SEANCE DU 6 NOVEMBRE 2002


SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET

1. Procès-verbal (p. 0 ).

2. Déclaration de l'urgence d'un projet de loi (p. 1 ).

3. Rappels au règlement (p. 2 ).
MM. Robert Bret, Jean-Claude Peyronnet, Michel Dreyfus-Schmidt, le président.

Suspension et reprise de la séance (p. 3 )

MM. le président, Robert Bret, Jean-Pierre Sueur.

4. Organisation décentralisée de la République. - Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi constitutionnelle (p. 4 ).

Demande de priorité (p. 5 )

Demande de priorité de l'article 9 avant l'article 8. - M. René Garrec, président de la commission des lois, rapporteur ; le président, Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer. - La priorité est ordonnée.
M. Claude Lise.

Article 7 (p. 6 )

MM. Dominique Larifla, Jean-Paul Virapoullé, Robert Bret.
Amendements n°s 158 rectifié de M. Claude Lise, 23 de la commission, 116 de M. Dominique Larifla, 24 rectifié de la commission et sous-amendements n°s 235 rectifié bis du Gouvernement et 103 rectifié bis de M. Michel Charasse ; amendements n°s 104 rectifié de M. Michel Charasse, 214 rectifié de M. Georges Othily et 25 de la commission. - MM. Claude Lise, le rapporteur,Dominique Larifla, Mme la ministre, MM. MichelCharasse, Georges Othily. - Rejet de l'amendement n° 158 rectifié et du sous-amendement n° 103 rectifié bis ; adoption de l'amendement n° 23, du sous-amendement n° 235 rectifié bis , de l'amendement n° 24 rectifié modifié et de l'amendement n° 25, les amendements n°s 116, 104 rectifié et 214 rectifié devenant sans objet.
Adoption de l'article modifié.

Article additionnel après l'article 7 (p. 7 )

Amendement n° 181 rectifié de M. Robert Bret. - MM. Robert Bret, le rapporteur, Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales ; Jean Chérioux. - Retrait.
MM. le président, Claude Estier.

Article 9 (priorité) (p. 8 )

Amendements n°s 198 de Mme Nicole Borvo et 30 de la commission. - MM. Robert Bret, le rapporteur, Mme la ministre. - Retrait de l'amendement n° 198 ; adoption de l'amendement n° 30.
Amendement n° 84 de Mme Marie-Christine Blandin. - Mme Marie-Christine Blandin, M. le rapporteur, Mme la ministre, M. Michel Charasse. - Rejet.
Amendement n° 31 de la commission et sous-amendement n° 114 de M. Michel Charasse ; amendement n° 110 de M. Michel Charasse. - MM. le rapporteur, MichelCharasse, Mme la ministre. - Retrait du sous-amendement n° 114 et de l'amendement n° 110 ; adoption de l'amendement n° 31.
Amendement n° 63 de M. Gaston Flosse. - MM. Gaston Flosse, le rapporteur. - Retrait.
Amendements n°s 64 de M. Gaston Flosse et 32 de la commission. - MM. Gaston Flosse, le rapporteur, Mme la ministre. - Retrait de l'amendement n° 64 ; adoption de l'amendement n° 32.
Amendements n°s 237 du Gouvernement, 33 de la commission et sous-amendement n° 247 de M. Michel Charasse ; amendement n° 65 de M. Gaston Flosse. - Mme la ministre, MM. le rapporteur, Gaston Flosse. - Retrait des amendements n°s 33 et 65, le sous-amendement n° 247 devenant sans objet ; adoption de l'amendement n° 237.
Amendements n°s 111 de M. Michel Charasse et 66 rectifié de M. Gaston Flosse. - MM. Michel Charasse, Gaston Flosse, le rapporteur, Mme la ministre, M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. - Rejet de l'amendement n° 111 ; adoption de l'amendement n° 66 rectifié.
Amendement n° 112 de M. Michel Charasse. - MM. Michel Charasse, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.
Amendement n° 67 de M. Gaston Flosse et sous-amendement n° 240 de la commission ; amendement n° 113 de M. Michel Charasse. - MM. Gaston Flosse, le rapporteur, Michel Charasse, Mme la ministre. - Retrait de l'amendement n° 113 ; adoption du sous-amendement n° 240 et de l'amendement n° 67 modifié.
Adoption de l'article modifié.

Article 8 (p. 9 )

MM. Dominique Larifla, Claude Lise.
Amendement n° 26 de la commission et sous-amendement n° 270 de M. Claude Lise ; amendements n°s 117 de M. Dominique Larifla et 159 rectifié de M. Claude Lise. - MM. le rapporteur, Claude Lise, DominiqueLarifla, Mme la ministre. - Rejet du sous-amendement n° 270 ; adoption de l'amendement n° 26, les amendements n°s 117 et 159 rectifié devenant sans objet.
Amendement n° 160 rectifié de M. Claude Lise. - Devenu sans objet.
Amendement n° 27 de la commission et sous-amendements n°s 236 du Gouvernement, 107 de M. Michel Charasse et 85 rectifié bis de M. Jean-Paul Virapoullé. - M. le rapporteur, Mme la ministre, MM. Michel Charasse, Jean-Paul Virapoullé, Mmes Anne-Marie Payet, Jacqueline Gourault, MM. Robert Bret, Jean-Louis Masson,Dominique Larifla, Yann Gaillard. - Retrait du sous-amendement n° 107 ; adoption du sous-amendement n° 236 et, par scrutin public, du sous-amendement n° 85 rectifié bis ; adoption de l'amendement n° 27 modifié.

PRÉSIDENCE DE M. ADRIEN GOUTEYRON

Amendement n° 105 de M. Michel Charasse. - MM. Michel Charasse, le rapporteur, Mme la ministre. - Retrait.
Amendement n° 28 de la commission et sous-amendement n° 108 de M. Michel Charasse. - MM. le rapporteur, Michel Charasse, Mme la ministre. - Retrait du sous-amendement n° 108 ; adoption de l'amendement n° 28.
Amendements n°s 161 rectifié quater de M. Claude Lise, 29 rectifié de la commission et 106 de M. Michel Charasse. - MM. Claude Lise, le rapporteur, Michel Charasse, Mme la ministre. - Rejet des amendements n°s 161 rectifié quater et 106 ; adoption de l'amendement n° 29 rectifié.
Adoption de l'article modifié.

Article additionnel avant l'article 10
ou après l'article 11 (p. 10 )

Amendements n°s 199 de Mme Nicole Borvo et 165 de M. Jean-Claude Peyronnet. - MM. Robert Bret, Jean-Claude Peyronnet, le rapporteur, Mme la ministre, M. Michel Charasse. - Rejet des deux amendements.

Article 10 (p. 11 )

Amendements n°s 162, 163 de M. Jean-Claude Peyronnet et 35 rectifié de la commission. - MM. Jean-Claude Peyronnet, le rapporteur, Mmes la ministre, Nicole Borvo, MM. Michel Charasse, le vice-président de la commission. - Rejet de l'amendement n° 162 ; adoption de l'amendement n° 35 rectifié, l'amendement n° 163 devenant sans objet.

Article additionnel après l'article 10 (p. 12 )

Amendement n° 164 de M. Claude Lise. - Devenu sans objet.

Articles additionnels avant l'article 11 (p. 13 )

Amendement n° 200 de Mme Nicole Borvo. - MM. Robert Bret, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.
Amendement n° 201 de Mme Nicole Borvo. - MM. Robert Bret, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

Article 11 (p. 14 )

Amendements n°s 36 et 37 de la commission. - M. le rapporteur, Mme la ministre. - Adoption des deux amendements.
Adoption de l'article modifié.

Article additionnel après l'article 11 (p. 15 )

Amendement n° 166 de M. Jean-Claude Peyronnet. - Devenu sans objet.

PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET

Vote sur l'ensemble (p. 16 )

MM. le président, Jean-Claude Peyronnet, Georges Othily, Jacques Blanc, Mme Nicole Borvo, MM. Josselin de Rohan, Pierre Mauroy, Michel Mercier, Mme Marie-Christine Blandin, M. Jean-Jacques Hyest, Mme Josiane Mathon, MM. Laurent Béteille, François Fortassin, le vice-président de la commission, Mme la ministre, M. le ministre délégué.
Adoption, par scrutin public à la tribune, du projet de loi constitutionnelle.

5. Modification de l'ordre du jour (p. 17 ).

6. Communication de l'adoption définitive de textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution (p. 18 ).

7. Dépôt d'une question orale avec débat (p. 19 ).

8. Transmission d'un projet de loi (p. 20 ).

9. Dépôt d'une proposition de loi (p. 21 ).

10. Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution (p. 22 ).

11. Renvoi pour avis (p. 23 ).

12. Dépôt de rapports (p. 24 ).

13. Dépôt de rapports d'information (p. 25 ).

14. Ordre du jour (p. 26 ).



COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures dix.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

DÉCLARATION DE L'URGENCE
D'UN PROJET DE LOI

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :

« Paris, le 6 novembre 2002.

« Monsieur le président,
« J'ai l'honneur de vous faire connaître que, en application de l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement déclare l'urgence du projet de loi pour la sécurité intérieure, déposé sur le bureau du Sénat le 23 octobre 2002.
« Veuillez agréer, monsieur le président, l'assurance de ma haute considération.

« Signé : Jean-Pierre Raffarin. »

Acte est donné de cette communication.

3

RAPPELS AU RÈGLEMENT

M. le président. La parole est à M. Robert Bret, pour un rappel au règlement.
M. Robert Bret. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je dois vous faire part, au nom de mon groupe, de notre stupéfaction à la lecture d'un journal - Le Parisien, pour ne pas le nommer - du matin.
Chacun a pu y lire que M. Barrot, président du groupe de l'UMP, avait annoncé la venue de M. Raffarin devant son groupe, le mercredi 13 novembre, pour « "donner des précisions maximales" sur la loi organique qui sera discutée au Parlement après l'adoption de la réforme de la Constitution », réforme dont nous débattons aujourd'hui.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le vice-président de la commission des lois, mes chers collègues, c'est la crédibilité même de notre assemblée qui est en cause.
A maintes reprises, l'information sur les lois organiques ou ordinaires a été demandée depuis le début de l'examen au Sénat du projet de loi constitutionnelle. En commission, ce sont des sénateurs de tous bords qui ont souligné le flou du texte dont nous débattons du fait de l'imprécision sur les choix à venir. En séance publique, plusieurs orateurs, MM. Peyronnet et Sueur, Mme Borvo ou moi-même, lorsque j'ai défendu une motion tendant au renvoi en commission, ont solennellement demandé au Gouvernemnt d'informer le Sénat sur ses intentions.
Nous avons tous en mémoire la réponse de M. Devedjian écartant d'un revers de main cette demande. Son refus était catégorique : il n'y avait pas lieu d'informer la représentation nationale - le Sénat en l'occurrence - avant que les principes ne soient posés et, surtout, avant que les assises locales et nationales de la décentralisation aient eu lieu.
Or, les propos de M. Barrot rapportés ce matin soulignent qu'en fait tout était joué d'avance : le projet global est prêt !
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Mais non !
M. Robert Bret. Mes chers collègues, cette façon d'annoncer publiquement le privilège qui est ainsi fait aux élus du parti du Gouvernement paraît relever d'un mépris total à l'égard de l'opposition parlementaire. C'est l'ensemble du Parlement qui doit être informé, à commencer par notre assemblée.
Cette attitude n'est pas digne de ceux qui se targuent d'un respect scrupuleux des droits du Parlement en général et donc de notre assemblée en particulier.
Nous demandons donc, monsieur le président, que les « précisions maximales » évoquées par M. Barrot soient apportées en premier lieu et immédiatement à l'assemblée qui débat actuellement de la révision constitutionnelle, le Sénat.
Il serait inconcevable de procéder au vote du projet de loi constitutionnelle alors même que nous savons que nous avons été écartés d'informations essentielles pour la compréhension du texte.
Au nom du groupe CRC, je demande donc solennellement une suspension de séance d'une heure, afin de permettre à la commission des lois d'entendre les explications du Gouvernement sur ce fait nouveau et « les précisions maximales » évoquées par M. Barrot (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste. - Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et indépendants.)
Plusieurs sénateurs du RPR. Cela n'a rien à voir avec un rappel au règlement !
M. Jean-Claude Carle. Le Premier ministre a dit ce que l'on attendait !
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour un rappel au règlement.
Mon cher collègue, si vous demandez vous aussi une suspension de séance, réduisez-en un peu la durée, je vous en prie !
Plusieurs sénateurs socialistes. Cinquante-neuf minutes !
M. Jean-Claude Peyronnet. Monsieur le président, j'ai envie de dire que la docilité n'est pas récompensée : cela pourrait être la leçon de la petite chronique politique que nous avons lue dans la presse de ce matin et de cet après-midi, en particulier dans Le Monde.
Vous êtes parti au combat, monsieur le président, suivi par votre majorité, avec une grande ambition, puisque vous souhaitiez une compensation intégrale et permanente des charges qui seraient transférées. Vous avez également souhaité, au travers de la majorité de la commission des lois, instaurer un véritable droit de veto du Sénat sur les lois de finances pour ce qui concerne les collectivités territoriales.
Finalement, la majorité, qui semblait s'engager dans une espèce de combat entre amis, a dû se contenter du gadget prévu à l'article 3, dont le dispositif lui donne une satisfaction de pure forme mais qui sera contourné par tout gouvernement qui le voudra et qui, c'est d'ailleurs heureux, ne corrige en rien la prééminence de l'Assemblée nationale sur le Sénat.
En définitive, la majorité sénatoriale a tout accepté et a voté dans le brouillard des dispositions vagues, sans savoir quelle en serait la traduction dans les lois à venir : rien n'est précisé en ce qui concerne la tutelle, le chef de file, l'encadrement du droit de pétition ou le référendum local (Protestations sur les travées du RPR)... Cette nuit et hier soir encore, le Gouvernement a refusé de nous fournir des indications, fût-ce quelques simples lignes de force, sur les cinq lois auxquelles renvoie désormais l'article 6 après sa réécriture par le Gouvernement.
Pourtant, le Sénat examinait en premier lieu cet important projet de loi constitutionnelle ! Cela montre d'ailleurs, par anticipation, la vanité de l'article 3, avant même qu'il soit entré en vigueur.
M. Robert Bret. Tout à fait !
M. Jean-Claude Peyronnet. En effet, alors que le Sénat se contente de satisfactions formelles en renonçant, après une reculade humiliante, à ses critiques sévères, exprimées initialement par des amendements de grande portée, le président de l'Assemblée nationale, dont l'institution n'a pas encore été saisie mais qui a choisi une tribune médiatique, quoique frontalière, pour formuler publiquement de fortes réserves, est l'objet de toutes les attentions du Gouvernement, singulièrement de celles du Premier ministre.
Par conséquent, tout bouge, et M. Raffarin se précipite chez M. Jean-Louis Debré pour lui promettre, selon la presse, de l'informer, ainsi que l'UMP - mais pas la gauche, apparemment -, et de lui donner des « précisions maximales » sur les lois à venir, ce que nous n'avons cessé de réclamer, nous et nos amis du groupe CRC.
Non, décidément, ni la discipline, ni la docilité, ni l'apathie, ni le renoncement ne sont récompensés ! Cela pourrait ne concerner que vous, mesdames, messieurs les sénateurs de la majorité, mais, compte tenu de la tournure que prennent les choses, cela nous intéresse directement nous aussi.
Etant donné l'importance de l'article 6, compte tenu du nombre des dispositions qui seront prises ultérieurement par loi simple ou par loi organique, nous considérons que nous n'avons pas délibéré dans des conditions normales. Ce serait très discutable, mais acceptable, si l'architecture principale des textes de loi à venir n'était pas connue, mais ce serait absolument intolérable si, comme la presse semblait l'indiquer ce matin, le travail se révélait être beaucoup plus avancé.
Après le « camouflage » de l'avis du Conseil d'Etat, on nous dissimule, pour les réserver à la seule majorité, des informations sur le contenu des lois à venir. Cela n'est pas acceptable !
Par conséquent, je me rallie à la proposition du groupe communiste républicain et citoyen, présentée par mon ami Robert Bret, et je demande une suspension de séance de cinquante-neuf minutes, monsieur le président. (Rires.)
Mme Hélène Luc. C'est le rôle du Parlement !
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour un rappel au règlement.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le président, la suspension de séance pourrait être écourtée par l'arrivée rapide de M. le Premier ministre !
Cela étant dit, mon rappel au règlement ne porte pas sur ce point.
Comme j'ai eu l'occasion de le souligner hier soir, un certain nombre de nos collègues, en particulier membres de la commission des lois, sont obligés d'étudier le projet de loi pour la sécurité intérieure alors que l'on débat en séance publique du projet de loi constitutionnelle.
Nous avons donc travaillé dans de très mauvaises conditions - nous aurons l'occasion d'y revenir - et nous avons appris en outre que, ce matin, le Gouvernement a demandé que l'urgence soit déclarée sur le projet de loi pour la sécurité intérieure, lequel comprend cinquante-sept articles, dont certains sont très longs et beaucoup sont délicats. De surcroît, nombre de ces articles tendent à modifier le code pénal ou le code de procédure pénale ! Hormis le cas d'un projet de loi qui comportait un très petit nombre d'articles, on n'a jamais vu, me semble-t-il, que l'urgence soit déclarée sur un texte comme celui-là, qui nécessite, plus que d'autres, une étude approfondie et sérieuse. (Murmures sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
J'ai entendu à de multiples reprises, il n'y a pas si longtemps, l'ensemble de mes collègues, en particulier vous-même, monsieur le président, protester contre le recours, par les différents gouvernements, à la procédure d'urgence. En l'occurrence, ce recours est tout à fait inadmissible, et nous demandons au Gouvernement d'y renoncer. S'il ne le fait pas, nous protesterons avec véhémence ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste ainsi que sur celles du groupe CRC.)
M. Alain Gournac. Protestez, protestez !
M. le président. Je donne acte à MM. Robert Bret, Jean-Claude Peyronnet et Michel Dreyfus-Schmidt de leurs rappels au règlement. Je ferai part de leurs observations à M. le Premier ministre.
Je vous accorde la suspension de séance que vous avez sollicitée, mes chers collègues. Cela étant, je vous rappellerai que, en d'autres temps, alors que j'avais demandé au Premier ministre de l'époque de venir s'exprimer devant le Sénat, on m'avait objecté qu'il avait de nombreuses occupations, que son emploi du temps était particulièrement chargé et qu'il ne pourrait pas déférer à mon invitation.
M. Alain Gournac. On s'en souvient ! Il avait autre chose à faire !
M. le président. Quoi qu'il en soit, nous allons demander à M. le Premier ministre de venir, mais je ne suis pas certain qu'il le puisse.
Conformément aux prérogatives qui sont les miennes, je vous accorde la suspension de séance que vous avez demandée, mes chers collègues, mais acceptez qu'elle ne dure que dix minutes. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel et d'administration générale. Très bien !
M. Jean-Pierre Sueur. Nous avons demandé une réunion de la commission des lois !
M. le président. La commission des lois ne m'a pas fait savoir qu'elle souhaitait se réunir. Le désirez-vous, monsieur le vice-président ?
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission. Non, monsieur le président !
M. le président. En conséquence, j'accepte de suspendre la séance, mais je vous demande de ne pas exagérer, mes chers collègues. L'excès est mauvais en tout !
La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures vingt, est reprise à quinze heures trente.)

M. le président. La séance est reprise.
J'indique à MM. Bret et Peyronnet que je me suis renseigné pour savoir si M. le Premier ministre pourrait, comme ils le souhaitent, nous rejoindre en l'instant. Je viens d'apprendre que M. le Premier ministre est à Rome avec M. le Président de la République pour le sommet franco-italien. Vous comprendrez qu'il ne lui est pas possible de revenir immédiatement.
Je me suis donc efforcé d'exaucer votre voeu, mais je n'ai pu le faire pour des raisons strictement techniques. Par conséquent, nous allons poursuivre nos débats.
M. Robert Bret. Mme la ministre ne pourrait-elle pas nous donner l'information que nous souhaitons ?
M. le président. Mme le ministre était avec moi lorsque j'ai appelé M. le Premier ministre.
M. Robert Bret. Elle est membre du Gouvernement !
M. le président. Elle ne manquera pas, au cours du débat, au fur et à mesure de l'examen des articles, de répondre aux questions que vous poserez.
M. Jean-Pierre Sueur. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président. Monsieur Sueur, nous n'allons quand même pas consacrer toute la journée à des rappels au règlement ! Compte tenu des responsabilités importantes qui sont les vôtres, vous devez comprendre que je ne peux pas admettre des rappels au règlement successifs. Sinon, vous vous exposez au risque d'être mal jugé !
Cela étant dit, je vous autorise néanmoins à intervenir.
M. Laurent Béteille. Sur la base de quel article ?
M. Jean-Pierre Sueur. Mon rappel au règlement, qui se fonde sur l'article 32 du règlement, sera bref.
La suspension de séance que nous avions sollicitée avait un objet précis. Vous venez de nous informer du fait que M. le Premier ministre est à Rome.
M. Jean-Pierre Masseret. Il n'est pas allé à Canossa ? (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Pierre Sueur. Mais il existe incontestablement un Gouvernement, qui est solidaire et qui est représenté ici même par Mme la ministre. Il n'est pas acceptable, pour nous - mais cela vaut au-delà des clivages politiques -...
M. Alain Gournac. Parlez pour vous !
M. Jean-Pierre Sueur. ... d'apprendre, par voie de presse, qu'un groupe politique de l'Assemblée nationale bénéficierait très rapidement d'informations sur les lois organiques et les autres lois à venir, alors qu'il nous a été dit que nous ne pouvions rien connaître sur ce sujet. C'est tout à fait étrange ! (Exclamations sur les travées du RPR.)
M. Alain Gournac. C'est un mauvais procès !
M. Jean-Pierre Sueur. C'est pourtant ce qui a été annoncé aujourd'hui ! (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
M. Robert Bret. C'est la réalité !
M. Jean-Pierre Sueur. En l'absence de M. le Premier ministre, nous demandons au Gouvernement de venir s'expliquer et de nous apporter les précisions dont il dispose.
M. Gérard Le Cam. Voilà !
M. Jean-Pierre Sueur. Nous rappelons, mais vous le savez bien, que d'autres ministres peuvent nous répondre. Ainsi, M. le garde des sceaux, qui était parmi nous hier, peut tout à fait s'exprimer, puisqu'il a été chargé de présenter ce texte au nom du Gouvernement. En effet, si le Premier ministre a dit qu'il allait fournir des précisions sur les lois organiques à un groupe de l'Assemblée nationale, M. Perben est parfaitement informé, et Mme Girardin également. Le Gouvernement peut donc tout à fait répondre à notre attente.
M. le président. Monsieur Sueur, vous avez écouté, comme moi, les rappels au règlement. J'ai été sollicité pour demander à M. le Premier ministre - c'était précis - de bien vouloir venir devant nous, compte tenu d'informations diffusées dans les médias. Pour reprendre une formule consacrée, jusqu'à preuve du contraire, les médias ne sont pas l'Evangile...
M. Henri de Richemont. On ne sait pas !
M. le président. ... ni le Bulletin officiel.
D'ailleurs, l'un d'entre vous, M. Peyronnet, en homme averti, a fort justement dit : « il semblerait », et je lui en sais gré.
Par conséquent, j'ai été très tolérant : je vous ai accordé une suspension de séance de dix minutes et je me suis renseigné pour savoir si le Premier ministre pouvait nous rejoindre. Je l'ai dit : il est à Rome. Dans de telles circonstances, si vous étiez dans la majorité, vous tiendriez le même raisonnement. Je vous remercie de votre compréhension.

4

ORGANISATION DÉCENTRALISÉE
DE LA RÉPUBLIQUE

Suite de la discussion et adoption
d'un projet de loi constitutionnelle

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi constitutionnelle relatif à l'organisation décentralisée de la République (n° 24 rectifié, 2002-2003). [Rapport n° 27 (2002-2003).]
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'article 7.

Demande de priorité



M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. René Garrec, président et rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Je suis heureux que nous poursuivions l'examen du projet de loi constitutionnelle. Après avoir entendu la question posée par mes collègues et la réponse apportée par M. le président, nous pouvons, en effet, nous remettre au travail.
M. Robert Bret. Vous n'avez pas lu la presse ?
M. René Garrec, rapporteur. Nous n'avons pas lu les mêmes journaux ce matin ! J'ai d'ailleurs dû me rendre rapidement en commission... (M. Robert Bret s'exclame.) Mon cher collègue, tendez bien l'oreille : je disais que nous n'avions pas lu les mêmes journaux ce matin, si bien que nous n'avons pas les mêmes informations !
Avant que nous reprenions le débat, je demande, monsieur le président, puisque M. Gaston Flosse doit regagner la Polynésie française - c'est une chance pour lui - que l'article 9 soit examiné en priorité avant l'article 8.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?
Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer. Favorable.
M. le président. La priorité est de droit.
M. Claude Lise. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Claude Lise.
M. Claude Lise. Monsieur le président, je voudrais bien faire plaisir à mon collègue Gaston Flosse mais je dois présenter devant la commission des finances le budget du Conseil économique et social, dont j'ai déjà reporté l'examen à plusieurs reprises. Aussi, inverser l'ordre de l'examen des articles me pose problème. En effet, je devais intervenir sur l'article 7 dès le début de la présente séance.
M. Alain Gournac. Allez-y ! (Sourires.)
M. le président. Monsieur Lise, vous allez avoir satisfaction puisque nous allons commencer l'examen de l'article 7. Je ne peux pas faire mieux, mon cher collègue, et je suis heureux de pouvoir vous donner satisfaction !

