SEANCE DU 30 NOVEMBRE 2002


SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. DANIEL HOEFFEL

1. Procès-verbal (p. 0 ).

2. Accueil des cendres d'Alexandre Dumas (p. 1 ).

3. Loi de finances pour 2003. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 2 ).

Communication (p. 3 )

MM. Claude Belot, rapporteur spécial de la commission des finances ; Louis de Broissia, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles.

Suspension et reprise de la séance (p. 4 )

MM. Louis Duvernois, Georges Othily, Michel Pelchat, Mme Danièle Pourtaud, MM. Philippe Nogrix, Ivan Renar, Henri Weber.
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication.

Article 52 (p. 5 )

Amendement n° II-22 de M. Claude Estier. - Mme Danièle Pourtaud, MM. le rapporteur spécial, le ministre, Ivan Renar. - Rejet.
Adoption de l'article.

Ligne 35 de l'état E (p. 6 )

M. Jack Ralite.
Adoption de la ligne 35.

Crédits du titre III. - Vote réservé (p. 7 )

Crédits du titre IV (p. 8 )

Mme Danièle Pourtaud.
Vote des crédits réservé.

Crédits du titre V. - Vote réservé (p. 9 )

Article 63 bis. - Adoption (p. 10 )

Suspension et reprise de la séance
(p. 11 )

PRÉSIDENCE DE M. BERNARD ANGELS

Anciens combattants (p. 12 )

MM. Jacques Baudot, rapporteur spécial de la commission des finances ; Marcel Lesbros, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales ; Yvon Collin, Michel Pelchat, Hubert Durand-Chastel, Gilbert Chabroux, Guy Fischer, Joseph Ostermann, Marcel-Pierre Cléach, Mme Gisèle Printz, M. Alain Dufaut.
M. Hamlaoui Mékachéra, secrétaire d'Etat aux anciens combattants.

Crédits du titre III (p. 13 )

Mme Marie-Claude Beaudeau.
Adoption des crédits.

Crédits du titre IV (p. 14 )

MM. Raymond Courrière, Jean-Pierre Masseret, le rapporteur spécial, Gilbert Chabroux.
Adoption des crédits.

Article 62 (p. 15 )

Amendement n° II-23 de M. Guy Fischer. - M. Guy Fischer. - Retrait.
Adoption de l'article.

Articles additionnels après l'article 62 (p. 16 )

Amendement n° II-25 de M. Guy Fischer. - MM. Guy Fischer, le rapporteur spécial, le secrétaire d'Etat. - Irrecevabilité.
Amendement n° II-26 de M. Guy Fischer. - Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. le rapporteur spécial, le secrétaire d'Etat. - Irrecevabilité.

Article 62 bis. - Adoption (p. 17 )

Article additionnel après l'article 62 bis (p. 18 )

Amendements n°s II-6 rectifié de M. Daniel Hoeffel et II-27 de Mme Gisèle Printz. - M. Daniel Hoeffel, Mme Gisèle Printz, MM. le rapporteur spécial, le secrétaire d'Etat. - Retrait des deux amendements.

PRÉSIDENCE DE M. DANIEL HOEFFEL

Sports (p. 19 )

MM. Michel Sergent, rapporteur spécial de la commission des finances ; Bernard Murat, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles ; Serge Lagauche, Philippe Nogrix, Mme Annie David, M. Alain Dufaut.
M. Jean-François Lamour, ministre des sports.

Crédits du titre III (p. 20 )

Mme Annie David.
Adoption des crédits.

Crédits du titre IV (p. 21 )

Mme Hélène Luc.
Adoption des crédits.

Crédits des titres V à VI. - Adoption (p. 22 )

4. Ordre du jour (p. 23 ).



COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. DANIEL HOEFFEL
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures quarante-cinq.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

Accueil des cendres
d'Alexandre Dumas

M. le président. Mes chers collègues, aujourd'hui, à onze heures quarante-cinq, le Sénat accueillera les cendres d'Alexandre Dumas, avant leur transfert au Panthéon.
Au cours de l'année 2002, le Sénat a célébré le bicentenaire de la naissance de Victor Hugo, auquel Alexandre Dumas apporta son admiration, son amitié et son soutien, dans la bataille d' Hernani et dans la lutte pour la République. Au moment où Dumas rejoint Hugo au Panthéon, nous pourrons rendre hommage à son « inépuisable génie ».
A cette occasion le Sénat, représentant des collectivités locales, reçoit les différents collectivités intéressées : Villers-Cotterêts, commune de naissance d'Alexandre Dumas, Marly-le-Roy, Port-Marly, Louveciennes, Le Pecq, ainsi que le conseil général de l'Aisne, dont les représentants entoureront le président du Sénat.
Après avoir commémoré les cent cinquante ans de l'abolition de l'esclavage en 1998, le Sénat exprime à nouveau son attachement à la défense des libertés et à l'égalité de tous au sein de la République, en accueillant cet écrivain « universel », fils d'un général de la Révolution, descendant d'une esclave de Saint-Domingue, Marie Cessette Dumas.
La séance sera suspendue à onze heures trente pour permettre à M. le ministre de la culture et de la communication et à tous les sénateurs participant à ce débat de se rendre dans la cour d'honneur, pour accueillir les restes mortels d'Alexandre Dumas. Elle reprendra à l'issue de cette cérémonie pour achever l'examen du budget de la communication.
Elle reprendra ensuite à quinze heures trente, à l'issue d'une seconde cérémonie qui aura lieu à quinze heures dans la salle des conférences, sous la présidence de M. Christian Poncelet, président du Sénat.

3

LOI DE FINANCES POUR 2003

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2003 (n° 67, 2002-2003), adopté par l'Assemblée nationale. (Rapport n° 68 [2002-2003].)

Communication



M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant les crédits relatifs à la communication : crédits du Conseil supérieur de l'audiovisuel, d'aides à la presse et à l'audiovisuel inscrits au budget des services généraux du Premier ministre ; article 52 et ligne 35 de l'état E annexé à l'article 48, et article 63 bis.
La parole est à M. le rapporteur spécial. (M. le président de la commission des affaires culturelles et M. le rapporteur pour avis applaudissent.)
M. Claude Belot, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de lanation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le jour même où est prévue la discussion du budget de la presse et de la communication, nous commémorons le souvenir d'un grand écrivain qui s'exprimait quotidiennement - c'était la mode à l'époque - dans la presse : les Français lisaient attentivement les oeuvres d'Alexandre Dumas publiées alors sous forme de feuilletons. Il est important, je crois, de le rappeler à cet instant.
Les temps ont bien changé. Autant la presse de la fin du xixe siècle, qui accueillait de très grandes plumes, était extrêmement vivante, autant la presse française d'aujourd'hui, qu'elle soit nationale ou régionale, est en difficulté.
Et ce n'est pas faute de l'aider ! Monsieur le ministre, cette année, le budget des aides à la presse que vous présentez est essentiellement un budget de reconduction, à peu près à l'identique, qui reste fondé sur les mêmes principes, notamment le principe de mutualisation de la distribution. Cependant, nous sommes aujourd'hui face à ce constat : la presse française n'est pas celle qui, en Europe et dans le monde, se porte le mieux. Elle n'a qu'un très faible lectorat, qui lui fond dans les doigts et, en particulier au sein du jeune lectorat, elle n'occupe plus qu'une place très réduite.
L'examen de votre budget, hérité d'une très longue histoire, et défendu souvent, bec et ongles par ceux qui parlent au nom de la presse, oblige à faire le constat suivant : ce dispositif des aides à la presse a, en bonne partie, vraisemblablement fait son temps. De bonnes choses ont été faites : l'aide au portage, le soutien aux NMPP, les Nouvelles Messageries de la presse parisienne, dans la ligne de la loi Bichet du 2 avril 1947. Mais on a rendu obligatoire la diffusion nationale d'une presse qui n'est pas lue partout en France, ce qui entraîne des surcoûts en termes de transport.
La presse française est en difficulté, elle est peu lue. Elle n'est pas en bonne santé financière alors qu'elle est, l'une des plus aidées. Se pose donc un problème d'ensemble sur lequel il faut s'interroger pour comprendre ce qui se passe. En effet, il n'est pas normal que, par exemple, rapporté à mille habitants, le lectorat français soit trois fois inférieur au lectorat allemand.
Voilà quelques années, le Parlement a créé le fonds de modernisation de la presse. Les journaux, qu'il s'agisse de la presse quotidienne régionale ou nationale, ont alors changé d'aspect. Celui-ci est devenu plus agréable, plus moderne, plus conforme à l'esprit du temps. Cependant, l'évolution se poursuit inexorablement. Les lecteurs se font plus rares, à raison de 1 % à 2 % en moins chaque année.
Il ne s'agissait donc pas d'un simple problème d'aspect, ou de forme. J'ai pour habitude de lire attentivement la presse, qu'elle soit nationale ou régionale. Le ton de la presse, aujourd'hui, est strictement négatif, et ce n'est pas bon pour son devenir.
Il faut savoir rendre compte des mauvaises nouvelles mais aussi des bonnes. Le matin, les gens sont tout à fait disposés - moi le premier - à commencer leur journée en lisant le journal mais ils n'ont pas envie d'être submergés par une avalanche de mauvaises nouvelles, souvent présentées de façon caricaturale, sous des titres généralement accrocheurs.
Je pense que le problème de la presse française est avant tout un problème de contenu et de ton dans l'expression. Cela n'empêche pas la diversité des opinions. On peut parfaitement exprimer les choses de différentes façons.
C'est là un élément important, que confirme, a contrario, le développement de la presse hebdomadaire locale qui, elle, se porte bien. C'est le fait nouveau de ces dernières années. Elle séduit un nombre croissant de lecteurs. Par le ton qu'elle emploie, cette presse, « miroir de la vie locale », bienveillante, malveillante, honnête, répond à une certaine attente. Dans un monde difficile, aujourd'hui caractérisé par une avalanche constante d'informations, on n'a pas envie de voir uniquement le côté noir de l'existence. Tel est le problème de la presse !
Monsieur le ministre, assumant la responsabilité du ministère de la culture depuis six mois, vous avez décidé d'en reconduire les moyens à peu près à l'identique. Il est, aujourd'hui, nécessaire, me semble-t-il, d'engager une réflexion prospective et de dire à tous ceux qui parlent au nom de la presse : essayez de réfléchir au message que vous faites passer ! En tout cas, c'est ce que je dis à tous ceux qui viennent me trouver.
Quant au fonds de modernisation de la presse, j'ai déposé la semaine dernière un amendement qui m'a permis de découvrir tous ceux qui défendent, bec et ongles, le maintien de la situation actuelle. Cet amendement, pourtant bien anodin, visait à ouvrir à la presse quotidienne le fonds de modernisation. Je l'ai présenté en vain, le Gouvernement en ayant demandé le retrait. Là n'est cependant pas le problème puisque la demande de réduction de crédits concernait un fonds qui n'est pas consommé, ou l'est si peu : actuellement, dans les caisses de l'Etat, se trouve l'équivalent de plus d'une année de consommation. Ce n'est certes pas très orthodoxe, mais c'est ainsi !
L'Agence France-Presse est un sujet important. J'ai eu l'occasion d'y effectuer des contrôles sur pièces et sur place. Cette superbe entreprise honore la France. Ceux qui, dans ce vaste monde, transmettent l'information font un travail remarquable. Les Français ne le savent pas assez. C'est une institution dont il faudra avoir le courage un jour de modifier le statut, ou à laquelle il faudra en donner un qui soit plus conforme à la réalité d'une entreprise, avec des objectifs et des moyens. Ceux qui bénéficient des services de l'Agence France-Presse, essentiellement la presse française, ne doivent plus être ceux qui décident du prix du service. Il faudra du courage pour clarifier cette situation, monsieur le ministre, mais c'est une opération nécessaire.
Tout au long de ma vie publique, j'ai toujours dit ce que je croyais être la vérité. Monsieur le ministre, je vous invite à donner un vrai statut à l'Agence France-Presse. Vous répondrez ainsi à une demande générale.
Nous devons continuer à aider la presse française, mais d'une façon plus efficace, pour lui permettre de rencontrer le succès.
J'en viens à la communication audiovisuelle.
Si ce débat s'était déroulé voilà un mois, je vous aurais dit que le contrat d'objectifs et de moyens assigné à France Télévisions était respecté, que le système mis en place fonctionnait.
Les échanges réguliers que j'entretiens avec certains responsables de la télévision publique m'ont appris qu'un grippage en interne s'était récemment produit.
Tous les membres de cette entreprise, de la direction aux simples exécutants, doivent se rendre compte qu'ils ne sont pas en situation de monopole, qu'il est nécessaire de vivre avec son temps. La grève est certes un droit, mais on ne peut accepter ce qui se passe dans cette entreprise, en particulier à France 3, où la base s'imagine toujours être au temps de l'ORTF et pense qu'elle peut priver les Français d'images. Mais cela n'empêche pas France 3 d'avoir un écran et d'émettre. Il faut continuer dans cette voie.
Pour avoir eu l'honneur de présider, voilà deux ou trois ans, un groupe de travail et de réflexion sur l'audiovisuel, je puis vous dire que le Sénat a toujours affirmé son attachement à un audiovisuel public fort, de qualité et disposant de moyens. Les moyens, il les a aujourd'hui, et l'audiovisuel public doit répondre pleinement à ce que l'on attend de lui. Dans le débat, pas très cadré, sans doute, concernant la télévision numérique terrestre, le rapport Boyon a permis de décanter un peu les choses. Je suis de ceux qui pensent qu'il est bien évident qu'on ne pourra pas éternellement faire vivre les Français en dehors de l'ère numérique, mais il existe plusieurs solutions.
Partout où l'expérience de la télévision numérique terrestre a été tentée - en Grande-Bretagne, en Espagne, dans les pays scandinaves - cela n'a pas marché : la télévision numérique terrestre en partie payante n'a pas trouvé sa clientèle, ce qui a provoqué, dans l'économie privée, des faillites importantes. Alors, en France, il faudra prendre le temps et agir prudemment, comme je l'ai toujours dit.
Mme Danièle Pourtaud. Il faudra surtout donner une place au service public !
M. Claude Belot, rapporteur spécial. Le service public occupe une place importante. Son problème, aujourd'hui, c'est de fabriquer des programmes suffisamment productifs pour atteindre des prix abordables. En effet, ce qui est difficile à l'heure actuelle, ce n'est pas de fabriquer des images, mais de trouver et de fidéliser une clientèle qui regardera ces programmes.
Je souhaiterais vraiment qu'on creuse jusqu'au bout l'idée d'utiliser le satellite. La France dispose de deux bouquets satellitaires qui peuvent émettre demain matin en numérique toutes les images que l'on veut. C'est facile à mettre en oeuvre, la technique existe, il suffit de régler les préalables.
Lorsque M. Marc Tessier explique que France 5 est rejetée en soixantième ou soixante-dixième position dans un bouquet numérique, ce n'est pas acceptable ! Vous pouvez dire dans la loi - peut-être d'ailleurs simplement en utilisant la voie réglementaire ; cela, c'est votre responsabilité - que la télévision publique à trois, dix ou quinze chaînes, tel n'est pas le problème, aura toute sa place sur les bouquets satellitaires.
C'est une piste à creuser, elle ne l'a pas été à ce jour, parce qu'en France on était obnubilé par la télévision numérique terrestre, alors qu'ailleurs les choses se passent différemment. Il faudra bien un jour accepter la vérité dans ce domaine-là aussi.
Cela règlerait beaucoup de problèmes d'investissements. Il faut trouver un accord, le négocier et l'imposer ; c'est là votre mission.
De toute façon, il ne faut pas rêver : on n'a jamais réussi à envoyer le signal analogique partout, il faudra un temps fou pour réussir à envoyer le numérique dans toutes nos contrées. On commencera, bien sûr, par les zones à forte population et il n'arrivera jamais dans les autres, ce qui veut dire qu'on n'abandonnera pas le signal analogique avant un temps indéterminé, pas avant 2010, voire 2015.
Le système satellitaire permet de régler de nombreux problèmes. Il n'a pas été suffisamment étudié à ce jour. La télévision numérique terrestre offre au service public la chance de trouver une place beaucoup plus grande.
Autre point que je souhaiterais évoquer : l'énorme retard de la France pour tout ce qui concerne la télévision locale. Je sais ce qu'est une télévision locale. Je la vois vivre de temps en temps car ma commune entretient des rapports privilégiés avec une commune québécoise où une télévision locale bon marché émet depuis vingt-quatre ans - j'ai participé à la cérémonie d'inauguration. Savez-vous quel est le taux d'audience de cette télévision locale au faible budget ? Il est de 80 % ! Cela prouve l'appétit considérable des gens pour les images de proximité ainsi que pour l'actualité locale. Quel progrès pour la démocratie et pour l'information locales même s'il s'agit peut-être d'une télévision miroir !
Il y a là encore une piste à creuser et il ne faut pas que la France reste le dernier pays européen dans lequel la télévision de proximité se développe. Si son essor n'est pas plus important, ce n'est pas en raison du coût des émetteurs : un émetteur en analogique coûte 150 000 francs ! Moi qui ai le projet de créer une télévision locale, je vois bien comment les choses se passent : je me heurte à un ensemble de blocages.
Une télévision locale, même avec de petits moyens, doit vivre. Et pour qu'elle vive, elle qui ne peut pas compter sur le produit de la redevance, elle a besoin d'accéder au marché publicitaire.
Il faudra bien « ouvrir un peu les vannes ». Le cadre a été fixé par la directive européenne de 1992. Or tout ce qui a été fait en France depuis cette date n'est pas conforme à la législation européenne, c'est-à-dire à la directive « Télévision sans frontières » et aux suivantes !
La France, d'ailleurs - vous le savez mieux que moi - est sommée de mettre en conformité le droit national au droit européen. Vous serez obligés de transposer ces directives et, ce jour-là, sans doute y aura-t-il de quoi alimenter la télévision numérique terrestre ou les bouquets satellitaires.
Nous sommes à la veille d'un changement profond. Croyez-moi, monsieur le ministre, il vaut beaucoup mieux l'accompagner, le favoriser que le subir. Or c'est indiscutablement ce qui se passera.
J'en viens à la voix de la France dans le monde, à laquelle le Président de la République est très attaché ; c'est, je crois, très important, voire fondamental.
Nous nous rendons compte depuis quelques mois que la France peut jouer un rôle dans les affaires du monde. Elle l'a montré récemment à propos de l'Irak. Nous avons, nous, Français, aujourd'hui, un tas d'outils qui sont utilisés dans le monde entier ; je pense à TV5, qui a à peu près réglé le problème des rebonds satellitaires. Le signal arrive partout, au-dessus de tous les citoyens du monde. Mais au sol, très souvent, il ne passe pas, et ce pour des raisons diverses.
Nous avons RFI, qui accomplit un superbe travail, sinon dans le monde entier, du moins dans une grande partie.
Des correspondants de l'AFP, d' Euronews et de la télévision française publique, des représentants d'entreprises françaises privées de communication sont présents à peu près partout. Et malgré cela, nous n'arrivons pas à faire une synthèse et à rendre cet outil aussi efficace qu'il pourrait l'être.
La France, cela vient d'être dit par la Cour des comptes, dépense pour sa présence internationale pratiquement autant par habitant que la Deutche Welle et que la BBC, avec une efficacité qui n'est toutefois pas à la hauteur de ses ambitions.
Je suis convaincu qu'il est possible de trouver, en matière de production audiovisuelle, des synergies entre tous ceux qui véhiculent une vision du monde en français. Un travail important reste à faire. Vous n'êtes pas, monsieur le ministre, le seul acteur dans ce domaine, mais vous pouvez être un acteur essentiel. Sachez que le Sénat est prêt à travailler et à réfléchir avec vous sur ce sujet.
Il s'agit donc d'un budget de reconduction. Des incertitudes pèsent sur l'avenir. Ainsi on ne sait pas à combien s'élèveront les recettes publicitaires en 2003. Vous avez prévu qu'elles augmenteraient de 1,5 %. Il n'est pas certain que ce taux soit atteint, mais j'espère que la conjoncture s'améliorera, que la croissance repartira.
La redevance est une recette relativement dynamique. Le Sénat a toujours été favorable à une recette affectée à l'audiovisuel public. C'est - et je crois que c'est aussi votre avis - la solution pour ne pas être pris dans la nasse de la difficulté générale. Pour pouvoir vivre, l'audiovisuel public a besoin d'une recette affectée. On discute du montant de la redevance qui n'a pas augmenté cette année, mais la recette a été dynamique en elle-même. Le ministère des finances a certes évoqué parfois la possibilité de faire figurer cette recette sur la feuille des impôts locaux. Je vous mets en garde, monsieur le ministre, contre le danger de mélanger les genres, au risque que le maire de la commune soit accusé d'avoir fait augmenter les impôts locaux de façon très importante, alors qu'il n'aurait pas pris la décision. Il faut donc manier cette éventualité avec prudence.
De toute façon, il convient de bien mesurer cette affaire en ayant conscience que la redevance audiovisuelle française est l'une des plus faibles des grands pays européens, que le maintien de l'audiovisuel public français a un prix et qu'il faudra peut-être, un jour, envisager de procéder comme les Britanniques ou les Allemands. Mais c'est là un autre sujet dans un pays où les prélèvements obligatoires sont aussi importants.
Telles sont, monsieur le ministre, les quelques remarques que je voulais formuler. Elles illustrent, au moment de votre entrée en fonctions, le point de vue du rapporteur et de la commission des finances qu'il représente. Il est urgent pour la presse de changer les règles du jeu. Les carcans sont très lourds.
La communication audiovisuelle a un champ d'action immense devant elle. Ce sont certainement les premiers instants d'une très grande révolution qu'il nous faudra vivre de façon constructive, intelligente, disons tout simplement à la française, c'est-à-dire porteuse d'un message pour le monde entier.
Bien sûr, la commission des finances appellera le Sénat à voter, le moment venu, les propositions que vous nous avez faites, monsieur le ministre.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles pour la communication audiovisuelle et la presse écrite. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, monsieur le rapporteur spécial, mes chers - et nombreux - collègues (Sourires), qu'il me soit permis, tout d'abord, de me réjouir d'avoir entendu le rapporteur spécial, Claude Belot, saluer la mémoire d'Alexandre Dumas, qui fut l'un des journalistes les plus émérites de la presse écrite : je pense qu'il était là dans son rôle !
Pour ma part, j'évoquerai le budget de la presse écrite, puis le budget de l'audiovisuel.
Mes chers collègues, la presse écrite française traverse, cela a été dit par M. le rapporteur spécial et c'est de notoriété publique, une période difficile, comme la plupart de ses homologues européens et d'ailleurs nord-américains.
Sans trop insister, si ce n'est pour les déplorer, sur les difficultés financières de deux titres - L'Humanité et France-Soir -, il faut rappeler que de nombreux éditeurs, et non des moindres, ont pris des mesures assez drastiques pour faire face à la situation. Je rappellerai que, après Le Figaro et Libération en 2001, La Dépêche du Midi et Sud-Ouest ont annoncé la mise en place de plans de redressement. D'autres vont venir. C'est donc une situation sérieuse.
Alors qu'il y a tout juste un an, au moment de l'examen du budget de la communication pour 2002, Mme Catherine Tasca déclarait que « le bulletin de santé de la presse était bon », on peut dire qu'aujourd'hui la situation de la presse n'est pas bonne, elle est même préoccupante.
Cette situation n'est pas dépourvue de tout lien avec la crise que traverse le marché publicitaire et qui touche tous les médias.
La presse française ne fait pas exception à la règle, les chiffres le prouvent. Ainsi, pour 2001 et pour l'ensemble de la presse, les recettes tirées de la publicité commerciale ont baissé de 3,8 %, alors que celles provenant des petites annonces ont reculé de 7 %.
Les chiffres de la presse nationale d'information politique et générale - je le dis à M. le rapporteur spécial avec lequel j'avais un seul point de divergence, qui concernait un amendement qu'il avait déposé - sont encore plus inquiétants : les recettes issues de la publicité commerciale ont chuté de 15,1 %, celles des petites annonces de 22 %, et les tendances de 2002 paraissent confirmer cette évolution fâcheuse.
De plus, la presse a enregistré une baisse de sa diffusion. Elle a été en 2001 de l'ordre de moins 0,3 %. C'est peu, mais comme dans le supplice chinois, la goutte continue à couler !
Comme vous le savez, monsieur le ministre, cette évolution préoccupante concerne d'abord la presse quotidienne nationale, dont la diffusion se réduit d'année en année du fait sans doute du contenu, mais incontestablement aussi en raison de ses prix de vente trop élevés - il suffit de comparer le coût de l'abonnement et le coût de la redevance - et de la concurrence de la télévision, plus facile à consulter.
Faut-il se résigner à cette situation ? Comment redonner aux Français le goût de la lecture de la presse quotidienne ?
Pour ce faire - et je l'ai déjà dit à plusieurs reprises, à l'Assemblée nationale, puis au Sénat - les pouvoirs publics devraient entreprendre une action sur le long terme. Dirigée vers les futurs lecteurs, elle consisterait à assurer un véritable apprentissage de la lecture en encourageant la diffusion de la presse dans les écoles, en favorisant tout simplement la prise en main du journal quotidien.
M. Ivan Renar Très bien !
M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis. J'apprécie toujours votre soutien, cher collègue ! Mais je le répète tous les ans et jusqu'à présent, cela ne change pas !
Nous avons eu connaissance, monsieur le ministre, de projets qui viseraient à offrir un abonnement d'un an à chaque adolescent atteignant l'âge de la majorité.
Pour être réellement efficace, cette initiative intéressante supposerait néanmoins - c'est ma vision des choses - que chaque élève ait au préalable appris à lire un quotidien, qu'il ait été familiarisé avec un journal, car je crois, que l'on ne naît pas lecteur d'un journal mais qu'on le devient, ainsi que chacun de nous en a fait l'apprentissage à la maison.
C'est pourquoi, pour faciliter le développement de la lecture de la presse à l'école, je milite depuis plusieurs années pour la mise en place d'un fonds de concours alimenté par l'Etat et les différentes collectivités territoriales, dont chacun connaît les responsabilités par rapport à l'enseignement. Ce fonds de concours permettrait de financer l'abonnement de chaque classe à plusieurs titres de la presse quotidienne, nationale ou régionale. J'ajouterai que cette proposition est accueillie avec intérêt par les éditeurs de presse, qui se déclarent prêts à participer activement à une telle opération. Pourquoi attendre ?
Je suis également assuré, car je l'ai vérifié, que l'éducation nationale s'engagerait volontiers. J'ai assisté récemment au congrès des enseignants mobilisés au sein du CLEMI, le centre de liaison de l'enseignement et des moyens d'information, que vous connaissez bien.
Dans l'attente de telles mesures, notre commission se félicite que l'effort de l'Etat en faveur des aides à la presse soit maintenu en 2003. Cela traduit le souci du Gouvernement d'accorder les moyens nécessaires à une activité que nous estimons tous indispensable à la qualité du débat public et au fonctionnement de la démocratie quotidienne.
Les aides budgétaires qui sont inscrites au chapitre 44-10 des services généraux du Premier ministre permettront ainsi de répondre aux trois priorités du Gouvernement que nous partageons - nous, la majorité, mais d'autres aussi -, à savoir la défense du pluralisme, le maintien d'une distribution de qualité et la diversification vers le multimédia des entreprises de presse.
Je soulignerai aussi que, pour la première fois depuis quatre ans, le montant de la dotation budgétaire allouée à la SNCF en contrepartie des réductions de tarifs cessera de diminuer en 2003 ; c'est un bon point.
Pouvez-vous nous donner des assurances, monsieur le ministre, sur l'avenir de cette aide qui, je le crois, va faire l'objet d'un audit destiné à évaluer le coût du transport de presse et à examiner les mécanismes d'évolution de ce dispositif ?
Il convient également de souligner - mes chers collègues, vous vous souvenez des rapports précédents - qu'après deux années de forte baisse le montant de l'aide à la transmission par fac-similé est enfin stabilisé.
La remise en cause de cette aide, qui fut un moment envisagée, aurait pénalisé le développement de la décentralisation de l'impression, développement pourtant considéré comme indispensable par la plupart des éditeurs.
En revanche, l'évolution des aides au portage appelle, de ma part comme de la part de la commission des affaires culturelles, une appréciation plus nuancée.
S'il convient de se féliciter de l'augmentation de 1,85 % des crédits alloués à l'aide au portage, je constate avec regret la disparition de ceux qui sont consacrés au remboursement des cotisations sociales de portage. C'est un dispositif que je connais bien, pour avoir été de ceux qui l'ont mis en place dans une autre assemblée.
Certes, cette aide arrive à échéance et elle semble avoir pleinement atteint l'objectif qui lui était assigné. La diffusion par portage des titres bénéficiaires de l'aide est ainsi passée de 16,5 % à près de 25 % sur la période 1996-2001, ce qui n'est pas négligeable, c'est même très significatif.
Alors que La Poste rencontre et rencontrera toujours des difficultés pour acheminer en temps et en heure certaines publications aux abonnés, il me semble indispensable que tous les moyens susceptibles d'aider les éditeurs à développer le portage soient préservés. Pouvez-vous, monsieur le ministre, défendre cette idée auprès du ministre des affaires sociales ? Je sais que c'est là que cela se joue.
J'en viens maintenant, après M. le rapporteur spécial, au fonds de modernisation de la presse quotidienne et assimilée d'information politique et générale.
Après avoir progressé de 18,75 % l'an dernier, les ressources attendues pour ce compte d'affectation spéciale devraient se stabiliser cette année à 29 millions d'euros.
Cette stabilisation est un des sujets de préoccupation de la commission, car le montant effectif des ressources encaissées reste très éloigné, trop éloigné, des estimations qui ont été faites lors de la création du fonds, et qui étaient de l'ordre de 45 millions d'euros.
Monsieur le ministre, par un courrier que vous avez bien voulu m'envoyer, vous m'avez indiqué avoir saisi le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire afin d'améliorer le recouvrement de cette taxe. La commission vous sait gré de cette initiative et restera vigilante sur ce dossier. Bercy traîne un peu les pieds.
M. Ivan Renar. C'est un euphémisme !
M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis. En effet !
Je tiens par ailleurs à exprimer des réserves sur l'éventuelle extension du fonds de modernisation à des journaux qui ne seraient pas des quotidiens d'information politique et générale. Ce ciblage, compte tenu des difficultés particulières que rencontre cette catégorie de presse - illustrées par les chiffres que j'ai cités - et de l'importance qu'elle revêt au regard du pluralisme, me paraît être indispensable.
Mme Danièle Pourtaud. Des noms !
M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis. J'évoquerai brièvement l'ouverture prochaine de la renégociation des accords Galmot. Elle conditionne vraiment l'avenir de la plus importante, en valeur, des aides indirectes à la presse.
Quel bilan peut-on tirer de ces accords ? Si chacun des contractants estime avoir respecté ses obligations, aucun d'entre eux n'est satisfait de la situation actuelle : la négociation entre les deux parties risque d'être difficile, et la nomination rapide d'un médiateur qualifié me paraîtrait judicieuse.
Pour conclure, la commission des affaires culturelles ne peut que saluer l'effort entrepris par l'Etat pour assurer la pérennité et le développement de l'Agence France-Presse, qui demeure - est-il nécessaire de le rappeler, M. le rapporteur spécial l'ayant souligné tout à l'heure ? - la première agence de presse mondiale francophone, pour ne pas dire l'agence mondiale francophone.
Je regrette néanmoins que, au cours des années écoulées, aucune initiative d'envergure n'ait été prise pour permettre la modernisation de l'Agence. En ayant choisi de différer une réforme pourtant indispensable - et que j'ai soutenue à deux reprises en ayant présenté une proposition de loi que la commission des affaires culturelles avait d'ailleurs retenue favorablement -, le précédent gouvernement porte une lourde responsabilité dans la situation actuelle.
A cet égard, la commission ne peut que vous féliciter, monsieur le ministre, d'avoir rompu avec la politique du court terme, qui semblait présider aux destinées de l'Agence. Le contrat d'objectifs et de moyens que vous avez annoncé, et qui offrirait à l'AFP une garantie sur le montant des abonnements de l'Etat, me paraît être l'instrument adapté pour assurer le développement de l'Agence.
Je rappelle néanmoins que la modification du statut de l'Agence devra être un jour envisagée. Cela pourrait se faire, d'un côté, en respectant le contrat d'objectifs et de moyens, et, de l'autre, en procédant à une réforme statutaire. Ce serait, comme l'on dit aujourd'hui, une opération « gagnant-gagnant ».
En conséquence, c'est avec une attention particulière que la commission des affaires culturelles suivra l'évolution d'un dossier qui devrait enfin, après des années d'enlisement, connaître une issue positive.
Sous réserve de ces observations, la commission a décidé de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la presse pour 2003. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste.)
Mme Danièle Pourtaud. Et la télévision ?
M. le président. On peut la prendre maintenant, si M. de Broissia est sûr de présenter le rapport en cinq minutes.
M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis. Ça ira !
M. Ivan Renar. Ah, ça ira, ça ira ! (Sourires.)
M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'en viens à la communication audiovisuelle.
Avec un montant total de 3,3 milliards d'euros - ce qui n'est pas rien, comme l'on disait dans ma campagne ! - les ressources globales de l'audiovisuel public progresseront de 2 % en 2003 par rapport aux chiffres prévus en 2002.
Je tiens, en premier lieu, à rappeler - comme mes collègues le feront sans doute après moi - qu'en l'espace de cinq ans la part du financement public dans le budget des organismes est passée de 69 % à 77 %, alors que celle des ressources publicitaires et de parrainage a régressé de près de sept points sur la même période, passant de 26 % à 19 %.
M. Henri Weber. Merci, Mme Tasca !
M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis. Cette évolution salutaire, que nous avons tous soutenue, mon cher collègue, va dans le sens de l'indépendance de la programmation des opérateurs publics, et justifie qu'on leur rappelle de temps à autre les exigences de diversité et de qualité qui fondent leur légitimité.
De tels rappels, monsieur le ministre, ne me choquent pas, car ils ne sont pas l'expression d'une quelconque défiance de la part de la tutelle à l'égard des organismes, encore moins, comme on a cru le lire par-ci par-là, une entreprise de déstabilisation. Ils sont, au contraire, la preuve, s'il en fallait une, de l'intérêt que leur portent les pouvoirs publics. L'actionnaire ne peut rester indifférent à l'objet social de l'entreprise. (M. Michel Pelchat applaudit.)
M. Philippe Nogrix. Bien sûr !
M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis. Ce projet de budget pour 2003 traduit une certaine continuité en matière de politique audiovisuelle. Prudent à défaut d'être ambitieux, il repose sur une progression de 2 % des ressources publiques affectées aux organismes qui s'élèveront à 2,5 milliards d'euros.
Alors que le produit total de la redevance progressera de 4 % pour s'établir à 2,07 milliards d'euros, le montant des crédits alloués au remboursement des exonérations de redevance s'élèvera, lui, à près de 450 millions d'euros. Le total s'élève bien à 2,5 milliards d'euros, comme je l'ai dit.
En dépit des perspectives favorables qui caractérisent l'évolution du montant des ressources publiques, quelques remarques me paraissent nécessaires.
La première, monsieur le ministre, a trait au taux de la redevance.
En effet, si l'on peut constater la croissance, encouragée mais spontanée, du produit de la redevance, on peut néanmoins regretter l'absence de revalorisation de ce taux. Le taux pour un poste couleur aurait pu, par exemple, être arrondi à 120 euros, sans grand risque.
Déjà, l'an dernier, je m'étais prononcé en faveur de l'augmentation régulière du taux de la redevance, ou au moins de son maintien en francs constants, estimant qu'une telle politique était nécessaire pour assurer de façon certaine aux différents opérateurs les moyens de financer leur développement.
Avec un montant fixé à 116,50 euros, le taux de la redevance pour la détention d'un poste couleur se situe en effet en dessous de la moyenne européenne, qui s'élève à 142 euros - je vous renvoie à d'excellents rapports -, très largement en retrait des taux britannique et allemand, fixés respectivement à 179 euros et à 193 euros.
Ma seconde remarque portera sur le coût réel du service de la redevance.
L'administrateur avec qui j'ai travaillé avec plaisir et moi-même avons réalisé des enquêtes sur ce sujet. Si l'on peut se féliciter de la stabilité du coût du service budgété depuis maintenant trois ans, qui traduit effectivement d'importants gains de productivité, je tiens à rappeler que ce coût affiché, soit 73,5 millions d'euros, ne correspond pas au coût réel du service.
On sait, en effet, depuis 1999, et le rapport d'enquête de l'inspection générale des finances le prouve, que certaines dépenses, et non des moindres, sont imputées non pas directement sur le budget du service, mais sur celui des charges communes, le coût réel du service correspondant, en fait, au double du montant budgété.
Le coût réel du service de la redevance reste donc difficile à évaluer, alors qu'il mériterait plus de transparence, ne serait-ce que pour qu'on n'écrive pas n'importe quoi à ce sujet. Un grand hebdomadaire indiquait que le coût dudit service atteignait à peu près le coût de la redevance, ce qui est complètement stupide, puisqu'il est de 4 % à 8 %.
Mme Danièle Pourtaud. Cela fait plaisir à entendre !
M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis. Les chiffres sont toujours parlants !
L'occasion de clarifier cette situation sera peut-être donnée par la nécessaire transformation de la redevance, qui fait partie des taxes parafiscales qui cesseront d'être perçues à la fin de l'année 2003, en application de la nouvelle loi organique relative aux finances publiques.
J'espère, monsieur le ministre, que le Parlement sera associé à la réflexion sur l'évolution du mode de financement de l'audiovisuel public. Permettez-moi, dès à présent, de marquer une préférence pour la formule d'une taxe affectée dont il serait souhaitable que le coût de recouvrement soit moindre que celui de l'actuelle redevance.
M. Michel Pelchat. Très bien !
M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis. Permettez-moi aussi de souhaiter que l'on étudie, comme vous l'aviez suggéré, la possibilité de lier le recouvrement de cette taxe à celui de la taxe d'habitation - ce que l'on a commencé à faire, monsieur Pelchat - ce qui permettrait à la fois de réduire la fraude et d'alléger les coûts de recouvrement. Puis-je enfin suggérer que le taux soit réduit pour les redevables de plusieurs redevances ? J'ai constaté en effet que le taux de fraude était infime pour la redevance due pour un premier poste de télévision, mais considérable pour celle qui est due pour un second poste de télévision situé dans la résidence secondaire. Dans mon rapport écrit, je formule des propositions pour y remédier.
Les ressources propres des organismes, quant à elles, devraient augmenter de 1,5 % pour atteindre 764,29 millions d'euros. Cet objectif prudent tient compte de la morosité actuelle du marché publicitaire.
Je ne m'appesantirai pas sur la répartition des crédits entre les organismes. J'insisterai surtout sur le fait que, compte tenu du décalage du lancement des nouveaux projets du service public sur la télévision numérique de terre, la TNT, on peut l'affirmer, les engagements souscrits par l'Etat ne sont pas honorés.
Certes, mes chers collègues, le contrat d'objectifs et de moyens signé le 20 décembre 2001 entre l'Etat et France Télévisions prévoyait une croissance de la ressource publique de 3,1 % par an.
Mme Danièle Pourtaud. Eh oui !
M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis. Toutefois, ce taux de croissance tenait compte du lancement des nouvelles chaînes du groupe qui devaient être diffusées sur la TNT.
M. Henri Weber. Pas seulement !
Mme Danièle Pourtaud. Cela veut dire qu'il y avait une dotation.
M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis. Compte tenu du retard pris par la TNT et du réexamen légitime des projets de chaînes développés par France Télévisions, ces 2 % semblent correspondre à une croissance raisonnable de la ressource publique pour les chaînes existantes.
Mme Danièle Pourtaud. Voyez France 3, ils en pleurent de bonheur !
M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis. Madame Pourtaud, je représente le Sénat comme administrateur.
S'agissant de France Télévisions, je tiens à faire trois ou quatre commentaires.
En ce qui concerne la gestion du groupe, le travail effectué par M. Marc Teissier, P-DG de France Télévisions, doit être souligné. Il est parvenu à assurer tout à la fois le redressement financier du groupe et la rationalisation de son organisation.
En ce qui concerne les programmes et la prétendue dérive commerciale des principales chaînes de France Télévisions, il faut quand même constater que la programmation des chaînes respecte les obligations - telles qu'elles sont écrites, mais peut-être devront-elles être réécrites - en matière de programmes « culturels » figurant dans les cahiers des charges et dans le contrat d'objectifs et de moyens.
Ces obligations, en dépit de leur caractère insuffisamment précis, sont en effet le seul critère objectif disponible à l'heure actuelle. Sans doute faudra-t-il en proposer d'autres.
En attendant les résultats de la mission que vous avez confiée à Catherine Clément, je formule un souhait, celui que de futures obligations permettent d'assurer des horaires de diffusion décents à ce type de programmes.
En dernier lieu, les résultats obtenus par France 5 sont absolument à souligner. La chaîne qui, l'an dernier, a renouvelé à 80 % sa grille de programmes, a ainsi montré que l'on pouvait développer son audience et attirer les annonceurs en offrant au public des contenus de qualité : c'est un succès confirmé.
France 3 doit se préparer à la compétition avec des télévisions locales et sortir de son statut de « monopole régional ».
Pour terminer, j'évoquerai le dossier de la TNT.
La commission des affaires culturelles tient à saluer non seulement l'attitude pragmatique du Gouvernement, qui a eu le courage de prendre la mesure des difficultés techniques et économiques du projet, mais aussi le travail accompli par le CSA, qui a eu le souci d'assurer la meilleure utilisation de la ressource numérique en composant des bouquets équilibrés.
Monsieur le ministre, ce projet de budget, que vous avez à juste titre placé sous le signe de la responsabilité conjointe de l'Etat et des organismes, devrait permettre aux organismes de l'audiovisuel public de financer leurs priorités.
C'est pourquoi la commission des affaires culturelles a décidé d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits de la communication pour 2003. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, et de l'Union centriste.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à douze heures.
La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures trente-cinq, est reprise à douze heures cinq.)

