprise - et par là même des salariés - le plus en amont possible.
Depuis l'adoption de cette loi, le comité d'entreprise, dans le cadre de ses compétences générales, est consulté sur les projets de restructuration et de compression d'effectifs ; il peut formuler des propositions alternatives et demander la désignation d'un expert-comptable, ce qui est positif si l'on souhaite effectivement que les décisions fassent l'objet d'une discussion. C'est bien là que le bât blesse, car il est inconcevable à vos yeux que le comité d'entreprise ait à se prononcer sur le bien-fondé d'un projet de restructuration !
La seconde phase concerne la mise en oeuvre de ces choix, c'est-à-dire le plan de sauvegarde de l'emploi.
Pour justifier la suspension de l'article 99, vous vous abritez derrière la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation, qui ne tranche absolument pas dans le sens que vous souhaitez la question du déroulement de la procédure de consultation.
Contrairement à ce que vous avancez, les règles posées sont loin d'être claires et précises, et la consultation du comité d'entreprise dans le cadre de sa compétence spéciale ne dispense pas l'employeur de diligenter, d'abord ou de façon concomitante, une consultation du comité d'entreprise dans le cadre de sa compétence générale.
Ayez au moins le courage d'avouer que c'est le renforcement des prérogatives du comité d'entreprise, qu'autorisent notamment les dispositions de l'article 99, qui vous gêne !
Sous le bénéfice de ces observations, je vous invite, sans grand espoir, à voter cet amendement.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 6 est présenté par MM. Chabroux et Godefroy, Mme Printz et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée.
L'amendement n° 36 est présenté par M. Muzeau, Mme Demessine, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« Dans le I de cet article, supprimer la référence : "100". »
La parole est à M. Gilbert Chabroux, pour défendre l'amendement n° 6.
M. Gilbert Chabroux. L'amendement n° 6 vise au maintien de l'article 100 de la loi de modernisation sociale, qui instaure l'obligation d'information du comité d'entreprise, avant toute annonce publique, sur les mesures affectant de manière importante les conditions de travail et d'emploi des salariés. Cet article complète ainsi les dispositions déjà contenues dans le code du travail relatives à l'information du comité d'entreprise sur les questions intéressant l'organisation, la gestion et les mesures de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs. Je rappelle, au demeurant, que l'absence d'information constitue un délit d'entrave.
L'article 100 de la loi de modernisation sociale ne constitue donc en rien une révolution, et sa suspension - ou son abrogation ! - nous amène à poser de nouveau deux questions.
La première est peut être naïve : est-il décent que des salariés apprennent leur licenciement par la presse ? Non, en aucun cas ! Rien ne peut justifier un pareil mépris, une telle indifférence envers ceux que d'aucuns considèrent tout bonnement comme le stock de main-d'oeuvre !
La seconde porte, encore une fois, sur le mode de gouvernance des entreprises. Certes, une entreprise doit être ouverte sur son environnement, puisqu'elle vit d'échanges avec celui-ci. Est-ce néanmoins à cet environnement qu'il revient d'être informé d'abord des décisions importantes, avant même les salariés, dont le sort dépend pourtant totalement de l'avenir de l'entreprise ? En d'autres termes, la loi du marché, les pratiques financières et commerciales passent-elles avant le respect du droit du travail et des travailleurs ? Là aussi, à nos yeux, la réponse est à l'évidence non.
Comme c'est souvent le cas en droit du travail, la complexité des procédures ne parvient pas à dissimuler des questions simples et des rapports de force brutaux. Le droit d'expression des salariés, le respect de leur dignité dans l'entreprise se construisent pas à pas et ne sont pas toujours compatibles - nous en avons l'exemple - avec les pratiques de l'économie de marché. Et c'est à dessein que j'emploie le mot de « pratiques » plutôt que celui de « règles », car on chercherait en vain les règles d'un jeu dont le but est précisément la dérégulation totale !
En supprimant la règle d'évidence énoncée à l'article 100 de la loi de modernisation sociale, vous rompez un équilibre difficilement obtenu et vous faites pencher un peu plus encore la balance vers le règne de la spéculation, au mépris de la dignité des travailleurs.
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour présenter l'amendement n° 36.
M. Roland Muzeau. L'article 100 de la loi de modernisation sociale encadre les annonces publiques du chef d'entreprise sur la stratégie économique de l'entreprise, annonces qui ont nécessairement des conséquences importantes, voire graves, sur les conditions de travail et sur l'emploi des salariés.
Il ne suffit pas de se dire choqué que des salariés apprennent par la presse que demain leur emploi sera supprimé, leur entreprise fermée. Vous attendez des chefs d'entreprise un peu plus de doigté, de tact dans des circonstances aussi dramatiques, et quelques-uns de nos collègues n'ont pu faire autrement, tout à l'heure, que de le reconnaître.
Nous, nous voulons que les salariés, via le comité d'entreprise, soient les premiers destinataires de l'information, et je ne vois pas en quoi cette exigence serait choquante.
Les arguments avancés pour demander la suspension de cet article ne sont pas satisfaisants. Ainsi, il serait en contradiction avec le droit boursier. Une telle affirmation est choquante et fausse, dans la mesure où, comme le Conseil constitutionnel l'a précisé dans sa décision du 12 janvier 2002, les membres du comité d'entreprise sont tenus à une obligation de discrétion qui suffit à rendre les dispositions visées conformes au droit boursier.
Par conséquent, nous demandons le maintien de cette mesure, extrêmement importante pour la dignité dessalariés.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 7 est présenté par MM. Chabroux et Godefroy, Mme Printz et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée.
L'amendement n° 37 est présenté par M. Muzeau, Mme Demessine, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« Dans le I de cet article, supprimer la référence : "101". »
La parole est M. Gilbert Chabroux, pour présenter l'amendement n° 7.
M. Gilbert Chabroux. L'amendement n° 7 vise au maintien de l'article 101 de la loi de modernisation sociale.
Contrairement à ce qu'affichent les intentions proclamées, la suspension de cet article porterait atteinte, de nouveau, à la négociation collective. En effet, l'article 101 prévoit la possibilité pour le comité d'entreprise de faire des propositions alternatives au plan de licenciement et de discuter de l'avenir de l'entreprise ; l'employeur ne peut présenter de plan social tant qu'il ne lui a pas fourni de réponse motivée.
Un intervenant candide pourrait se demander en quoi l'obligation d'une réponse motivée à des propositions alternatives peut gêner un chef d'entreprise : il semble tellement évident que les licenciements ne sont décidés qu'en dernier recours, lorsque aucune autre solution n'est possible pour sauver l'entreprise ! Mais je doute que siègent sur les travées de la Haute Assemblée un grand nombre de personnes candides.
Une telle exigence pose donc problème aux zélateurs du libéralisme. Tout d'abord, il n'est pas acceptable à leurs yeux de contraindre le détenteur ou le représentant du capital à s'expliquer sur ses projets et sur ses actes. Ensuite, le chef d'entreprise est pour eux non seulement le détenteur de capitaux ou de stock-options, mais aussi le détenteur exclusif de la compétence économique et de la compétence de gestion, et s'il est possible d'aménager les conséquences de ses décisions pour éviter des scandales trop voyants, la légitimité de ces dernières, par nature, n'est pas contestable.
Il arrive cependant que les actionnaires - Vivendi en est l'exemple - contestent valablement ses décisions, mais cela n'est possible que si leur poids dans le capital et dans les réseaux d'influence le permettent. Les salariés, dont le revenu dépend entièrement de l'entreprise - ce n'est pas le cas des stock-options ! -, n'ont pas à intervenir dans ce débat qui les dépasse infiniment ! C'est en quelque sorte la nature qui le veut : c'est le capitalisme à l'état de nature.
En dernier ressort, on nous objecte que cette procédure fera perdre du temps, alors que la seule urgence serait de licencier les salariés puis de les reclasser, si on le peut il faudrait aller vite et ne pas perdre de temps à discuter de l'inévitable.
Un moment de réflexion permet pourtant de comprendre que ce rideau de fumée vise surtout à empêcher les salariés et l'opinion publique de voir que ce qui leur est présenté comme fatal peut parfaitement être évité. La fatalité n'existe pas, seule existe la volonté économique d'augmenter indéfiniment les taux de profit, volonté relayée par des politiques dévouées. Au demeurant, cela ne trompe plus personne.
Les termes du débat se résument alors à ce pauvre chantage : si vous n'acceptez pas les licenciements qui vous sont proposés maintenant, il y en aura bientôt davantage. On pourrait croire un tel raisonnement si l'expérience ne prouvait pas que les emplois détruits ici sont recréés plus loin, dans des conditions sociales infiniment moins favorables, voire inexistantes.
L'urgence et la nécessité de licencier sont le plus souvent très relatives. Pour notre part, nous avons trop le respect de la négociation, c'est-à-dire des deux partenaires qui la conduisent, pour empêcher ceux-ci de mener à bien leurs débats. Il est donc nécessaire de conserver intact l'article 101 de la loi de modernisation sociale.
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour présenter l'amendement n° 37.
M. Roland Muzeau. Les dispositions de l'article 101 de la loi de modernisation sociale ont sensiblement accru les pouvoirs du comité d'entreprise sur le projet de restructuration et de compression des effectifs, ce qui, selon vous, est de nature à limiter beaucoup trop fortement la marge de manoeuvre du chef d'entreprise. En effet, le comité d'entreprise peut formuler des propositions alternatives, l'employeur ne pouvant ensuite présenter de plan de sauvegarde de l'emploi tant qu'il n'a pas apporté de réponse motivée aux avis et aux propositions formulés ; un médiateur peut également être saisi.
L'institution nouvelle de ce médiateur, tiers à l'entreprise venant demander des explications au tout-puissant chef d'entreprise, est proprement inconcevable pour les libéraux que vous êtes. C'est pourquoi vous voulez suspendre l'application de cet article.
Nous pensons au contraire qu'il faut préserver cette possibilité nouvelle de dialogue social au sein de l'entreprise et, pour ce faire, nous demandons que cette disposition soit maintenue.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 8 est présenté par MM. Chabroux et Godefroy, Mme Printz et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée.
L'amendement n° 38 est présenté par M. Muzeau, Mme Demessine, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« Dans le I de cet article, supprimer les références : "102, 104". »
La parole est à M. Gilbert Chabroux, pour présenter l'amendement n° 8.
M. Gilbert Chabroux. Il s'agit d'un amendement de coordination.
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour défendre l'amendement n° 38.
M. Roland Muzeau. Il s'agit, en effet, d'un amendement de coordination.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 9 est présenté par MM. Chabroux et Godefroy, Mme Printz et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée.
L'amendement n° 39 est présenté par M. Muzeau, Mme Demessine, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« Dans le I de cet article, supprimer la référence : "106". »
La parole est à M. Gilbert Chabroux, pour défendre l'amendement n° 9.
M. Gilbert Chabroux. L'article de la loi de modernisation sociale dont la suspension est ici visée concerne l'intervention d'un médiateur en cas de conflit entre le chef d'entreprise et le comité d'entreprise. Il s'agit, par cet amendement, de permettre d'aller au bout de la négociation, avec l'aide d'un intervenant extérieur si cela paraît opportun.
On nous reproche de vouloir judiciariser à l'extrême les rapports dans l'entreprise. C'est précisément ce que cet article tend à éviter en créant les conditions permettant de retrouver un climat serein pour faire avancer le débat et aboutir à un accord juridiquement valable. Mais la seule mention d'un intervenant extérieur - comme lorsque nous avons créé le conseiller du salarié dans les petites entreprises dépourvues de représentants du personnel - est insupportable pour de nombreux chefs d'entreprise, qui le considèrent comme un intrus. On en reviendra donc, et ce n'est pas le moindre des paradoxes, aux procédures judiciaires !
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour défendre l'amendement n° 39.
M. Roland Muzeau. Il est déjà défendu.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 10 est présenté par MM. Chabroux et Godefroy, Mme Printz et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée.
L'amendement n° 40 est présenté par M. Muzeau, Mme Demessine, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« Dans le I de cet article, supprimer la référence : " 109 ". »
La parole est à M. Gilbert Chabroux, pour présenter l'amendement n° 10.
M. Gilbert Chabroux. La modification introduite par l'article 109 de la loi de modernisation sociale implique que les critères retenus pour établir l'ordre des licenciements soient appréciés par catégorie professionnelle et prennent notamment en compte les charges de famille ; il s'agit en particulier de tenir compte de la situation des parents isolés, de l'âge ou d'un éventuel handicap.
La législation antérieure faisait prévaloir le critère des qualités professionnelles sur l'ensemble des autres critères pour définir l'ordre des licenciements, ce qui conduisait à favoriser l'éviction des salariés pour lesquels les licenciements avaient les conséquences les plus dures, ceux qui, précisément, auraient le plus de mal à retrouver un emploi.
Si cette nouvelle rédaction a été adoptée, c'est que, dans un certain nombre de cas, ces caractéristiques sociales ne sont pas le seul fait des circonstances privées et familiales. En effet, la responsabilité de l'entreprise se retrouve incontestablement engagée lorsqu'elle utilise une procédure de licenciement pour reprofiler sa pyramide des âges ou lorsque les salariés n'ont bénéficié d'aucune formation, ce qui rend leur reclassement particulièrement difficile. Il est donc légitime que l'entreprise ne puisse recourir à des procédés de ce type pour s'exonérer de sa responsabilité.
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour défendre l'amendement n° 40.
M. Roland Muzeau. L'article 109 de la loi de modernisation sociale visait à supprimer les qualités professionnelles de la liste des critères définis par le code du travail pour l'ordre à suivre lors d'un licenciement collectif. Le but était de conserver les seuls critères objectifs, conformément d'ailleurs aux exigences de la jurisprudence, selon laquelle l'employeur expose « les données objectives ayant présidé à la définition et à la mesure de ce critère ».
Messieurs, vous qui prétendez faire preuve de rigueur intellectuelle, comment pouvez-vous plaider l'introduction d'un motif personnel lors d'un licenciement économique, alors que celui-ci est par définition non inhérent à la personne du salarié ?
Considérant que la mention de ce critère des qualités professionnelles est de nature à permettre aux employeurs de licencier en priorité les salariés les plus faibles, les plus vulnérables, les moins bien notés, les personnes les moins qualifiées, les salariés les plus fragiles et qui, par conséquent, ont le plus de difficulté à s'insérer sur le marché de l'emploi, nous proposons d'en maintenir la suppression.
Par ailleurs, nous avons déposé un amendement tendant à insérer un article additionnel après l'article 1er et se rapportant lui aussi à cette question des qualités professionnelles. Il vise à ce que l'employeur, après consultation des représentants du personnel, ne puisse plus, en l'absence de dispositions spécifiques dans la convention collective, ajouter des critères liés aux qualités professionnelles.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 11 rectifié est présenté par MM. Chabroux et Godefroy, Mme Printz et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée.
L'amendement n° 41 rectifié est présenté par M. Muzeau, Mme Demessine, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« Dans le I de cet article, supprimer les mots : "et 116". »
La parole est à M. Gilbert Chabroux, pour présenter l'amendement n° 11 rectifié.
M. Gilbert Chabroux. Cet amendement vise au maintien de l'article 116 de la loi de modernisation sociale, qui donne désormais à l'autorité administrative la possibilité, tout au long de la procédure de consultation et jusqu'à la dernière réunion du comité d'entreprise, de présenter toute proposition destinée à compléter ou à modifier le plan social, en tenant compte de la situation économique et des capacités financières de l'entreprise.
L'employeur doit apporter une réponse motivée aux suggestions de l'administration du travail. Celle-ci peut dresser un constat de carence du plan social et demander une nouvelle réunion du comité d'entreprise sous huit jours, ce qui n'allonge pas considérablement les délais, mais peut permettre de compléter le plan social.
L'intérêt de ce second constat de carence, institué par l'article 116, est qu'il intervient sur un texte existant et non sur un projet de texte, comme le premier constat possible.
Il s'agit donc d'une intervention de plus grande incidence, portant sur du concret et non sur des données encore incertaines.
Par ailleurs, il convient de souligner le coût important pour la collectivité nationale de ces nombreux plans sociaux ainsi que celui des fermetures de sites industriels. En termes d'aménagement du territoire et en termes sociaux, les budgets de l'Etat, des collectivités territoriales et des organismes sociaux sont très largement sollicités.
En ces jours où l'avenir de l'UNEDIC est évoqué par les partenaires sociaux, il faut rappeler que la source première de nos difficultés réside clairement dans la remontée du chômage, première source de nouvelles prestations à distribuer et première source de baisse des prélèvements obtenus.
Un contrôle approfondi de l'autorité administrative sur le contenu des plans sociaux n'est donc pas inutile ; il va plutôt dans le sens de l'économie des deniers publics, préoccupation à laquelle le Sénat est toujours sensible.
Il faut néanmoins reconnaître le soin que vous portez à contrôler les demandeurs d'emploi, puisque vous êtes parvenus au chiffre record de 79 % d'augmentation s'agissant des radiations administratives à l'ANPE.