Article 7



M. le président.
« Art. 7. - Il est inséré au titre XII de la Constitution un article 72-3 ainsi rédigé :
« Art. 72-3. - La Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, la Réunion, Mayotte, Saint-Pierre-et-Miquelon, les îles Wallis et Futuna et la Polynésie française sont régis par l'article 73 pour les départements et les régions d'outre-mer, et par l'article 74 pour les autres collectivités.
« Aucun passage de tout ou partie de ces collectivités de l'un à l'autre des régimes prévus par les articles 73 et 74 ne peut intervenir sans que le consentement des électeurs de la collectivité intéressée, convoqués par le Président de la République sur proposition du Gouvernement, ait été préalablement recueilli. En ce cas, le changement de régime est décidé par une loi organique.
« La loi détermine le régime législatif et l'organisation particulière des Terres australes et antarctiques françaises. »
La parole est à M. Dominique Larifla, sur l'article.
M. Dominique Larifla. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le premier alinéa de l'article 7 énumère nominativement chacune des collectivités situées outre-mer : les actuels départements et territoires d'outre-mer.
Jusqu'à présent, le régime des premiers étant défini par la loi, leur statut pouvait être modifié par une loi ordinaire, et ce sans l'avis des populations. (M. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales, entre dans l'hémicycle et gagne le banc du Gouvernement. - Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Un sénateur socialiste. Il va nous informer !
M. le président. Monsieur Larifla, pardonnez-moi de vous interrompre.
Monsieur le ministre, le Sénat - notamment les membres de l'opposition - se réjouit de votre arrivée. (M. Alain Gournac applaudit.)
Veuillez poursuivre, monsieur Larifla.
M. Dominique Larifla. Je salue, moi aussi, l'arrivée de M. le ministre.
Je reprends mon propos. Il faut donc reconnaître le double mérite de ce projet qui inscrit chacune de ces collectivités dans la Constitution, en garantissant dans le même temps que soit recueillie la volonté de leur population en cas d'évolution, dans la continuité du processus engagé en 2000, avec la loi d'orientation pour l'outre-mer.
La rédaction actuelle prévoit, par ailleurs, la possibilité d'un changement de régime, donc du passage de l'identité législative à celui de spécialité législative, c'est-à-dire à l'autonomie.
On regrette toutefois le caractère manichéen de la rédaction actuelle.
Ainsi, après l'actuelle étape de l'identité législative resterait celle de l'autonomie, puis viendrait l'heure de l'indépendance.
Entre ces extrêmes, la collectivité unique régie par le principe d'identité législative serait une voie médiane.
Nous ne doutons pas, madame la ministre, de la validité de vos déclarations, consistant à assurer que cette collectivité unique demeurerait régie par l'article 73 de la Constitution, mais nos inquiétudes portent sur le risque des interprétations.
D'ailleurs, retrouver Saint-Pierre-et-Miquelon aux côtés des collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution contribue à entretenir la confusion, car celui-ci est bien un département situé en outre-mer, mais érigé comme tel en application de l'article 72 de la Constitution. Je cite l'article 1er de la loi du 11 juin 1985, relative au statut de l'archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon : « L'archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon constitue, conformément à l'article 72 de la Constitution, une collectivité territoriale de la République française. Son organisation et son fonctionnement sont fixés par la présente loi. »
Aussi, à la lecture de l'article 7, on sent bien la volonté du Gouvernement d'apporter une réponse à chacune des aspirations des habitants de l'outre-mer, allant jusqu'à prendre en compte la particularité de la situation de l'île de Saint-Barthélemy, au sein de la revendication globale de l'archipel guadeloupéen.
De cette démarche consistant à satisfaire tout le monde vient sans doute une rédaction confuse d'un texte qui se veut général tout en étant très précis.
Cependant, l'évolution des départements d'outre-mer comporte deux dimensions : l'une, institutionnelle, qui porte strictement sur l'organisation administrative, et l'autre, qui se rapporte à la question du régime.
L'article 72-3 proposé ne vise, quant à lui, que la seconde, d'où l'amendement que je propose et que je défendrai tout à l'heure.
M. le président. Avant de donner la parole à l'orateur suivant, je salue la présence, dans la tribune officielle, de nos collègues députés Mme Vernaudon et M. Buillard. Nous sommes heureux de les accueillir. Je leur adresse, au nom du Sénat, mes souhaits de cordiale bienvenue.
La parole est à M. Jean-Paul Virapoullé, sur l'article 7.
M. Jean-Paul Virapoullé. Avec votre autorisation, monsieur le président, je salue M. Audifax, député de la Réunion, qui est également présent dans nos tribunes.
L'article 7 a une portée historique. Je le dis d'autant plus volontiers que, lorsque nous l'avons passé au crible, j'ai fait partie de ceux qui estimaient qu'il ne comportait pas suffisamment de verrous pour les départements français d'outre-mer.
Mais un travail d'analyse constructif a été engagé avec le Gouvernement. Au fil des jours, je me plais à constater - je tiens à le reconnaître ici - que ces départements d'outre-mer étaient des anciennes colonies. Comment sont-ils devenus départements d'outre-mer ? Par un simple texte législatif : la loi de 1946. Or, nous l'avons tous appris, ce qu'une loi fait, une autre loi peut le défaire.
La première portée historique que je reconnais à l'article 7 est l'inscription nominative, pour la première fois, des départements et des territoires d'outre-mer dans la Constitution française, qui efface d'un trait de plume le procès d'intention fait au Gouvernement à propos du prétendu « largage » de l'outre-mer français.
Mais là ne s'arrête pas l'innovation. La deuxième nouveauté - et je me plais ici à la souligner, car, si je ne l'avais pas vue à la première analyse, je la ressens pleinement aujourd'hui - réside dans le pouvoir de veto accordé au peuple avant tout changement de statut. Dans un premier temps, j'avais cru qu'il s'agissait d'un mandat impératif, qui donc aurait été nul ; cependant, l'analyse montre que la consultation préalable de la population doit être comprise non pas comme un mandat impératif, mais comme un veto liant aussi bien le Gouvernement que le Président de la République et le Parlement : ce dernier ne sera pas tenu de suivre le vote de la population, mais il ne pourra pas être saisi d'un éventuel projet de changement de statut sans son accord préalable.
Cette rédaction chasse de nos esprits toute interprétation qui pourrait susciter l'inquiétude quant au droit de passage de tout ou partie des collectivités concernées de l'un à l'autre des régimes prévus par les articles 73 et 74 de la Constitution. Ce droit de passage n'est pas une obligation de passage ; il est, en pratique, une interdiction de passage sans l'accord de la population.
Sur ce point, je veux souligner que l'article 7, tel qu'il est rédigé, donne satisfaction aux populations d'outre-mer, notamment à celles des départements d'outre-mer, et je tiens à en donner acte au Gouvernement.
Le dernier point qui me paraît important est que grâce à l'article 7, le débat institutionnel sortira du huis clos antidémocratique que constituait le Congrès. Au cours de la précédente législature, avait été confié à une majorité d'élus le soin de décider, à huis clos, de l'évolution statutaire des départements d'Amérique. La Réunion n'était par concernée, puisque, vous le savez, mon département avait refusé, avec votre soutien, mes chers collègues, la création du Congrès.
Dès lors que ce n'est plus une majorité d'élus locaux qui décide du sort de la population, dès lors que les populations de chaque département d'outre-mer possèdent un droit de veto qui interdit tout changement de statut sans leur accord, je tiens à remercier le Gouvernement, d'une part, d'avoir inscrit nominativement nos territoires et nos départements dans la Constitution, et, d'autre part, d'avoir donné ce droit de veto aux populations d'outre-mer.
M. le président. La parole est à M. Robert Bret, sur l'article 7.
M. Robert Bret. La manière de traiter l'outre-mer dans le projet de réforme constitutionnelle est révélatrice de la précipitation de nos travaux et de la confusion qui prévaut dans l'élaboration de ce texte nous en avons eu un exemple il y a encore un instant.
Lors du débat sur la loi d'orientation pour l'outre-mer, votée dans cet hémicycle en juin 2000, nous avions rappelé qu'il était nécessaire de répondre aux aspirations des collectivités d'outre-mer à la responsabilisation et à l'autodétermination. Nous avions souligné qu'il fallait avoir des approches et des réponses différenciées. Nous avions insisté sur l'idée qu'il fallait procéder à des réformes donnant une plus large autonomie à chaque région, dans le cadre républicain, avec des objectifs de développement pour chaque territoire.
Notre groupe avait alors regretté que le texte reste en deçà de ces exigences et que les prérogatives du Congrès soient trop restreintes, alors qu'il aurait pu devenir un premier outil vers un réel pouvoir de décision et de participation des populations locales.
Tout en jugeant positif, aujourd'hui, le fait que ce gouvernement, comme le précédent, reconnaisse le droit et, implicitement, l'intérêt que peuvent retirer les DOM d'un processus d'évolution institutionnelle, ainsi que l'inscription dans la Constitution du principe de la consultation des populations concernées avant tout changement statutaire, nous trouvons discutable que la révision envisagée aboutisse à limiter les possibilités de choix laissées aux Domiens et ne permette pas de prendre en compte les propositions formulées, par exemple, par le Congrès des élus départementaux et régionaux de la Martinique et de la Guadeloupe.
La volonté du Gouvernement de faire adopter la réforme constitutionnelle dans des délais brefs fait fi de l'avis de ces populations et de leurs représentants, et la plupart des dispositions contenues dans le projet de loi constitutionnelle sont renvoyées à des textes ultérieurs dont, là non plus, nous ne connaissons pas le contenu.
De plus, le texte dont nous débattons comporte, nous semble-t-il, une contradiction : nombre de mesures proposées sont communes à la métropole et à l'outre-mer, alors que les situations sont différentes et appellent donc des réponses également différentes. En 2000, lors de l'examen du projet de loi d'orientation pour l'outre-mer, il avait même été dit qu'il fallait faire du « cousu main ».
Ainsi, des dispositions susceptibles de répondre, au moins en partie, à la légitime volonté d'autonomie des collectivités d'outre-mer ne sont applicables à la métropole qu'au prix de reculs, et inversement. En procédant de la sorte, vous prenez, me semble-t-il, le risque de renvoyer dos à dos les populations de la métropole et celles de l'outre-mer.
Par ailleurs, aucune mesure de réparation à hauteur convenable n'est prévue pour ces départements, qui ont subi pendant de longues années le colonialisme et en supportent encore les séquelles. (Protestations sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Vous pouvez protester, mes chers collègues, mais c'est une réalité tout à fait palpable lorsqu'on est sur place.
En tout état de cause, là comme en métropole, le danger de recul social, le danger de voir s'accroître les inégalités et les difficultés des collectivités est présent. Il l'est d'autant plus que les départements et les régions d'outre-mer sont, on le sait, particulièrement sensibles aux conséquences de la mondialisation libérale.
Enfin, nous ne soutiendrons aucune disposition visant, comme le propose M. Virapoullé par son sous-amendement n° 85 rectifié bis , à exclure un département, quel qu'il soit - je pense en particulier à la Réunion -, du champ d'application des mesures contenues dans le projet de loi constitutionnelle, par nature destinées à durer.
Mes chers collègues, depuis le début de l'examen du projet de loi constitutionnelle, tout nous montre qu'il aurait fallu travailler bien davantage sur ce texte et prendre le temps de consulter les populations et les assemblées délibérantes sur son contenu même. La réforme constitutionnelle aurait pu être l'occasion d'engager une véritable réforme en faveur des populations domiennes, en procédant comme le Gouvernement nous l'impose, au contraire, nous nous en éloignons.
M. le président. Je suis saisi de sept amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 158 rectifié, présenté par MM. Lise, Peyronnet, Bel, Charasse et Courteau, Mme Durrieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche, Marc, Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe Socialiste, est ainsi libellé :
« Supprimer cet article. »
L'amendement n° 23, présenté par M. Garrec, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour insérer un article 72-3 dans la Constitution, après les mots : "les régions d'outre-mer,", insérer les mots : "et pour les collectivités territoriales créées en application du dernier alinéa de l'article 73,". »
L'amendement n° 116, présenté par MM. Larifla, Othily et Désiré, est ainsi libellé :
« Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 72-3 de la Constitution, après les mots : "et les régions d'outre-mer,", insérer les mots : "ainsi que pour les collectivités territoriales créées en application du dernier alinéa de l'article 73,". »
L'amendement n° 24 rectifié, présenté par M. Garrec, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« A. - Supprimer le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 72-3 de la Constitution.
« B. - Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
« Art. 72-4. - Aucun changement, pour tout ou partie de l'une des collectivités mentionnées au premier alinéa de l'article 72-3, de l'un vers l'autre des régimes prévus par les articles 73 et 74, ne peut intervenir sans que le consentement des électeurs de la collectivité intéressée ait été préalablement recueilli dans les conditions prévues à l'alinéa suivant. Ce changement de régime est décidé par une loi organique.
« Le Président de la République, sur proposition du Gouvernement pendant la durée des sessions ou sur proposition conjointe des deux assemblées, publiées au Journal officiel, peut décider de consulter les électeurs d'une collectivité territoriale située outre-mer sur une question relative à son organisation ou à son régime législatif. Lorsque la consultation porte sur un changement prévu à l'alinéa précédent et est organisée sur proposition du Gouvernement, celui-ci fait, devant chaque assemblée, une déclaration qui est suivie d'un débat. »
« C. - En conséquence, dans le premier alinéa de cet article, remplacer les mots : "un article 72-3 ainsi rédigé" par les mots : "deux articles 72-3 et 72-4 ainsi rédigés". »
Le sous-amendement n° 61 rectifié, présenté par Mme Michaux-Chevry, est ainsi libellé :
« I. - Dans la première phrase du premier alinéa du texte proposé par le B de l'amendement 24 rectifié pour insérer un article 72-4 dans la Constitution, remplacer les mots : "l'une des collectivités mentionnées" par les mots : "de la collectivité intéressée mentionnée".
« II. - En conséquence, dans la même phrase, remplacer les mots : "de la collectivité intéressée" par les mots : "de cette collectivité". »
Le sous-amendement n° 235 rectifié bis, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Dans la première phrase du premier alinéa du texte proposé par le B de l'amendement n° 24 rectifié pour insérer un article 72-4 dans la Constitution, après le mot : "collectivité" insérer les mots : "ou de la partie de collectivité". »
Le sous-amendement n° 103 rectifié bis, présenté par M. Charasse et les membres du groupe socialiste, est ainsi libellé :
« I. - Dans la première phrase du premier alinéa du texte proposé par le B de l'amendement n° 24 rectifié pour insérer un article 72-4 dans la Constitution, faire suivre les mots : "ait été préalablement recueilli" par les mots : "pour avis".
« II. - Dans la première phrase du second alinéa dudit texte, après les mots : "peut décider de consulter", insérer les mots : "pour avis". »
L'amendement n° 104 rectifié, présenté par M. Charasse et les membres du groupe socialiste, est ainsi libellé :
« Au deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 72-3 de la Constitution, remplacer les mots : "le consentement" par les mots : "l'avis". »
L'amendement n° 214 rectifié, présenté par MM. Othily et Larifla, est ainsi libellé :
« Dans le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour insérer un article 72-3 dans la Constitution, après les mots : "sur proposition du Gouvernement", insérer les mots : "et après que le Congrès ou les assemblées départementales et régionales réunies en Congrès aient adressé au Gouvernement une proposition de modification de régime". »
L'amendement n° 25, présenté par M. Garrec, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Après le deuxième alinéa du texte prévu par cet article pour insérer un article 72-3 dans la Constitution, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le statut de la Nouvelle-Calédonie est régi par le titre XIII. »
La parole est à M. Claude Lise, pour présenter l'amendement n° 158 rectifié.
M. Claude Lise. Cet amendement vise à supprimer purement et simplement l'article 7 du projet de loi, non parce que les départements d'outre-mer y sont nommés - s'il n'y avait que cela, je serais d'accord ! -, mais pour deux raisons importantes.
Premièrement, la rédaction de cet article introduit une ambiguïté concernant la position des départements et des régions d'outre-mer au regard de l'article 72 de la Constitution qui a déjà provoqué des discussions entre juristes et a donné lieu à des interprétations divergentes ; il importe donc de la lever.
Deuxièmement, cette rédaction affiche un clivage radical entre l'article 73 et l'article 74 de la Constitution, rendant nécessaire un choix fondamental, impératif, entre deux régimes législatifs s'excluant l'un l'autre. De ce fait, l'article 73 semble destiné à privilégier la proximité du droit commun, ce qui ressort d'ailleurs déjà clairement de l'appellation du régime législatif qu'il régit, puisque celui-ci est qualifié de régime d'« identité législative » ou encore d'« assimilation législative ».
Cela traduit, à l'évidence, une conception « très classique », pour employer un euphémisme, de l'article 73, qui n'est certainement pas celle sur laquelle se fondait le général de Gaulle au moment de l'inscription de cet article dans la Constitution de 1958, puisqu'il soulignait alors qu'il s'agissait de « pouvoir adapter les lois de la République aux nécessités locales ». En réalité, cette adaptation a été constamment menée de façon très restrictive par le Conseil constitutionnel.
La rédaction proposée pour l'article 73 tend à l'évidence à en limiter d'emblée « la vertu adaptative », si je puis dire, et à en restreindre sérieusement la portée. Elle réduit à coup sûr les possibilités de prévoir une réponse adaptée aux aspirations qui s'expriment dans certains départements d'outre-mer et dont la prise en compte nécessite de véritables dérogations au principe d'assimilation législative dans certains domaines, tels la culture, l'aménagement du territoire, l'urbanisme ou les transports, domaines sur lesquels portent les propositions formulées par les Congrès. Ceux-ci ne sont pas tenus à huis clos, monsieur Virapoullé. J'ai moi-même présidé le congrès de Martinique, dont les travaux ont été publics et ont été suivis avec passion par nos concitoyens.
Réclamer de telles dérogations parce qu'elles apparaissent dictées par des nécessités locales ne signifie aucunement que l'on veut opter pour un statut de territoire d'outre-mer, et l'on peut se demander s'il n'y a pas là comme une épée de Damoclès que d'aucuns voudraient insidieusement suspendre au-dessus de la tête de nos concitoyens des départements d'outre-mer pour mieux les pousser à adopter une interprétation quelque peu pusillanime de l'article 73. Quoi qu'il en soit, nombreux sont ceux qui le ressentent ainsi, et j'en fais partie.
J'ajoute, pour terminer, que le texte méconnaît tout simplement la réalité, à savoir l'existence de collectivités, telles que Mayotte ou Saint-Pierre-et-Miquelon, se situant dans une position intermédiaire, entre un statut relevant de l'article 73 et un statut relevant de l'article 74. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 23.
M. René Garrec, rapporteur. Cet amendement tend à préciser que dans le cas prévu par le dernier alinéa de l'article 73, c'est-à-dire la fusion d'un département et d'une région d'outre-mer, la collectivité ainsi créée restera régie par l'article 73 de la Constitution.
M. le président. La parole est à M. Dominique Larifla, pour présenter l'amendement n° 116.
M. Dominique Larifla. Cet amendement vise à garantir aux départements et aux régions d'outre-mer la possibilité de se voir remplacer par une collectivité sans changer de régime, à l'instar de ce qui est possible pour les départements et les régions régis par l'article 72.
Il précise en outre que la nouvelle collectivité créée en lieu et place du département et de la région demeurerait bien régie par l'article 73 de la Constitution, traduisant ainsi les interprétations indiquées par Mme la ministre de l'outre-mer lors de son audition du 16 octobre 2002 devant la commission des lois du Sénat.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 24 rectifié.
M. René Garrec, rapporteur. Il s'agit de regrouper dans un article additionnel inséré dans la Constitution les dispositions de procédure relatives aux consultations prescrites en cas de changement de régime ou portant sur des questions relatives à l'organisation législative des collectivités situées outre-mer.
De plus, la consultation sans valeur décisionnelle serait étendue aux questions relatives à l'organisation ou au régime législatif d'une collectivité. Ainsi pourrait être décidée une consultation portant à la fois sur un changement de régime et sur l'organisation administrative ou sur les nouvelles compétences susceptibles d'être exercées par la collectivité, notamment en matière de réglementation.
M. le président. Le sous-amendement n° 61 rectifié n'est pas soutenu.
La parole est à Mme la ministre, pour défendre le sous-amendement n° 235 rectifié bis.
Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer. Le Gouvernement souhaite sous-amender la première phrase du texte proposé pour le premier alinéa de l'article 72-4 de la Constitution afin de préciser les modalités du changement de régime législatif, de façon que celui-ci puisse ne concerner qu'une partie des collectivités, par exemple l'île de Saint-Barthélemy. Il convient donc de préciser que seuls sont appelés à se prononcer les électeurs de la partie de la collectivité intéressée, et non ceux de l'ensemble de la collectivité.
Le choix du régime concernant Saint-Barthélemy nous paraît suffisamment important pour justifier que la population de l'île puisse se prononcer prioritairement, et le Sénat a déjà montré à plusieurs reprises tout son intérêt pour l'évolution du statut des îles du nord de la Guadeloupe.
Le Gouvernement souhaite donc cette légère correction de la proposition de la commission, afin que la population de Saint-Barthélemy, notamment - puisque c'est à cette île que nous pensons en présentant ce sous-amendement -, puisse voir ses intérêts pleinement pris en compte.
M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour défendre le sous-amendement n° 103 rectifié bis et l'amendement n° 104 rectifié.
M. Michel Charasse. Il s'agit de préciser qu'il peut y avoir consultation des électeurs des collectivités concernées, mais que la décision finale appartient toujours au Parlement. Or - et M. Virapoullé vient de s'exprimer très clairement à ce sujet - l'expression « sans que le consentement des électeurs de la collectivité intéressée ait été préalablement recueilli », qui figure dans l'amendement de la commission, laisse penser que le Parlement serait privé du droit d'exercer la souveraineté nationale, une fois que les populations auraient voté.
Je comprends bien l'esprit de cet amendement, mais sa rédaction aboutirait en réalité à supprimer au Parlement français le droit de faire la loi, puisqu'une section du peuple pourrait s'attribuer, à elle seule, l'exercice de la souveraineté nationale.
En fait, il y a plusieurs manières d'interpréter le mot « consentement ».
On peut considérer qu'une fois que l'on a demandé le consentement des populations par un vote on fait ce qu'on veut ensuite. C'est cela, la souveraineté nationale.
On peut aussi considérer - c'est la position qu'a prise Mme Girardin lors de sa première audition par la commission des lois - que, si les populations ne sont pas d'accord, on ne fait rien.
Excusez-moi, madame la ministre, mais aucune section du peuple ne peut s'attribuer l'exercice de la souveraineté nationale ! Aucune section du peuple ne peut en bloquer l'exercice ! Par conséquent, je propose, avec mes amis, que la population ne soit consultée que pour avis et que l'avis qu'elle émettrait ne lierait pas la souveraineté nationale.
Bien entendu, j'entends par avance ce que pourront nous rétorquer nos collègues d'outre-mer. Il est bien évident que, si l'on n'est pas sûr de l'avis qu'émettront les populations, si l'on pense que celui-ci risque d'être contraire à ce que l'on espère, on ne consultera pas.
Il n'empêche, mes chers collègues, qu'il y a des principes à respecter ! Permettre que le vote local de dix mille, ving mille ou trente mille électeurs - peu importe le nombre d'ailleurs - prive le Parlement et le Gouvernement d'exercer les prérogatives de souveraineté qui sont les leurs, c'est donner le pouvoir à une section du peuple, c'est donc remettre en cause la forme républicaine du Gouvernement, laquelle forme, aux termes du dernier alinéa de l'article 89 de la Constitution, ne peut faire l'objet d'une révision.
A tout le moins, mes chers collègues, la formulation que vous propose la commission mérite d'être précisée.
Il n'est pas dans mon propos, évidemment, d'ennuyer nos collègues d'outre-mer - je suppose en effet que ce texte a fait l'objet de nombreuses discussions avec eux - mais je souhaite que les choses soient très claires, étant entendu que, si une population d'outre-mer est consultée sur un sujet donné, le Parlement et le Gouvernement devront naturellement tenir compte de l'opinion exprimée. On ne peut pas gouverner contre les gens ! Toutefois, des motifs d'intérêt national peuvent conduire la souveraineté nationale à ne pas suivre la souveraineté « locale ».
Quant à l'amendement n° 104 rectifié, qui modifie directement le texte du Gouvernement, il a le même objet que le sous-amendement.
M. le président. La parole est à M. Georges Othily, pour défendre l'amendement n° 214 rectifié.
M. Georges Othily. Si une consultation de la population doit intervenir, il faudra bien que l'initiative en soit prise par les assemblées de la collectivité concernée. Je souhaite donc, par cet amendement, préciser que le Congrès ou les assemblées départementales et régionales devront saisir le Gouvernement pour qu'il propose la consultation. Je tiens à ce que Mme le ministre nous réponde sur ce point : à qui reviendra l'initiative de saisir le Gouvernement ?
Que le Président de la République convoque sur proposition du Gouvernement est une chose, mais il faudra bien que la population, les électeurs ou encore les élus, les partis politiques décident qu'un changement de statut doit intervenir dans le cadre de la République et dans l'intégration européenne.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 25 et pour donner l'avis de la commission sur les différents amendements et sous-amendements qui viennent d'être présentés.
M. René Garrec, rapporteur. L'amendement n° 25 tend à inscrire la Nouvelle-Calédonie dans le titre XII de la Constitution, cette collectivité située outre-mer étant la seule à ne pas y être mentionnée et donc à ne pas bénéficier des progrès de la loi.
L'amendement n° 158 rectifié tend à supprimer le texte proposé pour l'article 72-3 de la Constitution. Or ce dernier permet de faire figurer nominativement dans la Constitution les collectivités situées outre-mer et de déterminer la date de la promulgation de la loi pour les collectivités relevant de l'article 73 - les actuels départements et les régions d'outre-mer - et pour celles qui relèvent de l'article 74, soit toutes les autres.
L'article 73, en son alinéa 3, permettra, en outre, des dérogations au principe d'assimilation législative pour les collectivités relevant dudit article.
Cet amendement est donc contraire à la position de la commission, qui émet un avis défavorable.
Quant à l'amendement n° 116, il sera satisfait par l'amendement n° 23.
Le sous-amendement n° 235 rectifié bis est contraire à la position de la commission.
Il paraît en effet indispensable de recueillir le consentement de l'ensemble des électeurs de la collectivité concernée sous peine d'aboutir à une véritable balkanisation. La disposition qui nous est soumise, présentée comme étant spécifique à Saint-Barthélemy, pourrait également s'appliquer à l'évidence à d'autres collectivités comme les îles Marquises.
Le sous-amendement n° 103 rectifié bis est également contraire à la position de la commission. Les populations d'outre-mer sont très inquiètes au sujet d'une possible évolution statutaire. Il est donc indispensable de tenir compte de leur avis.
M. Michel Charasse. De tenir compte de leur avis, mais pas forcément de les suivre !
M. René Garrec, rapporteur. La commission est donc défavorable à ce sous-amendement.
La commission est également défavorable à l'amendement n° 104 rectifié, qui a le même objet que le sous-amendement n° 103 rectifié bis.
Enfin, l'amendement n° 214 rectifié est, lui aussi, contraire à la position de la commission, qui privilégie le rôle de la représentation nationale et des électeurs, les membres des congrès ne détenant pas un mandat particulier au sujet d'une éventuelle évolution statutaire. Elle a donc émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'ensemble de ces amendements et sous-amendements ?
Mme Brigitte Girardin, ministre. S'agissant de l'amendement n° 158 rectifié, je dirai à M. Lise que, bien évidemment, le Gouvernement ne peut accepter la suppression du texte proposé pour l'article 72-3, qui, conformément à l'analyse particulièrement fine et tout à fait juste qu'en a faite tout à l'heure M. Jean-Paul Virapoullé, et contrairement à ce que prétendent les auteurs de cet amendement, met fin à l'ambiguïté et à la confusion actuelle du régime de l'outre-mer.
En effet, que signifie aujourd'hui encore la catégorie des territoires d'outre-mer ? Il y règne une telle hétérogénéité que cette catégorie n'a vraiment plus aucun sens. C'est la raison pour laquelle nous proposons de la supprimer.
Quels points communs peuvent avoir la Polynésie française, qui bénéficie d'un très large statut d'autonomie, Wallis-et-Futuna, qui n'a pas de commune, mais a trois rois coutumiers ou encore les terres australes et antarctiques françaises, où n'habite aucune population autochtone ? Quant à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Mayotte, leur statut intermédiaire est source d'insécurité juridique, et nous souhaitons justement remédier à cette situation.
Le projet du Gouvernement consiste donc à regrouper les collectivités d'outre-mer dans deux grandes catégories : celles qui sont soumises au principe d'assimilation législative et celles qui sont soumises au principe de spécialité législative.
Ces deux régimes ont chacun leur logique, mais nous les assouplissons pour qu'à l'intérieur de chacun d'eux on puisse faire du sur-mesure.
Par conséquent, contrairement à ce que vous avez affirmé, monsieur le sénateur, notre rédaction n'est en rien une source de rigidité, bien au contraire.
L'adaptation législative de l'article 73 est assouplie, et la possibilité pour les DOM de déroger à la loi dans un nombre limité de matières pour tenir compte de leur spécificité est bien prévu dans notre projet, comme les différents secteurs issus des réunions du congrès sont parfaitement couverts par les dispositions de cet article.
Quant à l'article 74, il permettra à toutes les autres collectivités qui ne sont pas des DOM de bénéficier d'un statut particulier correspondant à leurs caractéristiques propres, qu'il s'agisse de Saint-Pierre-et-Miquelon, de Mayotte ou des anciens TOM.
Je m'étonne donc que vous puissiez proposer la suppression de ces deux régimes législatifs que nous assouplissons, surtout si l'on songe - c'est là un point essentiel de notre réforme - que les changements entre ces deux régimes ne peuvent désormais intervenir qu'avec des garanties démocratiques très fortes. C'est une nouveauté importante, je le répète, par rapport à la situation actuelle, la Constitution n'interdisant pas un changement autoritaire, sans consultation, du régime d'une collectivité d'outre-mer.
Cette nouvelle disposition est évidemment particulièrement importante pour une collectivité d'outre-mer comme la Réunion, qui est très attachée à son statut départemental et qui se trouvera, de ce fait, tout à fait sécurisée.
Enfin, je voudrais rappeler que ce nouvel article 72-3 consacre l'appartenance solennelle des collectivités d'outre-mer à la République en les mentionnant nominativement dans la Constitution ; vous avez reconnu que ce n'était pas un point négatif.
Aussi le Gouvernement s'étonne-t-il que l'on veuille supprimer pareille disposition. Monsieur Lise, je connais très bien votre sens de l'Etat et votre attachement très fort à la République, et je sais que vous êtes sensible au fait que chaque collectivité d'outre-mer soit mentionnée dans ce qui est la loi suprême de la République.
Le Gouvernement est donc, bien entendu, défavorable à votre amendement.
Je voudrais maintenant remercier la commission des lois, qui, en présentant l'amendement n° 23, a levé une ambiguïté. Avec cet amendement, il sera désormais très clair que toutes les collectivités se substituant éventuellement à un département d'outre-mer, à une région d'outre-mer relèveront bien de l'article 73 du régime d'assimilation législative. C'était bien l'intention du Gouvernement. Mais, je le reconnais bien volontiers, la chose n'était sans doute pas suffisamment précisée. Nous approuvons donc avec beaucoup de plaisir cette proposition.
Le but visé par les auteurs de l'amendement n° 116 me paraît atteint par l'amendement n° 23.
S'agissant de l'amendement n° 24 rectifié, le Gouvernement est favorable à la transposition de certains éléments de la procédure référendaire de l'article 11 de la Constitution à la procédure de changement de régime instituée par l'article 72-4. Toutefois, comme je l'ai indiqué tout à l'heure en présentant le sous-amendement n° 235 rectifié bis, le Gouvernement souhaite que soit modifiée la première phrase proposée afin de préciser que le changement de régime peut ne concerner qu'une partie des collectivités comme, par exemple, Saint-Barthélemy. Dans ce cas, nous souhaitons que ce soit uniquement de cette partie de la collectivité concernée qu'il faille recueillir le consentement.
Le sous-amendement n° 103 rectifié bis vise à supprimer l'obligation d'obtenir le consentement des populations intéressées pour le passage de l'un vers l'autre des régimes institués par les articles 73 et 74 de la Constitution. Je ne vous étonnerai pas en vous disant que le Gouvernement considère cette disposition comme absolument inacceptable.
Je le rappelle, M. le Président de la République s'est solennellement engagé à faire enfin inclure dans notre Constitution des garanties démocratiques incontestables pour éviter des dérives statutaires non souhaitées par nos compatriotes d'outre-mer.
L'évolution d'un régime d'assimilation vers un statut de spécialité législative est trop importante pour les populations concernées pour qu'elle puisse être décidée sans que leur accord soit recueilli.
En tout état de cause, monsieur Charasse, le Parlement n'est en aucun cas contraint de décider un changement qui aurait été approuvé par les électeurs à une faible majorité et avec un taux de participation médiocre, par exemple. Le Parlement aura le dernier mot.
M. Michel Charasse. C'est bien le moins !
Mme Brigitte Girardin, ministre. En revanche, il est tenu de ne pas donner suite à un changement qui aurait été rejeté par les électeurs. Il n'y a là rien de choquant.
M. Michel Charasse. Ah bon ? Il n'y a tout simplement plus de souveraineté nationale !
Mme Brigitte Girardin ministre. C'est, au contraire, l'application des principes les plus élémentaires de la démocratie.
M. Michel Charasse. Donc, 300 000 habitants peuvent contraindre 63 millions d'habitants ! C'est cela, pour vous, la République ?...
Mme Brigitte Girardin ministre. Ces explications valent évidemment pour l'amendement n° 104 rectifié.
J'en viens à l'amendement n° 214 rectifié. Monsieur Othily, le Gouvernement n'a évidemment pas l'intention de s'auto-saisir ; il souhaite, en revanche, s'assurer, préalablement à toute proposition de consultation, qu'il existe un consensus local sur un éventuel changement de régime.
Cet amendement, qui vise à constitutionnaliser le Congrès des élus départementaux et régionaux, nous paraît d'autant plus inutile que cette institution pouvait être créée sans même l'intervention d'une loi. Vous êtes bien placé pour le savoir, monsieur Othily, puisque, en se réunissant en congrès sans attendre la loi d'orientation, la Guyane a prouvé que point n'était besoin pour ce faire d'une disposition législative.
Nous sommes d'autant moins favorables à cet amendement que, selon nous, il convient de ne pas limiter la capacité d'initiative du Gouvernement en la subordonnant à la demande des assemblées locales. L'article 72-3 de la Constitution a vocation à s'appliquer à des collectivités où il n'existe pas de congrès, par exemple à Mayotte. Il est clair que, si Mayotte souhaitait un jour passer sous le régime de l'article 73 de la Constitution, votre amendement ne serait pas adapté à la situation.
L'amendement n° 25 de la commission de lois ne nous paraît pas revêtir la portée juridique qui lui est prêtée.
Personne ici ne peut douter que la Nouvelle-Calédonie soit une collectivité territoriale de la République. Elle est d'ailleurs brillamment représentée au Sénat, ce qui est bien l'une des caractéristiques du statut de cette collectivité territoriale. Cela dit, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat sur cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 158 rectifié.
M. Robert Bret. Le groupe CRC s'abstient.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 23.
M. Robert Bret. Le groupe CRC s'abstient.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 116 n'a plus d'objet.
La parole est à M. Michel Charasse, contre le sous-amendement n° 235 rectifié bis.
M. Michel Charasse. J'ai écouté les explications de Mme le ministre et celles du président de la commission sur ce sous-amendement du Gouvernement.
Au fond, le problème posé est simple.
Ou bien on considère que, comme l'a dit Mme Girardin tout à l'heure en s'exprimant sur mon sous-amendement n° 103 rectifié bis, le Parlement devra en tout état de cause s'incliner devant le vote d'outre-mer et, dans ce cas-là, le Gouvernement se réserve la possibilité de faire un découpage avec une paire de ciseaux pour mettre d'un côté ceux qui sont d'accord et de l'autre côté ceux qui ne le sont pas ; c'est la conséquence du fait qu'il n'y a plus de souveraineté nationale.
Ou bien on considère que la souveraineté nationale existe toujours et, alors, ce sous-amendement est inutile.
Comme je crains que ce sous-amendement ne s'inscrive en fait dans le droit-fil de la pensée de Mme le ministre, qui nous a redit plus longuement tout à l'heure ce qu'elle avait déjà dit devant la commission, je ne le voterai pas : il ne vise en effet, selon moi, qu'à tirer les conséquences de la suppression de la souveraineté nationale et de son transfert à une section du peuple dans les départements et territoires concernés.
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 235 rectifié bis.
M. Robert Bret. Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte le sous-amendement.)
M. le président. La parole est à M. Claude Lise, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 103 rectifié bis.
M. Claude Lise. Même si je comprends les arguments juridiques avancés par mon ami Michel Charasse, je tiens à rappeler que, selon la procédure prévue dans la loi d'orientation - et j'y suis pour quelque chose -, la consultation des populations ne contrevient pas au principe qu'il vient de rappeler : le Parlement et le Gouvernement ne sont pas, dans cette procédure, juridiquement liés par la position exprimée par les populations consultées. Ils le sont, en revanche, politiquement, sauf à mettre en oeuvre une singulière conception de la démocratie.
Dans l'actuelle réforme de la Constitution, le Gouvernement propose de mettre ce qu'il appelle un verrou : il inscrit dans la Constitution l'impossibilité d'imposer un changement de statut politique qui ne serait pas souhaité par la population de l'un de nos départements. Je ne peux qu'approuver une telle disposition.
En effet, Mme le ministre l'a dit, les citoyens de nos départements sont très attachés à cette idée de consultation.
De plus, la possibilité généreusement offerte - si j'ose dire - aux départements d'outre-mer de basculer dans le statut de territoire d'outre-mer, ce qu'ils n'ont nullement demandé, suscite actuellement de l'inquiétude ; c'est bien pourquoi un verrou est indispensable.
Les citoyens des départements d'outre-mer sont inquiets non seulement parce qu'on leur propose quelque chose qu'ils n'ont pas demandé, mais aussi parce que ce nouveau dispositif semble bien remettre en cause - et ce que j'ai entendu tout à l'heure me le confirme - l'initiative locale d'évolution institutionnelle ; désormais, l'initiative d'évolution viendra d'en haut.
Mme le ministre nous dit que le Gouvernement n'a pas du tout l'intention de s'autosaisir, et je ne mets nullement sa parole en doute. Mais qui nous assure qu'un autre gouvernement ne va pas décider un beau matin de consulter la Réunion pour savoir si ses habitants veulent passer sous le régime de l'article 74 ? Voilà le danger !
Autrement dit, puisque l'on a créé des éléments d'insécurité, il devient absolument indispensable de mettre des verrous. C'est pourquoi, tout en partageant le point de vue juridique de mon collègue M. Charasse, je suis obligé de soutenir la position du Gouvernement : mettons en place les verrous qu'il nous propose pour nous préserver, entre autres choses, d'un risque que lui-même introduit dans la procédure.
M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.
M. Michel Charasse. J'ai la faiblesse de penser que ce point est très important.
On nous dit en effet que, si les populations d'outre-mer, qui sont concernées par l'article 72-3 ou l'article 72-4, comme on voudra, ne donnent pas leur accord, le Parlement ne peut plus rien faire. C'est un transfert pur et simple de la souveraineté nationale à une section du peuple ! Lorsque le président Garrec nous explique qu'« il faudra tenir compte de leur avis », cela signifie que la souveraineté nationale ne s'exerce plus là-bas dans ces circonstances-là, c'est-à-dire si les populations ont dit « non », étant entendu que, si elles ont dit « oui », on ne pourra pas faire autrement que de suivre.
En votant le dispositif de l'amendement n° 24 rectifié tel qu'il nous est présenté, on prive le Parlement, c'est-à-dire un élément de la souveraineté nationale, de ses pouvoirs, de son droit d'exercer justement ladite souveraineté. Si, un jour, il faut aller contre, on ne pourra le faire que par un référendum prévu à l'article 11 de la Constitution puisque la décision prise ainsi par référendum est elle-même l'expression de la souveraineté nationale et n'est pas sousmise au contrôle du Conseil constitutionnel. Vous imaginez la situation !
Le problème est le suivant : le dernier alinéa de l'article 89 de la Constitution interdit de porter atteinte à la forme républicaine du Gouvernement. On ne révise pas la République !
Je me suis expliqué sur le contenu de la forme républicaine, je n'y reviens pas. Les ministres qui étaient alors présents au banc du Gouvernement, à savoir MM. Perben et Devedjian, ainsi que M. le rapporteur ont dit qu'en l'espèce on ne portait pas atteinte à la forme républicaine du Gouvernement. Si l'on considère, malgré ce qui a été dit, que l'on n'y porte pas atteinte, alors la révision est possible. Mais l'expression « si l'on ne porte pas atteinte » sera inopérante en la circonstance puisque aucune section du peuple ne pourra exercer la souveraineté nationale à la place de la souveraineté nationale elle-même !
Vous voyez la situation dans laquelle nous sommes : ou l'on porte délibérément atteinte et, dans ce cas, on ne peut pas réviser - et il faudra bien qu'une autorité tranche ce point ! - ou l'on ne porte pas délibérément atteinte et, dans ce cas, le consentement signifie que l'on demande l'avis de la collectivité, mais que l'on en fait ce que l'on veut. C'est ce que le Gouvernement nous a dit hier pour les référendums locaux sur l'initiative des collectivités locales : il s'agit d'un simple avis, par exemple sur les modifications de certaines limites territoriales ou sur d'autres sujets.
Sur ce point, le débat a été tranché, mais, en l'espèce, nous ne parvenons pas à obtenir de réponse claire.
C'est pourtant simple : si nous votons ce texte sans violer le dernier alinéa de l'article 89 de la Constitution, cela signifie que le consentement ne veut plus rien dire, que cela ne nous concerne pas et que l'on fera ce que l'on voudra ; si, en revanche, il s'agit d'une interdiction d'aller contre le vote local, alors nous portons atteinte à la forme républicaine du Gouvernement, et c'est insupportable à tous égards.
C'est la raison pour laquelle je me permets d'insister pour que l'on précise bien qu'il s'agit d'un simple avis, ou pour que le Gouvernement et le rapporteur nous disent que, tout bien réfléchi, on ne porte pas atteinte à la forme républicaine du Gouvernement : le patron, c'est la souveraineté nationale, et personne d'autre !
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 103 rectifié bis.
M. Robert Bret. Le groupe CRC s'abstient.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. Michel Charasse. On a voté la suppression de la République !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 24 rectifié, modifié.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, les amendements n°s 104 rectifié et 214 rectifié n'ont plus d'objet.
Je mets aux voix l'amendement n° 25.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 7, modifié.
M. Robert Bret. Le groupe CRC s'abstient.
M. Jean-Claude Peyronnet. Le groupe socialiste également.

(L'article 7 est adopté.)