M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons l'examen des dispositions du projet de loi de finances pour 2003 concernant la communication.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 18 minutes ;
Groupe socialiste, 15 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 10 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 10 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 5 minutes.
Je vous rappelle que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Louis Duvernois.
M. Louis Duvernois. Monsieur le ministre, je me permets, d'abord, de vous féliciter de nous présenter un projet de budget pour la communication fort encourageant, et ce dans de nombreux secteurs.
En effet, la distribution des crédits telle qu'elle est prévue dans ce projet de budget devrait permettre de répondre aux besoins divers de la communication française. Il est d'ailleurs indispensable, voire primordial, que la France conserve une capacité de communication riche, variée, à la fois singulière et ouverte sur le monde extérieur.
Votre projet de budget, monsieur le ministre, va dans ce sens en s'axant autour de grandes priorités qui devraient permettre à la France, grâce à la fois à la volonté du Gouvernement et à la dynamique culturelle internationale, d'améliorer et de faire progresser résolument le paysage de la communication française. Ces progrès, monsieur le ministre, se déclinent autour de plusieurs secteurs.
J'aborderai, tout d'abord, le secteur de l'audiovisuel public.
Je ne manquerai pas de noter que votre projet de budget respecte expressément les engagements pris par le Président de la République à l'égard du secteur de l'audiovisuel public. En effet, le Président Chirac avait déclaré, en avril dernier, qu'il souhaitait « un service public fort, au financement garanti et moins tributaire de la publicité, un service respectueux de ses engagements et de ses missions ».
Aussi, quelle n'est pas notre satisfaction de constater que vous n'avez pas oublié cette promesse dont votre projet de budget s'est immédiatement fait l'écho ! En effet, les chiffres sont très clairs et annoncent, d'emblée, que les crédits accordés pour 2003 au secteur de l'audiovisuel public - France Télévisions, Arte, l'Institut national de l'audiovisuel, Radio France, RFO et RFI - enregistreront une hausse de 2%, soit plus de 49 millions d'euros, et ce sans aucune augmentation de la redevance, qui restera, je le rappelle, de 116,50 euros pour un poste en couleurs et de 74,31 euros pour un poste en noir et blanc.
Cette hausse est un véritable progrès et une bonne étape pour l'évolution du secteur public audiovisuel, qui devait se sentir particulièrement oublié, délaissé depuis plusieurs années. Une telle augmentation des crédits devenait en effet plus qu'urgente. Pour appuyer mon propos, je citerai un rapport de Claude Belot, paru en 2000, qui signalait déjà « une lente asphyxie financière » du secteur public, qui avait « longtemps souffert de restrictions financières exogènes imposées au nom de la maîtrise des dépenses de l'Etat. »
Par ailleurs, cette hausse des crédits dont pourra bénéficier l'audiovisuel public provient de l'utilisation des crédits non consommés en 2002, mais également, comme vous l'avez expliqué, monsieur le ministre, du retard pris dans la mise en place de la télévision numérique terrestre, la TNT. Ce report devrait permettre au groupe France Télévisions de faire moins de dépenses. Ainsi, le rapport Boyon prévoit qu'environ 40 % de la population devraient bénéficier de la TNT en décembre 2004 et 80 % en 2008. N'oublions pas non plus que votre ministère dispose d'une réserve de crédits de paiement et d'investissement non consommés. Il faut, bien sûr, ajouter à ces chiffres celui des ressources propres des entreprises publiques, qui augmenteront de 0,7 %, soit 5 millions d'euros, par rapport à la loi de finances initiale de 2002.
Mais je n'irai pas plus loin, monsieur le ministre, sans répondre à l'avance aux accusations qui risquent de fuser rapidement des travées de l'opposition. En effet, je tiens à souligner que la majorité est totalement consciente du fait que la TNT reste l'une des grandes priorités du Gouvernement. En tout état de cause, il faut bien reconnaître que le retard de son installation est bel et bien dû à un manque de lucidité et d'objectivité du gouvernement précédent.
M. Jean-Philippe Lachenaud. Très juste !
M. Michel Pelchat. Bravo !
M. Louis Duvernois. Quant au temps nécessaire à la mise au point d'un tel programme. Dominique Baudis, président du Conseil supérieur de l'audiovisuel, le CSA qui a été auditionné en juillet dernier par la commission des affaires culturelles, expliquait que le retard pris par rapport au calendrier initial était dû « d'une part, au délai de parution des décrets relatifs aux futures chaînes et, d'autre part, au nombre beaucoup plus important que prévu des dossiers soumis au CSA en réponse à l'appel à candidatures ».
A ce stade de mon intervention, je me permettrai monsieur le ministre, de vous poser quelques questions concernant l'utilisation que le secteur audiovisuel public devra faire de ces nouveaux crédits.
En effet, cette hausse de moyens devrait permettre à la télévision publique de respecter les missions et les objectifs qu'elle s'était fixés par les contrats d'ojectifs et de moyens. Je rappelle que ces contrats doivent en particulier permettre aux administrateurs de tutelle et au Parlement de pouvoir contrôler la pertinence de l'utilisation des ressources publiques de l'audiovisuel.
Je ferai référence aux propos tenus par le président du Sénat, M. Christian Poncelet, lors de la clôture d'une table ronde sur l'avenir de la télévision numérique. Le président évoquait alors la manière dont il concevait un bon service public et déclarait : « Un consensus se dégage en France, comme chez nos voisins d'ailleurs, pour réaffirmer notre attachement à un service public fort, à vocation généraliste, réalisant des audiences importantes, mais avec un contenu de qualité. »
Aussi, ma question est la suivante, monsieur le ministre : Comment souhaitez-vous que le service public utilise les crédits que vous lui allouez pour qu'il dispense, justement, ce « contenu de qualité » et qu'il puisse tenir tête au secteur privé ? Comment ce budget devra-t-il se répartir pour entraîner une amélioration des programmes, pour que les différents groupes revoient leurs règles de concurrence, pour qu'ils se préparent à l'ère de la TNT ?
Par ailleurs, il faut prendre en considération le fait que les Français ont beaucoup d'exigences à l'égard de la qualité des programmes tant au niveau de l'information, de la culture, que du divertissement, mais également en ce qui concerne de grands sujets d'actualité tels que la violence et la morale à la télévision. Il semble donc dès à présent nécessaire de redéfinir les véritables objectifs de la télévision publique et ce projet de budget semble en être la meilleure occasion.
Cependant, il est beaucoup question de faire disparaître les taxes parafiscales, ce qui suscite quelques interrogations sur la manière dont sera financé l'audiovisuel public dans les prochaines années.
Je reviens, à présent, sur la question de la télévision numérique terrestre. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous préciser quelle part de vos crédits va aider à mettre véritablement en place cette nouvelle structure ? Quel sera concrètement le coût de son installation ? Notre rapporteur spécial de la commission des finances, M. Claude Belot, préconise en effet, en matière de numérique, de faire preuve « de réalisme économique » : plutôt que de s'épuiser financièrement à couvrir la totalité du territoire national, il conviendrait dès maintenant d'envisager une couverture satellite pour toutes les zones trop difficiles à desservir. Pourriez-vous nous en dire plus, monsieur le ministre, sur la manière dont la France compte procéder pour prévoir la meilleure manière d'installer la TNT ?
Par ailleurs, pourriez-vous nous parler du projet de lancement d'une chaîne internationale, laquelle est souhaitée par le Président de la République, et qui viendrait compléter cette volonté d'ouverture de la communication française sur l'extérieur ?
Si votre budget permet de commencer à répondre à certaines attentes du secteur audiovisuel - attentes des professionnels, mais aussi des spectateurs - il consacre également une large part au secteur de la presse.
Certes, nous avons noté une stabilité dans les crédits consacrés à la presse : stabilité des moyens attribués à la diffusion, à la distribution de la presse, à la défense de son pluralisme. Mais, en réalité, votre projet de budget, monsieur le ministre, se démarque par la priorité qu'il accorde à la modernisation de ce secteur, notamment grâce au développement du multimédia.
L'un des points les plus importants demeure cependant la large place que vous faites à la modernisation de l'Agence France-Presse, l'AFP, qui se voit allouée, pour 2003, 100,2 millions d'euros, contre 95,9 millions d'euros en 2001, soit une augmentation de 4,49 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2002.
Aussi, monsieur le ministre, pourriez-vous nous préciser la raison pour laquelle vous avez choisi une telle priorité ?
Je finirai en posant deux brèves questions sur la presse. La première part du constat de la très large place que prend la presse gratuite dans notre pays. Est-ce un sujet d'inquiétude pour votre ministère ?
Ensuite, vous avez déclaré, lors de la discussion du projet de loi de finances à l'Assemblée nationale, qu'il fallait réorienter les jeunes vers la lecture de la presse. Quelles mesures comptez-vous prendre pour ce faire ?
Je conclurai, monsieur le ministre, en vous exprimant ma satisfaction d'avoir observé qu'au travers de ce projet de budget vous avez ébauché un avenir plus prometteur pour des secteurs de la communication qui en avaient largement besoin. Bien sûr, certains efforts restent à accomplir. Mais, grâce à votre politique, la France se dirige vers une véritable et encourageante modernisation de notre communication. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Georges Othily.
M. Georges Othily. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'examen des crédits consacrés à la communication dans le projet de loi de finances pour 2003 me donne l'occasion de vous exposer la situation de l'entreprise Radio France Outre-mer, plus connue sous le nom de RFO.
Seule entreprise du secteur public de l'audiovisuel à être présente outre-mer, RFO souffre d'un certain nombre de handicaps, dont certains nuisent à ses nombreuses potentialités.
Cette entreprise est implantée dans neuf départements et territoires d'outre-mer, qui sont eux-mêmes répartis sur huit fuseaux horaires différents. Quelle dimension extraordinaire pour la francophonie et pour la présence de la France à travers le monde !
Avec un chiffre d'affaires de 217,4 millions d'euros, et malgré une augmentation des produits d'exploitation de 6 millions d'euros, RFO ne parvient pas à trouver un équilibre budgétaire.
L'entreprise souffre également d'un manque de cohérence de l'Etat actionnaire et d'une perception souvent exclusivement technocratique, faute d'une prise en compte des particularismes insularo-ultramarins de huit de ces neuf établissements régionaux.
Au total, 84 % des ressources budgétaires de l'entreprise sont consacrées à son fonctionnement.
Cette vision, certes sommaire et globalisante, de la situation de l'entreprise au cours des quatre dernières années ne doit pas masquer les errements budgétaires dont celle-ci a été victime dans la période récente, notamment dans la loi de finances de 2002. Si ses crédits ont été réévalués, d'une manière parfaitement irréaliste d'ailleurs, concrètement, cela s'est traduit par une réduction corrélative des ressources issues de la redevance, qui ne s'étaient du reste accrues que de 6,5 %. Compte tenu de tout ce qui a été dit, cela représente le plus faible taux de progression de toutes les entreprises du secteur public.
Les errements dont a été victime RFO se sont automatiquement répercutés sur l'établissement du budget de 2002, lequel n'a pas été approuvé d'ailleurs, à l'époque, par le conseil d'administration de RFO, à la suite de divergences qui opposaient l'autorité de tutelle et la direction de l'entreprise.
Pour bien comprendre le fonctionnement de l'audiovisuel public outre-mer, il faut concevoir que, malgré son implantation au coeur de chacun des départements et territoires d'outre-mer, RFO n'échappe pas à une certaine vision parisianiste d'un outre-mer générique, même s'il y a, de fait, l'information mise à part, autant de RFO que de stations régionales : les grilles de programmes et la durée des journaux sont souvent décidées depuis le siège parisien. Pour maintenir ses parts d'audience dans des marchés ultramarins que l'évolution technologique rend de plus en plus concurrentiels, RFO se doit de jouer son rôle d'opérateur de télévision et de radio de proximité soucieux des attentes de ses publics, tout en leur assurant une nécessaire et indispensable ouverture sur l'Europe et sur le monde.
RFO doit également, plus qu'ailleurs, veiller au contenu éducatif et culturel que véhiculent ses programmes, sans chercher à privilégier à tout prix une audience à bon compte, en intervertissant, par exemple, comme c'est le cas depuis septembre 2002 dans le bassin Caraïbe, Questions pour un champion et une telenovela mexicaine, mal doublée en français, dont les téléspectateurs eux-mêmes ne sont pas les derniers à se plaindre.
Les contenus éducatifs de la télévision et de la radio, monsieur le ministre, revêtent, aux yeux des Ultramarins, un intérêt d'autant plus important que RFO ne peut pas participer sérieusement à la conception des différents programmes.
Seule une véritable télévision de proximité - parfaitement définie par le concept de « télé-pays » - et de réelles « radio-pays » peuvent, à mon sens, parvenir à jouer ce rôle en prenant en compte les situations qu'elles ont à décrire, à combattre ou à contribuer à faire évoluer.
La situation budgétaire de l'entreprise avait conduit, il y a quelque temps, à ne concevoir ces magazines télévisés - aujourd'hui d'ailleurs abandonnés par suite de l'aggravation de la situation financière de RFO - que comme des produits de réseau pouvant être indifféremment diffusés par toutes les stations régionales de l'entreprise, en quelque sorte, des produits génériques ultramarins ne répondant pas toujours aux attentes des publics auxquels ils s'adressent.
Le rêve, puisque le nécessaire ne peut se nommer qu'ainsi s'agissant d'une entreprise empêtrée dans ses difficultés budgétaires, aurait consisté à faire voisiner, dans la même grille, magazines de réseau et magazines d'intérêt local, la nécessaire ouverture sur l'univers ultramarin et l'indispensable approche locale.
Pour résoudre les différents problèmes que connaît l'entreprise, il est urgent de diligenter une mission d'information et d'évaluation afin de mieux définir et réorienter la politique audiovisuelle des régions ultramarines.
Cependant, la réponse ne saurait être uniquement conceptuelle : elle est aussi et surtout budgétaire. L'analyse qu'a faite, de la dotation budgétaire allouée à RFO notre excellent collègue rapporteur spécial est suffisamment explicite : les citoyens de la France du large n'auront pas satisfaction avec le budget pour 2003 ! Il y a le souhaitable ; contentons-nous du possible. C'est ce que nous faisons en approuvant ce budget.
M. le président. La parole est à M. Michel Pelchat.
M. Michel Pelchat. Dès votre prise de fonctions, monsieur le ministre, vous avez clairement annoncé votre attachement au service public de l'audiovisuel et vos nombreuses ambitions pour ce secteur.
Le projet de budget que vous nous présentez aujourd'hui en est l'illustration comme il est le témoignage de votre sens élevé de vos responsabilités.
Le budget de la communication audiovisuelle pour 2003 est en augmentation de 2 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2002 alors qu'est reportée la mise en oeuvre de la télévision numérique de terre, la TNT. Le Gouvernement a donc veillé à ce que les engagements contractuels pris par l'Etat envers les entreprises audiovisuelles publiques en termes d'objectifs et de moyens soient respectés.
Au reste, quoi qu'en disent certains, 2 % sans la TNT, c'est incontestablement mieux que les 3,1 % prévus dans le contrat d'objectifs et de moyens avec lancement d'une TNT coûteuse.
M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis. Absolument !
M. Michel Pelchat. Ce propos m'amène à vous faire part, monsieur le ministre, de trois réflexions.
Premièrement, le Gouvernement a décidé d'affecter aux programmes et à la création audiovisuelle l'économie de 45 millions d'euros, que le report de la TNT représente.
En conséquence, le budget consacré aux programmes sera en hausse de 2 % pour France 2 et France 3, de près de 4 % pour France 5, et d'environ 6 % pour Arte. Les moyens de ces chaînes devraient donc croître plus rapidement que prévu.
Compte tenu du retard accumulé par la France en la matière par rapport à ses voisins européens, notamment dans la production de fictions, on ne peut qu'applaudir cette décision. Rappelons que, malgré cet effort, la France produit toujours trois fois moins de fictions que l'Allemagne, deux fois moins que la Grande-Bretagne et que l'Espagne.
Certes, la croissance des ressources n'est pas la garantie d'une meilleure programmation et de la réalisation de fictions de qualité. Mais avouez qu'elle peut tout de même y contribuer fortement, monsieur le ministre.
En outre, cette priorité accordée par le Gouvernement à l'amélioration des programmes et à la création audiovisuelle s'accompagne de réflexions de fond plus générales sur les trois missions du service public audiovisuel : informer, éduquer et distraire.
C'est dans cet esprit que vous avez confié deux mission, l'une à Mme Clément, sur les missions de la télévision à l'égard des politiques de diffusion culturelle, l'autre à Mme Kriegel - elle vient d'ailleurs tout récemment de vous remettre ses conclusions - sur la violence à la télévision.
Votre politique va donc clairement dans le bon sens, celui du renforcement du pôle public audiovisuel, et j'espère que l'ensemble des démarches que vous entreprenez à cet effet, monsieur le ministre, permettra d'y parvenir. Tel ne saurait être le cas, toutefois, sans un financement propre et pérenne.
Cela me conduit à ma deuxième réflexion sur le financement du secteur public de l'audiovisuel.
En application de l'article 63 de la loi organique d'août 2001 relative aux lois de finances, les taxes parafiscales seront supprimées. La redevance audiovisuelle, dans son statut actuel, va donc normalement disparaître à compter de la fin de l'année 2003.
Enfin ! Voilà l'occasion, ou plutôt, devrais-je dire, l'obligation de réformer la redevance. Nous serons amenés à travailler dans les mois qui viennent sur ce sujet. Cependant, je tiens, dès à présent, à mettre en garde contre toute velléité de substituer à la redevance une subvention budgétaire.
Une telle décision ferait courir le risque au budget de l'audiovisuel public d'être soumis aux aléas budgétaires, avec toutes les conséquences néfastes que cela pourrait avoir sur ce secteur pour lequel la visibilité budgétaire et le maintien des niveaux de crédits sont tout à fait primordiaux.
Par conséquent, maintenons, quel que soit l'avenir de la redevance d'aujourd'hui, des recettes affectées spécifiquement au secteur public de l'audiovisuel.
Cela dit, l'aspect indubitablement positif de la future réforme du statut juridique de la redevance sera l'opportunité de réfléchir à l'assiette et au mode de recouvrement de la redevance.
Je suis d'accord avec vous, monsieur le ministre, quand vous dites que le coût de la perception de la redevance n'est pas aussi exorbitant que certains le prétendent, mais je ne suis pas d'accord avec vous sur la fraude : je pense que la perception de la redevance donne lieu actuellement à une fraude très importante.
J'en veux pour preuve ces quelques chiffres : au 31 mars 2002, le nombre de comptes gérés par le service de la redevance était de près de 22,6 millions, exonérations comprises. Or le nombre de foyers en France est évalué par l'INSEE à plus de 29 millions.Tous les foyers étant quasiment équipés d'un poste de télévision, ce sont, par conséquent, près de cinq à six millions de foyers qui ne paient pas une redevance normalement due. Voilà un demi-milliard d'euros pour l'audiovisuel public qui n'est pas perçu, monsieur le ministre.
La réforme que nous entreprendrons devra remédier à cet état de fait.
La troisième réflexion que je souhaite formuler concerne la télévision numérique de terre.
Lors des discussions budgétaires de ces dernières années, j'avais exprimé mes craintes à votre prédécesseur quant à sa gestion du dossier du numérique terrestre, d'un point de vue tant juridique que technique, financier et économique. J'avais d'ailleurs eu maille à partir avec elle lorsque je lui soutenais, ici même, que jamais la TNT ne verrait le jour à la fin de l'année 2002.
Je ne peux donc que me réjouir que le Gouvernement et vous-même, monsieur le ministre, apportiez sans ambiguïté votre soutien à la TNT, tout en abordant ce dossier avec plus de réalisme.
Le remarquable rapport de la mission présidée par M. Michel Boyon sur la TNT à la demande du Premier ministre va en ce sens, il met en lumière les conditions nécessaires à un lancement réussi de la TNT afin d'en garantir le développement.
Plusieurs de ses conclusions mérite d'être relevées ici : l'attrait de l'offre de programmes, la mise en place d'une distribution efficace, la résolution des problèmes techniques, l'engagement des fournisseurs d'équipements de réception.
Outre ces considérations, l'auteur du rapport suggère trois degrès d'implication pour l'Etat, mais prône surtout un rôle d'accompagnateur du projet sans pour autant fausser les mécanismes du marché. Je souscris pleinement à son analyse.
L'auteur du rapport considère que 40 % de la population pourraient avoir accès à la TNT à la fin de l'année 2004 50 % dans les douze mois qui suivront et que le taux de couverture serait de l'ordre de 80 % en 2008.
Si ce calendrier me paraît cohérent - je crois que le Gouvernement partage cet avis - il me conduit à vous poser plusieurs questions, monsieur le ministre.
Premièrement, l'échéance de fin 2004 pour le lancement effectif de la TNT est avancée. Afin que cette date soit respectée, le réaménagement des fréquences est l'action à financer en tout premier lieu. Pour cela, il faut un maître d'oeuvre auquel les moyens seront donnés pour accomplir cette mission. Quelle décision le Gouvernement compte-t-il prendre sur cette question urgente ?
Deuxièmement, pour réussir le lancement de la TNT, il faut que les industriels jouent également le jeu en commercialisant, dès à présent, des postes de télévision susceptibles de recevoir à la fois l'analogique et le numérique.
Un tel matériel est disponible aux Etats-Unis, et en Angleterre, mais pas en France, où l'on continue de vendre des téléviseurs analogiques, ce qui obligera les téléspectateurs, le jour venu, à acquérir un modem pour recevoir la TNT.
N'oublions pas qu'un sondage récent a révélé que 69 % des Français n'envisageaient pas d'investir dans l'achat de nouveaux équipements nécessaires pour recevoir la TNT.
Chaque année, trois millions de téléspectateurs renouvellent leur téléviseur ; d'ici à 2005, neuf millions de téléviseurs seront donc vendus sur le marché français. Les foyers français renouvelant leur téléviseur une fois tous les sept ans, en moyenne, c'est bien au moment de l'achat d'un nouveau téléviseur que le choix s'opère.
Si les industriels mettaient sur le marché ce que j'appellerai « les téléviseurs de l'avenir », c'est-à-dire les matériels suscceptibles de recevoir le numérique, je suis convaincu que, dès la première initialisation, au minimum 4 ou 5 millions de téléspectateurs seraient équipés pour recevoir la TNT.
Par conséquent, les industriels, comme ils le font, je le rappelle, aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, doivent s'impliquer. C'est la force de pénétration du numérique qui se joue ici.
Troisièmement, et bien que la question ne se pose pas immédiatement, il faut engager la réflexion sur la substitution intégrale de l'analogique par le numérique, et ce sur l'ensemble du réseau, c'est-à-dire à l'initialisation au numérique des 20 % des territoires restant à couvrir et qui semblent très difficiles à résorber. C'est dans la recherce d'une utilisation commerciale du réseau analogique concerné que la réflexion doit s'engager. Les fonds qui pourraient ainsi être obtenus serviraient à financer les installations nécessaires à l'initialisation des 20 % du territoire concernés.
Le spectre du secteur analogique a une valeur commerciale considérable ; il peut être exploité, notamment, pour les liaisons à haut débit du téléphone ou toute autre utilisation. C'est la réflexion d'ailleurs déjà engagée aux Etats-Unis.
Par conséquent, on doit faire l'effort d'engager cette réflexion dès à présent si l'on veut être au rendez-vous de 2004. Plusieurs départements ministériels, plusieurs entreprises publiques et plusieurs autorités administratives étant concernés, il me semble que la mise en place d'une mission de concertation s'impose, monsieur le ministre, pour assurer la maîtrise d'oeuvre.
Telles sont, les quelques réflextions que je souhaitais livrer au débat. Comme je vous l'ai déjà indiqué, votre budget traduit votre attachement au service public de l'audiovisuel et votre volonté de le renforcer dans ses missions. Le groupe des Républicains et Indépendants, très favorable à cette politique, votera ce budget. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Danièle Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, « Il n'y a pas d'amour heureux » comme disait Aragon. Quel dommage, monsieur le ministre, que vous aimiez tellement le service public de l'audiovisuel ! En effet, si, au début de l'été, vous lui déclariez votre flamme sur une double page d'un grand quotidien du soir, peu de temps après, il perdait les 3 % d'augmentation de redevance que vous lui aviez promis !
Vous récidivez devant notre commission, et ce sont les trois chaînes numériques supplémentaires que le rapport Boyon balaye comme des feuilles d'automne.
Je suis donc tentée de vous dire : aimez-le moins, ce service public, donnez-lui les moyens de défendre sa place dans notre paysage audiovisuel !
Revenons à ce mauvais budget avant de parler de vos projets, si vous en avez un, pour la télévision numérique terrestre et plus particulièrement pour le service public et les télévisions locales.
Je vous en donne acte, monsieur le ministre, vous nous proposez un budget de rupture - et non de reconduction, comme le disait M. le rapporteur spécial - avec la politique de consolidation du service public menée pendant cinq ans par le gouvernement de M. Lionel Jospin.
En 2003, l'audiovisuel public devrait disposer, en incluant les ressources propres du secteur, de quelque 3,304 milliards d'euros, soit une augmentation de 1,9 %.
Les ressources publiques augmentent également de 2 % en euros constants, c'est-à-dire, inflation déduite, de 0,4 %, alors qu'en cinq ans elles avaient augmenté de 38 %.
Hormis le cas d'Arte, qui bénéficie d'une augmentation de redevance de 3 %, tous les autres organismes de l'audiovisuel public voient leurs ressources publiques stagner.
Autre rupture malheureuse, monsieur le ministre, vous qui exhortez sans cesse le service public à prouver sa spécificité, non seulement vous stoppez la décroissance des ressources publicitaires sur France Télévisions, mais vous amenez Radio France à les augmenter de 17 % !
Monsieur le rapporteur pour avis rappelait, en le saluant, que Mme Catherine Tasca avait réussi à faire descendre la part des recettes publicitaires à 30 %, alors que, sous le gouvernement Juppé, elles dépassaient les 50 %. Merci !
L'audiovisuel public n'a donc plus les moyens de mener une politique à la hauteur de ses ambitions et de ses capacités.
Pourtant - vous le savez bien, monsieur le ministre - quand on demande aux Français pourquoi ils écoutent ou regardent le service public, ils donnent comme première raison l'absence de publicité sur Radio France et l'absence de coupure des programmes sur France Télévisions. D'ailleurs, Marc Tessier le rappelait encore devant notre commission en début de semaine.
De la redevance, je ne dirai qu'un mot, puisque nous y reviendrons à l'occasion de l'examen d'un amendement pour réaffirmer la nécessité de disposer pour l'audiovisuel public d'une ressource pérenne, indépendante et à forte potentialité de croissance.
Troisième rupture, enfin, que je veux souligner pour la déplorer : vous ne respectez pas la parole de l'État en rompant unilatéralement le contrat d'objectifs et de moyens signé avec France Télévisions, qui garantissait au groupe public une progression de ses moyens d'au moins 3,1 %.
M. Michel Pelchat. Oui, mais avec la TNT !
Mme Danièle Pourtaud. Ecoutez-moi, mon cher collègue !
Ce contrat introduisait, entre les entreprises publiques et l'État, un nouveau mode de relation leur permettant d'entreprendre des réformes de structures et de rechercher des gains de productivité, tout en menant des projets de développement.
Les grèves en cours montrent bien que cette dynamique est remise en cause.
J'en viens aux incertitudes concernant le développement de la télévision numérique terrestre car, hélas ! alors que nous devrions voir les premiers programmes sur nos écrans, nous n'en sommes qu'aux rapports et aux réflexions.
M. Jean-Philippe Lachenaud. C'est de l'illusion !
M. Michel Pelchat. N'importe quoi !
M. le président. Je vous en prie, mes chers collègues.
Mme Danièle Pourtaud. Je voudrais réaffirmer avec force que la TNT n'a rien d'un gadget technologique.
M. Michel Pelchat. Monsieur le président, on ne peut pas laisser dire tout et n'importe quoi !
M. le président. Veuillez laisser s'exprimer l'orateur !
M. Michel Pelchat. Que l'on puisse être contre, je puis comprendre, mais pas en avançant des inepties !
M. le président. Mme Pourtaud a la parole, et elle seule ! Par ailleurs, nous avons des contraintes de temps, mes chers collègues.
M. Ivan Renar. Voilà.
M. Henri Weber. Un peu de courtoisie, tout de même !
M. Michel Pelchat. Dans une enceinte politique, il faut dire des choses exactes !
M. le président. Veuillez maintenant poursuivre, madame Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud. Je veux donc réaffirmer avec force que la TNT n'a rien d'un gadget technologique. C'est une évolution technique inéluctable, et le gouvernement de Lionel Jospin en avait fait un projet démocratique.
M. Philippe Nogrix. La démocratie numérique !
Mme Danièle Pourtaud. Offrir à l'ensemble des Français, principalement aux 75 % de nos concitoyens qui n'en ont que six, quinze ou seize chaînes gratuites est bel et bien un enjeu démocratique.
Alors, monsieur le ministre, comme beaucoup de Français, je me demande si votre décision de repousser au mieux d'un an le démarrage de ce beau projet n'a pas de lien avec l'opposition déterminée des chaînes privées dominantes, surtout de celle qui, en 2001, s'est accaparée 54,9 % du marché publicitaire : vous aurez reconnu TF 1.
Monsieur le ministre, la TNT est-elle repoussée ou enterrée ? Le CSA et le rapport Boyon ont clairement posé deux conditions de réussite de la TNT en France, après les échecs espagnol, anglais et suédois.
Première condition : la nécessité d'un signe clair et d'un calendrier fixé par les pouvoirs publics. Seconde condition : un engagement de montée en charge très rapide des programmes en clair pour que les Français acceptent de s'équiper d'un décodeur numérique.
Le moins que l'on puisse dire est que les signes envoyés par le Gouvernement sont loin d'être encourageants et volontaristes. Mais, là encore, je souhaite revenir sur votre politique pour le service public.
France Télévisions avait, dois-je vous le rappeler, un projet ambitieux et réalisable pour le lancement de la télévision numérique de terre gratuite : une chaîne d'information en continu, une chaîne régionale - en réalité, huit chaînes régionales - et une chaîne reprenant les meilleurs moments du service public.
Une dotation spéciale de quelque 150 millions d'euros avait été promise par le gouvernement de Lionel Jospin à France Télévisions pour financer ces projets.
M. Michel Pelchat. Ah, les promesses !
Mme Danièle Pourtaud. C'est là que nous divergeons, mes chers collègues !
Malheureusement, reprenant les conclusions hâtives - une page et demie - du rapport Boyon, vous remettez en cause les projets de développement auxquels des équipes travaillaient depuis un an, sans ouvrir de nouvelles perspectives.
Faut-il rappeler, monsieur le ministre, que si le service public ne se déploie pas il régresse par rapport aux chaînes privées ? Vous voulez un service public « concis et visible » ; nous, nous craignons qu'il ne soit confiné et marginalisé.
Nous sortirons alors du modèle français, où prévaut un équilibre entre secteur public et secteur privé, pour aller vers le modèle américain d'un service public alibi culturel, dans une niche de 3 % à 4 % d'audience.
Personne, je l'espère, ne le souhaite ici. Mais pourquoi dès lors écarter le projet de chaîne d'information de France Télévisions, alors que l'information est une des premières missions du service public, sinon pour ne pas gêner LCI, chaîne payante et filiale du groupe TF 1 ?
Pourquoi dès lors refuser la chaîne Régions, qui, grâce aux possibilités du numérique, allait enfin permettre de répondre mieux que ne le fait actuellement France 3 à la très forte demande d'informations et de services de proximité des Français, pourquoi, sinon parce que le marché de la télévision régionale intéresserait les groupes privés si la publicité pour la grande distribution était autorisée, ouverture que redoute évidemment, par ailleurs, la presse quotidienne régionale et les radios généralistes ?
Monsieur le ministre, la télévision de proximité, ce n'est pas l'ouverture de décrochages locaux dans quelques grandes agglomérations, c'est un maillage réel du territoire, y compris et surtout des zones rurales et peu denses, qui n'ont aucun intérêt pour les publicitaires.
Seuls le service public et les télévisions associatives sont capables de réaliser ce maillage au plus près des Français. Monsieur le ministre, allez-vous créer le fonds de soutien aux télévisions associatives, fonds indispensable pour qu'elles puissent développer des projets et concourir à égalité de chances lorsque le CSA lancera les appels d'offres sur les fréquences locales ?
Je présenterai, lors de l'examen des articles non rattachés, un amendement vous incitant à le faire, et j'espère que vous voudrez bien y être favorable ! (M. Michel Pelchat s'exclame.)
Monsieur le ministre, François Mitterand écrivait, dans Mémoire à deux voix : « L'homme politique s'exprime d'abord par ses actes ; c'est d'eux dont il est comptable ; discours et écrits ne sont que des pièces d'appui au service d'une oeuvre d'action. »
MM. Philippe Nogrix et Michel Pelchat. Il savait de quoi il parlait !
Mme Danièle Pourtaud. Votre projet de budget comme vos premières décisions en matière de numérique terrestre révèlent une politique de marginalisation du service public. Vous ne serez donc pas surpris que le groupe socialiste vote contre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Michel Pelchat. C'est dommage !
M. le président. La parole est à M. Philippe Nogrix.
M. Philippe Nogrix. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de budget de la communication audiovisuelle prévoit une augmentation de 2 % des recettes publiques.
Cette augmentation ayant pour principal objet de renforcer les programmes de France 2, France 3 et France 5, ces trois chaînes verront en conséquence leur taux d'obligations de résultat relevé en matière de production audiovisuelle. Les télespectateurs, j'en suis sûr, l'apprécieront. La priorité que vous avez affichée, monsieur le ministre, de défendre le secteur public de l'audiovisuel est une démarche qu'il faut saluer et à laquelle je souscris entièrement.
Deux points particuliers seront au coeur de mon intervention, le premier étant RFO.
En tant que membre du conseil d'administration de RFO, je tenais à vous faire part de mes inquiétudes au sujet de cette société audiovisuelle que ma participation aux différentes assemblées générales m'a permis de mieux connaître et qui concourt pleinement au développement et à la défense du secteur public audiovisuel français, sur l'ensemble de la planète et, en particulier, dans les territoires les plus lointains.
On entend très souvent dire que RFO coûte cher, que RFO est toujours en déficit, que l'audience de RFO est en baisse et qu'il faut donc intégrer RFO dans France Télévisions.
Qu'en est-il réellement et, s'il est vrai que RFO coûte cher, pourquoi ?
C'est un choix politique : RFO fait vivre dix établissements, dont neuf stations régionales, qui produisent chacune un volume bien supérieur à n'importe quelle station régionale de France 3. Cela a un coût.
Les établissements de RFO sont éparpillés aux quatre coins du monde. Cela aussi a un coût.
Tous les personnels, à l'image de ce qui se fait dans l'administration, bénéficient d'une indexation indiciaire, autre coût incontournable.
Le marché publicitaire s'appuie sur une population peu nombreuse, ce qui explique la faiblesse des rentrées d'argent.
La présence de la France dans tous ces départements et territoires ultramarins est à ce coût. Peut-on le regretter ?
RFO est toujours en déficit, c'est vrai depuis 1998.
Ce déficit résulte essentiellement de l'accroissement mal contrôlé de la production mise en oeuvre par l'ancienne présidence. La sanction fut une stagnation de la dotation de la redevance, ce qui n'a rien arrangé à l'équilibre des comptes, puis des baisses de recettes publicitaires sont intervenues à la suite des événements internationaux.
Malgré tout cela, et sans doute dès 2002, RFO va, après une période catastrophique, retrouver un certain équilibre financier.
L'audience de RFO est en baisse : c'est encore vrai.
Le monopole est terminé depuis 1993, mais RFO reste tout de même la principale télévision d'outre-mer. Tempo souffre de son absence de programme spécifique, mais les télés de pays sont leaders du marché et le service radio RFO a regagné des positions.
Enfin, le rôle de RFO dans le maintien et la diffusion du français aux Caraïbes et dans le Pacifique est de plus en plus important. Il serait insupportable d'en limiter la diffusion, monsieur le ministre.
L'intégration de RFO dans la holding France Télévisions est-elle une bonne solution ou une fausse bonne idée ?
RFO s'adresse à un public différent de celui de France Télévisions. Il faudrait donc maintenir des programmes spécifiques. A défaut, le président de France Télévisions serait progressivement conduit à trancher en faveur des programmes métropolitains. Si France Télévisions absorbe RFO, il faudra prévoir des alignements de salaires dus à l'harmonisation des statuts.
On peut douter de la possibilité de réaliser des économies de structure si l'on examine ce qui s'est passé lors du rapprochement de France 2, France 3 et France 5.
Pour toutes ces raisons, je pense, monsieur le ministre, qu'il est indispensable de rester très vigilant sur les moyens budgétaires et sur le statut de RFO.
Second point que je souhaite aborder : la violence à la télévision ou, plutôt, la violence telle qu'elle est traitée à la télévision.
A la suite du rapport de Mme Kriegel, rendu public le jeudi 14 novembre, vous semblez d'accord, monsieur le ministre, pour créer une commission d'évaluation de la dérive violente sur les chaînes télévisées et du respect des règles.
C'est bien, mais il faut sans doute aller plus loin et renforcer le rôle du CSA, notamment dans sa capacité à infliger des amendes importantes à ceux qui n'auraient pas compris que les enfants doivent être protégés.
Je sais que vous y pensez, mais j'aimerais savoir où en sont les décisions de révisions des pouvoirs de sanctions du CSA ? Quand pensez-vous proposer l'aménagement de l'article L. 227-24 du code pénal ?
Des évolutions sont nécessaires, nous les attendons avec impatience, car nous avons un fort devoir de protection de notre jeunesse.
En qualité de président du « 119 - enfance maltraitée », je connais les ravages causés par les programmes diffuseurs de violence et les traumatismes provoqués par certaines images pornographiques, qui peuvent, pour toute une vie, détruire l'équilibre sexuel de certains enfants fragiles en manque d'éducation familiale.
Votre collègue Christian Jacob va même jusqu'à demander un rééquilibrage de la commission de classification des films, la jugeant trop laxiste puisque, pour 100 films présentés, 80 ne font l'objet d'aucune signalisation, alors qu'en Grande-Bretagne, ce rapport est inversé puisque 80 films sont contrôlés.
Il faudra, monsieur le ministre, prendre position, et je compte sur vous pour nous informer dès que possible de vos intentions sur ce sujet.
Tant le rapporteur spécial que le rapporteur pour avis ont bien fait, chacun à sa façon, le « tour » des souhaits du Sénat pour faire face aux enjeux de l'audiovisuel. Comme eux, le groupe de l'Union centriste soutiendra votre projet de budget, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR, des Républicains et Indépendants ainsi que sur certaines travées du RDSE.). M. le président. La parole est à M. Ivan Renar.
M. Ivan Renar. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je commencerai par les faits.
Les moyens alloués à France Télévisions augmentent de 2 %, c'est-à-dire que, compte tenu de l'inflation, ils n'augmentent presque pas. Outre le fait que le Gouvernement ne respecte pas les engagements de l'Etat - il devait assurer une croissance de 3,4 % -, c'est la preuve du désintéressement que les pouvoirs publics professent envers l'intelligence des Français.
J'évoquerai quatre points.
Premièrement, la situation de France Télévisions ne saurait échapper à notre examen.
Le contrat d'objectifs et de moyens vise à trouver une voie ambitieuse pour que notre pays dispose enfin d'un service public réellement au service du public, et non pas à celui des annonceurs. Il fallait pour cela se dégager de la ressource publicitaire et reconnaître la responsabilité publique, donner des moyens au service public mais aussi de la liberté.
Mais les choix politiques du Gouvernement concernant le service public dans son ensemble mettent à mal le service public de l'audiovisuel aussi.
Le projet de budget tend à réduire les moyens et les ambitions de France Télévisions : l'effort engagé à son égard devait s'intensifier pour développer trois projets de chaînes cohérents pour la TNT. Ces projets, comme les crédits correspondants, ont été annulés. France Télévisions sera donc le parent pauvre de l'audiovisuel français. Aux trois canaux qui lui étaient réservés sur la TNT, on ne propose que l'indigence.
Vous-même avez mis en cause les chaînes de France Télévisions à plusieurs reprises au cours de l'été, monsieur le ministre, leur reprochant, à juste titre, me semble-t-il, de ne pas toujours bien s'acquitter de leurs missions. Vous n'en présentez pas moins un projet de budget qui n'offre pas aux chaînes publiques la moindre chance de s'améliorer.
Vous avez déclaré vouloir réexaminer le périmètre de la télévision publique, ce qui, dans le contexte, ne peut que me désoler, à moins que le Gouvernement ne se souvienne soudainement que la culture et l'éducation sont les meilleurs obstacles au désamour de soi et des autres. Mais je crains que le vent majoritaire ne souffle cependant pas dans ce sens à voir, depuis jeudi, fonctionner la tronçonneuse de la commission des finances.
Deuxièmement, la colère et la désespérance qu'expriment dans leur grève les personnels de la télévision publique se comprennent aisément : oui, la valeur du point d'indice est gelée depuis 1997 ; oui, les effectifs sont en diminution au profit des emplois précaires et extérieurs ; oui, il y a à redire sur les conditions de travail.
Il s'agit cependant aussi d'un mouvement réfléchi des personnels, qui sont attachés à l'idée même de service public, service public qu'ils défendent parce qu'ils connaissent bien leur outil de travail et qu'ils ont l'ambition d'un service public bien pensé.
Au-delà de la question récurrente des salaires, cette grève exprime la volonté des personnels, journalistes, réalisateurs, techniciens, de voir revaloriser leurs chaînes sur le plan des contenus comme de la fabrication : leur savoir-faire est en jeu. Pensons au gâchis que constitue la casse de la SFP !
Troisièmement, ce gâchis n'a d'égal que l'avenir piétiné de l'audiovisuel français.
Le dispositif imaginé pour que la TNT profite au moins autant à l'intelligence qu'à la finance est mort-né : alors que les projets publics sont interrompus de force, le processus du côté du secteur privé suit benoîtement son cours. On voit pourtant bien à longueur de journée ce que l'audiovisuel privé apporte culturellement.
Je ne suis pas contre l'initiative privée, monsieur le rapporteur pour avis, et l'expérience Canal Plus a été salvatrice à divers égards.
M. Jack Ralite. Sauf sous Messier !
M. Michel Pelchat. TF 1 est une chaîne privée, et elle marche bien !
M. Ivan Renar. En réalité, les « nouveaux entrants » de la TNT n'en sont pas ; on retrouve de vieilles connaissances qui prospèrent au gré de la multiplication des supports. Les dossiers retenus par le CSA sont des émanations de Pathé, Lagardère, Bouygues, Vivendi, bref ce sont les multinationales des industries culturelles qui complètent leur suprématie, avec la bénédiction et l'encouragement du Gouvernement.
M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis. C'est quand même mieux que Berlusconi à une époque !
M. Ivan Renar. Il n'était pas suffisant que Lagardère contrôle 80 % de la distribution de nos lectures, il lui fallait un débouché audiovisuel !
Une fois encore, le messianisme technologique aveugle les décideurs ; on fait comme si la multiplication des canaux de diffusion signifiait mécaniquement une diversification des contenus proposés et accroissait de ce fait le pluralisme. Mais, du fait de la politique menée, la télévision numérique terrestre n'apportera rien d'autre qu'une répétition à l'identique.
Le Gouvernement prépare un paysage audiovisuel français dans lequel le service public ne jouera plus qu'un rôle minoritaire. Vous vous orientez vers un repli des ambitions publiques accompagné de la tentation d'un retour à l'ordre moral.
M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis. Non !
M. Ivan Renar. Je me dois enfin de faire quelques remarques sur le rapport de la commission Kriegel.
L'extension de la plage horaire protégée et la fin des exceptions mettraient en danger le financement de la production cinématographique. De fait, les chaînes, qui financent le cinéma à 25 %, doivent rentabiliser leurs investissements. Mais les chaînes sont obligées d'investir dans le cinéma : « un pied dans l'art, un pied dans l'argent », comme dit Jean-Luc Godard.
C'est donc surtout d'un point de vue qualitatif que le cinéma risque de souffrir. Le propos des cinéastes se verrait, en effet, systématiquement édulcoré par un renforcement de la réglementation. De fait, le cinéma deviendrait le bouc émissaire du système.
Cela pose la question des rapports qu'entretiennent l'art et la société. Il est étonnant qu'une philosophe ne se soit pas penchée sur cette question : l'art reflète la société dont il est issu. Interdire la représentation de la violence empêcherait les auteurs et, par conséquent, les spectateurs, de réfléchir sur la violence, qu'elle soit inhérente à notre société ou le produit de l'histoire.
Si cette recommandation était appliquée, La Reine Margot de Patrice Chéreau ou Il faut sauver le soldat Ryan de Steven Spielberg ne pourraient plus, par exemple, être diffusés aux heures de grande diffusion.
Cela soulève donc une autre question, qui est intimement liée à la précédente : le rôle de l'art dans un pays démocratique. Interdire la représentation de la violence alors que, de fait, la société connaît la violence réveille la vision cauchemardesque d'un public endormi, gavé de mièvreries sucrées encadrées par la puissance publique.
Fort heureusement - et c'est à votre honneur, monsieur le ministre - vous n'avez pas suivi la partie liberticide des recommandations de la commission Kriegel, mais, déjà, plusieurs députés de la majorité la reprennent à leur compte.
Manifestement, le Gouvernement ne prend pas la mesure des enjeux de la politique de l'audiovisuel. Le service public devrait être le socle d'une réelle responsabilité publique de la culture, garantissant les droits de la culture et le droit à la culture. La diversité de la création et l'accès du public le plus large à celle-ci sont les conditions de la démocratie réelle, et, à ce titre, elles doivent sans cesse être encouragées.
Au contraire, les choix faits par le Gouvernement bafouent ces droits sans vergogne : en livrant les médias à la marchandisation, et donc les programmes à l'uniformisation, il autorise et encourage même dans les faits une perte de sens qui ne peut qu'être profondément dommageable.
Je n'ai plus le temps, monsieur le ministre, de vous dire tout le bien que je pense de Radio France, je vous le dirai un autre jour, mais, vous l'aurez deviné, le groupe CRC ne pourra voter les crédits qui nous sont proposés. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Henri Weber.
M. Henri Weber. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne reviendrai pas ici sur ce qu'a excellemment exposé ma collègue et amie Danièle Pourtaud, qui a regagné sa place en dépit des agressions dont elle a été victime de la part du sénateur Pelchat, d'habitude plus courtois et mieux inspiré. (Rires.)
M. Ivan Renar. C'était du harcèlement textuel !
M. Henri Weber. Exactement !
M. Michel Pelchat. J'accepte la critique quand elle est fondée !
M. Henri Weber. Je me bornerai à faire quelques remarques complémentaires.
Monsieur le ministre, vous vous êtes prononcé, tout comme nous, en faveur d'un service public de l'audiovisuel fort et assumant pleinement ses missions. Vous avez clairement récusé la privatisation de France 2...
M. Michel Pelchat. Très bien !
M. Henri Weber. ... que notre collègue M. Karoutchi et beaucoup de ses amis de la majorité sénatoriale...
M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis. Pas beaucoup !
M. Henri Weber. ... réclamaient avec insistance l'an passé à cette tribune. Nous en sommes tout à fait satisfaits et nous vous en donnons acte.
Mais vous n'avez pas obtenu les moyens de soutenir cette ambition. Vos prédécesseurs ont augmenté de 35 % en cinq ans le budget de l'audiovisuel public ; ils ont réduit de douze à huit minutes par heure la durée des écrans publicitaires, et ils ont substitué des contrats d'objectifs et de moyens à la tutelle administrative de l'Etat sur les entreprises de l'audiovisuel.
Votre projet de budget, quant à lui, marque une progression à peine supérieure au taux de l'inflation, alors que les coûts de production et de personnel des chaînes se sont accrus très fortement ; l'effort de réduction des écrans publicitaires a été interrompu ; le contrat d'objectifs et de moyens conclu entre France Télévisions et l'Etat, à peine signé, a été rompu unilatéralement.
On connaissait la méthode Raffarin ; on apprend à connaître la méthode Aillagon : des objectifs ambitieux, souvent proclamés avec panache, beaucoup d'injustice et d'exagération aussi dans la critique que vous faites de vos prédécesseurs, mais une intendance qui ne suit pas.
Mme Danièle Pourtaud. Exact !
M. Henri Weber. Loin de moi l'idée de réduire tous les problèmes de l'audiovisuel public à la question de son financement. L'un des mérites du contrat d'objectifs et de moyens signé par France Télévisions est d'engager la rationalisation de la gestion des chaînes, au profit de la qualité des programmes.
Mais puisque nous débattons aujourd'hui du projet de budget, comment nier qu'il y ait, en France, un problème de financement de l'audiovisuel public ?
Notre secteur audiovisuel public réalise la performance de réunir à peu près la même audience que ses homologues anglais et allemand - environ 40 % de parts de marchés - avec des ressources une fois et demie, voire deux fois inférieures : 2 milliards d'euros pour France Télévisions, 3 milliards d'euros pour la BBC, 4 milliards d'euros pour la ZDF-ARD allemande.
Mme Danièle Pourtaud. Très bien !
M. Henri Weber. Il fait jeu égal avec les chaînes commerciales TF 1 et M 6, alors que le chiffre d'affaires de celles-ci augmente de 10 % par an. Combien de temps cela pourra-t-il durer ?
Un chiffre que vient d'évoquer notre collègue Michel Pelchat me paraît symptomatique et alarmant : celui des heures de fiction produites. Dans tous les pays d'Europe, l'engouement pour les séries de fiction nationales ne se dément pas. L'audience de ces programmes dépasse souvent, et de beaucoup, celle des séries américaines, et le volume de la production ne cesse d'augmenter : il atteint 2 000 heures par an en Allemagne, 1 300 heures en Grande-Bretagne, mais il est tombé à moins de 600 heures en France cette année, soit moins qu'en Espagne, et désormais moins qu'en Italie.
Mme Danièle Pourtaud. Hélas !
M. Henri Weber. J'observe que, depuis cinq ans, dans tous les pays dont l'industrie des programmes audiovisuels est dynamique, des mécanismes de financement massifs, régionaux et nationaux, ne sollicitant pas les diffuseurs, ont été mis en place. Il en est ainsi pour les Länder allemands, la Grande-Bretagne, les provinces canadiennes, l'Etat de Californie. Que comptez-vous faire, monsieur le ministre, pour remédier au sous-financement chronique de l'audiovisuel public français, télévision numérique de terre ou pas ?
Mme Danièle Pourtaud. Très bien !
M. Henri Weber. Que comptez-vous faire pour favoriser le développement d'une industrie des programmes digne de notre pays ?
S'agissant de la télévision numérique de terre, à laquelle M. Boyon vient de consacrer un huitième rapport,...
M. Michel Pelchat. ... excellent, d'ailleurs !
M. Henri Weber. ... vous récusez « toute fuite en avant » du service public, « toute extension automatique de son offre de programmes ». Je regrette, pour ma part, le renoncement à la création de la chaîne culturelle et familiale de rediffusion, qui permettrait de présenter à des heures de grande audience les meilleures émissions du service public, trop souvent reléguées en ultime fin de soirée. Elle permettrait, en outre, de créer un second marché de la rediffusion.
Raymond Courrière. Très bien !
M. Henri Weber. Je regrette également le « gel » de la chaîne d'information continue, dont vient de parler Danièle Pourtaud, ainsi que la suspension des chaînes régionales. Ces choix ne constituaient pas une « fuite en avant », mais, au contraire, une démultiplication intelligente de ce que fait déjà le service public et une meilleure exploitation de ses ressources humaines.
Mme Danièle Pourtaud. Exactement !
M. Henri Weber. Ils procédaient de l'effort de rénovation de l'entreprise France Télévision et de rationalisation des moyens et des ressources. J'espère que les trois canaux que vous avez réservés seront affectés finalement à ces projets initiaux, et je forme le voeu que vous consacriez un quatrième canal à une chaîne « enfance et jeunesse », qui fait aujourd'hui défaut.
Mme Danièle Pourtaud. Très bien !
M. Henri Weber. Je crois que le succès de la télévision numérique de terre dépendra, pour beaucoup, du rôle moteur qu'y jouera le service public, et que ce serait une grave erreur que de chercher à réduire son poids pour des raisons d'économies, ou d'idéologie. S'agissant des missions de service public de l'audiovisuel, j'ai lu avec intérêt que vous faites figurer, à leur nombre, à côté de l'éducation, de la promotion de la culture et de l'information, ce que vous appelez la distraction. Je crois, comme vous, que les chaînes publiques doivent assumer pleinement la fonction de divertissement de la télévision, sinon elles seraient rapidement condamnées à la marginalisation !
Mme Danièle Pourtaud. Très bien !
M. Henri Weber. Je crois qu'il existe un « divertissement de service public », distinct des émissions de divertissement que l'on diffuse sur les chaînes commerciales en ce qu'il s'efforce, même dans la distraction, de tirer sans cesse le téléspectateur vers le haut, par respect pour lui.
J'entends beaucoup de bons esprits, au sein de la majorité, affirmer au contraire que la « distraction » - l' entertainment, comme on dit en bon cauchois - doit être réservée aux chaînes privées, et que le service public doit se consacrer exclusivement à l'édification des esprits et à l'élévation des âmes. Ceux-là crient au dérapage dès qu'ils débusquent sur France Télévisions des émissions de divertissement. Pour ceux-là, et aussi pour nous tous, monsieur le ministre, il serait utile que vous définissiez, mieux que vous ne le faites, ce qu'est, à vos yeux, la mission du service public en matière de divertissement.
Elle est plus facile à définir dans les autres domaines, notamment ceux de l'information, de l'éducation ou de la promotion de la culture. Mais s'il est vrai que divertir est l'une des fonctions essentielles de la télévision, que nos concitoyens regardent plus de trois heures par jour, qu'est-ce que le divertissement de service public, et en quoi diffère-t-il d'autres types de divertissements ? Je crois que l'on échapperait à nombre de faux débats si vous pouviez préciser vos conceptions dans ce domaine, monsieur le ministre.
Le 7 novembre dernier, à l'Assemblée nationale, vous avez tenu les propos suivants, en réponse à mon ami Didier Mathus : « Le service public doit disposer d'un navire amiral, d'une grande chaîne généraliste. La privatisation de France 2 n'est donc pas à l'ordre du jour ! » Voilà qui a dû rassurer les salariés de France 3, monsieur le ministre !
Vous savez que l'inquiétude qu'ils éprouvent quant à l'avenir de leur entreprise, nourrie par des déclarations et des rumeurs récurrentes sur le choix de la réduction du périmètre du service public comme moyen de régler une fois pour toutes le problème de son financement, est pour beaucoup dans le déclenchement du mouvement de grève qui se poursuit depuis quinze jours à France 3.
Votre protestation sélective a amené de l'eau au moulin de ceux qui croient à une privatisation de France 3 par filialisation de ses antennes régionales et ouverture du capital de ces dernières aux investisseurs locaux. Vous avez aujourd'hui l'occasion, devant le Sénat, de rassurer complètement les uns et de décevoir les autres.
Monsieur le ministre, votre projet de budget de l'audiovisuel rompt les deux courbes vertueuses tracées par vos prédécesseurs : la courbe ascendante du financement et celle, descendante, de la dépendance à l'égard des publicitaires. En outre, il crée l'incertitude sur la place et le rôle du service public dans l'avènement de la télévision numérique de terre. Pour ces raisons, en particulier, le groupe socialiste votera contre ce projet de budget. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de budget que je vous présente aujourd'hui est réaliste, sincère, et ménage des moyens suffisants pour financer l'ensemble des actions de l'Etat en faveur de l'audiovisuel et de la presse.
Mme Danièle Pourtaud. C'est vous qui le dites !
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Il faut, me semble-t-il, que nous mesurions tous le poids de notre responsabilité, sans être tentés de travestir la vérité. Quand j'entends Mme Pourtaud dire que nous aurions ouvert les vannes de la publicité, je me demande à quoi elle fait allusion ! En effet, aucun des dispositifs d'organisation ou de contingentement de la publicité existants, tant à la télévision qu'à la radio, n'a été remis en cause ou altéré. Si la recette publicitaire de Radio France augmente, c'est, tout simplement, du fait du relèvement des tarifs, et non pas parce que l'on aurait donné à cette société nationale licence de diffuser davantage de publicité. Par conséquent, il ne faut pas raconter n'importe quoi ! (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis. Très bien !
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Par ailleurs, je tiens à vous préciser, madame Pourtaud, que je n'ai jamais considéré qu'une politique de développement des moyens constituait une politique de qualité pour l'audiovisuel public.
Il se trouve que, aujourd'hui même, se déroule la journée nationale de protestation des sourds et malentendants contre le mauvais traitement que leur réserve la télévision. Or a-t-on vu, au cours des deux dernières décennies, plus particulièrement ces cinq dernières années, la situation s'améliorer à cet égard, malgré l'accroissement des moyens publics mis à la disposition des télévisions ? A-t-on vu le service public prendre, de façon responsable, des dispositions visant à un meilleur traitement de cette catégorie de téléspectateurs ? Non, et c'est déplorable ! Vous le voyez bien, le développement des moyens ne signifie donc pas forcément la qualité du service public ni la qualité de l'engagement. (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.)
M. Henri Weber. Mais il y contribue !
M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis. Pas forcément !
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Je vous signale également, madame Pourtaud, monsieur Weber, que certaines chaînes privées que vous vous plaisez à stigmatiser font, en la matière, mieux que les chaînes de service public.
M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis. Absolument !
M. Michel Pelchat. C'est un comble !
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Je le regrette, compte tenu de mon attachement très profond au service public dans notre pays.
M. Raymond Courrière. Ça m'étonnerait que vous y soyez si attaché que cela !
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Cela vaut également pour la qualité des programmes.
Si, dès mon arrivée rue de Valois, j'ai souhaité commander à un certain nombre de personnalités - nous reviendrons sur le rapport de M. Boyon, mais, en l'occurrence, je pense à Mmes Kriegel et Clément - des rapports sur la question de la violence, envisagée d'ailleurs de façon générale, pour l'ensemble des chaînes de télévision au-delà du seul service public, et sur la question de la qualité culturelle des programmes de ce dernier, c'est que je sentais bien monter de la population des acteurs culturels de notre pays, ainsi que d'un certain nombre d'associations représentatives des téléspectacteurs, une protestation contre la dégradation de la qualité et de la singularité desdits programmes.
Aujourd'hui, nous sommes donc tous placés devant nos responsabilités. Il ne s'agit pas de tenter de « noyer le poisson » en étalant le service public, mais bien de chercher à approfondir celui-ci. Je suis attaché à un service public singulier, à un service public fort, à un service public respectueux de ses missions, à un service public qui ne se fixe pas de vains objectifs de développement - pour reprendre d'ailleurs un terme propre à l'industrie privée - à un service public qui se consacre, avec inventivité, avec passion, à réellement servir nos concitoyens.
Vous avez été un certain nombre, mesdames, messieurs les sénateurs, à évoquer la grève qui a perturbé, au cours des dernières semaines, l'audiovisuel public. J'ai noté avec beaucoup de satisfaction que les dirigeants de nos entreprises nationales avaient su régler la question à Radio France et à RFI. S'agissant de France 2, le problème a été traité à la satisfaction à la fois de la direction et du personnel. Le mouvement a persévéré sur France 3, parce que l'on a tenté de faire croire au personnel que le Gouvernement souhaitait remettre en cause la situation de cette société et que l'on cherchait à privatiser la chaîne.
A cet égard, j'ai clairement indiqué que le Gouvernement était attaché à maintenir le périmètre actuel du service public, qui comprend une chaîne généraliste - je crois, en effet, à la vertu de la généralité en matière de télévision -, une chaîne ancrée dans la réalité de la société française, plus particulièrement dans la réalité de nos régions, ainsi qu'une chaîne du savoir. Sur ce point, je tiens à saluer, après nombre d'entre vous, le travail réalisé dans le cadre de la programmation de France 5.
On a cru ou voulu faire croire que le « recalage » du calendrier de la TNT privait France Télévisions de perspectives. Il n'en est rien ! Le service public a pour perspective d'accomplir avec loyauté, avec intelligence, avec brio les missions qui lui incombent. Il n'est nul besoin d'inventer chaque matin une nouvelle chaîne, un nouveau programme, un nouveau projet pour être fidèle à ces missions de service public : leur approfondissement tient réellement lieu de grand projet pour l'audiovisuel public, et je souhaiterais que nous en soyons tous convaincus.
S'agissant de la télévision numérique terrestre, mettons un terme, sur ce sujet aussi, à certaines légendes ou fariboles : je n'ai pas décalé la mise en oeuvre du projet de télévision numérique terrestre. Croyez bien, madame Pourtaud, monsieur Weber, que, si nos concitoyens n'avaient pas décidé de changer la majorité politique de ce pays, l'un des vôtres se trouverait aujourd'hui à ma place et devrait vous avouer que la télévision numérique terrestre ne sera pas en mesure de fonctionner à la fin de cette année. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis. Absolument !
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Comme je le disais à M. Michel Françaix lors du débat à l'Assemblée nationale, madame Pourtaud, même si vos amis se trouvaient aujourd'hui au pouvoir, vous n'auriez pas pu voir la messe de minuit en numérique cette année ! C'était totalement impossible ! (Rires et nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.)
M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis. Très bien !
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. En effet, la préparation de ce dossier se caractérisait par un certain nombre de lacunes.
M. Michel Pelchat. Absolument !
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Ainsi, on avait fait l'impasse sur le traitement de questions juridiques, techniques et économiques. Il nous appartient aujourd'hui de reprendre en main le dossier de façon responsable et volontaire. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement, à la suite de la remise du rapport de M. Boyon, a pris des mesures pour mettre un crédit spécial à la disposition de l'Agence nationale des fréquences, de manière que le dossier puisse progresser.
Les choses n'iront toutefois pas aussi vite que certains l'ont prétendu : au prix d'un travail intensif, 40 % du territoire sera couvert en 2004, et 80 % en 2008. Pour répondre à vos voeux, je m'attacherai, quant à moi, à ce que soit traitée la question des 20 % résiduels.
Comment, en effet, pourrions-nous estimer avoir accompli notre devoir et respecté les obligations qui s'imposent à la fois à la représentation nationale et au Gouvernement au regard du principe d'égalité, si nous nous résignions à ce que la population de 20 % du territoire reste privée d'un tel service ?
La deuxième légende que je veux combattre est celle selon laquelle le contrat d'objectifs et de moyens de France Télévisions aurait été dénoncé par le Gouvernement : ce dernier a simplement pris en compte les conditions nouvelles que crée le « recalage » du calendrier de la télévision numérique terrestre. Je l'affirme avec force : une augmentation des moyens de 2 % sans la TNT est de loin préférable à une augmentation de 3,1 % avec la TNT.
M. Michel Pelchat. Absolument !
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Ce sont vos amis, mesdames, messieurs les sénateurs de l'opposition, qui allaient engager l'audiovisuel public dans une impasse,...
Mme Danièle Pourtaud. Vous savez bien que c'est faux !
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. ... en lui ouvrant pour seule perspective une fuite en avant, ce que je juge, pour ma part, irresponsable.
La troisième légende que je souhaite détruire veut que l'avenir du service public de la télévision serait forcément lié, et même chevillé, à la TNT. Le président de France Télévisions a lui-même reconnu qu'il n'en était rien et que l'on pouvait tout à fait envisager que le service public existe, prospère et se développe sans la TNT. On avait voulu se convaincre que le seul horizon du service public, c'était la TNT ; or cet horizon, je le répète, c'est l'accomplissement du service public.
Je souhaite que ce dernier soit caractérisé par une totale exemplarité, dans les domaines de l'information, du débat, de l'ouverture au monde, de la production, non seulement cinématographique, mais aussi documentaire. Pour ma part, je ne me suis jamais consolé d'un certain retrait opéré, au cours de la dernière décennie, par le service public au regard de ses engagements sur ce plan, bien que je tienne à relever qu'il y a eu néanmoins d'excellentes réalisations.
Pour ce qui concerne la TNT, personne ne peut s'opposer au développement d'une technologie. L'avenir du cinéma, de l'audiovisuel passe incontestablement par le numérique.
M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Eh oui !
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Il nous revient de prendre en charge ce dossier de façon à mettre en place les moyens et les dispositifs qui permettront de le mener à bien. M. Michel Boyon a fait, à ce sujet, un travail que chacun a jugé remarquable, qui sera d'ailleurs complété, au cours des prochaines semaines, par la remise au Premier ministre d'un certain nombre de propositions complémentaires.
Je le répète : le budget pour 2003 permettra à l'audiovisuel d'aborder ses problèmes, ses projets et ses missions dans de bonnes conditions. Le taux de croissance moyen de la ressource publique s'élève à 2 %, soit une masse de crédits supplémentaire de 49 millions d'euros, ce qui permettra à chacune des sociétés qui composent le paysage de l'audiovisuel public - radio et télévision - de prendre en charge son destin de façon claire et positive.
Je voudrais revenir sur un certain nombre de questions particulières qui ont été posées, et tout d'abord sur les questions relatives à la situation de RFO. Ce dossier a été évoqué par MM. Othily et Nogrix. J'ai bien entendu vos préoccupations. Je partage pleinement votre appréciation sur le rôle culturel, social et civique que joue Radio France Internationale dans les départements d'outre-mer. Cependant, je ne partage pas entièrement votre pessimisme : en 2003, la ressource de RFO évoluera de la même façon que celle des autres sociétés publiques de télévision.
Le volume de la production propre n'est pas négligeable, même si chacun convient qu'elle devrait se développer de façon encore plus marquée : elle représente aujourd'hui, dans la grille de Télépays, le premier canal de Radio France Outre-mer, 18 % de la programmation, ce qui est tout à fait important pour une chaîne nationale comprenant des décrochages locaux. La démarche éditoriale de RFO permet donc d'alterner des programmes repris des chaînes métropolitaines et de réelles émissions de proximité, les innovations variant bien sûr d'une antenne spécifique à l'autre.
Pour ma part, je suis bien conscient de l'importance de cette chaîne. On peut en effet se demander si son efficacité maximale est atteinte dans le cadre d'une singularité de la chaîne ou serait atteinte dans le cadre d'un amarrage à France Télévisions. C'est une question dont nous débattrons sans doute.
De façon générale, je vous en ai déjà fait la confidence, il m'est arrivé de penser que nous avions, en France, tant pour la radio que pour la télévision, un trop grand nombre de sociétés opératrices et que nous aurions peut-être intérêt à rationaliser le paysage des opérateurs de la télévision et de la radio publiques. C'est une vaste question sur laquelle les opinions divergent. M. Nogrix faisait remarquer que l'on n'avait peut-être pas retiré de l'association, au sein de France Télévisions, de France 2, de France 3 et de France 5...
M. Philippe Nogrix. De synergie !
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. ... le maximum d'effets synergiques. Je crois qu'il faut aborder cette question sans aucun a priori et de façon très pragmatique.
Vous avez ensuite évoqué la question de la ressource qui alimente le financement de l'audiovisuel public, dont la question de la redevance. Vous le savez, toutes les taxes parafiscales, dont la redevance, seront supprimées à compter de la fin de 2003, conformément aux dispositions de la loi organique relative aux lois de finances. Cette réalité nous impose de faire juridiquement évoluer la redevance. Mes services, en l'occurrence la direction du développement des médias, ont travaillé au cours des dernières semaines au recensement de toutes les solutions alternatives envisagées au cours des dernières années, car le débat est ancien. La question est complexe. On a souvent entendu critiquer la redevance. Il lui est notamment reproché d'être impopulaire. Je remarquerai simplement que peu de taxes sont populaires ! (Sourires.)
J'ai noté avec beaucoup de satisfaction que, finalement, il y avait, à ce sujet, dans cette assemblée, une très large convergence de vues. Je suis attaché à ce que cette affaire ne soit pas traitée de façon trop superficielle, trop expéditive et trop légère. Nous devons garantir à notre audiovisuel public une ressource stable et pérenne, qui ne soit pas soumise aux aléas budgétaires. En tout cas, la réflexion sera amplifiée au début de l'année prochaine. Je veillerai notamment à ce que le Parlement, et en particulier votre assemblée qui attache une grande importance à cette question, y soit associé.
La question de la violence à la télévision, dont la presse s'est largement fait l'écho, a également été évoquée. Le rapport que j'avais demandé à Mme Kriegel m'a récemment été remis. J'ai tenu très rapidement à l'examiner et à en tirer des conclusions. Celles-ci conduiront le Gouvernement à vous proposer divers aménagements législatifs renforçant, notamment, la capacité de sanction du CSA.
S'agissant de la violence dans les programmes eux-mêmes, j'observe que l'on s'est beaucoup focalisé sur le cinéma, qui ne représente pourtant que 7 % du temps d'antenne. Il faut, concernant la violence, avoir une vision globale et s'intéresser également à la publicité, aux programmes, aux émissions de plateau, étant entendu que les images violentes que nous livre, hélas ! l'actualité du monde sont, quant à elles, encadrées par la responsabilité rédactionnelle des journalistes et leurs commentaires. Il ne s'agit pas de violence délibérément et quasi voluptueusement proposée aux téléspectateurs. Nous avons pris acte des recommandations de Mme Kriegel. Celles-ci trouveront très rapidement une traduction législative.
S'agissant des films pornographiques, le débat ayant été engagé par le CSA puis relayé par la mission Kriegel, les éditeurs de programmes pornographiques, qui avaient senti passer le vent du boulet, ont pris spontanément des mesures de contingentement de l'accès à ces programmes, notamment par la mise en oeuvre des procédés de double cryptage, afin de permettre aux parents d'organiser l'interdiction faite à leurs enfants d'accéder de manière fortuite à ces programmes. J'ai également recommandé que, pour l'avenir, soit dissocié de l'abonnement aux chaînes cryptées l'accès spécifique aux programmes pornographiques. Canal Plus et les autres éditeurs de tels programmes ont mis cette proposition à l'étude.
Monsieur Nogrix, vous avez également évoqué la classification des films cinématographiques.
D'abord, je ne crois pas que notre commission de classification soit plus laxiste que la commission britannique, par exemple, car les critères ne sont pas tout à fait les mêmes. Songez qu'en Grande-Bretagne on contingente la diffusion des films dans lesquels il est fait usage de gros mots. C'est ainsi que, dans ce pays, Le fabuleux destin d'Amélie Poulain a été interdit aux moins de seize ans, ce qui, de notre point de vue et de l'usage quasi historique que nous avons fait de certains mots, notamment du mot de Cambronne, est presque inenvisageable ! (Sourires.)
Ensuite, je souligne que la commission de classification des films, celle qui est « amarrée » au CNC, visionne seulement les films qui sont destinés à la diffusion en salles. Comme il n'y a pratiquement plus de cinémas pornographiques, la diffusion des films pornographiques étant réservée à d'autres circuits, notamment à ceux de la vidéo cassette et du DVD, les films pornographiques ne sont plus traités par la commission de classification des films ; cette situation nouvelle a donc fait baisser la statistique.
Je tiens aussi à vous dire que, avec mon collègue Christian Jacob, nous avons travaillé à mieux nous coordonner et, très prochainement, je ferai des propositions non pas dans le sens d'une réorganisation radicale de la commission de classification des films, parce que nous sommes, les uns et les autres, très attachés à la formule actuelle, mais pour améliorer la configuration de sa composition et les règles qui président à la prise de certaines décisions, notamment l'interdiction aux moins de dix-huit ans.
M. Philippe Nogrix. Je vous en remercie.
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. A également été évoqué le développement des télévisions locales, monsieur le sénateur. Il est vrai que, à cet égard, notre pays est caractérisé par un réel archaïsme. La raison en est très simple et vous l'avez d'ailleurs soulignée : aucune de ces télévisions n'atteint le moindre équilibre économique du fait, notamment, des dispositions particulières qui président au contingentement de l'accès à la publicité d'un certain nombre de secteurs.
La question est très délicate - M. de Broissia le sait bien - puisque certains de nos partenaires, notamment la presse, et je pense plus particulièrement à la presse quotidienne régionale, sont très attachés à la pérennité des dispositions actuelles, qui sont par ailleurs mises en cause par Bruxelles. Il nous faudra travailler sur ce dossier et tenter, parce que nous sommes, les uns et les autres, partisans de la concorde, de tendre vers une solution qui donnerait satisfaction à la fois aux intérêts d'une presse quotidienne, dont j'évoquerai tout à l'heure, comme vous l'avez fait, la très grande fragilité, et au nécessaire développement des télévisions locales, étant entendu qu'il faudra aussi sans doute aménager le cadre juridique qui permettrait aux collectivités locales de prendre une part plus significative dans leur développement. Les télévisions locales sont également des instruments possibles de la vie civique, de la vie culturelle locale et de la civilité.
Mme Danièle Pourtaud. Vous pouvez développer les télévisions associatives sans nuire à la santé de la presse !
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Les retards accumulés dans ces domaines doivent être rattrapés et nous y travaillons.
Vous avez également évoqué la création d'une chaîne d'information internationale. C'est une question très complexe, d'abord en termes institutionnels, puisque, comme pour un autre sujet que nous évoquions hier dans cette enceinte, elle relève de la responsabilité conjointe du ministère de la culture et de la communication et du ministère des affaires étrangères qui exerce traditionnellement la tutelle de l'audiovisuel extérieur.
Mais, les uns et les autres, nous nous rangeons au souhait du Président de la République de voir la France mieux représentée dans la bataille internationale des images et de l'information. Je pense que nous saurons, dans les prochaines semaines, décanter l'ensemble des propositions et des analyses qui ont été émises à ce sujet et vous proposer une perspective qui permettrait sans doute, au cours des années à venir, de faire en sorte - mais le sujet est très complexe - que la voix de la France soit mieux entendue dans le monde. En tout cas, le ministère de la culture et de la communication apporte sa contribution à cette réflexion.
Je regrette, moi aussi, que le service public n'ait pas pris, en son temps, l'initiative de créer une chaîne d'information.
Mme Danièle Pourtaud. Il n'est jamais trop tard pour bien faire !
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Le service public a créé des chaînes sur le câble et le satellite, notamment la chaîne Gourmet TV et la chaîne Régions, dont vous connaissez d'ailleurs les difficultés. Mais peut-être aurait-on dû, alors que l'initiative privée prospérait dans ce secteur et avant même qu'elle agisse, créer une chaîne d'information continue.
M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis. Effectivement !
M. Henri Weber. C'est un peu plus cher !
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Une initiative de ce type aurait été à l'honneur du service public et de ceux qui en ont assuré la tutelle pendant si longtemps.
Mme Danièle Pourtaud. Il n'est pas trop tard !
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Aujourd'hui, madame la sénatrice, j'observe que nous sommes dans un paysage qui est déjà très fortement saturé, avec LCI et iTelevision,...
Mme Danièle Pourtaud. Chaînes payantes !
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. ... chaînes de très bonne qualité, qui accéderont, grâce à la TNT, à une diffusion nationale élargie.
Mme Danièle Pourtaud. Le CSA les a placées dans le bouquet payant !
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Toutes les hypothèses relatives à la télévision d'information internationale sont à l'étude et j'aurai l'occasion de vous en reparler très prochainement.
En conclusion de cette partie consacrée à l'audiovisuel, je vous dirai que, aujourd'hui, nous sommes véritablement à la croisée des chemins et qu'il nous appartient à la fois de confirmer notre attachement au service public, d'en contenir les développements inutiles et d'inviter le service public à se renforcer dans l'expression de ses missions propres car, dans un paysage audiovisuel terriblement banalisé, il appartient en effet au service public de la télévision de marquer la différence.
On a très peu parlé de la radio. La radio de service public est de très grande qualité. Voilà quelques années, une campagne de publicité de France Inter nous invitait à « écouter la différence ». Je souhaiterais que notre télévision nous permette tout simplement de voir la différence.
S'agissant des aides à la presse écrite, vous le savez et M. de Broissia l'a rappelé, le dispositif budgétaire pour 2003 reconduit très largement tous les dispositifs qui caractérisent la politique de l'Etat dans ce domaine et qui s'orientent autour d'un certain nombre de grands axes : le soutien à la diffusion et à la distribution, la défense du pluralisme et l'encouragement à la modernisation. Là aussi, mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes à la croisée des chemins car, comme vous l'avez rappelé, en France, la presse est soutenue, mais, paradoxalement, la presse quotidienne est dans une très mauvaise situation. Son volume de publicité a certes diminué, ce qui est conjoncturel. Mais, surtout, on voit le lectorat s'effondrer, ce qui est très préoccupant. C'est pourquoi, en 2003, j'engagerai une grande action nationale de sensibilisation, des jeunes notamment, à la presse écrite, bien sûr dans le respect du pluralisme, initiative à laquelle j'associerai le ministère de l'éducation nationale.
Quant à l'Agence France-Presse, conscients de son importance sur la scène internationale, nous avons pris le parti d'en soutenir l'activité et le développement de façon très marquée, puisque l'ensemble des abonnements souscrits par l'Etat dépassera pour la première fois 100 millions d'euros.
Voilà, monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, les éléments de réponse que je souhaitais vous apporter. Certes, ils n'épuisent pas toutes les questions que vous avez évoquées ni la totalité du sujet, mais il n'aurait pas pu en être autrement compte tenu du cadre horaire de notre débat. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Nous allons maintenant examiner l'article 52 et la ligne 35 de l'état E annexé à l'article 48.