Il y a donc bien des secteurs où un contrôle sévère est exercé, mais le choix de ces secteurs semble particulièrement sélectif.
En tout cas, nous vous suggérons, monsieur le ministre, de ne pas négliger les plans sociaux, ce qui permettrait de contrôler à la source une bonne part des dépenses publiques et sociales.
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour présenter l'amendement n° 41 rectifié.
M. Roland Muzeau. En suspendant l'article 116 de la loi de modernisation sociale, il s'agit ni plus ni moins de réduire les droits et les possibilités d'intervention de l'inspecteur du travail.
Nous savons combien, dans les entreprises, le rôle de contrôle et d'aide de l'inspecteur du travail, aux côtés des salariés est primordial, même s'il agit quelquefois comme médiateur auprès de l'employeur.
Bien évidemment, les dispositions introduites par la loi de modernisation sociale et tendant à accroître le rôle de l'inspecteur du travail vous sont insupportables. C'est dans la logique des propos qui ont été tenus ce soir, dans la logique des débats qui ont eu lieu à l'Assemblée nationale : tout ce qui apporte une aide aux salariés ne peut attirer votre attention, tout ce qui peut contribuer à lutter contre les licenciements non plus.
Je crois que nous aurons à discuter à nouveau de ce sujet dans les débats à venir, car l'inspection du travail est pour nous un élément incontournable à privilégier.
M. le président. L'amendement n° 12, présenté par MM. Chabroux et Godefroy, Mme Printz et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Supprimer le II de cet article. »
L'amendement n° 13, présenté par MM. Chabroux et Godefroy, Mme Printz et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Supprimer le III de cet article. »
La parole est à M. Gilbert Chabroux, pour défendre ces deux amendements.
M. Gilbert Chabroux. L'amendement n° 12 concerne le paragraphe II de l'article 1er.
Ce paragraphe symbolise pour nous l'ambiguïté du projet de loi dont nous discutons, ambiguïté qui vous est d'ailleurs reprochée par une partie de vos amis, monsieur le ministre, ainsi que par le président du MEDEF.
Permettez-moi de reprendre la formule du président du MEDEF, qui dit avec une certaine ironie - et nous serions presque d'accord avec lui - ...
M. Alain Gournac, rapporteur. Tiens, il y a longtemps que vous ne l'aviez pas cité !
M. Gilbert Chabroux. ... que « le Gouvernement fait sans faire tout en faisant ».
M. Nicolas About, président de la commission. Il n'y a que vous qui comprenez !
M. Gilbert Chabroux. J'ai repris très exactement la phrase du président du MEDEF !
Il est bien évident que la suspension que vous nous proposez est de fait une abrogation. Personne n'imagine sérieusement qu'au terme du délai de dix-huit mois les articles de la loi de modernisation sociale relatifs aux licenciements reprendront vie.
Chacun sait qu'il s'agit d'une abrogation déguisée, nourrie de l'espoir que les partenaires sociaux fourniront au Gouvernement un projet de loi clés en main.
Il ne sert à rien de se cacher derrière un brin d'herbe et de nous proposer ce dispositif contourné et inédit !
Nous sommes en désaccord avec vous sur cette manière de procéder. Que le Gouvernement souhaite modifier une loi existante est tout à fait légitime, mais point n'est besoin de suspendre cette loi avant d'en proposer une autre, en revenant ainsi à un texte antérieur.
La confusion est extrême et nous sommes dans un véritable imbroglio juridique, comme cela a été dénoncé par un député UDF à l'Assemblée nationale. La confusion est extrême, puisque les plans sociaux qui se déroulent actuellement sont, pour la plupart d'entre eux, régis par le texte que vous voulez suspendre, sauf si la procédure a été engagée avant ou si elle doit être entreprise après la publication de votre texte.
Vous suivez sans peine la chronologie : c'est clair, c'est simple !
Comment voulez-vous que cela ne donne pas lieu à contentieux ?
Il est donc clair que vous nous présentez un texte d'abrogation, mais comme vous n'avez rien à offrir ni au Parlement ni à la réflexion des partenaires sociaux, vous vous bornez à nous annoncer qu'un texte sera proposé dans dix-huit mois ou dans trente mois et que, d'ici là, la législation relative aux plans sociaux restera - pardonnez-moi le jeu de mot - en « suspension » !
Ce n'est pas de bonne méthode ! Même si les dispositions de la loi de modernisation sociale sont insupportables au patronat, il ne s'agit pas de se précipiter pour lui complaire.
Le Gouvernement serait plus dans son rôle en maintenant de la clarté dans la législation plutôt qu'en y introduisant de la confusion.
Quant à l'amendement n° 13, c'est un amendement de cohérence.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Je vais essayer de donner rapidement l'avis de la commission au fur et à mesure...
M. Roland Muzeau. Ah non !
M. Guy Fischer. Il n'y a aucune obligation d'aller vite !
M. Alain Gournac, rapporteur. Non, certes. Je prendrai tout mon temps ; mais j'essaierai d'être succinct tout en restant clair !
M. Roland Muzeau. Nous voulons comprendre !
M. Alain Gournac, rapporteur. La commission est, bien évidemment, défavorable aux amendements n°s 1 et 31 puisque la suppression de l'article 1er, article fondamental, viderait l'ensemble du projet de loi de sa substance.
Les amendements n°s 2 et 33 visent à exclure du champ des articles dont l'application est suspendue, l'article 96, dit « amendement Michelin ». Or cette exclusion serait en contradiction avec la politique actuelle d'assouplissement des 35 heures. Si la réduction du temps de travail peut être, dans certains cas, un moyen d'accompagner une restructuration, elle doit néanmoins correspondre aux spécificités des entreprises concernées et relever du dialogue et non de l'obligation.
A ce propos, j'observe que l'article L. 321-4-1 du code du travail, modifié par l'article 112 de la loi de modernisation sociale, continue de s'appliquer. Il fait de la réduction du temps de travail l'une des mesures à étudier dans le cadre du plan de sauvegarde de l'emploi.
La commission émet donc un avis défavorable sur les amendements identiques n°s 2 et 33.
J'en viens aux amendements n°s 34, 3 et 4.
La réintégration des articles 97 et 98 de la loi de modernisation sociale dans le dispositif n'aurait aucune incidence particulière sur le droit actuel dans la mesure où ces articles n'ont pas fait l'objet d'un décret d'application. Les conditions de réalisation des études d'impact social et territorial étaient pour le moins incertaines.
La commission émet donc un avis défavorable sur ces trois amendements.
M. Roland Muzeau. C'est un peu court comme explication !
M. Alain Gournac, rapporteur. Mes chers collègues, sur ces articles 97 et 98 de la loi de modernisation sociale, on m'a prêté des propos qui n'étaient pas conformes à ce que j'avais dit.
Je reprends donc le rapport supplémentaire sur la modernisation sociale que j'avais rédigé. Voilà ce que j'avais écrit concernant les études d'impact social et territorial des cessations d'activité : « Il apparaît, en effet, que de telles études existent déjà même si elles sont informelles, et qu'il est possible - moyennant quelques modifications - d'en inscrire le principe dans le code du travail. »
Les amendements n°s 5 et 35 visent à exclure du champ de la suspension l'article 99 de la loi du 17 janvier 2002, qui organisait la succession des procédures des livres III et IV du code du travail. Or cette succession des procédures conduit à allonger sensiblement celles-ci, jusqu'à soixante-quatre jours. Elle est, de plus, largement artificielle.
Il semble préférable d'assurer la concomitance des procédures, la restructuration ne pouvant être pleinement appréhendée que par un examen simultané de sa dimension économique et de sa dimension sociale. La commission émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements.
J'en arrive aux amendements n°s 6 et 36.
L'article 100 de la loi du 17 janvier 2002 prévoit une information de l'entreprise dès lors que le chef d'entreprise fait une annonce publique sur la stratégie de l'entreprise. Or son application soulève de nombreux problèmes. On constate en effet une réelle difficulté pour opérer une distinction entre les deux types d'annonces publiques : celle qui porte sur la stratégie économique d'une entreprise et celle qui est susceptible d'affecter d'une manière importante les conditions de travail ou d'emploi.
Dès lors, il existe une forte insécurité juridique qui conduirait à requalifier a posteriori la nature de l'annonce et se traduirait par une multiplication des délits d'entrave.
L'avis de la commission est donc défavorable.
J'en viens aux amendements n°s 7 et 37.
L'article 101 de la loi de modernisation sociale a pour principale conséquence un rallongement sensible des délais et un durcissement des procédures.
Il est difficilement imaginable que le droit d'opposition ouvert au comité d'entreprise ne soit pas utilisé. Or, s'il l'était, il s'ensuivrait une généralisation du recours à des médiateurs extérieurs, et ce souvent à des fins dilatoires, sans que le dialogue interne à l'entreprise en soit favorisé.
L'avis de la commission est donc défavorable. Je me suis longuement exprimé sur le médiateur extérieur lors de la discussion du projet de loi de modernisation sociale.
Les amendements n°s 8 et 38 étant des amendements de coordination, de même que les amendements n°s 9 et 39, la commission y est défavorable par coordination.
J'en arrive aux amendements n°s 10 et 40.
L'article 109 de la loi de modernisation sociale a supprimé le critère de qualité professionnelle de la liste des critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements. Cette suppression n'était guère opportune : au moment où l'entreprise connaît des difficultés, il n'est pas illogigue qu'elle cherche à se rassembler autour de ses employés les plus compétents. La liste de ces critères reste indicative.
L'avis de la commission est donc défavorable et je vous renvoie, mes chers collègues, aux explications que j'ai données lors de la discussion de la loi en question.
J'en suis parvenu aux amendements n°s 11 rectifié et 41 rectifié.
L'article 116 de la loi susmentionnée renforce les pouvoirs de l'inspecteur du travail en lui reconnaissant la possibilité de dresser un constat de carence sur le plan social. Ce constat de carence n'apporte qu'une réponse imparfaite : il intervient beaucoup trop tard, le plan de sauvegarde de l'emploi étant déjà établi.
L'avis de la commission est donc défavorable.
L'amendement n° 12 vise à remettre en cause la logique de suspension temporaire du projet de loi : il tend, en effet, à supprimer la référence à un futur projet de loi sur les procédures de licenciement. Or la suspension se fait dans l'attente de ce futur texte. S'il n'est plus fait référence à ce projet de loi, la suspension n'a plus de sens.
L'avis de la commission est donc défavorable.
L'amendement n° 13 est un amendement de cohérence.
Je voudrais ajouter, à l'intention de M. Chabroux, que, nous aussi, nous avons un coeur ! De vos propos, mon cher collègue, on pourrait déduire que nous éprouverions beaucoup de plaisir à voir se multiplier les licenciements. De grâce, sortez de cette logique !
M. Gilbert Chabroux. Je n'ai jamais dit cela !
M. Alain Gournac, rapporteur. Si, c'est ce que j'ai perçu en écoutant votre argumentation.
En ce qui concerne l'ensemble de ces amendements, je tiens à ajouter que leur logique est totalement contraire à la nôtre : vous devez le savoir, car cela correspond à tout ce que nous avons dit lors de la discussion de la loi de modernisation sociale au Sénat. Ils obéissent en effet à une logique extérieure au monde de l'entreprise. Or, nous aussi, nous connaissons les entreprises. Pour ma part, j'y ai travaillé vingt-neuf ans
Nous ne pouvons accepter ces amendements car, on ne le dira jamais assez, cette loi de modernisation sociale a des effets psychologiques désastreux, particulièrement les articles dont nous souhaitons la suspension.
Pour toutes ces raisons, la commission des affaires sociales a donné un avis défavorable sur tous ces amendements.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. Bien évidemment, le Gouvernement est défavorable aux amendements n°s 1 et 31 visant à supprimer l'article 1er. Je renvoie leurs auteurs aux arguments que j'ai développés tout à l'heure dans la discussion générale.
S'agissant des amendements n°s 2 et 33, qui visent à supprimer la référence à l'article 96, je voudrais indiquer que l'article L. 321-4-1 du code du travail, introduit par l'article 96 de la loi de modernisation sociale, prévoit la conclusion d'un accord portant sur la réduction du temps de travail avant toute présentation d'un plan de sauvegarde de l'emploi, accord qui fait peser sur les entreprises, d'une part, une contrainte symbolique, puisque toutes les grandes entreprises sont déjà passées aux 35 heures et, d'autre part, une contrainte administrative qui nous paraît excessive.
En effet, la réduction du temps de travail peut être une solution aux problèmes d'une entreprise. Mais c'est à elle d'en décider, avec l'ensemble des partenaires dans l'entreprise, si la situation s'y prête. Ce que nous voulons éviter, ce sont les dispositions qui doivent s'appliquer à toutes les entreprises, quelle que soit leur taille, quelles que soient leurs difficultés, et qui, finalement, ne leur apportent aucune sécurité.
Le Gouvernement est donc défavorable à ces deux amendements.
S'agissant des amendements n° 34, 3 et 4, j'indiquerai que la discussion sur le fond avec les élus du personnel aura toujours bien lieu : il n'est nullement dans l'intention du Gouvernement de la supprimer ; la compétence du comité d'entreprise n'est en rien affectée. L'article 97 de la loi de modernisation sociale ne faisait que formaliser les procédures en incitant les partenaires sociaux à s'attacher à la mise en forme d'un document, l'étude d'impact, au lieu, me semble-t-il, de favoriser la discussion de fond. Par conséquent, la suspension de cet article me paraît justifiée.
Les partenaires sociaux apprécieront, dans le cadre de la négociation, comment organiser au mieux les échanges entre les acteurs locaux du dialogue social et s'il faut aller au-delà du droit antérieur. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces amendements.
Avec les amendements n°s 5 et 35, nous sommes au coeur du projet de loi, qui vise à réduire les délais et à ne pas imposer de délais administratifs inutiles.
Tout à l'heure, plusieurs orateurs de l'opposition ont indiqué que ces délais n'avaient jamais eu de conséquences négatives sur des entreprises. C'est faux ! Lors de mon audition devant la commission, j'avais notamment cité l'exemple d'une entreprise d'Ille-et-Vilaine qui n'avait pas pu faire affaire avec des repreneurs, pour la simple raison que la mise en oeuvre du plan social n'en était qu'à la première phase. Or, pendant cette première phase, il n'est pas possible de faire des offres de reprise chiffrée : les repreneurs sont allés ailleurs.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements n°s 5 et 35.
Les amendements n°s 6 et 36 portent sur l'article 100 de la loi de modernisation sociale, qui concerne le droit d'information des représentants du personnel en cas d'annonce publique.
Mais, mesdames, messieurs les sénateurs, la consultation du comité d'entreprise est évidemment déjà prévue, au titre de ses compétences générales en matière d'organisation et de gestion de l'entreprise. Il n'y a donc aucune volonté de la part du Gouvernement de faire en sorte que les salariés ne soient pas informés.
L'obligation d'information prévue par cet article 100 concerne deux situations : l'information suivant une annonce publique relative à la statégie de l'entreprise sans impact sur l'emploi ; l'information préalable en cas d'impact sur l'emploi. Or ces deux situations sont mal définies. La simple référence à la stratégie de l'entreprise pour imposer les obligations de consultation n'a pas de sens. En réalité, cet article ajoute de la confusion et n'attribue aucune compétence nouvelle au comité d'entreprise.
Je rappelle en outre que la directive communautaire sur l'information-consultation rend obligatoire une consultation en temps utile : il s'agit d'une disposition générale s'imposant à tous les pays membres de l'Union européenne.
En conséquence, le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements n°s 6 et 36.
Les amendements n°s 7 et 37 ont pour objet, comme les autres amendements, de soustraire un article de la loi de modernisation sociale du champ de la suspension. En l'occurrence, il s'agit d'allonger la procédure de consultation. Je m'en suis déjà expliqué : avis défavorable. Les amendements n°s 8 et 38 sont des amendements de coordination, auxquels le Gouvernement est également défavorable.
Les amendements n°s 9 et 39 tendent, là encore, à allonger les délais de procédure. Le Gouvernement y est défavorable.
Les amendements n°s 10 et 40 visent à supprimer la référence à l'article 109 de la loi de modernisation sociale. Le Gouvernement entend maintenir la référence formelle au critère des qualités professionnelles afin de tenir compte de la pratique des accords. Ce n'est qu'un critère parmi d'autres, et il y a une certaine hypocrisie à prétendre que l'on pourrait en interdire la prise en compte sans négliger d'autres critères prévus par la loi et qui ne sont pas remis en cause tels que l'ancienneté ou les charges de famille. Le Gouvernement est donc défavorable à ces amendements.
Il est également défavorable aux amendements n°s 11 rectifié et 41 rectifié, pour des raisons que j'ai déjà indiquées, ainsi qu'à l'amendement n° 12.
Enfin, le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 13. En effet, il ne s'agit pas d'introduire une ambiguïté, monsieur Chabroux. La situation est limpide puisque les dispositions de la loi de modernisation sociale sont suspendues.
M. Gilbert Chabroux. Ce n'est pas ce qu'ont dit des députés de l'UDF !
M. François Fillon, ministre. Il peut arriver à l'UDF de ne pas comprendre des choses limpides ! (Sourires.)
M. Gilbert Chabroux. C'est un aveu !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 1 et 31.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 2 et 33.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 34.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 5 et 35.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 6 et 36.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n° 7 et 37.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 8 et 38.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 9 et 39.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 10 et 40.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 11 rectifié et 41 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 12.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 13.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.

