SEANCE DU 27 NOVEMBRE 2002


M. le président. « Art. 29. - I. - L'article 57 de la loi de finances pour 1999 (n° 98-1266 du 30 décembre 1998) est ainsi modifié :
« 1° Au I, les mots : "Pour chacune des années 1999, 2000, 2001 et 2002" sont remplacés par les mots : "Pour chacune des années 1999, 2000, 2001, 2002 et 2003" et les mots : "et 33 % en 2001 et 2002" sont remplacés par les mots : "et 33 % en 2001, 2002 et 2003" ;
« 2° Au II, les mots : "projets de loi de finances pour 2000, 2001 et 2002" sont remplacés par les mots : "projets de loi de finances pour 2000, 2001, 2002 et 2003".
« II. - Le IV de l'article 6 de la loi de finances pour 1987 (n° 86-1317 du 30 décembre 1986) est ainsi modifié :
« 1° Au onzième alinéa, les mots : "Pour chacune des années 1999, 2000, 2001 et 2002" sont remplacés par les mots : "Pour chacune des années 1999, 2000, 2001, 2002 et 2003" ;
« 2° Au douzième alinéa, les mots : "Pour les mêmes années" sont remplacés par les mots : "Pour les années 1999, 2000, 2001 et 2002".
« III. - Dans la première phrase de l'article 129 de la loi de finances pour 1999 précitée, l'année : "2002" est remplacée par l'année : "2003". »
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° I-91, présenté par MM. Miquel, Massion, Moreigne, Sergent, Demerliat, Charasse, Lise, Haut, Marc, Angels, Auban et les membres du groupe socialiste et rattachée, est ainsi libellé :
« A. - A la fin du 1° du I de cet article, remplacer les mots : "et 33 % en 2001, 2002 et 2003" par les mots : "et 33 % en 2001 et 2002 et 50 % en 2003".
« B. - Pour compenser la perte de recettes résultant du A ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« - Les pertes de recettes résultant de l'indexation pour 2003 de la progression de l'enveloppe normée du contrat de croissance et de solidarité sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle au droit de consommation sur les tabacs visé à l'article 575 A du code général des impôts. »
L'amendement n° I-189, présenté par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« I. - A la fin du 1° du I de cet article, remplacer les mots : "et 33 % en 2001, 2002 et 2003" par les mots : "33 % en 2001 et 2002 et 50 % en 2003".
« II. - Supprimer le II de cet article.
« III. - Pour compenser la perte de recettes pour l'Etat du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« Les pertes de recettes pour l'Etat résultant de la fixation à 50 % de la croissance du produit intérieur brut du contrat de croissance et de solidarité sont compensées par la création d'une taxe additionnelle aux droit visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Gérard Miquel, pour présenter l'amendement n° I-91.
M. Gérard Miquel. L'amendement n° I-91 vise à porter à 50 % la part de la croissance éconmique retenue pour le calcul de l'évolution de l'enveloppe normée du contrat de croissance et de solidarité.
Un grand chemin a été parcouru sous la précédente législature, depuis le pacte de stabilité mis en place par Alain Juppé en 1996, pacte qui était caractérisé par une indexation sur l'inflation seule. Ainsi, en 2002, l'enveloppe normée est indexée sur 33 % du taux de croissance.
En 2001, comme les années précédentes, la majorité sénatoriale, avec votre appui, monsieur le rapporteur général, avait proposé de retenir 50 % du taux de la croissance. Il est pour le moins surprenant qu'elle ne renouvelle pas aujourd'hui cette demande alors que celle-ci serait particulièrement justifiée à la veille de nouveaux mouvements de décentralisation qui, comme les précédents, déstabiliseront les finances locales.
Le Gouvernement, pour sa part, affiche un discours volontariste sur la décentralisation, mais ce beau discours n'est pas suivi d'actes concrets en faveur des collectivités locales. Il se contente de reconduire le contrat de croissance et de solidarité sans accroître sa participation, alors qu'il prépare, par ailleurs, un transfert de charges sur les collectivités.