Article 52



M. le président.
« Art. 52. - Est approuvée, pour l'exercice 2003, la répartition suivante entre les organismes du service public de la communication audiovisuelle, des recettes, hors taxe sur la valeur ajoutée, du compte d'emploi de la redevance pour droit d'usage des appareils récepteurs de télévision :

millions

d'euros

«
France Télévision

1 499,53

«
Radio France

455,90

«
Radio France Internationale

52,30

«
Réseau France Outre-mer

203,05

«
ARTE-France

189,03

«
Institut national de l'audiovisuel

68,22



« Total
2 468,03

L'amendement n° II-22, présenté par M. Estier, Mme Pourtaud, M. Weber et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Compléter in fine cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Le Gouvernement dépose, avant le 30 juin 2003, sur le bureau de chacune des deux assemblées, un rapport sur les modalités auxquelles il entend recourir pour assurer le financement pérenne, indépendant et évolutif des organismes du service public de la communication audiovisuelle. Il indique le montant des ressources qui seront attribuées à ce secteur et la répartition entre les organismes des moyens affectés pour l'année 2004. »
La parole est à Mme Danièle Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud. Depuis des années, de très nombreuses voix - cela a été rappelé au cours du débat - dont la plupart proviennent de l'actuelle majorité, se sont fait entendre pour réclamer la suppression de la redevance : impôt injuste, inégalitaire, archaïque, non rentable... On aura tout entendu !
Dans l'esprit de la majorité gouvernementale, envisager la suppression de la redevance n'est pas vraiment une prise de position innocente ! Est sous-entendue, en effet, l'idée de réduire, faute de crédits pour suppléer la redevance, le périmètre actuel de l'audiovisuel public, et de contenter ainsi quelques intérêts privés.
Le service public de l'audiovisuel constitue pourtant une réalité dans notre pays et il accomplit des missions éducatives et culturelles qu'aucun opérateur privé ne serait à même de remplir, compte tenu de ses impératifs en termes d'Audimat, et donc de ses contraintes de perception de recettes commerciales.
J'en reviens ainsi tout naturellement à la question du financement de l'audiovisuel public : la redevance, même si elle peut, dans l'esprit de certains, présenter des inconvénients, constitue tout de même le seul mode de financement à la fois pérenne, évolutif et garantissant l'indépendance du secteur public de l'audiovisuel par rapport au pouvoir politique.
La preuve éclatante en est d'ailleurs faite, cette année, par le Sénat, qui sabre allègrement dans tous les budgets à la poursuite d'un équilibre inatteignable, sans égard pour la culture ni pour l'éducation, pourtant déjà bien maltraitées. Mais le Sénat ne pourra pas, mes chers collègues, toucher aux ressources de l'audiovisuel public, puisqu'elles ne sont pas constituées de crédits budgétaires !
A ma connaissance, personne n'est encore parvenu à trouver une source de financement de l'audiovisuel public réunissant l'ensemble des qualités de la redevance.
D'autres types de prélèvement ont, par le passé, été écartés, car ils étaient sujets à des variations, tels que les taxes sur les jeux, sur les opérateurs de télécommunications, sur les recettes commerciales des chaînes privées, etc.
Monsieur le ministre, vous nous avez dit que vous réfléchissiez sur le sujet, mais nous sommes inquiets de savoir que, l'an prochain, vous supprimerez cette taxe, comme toutes les taxes parafiscales.
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre Mais non !
Mme Danièle Pourtaud. Nous souhaiterions, s'il faut se résigner à une solution alternative à la redevance, qu'elle présente les mêmes garanties. Je les rappelle : ressources pérennes, évolutives et indépendantes.
Nous voudrions que le Parlement puisse en débattre avant l'examen du projet de loi de finances pour 2004. C'est pourquoi nous vous demandons de bien vouloir déposer, avant le 30 juin 2003, sur le bureau de chacune des assemblées, un rapport concernant vos propositions visant à assurer le financement pérenne de l'audiovisuel public, auquel vous nous avez dit être attaché.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Claude Belot, rapporteur spécial. Je ne vois pas la valeur ajoutée, j'émets donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Défavorable.
M. le président. La parole est à M. Ivan Renar, pour explication de vote.
M. Ivan Renar. Cet amendement est pour nous l'occasion de souhaiter qu'un véritable débat ait lieu sur la question...
M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Bien entendu !
M. Ivan Renar. ... parce que le travail d'une commission ne suffira pas à la régler. Un véritable débat contradictoire de la représentation nationale est nécessaire.
Pour notre part, nous restons partisans de la redevance audiovisuelle qui est, en quelque sorte, la seule taxe parafiscale démocratique et le seul exemple d'actionnariat de masse, dans le cadre de la participation qui est chère à certains d'entre vous,...
M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis. Absolument ! Il a de bonnes lectures !
M. Ivan Renar. ... par rapport au service public de l'audiovisuel. Nous ne faisons pas du tout confiance à la fiscalité dont on connaît les avatars depuis la vignette dont les recettes devaient être allouées aux vieillards de notre pays !
C'était, je m'en souviens, en même temps que la guerre d'Algérie : ne me poussez pas sur cette pente glissante...
M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis. Du temps de l'ancien gouvernement.
M. Michel Pelchat. Ex-socialiste !
M. Philippe Nogrix. C'est Fabius qui l'a supprimée !
M. Ivan Renar. Il est bon que nous soyons informés et que nous débattions chaque année des orientations et des choix du Gouvernement pour l'audiovisuel public.
En attendant, nous voterons pour cet amendement, car il nous paraît raisonnable d'avoir deux fers au feu !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-22.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 52.

(L'article 52 est adopté.)

Ligne 35 de l'état E



M. le président.
J'appelle la ligne 35 de l'état E concernant la redevance pour droit d'usage des appareils récepteurs de télévision.



LIGNES


2002


2003

DESCRIPTION

PRODUIT
pour l'année
2002 ou
la campagne

2001-2002

ÉVALUATION
pour l'année
2002 ou la
campagne

2002-2003

38 35

Nature de la taxe : - redevance pour droit d'usage des appareils récepteurs de télévision.

2 119 500 000 2 092 200 000
. .
Organismes bénéficiaires ou objet : - compte spécial du Trésor institué par l'article 33 de la loi de finances pour 1975.
. .
. .
Taux et assiettes :
- redevance perçue annuellement :
en 2002 :
- 74,31 EUR pour les appareils récepteurs « noir et blanc » ; - 116,50 EUR pour les appareils récepteurs « couleur ».
. .
. .
Textes :
- décret n° 92-304 du 30 mars 1992 modifié ; - décret n° 2002-27 du 8 janvier 2002.
.


La parole est à M. Jack Ralite, pour explication de vote.
M. Jack Ralite. Je voudrais, en cet instant, dire quelques mots sur l'ensemble des crédits alloués à la culture et à la communication, qui font l'objet de ce débat.
On pourrait être satisfait, et même heureux, qu'il ait lieu le jour où un écrivain, Alexandre Dumas, entre au Panthéon, écrivain créateur de mythes s'il en est, citoyen sans compromission, révolutionnaire courageux qui s'est illustré en 1830 en France et plus tard en Italie, aux côtés de Garibaldi !
Je me souviens de Gramsci, ce lumineux communiste assassiné par le régime mussolinien, qui lui rendait hommage, ainsi qu'à d'autres, dans ses Cahiers de prison . Il y écrivait que la France, au xixe siècle, avait eu la chance d'avoir une grande littérature nationale et populaire. Il citait Hugo, Dumas, Eugène Sue et Ponson du Terrail. Un quatuor dont la musique des mots et la geste des personnages sont là, parmi nous, comme des éclats du passé.
Oui, l'entrée de Dumas au Panthéon aurait dû faire devoir à la majorité de croiser avec sa courtoisie, c'est aussi la nôtre envers Dumas, une courtoisie pour la culture et les arts.
Or, dans notre débat, nous avons perdu des crédits. Le budget est malmené, comme mis par certains en examen. Et je pressens la naissance d'un vrai procès de la dépense culturelle, comme si, sans le dire, on lui reprochait d'exister.
M. Michel Pelchat. La Faucheuse !
M. Jack Ralite. Dans la perspective de 2004, cela va fragiliser les institutions et les artistes, surtout les jeunes.
Plus ponctionné que d'autres, ce budget va tendre à devenir un peu, et l'année prochaine beaucoup, insaisissable et source potentielle de rétrécissement des libertés artistiques et du pluralisme, alors que, dans certaines villes dont le nombre malheureusement s'accroît, les crédits culturels sont diminués au nom notamment du populisme et de l'identitarisme et que, dans plusieurs journaux, se développe une véritable campagne contre la création, dont les bords, disait Melville, sont nécessairement déchiquetés.
Oui, la création et la culture sont comme à la croisée des chemins. N'est-ce pas le cas dans la société aussi ?
Elles sont un peu comme au jeu de bilboquet, cette boule reliée par une ficelle qui, un instant, menace de manquer son but ; et alors la conscience, l'existence, le sens du monde sont mis en vertige, c'est le désarroi, la peur, l'inertie ; mais si le but est atteint, alors c'est un élan du monde, c'est l'inaccoutumance.
Oui, je veux le redire, dans le débat qui s'est institué, les crédits de la culture ont comme une double peine : moins 5,2 % dans le bleu budgétaire et moins deux millions d'euros de réduction décidée par le Sénat suivant sa commission des finances.
Mme Danièle Pourtaud. C'est vrai !
M. Jack Ralite. Alors que, dans le secteur privé, voyez Jean-Marie Messier et Vivendi Universal (Exclamations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste)...
M. Philippe Nogrix. Allons bon !
M. Jack Ralite. ... qui gâchent, abîment, cassent en culture, sans la moindre peine et sans aucune intervention acceptée démocratiquement par la commission des finances du Sénat.
M. Philippe Nogrix. Ni par Lionel Jospin !
M. Jack Ralite. Et puis, on ne l'a pas dit suffisamment, un amoindrissement culturel affaiblit la France dans les rendez-vous internationaux capitaux qui approchent,...
M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. C'est sûr !
M. Jack Ralite. ... dans les conséquences de la conférence de Doha au plan mondial ou de la directive « Télévision sans frontières » au plan européen.
Il en est ainsi de l'exception culturelle dont nous avons été depuis toujours les artisans passionnés. En écoutant certains, je comprends maintenant qu'on préfère la « diversité culturelle » à l'« exception culturelle ».
Pourquoi est-ce si important ? Cela concerne la culture, mais, devant ceux qui sont présents aujourd'hui et qui s'intéressent à la question, je n'en ferai point le résumé. Mais je veux dire que cela va beaucoup plus loin.
Prenez l'éducation nationale : la gratuité, à la fin du xixe siècle, cette invention française, c'est une exception culturelle. Prenez la sécurité sociale à la Libération : la mutualisation des crédits pour la garantir, c'est une exception culturelle et, si elle est amoindrie, il y aura sans doute la diversité des maladies et des malades, mais la question de la maladie ne sera pas réglée.
Je veux dire, pour terminer, ma pensée profonde. J'aimerais que l'on essaie de bien me comprendre ; je sens naître et se développer dans notre pays comme un vent mauvais, sombre, contre la culture, contre la création, contre la responsabilité publique...
M. Philippe Nogrix. Incroyable !
M. Jack Ralite. ... qui devrait être assumée. Mais, croyez-moi, il y a du monde pour empêcher la dérive !
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Ralite.
M. Jack Ralite. Je conclus, monsieur le président. Ecoutez bien : j'étais un jour au marché de Figeac (Exclamations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste) et je regardais les livres sur un étal. Or, sur un livre d'un ancien ministre de la culture, Edmond Michelet, traitant de la déportation, figurait en exergue une phase de Péguy - que je ne cesse depuis de répéter : « Je n'aime pas les gens qui réclament la victoire et qui ne font rien pour l'obtenir. Je les trouve impolis. »
Eh bien, il y a eu de l'impolitesse dans notre débat, alors qu'il aurait fallu des excès de courtoisie. C'est pourquoi, en annonçant que les états généraux de la culture vont créer un rendez-vous national du spectacle vivant auquel participeront 50 % d'artistes et que je suis en train de créer un comité de vérité et d'avenir sur l'affaire Messier pour lequel j'ai déjà obtenu le soutien de personnes de toutes opinions, j'appelle à des excès de courtoisie pour la culture et, si c'est nécessaire - puisque Dumas nous fait l'honneur d'une halte courtoise -, à la d'Artagnan ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis. Très belle chute !
M. le président. Je mets aux voix la ligne 35 de l'état E.

(La ligne 35 de l'état E est adoptée.)
M. le président. Le vote sur l'ensemble de l'article 48 est réservé.
Je vous rappelle que les crédits concernant la communication inscrits à la ligne « Services généraux du Premier ministre » seront mis aux voix le jeudi 5 décembre à la suite de l'examen des crédits affectés à la fonction publique et à la réforme de l'Etat.

ÉTAT B


SERVICES DU PREMIER MINISTRE

I. - Services généraux



M. le président. « Titre III : 24 151 649 euros. »

Le vote sur les crédits figurant au titre III est réservé.
M. le président. « Titre IV : moins 32 104 685 euros. »

La parole est à Mme Danièle Pourtaud, sur le titre.
Mme Danièle Pourtaud. Permettez-moi, mes chers collègues, puisque le xixe siècle est à l'honneur aujourd'hui à travers l'hommage que nous rendons à Alexandre Dumas, de donner la parole à un autre de ses brillants représentants, Chateaubriand, qui écrivait : « J'ai aidé à conquérir celle de nos libertés qui les vaut toutes, la liberté de la presse. »
Aujourd'hui, ce qui menace la presse écrite dans notre pays, ce n'est pas la censure, ce sont les problèmes économiques. Or, là encore, monsieur le ministre, je suis désolée de vous dire que le projet de budget que vous nous présentez est en recul. Comparons : sous le gouvernement de Lionel Jospin, les aides à la presse avaient augmenté de 80 % en cinq ans.
M. Michel Pelchat. Comment se fait-il qu'il n'ait pas été réélu ? La France n'est pas reconnaissante envers ses bienfaiteurs !
Mme Danièle Pourtaud. Elles avaient été complétées par la création, sur l'initiative de mon ami Jean-Marie Le Guen, du fonds de modernisation de la presse quotidienne et assimilée d'information politique et générale, financé par une taxe de 1 % sur la publicité hors média. Il faudrait remonter loin dans l'histoire pour trouver un pareil effort.
Aujourd'hui, les crédits d'aides directes à la presse, hors abonnement de l'Etat à l'AFP et du fonds national de la presse, baissent de 12,4 %. L'aide à la diffusion connaît une baisse de 15,2 % par rapport à 2002. Les aides à la presse nationale et locale à faibles ressources publicitaires connaissent une augmentation trop discrète pour être perceptible. Enfin, le fonds d'aide au développement multimédia stagne.
Par ailleurs, le fonds institué pour le remboursement des charges sociales acquittées par les entreprises de presse pour le portage des quotidiens nationaux arrive à échéance, le rapporteur le déplorait. Ce mécanisme unanimement salué pour son efficacité mériterait d'être prorogé.
Pourtant, monsieur le ministre, vous le savez comme moi, la situation de la presse écrite reste délicate, son avenir est incertain, voire compromis. De nombreux titres sont en difficulté du fait de la chute considérable des recettes publicitaires et des difficultés récurrente liées à la distribution.
Monsieur le ministre, vous affirmez que les crédits seront supérieurs en gestion et atteindront plus de 42 millions d'euros. C'est tout de même le fait, pardonnez-moi de vous le dire, d'un joli tour de passe-passe, puisque vous n'hésitez pas à prendre 4,57 millions d'euros d'excédents dans le fonds de modernisation.
Je voudrais m'arrêter un instant sur le fonds de modernisation qui appelle, à mon avis, plusieurs questions.
Ce fonds ne rend pas ce qui était prévu. Vous avez indiqué tout à l'heure à M. le rapporteur pour avis, monsieur le ministre, que vous aviez sollicité l'aide du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. J'espère que vous tiendrez la représentation parlementaire informée des résultats de cette collaboration.
Par ailleurs, comme vous l'avez souligné, monsieur le ministre, les crédits du fonds sont sous-consommés. Plutôt que d'utiliser les crédits destinés à la modernisation de la presse pour masquer le désengagement de l'Etat, n'aurait-on pas pu, et surtout n'aurait-on pas dû, envisager d'améliorer son fonctionnement ? Permettez-moi de vous rappeler les propos que vous avez tenus récemment lors du dîner organisé par l'Humanité : « C'est dans la modernisation de la presse, celle de son impression et celle de sa diffusion, qu'est l'une des clés de l'avenir. C'est pourquoi le Gouvernement est très attaché aux mécanismes du fonds de modernisation ». Oui, monsieur le ministre, nous aussi !
Je vous propose donc deux voies d'amélioration.
Tout d'abord, il conviendrait d'élargir les bénéficiaires à la presse d'information générale, cela n'ôterait rien à la presse d'information politique et permettrait à des titres quotidiens tels que L'Equipe , que j'ai cité tout à l'heure, qui souffrent et qui pourtant concourent à l'information de nos concitoyens, d'en bénéficier. Ce ne serait que justice, car ces titres participent à la solidarité dans le cadre de la diffusion des quotidiens au sein des nouvelles messageries de la presse parisienne, les NMPP.
Ensuite, ce fonds est en particulier destiné à moderniser l'outil de production. Certains journaux souhaitent à juste titre s'en servir pour rénover leur impression, mais son utilisation est plafonnée à quelque 1,83 million d'euros. Or une rotative coûte aujourd'hui 22 millions d'euros. Ce dispositif est d'ordre réglementaire. Il ne dépend donc que de vous, monsieur le ministre, d'améliorer son fonctionnement.
Enfin, il aura fallu peu de temps au gouvernement de M. Raffarin pour mettre à mal la politique de soutien continu, pendant cinq ans, du gouvernement de M. Lionel Jospin à la presse. (Exclamations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Michel Pelchat. Ce n'est pas possible !
M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis. Ce qui est excessif est insignifiant !
Mme Danièle Pourtaud. La diminution des crédits d'aide à la presse pourrait signifier que la presse se porte mieux !
M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis. Il faut lire nos rapports !
Mme Danièle Pourtaud. Malheureusement, je ne saurais mieux dire que vous, monsieur de Broissia. Oui, il y a urgence pour la presse ! Oui, monsieur le rapporteur, le projet de budget est décevant mais, évidemment, nous en tirons pour notre part les conclusions inverses : puisqu'il est mauvais, nous votons contre !
M. Jacques Valade, président de la commission des affaures culturelles. Chacun est dans son rôle !
M. le président. Le vote sur les crédits figurant au titre IV est réservé.