(L'article 1er est adopté.)

Articles additionnels après l'article 1er



M. le président.
L'amendement n° 43, présenté par M. Muzeau, Mme Demessine, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Le premier alinéa de l'article L. 321-1 du code du travail est ainsi rédigé :
« Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification du contrat de travail, consécutives soit à des difficultés économiques sérieuses n'ayant pu être surmontées par tout autre moyen, soit à des mutations technologiques mettant en cause la pérennité de l'entreprise, soit à des nécessités de réorganisation indispensables à la sauvegarde de l'activité de l'entreprise. »
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Je suis conscient que le présent amendement, qui vise à définir de manière plus précise le licenciement pour motif économique, n'a aucune chance d'emporter la conviction de la majorité sénatoriale dans la mesure où toute la droite bataille ferme contre l'article 107 de la loi de modernisation sociale, que le Conseil constitutionnel a fini par invalider, faisant ainsi prévaloir la liberté d'entreprendre n'importe comment sur le droit à l'emploi, qui est pourtant un principe à valeur constitutionnelle.
Je ne m'étends pas sur cette décision qui a réjoui le MEDEF puisque cet article tendait à priver ceux qu'il représente de leur faculté arbitraire de licencier uniquement pour convenances boursières.
Je souhaite simplement, à travers cet amendement qui vise l'ensemble des salariés, quelle que soit la taille de l'entreprise, souligner à nouveau la nécessité de faire du licenciement l' ultima ratio, selon la formule de la Commission européenne, et de modifier les textes pour empêcher les licenciements de confort, notamment ceux qui sont imposés par les fonds de pension.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Cet amendement modifie la définition du licenciement économique.
J'observe que la rédaction proposée reprend mot pour mot des dispositions de la loi de modernisation sociale qui avait été censurées par le Conseil constitutionnel pour atteinte manifestement excessive à la liberté d'entreprendre.
Je ne peux donc que donner un avis défavorable sur un tel amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. Même avis.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 43.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 42, présenté par M. Muzeau, Mme Demessine, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans la deuxième phrase du premier alinéa de l'article L. 321-1-1 du code du travail, après les mots : "ces critères prennent" le mot : "notamment" est supprimé. »
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Cet amendement est défendu.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. Avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 42.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 45, présenté par M. Muzeau, Mme Demessine, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - A la fin de la première phrase de l'article L. 321-2-1 du code du travail, le mot : "irrégulier" est remplacé par les mots : "nul et de nul effet".
« II. - La seconde phrase du même article est remplacée par deux phrases ainsi rédigées :
« Le tribunal ordonne, à la demande du salarié, la poursuite du contrat de travail. Cette décision est exécutoire de droit à titre provisoire. Lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de son contrat de travail, le tribunal octroie au salarié une indemnité qui ne peut être inférieure à un mois de salaire brut, sans préjudice des indemnités de licenciement et de préavis qui lui sont dues par ailleurs. »
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. La loi de modernisation sociale a permis d'intégrer dans le code du travail un certain nombre de principes tirés de jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation. Je pense non seulement à l'obligation de reclassement, mais également à la sanction pour nullité des licenciements réalisés en l'absence de plan social et à la réintégration des salariés abusivement licenciés.
Je rappelle que la jurisprudence « Samaritaine », que d'aucuns ici sont tentés d'évacuer, est le seul cas où, après la décision du juge annulant le licenciement, toutes les conséquences sont tirées et les principes généraux du droit appliqués, ce qui signifie que le salarié peut être réintégré et non pas seulement indemnisé.
La question de la sanction par le juge du défaut de forme ou de fond d'un licenciement économique n'est pas réglée si le salarié n'est pas rétabli dans ses droits, dans son emploi.
Je propose, par cet amendement, de tirer toutes les conséquences du caractère irrégulier du licenciement économique qui a été prononcé sans qu'aient été mis en place dans l'entreprise les organes représentatifs du personnel, après constat de carence, en prévoyant expressément la nullité d'un tel licenciement et la poursuite du contrat de travail à la demande du salarié.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Aux termes de l'article 110 de la loi de modernisation sociale, est considéré comme irrégulier tout licenciement économique dans une entreprise où les institutions représentatives du personnel n'ont pas été mises en place. Dans ce cas, il est prévu, pour le salarié licencié, une indemnité particulière au moins égale à un mois de salaire.
Le présent amendement modifie sensiblement l'économie de cet article. Il introduit en effet une judiciarisation de la procédure et prévoit la réintégration du salarié licencié. Or l'absence de désignation des institutions représentatives du personnel n'est pas toujours imputable, loin s'en faut, à l'employeur, même s'il n'a pas établi de procès-verbal de carence.
L'amendement conduirait donc à rendre le licenciement impossible dans certaines entreprises, alors même qu'il pourrait constituer le seul moyen de garantir leur survie.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. La démonstration de M. le rapporteur est imparable. Il est tout à fait disproportionné et inadapté de sanctionner par la nullité l'absence de mise en place des institutions représentatives du personnel.
L'indemnité pour irrégularité de procédure me paraît une incitation suffisante pour la constitution, par les employeurs, de ces institutions. Elle constitue, par ailleurs, une réparation adéquate du dommage qui en résulte pour le salarié.
Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement. M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote.
M. Roland Muzeau. Je souhaite simplement réagir aux propos de M. le ministre. Il me paraît inconcevable que le préjudice subi par le salarié licencié puisse être considéré comme réparé si le salarié est simplement indemnisé.
Quand on perd son emploi, c'est souvent pour longtemps !
Les amendements que le groupe socialiste et nous-mêmes avons présentés tout à l'heure sur l'article 1er visaient précisément à protéger les salariés les plus fragiles, ceux qui sont le plus exposés au licenciement. Nous dire que, dès lors qu'ils sont indemnisés, leur problème est réglé, c'est aller un peu vite en besogne.
Dans le passé, des textes ont été adoptés qui tendaient à protéger les personnes en difficulté. Je pense en particulier à la loi sur l'exclusion. Je pense aussi, à des dispositifs favorisant l'accès à l'emploi, pour les plus jeunes, ou le retour à l'emploi, pour de moins jeunes.
Par ailleurs, vous savez pertinemment que l'indemnisation ne représente au mieux que quelques dizaines de milliers de francs, c'est-à-dire une somme qui ne correpond absolument pas au préjudice très grave subi par les salariés licenciés.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 45.

(L'amendement n'est pas adopté.) M. le président. L'amendement n° 44, présenté par M. Muzeau, Mme Demessine, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article L. 432-5 du code du travail, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. L... - Lorsque l'employeur d'une entreprise sous-traitante a connaissance d'une décision d'une entreprise donneuse d'ordre dont il estime qu'elle engendre des difficultés économiques de nature à le contraindre à procéder à un licenciement collectif, il en informe et réunit immédiatement les représentants du personnel.
« Sur la demande de cet employeur, le comité d'entreprise de l'entreprise donneuse d'ordre est convoqué sans délai par l'employeur de cette dernière et se trouve élargi aux membres du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel de l'entreprise sous-traitante avec voix délibérative.
« Il en est de même, sur la demande des représentants du personnel de l'entreprise sous-traitante lorsque ceux-ci ont connaissance d'une décision telle que visée au premier alinéa du présent article.
« Le comité ainsi élargi, coprésidé par les deux employeurs ou leurs représentants, dispose des prérogatives prévues par les articles L. 434-6 et L. 321-4-1 du code du travail.
« La réunion des deux entreprises constitue le champ d'appréciation du motif économique et de l'effort de reclassement au sens de l'article L. 321-1.
« Le refus, par l'employeur de l'entreprise donneuse d'ordre, de convoquer le comité d'entreprise sur la demande de l'employeur ou des représentants du personnel de l'entreprise sous-traitante est sanctionné par les dispositions de l'article L. 483-1 du code du travail.
« Lorsque l'employeur de l'entreprise sous-traitante n'a pas fait usage de la procédure prévue par le présent article, la décision de l'entreprise donneuse d'ordre ne peut être invoquée, directement ou indirectement, comme motif de licenciement par l'entreprise sous-traitante. »
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Cet amendement est tiré de la proposition de loi relative à la prévention des licenciements que nous avons déposée sous la précédente législature.
Il concerne les entreprises sous-traitantes dont la dépendance vis-à-vis des entreprises donneuses d'ordre est telle qu'elles subissent immanquablement les conséquences des décisions de gestion de ces dernières.
La Cour de cassation, dans un arrêt du 27 juin 1990, a considéré que la convergence d'intérêt était caractérisée du fait même de l'existence d'un lien de subordination existant entre les deux entreprises.
La loi de modernisation sociale a organisé l'information des entreprises sous-traitantes et de leurs comités d'entreprise lorsque le projet de restructuration de l'entreprise donneuse d'ordre est annoncé. Considérant déjà ces dispositions trop contraignantes, certains en avaient, à l'époque, demandé la suppression.
Pour éviter que les licenciements économiques prononcés à la suite de ces situations ne se fassent en l'absence de tout contrôle et pour faire en sorte que les salariés concernés bénéficient des mêmes procédures, des mêmes garanties en termes d'indemnités ou d'obligation de reclassement, nous proposons la mise en place d'un lien entre ces entités juridiques grâce à la mise en place d'un comité d'entreprise élargi, compétent pour examiner la motivation économique de la décision ainsi que le projet de plan social de l'entreprise donneuse d'ordre.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Cet amendement, s'il était adopté, créerait, si l'entreprise rencontre des difficultés économiques pouvant déboucher sur un licenciement collectif, une sorte de comité d'entreprise élargi qui comprendrait le comité d'entreprise de l'entreprise donneuse d'ordre et celui de l'entreprise sous-traitante ou ceux des entreprises sous-traitantes.
Je crains fort que la création d'une telle structure ne soulève d'importantes difficultés juridiques et ne soit guère adaptée dès lors qu'on se trouverait en présence d'un grand nombre d'entreprises sous-traitantes.
J'observe aussi que l'article 105 de la loi de modernisation sociale, dont l'application n'est pas supendue, prévoit déjà l'obligation pour les entreprises donneuses d'ordre de prévenir les entreprises sous-traitantes lorsque les restructurations peuvent avoir un impact sur le volume d'activité de ces dernières.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. Tout d'abord, cet amendement concerne un article de la loi de modernisation sociale dont la suspension n'est pas prévue.
Ensuite, le dispositif qu'il vise à mettre en place ne me paraît pas cohérent avec les règles du droit du travail qui établissent la responsabilité de chaque chef d'entreprise.
Enfin, l'application de cet amendement serait extrêmement lourde pour des entreprises ayant de nombreux sous-traitants. La réunion d'un seul comité pour l'ensemble des entreprises concernées poserait des problèmes de compétence du comité et de confidentialité des informations.
Toutes ces raisons m'amènent à demander le rejet de cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 44.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 2