Article additionnel après l'article 7



M. le président.
L'amendement n° 181 rectifié, présenté par M. Bret, est ainsi libellé :
« Après l'article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 72 de la Constitution, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. ... Les communes de Paris, Marseille et Lyon ont une organisation particulière tenant compte de leurs intérêts propres dans l'ensemble des intérêts de la République. Les statuts de Paris, Marseille et Lyon sont fixés par des lois organiques qui définissent, notamment, les compétences de leurs institutions propres. »
La parole est à M. Robert Bret.
M. Robert Bret. Je vous prie de bien vouloir m'excuser d'ouvrir une parenthèse de quelques minutes dans notre débat sur l'outre-mer avec cet amendement visant à introduire un article additionnel, mais c'est le seul endroit où je pouvais le rattacher.
Les lois de décentralisation comportaient un volet concernant l'organisation administrative des villes de Paris, Marseille et Lyon. Les dispositions en question, dont personne aujourd'hui ne propose la suppression, ont été intégrées dans la partie législative du code général des collectivités territoriales.
Une loi a notamment organisé le découpage de ces trois grandes villes en secteurs ou arrondissements. Chacun des secteurs ou arrondissements est doté d'un maire et d'un conseil d'arrondissement élus au suffrage universel direct, dont le fonctionnement est comparable à celui de la mairie centrale dont ils dépendent mais dont les moyens financiers et humains sont beaucoup plus limités.
Instance de proximité par excellence, inscrite au coeur des réalités et des préoccupations des habitants, la mairie d'arrondissement est le lieu qui répond le plus rapidement et le plus spontanément aux appels des citoyens.
Ainsi, la mairie de secteur des xiiie et xive arrondissements de Marseille, dont je suis l'élu, recouvre une zone géographique très vaste et très peuplée - 136 000 habitants - sur laquelle se trouvent 178 équipements transférés : centres sociaux, maisons de quartier, stades, courts de tennis, boulodromes, gymnases, espaces verts de moins d'un hectare, et même un centre culturel qui jouit sur Marseille d'une certaine réputation.
La loi relative à la démocratie de proximité, promulguée le 27 février 2002, a permis une évolution législative, notamment avec l'article 2511-16 du code général des collectivités territoriales, qui définit la nature des équipements de proximité susceptibles d'être inscrits à l'inventaire des mairies d'arrondissement. Il s'agit des « équipements à vocation éducative, sociale, culturelle, sportive et d'information de la vie locale qui ne concernent par l'ensemble des habitants de la commune ou les habitants de plusieurs arrondissements ou qui n'ont pas une vocation nationale ».
En vertu de ces nouvelles dispositions, M. Bertrand Delanoë, maire de Paris, a ainsi fait voter par le conseil de Paris, le 29 octobre dernier, le transfert de la mairie centrale vers les vingt mairies d'arrondissement de plus d'un millier d'équipements supplémentaires : écoles maternelles et élémentaires, bibliothèques généralistes, conservatoires, jardins d'enfants, antennes « jeunes information », maisons des associations ou locaux associatifs.
Il a, dans le même temps, décidé d'augmenter les budgets des arrondissements, qui vont passer de 22 millions à 82 millions d'euros.
J'ai lu dans le quotidien Les Echos du 30 octobre dernier que M. Claude Goasguen souhaitait proposer au Gouvernement de confier aux arrondissements du personnel détaché de la mairie centrale et d'organiser une décentralisation financière des ressources avec une péréquation.
En vingt ans - avec des expériences très inégales, il faut le reconnaître -, les mairies d'arrondissement ont montré combien elles étaient utiles.
Elles le sont encore plus dans les structures intercommunales, qui contribuent à éloigner les citoyens des centres de décision et des élus locaux.
J'entends des constitutionnalistes m'opposer des arguments de droit : peut-on parler de collectivité territoriale quand on parle d'une mairie d'arrondissement, peut-on créer une nouvelle catégorie de collectivité pour seulement trois villes particulières ?
A la première question, je réponds oui. La jurisprudence constitutionnelle détermine quatre conditions pour que l'on puisse parler de collectivité territoriale.
Premièrement, il faut posséder la personnalité juridique. C'est bien évidemment le cas ! Le maire d'arrondissement est juridiquement responsable de ses actes dans les domaines qui lui sont conférés par la loi.
Deuxièmement, il faut avoir des affaires propres. Là aussi, c'est le cas ! Au-delà des affaires traitées par l'arrondissement en vertu des pouvoirs délégués par le conseil municipal, le conseil d'arrondissement possède des pouvoirs qui lui sont propres et qui lui sont conférés par la loi. Il suffit pour s'en convaincre de relire ensemble la partie du code général des collectivités territoriales relative à Paris, Marseille et Lyon !
Troisièmement, il faut avoir une certaine indépendance à l'égard du pouvoir central. C'est bien évidemment, là encore, le cas !
Quatrièmement, enfin, il faut posséder un pouvoir de décision. C'est le cas ! Le code général des collectivités territoriales reconnaît à la mairie d'arrondissement le pouvoir d'édicter des actes pour ses compétences clairement définies, actes qui produisent des effets à l'encontre des populations.
Pour ce qui est de la seconde question, certains éléments constitutifs forment un noyau dur commun à toutes les collectivités d'une même catégorie. Le principe de l'unité catégorielle permet soit une transformation du noyau pour toutes les collectivités de la catégorie, soit de sortir une ou plusieurs collectivités d'une catégorie pour les ériger elles-mêmes en une catégorie nouvelle.
C'est précisément ce que prévoit la Constitution en érigeant les territoires d'outre-mer en une catégorie distincte : l'article 74 prévoit que les territoires d'outre-mer de la République ont une organisation particulière dont les statuts sont fixés par des lois organiques.
C'est une démarche similaire que je vous propose pour Paris, Marseille et Lyon.
Ces trois villes, les trois plus grandes de notre République, sont des communes définies comme collectivités territoriales par l'article 72 de notre Constitution.
Ainsi, je propose d'insérer un article 72-4 ainsi rédigé : « Les communes de Paris, Marseille et Lyon ont une organisation particulière tenant compte de leurs intérêts propres dans l'ensemble des intérêts de la République. Les statuts de Paris, Marseille et Lyon sont fixés par des lois organiques qui définissent, notamment, les compétences de leurs institutions propres. »
Mes chers collègues, au-delà du sort que vous allez lui réserver, vous l'avez compris, cet amendement a pour objet, dans le cadre d'une nouvelle avancée du processus de décentralisation, de reconnaître pleinement et durablement le rôle des mairies d'arrondissement en les faisant figurer dans notre Constitution.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. René Garrec, rapporteur. Le Sénat ayant déjà consacré dans la Constitution l'existence des collectivités à statut particulier, cet amendement est inutile. De plus, la rédaction proposée assimile, en pratique, les communes de Paris, Lyon et Marseille à des collectivités d'outre-mer. N'y a-t-il pas là un problème de distance ?
J'émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme Hélène Luc. C'est incroyable ! C'est vraiment dommage !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales. M. Bret voudrait que la Constitution consacre la notion d'arrondissement. Or la Constitution est faite non pour préciser des modalités d'organisation aussi subalternes que la constitution d'arrondissements, mais pour énoncer des grands principes.
En second lieu, M. Bret emploie une formule propre aux collectivités d'outre-mer en visant leurs intérêts propres dans l'ensemble des intérêts de la République. Il voudrait ainsi mettre dans la même catégorie les mairies de Paris, Lyon et Marseille et les collectivités d'outre-mer, ce qui paraît un peu surprenant.
Comme l'a dit tout à l'heure très justement M. Garrec, nous avons décidé hier l'institution de collectivités à caractère particulier. Cela vise notamment les villes de Paris, Lyon et Marseille ! Si la commune absorbe le département comme à Paris, ce sera naturellement une collectivité à caractère particulier !
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean Chérioux, contre l'amendement.
M. Jean Chérioux. La commission et le Gouvernement ont utilisé d'excellents arguments pour s'opposer à l'amendement de M. Bret.
En tant qu'ancien élu de Paris, je suis stupéfait de ce que nos collègues nous proposent. L'analyse juridique de M. Bret est complétement fausse ! Faire entrer dans la Constitution la notion d'arrondissement n'a aucun sens puisqu'il ne s'agit pas d'une collectivité et qu'un arrondissement n'a aucune existence juridique. Le maire a une existence juridique, il a un rôle, mais l'arrondissement en tant que tel n'existe pas : il n'est qu'un démantèlement de la communauté parisienne, marseillaise ou lyonnaise ; en outre, il ne possède pas d'autonomie budgétaire.
Je ne comprends pas que l'on puisse se permettre de faire des propositions de ce genre ! Je suis absolument contre cet amendement, parce qu'il est consternant.
M. le président. La parole est à M. Robert Bret, pour explication de vote.
M. Robert Bret. Je crois que vous n'avez pas prêté une oreille très attentive aux arguments que j'ai développés. Tout d'abord, j'ai évoqué non pas la question des arrondissements, mais celle des mairies d'arrondissement.
M. Jean Chérioux. C'est pareil !
M. Robert Bret. Non, ce n'est pas pareil. Quand on parle de décentralisation et de proximité pour mieux répondre aux besoins des populations, il faut faire preuve d'imagination et d'audace ! Or les mairies d'arrondissement dans des villes de deux millions ou de huit cent mille habitants - et mon expérience, en tant qu'élu local de Marseille, me permet de l'affirmer - sont un atout extraordinaire. Ensuite, la loi dite PML a reconnu les mairies d'arrondissement à Paris, Marseille et Lyon.
Quoi qu'il en soit, il me paraissait utile de soulever ces questions qui me semblent intéressantes : bien des questions, écartées un jour d'un revers de la main, resurgissent ensuite avec force.
Cela étant, compte tenu du déroulement du débat et devant le peu de réponses apportées aux questions de fond que j'ai soulevées, je préfère retirer mon amendement. (Protestations amusées sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. L'amendement n° 181 rectifié est retiré.
Nous allons maintenant examiner l'article 9 pour lequel la priorité a été ordonnée.
M. Claude Estier. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Claude Estier.
M. Claude Estier. Monsieur le président, je voudrais insister pour que l'on maintienne la discussion des articles dans l'ordre, parce que M. Claude Lise, comme il l'a expliqué tout à l'heure, doit assister à une réunion de la commission des finances.
Si l'on examine l'article 9 avant l'article 8, mon collègue ne pourra pas défendre ses amendements. Je vous demande donc, monsieur le président, de passer maintenant à la discussion de l'article 8.
M. le président. Malgré tout le plaisir qui serait le mien de vous donner satisfaction, monsieur Estier, je ne peux pas le faire puisque la priorité de l'article 9 a été ordonnée en raison du départ de M. Flosse.

Article 9 (priorité)



M. le président.
« Art. 9. - L'article 74 est ainsi rédigé :
« Art. 74 . - Les collectivités d'outre-mer régies par le présent article ont un statut particulier qui tient compte des intérêts propres de chacune d'elles au sein de la République.
« Ce statut est défini par une loi organique, adoptée après avis de l'assemblée délibérante, qui fixe :
« - les conditions dans lesquelles les lois et règlements y sont applicables ;
« - les compétences de cette collectivité ; sous réserve de celles qu'elle exerce à la date d'entrée en vigueur de la loi constitutionnelle n° du relative à l'organisation décentralisée de la République, le transfert de compétences de l'Etat ne peut porter sur la nationalité, les droits civiques, les garanties des libertés publiques, l'état et la capacité des personnes, l'organisation de la justice, le droit pénal, la procédure pénale, la politique étrangère, la défense, la sécurité et l'ordre publics, la monnaie, le crédit et les changes ainsi que le droit électoral ;
« - les règles d'organisation et de fonctionnement des institutions de la collectivité et le régime électoral de son assemblée délibérante ;
« - les conditions dans lesquelles ses institutions sont consultées sur les projets et propositions de loi et les projets d'ordonnance ou de décret comportant des dispositions particulières à la collectivité, ainsi que sur la ratification ou l'approbation d'engagements internationaux conclus dans les matières relevant de sa compétence.
« La loi organique détermine également, pour celles de ces collectivités qui sont dotées de l'autonomie, les conditions dans lesquelles :
« - s'exerce un contrôle juridictionnel spécifique sur certaines catégories d'actes de l'assemblée délibérante intervenant au titre des compétences qu'elle exerce dans le domaine de la loi ;
« - l'assemblée délibérante peut modifier une loi promulguée postérieurement à l'entrée en vigueur du statut de la collectivité, lorsque le Conseil constitutionnel a constaté que la loi était intervenue dans le domaine de compétence de cette collectivité ;
« - des mesures justifiées par les nécessités locales peuvent être prises par la collectivité en faveur de sa population, en matière d'accès à l'emploi, de droit d'établissement pour l'exercice d'une activité professionnelle ou de protection du patrimoine foncier ;
« - l'Etat peut associer les collectivités à l'exercice des compétences qu'il conserve, dans le respect des garanties accordées sur l'ensemble du territoire national pour l'exercice des libertés publiques.
« Les autres modalités de l'organisation particulière des collectivités relevant du présent article sont définies et modifiées par la loi après consultation de leur assemblée délibérante. »
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 198, présenté par Mmes Borvo et Mathon, MM. Bret, Autain et Autexier, Mmes Beaudeau et Beaufils, M. Biarnès, Mme Bidard-Reydest, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud, Le Cam et Loridant, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar et Mme Terrade, est ainsi libellé :
« Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 74 de la Constitution, remplacer les mots : "un statut particulier", par les mots : "une organisation particulière". »
L'amendement n° 30, présenté par M. Garrec, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 74 de la Constitution, après les mots : " un statut " supprimer le mot : " particulier ". »
La parole est à M. Robert Bret, pour présenter l'amendement n° 198.
M. Robert Bret. L'amendement n° 198 vise à remplacer le concept nouveau de « statut particulier » attribué aux nouvelles collectivités d'outre-mer par celui, actuellement inscrit dans la Constitution, d'« organisation particulière ».
Cet amendement n'est pas de pure forme. En effet, l'utilisation des termes « statut particulier » en des emplacements aussi divers que l'article 4 relatif à l'ensemble des collectivités territoriales ou l'article 9 qui a trait aux collectivités d'outre-mer peut entraîner, semble-t-il une confusion, un désordre, voire - pourquoi pas ? - le « bazar » dénoncé par M. Jean-Louis Debré, président de l'Assemblée nationale.
Nous vous proposons donc de clarifier le débat en adoptant notre amendement.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 30 et pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 198.
M. René Garrec, rapporteur. L'expression « statut particulier » figure à la fois au premier alinéa de l'article 72 et au premier alinéa de l'article 74. Toutefois, il ne recouvre pas la même réalité juridique, ce qui est une source de confusion.
A l'article 74, l'usage de cet adjectif, hérité de la rédaction actuelle, n'est pas indispensable, car la référence à un statut tenant compte des intérêts propres de chaque collectivité est suffisamment explicite et met en exergue la notion d'intérêt propre. Il nous paraît donc préférable de supprimer cette précision.
Je note par ailleurs que l'amendement n° 198 est satisfait sur le fond par notre amendement n° 30.
M. le président. L'amendement n° 198 est-il maintenu, monsieur Bret ?
M. Robert Bret. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 198 est retiré.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 30 ?
Mme Brigitte Girardin, ministre. Le Gouvernement y est favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 30.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 84, présenté par Mme Blandin, est ainsi libellé :
« Dans le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 74 de la Constitution, remplacer les mots : "après avis", par les mots : "après avoir recueilli le consentement". »
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Je vais rouvrir un débat, cette fois non plus par rapport aux habitants ou aux électeurs, mais par rapport à l'avis de l'assemblée délibérante d'un lieu où l'on voudrait « parachuter » un statut ou une organisation particulière par le biais d'une loi organique.
Le Parlement est bien entendu responsable de ses choix, de ses votes lors de la discussion d'une loi organique. Il semble néanmoins quelque peu curieux, alors que notre assemblée vient d'envisager que les électeurs se prononceront en d'autres lieux pour rendre un consentement et non plus simplement un avis, que, dans l'article 9, alinéa 2, il ne soit prévu pour l'assemblée délibérante du lieu qu'un simple avis.
Il me semble que quand on change le statut d'une collectivité, d'un territoire jouissant d'un statut spécial, on pourrait, pour le moins, recueillir le consentement de l'assemblée délibérante concernée.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. René Garrec, rapporteur. Il est possible de recueillir le consentement des électeurs sur une question relative au changement de régime constitutionnel applicable à la collectivité ; mais concernant l'assemblée délibérante de la collectivité, cela ne paraît pas possible.
La commission a donc émis, en toute logique, un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Brigitte Girardin, ministre. L'amendement de Mme Blandin vise à faire partager, entre le Parlement et l'assemblée délibérante d'une collectivité de l'article 74, le pouvoir de voter la loi organique.
Il n'entre pas dans les intentions du Gouvernement d'accorder aux assemblées délibérantes un tel pouvoir. Cette démarche est peu conforme à la tradition française et davantage inspirée par le fédéralisme.
Le Gouvernement y est donc défavorable.
M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.
M. Michel Charasse. Je ne suis pas très favorable à cet amendement, mais je voudrais faire remarquer que si l'amendement de Mme Blandin est inspiré par le fédéralisme et, par conséquent, est contraire à la tradition française, ce qui lui vaut un avis défavorable du Gouvernement, un amendement précédent, qui avait exactement le même objet, a été voté par tout le monde et a reçu un avis favorable du Gouvernement.
C'est la souveraineté nationale à géométrie variable dans le camp du Gouvernement ! Or il n'y a qu'une seule souveraineté nationale. Tout cela se paiera cher, un jour !
M. Robert Bret. Pas besoin de la brader !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme Marie-Christine Blandin. Permettez-moi de récuser la notion de partage de l'exercice du vote de la loi organique entre l'assemblée délibérante concernée et le Parlement.
Il y a une chronologie, un agenda à respecter. Il convient de demander à l'assemblée délibérante concernée de donner son consentement. Il me semble tout à fait incroyable que, dans une loi relative à la décentralisation, il soit envisagé, pour des collectivités à statut particulier, de « parachuter » depuis Paris un nouveau statut sans même leur demander leur avis.
M. Georges Othily. Mais non !
M. Michel Charasse. On fait ce qu'on veut ! On est dans la République ou on n'y est pas !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 84.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 31, présenté par M. Garrec, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Après les mots : "sous réserve de celles", rédiger comme suit la fin du quatrième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 74 de la Constitution : "déjà exercées par elle, le transfert de compétences de l'Etat ne peut porter sur les matières énumérées au quatrième alinéa de l'article 73, précisées et complétées, le cas échéant, par la loi organique ;" »
Le sous-amendement n° 114, présenté par M. Charasse, est ainsi libellé :
« Dans le texte proposé par l'amendement n° 31, remplacer le mot : "énumérées" par le mot : "visées". »
L'amendement n° 110, présenté par M. Charasse, est ainsi libellé :
« Après les mots : "ne peut porter sur" rédiger comme suit la fin du quatrième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 74 de la Constitution : "les matières qui relèvent, par nature et par nécessité, de la souveraineté nationale et de l'Etat." »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 31.
M. René Garrec, rapporteur. Cet amendement a pour objet une coordination avec l'amendement n° 27 de la commission portant sur l'article 8 que nous examinerons ultérieurement et qui vise à transférer à l'article 73 de la Constitution l'énumération des matières non susceptibles de transfert car elles sont de nature régalienne.
M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour défendre le sous-amendement n° 114.
M. Michel Charasse. Monsieur le président, je suis bien ennuyé, parce que ce sous-amendement est la conséquence d'un amendement que j'ai déposé à l'article 8. Mais comme cet article 8 est provisoirement au « frigo » pour tenir compte des horaires aériens, je ne sais pas comment on peut faire !
On ne peut pas le voter puisque c'est un sous-amendement de conséquence. Si l'amendement que j'ai déposé à l'article 8 n'est pas adopté, ce sous-amendement n° 114 n'a plus d'objet. En revanche, si mon amendement à l'article 8 est adopté, ce sous-amendement reste en discussion.
M. Georges Othily. On le retire !
M. Michel Charasse. Tu retires les tiens, mais moi je ne retire pas les miens ! (Sourires.)
M. René Garrec, rapporteur. Il n'aura plus d'objet !
M. Michel Charasse. Voyons, mes chers collègues, j'ai posé une question précise !
J'ai déposé un amendement de fond à l'article 8, et le sous-amendement n° 114 est un texe de conséquence. Si l'amendement à l'article 8 n'est pas adopté, le sous-amendement n° 114 n'a plus d'objet. En revanche, si l'amendement à l'article 8 est adopté, le sous-amendement n° 144 reste en discussion.
Monsieur le président, je vous laisse le soin de vous débrouiller avec tout cela !
M. le président. De toute façon, monsieur Charasse, vous interviendrez à l'article 8.
M. Michel Charasse. Je vous prie de m'excuser, monsieur le président, mais il n'est pas question de cela !
Puisqu'il s'agit d'un sous-amendement de conséquence, il faudrait d'abord voter l'article 8, et en conséquence réserver le vote sur l'amendement n° 31 et le sous-amendement n° 114.
M. le président. Monsieur Charasse, vous étiez présent lorsqu'une demande de priorité a été formulée. La priorité a été ordonnée par l'assemblée souveraine. Je suis donc obligé d'y souscrire.
M. Michel Charasse. Certes, monsieur le président. Mais, à « l'assemblée souveraine », personne ne lui a expliqué qu'il y avait des amendements de conséquence. Il aurait fallu à tout le moins nous permettre, grâce à une suspension de séance, de modifier nos amendements et nos sous-amendements.
On peut faire du travail constitutionnel n'importe comment, mais cela devient lassant !
M. le président. Vous auriez pu le demander à ce moment-là, monsieur Charasse !
M. Michel Charasse. Peut-être, mais la présidence aurait pu également s'apercevoir qu'il y avait des amendements de conséquence et ne pas soumettre au Sénat n'importe quoi ! (Protestations sur les travées du RPR. - Marques d'approbation sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Je vous donne maintenant la parole, monsieur Charasse, pour défendre l'amendement n° 110.
M. Michel Charasse. Monsieur le président, pardon de m'être emporté, mais vous n'étiez pas personnellement visé par mes propos. Vous savez l'affection que j'ai pour vous ! (Rires.)
De temps en temps, cela fait du bien. Et il paraît que cela se passe de la même façon au conseil général des Vosges ! (Nouveaux rires.)
Il est, je crois, dangereux d'établir une liste limitative des prérogatives qui ne peuvent relever que de l'Etat car elles touchent à la souveraineté nationale et qu'elles sont par nature régaliennes, c'est M. le rapporteur qui a prononcé ce mot voilà un instant.
Non seulement ce serait confiner l'Etat dans des compétences étroites, alors qu'il a toujours une compétence générale - c'est du droit français, c'est même du droit international -, mais encore on prend le risque d'oublier certaines matières.
C'est d'ailleurs ce qu'a relevé la commission des lois à juste titre en prévoyant que la liste pourrait être complétée et précisée par une loi organique, qui peut à son tour en oublier, mais en retenant la formule qui existe actuellement à la fin de l'article 34 de la Constitution.
Je pense qu'il est donc préférable d'interdire des transferts dans des domaines qui relèvent, à l'évidence, de la souveraineté nationale, donc de l'Etat, sans prendre la peine de les énumérer. Englobons tout d'une manière générale, c'est beaucoup plus simple !
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 114 et sur l'amendement n° 110 ?
M. René Garrec, rapporteur. Le sous-amendement n° 114 étant un texte de coordination avec un amendement que la commission a rejeté, elle a donc émis un avis défavorable.
En ce qui concerne l'amendement n° 110, je note qu'il est vrai, mon cher collègue, qu'une énumération n'est jamais une solution idéale. Elle a cependant le mérite de la clarté par rapport à l'expression : « les matières relevant par nature et par nécessité de la souveraineté nationale », qui est imprécise et dont la signification concrète découlera par définition de la jurisprudence.
En outre, l'amendement n° 27 de la commission a prévu que la liste serait complétée, le cas échéant, par une loi organique, ce qui règle le problème.
Par conséquent, la commission est défavorable à l'amendement n° 110.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 31, le sous-amendement n° 114 et l'amendement n° 110 ?
Mme Brigitte Girardin, ministre. Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 31.
A propos du sous-amendement n° 114 et de l'amendement n° 110 de M. Charasse, je précise que le Gouvernement entend conserver l'énumération d'une série de matières qui sont régaliennes par détermination de la Constitution et qui ne peuvent en aucun cas être attribuées aux collectivités d'outre-mer. Il estime que ce choix doit relever du pouvoir constituant et non de la seule décision du Conseil constitutionnel.
Je rappelle sur ce point que nous sommes exactement dans la ligne du projet de révision qui avait été adopté en 1999 dans les mêmes termes par les deux chambres du Parlement et dans lequel le choix de l'énumération dans la Constitution des matières réservées à l'Etat avait été approuvé, y compris par vous, monsieur Charasse.
M. Michel Charasse. Pas sûr !
Mme Brigitte Girardin, ministre. Si, nous avons vérifié !
M. Michel Charasse. Ah bon ! C'est une erreur !
Mme Brigitte Girardin, ministre. Il convient de remarquer que la Constitution ne fixe que la liste des matières non transférables, mais qu'elle n'oblige en rien à transférer les matières qui n'y figurent pas. En aucun cas le transfert de compétences n'est définitif, le législateur organique pouvant toujours rendre à l'Etat une compétence de la collectivité. Il n'est donc pas dangereux, il est, au contraire, très raisonnable de fixer une telle énumération dans la Constitution.
En conséquence, le Gouvernement émet un avis défavorable sur le sous-amendement n° 114 et sur l'amendement n° 110.
M. le président. Monsieur Charasse, on peut toujours se tromper. Une erreur est pardonnée dès qu'elle est avouée !
M. Michel Charasse. Monsieur le président, je vais régler tout ça !
M. le président. La parole est à M. Charasse, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 114.
M. Michel Charasse. Si vous le permettez, monsieur le président, pour gagner du temps, mon explication de vote portera en même temps sur le sous-amendement n° 114 et sur l'amendement n° 110.
M. le président. Merci !
M. Michel Charasse. Etant donné que le sous-amendement n° 114 est la conséquence d'un amendement qui, pour l'instant, est un OVNI, puisqu'il porte sur un article qui n'a pas été examiné, et que je ne veux pas compliquer la situation - mais je fais la remarque quand même ! - je le retire.
M. Jean-Patrick Courtois. Ah !
M. Michel Charasse. On ne va pas voter sur une disposition qui n'a pas de support !
En ce qui concerne l'amendement n° 110, je veux bien me ranger aux arguments du rapporteur. Selon lui, c'est une mauvaise chose de faire une énumération, car on risque toujours d'oublier des prérogatives. Il prend toutefois la précaution d'ajouter que la liste sera précisée, complétée, le cas échéant, par une loi organique. Je ferai remarquer qu'il prend une position contraire à celle de Mme le ministre, qui approuve quand même l'amendement n° 31 de M. Garrec. Mais peu importe !
Quant à la référence au scrutin de 1999, je pense, madame Girardin, que vous voulez parler de la Nouvelle-Calédonie. On peut avoir du remords, madame ! Voilà tout ce que je voulais dire, sans être désagréable à l'égard de personne.
Cela dit, je retire mon amendement et mon sous-amendement, comme cela vous êtes contents ! (Oui ! sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Monsieur Charasse, si vous l'aviez fait tout de suite, on aurait gagné un peu de temps ! Cela étant, je vous remercie de vos explications.
Le sous-amendement n° 114 et l'amendement n° 110 sont retirés.
M. Michel Charasse. J'aurais même pu le faire dans les couloirs ! Cela va encore plus vite ! (Sourires.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 31.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 63, présenté par M. Flosse, est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi le cinquième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 74 de la Constitution :
« "- les principes que doit suivre la collectivité pour l'organisation et le fonctionnement de ses institutions ainsi que le régime électoral de son assemblée délibérante ;" »
La parole est à M. Gaston Flosse.
M. Gaston Flosse. Le statut d'autonomie confère à la Polynésie française, sur le plan interne, des compétences très larges. De ce fait, il convient d'adopter des dispositions visant à faciliter le fonctionnement de ses institutions. Or la jurisprudence constitutionnelle interprète restrictivement la notion de règles dans le domaine de l'organisation des institutions locales.
Nous demandons donc que la loi organique fixe seulement les règles principales et non le détail du fonctionnement des institutions. En revanche, il va de soi que le régime électoral devra être précisé par la loi organique. Tel est l'objet du présent amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. René Garrec, rapporteur. Si la loi organique statutaire n'a pas à définir jusque dans le détail les règles d'organisation et de fonctionnement de la collectivité, elle ne saurait se limiter à en fixer les principes directeurs. En matière d'organisation et de fonctionnement institutionnels, la notion de « principes » n'a d'ailleurs pas de véritable signification ! Il conviendra donc, lors de l'examen du projet de loi organique statutaire, de faire le départ entre l'essentiel et l'accessoire.
En outre, il ne paraîtrait pas justifié d'admettre une telle possibilité en faveur de la Polynésie française alors qu'elle ne serait pas offerte à la Nouvelle-Calédonie, qui bénéficie pourtant d'une autonomie encore plus poussée.
La commission souhaite donc le retrait de cet amendement. Sinon, elle émettrait un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Flosse, répondez-vous à la demande de M. le rapporteur ?
M. Gaston Flosse. Oui, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 63 est retiré.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 64, présenté par M. Flosse, est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi le septième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 74 de la Constitution :
« "Les collectivités dotées de l'autonomie se gouvernent librement et démocratiquement. La loi organique détermine les conditions dans lesquelles :". »
L'amendement n° 32, présenté par M. Garrec, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Au septième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 74 de la Constitution, remplacer les mots : "détermine également" par les mots : "peut également déterminer". »
La parole est à M. Gaston Flosse, pour défendre l'amendement n° 64.
M. Gaston Flosse. Cette rédaction, adoptée par le constituant en 1999, traduisait la volonté de ce dernier de faire bénéficier la Polynésie française d'une avancée statutaire correspondant aux aspirations de la grande majorité des Polynésiens.
Afin, d'une part, de souligner l'évolution statutaire que vont accomplir ces collectivités locales et, d'autre part, de mettre en adéquation les principes juridiques fondamentaux et leur système institutionnel, il est proposé d'inscrire dans la loi fondamentale la notion de gouvernement libre et démocratique.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 32 et pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 64.
M. René Garrec, rapporteur. Cet amendement tend à rendre le cadre constitutionnel consacré aux collectivités d'outre-mer le plus souple possible pour permettre l'aménagement de statuts « à la carte ». Il ne faut pas imposer à une collectivité, même dotée de l'autonomie, certaines dispositions qui ne correspondraient ni à ses besoins ni à ses souhaits. Je pense, par exemple, aux mesures de discrimination positive en faveur de sa population autochtone.
S'agissant de l'amendement n° 64, bien que l'expression « se gouverner librement et démocratiquement » ait été retenue dans le projet de loi constitutionnelle de 1999, le verbe « se gouverner » est intimement lié à la notion d'Etat, les collectivités ne pouvant que « s'administrer ». Ce vocabulaire paraît antinomique de la notion de collectivité territoriale, fût-elle dotée de l'autonomie.
La commission souhaite donc le retrait de cet amendement, sinon elle émettrait un avis défavorable.
M. le président. M. Gaston Flosse, accédez-vous à la demande de M. Garrec ?
M. Gaston Flosse. Je souhaite entendre préalablement l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
Mme Brigitte Girardin, ministre. Le Gouvernement souhaite le retrait de l'amendement n° 64.
Monsieur le président du gouvernement de la Polynésie française, ce territoire a évidemment vocation à bénéficier, le premier, de ces nouvelles dispositions de la Constitution sur l'autonomie.
Ce terme d'« autonomie », qui figurait dans l'article 77 d'origine de la Constitution pour les Etats de la Communauté, y retrouve donc sa place. Il ne figurait jusqu'ici que dans la loi organique statutaire de la Polynésie de 1996.
La notion de libre gouvernement est, à nos yeux, synonyme de celle d'autonomie. L'autonomie implique que soit reconnue à la collectivité qui en bénéficie une marge de manoeuvre et d'appréciation, et un espace de décision beaucoup plus important que ceux qui sont dévolus à une simple autorité administrative. La notion de libre gouvernement pourra donc être inscrite dans la loi organique statutaire sans qu'il soit nécessaire de l'inscrire dans la Constitution. C'est ce que fera le Gouvernement ; j'en prends l'engagement aujourd'hui devant vous, monsieur le président du gouvernement de la Polynésie. Vous aurez pleinement satisfaction dans le projet de loi organique sur lequel nous avons, d'ailleurs, commencé déjà à travailler.
Je vous serais donc reconnaissante de retirer votre amendement.
Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 32, qui permet au législateur organique de moduler les différentes composantes de l'autonomie en les rendant optionnelles, alors que la rédaction initiale du projet conduisait à rendre obligatoire l'ensemble des dispositions en cause.
M. le président. Maintenez-vous votre amendement, monsieur Flosse ?
M. Gaston Flosse. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 64 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 32.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 237, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le huitième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 74 de la Constitution :
« "- le Conseil d'Etat exerce un contrôle juridictionnel spécifique sur certaines catégories d'actes de l'assemblée délibérante intervenant au titre des compétences qu'elle exerce dans le domaine de la loi ;". »
L'amendement n° 33, présenté par M. Garrec, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Au huitième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 74 de la Constitution, après les mots : "contrôle juridictionnel spécifique", insérer les mots : "devant le Conseil constitutionnel ou devant le Conseil d'Etat". »
Le sous-amendement n° 247, présenté par M. Charasse, est ainsi libellé :
« Dans le texte proposé par l'amendement n° 33, supprimer les mots : "devant le Conseil constitutionnel ou". »
L'amendement n° 65, présenté par M. Flosse, est ainsi libellé :
« Au huitième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 74 de la Constitution, remplacer les mots : "intervenant au titre des compétences qu'elle exerce" par les mots : "ayant le caractère de lois du pays, lorsque l'assemblée délibérante intervient". »
La parole est à Mme la ministre, pour défendre l'amendement n° 237.
Mme Brigitte Girardin ministre. Le Gouvernement souhaite que le contrôle juridictionnel spécifique des actes de l'assemblée délibérante d'une collectivité d'outre-mer dotée de l'autonomie intervenant dans le domaine de la loi puisse être exercé par le Conseil d'Etat statuant en premier et dernier ressort. Tel est l'objet de l'amendement n° 237.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 33.
M. René Garrec, rapporteur. Cet amendement précise que le contrôle juridictionnel auquel pourront être soumis certains actes pris par la collectivité dans des matières qui, en métropole, relèvent du domaine de la loi sera, selon le cas, organisé devant le Conseil d'Etat ou devant le Conseil constitutionnel.
L'article 77 de la Constitution visant expressément le Conseil constitutionnel comme étant compétent pour exercer un contrôle a priori sur les lois du pays calédoniennes, l'absence de cette mention dans l'article 74 aurait conduit à rendre impossible cette éventualité pour les collectivités d'outre-mer.
Lors de sa réunion du 29 octobre, la commission a décidé de se rallier à l'amendement n° 237 présenté par le Gouvernement, en estimant que les actes pris par l'assemblée délibérante de la collectivité dans des matières relevant en métropole du domaine de la loi demeurent des actes de nature réglementaire, ce qui prédispose le Conseil d'Etat à en être le juge naturel.
M. Michel Charasse. Très bien !
M. René Garrec, rapporteur. La commission retire donc son amendement n° 33 au profit de celui du Gouvernement.
M. le président. L'amendement n° 33 est retiré.
En conséquence, le sous-amendement n° 247 n'a plus d'objet.
M. Michel Charasse. Il est satisfait, monsieur le président !
M. le président. La parole est à M. Gaston Flosse, pour défendre l'amendement n° 65.
M. Gaston Flosse. Compte tenu des larges compétences dont dispose la Polynésie française, il convient de permettre que les actes de l'assemblée délibérante qui interviennent dans les matières de l'article 34 et qui font l'objet d'un contrôle juridictionnel spécifique soient qualifiés de lois du pays afin de les distinguer des actes adoptés par cette même institution qui demeurent de nature réglementaire.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 65 ?
M. René Garrec, rapporteur. L'expression de « lois du pays », retenue dans le projet de loi constitutionnelle de 1999, trouve son origine dans l'accord de Nouméa et a été consacrée dans la loi statutaire de la Nouvelle-Calédonie mais pas dans la Constitution, puisque l'article 77 fait seulement référence à « certaines catégories d'actes ».
Par ailleurs, dans la Constitution, le mot « loi » n'est utilisé que pour désigner les actes pris par le Parlement.
En outre, dans le nouvel article 74 fixant le cadre constitutionnel de l'ensemble des collectivités d'outre-mer, dont la Polynésie française, il n'est plus question de « pays d'outre-mer » : l'expression « lois du pays » n'a donc plus de justification.
Je demande par conséquent à notre collègue de retirer son amendement, sinon la commission émettrait un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Flosse, votre amendement est-il maintenu ?
M. Gaston Flosse. Je souhaite entendre l'avis du Gouvernement, monsieur le président.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
Mme Brigitte Girardin, ministre. Il ne nous paraît pas nécessaire de fixer d'ores et déjà dans la Constitution la dénomination des actes que pourra prendre la Polynésie française dans le domaine de la loi. C'est le législateur organique qui y pourvoira. Il pourra naturellement retenir, comme vous le souhaitez, le terme de « loi du pays ».
La loi organique définira également la portée du contrôle juridictionnel spécifique dont ces actes seront justiciables devant le Conseil d'Etat, ce qui leur conférera une valeur supérieure aux actes administratifs ordinaires.
Je souhaite donc que M. le président du gouvernement de la Polynésie française puisse retirer son amendement. Je l'assure que ses préoccupations seront couvertes dans la loi organique.
M. le président. Monsieur Flosse, acceptez-vous de retirer votre amendement ?
M. Gaston Flosse. Avec plaisir !
M. le président. L'amendement n° 65 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 237.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 111, présenté par M. Charasse, est ainsi libellé :
« Au neuvième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 74 de la Constitution, remplacer les mots : "le Conseil constitutionnel" par les mots : "le Conseil d'Etat". »
L'amendement n° 66 rectifié, présenté par M. Flosse, est ainsi libellé :
« Au neuvième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 74 de la Constitution, après les mots : "Conseil constitutionnel", insérer les mots : "saisi notamment par les autorités de la collectivité". »
La parole est à M. Michel Charasse, pour défendre l'amendement n° 111.
M. Michel Charasse. Le débat est presque le même que celui que nous venons d'avoir sur l'amendement n° 237 du Gouvernement, qui a pour objet de confier le contentieux au Conseil d'Etat et qui a été adopté avec l'accord de la commission des lois, laquelle a retiré son propre amendement.
Le neuvième alinéa du texte proposé par l'article 9 du projet de loi pour l'article 74 de la Constitution confierait le soin au Conseil constitutionnel d'intervenir lorsque l'assemblée délibérante modifie une loi promulguée postérieurement à l'entrée en vigueur du statut de la collectivité.
En encombrant le Conseil constitutionnel de compétences secondaires mais accaparantes, intéressant le fonctionnement de collectivités d'outre-mer, le constituant risque d'affaiblir l'aptitude du Conseil à faire face, dans les brefs délais qui lui sont impartis, et avec l'efficacité indispensable, à des tâches beaucoup plus essentielles, à savoir le contrôle de la constitutionnalité des lois organiques, des traités, des lois ordinaires nationales et des règlements des assemblées parlementaires, sans oublier l'élection présidentielle et les contentieux électoraux.
Une telle surcharge serait d'autant plus malvenue que le Conseil constitutionnel n'est pas véritablement armé pour examiner des contentieux concernant des délibérations d'assemblées locales. Or M. Garrec vient de dire, très justement, que ces délibérations sont des actes administratifs. Il a proposé de se rallier à l'amendement présenté par le Gouvernement puisqu'il lui semblait - et il a siégé longtemps au Conseil d'Etat - que cela relevait, par nature, du Conseil d'Etat.
Par conséquent, il ne me paraît pas raisonnable de maintenir le Conseil constitutionnel à cet alinéa : il vaudrait mieux le remplacer par le Conseil d'Etat. C'est lui qui examine habituellement le contentieux de toutes les délibérations locales.
J'ajoute que le Conseil d'Etat a reçu, par l'article 37 de la Constitution, un pouvoir de déclassement des lois antérieures à la Constitution de 1958 : lorsqu'elles se trouvaient, après 1958, dans le domaine réglementaire, elles pouvaient être déclassées par le Conseil d'Etat.
Il y a là une pratique, une habitude et un savoir-faire qui permettent d'éviter d'encombrer le Conseil constitutionnel avec un domaine qui n'est vraiment pas le sien. C'est pourquoi je propose, par l'amendement n° 111, de remplacer les mots : « le Conseil constitutionnel » par les mots : « le Conseil d'Etat », comme l'a fait le Gouvernement tout à l'heure.
M. le président. La parole est à M. Gaston Flosse, pour présenter l'amendement n° 66 rectifié.
M. Gaston Flosse. Le neuvième alinéa du texte proposé par l'article 9 du projet de loi pour l'article 74 de la Constitution prévoit un mécanisme de délégalisation des lois intervenues postérieurement à l'entrée en vigueur du statut, afin de garantir la sécurité juridique de l'ordre normatif des collectivités d'outre-mer. Ainsi, les assemblées délibérantes pourraient modifier une loi qui serait intervenue dans le domaine de compétence qui leur est réservé, à condition que le Conseil constitutionnel l'ait préalablement constaté.
Par cet amendement, nous vous proposons de préciser cette possibilité, tout en laissant à la loi organique le soin de définir les institutions qui seront habilitées à exercer ce droit et les conditions dans lesquelles il s'exercera.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 111 ?
M. René Garrec. rapporteur. Nous tombons-là dans le domaine du ciseau de dentellière, mon cher collègue, et de la subtilité. Tout à l'heure, j'étais d'accord avec votre analyse.
M. Michel Charasse. C'est la même !
M. René Garrec, rapporteur. Non, c'est la loi qui s'immisce dans la réglementation de la collectivité. S'agissant d'une disposition législative qu'il faut déclasser pour permettre à la collectivité d'outre-mer de retrouver sa compétence, il paraît logique de prévoir l'intervention du Conseil constitutionnel dans ce cas précis, comme cela résulte du deuxième alinéa de l'article 37 relatif au partage du domaine de la loi et du règlement.
M. Michel Charasse. Le Conseil d'Etat l'a fait dans le cadre de l'article 37 !
M. René Garrec, rapporteur. C'est la loi qui s'immisce dans le domaine du règlement et c'est donc le Conseil constitutionnel qui est compétent.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Brigitte Girardin, ministre. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Il estime, en effet, que s'agissant de la contestation d'une loi votée par le Parlement, qui est intervenue en dehors du champ de compétence qui lui est attribué par la Constitution et la loi organique, c'est le Conseil constitutionnel qui est la bonne juridiction.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 66 rectifié ?
M. René Garrec, rapporteur. Le texte initial de cet amendement avait pour conséquence de réserver le droit de saisine du Conseil constitutionnel aux seules autorités de la collectivité. Cette exclusivité, ainsi que la considération selon laquelle la désignation des titulaires du droit de saisine pour la mise en oeuvre de la procédure de déclassement relève de la loi organique, avaient conduit la commission à donner un avis défavorable sur l'amendement n° 66.
La commission ne s'étant pas prononcée sur la rectification consistant à introduire l'adverbe « notamment », elle s'en remet à la sagesse du Sénat sur cet amendement n° 66 rectifié.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Brigitte Girardin, ministre. Favorable.
M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote sur l'amendement n° 111.
M. Michel Charasse. Si je comprends bien, pour les lois antérieures à 1958, modifiées par décret, c'est le Conseil d'Etat qui est compétent. Mais pour une loi modifiée par une délibération d'une assemblée locale, c'est le Conseil constitutionnel qui devra être saisi. Plus cela baisse, plus cela monte ! (Sourires.) Or le Conseil constitutionnel n'est pas vraiment armé pour cela.
En outre, étant donné que le Gouvernement a accepté l'amendement n° 66 rectifié de M. Flosse pour que le Conseil constitutionnel puisse être saisi par les autorités locales, cela veut dire que le Conseil constitutionnel peut être saisi tous les jours de dix questions portant sur dix lois ou dix parties de loi auxquelles il devra répondre, tout en réglant, dans le même temps, les contentieux électoraux et tout le reste ! D'autant, monsieur Garrec, qu'on ne modifie pas les délais de réponse du Conseil constitutionnel tels qu'ils figurent actuellement dans la Constitution : c'est un mois ou huit jours. En fin d'année, le Conseil constitutionnel doit se prononcer en même temps sur les lois de finances et sur bien d'autres textes. S'il doit, en plus, examiner dix-sept demandes d'une assemblée locale... (M. Gaston Flosse s'exclame.) Permettez, mon cher collègue ! Je vous dis simplement que le Conseil d'Etat est mieux armé pour faire face à ce genre de chose que le Conseil constitutionnel.
Maintenir au Conseil d'Etat, le droit de se prononcer sur les lois antérieures à 1958 modifiées par décret, mais lui interdire de le faire lorsqu'il s'agit de lois modifiées par de simples délibérations d'assemblées locales en laissant au Conseil constitutionnel le soin de le faire, cela veut dire, je le répète, que plus cela baisse et plus cela monte. Je maintiens donc mon amendement.
M. le président. La parole est à M. le vice-président de la commission.
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Je souhaite simplement rappeler à M. Charasse que, aux termes du deuxième alinéa de l'article 37 de la Constitution lorsqu'une loi est modifiée par la voie réglementaire, c'est le Conseil constitutionnel qui est compétent. C'est exactement de même nature !
M. Michel Charasse. Non !
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission. Par conséquent, l'argumentation qui vient d'être développée n'est pas pertinente.
M. Michel Charasse. Pas pour les lois antérieures à 1958 !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 111.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 66 rectifié.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 112, présenté par M. Charasse, est ainsi libellé :
« Au début du dixième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 74 de la Constitution, ajouter les mots : "Sous réserve des dispositions de l'article 1er,". »
La parole est à M. Michel Charasse.
M. Michel Charasse. Le dixième alinéa de l'article 9 s'inspire manifestement de ce qui a été fait, au titre XIII, en faveur de la Nouvelle-Calédonie. Les dispositions insérées sous le titre XIII permettent, en effet, à la Nouvelle-Calédonie de réglementer certaines matières en s'affranchissant des principes fondamentaux de la République, notamment le principe d'égalité des citoyens et le principe de non-discrimination.
Ces dispositions sont, à l'évidence, exceptionnelles et ne dérogent aux principes sacrés de la République qu'à titre provisoire et transitoire, puisque la Nouvelle-Calédonie doit prochainement accéder à l'indépendance si sa population le souhaite.
Ces règles exceptionnelles, qui remettent en cause des principes intangibles et sacrés, ne sauraient être généralisées outre-mer, sauf à admettre que l'outre-mer n'appartient plus à la République. Il y a des moments où on se le demande !
Il est donc proposé de préciser que les mesures « justifiées par les nécessités locales » devront respecter les principes définis à l'article 1er de la Constitution.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. René Garrec, rapporteur. L'alinéa que l'amendement propose de modifier tend, précisément, à permettre de déroger au principe d'égalité. La réserve de l'article 1er de la Constitution entre donc en contradiction avec le dispositif.
La commission est, par conséquent, défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Brigitte Girardin ministre. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement, qui ne lui paraît pas utile.
Il va de soi que le statut des collectivités d'outre-mer de l'article 74 et qui succéderont aux territoires d'outre-mer s'inscrit pleinement dans le cadre de la Constitution, donc des principes fondamentaux contenus dans son article 1er tels que l'égalité des citoyens devant la loi ou l'indivisibilité de la République.
M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.
M. Michel Charasse. Ce que je veux dire est très clair : plus de souveraineté nationale, puisque localement on fait ce que l'on veut ; plus de principe d'égalité. Mais rassurez-moi, madame la ministre : la République est toujours là quand cela va mal ! Vous voyez ce que je veux dire et je n'insiste donc pas ! Par conséquent, il n'y a plus rien, sauf la République, quand cela va mal.
Je maintiens l'amendement n° 112, parce que je défendrai la République jusqu'au bout ! (M. Gaston Flosse s'exclame.) On est bon pour payer !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 112.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 67, présenté par M. Flosse, est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi l'avant-dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 74 de la Constitution :
« Les collectivités peuvent participer, sous le contrôle de l'Etat, à l'exercice des compétences qu'il conserve, dans le respect des garanties accordées sur l'ensemble du territoire national pour l'exercice des libertés publiques. »
Le sous-amendement n° 240, présenté par M. Garrec, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Au début du texte proposé par l'amendement n° 67 pour l'avant-dernier alinéa de l'article 74 de la Constitution, remplacer les mots : "les collectivités peuvent" par les mots : "la collectivité peut". »
L'amendement n° 113, présenté par M. Charasse, est ainsi libellé :
« Dans le onzième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 74 de la Constitution, après les mots : "qu'il conserve", insérer les mots : "autres que celles relevant, par nature et par nécessité, de la souveraineté nationale, et". »
La parole est à M. Gaston Flosse, pour défendre l'amendement n° 67.
M. Gaston Flosse. Le dispositif prévu par le onzième alinéa est destiné à renforcer l'exercice des compétences des collectivités d'outre-mer dotées de l'autonomie, en l'occurrence de la Polynésie française. Fréquemment, en effet, les compétences des collectivités sont limitées par celles de l'Etat en raison de l'imbrication des matières.
Cette intervention du territoire dans la sphère de compétence de l'Etat se révèle également nécessaire lorsqu'il s'agit de prendre des mesures limitées, afin d'assurer la cohérence et la bonne exécution de la réglementation territoriale.
Pour résoudre les problèmes ci-dessus mentionnés et garantir ainsi le plein exercice de l'autonomie du territoire, il est proposé de substituer le terme « participer » à celui d'« associer ». Ce terme permet de garantir plus clairement une réelle participation de la collectivité dans les domaines susvisés au quatrième alinéa. L'Etat conserve, bien évidemment, le contrôle de cette participation puisqu'il lui revient, d'une part, de décider des transferts qui sont possibles et, d'autre part, de surveiller leur correcte utilisation.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter le sous-amendement n° 240 et pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 67.
M. René Garrec, rapporteur. La commission est favorable à l'amendement n° 67 de notre collègue Gaston Flosse à condition qu'il soit modifié par le sous-amendement qu'elle présente.
La notion de participation paraît plus dynamique et ouvre la possibilité à des collectivités de proposer à l'Etat sa participation à l'exercice de certaines compétences. Il convient simplement de viser « la collectivité » et non « les collectivités », car la loi organique statutaire sera prise pour chaque collectivité.
M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour présenter l'amendement n° 113.
M. Michel Charasse. Je le retire, monsieur le président, puisqu'un amendement analogue a été repoussé il y a dix minutes. Mais je maintiens quand même mon point de vue !
M. le président. L'amendement n° 113 est retiré.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Brigitte Girardin, ministre. Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 67 et au sous-amendement n° 240.
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 240.