ÉTAT C


SERVICES DU PREMIER MINISTRE

I. - Services généraux



M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 31 792 000 euros.
« Crédits de paiement : 6 901 000 euros. »
Le vote sur les crédits figurant au titre V est réservé.

J'appelle en discussion l'article 63 bis , qui est rattaché pour son examen aux crédits affectés à la communication.

Article 63 bis



M. le président.
« Art. 63 bis. - A compter de 2003, le Gouvernement déposera chaque année sur le bureau de l'Assemblée nationale et sur celui du Sénat, à l'ouverture de la session ordinaire, un rapport faisant état du volume d'émissions télévisées sous-titrées ainsi que celles traduites en langue des signes. Les informations données par ce rapport devront permettre de mieux apprécier le coût de ce sous-titrage et de la traduction en langue des signes pour les sociétés nationales de programmes, les chaînes de télévision publiques et tous autres organismes publics qui développent ces procédés. Ce rapport sera préparé par le Conseil supérieur de l'audiovisuel. » - (Adopté.)
Nous avons terminé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant les crédits de la communication.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.
La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quatorze heures, est reprise à seize heures cinq, sous la présidence de M. Bernard Angels.)

PRÉSIDENCE DE M. BERNARD ANGELS
vice-président

M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi de finances pour 2003, adopté par l'Assemblée nationale.