M. le président.
« Art. 2. - I. - A titre expérimental et, le cas échéant, par dérogation aux dispositions des livres III et IV du code du travail, des accords d'entreprise peuvent fixer les modalités d'information et de consultation du comité d'entreprise lorsque l'employeur projette de prononcer le licenciement pour motif économique d'au moins dix salariés sur une même période de trente jours. Ces accords peuvent fixer les conditions dans lesquelles le comité d'entreprise est réuni, a la faculté de formuler des propositions alternatives au projet économique à l'origine d'une restructuration ayant des incidences sur l'emploi et peut obtenir une réponse motivée de l'employeur à ses propositions.
« Ces accords peuvent aussi déterminer les conditions dans lesquelles l'établissement du plan de sauvegarde de l'emploi prévu à l'article L. 321-4-1 du code du travail fait l'objet d'un accord.
« II. - Les accords prévus au I ne peuvent déroger aux dispositions des onze premiers alinéas de l'article L. 321-4 du code du travail et à celles de l'article L. 321-9 du même code.
« III. - La validité des accords prévus au I est subordonnée à une consultation du comité d'entreprise et à leur signature par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives dans l'entreprise ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés lors du premier tour des dernières élections au comité d'entreprise.
« IV. - Les accords prévus au I peuvent être conclus dans un délai de dix-huit mois à compter de la promulgation de la présente loi et pour une durée déterminée n'excédant pas deux ans. Avant l'expiration du délai de dix-huit mois, le Gouvernement présentera au Parlement un rapport sur l'application du présent article après avoir recueilli l'avis motivé de la Commission nationale de la négociation collective. »
La parole est à M. Guy Fischer, sur l'article.
M. Guy Fischer. Les accords de méthode actuellement signés conformément à la loi n'ont nul besoin d'être confortés pour être valides. Ceux qui ont besoin de l'être sont ceux qui ont été signés en contradiction avec la loi.
A titre d'exemple, certains accords actuellement signés ou déjà en vigueur prévoient l'interdiction pour les signataires de l'accord de méthode de contester ensuite le plan social. Cela est illégal au regard de la loi actuelle.
Monsieur le ministre, l'article 3 du projet de loi, que nous aborderons tout à l'heure, permettra-t-il à de tels accords de devenir légaux ?
Pour ce qui est de la portée de cette négociation expérimentale sur la consultation du comité d'entreprise et sur ses prérogatives, chacun l'a bien compris, il s'agit de supprimer le droit de veto suspensif ainsi que l'intervention du médiateur et de réduire les délais, pourtant d'ordre public, de convocation, d'information et de consultation.
Mais a-t-on bien saisi qu'il ne s'agit pas que de cela ? Ainsi, ces accords détermineraient « les conditions dans lesquelles le comité d'entreprise est réuni, a la faculté de formuler des propositions alternatives au projet économique à l'origine de la restructuration ayant des incidences pour l'emploi et peut obtenir une réponse motivée de l'employeur à ses propositions ». Il s'agirait donc d'une faculté, et non plus d'un droit.
Or ce droit existe, et il résulte non de la loi de modernisation sociale mais de l'une des lois Auroux, en l'occurrence la loi du 28 octobre 1982.
L'article L. 432-10 du code du travail dispose : « Le comité d'entreprise émet des avis et voeux dans l'exercice des attributions consultatives définies aux articles L. 432-1 à L. 432-4. Le chef d'entreprise rend compte en la motivant de la suite donnée à ces avis et voeux. »
En d'autres termes, ces accords pourraient ne pas prévoir l'exercice de ce droit dans le domaine pourtant essentiel des licenciements collectifs. Seul le contenu de l'information, tel qu'il est défini par l'article L. 321-4, resterait obligatoire.
En revanche, ne seraient plus obligatoires le délai dans lequel l'employeur doit communiquer cette information, le délai dans lequel les élus pourraient l'examiner avec leurs mandants, le recours à l'expert, le droit de faire des propositions alternatives et d'obtenir des réponses motivées.
Rappelons que n'importe quel accord de méthode qui serait actuellement signé sur de telles bases serait immanquablement annulé.
Il s'agit donc de dérogations très importantes qui visent des prérogatives essentielles ainsi que la réalité de l'information et de la consultation du comité d'entreprise, lesquelles existent dans le code du travail depuis de nombreuses années.
Venons-en maintenant à un autre aspect, celui du plan social négocié.
La question se pose de savoir si les plans sociaux ainsi négociés pourront déroger aux dispositions de l'article L. 321-4-1 du code du travail et au contenu obligatoire du plan social, à peine de nullité dudit plan et des licenciements en résultant.
L'examen du texte du projet de loi conduit à répondre par l'affirmative, dans la mesure où le premier alinéa de l'article 2 prévoit sans ambiguïté que ces accords sont conclus par dérogation aux dispositions des livres III et IV du code du travail. Or l'article L. 321-4-1 du code du travail fait partie du livre III.
Rappelons que, dans sa rédaction résultant de la loi du 27 janvier 1993, qui serait donc réactivée par la suspension de la loi de modernisation sociale, cet article dispose notamment que : « La procédure de licenciement est nulle et de nul effet tant qu'un plan visant au reclassement de salariés s'intégrant au plan social n'est pas présenté par l'employeur aux représentants du personnel, qui doivent être réunis, informés et consultés. Ce plan doit prévoir des mesures autres que les dispositions concernant les conventions de conversion visées à l'article L. 321-5, telles que, par exemple, des actions de reclassement interne ou externe à l'entreprise, des créations d'activités nouvelles, des actions de formation ou de conversion et des mesures de réduction ou d'aménagement de la durée du travail. »
Telles sont les précisions que je tenais à apporter.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Fillon, ministre. Je voudrais répondre brièvement à M. Fischer, qui vient d'évoquer des sujets importants. Je ne peux pas croire que le groupe communiste ne dispose pas de juristes suffisamment qualifiés pour le rassurer sur toutes les craintes qu'il vient de tenter de nous faire partager !
Revenons un instant sur la définition d'un accord de méthode.
Un accord de méthode vise à favoriser l'équilibre des pouvoirs. Il prévoit la fixation du nombre de réunions, l'organisation de la concertation, les modes d'intervention de l'expert, un comportement de bonne foi, l'interdiction des comportements dilatoires, l'engagement à ne pas rester sur une proposition unique, l'interdiction de négocier séparément avec certains syndicats, une exécution loyale de la méthode définie paritairement.
Il vise à établir un climat de confiance dans l'entreprise, propice à la recherche d'un compromis.
De tels accords ne peuvent en aucun cas déroger aux principes de l'ordre public social. Ainsi, ils ne peuvent pas modifier les dispositions relatives aux garanties du salarié, à la définition du licenciement économique, à l'ordre des licenciements, à la priorité de réembauchage, à l'obligation de formation, au contenu du plan de sauvegarde de l'emploi, ou encore au contrôle de l'administration. Ces accords ne peuvent en aucun cas déroger au droit de recours que vous évoquiez tout à l'heure, droit absolu tant au regard des principes constitutionnels que de la loi et de la Convention européenne des droits de l'homme.
Je crois qu'il y a là une confusion, peut-être entretenue, sur la réalité de ces accords de méthode.
Ils ne peuvent pas déroger aux principes d'ordre public, mais ils peuvent en revanche déroger aux conditions de leur mise en oeuvre.
Dans tous les cas que nous avons examinés - et j'en ai cité plusieurs devant la commission -, l'objectif visé à travers ces accords est de favoriser des procédures plus claires, plus transparentes dans l'intérêt de tous. J'avais d'ailleurs souligné devant la commission que la plupart des accords de méthode ont été signés par la totalité des organisations syndicales présentes dans l'entreprise.
M. Guy Fischer. Je vous remercie, monsieur le ministre, de ces précisions. L'avenir tranchera !
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 14 est présenté par MM. Chabroux et Godefroy, Mme Printz et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée.
L'amendement n° 46 est présenté par M. Muzeau, Mme Demessine, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« Supprimer cet article. »
L'amendement n° 47, présenté par M. Muzeau, Mme Demessine, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Dans la première phrase du I de cet article, après les mots : "A titre expérimental", insérer les mots : "sans préjudice des dispositions de l'article L. 132-4 du code du travail". »
L'amendement n° 48, présenté par M. Muzeau, Mme Demessine, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi le III de cet article :
« III. - La validité des accords prévus au I est subordonnée à l'avis conforme du comité d'entreprise, à leur signature par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives dans l'entreprise ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés lors du premier tour des dernières élections du comité d'entreprise et à la consultation des salariés sur ces accords. »
La parole est à Mme Gisèle Printz, pour défendre l'amendement n° 14.
Mme Gisèle Printz. L'article 2 de ce projet de loi est extrêmement important. Il ne prévoit pas de changer les règles du droit du licenciement, qui constitue un secteur certes fondamental du droit du travail, mais qui demeure limité à son objet. Ce n'est cependant pas un hasard, j'y reviendrai, si vous avez choisi ce point de notre droit pour attaquer, comme le demande le MEDEF depuis vingt ans, la hiérarchie des normes : cet article vise à changer l'architecture du droit du travail et à bouleverser la hiérarchie des normes qui l'organise.
La possibilité que des accords d'entreprise dérogent non seulement à des accords de branche mais aussi, directement à la législation est un scandale juridique. Nous avons perçu sur ce point une opposition claire de l'ensemble des syndicats que nous avons auditionnés. Tous voient un extrême danger dans cette disposition et expriment une profonde inquiétude.
Pour être efficace et crédible, la négociation collective a besoin de s'appuyer sur des règles claires. Du côté des salariés, la négociation a pour objet de conférer des garanties, des protections, et non d'en supprimer. Alors que les représentants du personnel sont soumis à une pression terrible face à un plan social et à une vague de licenciements, votre texte donne à la négociation la possibilité de déroger à la loi.
En clair, les délégués du personnel ne pourront plus s'adosser à la législation pour maintenir les garanties des salariés. Le socle minimum prévu par la loi disparaît.
Cette liberté totale du renard dans le poulailler, au moment où les salariés sont sous la menace du plan social, est l'expression du cynisme absolu.
La procédure elle-même est attaquée, puisque, pour la première fois, les droits des comités d'entreprise pourront être revus à la baisse, les procédures et les modalités de licenciement adaptées en fonction des circonstances. Comment faire respecter l'égalité des citoyens devant le droit du travail si chaque entreprise fixe ses propres règles, ses propres procédures ?
Vous tentez d'abriter vos turpitudes derrière la règle de l'accord majoritaire. La CGT, qui est le syndicat majoritaire en France, comme les élections prud'homales viennent de le démontrer une nouvelle fois, voit dans cette notion appliquée à l'entreprise un grand danger. Lors de la dernière réunion de la commission de la négociation collective, elle vous disait voir parfaitement comment vous alliez essayer de procéder par accords majoritaires juxtaposés, dans les entreprises. Mais vous vous gardez bien d'exiger la même condition de majorité pour la négociation collective interprofessionnelle, celle qui est un peu plus compromise chaque jour, et où vous risquez de ne pas obtenir ce que vous demande le MEDEF !
Sur le fond, cette atomisation du droit a pour but de faire prendre en charge les plans sociaux par les salariés eux-mêmes. On veut que les représentants du personnel entrent pleinement dans cette logique de suppression d'emplois, quel qu'en soit le prétexte, et participent à l'élaboration du plan social. Sans doute leur demandera-t-on bientôt de participer à l'élaboration de la liste des personnes licenciées, et non pas selon des critères sociaux, bien entendu.
Vous aspirez au triomphe du libéralisme, non seulement en droit, mais dans les esprits. Ceux qui sont exclus doivent eux-mêmes prononcer leur exclusion, se reconnaître coupables de coûter trop cher à l'entreprise, ou de ne pas être assez performants. Ils doivent se considérer comme responsables de leur rejet par la structure. Cette conception des rapports humains et sociaux, quel que soit le domaine où elle s'applique, est trop terrible pour que j'y insiste. Il appartient à chacun d'y réfléchir.
En conséquence, nous demandons la suppression de cet article.
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour présenter les amendements n°s 46, 47 et 48.
M. Roland Muzeau. Intervenant sur l'article 2, mon ami Guy Fischer s'est exprimé contre les accords de méthode qui, selon nous, visent à mettre les salariés et leurs organisations syndicales sous la contrainte de l'agenda des patrons. La définition du contenu des discussions est tellement cadrée qu'il est impossible de discuter des choix du chef d'entreprise, ou de solutions alternatives.
Le code du travail étant quasiment muet sur les cas de fusion, certains accords de méthode intervenus chez Hewlett-Packard, par exemple, ont été positifs dans le sens où les interlocuteurs sociaux ont été reconnus. Pour autant, les contreparties, puisque c'est bien de cela qu'il s'agit, ont été importantes : un agenda prédéfini, 1 100 suppressions d'emplois, aucune discussion au fond.
Nous vous avons opposé, monsieur le ministre, de nombreux arguments de droit contre ces accords qui, malheureusement, ont vocation à durer.
S'agissant de la consultation du comité d'entreprise et de ses prérogatives sur le plan social négocié, le projet de loi prévoit des dérogations au code du travail alors que la question des licenciements économiques relève de l'ordre public. En cela, il est vrai, monsieur le ministre, votre texte innove. Je suis d'ailleurs plus tenté de dire qu'il bafoue les fondamentaux de notre droit du travail, toute la hiérarchie des normes et le principe de faveur.
Pourquoi, également, prévoir une durée d'application si longue - deux ans - pour ces accords ? On ne trouve, dans la prose ministérielle et dans le rapport sénatorial, aucune réponse à cette question. On est alors réduit à se demander à quoi peut bien servir une telle durée. Certainement pas à assurer le suivi du respect par l'employeur des obligations auxquelles il a souscrit dans le cadre du plan social ! Les syndicats signataires ou non de l'accord de méthode n'ont nul besoin d'une telle durée pour exercer leur contrôle et, le cas échéant, agir en justice en cas de non-respect par l'entreprise des obligations ainsi souscrites.
On peut supposer, en revanche, qu'il s'agit, avec un seul accord de méthode, de couvrir plusieurs plans sociaux étalés dans le temps, ou bien encore d'étendre le périmètre initial du plan social d'origine sans avoir à consulter de nouveau le comité.
Ici encore, c'est non pas la loi de modernisation sociale qui est visée mais la jurisprudence selon laquelle, lorsque le nombre de licenciements dépasse celui qui est fixé par le plan social, la consultation doit reprendre dès son début. L'arrêt de la Cour de cassation du 4 juillet 2000, « CFDT contre Crédit Lyonnais », en témoigne.
Il s'agirait, en quelque sorte, de ligoter les syndicats signataires pendant deux ans et de rendre ainsi illusoire l'action éventuelle des non-signataires. En effet, la plupart des accords de méthode actuellement en négociation - et que votre projet de loi, monsieur le ministre, cherche à conforter -, prévoient une clause par laquelle les signataires s'interdisent de se prévaloir de toute violation des dispositions des livres III et IV. C'est ce que le rapporteur appelle la sécurité juridique.
Deux ans, c'est le temps nécessaire pour couvrir les dix-huit mois de suspension de la loi de modernisation sociale, la négociation interprofessionnelle, la présentation et l'adoption d'un nouveau projet de loi relatif au régime des licenciements économiques.
Dès la promulgation de votre loi, monsieur le ministre, et sans attendre ces échéances, le patronat disposera donc des moyens juridiques pour renvoyer aux oubliettes l'un de ses cauchemars favoris, à savoir la loi du 27 janvier 1993 portant diverses mesures d'ordre social, sans que le présent projet de loi le mentionne le moins du monde.
Au-delà de ces griefs de fond, l'article 3 crée la confusion généralisée. Inutile de chercher ce qui est sujet à dérogation, le texte est trop peu précis.
Vous l'aurez compris, mes chers collègues, nous sommes résolument opposés aux accords de méthode que vous proposez, car nous n'entendons désarmer ni le comité d'entreprise ni les salariés. Nous demandons donc la suppression de l'article 2.
Par ailleurs, l'article 2 du projet de loi prévoit des dérogations générales au code du travail. Aucune condition minimale n'étant posée, comme en matière de délai d'information des salariés annualisés, par exemple, où la loi prévoit un plancher en dessous duquel, par convention, on ne peut descendre.
L'amendement n° 47 pose un verrou, le respect du principe de faveur. Si dérogations au code du travail il y a, elles doivent être plus favorables aux salariés.
En outre, vous avez pris la précaution, monsieur le ministre, d'exiger que les accords de méthode soient signés par les syndicats majoritaires en voix lors des dernières élections de comités d'entreprise. S'agissant d'accords dérogatoires, n'est-ce pas une obligation ? Cette concession doit être d'autant plus relativisée que la protection prétendument instituée n'est pas sans failles.
En effet, s'agissant d'un accord d'entreprise, on connaît la pression considérable qui peut être exercée, lors d'une restructuration, quand des dizaines d'emplois sont menacés, sur le syndicat récalcitrant qui se voit reprocher d'accroître les difficultés. Ce dernier ne peut prendre le risque d'une suppression d'emplois encore plus importante, voire celui de la disparition de l'entreprise s'il ne signe pas un accord présenté comme un simple accord de méthode qui est censé ne pas modifier le droit existant, même si, nous l'avons vu, il n'en est rien.
L'amendement n° 48 a un double objet. D'une part, il s'attache à prévoir un avis conforme du comité d'entreprise et non une simple consultation - ce sont quand même les droits du comité d'entreprise qui sont visés - et, d'autre part, il renforce la nécessaire démocratie sociale au sein de l'entreprise en prévoyant la consultation des salariés sur l'accord de méthode lui-même.
Monsieur le ministe, pouvez-vous nous dire si les conditions de négociation de l'accord de méthode sur la procédure de consultation, qui sont celles d'un accord majoritaire, valent également sur le plan social ?
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Les amendements n°s 14 et 46 concernent un point sur lequel je me suis exprimé tout à l'heure à la tribune. Notre conception est tout à fait différente de celle de leurs auteurs : nous, nous sommes favorables aux accords expérimentaux d'entreprise ; nous, nous considérons que les accords de méthode doivent être respectés, étudiés, et devraient venir enrichir ce fameux dialogue social que nous appelons de nos voeux.
Je l'ai dit, je le répète : nos voisins européens, l'Allemagne, l'Espagne et l'Italie, notamment, subordonnent la mise en oeuvre des plans sociaux à la recherche d'un accord. Les accords expérimentaux semblent alors adaptés aux spécificités de chaque entreprise.
D'ailleurs, ils existent déjà, vous le savez. Certains ont été conclus avec succès, d'autres avec grand succès.
La commission des affaires sociales donne donc un avis défavorable à ces deux amendements.
L'amendement n° 47 vise à prévoir expressément que les accords expérimentaux ne peuvent déroger aux dispositions d'ordre public et qu'ils peuvent être plus favorables aux salariés que ne le sont les lois et règlements en vigueur. Je rappelle, une fois encore, que le champ de la dérogation est très limité et qu'il ne vise pas des dispositions d'ordre public. Il s'agit des délais, qui pourront être raccourcis ou allongés, du nombre de réunions, qui pourra être augmenté ou diminué. Quant au principe de faveur, l'objet de ces accords est de favoriser une sortie par le haut - pas par le bas ! - lors d'une restructuration. En cela, ils ne peuvent être que favorables aux salariés.
Dans ces conditions, l'amendement nous semble inutile. Il risquerait même d'introduire une ambiguïté supplémentaire : la commission y est défavorable.
L'amendement n° 48 vise à préciser les conditions de validité des accords expérimentaux. Il introduit ici une double modification : l'exigence d'un avis conforme du comité d'entreprise, l'obligation d'une consultation des salariés sur ces accords.
L'obligation d'un avis conforme ne semble pas indispensable. L'accord devant, en effet, être conclu par les syndicats majoritaires lors des élections au comité d'entreprise, on peut légitimement penser que ce critère satisfait largement ce premier point.
J'observe d'ailleurs que c'est à la demande de la commission nationale de la négociation collective que l'exigence d'un avis conforme a été retirée de l'avant-projet. Tout à l'heure, on s'est servi de la commission nationale de la négociation collective dans un sens ; je donne là une autre interprétation.
Je m'interroge également sur la consultation des salariés. De quoi s'agit-il ? Est-ce un référendum ? Une information ? Une réunion ? Tout cela en même temps ? Cela ne me paraît pas très précis.
La commission est donc défavorable à l'amendement n° 48.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. J'ai donné tout à l'heure à M. Fischer ma réponse à l'argumentation developpée dans ces quatre amendements, auxquels je ne peux qu'être défavorable.
Je me contenterai donc d'indiquer, s'agissant de l'amendement n° 48, que ce sont bien les partenaires sociaux qui nous ont conduits à retirer de notre texte initial l'exigence d'un avis conforme du comité d'entreprise.
M. Alain Gournac, rapporteur. Tout à fait !
M. François Fillon, ministre. Les partenaires sociaux, soucieux de l'autonomie de la négociation collective par rapport au processus de consultation des représentants du personnel, ont clairement affirmé qu'une telle exigence ne serait pas conforme à leur souhait.
Par ailleurs, s'agissant de la question posée par M. Muzeau sur le point de savoir si la règle de l'accord majoritaire s'appliquerait aux accords sur les plans sociaux, je précise que nous ne modifions pas la législation antérieure sur les plans sociaux. C'est donc la législation antérieure qui s'applique, qui n'exige pas d'accord majoritaire.
En revanche, rien n'empêche, dans un accord de méthode, d'introduire la condition d'un accord majoritaire pour les plans sociaux, mais c'est aux partenaires dans l'entreprise de le décider. En l'état actuel de la législation, l'accord sur les plans sociaux n'est pas soumis à la règle de l'accord majoritaire.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 14 et 46.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 47.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 48.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 2.

(L'article 2 est adopté.)

Article 3



M. le président.
« Art. 3. - Les dispositions du code du travail mentionnées au I de l'article 1er restent applicables aux procédures de licenciement pour motif économique en cours à la date de promulgation de la présente loi, sauf accord d'entreprise passé dans les conditions prévues à l'article 2. »
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 15 est présenté par MM. Chabroux et Godefroy, Mme Printz et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée.
L'amendement n° 49 est présenté par M. Muzeau, Mme Demessine, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« Supprimer cet article. »
L'amendement n° 50, présenté par M. Muzeau, Mme Demessine, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Après les mots : "de la présente loi", supprimer la fin de cet article. »
La parole est à Mme Gisèle Printz, pour présenter l'amendement n° 15.
Mme Gisèle Printz. Cet article est doublement symbolique, non seulement de la confusion qui régnera dans les procédures du fait de la suppression, dans l'urgence, des dispositions de la loi de modernisation sociale, mais aussi de l'absolution que vous accordez aux employeurs qui n'auront pas respecté la loi puisqu'ils pourront tenter d'imposer leurs vues par un accord d'entreprise. C'est véritablement la toute-puissance du chef d'entreprise qui est inscrite dans la loi.
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour présenter les amendements n°s 49 et 50.
M. Roland Muzeau. L'article 3 prévoit que les dispositions de la loi de modernisation sociale continuent de s'appliquer aux procédures en cours à la date de promulgation de la présente loi, sauf accord d'entreprise passé dans les conditions prévues à l'article 2.
Cette disposition a un double objet mais, le moins que l'on puisse dire, monsieur le ministre, c'est que vous vous gardez bien d'être explicite sur ce sujet ! Votre attitude est d'ailleurs compréhensible, puisque cette disposition aura pour conséquence de légaliser les accords signés sous l'emprise de la loi actuelle, en violation des dispositions d'ordre public des livres III et IV du code du travail, et de permettre, dans le même mouvement, une application rétroactive de la loi Fillon.
La méthode de légalisation d'accords illicites n'est malheureusement pas nouvelle. Récemment, vous nous avez fait valider des accords de RTT illégaux, car contraires à la loi Aubry II, en ce qui concerne le régime des cadres au forfait jour. Pour n'être pas nouvelle, cette méthode n'en est pas moins choquante. Je comprends pourquoi vous préfériez parler d'accord « conforté » et non « légalisé » !
Nous proposons donc de supprimer cet article. Par ailleurs, ayant peu de chances d'être suivis, nous envisageons, dans un second amendement, de supprimer toute possibilité d'application rétroactive de dispositions nocives pour les salariés.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. L'adoption des amendements qui tendent à supprimer l'article 3 serait source d'insécurité juridique. En effet, quel droit faudrait-il alors appliquer aux procédures en cours ?
La commission émet donc un avis défavorable sur ces amendements.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. Le Gouvernement émet le même avis que la commission.
Je suis quelque peu étonné par ces amendements qui viseraient, en réalité, à appliquer le texte que nous allons voter à un plus grand nombre d'entreprises. Je ne suis pas bien sûr que ce soit l'objectif des auteurs de l'amendement !
Comme je l'ai dit tout à l'heure à M. Chabroux, c'est limpide : la loi de modernisation sociale continuera de s'appliquer pour les plans sociaux et les licenciements en cours jusqu'à la date de promulgation du nouveau texte.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 15 et 49.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 50.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 3.

(L'article 3 est adopté.)