La gauche, lorsqu'elle était au pouvoir, avait réalisé 66 % du chemin vers l'indexation de l'enveloppe normée sur 50 % de la croissance. Pour le moment, la droite stagne, comme en 1996. Dès lors, au regard du bilan de la gauche, je n'ai aucun scrupule à défendre l'amendement n° I-91. J'espère que le Sénat saura remédier à la faiblesse du budget des collectivités locales pour 2003 en adoptant cet amendement comme il a adopté, en 2002, lors de l'examen du projet de loi de finances, l'amendement n° I-115 visant le même objectif. Cela lui permettrait de ne pas se déjuger en un an d'intervalle et de conforter, au-delà des clivages politiques, son rôle de représentant des collectivités locales, qui fait sa légitimité.
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour défendre l'amendement n° I-189.
M. Thierry Foucaud. Je reviendrai tout d'abord sur les amendements que nous avons discutés l'année dernière visant à prolonger le contrat de croissance et de solidarité d'un an ainsi que son indexation sur 50 % du taux de croissance du PIB.
Deux amendements émanant de la majorité sénatoriale avaient alors été déposés. M. Marini ait souligné que, pour la quatrième année consécutive, le Sénat demandait une prise en compte de 50 % et qu'il était logique de prendre en compte une part toujours plus grande du taux de croissance. Il relevait aussi qu'en 2002 le taux de croissance ne serait pas du même ordre de grandeur que celui des années précédentes et que la prise en compte du taux de 50 % ne représentait donc pas un immense sacrifice.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. C'était bien vrai !
M. Thierry Foucaud. Quant à M. Oudin, il était intervenu pour dire que les dotations n'étaient pas à la hauteur eu égard au rôle que les collectivités jouent dans l'économie nationale.
Tels sont les propos que vous avez tenus l'année dernière, mes chers collègues, et que nous approuvions, parce qu'ils répondaient aux attentes des élus locaux. Aujourd'hui, vous remettez en cause ce choix, tandis que nous, nous continuons à défendre notre position.
Nous nous sommes opposés - vous le savez - au pacte de stabilité, nous avons refusé la logique du contrat de croissance, tout en en appréciant, bien sûr, le caractère plus généreux que celui du pacte de stabilité, et, chaque année, nous avons demandé une indexation sur 50 % de la croissance, ainsi que la fin des ponctions sur la dotation de compensation de la taxe professionnelle, la DCTP.
C'est ce que nous proposons encore aujourd'hui, par le biais de cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il s'agit de la prise en compte de la croissance dans l'évolution des dotations de l'Etat.
Il y a, dans ce débat, quelque chose de paradoxal. Lorsque la croissance était bonne, nous souhaitions y faire participer les collectivités locales. Le gouvernement de l'époque ne faisait pas droit à nos demandes et la majorité qui le soutenait - dont vous étiez, mes chers collègues - suivait le Gouvernement : c'est factuel.
Aujourd'hui, alors que la croissance est, hélas ! plus faible et plus aléatoire, vous reprenez le flambeau de la défense des finances locales. On peut tout à fait l'admettre, mais, lorsque M. Gérard Miquel m'affirme qu'il n'y a là aucun jeu politicien, j'ai un peu de peine à le croire (M. Miquel sourit) , compte tenu de l'antériorité des positions des uns et des autres !
Mme Danièle Pourtaud. C'est un procès d'intention que vous faites !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Non, ma chère collègue ! Je ne fais que rappeler les faits. Il suffit de relire les débats des années précédentes pour le constater. M. Thierry Foucaud, avec malice, a fait allusion à ces débats. Il est sans doute habilité à le faire, puisque sa formation politique, qui, d'une certaine manière, a été associée à la majorité, n'en a pas tiré un grand bénéfice, il faut bien en convenir. Qu'il s'interroge rétrospectivement sur la rationalité des positions de la majorité plurielle est, somme toute, logique, et on ne peut pas lui en faire grief.