Anciens combattants



M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant le ministère des anciens combattants.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jacques Baudot, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Rapporteur spécial du budget des anciens combattants, il me revient l'honneur d'ouvrir ce débat et de vous accueillir, monsieur le secrétaire d'Etat, pour cette première discussion budgétaire de la législature, mission dont je m'acquitte avec le plus grand plaisir. Au nom de mes collègues et en mon propre nom, je vous souhaite la bienvenue dans l'hémicycle de la Haute Assemblée.
Le budget des anciens combattants et victimes de guerre, y compris les crédits inscrits au budget de la défense et les dépenses fiscales constituées par les déductions et exonérations accordées aux anciens combattants, représente près de 4 milliards d'euros.
C'est une somme considérable, largement justifiée par le fait qu'elle concerne près de 4 200 000 bénéficiaires, ressortissants directs et ayants cause. Ces chiffres prouvent, s'il était nécessaire, le rôle fondamental du secrétariat d'Etat aux anciens combattants dans la gestion des intérêts de ses ressortissants - mais aussi dans le développement de la politique de mémoire.
Lorsque l'on dit « anciens » combattants, chacun pense : « ancien égale passé ». Mais « anciens combattants », c'est aussi, au travers des leçons de l'histoire, l'avenir des générations futures. Dès votre arrivée rue de Bellechasse, monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez perçu le message dont est porteur votre ministère, et votre projet de « mémoire partagée », avec nos alliés et adversaires d'hier, en est l'exemple.
Cette histoire commune autour de laquelle vous souhaitez souder les nations est un gage de paix pour l'avenir. Cela prouve que le secrétariat d'Etat aux anciens combattants est le ministère non pas du passé, mais du futur, indépendamment de la diminution du nombre de ses ressortissants.
Comme les années précédentes, la réduction globale de 3,97 % du budget s'explique à la fois par la sous-consommation de certains crédits votés les années précédentes et par la diminution naturelle et mathématique du nombre de pensionnés, d'autant que, rapporté au nombre de ressortissants, le montant reste constant.
Depuis plusieurs années, la commission des finances du Sénat, en dépit d'incontestables avancées dont nul ne remet en cause l'intérêt, émettait des avis défavorables sur le vote du budget du secrétariat d'Etat aux anciens combattants, et j'entends déjà nos collègues de l'opposition nous prédire que, comme les années précédentes, nous ne voterons pas le budget.
M. Guy Fischer. C'est bien vrai !
M. Jacques Baudot, rapporteur spécial. Je les entends déjà, et nous les entendrons tout à l'heure.
M. Guy Fischer. Nous espérons bien !
M. Jacques Baudot, rapporteur spécial. Je leur répondrai que les raisons qui ont présidé à ces décisions sont simples.
Vos prédécesseurs, monsieur le secrétaire d'Etat, et plus encore leur chef de gouvernement, ont cultivé - et cela ne vaut pas uniquement en matière budgétaire ! - l'art de la division et de la ségrégation.
J'en veux pour preuve le décret du 13 juillet 2000, l'instruction du 23 juillet 2001, le projet de commémoration du 19 mars, la retraite du combattant attribuée dès l'âge de soixante ans aux seuls bénéficiaires de pensions d'invalidité... Je reviendrai sur ces points dans quelques instants.
Monsieur le secrétaire d'Etat, il vous incombait donc de mettre fin à ces injustices qui divisent le monde combattant. La tâche n'est pas aisée, et la marge de manoeuvre est étroite en raison des contraintes budgétaires qui s'imposent à votre gouvernement. Je comprends que vous n'ayez pu, en quelques mois, résoudre l'ensemble des problèmes. Toutefois, j'espère qu'à l'issue de la législature l'unité du monde combattant sera restaurée.
Ces injustices, ces iniquités, vous en avez fait, monsieur le secrétaire d'Etat, vos priorités. En ce qui concerne le taux de remboursement des frais d'hébergement des cures thermales, par exemple - je ne reviendrai pas sur l'historique de cette « brève tempête » -, je vous remercie d'avoir mis fin à ce contentieux d'autant plus mesquin que l'économie réalisée était plus que modique. Vous légalisez par décret le taux, jusque-là coutumier, de cinq fois le montant du remboursement par la sécurité sociale, et nul ne pourra plus le contester. Ce point final était attendu ; il est le bienvenu.
Autre injustice criante : l'élargissement des conditions d'attribution de la carte du combattant. En effet, par le biais d'une instruction datée du 23 juillet 2001, le secrétaire d'Etat de l'époque, notre collègue Jean-Pierre Masseret, avait accordé dérogatoirement aux policiers et aux CRS ayant séjourné quatre mois sur les territoires algériens le droit à la carte du combattant. Il paraît dès lors parfaitement inéquitable d'exiger douze mois des autres combattants !
M. Jean-Pierre Schosteck. En effet !
M. Jacques Baudot, rapporteur spécial. Autre exception aux principes généraux : je veux parler du décret du 13 juillet 2000 et de l'indemnisation des orphelins dont les parents ont été déportés pour motif d'antisémitisme, mesure à laquelle je souscris. Si, au regard des sommes en jeu, je comprends que vous n'ayez pu dégager la ligne budgétaire nécessaire à l'aplanissement de ce contentieux, je souhaite néanmoins que, en concertation avec le Premier ministre, vous lui trouviez rapidement une issue, car la discrimination confessionnelle sur laquelle est fondée cette mesure est propre à ébranler l'indispensable solidarité du monde combattant, nous l'avons vu et entendu.
Je ne doute pas que M. Philippe Dechartre, que vous avez récemment chargé du traitement de ce dossier et dont la sagesse et la compétence sont incontestées, y apportera une solution acceptée par tous.
Le Parlement attend donc le rapport que la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale a sollicité en adoptant un amendement en ce sens lors du débat du 12 novembre dernier.
Je rends hommage à mes collègues députés, qui, lors de la discussion des articles non rattachés de la deuxième partie de la loi de finances, ont adopté un amendement tendant à insérer après l'article 54 un article additionnel créant une réduction d'impôt en faveur de ceux qui ont été oubliés dans le décret. Je souhaiterais que la démarche que vous entamerez grâce aux travaux de la commission Dechartre puisse aboutir à une extension de cette mesure à tous les pupilles et orphelins de guerre.
Je m'étonne toutefois, alors que la loi de finances rectificative pour 2001 prévoyait l'extension du dispositif aux orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions raciales et déportés, de n'en trouver aucune traduction budgétaire dans le projet de loi de finances pour 2003.
Je tiens d'ailleurs à souligner que, si les crédits prévus à cet effet sont prélevés sur le budget des services du Premier ministre, ce sont les services départementaux de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre, l'ONAC, qui sont chargés de la procédure d'indemnisation.
Je disais tout à l'heure que vos prédécesseurs avaient cultivé l'art de la division, et pas uniquement en matière budgétaire. Je prendrai comme exemple le projet de commémoration du 19 mars, qui a beaucoup divisé ceux qui ont combattu ensemble. On connaît bien l'expression : « diviser pour régner ».
Monsieur le secrétaire d'Etat, je crois savoir que vous êtes parvenu à réunir autour d'une table, à l'occasion des travaux de la commission Favier, l'ensemble des associations concernées par le choix d'une date commémorative de la guerre d'Algérie. C'est un premier pas vers la réconciliation que nous attendons tous, et je tenais à le mettre au crédit de votre action. La recherche de l'accord du monde associatif me semble relever de la plus grande sagesse : il est des points de l'histoire sur lesquels l'Etat doit savoir s'effacer au profit de l'expression populaire et démocratique.
Votre projet de budget présente des avancées incontestables, malgré les contraintes budgétaires.
C'est ainsi que, rapporteur spécial depuis 1994, j'ai été de ceux qui ont milité pour une majoration indexée du plafond de la rente mutualiste. Je me suis donc réjoui lorsque, en 1998, vos prédécesseurs l'ont majoré, hors réserve parlementaire, de 5 points. Cette mesure a depuis lors été reconduite tous les ans.
Par un effort supplémentaire, vous prévoyez cette année une progression de 7,5 points. Je ne doute pas que cette disposition donne satisfaction à la plupart des associations d'anciens combattants. Toutefois, j'aurais préféré que vous en restiez à 5 points et que vous utilisiez le différentiel pour venir en aide aux populations plus démunies.
Je rappelle en effet que la rente mutualiste est une rente viagère - avantageuse - accordée aux anciens combattants qui souhaitent se constituer une épargne et disposent des moyens de le faire. Elle n'est donc pas accessible à tous les anciens combattants.
Selon vos services, l'économie dégagée se serait élevée à 2,231 millions d'euros. J'aurais préféré que, pour mettre fin à l'une des injustices précitées - certes, la somme n'aurait pas suffi, mais elle aurait peut-être permis une avancée significative -, vous utilisiez cette somme pour avancer l'âge de versement de la retraite du combattant ou pour en relever le point d'indice, qui, rappelons-le, est bloqué depuis 1977. Une telle mesure, contrairement à la précédente, présenterait l'avantage de bénéficier à l'ensemble des anciens combattants.
Si je me réjouis que, par voie d'amendement, le Gouvernement ait majoré de 1,5 million d'euros les crédits sociaux de l'ONAC, je regrette toutefois, à l'instar de mes collègues députés, qu'il ait attendu la discussion à l'Assemblée nationale pour prendre conscience de la mission fondamentale que remplit l'Office dans ce domaine. La mission sociale de l'ONAC, notamment en faveur des veuves, mais également des harkis et - c'est tristement d'actualité - des victimes d'attentats terroristes, est essentielle. La réduction de cette dotation constituerait un frein à l'action sociale, individuelle et collective, que les services de l'ONAC ont si utilement su développer.
Je ne donnerai que quelques chiffres symptomatiques de l'accroissement de cette activité. Entre 1997 et 2001, le nombre des interventions en faveur des veuves a été multiplié par 101,5 %, le montant des dépenses progressant de 151,6 %. Entre 1998 et 2001, le nombre des interventions en faveur des harkis a crû de 40 %, le montant des dépenses augmentant de plus de 65 %. Enfin, l'attentat de Karachi a conduit l'ONAC à prendre en charge vingt-cinq pupilles de la nation.
Dans un tel contexte, on ne pouvait admettre que le Gouvernement ait pu envisager une telle régression, contraire aux intérêts des catégories sociales les plus fragiles.
La commission des finances du Sénat tient par ailleurs à remercier l'Assemblée nationale, qui, par le biais de la réserve parlementaire, a abondé en seconde délibération les comptes sociaux de l'ONAC de 750 000 euros.
Enfin, je loue l'effort de gestion des dépenses de fonctionnement de l'Office, qui conduit à une réduction de 2,34 % de la subvention sans entraver le bon fonctionnement de l'établissement public, et ce grâce à la mise en place d'un contrat d'objectifs et de moyens remarquable de rationalité et d'efficacité. Je saisis cette occasion pour rendre hommage à la détermination de son directeur général, qui assure ainsi, j'y insiste, la pérennité de l'institution, que tous souhaitent.
De même, je me réjouis de l'augmentation importante de la subvention de fonctionnement de l'institution emblématique que représente l'INI, l'Institution nationale des invalides, subvention qui progresse de 4,18 %. Elle permettra à l'INI de parachever son projet d'établissement et d'assurer son insertion dans le service public hospitalier.
Est également attendu le bilan médical gratuit en matière de psychotraumatismes de guerre pour les anciens militaires : sont essentiellement concernés ceux qui ont été engagés dans les conflits contemporains. Cette mesure répond à une demande du monde combattant mainte fois renouvelée.
En effet, les conflits récents ont entraîné des pathologies physiques et psychiques nouvelles, méconnues du public, qui laissent souvent les intéressés dans un état d'isolement d'autant plus pénible qu'ils sont peu nombreux à en souffrir. La reconnaissance et la prise en charge de ces affections s'avèrent essentielles dans les thérapies des patients. En leur nom, je vous suis reconnaissant d'avoir assuré le financement de cette mesure en abondant le chapitre 46-27 de 440 000 euros supplémentaires.
Enfin, et cette mesure me tient particulièrement à coeur, vous rompez avec le sordide principe de la cristallisation des pensions et retraites de nos ex-nationaux.
La demande systématique des parlementaires était restée lettre morte. Aussi, je me réjouis que vous mettiez fin, du moins partiellement, à ce processus indigne de la reconnaissance que doit notre nation à nos anciens compagnons d'armes. Cependant, alors que je ne critique pas la somme de 72,5 millions d'euros que vous avez dégagée afin d'assurer cette première étape, je regrette que vous l'ayez partagée entre les chapitres 46-20 et 46-21, ce qui fait craindre un saupoudrage entre les pensions d'invalidité et la retraite du combattant.
Personnellement, comme je l'avais envisagé dans la proposition de loi que j'avais déposée avec quelques-uns de mes collègues en novembre 2000, je reste convaincu que, dans un premier temps, il eût été préférable de consacrer l'intégralité de la somme à la décristallisation de la retraite du combattant seule, ce qui, d'une part, était d'application aisée et, d'autre part, profitait à l'ensemble des anciens combattants.
Quoi qu'il en soit, je tiens à vous faire part de ma gratitutde pour ce pas que vous marquez vers un rétablissement dans leurs droits de nos frères d'armes.
Si j'admets également que l'exigence de réduction du déficit public a dû considérablement diminuer votre liberté d'action, vous imposant des choix cruels, je déplore toutefois que le sort des Reichsarbeitdienst-Kriegshilfsdienst , RAD-KHD, n'ait pas été au nombre de vos priorités. Les vains espoirs engendrés par le recensement engagé par vos prédécesseurs, achevé depuis plus de deux ans, et l'engagement en suspens de « l'entente franco-allemande » rendent la situation des intéressés insoutenables. Vous vous honoreriez d'y mettre fin au plus tôt, d'autant que cette indemnisation, qui représente environ 3 millions d'euros, n'est pas reconductible. Pourquoi ne le feriez-vous pas à l'occasion du quarantième anniversaire du traité de l'Elysée, qui a scellé la réconciliation franco-allemande ?
Malgré les carences sur lesquelles je me suis largement exprimé, mais parce que vous nous avez assuré que vous mettrez tout en oeuvre pour remédier aux injustices que j'ai évoquées il y a quelques instants, parce que vous avez la volonté d'agir dans la concertation et la transparence et parce que votre budget est empreint de générosité, la commission des finances a émis un avis favorable.
Oui, mes chers collègues, en dépit de la diminution des crédits du secrétariat d'Etat aux anciens combattants, la commission appelle à voter ce budget. Si, en effet, l'année passée, la commission a rejeté le budget proposé par votre prédécesseur, c'est parce que les dispositions qu'il comportait, et ce depuis quelques années d'ailleurs, étaient injustes et propres à diviser le monde combattant. Je ne reviendrai pas sur ces mesures inégalitaires que j'avais alors dénoncées tout au long de mon intervention. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Michel Pelchat. Bravo ! C'est vrai !
M. Raymond Courrière. Position partisane !
M. Jacques Baudot, rapporteur spécial. Enfin, la commission, malgré les remarques de son rapporteur, a décidé d'émettre un avis favorable sur l'article 62 rattaché, de même que sur l'article 62 bis, adopté par l'Assemblée nationale.
M. Gilbert Chabroux. Personne n'applaudit ! C'était mauvais !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Marcel Lesbros, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre débat d'aujourd'hui revêt une importance toute particulière. D'abord, il nous permet d'accueillir et de saluer un nouveau secrétaire d'Etat. Ensuite, nous examinons le premier budget de la présente législature. Enfin, le présent projet de budget amorce un mouvement historique et trop longtemps attendu : celui de la décristallisation des pensions et des retraites des anciens combattants d'outre-mer.
Un budget ne se juge pas en fonction de la seule évolution nominale de ses crédits. Il doit s'apprécier surtout au regard de son contenu concret. Cette dernière considération n'est pas nouvelle. Elle marque de façon constante l'appréciation que la commission formule sur le budget des anciens combattants.
Les crédits relatifs aux anciens combattants s'élèvent à 3,5 milliards d'euros, soit une diminution de près de 4 % par rapport aux crédits votés pour 2002.
Mais si les crédits relatifs aux anciens combattants continuent de diminuer cette année, j'ai cependant le sentiment que le présent projet de budget permet des avancées importantes.
Premièrement, concernant la politique de réparation et de reconnaissance des services rendus qui reste le premier poste budgétaire, avec un peu plus de 3 milliards d'euros, il faut dire que la diminution des crédits en valeur absolue, largement imputable à l'évolution de la démographie de la population combattante, n'empêche pas la préservation ni même le renforcement des droits individuels des anciens combattants : en témoigne le retour aux droits anciens dans la prise en charge des cures thermales.
Cette mesure était attendue du monde combattant et avait été demandée avec force par la commission des affaires sociales l'an passé. Elle prouve l'attachement du Gouvernement à la spécificité du droit à réparation dont doit bénéficier chaque ancien combattant. Elle est également le signe de la solidarité envers les plus démunis parmi la population combattante, qui ont été privés, du fait de la diminution du plafond, de cet aspect à la fois concret et symbolique du droit à réparation.
Deuxièmement, en ce qui concerne la politique de solidarité, je ne peux que me réjouir de la majoration des crédits d'action sociale de l'ONAC, intervenue en première lecture devant l'Assemblée nationale. Cette majoration permettra à l'ONAC de poursuivre son action en direction des plus modestes parmi la population combattante, en particulier en faveur des veuves.
Troisièmement enfin, s'agissant de la politique de la mémoire, je voudrais souligner deux éléments qui viennent plus particulièrement conforter l'action conjointe du secrétariat d'Etat aux anciens combattants et du ministère de la défense.
En premier lieu, la mémoire a été inscrite au rang des missions de l'ONAC par la convention d'objectifs et de moyens récemment signée avec l'Etat. La pérennisation des « assistants mémoire » témoigne de la volonté du Gouvernement de disposer d'un outil de proximité pour diffuser la mémoire combattante ; cette action s'adressera en particulier aux jeunes.
En second lieu, le budget pour 2003 marque la volonté d'ouvrir davantage la mémoire combattante au grand public à travers le développement d'un tourisme de mémoire. Les moyens consacrés à cette action sont presque multipliés par trois dans le présent projet de budget.
Mais, plus que sur l'évolution générale des crédits, je voudrais insister sur les avancées que permet ce projet de budget sur des question restées trop longtemps en suspens.
Je l'ai mentionné tout à l'heure : que l'on retiendra de ce projet de budget pour 2003, c'est avant tout l'amorce tant attendue d'un processus global de décristallisation des pensions et des retraites des anciens combattants d'outre-mer, processus dont le dispositif législatif nous sera présenté à l'occasion de l'examen de la loi de finances rectificative pour 2002.
Si on me demandait de résumer le budget des anciens combattants d'un seul mot et de préciser ce qui le caractérise, je répondrais que c'est avant tout et surtout la décristallisation. C'est en effet un processus historique, et la France doit en être fière. (M. Michel Pelchat applaudit.)
Cette mesure, qui mobilise certes 90 % des moyens nouveaux de ce budget, témoigne de la générosité de la France et de sa volonté de reconnaître le sacrifice de ceux qui ont jadis combattu pour elle.
La commission des affaires sociales a émis le souhait que le nouveau mode de calcul des pensions garantisse l'égalité de traitement de tous les combattants. A cet égard, et par mesure d'équité envers les combattants français, il nous semblait que le critère de la parité des pouvoirs d'achat devait être pris en compte.
Nous avons essayé de faire au mieux et de voir s'il était possible d'accorder la parité totale. C'est impossible pour toutes les raisons que vous connaissez bien. Il faut respecter l'économie des pays concernés. Le critère de la parité du pouvoir d'achat nous a donc paru le plus approprié.
Je me félicite, monsieur le secrétaire d'Etat, de ce que vous ayez entendu notre demande.
Le projet de budget pour 2003 permet également de concrétiser un deuxième chantier important : la modernisation de deux piliers institutionnels du monde combattant que sont l'ONAC et l'Institution nationale des invalides.
La signature, le 15 novembre dernier, d'une convention d'objectifs et de moyens entre l'ONAC et ses autorités de tutelle signature qui avait été remise à une date ultérieure par le précédent gouvernement, permettra d'adapter les moyens de l'office à l'évolution de son activité.
Une convention du même ordre, en cours de préparation, permettra à l'Institution nationale des invalides de franchir avec succès l'étape de l'accréditation et de participer pleinement au service public hospitalier.
C'est particulièrement important parce que l'Institution national des invalides jouit d'un grand prestige grâce à ses équipements techniques et à ses chirurgiens de grande valeur. Il faut leur donner les moyens de travailler. Ce serait à l'honneur de votre ministère de soutenir cette activité.
Plusieurs autres demandes du monde combattant trouvent également une réponse dans ce projet de budget.
La création d'un bilan médical gratuit en matière de santé psychique et d'un observatoire de la santé des vétérans constitue un premier pas vers l'amélioration de la reconnaissance des psychotraumatismes de guerre, traumastismes qu'il faut étudier avec précaution.
L'accélération du relèvement du plafond de la rente mutualiste du combattant permettra d'atteindre, dès 2004, l'objectif de 130 points que tous s'accordent à considérer comme un objectif raisonnable.
Au total, et malgré les contraintes budgétaires importantes que chacun connaît, le projet de budget pour 2003 apporte une réponse sinon à toutes les injustices, du moins aux plus criantes.
M. Raymond Courrière. Il n'est pas difficile !
M. Marcel Lesbros, rapporteur pour avis. On peut, bien entendu, regretter de ne pas pouvoir aller plus loin dans certains domaines. Les demandes dont je voudrais à présent me faire l'écho constituent donc non pas des réserves, mais autant de pistes pour les années à venir. J'ai toutefois conscience que certaines de ces propositions ne pourront voir le jour que dans un cadre pluriannuel et sous réserve de conditions budgétaires favorables.
La première piste que je vous propose a trait à la retraite du combattant.
Cette retraite, qui concerne la grande majorité des anciens combattants, a un caractère hautement symbolique ; un geste en sa faveur serait ressenti comme un signe fort de l'attention du Gouvernement à l'égard du monde combattant.
Je me permets, monsieur le secrétaire d'Etat, d'insister sur ce point, car les anciens combattants attendent que vous fassiez un geste fort en faveur de cette revalorisation, à laquelle ils sont très attachés.
La stratégie des précédents gouvernements a toujours consisté à « jouer la montre » (Protestations sur les travées socialistes), de sorte qu'aujourd'hui la demande, maintes fois réitérée, d'un abaissement généralisé à soixante ans de l'âge d'ouverture de la retraite du combattant n'aurait que peu d'effets concrets. Cette mesure aurait pourtant été, je le maintiens, un geste important en faveur des anciens combattants, d'Afrique du Nord en particulier.
Aujourd'hui, la seule piste qui demeure est donc la revalorisation de la retraite du combattant. Cette revalorisation pourrait être engagée de manière pluriannuelle. Il reste, j'en conviens, que son coût budgétaire serait extrêmement élevé.
La seconde piste que je soumets à votre appréciation concerne les conditions d'accès aux différents titres.
La disparité qui existe au niveau des durées de service requises pour l'attribution de la carte du combattant apparaît aujourd'hui comme inéquitable.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Marcel Lesbros, rapporteur pour avis. L'alignement généralisé à quatre mois de service, qui est le souhait des associations, remettrait en cause l'existence du titre de reconnaissance de la nation. Il serait donc juste de réparer certains oublis, comme celui des « maintenus » ou encore celui de la cohérence des dates de cessation des hostilités en Afrique du Nord.
Ma dernière interrogation concerne l'indemnisation des orphelins de victimes du nazisme. Il s'agit, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, d'une question douloureuse.
La limitation, par le décret du 13 juillet 2000, de l'indemnisation aux seuls orphelins juifs dont les parents ont été déportés pour motifs raciaux et qui sont morts dans les camps, bien que justifiée, est ressentie comme une injustice par les autres catégories d'orphelins de déportés, fusillés ou massacrés. Mais une extension pure et simple de l'indemnisation prévue par le décret viendrait en concurrence avec d'autres régimes d'indemnisation et de réparation, certes moins avantageux, mais ayant le même objet.
C'est pourquoi la commission des affaires sociales a estimé qu'un véritable débat devait être ouvert pour aboutir à un régime cohérent d'indemnisation des victimes du nazisme, au sein duquel la spécificité du dispositif du décret du 13 juillet 2000 pourrait être conciliée avec une indemnisation équitable des autres victimes.
Nos collègues de l'Assemblée nationale ont demandé la transmission au Parlement du rapport sur les perspectives d'extension du décret : j'approuve entièrement cette demande, qui permettra d'étoffer le débat que la commission appelle de ses voeux.
En revanche, je ne suis pas certain que la mesure adoptée à l'Assemblée nationale, instaurant, au bénéfice des autres catégories d'orphelins, une réduction d'impôt équivalente au montant de l'indemnisation dont ont bénéficié les orphelins juifs, réponde à cette exigence ; elle paraît en effet précipitée et coupe court au nécessaire débat sur l'indemnisation des victimes du nazisme. De plus, une mesure fiscale pénaliserait les orphelins les plus modestes, qui, n'étant pas soumis à l'impôt sur le revenu, seraient de fait exclus de l'indemnisation.
Ces pistes, que j'expose avec prudence car je sais combien elles sont soumises au contexte budgétaire, ne remettent donc pas en cause l'appréciation de la commission des affaires sociales sur le projet de budget pour 2003, qui permet des avancées encourageantes pour le monde combattant.
C'est pourquoi la commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs aux anciens combattants pour 2003, ainsi qu'aux articles 62 et 62 bis rattachés à ce budget. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR, des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 23 minutes ;
Groupe socialiste, 21 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 20 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 13 minutes ;
Groupe du rassemblement démocratique et social européen, 13 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, 6 minutes.
Je vous rappelle que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser 10 minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. Monsieur le président, monsieur le sécrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui un budget qui nous tient particulièrement à coeur parce qu'il intéresse le monde combattant, un monde qui illustre les pages les plus tragiques sans doute, mais aussi les plus glorieuses de notre histoire.
En effet, aux moments les plus douloureux qu'a connus notre patrie, les anciens combattants ont su faire preuve d'abnégation en acceptant que leur destin personnel s'efface au profit du destin collectif de la France. A ce titre, ils méritent une attention soutenue et constante de la part du législateur.
Les choix budgétaires que nous faisons en faveur des politiques de réparation et de mémoire doivent être guidés par le souvenir des sacrifices consentis par les anciens combattants. Ils doivent être à la hauteur de la mobilisation de leurs valeurs au service de la République.
Pourtant, monsieur le secrétaire d'Etat, le projet de budget pour 2003 est une nouvelle fois en diminution, puisque les crédits régressent de 3,97 %, comme l'ont indiqué avec talent MM. les rapporteurs.
Certes, cette diminution est mécanique pour les raisons démographiques que nous connaissons. La baisse du nombre de ressortissants du budget des anciens combattants explique cet affichage négatif. Néanmoins, ne pourrait-on pas profiter de cette baisse mécanique pour abonder davantage le budget des anciens combattants et permettre le règlement d'un plus grand nombre de chantiers dans le domaine des droits individuels ?
Je pense, notamment, à la revalorisation de la retraite du combattant, à la révision du mode de calcul du rapport constant et, surtout, à la situation des veuves d'ancien combattant. En ma qualité d'élu local, je rencontre, comme la plupart de mes collègues, de nombreuses veuves dans une situation de détresse sociale insupportable. La création d'une allocation spécifique de solidarité pour les plus modestes d'entre elles est une revendication légitime du monde combattant, à laquelle il conviendrait de répondre rapidement.
Malgré toutes ces réserves, il faut reconnaître que ce budget permettra de réaliser quelques avancées non négligeables.
C'est le cas, pour la retraite mutualiste, du relèvement significatif du plafond majorable. En octroyant 7,5 points, vous poursuivez, monsieur le secrétaire d'Etat, l'effort entrepris par le précédent gouvernement et vous répondez à une attente forte des organisations d'anciens combattants. La création d'un bilan médical pour le dépistage des psycho-traumatismes de guerre est également une bonne mesure. On a longtemps ignoré la névrose traumatique liée à des faits de guerre, car les désordres mentaux qui ont pu toucher certains de nos concitoyens ne se sont pas manifestés avec la même ampleur qu'aux Etats-Unis, où la guerre du Vietnam a révélé de façon plus flagrante l'existence des psycho-traumatismes de guerre. La création de centres spécialisés pour le traitement de ces troubles serait peut-être mal adaptée au regard des besoins, mais il serait utile de réfléchir à la création d'une antenne spéciale au sein de notre actuel système de soins.
Je voudrais également saluer les efforts entrepris dans le cadre de la politique de mémoire. La reprise du programme de rénovation des nécropoles nationales et des sépultures de guerre ainsi que le développement du « tourisme de mémoire » témoignent de votre souci, monsieur le secrétaire d'Etat, de favoriser la transmission de la mémoire combattante. La disparition inéluctable des témoins des deux grandes guerres mondiales nous oblige à valoriser les initiatives remémorant l'Histoire afin que les jeunes générations s'instruisent des valeurs du monde combattant.
Enfin, l'examen des crédits consacrés aux anciens combattants apporte une satisfaction en ce qui concerne le dossier de la décristallisation. L'ancienne majorité avait déjà posé quelques jalons dans la loi de finances pour 2002, mais il faut reconnaître que l'effort budgétaire proposé aujourd'hui pose de façon globale le dossier de la décristallisation.
Avec une dotation de 72,5 millions d'euros, la décristallisation mobilise 90 % des moyens nouveaux du budget des anciens combattants pour 2003. C'est là un geste significatif en direction de ceux qui demandent depuis plus de quarante ans le règlement d'une situation injuste.
Nous savons qu'ils sont plusieurs milliers à attendre de la France un acte digne de la devise fondatrice de notre Constitution. Le principe d'égalité qui nous est cher a, en effet, été rompu avec le processus de décolonisation. L'année dernière, l'arrêt Diop du Conseil d'Etat a pointé ce manquement en soulignant que la cristallisation de la pension au regard de la nationalité était contraire à la règle d'égalité de traitement des anciens agents publics.
Nous connaissons les conditions politiques de la cristallisation. Mais souvenons-nous aussi de l'engagement des milliers d'hommes d'AOF à nos côtés durant les deux guerres mondiales. Souvenons-nous du sang versé par les tirailleurs sénégalais, mobilisés à plusieurs reprises pour sauver notre République. Des milliers d'Africains et de Malgaches se sont battus sur tous les fronts. Ils ont été mobilisés et ils ont servi la France avec courage et loyauté. Ils ont chaque fois participé à notre victoire.
Le général de Gaulle disait : « C'est dans ses terres d'outre-mer, dont toutes les populations n'ont pas altéré leur fidélité, que la France a trouvé son recours et la base de départ pour sa libération ».
Pour toutes ces raisons, la France doit rétablir l'égalité en revalorisant les pensions et les retraites de nos amis de Djibouti, du Sénégal, du Vietnam et de bien d'autres pays encore. Naturellement, nous sommes conscients des difficultés de mise en oeuvre de cette décristallisation. Peut-être, monsieur le secrétaire d'Etat, pourrez-vous d'ailleurs nous apporter des précisions quant aux modalités, car de celles-ci dépend la pertinence d'une dotation de 72,5 millions d'euros.
Si la cristallisation consiste en une application du montant du point de base français à tous les pays, nous savons qu'il en coûtera 457,5 millions d'euros par an.
En revanche, si vous privilégiez une décristallisation modulée en fonction de la parité du pouvoir d'achat, comment se décomposent les crédits inscrits à ce titre dans le projet de budget pour 2003 ? Prennent-ils en compte la notion de rattrapage ?
Même si la mise en oeuvre concrète de la décristallisation est renvoyée à des dispositions législatives et réglementaires, j'espère, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous avec déjà tracé quelques pistes. Il serait en effet dommage que les crédits de la décristallisation ne soient pas consommés et que, dès lors, cette louable intention ne soit que la recherche d'un effet d'annonce.
Mes chers collègues, les anciens combattants ont su répondre à l'appel de la patrie lorsqu'elle était en danger. Aujourd'hui, sachons répondre en retour à leurs revendications en amplifiant l'effort de solidarité nationale là ou il est encore insuffisant.
Monsieur le secrétaire d'Etat, considérant avec mes amis radicaux de gauche que, malgré certains efforts, votre budget n'est pas un signe assez fort fait en direction du monde combattant, nous ne voterons pas les crédits qui nous sont proposés. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Michel Pelchat.
M. Michel Pelchat. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, enfin ! Oui, « enfin » ! C'est le mot qui me vient spontanément à l'esprit lorsque je constate que le projet de budget des anciens combattants pour 2003 consacre 72,5 millions d'euros à l'amorce du processus de décristallisation des pensions et retraites versées aux anciens combattants de nos anciens territoires d'outre-mer, un problème sur lequel je suis déjà tant de fois intervenu.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Et qui se trouvait à son origine ?
M. Gilbert Chabroux. Oui, qui a cristallisé ?
M. Raymond Courrière. De Gaulle doit se retourner dans sa tombe !
M. Michel Pelchat. C'est un premier pas mais il est historique !
Enfin, dans les actes, la France va exprimer sa reconnaissance envers ces valeureux soldats du Maghreb, d'Afrique noire, d'Indochine, de Madagascar et d'autres encore, en revenant sur ce dispositif injuste qui est en application depuis 1958.
Au 31 décembre 2000, ils étaient respectivement environ 30 000 personnes et près de 48 600 à bénéficier d'une pension ou d'une retraite du combattant cristallisées.
Mais, que de disparités sous ces chiffres selon les différentes nationalités concernées ! En effet, lorsqu'un ancien combattant français invalide perçoit la somme de 686 euros par mois, le même ancien combattant reçoit 103 euros s'il est camerounais et 61 euros s'il est tunisien ou marocain.
Je regrette qu'il ait fallu attendre le 30 novembre 2001 et un arrêt du Conseil d'Etat pour faire évoluer cette situation inadmissible et honteuse pour notre pays.
Le Conseil d'Etat a en effet considéré à juste titre que la cristallisation des pensions militaires des anciens combattants des ex-territoires d'outre-mer était contraire à l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en ce qu'elle crée une différence de traitement entre les anciens agents publics selon leur nationalité.
Même si le Gouvernement a simplement tiré les conséquences juridiques de cet arrêt en affectant à la décristallisation 72,5 millions d'euros dans ce projet de budget, il est tout à son honneur d'engager dès aujourd'hui cet immense chantier.
Je me réjouis d'ailleurs de constater que l'espoir qu'avaient fait naître dans le monde combattant la réélection de Jacques Chirac à la présidence de la République, l'élection d'une nouvelle majorité à l'Assemblée nationale et votre nomination au secrétariat d'Etat aux anciens combattants n'est pas déçu, car il trouve aujourd'hui un début de concrétisation.
Permettez-moi toutefois de formuler une réserve sur le principe de la parité du pouvoir d'achat, principe qui a été arrêté et selon lequel sera régi le règlement de la question de la décristallisation.
Il peut paraître juste à première vue mais ce n'est pas tout à fait mon point de vue.
Pourquoi traiterions-nous différemment ceux qui ont produit pour la France et ceux qui ont servi la France au péril de leur vie, et à qui nous devons peut-être en grande partie de pouvoir nous exprimer librement aujourd'hui ?
Je ne suis donc pas convaincu que ce principe de la parité du pouvoir d'achat soit aussi juste qu'on le pense. Peut-être, monsieur le secrétaire d'Etat, le problème mérite-t-il qu'on y réfléchisse encore. Cela dit, j'espère que, dans le même état d'esprit de reconnaissance que celui qui vous a animé lors de la préparation de votre projet de budget, vous apporterez votre soutien à la proposition de loi que j'ai déposée et qui a été cosignée par de nombreux collègues sénateurs.
Elle a pour objet de permettre l'attribution de la nationalité française aux ressortissant des ex-territoires d'outre-mer ayant combattu dans une unité de l'armée française et ayant été gravement blessés au combat, s'ils le souhaitent et quel que soit leur lieu actuel de résidence.
Cette proposition de loi n'a pu être discutée durant la dernière session mais je ne désespère pas qu'elle soit prochainement inscrite à l'ordre du jour, puis adoptée à une très forte majorité. En tout cas, je le souhaite ardemment.
Le projet de budget que vous nous présentez aujourd'hui, monsieur le secrétaire d'Etat, comprend d'autres avancées, notamment en matière de soins médicaux et de suivi sanitaire des anciens combattants.
Il faut bien admettre, toutefois, qu'il n'apporte pas toutes les réponses aux attentes du monde combattant. Je sais que vous en êtes conscient et que vous portez toute votre attention à ces questions en suspens, que les rapporteurs ont très clairement exposées.
Je n'y reviendrai pas, car je souhaitais pour ma part insister sur l'amorce historique du processus de décristallisation.
C'est par conséquent bien volontiers, monsieur le secrétaire d'Etat, que je voterai le projet de budget que vous nous présentez ainsi que les articles rattachés.
Merci encore, monsieur le secrétaire d'Etat, au nom de nos camarades ! (Appaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Hubert Durand-Chastel. M. Hubert Durand-Chastel. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'examen des crédits destinés aux anciens combattants dans le projet loi de finances pour 2003 fait apparaître une baisse de 3,9 % par rapport à 2002, correspondant, en réalité, à la diminution de 4 % des parties prenantes du secrétariat d'Etat.
Le droit à réparation, cher aux anciens combattants, est donc respecté dans un contexte de limitation indispensable des dépenses publiques.
Ce projet de budget s'inscrit dans une politique volontariste de solidarité et de mémoire envers le monde combattant, avec une marge de manoeuvre appréciable en moyens nouveaux de 80,1 millions d'euros.
Je m'intéresserai surtout à nos ressortissants anciens combattants à l'étranger, ainsi qu'aux étrangers ayant combattu pour la France, en me référant aux voeux que la commission des anciens combattants a exprimés lors de la dernière assemblée plénière du Conseil supérieur des Français de l'étranger, le CSFE.
Le Conseil a souligné l'importance des actions de la mémoire et de l'information historique à l'étranger. Pour les jeunes générations françaises et pour les francophones fréquentant nos établissements d'enseignement français à l'étranger, la promotion des actions pédagogiques rappelant le souvenir et exaltant les valeurs de courage, de volonté et de citoyenneté est primordiale. Ces établissements comptent plus de 160 000 élèves : il ne faut pas les oublier dans votre « plan mémoire », monsieur le secrétaire d'Etat. L'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, qui les regroupe, doit insister sur le renforcement des cours de civisme et d'histoire, en rappelant, en particulier, notre dette envers les anciens combattants, dont le sacrifice a permis à notre monde libre de se maintenir et de se développer.
Le CSFE souhaite également qu'il soit recommandé aux représentations diplomatiques et consulaires de participer nombreuses et le plus possible aux manifestations patriotiques à l'étranger que sont le 8 Mai, le 14 Juillet et le 11 Novembre. Ces manifestations sont encore plus importantes à l'étranger qu'en métropole, car elles constituent des occasions de rencontre des différents membres de la communauté française dans les pays d'accueil : nos compatriotes établis hors de France peuvent ainsi témoigner de leur attachement à la mère patrie.
Enfin, l'entretien et la restauration des nécropoles à l'étranger restent un devoir de mémoire. Il arrive pourtant que des tombes ou de simples plaques commémoratives soient en ruine, ce qui choque beaucoup nos ressortissants. Hélas ! les associations d'anciens combattants français à l'étranger n'ont pas toujours les moyens d'intervenir.
Le développement d'un tourisme de la mémoire de qualité à l'étranger, où nos combattants se sont illustrés dans de nombreux lieux, exige quelques crédits supplémentaires, fort modestes au demeurant.
Monsieur le secrétaire d'Etat, votre budget prévoit-il d'intensifier l'entretien des monuments à l'étranger ?
S'agissant de l'aide aux anciens combattants, le CSFE a émis le voeu que les allocations forfaitaires octroyées aux harkis comme rentes viagères au titre de reconnaissance de la nation soient délivrées sans discrimination des lieux de résidence et soient réversibles aux veuves, comme c'est le cas dans l'Espace économique européen. Cette demande sera-t-elle prise en compte, monsieur le secrétaire d'Etat ?
J'en arrive au problème de la décristallisation des retraites et des pensions des anciens combattants originaires des anciens territoires français.
Lors de l'accession de ces pays à l'indépendance, ces retraites et pensions ont été remplacées par des indemnités annuelles cristallisées, c'est-à-dire gelées. Or cette prestation varie beaucoup en fonction de la date de l'indépendance et se dévalorise très sensiblement avec le temps. Ainsi, la valeur actuelle du point d'indice, base de la prestation, qui vaut en France 12,73 euros, correspond à 1,32 euro en Algérie et à 0,48 euro dans les ex-pays d'Indochine, avec un maximum de 6,87 euros à Djibouti.
Le Conseil d'Etat a jugé que la cristallisation représentait une discrimination illégale, en vertu de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ratifiée par la France. Bien que les conséquences financières de cette jurisprudence, évaluées à plus de 450 millions d'euros, ne permettent pas son application totale et immédiate, le Gouvernement s'est engagé à rétablir une plus grande équité.
Deux voies de revalorisation ont été préconisées : une première solution partielle est fondée sur les niveaux des pouvoirs d'achat des monnaies des différents pays ; une seconde consiste en un double paiement, l'un forfaitaire et l'autre variable en fonction du pouvoir d'achat. Différentes associations d'immigrés et de handicapés protestent contre ces formules dilatoires. Celles-ci aboutiraient à ce que la France traite ses anciens combattants moins bien que les nombreux étrangers venus chercher en France un asile économique, ou bien à ce qu'elle diffère l'application des décisions sans équivoque de sa propre justice jusqu'à la disparition des parties prenantes.
Dans le projet de budget pour 2003 est prévu un crédit de 72,5 millions d'euros pour entamer le règlement de ce grave problème. Monsieur le secrétaire d'Etat, pouvez-vous indiquer quelle est la position du Gouvernement et nous dire si le Parlement sera prochainement saisi d'un texte à cet égard ?
Je conclurai en suggérant que soit envisagée la création d'une « Journée nationale du souvenir et de la mémoire partagée » pour commémorer l'ensemble des sacrifices accomplis par la nation. Elle inclurait les anciens combattants mais aussi les déportés et les internés résistants et patriotes. Cette journée, qui ne serait pas chômée, serait l'occasion d'une information pédagogique prodiguée à tous les élèves des établissements d'enseignement français de métropole et à l'étranger.
Merci, monsieur le secrétaire d'Etat, des réponses que vous apporterez aux représentants des Français à l'étranger, très attachés à la nation. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Gilbert Chabroux.
M. Gilbert Chabroux. Tout d'abord, monsieur le secrétaire d'Etat, comme mes collègues, je tiens à vous saluer avec beaucoup de respect et à vous adresser mes voeux au moment où vous présentez votre premier budget au Sénat. La tâche est difficile et vous avez sans aucun doute la volonté de bien faire, mais il n'y aura pas de miracle ! Vous avez d'ailleurs déjà dû vous plier à la dure loi des arbitrages budgétaires et de Bercy.
Non, il n'y aura pas de miracle. Le Gouvernement ne peut pas diminuer les impôts pour les plus favorisés et augmenter les budgets.
M. Raymond Courrière. Bravo !
M. Gilbert Chabroux. Il y a bien quelques budgets qui sont privilégiés, celui de la défense, celui de la justice et, surtout, celui du ministère de l'intérieur !
M. Jean-Pierre Schosteck. Heureusement !
M. Gilbert Chabroux. Mais il y en a beaucoup d'autres qui sont sacrifiés, avec toutes les conséquences dommageables qui peuvent en découler.
M. Raymond Courrière. Très bien !
M. Gilbert Chabroux. Je pense en particulier au budget de l'éducation nationale, qui est pourtant destiné à préparer l'avenir de la France ; je pense également au budget de la culture, à celui de la recherche et aussi, hélas ! à celui des anciens combattants. Et, là, je m'indigne, car nous avons une dette à l'égard des anciens combattants et nous nous devons d'assurer la reconnaissance légitime de la nation à toutes celles et à tous ceux qui, à un moment de notre histoire, l'ont défendue avec vaillance, courage et dignité !
Or, cela fait longtemps que le budget des anciens combattants n'avait connu une diminution aussi importante de ses crédits : 3,98 % de moins, alors que son périmètre s'élargit et englobe les harkis - ce qui constitue au demeurant une bonne mesure. Et ce ne sont pas les 1,5 million d'euros votés par l'Assemblée nationale en faveur des crédits sociaux de l'ONAC qui changeront notre opinion ! Le budget des anciens combattants est sacrifié sur l'autel de la réduction de la fiscalité ! Les explications laborieuses du rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, M. Marcel Lesbros, qui fait, lui aussi, de son mieux, et celles, partisanes, du rapporteur spécial de la commission des finances, M. Jacques Baudot, ne nous convaincront pas.
M. Raymond Courrière. Ce ne sont pas des arguments, ce sont des arguties !
M. Gilbert Chabroux. L'année dernière, les crédits du budget des anciens combattants baissaient de 2 % alors que le nombre de ressortissants diminuait de 4 % et vous nous expliquiez que c'était un drame, qu'il fallait voter contre le budget ! Cette année, les crédits sont réduits de 4 % et ce serait un progrès ! (M. Raymond Courrière rit.) A qui peut-on faire croire cela ? La politique politicienne devrait être exclue de nos débats ou de nos préoccupations lorsqu'il s'agit des anciens combattants.
Bien sûr, on nous parle de mesures nouvelles comme s'il ne fallait voir que cela. Mais sur les 80 millions d'euros de mesures nouvelles, 72,5 millions d'euros sont consacrés à la mise en route du processus de décristallisation sur lequel nous avions tous exprimé notre accord...
M. Alain Gournac. Il fallait voter pour !
M. Gilbert Chabroux. ... en souhaitant d'ailleurs, à l'instar de la commission présidée par Anicet Le Pors, pouvoir aller beaucoup plus loin et ne pas s'en tenir à cette simple ébauche. Il nous semble que la dépense doit non pas relever du budget des anciens combattants mais directement du Premier ministre. C'est une dette de l'Etat, et il revient au général de Gaulle d'avoir décidé de la cristallisation. C'est au Premier ministre de réparer cette défaillance à la suite du jugement rendu par le Conseil d'Etat.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous nous dites que ce premier budget est un budget de transition. Nous avons déjà entendu ce mot de « transition » dans cet hémicycle. Nous l'avons entendu pour le projet de loi de financement de la sécurité sociale et il n'était pas fait pour nous rassurer puisque, derrière ce terme, semble se profiler une forme de privatisation. Qu'en est-il pour votre budget ? Transition vers quoi ?
M. Raymond Courrière. Vers la liquidation !
M. Gilbert Chabroux. Les années précédentes, il y avait une ligne directrice. On pouvait regretter de ne pas aller assez vite, mais une programmation se développait, par exemple pour les anciens combattants d'Afrique du Nord. Il fallait d'abord savoir reconnaître officiellement la guerre d'Algérie et les combats en Tunisie et au Maroc. Il fallait aussi élargir les conditions d'accès à la carte du combattant et au titre de reconnaissance de la nation ; cela s'est fait étape par étape. Est intervenue aussi la réunification progressive sur trois années de la valeur du point pour les grands invalides.
On peut citer également la progression des crédits sociaux de l'ONAC, en particulier pour mieux venir en aide aux veuves d'anciens combattants qui se retrouvent dans des situations difficiles. Avec votre budget, nous ne savons pas très bien où nous allons. Ou, plutôt, nous éprouvons beaucoup d'inquiétude, par exemple pour l'ONAC, dont les effectifs pourraient être réduits de 796 à 533 à l'horizon 2007, alors que vous lui confiez des tâches supplémentaires comme la gestion des droits des harkis.
Les crédits de fonctionnement, pour l'année 2003, anticipent cette chute en baissant de 2,34 %, ce qui correspond à la suppression de cinquante emplois dans les services départementaux.
Cette politique de régression inquiète fortement les personnels qui ont fait grève, à 90 %, le 15 octobre dernier. Ils ne comprennent pas et nous ne comprenons pas plus qu'eux que les promesses du candidat Jacques Chirac ne soient pas tenues. Il avait pourtant réclamé avec énergie le 19 février 2002, au tout début de sa campagne présidentielle, le « renforcement » des moyens de l'ONAC.
M. Raymond Courrière. Maintenant, il est élu !
M. Gilbert Chabroux. Nous souhaiterions également que le problème des veuves d'anciens combattants soit traité de façon claire et dans le prolongement de l'action du précédent gouvernement. Elles ont pu bénéficier d'une carte officielle de veuve d'ancien combattant. Elles sont reconnues ainsi en tant que ressortissantes de l'ONAC. Quinze mille veuves de grands invalides ont pu bénéficier d'une revalorisation de leur pension. Les autres, pour la plupart, connaissent des conditions de vie précaires et ne disposent que de très faibles revenus. Quel est le plan que vous voulez mettre en oeuvre pour venir en aide à ces veuves d'anciens combattants, notamment aux veuves de guerre ?
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous insistez sur l'augmentation du plafond de la rente mutualiste : 7,5 points de plus, au lieu de 5 points les années précédentes. Nous apprécions cet effort, mais nous ne le considérons pas pour autant comme la première des priorités, sachant que seulement un ancien combattant sur cinq peut cotiser à la hauteur du plafond. Il faudrait, maintenant que le nombre d'anciens combattants bénéficiant de la retraite s'est stabilisé, alors qu'il augmentait fortement ces dernières années, revoir le montant de la retraite en l'augmentant progressivement chaque année. Vous pourriez ainsi présenter une programmation sur cinq ans, permettant de passer de 33 à 48 points, ce qui correspondrait à l'indice minimum de la pension militaire d'invalidité.
Peut-être convient-il de rappeler que le montant de la retraite du combattant sera, si vous ne faites rien, de 423 euros et 6 centimes, soit 2 775 francs l'année prochaine, pour l'année entière, c'est-à-dire une somme extrêmement modique au regard des épreuves endurées par nos soldats !
D'autres questions se posent. Gisèle Printz évoquera, entre autres, celles qui sont relatives aux anciens du RAD et aux patriotes résistant à l'Occupation, les PRO.
Nous sommes toujours très attentifs aux problèmes du choix de la date de commémoration de la guerre d'Algérie. Nous souhaitons sortir au plus vite de l'incertitude et nous attendons la proposition qui sera faite par la commission représentative présidée par M. Jean Favier.
Mais je voudrais évoquer un peu plus longuement le problème des orphelins de déportés, de fusillés ou de massacrés. On ne peut que regretter l'inégalité profonde existant entre les orphelins qui bénéficient du dispositif mis en place par le décret du 13 juillet 2000 et les autres. Ce décret constitue une mesure de réparation spécifique qu'il importe de ne pas modifier ni d'étendre eu égard au caractère particulier de la Shoah. Mais il faut créer une nouvelle mesure de réparation au profit de tous les autres orphelins de déportés, quelle que soit la raison de cette déportation.
M. Jacques Baudot, rapporteur spécial. Que ne l'avez-vous fait !
M. Gilbert Chabroux. Tous les orphelins de parents déportés, juifs ou non, doivent bénéficier des mêmes droits. Nous attendrons en tout cas avec le plus grand intérêt le rapport de la mission qui a été confiée à M. Philippe Dechartre.
Enfin, le problème de ces orphelins m'amène à dire un mot sur la Résistance, en lien avec la politique de mémoire. Nous pensons, comme vous, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'il faut « susciter l'adhésion des jeunes générations aux valeurs que nos anciens ont défendues dans les conflits du xxe siècle ». Et il est vrai que « la liberté et la dignité figurent en tête de ces valeurs si nécessaires à notre temps ».
Ne serait-il pas possible, pour garder « vivantes et fortes » ces valeurs, d'instituer une journée nationale de la Résistance ? De nombreuses villes, déjà, organisent des cérémonies, le 27 mai, en souvenir de l'unification de la Résistance et du Conseil national de la Résistance. Cette journée nationale permettrait de mettre l'accent sur le rôle de la Résistance et le sacrifice exemplaire de Jean Moulin. Comment entendez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, marquer le 27 mai prochain le soixantième anniversaire de la première réunion du CNR ?
Le secrétaire d'Etat aux anciens combattants a une place à tenir qui est irremplaçable, qu'il s'agisse de la transmission de la mémoire ou de la défense des idéaux républicains. Il s'agit de transmettre les valeurs républicaines et, tout simplement, la devise de la République aux jeunes générations d'une société déstabilisée dans laquelle, hélas ! l'intolérance et les idées extrémistes restent toujours très fortes. Nous sommes tous encore sous le choc du 21 avril 2002.
Ce devoir qui vous incombe - et qui nous incombe à tous - n'exige pas toujours des crédits, mais il y faut des initiatives et une politique ambitieuse. Ne pensez-vous pas qu'il faudrait créer un véritable partenariat avec l'éducation nationale et sans doute instituer, avec l'aide des mairies, une journée d'éducation laissant une très large place à la mémoire, une journée civique et citoyenne dans les écoles, dans les lycées et les collèges ?
Monsieur le secrétaire d'Etat, en conclusion, vos intentions sont sans doute bonnes, mais votre budget manque singulièrement d'ambition. Il tranche par rapport à ceux que nous avons examinés les années précédentes et qui s'inscrivaient dans une programmation répondant aux attentes du monde combattant. Vos moyens sont par trop limités pour permettre de franchir une étape significative !
Avec tristesse, car il s'agit des anciens combattants, le groupe socialiste sera contraint de voter contre votre projet de budget. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur les quelques mesures positives que contient ce budget qui - si nous en prenons acte - n'est pas celui qu'attendait l'ensemble des générations du feu. Sans surprises et trop comptable dans sa conception, il est en baisse de près de 4 % dans des proportions deux fois plus importantes que l'an dernier, alors que le simple maintien des crédits aurait permis de satisfaire l'essentiel des revendications. J'en donnerai tout à l'heure un exemple édifiant.
J'évoquerai tout d'abord les principaux points de ce budget qui alimente nos craintes.
La retraite du combattant figure au premier plan de nos préoccupations.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous vous opposez à toute négociation sur un relèvement, même par étapes, du montant de cette retraite qui stagne depuis des décennies et qui, s'élève aujourd'hui, à 423,06 euros par an. Les anciens combattants sont mécontents de cette situation et ils souhaiteraient vivement qu'une revalorisation puisse faire l'objet d'un accord-cadre pluriannuel.
L'harmonisation des conditions d'attribution de la carte du combattant est toujours très attendue. Alors qu'elle est à présent accordée aux CRS et policiers ayant effectué quatre mois de présence, pourquoi ne l'est-elle pas, sur la même base, pour les appelés ayant servi en Algérie ? Et pourquoi ne pas attribuer la carte du combattant en Tunisie et au Maroc à tous ceux qui ont combattu jusqu'au 5 mai 1958, date jusqu'à laquelle la médaille commémorative a été décernée par le ministre de la défense sur ces deux théâtres d'opérations ?
Quant au plafond majorable de la rente mutualiste, si la progression de 7,5 points constitue une avancée, nous sommes toujours loin des 130 points demandés.
Concernant la décristallisation, vous avez indiqué qu'il conviendrait de légiférer. Sur un sujet aussi sensible, les 72,5 millions d'euros - que vous définissez comme une « provision », et nous l'entendons ainsi - constituent-ils une première étape vers la remise à parité complète de la valeur du point des pensions militaires d'invalidité en France, que demandent unanimement les associations d'anciens combattants et les parlementaires, sénateurs compris, de tous les groupes représentés dans la commission de travail ? Encore faudra-t-il discuter des caractères discriminants qui pourraient être évoqués. Ou bien s'agit-il d'un simple relèvement ponctuel uniforme, voire différentiel par pays concerné, qui ne ferait donc qu'aggraver le sentiment d'injustice éprouvé par les anciens combattants des ex-pays coloniaux ? Je vous rappelle qu'ils étaient français !
Qu'en est-il, également, de la levée des forclusions frappant toujours les demandes de pension et d'aggravation, ainsi que les pensions de réversion des veuves et des anciens combattants de ces pays ? Mon amie Marie-Claude Beaudeau reviendra sur ce point.
S'agissant de l'ONAC, il est incompréhensible que vous ayez voulu réduire ses crédits d'action sociale de 12,5 % alors que les veuves, dont beaucoup sont des personnes modestes, vont devenir majoritaires parmi les ressortissants de l'Office.
Le budget 2002 avait relevé la pension de réversion des veuves des plus grands invalides. Mais un effort reste à faire pour les autres, qui vivent souvent dans des conditions difficiles. Elles devraient pouvoir percevoir des droits à réparation plus importants de la part de l'Office. Il est hautement paradoxal que vous réduisiez ainsi ses moyens d'intervention, et que, peu après, vous fassiez adopter par l'Assemblée nationale un rétablissement du montant des crédits sociaux, qui plus est sur la réserve parlementaire, alors que les anciens combattants demandent non pas l'aumône aux parlementaires mais un droit à réparation.
Par ailleurs, bien que dans le contrat d'objectifs et de moyens qui a été adopté majoritairement par le conseil d'administration soit inscrite la création progressive de 100 postes d'assistants pour la mémoire, j'ai les plus grandes inquiétudes quant à la capacité des services départementaux à continuer d'assurer un service de proximité aux ressortissants. Nous ne sommes pas convaincus, par exemple, que les assistantes sociales pourront mieux se consacrer à leur travail d'écoute et de soutien alors que leurs effectifs en personnel administratif seront réduits.
Je voudrais également revenir sur le décret du 13 juillet 2000, qui instaure une différence de traitement entre les orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites et les autres catégories d'orphelins, dont les parents sont morts en déportation, ont été fusillés ou massacrés par les nazis. Sur ce sujet, les amendements adoptés par l'Assemblée nationale ne nous satisfont pas complètement. J'attends donc de vous que ce décret soit clairement étendu à l'ensemble des orphelins dont les parents furent victimes du nazisme.
En outre, si votre projet de budget prévoit bien d'affecter 440 000 euros aux consultations pour psychotraumatismes de guerre, ce montant apparaît dérisoire face aux besoins réels qu'exigerait la mise en place de centres de soins gratuits de proximité dans chaque département, avec les personnels indispensables et formés. Malgré nos demandes réitérées, aucune enquête épidémiologique n'a encore été diligentée. Entendez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, mettre celle-ci en chantier au début de 2003 ?
Toujours au chapitre des revendications non satisfaites, je déplore, comme d'autres de mes collègues, que l'indemnisation des incorporés de force, les « RAD-KHD », ne soit toujours pas intervenue faute d'accord entre le gouvernement français et l'entente franco-allemande.
Je citerai également une autre catégorie spécifique de victimes du nazisme : les patriotes résistant à l'Occupation du Rhin et de la Moselle, qui ont payé très cher leur refus de la germanisation. Ne serait-il pas juste de permettre aux quelques milliers de survivants, aujourd'hui retraités, de bénéficier d'un taux d'invalidité de 100 % en raison des séquelles de santé dues à leur internement ?
Mme Hélène Luc. C'est le moment ou jamais...
M. Alain Gournac. Pourquoi ne l'avez-vous pas fait ?
M. Jean-Pierre Schosteck. Ils n'ont pas eu le temps !
M. Guy Fischer. Abordant - malheureusement trop rapidement, car le temps m'est compté - le devoir de mémoire, je voudrais souligner qu'il ne peut être accompli sans dates de commémoration et sans objet défini.
Je vous demande donc de faire droit à la demande des résistants en consacrant le 27 mai, date de la première réunion du Conseil national de la Résistance, journée nationale de la Résistance. Comment mieux célébrer, en 2003, le soixantième anniversaire de cette date historique ?
De la même façon, dans l'attente de l'officialisation de la date du 19 mars 1962...
M. Marcel-Pierre Cleach. Ah ça !
M. Guy Fischer. ... comme journée nationale du souvenir et du recueillement pour la guerre d'Algérie et les combats en Tunisie et au Maroc, la troisième génération du feu demeure « sans date ». Mon groupe et moi-même, après avoir contribué à la reconnaissance de l'état de guerre en Algérie, avions déposé une proposition de loi dans ce sens...
M. Alain Gournac. Très mauvaise !
M. Guy Fischer. ... et avions fondé tous nos espoirs sur la proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale le 15 janvier 2002. Malheureusement, ce texte n'a pas été examiné au Sénat. Aujourd'hui, nous repartons pratiquement de zéro, avec amertume, certes, mais non sans espoir, car, à cet égard, l'histoire et le peuple de France sauront assurer la pérennité de la seule date officielle ayant marqué la fin de la guerre d'Algérie, il y a quarante ans, sur le terrain : celle du cessez-le-feu proclamé.
Vous vous dites, monsieur le secrétaire d'Etat, partisan d'un étroit partenariat avec les associations d'anciens combattants : ne soyez pas sourd à leurs demandes. Certes, vous promettez des études et des commissions, mais cette bienveillance ne saurait remplacer un budget qui satisfasse leurs revendications.
Pour ma part, je vous appelle très solennellement à obtenir de Bercy un effort supplémentaire dont je pense qu'il devrait porter sur une première étape de revalorisation de la retraite du combattant. Vous disiez à l'Assemblée nationale qu'une augmentation de cinq points consommerait 80 millions d'euros. Monsieur le secrétaire d'Etat, j'ai fait mes comptes, les associations également. Elles estiment à juste titre que la revalorisation de la retraite du combattant pour une première étape de cinq points ferait encore apparaître un budget en diminution de 1,76 %, ce qui est parfaitement réalisable.
Pour conclure, monsieur le secrétaire d'Etat, mon groupe et moi-même ne sommes pas satisfaits de ce budget ; nous ne le voterons pas en l'état et nous présenterons des amendements qui vont dans le sens des attentes du monde combattant. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Joseph Ostermann. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
Mme Hélène Luc. Attendez de savoir ce qu'il va dire ! Vous êtes sûrs qu'il ne va pas proposer de diminuer le budget ?
M. Jean-Pierre Schosteck. C'est cela, la confiance !
M. Alain Gournac. C'est un bon sénateur !
M. Joseph Ostermann. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la nécessaire rigueur budgétaire, alliée à une certaine baisse du nombre de parties prenantes, est l'occasion d'une réorientation de la politique menée en faveur des anciens combattants qui est ainsi recentrée sur quelques axes importants.
Il convient de saluer les avancées apportées par le présent projet de budget sur un certain nombre de dossiers, dossiers qui sont en instance depuis de nombreuses années...
M. Alain Gournac. Tiens, tiens !
M. Joseph Ostermann. ... au-delà des changements de majorité. En fait, seul le ton des intervenants s'adapte aux alternances !
M. Alain Gournac. Cela c'est vrai !
M. Joseph Ostermann. Je souhaite, dans un premier temps, évoquer le dossier de la décristallisation des pensions, déjà cité par nos collègues et qui est maintenant sur le point de trouver un dénouement. Ainsi, 72,5 millions d'euros sont affectés à la décristallisation à titre de provisions en attendant le dépôt d'un prochain projet de loi.
Pourriez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, nous indiquer, parmi les trois propositions de règlement du problème formulées par la commission présidée par Anicet Le Pors, laquelle a votre préférence ? Mais au-delà des montants inscrits en 2003, c'est le principe même qui est en cause et il s'agit maintenant d'inscrire les moyens dans les budgets à venir.
Autre avancée notable contenue dans le présent projet de budget : celle de l'article 62 qui vise au relèvement du plafond majorable de la rente mutualiste du combattant à 122,5 points d'indice de pension militaire.
Cette hausse est inégalée. Il convient de le mentionner et, par conséquent, de féliciter le Gouvernement et M. le secrétaire d'Etat. En effet, depuis l'an 2000, les relèvements successifs de ce plafond ont entraîné une dépense budgétaire supplémentaire de près de 6 millions d'euros. La nouvelle revalorisation prévue pour 2003 fait, elle, plus que doubler cette somme en une seule fois.
Enfin, dernière caractéristique notable : la hausse de 17,25 % des crédits consacrés à la mémoire et à l'information historique. Cette orientation me paraît indispensable dans le contexte actuel de baisse forte et continue des effectifs depuis plusieurs années. Le nombre très réduit - une soixantaine, je crois - d'anciens combattants de la Première Guerre mondiale, souligné lors des dernières célébrations du 11 Novembre, est révélateur.
C'est pourquoi, alors que les effectifs se réduisent et dans la mesure où la situation de paix demeure, il convient de réorienter progressivement notre politique en passant de l'indemnisation à un travail de mémoire, particulièrement auprès des jeunes générations. Celles-ci, j'ai pu le noter le 11 novembre dernier, ont tendance à ne plus mesurer l'importance des événements passés.
En outre, au-delà du simple effort de mémoire, ce travail de sensibilisation me semble important pour insuffler à ces jeunes un esprit de paix.
Par ailleurs, je suis particulièrement sensible à cette politique de mémoire en tant qu'élu alsacien, puisque ma région a été spécialement touchée par les deux conflits mondiaux.
Je salue ainsi le renforcement de la mise en valeur des hauts lieux de mémoire liés au second conflit mondial, notamment le financement de la première phase des travaux du futur centre européen du déporté résistant au Struthof, ainsi que le soutien financier au projet du mémorial de Schirmeck, destiné à retracer l'histoire de l'Alsace-Moselle annexée.
Je souhaite également exprimer ma satisfaction à l'égard du développement des actions pédagogiques destinées aux jeunes générations. Il conviendrait toutefois, selon moi, d'aller plus loin dans ce sens. Il apparaît en effet que la multiplication des journées de commémoration induit un risque de brouillage du message.
C'est pourquoi j'ai récemment déposé une proposition de loi visant à instaurer une journée unique du souvenir et de recueillement à la mémoire des victimes, tant civiles que militaires, de tous les conflits auxquels la France a participé. Elle prévoit - et c'est une innovation - de faire précéder cette journée d'une demi-journée de sensibilisation obligatoire des élèves de toutes les écoles.
Nous devons saisir cette occasion d'évoquer l'histoire de France alliée à la mémoire et, le cas échéant, permettre aux anciens combattants de devenir devant les classes les témoins vivants des drames subis par notre pays et par ses citoyens.
Cette action de sensibilisation devrait avoir plusieurs objectifs : une réflexion sur le temps présent, un nécessaire retour sur certains événements passés, le resserrement de l'identité nationale, un renforcement de la cohésion nationale et le rappel de valeurs communes.
Le présent projet de budget présente, par conséquent, des avancées importantes. Toutefois, l'élu alsacien que je suis ne peut que regretter que l'arrivée d'un nouveau secrétaire d'Etat, de surcroît ancien combattant lui-même, n'ait pas permis de régler un problème très ancien, celui de l'indemnisation des incorporés de force dans les organisations paramilitaires allemandes RAD - Reichsarbeitsdients - et KHD - Kriegshilfsdienst .
M. Alain Gournac. Ah oui !
M. Joseph Ostermann. Le recensement ayant été effectué voilà quelques années, le nombre de bénéficiaires potentiels est estimé à 8 500 personnes et, actuellement, on compte environ 6 500 ou 7 000 ayants droit.
La situation de blocage que nous connaissons depuis de très nombreuses années est désespérante pour les personnes concernées, d'autant qu'elles sont pour la plupart âgées de plus de soixante-quinze ans, ce qui les conduit à penser que l'Etat se contente d'attendre - si je puis m'exprimer ainsi - que le temps fasse son oeuvre, pour ainsi éviter de les indemniser.
En outre, cette absence d'indemnisation peut être considérée comme un refus de la part des pouvoirs publics de reconnaître cette tragédie, ce qui est très douloureusement vécu par ces personnes, mais aussi par la plupart des Alsaciens.
Enfin, rappelons qu'en janvier prochain se tiendront les festivités célébrant le quarantième anniversaire de la réconciliation franco-allemande. Il serait, dans cette perspective, particulièrement souhaitable que ce douloureux contentieux soit réglé, afin que ces célébrations puissent se dérouler dans une plus grande sérénité. C'est pourquoi les sénateurs alsaciens ont pris l'initiative de déposer un amendement en ce sens.
Pour conclure, je souhaiterais aborder un point sur lequel il conviendrait d'apporter quelques assouplissements sans tarder. Il s'agit des conditions d'attribution de la carte du combattant en Afrique du Nord.
Depuis 1998, différents assouplissements successifs de ces conditions de délivrance ont certes permis l'attribution de plus de 100 000 cartes supplémentaires.
Il serait toutefois souhaitable, dans un souci d'égalité de traitement et de simplification, d'harmoniser le régime d'attribution de la carte à tous les anciens combattants d'Algérie, rappelés et maintenus. Pourriez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, nous indiquer votre position sur cette question ?
Je vous remercie par avance de ces éclaircissements et, afin de vous encourager à poursuivre dans la voie du règlement des grands dossiers qui ont été longtemps laissés en suspens et sur laquelle vous vous êtes engagé, je voterai les crédits de votre ministère. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Marcel-Pierre Cleach.
M. Marcel-Pierre Cleach. Monsieur le président, monsieur le sécrétaire d'Etat, mes chers collègues, le projet de budget des anciens combattants pour 2003 se révèle encourageant, et la diminution des crédits ne doit pas cacher d'incontestables avancées pour le monde combattant. La qualité d'un budget ne se juge pas toujours à l'augmentation de ses crédits.
Les crédits relatifs aux anciens combattants pour 2003 diminuent, il est vrai, de 4 % par rapport aux crédits votés en 2002, pour atteindre 3,5 milliards d'euros. Cette baisse apparaît toutefois en grande partie légitime, compte tenu de la diminution accélérée du nombre de pensionnés qui atteint, pour 2002, 4,3 %, ou encore de la quasi-extinction du fonds de solidarité en faveur des anciens combattants d'Afrique du Nord du fait de l'arrivée à l'âge de la retraite des dernières générations de ces combattants.
Je ne souhaite pas entrer dans les querelles statistiques que ces chiffres ne manqueront pas de soulever ; c'est permettez-moi l'expression, de « bonne guerre ».
Il me semble bien plus intéressant d'attirer l'attention sur les moyens nouveaux de ce budget : leur montant est multiplié par quatre par rapport à 2002. Les actions dont ils assureront le financement vont permettre de mettre un terme à certaines des injustices les plus criantes subies par les anciens combattants ces dernières années.
Parmi ces mesures nouvelles, comme nombre de mes collègues, je retiendrai plus particulièrement le règlement de la question de la décristallisation des pensions et des retraites des anciens combattants d'outre-mer, attendue depuis près de quarante ans par nos frères d'armes, souhaitée sur l'ensemble des travées de cette assemblée, particulièrement par les membres du groupe d'études des sénateurs anciens combattants.
Les espoirs des anciens combattants d'outre-mer ont été souvent déçus ces dernières années, même si l'on doit reconnaître que des avancées partielles avaient eu lieu. C'est pourquoi je salue cette décision qui fait honneur à la France et qui reconnaît la dignité des fonctions passées de ces combattants.
Le dispositif législatif de décristallisation, qui sera fixé par la loi de finances rectificative pour 2002, prévoit une évolution de la valeur du point en fonction du pouvoir d'achat du lieu de résidence, assortie d'un mécanisme de garantie en cas d'évolution défavorable aux anciens combattants, ainsi qu'une levée définitive de forclusion pesant sur les droits nouveaux, tant des anciens combattants que de leurs ayants droit. Il va incontestablement, et je m'en félicite, dans le sens des propositions exprimées par notre assemblée tout au long de ces dernières années.
A l'occasion de ce budget, vous avez également, monsieur le secrétaire d'Etat, annoncé le retour aux droits anciens dans la prise en charge des cures thermales. Cette mesure était attendue des anciens combattants les plus modestes. Pour eux, la prise en charge des frais d'hébergement lors de ces cures constitue un élément essentiel du droit à réparation. Je me réjouis que vous soyez revenu sur cette mesure qui, au-delà de l'émoi qu'elle avait provoqué, constituait une atteinte au droit à réparation.
Le renforcement de ce droit passe aussi par la création d'un bilan médical gratuit en matière de santé psychique et d'un observatoire de la santé des vétérans : c'est une avancée importante dans l'amélioration de la reconnaissance des psychotraumatismes de guerre, demandée avec insistance par notre assemblée depuis plusieurs années. Il reste que des précisions devront être apportées quant à la prise en charge et à la réparation des conséquences des maladies ainsi découvertes.
L'ONAC et l'Institution nationale des invalides vont également disposer enfin de perspectives pluriannuelles, grâce à la signature des conventions d'objectifs et de moyens attendues depuis longtemps par ces organismes. La sauvegarde de ces deux institutions me paraît en effet fondamentale, tant pour le monde combattant, qui bénéficie de leurs services, que pour l'ensemble de nos concitoyens, pour qui elles jouent un rôle de mémoire important.
Enfin, le rythme du relèvement du plafond de la rente mutualiste du combattant - 7,5 points contre 5 les années passées - est accéléré. Cette mesure permettra de donner satisfaction dès 2004 à la demande légitime du monde combattant d'atteindre l'objectif d'un plafond de 130 points.
Au-delà de ces aspects incontestablement encourageants, je me permettrai d'évoquer trois questions sur lesquelles il me semble indispensable que nous progressions.
Il est, tout d'abord, nécessaire de trouver une solution équitable à la question de l'indemnisation des victimes du nazisme. L'indemnisation des orphelins juifs, mise en place par le décret du 13 juillet 2000, a soulevé autant de questions qu'elle en a résolu, et l'exclusion de ce dispositif des orphelins de déportés, fusillés ou massacrés, pour d'autres motif politiques, et notamment des orphelins de résistants, a été ressentie comme une injustice. (M. Alain Gournac applaudit.)
Dans un domaine qui mêle aussi profondément l'histoire nationale et l'histoire personnelle des victimes, toute précipitation devrait cependant être exclue : étendre ce décret sans concertation préalable, c'est inévitablement s'exposer à d'autres injustices. Ainsi, la mesure adoptée par nos collègues de l'Assemblée nationale et instaurant une réduction d'impôt équivalente au montant de l'indemnisation dont ont bénéficié les orphelins juifs, compréhensible dans son principe, pénaliserait les orphelins les plus modestes, non imposables, et par conséquent exclus, dans ce cadre, de toute indemnisation.
C'est pourquoi, à l'inverse, et comme d'autres avant moi, je me félicite de l'initiative de nos collègues de l'Assemblée nationale de demander la transmission du rapport réclamé par M. le secrétaire d'Etat sur les perspectives d'extension de ce décret. Ses conclusions éclaireront la réflexion nécessaire à la mise en place d'un régime cohérent et juste d'indemnisation pour toutes les victimes du nazisme.
En outre, l'élargissement des conditions d'accès à la carte du combattant, certes souhaitable, a été effectué apparemment sans vue d'ensemble. Il me paraît aujourd'hui indispensable de mettre un terme aux disparités des durées de service requises pour l'attribution de la carte du combattant. Certaines dérogations à la durée des douze mois de services, comme celle qui est accordée aux rappelés, sont assurément légitimes, d'autres, comme celle accordée aux policiers et aux CRS, sont plus contestables.
Les associations demandent désormais un alignement de la durée de présence requise en Afrique du Nord de quatre mois, au même titre que les policiers et les CRS. Je n'irai pas, quant à moi, jusqu'à réclamer un alignement immédiat de la durée de service à quatre mois.
Il me semble cependant qu'il serait équitable de réparer certaines injustices, comme celle qui frappe les « maintenus », pour lesquels une durée de douze mois est toujours requise. Une mise en cohérence des dates de cessation des hostilités en Afrique du Nord, dates qui diffèrent selon le critère pris en compte pour l'attribution de la carte, est également indispensable.
Enfin, je voudrais vous faire part de ma préoccupation au sujet de la situation des veuves d'anciens combattants, nombreuses à vivre dans une grande précarité.
A ce sujet, je voudrais saluer l'initiative de l'ONAC de créer une « carte de veuve » qui matérialise en quelque sorte leur statut de ressortissantes de l'Office et de lancer une campagne d'information auprès de ce public qui ignore bien souvent les secours auxquels il peut prétendre.
Les actions de solidarité que mène l'Office à l'égard des veuves d'anciens combattants doivent être soutenues, car ces dernières représentent une part toujours croissante des ressortissants de l'Office. A ce titre, je me réjouis de la majoration des crédits d'action sociale de l'ONAC décidée par le Gouvernement, en première lecture à l'Assemblée nationale : elle permettra à l'Office de poursuivre ses actions.
Il n'en reste pas moins que l'engagement financier de l'Etat en faveur des veuves devra être renforcé. Je pense notamment à la situation particulière des veuves de guerre, largement oubliées ces dernièr168es années.
Compte tenu des avancées significatives permises par ce projet de budget sur des questions laissées jusqu'alors en friche et sur lesquelles nous intervenions à chaque discussion budgétaire, et malgré les quelques préoccupations dont je vous ai fait part, je voterai avec mes amis, monsieur le secrétaire d'Etat, votre projet de budget. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Gisèle Printz.
Mme Gisèle Printz. Monsieur le secrétaire d'Etat, je suis surprise d'entendre cette année nos rapporteurs, si prompts ces dernières années à condamner vos prédécesseurs, trouver à votre projet de budget des vertus que je n'ai point constatées. En vérité, j'y trouve même de sérieux motifs de critique.
En une phrase, monsieur le secrétaire d'Etat, votre projet de budget fait illusion. Il baisse plus fortement que les années précédentes puisqu'il accuse une diminution de 4 % par rapport au budget de 2002. C'est non pas un projet de budget de transition, mais un projet de budget « transi », qui manque de chaleur.
Le relèvement de sept points et demi du plafond majorable de la rente mutualiste, au lieu des cinq points habituels que l'un de vos prédécesseurs avait initié est une bonne mesure et, tout en indiquant que j'y suis favorable, je n'oublie pas qu'elle ne profite pas à tous les combattants puisque seuls ceux qui disposent d'un certain niveau de ressources peuvent en bénéficier.
Le dossier des psychotraumatismes, laissé en jachère pendant trente ans, ouvert avant vous par une volonté politique née dès 1997, continue à avancer et c'est bien. Mais la seule mesure budgétaire significative de votre projet de budget, monsieur le secrétaire d'Etat, n'a pas de contenu concret. Elle concerne la décristallisation. Une commission, dont sont exclus les ayants droit, doit préciser, au cours de l'année, les conditions d'attribution de cette indemnité.
On constate que, sur ce sujet, globalement, vous avez retenu les réflexions et propositions de vos prédécesseurs qui, les premiers, ont fait évoluer le dossier.
Le temps nécessaire à la mise en oeuvre des procédures et au recensement des bénéficiaires sera très long. Le budget ne sera pas sollicité à hauteur des 72,2 millions d'euros. Peut-être même ne le sera-t-il pas du tout, de sorte que les crédits affichés pour 2003 sont des crédits à effet d'optique.
La politique de mémoire, que vous présentez comme le coeur de votre action, monsieur le secrétaire d'Etat, ne fait que poursuivre celle qui a été définie et impulsée par l'un de vos prédécesseurs bien connu de notre assemblée.
Il serait peut-être bon de donner à cette politique une plus grande ampleur en contractualisant des projets pertinents avec les collectivités territoriales. Mais, pour cela, il faudra compter avec la direction de la mémoire, du patrimoine et des archives, la DMPA, dont l'attitude frileuse et technocratique freine, depuis sa création, un certain nombre d'initiatives.
Nous avons enregistré la mission confiée à Philippe Dechartre afin d'examiner l'extension du bénéfice du décret du 13 juillet 2000 à tous les orphelins. Il n'était pas nécessaire de réunir une commission, sauf pour gagner du temps, car tout est clair, monsieur le secrétaire d'Etat ! Veut-on ou non indemniser les orphelins, tous les orphelins des morts pour la France ?
M. Jacques Baudot, rapporteur spécial. Pourquoi ne l'avez-vous pas fait ?
Mme Gisèle Printz. Nous avons toujours été favorables à cette mesure. Pour nous, il a toujours été clair que la décision du Premier ministre en juillet 2000 était une erreur, erreur dont nous l'avions prévenu.
Votre budget, monsieur le secrétaire d'Etat, n'apporte rien de concret en faveur des veuves. Vous ne poursuivez pas, dans ce domaine, ce qui a été fait avec les budgets précédents, par exemple pour les veuves des plus grands invalides.
Quelles sont vos intentions réelles pour améliorer les indemnisations des veuves de guerre et des veuves d'anciens combattants ?
Quels engagements concrets prenez-vous pour majorer, au profit des veuves des morts au combat, les 500 points d'indice qui, aujourd'hui, correspondent à peu près au seuil de pauvreté ?
Ne croyez-vous pas, monsieur le secrétaire d'Etat, que ces épouses courageuses et dévouées méritent que l'on se préoccupe de leur situation ?
Que dire de la retraite du combattant, qui ne fait l'objet d'aucune amorce de processus de revalorisation,...
M. Jacques Baudot, rapporteur spécial. Il fallait le faire !
Mme Gisèle Printz. ... ou de la revendication portant sur l'attribution de la carte d'ancien combattant pour quatre mois de présence en Afrique du Nord ? Vous n'en parlez pas !
L'élue de la Moselle que je suis se doit d'évoquer des dossiers non réglés à ce jour et qui me tiennent particulièrement à coeur.
Je veux tout d'abord parler de l'indemnisation des RAD-KHD. Le dossier reste ouvert et, là aussi, il faut rétablir la vérité, car j'ai entendu tout et n'importe quoi de la part de vos amis politiques.
M. Jacques Baudot, rapporteur spécial. Il est fermé depuis 1981 !
Mme Gisèle Printz. M. Jean-Pierre Masseret avait souhaité obtenir de la fondation de l'Entente franco-allemande le règlement définitif du contentieux existant en utilisant les 100 millions de francs de réserve - c'était encore des francs.
Les membres anciens combattants du conseil d'administration ont refusé. Jean Laurain, président de la Fondation à l'époque, et les représentants de l'administration ont obtenu un compromis portant sur le versement, par la fondation, de 20 millions de francs, sous réserve que l'Etat abonde ces crédits de la même somme. Ce compromis n'a pas abouti.
M. André Bord est aujourd'hui le nouveau président de la Fondation. En 1998, il avait pris position contre la proposition du secrétaire d'Etat. Pouvez-vous obtenir de lui qu'il revienne sur ce refus et décide d'indemniser les RAD-KHD sur les fonds de la fondation, comme cela aurait dû être fait dès l'origine ? A défaut, pensez-vous obtenir de l'Etat les crédits nécessaires ?
Pensez-vous pouvoir effacer la ligne Curzon ? Le régime spécial établi par des décrets de 1973, de 1977 et de 1981 traite différemment les prisonniers des camps soviétiques selon qu'ils étaient internés à l'est ou à l'ouest de la ligne Curzon. Quelle est votre opinion, monsieur le secrétaire d'Etat, sur l'attribution du titre de reconnaissance de la nation aux incorporés de force ?
Les patriotes résistants à l'occupation des départements d'Alsace-Moselle, incarcérés dans des camps spéciaux, qui constituent une catégorie très particulière de victimes du nazisme que l'on ne retrouve dans aucune autre région de France, souhaitent que les années passées dans les camps soient prises en compte dans le calcul de la retraite pour ceux qui avaient moins de seize ans à l'époque.
Le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Moselle a donné raison à un déporté PRO, qui avait demandé qu'il soit tenu compte du temps passé en camp spécial avant l'âge de seize ans pour le calcul de sa pension de retraite.
Monsieur le secrétaire d'Etat, avez-vous l'intention de tirer les conséquences générales de cette décision de justice rendue au nom du peuple français ?
Je pourrais, comme le faisaient mes collègues de la majorité du Sénat l'an dernier ou les années précédentes, depuis 1997, vous interroger et m'étonner des silences de votre budget en ce qui concerne la fiscalité, le rapport constant, le syndrome du golfe Persique et des Balkans, les conséquences des irradiations lors d'essais nucléaires, les réfractaires...
Je ne le ferai pas, car il y a suffisamment à dire sur votre budget sans suivre la voie de la démagogie.
Nous voterons contre votre budget, monsieur le secrétaire d'Etat, tout comme l'ont fait avant nous, à l'Assemblée nationale, un certain nombre de députés de votre majorité, car le monde combattant, qui exige notre respect et notre reconnaissance, méritait beaucoup mieux. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Alain Dufaut.
M. Alain Dufaut. Monsieur le secrétaire d'Etat, permettez-moi, en préambule, de vous confier le plaisir qui est le mien de m'adresser à vous, quelques semaines après notre première rencontre, dans mon département de Vaucluse, à l'occasion de l'inauguration de l'esplanade de l'Armée-d'Afrique, à Avignon.
Je suis persuadé, pour ma part, que votre expérience d'ancien combattant et vos nombreuses responsabilités dans ce secteur associatif sont des atouts non négligeables dans la mission difficile qui vous a été confiée. Il s'agit d'ailleurs, vous le savez, d'un domaine où la concertation est fondamentale et où, par conséquent, le dialogue avec les associations représentatives doit être constant.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez d'ores et déjà donné des gages de votre volonté de travailler dans cet esprit, notamment en annonçant la mise en place de programmes pluriannuels pour répondre aux préoccupations catégorielles du monde combattant. Nous ne pouvons que nous en réjouir. Cette méthode de travail et ce pragmatisme affiché seront d'autant plus nécessaires que, cela a été dit, le contexte économique dans lequel a été élaboré ce budget et les marges de manoeuvre financières dont disposait le Gouvernement rendaient le montage de votre budget relativement délicat. Je n'y reviendrai pas, les différents intervenants qui m'ont précédé ayant largement insisté sur ce point. Je ne relèverai pas non plus la totalité des nombreuses mesures positives que comporte votre budget.
Mon intervention rapide portera essentiellement, dans un esprit constructif, sur quelques points qu'il convient d'examiner pour tenter de résoudre les principales difficultés auxquelles sont encore confrontés les anciens combattants de notre pays.
En premier lieu, sur la question de la retraite du combattant, il semble indispensable de s'atteler, enfin, à une revalorisation fondée sur un principe d'égalité, d'autant que les revendications relatives à la retraite anticipée n'ont pas avancé d'un pouce dans le passé. L'incapacité du gouvernement précédent à lancer ce processus, malgré une croissance à l'époque génératrice de marges de manoeuvre financières, ne peut en aucun cas servir d'excuse.
Les associations représentatives sont parfaitement conscientes des contraintes financières qui pèsent sur le Gouvernement et se satisferaient, monsieur le secrétaire d'Etat, par conséquent, d'un ajustement progressif de l'indice de la retraite du combattant. Je compte, à cet égard, sur votre action dans les prochains mois, pour faire des propositions en ce sens.
J'en viens ensuite à l'évocation de la situation des orphelins de guerre et pupilles de la nation. Tout le monde ayant évoqué le sujet, je me contenterai, moi aussi, d'attendre avec confiance le rapport que vous avez confié à M. Philippe Dechartre. Mais nous nous permettons d'insister sur la nécessité d'aboutir, dans les meilleurs délais, là aussi, à une solution.
Je ne reviendrai que très brièvement sur les inquiétudes relatives à la pérennité de l'ONAC, pour vous confirmer que je rejoins ces préoccupations, compte tenu de l'intérêt de l'action menée par cet organisme, même si l'on peut tout à fait comprendre votre volonté légitime de recentrer l'établissement sur son seul objet social.
La récente signature d'un contrat d'objectifs et de moyens cautionné, le 15 octobre dernier, à une très forte majorité, il faut le souligner, par le conseil d'administration de l'ONAC, apparaît comme une garantie apportée par l'Etat au monde combattant. L'enveloppe financière qui a été votée voilà quelques jours par l'Assemblée nationale va aussi dans le bon sens.
A mon tour, comme nombre de mes collègues, je note avec beaucoup de satisfaction l'effort portant sur la mise en oeuvre d'un véritable début de décristallisation des pensions des anciens combattants et victimes de guerre des pays devenus indépendants, tout en m'interrogeant sur les modalités de règlement de ce dossier relativement complexe. Il faut souligner, encore une fois avec force, qu'il s'agit, pour les anciens combattants, d'une avancée historique.
Par ailleurs, je voudrais évoquer rapidement une autre revendication importante, à savoir le bénéfice de la campagne double pour les anciens combattants de la guerre d'Algérie et des combats au Maroc et en Tunisie. Là aussi, je crois légitime que les fonctionnaires et assimilés concernés bénéficient des mêmes droits que ceux qui ont accompli les mêmes services pendant les conflits précédents. Il s'agit là - vous le savez tous - d'une vieille revendication qui mériterait, un jour prochain, une solution concrète.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Vous avez raison !
M. Alain Dufaut. Enfin, il me semble nécessaire de se pencher à nouveau sur les conditions d'attribution de la carte du combattant ; nous avons été nombreux à évoquer ce sujet. Vous savez que les anciens combattants totalisant moins de douze mois de présence en Algérie sont exclus de l'attribution de la carte du combattant, alors que, c'est vrai, ils sont titulaires du titre de reconnaissance de la nation et de la médaille commémorative.
Sur toutes ces questions, monsieur le secrétaire d'Etat, nous attendons une écoute attentive et un programme d'actions - et vous avez, selon moi, raison d'employer la méthode que vous utilisez depuis votre prise de fonctions -, de manière à répondre aux légitimes attentes du monde combattant, dont on ne dira jamais assez la reconnaissance que nous lui devons.
Le mérite de ces hommes qui ont vécu et combattu pour défendre notre patrie vaut bien, certes, les honneurs de la mémoire, mais il doit aussi s'accompagner de mesures concrètes destinées à la reconnaissance des services rendus. Je sais, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous allez, tout au long de cette législature, vous consacrer à cette tâche avec passion et avec efficacité. C'est dans cet esprit que le groupe du Sénat auquel j'appartiens vous apportera aujourd'hui, à l'occasion de l'examen et du vote de ce budget, son soutien le plus total. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, et de l'Union centriste.)
Un sénateur du RPR. Bravo !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Hamlaoui Mékachéra, secrétaire d'Etat aux anciens combattants. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, c'est pour moi un réel honneur de présenter pour la première fois le projet de budget des anciens combattants devant votre Haute Assemblée. Ce budget n'est pas tout à fait comme les autres. Il est en effet, avant tout, une manifestation tangible de la reconnaissance de la nation envers ceux qui l'ont servie sous les drapeaux, certes, mais également - et souvent - dans l'épreuve.
Permettez-moi de remercier chacun des intervenants. Je crois pouvoir dire que le monde combattant sera sensible au soutien que vous lui avez tous manifesté.
Mesdames, messieurs les sénateurs, pour respecter le souhait du président de votre commission des finances, plutôt qu'une présentation globale du budget, je vais m'efforcer de répondre du mieux que je pourrai et le plus précisément possible à vos questions, qui correspondent à des attentes fortes du monde combattant.
Je le ferai d'autant plus volontiers que vos rapporteurs vous ont déjà présenté les principales destinations des crédits qui sont soumis à votre vote. Je souhaite remercier sincèrement M. Baudot et M. Lesbros pour la chaleur de leurs propos et pour la pertinence de leurs analyses.
Certains d'entre vous - je pense à M. Chabroux et à M. Fischer - ont insisté sur l'évolution globale des crédits, comme si ce budget s'inscrivait simplement dans la continuité de ceux qui l'ont précédé.
Pourtant, tel n'est pas le cas, et je souhaite d'emblée vous en convaincre. Ce projet de budget n'est pas, je suis persuadé que vous le comprendrez, uniquement une affaire d'arithméthique ! Il innove sur de nombreux dossiers, dont certains sont d'une grande importance.
Tout d'abord, c'est un budget clair et sincère. Je précisse à M. Fischer que nous avons présenté l'évolution globale des crédits dans sa réalité, sans jamais chercher à la cacher.
Ensuite, ce budget ne traduit pas de façon rigide les conséquences des évolutions démographiques. Je m'explique.
Outre la diminution, malheureuse mais inéluctable, du nombre de ressortissants, il faut ajouter que l'arrivée à l'âge de la retraite des anciens combattants de la guerre d'Algérie entraîne, ipso facto , une diminution mécanique des crédits du fonds de solidarité. Ces deux évolutions permettaient de réaliser une économie de 200 millions d'euros. Vous pouvez constater que nous en sommes loin !
Je tiens aussi à dire que cette discussion sur l'évolution globale du budget présente l'inconvénient de faire croire aux anciens combattants que leurs droits individuels diminuent. Or c'est précisément l'inverse : ils sont en augmentation de 0,68 %. J'en arrive à ce qui constitue le changement de fond de ce budget : l'importance financière et symbolique des mesures nouvelles qu'il contient.
Sur la décristallisation, l'ONAC, l'Institution nationale des invalides, les retraites mutualistes, les cures thermales et les bilans médicaux, des avancées très fortes - qu'il n'est point besoin d'expliquer plus longtemps, mesdames et messieurs les sénateurs - vous sont aujourd'hui proposées.
Vous comprendrez que je commence par le dossier essentiel de la décristallisation, que vous avez tous évoqué ; vous l'avez fait, d'ailleurs, avec des mots justes, souvent émouvants.
Nous avons attendu, vous avez attendu, le monde combattant a attendu quarante ans que l'occasion soit donnée pour résoudre ce problème de dignité. C'est pourquoi le Gouvernement auquel j'appartiens a d'ores et déjà inscrit 72,5 millions d'euros pour engager ce processus.
Je souhaite vous présenter plus en détail le dispositif que nous avons retenu. Nous y reviendrons de façon plus précise, bien entendu, au moment de la discussion du projet de loi de finances rectificative.
En réponse à M. Collin, je confirme que c'est dans les toutes prochaines semaines que vous aurez à vous prononcer. Ainsi, l'année prochaine, la décristallisation entrera dans les faits.
Depuis les annonces gouvernementales du 20 novembre, beaucoup de contre vérités ont été entendues à ce sujet, et il me paraît utile de rappeler les mérites de la formule qui a été retenue.
C'est tout d'abord une formule qui procède d'un souci d'équité. Ainsi, le principe de parité des pouvoirs d'achat, adossé à un barème mis à jour régulièrement par l'ONU, confère aux anciens combattants les mêmes moyens, quel que soit leur pays de résidence.
Mais limiter la décristallisation, comme le font certains, à ce seul mécanisme, c'est passer sous silence d'autres facettes qui sont tout à fait essentielles et que je vais me permettre de rappeler, notamment à M. Pelchat, qui, comme nous le savons, suit ce dossier avec détermination depuis longtemps.
La décristallisation, c'est d'abord l'assurance que chaque situation individuelle sera améliorée par une majoration forfaitaire de 20 %, là où la parité de pouvoir d'achat n'apporterait aucun avantage supplémentaire.
C'est aussi une rétroactivité sur quatre ans, c'est-à-dire le maximum autorisé par le principe de la déchéance quadriennale qui, je le rappelle, est d'ordre public.
C'est encore la réouverture des droits individuels qui permettra aux invalides de faire constater d'éventuelles aggravations et aux veuves de percevoir une pension de réversion.
C'est, enfin, la garantie de mises à niveau ultérieures, en proportion des progressions de parités de pouvoir d'achat et des augmentations du point de la fonction publique.
J'indique à M. Baudot, rapporteur spécial, qu'il n'aurait pas été possible de ne décristalliser que la retraite du combattant. En effet, les attendus et les décisions de la haute juridiction administrative ne le permettraient pas.
Le dispositif que je viens de décrire est le seul susceptible de s'insérer harmonieusement dans le contexte local, économique et social. Un alignement pur et simple n'aurait pas manqué d'être perçu comme une injustice par les anciens combattants français. Evitons, mesdames, messieurs les sénateurs, de créer de nouvelles injustices en cherchant à réparer celles qui existent déjà.
Pour clore ce chapitre, permettez-moi de dire que je suis fier d'appartenir à un gouvernement qui a conçu cette réforme historique et qui va maintenant la mettre en oeuvre, sous votre haute vigilance, bien entendu. Celle-ci répond à un souci de justice et d'équité. Elle porte la marque de notre reconnaissance à l'égard de ceux qui ont répondu à l'appel de la France et de la liberté.
Ce budget innove aussi en ce qui concerne l'avenir de deux établissements publics auxquels le monde combattant est, à juste titre, très attaché : l'Office nationale des anciens combattants et victimes de guerre, l'ONAC, et l'Institution nationale des invalides, l'INI.
M. Chabroux et M. Fischer, que j'ai écoutés avec beaucoup d'attention, ont fait part de leur inquiétude quant aux conséquences du contrat d'objectifs et de moyens de l'ONAC. Sur ce sujet, j'entends rassurer à la fois la représentation nationale et le personnel de ces établissements.
Soyons clairs : comme l'a noté M. Dufaut, si nous n'avions rien fait, la pérennité de l'ONAC n'était plus assurée. C'est le message que m'a d'ailleurs adressé son conseil d'administration dès ma prise de fonction. C'est aussi le constat auquel étaient parvenus la Cour des comptes, l'Inspection générale des finances et le Contrôle général des armées.
En revanche, le contrat d'objectifs permettra de réaliser l'adéquation si nécessaire des moyens de l'ONAC avec ses missions. Le déclin inexorable des actions de reconnaissance, la progression annoncée des missions de solidarité et celle, très souhaitable, des actions de mémoire appelaient une réorganisation des moyens de l'établissement. Tout le monde peut le comprendre !
Le pire a été entendu sur les conséquences sociales de ce contrat. La réalité est tout autre, mesdames, messieurs les sénateurs. C'est en moyenne un demi-poste par département et par an qui serait concerné par le redéploiement que nous proposons.
A l'inverse, cent emplois de cadres de catégorie A seront créés pour développer et enrichir les actions de mémoire. Les actions de proximité seront, elles aussi, renforcées grâce à un plan de recrutement qui porterait à cent postes l'effectif des assistantes sociales à temps complet ou à temps partiel. Ainsi, chaque département disposerait des moyens nécessaires dans ce secteur social.
S'agissant des crédits sociaux de l'ONAC, je veux remercier le Parlement, qui a souhaité contribuer au relèvement des moyens prévus. Les commissions des finances ont été sensibles aux besoins en ce domaine et je souhaite les saluer de cette tribune. Vous savez que ces crédits bénéficient principalement aux veuves en situation de grande difficulté financière, et, hélas ! il y en a. J'ai bien entendu les propos de votre rapporteur en ce qui concerne la procédure.
Par ailleurs, l'Institution nationale des invalides fait également l'objet d'un soin particulier dans le projet de budget qui vous est soumis. L'expression la plus tangible de cette attention réside dans l'augmentation de près de 5 % de sa subvention.
Derrière cette augmentation se dessine la volonté, vous l'avez deviné, de tirer tous les enseignements de la visite d'accréditation qui vient de s'achever. Sans rien perdre de son identité, cette vénérable institution verra ainsi sa situation progresser en termes de sécurité et de qualité des soins. A l'image de ce qui s'est fait pour l'ONAC, un contrat d'objectifs et de moyens viendra accompagner ses évolutions. Une gestion analytique de qualité sera mise en place, afin de savoir qui fait quoi.
Je vais maintenant aborder plus brièvement les autres questions qui ont été évoquées.
Je remercie MM. les rapporteurs, qui ont bien voulu saluer le rétablissement de la prise en charge des frais d'hébergement des cures thermales à cinq fois le taux de la sécurité sociale : elle avait été abaissée à trois fois le taux. L'arrêté a donc été publié au Journal officiel du 10 novembre dernier. Il s'agit d'une mesure de justice, vous l'avez dit, et j'en prends acte.
Répondant en cela à l'attente des associations, ce budget innove. L'instauration d'un bilan médical gratuit permettra d'améliorer l'expertise médicale de certaines pathologies et de mieux orienter les anciens combattants en ce qui concerne le dépistage de leurs affections.
L'augmentation du plafond majorable de la rente mutualiste était aussi une mesure attendue. Monsieur Baudot, je connais vos réticences sur ce sujet. Pourtant, dans le cadre de la concertation que j'ai mise en place, il s'agissait d'une attente vraiment forte. Je me réjouis que nous ayons pu ainsi progresser à un rythme plus élevé que les années précédentes, avec une augmentation de 7,5 points, contre 5 points jusqu'à présent.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous m'avez également interrogé sur des dispositions qui ne sont pas contenues dans le projet de budget qui vous est soumis.
Le premier sujet c'est, bien sûr, la revalorisation de la retraite du combattant. Les débats parlementaires ont eu le mérite de montrer l'importance accordée à ce sujet sur l'ensemble des travées de cette assemblée. Il faut tout de même savoir - cela a été rappelé tout à l'heure -, qu'une augmentation de cinq points de la retraite du combattant aurait consommé plus de 80 millions d'euros, soit l'équivalent de la totalité des mesures nouvelles qui vous sont aujourd'hui présentées. Elle ne peut donc être envisagée que sur plusieurs années. Dans une logique de partenariat et de planification, j'engagerai prochainement une concertation sur ce sujet.
Vous êtes nombreux à avoir rappelé les insatisfactions quant aux conditions d'attribution de la carte du combattant. Les durées de services exigées sont variables. Cette dispersion répond parfois à un souci d'équité. Mais, quelquefois, les raisons sont plus obscures et suscitent un sentiment d'injustice auprès des intéressés. J'entends engager rapidement une démarche qui devra clarifier un dispositif qui est aujourd'hui, je le reconnais, confus et mal adapté.
Comme tous les orateurs qui se sont exprimés au sujet des veuves, notamment M. Cleach, je suis sensible aux difficultés que celles-ci rencontrent. En effet, elle sont souvent dans des conditions matérielles ou morales particulièrement difficiles. Toutes n'ont pas affronté les mêmes épreuves, mais toutes méritent notre attention. Je suis prêt à examiner les voies et les moyens d'engager une action de soutien en leur faveur, et ce dès les prochains mois.
M. Durand-Chastel m'a interrogé sur la rente viagère pour les harkis. Son extension est prévue grâce à la levée de la condition de ressources qui, vous le savez, en restreignait la portée.
S'agissant de la campagne double, j'ai bien noté les préoccupations de M. Dufaut. Cette question est effectivement ancienne et n'a pas reçu de réponse à ce jour, probablement en raison de ses fortes incidences budgétaires. De plus, elle ne bénéficierait qu'aux agents ayant un statut public. Elle appelle donc une réflexion toute particulière.
Les situations héritées de l'annexion des départements d'Alsace-Moselle pendant la Seconde Guerre mondiale doivent être examinées. Je vous en donne acte ! Elles font partie de ces contentieux récurrents à propos desquels les réponses dilatoires ne sont plus de mise. J'entends les aborder sans a priori . Il s'agit, vous l'avez compris, des RAD, des KHD, des PRO, et des PRAF : derrière ces sigles se cachent des souffrances, de nature différente, dont certaines n'ont pas été reconnues à ce jour. J'en prends également acte !
J'indique à M. Osterman et à Mme Printz que je me propose de réunir, si elles le souhaitent, les différentes parties prenantes, notamment les associations et les parlementaires concernés, avec la fondation Entente franco-allemande ; nous aurons l'occasion d'y revenir lors de la discussion des amendements.
Je souhaite aborder maintenant les questions de mémoire. Bien que moins présentes dans les discussions budgétaires, elles n'en sont pas moins importantes. Je crois même qu'un large consensus se dessine pour dire que la transmission des valeurs portées par le monde combattant vers les jeunes générations est une priorité. Je remercie M. Ostermann de son soutien fort sur ce thème. J'ai également noté des propositions très pertinentes de M. Durand-Chastel en matière d'action diplomatique.
Concrètement, 17 millions d'euros seront consacrés à ce domaine. Ils permettront de développer des projets conjuguant une forte capacité d'évocaion et une modernité répondant à la sensibilité des enfants et des adolescents. L'accent sera mis, en 2003, entre autres, sur l'action de la Résistance et le sacrifice de Jean Moulin, ainsi que sur les opérations de reconquête des territoires sous le joug nazi, comme la campagne de Tunisie, la libération de la Corse, la campagne d'Italie...
L'effort entrepris en termes de publications, notamment pour la jeunesse, sera poursuivi et amplifié.
Naturellement, le plus grand soin sera accordé à l'entretien et à la restauration des nécropoles. J'ai d'ailleurs demandé à tous les préfets un état des lieux complet, car trop d'échos défavorables nous parviennent çà et là.
Enfin, nous voulons développer, avec les collectivités locales, un « tourisme de mémoire », et avec certains pays étrangers, qui furent nos alliés ou nos adversaires, des coopérations sur le thème de la « mémoire partagée ».
En ce qui concerne les journées de commémoration, je rappelle à M. Ostermann l'attachement du monde combattant à une journée spécifique pour chaque conflit. Quant à l'institution d'une journée nationale de la Résistance, je précise à M. Fischer qu'elle ne pose aucune difficulté de principe pour le secrétariat d'Etat que j'ai l'honneur de diriger. Mais, pour cette date comme pour d'autres, nous pensons qu'il appartient d'abord au monde combattant de s'entendre et non à l'Etat d'imposer ses choix. Il est d'ailleurs évident que nous marquerons avec l'éclat nécessaire l'importance historique de la première réunion du Conseil national de la résistance, le CNR, le 27 mai 1943.
Avant de conclure, permettez-moi de répondre à vos nombreuses questions sur deux sujets qui ne sont pas inclus dans le projet de budget, mais que vous avez tous abordés et qui, bien que de nature très différente, sont sensibles : d'une part, l'indemnisation des orphelins de déportés et, d'autre part, la commémoration de la fin de la guerre d'Algérie.
Je voudrais dire, tout d'abord, que le débat relatif au décret du 13 juillet 2000 sur l'indemnisation des orphelins des déportés de la Shoah ne doit pas faire oublier la tragédie incommensurable qui est à l'origine de cette mesure. Je rappelle que ce décret procède de la reconnaissance de la responsabilité de l'Etat français dans les persécutions antisémites et de la mission présidée par M. Mattéoli.
Cependant, le Gouvernement est pleinement conscient des attentes suscitées par ce texte chez les autres orphelins de déportés. Il est d'ailleurs révélateur que la quasi-totalité des orateurs ait évoqué cette question.
C'est la raison pour laquelle nous avons demandé à une personnalité indépendante et reconnue, M. Philippe Dechartre, ancien résistant - est-il nécessaire de le rappeler ? - et ancien ministre du général de Gaulle et de Georges Pompidou, de nous éclairer sur le sujet. Il conduit actuellement une concertation approfondie avec le souci d'y associer l'ensemble des intéressés. Il nous remettra donc un rapport avant la fin du premier semestre de l'année prochaine.
En effet, sur un sujet aussi douloureux et délicat, il est capital que la solution qui sera préconisée recueille l'assentiment de tous. Il est tout aussi essentiel de ne pas créer une nouvelle injustice en prétendant réparer celle que nous avons identifiée.
Dès lors, comme l'ont indiqué notamment MM. Lesbros et Cleach, il est absolument nécessaire d'aller au terme de la concertation sur un sujet aussi important pour notre communauté nationale. Dans cet esprit, je le dis simplement, il me semble prématuré de légiférer.
Pour autant, et afin qu'il n'y ait aucune ambiguïté sur notre volonté commune de régler cette question, j'assure votre Haute Assemblée que nous proposerons, dès l'année prochaine, dans la sérénité et après avoir pris le temps d'engager une réelle concertation, une solution équitable et raisonnable.
Sur ce même sujet, M. Baudot s'est inquiété de l'absence de financement des mesures du collectif budgétaire de 2001. Je précise que ces crédits figurent dans le projet de budget du Premier ministre.
La date de commémoration de la guerre d'Algérie a suscité de fortes tensions. Nous voulons, au contraire, contribuer, patiemment mais sûrement, à l'émergence d'une solution.
C'est pourquoi nous avons demandé à M. Jean Favier, membre de l'Institut et historien de renommée mondiale, de présider une commission sur ce sujet.
Une première réunion a eu lieu, comme vous le savez, le 6 novembre dernier. C'est déjà un signe positif puisque les principaux représentants du monde des combattants avaient tenu à être présents. Une prochaine réunion aura lieu en janvier prochain. J'espère que le monde combattant, qui a été uni face à l'adversaire, saura se rassembler pour honorer ses morts. En tout cas, le Gouvernement lui fait confiance. Il reste attentif et laisse les frères d'arme débattre très librement.
L'inauguration, jeudi prochain, par le Président de la République, du mémorial national de la guerre d'Algérie et des combats du Maroc et de Tunisie sera un nouveau moment d'unité autour de la mémoire de ces conflits. Nous ferons tout pour que celle-ci soit durable.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j'espère avoir répondu à l'essentiel de vos questions dans le temps qui m'était imparti.
Pour conclure, permettez-moi de jeter un regard rapide sur les quelques mois qui viennent de s'écouler.
Des dossiers attendus depuis des dizaines d'années qui aboutissent enfin.
Un esprit d'ouverture qui se manifeste sans a priori pour aborder les questions encore en suspens.
Un dialogue confiant et constructif qui s'instaure avec les associations et, je l'espère, avec le Parlement.
Une volonté permanente qui s'exprime pour rassembler tant sur les messages que sur l'approche des préoccupations que vous partagez.
Une intervention très forte du Premier ministre en personne, le 11 novembre dernier, à Rethondes, qui rassemble et qui dynamise.
Une communication en conseil des ministres, mercredi dernier, qui trace tous les axes du plan d'action en faveur du monde combattant que nous tenons à mettre en place.
L'inauguration du mémorial de la guerre d'Algérie, qui sera, je le répète, un nouveau moment d'unité.
Vraiment, je crois que l'on ne peut qu'oeuvrer pour qu'un tel climat de sérénité perdure pour le monde combattant.
Je vous remercie, mesdames, messieurs les sénateurs, d'y prendre toute votre part en adoptant les crédits que j'ai eu l'honneur de vous présenter cet après-midi. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le ministère des anciens combattants et figurant à l'état B.