Article 4



M. le président.
« Art. 4. - Les deux premières phrases de l'article L. 122-52 du code du travail sont remplacées par une phrase ainsi rédigée :
« En cas de litige relatif à l'application des articles L. 122-46 et L. 122-49, dès lors que le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, il incombe à la partie défenderesse, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. »
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 16 est présenté par MM. Chabroux et Godefroy, Mme Printz et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée.
L'amendement n° 51 est présenté par M. Muzeau, Mme Demessine, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« Supprimer cet article. »
La parole est M. Gilbert Chabroux, pour présenter l'amendement n° 16.
M. Gilbert Chabroux. Nous en arrivons maintenant à l'article qui a été introduit dans ce projet de loi et qui inverse la charge de la preuve en cas de harcèlement moral.
Nous en revenons donc au débat que nous avons eu voilà un an sur ce sujet et qui nous avait paru constructif. Nous étions parvenus, à l'époque, à une rédaction que nous persistons à considérer comme équilibrée, si l'on en juge par ce que l'on a pu observer non seulement avant la mise en place de la loi - c'est-à-dire lorsque aucun dispositif n'existait - mais aussi après, quand le système a fonctionné correctement.
La rédaction relative à la charge de la preuve permet en effet un examen des éléments présentés par le plaignant et une liberté d'interprétation de ceux-ci.
Deux points militent en faveur du statu quo . D'abord, il est particulièrement difficile, pour un salarié qui s'estime victime de faits constituant un harcèlement moral, d'établir la réalité de ces faits pour des personnes extérieures. Les agissements à son encontre se caractérisent, en effet - nul ne peut l'ignorer - par leur aspect insidieux et pervers.
Ensuite, à la différence du harcèlement sexuel, pour lequel les faits susceptibles de se produire sont relativement faciles à déterminer, le champ du harcèlement moral est très large et souvent innovant. C'est en raison de cette spécificité qu'il avait été décidé d'opter pour une rédaction ouverte, laissant au juge une totale liberté d'enquête et d'appréciation.
Au demeurant, le régime retenu dans la proposition de loi relative à la lutte contre les discriminations est le même, en raison d'une difficulté identique à établir ce qui s'est réellement passé et ce qu'il convient d'en penser. Une partie des parlementaires de l'actuelle majorité avaient d'ailleurs voté ce texte.
Il s'agit non pas d'une inversion de la charge de la preuve, mais d'une reprise de la jurisprudence établie lors des premières affaires éxaminées par la Cour de cassation. Il n'y a donc absolument pas lieu de revenir sur ce qui a été réalisé alors.
L'inversion que vous proposez va placer le salarié dans la quasi-impossibilité de plaider devant les tribunaux. Il ne pourra plus recourir qu'aux témoignages de ses collègues. Mais, dans une entreprise où de tels faits ont lieu, la pression sur les salariés étant forte et l'atmosphère sans doute très pesante, un salarié qui se risquerait à témoigner en faveur d'une victime de harcèlement moral prendrait, à n'en pas douter, le risque de se voir licencier, sans doute pour une imaginaire faute lourde. Nous savons comment cela se passe !
Vous introduisez un déséquilibre supplémentaire au détriment des salariés et c'est la raison pour laquelle nous demandons la suppression d'une telle disposition.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour défendre l'amendement n° 51.
M. Guy Fischer. L'adoption par l'Assemblée nationale de certains amendements, notamment de ceux qui modifient les dispositions actuelles en matière de harcèlement moral au travail, a été très mal accueillie - c'est le moins que l'on puisse dire - par l'ensemble des syndicats. Tous ont en effet vu dans l'attitude du Gouvernement, qui a donné son accord, un coup de canif dans la méthode préconisée par M. le Premier ministre, tous ont considéré que ces amendements durcissaient votre texte.
Pour notre part, nous déplorons les propos tenus par le signataire de l'un des amendements revenant sur l'aménagement de la charge de la preuve opéré par la loi de modernisation sociale : « Il y aurait présomption d'innocence pour un violeur, pour un dealer, pour un criminel, et il n'y en a pas pour un chef d'entreprise ! » Je me contente de reprendre les propos, démesurés à mon sens, de M. Jean-Michel Fourgous sur un amendement qui, loin de rééquilibrer la charge de la preuve, la déséquilibre plutôt au détriment du salarié.
Or rien ne sert d'avoir une belle définition du harcèlement moral au travail si l'on continue de butter sur la question de la preuve, qui, en raison de la nature des faits, est très délicate à apporter. Nous l'avons tous admis, puisque nous nous étions accordés, voilà un an, sur le bien-fondé d'un tel aménagement.
L'Assemblée nationale avait alors considéré à juste titre qu'en ce domaine, mais également pour les faits de harcèlement sexuel, il convenait d'aller au-delà d'une transposition littérale de la directive européenne, l'objectif étant de rendre effective la protection des salariés, conformément d'ailleurs à la jurisprudence de la Cour de cassation.
Prenant prétexte des prétendus abus des salariés, qui brandiraient la menace d'une accusation de harcèlement pour obtenir de meilleures indemnités, et afin d'éviter que la haine ne s'enracine dans l'entreprise, on nous propose donc, aujourd'hui, de revenir en arrière.
La loi de modernisation sociale a eu un effet pédagogique incontestable. Les souffrances au travail accumulées depuis vingt ans par le personnel féminin, peu qualifié, sont enfin mises en avant.
Nous préférons que l'on en reste au texte actuel, qui oblige le salarié non pas à établir les faits mais à présenter des éléments de faits, et qui laisse au juge le soin de les apprécier.
J'ajoute que les changements auxquels vous procédez suppriment également la possibilité, pour le Conseil des prud'hommes, d'ordonner toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Même si cette faculté est très peu utilisée, nous pensons qu'il ne faut pas pour autant la supprimer.
Pour toutes ces raisons, nous n'acceptons pas la nouvelle version du texte proposé et nous demandons que l'on s'en tienne à la loi de modernisation sociale.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Monsieur le président, nous abordons un point extrêmement important.
Je m'étais beaucoup engagé lors de la discussion qui s'était déroulée au Sénat sur ce sujet, discussion qui avait été forte et intense. Je souhaite rappeler, à titre liminaire, que je ne méconnais pas la nécessité d'aménager le régime de la charge de la preuve en cas de harcèlement moral, étant moi-même à l'origine d'un tel aménagement.
Comme l'observe un juriste spécialiste du droit du travail : « On aboutirait en pratique à une inversion de la charge de la preuve, faisant du bon père de famille prudent et avisé un présumé fautif, voire délinquant, s'il ne peut démontrer, face à ces reproches sans véritable preuve (...) qu'il n'a rien fait de tel : la " preuve impossible " enseignée aux étudiants en droit de première année. » C'est intéressant !
Par ailleurs, j'ai eu une longue conversation avec le député Pierre Morange, qui savait que j'avais beaucoup travaillé sur cette question et qui avait présenté un amendement visant à rééquilibrer la charge de la preuve pour prévenir, précisément, certains recours manifestement abusifs.
Pour ma part, je pense qu'il ne faut pas aller dans votre direction.
M. Guy Fischer. Il faut faire marche arrière ?
M. Gilbert Chabroux. On inverse la charge de la preuve !
M. Guy Fischer. Vous revenez sur un débat très intéressant !
M. Alain Gournac, rapporteur. Et la présomption d'innocence ?
Le nouveau régime de la charge de la preuve incombe aux deux parties. En outre, il ne constitue qu'un simple rééquilibrage. En effet, des dérapages ont eu lieu, en particulier dans les Yvelines. Je peux d'autant plus en parler ! Je vous avais pourtant mis en garde, à l'époque, contre de telles dérives. Mais on ne m'a pas écouté.
Je suis défavorable à ces deux amendements qui visent à revenir sur le réaménagement du régime de la charge de la preuve en cas de harcèlement moral introduit à l'Assemblée nationale, et cela pour trois raisons.
D'abord, seule la nouvelle rédaction proposée par l'Assemblée nationale pour la définition du régime de la charge de la preuve est pleinement conforme au droit européen, ce qui est très important.
Ensuite, le Conseil constitutionnel a assorti le régime actuel de la charge de la preuve de très strictes réserves d'interprétation. L'article 4 du projet de loi se borne finalement à tirer les conséquences de la décision du Conseil et aménage la disposition législative en ce sens, afin de garantir l'application effective par le juge des réserves émises.
Enfin, ce nouveau régime de la charge de la preuve ne constitue qu'un simple rééquilibrage. Il restera donc plus favorable au demandeur que le droit commun. Il témoigne en cela du souci d'établir un équilibre entre la nécessaire protection de la victime, parfois confrontée à de réelles difficultés pour établir la charge de la preuve, et l'indispensable respect des droits de la défense. Je le crois d'autant plus volontiers que ce nouveau régime est similaire aux dispositions qu'avait proposées le Sénat lors de l'examen du projet de loi de modernisation sociale.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Nicolas About, président de la commission. Je voudrais tout de même dire à M. Fischer que, contrairement à ce que ses propos ont laissé entendre, le Sénat, l'an passé, a adopté la position que nous vous proposons ce soir, et non le contraire. Le Sénat ne change pas d'avis aussi facilement ! Il est toujours un gage de prudence et de raison.
M. Gilbert Chabroux. Il est fidèle à lui-même !
M. Nicolas About, président de la commission. Le Sénat a considéré que, a priori, tout le monde pouvait bénéficier de la présomption d'innocence. En tenant les propos que vous citiez tout à l'heure, M. Jean-Michel Fourgous n'a pas eu complètement tort. Je dirais même qu'il a eu raison. Pourquoi le chef d'entreprise, parce qu'il est chef d'entreprise, serait-il a priori coupable et aurait-il à se justifier de toute accusation portée contre lui ? Cela n'est pas acceptable pour le chef d'entreprise ; cela ne l'est pas plus pour un parlementaire, un médecin ou un avocat.
Quelle est donc cette attitude qui consisterait à dire qu'il existe dans notre démocratie des présumés coupables, qui ont à se justifier, et des présumés innocents, qui sont les autres citoyens ? En droit, une telle situation n'est pas possible, et je m'étonne que nous soyons encore en train de débattre d'un tel sujet.
En revanche, la loi se doit de prêter assistance à toute personne qui se déclare victime. Là, c'est tout à fait différent : il incombe aux magistrats et aux policiers d'enquêter pour tenter de rassembler des preuves permettant de démontrer que la victime l'est véritablement. Ne demandez pas l'inversion de la preuve, ce n'est pas possible !
M. Gilbert Chabroux. Ce n'est pas cela.
M. Alain Gournac, rapporteur. Si, c'est cela !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. M. le rapporteur et M. le président de la commission viennent de dire à quel point la rédaction du texte de la loi de modernisation sociale est à la fois contraire aux principes généraux du droit et inapplicable.
Le Conseil constitutionnel l'avait d'ailleurs déjà fait remarquer dans sa décision du 12 janvier 2002. Il avait émis une réserve sur cette disposition en disant que le texte ne saurait dispenser la partie demanderesse « d'établir la matérialité des éléments de faits précis et concordants. »
La première décision de justice rendue sur ce sujet a rappelé la nécessité d'apporter des preuves précises et objectives de l'intention de nuire.
Nous n'avons, par ce texte, aucunement l'intention de priver le salarié de la possibilité nouvelle qui lui avait été offerte par la loi de modernisation sociale d'engager une action en matière de harcèlements moral ou sexuel. A ce propos, il est tout à fait faux d'affirmer, comme vous le faites dans l'objet de cet amendement, que la modification du texte viendrait restreindre les prérogatives du juge. Ce n'est nullement le cas.
Je ne parviens pas à comprendre comment, épris de liberté et de modernité comme vous l'êtes, vous pouvez défendre un texte qui transforme, pas seulement le chef d'entreprise mais n'importe quel responsable de service, dans l'administration comme dans l'entreprise, ...
M. Nicolas About, président de la commission. Dans un syndicat !
M. François Fillon, ministre. ... en accusé potentiel sans aucune possibilité de se défendre face à une accusation qui peut-être lancée dans le seul but de déstabiliser. Cela s'est déjà vu, et chacun voit bien ici que cela peut se reproduire.
M. Alain Gournac, rapporteur. Cela existe !
M. François Fillon, ministre. Si nous avions inversé la charge de la preuve, vos critiques seraient justifiées. Mais tel n'est pas le cas. Nous avons simplement fait en sorte - comme c'est le cas en droit français - que la charge de la preuve soit plus équilibrée. C'est d'ailleurs ainsi que les tribunaux ont interprété le texte.
Je crois donc que vous pourriez, monsieur le sénateur, sans dommage pour les principes que vous défendez, voter cet amendement... pardon, le retirer !
M. Roland Muzeau. Lapsus révélateur !
M. le président. Monsieur Muzeau, l'amendement n° 51 est-il maintenu ?
M. Roland Muzeau. Peut-être M. le ministre s'est-il enfin laissé aller à dire ce qu'il pensait au fond de lui-même, à savoir qu'il avait envie de voter notre amendement !
Toutefois, comment pouvez-vous dire que vous n'inversez pas la charge de la preuve ? Comment pouvez-vous soutenir que la formule « établir des faits » n'implique pas une obligation que la quasi-totalité des salariés victimes de harcèlement seront dans l'impossibilité de remplir ?
M. Gilbert Chabroux. Bien sûr !
M. Roland Muzeau. La presse en général, qu'il s'agisse des magazines nationaux, des journaux quotidiens ou de la télévision, fait régulièrement état de ce type de problèmes, qui sont aujourd'hui probablement plus forts et plus présents qu'ils ne l'étaient il y a vingt ans, pour des raisons que chacun pourra imaginer.
Il faut n'avoir jamais mis les pieds dans une entreprise pour penser un seul instant qu'il est facile de présenter un dossier irréfutable ! Des faits sont irréfutables, monsieur le ministre, car ce ne sont pas des allégations. Qui peut penser qu'il est aisé d'établir des faits dans une entreprise quand on est victime de harcèlement moral ? Il faut avoir une sacrée méconnaissance du contenu de l'entreprise et du vécu de l'entreprise pour affirmer une telle chose !
J'ai passé vingt ans dans une entreprise nationale de production, monsieur le ministre, et je puis vous dire que, même si je n'ai pas vu beaucoup de cas de harcèlement moral, chaque fois que j'en ai rencontré, il a été extrêmement difficile d'établir des faits, comme vous dites. En vingt années passées à défendre des salariés, nous n'avons jamais pu faire aboutir un seul dossier. Il était donc nécessaire de modifier la loi.
Vous indiquez que notre formulation est trop tournée vers l'accusation de l'employeur. Je veux bien entendre une partie de cet argument, mais il faut que vous entendiez l'autre ! La formule « établir des faits » inverse radicalement la charge de la preuve !
M. Gilbert Chabroux. Bien sûr !
M. Roland Muzeau. Pas un seul salarié - ou alors un sur 1 000 ou sur 10 000 - ne pourra établir des faits, alors qu'avant que vous ne supprimiez cette disposition il pouvait présenter des éléments de fait, ce qui était, je crois, beaucoup plus adapté à la réalité du monde du travail que nous connaissons.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 16 et 51.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 4.

(L'article 4 est adopté.)

Article 5



M. le président.
« Art. 5. - I. - Le premier alinéa de l'article L. 122-54 du code du travail est ainsi rédigé :
« Une procédure de médiation peut être engagée par toute personne de l'entreprise s'estimant victime de harcèlement moral. Elle peut être également mise en oeuvre par la personne mise en cause. Le choix du médiateur fait l'objet d'un accord entre les parties. »
« II. - Les deuxième, troisième et dernier alinéas du même article sont supprimés. »
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 17 est présenté par MM. Chabroux et Godefroy, Mme Printz et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée.
L'amendement n° 52 est présenté par M. Muzeau, Mme Demessine, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« Supprimer cet article. »
La parole est à M. Gilbert Chabroux, pour défendre l'amendement n° 17.
M. Gilbert Chabroux. Il s'agit encore ici du harcèlement moral au travail.
Tout à l'heure, au cours de la discussion générale, j'ai dit que le harcèlement moral au travail était, hélas ! un phénomène très répandu. J'ai cité le Bureau international du travail, selon lequel la France est en tête des pays avancés pour la violence au travail. Quant à l'INSEE, il estime à sept millions le nombre de Français concernés et la médecine du travail évalue à plus de 90 % le nombre de médecins ayant eu connaissance d'au moins un cas de harcèlement au travail, et 21 % d'entre eux jugent ce phénomène fréquent.
Compte tenu des dispositions que vous envisagez de prendre, monsieur le ministre, nous verrons combien de cas seront jugés - sans doute très peu par rapport à ce nombre considérable que j'ai cité : sept millions de Français concernés - et vous pourrez alors constater que vous avez remis en cause une avancée sociale majeure.
De la même façon, vous remettez en cause également la rédaction du code du travail quant à la médiation en cas de harcèlement moral. Vous aggravez donc ces dispositions. Alors qu'un texte précis, qui procédait à une description détaillée de la procédure à suivre, avait été mis en place, vous poursuivez votre oeuvre de destruction en faisant, dans les faits, disparaître les garanties dues au salarié. Vous développez l'imprécision sur certains aspects, par exemple la procédure, et vous créez en même temps des dispositions qui rendront inévitablement la médiation inutilisable pour le salarié.
Il est ainsi tout à fait inopérant, dans un cas de conflit de personnes - avec ce que cela suppose de souffrance, peut-être ici ou là de mauvaise foi ou de rancoeur -, de demander que le médiateur soit choisi par accord entre les parties. C'est un véritable non-sens, et c'est en tenant compte de cela que nous avions pris la décision, d'ailleurs parfaitement classique, d'établir une liste de personnes qualifiées et présentant toutes les garanties morales nécessaires. Pour quelle raison ce qui est valable dans le cas du conseiller du salarié ne s'appliquerait-il pas ici ?
Au passage, vous profitez de ce texte pour faire disparaître toutes les garanties dont doit bénéficier le médiateur pour exercer sa difficile fonction. A l'inverse du conseiller du salarié, le médiateur ne bénéficiera plus ni de crédits d'heures, ni d'une protection spécifique contre le licenciement abusif, ni d'une formation. De fait, il ne pourra donc plus être un salarié en activité. Il s'agit sans doute, dans votre esprit, d'une sorte de sage dégagé de tout souci matériel.
La procédure, qui est encore encadrée, devient beaucoup plus aléatoire. Le médiateur n'aura plus à entendre les parties dans le délai d'un mois, puis à dresser un constat écrit de ce qu'il aura entendu. L'affaire pourra donc traîner et faire l'objet d'une vague conciliation orale. La médiation perdra ainsi de son utilité. C'est une erreur !
A ne vouloir ni voir les conflits portés devant le juge ni les résoudre par la conciliation, en empêchant que ne viennent au jour ces pratiques de harcèlement, vous risquez de laisser pourrir et s'aggraver des situations de désespoir qui aboutiront à des drames. Nous sommes absolument contre ce procédé et nous demandons la suppression de cette disposition.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour défendre l'amendement n° 52.
M. Guy Fischer. Notre collègue Gilbert Chabroux a déjà dit beaucoup de choses. Pas plus que l'aménagement de la charge de la preuve en matière de harcèlement nous n'acceptons l'aménagement voté par l'Assemblée nationale au sujet du statut du médiateur.
Il est nécessaire que le médiateur soit un tiers à l'entreprise, surtout dans les petites et moyennes entreprises.
Par ailleurs, nous ne voyons pas très bien comment il pourrait y avoir accord entre les deux parties sur la personne du médiateur.
De plus, il est très dommageable que le médiateur ne puisse formuler des propositions en vue de mettre fin au harcèlement moral.
La question de la santé mentale au travail semble vous gêner. Dès cet été, votre ministère a bloqué la diffusion de circulaires, alors que les textes d'application sur le médiateur étaient déjà pris. A ma connaissance, une quinzaine de départements ont tout de même mis en place les listes de ces intervenants extérieurs à l'entreprise.
Nous n'entendons pas participer à ce sabordage et nous souhaitons que les progrès déjà accomplis puissent se poursuivre. C'est pourquoi nous sommes attachés au maintient de la législation actuelle.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ? M. Alain Gournac, rapporteur. Le dispositif que vous défendez était une usine à gaz ! Ce n'était pas simple : il fallait quand même y regarder plusieurs fois avant de comprendre.
Ces deux amendements identiques tendent à revenir sur l'aménagement réalisé à l'Assemblée nationale en ce qui concerne la procédure de médiation en cas de harcèlement.
Pour ma part, je considère que cet amendement est tout particulièrement opportun. Il prévoit l'exclusion du harcèlement sexuel du champ de cette médiation, à la demande, d'ailleurs, d'un député socialiste. Il ramène la procédure au sein de l'entreprise ; cette question ne peut être réglée efficacement que dans ce cadre. Il introduit la nécessité d'un accord entre les parties sur le choix du médiateur.
Toutes ces évolutions constituent, selon moi, autant de conditions indispensables pour que la procédure de médiation, en rapprochant les parties, prévienne toute procédure judiciaire. C'est pratiquement mot pour mot ce que je disais ici voilà un an !
La commission est donc défavorable à ces deux amendements identiques.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. Je suis effaré par le déséquilibre du dispositif que vous défendez ! Je n'arrive pas à comprendre comment, en droit, on peut accepter qu'un médiateur, qui est là pour essayer de mettre d'accord deux parties, soit choisi par l'une d'entre elles. Cela s'appelle non pas un médiateur, mais un avocat à charge !
Dans ces conditions, ce n'est pas une usine à gaz, et le dispositif est assez simple : ou bien il y a médiation - c'est une bonne formule, mais cela suppose que les deux parties aient confiance dans le médiateur - ou bien on a recours au juge.
Pour notre part, nous n'excluons absolument pas le fait que la personne qui s'estime victime de harcèlement moral saisisse le juge. Maintenant, il existe un texte en la matière et je reconnais, de ce point de vue, l'avancée que représente la loi de modernisation sociale : elle donne une définition du harcèlement moral, avec une charge de la preuve qui n'est nullement déséquilibrée ; elle est conforme au droit français. Si la médiation peut fonctionner, c'est parfait. Sinon, on va devant le juge.
Mais une médiation qui consiste à aller chercher un intervenant extérieur contre l'avis de la personne qui est accusée, sans que celle-ci ait la possibilité de se défendre réellement, c'est un système très déséquilibré et qui est contraire, me semble-t-il, aux droits les plus élémentaires de chacun.
Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 17 et 52.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 5.

(L'article 5 est adopté.)