(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 67, modifié.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 9, modifié.
M. Michel Charasse. Je vote contre.
M. Robert Bret. Le groupe CRC s'abstient.

(L'article 9 est adopté.)
M. le président. Nous avons achevé l'examen de l'article 9, appelé par priorité.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'article 8.

Article 8



M. le président.
« Art. 8. - L'article 73 de la Constitution est ainsi rédigé :
« Art. 73 . - Dans les départements et les régions d'outre-mer, les lois et règlements sont applicables de plein droit, sous réserve d'adaptations tenant à leurs caractéristiques et contraintes particulières.
« Ces adaptations peuvent être décidées par ces collectivités dans les matières où s'exercent leurs compétences et si elles y ont été habilitées par la loi.
« Par dérogation au premier alinéa et pour tenir compte de leurs spécificités, les collectivités régies par le présent article peuvent, sous les réserves prévues au quatrième alinéa de l'article 74, être habilitées à fixer elles-mêmes les règles applicables sur leur territoire, y compris dans certaines matières relevant du domaine de la loi.
« Les habilitations prévues aux alinéas précédents sont décidées, à la demande de la collectivité concernée, dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique.
« La création par la loi d'une collectivité se substituant à un département et une région d'outre-mer ou l'institution d'une assemblée délibérante unique pour ces deux collectivités ne peut intervenir sans qu'ait été recueilli, selon les formes prévues au deuxième alinéa de l'article 72-3, le consentement des électeurs inscrits dans le ressort de ces collectivités. »
La parole est à M. Dominique Larifla, sur l'article.
M. Dominique Larifla. Monsieur le président, madame, monsieur le ministre, mes chers collègues, le présent article 8, tout en le réaffirmant, en son premier alinéa, introduit des assouplissements au principe d'identité législative et, dans le même temps, prévoit, en son dernier alinéa, deux possibilités d'évolution en matière d'organisation administrative. Ainsi est-il opéré une décentralisation du pouvoir d'adaptation.
Jusque-là, la consultation des départements d'outre-mer en matière d'adaptation est largement restée lettre morte. A titre d'exemple, l'article 1er du décret d'avril 1960, qui prévoyait une consultation des départements sur les projets et décrets tendant à adapter la législation ou l'organisation administrative des départements, s'est constamment appliqué dans des délais assez courts pour que ces collectivités soient rarement en mesure de rendre leur avis.
Certes, de nouvelles dispositions seraient garanties par la Constitution, mais il ne faudrait pas qu'elles restent sur le plan des principes : nous veillerons à ce qu'elles se traduisent par une application effective.
S'agissant du pouvoir d'adaptation lui-même, le texte présente une rédaction qui permet de présager des divergences d'appréciation et, par conséquent, des recours réguliers à l'arbitrage du juge constitutionnel.
Dans sa rédaction actuelle, l'article 73 fait référence à la « situation particulière », des départements d'outre-mer. Or on connaît malheureusement l'interprétation restrictive du Conseil constitutionnel en cette matière.
Aussi je salue l'amendement de la commission des lois, laquelle, dans sa grande sagesse, a jugé bon de préciser les matières dans lesquelles peut s'exercer cette compétence.
Enfin, le dernier alinéa de l'article 8 prévoit dans quelles conditions peuvent avoir lieu les changements d'organisation administrative. Comme je le disais précédemment, on ne pouvait envisager une telle évolution sans que les électeurs s'expriment. Ainsi, cet ultime alinéa, essentiellement procédural, introduit le principe fondamental de la consultation des électeurs.
C'est pourquoi, dans un souci de cohérence, il serait bon que ce même article, qui prévoit expressément la possibilité de substituer une collectivité à un département et une région d'outre-mer, place, dans la Constitution, cette nouvelle collectivité sur le même plan que celles auxquelles elle se substitue.
M. le président. La parole est à M. Claude Lise, sur l'article.
M. Claude Lise. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'article 73 est censé remplir une fonction tout à fait essentielle : c'est lui qui doit permettre de répondre à la nécessité, très largement reconnue, semble-t-il, de tenir compte des réalités particulières des départements d'outre-mer et, plus important encore, de tenir compte des aspirations des populations de ces départements.
Cet article peut, en revanche, se révéler, comme l'actuel article 73, inadapté à la vocation qu'on lui assigne. Il peut, c'est vrai, donner l'impression d'ouvrir de très larges perspectives. Cependant, nous le savons tous, quelles que soient les intentions affichées par le Gouvernement - voire les engagements que celui-ci pourrait prendre - le Conseil constitutionnel donnera, en toute indépendance, le moment venu, son interprétation de l'article 73, chaque fois qu'il sera amené à examiner les lois organiques prévues par ce même article. Et nous avons une certaine expérience en la matière !
Je voudrais rappeler, s'agissant de l'actuel article 73, que le général de Gaulle, qui l'avait fait inscrire dans la Constitution, considérait qu'il avait une très grande portée pour les départements d'outre-mer.
Dans un message adressé aux Antillais et aux Guyanais pour leur demander de voter « oui » au référendum portant sur le projet de Constitution de 1958, il disait ceci : « A l'intérieur des nouvelles institutions que les Français vont se donner, les élus des départements français d'Amérique devront pouvoir participer à l'adaptation de nos lois aux nécessités locales. » Vous entendez bien : « A l'adaptation de nos lois aux nécessités locales » !
Et André Malraux, envoyé en mission aux Antilles, pouvait dire, s'adressant à Aimé Césaire : « A vous, Martiniquais, nous promettons des franchises qui dépassent vos franchises traditionnelles. »
Aimé Césaire prit acte de ce qu'il considéra comme des engagements et il fit voter « oui », revenant sur sa position, qui, fondée sur la méfiance que lui inspirait le fameux article 73, avait été initialement négative.
On connaît la suite, notamment les interprétations systématiquement restrictives données par le Conseil constitutionnel.
Il ne faudrait pas que l'histoire se répète ! Nous devons donc être très attentifs à la rédaction de l'article, notamment à celle de son premier alinéa. C'est la raison pour laquelle j'ai déposé un amendement tendant à reprendre, non pas partiellement, mais complètement la formulation de l'article 299-2 du traité d'Amsterdam, auquel l'exposé des motifs se réfère.
Il nous faut être tout aussi attentifs aux dispositions prévues par les autres alinéas. A priori , ce que l'on y trouve correspond, en grande partie, à ce qu'ont souhaité, de façon très majoritaire, les élus, réunis en congrès, en Guadeloupe, Guyane et Martinique.
Cependant, l'obtention, par les collectivités locales, d'un pouvoir d'adaptation ou d'un pouvoir réglementaire suppose une habilitation par le Parlement dans un champ préalablement défini par une loi organique ; elle est donc fonction de la mise en oeuvre d'une procédure complexe, à l'issue toujours incertaine, et, nous l'avons déjà dit, étroitement contrôlée par le Conseil constitutionnel.
De surcroît, un amendement de la commission des lois tend à bien préciser que le pouvoir réglementaire ne doit s'appliquer que « dans un nombre limité de matières relevant du domaine de la loi ». S'il est adopté, cet amendement va encore réduire un peu plus la portée du dispositif. Tout cela a de quoi rendre plutôt sceptique sur la portée réelle de ce que l'on nous propose et ne saurait trop tempérer l'optimisme dont certains font preuve !
Par ailleurs, une incertitude plane sur la nature de la collectivité qui peut se substituer au département et à la région et qui peut faire cesser le système de région mono-départementale actuel. Peut-on la considérer comme une collectivité à statut particulier, pouvant disposer de compétences plus larges que celles des deux collectivités qu'elle remplace ainsi que d'une organisation particulière ? Il serait quand même curieux que, en la matière, on puisse considérer comme anormal pour les départements d'outre-mer ce qui est normal pour la Corse !
J'en arrive à me demander si le degré de spécificité et la force de l'identité se mesurent au niveau de violence constaté dans un territoire... On peut réellement se poser la question !
Cet article 73 soulève un autre problème. Comme je l'ai déjà souligné, il ne fait aucune place à l'initiative locale au début d'une procédure d'évolution institutionnelle tendant à créer une assemblée unique ou une collectivité unique nouvelle. J'ai donc déposé un amendement qui vise à reconnaître un tel pouvoir d'initiative aux élus des deux assemblées locales. Ce pouvoir leur avait, d'ailleurs, déjà été reconnu par la loi d'orientation pour l'outre-mer.
Cela dit, je tiens à souligner de nouveau un élément très positif : l'inscription, dans la Constitution, de la possibilité, pour les seules populations concernées, de se prononcer sur tout changement institutionnel notable. Je m'étais beaucoup battu pour faire inscrire un tel dispositif dans la loi d'orientation. Je signale, au passage, que ma proposition avait été combattue par plus de quatre-vingts de nos collègues dont il est inutile de préciser l'appartenance politique : ils se reconnaîtront...
Je me félicite d'autant plus de cette inscription, aujourd'hui, dans la Constitution, que la disposition apporte des garanties supplémentaires aux citoyens concernés, dans les conditions que le Sénat a examinées précédemment.
Je déplore, toutefois, que les procédures prévues par le présent dispositif ne permettent plus aux populations de se prononcer sur un projet global. Il est prévu de les consulter uniquement sur des cadres institutionnels dont elles découvriront le contenu par la suite, ou bien sur une mesure qu'elles n'auront pas demandée, à savoir la transformation en territoires d'outre-mer. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.) M. le président. Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 26, présenté par M. Garrec, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 73 de la Constitution :
« Dans les départements et les régions d'outre-mer, les lois et règlements sont applicables de plein droit. Ils peuvent faire l'objet d'adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités. »
Le sous-amendement n° 270, présenté par MM. Lise, Peyronnet, Bel, Charasse et Courteau, Mme Durrieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche, Marc, Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe socialiste et rattachée, est ainsi libellé :
« Dans la seconde phrase du texte proposé par l'amendement n° 26 pour le premier alinéa de l'article 73 de la Constitution, remplacer les mots : "tenant aux" par les mots : "et de mesures spécifiques nécessitées par les". »
L'amendement n° 117, présenté par MM. Larifla, Othily et Désiré, est ainsi libellé :
« Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 73 de la Constitution, après les mots : "et les régions d'outre-mer,", insérer les mots : "et dans les collectivités territoriales qui se substitueraient aux uns et aux autres,". »
L'amendement n° 159 rectifié, présenté par MM. Lise, Peyronnet, Bel, Charasse et Courteau, Mme Durrieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche, Marc, Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe socialiste et rattachée, est ainsi libellé :
« Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 73 de la Constitution, remplacer les mots : "sous réserve d'adaptations tenant à" par les mots : "sous réserve d'adaptations et de mesures spécifiques nécessitées par". »
La parole à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 26.
M. René Garrec, rapporteur. Cet amendement tend à supprimer une ambiguïté dans la mesure où la rédaction du projet de loi semble subordonner l'application des lois et règlements à des adaptations. C'est la raison pour laquelle il convient de préciser que « les lois et règlements sont applicables de plein droit », nonobstant les possibilités d'adaptations « tenant aux caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités ».
M. le président. La parole est à M. Claude Lise, pour défendre le sous-amendement n° 270.
M. Claude Lise. Il s'agit de reprendre, comme je l'avais annoncé tout à l'heure, complètement et non pas seulement partiellement, la formulation de l'article 299-2 du traité d'Amsterdam.
En effet, ce que l'on a retenu, dans la rédaction de cet article, c'est-à-dire les termes « caractéristiques et contraintes particulières », en lieu et place des « situations particulières », n'est pas ce qui donne le plus de portée à l'article 73.
L'article 299-2 du traité d'Amsterdam prévoit que le Conseil « arrête les mesures visées au deuxième alinéa » - alinéa qui renvoie aux « mesures spécifiques » - « en tenant compte des caractéristiques et contraintes particulières des régions ultrapériphériques ».
Cette formulation me paraît bien meilleure si l'on veut vraiment faire en sorte que le Conseil constitutionnel ne se sente pas fondé à interpréter le nouvel article 73 comme il a malheureusement toujours interprété le précédent, c'est-à-dire de façon extrêmement restrictive.
M. le président. La parole est à M. Dominique Larifla, pour défendre l'amendement n° 117.
M. Dominique Larifla. Cet amendement vise à préciser le régime législatif de la collectivité territoriale unique, créé en application du dernier alinéa de l'article 73 de la Constitution, en levant toute ambiguïté qui pourrait subsister de la rédaction actuelle du projet de loi.
M. le président. La parole est M. Claude Lise, pour défendre l'amendement n° 159 rectifié.
M. Claude Lise. J'ai défendu cet amendement de repli en présentant tout à l'heure le sous-amendement n° 270, monsieur le président.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. René Garrec, rapporteur. La rédaction du sous-amendement n° 270 est lourde et n'apporte rien par rapport au texte du projet de loi. C'est pourquoi la commission a émis un avis défavorable, ainsi que sur l'amendement n° 159 rectifié des mêmes auteurs.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Brigitte Girardin, ministre. Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 26.
En revanche, le Gouvernement est défavorable au sous-amendement n° 270, car il considère que les mesures sont incluses dans les adaptations : on ne peut adapter sans prendre de mesures !
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 270.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 26.

(L'amendement est adopté.).
M. le président. En conséquence, les amendements n°s 117 et 159 rectifié n'ont plus d'objet.
L'amendement n° 160 rectifié, présenté par MM. Lise, Peyronnet, Bel, Charasse et Courteau, Mme Durrieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche, Marc, Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe socialiste et rattachée, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le début du deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 73 de la Constitution :
« Ces adaptations et mesures spécifiques nécessitées par leurs caractéristiques et contraintes particulières peuvent... »
Cet amendement est également sans objet, compte tenu du vote intervenu précédemment.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 27, présenté par M. Garrec, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Remplacer le troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 73 de la Constitution par deux alinéas ainsi rédigés :
« Par dérogation au premier alinéa et pour tenir compte de leurs spécificités, les collectivités régies par le présent article peuvent être habilitées par la loi à fixer elles-mêmes les règles applicables sur leur territoire, dans un nombre limité de matières relevant du domaine de la loi.
« Ces règles ne peuvent porter sur la nationalité, les droits civiques, les garanties des libertés publiques, l'état et la capacité des personnes, l'organisation de la justice, le droit pénal, la procédure pénale, la politique étrangère, la défense, la sécurité et l'ordre publics, la monnaie, le crédit et les changes, ainsi que le droit électoral. Cette énumération pourra être précisée et complétée par une loi organique. »
Le sous-amendement n° 236, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Dans le premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 27 pour remplacer le troisième alinéa de l'article 73 de la Constitution, remplacer le mot : "relevant" par les mots : "pouvant relever". »
Le sous-amendement n° 107, présenté par M. Charasse, est ainsi libellé :
« Après les mots : "Ces règles ne peuvent porter sur", rédiger comme suit la fin de la première phrase du second alinéa du texte proposé par l'amendement n° 27 : "les matières qui, par nature et par nécessité, relèvent de la souveraineté nationale et de l'Etat.". »
L'amendement n° 85 rectifié, présenté par M. Virapoullé, Mme Payet, M. Hyest et les membres du groupe de l'Union centriste, est ainsi libellé :
« Compléter le troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 73 de la Constitution par une phrase ainsi rédigée :
« Cette disposition n'est pas applicable au département et à la région de la Réunion. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 27.
M. René Garrec, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de conséquence par rapport à l'amendement n° 31, adopté à l'article 9.
M. le président. La parole est Mme la ministre, pour présenter le sous-amendement n° 236.
Mme Brigitte Girardin, ministre. Le Gouvernement souhaite modifier la rédaction proposée pour le troisième alinéa de l'article 73 afin de ne pas limiter la compétence dévolue aux assemblées locales au seul domaine législatif. Il s'agit de l'étendre également au domaine réglementaire de l'Etat.
M. le président. La parole est M. Michel Charasse, pour défendre la sous-amendement n° 107.
M. Michel Charasse. Je n'insiste pas sur le sous-amendement n° 107, identique à un amendement qui a été précédemment rejeté, dans sa rédaction comme dans sa forme, d'ailleurs.
Cependant, au passage, je voudrais faire observer que je ne sais pas où se trouve la mention du pouvoir réglementaire dans le sous-amendement n° 236 du Gouvernement. Je vois que cela concerne les matières pouvant relever du domaine de la loi, mais il n'est pas question du domaine réglementaire, contrairement à ce que pourrait laisser entendre le commentaire de Mme Girardin.
M. le président. Le sous-amendement n° 107 est retiré.
La parole est à M. Jean-Paul Virapoullé, pour présenter l'amendement n° 85 rectifié.
M. Jean-Paul Virapoullé. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je voudrais solliciter votre attention et votre soutien sur cet amendement qui revêt une importance essentielle - et je pèse mes mots - pour nos compatriotes de l'île de la Réunion.
Cet amendement nous paraît justifié. En effet, il prend sa source dans des déclarations importantes puisqu'elles proviennent du chef de l'Etat. Dans deux discours, l'un à Madiana, l'autre à l'île de la Réunion, le Président de la République a déclaré : « L'heure des statuts uniformes est passée. Il n'y a plus aujourd'hui de formule unique qui réponde efficacement aux attentes variées des différentes collectivités d'outre-mer. Chacune d'entre elles doit être libre de définir, au sein de la République, le régime le plus conforme à ses aspirations et à ses besoins, sans se voir opposer un cadre rigide et identique. »
Dans son projet pour l'outre-mer, M. le Président de la République a clairement exprimé que chaque collectivité avait le droit au respect de sa liberté de choix, qu'à cet égard la Réunion avait choisi de rester dans son statut départemental actuel et que ce choix devait être respecté.
Cet amendement a en outre une réelle légitimité. Ma collègue Anne-Marie Payet et moi-même avons été candidats aux élections sénatoriales voilà un an. A cette occasion, nous avons pris des engagements devant les grands électeurs qui représentent la population. Nous avons incité la population réunionnaise à voter pour nous en lui promettant de défendre la Réunion dans son statut actuel et - je reprends les termes de notre engagement - de « verrouiller la Réunion dans le statut de l'article 73 de la Constitution. »
N'étant pas de ceux qui trahissent leurs engagements, nous sollicitons le soutien du Sénat pour accomplir cette mission qui nous a été confiée par plus de la moitié des grands électeurs, puisque notre liste a remporté deux sièges sur trois.
Les conséquences seront importantes. Dans l'article 73 de la Constitution, la volonté du Président de la République est clairement exprimée. Nous aurons droit à l'assimilation adaptée en fonction de nos contraintes et de nos caractéristiques particulières. Le champ d'adaptation sera beaucoup plus important qu'il ne l'était dans le précédent article.
En outre, l'alinéa 2 de l'article 73 va nous donner, dans les matières réglementaires, la possibilité d'adapter toutes les lois qui relèvent de nos compétences, soit pour le conseil général, soit pour le conseil régional. Nous sommes favorables à cette possibilité, qui est énorme. Si vous additionnez les compétences du conseil régional et celles du conseil général, vous obtenez une liste importante de responsabilités.
Comme nous sommes des paysans, nous sommes prudents. Nous disons « oui » à l'assimilation adaptée, « oui » au champ de compétences nouvelles ouvert grâce à l'alinéa 2. Mais lorsqu'on nous propose de délibérer aussi dans les matières qui relèvent de la loi, la loi étant votée par le Parlement, ...
M. Michel Charasse. Jusqu'à nouvel ordre !
M. Jean-Paul Virapoullé. ... en paysans prudents, nous disons « non, nous ne voulons pas ».
Telles sont les justifications qui nous permettent de demander au Sénat d'adopter notre amendement.
Je le rappelle, la Réunion est un département français éloigné de 9 800 kilomètres de la métropole. Un container destiné à la fabrication de produits doit accomplir un véritable parcours du combattant et franchir 9 800 kilomètres, le produit exporté refaisant ces 9 800 kilomètres en sens inverse. Un touriste doit parcourir la même distance, dans les deux sens.
De plus, notre environnement est hostile ; nous sommes entourés d'un océan de misère.
La prudence que nous faisons valoir ne tient pas seulement à Jean-Paul Virapoullé ou à Anne-Marie Payet ; elle est recommandée par la population réunionnaise. En effet, lorsque les Réunionnais se rendent à Paris, ils doivent survoler l'Afrique. Or, une pensée m'anime souvent lorsque je traverse ces pays. Au moment où l'hôtesse de l'air range les plateaux-repas à moitié consommés, quel gaspillage, me dis-je, alors que, sous cet avion, des milliers d'enfants meurent de faim, des millions de gens n'ont ni de quoi manger ni de quoi boire !
Voilà qui inspire la prudence à la Réunion : nous sommes favorables à la départementalisation adaptée, à des mesures dans le domaine réglementaire de nos compétences, mais nous demandons à la représentation nationale de faire droit à notre souhait de prudence. Nous ne voulons pas ouvrir une brèche dans le domaine législatif hors de nos compétences. Nous préférons la stabilité institutionnelle et la sécurité juridique parce que ce sont deux fondements essentiels au décollage économique de notre département et à la paix sociale. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR, des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. René Garrec, rapporteur. Monsieur Virapoullé, votre amendement nous pose un problème ! La commission a émis un avis de sagesse très favorable sur votre texte, dans la mesure où il viendrait modifier l'amendement n° 27. Ce serait plus logique.
M. le président. Monsieur Virapoullé, accédez-vous à la demande de M. le rapporteur de transformer l'amendement n° 85 rectifié en un sous-amendement n° 85 rectifié bis à l'amendement n° 27 de la commission ?
M. Jean-Paul Virapoullé. Oui, monsieur le président, l'essentiel est qu'il soit voté ! Qu'importe le flacon, pourvu qu'on ait l'ivresse !
M. le président. Je suis donc saisi d'un sous-amendement n° 85 rectifié bis , présenté par M. Virapoullé, Mme Payet, M. Hyest et les membres du groupe de l'Union centriste, ainsi libellé :
« Compléter le texte de l'amendement n° 27 par un alinéa ainsi rédigé :
« La disposition prévue aux deux précédents alinéas n'est pas applicable au département et à la région de la Réunion. »
Quel est donc l'avis de la commission ?
M. René Garrec, rapporteur. La commission émet un avis de sagesse très favorable sur le sous-amendement n° 85 rectifié bis .
Elle est par ailleurs favorable au sous-amendement n° 236.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Brigitte Girardin, ministre. Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 27 de la commission.
S'agissant du sous-amendement n° 85 rectifié bis , le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
Je voudrais tout d'abord dire à M. Virapoullé qu'il a eu la sagesse de ne pas suivre certains qui, de façon irrationnelle, souhaitaient exclure la Réunion de l'article 73 de la Constitution pour qu'elle soit assimilée à un département de la métropole. Quelle régression économique et sociale !
Vous le savez bien, cela aurait signifié la fin de la défiscalisation et de l'exonération des charges sociales pour les entreprises réunionnaises. Finalement, une obligation constitutionnelle m'aurait imposé d'exclure la Réunion de la loi de programme sur quinze ans que je prépare. Monsieur le sénateur, je tiens à vous féliciter de ne pas avoir cédé aux pressions et même à une démagogie un peu suspecte.
Toutefois, vous souhaitez priver la Réunion d'une possibilité - j'insiste sur le fait qu'il s'agit d'une simple possibilité - de fixer des règles à sa demande - et non pas à celle de l'Etat -, dans un nombre limité de matières qui relèvent normalement du domaine de la loi, et ce pour répondre à une situation spécifique de votre île.
Je tiens tout de même à préciser que, par cet article 73-3, il s'agit ni plus ni moins pour le Gouvernement d'appliquer, sur un plan national, la possibilité de déroger au droit communautaire permise par l'article 299-2 du traité d'Amsterdam que vous connaissez bien, monsieur le sénateur, et pour la pleine application duquel vous avez été chargé par le Gouvernement d'une mission parlementaire.
Cette possibilité que nous prévoyons à l'article 73-3 est très encadrée.
Alors même que je suis saisie par plusieurs élus réunionnais très attachés au département - je le répète, il n'est en rien remis en cause par cette réforme et voit au contraire son statut consolidé -, qui souhaitent de telles dérogations dans certains secteurs où les lois, même adaptées, sont souvent en décalage complet avec les réalités locales, le Gouvernement considère qu'une telle exclusion de la Constitution pourrait s'avérer, un jour, préjudiciable aux intérêts de la Réunion.
Il estime, en effet, que la loi organique de décentralisation qui sera préparée après l'adoption de cette révision constitutionnelle, selon une procédure solennelle d'adoption, peut suffire à exclure un département et une région d'outre-mer de la possibilité ainsi ouverte par l'article 73, alinéa 3, de la Constitution.
Cette loi organique encadrera d'ailleurs suffisamment la procédure en ajoutant, le cas échéant, d'autres matières à la liste de celles qui ne peuvent pas faire l'objet d'une habilitation, en précisant, comme elle le fera pour l'expérimentation de droit commun, les conditions d'exercice de ces habilitations.
Je considère donc que ce sous-amendement peut être une source de rigidité un peu excessive, car, une fois que cette limitation sera inscrite dans la Constitution, il ne sera plus possible de la modifier sans réviser à nouveau la Constitution.
En outre, je signale que la procédure de l'expérimentation de l'article 72 n'est pas forcément une alternative, puisqu'elle a un effet transitoire et qu'au terme de l'expérimentation elle est soit généralisée, soit stoppée. Or, je ne suis pas sûre que cela réponde aux besoins de la Réunion.
Pour illustrer mon propos, je vais prendre un exemple précis. Vous savez que la Réunion a une spécificité, liée à la présence, sur son territoire, d'un volcan en activité. Il se peut qu'un jour les Réunionnais souhaitent mettre en place une réglementation spécifique en matière d'environnement ou d'aménagement du territoire liée à ces éruptions volcaniques. Le sous-amendement qui vous est proposé, à l'évidence, les en empêchera.
La Réunion ne pourra pas davantage expérimenter une telle réglementation puisque, sauf à constater que les volcans d'Auvergne reprennent subitement de l'activité,...
M. Jean-Jacques Hyest. Cela se peut !
Mme Brigitte Girardin ministre. ... cette expérimentation ne serait pas généralisable à l'ensemble du territoire français. Tels sont les quelques éléments que je souhaitais porter à votre réflexion.
Toutefois, je tiens à préciser que, si ce sous-amendement est adopté, il ne constituera en rien, comme j'ai pu le lire dans certains articles de la presse réunionnaise, une censure du minstre que je suis ou du gouvernement que je représente. Si les Réunionnais souhaitent se priver d'une telle possibilité, c'est leur droit le plus strict. Je tiens à redire ici qu'ils sont des Français responsables, méritant notre confiance et notre respect ; leur choix doit être respecté. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 236.