Monsieur le ministre, que pouvez-vous nous dire sur ce sujet ?
Nous comprenons bien que les marges de manoeuvre dont vous allez disposer pour 2003 ne semblent pas très favorables et vous contraignent à une grande prudence.
Sans rien changer à ses appréciations sur le fond, la commission ne peut que s'en remettre à cette prudence. Aggraver le déficit public aurait des conséquences dramatiques que nous ne saurions assumer.
Mes chers collègues, il faut avoir parfois le souci de l'intérêt général, le souci de l'Etat et s'efforcer de raisonner de manière responsable même lorsque, comme c'est le cas de la plupart d'entre nous, nous sommes des gestionnaires de budgets locaux et rencontrons bien des problèmes pour équilibrer ces budgets.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. M. Miquel ne m'en voudra pas de lui dire que j'ai préféré sa conclusion à son introduction, au cours de laquelle il a évoqué le bilan de la droite et de la gauche. En conclusion, il nous a en effet appelés à aller au-delà des clivages politiques classiques. Je sais qu'il en est capable, pour avoir eu la joie de travailler avec lui pendant neuf ans, au sein de la commission des finances.
M. Foucaud, quant à lui, est resté dans un registre d'opposition plus systématique, mais telle fut la position constante de son groupe s'agissant des relations financières entre l'Etat et les collectivités territoriales.
Monsieur Miquel, je tiens à vous faire remarquer que la reconduction en 2003 du contrat de croissance et de solidarité alors que le déficit du budget de l'Etat dérape de 50 % traduit le sens élevé de la responsabilité qui anime le Gouvernement dans ses relations avec les collectivitésd territoriales. Avec un tel dérapage des déficits au moment où l'on arrive aux responsabilités, décider une telle reconduction moins d'un mois après sa prise de fonctions et après le rapport de MM. Nasse et Bonnet, c'est assurer les collectivités locales de sa volonté d'entretenir un lien de confiance très fort.
Au-delà de toute polémique, comme vous nous y invitez, je dirai qu'il y a deux dimensions dans les relations financières entre les collectivités locales et l'Etat.
La première est la dimension « ressources ». Ces ressources sont reconduites dans de bonnes conditions. A l'occasion du débat relatif aux collectivités locales, j'ai ouvert hier de nouvelles pistes.
J'ai choisi de vous dire ce que je savais des travaux que nous menons actuellement en matière de transfert d'un impôt nouveau qui pourrait profiter aux collectivités locales.
La deuxième dimension est la dimension « charge ». Vous parliez du bilan du précédent gouvernement, monsieur Miquel. Mais, vous qui êtes un homme honnête et soucieux de la vérité, ne pensez-vous pas qu'il y ait eu quelque imprudence de la part du gouvernement précédent en matière de charges rampantes, imprudence dont les collectivités territoriales sont aujourd'hui les victimes et dont on peut voir les effets à travers les conséquences de l'instauration de l'APA ? Que ces conséquences aient été bien ou mal estimées, chacun a son point de vue sur ce sujet. Mais ce transfert a des conséquences incontestables.
Il faut en fait avoir une vision globale. S'agissant des ressources, le présent gouvernement fait tout ce qui est en ses moyens et, s'agissant des charges, il prend l'engagement de faire mieux que ses prédécesseurs, c'est-à-dire de ne plus procéder à des transferts de charges rampantes, comme cela s'est produit pendant cinq ans.
Telles sont les raisons qui me conduisent, mesdames, messieurs les sénateurs, à vous demander de rejeter les deux amendements qui vous sont proposés.
M. le président. La parole est à M. Gérard Miquel, pour explication de vote.
M. Gérard Miquel. J'ai bien entendu les explications de M. le rapporteur général et de M. le ministre. Mais je crois que tout est une question de choix.