Article 6



M. le président.
« Art. 6. - I. - Le I de l'article 49 de la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale est complété par un c ainsi rédigé :
« c) Des cotisations dues à compter du 8 avril 2002 au titre des périodes de perception de l'allocation équivalent retraite mentionnée à l'article L. 351-10-1 du code du travail. »
« II. - Le V du même article est abrogé. » - (Adopté.)

Articles additionnels après l'article 6



M. le président.
L'amendement n° 54, présenté par MM. César, Bailly, Besse, Bizet, Carle, Cazalet, Doublet, Dubrule, Flandre, François, Gérard, Ginésy, Giraud, Girod, Goulet, Leclerc, Le Grand, Chérioux, Marini et Vasselle, est ainsi libellé :
« Après l'article 6, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article L. 122-1-1 du code du travail est complété in fine par un alinéa ainsi rédigé :
« 5° Remplacement d'un chef d'exploitation agricole ou d'entreprise tels que définis au 1° à 4° de l'article L. 722-1 du code rural, d'un aide familial, d'un associé d'exploitation, ou de leur conjoint visé à l'article L. 722-10 du code rural dès lors qu'il participe effectivement à l'activité de l'entreprise ou de l'exploitation agricole. »
La parole est à M. Auguste Cazalet.
M. Auguste Cazalet. Nous sommes un certain nombre à avoir déposé cet amendement, qui concerne surtout les exploitants agricoles.
Le remplacement de l'exploitant ou chef d'entreprise agricole comme d'un non-salarié participant à l'exploitation est souvent indispensable pour la survie même de l'exploitation et, dans certains cas, pour la vie et la sécurité des animaux.
L'introduction récente, dans les cas de recours à un contrat à durée déterminée, un CDD, d'une clause prévoyant l'absence d'un pharmacien titulaire d'officine ou d'un directeur de laboratoire semble pouvoir être interprétée comme une limitation des remplacements possibles de non-salariés. C'est pourquoi il est essentiel de prévoir cette possibilité pour assurer la poursuite des activités agricoles.
Lors de l'examen du projet de loi relatif aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi, le ministre s'était engagé à reprendre cette disposition à l'occasion de l'examen des cas de recours au contrat à durée déterminée. Toutefois, aucun texte n'est actuellement prévu sur ce thème. Il paraît donc opportun de légiférer sur cette question à l'occasion de ce projet de loi qui modifie le code du travail.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Cet amendement tend à introduire un nouveau cas de recours au CDD : le remplacement temporaire d'un chef d'exploitation agricole, de son conjoint-collaborateur ou d'un collaborateur non salarié.
Un amendement identique avait été déposé lors de l'examen du projet de loi visant à assouplir les 35 heures. La commission avait alors émis, sur proposition de notre collègue Louis Souvet, un avis favorable, sous réserve de certaines observations. Mais l'amendement avait été retiré, à la demande du Gouvernement, qui avait souhaité un réexamen ultérieur des cas de recours au CDD.
Bien évidemment, sur le fond, la commission est très favorable à cet amendement. En effet, le code du travail ne prévoit explicitement, pour le recours au CDD, que le remplacement de salariés, et non pas celui de non-salariés, même si une circulaire du 30 octobre 1990 admet une telle possibilité.
Pourtant, il n'est pas sûr que l'on puisse se satisfaire d'une base juridique si fragile pour des pratiques couramment admises, d'autant que le juge tend à les interpréter de plus en plus strictement.
Déjà, la loi portant diverses dispositions d'ordre social, éducatif et culturel dite « loi DDOSEC », du 17 juillet 2001, introduisait une telle possibilité pour le remplacement d'un pharmacien ou d'un directeur de laboratoire d'analyses.
Se pose toutefois une question de principe : ne serait-il pas souhaitable d'introduire dans le code du travail une disposition autorisant le remplacement de tous les non-salariés par un salarié en CDD, plutôt que d'introduire progressivement une succession de dispositions visant chaque profession ? Il reste qu'on ne voit guère de support législatif permettant, dans les mois à venir, de mettre en oeuvre une telle réforme.
Dans ces conditions, une première évolution pour les professions agricoles irait déjà dans le bon sens. La commission émet donc un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. M. Cazalet a raison ! C'est le bon sens et il sait de quoi il parle.
Depuis 1990, la doctrine administrative autorisait le recours au contrat à durée déterminée pour remplacer un chef d'entreprise ou son conjoint. Cette tolérance administrative a été remise en cause par un arrêt de la Cour de cassation du 26 mars 2002 : la chambre sociale ne reconnaît la possibilité de remplacer le conjoint du chef d'entreprise que dans le seul cas où il participe effectivement à l'activité de l'entreprise et où il bénéficie d'une rémunération horaire minimale égale au salaire minimum interprofessionnel de croissance. Dans ces conditions, les possibilités de remplacement du conjoint étaient très restreintes.
Le présent amendement répond à une situation qui est préjudiciable au bon fonctionnement du secteur agricole, la restriction des possibilités de remplacement étant de nature à remettre en cause la pérennité des entreprises.
Le Gouvernement est donc favorable à cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 54.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 6.
L'amendement n° 22, présenté par MM. Joly et Pelletier, est ainsi libellé :
« Après l'article 6, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« Le deuxième alinéa de l'article L. 122-3-4 du code du travail est complété par trois phrases ainsi rédigées :
« En vue d'améliorer la formation professionnelle des salariés sous contrat de travail à durée déterminée, une convention ou un accord collectif de branche étendu peut également prévoir de limiter ce versement à hauteur de 6 %, dès lors que des contreparties sont offertes, dans cette perspective, à ces salariés, notamment sous la forme d'un accès privilégié à la formation professionnelle. Dans ce cas, la convention ou l'accord collectif de branche étendu peut prévoir les conditions dans lesquelles ces salariés peuvent suivre, en dehors du temps de travail effectif, une action de développement des compétences telle que définie à l'article L. 932-2, ainsi qu'un bilan de compétences. Ces actions sont assimilées à des actions de formation ou de bilan de compétences réalisées dans le cadre du plan de formation au titre du troisième alinéa (1°) de l'article L. 951-1. »
La parole est à M. Bernard Joly.
M. Bernard Joly. Cet amendement reprend celui que j'avais déposé et défendu lors de la discussion du projet de loi relatif aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi le 23 octobre dernier.
Je l'avais retiré à votre demande, monsieur le ministre, car vous vous étiez engagé à introduire cette disposition dans le projet de loi que nous examinons aujourd'hui. C'est la raison pour laquelle j'ai souhaité présenter de nouveau ces dispositions. Je me félicite d'ores et déjà de l'accueil favorable que vous voudrez bien leur réserver.
En 1990, un dispositif conventionnel et légal de congé individuel de formation spécifique aux anciens titulaires de CDD a été institué, afin de compenser la précarité de leur situation, souvent due à un déficit de formation professionnelle.
Il est aujourd'hui indispensable de renforcer ce dispositif en permettant aux partenaires sociaux, dans les branches professionnelles où la main-d'oeuvre qualifiée fait défaut, d'affecter à l'amélioration de la formation professionnelle des salariés sous CDD une partie des sommes destinées à compenser la précarité de la situation de ces salariés.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Cet amendement vise à aménager une disposition issue de l'article 125 de la loi de modernisation sociale, qui a relevé le montant de l'indemnité de précarité en fin de contrat à durée déterminée de 6 % à 10 % pour l'aligner sur celle de fin de contrat de travail temporaire.
Lors des débats de l'époque, la commission des affaires sociales avait souhaité que cette majoration de 4 % puisse être affectée au financement d'actions de formation destinées à favoriser l'accès durable à l'emploi des salariés en contrat à durée déterminée.
Le présent amendement reprend cette proposition en renvoyant à un accord de branche étendu le soin de fixer les conditions d'accès à la formation professionnelle et au bilan de compétences.
J'observe d'ailleurs que notre collègue Bernard Joly avait déposé un amendement identique sur le récent projet de loi relatif à l'assouplissement des 35 heures. Mais il est vrai que le support n'était sans doute pas très adéquat. Cet amendement avait donc été retiré.
Aussi, je souscris très largement au dispositif proposé. Il me paraît en effet capital de favoriser l'accès à la formation des salariés en contrat à durée déterminée, car c'est souvent leur manque de qualification qui ne permet pas une embauche en contrat à durée indéterminée.
Toutefois, tel qu'il est rédigé, votre amendement, mon cher collègue, ne concerne que les entreprises de dix salariés et plus. Pour lui donner une portée plus grande, il serait nécessaire de viser également les entreprises de moins de dix salariés. Aussi, je ne peux que vous suggérer de compléter la dernière phrase, par les mots : « et au titre de l'article L. 952-1 ».
Il faudrait également, à la dernière ligne, corriger une erreur de décompte d'alinéa : c'est le dixième et non pas le troisième alinéa de l'article L. 951-1 qui doit être visé.
Sous réserve de cette double rectification, la commission émet un avis favorable.
M. le président. Monsieur Joly, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans le sens proposé par M. le rapporteur ?
M. Bernard Joly. Bien volontiers, monsieur le président !
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 22 rectifié, présenté par MM. Joly et Pelletier, et qui est ainsi libellé :
Après l'article 6, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Le deuxième alinéa de l'article L. 122-3-4 du code du travail est complété par trois phrases ainsi rédigées :
« En vue d'améliorer la formation professionnelle des salariés sous contrat de travail à durée déterminée, une convention ou un accord collectif de branche étendu peut également prévoir de limiter ce versement à hauteur de 6 %, dès lors que des contreparties sont offertes, dans cette perspective, à ces salariés, notamment sous la forme d'un accès privilégié à la formation professionnelle. Dans ce cas, la convention ou l'accord collectif de branche étendu peut prévoir les conditions dans lesquelles ces salariés peuvent suivre, en dehors du temps de travail effectif, une action de développement des compétences telle que définie à l'article L. 932-2, ainsi qu'un bilan de compétences. Ces actions sont assimilées à des actions de formation ou de bilan de compétences réalisées dans le cadre du plan de formation au titre du dixième alinéa (1°) de l'article L. 951-1 et au titre de l'article L. 952-1. »
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. Cet amendement avait été présenté par M. Joly à l'occasion d'un texte précédent et je lui avais alors indiqué qu'il était susceptible d'apporter une réponse satisfaisante dont il convenait de débattre dans le cadre du présent projet de loi. Je remercie M. Joly d'être fidèle au rendez-vous que nous nous étions fixé !
Cet amendement permettra de mobiliser des ressources pour financer des actions de développement des compétences. Il permettra en outre au salarié de faire le point sur sa situation par le biais des bilans de compétence.
Il reviendra donc aux branches soit de prévoir le versement d'une indemnité majorée, soit de privilégier le recours à la formation. Tel est le sens de cet amendement, qui incite à la négociation collective sur la formation professionnelle des salariés sous contrat à durée déterminée.
Comme vient de l'indiquer M. le rapporteur, en faisant référence à l'article L. 951-1 du code du travail, il réserve cependant le dispositif aux seules entreprises employant dix salariés et plus. Il convenait donc - ce que vous venez de faire -, d'y inclure les employeurs occupant moins de dix salariés.
Sous cette réserve, le Gouvernement est favorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote.
M. Roland Muzeau. Je suis abasourdi par ce que je viens d'entendre ! Comment peut-on, au terme de débats qui ont été pour le moins bâclés, envisager d'adopter un amendement qui vise ni plus ni moins à diminuer la rémunération des travailleurs précaires ? C'est quand même très fort !
On a évoqué les problématiques de licenciement, l'insécurité au travail, l'absence de droits pour les salariés et la protection de ces derniers. Et là, en fin de discussion, on veut nous faire avaliser un texte qui réduit les indemnités de précarité des salariés en CDD, au bénéfice - c'est là que c'est peut-être le plus fort - d'une hypothétique formation qui leur serait accordée ! De surcroît, pour financer cette formation, on leur prend une partie de leur salaire. C'est franchement inacceptable !
Comme je l'ai dit lors de la discussion générale, monsieur le ministre, s'il existe un besoin évident de formation pour les emplois précaires comme pour les autres, il fallait vous en préoccuper !
Vous nous renvoyez aux négociations sur la formation professionnelle ; le MEDEF serait moins opposé qu'il ne l'était hier, ce qui ne veut pas dire qu'il y soit favorable, d'ailleurs. On verra bien ce qui se passera...
Par conséquent, le groupe communiste républicain et citoyen s'oppose très fermement à l'adoption de cet amendement de réduction de salaire pour les travailleurs qui subissent la précarité au travail. Si, effectivement, votre souci et celui des auteurs de l'amendement en matière de formation est sincère et fondé, il est toujours possible de prévoir une cotisation payée par les entreprises au bénéfice des fonds de formation sans « piquer » sur le salaire des employés !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 22 rectifié.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 6.
L'amendement n° 30 rectifié, présenté par M. Moinard et les membres du groupe de l'Union centriste, est ainsi libellé :
« Après l'article 6, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« Après le premier alinéa de l'article 3 de la loi n° 46-1173 portant réglementation des conditions d'accès à la profession de coiffeur, modifiée, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les personnes dont la capacité professionnelle est validée par l'autorité administrative en exécution de décisions de justice, postérieures à l'entrée en vigueur de l'article 197 de la loi n° 2002-73, et devenues définitives peuvent exploiter une entreprise de coiffure à établissement unique. »
La parole est à M. Louis Moinard.
M. Louis Moinard. L'article 197 de la loi du 17 janvier 2002 a supprimé la possibilité de validation de la capacité professionnelle des coiffeurs par la commission nationale de la coiffure, ouverte par l'article 3 de la loi du 23 mai 1946 portant réglementation des conditions d'accès à la profession de coiffeur.
Cette suppression a pour conséquence de rendre sans effet réel les arrêts du Conseil d'Etat intervenus postérieurement à l'entrée en vigueur de cette loi et censurant pour erreur manifeste d'appréciation des refus de validation pris par cette commission.
Les attestations de validation délivrées par la direction des entreprises commerciales et artisanales du ministère de l'économie et des finances ne peuvent porter que sur la période comprise entre la date de la décision annulée et la date d'entrée en vigueur de loi du 17 janvier 2002, dès lors que l'exécution des décisions de justice se fait en l'état du droit en vigueur à la date d'intervention de la décision de justice et non en l'état du droit en vigueur à la date de la décision.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Cet amendement concerne les conditions d'exercice de la profession de coiffeur. Il s'agit simplement de prendre en compte les décisions de justice devenues définitives postérieures à l'entrée en vigueur de la loi du 17 janvier 2002, qui organise l'extinction d'une procédure de validation des acquis professionnels pour exercer la profession de coiffeur.
Cette mesure de validation législative ne devrait concerner que quelque quarante personnes, qui sont aujourd'hui dans un véritable imbroglio juridique. Cette mesure me paraît être de bon sens, mais je souhaite toutefois recueillir l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. M. Moinard a raison de soulever cette question. Le Gouvernement travaille d'ailleurs à la rédaction d'un texte qui va au-delà des propositions du présent amendement.
En effet, cet amendement pose deux problèmes. Le premier est lié au fait que la difficulté inhérente aux textes en vigueur est non pas l'exploitation d'un fond de coiffure mais la reconnaissance de la capacité à exercer un contrôle effectif et permanent sur l'activité d'un salon. L'utilisation du terme « exploitation » conduirait donc à des confusions.
Le second problème tient au fait que les droits qu'il faudrait accorder ne peuvent pas seulement s'appliquer aux bénéficaires de décisions de justice qui ont été prises depuis le 17 janvier 2002. En réalité, il faut rétablir un droit pour tous les titulaires de la validation de la capacité professionnelle de la coiffure, la situation des premiers n'étant qu'un cas particulier.
J'indique à M. Moinard que le Gouvernement a déjà rédigé un avant-projet qui est en cours de discussion entre les différents ministères. Je m'engage à revenir devant le Parlement dans les délais les plus rapides possibles avec un texte législatif qui réglera l'ensemble des questions qu'il a soulevées fort justement. Je lui demande, dans ces conditions, de bien vouloir retirer son amendement. M. le président. Monsieur Moinard, l'amendement est-il maintenu ?
M. Louis Moinard. Je suis heureux que M. le ministre reconnaisse le bien-fondé de ma proposition et qu'il s'engage à l'inclure dans un autre texte. Par conséquent, je retire l'amendement.
M. le président. L'amendement n° 30 rectifié est retiré.
L'amendement n° 53 rectifié, présenté par MM. Hérisson, Girod et Trucy, est ainsi libellé :
« Après l'article 6, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, sont validés les actes pris après avis de la commission supérieure du personnel et des affaires sociales instituée par le décret n° 90-1122 du 18 décembre 1990 relatif à la commission supérieure du personnel et des affaires sociales du service public des postes et télécommunications, en tant que leur régularité serait mise en cause sur le fondement de la composition irrégulière de cette commission entre le 1er janvier 1991 et le 18 juillet 1995. »
La parole est à M. Pierre Hérisson. M. Pierre Hérisson. Cet amendement vise à consolider la base juridique des textes réglementaires pris après avis de la Commission supérieure du personnel et des affaires sociales créée par la loi du 2 juillet 1990 modifiée relative à l'organisation du service public de La Poste et des télécommunications.
Ces textes, élaborés entre 1991 et 1995, concernent plus de 350 000 fonctionnaires au sein de La Poste et de France Télécom.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Cet amendement est une mesure de validation législative des actes pris après avis de la Commission supérieure du personnel et des affaires sociales du service public des postes et télécommunications. Son sujet s'écartant quelque peu du domaine traditionnel de compétence de la commission, je souhaiterais recueillir l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. Cet amendement permet, pour un motif d'intérêt général, de valider les textes réglementaires concernant les fonctionnaires de La Poste et de France Télécom qui ont été pris entre 1991 et 1995, après avis d'une commission dont la composition était irrégulière. L'article qui vous est proposé ne remet pas en cause l'autorité de la chose jugée.
Je veux souligner par ailleurs que cette mesure trouve sa place dans le projet de loi modifiant la loi de modernisation sociale, qui était en réalité une loi portant diverses mesures d'ordre social. On y retrouve, vous le savez, de nombreux articles visant des dispositions statutaires touchant différent corps de fonctionnaires et d'agents publics.
L'article 202 de la loi de modernisation sociale validait, du reste, des accords portant sur le temps de travail à La Poste et à France Télécom, y compris les règles statutaires applicables aux personnels concernés.
Le Gouvernement est donc favorable à cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 53 rectifié.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 6.