(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 85 rectifié bis .
Mme Anne-Marie Payet. Personne au sein de cette assemblée ne se sera étonné que j'ai cosigné ce sous-amendement. Je vous propose, mes chers collègues, de nous apporter votre soutien, au nom du respect de la volonté clairement exprimée et maintes fois réaffirmée des Réunionnais, qui souhaitent vivre dans un climat de paix institutionnelle et de sécurité juridique.
Oui au principe d'assimilation législative adaptée, qui a fait tant de bien à la Réunion, non au principe de spécialité législative, tel est le sens de ce sous-amendement.
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Gourault, pour explication de vote.
Mme Jacqueline Gourault. Le groupe de l'Union centriste apporte son soutien à la proposition de M. Virapoullé.
Vous l'avez rappelé, madame le ministre, dans ce projet de loi constitutionnelle relatif à l'organisation décentralisée de la République, le Gouvernement a choisi une méthode adaptée à l'outre-mer. Pour le sous-amendement n° 85 rectifié bis , il a souhaité s'appuyer sur la sagesse du Sénat, et les membres du groupe de l'Union centriste l'en remercient.
Je suis sûre que la Haute Assemblée adoptera ce sous-amendement, conformément au souhait de nos Amis réunionnais, pour lesquels l'intégration à la nation et à l'Europe passe inéluctablement par le maintien du statut départemental.
M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.
M. Michel Charasse. Le sous-amendement de M. Virapoullé et de ses collègues ne me gêne en aucune façon. Je ferai seulement remarquer qu'en début de semaine on parlait grande surface, grand bazar et supermarché ; maintenant, c'est fromage ou dessert ! C'est le self-service, mais ce n'est pas très grave !
M. Michel Mercier. C'est la République !
M. Michel Charasse. Je relève que Mme le ministre a dit tout à l'heure, avec beaucoup de sincérité, « je n'ai pas le droit de vous censurer ». Madame le ministre, rassurez-vous, quand ce débat sera fini, vous n'aurez plus le droit de faire quoi que ce soit où que ce soit, si ce n'est de signer des mandats et des chèques !
M. le président. Vous êtes un peu dur !
M. Michel Charasse. Ce n'est pas faux !
M. le président. La parole est à M. Robert Bret, pour explication de vote.
M. Robert Bret. Après vos explications, madame la ministre, j'avoue que j'ai du mal à comprendre que vous vous en remettiez, sur ce sous-amendement, à la sagesse du Sénat. Pouvons-nous raisonnablement accepter, en effet, que notre Constitution comporte demain une disposition particulière visant à exclure un département, la Réunion, du bénéfice de la disposition prévue au troisième alinéa ? Alors que la réforme constitutionnelle dont nous débattons a vocation à durer, je trouve l'argument un peu léger !
Par ailleurs, M. Virapoullé parle au nom de tous les Réunionnais, mais - vous connaissez la situation dans ce département - il n'est représentatif ni de l'ensemble des élus ni de l'ensemble de la population.
Attention donc à ne pas suivre aveuglément M. Virapoullé. Ne privons pas la Réunion du bénéfice d'une telle disposition.
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Masson, pour explication de vote.
M. Jean-Louis Masson. Le sous-amendement de M. Virapoullé témoigne d'un certain bon sens et d'une très grande prudence. Je le soutiens donc sans réserve.
Ce sous-amendement devrait d'ailleurs peut-être nous amener à réfléchir sur la nécessité d'adopter une prudence globale sur tous les textes que nous examinons, car je me demande si nous n'allons pas un peu loin s'agissant de l'outre-mer.
M. le président. La parole est à M. Dominique Larifla, pour explication de vote.
M. Dominique Larifla. Nous avions souhaité que la collectivité unique qui se substituerait éventuellement à un département ou à une région demeure régie par l'article 73 de la Constitution, étant entendu que si la substitution devait se faire par étape on devrait prendre le temps de les franchir. C'est pourquoi nous approuvons l'esprit qui sous-tend ce sous-amendement, lequel en dépit de certaines confusions que nous avons eu l'occasion de souligner, a le mérite de rendre possible - et non pas obligatoire - une évolution statutaire, dans le respect de la volonté des électeurs.
Toutefois, M. Virapoullé, pour qui j'ai beaucoup de sympathie, semble préjuger la volonté démocratique présente et surtout future des habitants de la Réunion en figeant le statut de l'île.
C'est la raison pour laquelle, malgré l'admiration que je porte à M. Virapoullé, à titre personnel et au nom de mes collègues radicaux de gauche membres du RDSE, je voterai contre le sous-amendement.
M. le président. La parole est à M. Yann Gaillard, pour explication de vote.
M. Yann Gaillard. L'occurrence est tout à fait exceptionnelle, et elle me laisse ému en même temps que perplexe !
Je me réfère à un grand homme que j'ai servi et que vous avez bien connu, monsieur le président, Edgar Faure, qui avait quelques principes, au nombre desquels celui-ci : il faut donner aux gens ce qu'ils demandent, ce qui veut dire non pas qu'il faut leur donner tout ce qu'ils demandent, mais qu'il ne faut pas leur proposer autre chose.
M. Virapoullé, avec beaucoup d'éloquence, a clairement pris ses responsabilités. Je voterai le sous-amendement en sachant qu'il en est à la source.
M. le président. Vous en imputez donc la responsabilité à M. Virapoullé !
M. Jean-Paul Virapoullé. Je l'accepte !
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 85 rectifié bis .
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe de l'Union centriste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 27:

Nombre de votants 314
Nombre de suffrages exprimés 232
Majorité absolue des suffrages 117
Pour l'adoption 188
Contre
44

Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste.)
Je mets aux voix l'amendement n° 27, modifié.

(L'amendement est adopté.)

(M. Adrien Gouteyron remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. ADRIEN GOUTEYRON
vice-président

M. le président. L'amendement n° 105, présenté par M. Charasse, est ainsi libellé :
« Au quatrième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 73 de la Constitution, remplacer les mots : "sont décidées" par les mots : "peuvent être décidées". »
La parole est à M. Michel Charasse.
M. Michel Charasse. Fidèle à la ligne qui est la mienne dans cette affaire, j'estime que le Gouvernement et le Parlement ne sauraient être des notaires muets chargés d'exécuter sans broncher les décisions ou les souhaits émis localement, quels que soient ceux-ci.
C'est pourquoi, je propose qu'au quatrième alinéa du texte présenté pour l'article 73 de la Constitution les mots : « sont décidées » soient remplacés par les mots : « peuvent être décidées », le Parlement et le Gouvernement faisant ce qu'ils veulent.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. René Garrec, rapporteur. Une loi organique doit prévoir les conditions dans lesquelles de telles habilitations interviendront. Celles-ci ne sont donc pas automatiques. La commission émet, par conséquent, un avis défavorable sur l'amendement n° 105.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Brigitte Girardin, ministre. Défavorable.
M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.
M. Michel Charasse. S'il s'agit de considérer que l'alinéa visé constate que les habilitations ne pourront intervenir que par une loi organique, et pas autrement, cet amendement n'a plus d'objet.
M. René Garrec, rapporteur. C'est bien cela !
M. Michel Charasse. Puisque M. le rapporteur me confirme que c'est le cas, je retire mon amendement.
M. le président. L'amendement n° 105 est retiré.
L'amendement n° 28, présenté par M. Garrec, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Compléter l'avant-dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 73 de la Constitution par une phrase ainsi rédigée : "Elles ne peuvent intervenir lorsque sont en cause les conditions essentielles d'exercice d'une liberté publique". »
Le sous-amendement n° 108, présenté par M. Charasse, est ainsi libellé :
« Dans le texte proposé par l'amendement n° 28, après les mots : "sont en cause", insérer les mots : "le principe d'égalité des citoyens et". »
La parole est à M. le rapporteur pour défendre l'amendement n° 28.
M. René Garrec, rapporteur. Cet amendement tend à interdire les possibilités d'adaptation et de réglementation par les collectivités régies par l'article 73 de la Constitution dans le domaine de la loi lorsque sont en cause les conditions essentielles d'exercice d'une liberté publique. En effet, de telles précisions étant prévues à l'article 72 de la Constitution relatif à l'expérimentation locale, il paraît anormal que les garanties soient moindres s'agissant cette fois de dispositions qui seront pérennes.
M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour défendre le sous-amendement n° 108.
M. Michel Charasse. Je propose de compléter l'amendement n° 108 présenté par M. le président-rapporteur, qui vise les conditions essentielles d'exercice des libertés publiques, par le principe d'égalité des citoyens. Encore que je ne sache plus s'il est vraiment applicable outre-mer... Je ne sais d'ailleurs pas non plus s'il est toujours applicable en métropole (Sourires), mais, s'agissant de l'outre-mer, je crois qu'il doit être applicable à certaines catégories de la population, mais pas forcément à toute la population !
Je pense en tout cas qu'il vaudrait mieux avouer clairement les choses !
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 108 ?
M. René Garrec, rapporteur. Les possibilités d'adaptation et de réglementation ouvertes aux assemblées locales visent précisément à contrôler le respect du principe d'égalité. L'encadrement prévu par l'amendement n° 28 lui paraissant suffisant, la commission émet un avis défavorable sur le sous-amendement n° 108.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement et le sous-amendement ?
Mme Brigitte Girardin, ministre. Le Gouvernement considère que l'amendement n° 28 n'est pas forcément utile, cependant il s'en remet à la sagesse du Sénat. Sur le sous-amendement de M. Charasse, il émet un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 108.
M. Michel Charasse. Cette discussion est très utile puisque, subitement, le principe d'égalité vient de faire sa réapparition ! Tantôt il est dans le noir, tantôt il est dans le blanc...
Cela étant, comme la loi organique garantira le respect du principe d'égalité, je retire mon sous-amendement.
M. le président. Le sous-amendement n° 108 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 28.

(L'amendement est adopté).
M. le président. Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 161 rectifié quater, présenté par MM. Lise, Peyronnet, Bel, Charasse et Courteau, Mme Durrieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche, Marc, Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe Socialiste et rattachée, est ainsi libellé :
« Remplacer le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 73 de la Constitution par quatre alinéas ainsi rédigés :
« Une assemblée délibérante unique, commune à un département et à une région d'outre-mer peut être instituée par la loi à la demande des élus des deux collectivités concernées.
« Une collectivité territoriale à statut particulier se substituant à un département et à une région d'outre-mer peut être créée par la loi à la demande des élus des deux collectivités concernées.
« Les modalités selon lesquelles la demande des élus des deux collectivités concernées est recueillie sont définies par la loi.
« L'institution de l'assemblée délibérante unique et la création de la collectivité à statut particulier, prévue aux alinéas précédents ne peuvent intervenir sans que le consentement des électeurs des collectivités concernées, convoqués par le Président de la République sur proposition du Gouvernement, ait été préalablement recueilli. »
L'amendement n° 29 rectifié, présenté par M. Garrec, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Dans le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 73 de la Constitution, remplacer la référence : "72-3" par la référence : "72-4". »
L'amendement n° 106, présenté par M. Charasse, est ainsi libellé :
« Dans le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 73 de la Constitution, remplacer les mots : "le consentement" par les mots : "l'avis". »
La parole est à M. Claude Lise, pour défendre l'amendement n° 161 rectifié quater.
M. Claude Lise. Cet amendement vise à confirmer un acquis fondamental obtenu dans le cadre de la loi d'orientation pour l'outre-mer et qui consiste à privilégier l'initiative locale en matière d'évolutions institutionnelles. Les élus locaux sont particulièrement attachés au respect de ce pouvoir d'initiative qui leur a été reconnu et qu'ils ont eu l'occasion d'utiliser à l'occasion des congrès des élus départementaux et régionaux qui se sont tenus en Guadeloupe, en Guyane et en Martinique dans les formes prévues par la loi - j'y insiste, car cela donne une certaine légitimité à ces congrès, dont on doit tenir compte.
Cela étant, l'amendement n° 161 rectifié quater ne fait pas expressément référence aux congrès, malgré les motions qui émanent de nos assemblées locales. Je propose simplement que l'on inscrive dans la Constitution qu'une évolution institutionnelle pourra résulter d'une initiative des élus locaux, lesquels sont, me semble-t-il, à même de connaître les souhaits de la population.
Je trouve assez paradoxal que, dans le cadre d'une réforme constitutionnelle visant à renforcer la décentralisation, on « centralise » l'initiative en matière d'évolutions institutionnelles. Cela dit, nous nous trouvons, d'une manière générale, dans une situation paradoxale : demain, à mon retour en Martinique, je ferai part aux élus locaux réunis de propos assez ahurissants que j'ai entendus dans cet hémicycle.
En effet, alors que l'on se montre, sur certaines travées, très audacieux quand il s'agit de l'Hexagone - on est prêt à octroyer des statuts particuliers à l'Alsace, à la Moselle, etc. (M. Daniel Hoeffel s'étonne) -, j'entends dire qu'il serait extrêmement dangereux de faire de semblables propositions pour l'outre-mer. Il semble que nos situations soient moins spécifiques, qu'il n'y ait chez nous ni problèmes d'identité, ni aspirations particulières ... Une fois de plus se manifestent, à mon sens, le vieil esprit conservateur et l'incompréhension des vrais problèmes de l'outre-mer.
Je signale que le Gouvernement adopte quand même une position plus avancée que celle des sénateurs qui le soutiennent. Je reconnais qu'il y a au moins une tentative d'ouverture, même si de nombreux verrous subsistent. Il est toutefois assez ahurissant d'entendre encore des propos selon lesquels aucune adaptation ne serait nécessaire dans ces régions qui sont tout de même assez lointaines et qui présentent de nombreuses spécificités !
C'est là une erreur, comme est erronée cette vision perpétuellement pessimiste, à courte portée et de nature toujours comptable, soumise à un prisme budgétaire. On a toujours l'impression, lorsque l'on entend parler de nos départements, que ceux-ci ne présentent que des handicaps. On ne voit pas leurs atouts, or je ne pense pas que l'on puisse faire de grande politique en adoptant un point de vue aussi limité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 29 rectifié.
M. René Garrec, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination.
M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour défendre l'amendement n° 106.
M. Michel Charasse. Je m'obstine à considérer que les populations ne peuvent être consultées que pour avis et qu'une section du peuple ne peut pas s'attribuer l'exercice de la souveraineté nationale. Je persisterai jusqu'au bout et je résiste d'ailleurs de moins en moins au plaisir de voir cette assemblée piétiner consciencieusement la souveraineté nationale...
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 161 rectifié quater et 106 ?
M. René Garrec, rapporteur. L'amendement n° 161 rectifié quater va à l'encontre de la position de la commission, qui privilégie le rôle de la représentation nationale et des électeurs. Subordonner la mise en oeuvre d'une telle faculté à une demande des élus concernés risquerait d'empêcher toute réforme et remettrait en cause les prérogatives du Parlement.
M. Michel Charasse. Il a encore des prérogatives ?
M. René Garrec, rapporteur. Ce dernier pourra, bien évidemment, consulter les assemblées délibérantes.
De plus, une telle disposition est de nature politique et ne nous semble pas avoir sa place dans la Constitution.
En ce qui concerne l'amendement n° 106, la commission y est défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les trois amendements ?
Mme Brigitte Girardin, ministre. S'agissant de l'amendement n° 161 rectifié quater , que les choses soient bien claires : le Gouvernement n'entend nullement engager une éventuelle procédure d'évolution institutionnelle dans un département d'outre-mer sans un large accord des forces politiques locales. Une telle démarche consensuelle est d'ailleurs la seule qui soit envisageable.
Il n'entre donc pas dans les intentions du Gouvernement de présenter une solution « clés en main » et de régler ainsi les problèmes rencontrés par chaque collectivité territoriale. On a vu, par le passé, que de telles démarches pouvaient quasiment provoquer des crises : je pense notamment à la bidépartementalisation de la Réunion et à toutes les conséquences qu'elle a pu entraîner.
Pour autant, la démarche consensuelle qui doit être propre à chaque collectivité territoriale est un processus purement politique qui ne doit pas être rigidifié dans la Constitution au risque de se priver de la souplesse nécessaire. L'exemple de la Guyane le montre bien : les élus sont associés au processus de réflexion statutaire, naturellement, mais également les forces politiques représentatives et les forces vives.
Le Gouvernement souhaite donc conserver une certaine souplesse et n'inscrire dans la Constitution que l'essentiel, c'est-à-dire la garantie que le processus d'évolution institutionnelle sera ratifié par les électeurs.
Sur l'amendement n° 29 rectifié, le Gouvernement émet un avis favorable.
Quant à l'amendement n° 106, je suis désolée de vous dire, monsieur Charasse, que je persiste moi aussi et que je continue de penser que nous devons recueillir l'assentiment de la population, et non pas seulement son avis.
M. Michel Charasse. Vous vous faites du mal, à terme !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 161 rectifié quater .

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 29 rectifié.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 106.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 8, modifié.

(L'article 8 est adopté.)

Article additionnel avant l'article 10 ou après l'article 11



M. le président.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 199, présenté par Mmes Borvo et Mathon, MM. Bret, Autain et Autexier, Mmes Beaudeau et Beaufils, M. Biarnès, Mme Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud, Le Cam et Loridant, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès, est ainsi libellé :
« Avant l'article 10, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Il est inséré, avant le dernier alinéa de l'article 77 de la Constitution, un alinéa ainsi rédigé :
« Pour la définition du corps électoral aux assemblées de province et au congrès de la Nouvelle-Calédonie, le tableau auquel se réfère l'accord mentionné au premier alinéa de l'article 76 est le tableau des personnes non admises à participer à la consultation prévue à cet article. »
« II. - Les titres XIV, XV et XVI de la Constitution deviennent respectivement les titres XV, XVI et XVII.
« III. - Le titre XIV de la Constitution est rétabli et intitulé : "Dispositions relatives à la Polynésie française."
« IV. - Dans le titre XIV de la Constitution, il est rétabli un article 78 ainsi rédigé :
« Art. 78 . - La Polynésie française se gouverne librement et démocratiquement au sein de la République. Son autonomie et ses intérêts propres de pays d'outre-mer sont garantis par un statut que définit la loi organique après avis de l'assemblée de la Polynésie française ; ce statut détermine les compétences de l'Etat qui sont transférées aux institutions de la Polynésie française, l'échelonnement et les modalités de ces transferts ainsi que la répartition des charges résultant de ceux-ci.
« Ces transferts ne peuvent porter, sous réserve des compétences déjà exercées en ces matières par la Polynésie française, sur la nationalité, les garanties des libertés publiques, les droits civiques, le droit électoral, l'organisation de la justice, le droit pénal, la procédure pénale, les relations extérieures, la défense, le maintien de l'ordre, la monnaie, le crédit et les charges.
« La loi définit également :
« - les règles d'organisation et de fonctionnement des institutions de la Polynésie française et notamment les conditions dans lesquelles certaines catégories d'actes de l'assemblée délibérante, ayant le caractère de lois du pays, pourront être soumises avant publication au contrôle du Conseil constitutionnel ;
« - les conditions dans lesquelles le délégué du gouvernement a la charge des intérêts nationaux et du respect des lois ;
« - les règles relatives à la citoyenneté polynésienne et aux effets de celle-ci en matière d'accès à l'emploi, de droit d'établissement pour l'exercice d'une activité économique et d'accession à la propriété foncière ;
« - les conditions dans lesquelles la Polynésie française peut, par dérogation au deuxième alinéa, être membre d'une organisation internationale, disposer d'une représentation auprès des Etats du Pacifique et négocier avec ceux-ci, dans son domaine de compétence, des accords dont la signature et l'approbation ou la ratification sont soumises aux dispositions des articles 52 et 53. »
L'amendement n° 165, présenté par MM. Peyronnet, Bel, Charasse et Courteau, Mme Durrieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche, Lise, Marc, Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe socialiste et rattachée, est ainsi libellé :
« Après l'article 11, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« Il est inséré, avant le dernier alinéa de l'article 77 de la Constitution, un alinéa ainsi rédigé :
« Pour la définition du corps électoral aux assemblées de province et au congrès de la Nouvelle-Calédonie, le tableau auquel se réfère l'accord mentionné au premier alinéa de l'article 76 est le tableau des personnes non admises à participer à la consultation prévue à cet article. »
La parole est à M. Robert Bret, pour défendre l'amendement n° 199.
M. Robert Bret. On l'aura compris, cet amendement vise à inscrire enfin dans la Constitution les dispositions constitutionnelles qui ont été adoptées en 1999 par le Sénat et par l'Assemblée nationale mais qui n'ont jamais été soumises au Congrès.
Le débat sur la question de la Polynésie française ayant eu lieu à l'occasion de l'examen de l'article 9, je souhaite recentrer notre proposition sur le premier paragraphe de notre amendement, relatif à la Nouvelle-Calédonie, et donc rectifier mon texte en ce sens.
Ce premier paragraphe tend à préciser la définition du corps électoral pour les élections au congrès et aux assemblées de Nouvelle-Calédonie. La disposition présentée permet de satisfaire pleinement aux accords de Nouméa.
Il est regrettable que l'examen du texte de 1999 n'ait pu aboutir parce que celui-ci était lié à un autre texte qui visait à réformer le Conseil supérieur de la magistrature mais qui fut bloqué à l'époque.
Il est temps, aujourd'hui, de mettre un terme à cette attente en adoptant notre proposition, qui, je le rappelle, avait recueilli l'accord des deux assemblées.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour défendre l'amendement n° 165.
M. Jean-Claude Peyronnet. Cet amendement ayant le même objet que le précédent, mon propos sera bref.
Il s'agit de clore définitivement le débat sur la composition du corps électoral en Nouvelle-Calédonie pour les élections provinciales. La loi organique de mars 1999 avait transcrit dans le droit positif les dispositions de l'accord de Nouméa, qui avait été signé, en mai 1998, par les représentant du Front de libération nationale kanak et socialiste, le FLNKS, par ceux du Rassemblement pour la Calédonie dans la République, le RCPR, et par le Premier ministre, M. Lionel Jospin. Conformément à cet accord, la loi organique a limité le corps électoral appelé à voter lors de ces consultations provinciales.
Il se trouve que le Conseil constitutionnel a méconnu l'interprétation donnée par le législateur. Une procédure avait été entamée, qui n'était pas allée jusqu'à son terme, à savoir l'inscription des dispositions dans une loi constitutionnelle. Je vous propose, mes chers collègues, de procéder aujourd'hui à cette inscription.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les deux amendements ?
M. René Garrec, rapporteur. S'agissant de l'amendement n° 199, la commission a souscrit à la philosophie du projet de loi constitutionnelle, qui tend à éviter un émiettement du cadre constitutionnel de l'outre-mer. Elle ne peut accepter la création d'un titre spécifique pour la Polynésie française.
Concernant la Nouvelle-Calédonie, elle estime inopportun d'inscrire dans la Constitution une disposition relative au corps électoral restreint tant que la Cour européenne des droits de l'homme ne se sera pas prononcée sur les recours formés.
S'agissant de l'amendement n° 165, les deux assemblées avaient approuvé en 1999 la disposition présentée, mais il ne semble pas opportun aujourd'hui de l'inscrire dans la Constitution, alors que les recours contestant le caractère discriminatoire d'un corps électoral figé sont pendants devant la Cour européenne des droits de l'homme.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Brigitte Girardin, ministre. Le Gouvernement est défavorable à ces deux amendements.
Comme l'a indiqué à l'instant M. le rapporteur, depuis la réforme de 1999, qui n'avait pas abouti, la Cour européenne des droits de l'homme est saisie de la question du droit électoral en Nouvelle-Calédonie par le biais d'une série de recours individuels dirigés contre le refus d'inscription sur la liste électorale spéciale pour l'élection du congrès des assemblées de province de Nouvelle-Calédonie.
Le Gouvernement estime que la plus sûre façon d'aboutir à une condamnation certaine de la France par la Cour européenne des droits de l'homme...
M. Michel Charasse. Ah !
Mme Brigitte Girardin, ministre. ... serait de tenter, à l'occasion de la réforme constitutionnelle en cours, d'accentuer encore ce « gel » du corps électoral en bloquant celui-ci, alors que ladite cour ne s'est même pas encore prononcée sur la conformité à la convention européenne des droits de l'homme de la notion de corps électoral restreint glissant.
Il convient donc d'attendre la décision de la Cour européenne. Je précise qu'il n'y a pas d'urgence sur cette question, puisqu'elle ne commencera réellement à se poser avec acuité qu'à partir de novembre 2008, date à laquelle les électeurs installés en Nouvelle-Calédonie depuis novembre 1998 pourront prétendre à l'électorat.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 199.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote sur l'amendement n° 165.
M. Michel Charasse. Un accord local a été conclu en Nouvelle-Calédonie et il semble correspondre aux souhaits de la population, mais on ne le suit pas. Cela veut donc dire que l'on a décidé toute la journée que l'on suivrait pour tout le monde, sauf pour la Nouvelle-Calédonie ! Je le signale au passage...
Par ailleurs, cette disposition vise à introduire ou à confirmer une discrimination entre les citoyens. La discrimination sera possible partout dans ce que l'on a voté toute l'après-midi, sauf en Nouvelle-Calédonie. De surcroît, on apprend maintenant que la France risque d'être condamnée à cause des discriminations en Nouvelle-Calédonie, alors que, toute l'après-midi, on a étendu les discriminations à tout le monde. C'est-à-dire que nous venons de mettre en place le dispositif qui peut nous faire condamner par la Cour européenne. Donc, tout est parfait, tout va très bien, madame la Marquise ! (Sourires.)
J'ajoute qu'il n'y a pas de contradiction entre mes positions traditionnelles en ce qui concerne l'amendement n° 165, dont je suis cosignataire. En effet comme la Nouvelle-Calédonie c'est une situation transitoire avant l'indépendance, ce n'est pas gênant de voter ce type de disposition, alors que ce n'est pas le cas des autres départements et territoires d'outre-mer.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 165.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 10