En effet, nous avons proposé un amendement visant à supprimer la diminution d'impôt de 1 % qui n'aura pas de grande répercussion sur la croissance car ceux qui en bénéficient préfèrent épargner. Or l'adoption de cette disposition vous aurait permis d'accueillir favorablement le présent amendement, car vous auriez disposé de recettes susceptibles d'être affectées aux collectivités locales, qui en ont bien besoin.
S'agissant de l'APA, vous avez raison, mais mon collègue Jean-Claude Peyronnet vous a rappelé hier que, dans les deux assemblées, un grand nombre d'entre vous avait voté ce dispositif en considérant qu'il s'agissait d'une grande réforme sociale.
Aujourd'hui, c'est vrai, dans certains départements, nous sommes dépassés par le succès que connaît celle-ci ; nous ne pensions pas avoir à faire face à une montée en puissance aussi forte. Admettons toutefois que c'est une bonne mesure.
On voit le résultat d'une loi à son application.
Les lois de décentralisation ont été contestées au moment où elles ont été votées, et voyez le résultat aujourd'hui ? Tous ceux qui les ont contestées en redemandent !
Quant à l'APA, qui a été votée à une très large majorité, elle répond à un véritable besoin dans notre société actuelle.
Aussi, monsieur le ministre, on ne peut pas se contenter de la réponse que vous nous faites, selon laquelle vous préserveriez les intérêts des collectivités locales. Nous aurions souhaité aller plus loin. Puisque vous voulez leur donner, dans le cadre de la nouvelle étape de décentralisation, de nouvelles responsabilités, il faut les aider à assumer celles-ci. Nous avons déjà subi la perte de la dotation de régularisation ; aujourd'hui, nous aurions souhaité que vous fassiez un signe en direction des collectivités en réservant une suite favorable à notre amendement. C'est la raison pour laquelle je le maintiens.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-91.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote sur l'amendement n° I-189.
M. Thierry Foucaud. J'ai entendu parler de clivage politique, mais qui le crée ? Qui l'approfondit ? C'est bien la majorité sénatoriale !
Les années précédentes, vous présentiez, monsieur le rapporteur général, des amendements identiques au nôtre en ce qui concerne l'indexation à 50 %. Cette année tout est différent. Vous revenez en arrière et vous nous parlez de clivage politique. Or le clivage politique, c'est vous qui l'instituez...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous ne faites pas de politique, peut-être !
M. Thierry Foucaud. ... en revenant sur la position que vous teniez auparavant. Vous avez dit notamment, monsieur le rapporteur général, que la prise en compte de 50 % ne représenterait pas en 2002 un immense sacrifice puisque la croissance prévue ne serait pas du même ordre que les années précédentes. Tout votre discours aujourd'hui est contraire à ce qu'il était auparavant. En voilà une nouvelle illustration !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-189.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° I-190, présenté par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Supprimer le 2° du II de cet article. »
L'amendement n° I-92, présenté par MM. Miquel, Massion, Moreigne, Sergent, Demerliat, Charasse, Lise, Haut, Marc, Angels, Auban et les membres du groupe socialiste et rattachée, est ainsi libellé :
« A. - A la fin du 2° du II de cet article, remplacer les mots : "Pour les années 1999, 2000, 2001 et 2002" par les mots : "Pour les années 1999, 2000, 2001, 2002 et 2003".
« B. - Pour compenser la perte de recettes résultant du A ci-dessus, compléter in fine cet article par un paragraphe additionnel rédigé ainsi :
« ... - Les éventuelles pertes de recettes résultant du maintien en 2003 du mécanisme réduisant la baisse de la dotation de compensation de la taxe professionnelle sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle au droit de consommation sur les tabacs visé à l'article 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Thierry Foucaud, pour défendre l'amendement n° I-190.
M. Thierry Foucaud. Il s'agit d'un amendement de repli.
M. le président. La parole est à M. Gérard Miquel, pour défendre l'amendement n° I-92.
M. Gérard Miquel. Même situation.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert, ministre délégué. Défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-190.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-92.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 29.

(L'article 29 est adopté.)

Articles additionnels après l'article 29