Vote sur l'ensemble



M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Roland Muzeau, pour explication de vote.
M. Roland Muzeau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors que ce projet de loi portait sur la vie et l'emploi de centaines de milliers de salariés, nous avons malheureusement assisté à un débat dans lequel vous avez choisi délibérément d'expédier le sujet, comme le patronat expédie l'emploi.
Rien de ce que l'opposition a pu dire, expliciter ou développer n'a été pris en compte ni même entendu. Caricature extrême, la droite sénatoriale s'est enorgueillie d'adopter des amendements dont l'un concerne quelques exploitants agricoles, un autre prive les salariés en CDD d'une partie de leur prime de précarité - et encore, nous avons échappé à l'amendement « coiffeur » !
Quelle tristesse et quelle colère, quand nous savons que, dès aujourd'hui, 200 000 licenciements sont en jeu ! Quelle frustration pour les salariés qui sont livrés aux plans de licenciement avec moins de droits à la suite de l'annulation d'une jurisprudence chèrement obtenue par les luttes syndicales ! Quelle sentiment d'injustice quand nous constatons la reprise in extenso des desiderata du MEDEF !
Certes, monsieur le ministre, vous protestez contre cette accusation, mais la vérité est tenace. Le discours du baron Ernest-Antoine Seillières, président du MEDEF, prononcé à Lyon le 15 janvier 2002, correspond mot pour mot à l'exposé des motifs de votre projet de loi.
Que dit le baron Seillières ? Rassurez-vous, je ne citerai que quelques extraits : « Renforçons le rôle de la négociation, en établissant clairement que la mise en oeuvre des grands principes du droit du travail relève par priorité de la négociation collective, et que la loi ne doit intervenir qu'en l'absence d'accord. » Vous dites la même chose !
« Favorisons la négociation d'entreprise, en établissant une nouvelle hiérarchie des normes qui favorise le dialogue libre au plus près de l'entreprise, au plus loin du ministre. » C'est pareil !
« Elargissons le champ de la négociation, en donnant la possibilité aux entreprises petites et moyennes de conclure des accords, en l'absence de délégués syndicaux. » Vous l'avez fait !
« Les relations sociales ne peuvent plus être un enjeu politique, soumis aux aléas d'accords politiciens. Nous ne devons plus jamais entendre dans notre pays des débats aussi ringards que ceux entendus à propos des 35 heures ou de la loi de modernisation sociale. » Vous avez, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, repris ces propos à votre compte ! Les faits sont têtus !
Vous avez ouvert la voie, avec votre texte, à l'abandon d'autres dispositions du code du travail. D'ailleurs, le rapport présenté à l'Assemblée nationale indique, à la page 22 : « Il est cependant possible que le futur projet de loi devant être présenté après les négociations interprofessionnelles revienne sur certaines des dispositions que le présent projet de loi ne vise pas. »
Les interventions de certains de nos collègues de la majorité dans la discussion générale montrent bien l'émergence de la crainte d'un risque majeur d'explosion des licenciements à la faveur du projet qu'ils vont pourtant voter. Si leurs craintes et leurs remarques étaient aussi fondées, pourquoi n'ont-ils pas amendé ce texte ?
Le mot « concertation » que vous prononcez à chaque instant ne correspond en rien, je l'ai dit, à la réalité des pratiques gouvernementales. Les dossiers sur les 35 heures, le SMIC, les licenciements, les budgets de l'emploi et les emplois-jeunes ont été menés sans concertation ni négociation. Telle est la réalité, même si elle dérange.
Enfin, comment ne pas être affligé par nos débats ? Quand vous lirez, chers collègues, le Journal officiel, peut-être prendrez-vous conscience du mépris que représente votre lourd silence pour les salariés menacés d'être privés d'emploi.
Le groupe CRC, monsieur le ministre, a rempli son rôle de dénonciation, mais aussi de proposition. Nous pensons qu'il contribuera au rejet de votre politique par les salariés.
Nous voterons contre votre projet de loi destructeur d'emplois et créateur d'inégalités supplémentaires. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Gilbert Chabroux.
M. Gilbert Chabroux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je n'emploierai pas la formule habituelle : « Au terme d'un long débat, nous allons passer au vote... » Il n'y a pas eu de long débat ; il a duré cinq heures, guère plus. Les conditions ont été réunies pour que le débat soit, en quelque sorte, anesthésié. Certes, l'opposition a pu s'exprimer, mais la commission n'a présenté aucun amendement, ce qui est véritablement nouveau, étonnant. Les amendements déposés par des sénateurs de droite n'appartenant pas à la commission, qui reprenaient ceux qui avaient été déposés et débattus à l'Assemblée nationale, ont été retirés. Je ne crois pas que les différentes parties de la majorité sénatoriale se soient exprimées, et cela pose un véritable problème.
Cinq heures, guère plus, pour traiter un sujet aussi lourd, avec les conséquences que l'on imagine, que l'on connaît, que l'on voit venir. Un tel comportement me semble inquiétant.
Certes, nous aurons finalement discuté d'amendements qui n'avaient rien à voir avec le texte initial : le remplacement temporaire d'un chef d'exploitation agricole, l'amélioration de la formation professionnelle des salariés sous CDD en prenant sur leurs indemnités de précarité ; nous n'avons pas pu nous exprimer sur la validation de la capacité professionnelle des coiffeurs - mais cela viendra -, nous avons parlé du service public de La Poste et des télécommunications, ce qui est certes important.
Je me demande où est le vrai débat et quel a été l'objet de la réunion que nous avons tenue et qui était réglée d'avance. Vous avez fait en sorte que le débat soit plus que maîtrisé et je m'étonne en particulier du comportement de la commission.
Je ne reviendrai pas sur ce que j'ai dit dans la discussion générale. Je persiste à penser, après les cinq heures que nous venons de passer, que ce texte est dangereux, qu'il conduira à une régression sociale, que les plans sociaux se multiplieront. Nous savons bien, hélas ! que nous ne ferons rien, ou peu de choses, pour lutter contre les licenciements économiques et que des dizaines de milliers de salariés seront touchés par les plans sociaux au cours des mois à venir. Le pays connaîtra une aggravation du chômage.
Je le dis à nouveau, je ressens une très grande tristesse devant ce gâchis ! Quand je pense que deux millions d'emplois ont été créés dans ce pays pendant les cinq années précédentes, que le nombre de chômeurs a diminué sensiblement - de un million ou presque -, je me demande comment vous faites pour anéantir en si peu de temps tous ces résultats.
Je souhaite donc que l'on puisse maintenant prendre la mesure des effets désastreux des lois que vous avez fait voter au cours de ces six derniers mois. Nous nous retrouverons nécessairement l'année prochaine pour évoquer cette négociation que vous voulez mettre en place et sur laquelle vous fondez beaucoup d'espoirs. Pour notre part, nous n'y croyons pas, mais nous jugerons sur pièces et nous mesurerons, encore une fois, les résultats que vous aurez obtenus. Nous aurons bien des occasions, je le répète, de faire le point !
En tout état de cause, je souhaite que nous n'ayons pas à constater des dégâts trop graves pour l'économie et la vie sociale de ce pays, mais je ne suis pas sûr que nous ne prenions pas cette voie ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Hérisson.
M. Pierre Hérisson. Vous ne serez pas étonné, monsieur le ministre, si mon propos ne correspond pas tout à fait à l'analyse particulièrement négative que nous venons d'entendre. J'ignore si un débat de cinq heures est long ou court.
M. Alain Gournac, rapporteur. Cela ne veut rien dire !
M. Gilbert Chabroux. Il y a eu six séances à l'Assemblée nationale !
M. Pierre Hérisson. Quoi qu'il en soit, je suis pour ma part convaincu que le débat a bien eu lieu.
S'il est une réalité positive pour notre pays, c'est que, au cours d'une période de croissance, le chômage a reculé : nos collègues ne doivent donc pas s'attribuer tous les mérites !
Des licenciements économiques, ce sont d'abord des situations personnelles et familiales mises en péril, des bassins d'emploi déséquilibrés, une économie locale affaiblie. C'est pourquoi ce dossier ne peut être traité à la va-vite, sans négociation, avec des solutions imposées d'en haut qui se révèlent finalement contre-productives.
Or c'est sans réflexion préalable, sans aucune concertation avec les partenaires sociaux que des dispositions essentielles du code du travail ont été radicalement modifiées par la loi dite de modernisation sociale, votée au début de l'année 2002.
Parmi les spécialistes du droit du travail entendus à l'époque par la commission des affaires sociales du Sénat, on peut citer le professeur Jean-François Amadieu, qui avait insisté sur le fait que le projet de loi privilégiait non pas la recherche d'un accord, mais plutôt une vision conflictuelle des rapports sociaux, en contradiction avec les pratiques en vigueur chez nos voisins européens. Notre groupe souscrit tout à fait à cette remarque. Nous pensons qu'il faut redéfinir ce qui a été perdu de vue pendant quelques années dans notre pays - et non pas dans « ce » pays, comme l'a dit M. Chabroux, car il s'agit bien ici de notre pays et de l'intérêt général -, à savoir les rôles respectifs du Parlement, des partenaires sociaux et de l'Etat dans l'élaboration des règles s'appliquant en matière de droit du travail.
Cette redéfinition nécessaire des rôles est illustrée par le texte que nous examinons aujourd'hui.
En suspendant l'application des mesures les plus nocives de la loi de modernisation sociale, qui conduisaient à complexifier et à ralentir les procédures, ce projet de loi tend à redynamiser le dialogue social, préalable indispensable à toute nouvelle intervention législative. Comme vous l'avez indiqué, monsieur le ministre, il s'agit de redéfinir la frontière entre la loi et le contrat.
En deçà de l'échelon national, ce projet de loi vise aussi à redynamiser la négociation d'entreprise, en favorisant la conclusion d'accords expérimentaux majoritaires en matière de licenciements économiques collectifs. L'objectif est alors d'encourager les partenaires sociaux à élaborer un compromis et de faciliter ainsi le reclassement des salariés.
Ces accords expérimentaux pourront nourrir la négociation nationale interprofessionnelle et, le cas échéant, permettre de préparer le futur projet de loi.
En revanche, notre groupe souscrit aux remarques et aux réticences de notre excellent rapporteur, Alain Gournac, dont je salue ici le remarquable travail, s'agissant de la mesure visant à mettre à la charge du FSV le financement des cotisations de retraite complémentaire des bénéficiaires de l'allocation équivalent retraite.
Enfin, concernant les dispositions relatives au harcèlement moral au travail, nous approuvons le rééquilibrage opéré quant aux conditions d'établissement de la charge de la preuve devant le juge, qui étaient devenues totalement incohérentes.
En conclusion, le groupe de l'UMP approuve totalement la méthode choisie par le Gouvernement, consistant à réformer notre droit du licenciement économique par le dialogue social et à mettre en place les conditions nécessaires à l'aboutissement de celui-ci. C'est pourquoi nous voterons ce texte tel qu'amendé par la Haute Assemblée. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Annick Bocandé. Mme Annick Bocandé. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, à cette heure tardive, mon intervention sera brève.
Comme vous l'avez signalé dans votre propos introductif, monsieur le ministre, le Gouvernement a entrepris une vaste refonte du droit social, reprenant un par un les problèmes soulevés par les législations antérieures, souvent fort contraignantes et qui, dans bien des cas, vont à l'encontre des intérêts des salariés.
Ce projet de loi, vous l'avez rappelé, est la manifestation claire et somme toute logique d'une volonté politique de modifier les dispositions insatisfaisantes d'un texte souvent contesté.
L'objectif est de simplifier notre droit social, de rendre notre territoire plus attrayant sur le plan économique, tout en respectant l'équilibre entre les intérêts des salariés et les contraintes des entreprises.
Le licenciement est un acte grave et dramatique. C'est pourquoi il est important que cette épreuve, toujours difficile, se déroule dans le climat social le plus serein possible.
Il me semble, à cet égard, que la négociation prévue par le présent projet de loi est une contrepartie justifiée et nécessaire aux diverses suspensions que nous venons de voter, dans la mesure où il placera les protagonistes devant leurs responsabilités. La relance du dialogue social est un élément majeur du projet de loi. Comment ne pas souscrire à cette démarche qui redonne la parole à ceux qui sont directement concernés par les décisions prises ?
Je souhaite que cette négociation interprofessionnelle aboutisse, qu'elle marque le début d'une nouvelle manière d'envisager les rapports partenariaux au sein des entreprises et qu'elle soit une véritable réussite pour la démocratie sociale.
Enfin, j'ai pris acte des précisions que vous avez apportées, monsieur le ministre, en réponse à nos interrogations sur l'opportunité de décider la suspension plutôt que l'abrogation des articles de la loi du 17 janvier 2002.
C'est pourquoi, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe de l'Union centriste votera le présent projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Seillier.
M. Bernard Seillier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, s'il y a une pathologie politique inquiétante dans nos sociétés modernes, c'est bien l'irresponsabilité et l'indifférence à l'égard du bien commun essentiel que constitue, précisément, une société où chacun se sent responsable de la vie de ses semblables, à commencer par les plus proches d'entre eux, dans sa vie civique ou sa vie de travail.
On perçoit une trace de cette pathologie dans l'absentéisme électoral. Monsieur le ministre, vous avez récemment mis en oeuvre des efforts remarquables pour enrayer cette glissade, à l'occasion des élections prud'homales. Ce combat est essentiel pour éviter les conséquences de l'indifférence, qui sont historiquement bien connues depuis l'Antiquité : ce fut la tyrannie ; c'est, à l'époque moderne, le totalitarisme.
Cette démobilisation résulte soit de l'individualisme cultivé par le libéralisme absolu, que je récuse, soit de la rigidité juridique de normes collectives excessives et paralysantes, que je récuse également.
C'est bien pourquoi la reconquête de la responsabilité individuelle en acte, dans une optique de fraternité pour la vitalité de la société, est aujourd'hui une priorité absolue. L'année 2002 devrait nous inciter à ne pas l'oublier, sans que l'on se borne à évoquer la loi du 17 janvier.
Or le meilleur champ d'application d'une réactivation de cette pratique de la responsabilité individuelle dans la vie collective est bien fourni par l'organisation de l'entreprise, parce qu'il y existe une méthode, le paritarisme, et un rythme, une fréquence de la négociation collective sans équivalents jusqu'à présent dans la vie civique.
La philosophie de ce projet de loi correspond très directement à cet objectif de relance du dynamisme social à la base. C'est pourquoi l'enjeu lié à celui-ci est considérable : ses retombées seront beaucoup plus amples que son cadre d'application immédiat ne peut le laisser penser. Ces dernières ne soulèvent pas d'inquiétudes, mais suscitent au contraire notre espoir face aux menaces qui pèsent sur l'avenir de la civilisation. C'est toute une pédagogie du progrès social qui est à l'oeuvre, et c'est donc avec une profonde et sereine confiance que je voterai ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Nicolas About, président de la commission. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la loi dite de modernisation sociale, comme le rappelait tout à l'heure M. Fischer, a d'abord été un texte bâclé, mal préparé, pour devenir par la suite une loi brouillonne, une loi fourre-tout. Comment ne pas se souvenir qu'elle comporte deux cent vingt-quatre articles, alors que le texte initial du gouvernement de l'époque n'en comptait que quarante-six ? Etait-ce là un travail bien mené ? Est-ce, monsieur Chabroux, à la durée des débats que l'on doit apprécier la valeur d'une loi ? Je crois que tout législateur sait bien que c'est la concision d'un texte qui fait sa qualité.
Devant une loi qui renferme bon nombre de dispositions engendrant des effets néfastes pour la vie de l'entreprise, le climat social au sein de celle-ci et l'emploi, il était temps de marquer une pause et d'engager un nouveau dialogue social permettant d'élaborer une réflexion utile.
Cela étant, on a adressé à la commission le reproche de ne pas avoir déposé d'amendements. Etait-ce donc une obligation ?
M. Gilbert Chabroux. On peut en débattre !
M. Nicolas About, président de la commission. Non, cela démontre simplement, monsieur Chabroux, que, au rebours de la loi brouillonne et fourre-tout dite de modernisation sociale, le texte dont nous débattons aujourd'hui n'a pas été mal préparé ni bâclé !
M. Alain Gournac, rapporteur. Eh oui !
M. Gilbert Chabroux. Ah bon ?
M. Nicolas About, président de la commission. M. le ministre a su nous présenter un projet de loi modéré.
M. Gilbert Chabroux. Il était parfait !
M. Nicolas About, président de la commission. Presque, monsieur Chabroux ! En effet, vous aurez pu constater que quelques amendements ont été présentés en vue de l'améliorer.
M. Gilbert Chabroux. Ils sont venus comme des cheveux sur la soupe ! (Sourires.)
M. Nicolas About, président de la commission. Quoi qu'il en soit, il s'agit là d'un texte modéré, cohérent et équilibré, devant lequel - ce n'est d'ailleurs pas la première fois - la commission des affaires sociales a su réagir avec intelligence et sagesse.
Il convenait simplement de se donner du temps, de suspendre un certain nombre de dispositions néfastes et d'engager une négociation avec les partenaires sociaux. Il nous est apparu nécessaire de « donner du temps au temps », comme disait quelqu'un, d'offrir cette chance non pas au Gouvernement, mais aux partenaires sociaux, pour aboutir à un texte mieux construit que la loi déplorable jusqu'à présent en vigueur.
Par ailleurs, d'autres textes n'ont pas fait l'objet d'amendements de la part de la commission : ce fut le cas de l'excellente proposition de loi communiste du 4 juillet 2001 relative à la mise en place d'une allocation d'autonomie pour les jeunes de seize à vingt-cinq ans, ou du texte de Mme Bachelot du 21 décembre 2001 visant à accorder une priorité dans l'attribution des logements sociaux aux personnes en situation de handicap ou aux familles ayant à leur charge une personne en situation de handicap.
Par conséquent, lorsque la commission est saisie d'un texte d'une grande qualité - cela est rare, il est vrai -, elle ne l'amende pas pour le plaisir d'amender, mais elle essaie de lui accorder sa chance et de ne pas le « parasiter » par des amendements qui ne seraient pas nécessaires.
Ma dernière remarque s'adressera à M. Fischer. Vous nous avez fait le reproche de ne pas avoir formulé de propositions. Or je n'en ai pas relevé non plus dans vos amendements !
M. Alain Gournac, rapporteur. Moi non plus !
M. Roland Muzeau. Vous ne les avez pas entendues, alors !
M. Nicolas About, président de la commission. Aucune proposition n'y figure, aucune, alors même que M. Chabroux reconnaissait tout à l'heure, à la tribune, que la loi de modernisation sociale n'a pas tout réglé, loin de là ! Vous n'avez donc fait aucune proposition, et vous demandez que l'on revienne à un texte qui n'a pas permis de résoudre les problèmes !
M. Gilbert Chabroux. Nous, nous sommes modestes !
M. Guy Fischer. On vous a interrogés !
M. Nicolas About, président de la commission. La vérité, c'est que, après avoir fait adopter, en d'autres temps, un texte brouillon, incomplet et bâclé, vous vous retranchez aujourd'hui derrière votre modestie !
Si, mes chers collègues, vous pensiez à l'inverse de nous que le texte du Gouvernement n'était pas parfait, j'aurais souhaité que vous fassiez de vraies propositions qui nous permettent de progresser. Or cela n'a pas été le cas.
Pour ce qui nous concerne, nous avons le sentiment d'avoir fait oeuvre utile en soutenant ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Gournac, rapporteur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite en cet instant exprimer ma satisfaction. Nous avons peut-être débattu sans coeur, mais nous avons fait un important travail en amont ! Même si cela étonne quelque peu certains, nous avons rencontré tous les syndicats, et nous vous avons livré tout à l'heure les résultats de ces contacts.
Je tiens moi aussi à remercier M. le ministre d'avoir proposé un bon texte. Lorsque l'on est devant une erreur, on peut la constater, mais il est nécessaire de la corriger très rapidement. Alors, oui, vous avez raison, monsieur le ministre : il faut relancer le dialogue social. Oui, il est nécessaire d'instaurer de nouveaux rapports dans l'entreprise. Oui, il faut essayer de créer un nouvel état d'esprit.
Monsieur le président, je veux aussi vous remercier de votre courtoisie et de la manière dont vous avez dirigé les débats. Eh oui, de temps en temps, il faut le dire ! (M. le président de la commission et M. Pierre Hérisson applaudissent.)
Monsieur le président de la commission des affaires soicales, ce que je vais dire va certainement vous étonner, mais je tiens à vous remercier d'avoir laissé une grande place au rapporteur, et c'est, me semble-t-il, important. Vous laissez le rapporteur s'exprimer, avancer son argumentation. Il y a quelque temps, il était difficile de le faire. (Sourires.)
Je tiens également à remercier les administrateurs et le personnel de la commission, qui réalisent un travail remarquable, et j'emploie le mot à dessein.
Mes chers collègues de la majorité, je veux aussi vous remercier, car vous avez soutenu un bon texte.
M. Roland Muzeau. Ils sont restés muets !
M. Alain Gournac, rapporteur. Je parle, monsieur Muzeau, de tous mes collègues de la majorité qui ont soutenu ce texte et que je remercie solennellement, car, contrairement à ce qui a été dit, ils ont rendu service à l'emploi : la loi de modernisation sociale était néfaste.
M. Gilbert Chabroux. Nous en reparlerons !
M. Alain Gournac, rapporteur. Elle risquait de conduire à des non-embauches et à toutes sortes de difficultés au sein des entreprises.
Enfin, je dirai au personnel du Sénat à quel point je suis heureux de pouvoir travailler avec des personnes de leur qualité. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)
M. François Fillon, ministre. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Fillon, ministre. Je tiens à remercier le Sénat de la qualité et de l'efficacité de son travail, et de la haute tenue des débats que nous venons d'avoir.
Je trouve tout à fait injustes les reproches qui viennent de m'être adressés. Le débat aurait été bâclé ; or le Gouvernement avait prévu que l'examen de ce texte pourrait se prolonger jusqu'à demain soir, et rien ne vous empêchait, si vous le souhaitiez, d'y consacrer davantage de temps.
M. Gilbert Chabroux. Il n'y a pas de combattants !
M. Roland Muzeau. Ils sont six à droite. Sur deux cents, ce n'est pas beaucoup !
M. François Fillon, ministre. Vous non plus, vous n'étiez guère nombreux à participer à ce débat.
Il n'est pas très juste d'accuser la commission ou l'organisation des débats, alors qu'en réalité la gauche éprouve au sujet de ce texte un grand embarras qui se traduisait tout à l'heure, dans les propos de M. Chabroux, par un certain dépit devant la modération de la majorité. J'avais déjà perçu une réaction semblable à l'Assemblée nationale, où l'opposition rêvait d'une majorité plus remuante, adoptant des amendements qui auraient heurté les partenaires sociaux, contribuant ainsi à créer un climat social difficile.
M. Gilbert Chabroux. C'est le débat démocratique !
M. François Fillon, ministre. Je remercie la majorité d'avoir compris que ce texte n'est qu'un appel à la négociation et donc, par définition, ne devait pas susciter le dépôt d'amendements en nombre. C'est lorsque nous disposerons du texte issu de la négociation collective que pourra s'engager le débat de fond qu'aujourd'hui nous n'avons fait qu'effleurer.
La majorité n'aura pas à regretter sa modération ni sa prudence, parce que ce sont elles qui nous permettront de modifier profondément la structure des relations sociales dans notre pays.
M. Alain Gournac, rapporteur. Bien sûr !
M. François Fillon, ministre. Tant que certains, dans notre pays, considéreront que l'entreprise est un lieu où doivent peser des contraintes parce que ses dirigeants n'auraient pas d'autre souci que de faire des profits sur le dos des salariés, tant que, de l'autre côté, on ne se préoccupera pas suffisamment de trouver les voies du dialogue pour que l'entreprise soit un endroit harmonieux où les aspirations des uns et des autres soient prises en compte, la France sera en retard par rapport aux grands pays modernes et ne réussira pas à prendre le tournant de la mondialisation.
Or c'est cette dernière qui nous oblige à innover pour remplacer progressivement des secteurs d'activité qui se délocaliseront dans des pays en train de se développer - et auxquels on ne peut pas reprocher de se développer !
Cette modernisation, nous ne pourrons l'obtenir que si les partenaires sociaux sont proches, sont forts, sont responsables, et c'est à cela, mesdames, messieurs les sénateurs, que vous avez appelé aujourd'hui.
Ce sera difficile. Je ne sais pas si nous réussirons, mais je suis convaincu que nous avons pris ce soir une décision qui peut changer profondément la nature des relations sociales dans notre pays. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