M. le président.
« Art. 10. - Il est inséré au titre XII de la Constitution un article 74-1 ainsi rédigé :
« Art. 74-1 . - Dans les collectivités d'outre-mer régies par l'article 74 ainsi que par le titre XIII et pour les matières qui demeurent de la compétence de l'Etat, le Gouvernement peut, après avis de l'assemblée délibérante de ces collectivités, étendre par ordonnance, avec les adaptations nécessaires, les dispositions de nature législative en vigueur en métropole, sauf si elles en disposent autrement.
« Les règles du deuxième alinéa de l'article 38 sont applicables. Toutefois, les ordonnances deviennent caduques si le projet de loi de ratification n'est pas déposé devant le Parlement dans les six mois suivant leur publication. »
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 162, présenté par MM. Peyronnet, Bel, Charasse et Courteau, Mme Durrieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche, Lise, Marc, Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe socialiste et rattachée, est ainsi libellé :
« Supprimer cet article. »
L'amendement n° 35, présenté par M. Garrec, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le texte proposé par cet article pour insérer un article 74-1 dans la Constitution :
« Art. 74-1. - Dans les collectivités d'outre-mer visées à l'article 74 et en Nouvelle-Calédonie, le Gouvernement peut, dans les matières qui demeurent de la compétence de l'Etat, étendre par ordonnances, avec les adaptations nécessaires, les dispositions de nature législative en vigueur en métropole, sous réserve que la loi n'ait pas expressément exclu, pour les dispositions en cause, le recours à cette procédure.
« Les ordonnances sont prises en Conseil des ministres après avis des assemblées délibérantes intéressées et du Conseil d'Etat. Elles entrent en vigueur dès leur publication. Elles deviennent caduques en l'absence de ratification par le Parlement dans le délai d'un an suivant cette publication. »
L'amendement n° 163, présenté par MM. Peyronnet, Bel, Charasse et Courteau, Mme Durrieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche, Lise, Marc, Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe socialiste et rattachée, est ainsi libellé :
« Dans le second alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 74-1 de la Constitution, remplacer les mots : "si le projet de loi de ratification n'est pas déposé devant le Parlement dans les six mois suivant leur publication" par les mots : "si le projet de loi de ratification n'est pas ratifié par le Parlement dans le délai d'un an". »
La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour présenter l'amendement n° 162.
M. Jean-Claude Peyronnet. Il s'agit purement et simplement de supprimer l'article 10, qui pose un problème au regard des principes de la Constitution. La loi est votée par le seul Parlement, son domaine est limité et les conditions dans lesquelles elle peut habiliter le Gouvernement à agir dans le domaine législatif sont très encadrées. En l'occurrence, ces conditions ne me semblent pas assurées. C'est pourquoi le présent amendement vise à supprimer l'habilitation permanente donnée par cet article au Gouvernement pour lui permettre, par ordonnance, d'actualiser le droit applicable aux collectivités d'outre-mer régies par l'article 74 de la Constitution.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 35.
M. René Garrec, rapporteur. L'article 74-1 vise à instaurer une délégation permanente en faveur du Gouvernement pour procéder, par ordonnances, à l'actualisation du droit applicable outre-mer.
Si une telle procédure peut permettre d'accélérer opportunément l'actualisation du droit applicable outre-mer, elle opère cependant un dessaisissement du législateur en amont, privant les collectivités d'outre-mer d'une tribune pour contester, le cas échéant, le périmètre de l'habilitation.
En outre, en l'absence de ratification expresse des ordonnances ainsi prises - et je m'adresse surtout à notre collègue Michel Charasse - les dispositions rendues applicables conservent une valeur simplement réglementaire et leur régularité peut être mise en cause devant le juge de l'excès de pouvoir.
Cela présente l'inconvénient d'introduire la confusion dans la hiérarchie des normes localement applicables et c'est préjudiciable à la sécurité juridique. Ce risque contentieux est d'ailleurs susceptible d'affecter, par ricochet, la loi métropolitaine que l'ordonnance a précisément pour objet d'étendre à l'outre-mer.
Il apparaît donc primordial, pour assurer non seulement l'actualisation mais également la sécurité juridique du droit applicable outre-mer, de prévoir une ratification expresse des ordonnances en cause.
Notons, par ailleurs, que la rédaction du projet de loi présente l'inconvénient de qualifier indirectement la Nouvelle-Calédonie de « collectivité d'outre-mer ».
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour défendre l'amendement n° 163.
M. Jean-Claude Peyronnet. Il s'agit d'un amendement de repli, aux termes duquel les ordonnances deviendront caduques si le projet de loi de ratification n'est pas ratifié par le Parlement dans un délai d'un an.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 162 et 163.
M. René Garrec, rapporteur. L'amendement n° 162 est contraire à l'amendement n° 35. On ne peut à la fois déplorer l'existence d'un ordonnancement juridique à deux vitesses en métropole et outre-mer et refuser toute procédure susceptible de le rendre homogène.
La commission émet donc un avis défavorable.
Quant à l'amendement n° 163, il est satisfait par l'amendemement n° 35 qui exige, à peine de caducité, une ratification expresse des ordonnances dans un délai d'un an.
M. Michel Charasse. Ça c'est bien !
M. René Garrec, rapporteur. Aussi, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les trois amendements ?
Mme Brigitte Girardin, ministre. Contrairement à ce que prétendent les auteurs de l'amendement n° 162, l'article 74-1 de la Constitution n'organise pas un dessaisissement du Parlement, qui pourra toujours étendre lui-même les dispositions législatives aux collectivités d'outre-mer ou s'opposer à l'utilisation de la procédure des ordonnances. En outre, les ordonnances ne peuvent porter que sur l'extension de dispositions déjà votées par le Parlement. Cette procédure ne pourra donc pas être utilisée pour procéder à l'adoption des dispositions législatives innovantes.
Il faut rappeler que cette nouvelle procédure tend à mettre fin, comme l'a dit la commission des lois, à une situation de droit à double vitesse préjudiciable à nos concitoyens d'outre-mer et à renforcer ainsi la capacité de l'Etat à exercer ses propres compétences. Elles ne s'appliquera qu'aux collectivités soumises au principe de spécialité législative. Elle favorisera, en outre, une meilleure prise en compte des avis des assemblées locales, qui pourront être consultées, non seulement sur les dispositions d'extension d'un projet de loi, mais également sur des dispositions d'extension d'une loi définitivement votée, ce qui leur permettra d'émettre un avis en toute connaissance de cause.
S'agissant de l'amendement n° 35, le Gouvernement partage la préoccupation de la commission des lois de voir aboutir aussi rapidement que possible la ratification des ordonnances afin que ne perdure pas trop longtemps une situation d'insécurité juridique. Il est, en outre, sensible à la bonne volonté de la commission des lois qui a bien voulu approuver l'institution d'une procédure aussi nouvelle. Il craint, cependant, que le délai d'un an imposé pour une ratification qui sera désormais obligatoire ne soit trop bref, compte tenu de l'encombrement de l'ordre du jour du Parlement, bien connu de nous tous. C'est pourquoi, à titre principal, il s'oppose à l'amendement et souhaite le maintien de son texte. Toutefois, dans le souci de répondre aux préoccupations de la commission des lois et parce qu'il pourra s'appuyer sur elle et sur l'intérêt constant de ses membres pour la modernisation du droit de l'outre-mer, il se rallierait volontiers à l'amendement de la commission sous réserve que le délai d'un an soit remplacé par un délai de deux ans.
M. Jean-Jacques Hyest. Très bien !
Mme Brigitte Girardin, ministre. En ce qui concerne l'amendement n° 163, le Gouvernement souhaite le maintien du texte du projet de loi et la simple obligation de dépôt d'un projet de loi de ratification des ordonnances, et, comme je viens de l'indiquer, il se rallierait à un délai de ratification obligatoire de deux ans.
M. le président. Monsieur le rapporteur, acceptez-vous de rectifier l'amendement n° 35 dans le sens souhaité par Mme la ministre ?
M. René Garrec, rapporteur. Je remercie le Gouvernement de reprendre l'esprit de notre proposition.
Madame le ministre, un an, c'est peut-être trop court, deux ans, c'est trop long ! Ne pourrait-on pas transiger à dix-huit mois ?
M. Hilaire Flandre. Il faut couper la poire en deux !
M. René Garrec, rapporteur. Couper la poire en deux, c'est raisonnable.
M. Michel Charasse. On a ratifié des directives européennes par paquet en cinq minutes !
M. le président. Madame la ministre, le Gouvernement accède-t-il à la demande de M. le rapporteur ?
Mme Brigitte Girardin, ministre. Dans un souci de compromis, j'y accède.
Un sénateur du RPR. Très bien !
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 35 rectifié, présenté par M. Garrec, au nom de la commission des lois, et ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le texte proposé par cet article pour insérer un article 74-1 dans la Constitution :
« Art. 74-1 . - Dans les collectivités d'outre-mer visées à l'article 74 et en Nouvelle-Calédonie, le Gouvernement peut, dans les matières qui demeurent de la compétence de l'Etat, étendre par ordonnances, avec les adaptations nécessaires, les dispositions de nature législative en vigueur en métropole, sous réserve que la loi n'ait pas expressément exclu, pour les dispositions en cause, le recours à cette procédure.
« Les ordonnances sont prises en Conseil des ministres après avis des assemblées délibérantes intéressées et du Conseil d'Etat. Elles entrent en vigueur dès leur publication. Elles deviennent caduques en l'absence de ratification par le Parlement dans le délai de dix-huit mois suivant cette publication. »
La parole est à Mme Nicole Borvo, pour explication de vote sur l'amendement n° 162.
Mme Nicole Borvo. J'interviendrai très brièvement, mais pour soutenir cet amendement. En effet, madame la ministre, la distinction que vous faites entre légiférer, légiférer de façon innovante et prolonger la législation ne me semble pas pertinente ; c'est légiférer, quel que soit l'objet de la loi ! Or, selon moi, il est contraire aux principes constitutionnels d'habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance ad vitam aeternam .
C'est pourquoi je soutiens l'amendement n° 162 ou, à défaut, l'amendement n° 163, car je ne crois pas que l'on puisse faire une distinction dans l'acte de légiférer.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 162.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote sur l'amendement n° 35 rectifié.
M. Michel Charasse. Je ne veux pas prolonger le débat, mais je souhaiterais que, à la faveur de la navette, on puisse répondre à la question précise que je vais poser, à moins que l'on puisse y répondre tout de suite.
Il s'agit, par ce texte - je dois d'ailleurs dire que le texte de la commission des lois rectifié est bien meilleur que le texte du projet de loi, et le groupe socialiste avait déjà fait une démarche en ce sens sur la question de la ratification, mais passons -, d'accorder une délégation permanente au pouvoir exécutif d'agir dans le domaine législatif dans toutes les matières qui demeurent de la compétence de l'Etat, sauf dans le cas où une loi dirait le contraire. Cela veut dire que, une fois ces nouvelles dispositions adoptées, la délégation sera générale.
Or, mes chers collègues, je rappelle que, en application de l'article 41 de la Constitution, une proposition ou un amendement formulés par les membres du Parlement ne sont pas recevables s'ils portent sur une matière ayant fait l'objet d'une délégation en matière d'ordonnance. Certes, à l'article 41, on vise la délégation opérée en vertu de l'article 38, mais c'est une délégation quasi analogue. Cela veut-il dire que cette interdiction pour le Parlement d'intervenir dans le domaine qui fait l'objet de la délégation continue à ne s'appliquer qu'aux ordonnances de l'article 38 ou s'appliquera aussi aux ordonnances résultant de la délégation nouvelle ?
Je demande une réponse non pas tout de suite, mais d'ici à la fin de la navette, car c'est quand même tout un pan de l'exercice du pouvoir législatif et de l'initiative législative parlementaire qui ne pourrait plus s'exercer dans un nombre infini de matières. Donc, s'il est entendu que l'exclusion de l'article 41 ne concerne que les ordonnances de l'article 38, pas de problème. En revanche, si on doit l'étendre à tout le reste, cela signifie que la compétence parlementaire est quasiment supprimée pour l'outre-mer dans un nombre incalculable de matières, ce qui n'est pas acceptable.
M. le président. La parole est à M. le vice-président de la commission.
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission. Je rappelle simplement à notre ami Michel Charasse que l'article 41 est très clair : le dispositif n'est applicable qu'aux seules délégations accordées en vertu de l'article 38 de la Constitution, et donc pas aux délégations qui sont attribuées dans le cadre de ce que nous sommes en train de discuter.
M. Michel Charasse. Je préfère que ce soit précisé !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 35 rectifié.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 163 n'a plus d'objet.
Je mets aux voix l'article 10, modifié.

(L'article 10 est adopté.)

Article additionnel après l'article 10



M. le président.
L'amendement n° 164, présenté par MM. Lise, Peyronnet et Bel, Mme Blandin, MM. Charasse et Courteau, Mme Durrieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche, Marc, Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe socialiste, est ainsi libellé :
« Après l'article 10, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Il est inséré au titre XII de la Constitution un article 74-2 ainsi rédigé :
« Art. 74-2 . - La loi détermine le régime législatif et l'organisation particulière des Terres australes et antarctiques françaises. »
Cet amendement n'a plus d'objet.

Articles additionnels avant l'article 11



M. le président.
L'amendement n° 200, présenté par Mmes Borvo et Mathon, MM. Bret, Autain et Autexier, Mmes Beaudeau et Beaufils, M. Biarnès, Mme Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud, Le Cam et Loridant, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès, est ainsi libellé :
« Avant l'article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Il est inséré au titre V de la Constitution un article 43-1 ainsi rédigé :
« Art. 43-1. - Chaque assemblée peut créer des commissions d'enquête destinées à recueillir des éléments d'information sur des faits déterminés, sur la gestion des services publics ou des entreprises nationales, ou sur l'évaluation des politiques publiques. Elles ne peuvent se prononcer sur les responsabilités personnelles encourues à l'occasion de faits donnant lieu à des poursuites judiciaires.
« Les conclusions des commissions d'enquête font l'objet d'un débat en séance publique, en présence du Gouvernement, deux mois au plus tard après le dépôt de leur rapport.
« Une loi organique fixe les modalités de création des commissions d'enquête, en particulier à l'initiative d'une minorité des membres de chaque assemblée. Elle détermine également leurs règles de fonctionnement, leurs pourvoirs d'investigation, ainsi que les conditions dans lesquelles il peut être créé une commission d'enquête commune à l'Assemblée nationale et au Sénat. Elle garantit les droits des personnes entendues et le respect des procédures judiciaires. »
La parole est à M. Robert Bret. M. Robert Bret. Avant d'exposer l'amendement n° 200, je tiens à m'élever contre la manière dont le Gouvernement et la commission des lois ont accueilli les amendements à la Constitution qui ne portaient pas sur la rédaction initiale du projet de loi - ce que l'on appelle plus communément des « articles additionnels ». Bien souvent, ils ont été balayés d'un revers de main, comme vous vous apprêtez certainement à le faire pour celui-ci.
M. Jean-Jacques Hyest. C'est la règle habituelle !
M. Robert Bret. Cette attitude, à mon sens, n'est pas acceptable, et ce pour deux raisons, monsieur Hyest.
Premièrement, les révisions de la Constitution sont des moments suffisamment rares, en théorie, pour que l'on puisse s'arrêter sur tel ou tel point de nos institutions qui mérite d'être modernisé. Une telle modernisation, de l'avis de beaucoup, est urgente si l'on veut répondre à l'attente que les Français ont exprimée lors des dernières élections.
Deuxièmement, contrairement à ce qui a été dit, nos amendements « additionnels » entrent dans le cadre du projet de loi constitutionnelle, qui est fixé par l'intitulé du projet de loi : il s'agit de « l'organisation décentralisée de la République ». Qui peut imaginer que le Parlement, ses droits, son rôle et ses compétences seraient en dehors de ce débat ? Il est d'ailleurs à noter que l'article 3, qui vise la compétence du Sénat, et l'article 11, qui traite de questions liées à l'élection présidentielle, sortent du cadre strict de la décentralisation.
L'amendement n° 200 concerne le pouvoir de contrôle du Parlement. Il s'agit d'inscrire dans la Constitution le principe des commissions d'enquête, qui représentent un aspect important du regard que portent les assemblées sur l'action gouvernementale. Il faut leur donner plus de force, et tel est le sens de notre démarche.
Nous demandons également que soient inscrits des droits pour la minorité en matière de commissions d'enquête, car c'est un élément important pour l'instauration de contre-pouvoirs dans nos institutions. Est-il acceptable, par exemple, que notre demande de commission d'enquête sur Vivendi Universal n'ait jamais pu aboutir ? La « démocratie apaisée » voulue par M. Raffarin exige que la minorité parlementaire, de manière encadrée, bien sûr, ait prise sur le contrôle et le pouvoir d'investigation.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. René Garrec, rapporteur. Cet amendement est intéressant, mais il est sans rapport avec le projet de loi constitutionnelle. La commission émet donc un avis défavorable.
M. Robert Bret. C'est désespérant !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Brigitte Girardin, ministre. Défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 200.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 201, présenté par Mmes Borvo et Mathon, MM. Bret, Autain et Autexier, Mmes Beaudeau et Beaufils, M. Biarnès, Mme Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud, Le Cam et Loridant, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès, est ainsi libellé :

« Avant l'article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« L'article 88-4 de la Constitution est complété in fine par la phrase suivante :

« Une loi organique définit les conditions dans lesquelles le Gouvernement négocie au sein du Conseil européen, dans le respect d'orientations définies par le Parlement, et lui en rend compte. »
La parole est à M. Robert Bret.
M. Robert Bret. Contrairement à ce qui pourra m'être une nouvelle fois rétorqué, cet amendement répond aux exigences de démocratie qui s'expriment aujourd'hui et, de ce fait même, devrait trouver sa place dans le projet de loi constitutionnelle.
L'Europe a été la grande absente de notre débat relatif à la décentralisation. Chacun sait qu'une volonté d'uniformiser les collectivités territoriales des différents pays membres de l'Union européenne existe. Or, autant la coopération est utile entre les collectivités territoriales de part et d'autre des frontières, autant la volonté de plaquer un modèle d'organisation territoriale venu d'en haut nous paraît contraire à une construction démocratique de l'Europe.
De même, n'est-il pas temps, madame la ministre, d'introduire dans notre Constitution une disposition qui permette au Parlement d'exercer un contrôle réel sur l'avalanche de normes émanant des autorités de Bruxelles ? Notre collègue M. Charasse faisait allusion tout à l'heure aux dizaines de textes que nous devons transposer dans notre droit.
M. Michel Charasse. Voilà !
M. Robert Bret. L'ambition de moderniser nos institutions passe de toute évidence par la recherche de mécanismes permettant aux citoyens, directement ou par le biais de leurs représentants, d'agir sur les décisions européennes. A quoi bon décentraliser, mes chers collègues, si les habitants de notre pays sentent leur pouvoir, ou ce qu'il en reste, s'échapper par le haut ?
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. René Garrec. Comme le précédent, cet amendement est sans rapport avec le texte. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Brigitte Girardin ministre. Avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 201.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 11



M. le président.
« Art. 11. - I. - Au premier alinéa de l'article 7 de la Constitution, les mots : "le deuxième dimanche suivant" sont remplacés par les mots : "dans les deux semaines qui suivent".
« II. - Au troisième alinéa de l'article 13 de la Constitution, les mots : "les représentants du Gouvernement dans les territoires d'outre-mer" sont remplacés par les mots : "les représentants de l'Etat dans les collectivités d'outre-mer régies par l'article 74".
« III. - A l'article 60 de la Constitution, après les mots : "des opérations de référendum" sont ajoutés les mots : "prévues aux articles 11 et 89". »
L'amendement n° 36, présenté par M. Garrec, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« A la fin du I de cet article, remplacer les mots : "dans les deux semaines qui suivent" par les mots : "le quatorzième jour suivant". »
L'amendement n° 37, présenté par M. Garrec, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Après les mots : "par l'article 74", compléter le II de cet article par les mots : "et en Nouvelle-Calédonie". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. René Garrec, rapporteur. Le I de l'article 11 vise à supprimer dans l'article 7 de la Constitution l'obligation d'organiser le deuxième tour des élections présidentielles le deuxième dimanche suivant le premier tour de scrutin, et ce afin de permettre aux électeurs de voter dans les deux semaines qui suivent. Des spécialistes de la rotation de la Terre nous ont expliqué que l'on pouvait concilier l'objectif d'assouplissement et l'intérêt qui s'attache à ce que l'on ne sache pas dans un lieu de notre République ce qui s'est passé dans l'autre, c'est-à-dire que l'on ne connaisse pas le résultat du vote qui vient d'avoir lieu.
L'amendement n° 36 vise à fixer à quatorze jours le délai à respecter entre les deux tours. Ainsi, la loi organique prévue à l'article 6 de la Constitution préciserait les dates du premier tour en organisant le scrutin dans les territoires concernés la veille du jour du vote en métropole.
M. Henri de Raincourt. Très bien !
M. René Garrec, rapporteur. L'amendement n° 37 tend à combler une lacune concernant le haut-commissaire de Nouvelle-Calédonie, qui est le seul haut fonctionnaire à ne pas être nommé en conseil des ministres, parce que ce n'est pas prévu dans la Constitution.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Brigitte Girardin, ministre. Le Gouvernement est favorable à ces deux amendements.
L'amendement n° 36 vise à garantir qu'un délai de quatorze jours sera maintenu entre les deux tours de l'élection présidentielle. La loi organique fixant le jour du premier tour, le second tour interviendra nécessairement le quatorzième jour suivant. Le samedi pourra être fixé comme jour de scrutin pour les départements français d'Amérique, pour Saint-Pierre-et-Miquelon, pour la Polynésie française et pour les Français de l'étranger relevant des centres de vote du continent américain.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 36.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 37.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 11, modifié.

(L'article 11 est adopté.)

Articles additionnels après l'article 11



M. le président.
L'amendement n° 166, présenté par MM. Peyronnet, Bel, Charasse et Courteau, Mme Durrieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche, Lise, Marc, Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe socialiste et rattachée, est ainsi libellé :
« Après l'article 11, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans la première phrase de l'article 88-3 de la Constitution, le mot : "seuls" est supprimé. »
La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. Cet amendement n'a plus d'objet, puisque l'amendement qui instaurait le droit de vote pour les étrangers n'a pas été adopté.
M. le président. L'amendement n° 166 n'a plus d'objet.
L'amendement n° 62, présenté par Mme Michaux-Chevry, est ainsi libellé :
« Après l'article 11, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« Le titre XV de la Constitution est complété par un article ainsi rédigé :
« Art. 88-5. - La République reconnaît les spécificités des régions ultrapériphériques françaises telles que définies par les dispositions de l'article 299-2 du traité signé le 2 octobre 1997. »
Cet amendement n'est pas soutenu.

(M. Christian Poncelet remplace M. Adrien Gouteyron au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET
Vote sur l'ensemble

M. le président. Madame, monsieur le ministre, mes très chers collègues et amis, nous voici parvenus au terme de la discussion de ce projet de loi constitutionnelle, discussion passionnante et parfois passionnée d'un texte essentiel.
Avant que nous ne procédions au vote à la tribune, permettez-moi, mes chers amis, de vous faire un aveu : ce soir, le président du Sénat est un homme heureux. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et sur celles du groupe CRC.)
M. Michel Charasse. Oh, il peut !
M. Jacques Blanc. Nous le sommes aussi !
M. Robert Bret. Il faut peu de chose à votre bonheur !
M. le président. Oui, un homme heureux, car le débat qui vient d'avoir lieu restera gravé dans nos mémoires comme un moment fort dans la vie de notre institution,...
M. Michel Charasse. Fort de café !
M. le président. ... assemblée parlementaire à part entière, mais aussi, et c'est un plus, représentant des collectivités territoriales de la République.
Vous avez tous - je dis bien tous, mes chers collègues, quelles que soient les travées sur lesquelles vous siégez -, vous avez tous contribué à enrichir nos débats et à nourrir les « travaux préparatoires », auxquels le Conseil constitutionnel saura fort utilement se référer pour forger sa nouvelle jurisprudence.
La passion n'a pas obscurci la raison, les péroraisons enflammées n'ont pas altéré le travail de fond, les effets de manche n'ont pas nui à la sérénité ni au sérieux de nos débats républicains.
Soyez-en tous remerciés, mes chers collègues, de même que MM. les vice-présidents, qui m'ont secondé dans la conduite de nos débats.
Oui, disais-je, je suis un président heureux, car le Sénat, fidèle à sa vocation d'avocat de la décentralisation - qui pourrait le contester ? Pas vous, en tout cas, monsieur Mauroy ! - a pleinement joué son rôle.
Il est vrai que le Sénat, émanation des collectivités territoriales, connaît les préoccupations des élus locaux et mesure les enjeux de la nécessaire relance de la décentralisation, qui ne saurait être un prétexte - madame, monsieur le ministre, j'insiste particulièrement auprès de vous - pour renoncer à l'indispensable réforme de l'Etat, qui doit être concomitante de celle que nous sommes sur le point de voter. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jean-Jacques Hyest. Absolument !
M. le président. Ce rôle de défenseur de la gestion de proximité, dans le respect d'un Etat unitaire, monsieur Charasse, le Sénat l'a joué tout d'abord en amont, comme aiguillon de la pensée gouvernementale. Telle était la finalité des deux propositions de loi constitutionnelle présentées par le Sénat, dont l'objet était de « muscler » le principe de libre administration des collectivités territoriales.
Ces deux textes ont à l'évidence - qui pourrait le contester ? - inspiré la rédaction du projet de loi. Je ne sais si leur influence a été « prépondérante »,...
M. Patrick Devedjian ministre délégué. ... mais elle a été prédominante !
M. le président. ... mais je suis certain qu'elle a été « prédominante » ! (Sourires.)
Ensuite, le Sénat a contribué, par ses amendements, à l'amélioration du texte.
Au titre des avancées obtenues, je citerai l'introduction dans notre loi fondamentale du principe de l'interdiction de la tutelle d'une collectivité territoriale sur une autre. Cette consécration permettra de mieux définir les contours de la notion de chef de file, madame, monsieur le ministre.
Je pense également aux précisions apportées aux conditions et aux modalités d'exercice du droit à l'expérimentation.
Je pense aussi au principe de la compensation financière des compétences créées et dévolues ab initio aux collectivités territoriales.
Je pense enfin aux utiles précisions apportées au volet « outre-mer » du projet de loi.
D'une manière générale, je voudrais remercier M. le Premier ministre d'avoir entendu notre appel, une sorte « d'appel de Strasbourg »... à rebours, monsieur Hoeffel.
Je voudrais également remercier de leur disponibilité de tous les instants, de leur compétence éclairée et de leur courtoisie républicaine les ministres qui ont eu la responsabilité de porter ce texte et de le mener à bon port. Je pense à Mme la ministre de l'outre-mer, à M. le garde des sceaux, à M. le ministre délégué aux libertés locales, à M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement, sans oublier leurs collaborateurs. (Applaudissements sur les mêmes travées.)
Pour terminer, je dirai que j'ai la faiblesse - vous me la pardonnerez - de penser que, toutes et tous, nous avons fait oeuvre utile et que le texte adopté par le Sénat tiendra la route.
M. Robert Bret. Il prend déjà l'eau !
M. le président. Madame, monsieur le ministre, mes chers collègues, chers amis, un Etat fort, c'est-à-dire un Etat recentré sur ses missions régaliennes, sur son rôle de stratège et sur sa fonction de garant de l'égalité des chances entre les territoires et entre tous les citoyens, doit se conjuguer avec des collectivités territoriales fortes. C'est ma propre conviction, je sais que vous la partagez, et je vous en remercie.
Puisse cet ancrage constitutionnel, préalable indispensable à l'ouverture de l'acte II de la décentralisation, contribuer à donner naissance à une France moderne, dynamique et solidaire, ainsi qu'à une République revivifiée et revigorée par une démocratie locale renforcée ! (Nouveaux applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi constitutionnelle, je donne la parole à M. Jean-Claude Peyronnet, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Peyronnet. Pour de nombreuses raisons, nous voterons contre ce texte. Ce n'est pas une surprise. Nous avions annoncé nos réserves lors de la discussion générale, et le débat ne nous a rassurés ni sur la forme ni sur le fond, qui souvent se rejoignent.
La forme, c'est l'article 1er. Associer l'organisation décentralisée aux grands principes républicains d'unité, de liberté, d'égalité, c'est rabaisser le texte fondateur au rang d'un texte banal. Un humoriste disait l'autre jour à la radio que c'était comme si l'on rédigeait la Déclaration des droits de l'homme de la façon suivante : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits et se lavent les dents tous les matins. » C'est à peu près du même niveau et on peut le regretter, mais c'est surtout très dangereux.
La conception de l'Etat qui sous-tend ce mélange étrange de concepts est à l'opposé de ce que nous pensons. En fait, on voit une logique s'imposer entre cet article ainsi complété et les alinéas qui comportent les principes de subsidiarité ou d'expérimentation, une logique souterraine mais que nous croyons implacable, celle d'une conception fédéraliste de l'Etat. Vos dénégations pour nous convaincre que ce n'était pas le cas ont été vaines.
A cette logique fédérale s'ajoute ce que je qualifierai d'un terme que je n'ai pas employé dans la discussion générale et qui ne vous plaira pas, appliqué à cette matière : une logique libérale. Le Premier ministre prétend vouloir mettre en mouvement les territoires, je crains qu'il ne les mette surtout en compétition. Les affirmations de M. le garde des sceaux que nous avons entendues hier soir et dans la nuit le confirment : je veux parler de l'affirmation de l'inégalité et de la compétition entre les territoires comme élément consubstantiel à la décentralisation, mais aussi du refus d'introduire dans la Constitution l'intéressante formule concernant les territoires proposée par Mme Blandin : « l'Etat est le garant de la solidarité ».
Nous ne sommes pas contre l'expérimentation, bien au contraire, nous l'avons pratiquée et sommes favorables à son extension. Mais l'expérimentation que vous proposez est celle de l'inégalité, on ne peut l'accepter sans un certain nombre de précautions. Nous ne voulons pas d'une France avec vingt-six lois différentes ou vingt-six types de règlement.
D'autres enjeux sont apparus, et, comme les débats ont été assez approfondis à cet égard, je veux vous faire part de mes inquiétudes.
Inquiétudes sur la subsidiarité et sa logique.
Inquiétudes sur la notion de chef de file.
Vous prétendez, messieurs, que l'affirmation de l'interdiction de la tutelle d'une collectivité sur une autre serait une garantie absolue. Je ne le crois pas : c'est une affirmation sans suite, parce que la collectivité « chef de file » peut toujours faire à peu près ce qu'elle veut pour organiser la mise en oeuvre de la compétence qu'elle a obtenue. Je vous rappelle que M. Charasse avait proposé un amendement visant à préciser que la compétence pourrait se mettre en oeuvre par accord entre les collectivités. Vous avez refusé une telle disposition : vous pensez donc bien que la compétition sera effective et qu'une collectivité exercera sa tutelle sur une autre.
Inquiétudes, enfin, sur la suppression de niveaux de collectivités dans tel ou tel secteur de la République. On pourra supprimer les deux départements d'Alsace par exemple ; on pourra aussi, éventuellement, supprimer des communes dans tel ou tel département ou décider que, dans tel département, les communautés de communes sont suffisamment efficaces pour qu'on les remplace par des collectivités à statut particulier qui seront - comme par hasard - identiques aux EPCI en question.
Vous me dites : c'est la loi qui décidera ! Est-ce rassurant ? Non, parce qu'une majorité pourra toujours en décider autrement - et, en disant cela, je ne fais aucun procès d'intention à la majorité actuelle. Mais, en l'occurrence, ou bien on joue à l'apprenti sorcier, ou bien on a un double langage, l'un n'excluant pas l'autre.
Ce texte est mal ficelé. Il fait la part trop grande au juge et il entraînera des contentieux. Il est également frileux. Vous avez accepté - c'est bien - de reconnaître dans la Constitution le statut de collectivité territoriale à part entière à la région. Vous avez en revanche refusé d'y inscrire les communautés de communes à fiscalité propre, ce qui aurait pourtant donné de l'ampleur à votre projet de loi, au motif qu'elles n'ont pas encore fait leurs preuves. Or les communautés urbaines sont plus vieilles que les régions ! Elles ont 37 ans ! Si elles n'ont pas fait leurs preuves aujourd'hui, je ne suis pas sûr qu'elles puissent le faire jamais.
Je passe sur le refus d'inscrire dans la Constitution le droit de vote des étrangers, ce qui aurait également eu un peu d'allure.
Bref, ce texte nous semble dangereux, surtout parce qu'il n'est pas clair,...
M. Jacques Mahéas. Il est bâclé !
M. Jean-Claude Peyronnet. ... parce qu'il n'est pas étayé par les éléments qui auraient pu nous être apportés sur les lois organiques qui seront prochainement soumises au Parlement. Cela a d'ailleurs donné lieu à un bref incident et à une suspension de séance en début d'après-midi.
Dans l'état actuel des choses, nous sommes donc amenés à voter fermement contre ce projet de loi constitutionnelle. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, sur celles du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Georges Othily.
M. Georges Othily. Tout compte fait, il fallait bien se décider à aller plus loin dans la décentralisation. Ce n'est pas parce que c'est difficile que l'on n'ose pas, c'est parce que l'on n'ose pas que c'est difficile ; Sénèque avait raison.
Ce texte, il faut le reconnaître, est arrivé sur le bureau du Sénat parsemé d'ambiguïtés, de flous, d'imprécisions, voire d'incohérences.
Il était donc de notre devoir de sénateur de le rendre lisible, de le mettre droit, car il s'agit de la loi fondamentale de notre République, de la loi des lois.
Lorsque le Parlement aura adopté définitivement ce projet de loi constitutionnelle, notre Constitution sera, pour la seizième fois, révisée.
Vingt ans après les lois Mauroy et Defferre de 1982, l'acte II de la décentralisation est enfin lancé : il était temps ! « L'organisation décentralisée » de notre République, nécessité pratique pour une gouvernance moderne, est sur le point de devenir une réalité constitionnelle, et c'est tant mieux !
Les collectivités d'aujourd'hui et les élus ont été transformés, modelés par le temps et la dure réalité de la vie. Plus de responsabilités, plus d'autonomie, il a fallu s'adapter et souvent se remettre en question pour mieux gérer son territoire, pour satisfaire les exigences de plus en plus vives de nos concitoyens.
Le grand chantier de la décentralisation a donc bien commencé. Son maître d'ouvrage, le Premier ministre, s'est fixé cent cinquante jours, nous a-t-il dit lors de la discussion générale : cent cinquante jours depuis le dépôt de ce projet de loi constitutionnelle sur le bureau de notre assemblée, cent cinquante jours pour édifier la « République des proximités », celle-là même que les Français réclament et attendent depuis plusieurs années maintenant. Le compte à rebours des grands travaux de la décentralisation a donc commencé. Le Sénat et, en son sein, le groupe du RDSE ne peuvent que s'en féliciter.
Certes, l'affirmation, à l'article Ier de notre Constitution, du principe selon lequel la France a une organisation décentralisée a ému, choqué, voire troublé certains. Qu'à cela ne tienne ! La sagesse des sénateurs a prévalu et les constituants que nous sommes ont adopté. L'avenir nous dira quelle utilisation les praticiens du droit et les acteurs des collectivités feront de ce nouveau principe.
Alors, y a-t-il eu rupture avec l'acte Ier de 1982 ? Je ne le crois pas : plus que d'une rupture entre hier et aujourd'hui, entre la gauche et la droite, c'est d'un progrès qu'il s'agit !
En effet, la décentralisation est enfin relancée, elle s'apprête à franchir une nouvelle étape, étape qu'appelait de ses voeux le groupe du RDSE, au mois de juin dernier, en livrant des propositions concrètes en la matière.
Le texte que nous nous apprêtons à voter aujourd'hui s'inscrit dans les engagements pris par le Président de la République pendant la campagne électorale du printemps dernier. Ce projet de loi ne sort pas des limitations énoncées à Rouen par le candidat Chirac, et chacun ici, mes chers collègues, sur quelque travée qu'il siège, ne peut que s'en réjouir.
C'est bel et bien dans le cadre de la République que s'inscrit ce projet de loi constitutionnelle, dans le cadre d'une République qui demeure indivisible, qui reste laïque et sociale, qui renforce son caractère démocratique, à l'aide notamment du référendum local et du droit de pétition, mais - et c'est là, à mon sens, toute sa force et toute sa modernité - dans une République dont l'organisation est décentralisée.
Concrètement, le droit à l'expérimentation est consacré dans la Constitution, de même que l'autonomie financière. A cet égard, je me dois de saluer la compétence et l'expérience de notre excellent collègue Jean-Pierre Fourcade, qui, lors du débat, n'a pas manqué d'éveiller l'attention des législateurs que nous sommes.
Tout compte fait, il fallait agir.
Aussi, il importe, avant le vote, d'exprimer nos sentiments de reconnaissance à notre président-rapporteur, René Garrec, pour l'excellent travail qu'il a effectué. L'expérience, la clarté de jugement et la rigueur dans l'analyse dont il a fait preuve tout au long de la discussion nous ont permis d'appréhender avec sérénité ce texte difficile, dont les nuances et les rédactions fines se sont imposées à nous tous à travers les amendements proposés et adoptés par la commission des lois.
Qu'il me soit aussi permis de remercier les collaborateurs de la commissions des lois, qui n'ont pas ménagé leur peine pour nous faciliter la tâche.
S'agissant de l'organisation de notre travail, problème que nous avons soulevé maintes fois, vous comprendrez aussi que nous ne pouvons qu'être satisfaits.
Le passage de l'article 72 à l'article 73 sera subordonné à la consultation préalable des électeurs de la collectivité d'outre-mer concernée. C'est pourquoi, monsieur le président, il importera que, lors de la discussion des lois organiques, les élus d'outre-mer se montrent extrêmements vigilants. Nous devons en prendre conscience dès maintenant.
Dans l'attente de ces lois organiques à venir, le groupe du RDSE, dans sa très grande majorité, votera le projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Blanc.
M. Jacques Blanc. Madame, monsieur le ministre, mes chers collègues, devant un président heureux, permettez-moi de dire qu'il y a aussi des sénateurs heureux (Rires sur les travées du groupe socialiste) ...
M. Jacques Mahéas. Il y a aussi des imbéciles heureux !
M. Jacques Blanc ... et même fiers. Les membres du groupe des Républicains et Indépendants sont de ceux-là. Ils sont peut-être un peu plus fiers parce que c'est un des leurs qui, quelque peu imprégné de la vie sénatoriale, a, en tant que chef du Gouvernement, incontestablement imprimé sa volonté politique.
Ils sont fiers parce que c'est un des leurs, le président-rapporteur, René Garrec, qui, grâce à un travail acharné, a su montrer, madame, monsieur le ministre, que le Gouvernement pouvait trouver au Sénat des interlocuteurs qui à la fois discutent, dialoguent, proposent. Le débat qui vient d'avoir lieu me paraît, à cet égard, exemplaire.
Permettez-moi de dire que, pour un sénateur qui n'est pas dans cette maison depuis très longtemps, c'est une grande fierté que de voir le Sénat saisi en premier - on ne peut que se féliciter du choix du Gouvernement - travailler sérieusement et en profondeur, dans la sérénité, même si nous n'étions pas tous d'accord, mais cela c'est le jeu de la vie démocratique !
M. Jean-Claude Carle. Très bien !
M. Jacques Blanc. Nous avons la conviction de vivre un moment un peu historique car, pour la première fois, dans notre Constitution sera affirmée, sans que soit jamais remis en cause son caractère indivisible ni son unité, l'organisation décentralisée de notre République. C'est un acte de confiance très fort en la démocratie, mais aussi dans le peuple de France, qui aura désormais la capacité de s'exprimer grâce au droit de pétition et qui pourra être consulté par la voie de référendums locaux.
C'est également un signe fort de confiance en direction de ces multiples élus locaux qui, dans leur immense majorité, sont au service de la population, que ce soit au niveau des communes, des départements, des régions ou des collectivités territoriales d'outre-mer, de ces élus qui portent les ambitions de leur collectivité.
Permettez à un président de région de se réjouir de voir désormais figurer dans la Constitution, au rang de collectivité territoriale, le niveau régional, sans que cela se fasse aux dépens des communes ou des départements.
C'est aussi le propre du Sénat que de trouver cette synthèse entre des démarches qui, au départ, peuvent paraître contradictoires, mais qui, en réalité tendent à répondre aux vrais problèmes des femmes et des hommes de notre temps.
Le monde bouge : il fallait que la Constitution, sans que son socle soit aucunement remis en cause, puisse s'adapter à ce mouvement, aux nouvelles exigences des femmes et des hommes de France. Ceux-ci doivent savoir que, sous l'impulsion du Président de la République, le Gouvernement a engagé une vraie réforme. On en parlait depuis trop longtemps. Elle est aujourd'hui en marche. Dans 150 jours, nous la concrétiserons.
Merci au Gouvernement, merci à vous, monsieur le président, et merci au Sénat de nous permettre de participer au remodelage de la France. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. Merci à vous, mon cher collègue, qui avez été longtemps député, de mettre ainsi en relief toutes les qualités du Sénat.
La parole est à Mme Nicole Borvo.
Mme Nicole Borvo. Nous avons connu, avec ce texte, un curieux débat parlementaire.
Vous venez de le dire, monsieur le président, il s'agit d'un texte essentiel. C'est en tout cas ce que M. Raffarin a martelé depuis qu'il est Premier ministre, à tel point qu'il a envisagé d'engager sa responsabilité sur ce texte.
Permettez-moi de ne pas être satisfaite de la façon dont notre assemblée a travaillé sur ce projet de loi constitutionnelle.
Des préoccupations, voire des craintes, se sont exprimées, sur toutes les travées de cet hémicycle, devant le flou ou les ambiguïtés du texte. Mais elles ont vite été mises sous le boisseau et, à mon sens, ce qu'il est advenu du travail de la commission des lois n'est pas acceptable. Cela étant, ce n'est pas à moi de parler pour la majorité de la commission des lois !
Quant aux avis et propositions de l'opposition, ils ont été purement et simplement balayés.
Pourtant, la République est notre bien commun. Nous en sommes, à chaque génération, responsables, et l'on sait ce qu'il en a coûté, en d'autres temps, de ne pas la protéger.
Modifier profondément l'organisation de la République exige donc beaucoup de prudence, de réflexion. Il s'agit de bien peser ce que nous faisons, d'en mesurer les effets probables, d'imaginer les dérives possibles. Hélas ! Il n'en a rien été : le texte devait « passer » à toute vitesse, sans véritable discussion.
Alors, décentralisateurs contre anti-décentralisateurs ? Certainement pas ! Girondins contre Montagnards ? Allons donc ! D'abord, les lois de décentralisation de 1982, la droite ne les avait pas votées !
M. Didier Boulaud. Eh non !
Mme Nicole Borvo. C'est encore suffisamment récent pour qu'il ne soit pas besoin de remonter aux Girondins et aux Montagnards.
M. Bernard Angels. Ils ont vraiment la mémoire courte !
Mme Nicole Borvo. Pour nous, une décentralisation sans démocratisation peut surtout déboucher sur des féodalités et des pouvoirs tout aussi éloignés des citoyens que l'est l'Etat.
Ce qui caractérise votre texte, c'est une modification profonde de ce qui fonde l'égalité et la solidarité dans notre société. Plusieurs d'entre nous ont parlé, au cours du débat sur l'article 1er, de fracture de la République, « République en morceaux », ai-je entendu dans vos rangs, mesdames, messieurs de la droite. Cela mérite tout de même réflexion. Il ne suffit pas de dire que c'est n'importe quoi, comme M. de Rohan se plaît à le faire.
M. Josselin de Rohan. Mais c'est n'importe quoi !
Mme Nicole Borvo. Vous le direz à vos amis !
Croyez-vous vraiment que nos concitoyens, y compris ceux qui ont voté au premier tour pour M. Chirac, ont voulu que l'Etat ne soit plus le garant de l'égalité entre les citoyens ? En tout cas, vous avez repoussé un amendement qui tendait à le réaffirmer.
M. Hilaire Flandre. Textuellement, ce n'était pas tout à fait ça !
Mme Nicole Borvo. Nos concitoyens veulent-ils des régions pauvres à côté de régions riches, des services publics pauvres à côté de services publics riches ? Sûrement pas !
Le débat sur les finances a été tout aussi édifiant. Franchement, les élus locaux, au nom desquels vous affirmez si souvent parler, veulent-ils de l'augmentation des impôts locaux qu'ils sont obligés de décider ? Et nos concitoyens sont-ils prêts à supporter cet alourdissement de la fiscalité locale ? (Protestations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Roger Karoutchi. C'est votre faute !
Mme Nicole Borvo. Les élus locaux veulent-ils affronter les mécontentements ?
Si vous en aviez réellement eu la volonté, il aurait été possible d'engager d'abord une vraie réforme fiscale !
M. Louis de Broissia. Vous êtes des tartuffes !
Mme Nicole Borvo. Or, de cela, il n'est pas question !
Il y a donc, dans ce texte, une partie visible et une partie invisible. Pour toutes ces raisons, nous sommes résolument contre. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Josselin de Rohan.
M. Josselin de Rohan. Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, après un président heureux, après des sénateurs fiers, vous avez devant vous un sénateur confiant, issu d'une région où l'on sait bien quels peuvent être les désavantages du centralisme.
Depuis des temps presque immémoriaux, le centralisme a éloigné notre région du pouvoir et donc des décisions dont dépendait son avenir.
J'ai entendu, parfois avec beaucoup de surprise, souvent avec un certain intérêt, les critiques qui ont été opposées au texte qui nous est soumis.
M. Jacques Mahéas. Même celles de Jean-Louis Debré ?
M. Josselin de Rohan. A Rennes, je me fais reprocher par l'opposition de gauche d'être un président de conseil régional trop frileux, de manquer d'audace, de me montrer timoré parce que la région ne revendique pas la gestion des hôpitaux, celle des ports, celle des aéroports, celle des routes, celle des écoles, que sais-je encore...
Je suis même taxé de jacobinisme, ce qui, dans mon cas particulier, ne manque pas de sel car, en d'autres époques, la fréquentation des Jacobins aurait pu se révéler dangereuse ! (Rires et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
Le texte dont nous achevons la discussion est jugé tantôt trop frileux tantôt trop audacieux, tantôt trop flou tantôt trop précis. En fait, on l'a bien compris, il n'a aucune espèce de qualité aux yeux de ceux qui ont beaucoup parlé de décentralisation, qui s'en sont fait un monopole mais qui n'ont pas su passer à l'étape suivante, tout simplement parce qu'il n'a pas été présenté par eux. Ils nous reprochent aujourd'hui ce qu'ils n'ont pas su faire hier ! (Bravo ! et applaudissements sur les mêmes travées.)
Nous, nous pensons que, grâce à la réforme que nous nous apprêtons à voter, nous allons vers une République plus moderne, plus proche et plus solidaire, quoi que certains en aient dit.
Ce sera incontestablement une République plus moderne, d'abord, parce que l'Etat se concentrera sur ses missions régaliennes...
M. Claude Estier. Nous verrons !
M. Josselin de Rohan. ... et que les collectivités locales pourront gérer ce qui ne relève pas intrinsèquement du domaine de l'Etat. L'Etat pourra concentrer son action sur des actions essentielles, qui n'ont pas toujours été bien soutenues ces derniers temps.
Une République plus moderne aussi parce que de nouveaux espaces de liberté s'ouvrent à nous grâce à l'expérimentation. Celle-ci permettra de vérifier que de nouvelles compétences peuvent être exercées convenablement à l'échelon le plus proche. De nouvelles coopérations pourront également être mises en place grâce à la notion de collectivité chef de file.
Une République plus moderne, enfin, parce que nous allons mettre un terme à l'uniformité totale qui a été si longtemps la caractéristique de notre République. Une République peut être unie tout en abritant divers statuts. C'est ce qui se passera avec les collectivités à statut particulier ou avec les évolutions prévues pour les collectivités d'outre-mer.
Nous allons par ailleurs vers une République plus proche parce que s'y exercera le principe de la subsidiarité, sur lequel on a beaucoup glosé. La subsidiarité signifie en fait que le service public pourra être mieux rendu aux échelons les plus proches, de manière plus efficace et souvent moins coûteuse.
Des droits nouveaux sont, en outre, ouverts à nos concitoyens. J'espère que l'usage raisonnable du droit de pétition et l'usage raisonné du référendum permettront aux populations de s'exprimer.
Nous allons, enfin, vers une République plus solidaire. On nous a reproché de vouloir briser la République et de rompre la solidarité entre les territoires. J'ai entendu hier un excellent collègue stigmatiser le fait que les territoires soient mis en concurrence. Mais nous savons tous très bien que les territoires sont d'ores et déjà en concurrence et qu'il existe entre eux de profondes inégalités. Précisément, il faut faire en sorte que cette concurrence constitue une émulation entre les territoires, en vue du meilleur développement possible.
Quant à l'Etat, sa tâche consistera plus que jamais à réduire les inégalités, grâce aux dispositions qui sont contenues dans ce texte.
Le simple fait que l'Etat ait à établir la péréquation entre les régions riches et celles qui le sont moins montre bien qu'il joue sont rôle à cet égard.
C'est donc un sénateur confiant qui s'apprête à voter ce texte. Celui-ci sera surtout ce que nous en ferons. Nous sommes bien décidés à le faire vivre, à faire en sorte que s'ouvre une nouvelle page pour nos collectivités locales, porteuse de modernité et d'une plus grande efficacité.
Vous n'avez pas voulu nous suivre sur cette voie, mesdames, messieurs de l'opposition, et je le regrette pour vous. Nous, nous sommes convaincus que la page nouvelle qui s'ouvre sera prospère, heureuse et féconde pour la République. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Mauroy.
M. Pierre Mauroy. M. Jean-Claude Peyronnet s'est exprimé au nom du groupe socialiste. Vous me permettez, monsieur le président, de m'exprimer en tant qu'ancien Premier ministre, et je vous en remercie.
Je remercie également tous ceux qui ont bien voulu rappeler ces années 1981-1983 au cours desquelles a été élaborée une décentralisation qui fait aujourd'hui l'unanimité. Je ne peux manquer, en cet instant, d'évoquer le souvenir de Gaston Defferre, qui a beaucoup ferraillé dans cette enceinte pour faire aboutir les lois de décentralisation. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Comme nous !
M. Pierre Mauroy. L'histoire est ainsi ! Il y a vingt ans, nous nous sommes opposés sur l'idée même de décentralisation. Depuis, tout le monde l'a adoptée.
M. Hilaire Flandre. Ce sera pareil avec cette loi !
M. Pierre Mauroy. Voilà quelques années, le gouvernement précédent a souhaité que je préside une commission réunissant autant de représentants de la gauche que de représentants de la droite, et la consigne du Premier ministre, Lionel Jospin, était de dégager des lignes de consensus sur une évolution de la décentralisation.
Je ne pouvais donc qu'aborder ce débat avec une certaine confiance.
Monsieur le président, vous affirmez être heureux de tout ce qui s'est passé ; d'autres disent qu'ils sont eux aussi des sénateurs heureux. Eh bien, moi, je ne suis pas un sénateur heureux ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. - Protestations amusées sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Non, je ne suis pas heureux de ce qui s'est passé dans cet hémicycle, et je vais vous dire en deux mots pourquoi.
Nous avons beaucoup discuté autour de la décentralisation, mais jamais nous ne nous sommes opposés sur les principes constitutionnels entre Montagnards ou Girondins : nous avons essayé de résoudre d'autres problèmes.
Une opposition pouvait se faire jour, c'est normal. Mais il n'était pas tout à fait normal, en revanche, qu'autant de flou, autant d'incertitudes, autant de difficultés surviennent, à propos d'une idée aussi lumineuse, dans la conduite des débats. (M. Jean-Pierre Sueur applaudit.)
Les Français souhaitent une décentralisation simple, lisible. Ne nous avez-vous pas, quelquefois, reproché une absence de lisibilité dans nos textes ?
Or vous aurez réussi ce tour de force - oui, il fallait le faire ! -, avec l'article 1er, de poser un problème essentiel au plus haut sommet de la République : les plus hautes autorités de l'Etat ont ainsi été obligées de se consulter - je ne sais pas exactement ce qu'ils se sont dit -, et, manifestement, cette idée de République décentralisée, même rectifiée, a fait couler beaucoup d'encre.
Nous avons en tout cas raison d'être fiers de vivre dans une République unitaire, avec un Etat centralisé - parfois trop -, et nous avons tout autant raison de souhaiter que l'organisation territoriale soit, elle, décentralisée.
Quant à l'expérimentation, c'est une belle idée.
Nous avions, quant à nous, dégagé les élus de la casquette des préfets.
M. Pierre Hérisson. Des commissaires de la République !
M. Pierre Mauroy. Les élus sont devenus libres de leur gestion. Alors, expérimenter est une bonne idée, mais à expérimenter à haute dose et sans précaution nous risquons de voir apparaître des inégalités dans les territoires. (Exclamations sur les travées du RPR.) Nous en reparlerons !
Enfin, j'évoquerai l'intercommunalité.
Vous parlez de proximité, de subsidiarité. Mais, finalement, l'instance de proximité et de subsidiarité la plus naturelle n'est-elle pas la commune ou les regroupements de communes ? Indépendamment du clivage entre la gauche et la droite, ce sont manifestement les maires qui ont résisté le mieux !
Franchement, vous auriez pu honorer beaucoup mieux l'intercommunalité en en faisant véritablement le fer de lance du projet de loi sur lequel nous allons maintenant nous prononcer. Je regrette profondément que vous ne l'ayez pas fait.
Dans un discours à Marseille, le Premier ministre nous annonçait récemment une avancée significative pour les communautés urbaines. Mais, à Paris, on ne l'a pas suivi ! Je le regrette profondément.
J'espère en tout cas qu'il ne faudra pas vingt ans pour vous convaincre, comme cela a été le cas pour les lois de 1981 et 1982. Mais nous aurons à reprendre la mise en place de la décentralisation, sans idée de rupture, toutefois : n'est-ce pas une drôle d'idée que d'imaginer une décentralisation pour les uns et une décentralisation différente pour les autres ?
Quant à nous, nous sommes, au sein de la République, favorables à une grande décentralisation qui honore nos territoires ainsi que toutes les instances de notre pays. Voilà pourquoi nous voterons contre ce texte, et continuerons notre combat en faveur de la décentralisation. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur celles du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est M. Michel Mercier.
M. Michel Mercier. Au terme de ce débat qui aura été long, riche et divers, je tiens à vous faire part de la satisfaction des membres du groupe de l'Union centriste.
Ce débat nous a satisfaits par son existence même. C'est la première fois, sous la Ve République, qu'une révision constitutionnelle va au-delà d'une simple révision technique. Au cours de ces deux semaines, on nous aura en effet demandé de créer le droit constitutionnel des collectivités locales.
C'est aussi - il faut nous en rendre compte - la première fois depuis cinquante-six ans que le Parlement est appelé à créer véritablement tout un pan de notre droit constitutionnel. Cela nécessitait, évidemment, du temps, et nos débats auront, je crois, honoré notre assemblée. Avoir donné une base constitutionnelle forte à la décentralisation, cela compte !
Nous l'avons vu au cours de ces dernières années, personne ne remet en cause le travail effectué par M. le Premier ministre Pierre Mauroy en 1982. Toutefois, la belle construction de 1982, à l'usage du temps, n'a pas toujours bien résisté. La volonté décentralisatrice a pu, parfois, disparaître, et l'Etat est revenu, en certaines occasions, sur la décentralisation.
Le présent projet de loi empêchera l'exercice d'une décentralisation en yoyo. Désormais, et nous nous en réjouissons, le principe de l'organisation territoriale décentralisée de la République sera garanti par la Constitution.
M. Jean-Jacques Hyest reviendra dans quelques instants sur le fond. Je me contenterai de rappeller à M. le ministre les engagements forts qu'il a pris devant le Sénat s'agissant de la notion de file et du respect du principe essentiel de l'interdiction de la tutelle d'une collectivité territoriale sur une autre.
S'agissant des finances locales, il nous restera, lors de la discussion du projet de la loi organique, à donner tout leur sens aux efforts que nous avons faits. Ce soir, nous avons bâti la maison ; avec le projet de loi organique, il nous appartiendra de donner véritablement corps à une République territoriale, à une République fière de ses territoires, à une République qui s'appuie sur eux et sur la reconnaissance de leur diversité, sur les pouvoirs accordés aux collectivités territoriales pour construire la vraie égalité entre tous les citoyens de notre pays.
Nous pourrons alors aborder une seconde étape : la décentralisation ne devra pas, en effet, rester une affaire de spécialistes ou d'élus, et nos discussions du printemps prochain sur l'organisation de l'exercice des compétences devront être l'occasion d'ancrer la décentralisation dans la culture de notre pays. Alors, grâce à une nouvelle organisation de la République, l'Etat, dont les Françaises et les Français attendent beaucoup, sera désormais capable de remplir toutes ses missions et les collectivités pourront offrir à nos concitoyens tous les services dont ils ont besoin.
Telles sont les raisons pour lesquelles les sénateurs de l'Union centriste, qui ont très largement construit leur groupe autour de l'idéal d'une République décentralisée, voteront ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Monsieur le président, vous nous avez dit avec le sourire que vous étiez un homme heureux. Nous nous en réjouissons sincèrement. (Ah ! sur les travées du RPR.)
Cependant, vous en conviendrez, mes chers collègues, nous sommes tous ici pour veiller à ce que tous les Français puissent être heureux. Ce texte va-t-il leur apporter des réponses ?
La décentralisation, c'est une quête d'efficacité de l'action publique, avec pour avantages l'écoute des habitants, la cohérence au plus près du territoire, l'allégement des procédures inadaptées. Mais cet allégement ne passe pas - surtout pas ! - par un allégement des droits des citoyens ou par un allégement des solidarités.
Le 21 avril, le doute s'est exprimé sur la capacité des pouvoirs publics à résister à la férocité de la mondialisation. Alors, nous nous devons tous de trouver les meilleurs lieux pour agir, de savoir qui fait quoi en Europe, à Paris, dans les régions, dans les intercommunalités, dans les quartiers.
Mais, dans ce deuxième souffle de la décentralisation, on ne trouve que ce qui existait déjà sans problème : les régions, l'expérimentation, le passage possible par priorité d'un texte au Sénat en première lecture.
Quelques innovations, comme le droit de pétition des habitants, sont passées du droit d'obtenir au droit de demander. Ni la vraie reconnaissance des intercommunalités, ni le juste droit de vote local des étrangers non européens n'ont eu droit de cité.
Quant à la solidarité, plus le Gouvernement s'est expliqué, plus il a refusé les garanties qu'offraient nos amendements et plus il s'est imposé à l'observateur attentif que deux déterminismes ont façonné ce texte : d'une part, la précipitation hasardeuse et, d'autre part, l'inspiration libérale. (Exclamations sur les travées du RPR.)
Le refus de l'inscription dans la Constitution du principe selon lequel « l'Etat est le garant de la solidarité nationale » est éloquent !
Ajoutons à cela une gestion rigide du débat, une commission des lois aux ordres, une opposition négligée, et l'on aura tous les ingrédients d'une Constitution malmenée.
Oh, certes, le contexte ne nous rassurait pas : baisse des impôts nationaux, stratégie fondée sur une croissance qui s'essouffle, suppression de postes, baisse des budgets de la culture et de la recherche. Mais là, la méthode a accru le trouble. La loi constitutionnelle sans regard sur les lois organiques, c'est comme un contrat d'assurance dont on aurait fait disparaître les petites lettres.
Je garde mes convictions pour la décentralisation, et je vais plus loin. A la différence de mes collègues, ni la géométrie variable, ni même le fédéralisme, ni même l'Europe des régions ne me font peur. Mais plus vous vous expliquiez, madame, monsieur le ministre, plus nous partagions une défiance croissante sur votre façon de voir les choses.
Nombre de vos réponses ont dévoilé des contenus tacites masqués par le flou, à commencer par votre cri du coeur sur la rupture. Et bien non ! on ne peut pas construire la décentralisation avec ceux qui jugent superflues les garanties, avec ceux qui jugent inutile la mention des engagements internationaux de la France, ou encore avec ceux qui se méfient des habitants.
Nous, nous préférons la coopération à la concurrence, nous ne mettons pas les gens en rivalité. Nous sommes des décentralisateurs de la solidarité, et non du libéralisme féroce. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur le président, je comprends votre bonheur, puisque le Sénat avait présenté des propositions en faveur d'une République décentralisée. Vous avez beaucoup oeuvré pour cela, et votre excellente explication de vote de tout à l'heure aurait sans doute été suffisante à l'issue de ce débat, sauf, bien sûr, pour nos collègues de l'opposition.
J'y ajouterai cependant quelques mots. Comme l'a dit Michel Mercier, la nécessité d'une révision constitutionnelle est une évidence dans la mesure où, bien souvent, l'article 72 n'a pas suffi pour prendre des dispositions nouvelles en matière d'expérimentation ou dans certains autres domaines.
C'est une grande joie pour tous ceux qui sont attachés depuis toujours au principe de subsidiarité, et je me réjouis que nous ayons fait des émules. En effet, les problèmes sont traités là où ils doivent l'être, c'est-à-dire à proximité. C'est une bonne illustration d'un principe qui devrait être général et qui ne concerne pas seulement les collectivités et l'Etat puisqu'il s'applique aussi aux personnes par rapport aux communautés.
L'action d'une personne n'est pas forcément une obligation imposée par le groupe. Cela aussi, c'est un aspect du principe de subsidiarité. Je rends attentifs certains de nos collègues à l'intérêt de cette notion philosophique.
L'expérimentation est également un volet fondamental. Elle ne concerne pas seulement les collectivités territoriales : elle s'applique aussi aux actions de l'Etat.
J'ai déjà dit que, pour la mise en place de certains dispositifs d'Etat, notamment dans le domaine de la justice, il serait utile d'expérimenter avant de généraliser sur l'ensemble du territoire. Or c'est impossible aujourd'hui.
Ces deux thèmes rendraient nécessaire une révision constitutionnelle.
Je suis par ailleurs très heureux, bien sûr, qu'on ait permis aux collectivités d'outre-mer, en fonction de leurs possibilités, de leur histoire passée et de leur environnement, de trouver les voies et moyens pour rester dans la République, tout en ayant plus d'autonomie.
Nous l'avons fait pour la Nouvelle-Calédonie, dans un contexte particulier. Nous souhaitions le faire pour la Polynésie française ; mais je crois que notre collègue M. Gaston Flosse a obtenu satisfaction sur l'essentiel.
Néanmoins, nous permettons aussi aux départements qui le veulent de rester dans le cadre qui a été conçu dès 1946.
Tout cela forme une République toujours unie, mais qui tient compte des diversités, à condition, bien sûr, monsieur le président, mes chers collègues, que l'Etat conserve ses responsabilités, mais aussi assure et fasse respecter l'égalité des chances entre les collectivités et non pas cet égalitarisme que j'ai trop souvent entendu prôner sur certaines travées.
L'égalitarisme n'est pas l'égalité. L'égalité, c'est l'égalité des chances, et c'est à l'Etat de la faire respecter.
Tout ce que nous avons dit sur la solidarité financière et sur les péréquations nous fera avancer dans la décentralisation puisque cela permettra aux collectivités de faire mieux là où l'Etat est souvent incapable de faire bien.
Une profonde réforme des institutions de l'Etat doit bien évidemment prolonger ce processus de décentralisation.
Monsieur le président, nous sommes heureux de voter ce texte. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon.
Mme Josiane Mathon. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, des assises qui se termineront une fois le débat parlementaire clos, un mépris affiché pour les élus de l'opposition,... (Protestations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants) auxquels vous refusez ce que vous accordez à vos amis, c'est-à-dire le droit, tout simplement, de connaître ce sur quoi ils sont appelés à se prononcer, décidément, la démocratie vous fait sans doute très peur ! (Vives protestations sur les mêmes travées.)
Toute notre discussion a eu pour seul objectif de faire avaliser, dans la précipitation et dans une confusion extrême, le projet gouvernemental. C'est effarant ! (Exclamations sur les travées du RPR.)
Vous avez rejeté tous nos amendements tendant à favoriser la démocratie à tous les niveaux, à rapprocher les citoyens des décisions, ce qui est pourtant, dites-vous, votre objectif. En réalité, votre conception de la « proximité » consiste à laisser aux citoyens les questions qui seront traitées au niveau local - aussi importantes soient-elles pour leur vie quotidienne - et à les déposséder de toute intervention sur les choix politiques, les enjeux complexes. Le couplage Etat - région d'un côté, département - commune de l'autre en est une illustration.
Nous avons rappelé notre attachement aux communes et aux départements, qui jouent un rôle réel en mettant en oeuvre des mécanismes de solidarité. Mais vous avez maintenu toutes les dispositions susceptibles de les faire disparaître.
Vous avez fermé la porte au vote des étrangers non communautaires, au prix d'arguments particulièrement fallacieux. (Protestations sur les mêmes travées.)
Une révision constitutionnelle ne se fait pas tous les jours. Elle devrait être l'occasion d'engager de grandes réformes pour moderniser le paysage institutionnel français dans un sens démocratique.
Mais avec les dispositions que vous souhaitez voir adopter, notre pays va connaître un véritable bond en arrière vers de nouvelles féodalités. (Oh ! sur les mêmes travées.)
M. Eric Doligé. Pensez à M. Hue !
Mme Josiane Mathon. J'espérais que votre réaction serait vive. Elle ne l'est pas trop ! (Sourires.)
Pour ce qui nous concerne, nous refusons que nos concitoyennes et nos concitoyens payent ainsi le prix fort pour la construction d'une France fédérale dans une Europe libérale.
Privatisation des services publics avec bientôt l'aide des collectivités territoriales, attaques contre la sécurité sociale et les retraites, contre le logement social, l'éducation, votre Gouvernement remet systématiquement en cause tous les outils de la solidarité et de l'égalité. Vous démolissez méthodiquement ce que les constituants de 1946 avaient su réaliser ; vous mettez à bas les avancées de ces dernières années et décennies.
Il y a une grande cohérence dans votre politique. (Ah ! sur les mêmes travées.)
Le projet de loi constitutionnelle en est une pièce importante, qui, s'il est voté, marquera l'avenir d'une manière négative. En retirant ses amendements, devant l'insistance du Gouvernement, la commission des lois y aura contribué.
S'aligner sur le Gouvernement, cela devient d'ailleurs une habitude ! Déjà, cet été, le travail de la commission d'enquête sur la délinquance des mineurs avait été jeté par dessus bord, lors du vote de la loi d'orientation et de programmation sur la justice.
Notre conception de la décentralisation n'est pas la vôtre...
MM. Eric Doligé et Josselin de Rohan. Heureusement !
Mme Josiane Mathon. Nous voulons une décentralisation solidaire, respectueuse de l'égalité des citoyens, qui se fixe pour objectif de répondre à leurs besoins et non de mettre les régions françaises en concurrence pour répondre aux exigences européennes.
C'est pourquoi nous refusons de voir apparaître dans la Constitution une conception de la République fondée sur une multitude de statuts particuliers, de normes particulières.
Nous voulons une décentralisation qui soit synonyme de déconcentration et de démocratisation. Nous en sommes bien loin et nous nous sommes efforcés de le démontrer tout au long du débat. Nous n'avons pas été entendus. Mais il n'est pas trop tard...
M. Eric Doligé. Mais si : il est trop tard !
Mme Josiane Mathon. ... pour leur donner tous les éléments, contenu, enjeux, pour juger en toute connaissance de cause du projet dans ses aspects publics comme cachés et pour organiser un grand débat national débouchant sur un référendum.
En attendant, nous voterons résolument contre ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et sur celles du groupe socialiste.)
M. Eric Doligé. Heureusement !
M. le président. La parole est à M. Laurent Béteille.
M. Laurent Béteille. Le scrutin du 21 avril dernier a bien montré combien les Français étaient insatisfaits du fonctionnement actuel de nos institutions. A l'évidence, une grande part des électeurs ne s'est pas sentie concernée par les processus de décision tels qu'ils ont fonctionné durant la période la plus récente.
En rapprochant le lieu de décision du citoyen, le Gouvernement a choisi la bonne voie pour réveiller leur participation et leur permettre de s'intéresser à nouveau, de manière positive, à la vie politique.
Pour préparer cette évolution indispensable, vous avez opté pour une révision de la Constitution. Il convient effectivement d'ouvrir de nouvelles possibilités à l'expérimentation, mais aussi d'encadrer dans des dispositions de principe les transferts de compétences, ce qui n'avait pas été fait jusqu'à présent.
L'opposition sénatoriale a reproché à ce texte de ne pas contenir ce qui n'avait pas été fait dans les précédents textes de décentralisation. Entre autres, l'affirmation constitutionnelle de l'autonomie financière et de la libre administration des collectivités territoriales devient un principe constitutionnel désormais sanctionnable par le Conseil constitutionnel.
Bien sûr, il existe une marge d'appréciation. Elle est d'ailleurs indispensable si l'on ne veut pas aboutir à des blocages. Mais quel progrès !
La compensation financière à l'occasion des transferts de compétences devient également un principe constitutionnel sanctionnable. Quel progrès, après l'expérience de l'allocation personnalisée d'autonomie, l'APA, et celle des collèges !
L'expérimentation devient possible mais pour une durée et un objet limités, ce qui permet ou son abandon en cas d'échec, ou au contraire sa généralisation en cas de succès. Là encore, quel progrès par rapport aux dispositions qui nous étaient proposées pour la Corse !
Nos collègues ont choisi de s'opposer à ce nouvel espace de liberté.
Nous avons entendu de vibrantes défenses du centralisme, censées garantir la stricte égalité entre les territoires, pour s'opposer à tout transfert nouveau. Il a même été question de fédéralisme.
Mais une question vient aussitôt à l'esprit : la situation actuelle, même après cinq ans de gestion de la gauche plurielle, assure-t-elle cette égalité des territoires ? Toutes les régions, tous les départements, toutes les communes sont-ils satisfaits du montant de leurs ressources, des crédits déconcentrés de l'Etat ? Pourquoi feindre aujourd'hui de croire que les crédits décentralisés au profit des collectivités territoriales seront moins bien répartis que les crédits déconcentrés ?
Il ne faut pas oublier que le centralisme n'est nullement une garantie d'égalité entre les territoires.
De même, comment ne pas être sidéré par les critiques de nos collègues sur l'article 4, alinéa 3, relatif au principe dit de subsidiarité ?
Refuser d'accorder aux collectivités territoriales les compétences qu'elles peuvent mieux exercer que l'Etat ne tient pas de la défense de la République mais de la politique du roi Ubu.
C'est vouloir à toute force confier à des technostructures irresponsables ce dont il est manifeste que les élus locaux, par leurs connaissances du terrain, sont le mieux à même de traiter, et de manière plus performante.
Ce texte n'est ni aléatoire ni inutile. Au contraire, il offre un bon équilibre entre le pouvoir local et le pouvoir central et s'en tient, comme la logique le commande pour un texte constitutionnel, au niveau des principes.
Il permettra de répondre au sentiment de découragement des Français au regard du fonctionnement de leurs institutions et de moderniser les rapports entre l'Etat et les collectivités territoriales en vue d'une meilleure efficacité.
Dans les semaines qui viennent, les assises des libertés locales vont permettre de définir un premier train de mesures. Mais la révision de la Constitution n'est pas une mesure de circonstances. Les règles que nous fixons s'appliqueront dans la durée à bien d'autres situations que nous ne pouvons aujourd'hui prévoir sans nous lancer dans des spéculations hasardeuses.
Le souhait de nos collègues de connaître par avance toutes les dispositions des lois organiques n'est pas une attitude de constituant.
Appelée de ses voeux par le Président de la République durant la campagne électorale, cette réforme est plus que nécessaire, elle est aujourd'hui indispensable pour permettre à notre République de redémarrer, de repartir de l'avant. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. François Fortassin.
M. François Fortassin. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, personnellement, j'ai apprécié que ce projet de loi vienne d'abord en discussion au Sénat plutôt qu'à l'Assemblée nationale.
Je voudrais aussi, en tant que nouveau sénateur, dire à un autre nouveau sénateur - originaire, lui aussi, de « la grande bleue » - que je suis satisfait, compte tenu des discours qu'il tenait il y a vingt ans, de voir combien son évolution a été positive en matière de décentralisation. Peut-être la maturation a-t-elle été un peu longue ! Mais, en définitive, il a fait preuve d'enthousiasme et de sérénité. Mais là n'est pas mon propos !
Je voudrais surtout dire qu'il y a un certain nombre de choses que nous ne pouvons qu'apprécier. Ainsi, il est clair que, lorsqu'on nous parle de réformer les structures administratives, de revivifier la vie politique et la République, lorsqu'on nous parle d'organisation décentralisée, de péréquation, d'expérimentation, nous ne pouvons nier, bien entendu, que tout cela fait partie de l'héritage de la gauche. Par conséquent, mes chers collègues, si vous vous y ralliez, j'y verrais là un signe extrêmement encourageant qui prouverait tout simplement que vous avez bien évolué et que nous avions peut-être raison avant vous !... (Murmures sur les travées du RPR.)
Je mettrai toutefois un bémol à l'évolution dont je parlais. Il est des éléments que j'aurais personnellement voulu voir figurer dans le texte, ou au moins esquisser. Par exemple, sur le plan intellectuel, tout le monde est d'accord avec l'expérimentation. Mais si on ne la cadre pas - et, pour l'instant, nous ne savons rien -, je crains que seules les collectivités aisées - aucune collectivité ne peut être riche en cette période ! - ne puissent s'offrir toutes les expérimentations, et que les collectivités démunies ne parviennent, en définitive, qu'à faire face à leurs obligations légales, c'est-à-dire à leurs compétences obligatoires. C'est une inquiétude d'autant plus grande que nous sommes très attachés à la solidarité territoriale, qui va bien au-delà de la solidarité sociale.
M. Roger Karoutchi. C'est la sagesse !
M. François Fortassin. Quant à la péréquation, si elle doit être fondée sur le principe actuel de la DGE et de la DGF, à l'évidence, elle ne va pas donner satisfaction. Ce sera un coup d'épée dans l'eau et, paraphrasant mon grand-père, je dirai que, dans cette République nouvelle qui s'esquisse, mieux vaut être riche et bien portant que pauvre et malade ! (Rires.) Cette idée de péréquation manque donc singulièrement de précision. Nous aurions souhaité...
M. Hilaire Flandre. Des sous !
M. François Fortassin ... l'inscription dans le texte que l'Etat est garant de l'unité nationale.
D'autres éléments me laissent perplexe.
Tout d'abord, je trouve qu'il y a quelque incohérence à parler d'unicité de la République et de République décentralisée.
M. Josselin de Rohan. Ah bon !
M. François Fortassin. Il faudra que vous m'expliquiez.
N'y aura-t-il pas une fonction publique territoriale à plusieurs vitesses ?
Enfin, quand on connaît les débats qui sont organisés par les préfets sur les libertés locales, on ne peut qu'être dubitatif quant à la portée réelle des différentes discussions qui nous attendent maintenant !
M. Didier Boulaud. Il a totalement raison !
M. François Fortassin. Dans les déclarations qui émanent tant de l'opposition que de la majorité et qui font état d'un texte « mal ficelé », d'un « projet bâclé », voire d'une « République en morceaux », je me demande s'il n'y a pas un petit fond de vérité.
M. Didier Boulaud. Il a raison !
M. François Fortassin. Quand j'ai écouté, lors des dernières assises des conseillers généraux, le discours du président de l'Assemblée nationale,...
M. Hilaire Flandre. Il va s'abstenir !
M. François Fortassin. ... j'ai cru entendre...
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste. « Le bazar ! »
M. François Fortassin. ... son père, lui dont on ne peut quand même pas dire que le jacobinisme était la dernière des qualités ! (Vives exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.) Par ailleurs, je vous en donne acte, monsieur le président, j'ai apprécié votre discours, je le dis très clairement.
M. Didier Boulaud. On a compris !
M. François Fortassin. Par conséquent, si j'ai envie de voter le texte des deux mains (Exclamations sur les mêmes travées), en raison du flou artistique qui subsiste sur tous ces différents points...
M. Henri de Raincourt. Toujours le radicalisme !
M. François Fortassin. ... et que vous n'avez pas dissipé au cours des débats, je ne peux pas vous donner de chèque en blanc, ...
M. Hilaire Flandre. Il va s'abstenir !
M. Robert-Denis Del Picchia. Il va voter d'une seule main !
M. François Fortassin. ... même si je ne mets pas en doute la volonté du Premier ministre et de la majorité sénatoriale de mener à bien une telle réforme. Je suis beaucoup plus inquiet de ce qui va se passer à l'Assemblée nationale ! (Exclamations sur les travées du RPR.)
MM. Jacques Pelletier et Paul Girod. Très bien !
M. Louis de Broissia. Ils vont s'abstenir !
M. le président. Avant de donner la parole à M. Gélard, j'adresse au président-rapporteur de la commission des lois, au vice-président et à tous les membres de la commission, élus et fonctionnaires, mes félicitations pour le travail extrêmement important qu'ils ont réalisé, je dois le reconnaître, dans des conditions assez difficiles. Ils méritent, par conséquent, les uns et les autres, que nous les complimentions. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Vous avez la parole, monsieur Gélard.
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission. Monsieur le président, vous venez de me couper l'herbe sous le pied ! Je voulais en effet commencer par remercier le président Garrec pour le rapport qu'il a fait au nom de la commission des lois sur ce projet de loi constitutionnelle. (Bravo ! et applaudissements sur les mêmes travées.)
Il a eu une mission difficile,...
M. Jean-Pierre Sueur. Très !
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission. ... complexe, dans un domaine où nous n'avions pas encore expérimenté de révision constitutionnelle.
Je tiens aussi à saluer l'opposition (Exclamations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste), même si nous n'avons retenu aucun de ses amendements ! (Rires sur les mêmes travées. - Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Jean-Claude Carle. C'est trop fort !
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission. Même s'ils ont parfois voulu - c'était Halloween ! - nous faire peur en évoquant le fédéralisme, le démantèlement de la République, l'atteinte à la souveraineté, ce débat aura été riche, et les propositions qui ont été faites, même si elles n'étaient pas dans la ligne que nous avions choisie au nom de la majorité de la commission des lois, intéresseront ceux qui, par la suite, étudieront la façon dont ce texte a été adopté.
Mme Hélène Luc. La postérité !
M. Jacques Mahéas. Quel dédain !
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission. J'ajoute que nous avons innové, sur le plan constitutionnel, dans toute une série de domaines.
Mme Nicole Borvo. Vous avez cafouillé !
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission. Nous avons innové en inventant la décentralisation constitutionnalisée. Il y avait déjà le régionalisme constitutionnalisé, le fédéralisme constitionnalisé, mais il n'y avait pas encore la décentralisation constitutionnalisée. C'est chose faite.
Vous verrez aussi, à l'usage, que toute une série des principes que nous avons dégagés perdureront et marqueront profondément à l'avenir.
Le débat que nous avons mené, longuement, avec passion, avec quelques chausse-trappes aussi...
M. Jean-Pierre Sueur. Beaucoup !
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission. ... ainsi que quelques prolongations qui n'avaient peut-être pas tout à fait leur place, a au moins permis d'apporter une réponse à une demande constante de la part des Français : un Etat plus proche de leurs préoccupations. Ce sera la décentralisation.
Nous avons tenu les engagements pris par le chef de l'Etat dans son discours de Rouen, par le Premier ministre lors de sa déclaration d'investiture. Nous sommes dans la lignée de ce pour quoi nous avons été élus et nous continuerons dans cette voie ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
M. Didier Boulaud. Ce n'est pas normal ça ! Après le vote !
Mme Brigitte Girardin, ministre. C'est la première fois que l'honneur m'a été fait de venir défendre un texte dans votre assemblée. J'en ai été évidemment à la fois émue et heureuse, d'autant qu'il s'agit d'une réforme que je considère comme une grande réforme pour l'outre-mer et qui est, me semble-t-il, la traduction juridique très fidèle du discours - qui a été qualifié de fondateur - que M. le Président de la République a prononcé à Madiana, en Martinique, en mars 2000.
Même si nos débats ont montré que, entre la Polynésie et la Réunion par exemple, il y avait une palette importante de nuances - mais c'est cela aussi la France, avec sa diversité et ses richesses grâce aux collectivités d'outre-mer - nous avons réussi à élaborer un texte équilibré, qui ancre davantage nos dix collectivités d'outre-mer dans la République. Au-delà de ce lien juridique très fort, n'oublions pas que c'est surtout le lien du coeur entre la métropole et l'outre-mer qui est important !
M. Jean-Claude Carle. Très bien !
Mme Brigitte Girardin, ministre. En outre, je tiens tout particulièrement à vous remercier, monsieur le président, de l'efficacité avec laquelle vous avez dirigé les travaux qui me concernent tout particulièrement. Je veux surtout adresser à M. le président Garrec et à M. Gélard des remerciements très chaleureux pour la manière dont nous avons très longuement travaillé ensemble, et j'y associe bien sûr tous leurs collaborateurs. Grâce à la commission des lois, nous avons amélioré avec intelligence la partie du texte relative à l'outre-mer, car ses membres nous ont fait penser à des subtilités qui nous avaient échappé. Ce texte a donc été amélioré grâce au travail très intense que vous avez fourni, mesdames, messieurs les sénateurs.
M. Didier Boulaud. Passe-moi le poivre !
Mme Brigitte Girardin, ministre. Je remercie aussi les sénatrices et les sénateurs, de la majorité comme de l'opposition, de l'accueil à la fois compréhensif et courtois qu'ils ont bien voulu me réserver. Nos débats, qui ont été parfois animés, ont été de toute façon très enrichissants pour les uns et les autres. Je vous adresse, je le répète, à vous toutes et à vous tous mes remerciements les plus sincères et les plus vifs. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le texte qui vous est soumis est très important et il doit beaucoup au Sénat car, vous l'avez dit, monsieur le président, le Sénat, au cours de ces débats, a été non seulement un aiguillon permanent, mais aussi un inspirateur,...
M. Didier Boulaud. Un aspirateur ! (Rires sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Monsieur Boulaud, voyons !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. ... notamment à travers vous qui vous êtes engagé depuis longtemps dans cette réforme de la décentralisation.
Rassurez-vous, monsieur le président, je connais M. Boulaud : il était aussi perturbateur à l'Assemblée nationale qu'il l'est au Sénat !
Un sénateur du RPR. Il ne s'améliore pas !
M. Henri de Raincourt. La maladie est chronique dans la Nièvre !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Le Gouvernement s'est largement inspiré des travaux préparatoires du Sénat, en particulier de votre proposition de loi, monsieur le président. C'est la raison pour laquelle, d'ailleurs, le Gouvernement a tenu à ce que ce projet de loi soit soumis en priorité au Sénat. Il s'agit non seulement d'un acte de courtoisie à l'égard de la Haute Assemblée, mais aussi d'une adresse à des spécialistes des collectivités territoriales.
M. Henri de Raincourt. Très bien !
M. Patrick Devedjian ministre délégué. Cela va éclairer les débats à venir pour l'ensemble du Parlement et permettra sans doute d'avancer avec plus d'efficacité dans le débat juridique.
M. Laurent Béteille. Très bien !
Mme Nicole Borvo. C'est pour cela que vous n'avez retenu aucun amendement !
M. Patrick Devedjian ministre délégué. Ce texte doit beaucoup aussi à la commission des lois du Sénat (Vives exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste), à ses collaborateurs, qui ont apporté un concours technique très efficace, à M. René Garrec en particulier, qui, en plus de ses qualités de fin juriste, qu'il a acquises sans doute ailleurs mais aussi dans cette assemblée, a su ne jamais se départir d'une subtilité souriante et d'un grand art diplomatique.
M. Patrice Gélard a su, lui, recentrer le débat sur l'essentiel lorsque le droit et les notions fondamentales du droit étaient en cause.
La commission des lois a été critiquée ; j'ai entendu, à son sujet, des mots désagréables : elle a dû « se coucher », (Oh ! sur les travées du groupe socialiste et sur celle du groupe CRC), elle a été aux ordres... Or, avec le sourire, M. Garrec a su faire accepter trente-quatre amendements. Pour des gens qui marchent aux ordres, ce n'est pas mal !
Très souvent, monsieur le rapporteur, vous avez su convaincre le Gouvernement de la pertinence de votre approche par rapport à la sienne et nous vous en sommes reconnaissants.
M. Jean-Pierre Sueur. Quelle vision de l'histoire !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Ce projet de loi crée des instruments nouveaux, qui transformeront progressivement le paysage administratif de notre pays. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Je les rappelle, car ils sont nombreux et l'on pourrait avoir tendance à les oublier en raison d'un excès de polémique.
Ce texte institue le statut particulier, l'expérimentation, la subsidiarité, le référendum local, le chef de file, la reconnaissance d'un droit réglementaire des collectivités territoriales et son assise constitutionnelle ; la liberté des collectivités territoriales est garantie ; il n'y a pas de tutelle d'une collectivité sur l'autre ; il n'y a plus et il ne pourra plus y avoir de tutelle financière de la part de l'Etat (Rires sur les travées du groupe socialiste et sur celles du groupe CRC) ; la péréquation devient une obligation constitutionnelle - elle était un thème de discours, elle devient un droit - ; la région fait son entrée dans la Constitution - elle se trouve enfin à égalité avec les deux autres collectivités locales - ; le statut de l'outre-mer est rénové ; enfin, ce projet de loi marque une amplification considérable par rapport à la réforme de Gaston Defferre de 1982.
Si vous le permettez, monsieur Mauroy, je dirai que cette réforme constitue un changement de méthode.
D'abord, c'est une réforme qui est demandée par les collectivités locales, et non pas octroyée par l'Etat. C'est une grande différence ! (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Ensuite, c'est une réforme qui est constitutionnalisée, si bien qu'elle est juridiquement protégée contre les retours en arrière et contre la reprise fibre à fibre des libertés qui ont été concédées. (M. Bernard Piras s'exclame.)
C'est également une réforme permanente. Les instruments qui figureront dans la Constitution permettront de continuer à décentraliser d'année en année. La réforme ne s'arrêtera pas à un moment donné. Elle n'est pas occasionnelle. (Rires sur les travées du groupe socialiste.)
Enfin, monsieur Mauroy, cette réforme est emblématique, et non pas circonstancielle. C'est la raison pour laquelle nous avons tenu à ce qu'elle soit inscrite à l'article 1er de la Constitution. Elle représente en effet une volonté permanente d'aborder autrement les relations entre l'Etat et les collectivités territoriales. (M. Jacques Mahéas s'exclame.)
Face à l'importance de ce projet de loi, les critiques de la gauche que j'ai entendues, et qui ont été rappelées lors de vos explications de vote, me paraissent être des prétextes d'une grande légèreté. (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste.)
L'unité de la République n'est pas menacée : elle est garantie par l'article 1er et par l'article 3 de la Constitution. (M. Jacques Mahéas s'exclame de nouveau.)
J'ai entendu l'accusation de « fédéralisme ».
Mme Hélène Luc. Eh oui !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Il est vrai - et cela fait la richesse de notre débat - que l'histoire est à l'arrière-plan de tout ce que nous disons. Les malheureux Girondins qu'on envoyait à la guillotine étaient déjà accusés de « fédéralisme » : c'était le crime suprême dont on accusait ceux qui voulaient décentraliser. Ce reproche existe encore aujourd'hui. Il s'agit évidemment d'un archaïsme, mais c'est significatif.
L'égalité, avez-vous dit, serait menacée.
Mme Hélène Luc. Bien sûr qu'elle est menacée !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Or jamais les inégalités n'ont été aussi fortes qu'aujourd'hui. Regardez la carte de notre pays, regardez ces provinces en jachère (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et sur celles du groupe CRC), abandonnées, éloignées des axes de communication : tous les TGV, toutes les autoroutes, toutes les lignes aériennes convergent vers Paris ! Croyez-vous que c'est cela l'égalité ? (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
Vous nous avez dit que notre projet était flou. Mais le propre d'une Constitution est d'énoncer des droits. Et ceux qui, dans un droit, ne voient que du flou sont mûrs, effectivement, pour toutes les subversions. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et sur celles du groupe CRC.)
C'est la loi organique qui organise le droit et c'est la Constitution qui l'énonce !
Vous nous avez reproché de ne pas avoir inscrit l'intercommunalité dans le projet de loi. Nous vous avons répondu que nous tenions autant que vous à l'intercommunalité, qu'effectivement c'était l'avenir, et que pour préserver le processus d'expérimentation, qui est actuellement en plein développement, il fallait sans doute ne pas le bousculer, mais le laisser s'achever avant de marquer une étape supplémentaire.
Monsieur Mauroy, la promesse du Premier ministre à Marseille est tenue : il avait promis que les intercommunalités pourraient bénéficier de l'expérimentation. Eh bien ! c'est fait : c'est inscrit dans le projet de loi.
J'ai également entendu parler de « féodalité ». C'est oublier que la décentralisation est inscrite dans le droit et que le droit est contrôlé. Les préfets continueront à exercer le contrôle de légalité, et il n'y aura pas plus de féodalité demain qu'il n'y en a eu hier. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et sur celles du groupe CRC.)
Enfin, car il faut évidemment employer tous les arguments, j'ai entendu parler de « libéralisme ». On se demande ce que cela vient faire ! (Mme Nicole Borvo s'exclame.)
Il s'agit d'organiser autrement la puissance publique. Il n'est nulle part question de privatisation. La puissance publique restera toujours responsable du service public.
Je comprends que la gauche, qui a des problèmes, essaie de ressouder son unité. (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et sur celles du groupe CRC. ) Mais il me semble que, par ces considérations tactiques un peu subalternes, vous avez oublié vos propres convictions et, finalement,... (Les protestations s'amplifient jusqu'à couvrir la voix de l'orateur.) La liberté consiste à laisser parler celui qui a la parole ! La démocratie aussi ! (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste. - Brouhaha sur les travées du groupe socialiste et sur celles du groupe CRC.) ... et, finalement, vingt ans après Gaston Defferre, vous nous avez dit aujourd'hui que vous étiez d'accord avec les idées de Michel Debré.
M. Jean-Claude Peyronnet. On n'a jamais dit cela !
M. Patrick Devedjian ministre délégué. C'est une satisfaction mitigée pour un gaulliste comme moi. (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste.)
M. Didier Boulaud. Que les gaullistes lèvent le doigt !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. En tout cas, pour vous, c'est un singulier renoncement.
Après cinq ans d'un gouvernement Jospin qui a recentralisé à marche forcée en remplaçant la tutelle des préfets par la tutelle financière, il fallait que nous arrivions pour rétablir la liberté des collectivités locales. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants. - Vives protestations sur les travées du groupe socialiste.) Ce ne sont pas vos cris, ni votre obstruction, qui feront avancer l'histoire !
En définitive, la gauche bégaye. En 1969, vous vous êtes opposés à la décentralisation du général de Gaulle. En 1982, nous avons fait l'erreur de nous opposer à votre décentralisation. Aujourd'hui, vous vous opposez à la nôtre. L'histoire avance à reculons avec vous, et je le regrette. Pourtant, ce débat a été très riche, utile, et il portera ses fruits.
Demain, nous aurons à examiner la loi organique. Ce débat a jalonné son contenu grâce à ce qui s'est passé aujourd'hui tant à gauche qu'à droite. Nous savons déjà un peu mieux comment devra être écrite la loi organique. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) L'Assemblée nationale nous aidera à préciser davantage les choses, mais c'est déjà très avancé.
Nous commençons à savoir aussi, grâce à ce débat, ce que devra être la réforme fiscale : ce sera inévitablement l'application des principes inscrits dans la Constitution. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) C'est dur d'entendre la vérité ! (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste. - Protestations sur les travées du groupe socialiste et sur celles du groupe CRC.) Mais c'est seulement en affrontant la vérité que l'on peut guérir !
M. Didier Boulaud. Vous ne nous ferez pas taire !
M. Patrick Devedjian ministre délégué. A défaut de vous avoir convaincus, il nous reste à expliquer aux Français que cette réforme est pour eux : elle n'est pas pour la gauche ou pour la droite ; elle n'est pas pour les fonctionnaires ; elle n'est pas pour les élus locaux ; elle n'est pas pour les élus nationaux. Elle est pour les citoyens, pour qu'ils aient un meilleur service public, un service public de qualité, de proximité,...
Mme Hélène Luc. Vous voulez privatiser !
M. Patrick Devedjian ministre délégué. ... et dont les élus soient responsables.
Tel est le sens de la réforme : un meilleur service public pour tous les citoyens. (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Huées et sifflets sur les travées du groupe socialiste et sur celles du groupe CRC.)
M. Didier Boulaud. C'est ce que l'on appelle un discours de trop !
M. le président. Le Sénat va procéder au vote sur l'ensemble du projet de loi constitutionnelle.
En application de l'article 60 bis , alinéa 1, du règlement, il va être procédé à un scrutin public à la tribune, dans les conditions fixées par l'article 56 bis du règlement.
J'invite Mme Gisèle Printz et M. Jean-Claude Carle, secrétaires du Sénat, à venir superviser les opérations du scrutin.
Je vais tirer au sort la lettre par laquelle commencera l'appel nominal.

(Le sort désigne la lettre Q.)
M. le président. Le scrutin sera clos quelques instants après la fin de l'appel nominal.
Le scrutin est ouvert.
Huissiers, veuillez commencer l'appel nominal.

(L'appel nominal a lieu.)
M. le président. Le premier appel nominal est terminé.
Il va être procédé à un nouvel appel nominal.

(Le nouvel appel nominal a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
Mme et M. les secrétaires vont procéder au dépouillement.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 28:

Nombre de votants 305
Nombre de suffrages exprimés 302
Majorité absolue des suffrages 152
Pour l'adoption 197
Contre
105

Le Sénat a adopté. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

5

MODIFICATION DE L'ORDRE DU JOUR

M. le président. J'ai reçu de M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement, porte-parole du Gouvernement, la lettre suivante :

« Monsieur le président,
« J'ai l'honneur de vous informer que, en application de l'article 48 de la Constitution et de l'article 29 du règlement du Sénat, le Gouvernement demande que la discussion du projet de loi pour la sécurité intérieure commence le mercredi 13 novembre, à 15 heures. La discussion se poursuivra mercredi 13 novembre, le soir, jeudi 14 novembre, le matin, l'après-midi, après les questions d'actualité au Gouvernement, et le soir, ainsi que vendredi 15 novembre, le matin, l'après-midi et le soir.
« Je vous prie d'agréer, monsieur le président, l'expression de mes sentiments les meilleurs.

« Signé : Jean-François Copé. »

En conséquence, l'ordre du jour de la séance de demain s'établit désormais comme suit :
A 15 heures et, éventuellement, le soir :
- Questions d'actualité au Gouvernement ;
- Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, sur le rapport du Gouvernement sur les prélèvements obligatoires et leur évolution.

6

COMMUNICATION DE L'ADOPTION DÉFINITIVE DE TEXTES SOUMIS AU SÉNAT EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre une communication, en date du 4 novembre 2002, l'informant de l'adoption définitive des neuf textes soumis en application de l'article 88-4 de la Constitution suivants :
N° E 1839. - Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion de l'accord INTERBUS relatif au transport international occasionnel de voyageurs par autocar ou par autobus (adoptée le 3 octobre 2002).
N° E 1918. - Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion, entre la Communauté européenne et la République tchèque, d'un accord concernant les produits de la pêche sous la forme d'un protocole additionnel à l'accord européen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la République tchèque, d'autre part (adoptée le 22 octobre 2002).
N° E 1998. - Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif au maintien du système statistique de la Communauté européenne du charbon et de l'acier après l'expiration du traité instituant la Communauté européenne du charbon et de l'acier (adoptée le 30 septembre 2002).
N° E 2031. - Demande de dérogation présentée par la Suède conformément à l'article 8, paragraphe 4, de la directive 92/81/CEE concernant les droits d'accises sur les huiles minérales (essence alkylat) (adoptée le 8 octobre 2002).
N° E 2033. - Proposition de règlement du Conseil portant rectification du règlement (CE) n° 2200/96 en ce qui concerne la date de début de la période transitoire fixée pour la reconnaissance des organisations de producteurs (adoptée le 14 octobre 2002).
N° E 2047. - Proposition de décision du Conseil modifiant la décision 1999/78/CEE du Conseil du 22 juin 1998 relative à la conclusion d'un accord de reconnaissance mutuelle entre la Communauté européenne et les Etats-Unis d'Amérique (adoptée le 8 octobre 2002).
N° E 2048. - Proposition de décision du Conseil modifiant la décision 2001/747/CE du Conseil du 27 septembre 2001 concernant la conclusion de l'accord de reconnaissance mutuelle entre la Communauté européenne et le Japon (adoptée le 8 octobre 2002).
N° E 2066. - Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 2505/96 portant ouverture et mode de gestion des contingents tarifaires communautaires autonomes pour certains produits agricoles et industriels (chlorure de diméthylammonium, moteurs) (adoptée le 8 octobre 2002).
N° E 2088. - Projet de règlement de la Commission portant règlement financier cadre des organismes visés à l'article 185 du règlement (CE, EURATOM) du Conseil (règlement financier applicable au budget général) (adopté le 14 octobre 2002).

7

DÉPÔT D'UNE QUESTION ORALE AVEC DÉBAT

M. le président. J'informe le Sénat que j'ai été saisi de la question orale avec débat suivante :
N° 6. - Le 6 novembre 2002 - M. Jean-Paul Amoudry appelle l'attention de M. le Premier ministre sur les conclusions et propositions formulées par la mission d'information du Sénat sur la politique de la montagne, dans son rapport rendu public le 16 octobre 2002.
En effet, si les travaux conduits par la mission depuis le mois de février dernier ont souligné l'infinie diversité des territoires des montagnes de France, qui couvrent 28 % du territoire et regroupent 13,5 % de la population de notre pays, ils ont également mis en évidence de très nombreuses caractéristiques communes aux terres d'altitude.
Ces points communs et les préoccupations qui en découlent apparaissent comme autant de questions urgentes posées aux responsables politiques dans des domaines déterminants pour l'avenir des zones de montagne françaises :
- le niveau des soutiens publics à l'agriculture, inférieur à la moyenne nationale, et donc en totale contradiction avec les principes de légitime compensation du « handicap montagne » affirmés depuis plusieurs décennies par le législateur ;
- la préservation d'une activité industrielle, souvent fortement enracinée, qui aspire à continuer à vivre dans des territoires incapables de surmonter sans aide extérieure le handicap de l'enclavement, et qui ressentent un fort déficit de solidarité nationale ;
- la poursuite du développement touristique, freiné par l'absence de politiques fiscales et sociales adaptées à la saisonnalité et d'un véritable régime de la pluriactivité ;
- la quasi-inexistence de politiques nationales et européennes pour régler la question de la traversée des massifs frontaliers, ce qui inflige aux populations sédentaires les nuisances induites par la croissance du trafic routier sans perspective d'amélioration ;
- l'absence de concertation avec les responsables locaux, constatée dans certaines initiatives environnementalistes, telle la réintroduction du loup, au mépris d'activités ancestrales, comme le pastoralisme, entretenant ainsi le sentiment que les « grandes » décisions concernant la montagne relèvent d'un processus centralisé ;
- la lente, mais apparemment inéluctable disparition de services publics, médicaux et privés, qui, dans beaucoup de massifs, entraîne puis accroît la dévitalisation démographique ;
- l'excès de rigueur, enfin, dans l'application des dispositions d'urbanisme de la loi « montagne », devenue la pomme de discorde permanente entre élus locaux et représentants de l'Etat.
Aussi, il lui demande de bien vouloir lui faire connaître les initiatives et mesures que le Gouvernement qu'il dirige entend engager, pour répondre aux interrogations et légitimes inquiétudes des élus, responsables et populations des départements de montagne, et leur apporter l'aide et le soutien qu'ils attendent pour relever les défis auxquels sont confrontés ces territoires.
Conformément aux articles 79, 80 du règlement, cette question orale avec débat a été communiquée au Gouvernement et la fixation de la date de la discussion aura lieu ultérieurement.

8

TRANSMISSION D'UN PROJET DE LOI

M. le président. J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003, adopté par l'Assemblée nationale.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 47, distribué et renvoyé à la commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

9

DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI

M. le président. J'ai reçu de MM. Joseph Ostermann, Laurent Béteille, Gérard Braun, Mme Paulette Brisepierre, MM. Louis de Broissia, Auguste Cazalet, Robert Del Picchia, Alain Dufaut, Bernard Fournier, Philippe de Gaulle, Alain Gérard, François Gerbaud, Francis Giraud, Georges Gruillot, Hubert Haenel, Lucien Lanier, Patrick Lassourd, Max Marest, Michel Guerry, Paul Natali, Mme Nelly Olin, M. Jacques Peyrat et Mme Janine Rozier une proposition de loi tendant à instituer une journée nationale unique du Souvenir.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 50, distribuée et renvoyée à la commission des affaires culturelles, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

10

TEXTES SOUMIS AU SÉNAT EN APPLICATION
DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil concernant la conclusion de l'accord de coopération scientifique et technologique entre la Communauté européenne et l'Ukraine.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-2128 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement du Conseil relatif à l'harmonisation du revenu national brut aux prix du marché. Règlement RNB.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-2129 et distribué.

11

RENVOI POUR AVIS

M. le président. J'informe le Sénat que le projet de loi (n° 47, 2002-2003), adopté par l'Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2003, dont la commission des affaires sociales est saisie au fond, est renvoyé pour avis, à sa demande, à la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.

12

DÉPÔT DE RAPPORTS

M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Louis Lorrain un rapport fait au nom de la commission des affaires sociales sur la proposition de loi de M. Nicolas About, relative à la responsabilité civile médicale (n° 33, 2002-2003).
Le rapport sera imprimé sous le n° 49 et distribué.
J'ai reçu un rapport déposé par M. Henri Revol, premier vice-président de l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, sur les conséquences de l'évolution scientifique et technique du secteur des télécommunications, établi par MM. Jean-Louis Lorrain et Daniel Raoul, sénateurs, au nom de l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques.
Le rapport sera imprimé sous le n° 52 et distribué.

13

DÉPÔT DE RAPPORTS D'INFORMATION

M. le président. J'ai reçu de M. Philippe Marini un rapport d'information fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation sur les prélèvements obligatoires et leur évolution.
Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 48 et distribué.
J'ai reçu de M. Roland du Luart un rapport d'information fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation sur la défiscalisation dans les départements et les territoires d'outre-mer.
Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 51 et distribué.

14

ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au jeudi 7 novembre 2002, à quinze heures et, éventuellement, le soir :
1. Questions d'actualité au Gouvernement.
2. Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, sur le rapport du Gouvernement sur les prélèvements obligatoires et leur évolution, déposé en application de l'article 52 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.
Aucune inscription de parole dans le débat n'est plus recevable.

Délais limites pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements

Conclusions de la commission des affaires sociales sur la proposition de loi de M. Nicolas About relative à la responsabilité civile médicale (n° 33, 2002-2003) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : vendredi 8 novembre 2002, à dix-sept heures.
Conclusions de la commission des affaires culturelles sur la proposition de loi de M. Bernard Murat portant modification de l'article 43 de la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives (n° 28, 2002-2003) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : vendredi 8 novembre 2002, à dix-sept heures.
Conclusions de la commission des affaires économiques sur la proposition de loi de M. Dominique Braye et plusieurs de ses collègues portant modification de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (n° 37, 2002-2003) :
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : vendredi 8 novembre 2002, à dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : vendredi 8 novembre 2002, à dix-sept heures ;
Personne ne demande la parole ?...
la séance est levée.

(La séance est levée à vingt et une heures quinze.)

Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD





DÉCLARATION D'URGENCE

Par lettre en date du 6 novembre 2002, M. le Premier ministre a fait connaître à M. le président du Sénat qu'en application de l'article 45 de la Constitution le Gouvernement déclare l'urgence du projet de loi pour la sécurité intérieure (n° 30, 2002-2003).

NOMINATION DE RAPPORTEURS
COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES

M. Bernard Murat a été nommé rapporteur de la proposition de loi n° 28 (2002-2003) de M. Bernard Murat portant modification de l'article 43 de la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives.
M. Philippe Richert a été nommé rapporteur du projet de loi n° 470 (1999-2000) portant ratification de l'ordonnance n° 2000-549 du 15 juin 2000 relative à la partie législative du code de l'éducation.

COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES

M. Ladislas Poniatowski a été nommé rapporteur de la proposition de résolution n° 186 (2001-2002) de M. Aymeri de Montesquiou sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil et la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant les règles communes pour le marché intérieur de l'électricité et du gaz naturel et les conditions d'accès au réseau pour les échanges frontaliers d'électricité.
M. Dominique Braye a été nommé rapporteur de la proposition de loi n° 37 (2002-2003) portant modification de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains.

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

M. Alain Vasselle a été nommé rapporteur pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie,
M. Jean-Louis Lorrain a été nommé rapporteur pour la famille,
M. Dominique Leclerc a été nommé rapporteur pour l'assurance vieillesse du projet de loi n° 47 (2002-2003), adopté par l'Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2003.

COMMISSION DES FINANCES, DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE
ET DES COMPTES ÉCONOMIQUES DE LA NATION

M. Adrien Gouteyron a été nommé rapporteur pour avis du projet de loi n° 47 (2002-2003), adopté par l'Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2003, dont la commission des affaires sociales est saisie au fond.

DÉLAI LIMITE POUR LE DÉPÔT D'AMENDEMENTS À UNE PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE

En application de l'article 73 bis, alinéa 6, du règlement, la commission des affaires économiques et du Plan examinera le mercredi 13 novembre 2002 , à 9 h 30, le rapport et les amendements éventuels sur la proposition de résolution n° 44 (2002-2003) présentée, en application de l'article 73 bis du règlement, par MM. Ladislas Poniatowski, Henri Revol et Gérard Larcher, sur la proposition modifiée de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant les directives 96/92/CE et 98/30/CE concernant les règles communes pour les marchés intérieurs de l'électricité et du gaz naturel et la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant les conditions d'accès au réseau pour les échanges transfrontaliers d'électricité (n° E 1742).
Le délai limite pour le dépôt des amendements est fixé au mardi 12 novembre 2002 , à 12 heures. Les amendements devront être déposés directement au secrétariat de la commission.
Il est rappelé que, conformément à l'article 73 bis, alinéa 6, du règlement, les amendements dont aucun des auteurs n'appartient à la commission saisie au fond sont présentés devant celle-ci par leur premier signataire. La présente publication vaut, à leur égard, convocation à la réunion de la commission.



Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)


Maintien du deuxième versement de la dotation jeunes agriculteurs

86. - 6 novembre 2002. - M. Bernard Joly appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales sur les inquiétudes des jeunes agriculteurs qui se sont vu refuser le paiement du deuxième versement de la prime liée à l'installation pour des questions de délais. Jusqu'alors la dotation jeunes agriculteurs était versée en deux fractions : les deux tiers lors de l'installation et le dernier tiers à la troisième année d'exploitation. Or la circulaire n° 7025 du 5 juin 2002 revoit les principes de gestion du second volet. Elle modifie les délais d'instruction qui présentaient une certaine souplesse et élimine la possibilité d'étudier la quatrième année de résultats. En conclusion le solde n'est versé qu'à condition que la demande ait été faite dans l'année qui suit le troisième exercice. Dans son département, dix-neuf candidats ont vu leur dossier achopper sur cette nouvelle rigidité. Il lui demande de bien vouloir lui indiquer s'il compte revenir aux dispositions antérieures afin, d'une part, de ne pas changer les règles de la procédure en cours d'application et, d'autre part, de prendre en considération les impondérables inhérents à l'activité agricole qui ne permettent pas de répondre aux exigences d'un texte sans la flexibilité voulue.

Problèmes de gestion des communes situées en aval d'un barrage

87. - 5 novembre 2002. - M. Paul Blanc attire l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer sur les difficultés rencontrées par les élus locaux dans la gestion et l'aménagement des communes des zones situées en aval de barrages et susceptibles d'être submergées.

Concurrence sur le marché
des produits de radiodiffusion et télévision

88. - 6 novembre 2002. - Mme Brigitte Luypaert attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur les résultats d'une enquête réalisée par le mensuel 60 millions de consommateurs qui mettent en cause des pratiques anticoncurrentielles mises en oeuvre, semble-t-il, par certains fabricants et distributeurs de produits « bruns » (télé, hi-fi et vidéo) : ententes sur les prix, exclusivités de vente concertées... Elle le prie de bien vouloir préciser les mesures qu'il compte prendre visant à faire en sorte qu'une saine et libre concurrence puisse jouer dans ce secteur qui soit véritablement profitable aux consommateurs.