ÉTAT B



M. le président. « Titre III : moins 645 915 euros. »

La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau, pour explication de vote.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le secrétaire d'Etat, permettez-moi de revenir sur quelques questions qui n'ont peut-être pas été assez explicites.
Le Gouvernement aurait dû, selon nous, profiter de la baisse, que nous déplorons, bien entendu, du nombre des anciens combattants, pour faire droit aux demandes anciennes, voire très anciennes, de celles et de ceux qui ont souffert dans leur chair pour que les générations suivantes vivent en démocratie.
Ces contentieux, vous les connaissez comme nous tous, monsieur le secrétaire d'Etat. De nombreuses associations unissent leurs actions et ne ménagent pas leurs efforts pour défendre les anciens combattants et leur famille. Leur mobilisation, celle de leurs dirigeants, parfois âgés et malades, sont sans faille et nous devons les remercier de leur constance et parfois même de leur opiniâtreté. Nul ne peut ignorer les dossiers en instance. Certains sont plus importants que d'autres. J'en évoquerai trois.
Nous avons attiré l'attention de ceux qui vous ont précédé et la vôtre, dans la dernière période, sur la légitime demande des grands invalides et blessés s'agissant du respect des articles L. 115 et L. 128 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre.
La loi est claire, monsieur le secrétaire d'Etat, et prévoit la prise en charge intégrale des prestations médicales, paramédicales, chirurgicales et pharmaceutiques nécessitées par les infirmités qui ouvrent droit à pension. Or, dans de nombreux cas, l'Etat n'assure plus la prise en charge intégrale des frais de déplacement et de soins nécessités par les infirmités pensionnées. Le plus souvent, d'ailleurs, monsieur le secrétaire d'Etat, vos services font référence aux dispositions propres à la sécurité sociale, toujours plus restrictives dans la prise en charge des soins, des médicaments et du petit ou du gros appareillage, pour se dispenser ainsi d'appliquer les textes dans leur rigueur, notamment les dispositions du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre précitées.
Monsieur le secrétaire d'Etat, comme les associations, je dénonce avec la plus vive énergie la tendance générale à l'abandon de la prise en charge totale par l'Etat des soins et de l'appareillage des pensionnés de guerre, y compris par le secrétaire d'Etat chargé de les défendre et de représenter leurs droits reconnus par la loi.
Il est manifeste que ces mutilés sont considérés progressivement comme des assurés sociaux de droit commun, auxquels sont appliquées des règles de solidarité entre citoyens, et de moins en moins comme créanciers d'une dette sur la nation contractée à la guerre. Je vous demande, monsieur le secrétaire d'Etat, d'examiner de très près ce dossier, car cette réclamation n'est que trop justifiée.
En ce qui concerne la bonification de campagne double pour les travailleurs de l'Etat, fonctionnaires et assimilés, je veux rappeler, monsieur le secrétaire d'Etat, que la loi du 14 avril 1924 a accordé à toutes les générations du feu, que ce soit celles de 1914-1918 et de 1939-1945, que ce soit celles de la Corée, de l'Indochine et de Suez, le bénéfice de la campagne double en temps de guerre. Seuls les anciens combattants en Algérie, en Tunisie et au Maroc n'ont bénéficié que de la campagne simple, sous prétexte, je veux vous le rappeler, qu'il ne s'agissait pas d'une guerre. Aujourd'hui, tel n'est plus le cas, la guerre a été officiellement reconnue comme telle, et il importe de permettre aux anciens combattants fonctionnaires de bénéficier de la campagne double. D'ailleurs, je me permets de rappeler, sans vouloir faire de polémique, que cette mesure était comprise dans une proposition de loi qui avait été déposée en 1993 par le groupe du RPR et apparentés à l'Assemblée nationale, sous la signature de MM. Mazeau et Cabrol.
Donc, maintenant que la guerre d'Algérie a été reconnue comme telle, toutes les générations de feu sont concernées.
J'aborderai en dernier lieu un problème moins bien connu, celui de la reconnaissance du droit aux soins et à réparation des anciens militaires et personnels civils qui ont été victimes d'irradiation lors d'essais nucléaires au Sahara et en Polynésie.
Nous nous inquiétons tous de la dégradation de l'état de santé de certains anciens militaires qui ont séjourné sur des aires de tirs d'essais nucléaires français aériens ou souterrains français au Sahara ou en Polynésie, de 1960 à 1974. Ce problème touche aussi les militaires et les civils ayant travaillé auprès des équipements nucléaires et qui sont susceptibles d'avoir été irradiés.
Au Sahara, je le rappelle, la France a procédé à dix-sept essais nucléaires et à de nombreux autres en Polynésie, dont quarante et un en atmosphère et cent trente-sept souterrains, à Mururoa.
Une association de vétérans des essais nucléaires français regroupe actuellement près de quatre cents membres, qui ont participé aux différents essais.
J'insiste d'autant plus, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'un certain nombre d'anciens combattants en Algérie ont, sur leur livret militaire, j'ai pu le constater, la mention « présent à Reggane » ou « présent à In Ekker, premières expérimentations atomiques françaises le 13 février 1960 ». Pour que ces mentions figurent sur leur livret militaire, il y a, bien évidemment, une raison.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je souhaite que vous fassiez droit à cette demande claire. Il faudrait maintenant recenser les personnels civils et militaires et de sous-traitance qui ont travaillé sur les centres d'expérimentations nucléaires au Sahara et en Polynésie. Il faudrait aussi que l'on puisse avoir accès aux dossiers médicaux des personnels des essais en levant le secret défense qui les frappe sans raison maintenant ; que l'on reconnaisse la présomption d'origine des maladies radio-induites et que vous créiez une commission paritaire du suivi des essais nucléaires dotée des crédits de fonctionnement et de recherche nécessaires pour permettre d'effectuer toutes les enquêtes.
Monsieur le secrétaire d'Etat, il s'agit là d'une question nouvelle parce que la maladie apparaît tardivement. Vous ne pouvez plus garder le silence sur cette question.
M. le président. Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.

(Les crédits sont adoptés.)
M. le président. « Titre IV : 16 319 500 euros. »

La parole est à M. Raymond Courrière, pour explication de vote.
M. Raymond Courrière. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le budget des anciens combattants qui nous est soumis en cette fin de semaine, le premier de cette douzième législature, n'est pas à la hauteur de ceux qui ont parfois sacrifié leur vie pour notre pays.
Comme je le disais l'an passé, ce budget doit, en francs constants, rester identique pour permettre le règlement des problèmes de fond auxquels la nation n'a toujours pas apporté de réponse. A titre d'exemple, je rappelle que les anciens combattants d'Algérie souhaitent notamment que soit poursuivie la revalorisation progressive du montant de la retraite du combattant, avec précisément une revalorisation de cinq points dès le présent budget.
Ce budget, qui ne correspond pas à l'attente, n'a seulement été amendé que de 1,51 million d'euros pour rétablir les crédits d'action sociale de l'ONAC, sévèrement amputés dans le budget initial.
Alors que le précédent gouvernement s'était engagé à préservé l'ONAC comme outil privilégié de la solidarité à l'égard des anciens combattants, malgré le geste que vous avez fait en cours de discussion, des inquiétudes nombreuses subsistent au sein du monde associatif à ce propos. En effet, si ce budget pérennise l'ONAC pour le moment, nous remarquons que la subvention de fonctionnement que vous lui versez accusera une baisse de 2,34 %. A titre de comparaison, le budget avait été augmenté de 3,51 % en 2002 ; à l'époque, la commission des finances le trouvait abominable ! Son avenir n'est donc plus aussi assuré qu'il l'était précédemment.
Vous nous présentez la décristallisation comme une « grande nouvelle mesure », monsieur le secrétaire d'Etat. Permettez-moi de vous faire part de ma surprise, car je n'ai pas oublié que cette même assemblée avait adopté l'an dernier, sur proposition de l'ancien secrétaire d'Etat chargé des anciens combattants, M. Jacques Floch, un début de décristallisation avec la levée de forclusion au bénéfice des anciens combattants originaires des anciennes colonies françaises. Je vous pose la question : où est la nouveauté ?
Vous nous dites y consacrer 72,5 millions d'euros. Très bien, mais ce n'est pas une mesure nouvelle, puisqu'il s'agit d'un redéploiement à partir de l'allocation préparatoire à la retraite et de l'allocation différentielle pour les anciens combattants d'Algérie. Comme le disait mon collègue Gilbert Chabroux, les moyens doivent être pris non pas sur ce budget, mais bien sur les crédits du Premier ministre, puisqu'il s'agit d'une dette morale et d'une dette de l'Etat.
Quant à la carte du combattant, il faut revoir ses conditions d'attribution. Nous avions abouti à une mesure qui permettait son obtention par tous ceux qui avaient passé douze mois de leur jeunesse en Algérie pour répondre à l'appel de la France. Par la suite, une autre mesure a fixé à quatre mois la durée de présence nécessaire pour les policiers et les CRS. Je pense qu'il serait juste et équitable d'étendre cette mesure à tous les anciens combattants d'Algérie.
Monsieur le secrétaire d'Etat, en conclusion, vous nous présentez un budget de redéploiement plus qu'un budget d'innovation ; quant à en faire un budget de transition, n'en parlons pas ! Il laisse sans réponse un certain nombre d'interrogations, et nous regrettons qu'il n'ouvre pas de perspectives pour le monde combattant, contrairement à ce qui a été dit.
J'aimerais notamment que ne soit pas enterré le projet de faire définitivement du 19 mars, date officielle de la fin des combats en Algérie, la journée du souvenir et du recueillement, comme le souhaite l'écrasante majorité des anciens combattants d'Algérie...
M. Bernard Murat. Non !
M. Marcel-Pierre Cleach. Ce n'est pas vrai !
M. Raymond Courrière. ... et, avec eux, l'écrasante majorité du peuple français. (Protestations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)

Organisez un référendum, vous verrez bien ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Masseret, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Masseret. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, j'assiste à ce débat par respect pour le monde combattant, mais je n'avais pas l'intention d'intervenir. Cependant, j'ai entendu dans la bouche du rapporteur de la commission des finances, M. Jacques Baudot, des propos qui me poussent à prendre la parole. Ainsi donc, monsieur le rapporteur spécial, les prédécesseurs de M. Mékachéra auraient érigé la division en principe de l'action gouvernementale ?
M. Raymond Courrière. Il l'a dit !
M. Guy Fischer. Oui, il l'a dit !
M. Jean-Pierre Masseret. Je ne peux pas rester sans réaction devant cette accusation tout à fait infondée. Je ne sais pas où M. Jacques Baudot place le curseur, c'est pourquoi je me sens un petit peu impliqué...
M. Raymond Courrière. Le curseur ? Il le place à droite !
M. Jean-Pierre Masseret. Je rappelle à M. Jacques Baudot les propos qu'il tenait il y a quelques années quand, déjà rapporteur spécial du budget des anciens combattants, il montait à la tribune pour vanter les qualités du secrétaire d'Etat, homme de dialogue, courtois, disponible, qui créait les conditions du rassemblement...
M. Gilbert Chabroux. Et en plus, c'est vrai !
M. Jean-Pierre Masseret ... pour apporter les réponses les moins insatisfaisantes possible. Mais il votait contre le budget en invoquant l'insuffisance des crédits.
Je sais bien qu'au moment de voter contre il faut trouver le bon argument, mais je ne crois pas qu'il faille pour autant travestir la vérité ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jacques Baudot, rapporteur spécial. Je ne reviens pas sur ce que j'ai dit de l'homme, c'est-à-dire de l'ancien secrétaire d'Etat ; je ne reviens pas plus sur ses qualités, il les a toujours. Je maintiens, en revanche, qu'il menait à l'époque une politique de division des anciens combattants. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Raymond Courrière. C'est de la diffamation ! (Exclamations sur les travées de l'Union centriste.) On travestit la vérité !
M. Jacques Baudot, rapporteur spécial. Ce n'est pas de la diffamation. (Vives protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.) Laissez-moi parler. On a le droit de s'expliquer, tout de même !
Mais je me tourne vers le secrétaire d'Etat de l'époque, notre collègue Jean-Pierre Masseret : ne pensiez-vous pas que le fait d'accorder le bénéfice de la carte aux policiers et aux CRS dès quatre mois de séjour allait susciter des problèmes ?
C'était une véritable bombe à retardement, et elle est en train d'exploser, car nous sommes maintenant saisis de demandes d'anciens combattants qui réclament les mêmes conditions d'octroi de la carte. Et ils ont raison !
M. Jean-Pierre Schosteck. Eh oui ! Evidemment !
M. Jacques Baudot, rapporteur spécial. Etait-il vraiment nécessaire d'agir avec cette brutalité, et au bénéfice d'une seule catégorie d'anciens combattants d'Algérie, je veux parler des CRS et des policiers ?
Voilà ce que je vous reproche, mais en toute amitié, mon cher collègue.
Pendant cinq ans, nous avons connu une période de croissance.
M. Jean-Pierre Schosteck. La cagnotte !
Mme Marie-Claude Beaudeau. On diminue de 2 % les crédits, ils ne les votent pas ; on les diminues de 4 %, et ils les votent !
M. Jacques Baudot, rapporteur spécial. Et qu'a-t-on fait de plus pendant cette période de croissance ? On s'est contenté de suivre la pente de la diminution des crédits consacrés au secrétariat d'Etat aux anciens combattants ! Vous n'aviez pas mis beaucoup plus pour réellement faire quelques chose de plus, mon cher collègue. Que de dossiers ont été abandonnés, pas de votre faute, monsieur Masseret, mais par la faute de Bercy ! Je le disais d'ailleurs moi-même, et je le répéterai encore au secrétaire d'Etat actuel. Il y avait cependant des choses à faire, et vous en aviez les moyens lorsque vous étiez secrétaire d'Etat.
Les donneurs de leçons, oui, mais point trop n'en faut ! (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Jean-Pierre Schosteck. Très bien !
M. Jean-Pierre Masseret. Je ne répondrai pas parce que je ne veux pas intervenir sur le fond !
M. le président. La parole est à M. Gilbert Chabroux, pour explication de vote.
M. Gilbert Chabroux. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, j'ai déjà dit que la façon dont M. Baudot avait présenté ce projet de budget était partisane et il vient de l'illustrer à l'instant en reprenant ses propos sur les opérations de division qu'aurait menées le précédent gouvernement. Nous ne pouvons l'admettre !
Je voudrais rappeler, parce qu'il me semble qu'il faut clarifier le débat et que nous ne pouvons pas voter sans cette clarification, le rôle qui a été joué par le précédent gouvernement pour mettre fin au contentieux des anciens d'Afrique du nord. S'il n'y a pas eu rassemblement, je ne sais pas ce que ce mot signifie...
En effet, il a fallu, tout d'abord, faire reconnaître officiellement la guerre d'Algérie : cela a été fait par l'ancien gouvernement ; c'est à son honneur et l'on ne peut pas dire que cela ait été une opération de division !
Il a fallu, ensuite, revoir les conditions d'attribution des titres - la carte de combattant et le titre de reconnaissance de la nation : cela a été fait !
Il peut rester encore quelques points en discussion, mais ce n'est pas ce qui s'appelle de la division. Il y a eu rassemblement autour du gouvernement précédent...
M. Raymond Courrière. Oui !
M. Gilbert Chabroux. ... et les associations l'ont largement reconnu. Je ne peux donc pas admettre les propos qui ont été tenus : il s'agit de politique politicienne, de propos partisans et même, d'une certaine manière, sectaires. Je regrette de devoir le dire.
M. le président. Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.

(Les crédits sont adoptés.)
M. le président. J'appelle en discussion les articles 62 et 62 bis , qui sont rattachés pour leur examen aux crédits affectés aux anciens combattants, ainsi que, en accord avec la commission des finances, les amendements n°s II-6 rectifié, II-25, II-26 et II-27 tendant à insérer des articles additionnels.

Article 62



M. le président.
« Art. 62. - Le montant maximal donnant lieu à majoration par l'Etat de la rente qui peut être constituée au profit des bénéficiaires mentionnés à l'article L. 222-2 du code de la mutualité est fixé par référence à 122,5 points d'indice de pension militaire d'invalidité. »
L'amendement n° II-23, présenté par M. Fischer et les membres du Groupe communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
« I. - Dans cet article, remplacer les mots : "122,5 points" par les mots : "125 points".
« II. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... Les dépenses découlant de l'augmentation de la référence indiciaire pour la majoration par l'Etat des rentes visées à l'article L. 222-2 du code de la mutualité sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
« III. - En conséquence, faire précéder le début de cet article de la mention : "I". »
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Cet amendement porte sur l'article 62, qui prévoit une majoration, à 122,5 points d'indice de pension militaire d'invalidité, du plafond majorable servant au calcul des majorations spécifiques sur les rentes mutualistes. Cette mesure, traditionnelle, a un coût de 6,69 millions d'euros en 2003. J'ai relevé la satisfaction que suscitait la progression non négligeable de la retraite mutualiste, qui touche un cinquième des anciens combattants.
Notre amendement est un appel à ne pas perdre de vue l'objectif de 130 points d'indice que nous nous étions fixés.
Afin de ne pas prolonger le débat sur une question qui a été largement débattue et avant de retirer l'amendement, monsieur le secrétaire d'Etat, nous voulons souligner que la demande principale des générations du feu, toutes confondues, est la revalorisation de la retraite des anciens combattants.
Cette revalorisation doit être, d'une part, importante, dans la mesure où elle n'a pas été engagée depuis plusieurs décennies et, d'autre part, envisagée, négociée, partagée et prévue, de toute évidence, sur plusieurs années. Il convient à présent d'engager la concertation qui a été annoncée. Nous serons très attentifs à l'ajustement progressif de l'indice de la retraite des anciens combattants.
M. le président. L'amendement n° II-23 est retiré.
Je mets aux voix l'article 62.

(L'article 62 est adopté.)
M. le président. Je constate que cet amendement a été adopté à l'unanimité des suffrages exprimés.

Articles additionnels après l'article 62



M. le président.
L'amendement n° II-25, présenté par M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Après l'article 62, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Dans la première phrase du dernier alinéa de l'article L. 253 bis du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, les mots : "douze mois" sont remplacés par les mots : "quatre mois".
« II. - La seconde phrase du même alinéa est supprimée. »
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fisher. Je serai bref, car cette question a fait l'objet de nombreuses discussions.
Pour nous, l'harmonisation des conditions d'obtention de la carte du combattant est une mesure de justice sociale, notamment pour les anciens d'AFN, même si nous reconnaissons que tout ce qui a été accompli auparavant n'est pas négligeable.
A partir du moment où l'attribution de la carte aux CRS et aux policiers ayant effectué quatre mois de séjour a été décidée, il nous paraît légitime d'étendre cette mesure aux anciens d'Algérie, de Tunisie et du Maroc. C'est une mesure qui est considérée comme discriminatoire par ceux qui, de toute évidence, ont souvent vécu dans leur chair et sur le terrain des expériences comparables à celles des policiers et des CRS.
Monsieur le secrétaire d'Etat, cet amendement se veut un appel en faveur de cette ultime demande des anciens d'AFN, de Tunisie et du Maroc.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jacques Baudot, rapporteur spécial. La commission suivra l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Hamlaoui Mékachéra, secrétaire d'Etat. Monsieur le sénateur, la question que vous posez a été traitée, d'une manière peut-être différente, lors de ma présentation du projet de budget.
Je tiens tout d'abord à rappeler que le Gouvernement a la volonté de trouver une solution sur ce point, guidé par des considérations d'équité et par le souci d'éviter toute injustice. A cet égard, l'harmonisation de l'attribution de la carte de combattant pour les combattants d'Algérie doit être regardée avec acuité, afin de ne pas commettre une nouvelle injustice en voulant en réparer une autre.
Nous voulons traiter ce sujet dans un cadre plus global et nous proposerons prochainement des mesures de simplification, d'harmonisation et de rationalisation qui permettront d'attribuer les cartes de combattant dans de bonnes conditions.
Il n'est pas satisfaisant, il est vrai, d'attribuer des cartes pour douze mois, pour quatre mois, pour quatre mois au-delà de la durée légale et, parfois, pour quatre-vingt-dix jours dans une unité combattante. C'est pourquoi nous recherchons une solution plus cohérente et plus juste envers tous les combattants de la guerre d'Algérie.
Monsieur le président, sur cet amendement, j'invoque l'article 40 de la Constitution.
M. le président. L'article 40 de la Constitution est-il applicable, monsieur Baudot ?
M. Jacques Baudot, au nom de la commission des finances du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Oui, monsieur le président, il l'est.
M. le président. L'article 40 étant applicable, l'amendement n° II-25 n'est pas recevable.
L'amendement n° II-26, présenté par M. Fischer et les membres du Groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Après l'article 62, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans l'article 75 de la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale, les mots : "d'un an" sont remplacés par les mots : "de deux ans". »
La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Cet amendement vise les modalités d'application de l'article 75 de la loi du 17 janvier 2002 de modernisation sociale qui est relatif aux fonctionnaires rapatriés anciens combattants de la guerre d'Algérie.
Je veux rappeler qu'une ordonnance du 15 juin 1945 a statué sur les préjudices de carrière dus à la Seconde Guerre mondiale. Cette ordonnance intéresse particulièrement les fonctionnaires d'Afrique du Nord qui s'engagèrent dans les Forces françaises libres et combattirent pour la libération de la métropole et dont les carrières administratives furent à nouveau perturbées lors de leur reclassement en tant que rapatrié après 1962.
Ainsi, l'article 3 de la loi du 8 juillet 1987 relative à certaines situations résultant des événements d'Afrique du Nord a étendu aux rapatriés d'Afrique du Nord le bénéfice de l'ordonnance du 15 juin 1945.
La loi du 3 décembre 1982 relative au règlement de certaines situations résultant des événements d'Afrique du Nord, de la guerre d'Indochine ou de la Seconde Guerre mondiale, modifiée, avait bien créé des commissions administratives de reclassement mais, du fait de leur âge, une forclusion avait éloigné les fonctionnaires rapatriés anciens combattants de leur bénéfice.
Avec l'article 75 de la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002, cette forclusion a été levée et a autorisé les fonctionnaires rapatriés anciens combattants à demander la révision de leur situation administrative et l'établissement d'un nouveau livret de pension. Je rappelle que la date limite de réception des demandes a été fixée au 18 janvier 2003.
Malheureusement - nous en avons été alertés à plusieurs reprises, comme vous, monsieur le secrétaire d'Etat, par l'association des fonctionnaires d'Afrique du Nord et d'outre-mer - les anciens combattants retraités concernés sont presque tous âgés de plus de quatre-vingts ans et n'ont pas été informés de cette levée de forclusion.
Pourtant, l'association avait écrit au service des pensions du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie pour lui demander d'envoyer la notice explicative qu'ils avaient rédigée sur le sujet aux retraités aujourd'hui âgés de plus de soixante-seize ans ayant été mobilisés en 1942 dès l'âge de dix-huit ans. En dépit des interventions pressantes d'une délégation qui a été reçue quatre fois au ministère de la défense, deux fois au ministère de l'intérieur et au moins deux fois au ministère des affaires sociales, le service des pensions vient de refuser de diffuser l'information nécessaire car, selon eux, les retraités lisent - sûrement quotidiennement - le Journal officiel !
Alors que la loi a levé la forclusion et prolongé la mesure jusqu'au mois de janvier 2003, le dispositif est totalement inopérant parce que les personnes concernées n'ont pas été informées.
L'amendement n° II-26 vise donc à proroger de deux ans les mesures prévues par la loi du 17 janvier 2002. Mes chers collègues, c'est pourquoi je vous demande instamment de voter cet amendement. Ce ne serait que justice sociale. De plus, cette mesure ne concerne qu'un très petit nombre de fonctionnaires, qui sont, je le répète, âgés au moins de quatre-vingts ans. Si nous ne le faisons pas aujourd'hui, c'est le cas de le dire, faute de combattants, nous n'aurons plus à le faire les années prochaines.
Mme Hélène Luc. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jacques Baudot, rapporteur spécial. La commission souhaiterait connaître l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Hamlaoui Mékachéra, secrétaire d'Etat. Vous évoquez, madame Beaudeau, la possibilité pour les fonctionnaires de demander à bénéficier de la reconstitution de carrière ou de l'arriéré en cause s'ils s'estiment lésés en raison des événements d'Afrique du Nord. Ils doivent effectivement faire leur demande avant le 18 janvier 2003.
Je me permets toutefois de vous indiquer, madame Beaudeau, que nous ne sommes pas restés inactifs depuis l'adoption de la loi de modernisation sociale. Nous avons saisi M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire sur la nécessité de mettre en place une commission d'examen de ces dossiers - mais peut-être en êtes-vous déjà informée.
Une notice a été diffusée aux directions interdépartementales et aux services départementaux de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre, l'ONAC. Il leur a été demandé d'en assurer la large diffusion auprès de leurs ressortissants. Les associations elles-mêmes ont informé leurs adhérents. Enfin, l'information figure sur le site internet du ministère de la défense. Il me semble par conséquent que les intéressés ont eu toute possibilité de faire valoir leurs droits en temps utile.
En outre, cet amendement n'est pas sans incidence financière, vous vous en doutez. C'est la raison pour laquelle j'invoque l'article 40 de la Constitution.
Mme Hélène Luc. Ah ça !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Ce n'est pas un argument ! Vous le dites vous-même : comme cela coûte trop cher, on n'informe pas !
M. le président. Monsieur Baudot, l'article 40 de la Constitution est-il applicable ?
M. Jacques Baudot, au nom de la commission des finances. Il l'est, monsieur le président.
M. le président. L'article 40 étant appliable, l'amendement n° II-26 n'est pas recevable.