9

NOMINATION DE MEMBRES
D'UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE

M. le président. Monsieur le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d'une commission mixte paritaire sur le texte que nous venons d'adopter.
Il va être procédé immédiatement à la nomination de sept membres titulaires et de sept membres suppléants de cette commission mixte paritaire.
La liste des candidats établie par la commission des affaires sociales a été affichée conformément à l'article 12 du règlement.
Je n'ai reçu aucune opposition.
En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire :
Titulaires : MM. Nicolas About, Alain Gournac, Serge Franchis, Jean-Louis Lorrain, Mme Valérie Létard, MM. Gilbert Chabroux et Roland Muzeau.
Suppléants : MM. Guy Fischer, Jean-Pierre Fourcade, Jean-Pierre Godefroy, Jean-Marc Juilhard, André Lardeux, Bernard Seillier et Louis Souvet.

10

TRANSMISSION D'UN PROJET DE LOI

M. le président. J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif aux marchés du gaz et de l'électricité et au service public de l'énergie.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 99, distribué et renvoyé à la commission des affaires économiques et du Plan.

11

TEXTES SOUMIS AU SÉNAT EN APPLICATION
DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil concernant la conclusion d'un accord sous forme d'échange de lettres entre la Communauté européenne et les Etats-Unis d'Amérique, en vue de la modification, en ce qui concerne certaines céréales, des concessions prévues dans la liste CXL annexée au GATT de 1994. - Proposition de décision du Conseil concernant la conclusion d'un accord sous forme d'échange de lettres de la Communauté européenne et le Canada conformément à l'article XXVIII du GATT 1994 pour la modification des concessions prévues, en ce qui concerne les céréales, dans la liste communautaire CXL annexée au GATT 1994.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-2157 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'aricle 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CEE) n° 1766/92 en ce qui concerne le calcul des droits à l'importation de certaines céréales.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-2158 et distribué.

12

ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, mercredi 18 décembre 2002, à dix-huit heures trente et éventuellement le soir :
Discussion des conclusions du rapport (n° 96, 2002-2003) de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion sur le projet de loi de finances pour 2003.
M. Philippe Marini, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire.
Scrutin public ordinaire de droit sur l'ensemble du texte.

Délais limites pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements

Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative à la conduite sous l'influence de substances ou plantes classées comme stupéfiants (n° 11, 2002-2003) :
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 18 décembre 2002, à dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 18 décembre 2002, à dix-sept heures.
Deuxième lecture, sous réserve de sa transmission, de la proposition de loi relative à la responsabilité civile médicale (AN, n° 370) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : ouverture de la discussion générale.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.

(La séance est levée le mercredi 18 décembre 2002, à deux heures.)

Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD





ANNEXES AU PROCÈS-VERBAL
de la séance
du mardi 17 décembre 2002


SCRUTIN (n° 75)



sur l'amendement n° 64 rectifié présenté par M. Philippe Marini au nom de la commisison des finances, tendant à insérer un article additionnel après l'article 45 du projet de loi de finances rectificative pour 2002, adopté par l'Assemblée nationale.


Nombre de votants : 315
Nombre de suffrages exprimés : 312
Pour : 202
Contre : 110

Le Sénat a adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN


GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (23) :
Contre : 23.

GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (27) :

Pour : 27.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (17) :

Pour : 9.
Contre : 5. _ MM. Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin, Gérard Delfau et François Fortassin.

Abstentions : 3. _ MM. Nicolas Alfonsi, Rodolphe Désiré et Dominique Larifla.

GROUPE SOCIALISTE (82) :

Contre : 82.

GROUPE UNION POUR UN MOUVEMENT POPULAIRE (167) :

Pour : 166.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Christian Poncelet, président du Sénat.

Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (5) :

N'ont pas pris part au vote : 5.

Ont voté pour


Nicolas About
Jean-Paul Alduy
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Denis Badré
Gérard Bailly
José Balarello
Gilbert Barbier
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Claude Belot
Christian Bergelin
Daniel Bernardet
Roger Besse
Laurent Béteille
Joël Billard
Claude Biwer
Jean Bizet
Jacques Blanc
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
Didier Borotra
Joël Bourdin
Brigitte Bout
Jean Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Ernest Cartigny
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Christian Cointat
Gérard Cornu
Jean-Patrick Courtois
Robert Del Picchia
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Dériot
Yves Detraigne
Eric Doligé
Jacques Dominati
Michel Doublet
Paul Dubrule
Alain Dufaut
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Hubert Durand-Chastel
Louis Duvernois
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Jean-Claude Etienne
Pierre Fauchon
Jean Faure
Françoise Férat
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Alain Fouché
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Christian Gaudin
Jean-Claude Gaudin
Philippe de Gaulle
Gisèle Gautier
Patrice Gélard
André Geoffroy
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Daniel Goulet
Jacqueline Gourault
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Charles Guené
Michel Guerry
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Françoise Henneron
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Daniel Hoeffel
Jean-François Humbert
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Bernard Joly
Jean-Marc Juilhard
Roger Karoutchi
Joseph Kergueris
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
André Lardeux
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
René-Georges Laurin
Jean-René Lecerf
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Jean-François Le Grand
Serge Lepeltier
Philippe Leroy
Marcel Lesbros
Valérie Létard
Gérard Longuet
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Brigitte Luypaert
Max Marest
Philippe Marini
Pierre Martin
Jean-Louis Masson
Serge Mathieu
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Dominique Mortemousque
Georges Mouly
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Monique Papon
Anne-Marie Payet
Michel Pelchat
Jacques Pelletier
Jean Pépin
Jacques Peyrat
Xavier Pintat
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Jean Puech
Henri de Raincourt
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Yves Rispat
Josselin de Rohan
Roger Romani
Janine Rozier
Bernard Saugey
Jean-Pierre Schosteck
Bruno Sido
Daniel Soulage
Louis Souvet
Michel Thiollière
Henri Torre
René Trégouët
André Trillard
François Trucy
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Jean-Marie Vanlerenberghe
Alain Vasselle
Jean-Pierre Vial
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Jean-Paul Virapoullé
François Zocchetto

Ont voté contre


Michèle André
Bernard Angels
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Jean-Yves Autexier
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Marie-France Beaufils
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marie-Christine Blandin
Nicole Borvo
Didier Boulaud
André Boyer
Yolande Boyer
Robert Bret
Claire-Lise Campion
Jean-Louis Carrère
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Yvon Collin
Gérard Collomb
Yves Coquelle
Raymond Courrière
Roland Courteau
Yves Dauge
Annie David
Marcel Debarge
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Michelle Demessine
Evelyne Didier
Claude Domeizel
Michel Dreyfus-Schmidt
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Claude Estier
Guy Fischer
François Fortassin
Thierry Foucaud
Jean-Claude Frécon
Bernard Frimat
Charles Gautier
Jean-Pierre Godefroy
Jean-Noël Guérini
Claude Haut
Odette Herviaux
Alain Journet
André Labarrère
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Gérard Le Cam
André Lejeune
Louis Le Pensec
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Jean-Yves Mano
François Marc
Jean-Pierre Masseret
Marc Massion
Josiane Mathon
Pierre Mauroy
Louis Mermaz
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Roland Muzeau
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jack Ralite
Daniel Raoul
Paul Raoult
Daniel Reiner
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Michèle San Vicente
Claude Saunier
Michel Sergent
René-Pierre Signé
Jean-Pierre Sueur
Simon Sutour
Odette Terrade
Michel Teston
Jean-Marc Todeschini
Pierre-Yvon Tremel
André Vantomme
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Henri Weber

Abstentions


Nicolas Alfonsi, Rodolphe Désiré et Dominique Larifla.

N'ont pas pris part au vote


Philippe Adnot, Philippe Darniche, Sylvie Desmarescaux, Bernard Seillier, Alex Türk et Christian Poncelet, président du Sénat.
Les nombres annoncés en séance ont été reconnus, après vérification, conformes à la liste de scrutin ci-dessus.

SCRUTIN (n° 76)



sur l'ensemble du projet de loi de finances rectificative pour 2002, adopté par l'Assemblée nationale.


Nombre de votants : 319
Nombre de suffrages exprimés : 316
Pour : 207
Contre : 109

Le Sénat a adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN


GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (23) :
Contre : 22.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Guy Fischer, qui présidait la séance.

GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (27) :
Pour : 27.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (17) :

Pour : 9.
Contre : 5. _ MM. Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin, Gérard Delfau et François Fortassin.

Abstentions : 3. _ MM. Nicolas Alfonsi, Rodolphe Désiré et Dominique Larifla.

GROUPE SOCIALISTE (82) :
Contre : 82.

GROUPE UNION POUR UN MOUVEMENT POPULAIRE (167) :
Pour : 166.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Christian Poncelet, président du Sénat.

Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (5) :

Pour : 5.

Ont voté pour


Nicolas About
Philippe Adnot
Jean-Paul Alduy
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Denis Badré
Gérard Bailly
José Balarello
Gilbert Barbier
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Claude Belot
Christian Bergelin
Daniel Bernardet
Roger Besse
Laurent Béteille
Joël Billard
Claude Biwer
Jean Bizet
Jacques Blanc
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
Didier Borotra
Joël Bourdin
Brigitte Bout
Jean Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Ernest Cartigny
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Christian Cointat
Gérard Cornu
Jean-Patrick Courtois
Philippe Darniche
Robert Del Picchia
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Dériot
Sylvie Desmarescaux
Yves Detraigne
Eric Doligé
Jacques Dominati
Michel Doublet
Paul Dubrule
Alain Dufaut
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Hubert Durand-Chastel
Louis Duvernois
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Jean-Claude Etienne
Pierre Fauchon
Jean Faure
Françoise Férat
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Alain Fouché
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Christian Gaudin
Jean-Claude Gaudin
Philippe de Gaulle
Gisèle Gautier
Patrice Gélard
André Geoffroy
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Daniel Goulet
Jacqueline Gourault
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Charles Guené
Michel Guerry
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Françoise Henneron
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Daniel Hoeffel
Jean-François Humbert
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Bernard Joly
Jean-Marc Juilhard
Roger Karoutchi
Joseph Kergueris
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
André Lardeux
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
René-Georges Laurin
Jean-René Lecerf
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Jean-François Le Grand
Serge Lepeltier
Philippe Leroy
Marcel Lesbros
Valérie Létard
Gérard Longuet
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Brigitte Luypaert
Max Marest
Philippe Marini
Pierre Martin
Jean-Louis Masson
Serge Mathieu
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Dominique Mortemousque
Georges Mouly
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Monique Papon
Anne-Marie Payet
Michel Pelchat
Jacques Pelletier
Jean Pépin
Jacques Peyrat
Xavier Pintat
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Jean Puech
Henri de Raincourt
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Yves Rispat
Josselin de Rohan
Roger Romani
Janine Rozier
Bernard Saugey
Jean-Pierre Schosteck
Bernard Seillier
Bruno Sido
Daniel Soulage
Louis Souvet
Michel Thiollière
Henri Torre
René Trégouët
André Trillard
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Jean-Marie Vanlerenberghe
Alain Vasselle
Jean-Pierre Vial
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Jean-Paul Virapoullé
François Zocchetto

Ont voté contre


Michèle André
Bernard Angels
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Jean-Yves Autexier
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Marie-France Beaufils
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marie-Christine Blandin
Nicole Borvo
Didier Boulaud
André Boyer
Yolande Boyer
Robert Bret
Claire-Lise Campion
Jean-Louis Carrère
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Yvon Collin
Gérard Collomb
Yves Coquelle
Raymond Courrière
Roland Courteau
Yves Dauge
Annie David
Marcel Debarge
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Michelle Demessine
Evelyne Didier
Claude Domeizel
Michel Dreyfus-Schmidt
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Claude Estier
François Fortassin
Thierry Foucaud
Jean-Claude Frécon
Bernard Frimat
Charles Gautier
Jean-Pierre Godefroy
Jean-Noël Guérini
Claude Haut
Odette Herviaux
Alain Journet
André Labarrère
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Gérard Le Cam
André Lejeune
Louis Le Pensec
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Jean-Yves Mano
François Marc
Jean-Pierre Masseret
Marc Massion
Josiane Mathon
Pierre Mauroy
Louis Mermaz
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Roland Muzeau
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jack Ralite
Daniel Raoul
Paul Raoult
Daniel Reiner
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Michèle San Vicente
Claude Saunier
Michel Sergent
René-Pierre Signé
Jean-Pierre Sueur
Simon Sutour
Odette Terrade
Michel Teston
Jean-Marc Todeschini
Pierre-Yvon Tremel
André Vantomme
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Henri Weber

Abstentions


Nicolas Alfonsi, Rodolphe Désiré et Dominique Larifla.

N'ont pas pris part au vote


Christian Poncelet, président du Sénat, et Guy Fischer, qui présidait la séance.
Les nombres annoncés en séance ont été reconnus, après vérification, conformes à la liste de scrutin ci-dessus.