SEANCE DU 27 NOVEMBRE 2002


M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la première partie du projet de loi de finances pour 2003, je donne la parole à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je voudrais, bien entendu, à ce stade de nos travaux, formuler des remerciements.
Tout d'abord, nous avons eu le plaisir de voir se succéder au fauteuil de la présidence M. le président du Sénat ainsi que plusieurs vice-présidents. Chacun d'entre eux a veillé, comme il se doit, à la bonne marche et à la parfaite correction de nos échanges, dans le climat de convivialité qui caractérise notre Haute Assemblée.
Je souhaite remercier également le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, M. Francis Mer, ainsi que le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire, M. Alain Lambert.
Monsieur le ministre délégué, nous étions habitués à une forme de partenariat lorsque nous siégions ensemble au banc de la commission. Si, à présent, une travée nous sépare, chacun a pu observer que vos convictions demeurent et que vous êtes particulièrement attaché à faire progresser notre pays selon les exigences d'une saine et rigoureuse gestion, qui ne s'opposent pas, bien au contraire, à l'imagination et au dynamisme dans la recherche du progrès.
Je veux, bien entendu, remercier M. le président de la commission des finances. Nous nous sommes, en quelque sorte, retrouvés à l'occasion de cette discussion budgétaire, après les travaux menés autrefois. Comme chacun a pu le constater, la commission des finances suit sa voie en fonction des analyses de fond qu'elle réalise. Elle exprime, je n'oserais dire une doctrine, mais du moins une vision de l'économie et des finances publiques qui ne change pas au gré des gouvernements et des circonstances politiques. Monsieur le président de la commission, je tiens à vous exprimer ma grande reconnaissance pour maintenir ainsi ce qui fait vraiment le prix de nos travaux.
Je souhaite remercier naturellement l'ensemble des collègues, tant de la majorité que de l'opposition, qui ont participé pendant quatre jours et deux longues soirées, avec l'esprit constructif du dialogue républicain qui nous réunit tous, à cette discussion de près de deux cent cinquante amendements.
Si, de ce point de vue, nous sommes dans l'ordre de grandeur habituel des lois de finances, peut-être avons-nous eu l'opportunité de mieux développer certaines discussions que cela n'avait été le cas au cours de débats précédents. Nous nous sommes efforcés chaque fois que c'était possible, souvent à partir de cas ou de problèmes particuliers, d'élever le débat en essayant de dégager des principes généraux et de bien comprendre quels pouvaient être les facteurs d'opposition, de clivage, voire d'unité au sein de notre assemblée.
Le bilan de l'examen qui s'achève des articles de la première partie du projet de loi de finances pour 2003 est loin d'être négligeable, monsieur le ministre. Si le chiffre du déficit dont nous sommes partis demeure le même, comme en a témoigné l'amendement que vous avez défendu tout à l'heure, le cheminement a été complexe.
En premier lieu, le Sénat a apporté son soutien constructif à la nouvelle stratégie des finances publiques défendue par le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, que vous représentez ici, monsieur le ministre délégué au budget. La commission des finances et le Sénat, dans sa majorité, ont entériné les grandes options fiscales du Gouvernement : la baisse de l'impôt sur le revenu, l'achèvement de la réforme de la part salariale de la taxe professionnelle, l'élargissement de la prime pour l'emploi, la « déliaison » contrôlée des taux des impôts locaux, dont nous avons longuement débattu hier soir. Le Gouvernement peut donc se sentir conforté par l'appui actif du Sénat dans la conception et la mise en oeuvre de sa politique fiscale.
M. Jacques Legendre. Très bien !
M. Philippe Marini, rapporteur général. En deuxième lieu, le Sénat a souhaité ajouter au dispositif fiscal que vous proposiez certaines mesures concernant l'épargne et les marchés financiers : la réforme opportune des sociétés foncières, le dispositif auquel vous avez bien voulu souscrire, monsieur le ministre, pour apporter un signal constructif et positif aux épargnants en actions. Nous sommes heureux que vous nous ayez suivis sur ce terrain, car nous pensons très sincèrement que ce dispositif a opportunément complété la loi de finances et la politique gouvernementale dans un domaine actuellement très sensible.
En troisième lieu, le Sénat a entamé avec vous - et vous avez bien voulu vous y prêter avec patience, mesure, conviction - un véritable débat sur la fiscalité du patrimoine. Nous savons que ce débat se poursuivra en 2003 avec la discussion du projet de loi Dutreil. Puis, en vue de la préparation du projet de loi de finances pour 2004, la commission des finances, pour sa part, s'efforcera de poursuivre son travail de pédagogie pour bien faire comprendre les enjeux de la modernisation de la fiscalité du patrimoine dans ce pays. C'est dans cet esprit en particulier que, d'ici peu de jours, elle insistera sur les enseignements des travaux qu'elle a conduits sur les droits de succession et de mutation à titre gratuit.
Enfin, monsieur le ministre, le Sénat a pensé, avec vous et grâce à vous, à certaines améliorations en faveur du secteur du logement. Il s'agit de l'aménagement du régime fiscal microfoncier et de l'apparition d'un régime que j'appellerai, si vous me le permettez, le régime « Lambert-Besson ». (Sourires.) Ce régime élargit le champ d'application des dispositions relatives à l'immobilier locatif en prévoyant une extension au secteur des logements anciens dans des conditions bien précises et un élargissement, qui avait été réalisé par nos collègues de l'Assemblée nationale et par vous-même, aux ascendants et aux descendants, là encore dans des conditions bien précises.
Ce dispositif répond, pensons-nous, aux attentes de la société et, en même temps, à l'intérêt de développer le marché immobilier dans nos villes et dans nos régions.
Par ailleurs, monsieur le ministre, nous avons constaté que les préoccupations du Sénat, quelles que soient les travées sur lesquelles les idées sont apparues, ont été très largement prises en compte par vous-même et par le Gouvernement au cours de cette discussion. Il faut vraiment saluer la qualité d'écoute et la volonté que vous avez manifestées. Vous n'avez jamais laissé au hasard une réponse, vous montrant toujours précis et constructif, quels que soient les auteurs des amendements.
En outre, vous avez contribué à l'oeuvre législative par des travaux préparatoires extrêmement détaillés sur lesquels tous ceux qui en ont besoin pourront s'appuyer.
Sur le fond des choses, je rappelle brièvement que nous avons abordé, entre autres, la vie associative, sur l'initiative de M. Jean Chérioux, l'avoir fiscal des fondations, et que rendez-vous a été fixé lors de l'examen du prochain collectif budgétaire pour étudier les difficultés liées à la rémunération de certaines catégories de dirigeants d'associations.
Vous avez bien voulu suivre notre collègue M. Paul Girod en faveur du logement social, en particulier pour faciliter certaines mutations patrimoniales.
Vous avez été intéressé, monsieur le ministre, par le débat sur la Fondation du patrimoine. J'espère que vous ne vous opposerez pas à l'avancée obtenue par M. Yann Gaillard afin que la pérennisation des moyens de financement de la Fondation du patrimoine demeure un acquis à la suite des votes du Sénat.
Vous avez bien voulu nous informer très précisément du calendrier et de la méthodologie au regard des prochaines mesures de baisse ciblée de TVA. Le souci du Sénat en ce domaine, s'agissant en particulier de la restauration, étant d'aider le Gouvernement dans cette difficile négociation à l'échelon européen, nombre de nos collègues ont bridé leur initiative. Devant leur souhait de graver dans la loi un certain amendement, vous les avez convaincus, tout comme la commission des finances les a convaincus, que ce n'était pas la meilleure façon d'aider le Gouvernement dans la négociation européenne.
Par ailleurs, le président Arthuis a bien voulu, à la suite du débat rituel sur la taxe Tobin, évoquer la relance des travaux de la commission des finances sur la régulation financière internationale et la lutte contre les paradis fiscaux. Nous pourrons considérer qu'il s'agit, là encore, d'un acquis de ce débat budgétaire qui est le fruit d'un amendement du groupe communiste républicain et citoyen. Chacun a contribué au débat et aura sa part de paternité dans les suites.
Nous avons fixé enfin quelques rendez-vous en matière de fiscalité agricole, puisque nous retrouverons différentes idées dans le projet de loi Dutreil. De la même façon, en ce qui concerne l'artisanat, les idées que contenaient les amendements qui ont été défendus en particulier par MM. Joseph Ostermann, Gérard Cornu ou Jacques Oudin seront à nouveau présentes dans la discussion du projet de loi sur l'initiative économique de M. Dutreil.
J'en viens au dernier aspect, celui qui nous retient toujours pendant un certain temps, à savoir le débat sur les recettes des collectivités locales. Il était bien normal que nos échanges aient une portée toute particulière cette année, veille d'une avancée institutionnelle tout à fait considérable pour les collectivités territoriales.
Monsieur le ministre, vous avez affiché des dispositions d'esprit très conformes aux orientations que préconise le Sénat quant à la nécessité de transférer des ressources fiscales nouvelles aux collectivités locales. Dans votre réponse lors du débat sur les recettes des collectivités locales, hier soir, vous n'avez pas hésité à approfondir votre analyse, par exemple en ce qui concerne la taxe intérieure sur les produits pétroliers ou la taxe générale sur les activités polluantes, ouvrant des pistes pour instaurer un nouvel équilibre des finances locales. Vous avez démontré votre détermination à mettre fin, autant qu'il est possible, aux transferts de charges non compensés, conformément au principe que vous nous avez rappelé, inspiré de la sagesse populaire normande : « Qui commande paie ; qui paie commande. » (Sourires.) C'est un principe dont nous pouvons nous souvenir ici.
Nous incombe à présent la charge de passer, après le vote de l'article d'équilibre, à la seconde partie de la loi de finances consacrée aux dépenses des différents départements ministériels.
Mes chers collègues, à cette occasion, et de manière un peu solennelle, je souhaite vous appeler à beaucoup de vigilance lors de cet examen.
Il est important que les différents ministres sachent que siègent au Parlement des hommes et des femmes qui, bien sûr, pour nombre d'entre eux, sont à leurs côtés, mais qui leur demandent de la clarté et de la transparence dans l'exposé de leurs projets et de la rigueur dans leurs comptes rendus.
Tel est le rôle du Parlement. C'est un rôle essentiel que de participer à l'élaboration des budgets et d'accompagner de façon vigilante leur exécution.
Les rapporteurs spéciaux joueront donc un rôle tout particulier lors des discussions de la prochaine semaine. Ils s'efforceront, chaque fois que cela sera possible, d'apporter leurs idées pour réduire de façon ciblée la dépense. Nous voudrions en effet - nous verrons si nous y parviendrons - que, au terme de l'examen du projet de loi de finances, le Sénat ne se soit pas borné à maintenir le déficit constant. Nous aimerions que, à l'issue de l'examen du projet de loi de finances par le Sénat, le déficit soit un peu diminué non pas de un milliard d'euros, mais au moins de cent millions d'euros - de telle sorte que l'opinion publique sache que le Sénat, même s'il a été souvent critiqué, réunit des parlementaires mettant un point d'honneur à s'assurer de la bonne gestion de l'Etat et des deniers publics.
Mes chers collègues, je suis sûr que ce défi sera relevé, que nous trouverons toutes les modalités nécessaires pour réaliser de telles économies, à la veille d'une année particulièrement difficile pour la conjoncture générale et l'économie, afin que chacun comprenne que, si les recettes baissent, les dépenses ne peuvent pas être complètement immunisées.
C'est le rôle du Sénat, à présent, lorsque l'article d'équilibre aura été voté, que de se livrer à l'examen des différents fascicules ministériels dans l'esprit le plus constructif, mais avec la volonté de faire la démonstration que l'on peut économiser, gérer correctement, tout en affirmant de nouvelles priorités et en menant une politique nouvelle, celle que les Françaises et les Français attendent du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis, président de la commission. Nous voici parvenus au terme de l'examen des articles de la première partie du projet de loi de finances pour 2003. Dans quelques instants, monsieur le président, vous allez inviter le Sénat à se prononcer sur l'article d'équilibre.
A mon tour, je veux exprimer ma satisfaction. M. le rapporteur général vient de faire état d'un bilan qui est, j'en suis convaincu comme lui, tout à fait positif et je tiens à exprimer mes remerciements à vous-même monsieur le président - il n'est pas de bon débat sans une autorité souriante qui distribue les temps de parole et permet à chacun de s'exprimer sans précipitation pour que les questions soient posées et que les réponses puissent être formulées sans ambiguïté - et à vos collègues vice-présidents. Je remercie tout particulièrement M. le président du Sénat qui, à plusieurs reprises, a présidé lui-même nos travaux. Au-delà de la présidence, je voudrais également remercier l'ensemble des collaborateurs du service de la séance.
Permettez-moi aussi de vous remercier, monsieur le rapporteur général. Croyez-bien que je me suis réjoui de mon retour à la commission des finances, que j'affectionne tout particulièrement, et de vous y retrouver après une longue absence. Je tiens, en effet, à vous dire combien j'apprécie votre talent, votre expertise, votre compétence, votre virtuosité. Pendant ces cinq journées, si l'on tient compte de la discussion générale, vous avez manifesté la même force de conviction, le même souci d'apporter tous les éléments d'appréciation à la discussion. Inlassablement, vous avez fait vivre ce débat. Soyez-en très sincèrement félicité et remercié. Je veux vous dire toute ma confiance et celle de l'ensemble des membres de la commission des finances.
J'adresse aussi mes remerciements aux ministres, et d'abord à M. Francis Mer, qui est venu présenter le projet de loi de finances pour 2003 et les appréciations actualisées sur les perspectives économiques. Il reviendra dans quelques jours pour nous exposer l'état de la gestion des entreprises publiques et la rigueur qu'il entend apporter à la politique menée par l'Etat actionnaire. Peut-être nous permettra-t-il également de mieux comprendre le dispositif qui se met en place pour assurer la réussite pérenne de France Télécom.
Je veux remercier M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. C'est un bonheur de vous avoir retrouvé, monsieur le ministre. Vous n'avez pas oublié vos engagements parlementaires et le respect que vous portez au Parlement nous touche profondément.
Le cap est tenu, les convictions sont intactes, c'est dire si nous nous réjouissons de vous voir à l'oeuvre au budget et à la réforme budgétaire ! J'ai bon espoir que, grâce à vous, nous pourrons, sans attendre, faire bon usage de cet instrument extraordinaire que constitue la loi organique relative aux lois de finances, cette nouvelle constitution financière de la République à laquelle vous avez tant apporté.
Cet instrument de clarification, de visibilité, de lisibilité doit permettre à la représentation nationale de participer, aux côtés de l'exécutif, à la réforme de l'Etat. Enfin, nos discours seront en harmonie avec nos actes. Je ne doute pas que, demain, nous accorderons plus d'importance à l'exécution budgétaire qu'aux lois de finances, quel que soit le soin que l'on apportera à la préparation du vote final.
Monsieur le ministre, je tiens à vous exprimer toute ma reconnaissance et à vous dire combien nous avons été sensibles au fait que vous ayez jugé nécessaire, les prévisions économiques n'étant pas tout à fait conformes à ce que le Gouvernement avait perçu au mois de septembre, d'apporter des modifications à la loi de finances. C'est, je crois, un fait sans précédent. C'est aussi le témoignage et le gage d'un attachement à la sincérité, à la transparence et au respect de la représentation nationale.
Nous allons voter l'article d'équilibre et, dès demain matin, commenceront les discussions sur les différents fascicules budgétaires.
Le rapporteur général a appelé les rapporteurs spéciaux à la pugnacité. Qu'il soit bien clair que nous devons, les uns et les autres, apporter notre pierre à l'édifice et rompre avec certaines pratiques qui consistent à préconiser l'abaissement des impôts et la réduction des déficits publics sans pour autant exercer une vigilance scrupuleuse sur l'évolution des dépenses publiques.
Suivant vos bons principes, monsieur le ministre et que le Gouvernement a dû réviser à la baisse ses prévisions de recettes et que le déficit est maintenu en l'état dans cet article d'équilibre - c'est grâce à la commission des finances, qui a proposé un amendement concernant les plus-values fiscales sur les transformations du régime des sociétés foncières cotées, et au Gouvernement, qui a su judicieusement trouver quelques recettes de poche -, il va nous falloir peser sur les dépenses et en réduire le montant.
Je sais bien que ce ne sera pas une tâche facile et qu'il ne saurait être question d'opposer les rapporteurs spéciaux et les rapporteurs pour avis. Je souhaite toutefois qu'au cours des deux semaines qui viennent nous puissions mettre les ministres face à leurs responsabilités et leur demander de réviser à la baisse les crédits mis à leur disposition à l'occasion des premiers arbitrages.
Nous aurons des échanges vifs, selon la formule que vous avez vous-même expérimentée et qui est fondée sur le principe d'une réponse immédiate du Gouvernement permettant un dialogue interactif entre le Sénat et les différents ministres, à l'occasion de l'examen de dix fascicules, dont la jeunesse et l'enseignement scolaire, le travail, la sécurité et la justice, la conférence des présidents ayant décidé d'étendre le champ de ces nouvelles modalités de discussion.
Voilà les travaux qui nous attendent. J'espère que le Sénat se montrera solidaire de sa commission des finances pour tenter d'obtenir, au cours de ces deux semaines, au moins 100 millions d'euros d'économie, afin que le budget que nous voterons à l'issue de l'examen de la loi de finances soit allégé d'autant.
Je veux enfin rendre hommage aux travaux de nos collègues députés, qui ont mené le débat pendant cinq semaines. Il nous appartient d'être à la hauteur des enjeux qu'ils ont définis. Je ne doute pas que nous saurons trouver, lors de la réunion de la commission mixte paritaire, les accords nécessaires pour soumettre au Sénat, comme à l'Assemblée nationale, un projet de loi de finances qui soit un véritable pacte de confiance pour les Français et pour ceux qui, comme nous, ont pour mission de contrôler l'action du Gouvernement et celle des services publics.
Monsieur le ministre, le Sénat, je l'espère, votera cet article d'équilibre. Ce vote répond à une exigence de confiance que vous avez largement contribué à promouvoir pendant ces cinq journées. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR, des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Marie-Claude Beaudeau, pour explication de vote.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, l'examen par notre assemblée de la partie recettes de ce projet de loi de finances en aura totalement confirmé les caractéristiques principales : insincérité, injustice fiscale et sape des ressources légitimes de l'Etat.
Cette première partie du projet de loi de finances pour 2003 correspond bien au renforcement de l'austérité des dépenses publiques et sociales. Elle tourne résolument le dos à toute politique de relance en sanctionnant les leviers de la croissance que sont la consommation populaire et l'investissement public.
Les modifications que vous venez d'apporter à l'article d'équilibre témoignent d'ailleurs du peu de confiance que vous portez vous-mêmes à votre prévision de croissance, prévision que vous avez pourtant retenue pour élaborer ce budget rendu ainsi quasiment virtuel !
Dans le contexte actuel, 2,5 % de prévision de croissance, ce n'est pas du volontarisme. Vous dissimulez votre intention d'aller encore plus loin dans la rigueur budgétaire. En effet, en cas de moindre croissance, c'est avant tout le niveau des dépenses qui servira de variable d'ajustement. Vous ne comptez évidemment pas revenir sur les cadeaux fiscaux, pardon..., vos mesures de baisses d'impôts.
Ce qui s'annonce donc pour 2003, dans la suite de votre collectif budgétaire de fin d'année 2002, c'est la multiplication des reports, gels et annulations de crédits.
Parmi les nombreuses zones d'ombre de ce budget figurent aussi, je l'ai déjà mentionné, les 8 milliards de recettes de privatisations, auxquels s'ajoutent maintenant la question du règlement de la dette de France Télécom, dont, je le rappelle, 15 milliards arrivent à échéance l'année prochaine. La presse annonce ce matin que l'Etat en avancerait 9 milliards.
Le Parlement, vous le savez, monsieur le ministre, a ses pratiques. Il est même très sourcilleux en ce qui concerne le vote de la dépense et la levée de la recette. Il m'avait semblé comprendre que vous étiez, voilà encore quelques mois, très attaché à ces pratiques.
Quand nous rencontrons nos mandants, ils exigent de nous des réponses. D'où vient cet argent ? Depuis dimanche, certains vont même jusqu'à parler de « coups fourrés ». Il est normal, monsieur le ministre, que nous voulions savoir. Le journal du matin n'est pas l'organe d'information du sénateur, pas plus que la télévision du dimanche soir !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Bonne question !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Vous le savez, monsieur le ministre, le Parlement est exigeant sur les règles démocratiques et sur la transparence en matière financière, et il y reste fidèle. Il n'est pas trop tard pour que vous répondiez sur ce point avant la fin de cette discussion.
Le plan d'austérité que vous mettez en place, l'immense majorité du monde du travail va le payer deux fois : elle sera la première victime de la baisse des dépenses publiques et sociales, et subira également de plein fouet le renforcement de l'injustice fiscale.
On a parfois cru rêver en vous entendant, chers collègues, notamment lorsque vous avez tenté, pendant des heures, de nous apitoyer sur le sort de certaines familles ayant des enfants à charge, hébergeant des handicapés ou se sacrifiant pour de bonnes oeuvres. Mais desquelles parlez-vous ? De celles qui sont redevables de l'impôt de solidarité sur la fortune, pardi ! Celles auxquelles vous voulez accorder encore moult autres exonérations !
La perte de pouvoir d'achat prévisible due au fait que les allocations familiales ou les retraites n'ont été revalorisées respectivement que de 1,7 % et 1,5 % semble vous avoir moins émus, tout comme l'absence de financement de l'APA, dont vous baissez les prestations.
Monsieur le ministre, vous avez annoncé une réforme globale de l'ISF en 2003 allant dans le sens des attentes de la majorité sénatoriale, ce qui laisse présager le pire.
Avec raison cependant, vous avez souligné comment les redevables de l'ISF allaient, dès à présent, profiter pleinement de la plus injuste de vos nouvelles mesures fiscales : la baisse de l'impôt sur le revenu, dont l'économiste Thomas Picketty - mais il n'est pas le seul ! - a excellemment montré, comme vous le savez, la corrélation directe avec la constitution de grandes fortunes.
Mes collègues du groupe CRC ont déjà longuement, et à juste titre, démontré le caractère profondément inégalitaire de la baisse de 6 % des taux de l'impôt sur le revenu.
Je ne rappellerai que deux chiffres : moins de 2 % des contribuables, les plus aisés, concernés par le taux marginal que vous vous flattez d'abaisser sous la barre des 50 % vont y gagner 550 millions d'euros. A l'autre extrémité, 50 % des foyers fiscaux, les moins aisés, ne toucheront rien.
Ce sont les mêmes catégories qui vont bénéficier des autres mesures de baisses d'impôts en faveur des ménages, qu'il s'agisse du relèvement du plafond de la déduction d'impôt pour l'emploi de personnels à domicile et des allégements des frais de donations. Seule exception apparente : l'augmentation de la prime pour l'emploi pour un coût de 280 millions d'euros. J'ai déjà eu l'occasion de dénoncer ce système d'impôt négatif d'inspiration libérale qui fait payer par la collectivité, à la place du patronat, une partie de la rémunération du travail des salariés les plus modestes. Ce genre de dispositif tire, vous le savez bien, monsieur le ministre, les salaires par le bas.
Or ce projet de loi de finances, vous l'étendez encore, monsieur le ministre, pour encourager le travail partiel sous-payé, dont on sait qu'il est le principal facteur de l'augmentation du nombre de travailleurs pauvres, c'est-à-dire ayant un emploi, mais vivant au-dessous du seuil de pauvreté. Cette mesure ne va donc pas non plus dans le sens de l'intérêt du monde du travail.
Monsieur le ministre, vous prétendez vouloir encourager les revenus du travail. C'est inexact : ceux qui vont le plus profiter de vos baisses d'impôts, les plus hauts revenus, sont ceux pour qui les revenus du travail comptent pour la moindre part dans les revenus totaux.
En clôture de la discussion générale, M. Mer a déclaré : « Certes, il faut être généreux, mais lucide aussi. C'est pour cela qu'il faut concentrer la générosité sur ceux qui en ont réellement besoin et qui ne peuvent, pour des raisons personnelles, assumer leur vie. »
C'est sans doute pour cela que vous avez laissé la majorité sénatoriale adopter quatre mesures fiscales visant à alléger la fiscalité des plus-values boursières, soi-disant pour compenser les effets de la chute de la bourse.
Bien sûr, vous avez soigneusement écarté nos propositions de diminution de l'avoir fiscal ou d'augmentation de la fiscalité des stock-options.
Contrairement à vos affirmations, l'ensemble de vos mesures nouvelles dirigées vers les ménages ne soutiennent pas la consommation et sont inefficaces économiquement. Ceux que vous avez avantagés sont ceux dont la propension à consommer est la moindre, ceux qui épargnent, voire spéculent le plus.
Dans le même temps, la hausse des taxes sur le tabac pour compenser vos nouveaux cadeaux aux entreprises sous formes d'allégements de cotisation, pour 700 millions d'euros, sans effets dissuasifs sur le tabagisme, comme l'abandon de la TIPP flottante, renforcent la pression fiscale indirecte qui pénalise les plus bas revenus, ceux qui, au contraire, ont la propension la plus grande à consommer.
Vous avez aussi balayé d'un revers de la main nos amendements, pourtant moins coûteux que votre baisse de l'impôt sur le revenu, qui visaient à soutenir la consommation populaire, moteur d'une croissance saine et créatrice d'emplois stables en baissant le taux normal de la TVA ou en appliquant le taux réduit à des produits de première nécessité, comme l'électricité, le gaz, le chocolat. Vous voyez bien qu'il y a là un choix de classe !
Au total, le coût des baisses d'impôts va atteindre 8 milliards d'euros, dont la moitié pour les entreprises avec, notamment, la fin de la suppression de la part salariale de la taxe professionnelle.
Les entreprises bénéficient également de nouvelles déductions de cotisations sociales patronales pour plus de 1 milliard d'euros au titre des lois Fillon, que vous compensez par l'augmentation de la taxe sur les tabacs, mais aussi par le détournement d'une plus grande fraction de la taxe sur les conventions d'assurance.
Pourtant - faut-il encore le rappeler ? - on n'a pas pu prouver l'effet de ces allégements de cotisations sur l'emploi, alors qu'ils tirent indéniablement les salaires vers le bas.
Comment ne pas remarquer qu'en plus de leur caractère inéquitable vos mesures de baisses d'impôts entrent en contradiction flagrante avec votre discours permanent sur les déficits publics ?
Comment pouvez-vous les fustiger sans arrêt et, dans le même temps, vous appliquer à les creuser, qui plus est, cette année, dans un contexte de récession ?
J'ajouterai un mot encore avant de conclure, monsieur le ministre, mes chers collègues de la majorité, sur vos démonstrations incessantes à propos de l'attractivité de la France. Elles sont consternantes.
Votre discours est d'abord indicateur, permettez-moi de le dire, du faible niveau de moralité et de patriotisme que vous prêtez à la « France d'en haut » : hauts revenus et « entrepreneurs » ne songeraient qu'à quitter le pays pour bénéficier d'avantages fiscaux.
Sans doute est-ce aussi cette éthique du capitalisme à laquelle nous nous sommes heurtés en proposant un contrôle plus sérieux de l'évasion fiscale vers les paradis fiscaux ou la taxation de la spéculation ?
Ensuite, la plupart des comparaisons internationales que vous établissez sont frelatées. Le niveau réel de l'impôt sur le revenu et même celui de l'impôt sur les sociétés sont notoirement plus bas dans notre pays que chez nos principaux partenaires.
Enfin, vous ne nous convaincrez pas que c'est en donnant moins de moyens à l'éducation, à la recherche, aux services publics en général, et en incitant à la pratique de bas salaires que vous allez renforcer la compétitivité de notre pays. Au contraire, la qualité de nos services publics et le niveau de qualification des salariés sont le premier facteur d'attractivité de notre pays ; cela figure aussi dans ce fameux rapport Charzat, que vous avez toujours à la bouche.
Notre modèle ne sera jamais les Etats-Unis, qui arrivent, certes, en tête du classement du World Economic Center , mais où 60 millions de personnes n'ont pas accès aux soins et vivent sous le seuil de pauvreté, et où 1,5 % de la population active masculine croupit en prison !
Monsieur le ministre, mes chers collègues de la majorité, vous avez rejeté tous nos amendements. C'est logique parce qu'ils traduisent une rupture totale tant avec votre projet de budget d'austérité qu'avec les précédents budgets adoptés depuis vingt ans, y compris les derniers que vous aggravez, certes, et qui, malheureusement, nous devons le reconnaître, ont ouvert des brèches dans lesquelles vous vous engouffrez : baisse de l'impôt sur le revenu, de la taxe professionnelle, des charges sociales.
Vous ne vous étonnerez évidemment pas de notre vote négatif sur l'article d'équilibre que vous venez de nous présenter. Et ne comptez pas sur nous pour réduire les crédits ministériels dont l'examen commencera demain matin ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Oudin, pour explication de vote.
M. Jacques Oudin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes arrivés au terme de l'examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2003. Nous pouvons dresser un premier bilan de nos travaux. Vous le comprendrez aisément, les propos que je tiendrai au nom du groupe du RPR seront plus optimistes et élogieux que ceux que nous venons d'entendre !
Monsieur le ministre, je tiens tout d'abord à saluer l'extrême attention que vous avez portée à l'ensemble de nos amendements. En tant qu'ancien président de la commission des finances, vous avez vous-même trop souffert par le passé des refus systématiques et laconiques de certains anciens ministres du budget à nos amendements pour ne pas tomber dans le piège de réponses péremptoires, suffisantes ou biaisées.
Monsieur le ministre, à chaque fois, vous avez cherché à motiver vos réponses sans contourner nos questions. Vous vous êtes engagé, pour l'avenir, à développer la réflexion, à débroussailler des pistes de réformes que nous appelons de nos voeux. Nous avons été, sachez-le, extrêmement sensibles à cette attitude.
Votre dialogue avec notre rapporteur général et avec notre assemblée a été toujours constructif et positif. Ce travail de bonne intelligence, nous avons pu le mener car nous partageons, monsieur le ministre, la même vision d'avenir pour nos finances publiques.
Tout a été dit sur le bilan dont vous avez hérité. Le rapport de MM. Bonnet et Nasse se suffit à lui-même. Voilà quelque temps, nous avons d'ailleurs tout simplement cité des phrases de ce rapport pour montrer que vos prédécesseurs, en refusant de prendre les mesures qui s'imposaient au moment où nous aurions pu les prendre sans difficulté, ont largement contribué à rendre notre situation actuelle aussi délicate.
Regardons la situation économique de notre pays. Certes, notre taux de croissance ne sera que de 1,2 % en 2002 ; il progressera entre 2 % et 2,5 % en 2003, peut-être davantage en 2004, contre 4,5 % en 2000 ! C'est dans ce contexte détérioré que je salue, encore une fois, le difficile équilibre élaboré par notre Gouvernement.
Le projet de loi de finances pour 2003, que nous avons commencé à examiner, est, nous le savons, un texte de transition. Mais c'est un texte qui prépare un avenir. Des signaux non négligeables ont été lancés. L'impératif fort que s'est fixé le Gouvernement, c'est de stabiliser le déficit : c'est de bon augure pour l'avenir. Nous cessons enfin de céder aux sirènes du laisser-aller budgétaire, qui avaient tant primé ces dernières années.
Tout à l'heure, M. le président de la commission des finances a indiqué les voies que nous suivrons pour l'examen de la deuxième partie du projet de loi de finances. Je sais que cela irrite certains de nos collègues - nous venons d'ailleurs d'entendre des propos un peu durs à cet égard -, mais je crois que nous devons jeter de telles bases pour l'avenir, car elles contribueront à une meilleure maîtrise des dépenses publiques et limiteront le poids de dépenses telles que celles de la fonction publique, dont nous examinerons le budget dans quelques jours. La France détient en effet le record des pays développés en termes de dépenses liées à la fonction publique, cela au détriment, bien entendu, des investissements qui sont essentiels pour assurer les missions régaliennes de l'Etat.
Nous souhaitons que l'Etat soit recentré sur ses missions, afin d'être plus efficace et moins coûteux pour nos concitoyens.
Si nous sommes satisfaits de ce budget, c'est que nous avons confiance non seulement dans l'avenir, mais également dans votre action, monsieur le ministre.
Dans le contexte tendu que j'ai rappelé, vous avez engagé des réformes importantes, sans jamais remettre en cause les grandes orientations fixées par le Président de la République. Il est ainsi prévu une baisse de l'impôt sur le revenu de 6 % pour l'ensemble des taux du barème, en pérennisant et en amplifiant la baisse de 5 % déjà accordée au titre des revenus 2001.
Nous avons conscience que beaucoup de nos propositions n'ont pu être adoptées cette année, mais nous l'acceptons parce que nous comprenons les contraintes auxquelles vous êtes confronté, monsieur le ministre. D'ailleurs, nous reconnaissons qu'un effort important a pu être accompli dans beaucoup de domaines.
J'en viens à l'active participation du Sénat à l'amélioration du projet de loi de finances. Je souhaite souligner à nouveau notre satisfaction de voir qu'en dépit de marges budgétaires très étroites le travail de notre assemblée a été, à tous les niveaux, positif. Le Sénat a apporté sa pierre à cet édifice et a soutenu les efforts que vous avez engagés.
Je voudrais, à ce moment de mon propos, remercier et féliciter, au-delà du président de la commission des finances, notre excellent collègue et ami Philippe Marini, rapporteur général, de la qualité de ses travaux, de sa force de conviction, mais également de ses talents pédagogiques assez exceptionnels : même ce qui est complexe, nous arrivons à le comprendre après qu'il a parlé, sauf peut-être lorsqu'il s'agit de certains aspects des finances locales ; c'est tellement compliqué que, là, nous avons parfois du mal à suivre.
Notre assemblée a adopté, sur l'initiative de la commission, des mesures importantes. J'en citerai quelques unes.
La durée pendant laquelle il sera possible d'imputer les moins-values sur les plus-values de cessions de valeurs mobilières sera rallongée de cinq à dix ans, afin de protéger le sort des actionnaires individuels qui peuvent subir des pertes importantes dans le contexte actuel ; nous en avons longuement parlé.
De la même manière, le relèvement du seuil d'imposition de ces cessions à 15 000 euros représente un signal fort pour ces actionnaires individuels et pour l'avenir.
Parallèlement, monsieur le ministre, vous avez également su entendre les propositions de notre groupe. Je salue notamment votre attitude à l'égard des amendements de nos collègues Jean Chérioux et Gérard Bailly.
Dans le but de protéger les fondations reconnues d'utilité publique, la réduction du taux de l'avoir fiscal ne les concernera pas, puisque les fondations sont par nature vouées à fonctionner grâce aux revenus dégagés année après année par le placement de leur dotation initiale.
Une disposition utile a par ailleurs été adoptée pour prévenir l'appauvrissement social et convivial de nos régions rurales, notamment en ce qui concerne le transfert des débits de boissons.
Pour le reste, nous avons pris bonne note que, dans les années à venir, lorsque les marges seront plus franches, vous reconsidérerez certaines de nos propositions. Monsieur le ministre, de très nombreux rendez-vous ont été pris à l'occasion de l'examen d'amendements, déposés, puis retirés. Ces rendez-vous jalonneront notre dialogue futur.
Ce débat a eu le mérite de souligner l'importance de nombreuses réformes qui s'avèreront indispensables. Jean Arthuis, président de la commission des finances, en a évoqué certaines. Je citerai quatre exemples.
Le premier est celui de la réforme des finances locales, qui deviennent d'une complexité effarante. De nombreux élus ne les comprennent plus. Le débat sur la réforme constitutionnelle relative à l'organisation décentralisée de la République a eu un mérite : nous inciter non seulement à simplifier le dispositif et à veiller à ce que les recettes fiscales soient prépondérantes dans les budgets locaux, mais également - nous en avons conscience - à réaliser un effort de péréquation clair et fort en faveur de certaines communes qui ont des quartiers difficiles et du monde rural qui doit continuer à faire vivre notre territoire.
Le deuxième exemple est celui du nécessaire effort à accomplir pour évaluer l'efficacité de certains dispositifs. Un amendement défendu tout à l'heure par Serge Vinçon a été l'occasion d'évoquer le problème des taxes parafiscales. Elles vont disparaître ! Si l'on réattribue des ressources budgétaires à des organismes, encore faut-il en évaluer l'utilité, l'efficacité et la pertinence. Dans le domaine de cette évaluation, nous avons longuement débattu de la fiscalité du patrimoine. C'est tout à l'honneur de M. le rapporteur général d'avoir engagé ce débat.
Le troisième exemple est celui de l'importance de maintenir l'effort d'investissement dans un contexte difficile. Cela a été fait dans le projet de budget ; ce n'est qu'un début. Sans doute l'investissement peut-il entraîner des charges immédiates, mais nous savons que c'est un catalyseur de développement, de création d'emplois, donc de ressources fiscales supplémentaires.
Cela nous conduit au quatrième exemple : l'application, dans son esprit, de la loi organique relative aux lois de finances. Nous devons mettre en cohérence les objectifs que nous nous sommes fixés et les moyens dont nous disposons. Cette loi organique nous impose plus de transparence, plus d'analyse et plus d'efficacité. A cet égard, nous avons eu un débat intéressant sur l'eau. Qu'il s'agisse du Fonds national de solidarité pour l'eau, le FNSE, ou du Fonds national pour le développement des adductions d'eau, le FNDAE, les discussions ont été longues, mais à la hauteur des enjeux. Nous en avons retenu au moins deux enseignements.
Le premier, c'est la nécessité d'optimiser l'utilisation des fonds publics. Il est légitime de dénoncer l'ampleur des crédits non consommés au cours des exercices antérieurs, tant pour le FNSE que pour le FNDAE. Mais ces retards d'engagement doivent plutôt être imputés à la lenteur des procédures administratives, que nous devons réformer, qu'à un déficit des besoins dans le domaine de l'eau.
Le second enseignement, c'est l'obligation de se doter de moyens adaptés pour respecter nos engagements communautaires.
Au cours des années et des conseils communautaires, nous avons pris des engagements considérables et, malheureusement, nous ne pouvons pas les respecter actuellement. En 2001, mes chers collègues, la France a essuyé de nombreuses condamnations de la part de la Cour de justice des Communautés européennes dans le domaine de l'eau : condamnations des 8 et 15 mars 2001, trois avis motivés - deuxième lettre d'avertissement - du 24 juillet 2001, mise en demeure du 2 juillet 2002. De ce fait, notre pays risque prochainement de se voir condamné au paiement d'astreintes financières.
Monsieur le ministre, faut-il dépenser plus pour réaliser des objectifs ou faut-il payer des amendes parce que nous ne les réalisons pas ?
Sur le FNSE, nous avons adopté une position modérée, me semble-t-il, qui fera avancer le débat.
Pour toutes ces raisons, la première partie du budget pour 2003 répond à cette quadruple exigence : contrôler le déficit, jeter les bases pour l'avenir d'une réduction de ce même déficit, concentrer les efforts budgétaires sur les missions régaliennes de l'Etat et desserrer la pression fiscale qui pèse sur nos concitoyens.
Monsieur le ministre, notre groupe votera avec détermination la première partie du projet de loi de finances pour 2003. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou, pour explications de vote.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le ministre, votre détermination à baisser les dépenses publiques et à diminuer notre déficit résume l'orientation de votre politique. Je tiens à saluer deux décisions majeures qui tranchent avec les cinq années précédentes : la limitation de la hausse de la dépense publique à 0,2 % et la baisse relative des dépenses de l'Etat dans le PIB. Elles ont pour corollaire la baisse de l'impôt. J'y vois l'expression d'une volonté politique et plus profondément, d'une philosophie politique, à savoir donner moins de place à l'Etat et plus d'autonomie de décision au citoyen.
Je me réjouis de ce budget, mais je voudrais vous faire part de sujets qui me préoccupent : le manque d'attractivité de notre pays dans le contexte international et l'état de la dette.
Tout d'abord, monsieur le ministre, je veux me montrer critique, non pas envers l'orientation budgétaire que vous nous présentez, mais dans la communication que vous en faites. En effet, si le Premier ministre a réclamé, à sa prise de fonction, un audit sur la situation des finances publiques, dont le résultat n'a été contesté par personne, cet audit est resté confidentiel, réservé en quelque sorte aux parlementaires, aux journalistes, aux initiés.
Certains pensent que le fait d'insister sur l'état actuel de la France incite au découragement. Bien au contraire, je suis convaincu que dire la vérité aux Français et au monde extérieur pour justifier le changement de politique est déterminant pour croire à l'avenir de la France. Soyons sincères, les Français nous croiront ; faisons preuve de courage, les Français nous suivront. Les Français ne veulent plus redevenir les acteurs désabusés d'une nouvelle grande illusion.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. Aymeri de Montesquiou. Pour légitimer notre politique, rappelons que la gestion précédente a financé près d'un cinquième du budget en empruntant à court terme. Comment, à long terme, la situation ne deviendrait-elle pas insoutenable ? En cinq ans, la dette a progressé de 34 % ! Pensez-vous que nos concitoyens aient vraiment réalisé dans quelle situation vous preniez le pays ? Que nous soyons tombés au douzième rang, européen pour le PIB par habitant, que notre productivité se soit effondrée au trentième rang mondial, alors que celle de nos entreprises privées se situe au premier rang constituent les meilleurs arguments pour mener une politique radicalement différente.
Lorsque l'opposition affirme que la consommation ne va pas être beaucoup stimulée par la baisse d'impôts, elle n'a pas totalement tort. Mais vous devez lui rétorquer : baisse d'attractivité, fuite des cerveaux, délocalisation et, au final, chômage. On pourrait croire que la politique précédente constituait une invitation à partir aux plus créatifs, aux plus travailleurs, aux plus industrieux. Ce n'est guère forcer le trait que d'affirmer que l'on incitait les assujettis à l'ISF à partir et les futurs RMIstes à venir.
Le rapport Charzat, comme s'il trahissait un dogme, a encouru l'anathème et fut brûlé en autodafé par les idéologues, Savonarole de la gauche plurielle. Comment a-t-on pu imaginer que les 35 heures n'auraient pas d'effet dissuasif sur tout investisseur étranger, stupéfait qu'un gouvernement légifère pour travailler moins, et que cela n'aurait pas de conséquences négatives sur l'emploi ?
Nous nous sommes succédé à cette tribune ces dernières années pour mettre en garde le gouvernement précédent. C'était non pas par idéologie, mais par simple bon sens. Le résultat des 35 heures a été désastreux et mécanique : aujourd'hui, la moitié des entreprises américaines installées dans notre pays veulent partir.
Les conditions négatives doivent être extrêmement fortes pour que, malgré tous les atouts, toutes les qualités de notre pays, de sa main-d'oeuvre, de ses ingénieurs, de ses chercheurs, malgré sa situation privilégiée en Europe, le lien entre les pays méditerranéens et ceux de l'Europe du Nord, les forces productives partent.
Valorisons le travail, valorisons l'effort : conservons nos forces vives sur notre territoire et n'oublions pas que c'est la récompense du mérite qui nourrit la démocratie.
L'attractivité et la compétitivité de notre pays nous sont chères à tous : aujourd'hui, quel pays impliqué dans les échanges internationaux, quel pays soucieux d'une politique étrangère active peut-il proposer une politique économique et fiscale ignorant le contexte international ? Aucun ! Et pourtant ce fut l'attitude de la France. Comme si nous avions oublié que la mondialisation, la fluidité des capitaux, la mobilité des entreprises, des cadres et des salariés n'étaient pas des paramètres essentiels. Aujourd'hui, dans ce monde sans rivages, les contribuables les plus importants, c'est-à-dire le plus souvent les plus créatifs, peuvent choisir le pays où ils devront payer l'impôt.
Notre politique étrangère joue un rôle majeur et donne à notre pays une place beaucoup plus importante que notre poids économique. Mais comment ne pas imaginer que notre influence serait encore plus effective si nous savions être exemplaires dans la gestion de nos propres affaires. Il est évident que notre image de mauvais gestionnaire est pénalisante, en particulier dans le cadre de l'Union européenne où notre position de mauvais copropriétaire nous empêche de jouer pleinement notre rôle de pays chef de file.
Pour que nos concitoyens aient une idée plus précise de notre mauvaise situation budgétaire et que l'évidence d'une diminution des dépenses leur apparaisse vitale, il faut leur donner des chiffres parlants : 2,6 % de déficit par rapport au PIB ne traduisent pas notre situation budgétaire. De plus, dans l'absolu, ce chiffre est modeste. Il faut leur faire part du montant réel du déficit budgétaire, c'est-à-dire 16,87 % ! Quel ménage, quelle entreprise ne réduirait pas instantanément son train de vie ou le montant de ses dépenses face à un tel déséquilibre entre les recettes et les dépenses ? Nous gérons la maison France. Un seul ménage peut-il accepter, en fin d'année, un déficit de 17 % ? Nous gérons la société France. Les salariés d'une entreprise peuvent-ils accepter que le conseil d'administration présente un déficit de 17 % ? Toute entreprise, tout ménage, lorsque ses ressources baissent, diminue ses dépenses en proportion.
Pour souligner la gravité de cette situation, j'ajouterai que nous empruntons pour faire face à la charge de la dette et non pour investir. Il s'agit là d'une caractéristique des pays dits « en voie de développement ». Tel n'est pas notre cas, mais cela nous donne l'obligation de changer radicalement notre politique budgétaire.
Monsieur le ministre, vous nous aviez annoncé une perte de recettes de 700 millions d'euros. Cela représente un quart de point des dépenses. Tous les ministres des finances ou du budget qui se sont succédé à cette tribune nous ont parlé de contrôle des dépenses publiques. Nous avions l'opportunité de concrétiser cette volonté déclarée ; vous l'avez saisie avec l'amendement n° I-225. Sinon, ces discours n'auraient été qu'incantations et le pouvoir politique aurait perdu un peu plus de sa crédibilité. Comment imaginer que nous soyons capables d'atteindre l'équilibre budgétaire en 2007 si nous ne pouvons stabiliser le déficit aujourd'hui ?
Peut-on réclamer de la rigueur aux collectivités, prêcher l'effort à nos concitoyens et assujettir les dépenses de la sécurité sociale, si l'Etat est incapable de stabiliser un déficit d'un montant aussi modeste ? Nous devons être solidaires, le Gouvernement et le Sénat, et y travailler ensemble. Nous y sommes parvenus, mais l'objectif reste, bien évidemment, la baisse du déficit. Commençons par 100 millions d'euros !
Démontrons par des gestes forts que notre politique inaugure un véritable changement. Redonnons aux Français l'envie de travailler, mettons en mouvement un pays rendu frileux et recroquevillé, donnons à nos concitoyens l'envie de rester en France et aux étudiants, aux entreprises, aux investisseurs étrangers l'envie de venir dans notre pays. En un mot redonnons à la France son rayonnement.
Votre budget, monsieur le ministre, est résolument orienté dans cette direction, et je m'en réjouis. La majorité du groupe du RDSE vous soutiendra.
M. le président. La parole est à M. Jean-Philippe Lachenaud, pour explication de vote.
M. Jean-Philippe Lachenaud. A ce stade du débat, tout a été dit. Ce projet de loi de finances pour 2003 nous est présenté dans un contexte économique et financier particulièrement difficile, monsieur le ministre.
Face à de très fortes incertitudes - le contexte économique international, le taux de croissance, les aléas sur les recettes - vous avez choisi un chemin courageux, celui de la vérité, et nous approuvons cette démarche.
Nous approuvons aussi l'idée volontariste d'affirmer comme un objectif pour l'ensemble des acteurs économiques un taux de croissance de 2,5 % d'ici à l'année prochaine.
Si la conjoncture n'évolue pas comme nous le souhaitons, l'impératif de vérité sera également de mise pour mieux mobiliser l'ensemble des acteurs économiques français.
Je rends hommage à la qualité des travaux de la commission des finances, notamment de son président et du rapporteur général ; ils ont bien qualifié l'ensemble de ce budget : budget de transition, principe de précaution. Le débat a été mené avec la courtoisie, la compréhension, et la fermeté nécessaires.
Monsieur le ministre, nous vous comprenons et nous vous apportons notre soutien : je le confirmerai en votant, avec mon groupe, la première partie de la loi de finances. Cependant, permettez au vieux parlementaire que je suis, tantôt dans la majorité, tantôt dans l'opposition, de regretter que certains de nos amendements n'aient pas connu un sort meilleur à l'issue du dialogue très positif que vous avez su ménager ici. Nous regrettons ainsi, avec M. de Raincourt, président du groupe, qu'aucune solution, à ce stade du débat budgétaire, n'ait été trouvée concernant le règlement du dossier de l'APA, notamment en termes de calendrier.
Nous approuvons la méthode de concertation avec les présidents de conseils généraux. Il faudra effectivement freiner les dépenses publiques qui sont imposées aujourd'hui à l'Etat et aux collectivités locales. Mais je tiens, à ce stade du débat, à appeler à nouveau votre attention sur l'urgence qu'il y a à trouver une solution.
Je ne suis plus président de conseil général, mais une analyse très objective me conduit à penser que la situation de très nombreux départements est extrêmement critique. A elles seules des mesures de freinage des dépenses ne pourront avoir un effet financier suffisant dès 2003 pour que les conseils généraux puissent délibérer sur leur budget et le voter avec de nouvelles orientations.
Encore une fois, il est regrettable que nous ne soyons pas parvenus à une solution. Certes, la tâche est extraordinairement difficile, compte tenu de l'urgence et de la gravité du problème. Au reste, toute solution en la matière devra combiner plusieurs types d'approche.
Nous espérions beaucoup, mais vous nous avez donné rendez-vous au projet de loi sur l'initiative économique. Nous souscrivons à cette démarche, tout en rappelant que l'économie française est complètement paralysée. Il faudra donc absolument mettre à profit ce prochain projet de loi pour desserrer le carcan fiscal, administratif et social qui brime les initiatives des entreprises, des chercheurs, des scientifiques, de tous ceux qui assurent le développement et le rayonnement de la France.
M. Aymeri de Montesquiou. Bien sûr !
M. Jean-Philippe Lachenaud. Convaincus, nous vous apportons notre soutien pour quatre raisons.
Tout d'abord, monsieur le ministre, j'ai apprécié votre souci de maintenir l'autonomie de la politique budgétaire. Cela étant, je serai plus nuancé que certains de mes collègues.
La politique budgétaire française est aujourd'hui le seul instrument dont disposent le gouvernement et l'Etat pour donner des orientations aux acteurs économiques, pour créer un cadre financier favorable et pour jouer sur une donnée extrêmement importante, à savoir l'ensemble des prélèvements et l'équilibre budgétaire.
Vous avez mené les discussions au niveau européen, pour marquer à la fois que le pacte de croissance et de stabilité devait être strict, qu'il devait être respecté, mais que, dans le même temps, il fallait qu'il soit plus intelligent ; qu'il s'inscrive dans une perspective réellement pluriannuelle ; qu'il prenne en compte les spécificités de chaque pays ; qu'il prenne en compte le volume des dépenses d'investissement et le volume des dépenses militaires ; que les décisions soient prises, les critiques formulées et que les avertissements et les sanctions éventuels soient décidés au terme d'une appréciation réelle du cycle économique dans lequel s'inscrit la politique budgétaire.
Tout en vous situant dans un cadre européen, dans le respect des principes de l'Union européenne, vous marquez votre volonté, que j'approuve, d'une politique budgétaire autonome pour la France. Pour moi, c'était un élément positif du débat.
Ensuite, nous vous soutenons pour la sincérité, la vérité et le pragmatisme de votre démarche. Pour la première fois dans l'histoire budgétaire, je crois, vous avez ajusté les recettes à la réalité, au cours du débat budgétaire : vérité sur les prévisions de recettes, vérité sur la prise en compte des dérives budgétaires des années 2000-2001, tout cela est extrêmement positif.
Dans une perspective à moyen terme, nous constatons aussi, et ce sont les deux raisons supplémentaires de notre approbation, les signes, les prémices d'une politique budgétaire se fixant des objectifs généraux nouveaux en application de la loi organique sur les lois de finances du 1er août 2001.
Sur le budget, ses éléments positifs et structurels, nous apprécions la stabilisation du déficit, la priorité donnée aux dépenses régaliennes, l'effort de redressement de l'investissement et l'effort de défense, ainsi qu'un certain nombre de mesures qui réduisent réellement les prélèvements obligatoires. Toutes ces mesures de fond, toutes ces orientations pluriannuelles de la politique budgétaire, nous les approuvons, et c'est l'une des raisons de notre soutien à votre budget, monsieur le ministre.
Sur la constitution financière, vous avez annoncé, c'est un début, que les ministres seraient conduits à élaborer progressivement leur programme. Ce sera, en quelque sorte, le moment de vérité, car c'est seulement grâce à cette procédure-là qu'on arrivera véritablement à la maîtrise des dépenses.
Donc, plus de sincérité, un débat sur les prélèvements obligatoires, un débat renouvelé, demain, sur les orientations budgétaires, une préparation plus rapide et des dates pour la discussion de la loi de finances de l'année prochaine anticipées, autant d'élements positifs dans lesquels nous voyons le signe de votre volonté de mettre en oeuvre, dès maitenant, la loi organique.
Ce ne sera plus une surprise, mais j'annonce d'emblée que le groupe de Républicains et Indépendants votera la première partie du budget, ainsi que la deuxième, d'ailleurs.
Dès demain, nous allons nous attaquer aux dépenses, et nous y attaquer dans tous les sens du terme, puisque nous allons, dans la ligne de ce qu'ont dit tout à l'heure M. le président de la commission et M. le rapporteur général, inciter les ministres, chacun dans leur domaine de compétence, à réaliser, contribuer, pour une fraction modeste, mais significative, tout de même, à la rationalisation des dépenses et aux économies. En tant que rapporteur spécial des crédits de l'enseignement supérieur, je serai l'un des premiers à me livrer à cet exercice.
Nous avons vraiment la conviction que, dès 2003, mais, évidemment, avec une incitation encore plus forte pour les exercices suivants, il y aura dans tout ministère des possibilités de rationaliser la gestion et de faire des économies.
C'est ce que nous proposerons, et moi le premier, à titre d'exemple. Ce sera la marque que nous vous apportons notre soutien ; ce sera la marque, aussi, que, dans cette vision pluriannuelle de la politique budgétaire, seule la maîtrise des dépenses publiques sera la clé de l'équilibre et du désendettement, maîtrise qui exige une réforme de l'Etat et une rationalisation de la gestion publique. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Demerliat, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Demerliat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au terme de la discussion de la première partie du projet de loi de finances pour 2003 par notre assemblée, quel est l'état des lieux ?
Un gouvernement « droit dans ses choix » ; une majorité sénatoriale, sinon muette, du moins disciplinée - je n'ai pas dit « muselée » ; des sénateurs qui, après leurs collègues députés, retirent un à un les amendements qu'ils ont proposés !
A gauche, une opposition qui - c'est normal - expose sa politique, « une autre politique », une opposition qui propose ses choix, du moins les choix qui seraient les siens si elle était aux affaires ; une opposition qui fait preuve de bonne volonté, qui avance des propositions constructives, susceptibles de faire progresser la France dans le sens de la croissance, de l'emploi et de la justice sociale ; mais une opposition qui n'est pas écoutée, dont les propositions sont systématiquement caricaturées, rejetées, même et peut-être surtout quand ces propositions ressemblent à celles qui avaient été faites, portées et proclamées avec force, fougue et véhémence par l'ancienne opposition nationale devenue aujourd'hui majorité !
Si nous étions cyniques, nous pourrions nous consoler en constatant que les propositions des sénateurs de la majorité n'ont guère été mieux prises en considération dans cette enceinte !
Alors, mes chers collègues, que penser d'un tel spectacle ? Les affaires de la France ne méritent-elles pas, par les temps qui courent, plus de sérieux, un esprit de responsabilité plus grand et plus d'écoute ?
Si vous teniez absolument, monsieur le ministre, mes chers collègues de la majorité, à alléger la fiscalité, non pas parce que cette préoccupation est dans l'air du temps ou pour des motifs rigidement idéologiques, mais pour des raisons d'efficacité économique, vous auriez pu, en choisissant une approche raisonnablement pragmatique, procéder à des allégements fiscaux ciblés, afin de créer de réelles marges de manoeuvre.
Or, dans un premier temps, à l'occasion de l'examen du collectif, vous avez commencé par décider une réduction de l'impôt sur le revenu, réduction socialement injuste et économiquement inefficace, en créant, en parallèle, des dépenses nouvelles : c'est un mélange détonant !
Aujourd'hui, vous nous présentez, monsieur le ministre, un projet de budget virtuel, fondé sur une hypothèse de croissance de 2,5 %, à laquelle personne ne croit, personne et surtout pas M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie !
Annoncer que cette loi de finances va devoir être adaptée au prochain collectif n'a fait qu'ajouter à l'impression de précipitation, de confusion, de cacophonie, et surtout, à l'insincérité de ce projet, qui est d'autant plus virtuel que le Sénat va devoir finalement se prononcer sur un texte que le Gouvernement présente dans des termes différents de ceux qui ont été adoptés par l'Assemblée nationale.
Ce projet de budget est injuste et facteur d'inégalités : il s'affiche sans vergogne comme étant favorable aux familles. En réalité, il ne concerne que quelques dizaines de milliers de familles.
La réduction supplémentaire d'impôt pour les emplois à domicile, après la réduction de 6 % de l'impôt sur le revenu, ne concernera, en effet, que quelques dizaines de milliers de familles sur les 25 millions que compte notre pays. En revanche, pour les autres, pour toutes les autres, vous décidez l'augmentation des tarifs publics ; l'augmentation de l'essence et du fioul domestique découlera, elle, de la suppression du dispositif de la TIPP flottante. Votre choix est de choyer les Français qui en ont le moins besoin et de négliger les Français qui sont, eux, dans le besoin.
Pire, ce budget injuste sera aussi inefficace : la consommation, moteur de la croissance, n'y trouve pas de soutien, du fait que les baisses d'impôts sont mal ciblées. Et l'emploi n'y est pas plus une priorité que les dépenses préparant l'avenir : recherche, éducation nationale, environnement, équipement, et j'en passe.
Vous invoquez souvent l'héritage, mais ayez donc l'honnêteté et le courage de reconnaître que, grâce au gouvernement de gauche qui a géré la France pendant cinq ans, la France s'est mieux trouvée qu'un grand nombre de ses voisins.
Reconnaissez que le gouvernement précédent avait fait de notre pays la locomotive de l'Europe ! Entre 1997 et 2002, la croissance, en France, était supérieure à la croissance dans la zone euro : 3 % par an chez nous, contre 2,4 % chez nos partenaires.
Enfin, lorsque vous criez urbi et orbi que la gauche aurait nui à la compétitivité et à l'attractivité de notre pays, je ne résiste pas au plaisir de citer le dernier rapport de l'OCDE, qui démontre que la France était, voilà quelques mois encore, des plus attractives. Alors que les investissements étrangers, dans les pays développés, ont diminué de 50 % en 2001 par rapport à 2000, en France, ils ont progressé de 23 %, et cette progression était encore de 16 % pour les neuf premiers mois de cette année.
Pendant cinq ans, nous avons favorisé l'investissement, favorisé la croissance, créé 2 millions d'emplois, fait reculer le chômage dans des proportions considérables.
Je voudrais espérer, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour la France et pour les Français, que vous soyez capables d'en faire autant, mais vous ne le pourrez pas, parce que ce budget insincère, ce budget virtuel, ne vous le permettra pas. C'est pourquoi le groupe socialiste ne votera pas cette première partie du projet de loi de finances. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Denis Badré.
M. Denis Badré. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, premier à intervenir ce matin dans cet hémicycle, je suis le dernier inscrit ce soir. Entre temps, notamment depuis une heure, dans un beau débat de synthèse, tout a été dit ou presque : je puis donc être concis et alléger beaucoup mon propos.
M. Claude Biwer. C'est une bonne idée !
M. Denis Badré. Tout au long de ce débat, nos collègues du groupe de l'Union centriste et moi-même avons essayé de pousser aussi loin que possible la réflexion sur de nombreux aspects de la fiscalité.
Si certains de nos amendements - assez rares, au demeurant : ils ne se comptent même pas sur les doigts d'une main - ont été adoptés, notamment ceux qui concernaient les contrats de prévoyance ou la « déliaison contrôlée » des taux des taxes locales, pour reprendre l'expression de M. le rapporteur général, nous avons accepté d'en retirer beaucoup, conscients que nous sommes de l'exiguïté de nos marges de manoeuvre.
Cependant, monsieur le ministre, les différentes réformes que nous vous avons suggérées, avec la majorité sénatoriale, doivent être menées.
Sur la plupart des sujets que nous avons évoqués, vous vous êtes dit prêt à poursuivre la réflexion. Nous vous faisons confiance et demeurons à votre disposition pour continuer de manière utile le dialogue engagé, qui ne peut qu'être fécond. Je pense, en particulier, aux mesures à prendre pour soutenir la compétitivité de la France. M. de Montesquiou en a parlé avec le talent que nous lui connaissons, je n'insisterai donc que très peu. Ces mesures sont indispensables dans le contexte actuel de la mondialisation.
Au-delà de ces dispositions qui, bien sûr, ne peuvent être toutes prises tout de suite, il faut, je l'ai dit et je le répète, afficher une ferme volonté de réforme allant dans ce sens. Faites-le, monsieur le ministre. Si vous ne pouvez pas vous engager sur nombre de sujets immédiatement, faites connaître largement votre volonté d'avancer. Nous savons que cette volonté existe ; vous nous l'avez dit. Elle peut avoir un effet extraordinairement entraînant dans le contexte très passionnel de la mondialisation où les arguments psychologiques jouent beaucoup. Cela redonnera confiance à ceux qui doutent de la France, ou de son état, à l'intérieur comme à l'extérieur des frontières. Cela redonnera confiance à ceux qui, investisseurs ou particuliers, envisagent sérieusement, mais généralement la mort dans l'âme, de quitter notre pays. Cela motivera les étrangers, qui pourront venir y exercer leur talent, ou les Français établis hors de France, qui pourraient songer à revenir au pays.
Dans la perspective de nos futurs débats budgétaires, je veux à nouveau insister sur le fait que, si une mesure fiscale représente un manque à gagner immédiat, elle a généralement un intérêt économique, donc indirectement fiscal, souvent considérable à travers les créations d'activités ou les consommations qu'elle va induire.
Il faut donc toujours procéder à une analyse globale : si le fiscal sert l'économie, l'économie le lui rend bien.
Permettez-moi d'évoquer encore l'article 33 ; un article dont on parle peu, mais qui est cependant partie intégrante de la première partie du projet de loi de finances, même s'il joue dans le sens inverse des autres.
Avec la même constance, ce matin, nous avons déploré une situation qui heurte le principe du consentement à l'impôt : nous sommes appelés à voter les recettes d'un budget européen dont les dépenses sont arrêtées et votées ailleurs. Nous avons néanmoins adopté l'article 33, mais toujours avec beaucoup d'états d'âme. Nous avons répété avec force, lors de l'examen de cet article, combien nous souhaitions voir l'Europe disposer d'un vrai budget démocratiquement adopté et contrôlé, lisible par tous les Européens.
Sous réserve de ces observations, le groupe de l'Union centriste, qui a soutenu le Gouvernement sans la moindre faiblesse tout au long de ce débat, votera dans le même esprit et sans état d'âme la première partie de ce projet de loi de finances pour 2003, telle qu'elle a été amendée, avec le souci de préparer le meilleur avenir possible pour notre pays.
Au moment de conclure, je veux remercier le Gouvernement. Nous avons apprécié, monsieur le ministre, la courtoisie dont vous ne vous départissez jamais. Je tiens également à féliciter le président de la commission, M. Arthuis, et le rapporteur général, M. Marini, pour l'esprit de responsabilité avec lequel ils ont invité notre commission des finances et notre assemblée à vivre ce débat. Je tiens encore à saluer la détermination avec laquelle ils nous entraînent à améliorer sans cesse l'équilibre du projet de loi de finances. C'est le meilleur service que nous pouvons actuellement rendre au pays. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR, des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Alain Lambert, ministre délégué. Je sais que vous êtes impatients de retrouver vos départements, mesdames, messieurs les sénateurs, mes chers amis. Je serai donc bref. Comme je l'ai dit en commençant la discussion générale, depuis jeudi dernier, je retrouve l'esprit de démocratie qui souffle au Sénat, une assemblée qu'il est douloureux de quitter et agréable de retrouver, une assemblée qui ne pratique aucune complaisance dans sa façon de respecter et de mettre à l'épreuve des convictions ceux qui ont à représenter le Gouvernement, fussent-ils amis.
Les travaux que nous avons menés, les échanges que nous avons eus, sont à l'honneur de la Haute Assemblée. Votre conscience de la mission que vous avez reçue du peuple français est toujours aussi vive, je l'ai constaté, et je veux m'en réjouir devant vous.
Autoriser l'impôt est un acte souverain et vous en mesurez la portée. C'est d'ailleurs ce qui motive nos longs débats sur le poids de l'impôt, sur sa répartition, sur son évolution.
A compter de demain, vous examinerez l'emploi qu'il est proposé de faire des quelque 249 milliards d'euros dont vous avez autorisé le prélèvement.
Alors, j'ai entendu et je comprends votre volonté, votre détermination à marquer toute votre vigilance afin que chaque euro alloué, issu du travail des Français, soit utilisé au mieux de leurs attentes, de leurs besoins, de leur intérêt et de celui de leurs enfants.
C'est la seconde mission que vous avez reçue de nos compatriotes et personne mieux que vous ne saura exercer cette mission, pas même un ministre délégué au budget.
Je ne reviens pas sur la contribution du Sénat à cette première partie du projet de loi de finances, que le rapporteur général a parfaitement exposée tout à l'heure. Je veux simplement rappeler, s'agissant des questions relatives à France Télécom ou au Crédit lyonnais, qu'elles seront traitées lors de la discussion relative aux charges communes et aux comptes spéciaux du Trésor. Donc, je vous donne rendez-vous et je sais par avance que je serai soumis à la question.
Je veux vous dire ma détermination à associer au plus près le Parlement, donc le Sénat, à l'oeuvre du bon gouvernement de la France.
Monsieur le rapporteur général, monsieur le président de la commission des finances, une travée, en effet, nous a séparés lors de ce débat. Cependant, non seulement je ne change rien aux convictions que j'ai acquises en siégeant à la commission des finances, mais j'entends bien les porter au coeur de l'action du Gouvernement. Elles continueront d'inspirer ma propre action.
Je ne terminerai pas mon propos sans vous remercier tous très chaleureusement, mesdames, messieurs les sénateurs, pour votre participation à ces travaux et vous, tout particulièrement, monsieur le rapporteur général. M. le président de la commission des finances a trouvé les mots justes pour décrire la qualité de votre travail, l'aisance avec laquelle vous exprimez votre pensée ainsi que votre force de conviction.
Monsieur le président de la commission des finances, je suis heureux et fier que vous soyez à cette place. Avec la vigilance toute particulière qui vous caractérise, je mesure l'importance de votre concours, à la veille de l'examen de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2003.
Je voudrais également remercier les sénateurs de la majorité qui ont apporté un soutien très précieux au Gouvernement et à l'un de leurs anciens collègues. La compréhension dont vous avez fait preuve lorsque je vous ai parfois demandé de retirer vos amendements n'aura pas été vaine, et j'essaierai de vous le prouver.
Je voudrais saluer avec chaleur et sincérité les sénateurs de l'opposition qui ont fait vivre le débat démocratique dans un respect mutuel exemplaire.
Je veux vous saluer, monsieur le président, et à travers vous tous vos collègues, cette « présidence souriante », comme disait M. Arthuis.
Je remercie également les services de la séance et ceux de la commission des finances - j'y retrouve tant de visages auxquels je reste attaché -, ainsi, bien sûr, que mes services qui travaillent beaucoup.
Pour conclure, mesdames, messieurs les sénateurs, vous aurez, dans cette si belle maison, oeuvré afin de doter l'Etat des moyens qui lui sont nécessaires pour exercer ses missions. Je crois avoir aujourd'hui le devoir, au nom de l'Etat, de vous promettre que ces missions s'accompliront avec une exigence de qualité, d'efficacité, de performance et de réforme. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR, des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la première partie du projet de loi de finances pour 2003.
Je rappelle que, en application des articles 47 bis et 59 de notre règlement, il est procédé de droit à un scrutin public ordinaire lors du vote sur l'ensemble de la première partie du projet de loi de finances de l'année.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 56:

Nombre de votants 320
Nombre de suffrages exprimés 318
Majorité absolue des suffrages 160
Pour l'adoption 208
Contre 110

Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste et sur certaines travées du RDSE.)

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