Article 62 bis



M. le président.
« Art. 62 bis. - Le Gouvernement présentera au Parlement, au plus tard le 1er septembre 2003, un rapport sur l'extension du décret n° 2000-657 du 13 juillet 2000 instituant une mesure de réparation pour les orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites à l'ensemble des orphelins des victimes du nazisme. » - (Adopté.)

Article additionnel après l'article 62 bis



M. le président.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° II-6 rectifié, présenté par MM. Hoeffel, Grignon, Ostermann, Lorrain et Richert, est ainsi libellé :
« Après l'article 62 bis , insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'Etat s'engage à indemniser les Alsaciens Mosellans incorporés de force dans les organisations paramilitaires du régime nazi.
« II. - La perte de recettes résultant du I est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
L'amendement n° II-27, présenté par Mme Printz, M. Chabroux et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Après l'article 62 bis , insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« L'Etat s'engage à assurer le financement complémentaire nécessaire à l'indemnisation des femmes incorporées de force dans les organisations paramilitaires du régime nazi. »
La parole est à M. Daniel Hoeffel, pour défendre l'amendement n° II-6 rectifié.
M. Daniel Hoeffel. Cet amendement a un double objet. Il vise, tout d'abord, à rappeler avant l'oubli le sort tragique des incorporés de force d'Alsace-Moselle, abandonnés à leur sort par l'annexion de fait. Ainsi, 40 000 d'entre eux sont morts sous un uniforme qui n'était pas le leur. Ils méritent notre respect.
Cet amendement tend aussi à appeler l'attention sur la situation des incorporés de force masculins et féminins dans les organisations paramilitaires qui, contrairement à ceux qui l'ont été dans les organisations militaires, n'ont pas été indemnisés. Nos collègues Joseph Ostermann et Gisèle Printz l'ont évoqué tout à l'heure ; notre collègue Jean-Pierre Masseret connaît bien le problème et ses éventuelles solutions.
Monsieur le secrétaire d'Etat, cette requête tient à coeur à l'ensemble des élus de notre région et nous serions heureux si, en toute équité, une solution pouvait enfin être trouvée à cet aspect d'un chapitre douloureux de l'histoire tourmentée de l'Alsace et de la Moselle.
Il nous a paru nécessaire d'évoquer ce problème à la veille du quarantième anniversaire du traité de l'Elysée, symbole d'une amitié franco-allemande à laquelle nous sommes attachés. Une solution concrète à cette question apporterait un surcroît de sérénité à la cérémonie de commémoration. (Applaudissements.)
Mme Hélène Luc. Nous sommes d'accord avec vous !
M. le président. La parole est à Mme Gisèle Printz, pour présenter l'amendement n° II-27.
Mme Gisèle Printz. Je ne vais pas m'étendre plus longuement sur cet amendement qui va dans le même sens que celui de M. Hoeffel. Je voudrais toutefois insister sur le fait que ce sont surtout les femmes qui n'ont pas été indemnisées.
M. Jean-Pierre Masseret. C'est juste.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jacques Baudot, rapporteur spécial. La commission souhaiterait connaître l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Hamlaoui Mékachéra, secrétaire d'Etat. Les Alsaciens et les Mosellans ont subi, du fait de l'annexion nazie, ainsi que vous l'avez rappelé, une situation incontestablement dramatique. Beaucoup se sont retrouvés dans des difficultés extrêmes, que l'histoire n'a pas toujours contribué à apaiser, il faut bien le reconnaître. Le cas le plus emblématique est celui des incorporés de force, les « malgré-nous », qui ont bénéficié de régimes d'indemnisation distribués par le biais de la fondation de l'Entente franco-allemande.
L'absence de règlement de certaines situations suscite manifestement des sentiments d'injustice qui perdurent ; tel est le cas des enrôlés de force dans le RAD. Certains, qui furent exposés au danger des combats, ont bénéficié de compensations par assimilation aux malgré-nous ; d'autres, en revanche, en sont toujours exclus. Il s'agit souvent de femmes engagées dans des services administratifs allemands.
Jusqu'à présent, la jurisprudence de l'arrêt Cocher de 1973 n'envisage pas d'ouverture à leur profit puisqu'elle entend réserver l'indemnisation à ceux qui ont été contraints de servir sous commandement allemand ou qui ont servi soit dans l'aviation allemande, soit dans la police.
Pour autant, je suis pleinement convaincu de la sensibilité de ce dossier. Je suis disponible pour l'évoquer et, si possible, pour le régler en concertation avec toutes les parties prenantes.
Bien entendu, la fondation de l'Entente franco-allemande doit être sollicitée pour participer aux échanges avec les parlementaires intéressés.
J'espère vous avoir convaincus, mesdames, messieurs les sénateurs, de la manière ouverte et dénuée d' a priori dont nous abordons ce dossier.
C'est pourquoi, monsieur le sénateur, madame la sénatrice, je sollicite le retrait de ces amendements auxquels nous sommes extrêmement sensibles.
M. le président. Monsieur Hoeffel, l'amendement est-il maintenu ?
M. Daniel Hoeffel. Monsieur le secrétaire d'Etat, à condition que le retrait de l'amendement signifie non pas le relâchement mais, au contraire, la persévérance dans l'effort à entreprendre avec toutes les parties prenantes, je le retire. C'est un acte de confiance en l'action que vous comptez mener avec conviction en faveur de la défense de ce dossier. (Applaudissements.)
Mme Hélène Luc. C'est dommage !
M. le président. L'amendement n° II-6 rectifié est retiré.
L'amendement n° II-27 est-il maintenu ?
M. Jean-Pierre Masseret. Je retire cet amendement. De toute façon, l'article 40 de la Constitution aurait été invoqué et s'appliquerait.
Comme Daniel Hoeffel, j'espère simplement que les parlementaires alsaciens et mosellans seront associés au dialogue avec la fondation Entente franco-allemande, qui détient de nombreuses cartes dans ses mains.
M. le président. L'amendement n° II-27 est retiré.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jacques Baudot, rapporteur spécial. A titre personnel, en tant que Lorrain du sud, je participerai, avec les Mosellans et les Alsaciens, à cette action.
M. Daniel Hoeffel. Merci !
M. le président. Nous avons terminé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant les anciens combattants.
Alors que le Sénat s'apprête à examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant le ministère des sports, je vous informe que la France a gagné le double en Coupe Davis. L'avantage d'être président est de pouvoir l'annoncer avant le ministre lui-même ! (Sourires.)

(M. Daniel Hoeffel remplace M. Bernard Angels au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. DANIEL HOEFFEL
vice-président

Sports



M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant le ministère des sports.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Michel Sergent, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Permettez-moi, monsieur le président, de me réjouir à mon tour de la victoire de l'équipe française de tennis cet après-midi, en double.
M. Jean-Philippe Lachenaud. Très bien !
M. Michel Sergent, rapporteur spécial. Certes, tout n'est pas gagné, mais une tradition vieille de plus de vingt ans veut que l'équipe qui remporte le double gagne la Coupe Davis. Espérons que nous verrons demain la concrétisation de cet espoir et une belle victoire de l'équipe de France de tennis.
M. Jean-Philippe Lachenaud. Allez la France !
M. Michel Sergent, rapporteur spécial. Le ministère des sports constitue, dans cette nouvelle législature, un ministère de plein exercice, mais il conserve encore, de manière transitoire, des compétences budgétaires au titre de la jeunesse, les crédits de la direction de la jeunesse et de l'éducation populaire étant maintenus dans le périmètre du ministère.
Les crédits budgétaires des sports s'élèvent à 400,6 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2003, en hausse de 1,3 % par rapport à l'année 2002. Les moyens consacrés aux sports comprennent également un compte spécial du Trésor, le Fonds national pour le développement du sport, ou FNDS, dont les prévisions de recettes s'élèvent à 218,4 millions d'euros, soit plus de la moitié du budget du ministère. Les moyens globaux consacrés aux sports sont ainsi de 619 millions d'euros, soit une progression appréciable de 2,9 % par rapport à 2002.
Au sein du budget du ministère, la stabilité des dépenses ordinaires recouvre une baisse de 6,35 % des dépenses d'intervention. Les dépenses en capital connaissent en revanche un sort beaucoup plus favorable puisqu'elles doublent pour s'établir à 11 millions d'euros. Ces montants témoignent cependant de la modestie des moyens de ce ministère, qui représentent 0,2 % du budget de l'Etat.
Le FNDS bénéficie de recettes dynamiques, puisque leur augmentation est évaluée à 6,1 % pour l'année prochaine, l'augmentation s'étant élevée à 47 % entre 1997 et 2002.
Ces recettes sont cependant régulièrement sous-évaluées, tendance qui s'accompagne d'une sous-exécution chronique des dépenses qui se traduit par des reports importants : pas moins de 133 millions d'euros en 2001. Cette situation est préjudiciable à la sincérité des comptes et au contrôle parlementaire, mais surtout aux bénéficiaires potentiels des crédits du FNDS, alors que les besoins en matière de mise aux normes des équipements sont élevés.
Le Gouvernement entend cependant améliorer la programmation des investissements, qui est, il est vrai, entravée par un processus décisionnel complexe.
L'avenir du FNDS est également au centre des préoccupations du mouvement sportif, car nous savons que la loi organique relative aux lois de finances implique de modifier la configuration de ce fonds d'ici à 2005. Vous avez récemment évoqué, monsieur le ministre, plusieurs pistes d'évolution, et je souhaite vous demander si la budgétisation est, de votre point de vue, clairement exclue. Quelles seraient les modalités de financement et d'organisation de la « fondation du sport » et de l'établissement public que vous envisagez ?
Le précédent gouvernement avait privilégié certaines orientations, notamment la dimension sociale du sport et la lutte contre le dopage, qui sont maintenues dans le nouveau projet. Ce dernier comprend ainsi trois axes majeurs : la sécurité de la pratique sportive et de l'environnement des sports, le renforcement de la cohésion sociale par le sport et le maintien de la France parmi les grandes nations sportives.
Le sport constitue un vecteur majeur de socialisation et d'éducation, et il était conçu comme tel par les pères du sport moderne. Ce rôle social connaît trois grandes expressions : l'accès de tous à la pratique sportive, le soutien à l'emploi et aux associations, et le maintien de la solidarité financière entre les milieux professionnel et amateur.
Plusieurs mesures sont à cet égard maintenues ou amplifiées. Les « coupons sport », dont le succès est réel auprès des familles défavorisées, sont ainsi pérennisés. Le dispositif « plan sport emploi », qui vise à structurer et à professionnaliser l'encadrement dans les associations, bénéficie quant à lui d'une mesure nouvelle de 750 000 euros, et cent postes soutenus par le fonds de coopération de la jeunesse et de l'éducation populaire, dits postes FONJEP « sport », devraient également être créés. Les aides accordées aux fédérations en charge des personnes handicapées devraient en outre passer de 1 million d'euros à 2 millions d'euros.
De nombreuses incertitudes demeurent cependant sur le sort des 20 000 emplois-jeunes qui ont été créés au cours des dernières années, parfois, certes, pour profiter d'un effet d'aubaine, mais il n'en reste pas moins que de nombreux contrats arriveront à échéance en 2003-2004 et je vous pose donc, monsieur le ministre, la question suivante : le futur contrat d'insertion dans la vie sociale, le CIVIS, dont on semble attendre beaucoup, permettra-t-il de sauvegarder la majorité de ces emplois, le plus souvent très utiles aux associations sportives ?
Je constate également que la pratique sportive de nos concitoyens ne se situe pas à un très bon niveau par rapport à nos voisins, notamment les pays scandinaves et la Grande-Bretagne. Si la diffusion du sport au sein de la population dépend en partie de l'effet d'entraînement suscité par les succès des équipes professionnelles, il me semble qu'elle dépend également de la qualité et de la densité des installations, de la reconnaissance des nouvelles pratiques urbaines et de plein air, et de la sensibilisation des jeunes à la nécessité d'une pratique régulière.
La deuxième grande orientation, la sécurité dans le sport, comporte deux aspects principaux.
Le premier de ces aspects est la lutte contre le dopage, qui fut un des grands chantiers de Mme Buffet. L'actuel gouvernement entend à juste raison poursuivre ce combat.
Le dopage est en effet le révélateur d'une certaine perte de repères dans notre société en même temps qu'il représente un risque majeur de banalisation de la triche et de non-respect de l'intégrité du corps. Je me félicite que la France fasse preuve de pugnacité et de constance sur ce terrain, grâce à des moyens qui ont connu une forte hausse depuis trois ans et qui, après une hausse plus modérée, s'établiront à 500 000 euros en 2003, grâce aussi à une action internationale ambitieuse, à une politique de prévention étoffée et à des contrôles plus nombreux.
Le laboratoire national de dépistage du dopage a également retrouvé un rythme soutenu, en matière d'analyses, mais le chemin est encore long à parcourir, car le dopage ne sévit pas que dans les disciplines les plus médiatisées et commence de plus en plus tôt chez les amateurs.
L'application effective des contrôles se révèle également difficile pour certaines fédérations, de telle sorte que l'on peut se demander s'il ne convient pas aujourd'hui de simplifier le suivi médical ou d'assurer un véritable service public intégré de lutte contre le dopage pour les fédérations moins structurées.
Le second volet de la sécurisation de la pratique sportive concerne la sécurité publique dans et autour des enceintes. La violence dans le sport participe, dans une certaine mesure, des mêmes tendances sociales que le dopage, lorsque l'enjeu prime sur le jeu. A ce titre, une mesure nouvelle de 2,36 millions d'euros vise à intégrer des avenants « sport » dans les contrats locaux de sécurité.
La commission nationale de prévention et de lutte contre la violence dans le sport, mise en place dans vingt-six départements, joue également un rôle important dans le traitement de l'information et l'anticipation des événements à risque.
La lutte contre la violence requiert également la formation des arbitres, pour inciter ceux-ci à la fermeté, et la sensibilisation des pratiquants, pour que ceux-ci respectent le corps arbitral.
Le maintien de la France au rang de grande nation sportive suppose une participation importante du pôle France aux compétitions internationales ainsi que l'organisation de grandes manifestations sur notre sol. L'année 2003 verra ainsi divers championnats du monde se dérouler en France, en particulier les championnats du monde d'athlétisme, que l'Etat finance pour moitié.
La préparation aux jeux Olympiques d'Athènes fait également l'objet d'une mesure nouvelle de 250 000 euros. Mais, au-delà de 2004, il convient de se poser d'ores et déjà la question d'une éventuelle candidature de Paris aux jeux de 2012. Si la France faisait à nouveau acte de candidature, il lui faudrait bien analyser les raisons de son précédent échec et affiner sa stratégie de communication à l'égard du CIO.
Le rayonnement de la France passe aussi par la qualité des équipements au service des sportifs. Si je me réjouis de ce que la rénovation de ce précieux outil qu'est l'Institut national du sport et de l'éducation physique, l'INSEP, soit poursuivie, je déplore le déséquilibre des clauses du contrat de gestion du Stade de France. L'Etat a manifestement mal négocié ce contrat, qui a engendré un coût moyen annuel de près de 9 millions d'euros, soit un montant approchant les dépenses d'investissement du ministère pour 2003. Je crains malheureusement que la récente renégociation du contrat n'apporte guère de modifications substantielles à son économie.
Je souhaite conclure, monsieur le ministre, mes chers collègues, par quelques observations sur notre organisation sportive. La France a mis en oeuvre un modèle original et à de nombreux égard efficace, mais qui mérite aujourd'hui d'être rénové. L'enjeu comporte de multiples aspects : il s'agit de mieux préciser les contours du service public du sport, de garantir les principes de l'éthique sportive tout en accordant davantage de souplesse au milieu professionnel, de préserver la solidarité intrinsèque du mouvement sportif et d'en clarifier la gestion, enfin, de faire de l'Etat un coordonnateur et un incitateur, en partenariat avec les acteurs privés.
Je souhaite que les conclusions des états généraux du sport apportent, dès la semaine prochaine, une confirmation des principes du sport et des pistes concrètes d'évolution. J'ai bon espoir.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission des finances vous propose, mes chers collègues, d'adopter les crédits du ministère de la jeunesse et des sports pour 2003.
Néanmoins, monsieur le ministre, je tiens à préciser que nous aurions pu, comme pour les autres budgets, être amenés à présenter, au nom de la commission des finances, un amendement de réduction de vos crédits. Ce n'est pas le cas, et je m'en réjouis. La commission entend cependant insister sur l'absolue nécessité d'un suivi précis de l'exécution des dépenses et d'une gestion très rigoureuse des crédits, en particulier ceux du FNDS.
Il est en effet à craindre que les prévisions de moins-values fiscales pour 2003 ne contraignent le Gouvernement à une sévère régulation budgétaire qui n'épargnerait aucun ministère.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Bernard Murat, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je commencerai aussi par féliciter notre équipe de tennis. Alors qu'aujourd'hui le Sénat a rendu hommage à Alexandre Dumas, à l'occasion du transfert de ses cendres au Panthéon, je dirai, si vous me permettez ce raccourci, que, peut-être, nous assistons à l'émergence d'une nouvelle équipe de Mousquetaires ! (Applaudissements.)
M. Jean-François Lamour, ministre des sports. Bien joué !
M. Bernard Murat, rapporteur pour avis. Le projet de budget pour 2003 du ministère des sports est, pour la première fois, uniquement et totalement dédié aux politiques des sports.
Cette réorganisation gouvernementale témoigne de la volonté du Gouvernement de prendre pleinement acte de la spécificité et du rôle croissant du sport dans notre société.
M. le rapporteur spécial a donné les chiffres : c'est un budget de 400 millions d'euros, en hausse de 1,3 %, soit, avec l'apport du Fonds national pour le développement du sport, une enveloppe financière globale de 618 millions d'euros, en hausse de 3 %. Dans le contexte budgétaire contraint que nous connaissons, c'est un traitement privilégié !
Je constate, monsieur le ministre, que les crédits du titre III, consacrés aux moyens des services, s'élèvent à 300 millions d'euros et ont un poids significatif dans le budget de votre ministère. Vous conservez sous votre autorité l'essentiel des services de l'ancien ministère de la jeunesse et des sports. Les crédits des personnels de la direction de la jeunesse et de l'éducation populaire, pourtant placée sous l'autorité du ministre chargé de la jeunesse, restent, à titre transitoire, inscrits dans votre budget. La hausse modérée de ces crédits - 1,9 % - vous permet notamment de créer dix-neuf emplois et trois contrats de préparation olympique et de haut niveau.
Dans le même temps, la suppression de vingt-cinq emplois d'ouvrier devrait permettre d'expérimenter l'externalisation de certaines fonctions d'entretien et de maintenance.
Les crédits d'intervention du titre IV s'élèvent, après le partage opéré avec le ministère de la jeunesse, à 89 millions d'euros. Ils vous permettent, moyennant un réaménagement de vos dépenses conforme à vos priorités, de consacrer 2,6 millions d'euros au programme que vous lancez pour lutter contre la violence et les incivilités dans le sport, 750 000 euros à la création de cent postes FONJEP, spécialement destinés aux associations sportives, et 750 000 euros à la relance du plan sport emploi.
Ces deux mesures en faveur de l'emploi sportif n'apporteront pas à elles seules une solution au problème des emplois-jeunes, mais elles constituent des dispositifs spécifiques au secteur sportif qui méritent d'être développés, en complément du contrat d'insertion dans la vie sociale actuellement en préparation.
A ce propos, monsieur le ministre, je souhaiterais que vous indiquiez comment le CIVIS s'appliquera au secteur sportif associatif.
D'une façon générale, il me paraît utile de procéder à une simplification et à une harmonisation des différents dispositifs d'aide à l'emploi dans le sport, car leur variété est actuellement un peu déroutante, pour les usagers, bien sûr, mais aussi pour les collectivités locales. Il serait utile de pouvoir s'appuyer, dans cette perspective, sur une observation continue de l'emploi sportif afin de mesurer l'impact des politiques de l'emploi dans ce secteur.
Quelques pistes pourraient être explorées avec intérêt, par exemple le développement des services aux petits employeurs, ce qui permettrait de réduire la précarité de ces petites structures, ou encore le soutien, grâce à des dispositifs du type coupon sport, à la demande des services sportifs.
Je note enfin que les dépenses en capital connaissent de fortes progressions, mais celles-ci ne portent que sur des montants limités du fait de la propension de vos prédécesseurs à confier le financement des dépenses d'investissement au Fonds national pour le développement du sport.
Avec des recettes évaluées à 218,37 millions d'euros pour 2003, ce fonds représente à lui seul plus du tiers des moyens financiers dont vous disposez. Le monde sportif s'inquiète de sa disparition annoncée. Il me semble indispensable de conserver au bénéfice du sport les moyens financiers du fonds et de conserver une participation du mouvement sportif à leur gestion.
Devant l'Assemblée nationale, vous évoquiez, monsieur le ministre, l'hypothèse d'une solution mixte, associant un établissement public doté des ressources actuelles et des entreprises privées capables de participer en complément aux efforts d'investissement, pour remplacer le fonds.
Cette formule est séduisante, mais offrira-t-elle aux entreprises les retours en termes d'images, qu'elles attendent d'un investissement dans le sport ? Son succès - et cette question ne vous surprendra pas de la part du maire de l'une des villes les plus sportives de France - ne portera-t-il pas préjudice aux clubs sportifs qui reçoivent aujourd'hui localement l'appui de ces mêmes entreprises ?
Monsieur le ministre, je souhaite enfin évoquer brièvement le déroulement et le succès des Etats généraux du sport que vous avez souhaités. Ceux-ci ont permis une véritable concertation avec les acteurs du sport, tant à l'échelon national qu'à l'échelon local. Cette nouvelle approche, je vous le dis très officiellement ce soir, a été très appréciée par tous les participants.
C'est d'ailleurs pour répondre immédiatement à une vive inquiétude qui s'était exprimée à l'occasion des Etats généraux que le Sénat a adopté la proposition de loi que j'avais déposée et qui garantit sans équivoque aux éducateurs sportifs titulaires de diplômes homologués le droit d'exercer leur métier.
La commission des affaires culturelles sera, bien entendu, très attentive à la synthèse de ces travaux et aux propositions qu'elles vous inspireront, propositions sur lesquelles vous pourrez peut-être par anticipation nous donner quelques indications.
Cette nouvelle approche des questions du sport et l'évolution favorable des crédits consacrés à la politique des sports conduisent la commission à recommander au Sénat d'adopter les crédits du sport pour 2003.
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 15 minutes ;
Groupe socialiste, 13 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 8 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes.
Je vous rappelle que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Serge Lagauche.
M. Serge Lagauche. Si les crédits du projet de budget des sports pour 2003, atteignant 410 millions d'euros, enregistrent une hausse de 1,29 %, la plus faible depuis 1997, l'incidence de l'inflation fera, monsieur le ministre, que vous disposerez de moyens en baisse. Il convient, heureusement, de compter avec le FNDS, dont les crédits, en augmentation d'environ 6 % par rapport à 2002 grâce aux dispositions prises par le précédent gouvernement, vous permettent de disposer de 218 millions d'euros supplémentaires. Au passage, sachez, monsieur le ministre, que nous resterons vigilants, afin que la réforme du FNDS ne remette en cause ni sa gestion paritaire par l'Etat et le mouvement sportif ni le montant de sa part régionale, même si l'idée que vous avez avancée devant la commission de créer un établissement public nous séduit a priori.
En termes de chiffres, ce projet de budget est donc loin de correspondre à l'ambition affichée par le Gouvernement et réaffirmée à l'occasion de multiples déclarations.
Par exemple, les crédits visant à financer le dispositif des coupons sport, créé en 1998 en faveur des jeunes de dix à dix-huit ans issus de familles défavorisées souhaitant s'inscrire à un club sportif, seront amputés de 1,8 million d'euros. J'ajoute que votre souhait d'en supprimer le plafonnement, s'il peut paraître légitime au regard du coût élevé de l'inscription à certains clubs sportifs, aura pour effet d'interdire à de nombreux jeunes l'accès à ce dispositif.
Par ailleurs, les crédits alloués aux contrats éducatifs locaux, dispositif instauré par Mme Marie-George Buffet qui permet le développement d'actions éducatives au profit d'enfants et de jeunes scolarisés dans des zones sensibles, connaîtront une baisse de 880 000 euros. Le succès de ce dispositif n'est pourtant plus à prouver, car près de 3 millions d'enfants en ont bénéficié en 2002.
J'ai le sentiment, monsieur le ministre, que l'orientation budgétaire que vous avez retenue, suivant la même logique, va à l'encontre de la solidarité entre les niveaux de pratique sportive et marque, une nouvelle fois, une rupture par rapport aux efforts importants fournis précédemment.
2383A l'heure où cette solidarité mériterait avant tout d'être réaffirmée, compte tenu des dérives vers lesquelles tend le sport d'élite, votre projet de budget prévoit une diminution des crédits destinés à financer le développement de la pratique sportive, élargissant ainsi le fossé entre sport amateur et sport professionnel.
Je relève toutefois avec satisfaction, monsieur le ministre, les rattrapages qui ont été consentis par voie d'amendements à l'Assemblée nationale. Les 2,8 millions d'euros supplémentaires alloués au chapitre 43-91 du titre IV, répartis entre les crédits déconcentrés pour les jeux Olympiques et les grandes manifestations sportives, les crédits déconcentrés pour la promotion du sport et le développement de la pratique sportive pour le plus grand nombre, la formation des animateurs et l'accompagnement de l'emploi, auxquels s'ajoutent 150 000 euros en autorisations de programme et en crédits de paiement pour les équipements sportifs, demeurent cependant très insuffisants.
Comment comptez-vous, monsieur le ministre, poursuivre le développement du sport féminin et du sport en entreprise, que le gouvernement précédent avait soutenus ? Vous nous répondez que les crédits pour la pratique sportive féminine seront transférés aux services déconcentrés, pour satisfaire les attentes locales. Je ne vois pas là une mesure budgétaire prioritaire visant à stimuler cette politique.
Par ailleurs, en matière d'emploi, la création de cent postes FONJEP et les 750 000 euros destinés au plan sport emploi ne pourront compenser, loin de là, la disparition des 20 000 emplois-jeunes du secteur sportif, dont vous n'êtes pas sans savoir, monsieur le ministre, qu'ils se sont révélés indispensables, tant pour la formation des jeunes concernés que pour les petits clubs et les collectivités locales. A la question de notre rapporteur pour avis, M. Bernard Murat, sur les aides que le ministère pourrait éventuellement envisager d'accorder pour assurer la relève de ces emplois, vous avez répondu que la seule solution était de procéder à une évaluation au cas par cas, ce qui risque de donner un travail considérable à vos services.
Mais, plus sérieusement, vous répondez aux clubs de s'arranger avec les collectivités locales, dans le cadre d'une décentralisation à la façon de M. Raffarin. Où est l'impulsion de l'Etat, qui ne doit pas se défausser de sa responsabilité, tant financière que sociale, sur les collectivités, dont la situation est déjà difficile et sur lesquelles les projets de décentralisation laissent planer bon nombre d'incertitudes ?
De même, vos propositions en faveur des bénévoles vont certes dans le bon sens, mais elles n'en demeurent pas moins insuffisantes au regard des attentes de ces derniers, attentes que le gouvernement précédent avait commencé à satisfaire, notamment par la validation des acquis, les déductions fiscales ou le droit au congé-formation. A l'instar, me semble-t-il, du rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, je déplore, monsieur le ministre, votre opposition à la création d'un vrai statut du bénévole. Ce serait pourtant une étape décisive vers la reconnaissance de leur travail et de la nécessité de continuer à susciter des vocations pour cette forme de citoyenneté active.
En matière de protection de la santé des sportifs, votre projet de budget nous semble, là encore, davantage de rupture que de transition. Vous voulez réactiver la médecine du sport, mais laquelle ? Alors que la France a été, sous le gouvernement précédent, pionnière en matière de lutte contre le dopage, grâce à des efforts considérables, et alors que ce combat fait prétendument partie, monsieur le ministre, de vos priorités, les crédits qui y sont consacrés n'augmentent que de 2 % par rapport à 2002, contre une hausse de 17,8 % lors du dernier exercice.
Le Laboratoire national de dépistage de Châtenay-Malabry ne bénéficiera que de 100 000 euros supplémentaires et de deux nouveaux emplois ; les crédits alloués au suivi médical des sportifs et à l'extension des contrôles font l'objet d'une mesure nouvelle de 400 000 euros, bien insuffisante ; quant aux centres médico-sportifs, ils ne recevront plus aucune aide de la part de l'Etat. Cela n'est pas acceptable.
Pour faire face aux pratiques de dopage, notamment chez les jeunes sportifs, l'Etat doit continuer à afficher son refus de ce fléau en renforçant, d'une part, les moyens de prévention et d'information, et, d'autre part, les contrôles, en particulier inopinés, dans tous les sports et à tous les niveaux de pratique.
Quant aux crédits affectés au soutien au sport de haut niveau, à la préparation et à l'accompagnement des équipes de France aux prochains jeux Olympiques et autres grandes compétitions internationales, je note avec satisfaction les efforts de votre ministère. J'espère toutefois que vous ne recherchez pas uniquement un effet d'affichage politique, et qu'il s'agit plutôt d'inviter les jeunes, et même les moins jeunes, à la pratique sportive.
Je m'attarderai quelques instants sur la question des équipements sportifs, dont le récent rapport de mon ami Laurent Cathala, député-maire de Créteil, a rappelé l'insuffisance et la vétusté.
Le Conseil européen des ministres des sports a adopté, en septembre dernier, un plan de relance du sport à l'école. Pour relayer ce plan, notre pays devra fournir de nombreux efforts. En effet, le parc d'équipements sportifs ne permet pas d'assurer, actuellement, les enseignements d'éducation physique et sportive conformément aux programmes fixés par l'Etat. En outre, la mise aux normes de sécurité des équipements et leur adaptation à l'évolution de la demande sociale exigent des financements de plus en plus importants.
Or, alors que les collectivités territoriales rencontrent beaucoup de difficultés pour faire face à ces dépenses, le soutien financier de l'Etat demeure bien insuffisant au regard de ce projet de budget et très incertain compte tenu des craintes suscitées par la décentralisation à venir.
Monsieur le ministre, quelles suites entendez-vous donner aux propositions avancées dans le rapport de M. Cathala, parmi lesquelles je citerai la participation de l'Etat à hauteur de 30 % pour la création d'équipements, le rôle accru que doivent jouer les structures intercommunales, ou encore la fixation des participations de chaque collectivité à l'investissement et au fonctionnement des installations sportives ? Ce rapport évoque également l'indispensable réalisation du recensement et de l'évaluation des équipements. Comme l'a proposé le président de la commission des affaires culturelles, une mission d'information pourrait en fournir le cadre et constituer la première étape avant la mise en place d'un dispositif de financement entre l'Etat et les collectivités territoriales, pour un maillage d'équipements sportifs modernes au sein de nos régions.
Le versement de 12,4 millions d'euros prévu dans le projet de budget afin d'indemniser le consortium du Stade de France pour absence de club résidant, alors même que ce consortium dégage des bénéfices, demeure inacceptable, année après année. Qu'envisagez-vous de faire, monsieur le ministre, pour qu'une solution soit rapidement trouvée ? Ce sujet intéresse l'ensemble de mes collègues.
Enfin, concernant les états généraux du sport, on peut tout de même regretter que beaucoup de départements et de communes n'aient pu, dans le cadre des consultations régionales, s'exprimer comme ils l'auraient souhaité. Or ces collectivités sont les premières à financer le sport en France, et vous-même, monsieur le ministre, reconnaissez le très important travail qu'elles accomplissent. Peut-être serait-il nécessaire qu'une réelle concertation ait lieu.
En conclusion, votre projet de budget, monsieur le ministre, donne clairement la priorité au sport professionnel. Il sacrifie, en contrepartie, la pratique amateur et le sport de masse.
Votre projet politique va malheureusement dans le même sens, s'agissant, par exemple, de l'appropriation par les sections professionnelles des droits de télévision et du numéro d'affiliation du club ou de votre position peu claire sur la cotation en bourse des clubs professionnels.
A l'heure où nous reconnaissons tous les fonctions sociales, éducatives et culturelles du sport, ainsi que l'importance des valeurs qu'il véhicule, à l'heure où l'Union européenne confirme ce rôle en choisissant 2004 comme année européenne de l'éducation par le sport, le groupe socialiste du Sénat ne peut accepter la remise en cause de la cohésion, déjà fragile, du monde sportif, que votre projet de budget et votre politique ne manqueront pas, monsieur le ministre, d'entraîner. En conséquence, il ne votera pas le projet de budget pour 2003 du ministère des sports.
M. le président. La parole est à M. Philippe Nogrix.
M. Philippe Nogrix. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je m'associe, bien sûr, aux félicitations que mes collègues ont adressées à nos tennismen pour leur victoire de ce jour en coupe Davis, qui fait naître de grands espoirs.
Le projet de budget du ministère des sports ne marque pas de véritable rupture avec les années précédentes, puisqu'il accentue l'action engagée en faveur du développement de la sécurité, du renforcement de la cohésion sociale et de l'ouverture de la pratique sportive au plus grand nombre.
On connaît la valeur de socialisation du sport. Qui n'apprécie de voir des jeunes face à face sur un terrain de sport plutôt que désoeuvrés et en proie à toutes les dérives ?
Grâce à la pérennisation des actions en faveur du développement du sport de masse, telles que le dispositif « coupon sport », les contrats éducatifs locaux, le plan handisport, ce projet de budget pour 2003 réaffirme, une fois de plus, que le secteur sportif s'inscrit dans un véritable projet de société : une société saine, affrontant des défis dans des règles de respect et de responsabilité.
Cette fonction sociale du sport est reconnue par tous. C'est pourquoi le dispositif des emplois-jeunes mis en place en 1997 a profité tout particulièrement au secteur sportif. Au total, quelque 20 000 emplois-jeunes ont été créés, et les objectifs ont été largement dépassés.
Il s'agit, de manière générale, de professionnels, le plus souvent bien formés, avec parfois quelques lacunes. Néanmoins, ce dispositif a permis d'offrir un meilleur encadrement et un meilleur accueil dans les clubs - cela est indéniable et reconnu par tous.
Je pense, notamment, aux petits clubs amateurs, mais les emplois-jeunes ont également permis, au-delà du football, sport roi, d'élargir le champ de l'offre à des activités sportives émergentes moins médiatiques. C'est là une ouverture indispensable en vue d'un enrichissement des activités sportives, chacun pouvant choisir le domaine dans lequel il compte s'épanouir.
Enfin, je tiens à rappeler que les associations ont été les principales bénéficiaires de ce dispositif, qui leur a permis de développer efficacement leurs activités en organisant le recrutement, en harmonisant l'accueil et en faisant découvrir l'esprit sportif : esprit de challenge, esprit d'équipe et esprit des règles du jeu. Le sport est donc une véritable école de la maîtrise de soi.
Si le dispositif « nouveaux services emplois-jeunes » a montré tous ses avantages, comme je viens de le souligner, il n'est pas aujourd'hui sans poser, monsieur le ministre, de lourds problèmes.
D'une part, compte tenu du nombre très élevé des emplois-jeunes, les associations n'ont pu tenir leurs engagements en matière de formation et de pérennisation de ces emplois, qu'elles devaient assurer en contrepartie des aides accordées par l'Etat.
D'autre part, comme Mme Aubry l'avait décidé, la majorité de ces emplois arrivent à échéance en 2003, au terme des cinq ans prévus par la loi.
Comment atténuer les conséquences de la sortie du dispositif emplois-jeunes sans que cela se fasse au détriment des associations ni des jeunes, qui verront leur avenir remis en question et dont la recherche d'emploi devra être accompagnée de façon dynamique par l'ANPE et par les services de l'emploi ? Leur âge les rendant, pour la grande majorité d'entre eux, inéligibles au dispositif CIVIS - contrat d'insertion dans la vie sociale - censé succéder en partie aux emplois-jeunes, il y a là, monsieur le ministre, matière à réflexion, et je compte sur le Gouvernement pour trouver une réponse appropriée, qui est attendue par tous.
Le projet de budget que vous présentez, monsieur le ministre, tend à remédier à toutes ces difficultés.
En effet, vous proposez de créer cent emplois dans le cadre du « plan sport emploi », ce qui représente, pour 2003, un budget de 750 000 euros. Par ailleurs, pour un même montant, cent postes FONJEP « sport » seront créés.
Je salue bien évidemment ces deux mesures, mais sont-elles vraiment suffisantes ? Il sera nécessaire de les renforcer.
Comment comptez-vous, monsieur le ministre, sortir de ce dispositif qui a montré tous ses avantages, mais aussi ses limites ? Quelle aventure pour tous ces jeunes qui risquent aujourd'hui d'être les naufragés d'un capitaine imprévoyant, qui les a fait rêver sans assurer leur avenir ! Il vous revient maintenant, comme l'a très bien dit M. le rapporteur pour avis, de procéder à une évaluation au cas par cas de ces emplois, afin de répondre de façon efficace aux attentes.
Cette situation m'inquiète d'autant plus qu'elle touche tout particulièrement le monde associatif, qui est un acteur essentiel du secteur sportif. Ainsi, 730 000 associations ont une vocation sportive, ce qui représente 14 millions de licenciés. Ils méritent notre attention, car ils ont grand besoin d'être encadrés pour progresser.
Comme vous l'avez annoncé, monsieur le ministre, vos services entendent continuer à favoriser le développement de la vie associative. Sur ce point, je tiens à dire à M. le rapporteur spécial que, comme lui, nous sommes favorables au renforcement de la sécurité et au soutien aux associations.
L'exécution des conventions pluriannuelles d'objectifs, qui permettent d'engager un partenariat entre le ministère et les associations ou les fédérations, sera poursuivie en 2003, et la part régionale du FNDS, qui est un outil de soutien à la vie associative, devrait dépasser 80 millions d'euros en 2003. C'est bien, mais veillons à ce que les moyens soient suffisants pour garantir le succès des associations, lesquelles sont le coeur du système sportif français. Nous vous aiderons, monsieur le ministre, ici à la Haute Assemblée, mais aussi dans nos départements, auprès des acteurs de terrain.
Il est donc urgent de prévoir un mécanisme de sortie du dispositif emplois-jeunes, mais ce n'est pas tout. N'oublions pas le bénévolat assuré dans les clubs par de nombreuses personnes : les parents, les jeunes, mais aussi les grands-parents, de plus en plus nombreux à s'engager dans l'accompagnement de leurs petits-enfants. Ils garantissent à eux seuls la pérennisation de la valeur éducative et sociale du sport. Sans eux, le sport serait-il ce qu'il est ?
Votre message doit être fort et encourageant. Du fait de votre qualité d'ancien sportif de haut niveau, je ne doute pas de votre attachement à cet objectif premier de la politique du sport en France.
Enfin, monsieur le ministre, je terminerai par deux observations plus brèves.
A la suite de notre collègue Michel Sergent, rapporteur spécial, j'évoquerai tout d'abord la rénovation des équipements.
L'urgence réside en effet dans la mise aux normes des équipements des collectivités territoriales. La moitié d'entre eux datent de plus de vingt ans. Les petites communes, que l'on a chargées de tant de compétences sans leur donner les capacités financières de les assumer, n'ont, le plus souvent, pas de moyens suffisants pour garantir une offre d'équipements totalement sécurisés.
On connaît la responsabilité de plus en plus lourde qui pèse sur les maires en cas d'accidents, tels que les chutes de panneau de basket ou de cage de but de football. A chaque instant, nos élus locaux risquent d'encourir de lourdes peines, alors qu'ils n'ont pas toujours les moyens d'entretenir comme il le faudrait les équipements sportifs de leurs communes. Heureusement, notre collègue Pierre Fauchon a su élaborer et faire adopter sa loi tendant à préciser la définition des délits non intentionnels. Mais la programmation des investissements est trop irrégulière et les moyens budgétaires sont trop modestes pour que les maires puissent assurer pleinement une sécurité totale à leurs administrés. Il faudra encourager et établir les partenariats de financement nécessaires, tant avec les régions qu'avec les départements, par le biais de l'intercommunalité.
Je voudrais maintenant saluer l'initiative des Etats généraux du sport, qui ont débuté le 16 septembre dernier et qui doivent se conclure le 8 décembre à la cité de La Villette.
Je me souviens de nos échanges à Rennes, monsieur le ministre, sur la responsabilité, qui ne doit pas être partagée entre fédérations et clubs. La démocratie, pour survivre et être respectée, doit être organisée. Dans tous les domaines, il faut un chef de file identifié de par son autorité. Vos éclairages ont satisfait, en région Bretagne, un bon nombre de ceux qui étaient venus participer à ces échanges dans les locaux de l'Ecole normale supérieure Kerlann, en Ille-et-Vilaine.
L'organisation de ces consultations décentralisées illustre parfaitement la nouvelle approche que l'on peut avoir de la politique. C'est une manière d'associer l'ensemble des représentants du monde sportif à la prise de décision et d'étudier au plus près les attentes des uns et des autres, afin de pouvoir décider en toute connaissance de cause.
Sachez, monsieur le ministre, que le groupe de l'Union centriste vous apporte son soutien, car les orientations que vous avez retenues nous donnent satisfaction. Nous voterons le projet de budget que nous nous avez présenté. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président. La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, je voudrais à mon tour, en préambule, féliciter nos brillants tennismen pour leur magnifique victoire de ce jour.
Avec la création d'un ministère plein, entièrement consacré au sport et aux sportifs, et la nomination à la tête de ce ministère d'un ancien sportif de haut niveau, on nous avait fait miroiter un projet de budget important.
La réalité est tout autre.
L'augmentation est la plus faible depuis 1997, puisqu'elle est d'à peine 1,3 % par rapport à l'an dernier.
En outre, comme tous les budgets, celui du sport est annoncé comme transitoire puisqu'il dépend à la fois de la loi constitutionnelle relative à l'organisation décentralisée de la République et de l'avenir du FNDS.
Pour ce qui est de la décentralisation, je rappelle que 80 % des investissements, en matière sportive, sont d'origine locale, et pas même régionale : cela devrait légitimer la participation très large de tous les intervenants locaux et départementaux aux Etats généraux du sport si ceux-ci devaient devenir une véritable consultation nationale. Mais cela ne semble pas être le cas.
Quant au FNDS, il a vu sa part régionale progresser constamment depuis cinq ans. Son avenir est aujourd'hui incertain, et l'idée d'une fondation du sport nous fait craindre une perte d'indépendance des sportifs.
De plus, dois-je mentionner la « régulation budgétaire » drastique, qui s'élève à 10 % des crédits pour 2002 ? La ligne budgétaire « sport et femmes » est supprimée. Ouverte en 1999, cette ligne permettait de renforcer l'action gouvernementale s'agissant de la parité en général.
La ligne budgétaire « sport en entreprise » est également supprimée, Elle concerne deux millions de sportifs, sans compter les différentes compétitions organisées dans ce secteur et à une échelle internationale. L'expression sportive doit-elle passer exclusivement par les fédérations ?
Les crédits consacrés aux contrats éducatifs locaux, qui permettent aux élèves de la maternelle au collège de pratiquer des activités sportives, subissent une baisse de 880 000 euros.
Enfin, une diminution de 1,8 million d'euros intervient au titre des coupons sport, qui participaient de la loi de lutte contre les exclusions et qui permettaient à des milliers de jeunes de milieux défavorisés de payer leur licence sportive.
Et que faites-vous des emplois-jeunes des clubs et des associations sportives ? Les ferez-vous disparaître au profit de 100 postes FONJEP sport et de quelques dizaines de créations de postes dans le cadre du plan sport-emploi ?
En outre, aucun des nouveaux emplois au titre du CIVIS, le contrat d'insertion dans la vie sociale, annoncés par M. Fillon ne concerne le sport. Pourtant, aujourd'hui, le mouvement associatif, qu'il soit sportif, culturel, humanitaire ou caritatif, ne peut plus se passer d'emplois salariés permanents, car le bénévolat ne peut suffire à remplir toutes les missions.
Le sport populaire, à l'échelle d'une nation, a une fonction sociale et éducative : il participe de la prévention médicale et de l'hygiène, et il permet la révélation et la mise en valeur d'une élite d'amateurs et de professionnels.
Quelque 83 % des Français affirment pratiquer une activité physique ou sportive, c'est-à-dire qu'ils ont intégré la pratique physique et sportive dans leurs loisirs ; 20 % à 25 % disent et savent pratiquer un sport.
Si le Gouvernement affaiblit, ici aussi, le rôle de l'Etat et son intervention, le sport amateur disparaîtra nécessairement et, avec lui, le vivier du sport professionnel.
La coupure entre le sport d'élite professionnel et le sport amateur est accentuée, alors que votre majorité défend la thèse selon laquelle « l'Etat doit recentrer son action sur l'éthique sportive et le sport de haut niveau, qui permet d'attirer les jeunes vers la pratique sportive, creuset de cohésion sociale ». Comment cependant parler de cohésion sociale et des jeunes si votre budget ne prévoit pas de passerelles fortes et cohérentes entre le sport populaire et le sport d'élite ?
Bercy investit 2 millions d'euros dans le maintien du niveau d'excellence du sport français et de la place de la France parmi les grandes nations sportives. C'est bien, et même très bien !
Certes, l'élite renvoie au dépassement des limites individuelles et au perfectionnement collectif d'une nation, mais encore faut-il que les individus, issus du vivier des amateurs, disposent des infrastructures sportives et des réseaux d'accès aux sports pour se perfectionner.
Par ailleurs, vous octroyez 2 % supplémentaires aux crédits ministériels consacrés à la santé des sportifs et à la lutte contre le dopage. C'est peu, mais, surtout, la part effective des moyens consacrés à la lutte contre le dopage n'augmente que de 0,5 million d'euros.
Or la France a un rôle actif important à tenir dans le cadre national et européen concernant ce phénomène : il s'agit de développer, avec tous les partenaires du sport, l'éthique qui doit régir la pratique sportive.
La loi sur le sport et ses décrets adoptés en 2001 ont rempli le vide juridique préexistant. Ils ont donné aux fédérations le pouvoir des règles sportives, de l'éthique, des sélections nationales, de l'organisation des compétitions et de la vente des droits télévisés.
L'Etat a dorénavant un outil de régulation active des domaines sportifs et de partenariat avec tous les acteurs du sport.
La France doit maintenant se donner les moyens d'une politique dynamique et visionnaire « d'adhésion à un idéal de vie supérieure, d'aspiration au perfectionnement et de participation aux jeux des arts et de la pensée », selon Pierre de Coubertin.
Or le présent projet de budget ne répond pas à cette ambition, et mon groupe ne peut s'en satisfaire. Aussi, nous ne le voterons pas, monsieur le ministre.
M. le président. La parole est à M. Alain Dufaut.
M. Alain Dufaut. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme l'an dernier, quasiment à la même date à un jour près - c'était le 1er décembre, mais déjà un samedi -, quelques sénateurs passionnés de sport se retrouvent en compagnie des rapporteurs MM. Michel Sergent et Bernard Murat, pour débattre avec le ministre des sports de son budget.
Monsieur le ministre, le seul fait que ce débat ait lieu deux ans de suite un samedi, dans un hémicycle forcément clairsemé, montre le chemin qui reste à parcourir et le peu de cas qui est fait du sport dans le budget de la nation. Tout cela pour vous dire combien votre tâche est immense, pour inverser la tendance et faire du sport, comme nous le souhaitons tous, une vraie priorité nationale. Je sais que vous en avez la volonté.
Année après année, les orateurs qui, à cette tribune, s'expriment sur les crédits du sport regrettent de ne pas constater d'évolution sensible des moyens alloués à ce secteur, et personnellement, depuis quinze ans, j'interviens quasiment chaque année sur ce point. Je ne vous cache pas que, cette année encore, j'aurai quelques difficultés pour déroger à la règle, même si je sais qu'il est difficile de corriger, en quelques mois, la fâcheuse tendance de vos prédécesseurs à favoriser les mouvements dits d'éducation populaire au détriment des sports.
De ce point de vue, je ne suis pas persuadé que la séparation de ces deux domaines, la jeunesse et la vie associative étant désormais rattachées au ministère de l'éducation nationale, constitue la garantie absolue de la mise en oeuvre d'une politique sportive ambitieuse.
A cet égard, je ferai plutôt confiance à votre passion du sport, à votre passé de sportif de haut niveau, à votre détermination totale pour valoriser la pratique sportive dans notre pays et aux récentes déclarations du Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, dans le cadre des états généraux du sport, visant à la nécessité de « mettre le sport au rang des priorités nationales ».
Nous placerons donc nos espoirs dans l'élaboration des prochains budgets, en espérant que le contexte économique permettra de dégager des marges de manoeuvre nettement supérieures à celles de cette année que je qualifierai de transitoire. Le gouvernement précédent n'avait pas su, ou pas voulu, lui, utiliser les moyens que lui donnait une conjoncture favorable pour faire preuve d'ambition dans ce domaine. Gageons, monsieur le ministre, que vous sauvez prochainement saisir toutes les opportunités, en bon « sabreur » que vous êtes !
En attendant de constater une traduction plus concrète de cet espoir, je souhaiterais centrer mon intervention sur les problèmes posés par l'examen détaillé de ce budget.
Je me permets d'entrer un peu dans le détail des chiffres.
En fonctionnement, par rapport à la loi de finances initiale pour 2002, ce projet de budget pour 2003 marque certes une rupture avec les budgets antérieurs résultant - cela a été dit - des transferts des crédits consacrés à la jeunesse, ce qui provoque un basculement de 25 %, c'est-à-dire 140 millions d'euros, sur le ministère de l'éducation nationale. Ces 140 millions d'euros se répartissent ainsi : quelque 32 millions d'euros au titre III pour les moyens des services et environ 105 millions d'euros au titre IV pour les crédits d'intervention, qui ne font donc plus partie de votre budget.
Ces deux transferts engendrent effectivement un déséquilibre entre les coûts de fonctionnement et les réelles capacités d'intervention financière du ministère des sports.
Un constat découle de cet éclatement en deux des crédits : les coûts de fonctionnement du ministère des sports pour 300,6 millions d'euros sur un total de 400,6 millions d'euros représentent, il faut le reconnaître, les trois quarts du budget du ministère. Comme un des rapporteurs l'a dit, c'est beaucoup trop. Pourquoi ? Parce que ce déséquilibre flagrant est dû essentiellement au règlement des salaires et des charges afférents aux directions régionales et départementales de la jeunesse et des sports par le ministère des sports, alors que ces mêmes directions dans les régions et les départements assurent la promotion des activités du secteur jeunesse.
Dès lors, on se trouve face à un budget des sports qu'il convient de relativiser. Et l'on est en droit de se demander si le plus petit budget de l'Etat doit régler les dépenses de la partie jeunesse du ministère de l'éducation nationale, ce dernier disposant tout de même de moyens plus importants. Il faudra, je crois, revoir cette anomalie l'an prochain.
Dès lors, il ne reste que le FNDS pour assurer le fonctionnement des comités olympiques et des fédérations sportives, et la part régionale pour le soutien aux structures fédérales déconcentrées et pour nos clubs.
Fort de ce constat et après le vote en 2001 de la loi organique relative aux lois de finances, il est donc urgent de trouver des réponses. Premièrement, pour maintenir le niveau des ressources du FNDS, dont l'accroissement n'est dû qu'à l'engouement des parieurs. Deuxièmement, pour garantir les crédits du FNDS afin de conduire l'accès aux pratiques sportives et le développement de celles-ci sur l'ensemble du territoire.
Enfin, dans l'hypothèse du maintien de l'illustre Ecole interarmées des sports à Fontainebleau - on ne peut que vous remercier, monsieur le ministre, de vouloir sauver ce magnifique outil, qui est partie intégrante du patrimoine sportif de notre pays - je n'ai discerné, dans le budget, aucune ligne qui puisse assurer, en 2003, une éventuelle synergie de partenariat entre le mouvement sportif civil et le mouvement sportif des armées.
En investissement, y compris les financements de l'enveloppe FNDS, j'ai noté à plusieurs reprises à cette tribune l'insuffisance du taux de consommation des crédits d'investissement du ministère - je vous en avais parlé, monsieur le ministre, lors de votre audition devant la commission des affaires culturelles du Sénat, le 5 novembre dernier. Cette sous-consommation des crédits s'explique, nous avez-vous dit, par la lourdeur des procédures d'engagement de ces crédits, ce qui a incité, comme nous l'avons constaté, d'ailleurs, les gouvernements successifs à parfois considérer ce budget comme une variable d'ajustement du budget de l'Etat. Je me permets d'insister sur ce point afin qu'il soit corrigé, compte tenu de la vétusté de nos infrastructures sportives, qui a été rappelée. Je sais que vous en avez la volonté et que vous serez vigilant sur ce problème, qui était devenu récurrent avec vos prédécesseurs.
J'en viens aux équipements sportifs de proximité. Nous souffrons d'un manque d'équipements sportifs, en particulier en milieu rural, car les petites communes n'ont pas la capacité d'investissement pour réaliser des investissements sportifs lourds, comme des piscines ou des gymnases.
Mme Hélène Luc. Eh oui !
M. Alain Dufaut. Eh bien ! faisons preuve d'imagination et profitons de l'explosion des EPCI pour favoriser, par une politique adaptée, par des incitations financières de l'Etat, la création d'équipements sportifs à vocation intercommunale. Je suis convaincu que c'est une bonne solution en milieu rural. Si l'Etat peut déclencher, par une contribution modique, le mouvement, la structure intercommunale - maître d'ouvrage - pourra à l'évidence bénéficier en plus de l'aide du conseil général, voire du conseil régional, sur de tels projets.
L'expérimentation sur un conseil général d'une telle politique volontariste d'aménagement sportif du territoire départemental pourrait peut-être se justifier. Ce serait, je crois, une expérience intéressante.
En conclusion, je vous donne acte, monsieur le ministre, malgré l'ampleur du chantier qui vous attend, de votre volonté affirmée de rénover et de faire progresser la politique sportive du pays, en vous appuyant sur une vision globale des différents problèmes qui se posent.
La traduction concrète de cette volonté apparaît dans l'organisation exemplaire des états généraux du sport, mais, c'est vrai, encore trop timidement dans le présent budget. J'espère donc que votre action - notre action, car nous sommes là pour vous aider, monsieur le ministre, et nous sommes tous mobilisés derrière vous - permettra, dans les prochains mois, d'améliorer sensiblement la situation.
C'est dans cet esprit volontariste, au-delà des clivages politiques, que s'inscrit mon intervention, à l'instar de celle de l'an dernier, avec comme principal objectif de défendre une vision toujours plus ambitieuse du sport en France. Monsieur le ministre, je suis convaincu qu'avec vous, et certainement grâce à vous, nous pourrons y parvenir. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-François Lamour, ministre des sports. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je m'associerai tout d'abord aux propos de MM. les rapporteurs et des orateurs concernant l'équipe de France de tennis, qui a marqué aujourd'hui un point très important. Mais au-delà de cet enjeu, la Coupe Davis, qu'est-ce qu'une équipe de France ? C'est l'émanation d'une fédération qui organise le sport dans notre pays. C'est une émanation des meilleurs éléments des clubs, de ces fameux petits clubs que vous évoquiez tout à l'heure, madame la sénatrice, et dont je suis issu. Vous avez rappelé mon passé d'athlète de haut niveau, mais, avant de l'avoir été, j'ai commencé à m'entraîner dans un grenier avec un maître d'armes et j'ai pratiqué longtemps dans ce club avant d'atteindre l'INSEP et de faire partie de l'équipe de France, pour défendre les couleurs de notre pays partout dans le monde.
Il est important de rappeler la cohésion entre le club, le très haut niveau et l'outil remarquable qu'est la fédération, et de faire en sorte que cet outil perdure. C'est, vous vous en doutez, dans cette voie que je conduirai mon action.
Je tiens à remercier les rapporteurs et les orateurs d'avoir aussi bien parlé de la pratique sportive dans notre pays.
Comme je l'ai fait le 5 novembre devant votre commission des affaires culturelles, c'est avec plaisir que je viens à nouveau aujourd'hui au sein de la Haute Assemblée pour évoquer les priorités du ministère des sports pour les années à venir. Cette ligne d'action amorcée dès 2003 aura vocation, bien sûr, à se développer ensuite en tenant compte d'autres échéances essentielles à venir, parmi lesquelles figure notamment la mise en oeuvre des conclusions des Etats généraux du sport, en particulier la réforme du FNDS.
Le projet de loi de finances pour 2003, vous l'avez rappelé tout à l'heure, porte les crédits budgétaires consacrés aux politiques de développement du sport à 400,6 millions d'euros, soit une augmentation de 1,3 %. J'ai voulu, pour ce budget de transition, maintenir un certain nombre de dispositifs, lorsque les circonstances le justifiaient, tout en apportant des perspectives nouvelles au mouvement sportif, et ce dans un contexte de responsabilisation de l'ensemble des services, par le biais - j'y tiens beaucoup - d'une déconcentration et d'une globalisation accrues des crédits.
C'est ainsi que j'ai reconduit les crédits consacrés aux coupons sport et aux contrats éducatifs locaux à la hauteur des crédits consommés en 2002. J'ai toutefois souhaité que ces crédits fassent l'objet d'une réelle mesure de déconcentration, et donc soient globalisés. Ainsi, les services déconcentrés pourront, en fonction des besoins locaux spécifiques, adapter les politiques conduites par le ministère en redevenant de vrais interlocuteurs décisionnels des collectivités locales. J'ai également demandé la suppression, par exemple, du plafonnement du nombre de coupons par jeune, de façon à permettre à chaque jeune d'accéder véritablement au sport de son choix.
Je tiens maintenant à aborder un sujet que vous avez toutes et tous évoqué : il s'agit de gérer les conséquences des emplois-jeunes, dont près de 20 000 relèvent du domaine des sports. C'est d'ailleurs dans cette perspective que travaille l'ensemble de l'équipe gouvernementale.
Le Gouvernement a hérité d'une situation politiquement difficile, économiquement délicate et socialement douloureuse pour tous ces jeunes qui ont cru pouvoir intégrer des structures alors qu'aucune solution pérenne n'était envisagée pour leur avenir et qu'intentionnellement était entretenue une confusion entre un dispositif d'insertion professionnelle ciblé sur un public et inscrit dans le temps et une politique de soutien à l'emploi associatif qui n'a, en réalité, jamais été mise en oeuvre et réfléchie dans la durée. Ce programme mal conçu n'a donc pas vocation à être prolongé ; il sera arrêté progressivement, à l'issue de son échéance.
Il convient, dans le domaine du sport, de favoriser et de poursuivre la professionnalisation des emplois-jeunes par le renforcement des actions de formation. S'agissant des objectifs d'insertion professionnelle des jeunes, je travaille en relation très étroite avec mon collègue François Fillon pour que le volet des emplois d'utilité sociale du dispositif CIVIS intègre le champ sportif. Cela permettra, entre autres dispositions, d'augmenter le champ d'intervention jusqu'à vingt-cinq ans. Il en sera de même, d'ailleurs, pour le volet du volontariat civil de cohésion sociale.
Enfin, j'ai souhaité - vous l'avez rappelé - faciliter les démarches administratives des associations en créant pour la première fois cent postes FONJEP dans le domaine des sports et relancer - alors que ce dispositif était en chute libre - le plan sport-emploi également à hauteur de cent postes. Je rappelle qu'aucune création nouvelle d'emplois au titre du plan sport-emploi n'avait été proposée depuis 1998.
Après le domaine de l'insertion professionnelle, j'aborderai celui de l'aide à l'emploi associatif. Il convient de mettre en place progressivement un dispositif spécifique d'aide aux projets d'intérêt général, j'allais dire d'utilité sociale, intégrant une exigence d'évaluation. Le Gouvernement y travaille actuellement et j'espère que nous pourrons très bientôt vous proposer un certain nombre de dispositifs.
Héritage difficile, convenons-en, surtout si l'on ajoute qu'au cours des cinq dernières années les crédits d'intervention du ministère, monsieur Lagauche, ont sans commune mesure plus profité à la jeunesse qu'aux sports. En effet, les crédits consacrés à la jeunesse ont augmenté de 30 %, contre 3 % seulement pour les sports. J'en suis heureux pour les politiques en faveur de la jeunesse qui auraient cependant pu être plus efficaces si elles n'avaient pas été, comme je viens de le souligner, si confuses ; c'est un point qui a été abordé par M. Dufaut. Mais cela relativise l'argument de comparaison des pourcentages d'augmentation du budget consacré aux sports par rapport aux années précédentes, si l'on ne fait pas une distinction entre les deux secteurs.
Ainsi, les moyens budgétaires spécifiquement dédiés aux politiques de développement du sport augmentent en 2003 plus que les années précédentes, et ce dans un contexte budgétaire infiniment plus contraint : le budget du ministère est en augmentation de 1,3 %, celui du FNDS de 6 %, soit des moyens consolidés en hausse de 3 %.
Ces moyens sont mis au service d'objectifs clairement énoncés, au nombre de trois : tout d'abord, le renforcement de la sécurité de la pratique sportive et la promotion de la santé par le sport ; ensuite, le renforcement de la cohésion sociale et l'ouverture d'une vraie pratique sportive au plus grand nombre ; enfin, le maintien du niveau d'excellence du sport français et de la place de la France parmi les grandes nations sportives.
Ces objectifs s'accompagnent d'une priorité fonctionnelle : la réorganisation des services du ministère autour de leurs savoir-faire spécifiques et de leurs domaines d'excellence.
Le renforcement de la sécurité et de la santé autour de la pratique sportive, compte tenu des dérives enregistrées depuis plusieurs années, est une priorité essentielle de l'action du ministère des sports. J'ai donc souhaité disposer de nouveaux moyens, soit 400 000 euros supplémentaires, pour assurer aux sportifs de haut niveau un suivi médical adapté.
Aujourd'hui, la loi qui régit ce suivi médical est inapplicable, comme les fédérations me l'ont rappelé durant les Etats généraux du sport, et la publication des décrets est suspendue dans l'attente d'une vraie concertation avec les fédérations sportives. Il s'agit pour moi de replacer les sportifs au coeur des politiques de prévention.
Parallèlement, une somme de 460 000 euros sera affectée à la rétribution des médecins chargés du contrôle antidopage, et je vous propose d'accroître les moyens du Laboratoire national de dépistage du dopage, qui passeront de 4 millions à 4,3 millions d'euros. La création de deux emplois supplémentaires au sein de cette structure accompagnera cet effort. Il faut savoir que, voilà encore quelques mois, il fallait attendre parfois plus d'un an avant de connaître les résultats d'une analyse faisant suite à un contrôle qu'il soit inopiné ou qu'il ait été effectué pendant une compétition. Je crois que nous avons désormais réglé ce problème !
La lutte contre le dopage doit donc privilégier l'indispensable complémentarité entre la prévention, le suivi, l'information et le contrôle, je viens de les évoquer, mais également la répression des trafics. Sur ce dernier point, j'attends avec une grande impatience la publication du décret qui permettra la coordination de l'ensemble des services de l'Etat dans ce domaine ; elle devrait intervenir avant la fin de l'année.
Un autre aspect important de la lutte contre le dopage est sa dimension européenne et mondiale. Je souhaite vivement qu'un article concernant le sport et la lutte contre le dopage puisse être inséré dans le traité qui résultera des travaux de la Convention présidée par M. Valéry Giscard d'Estaing.
La dimension éthique de la pratique sportive et le nécessaire respect des règles de comportement doivent être rappelés. Soucieux de rendre au terrain sa dimension la plus noble, nous avons décidé de consacrer 2,36 millions d'euros à la lutte contre les incivilités, notamment - mais cela a été rappelé - en formant les arbitres aux réponses adaptées à chaque type d'agression. Plus encore que la culture du résultat, le sport doit devenir le respect librement consenti de la règle.
Je partage votre volonté, mesdames, messieurs les sénateurs, de renforcer la place du sport dans les actions d'insertion sociale. C'est d'ailleurs ma deuxième priorité. Le sport doit demeurer un formidable vecteur de cohésion sociale. Il représente également en France, ne l'oublions pas, environ 200 000 emplois dans les secteurs public et privé.
L'encadrement de l'activité sportive, notamment au sein des clubs et des associations, en est un élément essentiel. C'est précisément cette fonction que je vous propose de renforcer en créant cent postes au titre du plan sport-emploi, que j'ai déjà évoqué, et de cent postes FONJEP dans le domaine spécifique du sport. C'est la première fois que ce dispositif nous permettra de bénéficier de postes exclusivement destinés au sport !
Ces facilités doivent être mises au service de la pratique sportive par tous et pour tous. A cette fin, nous appliquerons les solutions que les expériences récentes menées sur le terrain feront apparaître comme les meilleures. C'est ainsi que certaines mesures seront redéployées et déconcentrées, notamment les coupons sport.
La globalisation au sein des moyens déconcentrés fera ainsi des directions départementales du ministère des interlocuteurs des collectivités locales peut-être plus efficaces, en termes de conseil et d'expertise. Le budget pour 2003 du ministère des sports sera par conséquent celui d'une déconcentration renforcée.
Mme David et M. Lagauche ont exprimé leurs préoccupations relatives au sport en entreprise. Le budget pour 2002 lui consacrait environ 1,2 million d'euros. Je peux vous assurer que les crédits pour 2003 seront au même niveau, puisque, avec la répartition déconcentrée, ils comprendront les subventions à l'Union fédérale du sport en entreprise - organisme dont j'ai reçu le président récemment - et les différentes conventions d'objectifs signées avec les fédérations sportives, mais également la mise à disposition de cadres techniques et les crédits d'intervention, sans parler, bien évidemment, de la part régionale du FNDS.
Un montant de 4,7 millions d'euros sera consacré, sur les crédits du FNDS, à l'amélioration de la place des femmes dans le sport. Il y avait un véritable affichage en 2002, mais, en 2003, ce sont près de 5 millions d'euros qui y seront affectés dans le seul budget, notamment pour l'accueil d'une structure itinérante concernant les pays européens et dont le nom, en anglais, est European Women and Sport. Son séjour en France sera financé en collaboration étroite avec le Comité national olympique et sportif français. Nous attendons que, à l'occasion d'un colloque qui se déroulera dans le courant de l'année prochaine, cette organisation nous fasse des propositions. Elle est donc incluse, je le répète, dans notre effort budgétaire en faveur de l'accès des femmes à la pratique du sport.
Cette politique d'accès au sport du plus grand nombre sera complétée cette année, en accord avec le mouvement sportif, grâce aux crédits du FNDS, et des actions collectives seront conduites par les fédérations sportives organisant en France les championnats du monde de leur discipline. Ainsi, et c'est là aussi une priorité pour moi, sport de haut niveau et pratique élargie - que l'on oppose souvent, à tort - seront développés de concert.
De même, les contrats éducatifs locaux seront poursuivis, en parfaite concertation avec les autres ministères concernés : 20,5 millions d'euros leur seront consacrés, sous forme de crédits eux aussi déconcentrés et globalisés et, encore une fois, à hauteur des crédits consommés pour 2002. C'est au niveau local que les ajustements les plus adaptés, en partenariat avec les collectivités territoriales, devront et pourront être trouvés.
Enfin, l'accès aux pratiques sportives nécessite un encadrement de qualité. Il importe donc de renforcer les actions de formation, tout particulièrement dans le domaine de la lutte contre les incivilités.
Au-delà de cette priorité, des moyens importants supplémentaires seront consacrés à l'amélioration du niveau de qualification des intervenants dans le domaine sportif. Dans ce secteur aussi, fait essentiel, la gestion d'une part croissante des moyens sera déconcentrée.
C'est ainsi que 9 millions d'euros seront consacrés en 2003 à la formation des animateurs et à l'accompagnement de l'emploi.
Toutes ces mesures doivent être mises au service du plus grand nombre. Dans le même temps - c'est là ma troisième priorité -, il nous appartient de détecter, de révéler et d'accompagner les jeunes sportifs ayant une volonté et des qualités remarquables.
La France doit maintenir son niveau d'excellence sportive. C'est dans cette perspective que je vous propose d'allouer des crédits spécifiques, à hauteur de 1,5 million d'euros, à la préparation et à l'accompagnement des équipes de France aux prochains Jeux d'Athènes et aux autres grandes compétitions internationales. Dans le même esprit, 500 000 euros seront consacrés à l'amélioration de l'environnement des sportifs de haut niveau dans les établissements du ministère, ce que l'on appelle les « pôles France ». Cette mesure intégrera naturellement les objectifs d'insertion et de reconversion, c'est très important, de ces sportifs.
Enfin, le ministère apporte son concours financier à l'organisation de manifestations de dimension internationale qui auront lieu sur notre territoire en 2003. La France accueillera ainsi plusieurs grands championnats : tennis de table, tir à l'arc, lutte, parachutisme et, bien évidemment, athlétisme. Pour ces derniers, près de deux mille athlètes représentant deux cents nations sont attendus dans la région d'Ile-de-France. Il importe - et nous devons y parvenir ensemble - de faire de ce moment exceptionnel non seulement une grande fête pour la jeunesse, mais aussi l'occasion de valoriser le sport français et la diversité de ses pratiques, et, surtout, de permettre l'accès de ses disciplines à nos jeunes.
On m'a reproché il y a quelque temps l'insuffisance de l'effort consenti pour le sport de haut niveau. Je rappellerai à Mme David que, lors de la constitution du dossier de candidature à l'organisation des championnats du monde d'athlétisme, le budget voté s'élevait à 200 millions de francs. Une fois l'organisation attribuée, il est bizarrement passé, en trois mois, de 200 à 400 millions, dont la moitié à la charge de l'Etat.
Il nous a donc fallu - mais c'est tout à fait normal - faire un effort considérable pour que les championnats puissent se dérouler dans les meilleures conditions et nous donnent l'occasion de valoriser notre savoir-faire dans ce domaine.
Ces trois objectifs ambitieux ne pourraient être pleinement atteints sans une implication forte de l'ensemble des personnels. Cette mobilisation passe par une revalorisation de leur situation et par un recentrage de leurs missions sur leurs savoir-faire spécifiques. A cette fin sera expérimentée en 2003 l'externalisation de plusieurs fonctions d'entretien et de maintenance de nos établissements, dont certaines pourraient être confiées à des entreprises agissant dans le domaine de l'insertion.
Dans le même temps, le ministère des sports renforcera les métiers spécifiques au service de ses objectifs opérationnels. Ainsi seront créés dix postes de professeurs de sport ainsi que sept emplois dans les corps d'inspection.
L'effort portera parallèlement sur le cadre et les conditions de travail, que MM. Dufaut et Sergent ont évoqués. Après plusieurs années de sous-consommation des moyens prévus en autorisations de programme, il nous faut aujourd'hui mener une politique ambitieuse de modernisation des équipements des établissements publics de l'Etat. Il convient naturellement, dans un premier temps, de veiller à la réalisation de travaux de maintenance et de sécurisation du patrimoine immobilier. Cette année, ce sont 6,1 millions d'euros qui seront affectés à cette action, dont 2,2 millions pour les seules actions de maintenance et de mise en sécurité des centres régionaux d'éducation populaire et de sport, les CREPS, et des établissements dépendant du ministère.
L'un d'entre vous a évoqué l'EIS, l'Ecole interarmées des sports. J'en dirai un mot, car il s'agit d'un établissement que je porte dans mon coeur. Je vous l'avais rappelé lorsque j'ai présenté les objectifs de mon ministère devant la commission, Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense, et moi-même avons lancé une inspection conjointe. Ses travaux se poursuivent, et elle devrait formuler ses conclusions dans les semaines qui viennent. Il est d'ores et déjà acquis que, sans avoir besoin de passer par le budget du ministère, les crédits du FNDS pourront, par des conventions d'objectifs, être engagés en fonction des demandes des fédérations, pour des utilisations ponctuelles de l'EIS et du camp de Fontainebleau, afin, précisément, de développer la pratique sportive dans l'une ou l'autre discipline.
Le déménagement en 2003 de l'administration centrale du ministère doit lui permettre de retrouver des conditions décentes de travail tout en participant au rééquilibrage des activités tertiaires à l'est de Paris.
Le Stade de France a été évoqué. Je parlerai en francs, je vous prie de m'en excuser, pour vous rappeler que près de 30 millions de francs de produits sont à déduire des 80 millions de francs d'indemnité, ce qui ramène le solde à 50 millions de francs. Certes, nous sommes toujours à la recherche d'un club résident. Néanmoins, cet équipement - il suffit de le regarder pour pouvoir le constater - n'a pas pris une ride. Il est toujours dans un état parfait et il a redonné vie à un quartier en très grande difficulté. Demandez donc à Patrick Braouezec, le député-maire de Saint-Denis, ce qu'il pense de l'implantation de cet équipement, qui fait vivre un bassin de vie ! Il est à nos yeux le symbole d'une réussite, celle de nos équipes nationales ; et si nous devons tous faire des efforts pour trouver un club résident, je pense que le principe d'une « construction-concession » a montré qu'il était un outil intéressant. Il intéresse d'ailleurs nos amis chinois, qui, dans le cadre de la préparation des jeux Olympiques de 2008, sont venus voilà quelques jours nous demander de leur exposer le détail du mode de création et de fonctionnement de cet outil quelque peu particulier.
S'agissant enfin de l'aide aux équipements sportifs dont la maîtrise d'ouvrage est assurée par les collectivités locales, le projet de budget pour 2003 prévoit des crédits d'un montant de 4,9 millions d'euros, sous forme de subventions d'investissement. C'est une augmentation de 71 % par rapport aux crédits inscrits dans la loi de finances pour 2002.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le ministre des sports vous présente un projet de budget pour 2003 qui répond à des objectifs clairement identifiés, dans le souci de renforcer l'efficacité de ses services.
Cependant, il est indispensable de rétablir les conditions d'un véritable dialogue et d'une large concertation avec tous les acteurs du sport.
Le 8 décembre aura lieu la clôture des états généraux du sport, clôture formelle qui, loin d'être une fin, sera au contraire le point de départ des évolutions qu'attendent tant le mouvement sportif que les collectivités locales.
Quant au FNDS, ses crédits s'élèveront à 218 millions d'euros en 2003. Plusieurs d'entre vous ont rappelé l'échéance de sa disparition, du moins sous sa forme actuelle. Loin d'être une sentence, elle doit nous permettre, d'ici à 2005 - nous avons donc le temps ! -, de concevoir, dans la concertation, un nouvel outil. Je vous ferai avant la fin de l'année des propositions qui reprendront certaines des pistes évoquées par Bernard Murat. On pourra, effectivement, faire appel à un établissement public, ou peut-être à une fondation. Mais, monsieur Sergent, je défendrai un FNDS en dehors du budget du ministère des sports. Il est essentiel que ce fonds, important pour le mouvement sportif, puisse continuer de vivre sous une autre forme, éventuellement, donc, adossé à une fondation.
Monsieur Murat, l'instauration d'une fondation ne visera pas, le cas échéant, à faire concurrence aux sponsors régionaux, voire nationaux, qui aident les structures professionnelles. Si elle était amenée à exister, elle ne serait sollicitée que pour mener à bien des projets à caractère d'utilité sociale, par exemple pour aider des sportifs de haut niveau à poursuivre leur carrière, pour contribuer à aider l'implantation de tel ou tel équipement... En aucun cas elle ne viendrait perturber les très bonnes relations qui existent entre les partenaires financiers des clubs professionnels ni l'attention particulière que portent les collectivités locales à leurs clubs phares.
Tels sont mes objectifs pour les années à venir. Ce premier budget est une étape vers une ambition forte pour le sport dans notre pays. Pour ce faire, j'ai besoin de votre soutien et de votre engagement. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le ministère des sports et figurant aux états B et C.

ÉTAT B



M. le président. « Titre III : 5 332 766 euros. »

La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Monsieur le ministre, j'ai bien entendu vos propos relatifs au sport au féminin, et j'ai pris note de votre volonté de lui consacrer 4,7 millions d'euros. Je regrette que la structure que vous avez évoquée soit une structure anglo-saxonne, mais je prends acte de son accueil par la France.
Soyez certain que je serai attentive à votre action en faveur du sport féminin.
La ligne spécifique « sport et femmes » est supprimée de votre motif au motif que « les dotations globalisées doivent répondre aux besoins exprimés ». Cela signifie assurément que la parité dans le sport est acquise, en particulier que le développement du sport féminin a atteint celui du sport masculin, que les inégalités et discriminations sont réduites, que l'enseignement mixte du sport dès le jeune âge a produit ses effets...
Permettez-moi pourtant d'en douter !
Cette ligne spécifique avait été ouverte en 1999 dans le cadre de conventions d'objectifs passées entre le ministère de la jeunesse et des sports et les fédérations sportives.
« Elle conduit le mouvement sportif à proposer des actions destinées à promouvoir la pratique féminine dans toutes les disciplines sportives, à assurer une équité des moyens afférents à l'organisation des compétitions féminines et masculines, à favoriser la prise de responsabilités dans les instances dirigeantes », précisait à l'époque le ministère.
En effet, le monde sportif est finalement le simple reflet de la société d'aujourd'hui.
Les sportives veulent prendre toute leur place ; pour l'instant, c'est au prix d'une réussite obligée pour que l'on parle d'elles, pour qu'on leur propose des responsabilités, pour qu'on les reconnaisse dans leur fonction.
Une action volontariste est nécessaire pour soutenir les femmes, pour les aider à résoudre les difficultés matérielles et contribuer ainsi au changement des mentalités.
Les filles et les femmes désireuses de faire du sport se heurtent, en effet, à de nombreux obstacles.
Il y a d'abord des obstacles culturels réels.
En 1896, les jeux Olympiques ne furent-ils pas interdits aux femmes ? Et Pierre de Coubertin, homme de son époque, ne s'exclamait-il pas : « Une olympiade de femelles est impensable, elle est impraticable, inesthétique et incorrecte. Le véritable héros olympique, c'est l'adulte mâle » !
M. Philippe Nogrix. Nous sommes en 2002, madame !
Mme Annie David. En 1920, la femme est considérée comme étant de faible constitution et il lui est préconisé l'éducation physique pour renforcer les muscles nécessaires à la procréation !
Dans les années cinquante, il lui est interdit de jouer au football, au rugby, de faire du cyclisme de compétition ou des sports de combat... !
Nous trouverons encore aujourd'hui des pratiques hors la loi de la parité justifiées par de solides préjugés. Je pense que vous vous souvenez, monsieur Murat, de l'exemple que j'ai donné en commission de cette équipe féminine de rugby qui s'est vue tout simplement exclue du club à cause de difficultés financières.
Mme Hélène Luc. Absolument !
Mme Annie David. Dans le domaine du sport, le principal problème réside donc, d'abord, dans la représentation du corps féminin et de la maternité.
Longtemps exclues du droit de vote obtenu en 1945, juridiquement traitées comme des mineures sous la tutelle de leur mari jusqu'en 1938, les femmes possédaient un itinéraire de vie tout tracé, de fillette à mère en passant par femme au foyer.
Les femmes prennent aujourd'hui possession d'elles-mêmes, corps et âme ; elles appréhendent leur corps du dedans comme du dehors et se heurtent constamment à l'image véhiculée par les médias et la publicité.
La liberté d'expression des corps et l'évolution des critères de féminité sont nouvelles et complexes.
Le deuxième obstacle à la pratique sportive des femmes, qui persiste encore de nos jours, est la gestion difficile du temps et de l'équilibre entre famille, travail et loisirs.
Toutes les études montrent que les femmes continuent de consacrer trois fois plus de temps que les hommes aux enfants et au travail de la maison.
La répartition des tâches au sein de la famille et de la société a changé, la notion de loisirs et d'activités culturelles est entrée dans les moeurs, et la femme, aujourd'hui, qu'elle travaille à l'extérieur du foyer ou pas, a développé un champ privé et tend à vouloir l'exploiter.
Un troisième obstacle est le peu de place que consacrent les médias, tous supports confondus, à la pratique du sport au féminin.
Les médias, de par la place qu'ils occupent dans la société contemporaine, façonnent les mentalités, construisent les représentations. Les compétitions féminines sont moins médiatisées et peuvent donc apparaître comme moins fréquentes.
Par ailleurs, moins vues à la télévision, les sportives intéressent moins les sponsors et disposent donc de moins d'argent.
Pourtant, nous avons pu voir des campagnes de publicité, sociologiquement intéressantes, utilisant l'image de certaines championnes pour promouvoir des lignes de vêtements de sport. En tout état de cause, le sport se définit dans les médias surtout comme une réalité masculine.
La ligne budgétaire « sport et femmes », que vous supprimez, monsieur le ministre, affichait la volonté politique de résoudre concrètement les difficultés répertoriées lors des Assises pour le sport féminin du mois de mai 1999 et dont voici l'énumération :
Comment développer la pratique des jeunes filles et des femmes par le biais de l'école, de l'université et de l'entreprise ?
Comment améliorer la place et le rôle des femmes dans le mouvement sportif ?
Quels sont ceux qui s'opposent à la diffusion du sport féminin dans les médias ?
Quels dispositifs proposer pour permettre la promotion des femmes à tous les niveaux dans les instances sportives ?
Existe-t-il une spécificité liée à la pratique sportive féminine de haut niveau ?
Y a-t-il des problèmes spécifiques pour la réinsertion professionnelle des sportives ?
Quel rôle peut jouer la France pour favoriser l'expression des sportives au niveau international ?
M. le président. Veuillez conclure, madame David.
Mme Annie David. Depuis le milieu des années soixante-dix, la question de la réduction des inégalités entre les hommes et les femmes est explicitement présente dans le débat politique français et la réponse qui lui est donnée, aujourd'hui, en attendant mieux, est la parité dans toutes les sphères sociales.
Il est donc préoccupant, monsieur le ministre, de voir l'impulsion donnée par le précédent gouvernement et considérée dans une large partie de l'opinion comme un facteur de modernisation de la vie publique, par les femmes elles-mêmes comme un facteur de développement personnel, brutalement interrompue par votre décision de ne pas soutenir de façon spécifique le développement de la parité dans le sport.
M. le président. Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. « Titre IV : 4 104 981 euros. »

La parole est à Mme Hélène Luc.
Mme Hélène Luc. Monsieur le ministre, je ne demanderais pas mieux, très sincèrement, que de vous dire que votre projet de budget est bon et qu'il va permettre à un plus grand nombre de jeunes de faire du sport. Malheureusement, je ne le pense pas, je vous le dis d'emblée.
L'année dernière, j'avais voté ce budget. Tout en considérant qu'il était encore insuffisant, j'avais reconnu qu'il comportait tout de même quelques grandes idées fortes.
Cette année, il manque d'ambition, et je voudrais vous faire part de mes inquiétudes sur deux points.
Le premier concerne la suppression des postes d'aides éducateurs, puisque telle semble être l'orientation suivie. Ces aides éducateurs ne seront pas tous remplacés. Or j'ai pu apprécier, l'an dernier, l'action qu'ils avaient menée.
Au lieu de construire des prisons pour les enfants de treize ans...
M. Philippe Nogrix. Quelle comparaison !
Mme Hélène Luc. Mais, mon cher collègue, si les jeunes faisaient plus de sport, il y aurait peut-être moins de délinquance. Je le crois fermement, me fondant sur ce que j'ai vu sur le terrain.
A Choisy-le-Roi (murmures sur les travées du RPR et de l'Union centriste) , il y a deux cités très difficiles. Moi, je construis ma conviction à partir d'exemples concrets. Si vous en avez, exposez-les, mais laissez-moi développer les miens.
Nous avions donc de très gros problèmes dans ces deux cités. Puis, de jeunes adultes, accompagnés d'aides éducateurs, ont pris les choses en main : aujourd'hui, plus de 250 jeunes font du football. Je vous assure que la vie de la cité a changé, même si je ne prétends pas qu'il n'y ait plus jamais de problèmes. Le conseil général a complètement rénové la cité, construit des équipements de proximité. Tout cela a été possible grâce à l'action des aides-éducateurs.
Le second point que je souhaite évoquer porte sur les équipements sportifs. Vous avez déclaré, monsieur le ministre, que les crédits avaient un peu augmenté. Pourtant, il reste beaucoup à faire.
Certes, les municipalités et les conseils généraux s'impliquent davantage. Ainsi, les jeux du Val-de-Marne, organisés sous l'égide du conseil général et de l'inspection académique, réunissent chaque année plus de 110 000 jeunes. Il est vraiment très enthousiasmant de voir 2 000 élèves participer à des compétitions de rollers dans le parc départemental des sports de Choisy-le-Roi, dont je suis la présidente.
Néanmoins, il faut oeuvrer davantage pour inciter les jeunes à pratiquer un sport. Certes, il y a l'école, mais ce n'est pas suffisant.
Par ailleurs, je suis inquiète pour le bénévolat. Certes, ce problème existe depuis plusieurs années. Mais, aujourd'hui, nous sommes souvent obligés, pour encadrer un match, de solliciter des gens au pied levé. Je vois que vous opinez, monsieur le rapporteur pour avis. Il faut donc aider et encourager le bénévolat.
Je connais un responsable de rugby qui va régulièrement dans les écoles pour promouvoir ce sport ; mais, quand il partira, qu'adviendra-t-il ?
Dans une seule ville, il a réussi à intéresser 150 jeunes qui vont désormais à l'école de rugby. Si cela pouvait se multiplier dans toutes les villes, un bien plus grand nombre de jeunes feraient du sport, et un jeune qui fait du sport, pour moi, c'est déjà une victoire contre la violence. Pour que les jeunes prennent conscience que, civilement, ils font partie (M. Philippe Nogrix applaudit de façon ironique)...
Vous m'applaudissez mais, tout à l'heure, vous me critiquiez...
M. Philippe Nogrix. Ce ne sont que des lieux communs que vous énoncez !
Mme Hélène Luc. Non, je parle du terrain, en liaison avec le budget.
Voilà ce que je voulais vous dire, monsieur le ministre. Je vous invite à venir dans le département du Val-de-Marne constater par vous-même les efforts que nous faisons. Mais ces efforts, nous aurons bien du mal à les poursuivre avec la décentralisation, compte tenu des charges que l'Etat veut nous transférer.
M. Bernard Murat, rapporteur pour avis. C'est hors sujet !
Mme Hélène Luc. Il nous faudra alors rogner soit sur les collèges, soit sur le sport, soit sur l'aide que nous fournissons pour la rénovation des logements ; or tout est lié.
M. le président. Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.

(Les crédits sont adoptés.)

ETAT C


SPORTS

M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 5 422 000 euros ;

« Crédits de paiement : 1 356 000 euros.»
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. « Titre VI. - Autorisations de programme : 5 408 000 euros ;
« Crédits de paiement : 1 464 000 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. Nous avons terminé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant les sports.

4

ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au lundi 2 décembre 2002 :
A dix heures, à quinze heures et le soir :
Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2003, adopté par l'Assemblée nationale (n°s 67 et 68, 2002-2003) (M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation).
Deuxième partie. - Moyens des services et dispositions spéciales :
Economie, finances et industrie :
Services financiers (et art. 66 et 67) :
M. Bernard Angels, rapporteur spécial (rapport n° 68, annexe n° 10) ;
Mme Odette Terrade, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan (consommation et concurrence, avis n° 70, tome IX).
Charges communes (et art. 68 et 68 bis) :
Comptes spéciaux du Trésor (et art. 42 et 47) :
M. Yves Fréville, rapporteur spécial (charges communes, rapport n° 68, annexe n° 5) ;
M. Paul Loridant, rapporteur spécial (comptes spéciaux du Trésor, rapport n° 68, annexe n° 43).
Budget annexe des monnaies et médailles :
M. Bertrand Auban, rapporteur spécial (rapport n° 68, annexe n° 40).
Economie, finances et industrie :
Industrie :
M. Jean Clouet, rapporteur spécial (rapport n° 68, annexe n° 11) ;
M. Francis Grignon, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan (industrie, avis n° 70, tome V) ;
M. Roland Courteau, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan (énergie, avis n° 70, tome VI) ;
M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan (technologies de l'information et poste, avis n° 70, tome XXI).
Petites et moyennes entreprises, commerce et artisanat (et art. 64 et 65) :
M. Auguste Cazalet, rapporteur spécial (rapport n° 68, annexe n° 12) ;
M. Gérard Cornu, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan (avis n° 70, tome VIII).
Commerce extérieur :
M. Marc Massion, rapporteur spécial (rapport n° 68, annexe n° 13) ;
M. Michel Bécot, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan (avis n° 70, tome X).
Services du Premier ministre :
I. - Services généraux (à l'exclusion des crédits relatifs à la fonction publique, à l'audiovisuel et à la presse) :
M. François Marc, rapporteur spécial (rapport n° 68, annexe n° 29).
II. - Secrétariat général de la défense nationale :
M. Michel Moreigne, rapporteur spécial (rapport n° 68, annexe n° 30).
III. - Conseil économique et social :
M. Claude Lise, rapporteur spécial (rapport n° 68, annexe n° 31).
IV. - Plan :
M. Claude Haut, rapporteur spécial (rapport n° 68, annexe n° 32) ;
M. Jean-Paul Alduy, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan (avis n° 70, tome XII).
Budget annexe des Journaux officiels :
M. Thierry Foucaud, rapporteur spécial (rapport n° 68, annexe n° 38).

Délai limite pour les inscriptions de parole
dans les discussions précédant l'examen des crédits
de chaque ministère

Le délai limite pour les inscriptions de parole dans les discussions précédant l'examen des crédits de chaque ministère est fixé à la veille du jour prévu pour la discussion, à dix-sept heures.

Délai limite pour le dépôt des amendements aux crédits
budgétaires pour le projet de loi de finances pour 2003

Le délai limite pour le dépôt des amendements aux divers crédits budgétaires et articles rattachés du projet de loi de finances pour 2003 est fixé à la veille du jour prévu pour la discussion, à dix-sept heures.

Délai limite pour le dépôt des amendements aux articles
de la deuxième partie, non joints à l'examen des crédits
du projet de loi de finances pour 2003

Le délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la deuxième partie, non joints à l'examen des crédits du projet de loi de finances pour 2003 est fixé au vendredi 6 décembre 2002, à seize heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures trente.)

Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD