SEANCE DU 5 NOVEMBRE 2002


SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. BERNARD ANGELS

1. Procès-verbal (p. 0 ).

2. Décès d'un ancien sénateur (p. 1 ).

3. Questions orales (p. 2 ).

POLITIQUE EN MATIÈRE DE SÉCURITÉ ROUTIÈRE (p. 3 )


Question de M. Jean-Marc Todeschini. - M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.

AVENIR DE LA HAUTE COUTURE ET DU PRÊT-À-PORTER (p. 4 )


Question de Mme Nicole Borvo. - M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication ; Mme Nicole Borvo.

PRÉSERVATION DU SITE DE LA « FERME MONTSOURIS » (p. 5 )


Question de Mme Danièle Pourtaud. - M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication ; Mme Danièle Pourtaud.

AVENIR DE LA « PRIME À L'HERBE » (p. 6 )


Question de M. René-Pierre Signé. - MM. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales ; René-Pierre Signé.

MODALITÉS DE CALCUL DES PENSIONS DE RÉVERSION
EN CAS DE CUMUL AVEC DES AVANTAGES PERSONNELS
DE VIEILLESSE (p. 7 )


Question de M. Philippe Arnaud. - MM. Hubert Falco, secrétaire d'Etat aux personnes âgées ; Philippe Arnaud.

SITUATION DES SALARIÉS LICENCIÉS DE L'IMPRIMERIE SCIA (p. 8 )


Question de Mme Michelle Demessine. - M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat aux personnes âgées ; Mme Michelle Demessine.

RESPECT DU PRINCIPE DE LIBERTÉ SYNDICALE (p. 9 )


Question de M. Yves Coquelle. - MM. Hubert Falco, secrétaire d'Etat aux personnes âgées ; Yves Coquelle.

SITUATION DES ÉTABLISSEMENTS D'ENSEIGNEMENT
DU BRETON (p. 10 )


Question de M. Pierre-Yvon Trémel. - MM. Luc Ferry, ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche ; Pierre-Yvon Trémel.

APPLICATION DU PACTE CHARBONNIER (p. 11 )


Question de M. Gérard Longuet. - Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie ; M. Gérard Longuet.

SITUATION DE LA BRASSERIE FRANÇAISE (p. 12 )


Question de M. Francis Grignon. - Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie ; M. Francis Grignon.

DÉONTOLOGIE MÉDICALE ET LIBERTÉS INDIVIDUELLES (p. 13 )


Question de M. Nicolas About. - MM. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées ; Nicolas About.

PROBLÈMES LIÉS AUX INSTALLATIONS
DE DISTRIBUTEURS-ÉCHANGEURS DE SERINGUES (p. 14 )


Question de M. Bruno Sido. - MM. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées ; Bruno Sido.

TRAITEMENT DES BOUES DES STATIONS D'ÉPURATION (p. 15 )


Question de Mme Josette Durrieu. - Mmes Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable ; Josette Durrieu.

PÉNURIE DE PRATICIENS
DANS LA RÉGION NORD - PAS-DE-CALAIS (p. 16 )


Question de M. Jean-Marie Vanlerenberghe. - M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.

AVENIR DES PAYS (p. 17 )


Question de M. Daniel Goulet. - MM. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire ; Daniel Goulet.

Suspension et reprise de la séance (p. 18 )

PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET

4. Conférence des présidents (p. 19 ).
MM. le président, Claude Estier.

5. Rappel au règlement (p. 20 ).
MM. Robert Bret, le président, René Garrec, président de la commission des lois.

6. Mise au point au sujet d'un vote (p. 21 ).
MM. Michel Charasse, le président.

7. Organisation décentralisée de la République. - Suite de la discussion d'un projet de loi constitutionnelle (p. 22 ).

Rappel au règlement (p. 23 )

MM. Michel Charasse, le président.

Article 4 (suite) (p. 24 )

Amendements identiques n°s 135 de M. Jean-Claude Peyronnet et 182 de Mme Nicole Borvo ; amendements n°s 136 de M. Jean-Claude Peyronnet, 90 de M. Michel Charasse, 77 de Mme Marie-Christine Blandin et 7 de la commission. - M. Jean-Claude Peyronnet, Mme Josiane Mathon, M. Michel Charasse, Mme Marie-Christine Blandin, MM. René Garrec, président de la commission des lois, rapporteur ; Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice ; Michel Mercier, Jean-Pierre Masseret, Jean-Pierre Sueur, Mme Nicole Borvo, M. Laurent Béteille. - Retrait de l'amendement n° 90 ; rejet, par scrutin public, des amendements n°s 135 et 182 ; rejet des amendements n°s 136 et 77 ; adoption de l'amendement n° 7.
Amendements n°s 137 de M. Jean-Claude Peyronnet, 8 de la commission et sous-amendements n°s 219 de M. Jean-Claude Peyronnet, 183 rectifié de Mme Nicole Borvo et 253 de M. Jean-Paul Alduy ; amendements n°s 91, 92 rectifié de M. Michel Charasse et 138 de M. Jean-Claude Peyronnet. - MM. Jean-Pierre Sueur, le rapporteur, Mme Nicole Borvo, MM. Jean-Paul Alduy, Michel Charasse, Jean-Claude Peyronnet, Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales. - Rejet de l'amendement n° 137 et des sous-amendements n°s 219, 183 rectifié et 253 ; adoption de l'amendement n° 8, les amendements n°s 91, 92 rectifié et 138 devenant sans objet.
Amendement n° 93 rectifié de M. Michel Charasse. - MM. Michel Charasse, le rapporteur, le ministre délégué, Jean-Pierre Sueur. - Rejet.
Amendements n°s 139 à 142 de M. Jean-Claude Peyronnet, 94 rectifié de M. Michel Charasse, 184, 185 de Mme Nicole Borvo, 79 de Mme Marie-Christine Blandin, 9 de la commission, 41 rectifié bis de M. Daniel Hoeffel et 206 de M. Gérard Delfau ; amendements identiques n°s 60 de M. Paul Girod, 143 de M. Jean-Claude Peyronnet et 186 de Mme Nicole Borvo. - MM. Jean-Claude Peyronnet, Jean-Pierre Sueur, Michel Charasse, Mmes Josiane Mathon, Marie-Christine Blandin, MM. le rapporteur, Daniel Hoeffel, François Fortassin, Paul Girod, le garde des sceaux, Paul Dubrule, Jean-Claude Gaudin. - Retrait de l'amendement n° 60 ; rejet des amendements n°s 139 à 141, 94 rectifié, 184, 79, 185, 206, 142, 143 et 186 ; adoption des amendements n°s 9 et 41 rectifié bis.

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN

Amendements n°s 144, 145 de M. Jean-Claude Peyronnet, 95 rectifié de M. Michel Charasse, 10 rectifié de la commission et sous-amendements n°s 220 à 223 de M. Jean-Claude Peyronnet et 264 de M. Michel Charasse ; amendements n°s 187 de Mme Nicole Borvo et 146 de M. Jean-Claude Peyronnet. - MM. Jean-Claude Peyronnet, Jean-Pierre Sueur, Michel Charasse, le rapporteur, Mme Josiane Mathon, MM. le ministre délégué, Philippe Adnot, Jean-Pierre Sueur, Josselin de Rohan, Jean-Jacques Hyest. - Retrait de l'amendement n° 95 rectifié ; rejet de l'amendement n° 144 et, par scrutin public, de l'amendement n° 145 ; rejet des sous-amendements n°s 220 à 223.

Suspension et reprise de la séance (p. 25 )

MM. Michel Mercier, le ministre délégué. - Rejet, par scrutin public, du sous-amendement n° 264 ; adoption de l'amendement n° 10 rectifié, les amendements n°s 187 et 146 devenant sans objet.

Suspension et reprise de la séance (p. 26 )

PRÉSIDENCE DE M. DANIEL HOEFFEL

Amendement n° 11 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendements identiques n°s 12 de la commission et 147 de M. Jean-Claude Peyronnet. - MM. le rapporteur, Jean-Claude Peyronnet, le garde des sceaux, Lucien Lanier, Jean-Pierre Sueur. - Retrait de l'amendement n° 12 ; rejet de l'amendement n° 147.
Amendement n° 188 de Mme Nicole Borvo. - Mme Josiane Mathon, MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.
Adoption de l'article modifié.

Article additionnel après l'article 4 (p. 27 )

Amendements identiques n°s 148 de M. Jean-Claude Peyronnet et 189 de Mme Nicole Borvo. - M. Jean-Claude Peyronnet, Mme Josiane Mathon, MM. le rapporteur, le ministre délégué, Mmes Hélène Luc, Marie-Christine Blandin, MM. Bernard Frimat, Robert Del Picchia, Pierre Mauroy. - Rejet, par scrutin public, des deux amendements.

Article 5 (p. 28 )

MM. Nicolas Alfonsi, Jean-Claude Peyronnet, Mme Marie-Christine Blandin.
Amendement n° 73 de M. Alain Vasselle, 96 rectifié de M. Michel Charasse et 13 de la commission. - MM. Alain Vasselle, Michel Charasse, le rapporteur, le garde des sceaux, Michel Dreyfus-Schmidt, Jean-Claude Peyronnet, Laurent Béteille, Mme Nicole Borvo, M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. - Retrait des amendements n°s 73 et 96 rectifié ; adoption de l'amendement n° 13.
Amendements n°s 97 rectifié de M. Michel Charasse, 190 de Mme Nicole Borvo, 14 de la commission et 68 de M. Jacques Peyrat. - MM. Michel Charasse, Robert Bret, le rapporteur, Jacques Peyrat, le ministre délégué, Alain Vasselle. - Retrait des amendements n°s 68 et 97 rectifié ; rejet de l'amendement n° 190 ; adoption de l'amendement n° 14.
Amendements identiques n°s 191 de Mme Nicole Borvo et 212 de M. Nicolas Alfonsi ; amendements n°s 80 de Mme Marie-Christine Blandin, 213 de M. Nicolas Alfonsi et 98 rectifié de M. Michel Charasse. - MM. Robert Bret, Nicolas Alfonsi, Mme Marie-Christine Blandin, MM. Michel Charasse, le rapporteur, le garde des sceaux, Michel Dreyfus-Schmidt. - Retrait des amendements n°s 80 et 98 rectifié ; rejet des amendements n°s 191, 212 et 213.
Adoption de l'article modifié.

Articles additionnels après l'article 5 (p. 29 )

Amendement n° 192 rectifié de Mme Nicole Borvo. - Mme Josiane Mathon, MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet.
Amendement n° 193 de Mme Nicole Borvo. - Mme Josiane Mathon, MM. le rapporteur, le ministre délégué, le vice-président de la commission, Mme Nicole Borvo. - Rejet.
M. Claude Estier.

Suspension et reprise de la séance (p. 30 )

PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET

Article 6 (p. 31 )

MM. Jean-Pierre Fourcade, Yves Fréville, Mme Marie-France Beaufils, MM. Bernard Frimat, Gérard Le Cam, François Marc, Jean-Pierre Sueur.
MM. Michel Charasse, le président.
Amendements n°s 194 de Mme Nicole Borvo, 149 de M. Jean-Claude Peyronnet, 248 du Gouvernement et sous-amendements n°s 254 à 263 de M. Jean-Claude Peyronnet, 269, 195 rectifié ( identique au sous-amendement n° 262), 196 rectifié, 268, 197 rectifié de Mme Nicole Borvo, 249 rectifié, 250 rectifié, 101 rectifié bis, 271, 251 rectifié, 252 rectifié de M. Michel Charasse et 265 à 267 de Mme Marie-Christine Blandin. - Mme Marie-France Beaufils, MM. Bernard Frimat, le garde des sceaux, Jean-Pierre Sueur, Jean-Claude Peyronnet, Mme Hélène Luc, M. François Marc, Mme Marie-Christine Blandin. - Retrait des sous-amendements n°s 257 et 261.

PRÉSIDENCE DE M. DANIEL HOEFFEL

Amendements n°s 53 à 56 de M. Yves Fréville, 150 à 157 de M. Jean-Claude Peyronnet, 99 rectifié, 100 rectifié de M. Michel Charasse, 119 à 122 de M. Jean Arthuis, 202 de M. Gérard Longuet, 204 de M. Jacques Pelletier et 81 à 83 de Mme Marie-Christine Blandin. - MM. Yves Fréville, Jean-Pierre Sueur, Jean-Claude Peyronnet, Michel Mercier, Bernard Frimat, Josselin de Rohan, Mme Marie-Christine Blandin, MM. le rapporteur, le ministre délégué, Jean-Pierre Fourcade, le vice-président de la commission, François Marc, Mmes Marie-France Beaufils, Nicole Borvo. - Retrait des amendements n°s 53, 202, 157, 54, 55, 120, 56, 122 et 204 ; rejet des amendements n°s 194, 149, des sous-amendements n°s 254, 269, 195 rectifié, 262, 255, 256, 249 rectifié, 250 rectifié, 101 rectifié bis, 271, 196 rectifié, 258, 268, 263, 251 rectifié, 252 rectifié, 259, 260, 265, 197 rectifié, 266 et, par scrutin public, du sous-amendement n° 267 ; adoption de l'amendement n° 248, les autres amendements devenant sans objet.
Adoption de l'article modifié.
Renvoi de la suite de la discussion.

8. Dépôt d'une question orale avec débat (p. 32 ).

9. Dépôt d'une proposition de loi (p. 33 ).

10. Dépôt d'une proposition de résolution (p. 34 ).

11. Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution (p. 35 ).

12. Dépôt de rapports (p. 36 ).

13. Ordre du jour (p. 37 ).



COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. BERNARD ANGELS
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

DÉCÈS D'UN ANCIEN SÉNATEUR

M. le président. J'ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Pierre Merli, qui fut sénateur des Alpes-Maritimes de 1980 à 1988.

3

QUESTIONS ORALES

M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

POLITIQUE EN MATIÈRE DE SÉCURITÉ ROUTIÈRE

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini, auteur de la question n° 60, adressée à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.
M. Jean-Marc Todeschini. Monsieur le ministre, le président de la République a fait de l'insécurité routière un des grands chantiers de son quinquennat.
Le Gouvernement, par votre voix ou par celle de votre secrétaire d'Etat M. Bussereau, ne cesse de prôner l'impunité zéro. Cependant, il n'a pas fallu attendre longtemps pour que les faits démentent les discours. En effet, le budget de la sécurité routière n'enregistre qu'une augmentation de 10 millions d'euros.
Monsieur le ministre, comment peut-on espérer améliorer significativement la situation sur les routes avec aussi peu de moyens ?
Ce n'est pas demain que les forces de l'ordre pourront s'équiper d'éthylotests ou d'éthylomètres.
Ce n'est pas demain que l'on vérifiera les sorties des discothèques, notamment les week-ends. Or les jeunes sont particulièrement frappés : ils représentent déjà 27 % des morts sur les routes, dont la moitié les nuits de week-end.
Ce n'est pas demain que sera réalisé l'aménagement des « points noirs » sur notre réseau routier.
Ce n'est pas demain que l'on verra une meilleure formation des conducteurs, que ce soit par des sessions de formation pour les conducteurs - par exemple ceux dont le nombre de points serait inférieur à six -, par une prolongation du temps de probation des permis pour les jeunes conducteurs, ou encore par la mise en place d'une visite médicale pour les conducteurs âgés.
Ce n'est pas demain que l'on verra l'Etat décider de mettre en oeuvre un important plan d'aide pour les communes, notamment pour celles dont le territoire est traversé par routes nationales ou départementales qui se transforment en voies mortelles pour les habitants. En France, monsieur le ministre, vous le savez, deux accidents corporels sur trois se produisent en milieu urbain où vivent 80 % de la population.
M. René-Pierre Signé. Hélas !
M. Jean-Marc Todeschini. C'est dire combien la sécurité des déplacements en ville doit désormais être considérée comme une priorité.
Je suis malheureusement bien placé pour évoquer ce sujet, après le drame qui a frappé, cet été, la commune de Talange-en-Moselle, dont je suis l'un des élus. D'ailleurs, cette dernière a créé, avec les communes de Lavoncourt, de La Rochelle et de Saint-Fargeau-Ponthierry, l'association « Communes en route pour la vie ».
Ces communes ont pour objectif de contractualiser avec l'Etat des engagements concrets en faveur des municipalités qui agissent contre l'insécurité routière. Dans un premier temps, elles oeuvreront pour la mise en place d'une charte des « Communes en route pour la vie » et d'un pannautage de leurs entrées de ville. Ensuite, elles prépareront un programme d'actions communes dans lequel l'implication des jeunes et des enfants sera prioritaire, comme la mise en place de plans communaux de la sécurité routière. Pour ces communes, le message en direction des enfants doit être clair : « Aujourd'hui, un copain ; qui, demain ? »
Et, pour finir sur ce point, je vous indique que la première assemblée générale de l'association « Communes en route pour la vie » se tiendra le 1er février 2003 à Saint-Fargeau-Ponthierry.
L'action de cette commune est d'ailleurs remarquable. En effet, après le choc de l'année 2000, année au cours de laquelle sept de ses jeunes sont malheureusement morts sur la route - pour une population de douze mille habitants -, elle a, grâce à un plan d'action allant d'octobre 2000 à octobre 2001, réalisé son engagement qui était d'arriver à « zéro tué sur l'année ».
Je ne parlerai pas de la nécessité de renforcer les dispositifs juridiques concernant les propriétaires qui prêtent des voitures mal entretenues et non assurées, voire les deux. Et que dire de la vitesse, qui passe toujours, dans notre pays, pour l'un des symboles de l'indépendance du conducteur ?
Nous sommes donc devant une vraie bataille qui ne peut être gagnée que si la société tout entière s'implique : elle doit être le résultat d'une solidarité entre toutes les générations. D'où l'importance du travail de fond entre l'Etat, les collectivités locales, les associations et bien d'autres partenaires encore.
Nous devons arrêter de dire : « C'est une bonne idée, mais qui coûte cher. En tout cas, nous allons l'étudier. » Ce discours n'est plus d'actualité. Il faut que les actes suivent vraiment les paroles et qu'ils ne soient pas contredits par les faits, comme nous pouvons craindre qu'ils ne le soient.
Tous ensemble comptables de notre action devant les Français, devant chaque mère et chaque père, devant chaque fille et chaque fils, devant chaque grand-mère et chaque grand-père, nous devons faire nôtre cette devise : « Sur les routes, il n'y a pas de vie à perdre ! »
M. René-Pierre Signé. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Monsieur le sénateur, je vous remercie de m'interroger sur les moyens qui doivent être mis en oeuvre pour accroître l'efficacité de la politique en faveur de la sécurité routière au regard de la volonté présidentielle qui a été exprimée le 14 juillet dernier, volonté reprise par le Gouvernement.
Je comprends que vous soyez particulièrement sensibilisé au problème, après le drame survenu, cet été, dans votre commune de Talange. Vous avez raison, c'est une vraie bataille, et elle ne doit laisser personne indifférent. A cet égard, nous appelons toute la collectivité nationale et toutes les collectivités locales, notamment départementales et régionales, à se mobiliser. Ce combat exige, en effet, un vaste partenariat.
S'agissant des crédits inscrits au titre de la sécurité routière, vous avez martelé : « Ce n'est pas demain, ce n'est pas demain. » Eh bien, si, justement, monsieur le sénateur : le vote du budget pour 2003, c'est demain ! Et je suis sûr que, après m'avoir écouté, vous aurez à coeur de le voter - au moins celui-là ! - puisqu'il consacre une augmentation de 19 % au profit des dotations gérées par la direction de la sécurité et de la circulation routières. Ces augmentations portent sur des actions directes liées à la formation des conducteurs, à l'information routière, à la communication et à l'exploitation du réseau routier.
Par ailleurs, dans les grandes masses budgétaires, figurent sur d'autres chapitres d'autres ministères - le ministère de la défense, le ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, le ministère de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche ou encore le ministère de la justice - des crédits qui participent évidemment à la sécurisation de nos routes et à la lutte contre les infractions routières.
Ce sont donc, au total, 1 656 482 euros qui peuvent être comptabilisés au titre de la sécurité routière dans le projet de loi de finances pour 2003. C'est notamment la traduction des décisions qui ont été prises dès la mise en oeuvre du programme du Gouvernement visant à renforcer les moyens mis à la disposition des services de police et de gendarmerie, notamment au profit des unités spécialisées, des moyens en effectifs, mais aussi en matériels tels les éthylotests, les éthylomètres ou les radars, qui sont de plus en plus perfectionnés. Il s'agit aussi d'améliorer les actions de formation pour les conducteurs, afin d'accroître l'efficacité de la lutte contre l'insécurité routière.
Vous aurez donc certainement à coeur, monsieur le sénateur, sinon de voter ces augmentations considérables de crédits en faveur de la sécurité routière au moins de les examiner.
Pour le seul ministère de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer, ces crédits s'élèvent à 632,38 millions d'euros. Ils comprennent, notamment, les importantes dotations prévues pour améliorer le réseau routier. Je suis persuadé, encore une fois, que les communes et les collectivités locales seront nos partenaires dans cette action.
S'agissant du renforcement des dispositifs juridiques destinés à lutter contre l'insécurité routière sous toutes ses formes, diverses propositions seront formulées lors du prochain comité interministériel de sécurité routière, qui se tiendra, sous la présidence de M. le Premier ministre, le 12 décembre prochain. Certaines de ces mesures sont inspirées des contributions issues du débat national qui s'est engagé lors des assises de la sécurité routière du 17 septembre dernier.
Enfin, la concertation se poursuit avec l'ensemble des partenaires impliqués dans la sécurité routière, notamment les constructeurs automobiles et les professionnels de l'assurance pour approfondir également des pistes de progrès de leur côté.
Comme vous le voyez, monsieur le sénateur, les engagements pris devant la nation tant par M. le Président de la République que par M. le Premier ministre et l'ensemble du Gouvernement vont trouver rapidement des concrétisations fortes et déterminées, à court terme comme à plus longue échéance.

AVENIR DE LA HAUTE COUTURE ET DU PRÊT-À-PORTER

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo, auteur de la question n° 51, adressée à M. le ministre de la culture et de la communication.
Mme Nicole Borvo. Cerruti, Yves Saint Laurent, Louis Féraud, Inès de La Fressange : la création française, la haute couture française sont aujourd'hui gravement menacées, monsieur le ministre.
Sacrifiés, les salariés à la productivité et à la rentabilité financière de Cerruti mènent une bataille exemplaire pour défendre leurs droits et leur dignité ainsi que pour préserver l'avenir de la haute couture et du prêt-à-porter, à Paris comme ailleurs. Des représentants de ces salariés sont aujourd'hui dans nos tribunes et vous écouteront avec attention, monsieur le ministre.

Leur révolte a suscité la mise en place d'un comité de soutien qui compte des artistes et de nombreux élus. La Mairie de Paris, sous l'impulsion des élus communistes, a témoigné sa solidarité avec les actions conduites par les salariés et a suspendu tous les partenariats en cours ou en projet avec la maison Cerruti.
Monsieur le ministre, les créations de la haute couture sont des oeuvres culturelles qui font partie de l'exception culturelle et qui contribuent grandement au prestige de la France et de sa capitale dans le monde. La haute couture se situe à la fin de la chaîne, très rentable, du prêt-à-porter et peut être comparée au cinéma.
Ne pas tenir compte de cette spécificité culturelle ne peut avoir que des conséquences désastreuses tant économiques et sociales que culturelles. L'Etat doit, au contraire, affirmer la dimension culturelle de la mode en tant que patrimoine vivant qu'il convient d'enrichir et, dans une conjoncture difficile comme celle que nous connaissons aujourd'hui, de sauvegarder.
Dans ce cadre, l'Etat devrait contribuer à relancer une véritable politique d'apprentissage, des transmissions de savoir et des compétences dans ce secteur, ce qui constituerait l'une des garanties pour assurer l'avenir de cette branche prestigieuse.
Par ailleurs, ne s'agirait-il pas de créer un fonds d'aide à la création, comme il en existe pour le cinéma et la chanson ? Car si, aujourd'hui, il y a encore un cinéma d'auteur en France, on le doit à ce système. Peut-on faire moins pour la création dans la haute couture et dans la mode ?
Il serait également souhaitable que la tutelle gouvernementale exercée sur la mode en tant qu'industrie culturelle soit rééquilibrée en faveur du ministère de la culture. Ce rééquilibrage constituerait un premier pas vers la véritable reconnaissance de la mode en tant que partie intégrante de l'exception culturelle.
Je souhaiterais également que vous accueilliez favorablement la proposition de créer une mission d'enquête parlementaire sur l'activité haute couture et prêt-à-porter tant parisienne que nationale. Dans l'immédiat, toutes les mesures pour sauver l'emploi et l'avenir de cette branche doivent être prises. Quel est votre avis sur cette question, monsieur le ministre ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication. Madame la sénatrice, jeudi dernier, la maison Yves Saint Laurent Haute Couture a fermé définitivement ses portes. L'avenir de la haute couture fait, bien sûr, partie de mes préoccupations et de celles du Gouvernement. Comment pourrait-il en être autrement ? Cette préoccupation se porte sur l'ensemble du secteur de la mode et de la couture, y compris la situation de l'entreprise Cerruti et de ses salariés.
La dimension culturelle de la mode est incontestable ; elle est d'ailleurs hautement reconnue dans notre pays, dont les créateurs jouissent d'un statut prestigieux. Cette dimension est illustrée par l'action de nombreuses institutions culturelles, notamment les musées de la mode et du costume : à Paris, le musée Galliera, qui relève de la Ville de Paris, et la section de la mode et du costume du Musée des arts décoratifs, qui relève de l'Etat.
Elle est également illustrée par les nombreux dispositifs mis en place par le ministère de la culture et de la communication, notamment par la délégation aux arts plastiques en faveur de la formation des jeunes créateurs ou de la transmission des savoirs. S'il existe encore une activité de fabrication de dentelle d'Alençon dans notre pays, par exemple, c'est grâce à la création de l'Atelier national de la dentelle par le ministère de la culture.
La dimension industrielle du secteur n'en est pas moins évidente. Cette activité de création engendre, vous le savez, une économie massive, en général florissante. Nous pouvons, certes, intensifier une aide déjà soutenue à la formation et à l'apprentissage, notamment dans le cadre de nos écoles d'art. L'Etat ne peut cependant pas envisager de prendre en charge ou de protéger directement, de façon artificielle, l'ensemble de ce vaste secteur.
Il appartient aux professionnels d'assumer, dans ce domaine, leur entière responsabilité. Si la mode existe en France, si l'économie de la mode contribue largement à l'équilibre de la balance commerciale et au rayonnement de notre pays dans le monde, il revient aussi aux professionnels d'assumer l'ensemble de leurs responsabilités à l'égard du phénomène de la création. D'ailleurs, la plupart des professionnels le savent.
Que certaines maisons ferment est, certes, toujours regrettable, mais telle est l'histoire de la mode dans notre pays. Parallèlement, à chaque saison de défilé, nous constatons avec bonheur que de nouvelles maisons, animées par de jeunes créateurs, apparaissent sur le devant de la scène.
Dans ces conditions, madame la sénatrice, la création d'une commission d'enquête parlementaire sur l'activité haute couture et le prêt-à-porter est-elle nécessaire ? Le sujet est important. Votre souhait traduit une inquiétude tout à fait légitime que je partage. Je n'ai cependant pas, vous le savez, à me prononcer sur cette question, la constitution d'une commission d'enquête parlementaire relevant de la décision souveraine de la Haute Assemblée. Si, en tout cas, une telle commission était créée, je répondrais à son invitation très volontiers.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo.
Mme Nicole Borvo. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse qui, cependant, conforte mes inquiétudes.
Nous avons récemment eu un débat, dans cette enceinte, sur la situation de l'industrie textile. Je rappelle que le secteur du textile-habillement, auquel sont rattachés la mode et le prêt-à-porter, va mal. Alors qu'elle employait un million de salariés à la fin des années soixante, la filière textile-habillement-cuir connaît, depuis les années soixante-dix, un processus continu de régression : en trente ans, elle a perdu les deux tiers de ses effectifs, soit environ 20 000 emplois par an, et l'hémorragie continue, au rythme de 2 000 suppressions d'emplois par mois.
N'est-il pas temps aujourd'hui, au regard de la situation, d'oser d'autres choix et de faire preuve de plus de volontarisme ? Telle est la question sur laquelle nous avions débattu, notamment en ce qui concerne le versant industriel. Or, nous pensons que l'avenir de la haute couture est lié à celui du secteur industriel.
Il serait souhaitable, selon moi, dans un premier temps, d'ouvrir l'actuel comité de développement et de promotion de l'habillement, alimenté par les taxes parafiscales, pour permettre des actions de promotion du secteur de l'habillement contrôlé par l'Etat et l'aide à la création, comme le souhaite d'ailleurs la Mairie de Paris, qui vous saisira sans doute de cette question.

PRÉSERVATION DU SITE DE LA « FERME MONTSOURIS »

M. le président. La parole est à Mme Danièle Pourtaud, auteur de la question n° 48, adressée à M. le ministre de la culture et de la communication.
Mme Danièle Pourtaud. Monsieur le ministre, ma question porte sur le site historique du 26-30, rue de la Tombe-Issoire, dans le XIVe arrondissement, à Paris.
Comme vous le savez, monsieur le ministre, ce site regroupe plusieurs vestiges importants qui témoignent de l'histoire de Paris sur au moins deux niveaux : d'une part, le bâtiment du xixe siècle appelé « Ferme Montsouris » est le seul témoin du passé agricole de Paris ; d'autre part, le sous-sol abrite les traces de toutes les époques du passé parisien. On trouve par ailleurs un aqueduc gallo-romain, massacré à quelques centaines de mètres de là, sur la ZAC Alésia-Montsouris et, vingt mètres en contrebas, les fameuses carrières de Port-Mahon, dont ont été extraites au xve siècle les pierres qui servirent à la construction de Paris.
Le travail remarquable de la Société historique et archéologique du XIVe arrondissement et, plus largement, de toutes les associations qui s'intéressent au passé de notre capitale et oeuvrent pour sa conservation a également permis, récemment, de mettre en évidence la probable présence sur le site du cardo romain et d'une cave du xviie siècle. Depuis bientôt un an, trente-deux associations réunies en collectif luttent pour que le site ne soit pas transformé en appartements de standing et en parkings.
Je souhaite plus particulièrement attirer votre attention, monsieur le ministre, sur les carrières de Port-Mahon qui, comme vous le savez, sont inscrites depuis 1994 à l'inventaire complémentaire. Les projets immobiliers impliquent que quelque soixante-dix poteaux de béton soient coulés dans ce sol classé, le défigurant définitivement. A notre grande surprise, les services de votre ministère ont levé les réserves qu'ils avaient émises sur le projet et rendu ainsi possibles des dégradations irrémédiables.
Saisi par les associations et par l'adjointe au maire de Paris chargée du patrimoine, vous avez répondu que vos services veilleraient à ce que les travaux ne portent pas atteinte au site, sans remettre en cause les poteaux de béton qui seraient habillés de calcaire ! Curieuse conception, à mon avis, de la préservation du patrimoine...
Que pouvez-vous faire aujourd'hui, monsieur le ministre, pour sauver ces traces uniques de notre passé ?
M. René-Pierre Signé. Bravo !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication. Madame la sénatrice, comme vous le savez, c'est en 1992 qu'un projet immobilier, sis au 26-30, rue de la Tombe-Issoire, avait suscité la demande de protection des bâtiments situés sur cet emplacement au titre des monuments historiques ainsi que la protection de la carrière de Port-Mahon située au sous-sol. La carrière et les parcelles correspondantes en surface, à l'exclusion des bâtiments, ont fait l'objet d'un classement par décret du 4 juin 1994, sur l'initiative de M. Jacques Toubon, alors ministre de la culture.
Le permis de construire pour un nouveau projet immobilier, déposé voilà déjà quelque temps, prévoit que le bâtiment sur rue, situé au 26, rue de la Tombe-Issoire, ainsi que la ferme seront conservés et réhabilités, les autres bâtiments étant démolis pour laisser place à des logements.
L'architecte des Bâtiments de France, autorité dont vous connaissez l'indépendance, a donné un avis favorable sur ces travaux, sous réserve du respect de certaines prescriptions.
De son côté, la direction régionale des affaires culturelles d'Ile-de-France, qui devait se prononcer sur les travaux concernant les parcelles classées, s'est montrée particulièrement vigilante pour que l'édification des nouveaux immeubles soit compatible avec la bonne conservation de la carrière.
L'autorisation de travaux a été donnée par le préfet de région le 20 décembre 2001, alors que Mme Catherine Tasca était ministre de la culture et de la communication, et comporte toutes les prescriptions nécessaires. Le permis de construire est en cours d'instruction par les services de la Ville de Paris.
A titre personnel, je souhaite particulièrement, comme vous, que la carrière classée ne subisse aucun dommage pendant les travaux et que les édifices dont la conservation est prévue soient sauvegardés.
Je sais bien, madame la sénatrice, qu'une carrière est un élément particulièrement fragile du patrimoine. Les carrières, comme les catacombes, subissent régulièrement des détériorations du fait de l'évolution naturelle du terrain et des affaissements. Il nous appartient donc, dans la mesure où il s'agit d'un élément remarquable du patrimoine industriel et funéraire de Paris, de tout faire pour préserver la dignité de ces lieux et la qualité de leur conservation.
Au cours des prochaines semaines, lorsque la Ville de Paris aura arrêté sa position sur le permis de construire, je veillerai personnellement à ce que ce dossier soit traité avec subtilité, finesse et attention, je vous en donne l'assurance.
M. le président. La parole est à Mme Danièle Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse, mais je me permets néanmoins d'insister sur l'avenir incertain de ce site.
La presse écrite nationale s'est saisie du dossier. Le Figaro, 20 minutes, Le Journal du dimanche, France-Soir, Le Nouvel Observateur et Le Parisien ont mis l'accent sur le caractère historique du site et sur les problèmes liés à la méthode de confortation des carrières, à savoir les fameux poteaux de béton.
Le collectif des associations a demandé une expertise dont la conclusion sera bientôt connue. En effet, les puits de béton, d'une largeur de 60 à 120 centimètres, qui vont perforer la carrière peuvent avoir des répercussions techniques inconnues. Vous l'avez vous-même souligné, ces sous-sols sont fragiles et un effondrement risquerait, par « effet de domino », de remettre en question la totalité du site.

Monsieur le ministre, je voudrais faire observer que les services du ministère de la culture n'ont, quant à eux, sollicité aucune expertise. Par conséquent, je vous demanderai, pour conclure cette question, de diligenter une expertise sur les risques encourus non seulement par la carrière de Port-Mahon, mais également par l'ensemble du quartier. En effet, si les sous-sols s'effondrent, la carrière sera détruite, mais ce ne sera pas sans conséquences pour l'ensemble du quartier.

AVENIR DE LA « PRIME À L'HERBE »

M. le président. La parole est à M. René-Pierre Signé, auteur de la question n° 47, adressée à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.
M. René-Pierre Signé. Je voudrais attirer l'attention de M. Gaymard, ministre de l'agriculture sur la prime au maintien des systèmes d'élevage extensif, plus communément appelée « prime à l'herbe ». Cette aide est destinée aux éleveurs herbagers qui s'engagent à maintenir durant cinq ans leur système d'élevage extensif. Cet engagement contractuel entraîne une contrepartie financière, sous la forme d'une prime à l'hectare. Ce dispositif vient à échéance, ce qui ne manque pas d'inquiéter les éleveurs de bovins, en particulier ceux de la Nièvre.
Il était prévu que la prime à l'herbe disparaîtrait au profit des aides dispensées dans le cadre des contrats territoriaux d'exploitation. Or ces derniers sont suspendus depuis le 6 août, et on ne sait s'ils seront reconduits.
En conséquence, se pose la question du maintien de cette prime, encourageante et vitale pour l'élevage extensif dans le bassin allaitant, qui est, vous ne l'ignorez pas, monsieur le ministre, très fragile.
En outre, je souhaiterais connaître les modalités de mise en oeuvre et le montant des aides qui seront dispensées par le biais d'un nouveau dispositif annoncé par le Gouvernement : la prime herbagère agro-environnementale, la PHAE.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Comme vous l'avez indiqué, monsieur le sénateur, la prime au maintien des systèmes d'élevage extensif, dite « prime à l'herbe » ou PMSEE, avait été mise en place, après la réforme de la politique agricole commune de 1992, afin de soutenir l'élevage bovin dans les régions d'élevage extensif, notamment dans les zones de montagne.
La modification de la législation européenne par un règlement en date du 17 mai 1999 a mis fin au dispositif agro-environnemental français actuel. La prime à l'herbe devait donc disparaître au terme de la période d'engagement en cours, soit au 30 avril 2003.
On compte actuellement quelque 74 000 bénéficiaires de cette prime, pour un peu moins de cinq millions d'hectares. Je voudrais rappeler que le gouvernement précédent n'avait pas prévu de mesure de substitution autre que le recours obligé aux contrats territoriaux d'exploitation, les CTE. Or, sans parler du contexte budgétaire extrêmement difficile dans lequel s'inscrit cette mesure, il semblait irréaliste d'envisager d'admettre en une seule année plus de 70 000 éleveurs concernés par l'actuelle prime à l'herbe dans le dispositif des CTE. C'est la raison pour laquelle j'ai décidé d'ouvrir le bénéfice d'une mesure de substitution sans imposer la signature d'un CTE, selon une procédure que je souhaite la plus simple possible.
Je suis donc à même, monsieur le sénateur, de vous indiquer aujourd'hui qu'une prime herbagère agro-environnementale sera mise en place et concernera prioritairement les actuels bénéficiaires de la PMSEE, notamment en Bourgogne et dans tout le bassin allaitant. Ils pourront souscrire à l'une des mesures agro-environnementales visant les prairies peu productives - réutilisation des milieux en dynamique de déprise, ce que l'on appelle la mesure 19, ou gestion extensive de la prairie, c'est-à-dire la mesure 20 - de la synthèse régionale agro-environnementale retenue par le préfet du département en fonction des priorités environnementales pour les territoires.
Le montant moyen à l'hectare de l'aide, qui est actuellement de quarante euros pour la prime à l'herbe, sera porté à soixante-huit euros en moyenne, ce qui représente une augmentation de 70 %. Cette très forte revalorisation est la première que connaîtra le dispositif depuis 1995.
Pour ce qui concerne les CTE, la consultation en cours avec les différentes organisations professionnelles agricoles et organisations syndicales permettra de définir un nouveau dispositif, recentré sur les enjeux environnementaux prioritaires, simplifié et mieux encadré en termes budgétaires. J'aurai l'occasion d'annoncer, dans les toutes prochaines semaines, les conditions exactes de mise en oeuvre de ce dispositif, qui devrait être opérationnel au début de l'année prochaine, sachant que les CTE qui ont déjà été signés seront bien évidemment honorés. Quant à ceux qui ont été étudiés par la commission départementale d'orientation de l'agriculture, la CDOA, mais qui n'ont pas été signés ou à ceux dont l'instruction a déjà été menée mais qui n'ont pas encore été présentés à la CDOA, ils font l'objet d'un examen au cas par cas et les préfets ont reçu instruction de les signer dans les meilleurs délais.
Tels sont, monsieur le sénateur, les quelques éléments d'information que je voulais vous apporter.
Plus généralement, la question de cette nouvelle prime herbagère agro-environnementale comporte deux aspects.
Sur le plan budgétaire, le montant moyen de la prime sera augmenté, je le répète, à hauteur de 70 % à compter de l'année prochaine.
Cependant, pour ce qui concerne le détail du dispositif, quelques réglages restent à opérer, en concertation avec les organisations agricoles, mais surtout avec la Commission européenne. En effet, comme vous le savez, toutes ces mesures agro-environnementales doivent recueillir l'accord de Bruxelles, en particulier depuis l'intervention du règlement de 1999, qui entraîne une incompatibilité entre le dispositif actuel de la prime à l'herbe et les nouveaux règlements européens.
En conclusion, il s'agit là, bien entendu, d'un sujet extrêmement important, notamment pour l'ensemble du bassin allaitant. Je me suis rendu au coeur de celui-ci dès le mois de juillet pour rencontrer les éleveurs, qui m'ont fait part de leur vive préoccupation à cet égard. J'ai bon espoir que l'ensemble des dispositifs que nous sommes en voie d'arrêter permettront d'ouvrir quelques perspectives à une profession très perturbée par toutes les épreuves qu'elle a subies depuis de trop nombreuses années.
M. le président. La parole est à M. René-Pierre Signé.
M. René-Pierre Signé. Monsieur le ministre, je ne peux qu'approuver vos propos sur bien des points, s'agissant en particulier de la situation fragile du bassin allaitant, que vous avez très bien soulignée.
Je porterai néanmoins un jugement moins sévère que le vôtre sur les CTE et sur le bien-fondé de ce dispositif. Certes, la procédure d'instruction et les modalités de leur mise en oeuvre méritaient peut-être de faire l'objet d'une simplification administrative, mais les CTE présentaient l'avantage de permettre une prise en compte de l'environnement et d'une dimension sociale qui n'était pas, jusqu'alors, la préoccupation première des agriculteurs.
Cela étant, si l'on ne peut, bien sûr, critiquer le remplacement de la prime à l'herbe, qui était liée aux CTE, par la prime herbagère agro-environnementale, la forte augmentation annoncée du montant moyen de l'aide risque d'amener une modification des critères d'attribution. Par conséquent, tous les agriculteurs concernés par l'actuelle prime à l'herbe pourront-ils bénéficier de la nouvelle prime ? Vous ne vous êtes pas engagé, pour l'heure, sur ce point.
Quoi qu'il en soit, je vous remercie, monsieur le ministre, de votre réponse, qui, je l'espère, donnera satisfaction aux éleveurs du bassin allaitant.

MODALITÉS DE CALCUL DES PENSIONS DE RÉVERSION
EN CAS DE CUMUL AVEC DES AVANTAGES
PERSONNELS DE VIEILLESSE

M. le président. La parole est à M. Philippe Arnaud, auteur de la question n° 49, adressée à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
M. Philippe Arnaud. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je souhaiterais attirer votre attention sur une situation pour le moins étonnante, où l'on voit l'administration ignorer délibérément une décision, pourtant réitérée, des tribunaux qui remet en cause son interprétation des textes, et ne se conformer à cette décision qu'en cas de contestation par l'administré.
Une telle situation se rencontre lorsqu'il s'agit de calculer le montant d'une pension de réversion en cas de pluralité de régimes débiteurs et de cumul avec des avantages personnels.
En effet, sur le fondement des articles D. 355-1 et D. 171-1 du code de la sécurité sociale, qui déterminent les limites du cumul des droits personnels et des droits de réversion, il était jusqu'à présent d'usage, bien que les textes ne le prévoient pas expressément, de diviser la limite forfaitaire par le nombre de régimes débiteurs d'une pension de réversion.
Or, depuis 1999 - soit depuis cinq ans ! -, chaque fois qu'elle a eu à se prononcer sur cette question, la Cour de cassation a toujours considéré que seul le montant des droits personnels du conjoint survivant servant à la détermination de la limite forfaitaire devait être divisé par le nombre de régimes débiteurs. La pratique de la division de la limite forfaitaire est ainsi clairement condamnée.
Les conséquences de l'application de cette jurisprudence ne sont pas anodines pour le bénéficiaire, qui est bien entendu avantagé par le mode de calcul préconisé par la Cour de cassation. Ainsi, en Charente - mais des cas similaires se présentent dans d'autres départements -, des retraités ont pu se voir allouer une pension de réversion d'un montant révisé nettement supérieur à ce qu'il aurait été s'il avait été calculé selon les principes retenus par les caisses de retraite.
Par exemple, le montant d'une pension, initialement fixé à 427,30 euros, a été, après une simple réclamation, relevé à 900,51 euros, soit une augmentation de 473,21 euros, ou de 3 100 francs, ce qui revient à doubler la pension.
Par ailleurs, la caisse avait calculé qu'une pension de réversion s'élèverait à zéro euro, mais, après révision, la veuve concernée a pu toucher une pension de 493,60 euros !
Le problème - c'est là que le bât blesse - est que les caisses chargées de servir les pensions continuent à traiter les dossiers selon les règles jusqu'alors appliquées, c'est-à-dire en divisant la limite de cumul forfaitaire par le nombre de régimes débiteurs d'un droit de réversion. Ce n'est qu'en cas de réclamation, soumise à la commission de recours amiable, que le dossier sera révisé conformément à la jurisprudence. Une circulaire, dont j'ai ici copie, indique pourtant formellement aux caisses de retraite la conduite à tenir.
Vous comprendrez, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, que je m'étonne que l'administration se place ainsi délibérément en marge du « bon droit » édicté et rappelé par la Cour de cassation et qu'elle attende de ses administrés qu'ils contestent sa décision.
En outre, vous conviendrez que la grande majorité des retraités ne sont pas des juristes confirmés et que, dans l'ignorance où ils se trouvent de la jurisprudence, ils s'en tiennent à ce que leur propose leur caisse d'affiliation.
En conséquence, ne croyez-vous pas, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'il est grand temps de remédier à de tels errements et de respecter les règles de calcul rappelées par la Cour de cassation en matière de pensions de réversion ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Je voudrais tout d'abord vous demander, monsieur le sénateur, de bien vouloir excuser l'absence de M. François Fillon, qui, se trouvant en déplacement, m'a chargé de le représenter ce matin.
Vous m'avez interrogé sur les conditions d'application de l'article D. 171-1 du code de la sécurité sociale. Sous réserve de conditions de ressources, les conjoints survivants se voient appliquer un plafond de cumul de leurs droits directs, c'est-à-dire leur pension personnelle de retraite, et de leurs droits dérivés, c'est-à-dire une pension de réversion.
Le mode de calcul pose effectivement un problème d'équité lorsque le conjoint décédé était polypensionné, c'est-à-dire lorsqu'il percevait plusieurs pensions de retraite. La Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés interprétait la réglementation de façon relativement obscure, c'est le moins que l'on puisse dire. Elle a décidé de fractionner le plafond dans certaines conditions, ce qui corrige partiellement l'inégalité née de la réglementation.
Dans le cas inverse, la situation des veuves et des veufs de polypensionnés aurait été beaucoup trop favorable par rapport à celle des veuves et des veufs de monopensionnés.
En pratique, deux retraités bénéficiant théoriquement chacun d'une pension personnelle et d'une pension de réversion de mêmes montants auraient disposé, en définitive, de retraites de montants totalement différents.
La Cour de cassation a dit le droit ; elle a condamné cette pratique, et nous devons donc en tirer les conséquences. Comme vous l'avez rappelé, monsieur le sénateur, le problème n'a pas été réglé depuis 1997, mais j'attire votre attention sur le fait que l'application de la réglementation telle que celle-ci est interprétée par la Cour de cassation accentuerait les différences de traitement entre les bénéficiaires de pensions de réversion multiples et les bénéficiaires d'une pension de réversion unique. Aucune considération d'équité ne saurait justifier de telles différences.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement, afin d'éviter que n'apparaisse une nouvelle inégalité dans notre système de retraite, a décidé de modifier l'article D. 171-1 du code de la sécurité sociale pour donner un fondement juridique incontestable à la pratique de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés.
J'insiste, monsieur le sénateur, sur le fait que cette décision est prise à titre transitoire. En effet, dans le cadre de la réforme des retraites que le Gouvernement engagera au cours du premier semestre de 2003, la question de l'égalité de traitement entre monoreversés et polyreversés, et plus généralement la question de la situation des conjoints survivants, sera abordée.
M. le président. La parole est à M. Philippe Arnaud.
M. Philippe Arnaud. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le secrétaire d'Etat.
Je note que vous avez clairement identifié la difficulté qui se pose. Il est urgent de régler ce problème, qui est tout à fait incompréhensible pour nos concitoyens et pour les retraités. L'une des solutions consisterait, selon moi, à fixer un plafond, qui assurerait l'équité avec les monopensionnés.
J'espère que le grand débat sur les retraites ainsi que les mesures concernant les polypensionnés viendront rapidement résoudre ce problème qui, je le répète, est incompréhensible pour nos administrés et pour nous-mêmes.

SITUATION DES SALARIÉS LICENCIÉS
DE L'IMPRIMERIE SCIA

M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine, auteur de la question n° 61, adressée à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
Mme Michelle Demessine. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je souhaite appeler l'attention de M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité sur la situation des salariés de l'entreprise d'imprimerie SCIA, à La Chapelle-d'Armentières, qui ont été licenciés le 23 avril 2002.
Bien que cette entreprise ait trouvé un repreneur, grâce, notamment, à la mobilisation des services de l'Etat et des salariés eux-mêmes, et que 70 d'entre eux aient été embauchés, 150 salariés ont été licenciés. La loi de modernisation sociale du 17 janvier 2001, qui prévoyait le doublement des indemnités en cas de licenciement économique, devait normalement s'appliquer à eux, en attendant que l'entreprise se développe et que de nouvelles embauches soient envisagées.
Or, aujourd'hui, l'AGS, l'association de garantie des salaires, s'appuie sur une circulaire du ministère des affaires sociales relative à l'application de cette loi pour décider de ne pas doubler cette prime, la date de licenciement, le 23 avril 2002, étant antérieure à la date de parution du décret d'application de la loi de modernisation sociale, soit le 5 mai 2002.
L'article 123 de la loi de modernisation sociale précise que l'article 113 est applicable aux procédures de licenciement en cours à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, soit immédiatement, dès sa publication au Journal officiel, le 7 mars 2002, et que la circulaire, quant à elle, devait normalement plutôt préciser les taux.
De plus, la chambre sociale de la Cour de cassation a rendu un arrêt qui pourrait, en la matière, faire jurisprudence. Celui-ci interprète l'article L. 122-9 du code du travail en distinguant, d'une part, le droit au bénéfice de l'indemnité, qui s'apprécie effectivement à la date du licenciement, et, d'autre part, le calcul du montant des indemnités, qui s'apprécie à la fin du préavis. Dans ce cas précis, le préavis étant postérieur à la parution du décret, les salariés pourraient bénéficier du doublement de leur prime.
Comme vous le voyez, cette jurisprudence laisse planer un doute sur l'interprétation de la circulaire du ministère ainsi que sur l'application de la loi, doute qui justifie aujourd'hui des éclaircissements.
Pour les salariés, monsieur le secrétaire d'Etat, ce doute est suffisant pour qu'ils reprennent espoir. Je vous demande donc d'en faire bénéficier ces salariés qui ont contribué, pendant trente ans pour certains d'entre eux, à faire prospérer une entreprise, une activité, afin qu'ils ne se retrouvent pas du jour au lendemain sans avenir professionnel et, pour une large majorité d'entre eux, sans moyens de vivre décemment.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Madame la sénatrice, je comprends, humainement, le désarroi de ces salariés.
La loi du 17 janvier 2002, dite de modernisation sociale, a introduit, par son article 113, une distinction dans le niveau légal d'indemnité suivant le motif de licenciement, entre motif économique, d'une part, et motif inhérent à la personne du salarié, d'autre part. Toutefois, la loi ne fixe aucun niveau.
Seul le décret n° 2002-785 du 3 mai 2002 augmente le niveau lié au motif économique. Ce doublement ne peut donc prendre effet qu'à cette date. Seuls les salariés licenciés pour motif économique après cette date ont droit à une augmentation.
J'ajoute que c'est exactement ce que la circulaire du 23 janvier du prédécesseur de M. François Fillon avait précisé. Elle rappelait en effet que, pour l'article 113, il fallait attendre la sortie du décret qui préciserait un niveau d'indemnité. Remarquons au passage que cela ne l'a pas empêché d'attendre quatre mois pour publier le décret !
Les 150 anciens salariés de l'entreprise SCIA licenciés le 23 avril 2002 ne peuvent donc pas prétendre au doublement de l'indemnité légale de licenciement.
L'Association de garantie des salaires, qui leur a payé ces indemnités, a donc eu pleinement raison de conserver les montants antérieurs.
M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. Monsieur le secrétaire d'Etat, un flou existe incontestablement entre les dispositions de la loi et le texte de la circulaire. Il est vraiment dommage que, pour quelques cas en France - la période transitoire ne doit sans doute pas concerner un très grand nombre de salariés -, on n'ait pas précisé le dispositif dans un sens favorable pour les salariés licenciés pendant la période concernée. Cela aurait constitué une mesure d'équité sur le plan social. Paradoxalement, les salariés protégés bénéficieront, quant à eux, du doublement de la prime puisqu'ils ont été licenciés, comme le dispose la loi, après les autres salariés. Cela crée une incompréhension. Les salariés, qui se sentent aujourd'hui lésés, vont devoir engager une action en justice devant le conseil des prud'hommes, ce qu'on aurait tout de même pu leur éviter !

RESPECT DU PRINCIPE DE LIBERTÉ SYNDICALE

M. le président. La parole est à M. Yves Coquelle, auteur de la question n° 59, adressée à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
M. Yves Coquelle. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, depuis la rentrée, se succèdent des vagues de licenciements dans des centaines d'entreprises et, plus grave encore, des fermetures d'entreprises.
Le département du Pas-de-Calais, massivement touché par la crise économique, n'échappe pas à la règle. En effet, dans de nombreuses communes de l'ex-bassin minier, le taux de chômage dépasse 25 % de la population active.
Depuis quelques mois, des annonces en cascade de fermetures d'entreprises assombrissent encore un peu plus le paysage : Sollac-Biache, plus de 400 emplois supprimés ; la cokerie de Drocourt, 450 suppressions d'emplois directs, sans compter les très nombreux emplois induits ; Metaleurop, plus de 500 suppressions d'emplois, en attendant une inéluctable liquidation qui privera d'emploi plus de 1 000 personnes ; Alcatel à Douvrin, 450 suppressions d'emplois ; Samsonite à Hénin-Beaumont, 200 suppressions d'emplois.
A ces suppressions d'emplois s'ajoutent de très nombreuses fermetures de sites effectives ou envisagées à très court terme : Inergy à Grenay, l'entreprise Mossley, Testut à Béthune, Lu à Calais, Solectron à Longuenesse, sans oublier les lourdes menaces qui pèsent sur la cristallerie d'Arques.
Monsieur le secrétaire d'Etat, cette liste est, hélas ! bien loin d'être exhaustive. La situation est d'autant plus inquiétante qu'aucune création d'emplois sérieuse et durable n'est envisagée dans le secteur.
Cette spirale infernale inquiète fortement l'ensemble des élus du département, qui sont déjà préoccupés par le désastreux contexte socio-économique général.
Face à cette situation dramatique, les ouvriers, les salariés luttent et se battent pour préserver leur outil de travail, leur seul moyen de subsistance.
Il est concevable et compréhensible que, parfois, poussés par l'énergie du désespoir, ils mènent des luttes fortes et déterminées.
Or, il se trouve que, dans notre département, depuis quelques mois, en accompagnement des licenciements, nous assistons à une attaque en règle contre les libertés syndicales.
De très nombreux délégués syndicaux ou syndicalistes - je ne citerai, ici, que trois exemples : Sollac-Biache, Alcatel à Douvrin et Bertelsmann à Noyelles-sous-Lens - sont actuellement en procédure de licenciement pour fautes lourdes, alors qu'ils ne font que défendre leur outil de travail et l'emploi de leurs camarades.
Monsieur le secrétaire d'Etat, à défaut de faire respecter le principe fondamental du droit au travail, vous devez faire respecter la simple, mais tout aussi fondamentale, liberté syndicale.
Le patronat ne doit pas pouvoir trouver des encouragements à sa politique antisociale dans l'attitude passive du Gouvernement. Il est du devoir du gouvernement Raffarin, qui se réfère souvent à « la France d'en bas », de montrer, dans ses actes et son action, que ses propos correspondent à sa politique.
Quelles mesures concrètes le Gouvernement va-t-il prendre, monsieur le secrétaire d'Etat, pour que cessent ces licenciements et ces attaques contre les libertés syndicales ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Monsieur le sénateur, le gouvernement Raffarin se réfère effectivement à « la France d'en bas ». Elu du sud de la France, je suis d'ailleurs une parfaite émanation de cette France d'en bas ! (Sourires.)
M. Gérard Longuet. Mais de très haute qualité !
M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat. Ma formule n'est pas une formule en l'air.
M. Yves Coquelle. Nous ne sommes pas concernés par cette formule ! Le Pas-de-Calais, ce n'est pas « la France d'en haut » !
M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat. Nous sommes fiers de représenter la France d'en bas.
M. Nicolas About. C'est une France qui chante !
M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat. Les suppressions d'emplois, les fermetures de sites donnent lieu à des actions collectives de protestation des salariés concernés. A cette occasion, des actes considérés, par les employeurs, comme constitutifs de fautes lourdes peuvent conduire à la mise en oeuvre de procédures de licenciement contre des délégués syndicaux.
Le code du travail, dans ce domaine particulièrement sensible, comporte plusieurs dispositions pour protéger l'exercice du droit syndical dans l'entreprise. Il donne aux organisations syndicales la possibilité de saisir le juge en lieu et place d'un salarié qui est victime de discrimination. Il consacre le rôle des inspecteurs du travail en matière de discrimination dans le contrôle lié aux sanctions. Il rend obligatoire l'autorisation préalable au licenciement des représentants du personnel. Ces dispositions visent à garantir l'exercice normal du droit syndical.
Par ailleurs, l'article L. 122-45 du code du travail dispose qu'aucun salarié ne peut être sanctionné ou licencié en raison de ses activités syndicales ou de l'exercice normal du droit de grève. Il pose ainsi - et nous le comprenons - le principe de la nullité de toute sanction prise à l'égard d'un salarié pour un tel motif, et le principe du droit à réintégration du salarié si son licenciement intervenait en raison de ses activités syndicales ou de l'exercice normal du droit de grève.
Je rappelle par ailleurs, monsieur le sénateur, que la liberté syndicale et l'exercice du droit de grève doivent se concilier avec les autres droits garantis par la loi. Ils ne peuvent justifier ni les actes de violence sur les personnes ni les détériorations des installations. De tels actes illicites mettent alors en cause la responsabilité de ceux qui les commettent, avec toutes les conséquences judiciaires qui s'y attachent.
Les services du ministère des affaires sociales, du travail et de la solidarité, notamment les inspecteurs du travail en charge du respect de ces textes, sont particulièrement attentifs à leur bonne application. (Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Yves Coquelle.
M. Yves Coquelle. Monsieur le secrétaire d'Etat, vous ne serez pas étonné si je vous dis que je ne suis pas tout à fait satisfait par votre réponse.
Je sais qu'il existe des lois censées protéger les travailleurs, mais je sais aussi, par expérience, parce que je suis un ancien militant syndicaliste, que c'est souvent l'action qui précède la loi, que c'est elle qui fait respecter la classe ouvrière.
Aujourd'hui, dans notre département, dans notre région, le taux de chômage s'aggrave. La situation devient parfois désespérée et les gens n'ont plus que la lutte. Quand on ne peut plus discuter autour d'une table, quand la direction refuse de prendre en compte les aspirations des salariés, il faut bien avoir recours à l'action. C'est ainsi que le progrès a gagné dans notre pays. Les avancées sociales ont été conquises par les travailleurs. Malheureusement elles sont remises en cause aujourd'hui.
C'est pourquoi il faut s'attendre à des actions dans les jours, dans les mois qui viennent. Ainsi, demain, à Lille, aura lieu une manifestation de tous les salariés en lutte pour la défense de leur outil de travail.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je ne manquerai pas de leur rapporter vos propos.
M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat. Monsieur le sénateur, mes propos ne visaient pas à condamner l'action. Nous comprenons l'action syndicale, et j'ai bien précisé que nous allions demander aux inspecteurs du travail de protéger les droits des salariés. Nous faisons simplement une distinction entre l'action syndicale et les détériorations.

SITUATION DES ÉTABLISSEMENTS
D'ENSEIGNEMENT DU BRETON

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yvon Trémel, auteur de la question n° 46, adressée à M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche.
M. Pierre-Yvon Trémel. Monsieur le ministre, je souhaite appeler votre attention sur les difficultés rencontrées, lors de la rentrée scolaire 2002, par les établissements qui dispensent un enseignement de la langue bretonne.
Il s'avère, en effet, que de nombreuses modalités prévues par la convention additionnelle au contrat de plan Etat-région 2002-2006 et portant sur le bilinguisme français-breton ne se sont pas traduites concrètement dans l'organisation de la présente rentrée.
Cette situation est d'autant plus regrettable que les élus, les enseignants, les associations et les parents d'élèves exprimaient depuis de nombreuses années des attentes fortes dans le domaine de l'enseignement de la langue et de la culture bretonnes. Aujourd'hui, leur déception est évidemment très grande devant le peu d'avancées concrètes obtenues.
Il est nécessaire que les outils permettant la structuration du dispositif d'enseignement puissent se mettre rapidement en place, qu'il s'agisse de la mise en place du conseil académique des langues et cultures régionales, de l'élaboration de la carte académique et des cartes départementales des sites bilingues ou encore des supports d'information des familles.
En effet, en l'absence de ces structures, pourtant prévues dans la convention additionnelle au contrat de plan, et d'une réelle planification des moyens à mettre en oeuvre - je pense en particulier à la formation des maîtres -, les objectifs de l'avenant au contrat de plan seront difficiles à atteindre et la concertation entre les partenaires deviendra plus délicate.
Un inventaire de la situation des établissements d'enseignement et de formation, a été réalisé, à la rentrée 2002, par la commission « éducation » du conseil culturel de Bretagne.
De nombreux engagements n'ayant pas été tenus, les difficultés sont aujourd'hui réelles dans de nombreuses écoles, collèges et lycées.
Malgré la complexité de ce dossier, aggravée par la décision du Conseil d'Etat relative à l'intégration du mouvement Diwan dans le service public, des décisions opérationnelles doivent être prises rapidement.
Je souhaiterais donc, monsieur le ministre, qu'après quelques mois à la tête du ministère de l'éducation nationale vous puissiez me faire part de votre analyse sur ce dossier et m'indiquer les orientations que vous entendez prendre en faveur de l'enseignement des langues régionales, de la langue bretonne en particulier.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Luc Ferry, ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Monsieur le sénateur, je tiens à vous dire très clairement que le ministère de l'éducation nationale est extrêmement favorable à l'enseignement bilingue de quelque nature qu'il soit. Ainsi, pour la formation des maîtres et l'équipement des écoles, nous avons dégagé une importante ligne de crédits de 6 millions d'euros.
Il est vrai que, en ce qui concerne les écoles Diwan, nous rencontrons une difficulté dont j'ai hérité - vous le savez -, difficulté liée notamment au fait que ces écoles, qui sont des écoles sous contrat et qui demandent leur intégration dans l'enseignement public, ont fait l'objet de deux décisions du Conseil d'Etat déclarant que la pédagogie par immersion totale dans la langue bretonne, qui est le propre de ces écoles, était juridiquement inacceptable et exorbitante par rapport au code de l'éducation, notamment par rapport aux dispositions dudit code qui prévoient des exceptions en matière de langue et de culture régionales.
J'ai donc reçu les représentants des écoles Diwan, notamment M. Andrew Lincoln, dès le mois de juin. J'ai également reçu les parlementaires, de droite comme de gauche, qui m'ont saisi de cette question pour essayer de faire avancer les choses.
J'ai étudié ce dossier avec une grande bienveillance et j'ai présenté des propositions concrètes aux représentants des écoles Diwan. Je vous en livre la teneur.
Dans le cycle des apprentissages premiers, c'est-à-dire en petite et en moyenne section de maternelle, la pratique de la pédagogie par immersion ne soulève aucune difficulté puisque ce cycle ne relève pas de l'obligation scolaire.
Dans le deuxième cycle, la langue bretonne pourrait être la langue de l'enseignement, à l'exception de deux heures et demie quotidiennes qui doivent être réservées à l'enseignement du français et d'une heure hebdomadaire consacrée à l'enseignement d'une langue étrangère.
Le même dispositif pourrait prévaloir dans le troisième cycle, voire être étendu à l'enseignement secondaire.
Si ce compromis était accepté par les représentants des écoles Diwan, je serais prêt à les soutenir et à proposer l'intégration de ces écoles dans l'enseignement public. Je serais même disposé à présenter le fonctionnement de ces écoles comme une expérience d'avant-garde intéressante et, éventuellement, comme un modèle d'organisation pour les autres formes d'enseignement bilingue, qui m'intéressent particulièrement.
En revanche, il serait dangereux de conseiller aux écoles Diwan de jouer la carte de l'exception dans le cadre de la décentralisation. En effet, je ne suis pas certain que cette position serait juridiquement défendable. Le compromis que je propose, lui, me semble raisonnable. Il a de bonnes chances de fonctionner tout en permettant le maintien de l'enseignement du breton à un niveau satisfaisant.
M. Gérard Longuet. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yvon Trémel.
M. Pierre-Yvon Trémel. Monsieur le ministre, je suis très sensible à la volonté que vous avez exprimée de soutenir cette forme d'enseignement dans les écoles, les collèges et les lycées. J'apprécie la réponse précise que vous m'avez apportée.
Permettez-moi toutefois de formuler plusieurs souhaits.
Je souhaite, tout d'abord, que vous soyez très vigilant sur l'application de l'avenant à la convention du contrat de plan portant sur le bilinguisme, notamment dans les écoles publiques. Ainsi, la mise en place du conseil académique devrait avoir lieu rapidement car elle est très attendue.
S'agissant des écoles Diwan, j'aimerais que l'on trouve une solution définitive à cette affaire qui a duré un peu trop longtemps. Je vous remercie donc de votre bonne volonté.
Enfin, je souhaite que la volonté qui vous anime soit relayée par votre administration, à l'échelon du rectorat et des inspections académiques.

APPLICATION DU PACTE CHARBONNIER

M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, auteur de la question n° 58, adressée à Mme la ministre déléguée à l'industrie.
M. Gérard Longuet. Madame la ministre, je tiens tout d'abord à vous remercier de votre présence pour répondre à cette question qui, au-delà de la Lorraine, préoccupe l'ensemble des 7 000 salariés de Charbonnages de France.
L'actualité sociale de la rentrée a été marquée en Lorraine et sur le plan national par un mouvement de grève qui a paralysé la Société nationale d'exploitation thermique, la SNET, filiale de Charbonnages de France, et principal producteur indépendant d'électricité thermique.
En réalité, cette grève exprime l'inquiétude qui s'empare des 7 000 salariés de Charbonnages de France au moment où nous approchons de l'échéance ultime de ce que l'on a appelé le « pacte charbonnier », accord d'octobre 1994, qui, grâce au soutien de l'Etat, a permis à Charbonnages de France, en accord avec les principales organisations syndicales, de gérer, dans l'ordre et dans un climat de compréhension sociale, le repli inévitable des activités charbonnières.
Ce climat a d'ailleurs contribué à créer un environnement favorable à la reconversion industrielle d'un certain nombre de sites, en particulier dans l'Est mosellan. Je pense par exemple que la réussite que représente l'implantation de l'usine Smart n'aurait pas été possible dans un climat social tendu, où l'inquiétude légitime des salariés se serait exprimée d'une façon qui aurait dissuadé les investisseurs.
Cependant, une actualité immédiate explique l'inquiétude des salariés : 440 employés de la cokerie de Carling savent que cette activité s'arrêtera vraisemblablement en 2004, faute d'avoir trouvé un repreneur.
A peu près à la même période, l'actionnaire minoritaire actif de la SNET, la société espagnole Endesa, a mobilisé ses cadres et ses dirigeants pour améliorer la productivité de cette société dans un contexte d'incompréhension mutuelle et de tension. Dans ces conditions, le président de la SNET a fait prudemment machine arrière et a reporté des mesures qui se seraient traduites par la remise à la disposition de Charbonnages de France de 360 salariés qui n'auraient pas pu trouver leur place dans les structures actuelles de Charbonnages de France ou des Houillères du bassin de Lorraine.
Compte tenu du climat d'inquiétude qui se développe aujourd'hui, je souhaiterais, madame la ministre, que vous puissiez, compte tenu du rôle principal que joue l'Etat en tant qu'actionnaire, en tant que tuteur et, reconnaissons-le, en tant que soutien financier de Charbonages de France, nous apporter des réponses précises concernant le volet industriel, le volet social ainsi que les perspectives de développement.
S'agissant d'abord du volet industriel, pouvez-vous nous confirmer le maintien de l'activité des puits d'extraction en 2003 et en 2004 ? Pouvez-vous également nous indiquer quelles sont aujourd'hui vos relations avec Endesa et quel sera le comportement probable de cet actionnaire, qui s'efforce d'être un acteur mais qui, manifestement, ne trouve pas aujourd'hui les conditions de son développement en France ?
Sur le volet social, ma question est simple : sera-t-il mis fin à l'un des éléments importants du pacte charbonier, le volontariat ? Les pouvoirs publics envisagent-ils de revenir sur le principe 45-25, qui est bien connu des mineurs et qui permet une cessation d'activité après l'âge de quarante-cinq ans dès lors que l'on a effectivement travaillé vingt-cinq ans en sous-sol ? L'hypothèse d'un principe 43-23 vous paraît-elle d'actualité ?
Enfin, madame le ministre, pouvez-vous nous confirmer le maintien, au moins pendant la période couverte par le pacte charbonnier, des fonds dédiés à la reconversion industrielle, à savoir le fonds industriel de la Lorraine, le fonds d'industrialisation du bassin houillier et le fonds d'industrialisation du bassin minier, qui n'est d'ailleurs pas spécifique à la Lorraine ?
Votre réponse, madame le ministre, sera de nature, je l'espère profondément, à apaiser l'inquiétude des salariés, chez qui la mobilisation n'exclut pas le sens des responsabilités, car ils savent parfaitement que le succès de la reconversion industrielle passe par une telle attitude.
M. Nicolas About. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie. Monsieur le sénateur, je saisis l'occasion que me fournit votre question pour souligner le caractère extrêmement positif du bilan que nous pouvons tirer du pacte charbonnier.
Vous connaissez mieux que quiconque le contenu et l'importance de ce pacte puisque vous en avez été, en tant que ministre de l'industrie, le premier artisan, en étroite concertation avec les organisations syndicales.
Le dispositif que vous aviez proposé était particulièrement équilibré. Il comprenait à la fois la garantie de l'emploi pour les agents en activité, le gel des nouvelles embauches, l'instauration de mesure d'âge, l'amélioration des incitations à la reconversion.
L'ensemble de ce dispositif a permis la mise en oeuvre sans heurts de la fermeture progressive de l'extraction charbonnière dans notre pays, tout en offrant aux salariés des charbonnages une évolution de carrière honorable.
Ce climat social apaisé a permis de créer l'environnement favorable que vous avez opportunément souligné, monsieur le sénateur.
La baisse des effectifs a pu être continue et régulière depuis la mise en oeuvre du pacte. En 2004, environ 3 700 agents n'auront pas encore pu bénéficier des mesures d'âge initialement prévues.
Je voudrais souligner qu'il était tout à fait légitime de mobiliser la solidarité nationale pour gérer cette évolution, tant cette industrie a contribué au rayonnement économique de notre pays et aussi, même si c'est de façon indirecte, à la constitution de l'Europe puisque c'est autour du charbon et de l'acier que la Communauté européenne a vu le jour.
En 1994, vous aviez prévu l'arrêt définitif de l'extraction charbonnière avant 2005. Il apparaît aujourd'hui, alors que cette échéance approche, que la fermeture des exploitations devra être anticipée, notamment pour des raisons de sécurité. Les modalités du pacte devront être adaptées pour faire face à cette situation.
Dans cette perspective, j'ai demandé au président de Charbonnages de France de me proposer des adaptations du pacte charbonnier. Ses propositions doivent évidemment s'inscrire dans le cadre de référence de la gestion de la fin de l'extraction charbonnière. Elles devront aussi, le moment venu, faire l'objet de négociation avec les organisations syndicales.
Votre question portait plus précisément sur l'avenir de la SNET et de ses agents. Vous avez évoqué, à juste titre, l'inquiétude que ceux-ci pouvaient nourrir.
Le Gouvernement souhaite assurer la pérennité de la SNET au-delà de la fin de l'extraction charbonnière. Cela ne sera possible que si l'entreprise sait s'adapter à un environnement plus concurrentiel, étant entendu qu'il faut, dans cette perspective, parier sur le dialogue social.
Dans un souci d'apaisement, la direction de l'entreprise a annoncé aujourd'hui l'abandon de son plan initial d'évolution, ainsi que la prolongation de la convention avec Charbonnages de France relative au détachement de ses agents à la SNET. Le Gouvernement ne peut désormais qu'appeler de ses voeux la reprise du dialogue sur ces bases nouvelles, afin que la SNET puisse mettre en oeuvre, dans la sérénité, les évolutions indispensables qui lui permettront d'occuper demain la place ambitieuse qui peut et doit lui revenir dans le paysage électrique français.
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet.
M. Gérard Longuet. Je vous remercie, madame le ministre, de votre réponse. Je me permettrai de formuler trois remarques.
La première concerne la négociation menée sous l'autorité du président Philippe de Ladoucette sur la gestion des derniers mois d'extraction. Les principes de sécurité ont toujours guidé cette activité et nous sommes attentifs à ce que la perspective de la fin de l'extraction ne les voie aucunement négligés.
Ma deuxième remarque vise le volet social. Nous devrions réfléchir ensemble à une formule moins rigide que celle qui est mise en oeuvre actuellement et dans laquelle la fin de l'extraction interdit toute activité à des gens qui sont encore dans la force de l'âge, même s'ils ont beaucoup donné d'eux-mêmes. Le président de Charbonnages de France pourrait, je crois, prendre en compte une telle préoccupation. Du reste, nous avons besoin, dans certains bassins, des compétences et des savoir-faire de ces hommes, qui sont, je le répète, encore assez jeunes et à qui on n'offre d'autre choix que d'être complètement inactifs. Pourquoi donc ne leur donnerait-on pas la possibilité d'enrichir l'activité industrielle de leur bassin, puisqu'ils sont encore en mesure de le faire ?
Ma troisième remarque porte sur la SNET. Il nous faudra de nouveau évoquer cette société dès lors que l'actionnaire extérieur Endesa aura exprimé sa volonté soit de prendre la majorité, comme le pacte d'actionnaires le lui permet, soit, au contraire, de renoncer à cette perspective. Tant que nous n'aurons pas cette réponse de l'actionnaire extérieur principal, l'inquiétude planera sur l'avenir de cette société, une inquiétude vivement ressentie par les salariés. Mais je pense que, dans les mois qui viennent, l'obligation faite à l'actionnaire principal extérieur de s'exprimer permettra de dissiper les ambiguïtés et, le cas échéant, de rouvrir la constitution du capital de cette société.

SITUATION DE LA BRASSERIE FRANÇAISE

M. le président. La parole est à M. Francis Grignon, auteur de la question n° 43, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Francis Grignon. Madame le ministre, je souhaite attirer votre attention sur la situation difficile des brasseurs de France, qui s'inquiètent d'une nouvelle augmentation des accises, laquelle remettrait en cause la filière brassicole en France, notamment en Alsace, région qui réalise près de 60 % de la production nationale de bière.
La perspective d'une baisse de la TVA sur les boissons non alcoolisées ne fait, bien sûr, qu'accroître leur inquiétude. Si la taxation peut être considérée comme un instrument de protection de la santé publique, il conviendrait, je pense, qu'elle soit ciblée pour être efficace !
Or la bière est une boisson modérément alcoolisée : 5° en moyenne. Pourtant, sa consommation diminue régulièrement, alors que les spiritueux, qui sont fortement alcoolisés et majoritairement importés, ont vu leur consommation augmenter considérablement.
Une diminution de la consommation de bière induit, bien sûr, une baisse de la production et compromet, à terme, au moins une partie des 160 800 emplois directs et indirects qui dépendent de la filière brassicole.
C'est pourquoi, madame le ministre, j'aimerais que vous nous fassiez part des mesures que le Gouvernement envisage de mettre en oeuvre afin de préserver cette filière, en particulier face aux propositions de la Commission européenne sur la révision des taux d'accises.
J'aimerais savoir, d'une façon plus générale, si vous envisagez de lancer une concertation avec l'interprofession pour faire évoluer l'environnement législatif et réglementaire de ce secteur de notre activité économique.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie. Monsieur le sénateur, la question que vous posez s'inscrit dans un contexte européen. Vous me permettrez de dire au passage que les débats au Parlement européen entre les partisans de la bière et les partisans du vin sont toujours extrêmement passionnés !
Le rapport que la Commission européenne vient d'élaborer, concernant la modification des directives 92/83/CEE et 92/84/CEE en vue d'harmoniser les droits d'accises dans la Communauté, comporte deux volets : l'un est consacré à l'augmentation des taux minimaux communautaires de taxation, et l'autre à la fixation de taux communautaires maximaux.
Le premier point ne semble pas soulever de difficulté.
La France applique à l'heure actuelle un droit spécifique sur les bières, s'élevant à 2,60 euros par degré d'alcool et par hectolitre pour les bières dont le titre alcoométrique excède 2,8 %, alors que le taux communautaire minimal est actuellement de 1,87 euro.
La Commission prévoit une augmentation de ce taux au 1er janvier 2003, puis au 1er janvier 2007, pour le porter respectivement à 2,32 euros et à 2,51 euros.
Dans ces conditions, le taux de taxation actuellement applicable en France demeurera compatible avec le taux communautaire minimal.
En revanche, la Commission a fixé un taux communautaire maximal qu'elle considère comme un taux cible vers lequel les Etats membres sont invités à converger à terme ; ce taux cible s'élève à 10 euros par degré d'alcool.
A ce stade, le Gouvernement ne considère pas comme prioritaire une augmentation des taux d'accises applicables aux alcools et boissons alcooliques.
Vous connaissez la démarche de la France tendant à obtenir l'application du taux réduit de la TVA au secteur de la restauration. Le Gouvernement est attaché à la voir aboutir le plus rapidement possible, à l'occasion des travaux qui seront engagés à l'échelon communautaire au premier semestre 2003. C'est dans ce cadre, monsieur le sénateur, que sera étudiée la question du taux de TVA applicable aux ventes de boissons à consommer sur place.
M. le président. La parole est à M. Francis Grignon.
M. Francis Grignon. Madame le ministre, merci pour cette réponse.
Dans la mesure où le Gouvernement s'en tient à peu près, pour le moment, au statu quo pour les taux pratiqués dans notre pays et où l'application de ce taux cible n'est ni impérieuse ni urgente, je pense que la profession verra ses inquiétudes au moins repoussées dans le temps.

DÉONTOLOGIE MÉDICALE ET LIBERTÉS INDIVIDUELLES

M. le président. La parole est à M. Nicolas About, auteur de la question n° 57, adressée à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.
M. Nicolas About. Je vous remercie, monsieur le ministre de la santé, d'être venu ce matin répondre personnellement à ma question, d'autant plus importante à mes yeux qu'elle concerne un combat dans lequel je suis engagé depuis de nombreuses années.
Je voudrais attirer votre attention sur l'ordonnance du tribunal administratif de Lille en date du 25 août 2002, faisant injonction au centre hospitalier régional Hôtel-Dieu de Valenciennes de ne pas procéder à l'administration forcée d'une transfusion sanguine à une femme témoin de Jéhovah.
La façon dont la presse a rendu compte de cette décision et l'interprétation pour le moins hâtive qui en a été donnée ont suscité une vive émotion parmi les professionnels de santé et, semble-t-il, dans l'opinion publique.
Les articles de presse ont en effet qualifié cette décision du tribunal administratif de « revirement jurisprudentiel » dans la mesure où elle privilégiait, disait-on, le respect absolu de la volonté du patient sur les obligations déontologiques du médecin.
En réalité, cette interprétation ne résiste pas à l'examen de la décision du tribunal administratif, laquelle s'inscrit au contraire dans le droit-fil de la jurisprudence administrative en la matière, et je dois dire que les magistrats ont été les premiers surpris de l'interprétation faite par la presse.
L'ordonnance considère en effet que l'absence de respect de la volonté de la patiente par l'hôpital constitue une atteinte « grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales » dans la mesure où il n'est pas allégué par l'hôpital que « le refus de respecter la volonté de la patiente serait rendu nécessaire du fait d'un danger immédiat pour sa vie ». Cette ordonnance a de fait été rendue dans un contexte très particulier marqué par l'absence des représentants de l'hôpital à l'audience.
Dans ce contexte de grande confusion, il apparaît aujourd'hui indispensable de dire le droit, de dissiper les malentendus et de rassurer pleinement les professionnels de santé.
C'est pourquoi je vous demande, monsieur le ministre, de confirmer que cette décision de justice ne modifie en rien le droit positif, lequel prévoit que, lorsque le pronostic vital d'un patient est en jeu et lorsque l'urgence commande de prendre une décision, il ne saurait être reproché à un médecin de pratiquer les actes indispensables à la survie du patient, au besoin contre la volonté de ce dernier.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Monsieur le sénateur, l'ordonnance du 25 août dernier faisant injonction à l'établissement hospitalier de Valenciennes de ne pas procéder à une transfusion contre le gré d'une patiente s'inscrit, vous avez raison de le souligner, dans le droit-fil de la jurisprudence.
L'ordonnance du juge des référés du Conseil d'Etat du 16 août 2002, dont on a beaucoup moins parlé, allait par exemple dans le même sens.
Pour motiver sa décision dans cette affaire, le juge d'appel avait ainsi clairement posé que « le droit pour le patient majeur de donner, lorsqu'il se trouve en l'état de l'exprimer, son consentement à un traitement médical revêt le caractère d'une liberté fondamentale ».
Il ajoutait que, toutefois, « les médecins ne portent pas à cette liberté fondamentale une atteinte grave et illégale lorsque, après avoir tout mis en oeuvre pour convaincre un patient d'accepter les soins indispensables, ils accomplissent, dans le but de le sauver, un acte indispensable à sa survie et proportionné à son état ».
Il précisait en outre « qu'un tel acte, lorsqu'il est réalisé dans ces conditions, n'est pas incompatible avec les exigences qui découlent de la Convention européenne des droits de l'homme ».
La jurisprudence parvient donc à ménager un subtil équilibre entre les obligations et les devoirs en conflit dans des situations d'une extrême difficulté pour le médecin qui doit, en conscience, adopter une attitude compatible avec le droit et les devoirs de sa mission.
Si la jurisprudence est claire, force est de constater que, dans sa rédaction issue de la loi de mars 2002, l'article L. 1111-4 du code de la santé publique n'envisage aucune dérogation explicite à l'obligation du médecin de respecter la volonté du malade dès lors que celui-ci est en état de l'exprimer. A la lettre, le texte oblige donc le médecin à tenter de convaincre le patient et, à défaut, à s'incliner devant son refus.
Mais comment pourrait-on exiger en droit, sous la menace de sanctions, qu'un médecin laisse mourir un malade sans rien tenter pour le sauver, dans le seul but de respecter sa volonté ?
Quel sens pourrait-on donner à la loi pénale qui incrimine et punit l'abstention de porter secours à une personne en péril si un médecin devait être sanctionné malgré son devoir d'agir dans le respect de la vie pour avoir porté secours à un malade en danger de mort ?
La conscience du médecin qui agit dans le respect de la vie rejoint les valeurs essentielles qui fondent l'édifice des principes et droits fondamentaux de la personne.
Il ne manque donc pas d'arguments dans le droit pour expliquer l'absence de faute du médecin qui tente de sauver son patient en danger de mort, malgré son refus du traitement susceptible de lui sauver la vie. C'est bien ce que traduit la jurisprudence ; et la décision de justice du 25 août à laquelle vous avez fait référence ne constitue donc nullement un revirement jurisprudentiel.
M. le président. La parole est à M. Nicolas About.
M. Nicolas About. Je vous remercie, monsieur le ministre, de la confirmation que vous venez de nous donner.
Nous étions confrontés à un conflit de droit entre deux textes. Il est important que M. Jean-François Mattei nous ait rappelé la mesure qu'il convient d'avoir dans ce domaine.
Si, à l'avenir, la jurisprudence devait être modifiée par une interprétation abusive de la loi Kouchner, peut-être, à ce moment-là, serait-il temps pour le Parlement de se ressaisir et d'amender le texte de façon à protéger aussi bien la liberté de conscience que le contenu éthique de la profession de médecin.

PROBLÈMES LIÉS AUX INSTALLATIONS
DE DISTRIBUTEURS-ÉCHANGEURS DE SERINGUES

M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, auteur de la question n° 62, adressée à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.
M. Bruno Sido. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, un incident dramatique s'est récemment produit à Chaumont, en Haute-Marne : un employé du centre hospitalier, qui devait assurer le réapprovisionnement d'un distributeur-échangeur de seringues mis à la diposition des toxicomanes a été agressé et criblé, par ses racketteurs, de coups de piqûres avec des seringues usagées.
Cette personne est actuellement sous trithérapie d'urgence. Il reste à espérer que la victime n'a pas contracté une hépatite B ou le sida.
La question qui se pose, monsieur le ministre, est de savoir si cet incident ne deviendrait pas un fait divers dans l'hypothèe où l'implantation de ces distributeurs devrait se généraliser. Pour la Haute-Marne, par exemple, il pourrait être question d'en installer dans les deux autres plus grandes villes du département : Saint-Dizier et Langres. Le risque de voir se développer une zone d'insécurité, voire de violence, autour d'eux n'est pas hypothétique.
Au-delà de ce type de conséquences, la question de la sécurité se pose également en d'autres termes. Que penser, en effet, de l'impact psychologique que peuvent avoir ces distributeurs sur les plus influençables et les plus jeunes, en particulier par rapport à l'usage de la drogue ? N'est-ce pas mettre leur sécurité en danger que de leur offrir ainsi une facilité, voire une tentation à la consommation ?
Cette mise en libre-service ne signifie-t-elle pas tolérance ? Cette banalisation de l'usage de la drogue n'est-elle pas totalement contradictoire avec les campagnes de prévention orchestrées par votre propre ministère et ceux de l'éducation nationale et de l'intérieur ?
On connaît trop maintenant les ravages à court et à long terme de la drogue pour la mettre, indirectement, j'en conviens, en distributeur automatique gratuit.
Concernant maintenant les toxicomanes à l'usage desquels ces distributeurs sont destinés, dans un souci de protection contre des contaminations par l'échange de seringues, je me demande si on n'assurerait pas mieux leur protection en favorisant plutôt les points d'accueil-écoute, où un dialogue peut être établi et une démarche de désintoxication engagée.
La population toxicomane, que l'on pourrait qualifier d'« installée », précisément parce qu'elle a le souci de sa protection, sait qu'elle peut y trouver, là ou dans les pharmacies, des seringues neuves. Les psychiatres, qui suivent cette question dans le cadre de la commission d'établissement départementale se sont montrés très réservés.
Au fond, ces distributeurs automatiques ne sont-ils pas un aveu d'impuissance, voire un quasi-abandon des drogués, livrés à eux-mêmes ? Ne signifient-ils pas : « On ne peut plus rien pour vous, inutile de discuter, plus la peine de chercher à vous connaître, à vous canaliser, à vous soigner, à vous aider » ?
Monsieur le ministre, je ne doute pas que vous aurez à coeur de rompre avec ces procédés cache-misère qui ont été très utilisés par l'ancien gouvernement, mais qui, loin de traiter la maladie, ne peuvent que l'empirer. Je vous remercie de me préciser vos intentions dans ce domaine, qui reste malheureusement d'actualité.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Monsieur le sénateur, vous avez appelé mon attention sur l'efficacité et sur la sécurité des installations de distributeurs-échangeurs de seringues. Comme vous le savez, l'accès au matériel d'injection stérile est l'une des composantes de la politique de réduction des risques en faveur des usagers de drogues.
Cette politique de réduction des risques a pour objectif principal la prévention des contaminations par le virus du sida et par les virus des hépatites. Elle constitue un premier palier de la prise en charge des usagers de drogue en visant à promouvoir des comportements de prévention. Elle impose une politique réaliste fondée sur la mise à disposition de seringues en vente libre.
L'accès au matériel d'injection stérile passe en effet par la vente en pharmacie, qui date de 1988 et qui constitue la plus importante source d'approvisionnement pour ces publics, soit par la délivrance de seringues par des automates échangeurs implantés sur la façade d'une pharmacie, sur la voie publique ou sur le mur d'un hôpital. Dans ce dernier cas, leur gestion incombe aux communes ou, mieux, est confiée à des associations intervenant dans le champ de la réduction des risques. Un bilan national dressé en 2001 recensait 227 automates échangeurs installés en France.
Depuis la mise en place de cette politique et des outils sur lesquels elle s'appuie, de nombreuses communes - j'en veux pour preuve mon expérience personnelle à Marseille, où le maire Jean-Claude Gaudin m'a confié, depuis sept ans, la lutte contre le sida et contre la toxicomanie - se sont investies dans cette approche des usagers de drogues. La décision d'implanter un distributeur-échangeur de matériel d'injection stérile se fait bien évidemment sur la base d'un consensus entre les élus, les services de police, la justice, l'éducation nationale, le conseil de l'ordre des médecins et des pharmaciens, les associations, les services sanitaires et les comités de quartier.
Je rappelle que la stratégie de la politique de réduction des risques est une stratégie concertée, qui repose, outre sur les automates distributeurs-échangeurs, sur les pharmacies d'officine, sur les programmes d'échanges de seringues mobiles, comme le bus itinérant de Médecins du monde à Marseille, et sur les lieux d'accueil pour substitution, auxquels vous avez fait allusion.
Cette politique doit impliquer une prise en charge permanente avec des entretiens et une surveillance assurés, par exemple, par des associations, comme, à Marseille, Médecins du monde et SOS Drogue International.
Il existe une évaluation annuelle de l'impact de cette politique : à Marseille, c'est l'Observatoire régional de la santé, qui est mandaté par la ville.
Les résultats sont largement positifs : grâce aux distributeurs-échangeurs de seringues, une population qui, jusqu'à présent, n'avait pas accès à la filière de soins peut désormais en bénéficier. Ces résultats sont tellement positifs qu'ils ont fait l'objet d'une publication internationale en langue anglaise dans une revue de médecine américaine.
L'impact de la politique de réduction des risques en termes de santé publique a été également évalué dans plusieurs études réalisées par l'Institut de veille sanitaire, qui publie régulièrement des indicateurs de suivi de cette politique.
Habituellement, c'est un apport très important, à condition de savoir avec intelligence accorder surveillance et prévention.
Enfin, l'accident qui s'est produit à Chaumont, que vous évoquez dans votre question et qui - je le comprends - vous trouble, semble être un cas isolé, sur lequel mes services n'ont même pas été alertés.
Monsieur le sénateur, il est vrai qu'on ne fait accepter par la population un distributeur-échangeur de seringues que lorsque la décision de l'implanter a été prise par l'ensemble des acteurs et que cet automate est pris en charge par la collectivité. Dès lors - je peux vous l'assurer - la police veille aux alentours ; mais l'automate n'est pas un piège à toxicomanes.
Par ailleurs, je précise que les associations en profitent pour nouer le dialogue et faire entrer les toxicomanes dans la filière de soins. J'ai bien sûr demandé à la direction générale de la santé de procéder, pour le cas particulier que vous avez évoqué, à une enquête dont je serai très heureux, monsieur le sénateur, de vous donner les conclusions.
M. le président. La parole est à M. Bruno Sido.
M. Bruno Sido. Je vous remercie, monsieur le ministre, de toutes les précisions que vous venez d'apporter.
Mon intention n'était pas du tout de remettre en cause cette noble politique de la prévention des risques engendrés par l'utilisation de seringues usagées. Je souhaitais uniquement attirer votre intention sur l'insécurité qui peut régner sur la place d'une gare, par exemple, loin de toute pharmacie, de tout hôpital, à une heure du matin, surtout quand des toxicomanes veulent s'emparer de tout le stock de seringues neuves quand le responsable les apporte.
Ainsi, à Chaumont, un employé a été sauvagement agressé et criblé de piqûres avec des seringues usagées par des toxicomanes. J'espère qu'il n'y aura pas un nouveau cas de sida ou d'hépatite B en France !

TRAITEMENT DES BOUES
DES STATIONS D'ÉPURATION

M. le président. La parole est à Mme Josette Durrieu, auteur de la question n° 54, adressée à Mme la ministre de l'écologie et du développement durable.
Mme Josette Durrieu. Madame la ministre, je souhaite attirer votre attention sur la législation en matière de traitement des boues et des stations d'épuration.
En effet, la loi du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale permet de scinder en deux la compétence du service public d'élimination des déchets ménagers et assimilés. Ainsi, il existe, d'une part, la collecte, dont les déchetteries font partie, et, d'autre part, le traitement, qui comprend le transfert, le transport, le tri, la valorisation énergétique et/ou la mise en décharge de déchets ultimes.
Ce partage des compétences permet de mettre en oeuvre des organisations de traitement mieux à même de maîtriser les coûts d'équipement et de neutraliser les coûts de fonctionnement.
Or, au sens de la loi du 15 juillet 1975 relative à l'élimination des déchets et à la récupération des matériaux, les boues de stations d'épuration constituent un déchet. Leur traitement s'inscrit dans le cadre du service public d'assainissement et est lié à l'exploitation des stations d'épuration. Les producteurs de boues sont donc responsables de leur élimination.
En conséquence, envisagez-vous de faire évoluer la loi, afin de faire bénéficier les services publics d'assainissement des mêmes possibilités d'organisation que celles qui sont prévues pour le service public d'élimination des déchets ménagers et assimilés ?
En d'autres termes, envisagez-vous de scinder la compétence du service public entre, d'un côté, l'assainissement - réseau et stations d'épuration - et, de l'autre, le traitement des boues ? Une autre possibilité consisterait à considérer le traitement des boues comme s'incrivant à part entière dans le processus d'élimination des déchets.
Vous le savez parfaitement, le problème de l'assainissement et de l'élimination des déchets est un problème majeur de l'espace rural, notamment pour les petites communes, un problème en tout cas peut-être aussi important que le fut en son temps celui de l'alimentation en eau ou en électricité.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable. Les communes, responsables de la collecte et du traitement des déchets des ménages, ont couramment confié cette compétence à des syndicats intercommunaux, afin de mutualiser la gestion de leurs déchets.
La loi n° 99-586 du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale a, de ce fait, eu un impact fort sur l'organisation du service public des déchets.
Elle a introduit une distinction entre la collecte et le traitement des déchets. De plus, et afin de clarifier la gestion des déchets, elle prévoit qu'une commune ne peut pas déléguer la compétence de collecte à un établissement public de coopération intercommunale ou à une communauté de communes sans lui avoir délégué également la compétence de traitement.
J'ai des échanges réguliers sur le cas particulier du service public des déchets avec le ministre de l'intérieur, qui suit l'application de cette loi : la grande diversité des situations existantes nécessite en effet une attention particulière.
Malgré certaines similitudes, la gestion des boues issues du traitement des eaux usées se pose en des termes différents. Tout d'abord, sur le plan juridique, ces déchets ne relèvent pas du service public des déchets gérés par les communes. Les boues sont, en effet, les résidus du traitement des eaux usées que les communes effectuent dans le cadre du service public de l'assainissement.
D'un point de vue technique, la situation diffère également. L'organisation de la collecte des déchets ménagers peut se faire selon des modalités très variées : l'ampleur de la collecte sélective à mettre en place, l'installation de points d'apports volontaires pour certains matériaux ou, au contraire, le choix de la collecte chez l'habitant de ces matériaux selon une fréquence à déterminer, sont des paramètres importants. Dans certains cas, des communes gagnent à se regrouper pour mettre en place ce service de collecte.
La situation est quelque peu différente pour les boues de stations d'épuration, résidus issus du traitement dans une station des eaux usées captées par le réseau de collecte mis en place dans les communes.
De ce point de vue, la gestion des boues de station d'épuration s'apparente à celle des mâchefers issus de l'incinération des déchets ménagers.
Comme les mâchefers, les boues de station d'épuration sont des déchets au sens de la loi du 15 juillet 1975, codifiée au titre IV du livre V du code de l'environnement.
Il appartient alors au producteur de boues de s'assurer que les déchets seront traités sans entraîner d'impact sur l'environnement.
Le choix du mode de traitement - épandage, incinération, mise en décharge - relève de la collectivité responsable de l'installation.
L'utilisation des boues, par épandage dans le domaine agricole, ou comme amendement organique après compostage, constitue, si les épandages sont réalisés dans de bonnes conditions, le débouché le plus intéressant, à la fois d'un point de vue environnemental et écologique. Les boues doivent cependant avoir une qualité irréprochable, et il est important de collecter les déchets potentiellement toxiques afin qu'ils ne soient déversés dans le réseau de collecte des eaux usées. Cela nécessite également de mettre en place une bonne traçabilité des produits obtenus et peut, dans certains cas, être incompatible avec un mélange de boues avant utilisation.
Les enjeux relatifs à la gestion des boues de station d'épuration me semblent donc différents de ceux de la gestion des déchets ménagers.
Enfin, madame la sénatrice, vous m'avez demandé si je comptais faire évoluer la législation sur cette affaire.
Vous savez que, suite à l'échéance du 1er juillet 2002, c'est-à-dire à la fin du délai de dix ans prévu par la loi de 1992, nous avons remis sur le métier cette question de la gestion des déchets.
Tout le début de l'année 2003 sera consacré à une réflexion ample, en profondeur aussi bien qu'en largeur, avec les élus, les associations, les acteurs, qui sont en général des acteurs locaux, du traitement des déchets. Je souhaite, bien entendu, que le Sénat, représentant des collectivités territoriales, soit également associé à cette réflexion pour que je puisse présenter, si besoin est, des mesures concrètes d'évolution, en particulier d'évolution financière, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2004.
En tout cas, madame la sénatrice, je vous remercie par avance de participer à cette réflexion, et votre question alimentera utilement le débat.
M. le président. La parole est à Mme Josette Durrieu.
Mme Josette Durrieu. Madame la ministre, étant particulièrement intéressée par ces problèmes, je participerai à la réflexion destinée à faire évoluer les choses.
Cela dit, je n'ai pas le sentiment que vous ayez répondu à ma question.
Envisagez-vous, en laissant le traitement des boues relever du service public de l'assainissement, de scinder la compétence, afin que ce traitement soit mis à part ? C'est en effet un traitement qui suppose une organisation lourde et une mutualisation des coûts. Or le problème reste entier.
Madame la ministre, puisque vous avez fait référence à l'échéance 2002, permettez-moi de vous poser une question sur celle de 2005.
Vous avez souhaité marquer une pause pour affiner la réflexion, avez-vous dit. Tant mieux ! Conformément à la loi sur l'eau, les communes ont toutes établi leur zonage comme elles devaient le faire avant 2002. Les communes de plus de 2 000 habitants se préparent à s'équiper en service collectif avant l'échéance de 2005. Par ailleurs, pour résoudre le problème tout à fait spécifique du contrôle de l'assainissement individuel et collectif, les communes sont également soumises à l'échéance de 2005. Où en sommes-nous ? Quelle est la répartition des rôles ? Qui fait quoi ?
D'après les arrêtés de 1996, il semble que les communes aient la responsabilité du contrôle de l'assainissement. Mais, d'ici à 2005, les services de l'Etat ne peuvent se désengager. Il y a là un problème de responsabilité qui est important, madame la ministre.

PÉNURIE DE PRATICIENS
DANS LA RÉGION NORD - PAS-DE-CALAIS

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe, auteur de la question n° 44, adressée à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Je souhaite attirer l'attention de M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées sur la situation des équipements hospitaliers publics de la région Nord - Pas-de-Calais.
Depuis 1997, cette région bénéficie d'un nécessaire rattrapage budgétaire en vue d'améliorer sa production de soins et de faire évoluer certains indicateurs de santé trop longtemps inférieurs aux niveaux nationaux.
La région ayant activement mis en place une stratégie de restructuration de son offre de soins, il est souhaitable que nous puissions disposer, dans le cadre du rephasage 2002 et du projet de budget pour 2003, de moyens budgétaires suffisants pour que les dispositions et les orientations arrêtées dans le schéma régional d'organisation sanitaire et social puissent être menées à terme.
Dans le même ordre d'idée, nous nous inquiétons également de l'importance des moyens qui sont affectés aux hôpitaux publics de notre région, moyens qui nous paraissent déséquilibrés pour assurer dans de bonnes conditions le financement des conséquences de la réduction du temps de travail et de la signature des derniers accords catégoriels.
Nous sommes aussi très nombreux dans notre région à nous interroger sur le grave déficit en matière de personnels médicaux : plus de 300 postes sont aujourd'hui vacants. Afin d'assurer la continuité des soins pour une région comptant 4,5 millions d'habitants et dotée d'un seul centre hospitalier universitaire, il conviendrait peut-être d'envisager la mise en place d'un plan pluriannuel de création de postes médicaux dans une stratégie de rattrapage des ratios nationaux. A défaut, je crains que certains centres hospitaliers ne ferment. Pouvez-vous, monsieur le ministre, répondre aux préoccupations des centres hospitaliers de la région Nord - Pas-de-Calais ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Monsieur le sénateur, malgré un taux de croissance du nombre de médecins installés de 37 % de 1985 à 2000, la densité médicale du Nord - Pas-de-Calais reste, en effet, très insuffisante. Ainsi, avec une moyenne de 280 médecins pour 100 000 habitants, la région se situe en deçà d'une moyenne nationale de 332 médecins pour 100 000 habitants.
Certaines spécialités se trouvent également sous-représentées, la pénurie touchant plus particulièrement la psychiatrie, la médecine polyvalente, l'anesthésie-réanimation et la médecine d'urgence.
Afin d'améliorer cette situation, l'Agence régionale de l'hospitalisation, l'ARH, a engagé deux grandes actions.
Tout d'abord, grâce à la péréquation interrégionale, de 1997 à 2002, près de 400 postes médicaux ont été créés dans les disciplines prioritaires. Cette démarche a permis non seulement de fixer les jeunes médecins déjà en place, mais également d'attirer de nouveaux professionnels.
Le résultat a été positif puisque le taux de vacance de poste n'a pas augmenté et la « médicalisation » des hôpitaux a progressé.
Ensuite, avec les services de l'Etat, l'université, le CHRU, l'URCAM, l'ordre des médecins, l'URML et d'autres partenaires, un plan régional d'action pour le développement des ressources médicales a été mis en oeuvre.
Toujours dans un objectif de fidélisation des médecins, ce plan vise à inciter les nombreux internes qui se forment dans la région à s'y fixer, alors qu'ils auraient naturellement tendance à retourner dans leur région d'origine après leur internat.
Dans ce cadre, l'ARH finance des « post-internat » sous forme de postes d'assistants à temps partagé entre le CHRU et les hôpitaux généraux. Les jeunes médecins s'engagent alors à servir dans ces établissements en contrepartie de la formation qui leur est donnée.
Pour 2003, l'effort national de péréquation sera maintenu, monsieur le sénateur, pour la région Nord - Pas-de-Calais, comme l'Etat s'y était engagé en 1997. Dès lors, la politique d'implantation des médecins hospitaliers pourra être poursuivie.
J'attire cependant votre attention sur le fait que la densité médicale concerne aussi l'implantation de médecins libéraux. Sur ce point, nous mettrons en oeuvre, par voie réglementaire et d'ici à la fin de l'année 2002, le dispositif prévu à l'article 39 de la loi de financement de la sécurité sociale de 2002 et permettant d'inciter les médecins à s'installer dans des zones géographiques considérées comme défavorisées.
Enfin, j'attends de la mission sur la démographie des professions de santé, confiée au doyen Berland, dont les conclusions me seront remises dans une quinzaine de jours, une série de propositions permettant de garantir à tous, en milieu urbain ou rural, un égal accès aux soins.

AVENIR DES PAYS

M. le président. La parole est à M. Daniel Goulet, auteur de la question n° 56, adressée à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.
M. Daniel Goulet. Monsieur le ministre, les lois Voynet et Chevènement ont prolongé la loi Pasqua, créant une structure nouvelle de notre administration territoriale : le pays.
Sous l'impulsion empressée, parfois, de certains préfets et d'élus locaux impatients, cette structure, alors que le législateur entendait dans son esprit, me semble-t-il, ne créer qu'une simple instance de réflexion au sein d'un bassin de vie, a muté en une véritable organisation politico-administrative redistribuant, de fait, de nouvelles cartes géopolitiques.
L'organisation et le fonctionnement de ces pays, qui, en réalité, se superposent à toutes les autres strates de compétences territoriales et qui tentent de s'attribuer une place et une justification administrative de plus, interpellent et désorientent les élus locaux. Nous connaissons bien le fameux « millefeuille territorial », création spécifiquement française, et en déplorons toutes les singularités. Il n'est pas inutile d'en rappeler l'architecture : communes, communautés de communes, voire urbaine et de villes, cantons, syndicats mixtes, à vocation simple ou multiple, parcs régionaux, parcs nationaux, associations de développement, départements, régions, Etat et Europe.
M. Bruno Sido. N'en jetez plus !
M. Daniel Goulet. Faut-il ajouter que ces pays ont, de fait, permis dans certaines régions la reconstitution de fiefs, la redistribution des cartes politiques se faisant, en effet, le plus souvent, au profit de personnages déjà en place, ce qui n'apparaît pas aller dans le sens d'un exercice sain de la démocratie locale.
On constate alors qu'un grand nombre d'élus locaux se trouvent, en quelque sorte, « noyés » à l'intérieur de ces nébuleuses, sans qu'ils puissent peser véritablement sur les moyens financiers, parfois importants, à mettre en oeuvre et qui ne font qu'ajouter aux difficultés déjà grandes de leurs budgets communaux et intercommunaux.
A ce sujet, les exemples ne manquent pas, montrant que les frais de fonctionnement de certains pays obèrent très largement les taux consacrés aux investissements.
Dans le cadre des projets de lois de régionalisation et de décentralisation, les élus attendent d'abord, monsieur le ministre, une clarification sur les différents niveaux de compétence, et notamment sur le rôle des pays.
En d'autres termes, quel est l'avis du Gouvernement sur l'avenir même des pays, et notamment ceux qui ne semblent pas, dans l'état actuel, donner les satisfactions et les garanties souhaitées ?
Allez-vous laisser aux élus, en désespoir de cause, la possibilité de « sortir de ces structures » dans la perspective d'une réorganisation des collectivités territoriales de plus en plus justifiée et attendue ?
M. Gérard Longuet. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Monsieur le sénateur, la question que vous avez posée est au coeur de toutes les réflexions des élus locaux : quelle est la position du Gouvernement sur le pays et qu'est-ce qu'un pays ?
Au moment où le Gouvernement engage une réflexion sur la décentralisation, vous avez souligné les quelques dérives qu'il nous faut aujourd'hui condamner et corriger. Il importe, en effet, de revenir à l'essentiel : comment inciter les élus locaux à avoir une ambition collective autour d'un projet, plutôt que de mettre en place des espaces de pouvoir ? Les hommes se divisent sur des ambitions et ils se rassemblent sur des projets.
Vous avez mis le doigt sur l'un des défauts actuels de la relation entre l'Etat et les collectivités locales, à savoir l'incitation au développement des dépenses de fonctionnement au détriment de l'investissement.
L'avenir de notre pays réside dans sa capacité à dégager des fonds publics pour l'investissement public.
Développer des structures administratives dont le premier réflexe de celles et de ceux qui les gèrent est d'accroître les dépenses de fonctionnement, c'est programmer l'asphyxie de notre tissu économique, du budget des contribuables, c'est neutraliser le pouvoir et l'action politique et c'est, à l'évidence, aller contre l'intérêt général.
Nous dressons d'ailleurs le même constat : le pays, comme d'autres infrastructures d'ailleurs, devient un enjeu de pouvoir. (M. Daniel Goulet fait un signe d'approbation.) A l'évidence, dès lors qu'il y a instrumentalisation, tant par les régions que par les départements, par celles et ceux qui veulent faire une carrière électorale...
M. Daniel Goulet. Parfaitement !
M. Jean-Paul Delevoye, ministre délégué. ... ou même par l'Etat, cela est totalement contraire à l'intérêt d'un espace de projet.
A partir d'un tel constat, quelle est notre analyse et quelle est notre position ? Aujourd'hui, certains pays fonctionnent bien...
M. Daniel Goulet. Absolument !
M. Jean-Paul Delevoye, ministre. ... et d'autres ne fonctionnent pas du tout.
Quelle est notre ambition ? Dans la relation nouvelle qui s'instaure entre l'Etat et les collectivités locales, nous sentons bien qu'aujourd'hui l'Etat tirera sa puissance de sa capacité à libérer des initiatives locales et territoriales et à soutenir les projets de territoire. L'Etat doit inciter les élus locaux à faire preuve d'ambition collective sur un projet de territoire et les accompagnagner.
Le pays doit être un espace de projet - et uniquement cela ! - appuyé sur une structure juridique souple, informelle et modulable. A l'évidence, la structure doit soutenir la nature même du projet. Si une réflexion est menée sur l'offre portuaire d'une façade maritime, elle peut se développer sur un espace de projet qui concerne plusieurs centaines de kilomètres. A l'inverse, si la réflexion a trait à une politique d'insertion et de cohésion sociale, elle peut porter sur un espace plus restreint.
C'est aussi un moyen de rendre complémentaires le tissu urbain et le tissu rural. Cet espace de projet doit rester un espace de projet et en aucun cas devenir un espace d'exécution.
Par ailleurs, comment faire en sorte que cette volonté exprimée par les élus locaux ne se transforme pas en contrainte par des passages successifs en conférence régionale d'aménagement et de développement du territoire, la CRADT, ou en schéma régional d'aménagement et de développement du territoire, le SRADT, qui s'accompagnent à chaque fois d'une lecture négative ou positive des enjeux de pouvoir ?
Nous avons, là aussi, le souci de supprimer toutes ces démarches administratives et de recueillir l'avis des départements et des régions. En effet, si le projet de territoire est pertinent, les départements et les régions suivront. S'il ne l'est pas et s'il n'intéresse pas un développement collectif, il ne mobilisera pas de fonds.
La problématique est simple : comment faire en sorte que ce projet de territoire puisse s'inscrire dans une contractualisation des fonds européens eu égard à l'intérêt collectif ?
C'est la raison pour laquelle nous affirmons très clairement que le pays est un espace de projet et non un espace d'exécution, qu'il est l'expression d'une volonté locale et non le lieu d'exercice d'un pouvoir, que la priorité doit être donnée aux projets et non aux procédures.
Nous souhaitons également, avec Patrick Devedjian et Gilles de Robien, mettre en cohérence l'expression de ce projet territorial avec ses déclinaisons juridiques sur des documents opposables aux tiers relatifs à la structuration des territoires qui le composent.
Par conséquent, aujourd'hui, notre position est claire : comment faire en sorte qu'en s'appuyant sur la région, qui est un espace de cohésion et qui doit, à l'évidence, mettre en place une synergie en matière de projets de territoires - avec les départements, il peut même y avoir quelquefois des délégations de politique de proximité - soit favorisée l'expression des établissements publics de coopération intercommunale, les EPCI, ou des intercommunalités, de sorte que ceux-ci puissent concevoir ensemble un projet ambitieux de territoire dont la déclinaison et l'exécution s'effectueraient par les établissements publics à fiscalité additionnelle ?
Ne confondons pas l'espace de réflexion et de projet et l'espace d'exécution ! (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Gérard Longuet. Cela a enfin le mérite de la clarté !
M. le président. La parole est à M. Daniel Goulet.
M. Daniel Goulet. Monsieur le ministre, je ne sais pas si la question était pertinente...
M. Gérard Longuet. Elle l'était !
M. Daniel Goulet. ... et si les élus de notre pays s'y reconnaîtront, mais la réponse fait montre de votre compétence en la matière : elle est courageuse et porteuse d'avenir, ne serait-ce que parce que vous êtes aujourd'hui en charge d'un ministère important et que vous avez été président de l'Association des maires de France.
Je tiens à vous remercier de la clarté de votre réponse, monsieur le ministre ; mais nous devons rester conscients que l'on ne peut pas donner le sentiment de vouloir simplifier toutes les procédures administratives qui compliquent la vie des élus locaux et de leurs administrés et, dans le même temps, maintenir ces différents niveaux de compétence, dans lesquels on se perd, vous l'avez reconnu.
Il me paraît important de poursuivre la réflexion sur le sujet. Alors, faisons preuve de courage, de volonté politique, mais également de bon sens ; j'espère que cela fait encore partie de notre vocabulaire !
M. le président. Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.
La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures quarante, est reprise à seize heures cinq, sous la présidence de M. Christian Poncelet.)

PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET

M. le président. La séance est reprise.

4

CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS

M. le président. La conférence des présidents a établi comme suit l'ordre du jour des prochaines séances du Sénat :

Mercredi 6 novembre 2002 :


Ordre du jour prioritaire



A 15 heures et le soir :
1° Suite du projet de loi constitutionnelle relatif à l'organisation décentralisée de la République (n° 24 rectifié, 2002-2003).
(La conférence des présidents a décidé qu'il serait procédé à un scrutin public à la tribune sur l'ensemble de ce projet de loi constitutionnelle) ;
2° Projet de loi pour la sécurité intérieure (n° 30, 2002-2003).
(La conférence des présidents a :
- reporté au mardi 5 novembre 2002, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;
- attribué un temps de parole spécifique de quinze minutes à la délégation parlementaire aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes ;
- fixé à quatre heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.)

Jeudi 7 novembre 2002 :


A 9 h 30 :

Ordre du jour prioritaire



1° Suite du projet de loi pour la sécurité intérieure.
A 15 heures et le soir :
2° Questions d'actualité au Gouvernement.
(L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant 11 heures.)

Ordre du jour prioritaire



3° Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, sur le rapport du Gouvernement sur les prélèvements obligatoires et leur évolution, déposé en application de l'article 52 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.
(A la suite du Gouvernement interviendront successivement :
- le rapporteur général de la commission des finances [15 minutes] ;
- le rapporteur de la commission des affaires sociales pour les équilibres généraux de la loi de financement de la sécurité sociale [15 minutes] ;
- le président de la commission des finances [15 minutes] ;
- le président de la commission des affaires sociales [15 minutes] ;
- et les orateurs des groupes.
La conférence des présidents a fixé à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ; l'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mercredi 6 novembre 2002.)

Mardi 12 novembre 2002 :


Ordre du jour réservé



A 10 heures :
1° Question orale européenne avec débat (n° QE-2) de M. Hubert Haenel à M. le ministre des affaires étrangères sur les travaux menés au sein de la Convention sur l'avenir de l'Europe.
(La discussion de cette question orale européenne s'effectuera selon les modalités prévues à l'article 83 ter du règlement.)
A 16 heures et le soir :
2° Conclusions de la commission des affaires sociales sur la proposition de loi de M. Nicolas About relative à la responsabilité civile médicale (n° 33, 2002-2003).
(La conférence des présidents a décidé de fixer au vendredi 8 novembre 2002, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte) ;
3° Conclusions de la commission des affaires culturelles sur la proposition de loi de M. Bernard Murat portant modification de l'article 43 de la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives (n° 28, 2002-2003).
(La conférence des présidents a décidé de fixer au vendredi 8 novembre 2002, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte) ;
4° Conclusions de la commission des affaires économiques sur la proposition de loi de M. Dominique Braye et plusieurs de ses collègues portant modification de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (n° 37, 2002-2003).
(La conférence des présidents a fixé :
- au vendredi 8 novembre 2002, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;
- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le vendredi 8 novembre 2002.)

Mercredi 13 novembre 2002 :


Ordre du jour prioritaire



A 15 heures et le soir :
Suite du projet de loi pour la sécurité intérieure.

Jeudi 14 novembre 2002 :


A 9 h 30 :

Ordre du jour prioritaire



1° Suite du projet de loi pour la sécurité intérieure.
A 15 heures et le soir :
2° Questions d'actualité au Gouvernement.
(L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant 11 heures.)

Ordre du jour prioritaire



3° Suite du projet de loi pour la sécurité intérieure.

Eventuellement, vendredi 15 novembre 2002 :


Ordre du jour prioritaire



A 9 h 30, à 15 heures et le soir :

Suite du projet de loi pour la sécurité intérieure.

Lundi 18 novembre 2002 :


Ordre du jour prioritaire



A 15 heures et le soir :
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 (AN, n° 250).
( La conférence des présidents a fixé :
- au lundi 18 novembre 2002, à 12 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;
- à trois heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le vendredi 15 novembre 2002.)

Mardi 19 novembre 2002 :


A 9 h 30 :
1° Dix-huit questions orales (l'ordre d'appel des questions sera fixé ultérieurement) :
- n° 65 de M. Roland Courteau à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (Pérennisation du taux réduit de TVA sur les travaux effectués dans les logements de plus de deux ans) ;
- n° 66 de M. André Vallet à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales (Conditions d'accueil des gens du voyage dans les petites communes) ;
- n° 67 de M. André Vantomme à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées (Pénurie d'infirmières dans les hôpitaux) ;
- n° 68 de M. Bernard Piras à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer (Application de la loi SRU dans les zones agricoles) ;
- n° 69 de M. François Autain à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales (Insécurité dans l'agglomération nantaise) ;
- n° 70 de Mme Marie-Christine Blandin à Mme la ministre de la défense (Conséquences sanitaires des essais nucléaires) ;
- n° 71 de M. Christian Bergelin à Mme la ministre déléguée à l'industrie (Avenir de La Poste) ;
- n° 72 de M. Ambroise Dupont à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales (Participation des communes aux dépenses de fonctionnement des écoles sous contrat d'association et développement de l'intercommunalité) ;
- n° 73 de Mme Jacqueline Gourault à Mme la ministre déléguée à l'industrie (Situation du Bassin d'emploi de Romorantin) ;
- n° 74 de M. Dominique Leclerc à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer (Développement des équipements de liaisons transversales dans le bassin parisien) ;
- n° 76 de M. Jean-Paul Emin à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer (Liaison TGV Paris-Genève) ;
- n° 77 de M. Hubert Durand-Chastel à M. le ministre des affaires étrangères (Libération d'Ingrid Betancourt) ;
- n° 78 de M. Simon Sutour à Mme la ministre de l'écologie et du développement durable (Plan de prévention des inondations) ;
- n° 79 de M. Auguste Cazalet à M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat (Organisation de la construction publique et perspectives de réforme) ;
- n° 80 de M. Yves Détraigne à Mme la ministre de l'écologie et du développement durable (Organisation de la collecte sélective des déchets ménagers) ;
- n° 81 de M. Daniel Reiner à Mme la ministre de l'écologie et du développement durable (Responsabilité des maires et mise aux normes des réseaux d'assainissement collectif) ;
- n° 82 de M. Fernand Demilly à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer (Moyens de la Société nationale de sauvetage en mer) ;
- n° 83 de M. Robert Bret à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées (Création d'un fonds de garantie pour financer la lutte contre le SIDA).
A 16 heures et le soir :

Ordre du jour prioritaire



2e Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003.
A 16 heures aura lieu un débat sur l'assurance maladie.
(A la suite du représentant du Gouvernement, du rapporteur de la commission des affaires sociales et du rapporteur pour avis, interviendront un orateur par groupe [10 minutes] et un orateur de la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe [5 minutes].
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le lundi 18 novembre 2002.)

Mercredi 20 novembre 2002 :


Ordre du jour prioritaire



A 15 heures et, éventuellement, le soir :
Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003.

Du jeudi 21 novembre 2002 au mardi 10 décembre 2002 :


Ordre du jour prioritaire



A 10 h 30, à 15 heures et, éventuellement, le soir :
Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2003 (AN, n° 230).
(Le calendrier et les règles de la discussion figurent en annexe.
Pour la discussion générale, la conférence des présidents a décidé de fixer à quatre heures la durée globale du temps dont disposeront les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mercredi 20 novembre 2002.)
En outre :

I. - Jeudi 28 novembre 2002, le soir :


Ordre du jour prioritaire



Commission mixte paritaire ou nouvelle lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003.
(La conférence des présidents a décidé de fixer au mercredi 27 novembre 2002, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)

II. - Jeudi 5 décembre 2002, à 15 heures :


Questions d'actualité au Gouvernement.
(L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant 11 heures.)
Par ailleurs, en application de l'article 28, deuxième alinéa, de la Constitution et de l'article 32 bis, alinéa 1, du règlement, la conférence des présidents propose au Sénat de suspendre ses travaux du 22 décembre 2002 au 12 janvier 2003 ainsi que du 16 février 2003 au 23 février 2003 et du 13 avril 2003 au 27 avril 2003.
Ces dates ont été déterminées en concertation étroite avec l'Assemblée nationale.
Enfin, la conférence des présidents a fixé les dates des séances mensuelles réservées et des séances de questions pour la période s'étendant de novembre 2002 à juin 2003.
Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence des présidents relatives à la tenue des séances ?...
M. Claude Estier. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Claude Estier.
M. Claude Estier. Monsieur le président, vous avez annoncé à l'instant que la discussion du projet de loi constitutionnelle se poursuivrait demain après-midi et le soir et qu'elle serait suivie d'un scrutin public à la tribune.
Il m'avait semblé que, lors de sa réunion, la conférence des présidents avait envisagé que le scrutin public à la tribune pourrait avoir lieu en fin d'après-midi.
Afin que nos collègues puissent prendre leurs dispositions, je souhaiterais obtenir, si possible, de plus amples précisions.
M. le président. Mon cher collègue, pour l'instant, il m'est difficile de vous donner l'heure exacte d'achèvement de cette discussion. Je compte donc sur vous pour m'aider dans ma tâche... (Sourires.)
Je souhaite, pour ma part, que le scrutin public à la tribune ait lieu avant le dîner. Et je suis convaincu que chacun ici aura à coeur de faire un effort de concision pour que nous y parvenions !
M. Robert Bret. On peut dîner à une heure du matin ! (Nouveaux sourires.)
M. Charles Guené. A cette heure-là, on soupe !
M. le président. Y a-t-il d'autres observation en ce qui concerne les propositions de la conférence des présidents relatives à la tenue des séances ?...
Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence des présidents s'agissant de l'ordre du jour établi en application de l'article 48, troisième alinéa, de la Constitution ?...
Ces propositions sont adoptées.

5

RAPPEL AU RÈGLEMENT

M. le président. La parole est à M. Robert Bret, pour un rappel au règlement.
M. Robert Bret. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, mon intervention se fonde sur l'article 36 du règlement et est relatif à l'organisation de nos travaux.
Le débat sur le projet de loi constitutionnelle sombre, au fil des jours, dans une grande confusion,...
M. Alain Gournac. Pas du tout ! Avec nous, au contraire, on gagne du temps !
M. Robert Bret. ... une confusion juridique, que nous pressentions d'emblée du fait de la rédaction approximative du texte, et une confusion politique sur les objectifs réels qui le sous-tendent.
Cette confusion politique transparaissait déjà au sein de notre hémicycle, avec, notamment, le recul de la commission des lois sur son amendement n° 1 affectant l'article 1er de la Constitution - retrait inédit, puisque la pratique veut que le rapporteur informe la commission de son souhait de retrait.
Cette confusion, nous ne sommes pas les seuls à la dénoncer, si j'en juge aux propos qu'a tenus le président de l'Assemblée nationale, M. Jean-Louis Debré, jeudi dernier : « Bâtir une République de proximité impose bien sûr de faire du neuf. Du neuf, mais pas de l'indéfini. De l'audacieux, mais pas de l'inconséquent, de l'imaginatif, mais pas du désordonné. (...) La décentralisation, ce n'est pas le bazar. Ce n'est pas une grande braderie qui laisserait la République en morceaux. » (Protestations sur plusieurs travées du RPR.)
Mes chers collègues, il nous faut prendre conscience, alors que nous en sommes encore à la première partie du débat, que les conditions politiques de l'examen du projet de loi constitutionnelle ont radicalement changé en quelques jours.
Nous ne savons plus ou nous allons. Vous ne savez plus où vous allez, messieurs les ministres, mes chers collègues de la majorité sénatoriale ! (Protestations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
Mme Nicole Borvo et moi-même avons tenté d'expliquer à l'orée de ce débat (Nouvelles protestations sur les mêmes travées), en défendant une motion tendant à opposer la question préalable et une motion de renvoi à la commission, que les conditions n'étaient pas réunies pour produire un travail législatif utile en matière de décentralisation.
Mme Hélène Luc. Il fallait nous écouter !
M. Robert Bret. MM. Perben et Devedjian se sont succédé pour nous répondre que ce texte n'était pas bâclé.
A qui la teneur du débat et les propos assez tranchés de M. Debré, qui est l'un des piliers du pouvoir actuel, donnent-ils raison, à M. Perben, à M. Devedjian ?
Monsieur le président de la commission, plutôt que de sombrer dans une incertitude permanente sur l'attitude de la commission au gré de l'évolution du débat, n'aurait-il pas mieux valu, comme je l'avais préconisé, prendre le temps nécessaire pour engager ce travail ?
M. Roger Karoutchi. Ce n'est pas acceptable ! Ce sont des attaques personnelles !
M. Robert Bret. Non, pas du tout ! Cette préoccupation a été justement exprimée lors des réunions de commission inopinées qui se sont tenues depuis mercredi dernier et lors de la conférence des présidents de ce jour.
Peut-on débattre sérieusement, dans la sérénité, alors que tout montre une division profonde sur ce texte au sein même de la majorité, à laquelle s'ajoutent les critiques fortes qui émanent de l'opposition parlementaire et qui, en matière constitutionnelle, ne devraient pas être prises à la légère ?
Je le répète, nous légiférons pour modifier la Constitution et - cela apparaît plus clairement aux Français - pour modifier l'architecture de la République.
Contrairement à ce que M. Raffarin et d'autres expliquent de manière hâtive et embarrassée, M. Debré n'agit pas en mémoire de son père, il n'est pas isolé dans un jacobinisme d'un autre temps. (Vives protestations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Roger Karoutchi. Ce n'est pas un rappel au règlement !
M. Robert Bret. Au sein même du Gouvernement, des voix dissonantes se sont exprimées. Dès le 18 octobre dernier, M. Fillon ne nous a-t-il pas mis en garde contre le risque de passer d'un « jacobinisme étouffant » à un « girondisme extravagant » ?
A l'inverse, des ultralibéraux préconisent la précipitation : Faisons d'abord sauter les verrous qui limitent l'initiative et la liberté. Il sera toujours temps de s'occuper des éventuelles dérives.
M. Josselin de Rohan. Ce n'est pas un rappel au règlement !
M. Robert Bret. Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen ne mangent pas de ce pain-là ! (Exclamations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Roger Karoutchi. Vous en avez beaucoup mangé !
M. Robert Bret. Nous ne sommes pas les seuls, à gauche comme à droite, à le dire haut et fort.
Comment ne pas citer, enfin, M. Clément, président de la commission des lois de l'Assemblée nationale, votre homologue, monsieur Garrec : « M. Debré a raison de faire prendre conscience aux Français que ce n'est pas une réformette. C'est une révolution. »
M. Gérard Longuet. Il a raison !
M. Robert Bret. Treize jours pour peser le pour et le contre d'une révolution, n'est-ce pas trop bref ?
M. Roger Karoutchi. Vous en avez fait en moins de temps !
M. Robert Bret. Monsieur le président du Sénat, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, il m'apparaît impossible de reprendre nos débats comme si de rien n'était. La volonté du Gouvernement est d'aller vite...
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Bret.
M. Robert Bret. ... et d'adopter le texte en réduisant le débat à sa plus simple expression, tout en imposant ses choix à la commission des lois. Nous venons d'en faire à nouveau l'expérience, puisque la commission des lois retire tous ses amendements à l'article 6 du projet de loi. C'est la remise en cause du travail parlementaire de la commission des lois !
Aussi, je demande, au nom de mon groupe, une suspension de séance pour permettre à la commission des lois de se réunir (Vives protestations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste) afin de reprendre la discussion sur l'architecture globale du projet de loi ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe communiste, républicain et citoyens, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)
M. le président. Mes chers collègues, les interruptions n'apportent rien au débat. Je vous en prie, laissez parler les orateurs dans la sérénité, et vous verrez que le public saura discerner où se trouve le bon sens.
La parole est à M. le rapporteur.
M. René Garrec, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, rapporteur. Mes chers collègues, je voudrais faire quelques réflexions sur ce que nous avons voté, tant sur la forme que sur le fond.
Mme Hélène Luc. C'est la preuve que nous avions raison !
M. René Garrec, rapporteur. La preuve est humaine, madame, et, comme telle, frappée de contingence.
M. Henri de Raincourt. C'est le centralisme démocratique !
M. le président. Je vous en prie, pas de dialogue !
M. René Garrec, rapporteur. Ce n'est pas un dialogue, c'est un soliloque, monsieur le président ! (Sourires.)
Sur la forme, la multiplication des amendements, puis des sous-amendements, a permis une discussion indispensable, mais elle a aussi parfois pu donner l'impression que nous entretenions des discours récurrents. Si nous voulons que le débat en séance publique conserve la tenue nécessaire pour que les travaux préparatoires éclairent ensuite ceux qui auront à appliquer les textes, il faut que nous structurions nos interventions. La procédure parlementaire est là pour nous y aider.
Sur le fond - vous avez raison, mes chers collègues -, il est normal de prendre le temps de débattre. Il l'est peut-être moins, comme quelques-uns de nos collègues de l'opposition on pu le faire, de donner le sentiment d'obscurcir ou de retarder l'adoption d'un texte auquel le Sénat peut apporter beaucoup, après en avoir inspiré la rédaction initiale, ainsi que le rappelait récemment M. le Premier ministre. D'ailleurs, si un amendement tend à proposer un article 6 modifié, c'est bien parce que nous avons travaillé avec le Gouvernement à partir des travaux de la commission.
Sur le fond, nous ne pourrons pas aller plus avant dans la décentralisation ou la réforme de l'Etat sans la présente réforme constitutionnelle. C'est pour cette raison que nous voulons la voter sans plus attendre.
Je me sens libre, quant à moi, en tant que président de la commission des lois, rapporteur, de faire tout ce qu'il faut pour déverrouiller ce qui, précisément, depuis vingt ans, limite la décentralisation et la réforme que vous dites souhaiter et que je souhaite, en tout cas, personnellement.
Il ne s'agit pas de laisser libre cours à des initiatives qu'en tant que législateur nous ne souhaitons pas. En tant que constituants, nous donnons aux législateurs que nous serons demain - pour ceux qui siégeront encore - quelques souplesses pour décider, le cas échéant, de franchir de nouvelles étapes.
Il serait regrettable que vous ne vous joigniez pas à nous parce que, sur certains points, nous ne sommes pas si éloignés. En tout cas, dans cet hémicycle, je ne voudrais pas revêtir les habits du conservateur que je ne suis pas en ce domaine, et que d'autres peuvent prendre.
Pour conclure, je regrette que le débat de la semaine dernière ait obscurci la réalité de nos travaux. Qu'avons-nous voté ?
M. Michel Charasse. Des horreurs !
M. René Garrec, rapporteur. Gardez cela pour vous, mon cher collègue, l'horreur est une chose que chacun qualifie !
M. Michel Charasse. C'est Debré qui le dit !
M. René Garrec, rapporteur. Nous avons voté l'inscription dans la Constitution du principe de la décentralisation par opposition au fédéralisme ; c'est l'article 1er.
Nous avons voté l'ouverture de fenêtres d'expérimentation qui vont permettre de libérer des énergies au sein de l'Etat ; c'est l'article 2. Nous avons examiné le rôle de notre assemblée, qui sera saisie en premier lieu des textes essentiels de la décentralisation - c'est la confirmation heureuse de ce que nous avions demandé et qui figure à l'article 3.
Nous allons reprendre aujourd'hui l'examen de l'article 4, qui nous a déjà permis de consacrer des souplesses nouvelles dans la Constitution et d'adopter des statuts particuliers.
Il conviendrait que le débat retrouve la sérénité qui caractérise cette maison. Certes, je ne siège au Sénat que depuis quatre ans, mais j'ai travaillé dans une assemblée où les conditions de travail étaient différentes. Ici, on ne lit pas Le Monde tout en levant la main pour intervenir : on a préparé son travail. Je tiens à ce que nous reconnaissions que nous avons travaillé et que nous continurons à le faire avec plus de sérénité. Ce serait une excellente chose. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

6

MISE AU POINT AU SUJET D'UN VOTE

M. Michel Charasse. Je souhaite faire une mise au point au sujet d'un vote, monsieur le président. Je serai d'autant plus bref qu'il s'agit d'avouer un péché dont je suis le seul auteur.
Dans le scrutin n° 20, j'ai été porté comme ayant voté pour alors que je voulais voter contre. A la suite d'une erreur de manipulation des bulletins, je me suis trompé de couleur. (Exclamations amusées sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. Acte vous est donné de cette mise au point, monsieur Charasse. Rien de grave du côté de votre vue, j'espère ? (Sourires.)
M. Michel Charasse. Non ! (Nouveaux sourires.) Mais si les bulletins avaient des parfums différents, il y aurait moins de risques d'erreurs ! (Rires.)

7

ORGANISATION DÉCENTRALISÉE
DE LA RÉPUBLIQUE

Suite de la discussion
d'un projet de loi constitutionnelle

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi constitutionnelle (n° 24 rectifié, 2002-2003) relatif à l'organisation décentralisée de la République. [Rapport n° 27 (2002-2003).]

Rappel au règlement



M. le président.
La parole est à M. Michel Charasse, pour un rappel au règlement.
M. Michel Charasse. J'aimerais obtenir une précision. Mes collègues du groupe communiste républicain et citoyen ont dit tout à l'heure, lors de leur long rappel au règlement, que la commission des lois avait retiré certains de ses amendements. Seront-ils tout de même appelés en discussion pour que nous puissions éventuellement les reprendre ou sont-ils considérés comme « morts » ?
M. le président. Ils sont « morts », monsieur Charasse !
M. Michel Charasse. Alors, je les reprends tous !
M. le président. Monsieur Charasse, vous connaissez le règlement : vous ne pouvez pas les reprendre !
M. Michel Charasse. Ces amendements ont été enregistrés, diffusés en séance publique. On doit donc indiquer à la séance les amendements qui ont été retirés, le règlement prévoyant la faculté de les reprendre. Si l'on fait cela en catimini, on ne peut pas les reprendre ! Donc, je les reprends tous !
M. le président. Monsieur Charasse, le règlement dispose que les amendements ne peuvent être repris que s'ils ont été défendus par leur auteur en séance !
M. Michel Charasse. Pas du tout ! Il arrive couramment que l'on reprenne des amendements qui ont été retirés par leur auteur.
M. le président. Quand l'amendement est appelé en séance et que l'auteur, qui le défend ou non, se lève et dit : « Je le retire ! », vous pouvez le reprendre. Mais les amendements auxquels vous avez fait allusion ne peuvent pas être appelés en séance puisqu'ils sont « morts », pour reprendre votre expression. Par conséquent, vous ne pouvez pas les reprendre. Tel était d'ailleurs précisément le but de l'opération ! Ne l'aviez-vous pas compris ? (Rires sur les travées du RPR.)
Mme Nicole Borvo. C'est scandaleux !
M. Michel Charasse. Je trouverai un moyen, monsieur le président, rassurez-vous !

Article 4 (suite)



M. le président.
Nous poursuivons la discussion de l'article 4, dont je rappelle les termes :
« Art. 4. - L'article 72 de la Constitution est ainsi rédigé :
« Art. 72. - Les collectivités territoriales de la République sont les communes, les départements, les régions et les collectivités d'outre-mer régies par l'article 74. Toute autre catégorie de collectivité territoriale est créée par la loi. La loi peut également créer une collectivité à statut particulier, en lieu et place de celles mentionnées au présent alinéa.
« Les collectivités territoriales ont vocation à exercer l'ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en oeuvre à l'échelle de leur ressort.
« Dans les conditions prévues par la loi, ces collectivités s'administrent librement par des conseils élus. Pour l'exercice de leurs compétences, elles disposent, dans les mêmes conditions, d'un pouvoir réglementaire.
« Dans les conditions prévues par la loi organique, et sauf lorsque sont en cause les conditions essentielles d'exercice d'une liberté publique ou d'un droit constitutionnellement garanti, les collectivités territoriales peuvent, lorsque, selon le cas, la loi ou le règlement l'a prévu, déroger, à titre expérimental, aux dispositions législatives ou réglementaires qui régissent l'exercice de leurs compétences.
« Lorsque l'exercice d'une compétence nécessite le concours de plusieurs collectivités territoriales, la loi peut confier à l'une d'entre elles le pouvoir de fixer les modalités de leur action commune.
« Dans le ressort des collectivités territoriales de la République, le représentant de l'Etat, représentant de chacun des membres du Gouvernement, a la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif et du respect des lois. »
Je suis saisi de sept amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 135 est présenté par MM. Peyronnet, Bel, Charasse et Courteau, Mme Durrieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche, Lise, Marc, Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe socialiste.
L'amendement n° 182 est présenté par Mmes Borvo et Mathon, MM. Bret, Autain et Autexier, Mmes Beaudeau et Beaufils, M. Biarnès, Mme Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud, Le Cam et Loridant, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar et Mme Terrade.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« Supprimer le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 72 de la Constitution. »
L'amendement n° 136, présenté par MM. Peyronnet, Bel, Charasse et Courteau, Mme Durrieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche, Lise, Marc, Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe socialiste, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 72 de la Constitution :
« Les collectivités territoriales peuvent exercer l'ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en oeuvre à l'échelle de leur ressort, sauf en ce qui concerne les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques, la nationalité, l'état et la capacité des personnes, les régimes matrimoniaux, les successions et libéralités, la détermination des crimes et délits ainsi que les peines qui leur sont applicables, la procédure pénale, l'amnistie, la création de nouveaux ordres de juridiction, le statut des magistrats et de la fonction publique, les régimes électoraux, la création de catégories d'établissements publics, les garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires civils et militaires de l'Etat, les nationalisations d'entreprises et les transferts de propriétés d'entreprises du secteur public au secteur privé, la défense, la politique étrangère, l'enseignement, le régime de la propriété, des droits réels et des obligations civiles et commerciales, le droit du travail, le droit syndical et de la sécurité sociale, l'organisation de la justice, le droit civil et pénal, les procédures civiles et pénales, la sécurité et l'ordre public, la monnaie, le crédit et les changes. »
L'amendement n° 90, présenté par M. Charasse, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 72 de la Constitution :
« Les collectivités territoriales peuvent exercer, dans les conditions prévues par la loi organique ou par la loi, toutes les compétences, autres que celles qui relèvent par nature et par nécessité de la souveraineté nationale et de l'Etat, dont la mise en oeuvre à leur niveau est de nature à mieux répondre aux besoins des citoyens. »
L'amendement n° 77, présenté par Mme Blandin, est ainsi libellé :
« Au début du deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 72 de la Constitution, après les mots : "les collectivités territoriales", insérer les mots : "et les communautés à fiscalité propre". »
L'amendement n° 72, présenté par M. Vasselle, est ainsi libellé :
« Dans le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 72 de la Constitution, après les mots : "Les collectivités territoriales", insérer les mots : ", par application du principe de subsidiarité,". »
L'amendement n° 7, présenté par M. Garrec, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« A la fin du deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 72 de la Constitution, remplacer les mots : "à l'échelle de leur ressort.", par les mots : "à leur échelon.". »
La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour présenter l'amendement n° 135.
M. Jean-Claude Peyronnet. Monsieur le président, nous trouverons un moyen de reprendre les amendements de la commission, si besoin en déposant des sous-amendements à l'article 6.
Le groupe socialiste s'associe pour une large part aux propos de M. Bret, ainsi qu'à ceux de M. Garrec s'agissant du retard.
Nous n'avons pas l'impression de retarder les débats. En tout cas, ce n'est pas volontaire. Nous avons le sentiment, au contraire, grâce à nos interventions, d'ouvrir les yeux de la majorité sénatoriale, qui est amenée à revoir sa copie, sur un texte dont nous avons toujours dit qu'il était « mal ficelé ».
L'amendement n° 135 vise à supprimer un alinéa qui nous semble dangereux pour trois raisons et inutile.
Il est inutile parce que rien n'impose le cadre constitutionnel pour pratiquer la subsidiarité. La Constitution en vigueur laisse toute latitude à la loi pour approfondir la décentralisation. Je ne vois pas quel « nouvel élan », selon les termes du Premier ministre, serait donné par l'adoption de cet texte.
Surtout, cet amendement nous semble dangereux. Je l'ai déjà dit, même s'il a été rappelé par M. Gélard que ce principe avait pour origine le droit organique,... le droit canonique.
M. Michel Charasse. Ce n'est pas pareil !
M. Jean-Claude Peyronnet. Je crois que ce principe est d'essence fédérale, c'est-à-dire que la subsidiarité ne convient pas de façon satisfaisante à un Etat unitaire. Le fédéralisme n'est pas dans notre tradition. Or l'on devine dans la subsidiarité, telle qu'elle est décrite ici, l'expérimentation par l'Etat de compétences qu'il abandonne à des collectivités.
L'Etat se dessaisit de certaines compétences dans ce que M. Debré qualifiait de « grande braderie ». Nous sommes inquiets au regard des compétences qui lui resteront. Nous pensons que ce dispositif est dangereux.
Par ailleurs, et par voie de conséquence, le principe d'égalité nous semble être largement mis en cause par la pratique de la subsidiarité.
Enfin, la rédaction incertaine de ce texte représente en elle-même un danger.
Les termes « ont vocation » - il s'agit sans doute encore de droit canon, monsieur Gélard - ou « le mieux » donnent une marge d'appréciation trop grande au Conseil constitutionnel, donc au juge. Ces expressions sont tellement vagues que des conflits surgiront forcément lorsqu'il s'agira de déterminer la collectivité qui peut le mieux mettre en oeuvre la compétence qui lui sera transférée.
Pour toutes ces raisons, nous souhaitons la suppression du deuxième alinéa du texte proposé par l'article 4 du projet de loi pour l'article 72 de la Constitution et demandons un vote par scrutin public. L'affaire nous semble suffisamment importante pour le justifier.
M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon, pour présenter l'amendement n° 182.
Mme Josiane Mathon. Le deuxième alinéa du texte proposé par l'article 4 du projet de loi pour l'article 72 de la Constitution tend à introduire un principe de subsidiarité dans les rapports entre l'Etat et les collectivités territoriales.
Il faut souligner que le concept de la subsidiarité est étranger au droit français traditionnel ; le fait que ses contours soient peu perceptibles pour les acteurs du droit français rend difficile son intégration dans un ensemble de normes.
Ce principe de subsidiarité, nombre de nos compatriotes le connaissent dans sa version européenne, sans jamais vraiment avoir perçu sa signification. Pour ma part, j'estime qu'il s'agit d'un outil de dilution de la souveraineté.
La rédaction de l'alinéa que nous vous proposons de supprimer est particulièrement pernicieuse.
Qui peut être opposé à l'idée que ce soit l'institution la mieux à même de régler un problème qui détienne la compétence de le faire ? A première vue, c'est le bon sens même. Cependant, cette disposition porte en elle une remise en cause de la République unie et solidaire. On l'a dit et répété depuis le début du débat, le principe de subsidiarité aboutira en effet à la réduction progressive des compétences de l'Etat à la portion congrue.
Quels seront les critères pour déterminer la collectivité la mieux à même de remplir une mission et pour évaluer sa capacité à faire des économies, voire, pourquoi pas, à permettre une réduction des dépenses de l'Etat ?
Le principe de subsidiarité est historiquement inséparable de la conception fédérale des institutions. Il porte en lui le germe de l'émiettement des responsabilités en dehors de tout cadre national.
Il ne s'agit pas d'un point de détail du texte, mais d'une modification essentielle de notre approche constitutionnelle des rapports entre le collectif et le particulier.
Le président de l'Assemblée nationale, considéré comme l'un des plus fidèles porte-parole du chef de l'Etat, a lui-même récemment dénoncé sans ambiguïté le principe de subsidiarité.
Le sujet n'a pas été suffisamment approfondi en commission, alors que l'enjeu, nous le constatons, dépasse la simple déclaration de principe.
Pour cet ensemble de raisons, nous vous proposons donc de voter notre amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour défendre l'amendement n° 136.
M. Jean-Claude Peyronnet. C'est un amendement de repli.
M. le président. Messieurs les ministres, mes chers collègues, permettez-moi de saluer la présence dans nos tribunes de M. Zuccarelli, député et ancien ministre, qui nous fait l'honneur d'assister à nos travaux. Bienvenue au Sénat, monsieur le député !
La parole est à M. Michel Charasse, pour présenter l'amendement n° 90.
M. Michel Charasse. On ne peut que se réjouir, monsieur le président, quand les vrais républicains assistent à nos travaux ! (Sourires.)
M. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales. Qui sont les faux ?
M. Michel Charasse. Peut-être ceux qui ne sont pas là ! (Rires.)
Mon ami Jean-Claude Peyronnet vient d'indiquer les motifs pour lesquels le groupe socialiste souhaite la suppression du deuxième alinéa du texte proposé pour l'article 72 de la Constitution.
Le principe de subsidiarité a fait l'objet en 1992 d'un très grand débat à l'occasion, chacun s'en souvient, du traité de Maastricht. Posé dans l'article 3 B-2° du traité, il nous était même présenté, mes chers collègues, comme la grande innovation. Il serait bon d'ailleurs de savoir ce qu'il est advenu de cette innovation, car je n'ai pas entendu dire que l'Europe ait cessé de se mêler de tout et de n'importe quoi.
Bref, il faudrait qu'un jour l'on fasse le point sur la question de savoir comment a été appliqué le principe de subsidiarité dans l'Union européenne...
En tout état de cause, si, au fond, on peut ne pas être forcément opposé à l'introduction de ce principe dans l'article 72 de la Constitution - encore qu'il n'y ait pas vraiment de nécessité, puisque, jusqu'à présent, les collectivités locales se sont toujours vu confier les compétences qui paraissaient naturellement devoir leur être attribuées sans que cela figure, ou soit interdit, dans la Constitution -, encore faut-il que la rédaction soit suffisamment précise.
En effet, c'est une chose de dire que les collectivités territoriales ont vocation à exercer l'ensemble des « compétences qui peuvent le mieux être mises en oeuvre » au niveau local, c'en est une autre de savoir comment cette disposition s'appliquera dans la pratique.
Aujourd'hui, mes chers collègues, le conseil municipal, à l'instar des assemblées de toutes les collectivités territoriales, règle par ses délibérations les affaires de la commune.
M. Michel Mercier. Exactement !
M. Michel Charasse. Et quelles sont ces affaires ? Ce sont celles qui entrent dans les compétences légales de la commune et toutes celles que le conseil municipal considère comme relevant des affaires de la commune. Par exemple, on ne trouve rien à redire à un geste de solidarité à l'égard des communes du Gard qui ont été récemment sinistrées.
Jusqu'à présent, il n'y avait donc pas de limites strictes.
Le deuxième alinéa de l'article 4 signifie-t-il que, désormais, sans qu'une loi intervienne puisque le texte du Gouvernement ne le prévoit pas, un maire pourra dire : « Je pense que je règlerai mieux, à mon niveau, tel problème, donc je m'en empare »,...
Mme Nicole Borvo. C'est exactement ça !
M. Michel Charasse. ... ou « je pense qu'étant frontalier je règlerai mieux mes problèmes avec le canton de Genève que ne le ferait le ministère des affaires étrangères, donc je m'en occupe » ?
Mme Nicole Borvo. Bien sûr !
M. Michel Charasse. Monsieur le ministre, je trouve que cet article est très mal ou plutôt - ne soyons pas désagréables - très imprécisément rédigé. Il faudrait que l'on sache exactement si, par la simple application de cet article, n'importe quelle collectivité pourra demain décider librement de s'occuper de certaines questions ou s'il faudra une loi, ordinaire ou organique, pour l'encadrer.
Par ailleurs, dans la mesure où il n'y a aucune précision, cela veut-il dire que, demain, une collectivité territoriale pourra décider d'exercer des activités régaliennes de l'Etat relevant de la souveraineté nationale ? Ce ne serait pas la première fois qu'une commune, ou n'importe quelle autre collectivité territoriale, en viendrait à s'estimer plus compétente en matière de sécurité publique que le préfet et l'Etat...
Mme Nicole Borvo. Bien sûr ! Ça se passera comme ça ! Mme Josiane Mathon. Tout à fait !
M. Michel Charasse. Seulement, on ne peut pas fonder une telle démarche sur un texte aussi imprécis !
C'est la raison pour laquelle, au cas où les amendement n°s 135 et 182 ne seraient pas adoptés - la suppression de l'alinéa me paraît toutefois la solution la plus simple, d'autant plus que l'on peut toujours attribuer les compétences que l'on veut aux collectivités -, je propose la rédaction suivante : « Les collectivités territoriales peuvent exercer, dans les conditions prévues par la loi organique ou par la loi, toutes les compétences, autres que celles qui relèvent par nature et par nécessité de la souveraineté nationale et de l'Etat, dont la mise en oeuvre à leur niveau est de nature à mieux répondre aux besoins des citoyens. »
J'indique « par la loi organique ou par la loi » parce que certains articles visent la loi organique, et d'autres une loi ordinaire.
Certes, on pourrait proposer une autre rédaction, mais au moins, avec une telle précision, on n'aura plus le sentiment que, demain, les collectivités territoriales pourront tout faire sans que personne ne puisse rien dire !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour présenter l'amendement n° 77.
Mme Marie-Christine Blandin. Monsieur le garde des sceaux, le Gouvernement n'a pas voulu inclure les intercommunalités dans les collectivités qui seront mentionnées à l'article 72 de la Constitution. Ce refus a sans doute des motivations variées : peur qu'il ne s'agisse d'un premier pas vers l'élection au suffrage universel direct pour les uns, oubli d'un hommage à l'exemplaire dynamique animée par le précédent gouvernement pour les autres, mais peu importe !
A défaut d'accepter de reconnaître les intercommunalités comme collectivités à part entière, je vous propose au moins - et c'est l'objet de l'amendement de repli n° 77 - de ne pas en nier le savoir-faire et de les identifier comme un échelon pertinent d'exercice des compétences.
M. le président. L'amendement n° 72 n'est pas soutenu.
M. Michel Charasse. N'attendez pas que je le reprenne, monsieur le président. Je ne reprends pas tout systématiquement ! (Sourires.)
M. le président. Celui-là, vous ne pourriez pas le reprendre ! ( Nouveaux sourires.)
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 7 et pour donner l'avis de la commission sur les différents amendements.
M. René Garrec, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, rapporteur. L'amendement n° 7 est un amendement rédactionnel : afin de ne pas utiliser pour les collectivités territoriales un terme qui, dans le langage juridique, s'applique aux juridictions, il tend à remplacer les mots : « à l'échelle de leur ressort » par les mots : « à leur échelon ».
M. Michel Charasse. Le mot « ressort » s'applique aussi aux amortisseurs !
M. René Garrec, rapporteur. Les amendements n°s 135 et 182 sont contraires au texte de la commission. Le principe de subsidiarité permettra de donner un nouvel élan à la décentralisation et un fondement à la répartition des compétences entre les collectivités.
La commission émet donc un avis défavorable sur ces amendements identiques.
S'agissant de l'amendement n° 136, le principe de subsidiarité étant introduit dans la Constitution en tant qu'objectif à valeur constitutionnelle et le texte constitutionnel devant être le plus concis possible, il ne me semble pas nécessaire de faire figurer une liste d'exceptions à l'application du principe posé.
J'en viens à l'amendement n° 90.
M. Michel Charasse. Il est plus court !
M. René Garrec, rapporteur. Mais mes commentaires seront plus longs !
La rédaction proposée, mon cher collègue, ne nous semble pas meilleure - je ne dirai pas « moins bonne » - que celle du projet de loi constitutionnelle, qui a le mérite de la concision.
En raison du caractère unitaire de l'Etat que vous avez, avec raison, souligné, les collectivités territoriales tiennent leurs compétences de la loi. Il est donc inutile de le préciser. On peut d'ailleurs s'interroger sur « les compétences qui relèvent par nature et par nécessité de la souveraineté nationale et de l'Etat ».
Enfin, la formule selon laquelle les collectivités territoriales exercent les compétences « dont la mise en oeuvre à leur niveau est de nature à mieux répondre aux besoins des citoyens » ne me semble pas une application plus claire du principe de subsidiarité.
Dès lors, je vous demande de bien vouloir retirer l'amendement n° 90 ; à défaut, la commission émettra un avis défavorable.
En ce qui concerne l'amendement n° 77, les termes « communauté à fiscalité propre » sont impropres : il s'agit d'« établissements publics de coopération intercommunale dotés d'une fiscalité propre ».
Sur le fond, la qualité de collectivité territoriale de la République a déjà été refusée à ces groupements de communes. Ce sont des émanations de communes. Les établissements publics de coopération intercommunale sont régis par le principe de spécialité et ne disposent que de compétences que les communes ont décidé de leur conférer. Il n'y a pas lieu de les inscrire dans la Constitution en tant que bénéficiaires du principe de subsidiarité.
La commission demande donc le retrait de l'amendement n° 77 ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. Le Gouvernement est évidemment défavorable aux amendements identiques n°s 135 et 182, qui, s'ils étaient adoptés, supprimeraient un des éléments clés du projet de réforme constitutionnelle.
Je veux, à l'occasion de ma première intervention sur un amendement, dire combien je suis étonné par la frilosité et par l'immobilisme...
M. Robert Bret. De Jean-Louis Debré !
M. Dominique Perben, garde des sceaux. ... des sénateurs siégeant à gauche de cet hémicycle s'agissant d'un projet qui, au fond, vise à proclamer : « Osons la liberté ! » En effet, il s'agit de savoir comment répondre enfin à l'impuissance publique, qui, hélas ! ronge notre société politique depuis plusieurs années. (Protestations sur les travées du groupe communiste, républicain et citoyen et du groupe socialiste. - Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) Ce sont les Français, mesdames, messieurs les sénateurs, qui l'ont dit, en particulier lors des dernières échéances électorales ! (Protestations sur les travées du groupe communiste, républicain et citoyen et du groupe socialiste.)
M. Robert Bret. Ils ne l'ont jamais dit ! C'est votre interprétation !
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Nous devons répondre à cette attente très forte d'une organisation politique et administrative capable de résoudre bien mieux qu'aujourd'hui et à chaque niveau les problèmes de la vie quotidienne de nos concitoyens...
M. Robert Bret. Ils n'ont jamais été pour le démantèlement de la République !
Mme Nicole Borvo. Ni pour l'augmentation des impôts locaux !
M. Dominique Perben, garde des sceaux. ... comme de la vie en société. Il faut ajouter de l'efficacité et renforcer la capacité de nos concitoyens à s'impliquer dans la vie politique.
C'est la raison pour laquelle cette réforme constitutionnelle est indispensable,...
M. Robert Bret. Consultons d'abord nos concitoyens !
Mme Nicole Borvo. Par référendum !
M. Dominique Perben, garde des sceaux. ... et je dois dire mon étonnement devant l'immobilisme de la gauche de l'hémicycle et une certaine volonté de ralentir l'examen d'un texte qui correspond, à l'évidence, à l'attente de nos concitoyens.
S'agissant de l'amendement n° 136, on ne voit pas bien l'intérêt d'insérer dans la Constitution un alinéa aussi long et rédigé avec autant de précision apparente. Je ne crois pas qu'il soit nécessaire - c'est le moins que l'on puisse dire - d'énumérer de manière aussi fastidieuse les attributions régaliennes de l'Etat, dont il est absolument clair qu'elles ne sauraient être assumées dans les meilleures conditions à l'échelon des collectivités territoriales. Cela me paraît évident, et ce cas illustre peut-être le propos que je tenais à l'instant, quand j'évoquais des amendements dont l'objet est davantage de ralentir le débat que d'apporter un élément constructif à la discussion. (Murmures sur les travées du groupe socialiste et du groupe communiste, républicain et citoyen .)
S'agissant de l'amendement n° 90, présenté par M. Charasse, je ne vois pas davantage que M. le rapporteur quel peut être son intérêt, dans la mesure où les fonctions régaliennes de l'Etat ne relèvent pas, à l'évidence, ni par nature ni par nécessité, des collectivités territoriales.
S'agissant de l'amendement n° 77, la question soulevée par Mme Blandin a été tranchée à la fin de la semaine dernière, lorsque le Sénat a décidé du sort à réserver au premier alinéa du texte présenté par l'article 4 pour l'article 72 de la Constitution. Au terme d'une discussion approfondie et très intéressante sur les établissements publics de coopération intercommunale, Patrick Devedjian et moi-même avons clairement indiqué que le Gouvernement était d'accord pour ouvrir à ces structures la possibilité de mener une expérimentation. Pour autant, il nous est apparu prématuré d'inscrire dès à présent ces établissements publics dans la Constitution.
Enfin, s'agissant de l'amendement n° 7 présenté par M. Garrec, le Gouvernement y est favorable.
M. le président. La parole est à M. Michel Mercier, contre les amendements identiques n°s 135 et 182.
M. Michel Mercier. Que sommes-nous en train de faire au travers de l'examen de la proposition de réforme de la Constitution qui nous est soumise ? Il s'agit en fait de combler une lacune de notre Constitution et de mettre en place un droit constitutionnel des collectivités territoriales.
Ce droit existe dans de très nombreuses Constitutions de pays voisins, et il s'agit ici de fonder constitutionnellement l'organisation décentralisée de notre pays : il suffit d'étudier notre organisation administrative, sans qu'il soit besoin d'aller chercher je ne sais quel texte européen, pour constater que l'inscription dans la Constitution de l'alinéa en cause est nécessaire au fonctionnement de la décentralisation.
La loi du 10 août 1871, par son article 46, a établi le principe selon lequel l'assemblée élue d'une collectivité territoriale règle par ses délibérations les affaires de ladite collectivité. Il faut donc bien donner un fondement constitutionnel à cette clause générale de compétence de toutes les collectivités territoriales, et le deuxième alinéa du texte présenté par l'article 4 pour l'article 72 de la Constitution vise précisément à cette fin. La loi de 1871 précitée, s'agissant des départements, la loi de 1884, s'agissant des communes, et la loi de 1982, s'agissant des régions, ont établi cette clause de compétence générale, qui est essentielle si l'on veut éviter qu'une collectivité territoriale n'exerce sa tutelle sur une autre. Le texte dont nous débattons permettra de lui garantir un fondement constitutionnel, et c'est la raison pour laquelle je voterai contre les amendements identiques n°s 135 et 182.
M. Jean-Jacques Hyest. Très bien !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Très bonne observation !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Masseret, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Masseret. Je souhaite, monsieur le garde des sceaux, revenir brièvement sur les propos que vous avez tenus en donnant l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 135.
Vous avez parlé d'immobilisme et de frilosité en regardant vers la gauche de l'hémicycle : cela est tout à fait injuste, et les amendements que nous avons déposés sur les quatre premiers articles du texte le démontrent. Sur un certain nombre de sujets, c'est plutôt le Gouvernement qui s'est révélé fermé à la discussion.
Vous avez également affirmé, monsieur le garde des sceaux, que nous essayons de gagner du temps et que nous prolongeons inutilement les débats.
M. Michel Mercier. Certes.
M. Jean-Pierre Masseret. Or il me semble que les difficultés que vous rencontrez sont suscitées autant par la majorité que par les sénateurs qui siègent du côté gauche de l'hémicycle. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Robert Bret. Et que par le fond du texte !
M. Jean-Pierre Masseret. Il suffit, à cet égard, de rappeler quelques récents épisodes !
Pour notre part, nous cherchons à assumer nos responsabilités sans tenter le moins du monde de gagner du temps. Nous sommes en désaccord avec le Gouvernement sur un certain nombre de points, et nous avons nous aussi la volonté d'aborder la question de l'« impuissance publique », que votre proposition frileuse, monsieur le garde des sceaux, ne permettra pas, à notre sens, de traiter.
Cette frilosité, on la retrouvera d'ailleurs, de votre côté, quand nous en viendrons au problème du financement de la réforme,...
M. Jean-Jacques Hyest. Ce n'est pas vrai !
M. Jean-Pierre Masseret. ... notamment quand nous examinerons la nouvelle rédaction qui nous est proposée s'agissant du volet financier de la décentralisation. (Protestations sur les travées du RPR.) On verra alors quel repli vous avez opéré au regard de vos ambitions initiales !
Par conséquent, ne nous accusez pas : nous voulons que la République fonctionne. Dans cette optique, nous aurions souhaité que le Gouvernement nous indique quelles priorités il se donne dans ce débat sur la décentralisation et qu'il aborde les problèmes d'une autre façon. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Nous sommes vraiment au coeur du débat. Monsieur le ministre, vous avez parlé de frilosité, d'immobilisme...
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Oui !
M. Jean-Pierre Sueur. Il faut quand même rappeler certaines réalités : toutes les lois de décentralisation ont été présentées, soutenues, votées par la gauche, tandis que la droite s'y est opposée !
M. Roger Karoutchi. Ce n'est pas vrai !
M. Jean-Pierre Sueur. Ces dernières années encore, les lois relatives à l'intercommunalité ont permis de faire avancer les choses, avec la création de 2000 communautés de communes.
M. Michel Mercier. Quelles lois ?
M. Jean-Pierre Sueur. Celles de 1992 et de 1999, monsieur Mercier !
Ces lois ont été votées...
M. Michel Mercier. A l'unanimité !
M. Jean-Pierre Sueur. ... après avoir été présentées et défendues par des gouvernements de gauche. (M. Henri de Raincourt s'exclame.)
Mais quel est l'enjeu aujourd'hui ?
Nous voulons de toutes nos forces que soit engagée une deuxième étape de la décentralisation, mais la question est de définir son contenu. Cette nouvelle étape doit-elle se traduire par un certain nombre de principes flous, mal définis, ou imprécis, ou faut-il, comme nous le voulons, qu'elle amène de nouvelles avancées en matière de transferts de compétences, dans la droite ligne des préconisations du rapport Mauroy, qui avait le grand mérite de présenter des propositions précises ?
Le débat consiste à décider si nous voulons une décentralisation précise ou si nous nous dirigeons vers ce que l'on me permettra d'appeler une « République aléatoire ». En effet, si l'on met en perspective les différents aspects de ce texte, on constate que les formulations extrêmement imprécises relatives au principe de subsidiarité ainsi qu'à l'expérimentation et à la substitution possible de certaines collectivités territoriales à d'autres aboutiront à ce que des collectivités aux contours mal définis...
M. Roger Karoutchi. Lesquelles ?
M. Jean-Pierre Sueur. ... pourront exercer des compétences mal cernées, dans un contexte où les attributions de l'Etat ne sont pas non plus définies ! C'est cela, la République aléatoire ! Nous voulons, pour notre part, une République qui garantisse le principe d'égalité, qui permette aux collectivités d'aller plus loin dans les domaines qui relèvent de leur champ de compétence et qui leur donne aussi de nouvelles compétences, mais en toute clarté !
J'indiquerai, pour conclure, que le principe de subsidiarité est un principe de bon sens. Il est tout à fait souhaitable que les compétences soient assumées au bon niveau. Cependant, proposer d'inscrire dans la Constitution de la République française que les collectivités territoriales ont vocation à exercer l'ensemble des compétences qui peuvent « le mieux » - ces deux derniers mots, vous le savez très bien, ne signifient rien - être mises en oeuvre à l'échelle de leur ressort est indigne d'une rédaction constitutionnelle. Demain, nombre d'interprétations seront possibles ! Comme le disait M. Charasse, telle collectivité s'estimera la mieux à même de traiter les questions de sécurité, telle autre se jugera la mieux placée pour gérer les problèmes universitaires, et ainsi de suite ! Ces collectivités territoriales demanderont alors à mener des expérimentations, et l'on débouchera sur une situation aléatoire et mal définie, au rebours de ce qu'est une décentralisation républicaine, pour laquelle nous appelons de nos voeux de nouvelles étapes fortes. Nous sommes partisans d'une telle décentralisation républicaine. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo. Il me semble que l'on ne peut restreindre ce débat à une opposition entre la majorité sénatoriale et le Gouvernement, qui représenteraient le camp des décentralisateurs, et les sénateurs qui siègent à gauche de l'hémicycle et seraient hostiles à la décentralisation. (Exclamations amusées sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Michel Mercier. C'est quand même la vérité !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Cela y ressemble !
Mme Nicole Borvo. Pas du tout ! C'est une caricature !
Ce dont nous ne voulons pas, c'est d'une République en morceaux, pour reprendre une expression qui a été employée par quelqu'un d'autre ! (Sourires.) J'espère que M. de Rohan, qui a affirmé à plusieurs reprises, la semaine dernière, que je disais n'importe quoi, s'adresse dans les mêmes termes à son ami Jean-Louis Debré quand celui-ci parle de « féodalité » ou de « République en morceaux » !
M. Josselin de Rohan. Je n'ai rien dit sur la féodalité ! (Rires sur les travées du RPR.)
Mme Nicole Borvo. Vous m'avez reproché de dire n'importe quoi au moins trois fois la semaine dernière, monsieur de Rohan !
M. Josselin de Rohan. C'est vrai ! (Sourires sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Mme Nicole Borvo. Je trouve cela très amusant ! Je referme cette parenthèse, mais je continuerai à dire n'importe quoi, à l'exemple de certains membres de la majorité : ce dont nous ne voulons pas, c'est d'une République en morceaux.
Vous vous référez toujours à ce que les Français ont voulu : ils veulent davantage de démocratie, c'est certain ; ils veulent des décisions compréhensibles, c'est également certain ; ils veulent que les problèmes soient réglés au plus près de la population, et ils veulent surtout que l'on prenne en compte leurs besoins. Les Français se sont-ils prononcés en faveur d'un désengagement de l'Etat vis-à-vis de ses compétences et des grands services publics nationaux ? Certainement pas !
Mme Hélène Luc. Au contraire !
Mme Nicole Borvo. Les Français se sont-ils prononcés en faveur de l'augmentation des impôts locaux ? Certainement pas !
M. Henri de Raincourt. C'est vous qui avez institué l'APA ! Vous nous ennuyez !
Mme Nicole Borvo. Les débats qui ont lieu aujourd'hui à l'intérieur de la majorité sur la question de la décentralisation doivent vous amener, messieurs les ministres, mes chers collègues, à réfléchir sur la volonté réelle des Français, que l'on invoque sans cesse à propos de la décentralisation et de la proximité. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste, républicain et citoyen et sur certaines travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote. Je vous invite à être concis, mon cher collègue !
M. Michel Charasse. J'interviendrai pour explication de vote sur l'amendement n° 135, ce qui me dispensera de revenir sur l'amendement n° 90. Donc, je fais gagner du temps au Sénat ! (Sourires.)
Mes chers collègues, après avoir entendu ce débat en particulier les interventions des membres du Gouvernement et celle de notre estimé rapporteur-président, je reste toujours aussi perplexe s'agissant du deuxième alinéa du texte présenté par l'article 4 pour l'article 72 de la Constitution.
A-t-il fallu attendre cette révision pour donner les meilleures compétences aux collectivités locales ? Evidemment non ! En reste-t-il encore à leur donner ? Evidemment oui ! A-t-on aujourd'hui le droit de le faire sans cette révision ? Naturellement oui !
Mme Nicole Borvo. La loi suffit !
M. Michel Charasse. Les collectivités territoriales pourront-elles désormais s'emparer d'office d'une compétence ?
MM. René Garrec, rapporteur, et Michel Mercier. Non !
M. Michel Charasse. Non, nous dit M. le rapporteur, et il a raison puisque cela est régi par la loi. Donc, si la loi ne l'a pas prévu, elles ne pourront pas s'en saisir elles-mêmes, contrairement à ce que l'on pourrait déduire de la rédaction du deuxième alinéa du texte présenté.
Mme Nicole Borvo. La loi suffit !
M. Michel Charasse. Pourront-elles non seulement se saisir elles-mêmes d'une compétence, mais aussi s'emparer d'attributions de souveraineté ? Evidemment non, nous dit le ministre. Dans ces conditions, je me demande à quoi tout cela sert, puisque le dispositif présenté n'ajoute rien.
Mme Nicole Borvo. Cafouillage !
M. Michel Charasse. M. Mercier, qui lui est très astucieux (Exclamations amusées sur les travées du RPR et de l'Union centriste) et qui se souvient des règles de l'université, nous dit que, aujourd'hui, les textes prévoient - je l'ai rappelé tout à l'heure dans ma première intervention - que le conseil municipal, le conseil général, etc. règle par ses délibérations les affaires de la collectivité territoriale concernée.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Mais il n'y a pas de fondement constitutionnel !
M. Michel Charasse. Ah, monsieur Devedjian, je vous attendais là ! En effet, cette formulation n'est pas apparue pour la première fois dans la loi Defferre ; elle figure dans la loi de 1884 sur les communes,...
M. Michel Mercier. Dans celle de 1871 !
M. Michel Charasse. ... et même dans celle de 1871 sur les départements. Elle n'a été reprise par la loi Defferre que pour l'appliquer aux régions.
M. Michel Mercier. Exactement !
M. Jean-Jacques Hyest. Voilà !
M. Michel Charasse. Or, mes chers collègues, si l'on admet que la liberté locale est un principe fondamental de liberté reconnu par la République, il faut admettre que le principe selon lequel l'assemblée élue d'une collectivité territoriale règle par ses délibérations les affaires de la collectivité territoriale fait partie des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, auxquels le Conseil constitutionnel a donné valeur constitutionnelle à plusieurs reprises. Il n'est donc pas besoin de modifier la Constitution.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Cela ira mieux en le disant, monsieur Charasse !
M. Michel Charasse. Enfin, mes chers collègues, je faisais référence tout à l'heure à la subsidiarité au sens du traité de Maastricht ! C'était la grande affaire, et M. le garde des sceaux, voilà un moment, nous a dit que cette question de la subsidiarité, qui est visée au deuxième alinéa de la rédaction présentée pour l'article 72 de la Constitution, est l'élément clé de cette révision constitutionnelle. Mais c'était déjà l'élément clé du traité de Maastricht. Or, qu'en a-t-on fait ? Rien ! Pourquoi ? Parce que les Etats, comme les collectivités territoriales, ne peuvent pas se saisir d'office et qu'ils attendent que la Communauté veuille bien les autoriser à faire jouer le principe de subsidiarité. C'est ce que l'Etat fera, comme l'a dit tout à l'heure M. Garrec.
Donc, décidément, tout cela ne change rien, et si l'Etat ne veut rien faire, il ne sera pas plus obligé de faire en vertu de cette disposition - et tant mieux ! car je suis, moi aussi, un défenseur de l'Etat - qu'il ne pouvait le faire jusqu'à présent.
Conclusion et résultat des courses : en l'occurrence, on veut nous faire voter un alinéa qui ne sert à rien. Aussi, comme je n'aime pas perdre mon temps, je voterai l'amendement de suppression. On n'a effectivement pas intérêt à charger la Constitution avec des histoires qui relèvent tout juste du niveau du café du commerce ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. - Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Apparemment, vous le fréquentez, monsieur Charasse !
M. Michel Charasse. Je le fréquente, monsieur Devedjian !
M. le président. Monsieur Charasse, comme le disait Talleyrand, tout ce qui est excessif est insignifiant !
M. Michel Charasse. C'est ce texte qui est insignifiant ! (L'orateur brandit un document.) Ce n'est pas du Poncelet, car cela aurait été écrit autrement, monsieur le président ! (Sourires.)
M. le président. Merci pour lui ! (Nouveaux sourires.)
La parole est à M. Laurent Béteille, pour explication de vote.
M. Laurent Béteille. Tout à l'heure, notre collègue Jean-Pierre Sueur disait que nous étions au coeur du débat. Je suis au moins d'accord avec lui sur ce point. Cette disposition est en effet très importante. Elle démontre la volonté du Gouvernement de proposer une véritable décentralisation, qui s'impose pour l'avenir.
Aujourd'hui, on a entendu un certain nombre d'affirmations. Plusieurs de nos collègues nous ont expliqué, bien sûr la main sur le coeur, qu'ils étaient pour la décentralisation mais que toute réduction des compétences de l'Etat leur paraissait suspecte.
M. Jean-Pierre Sueur. Lesquelles ?
M. Laurent Béteille. Aux termes de la rédaction qui nous est proposée, les collectivités territoriales seront chargées de faire ce qu'elles peuvent faire mieux que l'Etat, et il s'agira d'un principe constitutionnel.
J'avoue ne pas comprendre comment on peut être contre le fait que ce soit l'échelon le mieux à même de faire quelque chose qui en soit chargé. Il y a là, pour moi, un mystère assez incroyable.
On vient en effet de nous énumérer une série de dispositions dont l'Etat ne doit pas se dessaisir. Tout le monde est d'accord sur le fait que, s'agissant des compétences régaliennes de l'Etat, c'est bien sûr l'Etat qui est le mieux à même de les accomplir. Cela paraît évident.
Mais lorsqu'une compétence particulière peut être mieux accomplie par une collectivité territoriale, je ne vois pas sur quoi se fondent les réticences pour la lui confier. C'est ce que prévoit la Constitution dans la rédaction qui nous est proposée. On en fait un principe constitutionnel, ce qui signifie que la loi ne pourra pas recentraliser de force ce qui est bien fait par les collectivités territoriales. Il s'agit donc d'une disposition utile. Pour ma part, je suis étonné que l'on conteste ce principe, qui est de simple bon sens.
Je remercie nos collègues d'avoir demandé un scrutin public car il nous permettra d'affirmer que, de ce côté-ci de l'hémicycle, nous sommes partisans de la décentralisation. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur plusieurs travées de l'Union centriste.)
M. Michel Charasse. De notre côté aussi !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 135 et 182.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 22:

Nombre de votants 320
Nombre de suffrages exprimés 319
Majorité absolue des suffrages 160
Pour l'adoption 104
Contre 215

La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour explication de vote sur l'amendement n° 136.
M. Jean-Claude Peyronnet. Je souhaite m'exprimer à nouveau sur cet amendement, car je l'ai présenté rapidement afin de gagner du temps. (Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.) Comme je l'ai dit tout à l'heure, il s'agit d'un amendement de repli.
Nous supportons difficilement d'être sans cesse accusés de ne pas être favorables à la décentralisation (Exclamations sur plusieurs travées du RPR), que nous avons portée et que nous avons défendue au sein de la commission Mauroy, même s'il ne nous avait pas semblé pour autant utile de réformer la Constitution.
Je suis étonné que M. le garde des sceaux fasse observer que l'amendement que nous présentons est trop long et confus, et qu'il est inutile de l'insérer dans la Constitution. En effet, cet amendement précise les compétences qui sont du ressort de l'Etat et qui, en aucun cas, ne devront être transférées à une collectivité territoriale.
J'invite M. le garde des sceaux à lire le texte proposé par l'article 9 pour l'article 74 de la Constitution et qui concerne les collectivités à statut particulier des départements d'outre-mer. Comme je crains qu'il ne le fasse pas, je lis moi-même ce texte : « le transfert de compétences de l'Etat ne peut porter sur la nationalité, les droits civiques, les garanties des libertés publiques, l'état et la capacité des personnes, l'organisation de la justice, le droit pénal, la procédure pénale, la politique étrangère, la défense, la sécurité et l'ordre publics, la monnaie, le crédit et les changes ainsi que le droit électoral ». L'énumération s'arrête là. Nous l'avons un peu poursuivie afin que les collectivités à statut particulier d'outre-mer puissent se voir confier un certain nombre de compétences, notamment l'enseignement, le régime de la propriété, des droits réels et des obligations civiles et commerciales, le droit du travail et le droit syndical.
Ainsi, nous ne faisions qu'apporter, avec une plus grande précision que le projet de loi, des précisions qui sont manifestement utiles pour les départements d'outre-mer. On ne comprend donc pas très bien pour quelle raison elles ne seraient pas utiles aux collectivités territoriales. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 136.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Monsieur Charasse, l'amendement n° 90 est-il maintenu ?
M. Michel Charasse. A la suite des explications qui ont été données par M. le garde des sceaux et par M. le rapporteur, cet amendement ne veut plus rien dire, pas plus d'ailleurs que l'alinéa concerné. Par conséquent, comme je suis logique, je le retire.
M. le président. L'amendement n° 90 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 77.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 137, présenté par MM. Peyronnet, Bel, Charasse et Courteau, Mme Durrieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche, Lise, Marc, Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe socialiste, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit la première phrase du troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 72 de la Constitution :
« Les collectivités territoriales, qui procèdent d'une organisation territoriale décentralisée de la République, s'administrent librement par des conseils élus, dans les conditions prévues par la loi. »
L'amendement n° 8, présenté par M. Garrec, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Après les mots : "conseils élus", rédiger comme suit la fin du troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 72 de la Constitution : "et disposent d'un pouvoir réglementaire pour l'exercice de leurs compétences." »
Le sous-amendement n° 219, présenté par MM. Peyronnet, Bel, Charasse et Courteau, Mme Durrieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche, Lise, Marc, Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe socialiste et rattachée, est ainsi libellé :
« Dans le texte proposé par l'amendement n° 8 pour la fin du troisième alinéa de l'article 72 de la Constitution, après le mot : "disposent", insérer les mots : ", dans les mêmes conditions,". »
Le sous-amendement n° 183 rectifié, présenté par Mmes Borvo et Mathon, MM. Bret, Autain et Autexier, Mmes Beaudeau et Beaufils, M. Biarnès, Mme Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud, Le Cam et Loridant, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar et Mme Terrade, est ainsi libellé :
« Dans le texte proposé par l'amendement n° 8 pour la fin du troisième alinéa de l'article 72 de la Constitution, après le mot : "réglementaire", insérer le mot : "dérogatoire". »
Le sous-amendement n° 253, présenté par M. Alduy, est ainsi libellé :
« Compléter in fine le texte proposé par l'amendement n° 8 pour la fin du troisième alinéa de cet article par le membre de phrase suivant : ", notamment pour promouvoir leur patrimoine culturel et linguistique.". »
L'amendement n° 91, présenté par M. Charasse, est ainsi libellé :
« A la fin de la première phrase du troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 72 de la Constitution, après les mots : "des conseils élus", ajouter les mots : "au suffrage universel direct". »
L'amendement n° 92 rectifié, présenté par M. Charasse et les membres du groupe socialiste, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit la seconde phrase du troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 72 de la Constitution :
« Pour la mise en oeuvre de leurs décisions, et dans le respect de la Constitution et des principes fondamentaux de la République, elles arrêtent les mesures nécessaires à leur application. »
L'amendement n° 138, présenté par MM. Peyronnet, Bel, Charasse et Courteau, Mme Durrieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche, Lise, Marc, Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe socialiste, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit la seconde phrase du texte proposé par cet article pour le troisième alinéa de l'article 72 de la Constitution :
« Pour l'exercice de leurs compétences, elles disposent, dans les conditions et les limites fixées par la loi, et sous réserve des articles 13, 20 et 21, du pouvoir réglementaire nécessaire à la mise en oeuvre de leurs délibérations. »
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour présenter l'amendement n° 137.
M. Jean-Pierre Sueur. La précision que nous proposons d'apporter au début de l'alinéa concerné nous semble très importante.
Tout d'abord, nous voulons revenir sur la question de l'organisation territoriale décentralisée. J'ai lu, dans un journal, que M. Patrick Devedjian avait considéré que les propos de M. le président de l'Assemblée nationale relatifs à l'« intégrisme décentralisateur » ne s'appliquaient en aucun cas aux représentants de la majorité, mais visaient explicitement les représentants de l'opposition, en raison de leurs idées sur l'intercommunalité. Cette interprétation des propos de M. Jean-Louis Debré ne manque pas d'intérêt !
Compte tenu de ce qui s'est passé voilà quelques jours, un problème très important demeure. Puisque l'article 1er a été adopté ici même, nous espérons vivement que, dans la suite de la discussion, à l'Assemblée nationale, il sera possible de revenir sur cette question de l'« organisation décentralisée ». Plus nous échangeons avec des constitutionnalistes, avec des élus et avec nos concitoyens, plus il nous apparaît évident que, dans notre pays, l'organisation territoriale est décentralisée pour ce qui relève des collectivités locales et déconcentrée pour ce qui relève de l'administration de l'Etat. Les choses sont très claires ! Finalement, il aurait fallu écrire : « L'organisation territoriale de la République est décentralisée et déconcentrée », car telle est la stricte vérité !
M. Josselin de Rohan. C'est complètement faux !
M. Jean-Pierre Sueur. Or, vous avez absolument refusé que l'on prenne en compte ce qui est pourtant le bon sens, et M. Jean-Claude Peyronnet l'expliquait encore à l'instant : comment imaginer que l'on puisse inclure dans les compétences des collectivités locales ce qui doit demeurer de la compétence de l'Etat ? Mais puisque vous avez déclaré, monsieur le ministre, que vous ne vouliez pas définir a priori les compétences de l'Etat, arguant que ce n'était pas l'objet du débat et que cela aurait l'inconvénient de clore la discussion, nous voici dans la confusion, nous voici entraînés dans cette conception de la République aléatoire que nous combattrons, car elle ne correspond pas à l'idée que nous nous faisons de la République décentralisée.
Voilà pourquoi, monsieur le président, il nous paraît important d'indiquer que c'est l'organisation territoriale qui est décentralisée - et il faudrait ajouter : « déconcentrée ». Nous ne pouvons pas accepter d'écrire que toute l'organisation de l'ensemble de la République procède de la décentralisation. Chacun ici sait bien que c'est faux, que c'est inexact, que c'est contraire à la vérité, que c'est contraire à la réalité. Nous saisissons donc l'occasion qui nous est donnée aujourd'hui de tenter de préciser les choses, mais nous savons bien que nous avons malheureusement peu de chances d'être entendus.
Enfin, il nous semble très important d'inscrire dans la loi que les collectivités de la République « s'administrent librement par des conseils élus ». Cela figurait dans les lois Defferre ; il est bon que, maintenant, cela entre dans la Constitution. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste ainsi que sur certaines travées du groupe communiste, républicain et citoyen.)
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'aministration générale. C'est déjà dans la Constitution !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 8.
M. René Garrec, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel visant à fondre les deux phrases de cet alinéa en une seule.
M. Michel Charasse. C'est plus court ! Les meilleurs amendements sont les plus courts.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour défendre le sous-amendement n° 219.
M. Jean-Pierre Sueur. Il s'agit d'un sous-amendement de précision, voire d'un sous-amendement rédactionnel.
En effet, la rédaction que propose M. le rapporteur ne nous paraît pas très claire et, de plus, aboutit à une coordination entre un grand principe de la République, selon lequel les collectivités territoriales « s'administrent librement par des conseils élus », et le fait que ces mêmes collectivités disposent d'un pouvoir réglementaire. Ce sont deux questions très différentes qu'il n'est pas souhaitable de mettre sur le même plan. C'est pourquoi nous pensons qu'il est bien préférable de les distinguer : d'une part, le grand principe et, d'autre part, l'affirmation d'un pouvoir réglementaire. Ce sera ainsi beaucoup plus cohérent.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo, pour présenter le sous-amendement n° 183 rectifié.
Mme Nicole Borvo. Comme mon collègue M. Sueur, je pense qu'il faut dissocier ces plans différents. Si le débat avait pu être mené à son terme lors de l'examen de l'article 1er du projet de loi tendant à modifier l'article 1er de la Constitution, nous serions parvenus à un bien meilleur résultat et nombre d'ambiguïtés auraient été levées. Mais celles-ci contribuent à entretenir la « face cachée » de ce projet de loi !
Je rappelle qu'existe déjà, de manière résiduelle et subordonnée, un pouvoir réglementaire des collectivités territoriales. Aujourd'hui, on nous propose une logique totalement inverse, qui suscite des interrogations : ce pouvoir réglementaire sera-t-il différent selon l'endroit où l'on vit ? Sera-t-il sans limite connue à ce jour, puisque les compétences des collectivités seront elles-mêmes désormais sans limite ?
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission. Mais non ! C'est n'importe quoi !
Mme Nicole Borvo. Comme vous pouvez le constater, mes chers collègues, la situation ainsi créée est très ambiguë. (M. le ministre délégué manifeste son doute.)
De plus, il est tout de même paradoxal que, dans l'article même qui vise à accorder un pouvoir réglementaire aux collectivités territoriales soit instaurée la possibilité pour une collectivité d'exercer une tutelle sur une autre collectivité.
Notre sous-amendement a donc pour objet de conférer à ce pouvoir réglementaire un caractère dérogatoire, ce qui nous paraît plus précis.
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission. Qu'est-ce qu'un « pouvoir réglementaire dérogatoire » ?
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Il n'est pas dérogatoire !
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Alduy, pour présenter le sous-amendement n° 253.
M. Jean-Paul Alduy. Ce sous-amendement vise à mettre fin au flou constitutionnel qui entoure la question de l'enseignement des langues de France et celle du soutien des collectivités locales à cet enseignement. Sans contredire les termes du premier alinéa de l'article 2 de la Constitution - « La langue de la République est le français» - , il a pour objet d'attribuer aux collectivités territoriales une compétence juridiquement sûre qui leur permette de préserver leurs spécificités en matière de culture et de langue. Son adoption laisserait au législateur le soin d'élargir éventuellement les compétences des collectivités territoriales en la matière.
Il ne s'agit pas de la « République en morceaux », il ne s'agit pas de la « République aléatoire » : il s'agit de la « République en mouvement ». Donner aux collectivités territoriales la possibilité de défendre et de promouvoir leur patrimoine culturel et linguistique fait partie de ce mouvement et, monsieur le ministre, de cette exhortation à oser la liberté.
M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour présenter les amendements n°s 91 et 92 rectifié.
M. Michel Charasse. Afin d'éviter toute difficulté, je propose par l'amendement n° 91 de préciser que si, aux termes de la Constitution « les collectivités territoriales s'administrent librement par des conseils élus », ceux-ci sont désignés « au suffrage universel direct ».
Comme dirait M. Mercier, mais à l'inverse, la règle qui s'applique depuis 1871 est celle de l'élection des collectivités territoriales au suffrage universel direct. Mais elle n'a jamais été précisée dans la Constitution, et, si nous voulons que la libre administration « par des conseils élus » prenne valeur constitutionnelle - et je pense que ce principe le mérite -...
M. Michel Mercier. Il a été consacré par des décisions du Conseil constitutionnel !
M. Michel Charasse. Il a certes été consacré par des décisions du Conseil constitutionnel, mais le membre de phrase : « s'administrent librement par des conseils élus » aussi !
M. le président. Monsieur Charasse, veuillez exposer votre amendement.
M. Michel Charasse. C'est ce que je suis en train de faire, monsieur le président. Il faut suivre ! (Sourires.)
Ma démarche intervient à un moment où l'on voit proliférer un peu partout des organismes, des comités de quartier, des sous-comités de quartier, des associations locales, etc., qui, bientôt, considéreront qu'ils ont la légitimité nécessaire pour demander à bénéficier du même statut que les collectivités territoriales, à lever l'impôt, que sais-je encore... ?
La solution consiste donc, puisque nous en avons l'occasion, à confirmer, en l'inscrivant dans la Constitution - même si le Conseil constitutionnel l'a déjà dit, mais il l'avait dit aussi pour d'autres aspects que M. Mercier a fait entrer dans la Constitution voilà cinq minutes (Sourires) -, que ces collectivités s'administrent librement « par des conseil élus au suffrage universel direct ». Ainsi, les choses seront plus claires.
J'en viens à l'amendement n° 92 rectifié, qui a trait à l'affaire du pouvoir réglementaire.
M. le rapporteur a proposé tout à l'heure une formulation qui est certes plus élégante, je le lui concède, mais qui a tout de même l'inconvénient de maintenir l'expression : « pouvoir réglementaire ». Or, je considère que, dans une République comme la nôtre, il n'y a qu'un pouvoir législatif, celui du Parlement, et qu'un pouvoir réglementaire, celui du Gouvernement, c'est-à-dire de l'exécutif, et je n'aime pas beaucoup que l'on mélange les genres.
Si les collectivités territoriales ont depuis toujours le pouvoir de réglementer certains points, en particulier pour l'application de leurs décisions, elles n'exercent pas pour autant de pouvoir réglementaire, du moins de pouvoir qui mérite de porter le même nom que celui qu'exercent le Président de la République, le Premier ministre et éventuellement les ministres. C'est la raison pour laquelle je suggère de remplacer l'expression : « pouvoir réglementaire » par les mots : « elles arrêtent les mesures nécessaires à leur application ».
Compte tenu de ce qui a été dit la semaine dernière, il serait très dangereux d'essayer de faire croire aux collectivités territoriales qu'elles peuvent être les égales des pouvoirs centraux, car ce n'est pas vrai.
M. René Garrec, rapporteur. Il a raison !
M. Michel Charasse. De surcroît, le pouvoir réglementaire qu'il est envisagé de donner aux collectivités territoriales serait en tout état de cause subordonné au pouvoir réglementaire du Premier ministre, puisqu'elles ne sauraient avoir le droit de modifier les actes de celui-ci. Je préfère donc indiquer que les collectivités locales arrêtent les mesures nécessaires à l'application de leurs décisions plutôt que d'appeler cela « pouvoir réglementaire ». Il est entendu qu'il y a une exception : les maires exercent un pouvoir réglementaire en matière de police, mais ce uniquement parce qu'ils sont agents de l'Etat.
M. le président. Ce sont des agents de l'Etat élus !
M. Michel Charasse. Certes, mais, en l'occurrence, cela n'importe pas.
M. le président. La parole est à M. Peyronnet, pour présenter l'amendement n° 138.
M. Jean-Claude Peyronnet. Pour le cas où l'amendement n° 92 rectifié ne serait pas adopté, je vous propose un amendement de repli tendant à préciser la notion de pouvoir réglementaire, de façon à éviter toute confusion entre le pouvoir réglementaire - puisqu'il n'y a pas d'autre terme pour le désigner - des collectivités territoriales et celui du Gouvernement et du Président de la République.
L'amendement n° 138 vise donc à préciser que les collectivités locales exercent leurs compétences sous réserve des dispositions prévues aux articles 13, 20 et 21 de la Constitution qui, chacun le sait, concernent la politique de la nation menée par le Gouvernement - article 20 -, la mise en oeuvre des lois par le Premier ministre - article 21 - et le pouvoir réglementaire mis en oeuvre par le Président de la République - article 13.
M. Michel Charasse. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. René Garrec, rapporteur. Sur la forme, l'amendement n° 137 est incompatible avec l'amendement n° 8. Sur le fond, le Sénat a décidé d'inscrire dans l'article 1er de la Constitution le principe selon lequel l'organisation de la République est décentralisée, sans préciser qu'il s'agissait de son organisation territoriale. La rédaction de cet amendement est donc inutile et contradictoire avec celle de l'article 1er de la Constitution.
Le sous-amendement n° 219 vise à introduire dans le projet de loi une précision inutile et contraire à l'objectif de simplification rédactionnelle que la commission recherche avec l'amendement n° 8.
S'agissant du sous-amendement n° 183 rectifié, il n'est pas juste de dire, madame Borvo, que le débat n'a pas été mené à son terme : il l'a été, même si les conditions ne vous convenaient pas pleinement.
La précision que vous proposez d'ajouter est inexacte. En effet, le pouvoir réglementaire des collectivités territoriales se doit d'édicter des normes qui respectent les lois et les règlements en vigueur. La commission a donc émis un avis défavorable.
Le sous-amendement n° 253 n'a pas été examiné par la commission. Il me semble dépourvu de valeur normative. Or la Constitution doit être aussi précise que possible,...
M. Jean-Pierre Sueur. C'est très bien de souligner que la Constitution doit être aussi précise que possible !
M. Robert Bret. C'est pertinent !
M. René Garrec, rapporteur. ... ce qui n'est pas le cas du sous-amendement. Donc, avis défavorable, et je remercie M. Sueur de son soutien.
L'amendement n° 91 de M. Charasse, malgré des qualités évidentes, comme d'habitude, me semble trop restrictif.
M. Michel Charasse. Allons bon !
M. René Garrec, rapporteur. Il n'est pas opportun de prévoir une telle condition ni d'entretenir une telle rigidité, alors que, après la révision, le législateur pourra créer des collectivités territoriales se substituant à des collectivités existantes et qu'il lui appartiendra de définir le mode d'élection de leurs représentants.
M. Michel Charasse. Donc, on abandonne le suffrage universel direct !
M. René Garrec, rapporteur. Le Sénat est une assemblée législative à part entière, mon cher collègue. Pourtant, il est élu au suffrage universel indirect !
La commission émet donc un avis défavorable.
L'amendement n° 92 rectifié est incompatible avec l'amendement n° 8 de la commission des lois. Notre collègue Michel Charasse a raison sur le fond : il va de soi que les collectivités territoriales doivent respecter la Constitution et les principes fondamentaux de la République. Cette précision est donc inutile. Par ailleurs, l'expression : « pouvoir réglementaire des collectivités » est parfaitement identifiée et ne suscite aucune confusion. La commission émet donc un avis défavorable.
L'amendement n° 138 apporte une précision inutile. Le pouvoir réglementaire du Président de la République et celui du Premier ministre primeront sur celui des collectivités territoriales, aucun doute n'est permis. La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 137, qui n'est pas cohérent avec les dispositions votées à l'article 1er.
Je voudrais d'ailleurs dire à M. Sueur et à tous les sénateurs de gauche qui se sont référés à M. Jean-Louis Debré que, vingt ans après le débat qui a opposé Michel Debré à Gaston Defferre et en entendant son fils biologique et spirituel en maintenir fidèlement les principes, il est savoureux de voir la gauche se rallier à lui.
M. Jean-Pierre Bret. C'est lui qui s'est rallié à nous !
M. Jean-Pierre Sueur. Ce n'est pas ce que j'ai dit : j'ai parlé de son interprétation !
M. le président. Monsieur Sueur, je ne vous ai pas invité à intervenir.
Monsieur le ministre, je vous prie de continuer.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 8, dont l'écriture nous paraît plus élégante que la nôtre.
Quant aux sous-amendements n°s 219 et 183 rectifié, ils nous paraissent inutiles parce que satisfaits, s'agissant de l'amendement n° 219 de M. Peyronnet, en tout cas. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
Sur le sous-amendement n° 253 concernant les langues régionales, le Gouvernement émet également un avis défavorable. Le souci de M. Alduy est légitime, mais cette précision n'a pas sa place dans la Constitution. C'est dans une loi ordinaire que devra être défini le champ des règles de fonctionnement des collectivités territoriales.
De même, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° 91, qui me paraît tout à fait contradictoire avec la position développée par les sénateurs de gauche quant à la reconnaissance dans la Constitution des EPCI et de toute l'intercommunalité. Le Conseil constitutionnel a permis le transfert des grands principes de libre administration des collectivités territoriales aux EPCI. Par conséquent, monsieur Charasse, votre amendement ne me semble pas le bienvenu par rapport au discours qui a, notamment, été tenu par M. Mauroy.
Le Gouvernement émet encore un avis défavorable sur l'amendement n° 92 rectifié, qui, en fait, ne constituerait qu'une régression. En effet, le pouvoir réglementaire des collectivités territoriales a déjà été reconnu comme tel par la jurisprudence. Je rappelle également que le Conseil constitutionnel a reconnu ce pouvoir à la Corse. Vous voudriez donc revenir en arrière, monsieur Charasse, cela m'étonne de la part d'un homme de progrès comme vous ! (Sourires.)
Enfin, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° 138, qui est un amendement de repli, comme l'était déjà l'amendement n° 93 rectifié.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 137.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 219.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 183 rectifié.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 253.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, les amendements n°s 91, 92 rectifié et 138 n'ont plus d'objet.
M. Michel Charasse. Mais non, monsieur le président ! L'amendement de la commission modifiait la fin de l'alinéa mais intervenait seulement après les mots : « conseils élus ». Donc, mon amendement, qui propose d'ajouter, directement après ces mots, les mots « au suffrage universel direct », aurait dû être appelé avant. Je n'en ferai pas une maladie, monsieur le président, si vous me permettez d'ajouter quelques mots. (Sourires.)
M. le président. C'est toujours avec plaisir que l'on écoute M. Charasse.
Toutefois, mon cher collègue, je vous ferai remarquer que vous auriez dû déposer un sous-amendement.
M. Michel Charasse. Pas du tout, puisque la partie dont traite l'amendement de M. Garrec n'est pas celle que visait le mien. Cela dit, on ne va pas en faire un potage ! (Sourires.) J'en viens au contenu de l'amendement, c'est-à-dire à l'adjonction des mots : « suffrage universel direct ». Je dois dire que j'ai été surpris par un certain nombre d'explications puisque, comme M. Mercier me l'a soufflé tout à l'heure - mais il n'avait d'ailleurs pas besoin de le faire -, le Conseil constitutionnel a réaffirmé à plusieurs reprises qu'il s'agissait d'organes élus au suffrage universel direct. Si l'on ne modifie pas la Constitution sur ce point, l'interprétation du Conseil constitutionnel demeurera identique.
Aussi, quand M. le rapporteur nous dit qu'on pourra demain élire je ne sais quoi, désigner des collectivités territoriales qui ressembleront à des chameaux ou à des dromadaires, etc. et qui ne seront pas forcément élus au suffrage universel direct, je suis perplexe.
M. Devedjian évoquait tout à l'heure ce que disait M. Jean-Louis Debré (Murmures sur les travées du RPR)...
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Michel Charasse. Mais cela concerne bien le texte dont nous discutons ! On me « carotte » un amendement : on peut bien me laisser aller jusqu'au bout de mon propos !
D'ailleurs, je n'en ai plus pour longtemps.
Je voulais dire simplement que le président Debré a rappelé les principes fondamentaux de la Constitution actuelle, lesquels découlent de la loi du 3 juin 1958, qui a autorisé l'élaboration d'une nouvelle constitution. Or cette loi du 3 juin 1958 n'aurait pas été votée par la dernière assemblée nationale de la IVe République si la nouvelle constitution n'avait pas dû contenir un certain nombre de principes à propos desquels on peut se demander de temps en temps si on n'est pas en train de les mettre à mal. C'est pour cela que j'apprécie les propos de M. Debré, puisque c'est pour ce motif-là qu'une partie des socialistes de l'époque a voté la loi du 3 juin 1958. Sinon, je ne sais pas comment on serait sorti du coup d'Etat d'Alger !
Il faut quand même rappeler les grands ancêtres, monsieur le président.
M. le président. Oui, c'est très intéressant ! Nous nous comprenons, monsieur Charasse, nous avons vécu ces événements !
L'amendement n° 93 rectifié, présenté par M. Charasse et les membres du groupe socialiste, est ainsi libellé :
« Après le troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 72 de la Constitution, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les décisions des collectivités territoriales ne peuvent avoir pour objet ou pour effet de faire obstacle à la mise en oeuvre de la politique de la nation visée à l'article 20. »
La parole est à M. Michel Charasse.
M. Michel Charasse. L'amendement n° 92 rectifié est tombé, ce qui est tout à fait logique. Je ferai simplement remarquer que ce qu'il propose ne constitue pas une régression puisque la jurisprudence corse porte sur le cadre des compétences qui sont reconnues par la loi et pas au-delà. Il n'y a donc pas de pouvoir réglementaire nouveau.
J'en arrive à l'amendement n° 93 rectifié.
On nous dit, mes chers collègues, qu'il faut que les collectivités puissent faire tout ce qu'elles ont envie de faire, librement, dans tous les sens. Bref, c'est le « bazar » dont parlait M. Debré ou le supermarché ! (Protestations sur les travées du RPR.) Il ne faudrait quand même pas qu'elles puissent mettre en cause la mise en oeuvre de la politique de la nation telle qu'elle est définie par le Premier ministre, aux termes de l'article 20 de la Constitution, et approuvée par le Parlement.
Cette espèce de caravansérail de choses très variées me fait un peu penser à ce qu'on appelait autrefois « les missions africaines ». (Exclamations sur les travées du RPR.) Vous vous rappelez : on y trouvait des tas d'objets dans tous les sens.
Il est quand même bon de rappeler, à un moment ou à un autre, qu'il y a un Etat, que cet Etat est le bras armé de la nation, que la nation a une politique qui découle de la souveraineté nationale telle qu'elle sort des élections législatives et que cette politique de la nation est mise en oeuvre par le Gouvernement. L'amendement n° 93 rectifié est un amendement d'Etat, monsieur le président.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. René Garrec, rapporteur. Je ne voudrais pas être désagréable avec notre collègue M. Charasse, mais cet amendement est inutile car les collectivités territoriales tiennent leurs compétences de la loi, et je fais confiance au législateur. La commission a donc émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Le Gouvernement émet un avis défavorable pour les raisons que vient d'énoncer M. le rapporteur.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Je voudrais apporter mon soutien à l'amendement de M. Charasse et relever la grande clarté républicaine qui en émane.
Je souhaiterais démontrer tout l'intérêt que présente cette clarté républicaine à partir de ce qui vient d'être dit dans notre hémicycle, et qui ne doit pas passer inaperçu, à propos d'un amendement sur lequel nous n'avons pas pu voter ; je veux parler de l'amendement n° 91 de M. Charasse.
En effet, la semaine dernière, M. Mauroy et certains de nos collègues ont proposé que l'on inscrive dans la liste des collectivités territoriales les communautés à fiscalité propre. Il nous a été opposé divers arguments, dont le fait que celles-ci n'étaient pas élues au suffrage universel direct, ce à quoi nous avons rétorqué que, si la Constitution changeait sur ce point, la jurisprudence du Conseil constitutionnel changerait nécessairement et que l'argument n'était donc pas dirimant.
C'est la raison pour laquelle j'ai entendu avec beaucoup d'intérêt, mais aussi beaucoup de surprise, l'avis donné par M. Garrec sur l'amendement n° 91. En effet, M. Garrec a dit ceci : on ne peut pas préciser que les collectivités territoriales sont toutes élues au suffrage universel direct comme le propose M. Charasse, parce que les nouvelles collectivités que la Constitution modifiée permettra de créer pourraient tout à fait ne pas être élues au suffrage universel direct.
Cela est donc tout à fait contradictoire avec les propos qui nous ont été tenus la semaine dernière !
La fin de l'intervention qu'a prononcée M. le ministre tout à l'heure allait d'ailleurs dans le même sens et était tout aussi contradictoire.
En effet, si l'on considère que les collectivités locales définies par la Constitution doivent toutes être élues au suffrage universel direct, on ne peut pas accepter d'introduire les communautés à fiscalité propre dans la catégorie des collectivités locales et il faut accepter l'amendement n° 93 rectifié, en tout cas en approuver le principe.
Vous êtes donc en totale contradiction puisque vous envisagez la possibilité de créer des collectivités, aujourd'hui tout à fait inconnues, aux contours totalement imprécis, qui pourraient être élues au suffrage universel indirect et non pas au suffrage universel direct.
Nous avons là la preuve de la grande confusion, de la totale imprécision, du caractère tout à fait aléatoire des mesures que l'on nous propose.
C'est pourquoi M. Charasse a eu raison de nous rappeler à la nécessaire clarté républicaine. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. René Garrec, rapporteur. Cher collègue Sueur, il ne faut pas se priver de cette possibilité de souplesse. Je laisse à votre sagacité la réflexion suivante : les EPCI, dont les membres sont aujourd'hui désignés, sont appelés à évoluer, ainsi que vous l'avez dit vous-même, et il se peut qu'un jour leurs membres soient élus au suffrage universel indirect. Voilà ce à quoi le texte prépare.
M. Michel Charasse. Le Conseil constitutionnel l'interdit !
M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.
M. Michel Charasse. L'argumentation de mon ami Jean-Pierre Sueur est parfaitement logique et cohérente.
Je dois dire, en revanche, au rapporteur que plus nous avançons moins je le comprends, même si je ne mets en doute ni ses qualités intellectuelles ni ses compétences juridiques, acquises dans une autre assemblée.
En effet, à partir du moment où nous laissons le texte constitutionnel tel qu'il est actuellement, c'est-à-dire que nous conservons les mots « par des conseils élus », et dès lors que le Conseil constitutionnel a interprété cette disposition à plusieurs reprises en indiquant qu'il s'agissait d'élections au suffrage universel direct, il n'y a aucune raison pour que le Conseil constitutionnel change sa jurisprudence. Dans ces conditions, il ne pourra y avoir en France de collectivités territoriales qui ne soient qu'administrées par des conseils élus au suffrage universel direct.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Le Conseil constitutionnel n'a jamais dit cela !
M. Michel Charasse. Cela étant dit, je ne pensais pas que l'amendement n° 93 rectifié susciterait un tel étonnement chez le rapporteur et au Gouvernement.
Mes chers collègues, la décentralisation n'empêche pas, fort heureusement, qu'il y ait aussi un Etat. Or, dans la mesure où, selon ce qu'on nous dit, sont prévues de nouvelles avancées en matière de décentralisation, il y a bien un moment où il faut rappeler que les collectivités territoriales doivent rester à leur place.
Il ne faudrait tout de même pas que la constitutionnalisation de la règle de subsidiarité - « ... règlent pour leurs délibérations les affaires de la commune, du département,... » - permette désormais aux collectivités territoriales de s'emparer comme elles le veulent de n'importe quoi, notamment pour mettre en cause les modalités d'application de la politique de la nation, qui émane de la souveraineté nationale, laquelle a malgré tout, permettez-moi de vous le dire, un caractère supérieur aux 36 000 souverainetés locales des communes, aux 99 souverainetés locales des départements, et j'en passe !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 93 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de quatorze amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune ; mais, pour la clarté du débat, je les appellerai successivement.
L'amendement n° 139, présenté par MM. Peyronnet, Bel, Charasse et Courteau, Mme Durrieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche, Lise, Marc, Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe socialiste, est ainsi libellé :
« Supprimer le quatrième alinéa de l'article proposé par cet article pour l'article 72 de la Constitution. »
La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. Il n'est pas nécessaire d'espérer pour entreprendre et nous continuons donc à prendre date sur un certain nombre d'éléments de ce texte qui nous paraissent imprécis, voire dangereux.
Le quatrième alinéa du texte proposé par l'article 4 pour l'article 72 de la Constitution porte sur le droit d'expérimentation législative et réglementaire reconnu aux collectivités territoriales.
Il nous semble que le droit d'expérimentation qui est ici proposé comporte la même imprécision que celui qui est reconnu au Parlement et au Gouvernement à l'article 2 du présent projet, imprécision que nous avons dénoncée la semaine dernière.
Là encore, le fait que les prérogatives régaliennes de l'Etat ne soient pas explicitement exclues pose un vrai problème.
En outre, la rédaction rend complètement incertains le champ d'application de l'expérimentation, les modalités de celle-ci et les conséquences que l'on pourrait en tirer à terme.
Enfin, nous en avons de multiples exemples, il est possible d'expérimenter sans révision constitutionnelle.
En ce qui concerne les transferts de compétences, nous avons déjà dit combien il était dangereux de ne considérer les compérences de l'Etat que comme résiduelles. Sans revenir sur la « grande braderie » ou sur la « République en morceaux », force est de constater que cette République se trouve dépouillée par prélèvements successifs de compétences dont on ne sait pas si elles sont majeures ou si elles sont subsidiaires, faute d'avoir défini le bloc de compétences incompressible de l'Etat.
Nous maintenons à cet égard nos interrogations : quelles sont, selon vous, les compétences régaliennes qu'à aucun moment l'Etat ne peut déléguer ? Pour ne citer qu'un exemple, qui a occupé l'actualité récente : peut-on ou non confier la sécurité à une région lorsque celle-ci la réclame ?
M. Roger Karoutchi. Oh ! Laquelle ?
M. Jean-Claude Peyronnet. C'est tout de même une question majeure !
Nous ne sommes pas opposés à l'idée d'expérimentation, mais nous considérons que, ainsi mise en oeuvre, elle ne rendra pas la décentralisation plus claire pour nos compatriotes, au contraire. Sans parler de « grand bazar », disons que nous sommes devant un système de plus en plus confus, incohérent et illisible.
M. le président. L'amendement n° 140, présenté par MM. Peyronnet, Bel, Charasse et Courteau, Mme Durrieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche, Lise, Marc, Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe socialiste et rattachée, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le quatrième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 72 de la Constitution :
« Dans les conditions prévues par la loi organique, sauf lorsque sont en cause une liberté individuelle ou un droit fondamental, et sous réserve des articles 13, 20 et 21, la loi peut habiliter les collectivités territoriales qui le souhaitent à adapter certaines modalités d'application d'une loi, pour l'exercice de leurs compétences. »
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Nous proposons une nouvelle rédaction pour le quatrième alinéa de l'article 72 de la Constitution.
Constatons tout d'abord que l'expérimentation est aujourd'hui possible. Elle a été mise en oeuvre de façon extrêmement féconde pour les transports ferroviaires régionaux, et ce n'est qu'un exemple.
Dès lors, nous ne voyons pas en quoi il est aujourd'hui nécessaire de changer la Constitution pour pouvoir faire des expérimentations.
Par ailleurs, selon nous, il faut clairement distinguer ce qui est fondamental dans l'édifice républicain, et au premier chef une certaine idée de la loi, qui s'applique également à tous les citoyens, il faut donc distinguer cette conception de la loi que nous partageons tous et qui fonde l'unité nationale de ce qui relève de l'application de la loi.
Monsieur le président de la commission, peut-être pourrez-vous accepter la rédaction que nous proposons puisqu'il s'agit d'affirmer que les modalités d'application de la loi peuvent tout à fait relever des collectivités. Cela permet l'expérimentation, dans des conditions parfaitement claires et sans porter atteinte à l'idée que nous faisons de la loi.
Sinon, après la République aléatoire, on en vient à une idée de loi aléatoire, chaque loi prévoyant les cas dans lesquels la loi ne s'applique pas. La dérogation devient une sorte de principe ! C'est le règne du flou, de l'indistinct, du mal défini.
A l'inverse de cela, nous proposons de distinguer clairement la loi, d'une part, et les modalités d'application de la loi, d'autre part.
M. le président. L'amendement n° 141, présenté par MM. Peyronnet, Bel, Charasse et Courteau, Mme Durrieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche, Lise, Marc, Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe socialiste et rattachée, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le quatrième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 72 de la Constitution :
« Dans les conditions prévues par la loi organique, sauf lorsque sont en cause une liberté individuelle ou un droit fondamental, et sous réserve des articles 13, 20 et 21, la loi peut habiliter les collectivités territoriales, pour l'exercice de leurs compétences, à adapter certaines modalités d'application d'une loi, dès lors que celle-ci le prévoit. »
La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. L'objet de cet amendement est de permettre de manière pérenne aux collectivités territoriales d'adapter certaines modalités d'application d'une loi pour l'exercice de leurs compétences.
En autorisant une différenciation dans les modalités d'application des lois, cet amendement donne aux collectivités territoriales une possibilité de « respiration réglementaire » leur permettant de réaliser les adaptations nécessaires aux circonstances locales.
Je tiens à préciser encore une fois que nous ne sommes pas contre l'expérimentation ; nous voulons simplement qu'elle obéisse à un certain nombre de règles.
M. le président. L'amendement n° 94 rectifié, présenté par M. Charasse et les membres du groupe socialiste, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le début du quatrième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 72 de la Constitution :
« Dans les conditions prévues par l'article 37-1 et par la loi organique, et sauf lorsque sont en cause le principe d'égalité ou les conditions essentielles d'exercice d'une liberté publique,... »
La parole est à M. Michel Charasse.
M. Michel Charasse. Dans cet alinéa, qui prévoit la possibilité de l'expérimentation, je propose que nous fassions référence à l'article 37-1 que le Sénat a accepté, la semaine dernière, d'insérer dans la Constitution.
Je profite, monsieur le président, de ce que les deux ministres sont présents pour leur demander s'ils ont réussi, depuis leur audition par les commissions des lois et des finances, réunies ensemble pour l'occasion, à se mettre d'accord sur l'interprétation de cet article. En effet, à la question que j'avais posée au cours de cette réunion commune - « Est-ce que le principe d'égalité est un droit constitutionnellement garanti ? » -, M. le garde des sceaux avait nettement répondu par l'affirmative tandis que M. le ministre délégué aux libertés locales avait dit : « Euh, ça dépend, il peut y avoir des nuances... » Cette double interprétation m'avait laissé un peu inquiet. Mais je suis sûr qu'ils ont fini par s'accorder.
Si le principe d'égalité n'est pas un droit constitutionnellement garanti...
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Bien sûr qu'il est garanti ! Il est affirmé à l'article 1er !
M. Michel Charasse. ... on se demande ce qui l'est !
M. le président. Monsieur Charasse, vous n'avez pas à être surpris que MM. les ministres soient au banc du Gouvernement ! Vous connaissez la Constitution : les ministres sont à la disposition du Parlement.
M. Michel Charasse. Je m'en réjouis d'autant plus qu'ils sont sympathiques !
M. le président. L'amendement n° 184, présenté par Mmes Borvo et Mathon, MM. Bret, Autain et Autexier, Mmes Beaudeau et Beaufils, M. Biarnès, Mme Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud, Le Cam et Loridant, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar et Mme Terrade, est ainsi libellé :
« Dans le quatrième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 72 de la Constitution, supprimer le mot : "essentielles". »
La parole est à Mme Josiane Mathon.
Mme Josiane Mathon. S'agissant de l'exercice d'une liberté publique, il ne saurait y avoir d'exception, de hiérarchie ou de restriction. Toutes les conditions d'exercice des libertés publiques, parce qu'elles font partie intégrante de ces libertés, doivent être respectées en toute circonstance.
Qu'est-ce qui est « essentiel » et qu'est-ce qui ne l'est pas lorsqu'il s'agit de l'exercice des libertés publiques ?
M. le président. L'amendement n° 79, présenté par Mme Blandin, est ainsi libellé :
« Dans le quatrième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 72 de la Constitution, après les mots : "d'une liberté publique", insérer les mots : ", des engagements internationaux de la France". »
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Le quatrième alinéa de l'article 72 de la Constitution dispose que les collectivités territoriales peuvent déroger aux dispositions « sauf lorsque sont en cause les conditions essentielles d'exercice d'une liberté publique », ce qui est fort bien, « ou d'un droit constitutionnellement garanti », ce qui est excellent. Je trouverais néanmoins pertinent, dans le monde où nous vivons, d'ajouter entre ces groupes de mots « des engagements internationaux de la France »,...
M. Michel Charasse. C'est la moindre des choses !
Mme Marie-Christine Blandin. ... auxquels des dispositions législatives ou réglementaires ne sauraient se soustraire.
Il y va de notre image publique et du respect mutuel entre les nations.
Ces engagements internationaux concernent, je vous le rappelle, des domaines très larges : dévelopement durable, droits humains, engagements économiques ou sociaux. Il s'agit aussi de nos engagements liés à notre appartenance à l'Union européenne.
Il y a là des signes de la France auxquels on ne saurait manquer.
M. le président. L'amendement n° 9, présenté par M. Garrec, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Dans le quatrième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 72 de la Constitution, supprimer ler mots : "ou d'un droit constitionnellement garanti". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. René Garrec, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer une mention inutile. Si les conditions essentielles d'une liberté publique peuvent être définies par la loi, les droits constitutionnellement garantis relèvent, par définition, de la seule Constitution.
Il va de soi que les expérimentations ne pourront mettre en cause un droit constitutionnellement garanti. Le législateur ne saurait habiliter les collectivités territoriales à déroger à des droits auxquels il ne peut lui-même porter atteinte.
M. Michel Charasse. Ça règle le problème de l'interprétation !
M. le président. L'amendement n° 41 rectifié bis, présenté par MM. Hoeffel, Jean-Claude Gaudin, Darniche, Lorrain, Hyest et Mercier, est ainsi libellé :
« Dans le quatrième aliné du texte proposé par cet article pour l'article 72 de la Constitution, après les mots : "les collectivités territoriales", insérer les mots : "ou leurs groupements". »
La parole est à M. Daniel Hoeffel.
M. Daniel Hoeffel. Cet amendement a pour objet de faire reconnaître, au moins dans le cadre de l'expérimentation, les groupements intercommunaux.
M. Michel Charasse. Ah !
M. Daniel Hoeffel. Nous avons entendu tout à l'heure les raisons pour lesquelles ceux-ci ne pouvaient bénéficier d'une reconnaissance globale, les plaçant sur le même plan que les communes, les départements et les régions, mais il nous paraît indispensable que l'existence des communautés urbaines, des communautés d'agglomération et des communautés de communes puisse être actée quelque part dans la Constitution.
Nous offrons ainsi au Gouvernement, monsieur le garde des sceaux, l'occasion d'affirmer clairement sa volonté de poursuivre la politique de coopération intercommunale fondée sur le volontariat.
Voilà trente ans, la France s'est détournée des fusions pour se tourner vers l'intercommunalité. Au cours de la dernière décennie, en particulier, cette intercommunalité, sous l'empire des lois de 1992 et 1999, a connu une nette progression.
Les communes et les élus attendent que le Gouvernement démontre que ce cap sera maintenu, la coopération intercommunale étant le meilleur moyen d'affirmer notre souci de préserver la commune en tant que socle et fondement de l'édifice institutionnel français.
M. le président. L'amendement n° 185, présenté par Mmes Borvo et Mathon, MM. Bret, Autain et Autexier, Mmes Beaudeau et Beaufils, M. Biarnès, Mme Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud, Le Cam et Loridant, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar et Mme Terrade, est ainsi libellé :
« Dans le quatrième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 72 de la Constitution, après les mots : "peuvent, lorsque", supprimer les mots : "selon les cas, la loi ou". »
La parole est à Mme Josiane Mathon.
Mme Josiane Mathon. Monsieur le président, je présenterai en même temps l'amendement n° 186, puisque les deux sont liés.
Nous sommes favorables à la reconnaissance en faveur des collectivités territoriales d'un pouvoir d'adaptation de certains textes. Il est juste de prendre en compte certaines spécificités locales ou de permettre des expérimentations qui, nous l'avons dit, peuvent être positives pour les populations, à condition, bien sûr, qu'il ne s'agisse pas d'un simple transfert.
Mais nous considérons que cette délégation ne peut concerner que le pouvoir réglementaire et qu'elle doit rester partielle. C'est pourquoi nous proposons de supprimer les dispositions qui concernent le domaine législatif. En tout état de cause, le droit - et le devoir - de contrôle de l'Etat ne sauraient être réduits.
M. le président. L'amendement n° 206, présenté par MM. Delfau, Fortassin, A. Boyer, Baylet et Collin, est ainsi libellé :
« Dans le quatrième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 72 de la Constitution, remplacer le mot : "déroger" par le mot : "adapter" et le mot : "aux" par le mot : "les". »
La parole est à M. François Fortassin.
M. François Fortassin. L'article 4 autorise les collectivités territoriales, à titre expérimental et dans les conditions prévues par une loi organique, à déroger aux dispositions législatives ou réglementaires qui régissent l'exercice de leurs compétences, ce qui revient à leur permettre de s'écarter de l'application d'une loi ou d'un règlement.
L'amendement n° 206 a pour objet de permettre aux collectivités territoriales qui le souhaitent, et selon les conditions prévues, d'adapter, à titre expérimental, les lois et les règlements qui régissent leurs compétences.
Cette nouvelle rédaction permet de faire preuve d'une plus grande souplesse dans la mesure où les collectivités territoriales n'ont plus à choisir entre déroger ou non aux dispositions législatives et réglementaires en question, puisqu'elles disposent d'une plus large marge de manoeuvre dans l'adaptation de ces normes.
M. le président. L'amendement n° 142, présenté par MM. Peyronnet, Bel, Charasse et Courteau, Mme Durrieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche, Lise, Marc, Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe socialiste et rattachée, est ainsi libellé :
« Dans le quatrième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 72 de la Constitution, après le mot : "déroger", insérer les mots : "dans le respect du principe d'égalité". »
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Cet amendement vise à réintroduire ici le principe d'égalité. Certes, ce principe figure déjà dans l'article 1er de la Constitution, mais il nous semble intéressant de voir comment on peut le rendre compatible avec les modalités qui nous sont proposées s'agissant de l'expérimentation. En effet, un membre du Gouvernement a déclaré que l'expérimentation se traduisait nécessairement par une dérogation au principe d'égalité. Or le principe d'égalité s'impose à tous, de toute façon.
Certains ayant donc cru pouvoir dire que l'on pouvait déroger à ce principe, nous pensons qu'il n'est pas inutile de réaffirmer ici que l'expérimentaiton ne saurait s'effectuer que dans le respect du principe d'égalité.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 60 est présenté par M. Girod.
L'amendement n° 143 est présenté par MM. Peyronnet, Bel, Charasse et Courteau, Mme Durieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche, Lise, Marc, Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe socialiste.
L'amendement n° 186 est présenté par Mmes Borvo et Mathon, MM. Bret, Autain et Autexier, Mmes Beaudeau et Beaufils, M. Biarnès, Mme Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud, Le Cam et Loridant, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar et Mme Terrade.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
« Dans le quatrième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 72 de la Constitution, après les mots : "aux dispositions", supprimer les mots : "législatives ou". »
La parole est à M. Paul Girod, pour présenter l'amendement n° 60.
M. Paul Girod. Le quatrième alinéa du texte proposé par l'article 4 pour l'article 72 de la Constitution prévoit, s'agissant de l'exercice des compétences des collectivités, deux types de dérogation qui seront encadrées par une loi organique : des dérogations à la loi et des dérogations au règlement.
Je suis tout à fait partisan des dérogations au règlement, dans la mesure où une loi d'ordre général peut susciter des difficultés d'application en fonction des caractéristiques locales. J'avais d'ailleurs, M. le rapporteur a bien voulu le rappeler, déposé une proposition de loi constitutionnelle allant dans le même sens, puisqu'il s'agissait d'offrir aux régions la possibilité de disposer d'un pouvoir réglementaire d'application pour des lois particulières votées dans des termes spécifiques.
Le Gouvernement souhaite étendre ces dérogations au bénéfice de toutes les collectivités territoriales, et je n'ai pas d'objections sur ce point.
En revanche, s'agissant de la loi, de telles dérogations me paraîtraient imprudentes et risqueraient d'aller trop loin.
M. Michel Charasse. C'est vrai !
M. Paul Girod. Je m'explique : depuis quarante ans, nous n'avons pas cessé d'insérer dans les textes législatifs des dispositions qui, au regard d'une lecture précise de l'article 34 de la Constitution, s'avèrent en réalité ressortir au règlement. J'en avais d'ailleurs donné un exemple, lors de la discussion générale, en rappelant qu'un certain nombre de nos collègues avaient souhaité fixer dans la loi « Montagne » la distance en mètres entre la plantation d'un mélèze et le bord d'une rivière. Voilà qui semble bien difficile à appliquer sur l'ensemble du territoire ! Ces dispositions méritent donc effectivement que l'on puisse, à un certain moment, les adapter.
S'il s'agit ici de viser de telles dispositions, je l'accepte, mais je refuse de considérer que l'on peut déroger à certaines mesures parce que leur application est difficile : on ouvrirait alors la brèche et tout l'arsenal législatif de notre pays serait visé.
C'est en partie pour obtenir du Gouvernement des explications sur ce qu'il entend faire figurer dans la loi organique qui va encadrer cette disposition que j'ai déposé mon amendement.
Quant aux deux amendements n°s 143 et 186, ils sont peut-être rédigés en termes identiques, mais ils n'ont probablement pas été déposés avec les mêmes intentions. (Murmures sur les travées du groupe socialiste et du groupe communiste, républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour présenter l'amendement n° 143.
M. Jean-Pierre Sueur. Il s'agit de tirer les conséquences de l'amendement n° 140 que nous avons présenté tout à l'heure : il convient de bien distinguer la loi et la mise en application de la loi.
M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon, pour défendre l'amendement n° 186.
Mme Josiane Mathon. Cet amendement a déjà été défendu.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. René Garrec, rapporteur. L'amendement n° 139 est contraire à la position de la commission des lois. J'ajoute que j'ai eu la surprise de constater que nos collègues du groupe socialiste voulaient, par cet amendement, supprimer une disposition qui figurait dans la projet de loi relatif à la Corse avant d'avoir été censurée par le Conseil constitutionnel.
M. Michel Charasse. Depuis, ils ont réfléchi !
M. René Garrec, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement, tout en se réjouissant que ses auteurs aient progressé.
M. Michel Charasse. Il y a plus de joie dans le Ciel pour un pécheur repenti...
M. René Garrec, rapporteur. Il y a plus d'une demeure dans la maison du Père !
M. Michel Charasse. Nous sommes en plein droit canon !
M. le président. Monsieur Charasse, vous n'avez pas la parole. Veuillez écouter M. le rapporteur !
M. René Garrec, rapporteur. S'agissant de l'amendement n° 140, je note que M. Sueur se plaint souvent de la qualité rédactionnelle des amendements, mais je constate que le sien n'est pas tellement meilleur que les nôtres ! C'est sans doute dû à la précipitation commune dans laquelle nous avons dû travailler...
Quoi qu'il en soit, cet amendement prive le quatrième alinéa de l'article 4 du projet de loi constitutionnelle d'une grande partie de sa portée. Les collectivités territoriales ne pourraient pas déroger à la loi, elles pourraient simplement adapter certaines modalités d'application, et ces mesures d'adaptation pourraient ensuite être annulées par le pouvoir réglementaire du Premier ministre. La commission est donc défavorable à cet amendement.
La commission est également défavorable à l'amendement n° 141, qui a le même objet.
Elle a émis un avis défavorable à l'amendement n° 94 rectifié, qui est contraire à sa position sur l'expérimentation.
L'amendement n° 184 s'écarte de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, et la commission y est défavorable.
La commission est défavorable à l'amendement n° 79, qui lui paraît apporter une précision inutile.
Elle s'en remet à la sagesse du Sénat sur l'amendement n° 41 rectifié bis . (M. Jean-Pierre Masseret rit.)
M. Daniel Hoeffel. Pourquoi ? Une sagesse favorable, alors ?
M. René Garrec, rapporteur. Une sagesse... favorable.
M. Jean-Claude Gaudin. C'est une sagesse positive !
M. le président. Allons ! allons ! mes chers collègues...
M. René Garrec, rapporteur. La commission est défavorable à l'amendement n° 185. Les expérimentations auront un objet et une durée limités. Autorisées par le Parlement, elles permettront, après une évaluation, d'adapter la législation. La différenciation du droit applicable sur l'ensemble du territoire sera donc temporaire.
La commission est également défavorable à l'amendement n° 206, qui est source de confusion, ainsi qu'à l'amendement n° 142, qui vise à apporter une précision inutile.
Enfin, la commission est défavorable aux amendements identiques n°s 60...
M. Jean-Pierre Masseret. C'est pourtant celui de M. Paul Girod !
M. René Garrec, rapporteur. Cela arrive ! La commission, je le confirme, est défavorable aux amendements identiques n°s 60, 143 et 186.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 139, qui vise à supprimer le dispositif d'expérimentation législative et réglementaire qui serait reconnu aux collectivités territoriales. En effet, l'expérimentation est une des idées centrales du projet de loi constitutionnel.
Si le Gouvernement en a retenu le principe dans le présent projet de loi, c'est que l'expérimentation résulte d'une longue réflexion conduite depuis des années par les parlementaires, par les sénateurs en particulier.
Le Gouvernement est également défavorable à l'amendement n° 140 qui, je dois l'avouer, me plonge dans une certaine perplexité. Cet amendement tend en effet à autoriser les collectivités locales à procéder à une adaptation pérenne des modalités d'application de certaines lois. Or il ne s'agit pas là de l'expérimentation telle que nous la concevons. Depuis le début de ce débat, vous nous expliquez que le Gouvernement va créer des inégalités alors que nous proposons, au contraire, une expérimentation qui devra faire l'objet d'une évaluation avant d'être soit généralisée soit abandonnée. Autoriser une adaptation pérenne des modalités d'application de certaines lois me paraît surprenant, dangereux et très inégalitaire.
Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 141, tout comme il l'est à l'amendement n° 194 rectifié, pour une raison simple, monsieur Charasse : l'expérimentation met nécessairement en cause une certaine conception uniforme du principe d'égalité.
M. Michel Charasse. Ah !
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Mais vous savez bien, monsieur le sénateur, que le Conseil constitutionnel examinera la proportionnalité entre l'intérêt général et le respect du principe d'égalité,...
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission. Voilà !
M. Dominique Perben, garde des sceaux. ... ainsi que nous le disons depuis quelques jours déjà.
Sur l'amendement n° 184, le Gouvernement émet également un avis défavorable, comme sur l'amendement n° 79, qui lui paraît tout à fait inutile.
Avec l'amendement n° 9, M. le rapporteur propose la suppression des mots : « ou d'un droit constitutionnellement garanti ». Je crois que, de ce point, nous pourrions débattre longuement ! Le Gouvernement s'en remet donc à la sagesse de la Haute Assemblée.
Sur l'amendement n° 41 rectifié bis , non seulement le Gouvernement et favorable, mais le garde des sceaux l'est de façon enthousiaste car il est personnellement tout à fait convaincu de l'intérêt de l'intercommunalité.
M. Jean-Claude Gaudin. Très bien !
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Pour avoir personnellement travaillé longuement sur ce sujet, je considère que l'amendement que M. Hoeffel a déposé avec MM. Gaudin, Darniche, Lorrain, Hyest et Mercier est extrêmement intéressant.
M. Jean-Claude Gaudin. M. Mauroy aurait d'ailleurs pu lui aussi signer cet amendement !
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Effectivement !
Cet amendement est le résultat d'une discussion constructive, je tiens à le souligner, entre le Gouvernement et la Haute Assemblée. Il n'est pas inutile de le rappeler à la suite de ce qui a pu être dit par les uns ou par les autres. C'est la concrétisation très claire d'un engagement du Premier ministre.
M. Jean-Claude Gaudin. Très bien !
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° 185.
S'agissant de l'amendement n° 206 de M. Delfau, il aboutirait à priver de sa substance le pouvoir normatif qui sera reconnu aux collectivités dans le cadre de l'expérimentation. Cette raison suffit à justifier l'avis défavorable du Gouvernement.
Sur l'amendement n° 142, le Gouvernement émet également un avis défavorable. Je reviens à ce propos sur ce que je disais tout à l'heure à M. Charasse, car il n'est pas inutile de le rappeler : il convient de permettre de déroger au principe d'égalité dans une mesure strictement proportionnée à l'intérêt général que représente le recours à l'expérimentation.
S'agissant de l'amendement n° 60, je souhaite préciser à M. Girod que, contrairement à ce qui est inscrit dans l'exposé des motifs de son amendement, le droit à l'expérimentation n'est pas uniquement encadré par la future loi. Vous me demandez, monsieur le sénateur, quel sera le contenu de celle-ci. Je suis incapable, bien sûr, de vous répondre, puisqu'il appartiendra au Sénat et à l'Assemblée nationale, sur proposition du Gouvernement, d'adopter les futures lois organiques ou ordinaires. Mais l'expérimentation sera avant tout encadrée par la Constitution, qui n'autorise les collectivités à déroger qu'aux dispositions législatives ou réglementaires qui régissent leurs compétences et sous la double réserve de ne concerner ni les conditions essentielles d'exercice d'une liberté politique ni l'exercice d'un droit constitutionnellement garanti.
Même si cette dernière réserve a été levée, elle est implicite. C'est la raison pour laquelle cette expérimentation ne comporte aucun danger, y compris dans le domaine législatif.
Le Gouvernement est donc défavorable à l'amendement n° 60.
L'avis du Gouvernement est également défavorable sur les amendements n°s 143 et 186.
M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote sur l'amendement n° 139.
M. Michel Charasse. Monsieur le président, je suis favorable à la suppression du quatrième alinéa du texte proposé pour l'article 72 de la Constitution parce qu'il me paraît lui aussi - ce n'est pas une manie de ma part - très mal rédigé compte tenu de ce que nous avons déjà voté.
J'appelle votre attention, monsieur le président, mes chers collègues, sur le fait que nous avons voté un article 2 tendant à insérer un nouvel article 37-1 dans la Constitution ainsi libellé : « La loi et le règlement peuvent comporter, pour un objet et une durée limités des dispositions à caractère expérimental. »
Or l'alinéa dont je souhaite la suppression dispose : « Dans les conditions prévues par la loi organique... ». Est-ce que cela signifie que, pour les collectivités locales, il faudra toujours une loi organique ? Est-ce que cela veut dire que, dans la mesure où une loi ordinaire expérimentale doit être appliquée par les collectivités locales, celles-ci ne pourront l'appliquer que si cette loi ordinaire expérimentale est confirmée par une loi organique ? (M. le garde des sceaux fait un geste dubitatif.)
Il s'agit là d'une question précise. Vous pouvez me dire : on pourra toujours s'en tirer en votant le même jour la loi ordinaire et la loi organique ! Certes, mais ce sont là des débats qui ressemblent sans doute à ceux qui ont pu se produire autrefois, en 1958, au sein du Comité consultatif constitutionnel. Tout cela est assez mal étudié, assez mal « boutiqué » !
Je répète donc ma question : une loi ordinaire comportant des dispositions expérimentales pourra-t-elle être appliquée par une collectivité territoriale ou les collectivités devront-elles attendre que cette loi soit confirmée par une loi organique ?
Tout cela est tellement « cafouilleux » que je voterai dans l'enthousiasme l'amendement n° 139.
M. le président. La parole est à M. Paul Dubrule, pour explication de vote.
M. Paul Dubrule. Cette forêt d'amendements cache quelque peu la réalité. En fait, il s'agit d'une défense des pouvoirs de l'Etat qui pourraient être transférés aux collectivités locales. J'en veux pour preuve l'intervention de M. Sueur, lequel regrettait tout à l'heure qu'on ne mentionne pas dans les textes la déconcentration.
Mais qu'est-ce que la déconcentration si ce n'est le fait, pour l'Etat, de reprendre de la main gauche ce qu'il a pu octroyer de la main droite ? Or, à l'avenir, les lois organiques devront veiller à poser d'une façon précise des limites à une déconcentration qui fait souvent doublon avec le pouvoir des régions et des départements.
Cette lutte contre l'expérimentation montre bien la crainte de l'extension de l'expérimentation - qui pourra avoir un certain succès - à d'autres départements, à d'autres régions, éventuellement par les lois organiques. Cette lutte traduit une volonté de restriction, et tous ces amendements visent à freiner l'élaboration de cette loi constitutionnelle qui est un des grands moments de ce pouvoir.
Je voterai donc contre l'ensemble de ces amendements.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 139.
M. Michel Charasse. Je ne peux donc pas espérer de réponse de la part de M. le ministre !
M. le président. Je ne peux pas obliger M. le ministre à vous répondre, monsieur Charasse.
M. Jean-Claude Gaudin. Il l'a déjà fait, et très bien d'ailleurs !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 139.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote sur l'amendement n° 140. M. Michel Charasse. Si je comprends bien, lorsqu'une loi ordinaire aura pris des dispositions à caractère expérimental, une association relevant de la loi 1901 ou une chambre de commerce ou un port autonome, par exemple, pourront l'appliquer, mais une collectivité élue au suffrage universel direct ne le pourra pas s'il n'y a pas de loi organique. C'est étonnant ! Cela revient à dire qu'en fait une collectivité élue au suffrage universel vaut moins qu'un regroupement de quartier ! (Protestations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.) Je lis vos textes, je n'invente rien !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Je suis étonné par la tournure que prend ce débat, et je souligne, monsieur le sénateur, que la provocation n'est pas une façon de s'expliquer ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR.)
M. Michel Charasse. Ceux qui n'ont pas compris applaudissent !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 140.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 141.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 94 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 184.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote sur l'amendement n° 79.
Mme Marie-Christine Blandin. Je ne provoque pas, je ne demande qu'à entendre et à comprendre !
Mentionner les engagements internationaux de la France me semblait fondamental, lourd de sens, porteur d'engagements. Le ministre nous répond que c'est superflu, que cela va de soi. Mais pourquoi le texte mentionne-t-il les libertés publiques ou le droit constitutionnellement garanti ?
Ou tout doit être écrit, notamment les engagements internationaux de la France qui pèsent bien autant que les deux domaines que je viens de citer, ou il est superflu de les inscrire eux aussi et le texte est trop lourd. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Pierre Sueur. Toujours pas de réponse !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 79.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote sur l'amendement n° 9.
M. Michel Charasse. La commission des lois nous propos de supprimer l'une des deux formules dont Mme Blandin rappelait l'existence il y a un instant : on laisserait figurer dans le texte les libertés publiques, mais on enlèverait les mots « ou d'un droit constitutionnellement garanti ».
M. René Garrec, rapporteur. Oui !
M. Michel Charasse. M. le rapporteur nous a dit : c'est parce que les droits constitutionnellement garantis sont garantis par la Constitution et qu'il n'est, par conséquent, pas besoin de le répéter. Je paraphrase à peine ses propos.
Mais, monsieur le rapporteur, la liberté aussi est garantie par la Constitution.
M. René Garrec, rapporteur. Non !
M. Michel Charasse. Donc, si l'on n'inscrit pas l'un, il n'est pas besoin d'inscrire l'autre.
Je comprends d'ailleurs que le Gouvernement ne soit pas favorable au découpage de sa phrase, même s'il s'en remet à la sagesse du Sénat. Je dirai d'ailleurs au passage à M. Perben que j'ai trop d'estime pour lui pour le laisser penser que je fais de la provocation. J'essaie simplement de comprendre ce texte parce que je le trouve mal fichu. Je n'y peux rien ! Ce n'est pas une attaque personnelle !
J'en reviens à cet amendement baroque de la commission qui pose un problème.
On nous dit que le principe d'égalité est constitutionnellement garanti. Très bien ! Cette question a fait l'objet d'un débat tout à l'heure, et M. Perben y a partiellement répondu en déclarant à peu de chose près que l'on pourra porter atteinte au principe d'égalité si l'on poursuit un objectif de valeur constitutionnelle. Je l'avais dit moi-même la semaine dernière sans obtenir de réponse. On a donc réfléchi à la question depuis !
Je voudrais donc que l'on m'explique pourquoi l'on maintient les libertés publiques alors qu'elles sont garanties par la Constitution et que l'on enlève les droits constitutionnellement garantis dans la mesure où ils le sont aussi. Il y a là une incohérence que je ne comprends pas très bien.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. René Garrec, rapporteur. Je suis désolé que mon collègue M. Charasse moleste cet amendement de la commission.
Les libertés publiques sont du domaine de la loi, elles relèvent du législateur ordinaire.
Quant aux droits constitutionnellement garantis, ils sont garantis par la Constitution et s'imposent à tous ; il est inutile de le répéter, ou alors il faudrait le faire à chaque fois pour qu'ils soient respectés.
Pour ce qui est des traités internationaux, ils s'imposent au pays comme le droit constitutionnel alors que les libertés publiques sont du domaine de la loi.
M. Michel Charasse. Je ne comprends toujours pas !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 9.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote sur l'amendement n° 41 rectifié bis .
Mme Marie-Christine Blandin. J'ai bien retenu la manière dont la commission des lois m'a répondu sur le point relatif à l'introduction des communautés à fiscalité propre, pointant mon inexpérience, soulignant que le terme utilisé était incorrect et qu'il eût été préférable de faire état d'établissements publics, notamment.
Je note simplement que, quand on se contente d'évoquer les groupements de communes, tout va bien : la décision est renvoyée à la sagesse du Sénat, même si un esprit pointilleux pourrait y voir la porte ouverte aux syndicats intercommunaux à vocation multiple, les SIVOM, ou aux syndicats intercommunaux à vocation unique, les SIVU.
Mais l'essentiel de mon propos porte non pas sur cette petite vexation, mais sur la méthode. (Exclamations sur les travées du RPR.)
Je suis soigneuse : je conserve les liasses d'amendements successives, sur lesquelles je reporte les notes que je prends, les pages de garde de ces liasses, la verte du 30 octobre à quinze heures trente, la bleue du 31 octobre à huit heures et la jaune du 5 novembre - celle d'aujourd'hui - à douze heures, ainsi que les dérouleurs correspondants.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. On dirait un inventaire à la Prévert !
Mme Marie-Christine Blandin. J'ai vainement recherché l'amendement n° 41. Monsieur le président, est-il normal que nous examinions un amendement n° 41 rectifié bis, alors que le dérouleur du 30 octobre à quinze heures trente ne comportait ni l'amendement n° 41 rectifié ni même l'amendement n° 41 ?
M. Guy Fischer. C'est un amendement virtuel !
M. le président. Madame, après avoir interrogé nos services, je suis en mesure de vous donner l'explication technique : les amendements ont été rectifiés avant que le jeu classé ne soit constitué et avant le tirage du dérouleur de séance.
Mme Marie-Christine Blandin. Monsieur le président, le dérouleur est notre outil de travail. Si nous n'avons pas connaissance des amendements dont nous débattons, nous ne pouvons pas travailler !
M. le président. Madame Blandin, ce n'est pas la première fois que les choses se passent ainsi, même si, j'en conviens, il faut essayer de l'éviter.
La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Peyronnet. Monsieur le président, je ne suis pas du tout convaincu par les explications que vous venez de donner à Mme Blandin !
Bien que cet amendement suscite une certaine sympathie, nous préconiserons l'abstention, car nous pensons qu'il comporte beaucoup d'incertitude. En effet, l'introduction dans la Constitution du mot « groupements » pose un vrai problème en raison de son sens extrêmement large et imprécis. On peut penser que n'importe quel syndicat serait concerné.
Je ne suis pas du tout d'accord avec M. Jean-Claude Gaudin quant il dit que M. Mauroy aurait pu signer cet amendement. Ce n'est pas ce que souhaitait M. Mauroy. Il avait compris qu'il s'agissait d'introduire, comme collectivités à part entière, des communautés de communes, ce qui est autre chose ! Peut-être aurait-il pu le signer,...
M. Jean Chérioux. Nous voilà soulagés !
M. Jean-Claude Peyronnet ... mais sous une forme juridiquement plus rigoureuse.
Cela dit, on comprend bien qu'il ne s'agit pas de n'importe quel SIVU de campagne ! En réalité, les seules vraies expérimentations dans ce domaine concerneront les communautés urbaines, les grosses collectivités. Selon moi, il aurait donc mieux valu purement et simplement inscrire dans la Constitution que sont concernées les collectivités urbaines.
M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.
M. Michel Charasse. Comme mon collègue et ami M. Peyronnet, j'ai - on le comprendra - une certaine bienveillance à l'égard de cet amendement, mais le fait pour le Sénat de l'adopter - ce qui va sans doute arriver dans quelques instants - ne devra pas nous dispenser, au cours de la navette, de chercher une autre rédaction.
En effet, mes chers collègues, je vous rappelle que les groupements ont des compétences qui découlent quelquefois de la loi et, la plupart du temps, du libre consentement des collectivités groupées. Par conséquent, sans l'accord des communes - pour parler librement - membres d'un groupement, les groupements soit n'ont aucune compétence, soit n'ont que les compétences prévues par la loi et, dans ce dernier cas, on sait qu'elles ne sont pas très nombreuses, qu'il s'agisse des communautés urbaines ou des communautés à fiscalité propre.
Les questions qui se posent me paraissent importantes pour la suite de la navette, mais je ne demande pas qu'on leur apporte une réponse tout de suite.
Lorsque l'on va accorder une dérogation aux communes pour modifier leur compétence, si elles ont délégué cette compétence à une communauté, faudra-t-il une loi spéciale pour autoriser les communautés à faire l'expérimentation de la compétence ? A mon avis, non. Mais encore faudrait-il que cela soit clair et qu'on le sache.
Si le groupement ne peut pas déroger parce qu'on n'a pas voté de loi dans ce sens, mais si, dans la compétence considérée, la commune peut déroger, peut-on considérer que la compétence n'est plus la même que celle qu'elle a déléguée et que, par conséquent, cette compétence déléguée tombe automatiquement et revient à la commune pour qu'elle puisse l'expérimenter ? Je n'en sais rien !
Et comment les groupements peuvent-ils expérimenter - car on peut très bien, par exemple, voter une loi les autorisant à expérimenter dans tel domaine - s'ils n'ont pas la compétence et si l'on n'est pas sûr qu'ils l'auront, notamment parce que le législateur n'est pas favorable à la leur donner ?
Ne va-t-on pas aboutir, dans certains cas, à créer, par la loi, une tutelle des groupements sur les collectivités de base que sont les communes, sans forcément l'avoir voulu ?
Pourquoi dis-je cela ? Ce n'est pas pour embêter qui que ce soit, c'est parce que je crois - et je le dis à M. Gaudin, qui est l'un des premiers signataires de cet amendement après M. Hoeffel - qu'il faut, à l'occasion de la navette, bien préciser les choses ou renvoyer à une loi spéciale. Il y a en effet des chevauchements involontaires qui peuvent aboutir à des situations inextricables !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Il y a la loi organique !
M. Michel Charasse. Ce sont les raisons pour lesquelles, comme mon groupe, je m'abstiendrai sur cet amendement, bien que l'idée soit excellente.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. La situation est toujours confuse ! En effet, ce qui était porteur, monsieur Gaudin, c'était l'amendement n° 41 rectifié, que vous aviez signé la semaine dernière avec M. Hoeffel et qui visait à inscrire les groupements à fiscalité intégrée dans la liste des collectivités territoriales.
M. Robert Bret. Il est retiré !
M. Jean-Pierre Sueur. Cet amendement a effectivement subi la dure loi qui est très intensément mise en application ici jour après jour et nuit après nuit, et qui conduit au retrait soudain des amendements ! Je me permets de vous le dire, monsieur Gaudin, vous auriez dû maintenir l'amendement n° 41 rectifié, car il avait le mérite de la clarté.
De surcroît, à partir du moment où nous retenons l'argument de M. Garrec - comme il nous l'a expliqué tout à l'heure, des collectivités territoriales procéderont dans le futur non pas du suffrage universel mais du suffrage indirect en raison de la nouvelle rédaction de la Constitution -, il n'y a plus d'objections - nous pensions d'ailleurs qu'il n'y en avait pas dès la semaine dernière - pour refuser votre amendement n° 41 rectifié.

En réalité, on vous a offert un petit cadeau en guise de compensation en vous disant : « Eh bien, on va faire entrer ces communautés dans la Constitution non pas par la grande porte, c'est-à-dire en les inscrivant dans la liste des collectivités territoriales, mais en les intégrant dans le passage relatif à l'expérimentation ! » (Protestations sur le banc des commissions.)
Cela a quand même une conséquence, à savoir que tous les groupements, qu'il s'agisse de SIVU, de SIVOM ou de pays - qui sont des groupements de communes -, pourront expérimenter. De plus, en raison de l'alinéa qui suit, ils pourront aussi être chefs de file. Si l'on en doutait encore, il suffirait de lire le texte suivant, qui figure à la page 114 de l'excellent rapport de M. Garrec : « Enfin, s'il ne juge pas opportun de faire figurer les établissements publics de coopération intercommunale et les syndicats mixtes dans la Constitution puisque, par définition, il ne s'agit que d'établissements publics créés par les collectivités territoriales, votre commission considère que, dans la mesure où ils agissent par délégation de leurs membres, ces établissements pourraient également se voir confier le rôle de collectivité "chef de file". »
Le bricolage permanent auquel nous assistons aboutit donc à inscrire dans la Constitution la possibilité pour un SIVU ou pour un SIVOM d'être chef de file pour la mise en oeuvre d'une opération au sein d'une région ou d'un département, et de fixer les modalités de la mise en oeuvre commune par ces collectivités de ladite opération. C'est exactement ce qu'il y a dans le texte. Telles sont les contradictions totales auxquelles nous aboutissons, tout cela pour évoquer à la faveur de cet alinéa de la Constitution les groupements de communes qui figuraient dans l'amendement de départ qui était le vôtre, messieurs Gaudin et Hoeffel, qui était bon, mais auquel vous avez dû renoncer ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Dominique Perben, garde des sceaux. A ce stade du débat, je souhaite préciser les choses.
Monsieur Sueur, vous parlez d'une approximation mais, excusez-moi de vous le dire, c'est l'exposé que vous venez de faire qui est approximatif !
Vous ne pouvez pas tenir de tels propos avec tant d'assurance, ou alors vous n'avez pas lu le texte du Gouvernement ! Vous n'avez pas noté que la loi organique, par définition, allait préciser les conditions d'application du quatrième alinéa.
M. Claude Estier. On ne la connaît pas !
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Je ne peux pas vous laisser dire que ce sera n'importe quoi ! (M. Jean-Pierre Sueur proteste.) Je ne vous ai pas interrompu, monsieur le sénateur, alors je vous saurais gré de faire de même !
Vous ne pouvez donc pas, histoire de faire peur, raconter n'importe quoi en évoquant ce qui risque de se passer. Le projet de loi organique que vous voterez ou non, monsieur Sueur, mais que vous discuterez, et sur lequel vous déposerez des amendements, précisera les choses dans le cadre de la responsabilité du Parlement.
Nous sommes actuellement dans la phase constitutionnelle. Il s'agit de rendre possibles un certain nombre d'actions, dont le contenu sera précisé par la loi organique, puis par la loi ordinaire. C'est le travail normal du Parlement !
Il est choquant que vous tentiez de créer une sorte de peur ou d'incertitude sur les intentions ou les fantasmes du Gouvernement, alors qu'il s'agit de rendre possible l'expérimentation.
Je souhaitais apporter cette précision parce que je ne veux pas que le compte rendu des séances fasse état de telles approximations. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Gaudin, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Gaudin. Si l'on suit les rêveries de M. Sueur, on pourrait aussi dire que, dans les communautés d'agglomération ou dans les communautés urbaines, il y a des compétences obligatoires ou optionnelles. C'est pour simplifier les choses que M. Hoeffel, les autres cosignataires de cet amendement et moi-même l'avons déposé.
Je tiens ici à remercier M. le garde des sceaux et M. le Premier ministre, car ce dernier s'est engagé, il n'y a pas huit jours, devant les quatorze présidents de communautés urbaines. Vous allez me dire, monsieur Sueur, si l'on suit toujours votre raisonnement, que quatorze, ce n'est rien du tout ! Cela représente pourtant un Français sur dix, 6,5 millions de Français, 1,5 milliard d'euros par an d'investissements au service du peuple et de nos compatriotes !
Ces quatorze présidents de communautés urbaines souhaitaient obtenir du Gouvernement que les communautés urbaines, les communautés d'agglomération - désormais sous la forme de « groupements » - puissent participer à l'expérimentation. Le Premier ministre s'est engagé.
Il a même été question, à un moment donné, qu'un amendement soit déposé par M. Mauroy, M. Hoeffel et moi-même. Nous y avons renoncé pour ne pas vous être désagréable, estimant que cela ne vous plairait pas. D'ailleurs, dans le système politique actuel, mieux vaut clarifier les choses.
Pendant cinq années, vous avez recentralisé, donné des pouvoirs supplémentaires aux préfets pour reprendre ce que, généreusement, vous vouliez donner d'une main, en faisant des lois de contrainte, en forçant les maires, comme avec la loi SRU. Alors, un peu de modestie ! L'expression « ou leurs groupements », si elle nous convient, peut vous convenir aussi ! D'ailleurs, j'observe que, Mauroy ou pas Mauroy, finalement, vous allez vous abstenir. Eh bien, nous, monsieur le garde des sceaux, nous voterons volontiers cet amendement.
Je vous dis merci, à vous, ainsi qu'à M. le Premier ministre qui respecte sa parole : tel n'a pas toujours été le cas dans le passé ! (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, et du RPR. - Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Michel Charasse. Cela n'a rien à voir avec ce que j'ai dit !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 41 rectifié bis.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. La parole est à M. Paul Girod, contre l'amendement n° 185.
M. Paul Girod. Je souhaite attirer l'attention des auteurs de cet amendement sur l'énorme imprudence qu'ils commettent : si, par malheur, cet amendement était adopté, seul le pouvoir réglementaire pourrait prévoir des dérogations à la loi, ce qui irait vraisemblement très au-delà de ce que l'on peut concevoir aujourd'hui. C'est la raison pour laquelle je voterai des deux mains contre cet amendement.
Par ailleurs, compte tenu des propos qu'à tenus tout à l'heure M. le ministre sur la manière dont il envisage l'encadrement des expérimentations, je retire l'amendement n° 60, identique aux amendements n°s 143 et 186, mais que j'avais déposé dans un esprit différent.
M. le président. L'amendement n° 60 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 185.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 206.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l'amendement n° 142.
M. Jean-Pierre Sueur. Cette explication de vote vaut également pour les autres amendements que nous avons déposés sur cet article.
Monsieur le garde des sceaux, la réponse que vous nous avez donnée tout à l'heure n'en était pas une. En effet, vous avez dit ceci : Cette Constitution, telle que nous la proposons, est très bien ! Des lois organiques interviendront, de sorte que vous n'avez rien à craindre. Vous excluez ainsi la possibilité, pour des groupements qui ne seraient pas à fiscalité propre, de devenir chef de file, au motif que la loi organique ou les lois futures l'excluront. Mais nous n'en savons rien, puisque vous ne nous avez rien dit du contenu ni des lois organiques ni des lois que vous pensez nous proposer. Nous n'avons même pas un avant-projet sommaire ! Nous devons donc nous prononcer sur un texte tendant à modifier la Constitution, sachant que la Constitution dure longemps et qu'après ce gouvernement il y aura d'autres gouvernements. Par conséquent, le fait de nous dire qu'on votera une loi demain ou après-demain ne peut en acucun cas être considéré comme une une réponse aux questions que nous nous posons.
M. Jean-Claude Gaudin. Cela n'a rien voir !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 142.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 143 et 186.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

(M. Jean-Claude Gaudin remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN
vice-président

M. le président. Je suis maintenant saisi de six amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune ; mais, pour la clarté du débat, je les appellerai successivement.
L'amendement n° 144, présenté par MM. Peyronnet, Bel, Charasse et Courteau, Mme Durrieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche, Lise, Marc, Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe socialiste, est ainsi libellé :
« Supprimer l'avant-dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 72 de la Constitution. »
La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. Cet amendement concerne le « chef de file ». Même s'il n'y est pas fait explicitement référence, cette notion existe toujours.
Il est vrai qu'un certain nombre de collectivités - notamment les départements -, par le biais de l'Assemblée des départements de France, ont longtemps demandé la reconnaissance du « chef de file ». Dans leur esprit, il ne s'agissait sans doute pas de le reconnaître dans la Constitution : elles souhaitaient surtout que les citoyens puissent parfaitement identifier, parmi les différentes collectivités, celle qui, lors d'une opération particulière, sera acteur, donc le maître d'ouvrage. Tel est le sens de la notion de « chef de file ».
Dans le texte qui nous est proposé, c'est tout à fait différent : il s'agit non pas d'une opération particulière, donc d'une opération temporaire, mais de l'exercice d'une compétence. Autrement dit, c'est beaucoup plus large et beaucoup plus important que la réalisation d'un pont, d'une autoroute, ou autres. Sans vouloir faire de procès d'intention au Gouvernement - nous n'en avons d'ailleurs jamais fait -, il y a là les éléments constitutifs d'une tutelle d'une collectivité sur une autre.
Tout d'abord, le texte prévoit que la collectivité qui se voit confier le pilotage d'une opération obtient, par la même occasion, le pouvoir de fixer les modalités de l'action commune. Autrement dit, sans que soient prévus des discussions ou des contrats librement consentis entre les collectivités, la loi délègue totalement à la collectivité chef de file le droit de fixer seule les modalités de l'action.
Il s'agit véritablement d'un élément constitutif de tutelle. Cela est d'autant plus vrai que l'article 6 dispose, même si les choses semblent évoluer : « les recettes fiscales, les autres ressources propres des collectivités et les dotations qu'elles reçoivent d'autres collectivités territoriales représentent une part déterminante de l'ensemble de leurs ressources. »
Autrement dit, il est prévu que les ressources pérennes des collectivités territoriales comportent des dotations qui proviennent d'autres collectivités. S'il ne s'agit pas là de contingents d'aide sociale, de contingents de services et de secours...
M. Michel Charasse. Quelle horreur !
M. Jean-Claude Peyronnet. Effectivement !
... ou de toute autre sorte de contingent qui ont été supprimés, cela y ressemble beaucoup.
En d'autres termes, ces deux éléments concourent vraiment à la mise en oeuvre d'une tutelle. En outre, et c'est là une interprétation personnelle, au travers des chefs de file qui pourraient exercer cette tutelle, ce sont les régions qui sont visées.
M. Josselin de Rohan. C'est abominable !
M. Jean-Claude Peyronnet. Même si ce n'est pas expressément indiqué, je crois que c'est sous-jacent dans le texte.
Je sais que la commission des lois a proposé des amendements qui visent, en apparence, à atténuer les dégâts que pourrait entraîner l'adoption de ces dispositions. Mais je crains - nous en reparlerons - que, pour corriger ces risques, elle n'introduise en réalité plus de confusion et de contradiction entre deux éléments : d'une part, la proclamation qu'aucune collectivité ne peut exercer une tutelle sur une autre et, d'autre part, le maintien de la possibilité de fixer, pour la collectivité qui reçoit la compétence, les modalités de l'action. Même s'il s'agit d'organiser, on n'est pas là expressément dans le contrat librement consenti entre les collectivités.
Je propose donc la suppression pure et simple de cet alinéa. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. L'amendement n° 145, présenté par MM. Peyronnet, Bel, Charasse et Courteau, Mme Durrieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche, Lise, Marc, Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe socialiste et rattachée, est ainsi libellé :
« Remplacer l'avant-dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 72 de la Constitution par deux alinéas ainsi rédigés :
« Aucune collectivité territoriale ne peut exercer une tutelle sur une autre collectivité territoriale.
« Lorsque la réalisation d'un objectif commun nécessite le concours de plusieurs collectivités territoriales, la loi détermine les conditions dans lesquelles ces collectivités peuvent confier librement à l'une d'entre elles la responsabilité de la mise en oeuvre des décisions nécessaires ainsi que les modalités de leur participation à l'action commune. »
La parole est à M. Jean-Pierre-Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. L'avant-dernier alinéa du texte proposé par l'article 4 est explicitement contraire au principe en vertu duquel une collectivité ne peut pas exercer de tutelle sur une autre collectivité, comme vient de le dire M. Peyronnet. C'est très grave ! C'est pourquoi nous proposons, par cet amendement n° 145, d'inscrire dans la Constitution ce qui figurait dans les lois Defferre : « Aucune collectivité territoriale ne peut exercer une tutelle sur une autre collectivité territoriale. »
En conséquence, il faut naturellement modifier la rédaction de l'alinéa puisque, en l'état, elle est contraire à ce principe. Il vous est donc proposé, mes chers collègues, d'écrire noir sur blanc dans la Constitution qu'une collectivité peut « fixer » les modalités de l'action commune.
Je prendrai un seul exemple, celui des universités. Aujourd'hui, que se passe-t-il ? On se retrouve autour d'une table - l'université, la commune, l'agglomération, la région et l'Etat - et on se met d'accord librement. Demain, si cette disposition est votée et que l'on décide que le chef de file est la région, cette dernière pourra fixer la contribution financière du département, de la commune et de l'agglomération.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Tout à fait !
M. Jean-Pierre Sueur. Il s'agit d'une question essentielle qui mérite une réflexion approfondie. C'est la raison pour laquelle nous vous proposons, mes chers collègues, la rédaction suivante : « ... la loi détermine les conditions dans lesquelles ces collectivités peuvent confier librement » - j'y insiste - « à l'une d'entre elles la responsabilité de la mise en oeuvre des décisions nécessaires... »
Ne croyez-vous pas qu'il est préférable de prévoir dans la Constitution que la loi fixe les conditions dans lesquelles les collectivités territoriales concernées décident « librement » de confier à l'une d'entre elles le soin de conduire telle ou telle action commune à plusieurs d'entre elles, plutôt que de donner à une collectivité le pouvoir souverain de fixer les modalités de l'action commune, et ce au mépris de la règle selon laquelle il n'y a pas de tutelle d'une collectivité sur une autre ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. L'amendement n° 95 rectifié, présenté par M. Charasse et les membres du groupe socialiste, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le cinquième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 72 de la Constitution :
« Lorsque l'exercice d'une compétence nécessite le concours de plusieurs collectivités territoriales, la loi détermine les conditions dans lesquelles ces collectivités peuvent confier librement à l'une d'entre elles la responsabilité de la mise en oeuvre des décisions nécessaires ainsi que les modalités de leur participation à l'action commune. »
La parole est à M. Michel Charasse.
M. Michel Charasse. Cet amendement est très voisin du précédent, à cela près qu'il ne rappelle pas qu'il ne peut pas y avoir de tutelle d'une collectivité sur une autre, puisque cela figure déjà dans la loi Defferre. Mais il n'y a pas d'inconvénient à le rappeler dans la Constitution. C'est d'ailleurs ce que nous proposera dans quelques instants le rapporteur-président avec l'amendement n° 10 rectifié.
Comme l'a souligné M. Sueur, le texte qui nous est soumis par le Gouvernement comporte deux inconvénients majeurs.
Tout d'abord, les collectivités seraient contraintes de suivre le chef de file.
M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !
M. Michel Charasse. Or c'est une atteinte grave au principe selon lequel aucune collectivité ne peut exercer de tutelle sur une autre.
Ensuite, nous sommes quand même le législateur ! Or l'article 4 du projet de loi prévoit que la loi peut confier à l'une d'entre elles le pouvoir de « fixer » les modalités de leur action commune. Cela veut dire que, dans ce domaine de l'action commune, le législateur déléguerait son droit de fixer les règles concernant le régime des collectivités territoriales à une collectivité désignée comme chef de file par la loi.
Je comprendrais que le constituant écrive que la loi peut fixer les règles d'intervention et charger une collectivité d'être chef de file, ce qui ne fait pas tomber mon argument sur la tutelle ; mais il est impossible de déléguer notre droit de faire la loi à une collectivité territoriale. C'est la raison pour laquelle je vous propose, dans cet amendement n° 95 rectifié, une nouvelle rédaction du cinquième alinéa.
Certes, je ne rappelle pas, je le répète, qu'il ne peut y avoir de tutelle d'une collectivité sur une autre, mais je fais apparaître, d'une part, comme l'a dit M. Sueur, que les collectivités locales ne peuvent être associées à une action commune que si elles l'acceptent et, d'autre part, que les modalités de leur participation à l'action commune relèvent non pas d'une décision d'une collectivité locale, mais de la loi.
D'ailleurs, la rédaction prévue dans le projet de loi, qui est vraiment très préoccupante puisqu'elle dessaisit le Parlement, ne correspond certainement pas à ce que voulait le Gouvernement, car je n'imagine pas qu'il ait voulu dessaisir le législateur au profit des collectivités locales. Mais c'est ce à quoi elle aboutit ! Alors, de grâce, mes chers collègues, ne transférons pas le pouvoir législatif aux collectivités territoriales. Ce serait le monde à l'envers !
M. le président. L'amendement n° 10 rectifié, présenté par M. Garrec, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit l'avant-dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 72 de la Constitution :
« Aucune collectivité territoriale ne peut exercer une tutelle sur une autre. Cependant, lorsque l'exercice d'une compétence nécessite le concours de plusieurs collectivités territoriales, la loi peut autoriser l'une d'entre elles à organiser les modalités de leur action commune. »
Cet amendement est assorti de cinq sous-amendements.
Les quatre premiers sont présentés par MM. Peyronnet, Bel, Charasse et Courteau, Mme Durieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche, Lise, Marc, Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe socialiste et rattachée.
Le sous-amendement n° 220 est ainsi libellé :
« Supprimer la seconde phrase du texte proposé par l'amendement n° 10 rectifié pour l'avant-dernier alinéa de l'article 72 de la Constitution. »
Le sous-amendement n° 221 est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit la seconde phrase du texte proposé par l'amendement n° 10 rectifié pour l'avant-dernier alinéa de l'article 72 de la Constitution :
« Lorsque la réalisation d'un objectif commun nécessite le concours de plusieurs collectivités territoriales, la loi détermine les conditions dans lesquelles ces collectivités peuvent confier librement à l'une d'entre elles la responsabilité de la mise en oeuvre des décisions nécessaires ainsi que les modalités de leur participation à l'action commune. »
Le sous-amendement n° 223 est ainsi libellé :
« Dans la seconde phrase du texte proposé par l'amendement n° 10 rectifié pour l'avant-dernier alinéa de l'article 72 de la Constitution, remplacer les mots : ", la loi peut autoriser l'une d'entre elles à organiser les modalités de leur action commune.", par les mots : ", la loi fixe les conditions dans lesquelles celles-ci peuvent confier librement à l'une d'entre elles la responsabilité de la mise en oeuvre des décisions nécessaires." »
Le sous-amendement n° 222 est ainsi libellé :
« Dans la seconde phrase du texte proposé par l'amendement n° 10 rectifié pour l'avant-dernier alinéa de l'article 72 de la Constitution, remplacer les mots : ", la loi peut autoriser l'une d'entre elles à organiser les modalités de leur action commune.", par les mots : ", la loi fixe les conditions dans lesquelles celles-ci peuvent confier librement à l'une d'entre elles l'organisation des modalités de leur action commune." »
Le sous-amendement n° 264, présenté par M. Charasse, est ainsi libellé :
« Dans la seconde phrase du texte proposé par l'amendement n° 10 rectifié pour l'avant-dernier alinéa de l'article 72 de la Constitution, après les mots : "à organiser", insérer les mots : "avec leur accord". »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 10 rectifié.
M. René Garrec, rapporteur. Cet amendement fera plaisir à notre collègue Michel Charasse parce qu'il répond aux questions qu'il se posait. Il vise à inscrire dans la Constitution le principe déjà reconnu par le Conseil constitutionnel de l'interdiction de la tutelle d'une collectivité territoriale sur une autre. Il reprend l'une des dispositions figurant à l'article 6 de la proposition de loi constitutionnelle présentée par M. Christian Poncelet et plusieurs de nos collègues.
L'inscription de ce principe ne fera pas obstacle à la possibilité de désigner une collectivité chef de file pour l'exercice de compétences croisées. Elle garantira en revanche que ce rôle se limitera à l'organisation, à l'animation et à la coordination des actions communes.
Je prends un exemple. Aux termes de la loi relative à la démocratie de proximité, ce sont les régions qui accordent les aides directes aux entreprises. Elles peuvent le faire avec d'autres collectivités. C'est donc le prototype de la question que nous nous posions tout à l'heure.
Notre collègue Jean-Pierre Sueur faisait par ailleurs l'exégèse du texte. Il ne faut pas extrapoler puisqu'il reviendra à la loi de le faire. Le Parlement, pour lequel vous craignez le pire, mon cher collègue, ne sera pas dessaisi.
M. Michel Charasse. Dans le texte de votre amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour présenter le sous-amendement n° 220.
M. Jean-Claude Peyronnet. Ce sous-amendement est sans surprise. Il vise à modifier l'amendement de la commission afin de faire prévaloir notre position dans la suite du débat : il s'agit de supprimer l'alinéa qui inscrit la notion de « chef de file ».
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour présenter le sous-amendement n° 221.
M. Jean-Pierre Sueur. Il s'agit, par ce sous-amendement, de préciser que les collectivités territoriales « peuvent confier librement à l'une d'entre elles la responsabilité de la mise en oeuvre des décisions nécessaires ». Ainsi, nous proposons de relier une partie de notre précédent amendement à celui de M. Garrec.
Le fait de ne pas évoquer dans la Constitution le libre accord des collectivités locales constituerait selon nous une très lourde erreur et ouvrirait la porte à des systèmes complètement contraires à l'idée que nous nous faisons de la libre administration des collectivités locales. Demain, une collectivité pourra imposer à une autre tout ce qu'elle voudra, ce qui créera d'immenses problèmes. C'est pourquoi nous insistons beaucoup sur cette question.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour présenter les sous-amendements n°s 223 et 222.
M. Jean-Claude Peyronnet. Dans la logique de ce que nous venons d'indiquer, le sous-amendement n° 223 énonce les conditions dans lesquelles les collectivités peuvent confier librement à l'une d'entre elles la responsabilité de la mise en oeuvre des décisions nécessaires.
Autrement dit, il s'agit de préciser le libre consentement des collectivités territoriales pour la mise en oeuvre des décisions de l'une d'entre elles.
Le sous-amendement n° 222 fixe quant à lui les modalités de l'organisation de leur action commune.
Par conséquent, ces sous-amendements s'enchaînent de façon logique.
M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour présenter le sous-amendement n° 264.
M. Michel Charasse. Je reconnais, sous le bénéfice des observations que viennent de faire mes amis avec les quatre sous-amendements, que la rédaction de M. Garrec est bien meilleure que celle du projet de loi constitutionnelle.
Il reste un petit problème. Notre collègue René Garrec nous propose d'écrire : « Aucune collectivité territoriale ne peut exercer une tutelle sur une autre. » Il s'agit de l'introduction du principe, sur lequel nous sommes tous d'accord. C'est la loi Defferre érigée au niveau constitutionnel.
« Cependant - ce "cependant" n'est-il pas de trop ? -, lorsque l'exercice d'une compétence nécessite le concours de plusieurs collectivités territoriales, la loi peut autoriser l'une d'entre elles à organiser les modalités de leur action commune », et non plus à fixer les règles.
De ce point de vue-là, il n'y a plus de dessaisissement législatif. Il y a simplement un petit problème. On affirme le principe de la non-tutelle dans la première phrase de l'amendement Garrec. En marquant « cependant », on signifie, au fond, que, lorsqu'une action commune est menée, on passe outre le désaccord. Une seule collectivité est la patronne et les autres paient.
Mes chers collègues, je me permets d'appeler votre attention sur ce problème qui concerne l'application de la liberté locale. Voulons-nous la tutelle d'une collectivité locale sur une autre, ou pas ? Je propose simplement d'ajouter dans l'amendement Garrec - vous voyez, je suis moins ambitieux que mes amis - après les mots : « la loi peut autoriser l'une d'entre elles à organiser » les mots : « avec leur accord ». A partir de là, il n'y a plus de tutelle d'une collectivité sur une autre.
Tels sont, monsieur le président, les objets du sous-amendement n° 264. Je confirme que l'amendement de M. Garrec est bien meilleur que le texte auquel il s'applique. Ce n'est pas de la provocation, monsieur le ministre, c'est une simple constatation d'écriture. (Sourires.)
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. C'est un très bon amendement.
M. le président. L'amendement n° 187, présenté par Mmes Borvo et Mathon, MM. Bret, Autain et Autexier, Mmes Beaudeau et Beaufils, M. Biarnès, Mme Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud, Le Cam et Loridant, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar et Mme Terrade, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit l'avant-dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 72 de la Constitution :
« Aucune collectivité territoriale ne peut exercer une tutelle sur une autre. Lorsque l'exercice d'une compétence nécessite le concours de plusieurs collectivités territoriales, la loi peut autoriser l'une d'entre elles à organiser les modalités de leur action commune. »
La parole est à Mme Josiane Mathon.
Mme Josiane Mathon. L'importance de certains projets et les financements croisés amènent - et c'est une bonne chose - les collectivités de même échelon territorial ou d'échelons différents à travailler ensemble.
Mais les différences de taille, de ressources, les rapports de force peuvent conduire une collectivité à se placer dans un rapport de domination par rapport aux autres, à exercer sur elles une véritable tutelle.
Cette inquiétude n'est pas sans fondement et il est opportun que la Constitution affirme l'interdiction de telles situations hiérarchiques qui n'ont pas lieu d'être. C'est pourquoi nous soutenons la proposition de rédaction de la commission, assortie du sous-amendement de M. Charasse.
Nous l'avons dit, notamment à propos du rôle qui serait dévolu aux régions dans le cadre du couplage Etat-Région : nous craignons que ces dernières ne deviennent maîtres-d'oeuvre de décisions dont les départements et les communes ne seraient plus que les exécutants.
M. Michel Charasse. Et les payeurs !
M. le président. L'amendement n° 146, présenté par MM. Peyronnet, Bel, Charasse et Courteau, Mme Durrieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche, Lise, Marc, Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe socialiste et rattachée, est ainsi libellé :
« Au début de l'avant-dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 72 de la Constitution, insérer une phrase ainsi rédigée :
« Aucune collectivité ne peut exercer de tutelle sur une autre collectivité. »
La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. Monsieur le président, il s'agit simplement de proclamer à notre tour l'interdiction formelle de la tutelle d'une collectivité sur une autre. Nous rejoignons en cela tous ceux qui sont intervenus précédemment, y compris M. le rapporteur.
Nous souhaiterions vivement que la commission accepte le sous-amendement de M. Charasse, nous permettant enfin de voter une partie de ce texte. Nous montrerions ainsi combien nous avons bien travaillé au Sénat !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. René Garrec, rapporteur. Monsieur le président, les amendements n°s 144, 145 et 95 rectifié sont contraires à la position de la commission des lois et incompatibles avec son amendement n° 10 rectifié. Ce dernier vise en effet à trouver un équilibre entre le principe de l'interdiction de la tutelle d'une collectivité sur une autre et la nécessité de désigner des collectivités territoriales chefs de file pour l'exercice de compétences croisées.
La commission des lois émet donc un avis défavorable sur ces trois amendements, ainsi que sur les sous-amendements n°s 220, 221, 223 et 222.
Quant au sous-amendement n° 264, il est intelligent, il est même séduisant, mais il présente l'inconvénient de supprimer le chef de file.
M. Michel Charasse. Pas du tout !
M. René Garrec, rapporteur. Si, l'intervention de la loi est nécessaire pour surmonter les blocages !
M. Michel Charasse. S'il n'y a pas de blocage, les autres se couchent !
M. Robert Bret. On le leur impose ! C'est vraiment une tutelle !
M. Michel Charasse. On ne peut pas affirmer qu'il n'y a pas de tutelle et dire après qu'il y en a une !
M. René Garrec, rapporteur. J'ai cherché à améliorer le premier texte, mais nous pouvons peut-être faire mieux.
En ce qui concerne les amendements n°s 187 et 146, ils sont satisfaits par l'amendement n° 10 rectifié de la commission.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Je commencerai par préciser l'avis favorable du Gouvernement sur l'amendement n° 10 rectifié, dans la mesure où il est déterminant.
En effet, sur toutes les travées, les sénateurs n'ont eu de cesse de protester contre les financements croisés. On nous a expliqué mille fois qu'il fallait mettre fin à cet imbroglio qui rendait l'administration illisible.
Comme il s'avère que les financements croisés sont incontournables, la notion de « chef de file » a été considérée comme indispensable pour assurer un minimum de coordination.
Il est vrai que cette solution pose le problème de la tutelle, mais l'amendement de M. Garrec présente l'avantage de rappeler le principe de l'absence de tutelle et de prévoir l'exception du chef de file. Il s'agit d'un cas forcément exceptionnel, car il ne peut y avoir de chef de file que défini par la loi. Il n'existe pas de chef de file automatique. La loi seule peut dire, au cas par cas, pour telle compétence, tel projet ou telle loi qui sera chef de file.
Par conséquent, le principe est l'absence de tutelle, l'exception - permise au seul bénéfice du législateur - étant la notion de « chef de file ».
J'ajouterai, monsieur Charasse, que les amendements de repli, dont le vôtre, prévoient que l'accord des communes ou des autres collectivités locales sera réglé par voie de convention. Or il n'est pas besoin de révision constitutionnelle pour que, d'ores et déjà, les collectivités territoriales, par cette voie, se mettent d'accord pour désigner l'une d'entre elles comme chef de file.
Force est donc de considérer que le système conventionnel actuel ne fonctionne pas. Il y a en effet peu de coordination dans les opérations de financements croisés, et il faut bien, dans certains cas certainement très limités, pour assurer un minimum de cohérence, que le législateur s'en mêle.
L'amendement n° 10 rectifié tend donc simplement à réserver au législateur la possibilité de désigner un chef de file. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement y est très favorable.
Dès lors, le Gouvernement est défavorable tant aux amendements n°s 144, 145 et 95 rectifié, qui sont incompatibles avec l'amendement n° 10 rectifié, qu'aux sous-amendements n°s 220, 221, 223, 222 et 264 qui, à l'évidence, tendent à dénaturer le principe de chef de file. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Enfin, les amendements n°s 187 et 146 seront satisfaits si l'amendement n° 10 rectifié est adopté par le Sénat.
M. Claude Estier. Vous êtes le ministre des libertés locales !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 144.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 145.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu).
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes).

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 23:

Nombre de votants 319
Nombre de suffrages exprimés 311
Majorité absolue des suffrages 156
Pour l'adoption 105
Contre 206

M. le président. L'amendement n° 95 rectifié, présenté par M. Charasse et les membres du groupe socialiste, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le cinquième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 72 de la Constitution :
« Lorsque l'exercice d'une compétence nécessite le concours de plusieurs collectivités territoriales, la loi détermine les conditions dans lesquelles ces collectivités peuvent confier librement à l'une d'entre elles la responsabilité de la mise en oeuvre des décisions nécessaires ainsi que les modalités de leur participation à l'action commune. »
La parole est à M. Michel Charasse.
M. Michel Charasse. Pour vous être agréable, monsieur le président, et pour gagner du temps, je retire cet amendement ; mais je m'exprimerai pour explication de vote sur le sous-amendement n° 264 !
M. le président. L'amendement n° 95 rectifié est retiré.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 220.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 221.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 223.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 222.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote, sur le sous-amendement n° 264.
M. Michel Charasse. Je rappelle au Sénat que, si l'on considère que l'amendement n° 10 rectifié, que le Gouvernement a d'ailleurs accepté, répond bien à la question posée et aboutit à une rédaction bien meilleure du texte qui nous est soumis, il reste tout de même un problème : on ne peut pas, me semble-t-il, dans le même alinéa, rappeler qu'il n'y a pas de tutelle d'une collectivité sur une autre et ajouter tout de suite après que, cependant, il peut y en avoir une quand la loi le décide.
M. Josselin de Rohan. C'est une exception !
M. Michel Charasse. J'ai écouté les explications données par notre président-rapporteur et par le Gouvernement. Pour ma part, je propose de préciser que, lorsqu'une action commune est engagée et que la loi désigne la collectivité chef de file - je ne demande donc pas la suppression du chef de file -, c'est avec l'accord des collectivités concernées.
On ne peut quand même pas, sauf à créer une tutelle, voter demain une loi attribuant telle compétence à la région ou au département et contraignant les communes, les groupements de communes ou la région concernés à payer.
Mes chers collègues, la question est importante - on ne peut pas rappeler la liberté dans la première phrase et la supprimer dans la deuxième -, mais elle se pose finalement d'une façon très simple. S'il s'agit de prévoir dans la loi que seul le département ou la région ou la commune, à l'exclusion de toute autre collectivité, peut réaliser telle ou telle opération, pas de problème : cela veut dire que, si les autres collectivités veulent participer, elles le font à titre conventionnel. Mais si la loi impose la participation des autres collectivités, alors cela ne peut pas marcher !
Or, tel qu'il est rédigé, l'amendement n° 10 rectifié permet d'obliger les collectivités à payer. Je maintiens donc que mon sous-amendement, qui vise à ajouter : « avec leur accord », est d'un grand intérêt.
Néanmoins, si M. Garrec voulait bien supprimer le mot « cependant » dans son amendement, on aboutirait au même résultat.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Non, ça ne suffit pas !
M. Michel Charasse. Certes, je préfère mon texte, mais si on nous assure que la deuxième phrase de l'amendement n° 10 rectifié ne doit pas s'entendre comme le rétablissement subreptice de la tutelle d'une collectivité sur une autre qu'interdit la phrase précédente, on peut trouver un arrangement, même s'il serait plus simple de confirmer qu'aucune collectivité ne peut exercer de contrainte sur une autre, ce qui est l'objet du sous-amendement n° 264.
M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot, pour explication de vote.
M. Philippe Adnot. Une assemblée s'honore quand elle vote les textes qui lui paraissent bons, même lorsque ceux-ci viennent de l'opposition.
Personnellement, je considère que le sous-amendement de M. Charasse améliore le texte de M. Garrec, qui lui-même améliore le texte de l'article 4 : il précise les choses, ce qui est notre volonté à tous.
Quel est notre problème à l'heure actuelle ? Qu'attendons-nous de la décentralisation ? Nous voulons sortir des cofinancements obligatoires, qui, à chaque fois, créent des problèmes. Lorsqu'il s'agit de cofinancements librement consentis entre collectivités, la collectivité qui porte le projet et qui se montre la plus dynamique étant en général naturellement désignée chef de fil, tout se passe en revanche très bien.
Il ne faut pas que ce texte nous fasse régresser par rapport à la situation actuelle en permettant à une collectivité, qu'il s'agisse de la commune, par exemple dans le domaine social ou en matière de politique de la ville, du département, vis-à-vis des communes, ou de la région, vis-à-vis des départements, de contraindre les autres à participer à ses projets.
Il ne s'agit pas de cibler une collectivité, mais de faire en sorte que les cofinancements comme les chefs de file soient acceptés.
C'est pourquoi je voterai le sous-amendement n° 264. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Marie-Claude Beaudeau. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Nous avons été étonnés de la réponse extrêmement fermée que M. le garde des sceaux comme M. le rapporteur ont opposée au sous-amendement de M. Charasse, alors que notre groupe était prêt, comme l'a exposé M. Peyronnet, à adopter l'amendement n° 10 rectifié de la commission sous réserve que les termes « avec leur accord » y soient ajoutés.
Pour être tout à fait clair, je dirai que la rédaction de l'amendement n° 10 rectifié nous pose un problème, le mot « cependant » affaiblissant nécessairement l'affirmation selon laquelle il n'y a pas de tutelle d'une collectivité sur une autre. Néanmoins, nous avions accepté de voter cet amendement à condition, je le répète - et nous avons là une petite divergence avec M. Charasse - que soit précisé « avec l'accord ».
Mes chers collègues, vous êtes nombreux à considérer - M. Adnot vient de le dire avec éloquence - qu'il est toujours négatif qu'une collectivité veuille dicter la loi à une autre collectivité.
Si, premièrement, on affirme qu'il n'y a pas de tutelle, si, deuxièmement, on inscrit dans la Constitution le concept du chef de file, si, troisièmement, on précise que l'accord des autres collectivités est nécessaire pour le financement du projet, on pourra toutefois parvenir à un compromis et à un texte qui préservera, dans toutes les circonstances, les libertés des collectivités locales, auxquelles nous sommes tous attachés.
C'est pourquoi, monsieur le président, le groupe socialiste a demandé un scrutin public sur le sous-amendement n° 264. Si ce dernier est adopté, nous voterons l'amendement n° 10 rectifié.
M. le président. La parole est à M. Josselin de Rohan, pour explication de vote.
M. Josselin de Rohan. Je ne vois pas où est la difficulté : la loi désigne le chef de file, ce qui permet de répondre à l'objection relative à la nocivité des financements croisés et de remettre de l'ordre dans des secteurs où la coopération est nécessaire.
M. Michel Charasse. Pas de problème, en effet, sur ce point !
M. Josselin de Rohan. La loi peut autoriser l'une des collectivités à organiser les modalités de leur action commune. C'est donc bien la loi qui désigne le chef de file. Imaginez-vous qu'une action commune puisse être engagée sans l'accord des parties concernées ?
Mme Marie-Claude Beaudeau. Oui !
M. Josselin de Rohan. Mais non, ce n'est pas possible ! Si les collectivités locales s'y opposaient, les modalités de l'action commune ne pourraient être organisées. L'accord est implicite, c'est évident !
MM. Michel Charasse et Jean-Pierre Sueur. Ecrivons-le !
M. Josselin de Rohan. Les précisions que M. Charasse propose d'ajouter sont donc superfétatoires ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste ainsi que sur certaines travées du groupe communiste, républicain et citoyen.)
J'ai demandé que la région Bretagne soit chef de file et exerce la compétence dans le domaine de l'eau. Il va de soi que c'est la loi qui le déterminera. Cela nous permettrait également de gérer les crédits européens, les crédits nationaux, les crédits régionaux et les crédits départementaux, grâce auxquels nous pourrons faire face aux compétences nouvelles qui nous seront dévolues et atteindre les objectifs nouveaux que nous définirons. Pensez-vous un seul instant que, même si nous sommes désignés par la loi comme chef de file, nous pourrons établir les modalités de la coopération sans que les départements que nous solliciterons nous aient donné leur accord ?
M. Jean-Pierre Sueur. Alors, vous êtes pour le sous-amendement de M. Charasse ! C'est une magnifique illustration !
M. Robert Bret. Cela ira mieux en le disant !
M. Josselin de Rohan. Il va de soi - cela découle de la rédaction même de l'amendement de M. Garrec - que nous devrons parvenir à un accord avec tous les acteurs qui nous permettront d'exercer notre compétence de manière convenable. Par conséquent, je ne vois pas pourquoi on ajouterait une précision supplémentaire ; le texte est suffisamment explicite. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. Michel Charasse. Si le Gouvernement nous confirme cette interprétation !
M. Jean-Pierre Sueur. Deux précautions valent mieux qu'une !
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Hyest. Ce débat relatif au chef de file est tout de même assez complexe. L'exemple qu'a donné M. de Rohan paraît clair. Forcément, puisqu'il s'agit d'eau ! On peut avoir de l'eau claire, au moins ! (Sourires.)
M. Michel Charasse. Il s'agit également de distribuer des subventions !
M. Jean-Jacques Hyest. Certes ! Néanmoins, monsieur le président, nombre de nos collègues sont assez embarrassés par cette question du chef de file : c'est le seul point qui pose vraiment problème.
La commission des lois s'en est d'ailleurs si bien aperçue que l'amendement n° 10 rectifié stipule qu'aucune collectivité territoriale ne peut exercer une tutelle sur une autre.
M. Michel Charasse. Exact !
M. Jean-Jacques Hyest. Pourtant, cela figure déjà dans la loi ; c'est un principe constitutionnellement reconnu.
M. René Garrec, rapporteur. Ce n'est pas dans la loi ! C'est un principe constitutionnel !
M. Jean-Jacques Hyest. En effet, monsieur le rapporteur. C'est un principe reconnu sur le plan constitutionnel.
M. Michel Charasse. Cela devient un principe constitutionnel !
M. Jean-Jacques Hyest. Il était déjà reconnu.
Quoi qu'il en soit, si l'on doit expliciter ce point à cet endroit du texte, c'est parce que, précisément, un problème se pose. On peut toujours désigner un chef de file, mais il est évident que si celui-ci ne recueille pas l'accord des autres collectivités territoriales, aucune coopération ne sera possible.
M. Jean-Claude Peyronnet. Ecrivons-le !
M. Jean-Jacques Hyest. Cela relève davantage, à mon sens, du contrat que de l'obligation. En tout état de cause, monsieur le président, cette affaire me semble mériter que nous nous concertions. Par conséquent, je demande, au nom de mon groupe, une suspension de séance.
M. Jean-Pierre Sueur. C'est très bien ! Excellente idée !
M. Michel Charasse. Très bonne idée !
M. le président. Le Sénat va, bien sûr, accéder à votre demande, monsieur Hyest.
La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente-cinq, est reprise à dix-neuf heures quarante.)

M. le président. La séance est reprise.
M. Michel Mercier. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Michel Mercier.
M. Michel Mercier. Nous attendons du Gouvernement une précision à propos de l'amendement n° 10 rectifié. S'il peut nous confirmer que l'interprétation qu'en a donnée M. de Rohan en se fondant sur l'exemple de la Bretagne et de la compétence pour l'eau est la bonne, aucun problème ne se pose. Nous serons satisfaits si le principe de libre administration des collectivités locales n'est pas remis en cause au travers de la rédaction de l'amendement n° 10 rectifié.
M. Jean-Pierre Sueur. On capitule en rase campagne !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. La disposition ne doit pas avoir pour effet de contraindre une collectivité territoriale à participer financièrement à hauteur d'un montant qui aurait été déterminé par une autre.
M. Philippe Adnot. Très bien !
M. Jean-Pierre Sueur. Dans ces conditions, pourquoi êtes-vous opposé au sous-amendement de M. Charasse ?
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Ce n'est pas la même chose !
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 264.
Je suis saisi d'une demande de scrutin émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 24:

Nombre de votants 319
Nombre de suffrages exprimés 306
Majorité absolue des suffrages 154
Pour l'adoption 112
Contre 194

Je mets aux voix l'amendement n° 10 rectifié.
M. Robert Bret. Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, les amendements n°s 187 et 146 n'ont plus d'objet.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante-cinq, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Daniel Hoeffel.)

PRÉSIDENCE DE M. DANIEL HOEFFEL
vice-président

M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi constitutionnelle relatif à l'organisation décentralisée de la République.
Dans la suite de la discussion de l'article 4, nous en sommes parvenus à l'amendement n° 11, présenté par M. Garrec, au nom de la commission.
Cet amendement est ainsi libellé :
« Dans le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 72 de la Constitution, remplacer les mots : "le ressort des" par le mot : "les". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. René Garrec, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 11.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 12 est présenté par M. Garrec, au nom de la commission.
L'amendement n° 147 est présenté par MM. Peyronnet, Bel, Charasse et Courteau, Mme Durrieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche, Lise, Marc, Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe socialiste et rattachée.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« Dans le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 72 de la Constitution, supprimer les mots : ", représentant de chacun des membres du Gouvernement,". »
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 12.
M. René Garrec, rapporteur. Nous nous étions demandé comment traiter convenablement les préfets, qui représentent le Gouvernement, et comment faire en sorte que la déconcentration aille de pair avec la décentralisation. Nous n'étions pas satisfaits de la formule, et j'aimerais que M. le ministre puisse nous éclairer sur ce sujet.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour présenter l'amendement n° 147.
M. Jean-Claude Peyronnet. La rédaction proposée au dernier alinéa de l'article 4 pour l'article 72 de la Constition est un peu particulière et conduit à s'interroger sur le rôle du préfet.
Lors des débats sur la première décentralisation, il avait été souligné que le rôle du préfet n'était en rien minoré par la décentralisation et qu'au contraire il en retirait une autorité plus grande sur les services extérieurs de l'Etat. Gaston Defferre avait même déclaré devant le Sénat qu'il souhaitait que les directeurs départementaux de l'équipement ne puissent plus s'adresser directement à Paris. Les espoirs qu'il exprimait là ne se sont pas concrétisés !
Le dernier alinéa de l'article 4 confère au préfet des pouvoirs tout à fait exceptionnels puisqu'il aurait autorité jusque sur les représentants de la justice. Même si, j'en suis convaincu, cela ne correspond pas aux souhaits du Gouvernement, nous avons là une preuve supplémentaire que la rédaction du texte a été un peu hâtive, ce qui justifie le dépôt de l'amendement n° 147.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable à ces deux amendements. Il s'agit non pas de donner au préfet autorité sur l'ensemble des services, notamment sur les chefs de cour ou sur les recteurs de l'éducation nationale, mais d'affirmer, à l'heure où commence une nouvelle étape de la décentralisation, qu'il est le représentant unique des membres du Gouvernement, étant précisé que les textes donnant compétence au chef de service de telle ou telle administration restent applicables.
L'inscription de ce principe dans la Constitution est importante d'un point de vue symbolique, et notre souhait commun que, parallèlement aux progrès de la décentralisation, on assiste à un renforcement de la déconcentration au cours des prochaines années lui donne tout son sens.
Telles sont les raisons pour lesquelles je demande à M. le rapporteur de bien vouloir retirer son amendement.
Le ministre de la justice que je suis peut vous affirmer que la rédaction retenue par le Gouvernement ne signifie nullement que le préfet aurait autorité sur le procureur de la République, pour prendre un exemple à la limite de la caricature.
M. le président. L'amendement n° 12 est-il maintenu, monsieur le rapporteur ?
M. René Garrec, rapporteur. Nous nous demandions comment donner une place éminente au préfet, et nous n'étions pas certains que le projet de loi y parvienne. Dans la mesure où M. le ministre me confirme que la rédaction de l'article 4 permet d'atteindre cet objectif, je retire l'amendement n° 12.
M. le président. L'amendement n° 12 est retiré.
M. Gérard Braun. Très bien !
M. le président. L'amendement n° 147 est-il maintenu, monsieur Peyronnet ?
M. Jean-Claude Peyronnet. Il l'est !
M. le président. La parole est à M. Lucien Lanier, contre l'amendement n° 147.
M. Lucien Lanier. Je ne suis pas systématiquement opposé aux amendements déposés par nos collègues, et je l'ai prouvé au cours du débat.
Cependant, dans sa sagesse, le Gouvernement a précisé à l'article 4 du présent projet de loi que le préfet était le « représentant de chacun des membres du Gouvernement ». Je ne plaide pas du tout dans un esprit corporatiste - il y a bien longtemps que je ne suis plus préfet ! -, mais je parle d'expérience : l'histoire des précédentes Constitutions montre que, invariablement, les chefs de services départementaux ou régionaux souhaitent avoir avec leur ministre des relations directes, en passant outre le représentant du Gouvernement. Chaque fois, le Premier ministre, voire le Président de la République, était obligé de rappeler que le représentant de l'Etat représentait l'Etat tout entier, c'est-à-dire non seulement le Président de la République et le Premier ministre, mais le Gouvernement dans son ensemble.
Si nous n'apportons pas cette précision, il se trouvera de nouveau des chefs de services départementaux ou régionaux - et la tendance est bien naturelle : je ne la condamne pas, je la trouve simplement mauvaise en la circonstance - pour chercher à entrer directement en contact avec leur ministre ; et les ministres, d'ailleurs, se montrent quelquefois complaisants.
Dès lors, la question est de savoir si, comme on l'a trop souvent dit, la décentralisation doit être accompagnée d'une déconcentration et si celle-ci ne peut se faire que par l'intermédiaire du représentant de l'Etat, seul capable de coordonner les actions des uns et des autres. Si nous n'agissons pas dans ce sens, nous nous heurterons de nouveau à ces chefs de services qui essaieront non pas de « doubler » le préfet, mais, en pratique, de l'ignorer. Or, comme le représentant de l'Etat est le préfet, celui-ci deviendra tôt ou tard le représentant du seul ministre de l'intérieur, ce qui ne sera pas bénéfique pour la déconcentration.
C'est la raison pour laquelle il faut être logique avec soi-même : on ne peut pas à la fois plaider la décentralisation et la déconcentration et ne pas suivre le Gouvernement dans sa sagesse. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Nous maintenons l'amendement n° 147, parce que, à partir du moment où il y a un représentant de l'Etat dans un département ou dans une région, il représente la totalité de l'Etat : l'Etat est indivisible par définition, sinon, ce n'est pas l'Etat. Dès lors que l'on parle du représentant de l'Etat, il ne peut pas représenter une moitié ou un quart de l'Etat. Cette précision nous paraît donc superfétatoire et redondante.
Ce qui est important, monsieur Lanier, c'est la mise en oeuvre de ce que vous dites. Il est certain que, pour que la République fonctionne, les préfets doivent représenter l'ensemble des ministres. Cependant, nous avons eu la bonne idée de créer les agences régionales pour l'hospitalisation, les ARH, dont les directeurs ont des prérogatives précises ; néanmoins, le préfet représente le ministre de la santé et le ministre des affaires sociales. Il y a des recteurs, mais le préfet représente le ministre de l'éducation nationale. Il y a des trésoriers-payeurs généraux, mais le préfet représente le ministre des finances. La justice est indépendante, mais le préfet représente le garde des sceaux, etc.
Il s'agit donc non pas tant de préciser ce qui va de soi que de traduire dans la pratique le fait que le préfet est bien le représentant de l'ensemble des ministres, conformément d'ailleurs à l'esprit des lois Defferre et de la loi de 1992, qui, toutes, prévoyaient la déconcentration.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 147.

(L'amendement n'est pas adopté).
M. le président. L'amendement n° 188, présenté par Mmes Borvo et Mathon, MM. Bret, Autain et Autexier, Mmes Beaudeau et Beaufils, M. Biarnès, Mme Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud, Le Cam et Loridant, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès, est ainsi libellé :
« Compléter le texte proposé par cet article pour l'article 72 de la Constitution par un alinéa ainsi rédigé :
« L'Etat est garant de la cohésion nationale et de l'égalité devant la loi. »
La parole est à Mme Josiane Mathon.
Mme Josiane Mathon. Nous ne rappellerons jamais assez le rôle de l'Etat comme garant de la cohésion nationale et de l'égalité devant la loi.
L'exposé des motifs du projet de loi souligne que c'est à l'Etat, et d'abord au Parlement, qu'il appartient de définir les grands principes. L'Etat assumera d'autant mieux ce rôle qu'il se recentrera sur ses missions principales. Or, à nos yeux, l'éducation, la culture, la santé, l'emploi, les activités économiques, l'environnement, la lutte contre les exclusions, font partie des missions principales de l'Etat, de celles dont il ne saurait se défaire sauf à décider sciemment de mettre en cause l'essentiel : l'égalité des citoyens.
Pourtant, c'est bien ce que, tant par sa philosophie que par la plupart de ses dispositions, le projet de loi organise : un véritable éclatement de l'unité nationale. Cela nous inquiète beaucoup, et inquiète un nombre toujours croissant de nos concitoyens. Car la première responsabilité de la nation est de garantir l'égalité des citoyens dans tous les domaines de l'action publique et d'assurer la cohésion nationale, afin d'éviter ce que nous avons eu l'occasion de nommer un « retour à des féodalités ».
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. René Garrec, rapporteur. Cette précision, madame, est inutile, puisque l'article 1er de la Constitution affirme déjà le principe d'égalité des citoyens devant la loi et que le texte que propose le projet de loi constitutionnelle pour l'article 72-2 de la Constitution pose celui de la péréquation.
La commission a donc émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 188.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 4, modifié.
Mme Hélène Luc. Le groupe CRC vote contre.

(L'article 4 est adopté.)

Article additionnel après l'article 4



M. le président.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 148 est présenté par MM. Peyronnet et Bel, Mme Blandin, MM. Charasse et Courteau, Mme Durrieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche, Lise, Marc, Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe socialiste.
L'amendement n° 189 est présenté par Mmes Borvo et Mathon, MM. Bret, Autain et Autexier, Mmes Beaudeau et Beaufils, M. Biarnès, Mme Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud, Le Cam et Loridant, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar et Mme Terrade.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 72 de la Constitution, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. ... - Le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales peut être accordé aux étrangers non ressortissants de l'Union européenne résidant en France. Ils ne peuvent exercer les fonctions de maire ou d'adjoint, ni participer à la désignation des électeurs sénatoriaux et à l'élection des sénateurs. Une loi organique détermine les conditions d'application du présent article. »
La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour défendre l'amendement n° 148.
M. Jean-Claude Peyronnet. L'amendement n° 148 tend à inscrire dans la Constitution le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales pour les étrangers non-ressortissants de l'Union européenne résidant en France. Il devrait bien entendu s'accompagner de conditions relatives à la durée de résidence qui restent à déterminer ; celle-ci, en tout état de cause, devrait être assez longue.
Nous avions déjà fait cette proposition au cours de la précédente législature ; elle avait été votée par l'Assemblée nationale, mais n'a pas été examinée par le Sénat. Il y a peu encore, elle semblait faire l'objet d'un consensus, et les plus hautes autorités de l'Etat elles-mêmes y paraissaient favorables. En réalité, chacun semble désormais rentrer dans sa coquille, et l'on voit cette idée reculer au profit de celle de l'intégration et de la naturalisation.
M. Henri de Richemont. A juste titre !
M. Jean-Claude Peyronnet. Donner le droit de vote aux étrangers pour les élections municipales n'est pas contradictoire avec leur intégration. Bien au contraire : c'est un moyen d'intégration.
Il nous semble que, dix ans après la révision de juin 1992, qui a accordé le droit de vote aux élections municipales aux ressortissants communautaires, il est temps d'aller un peu plus loin, de franchir le pas.
Cela permettrait de mettre un terme à certaines anomalies, telle celle qui voit des ressortissants étrangers privés du droit de vote quand leurs enfants en bénéficient.
M. Hilaire Flandre. Ils n'ont qu'à se faire naturaliser !
M. Jean-Claude Peyronnet. Par ailleurs, les étrangers disposent du droit de vote pour certaines élections, par exemple l'élection des délégués du personnel. C'est, à l'évidence, un moyen important d'intégration dans l'entreprise.
Nous pensons que, de la même façon, accorder le droit de vote aux étrangers dans les conseils municipaux serait un moyen d'intégration dans la cité. Ce serait aussi un moyen de renforcer la démocratie locale. Bref, on ne peut y trouver que des avantages.
On notera que cette reconnaissance touche à la notion de citoyenneté et non à celle de souveraineté nationale. Il s'agit bien des élections locales, et nous plaçons cette proposition après l'article 72, non dans le titre 1er, qui traite de la souveraineté nationale.
Nous pensons que le Sénat s'honorerait d'inclure cette disposition dans la Constitution, faisant ainsi accomplir un grand pas à l'intégration des étrangers et avancer la démocratie dans notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe communiste, républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon, pour défendre l'amendement n° 189.
M. Henri de Richemont. Elle va dire la même chose !
M. Jean Chérioux Bis repetita...
M. Jean Bizet. Même angélisme !
Mme Josiane Mathon. Ecoutez ! Vous jugerez après !
La République française a mis un siècle et demi à reconnaître le droit de vote des femmes.
MM. Philippe de Gaulle, Josselin de Rohan et Gérard Braun. Grâce au général de Gaulle !
Mme Josiane Mathon. Elle persiste, contre ses propres valeurs, qui lui font fonder la communauté nationale sur le sol et non sur le sang, à le refuser aux étrangers qui ont choisi de vivre sur le territoire national.
M. Philippe de Gaulle. Qu'ils deviennent alors Français !
Mme Josiane Mathon. Elle doit, aujourd'hui, non seulement mettre fin à cette injustice, mais encore donner toute sa signification à la conception de la citoyenneté. Chaque femme ou chaque homme qui choisit de vivre sur le sol français, quelle que soit sa nationalité, doit être reconnu citoyenne ou citoyen.
Accorder le droit de vote à tous ceux qui vivent dans notre pays - leur pays -, souvent d'ailleurs depuis longtemps, qui contribuent à son développement et à sa richesse, ce serait leur donner un signe fort de reconnaissance.
Je rappellerai que beaucoup d'entre eux s'impliquent dans les syndicats, les associations locales, et jouent un rôle important pour maintenir le lien social là où les difficultés sont grandes.
L'histoire de notre pays est aussi celle de ces millions d'étrangers qui l'ont construit. Nombreux sont ceux qui l'ont défendu au nom de ses valeurs de liberté et de fraternité.
M. Gérard Braun. Et d'égalité !
Mme Josiane Mathon. Il est urgent que le droit consacre enfin le fait qu'ils sont membres à part entière de ces communautés de vie, d'histoire, de culture et de projets que sont nos villes.
M. Hilaire Flandre. Et nos campagnes !
Mme Josiane Mathon. De plus, l'exercice de la citoyenneté est un facteur essentiel d'intégration à la société française.
C'est pourquoi les sénatrices et sénateurs communistes ont depuis longtemps, par voie d'amendements, comme aujourd'hui, ou par le biais d'une proposition de loi, comme en 1990, proposé d'instaurer, pour les étrangers vivant en France, le droit de vote de d'éligibilité aux élections municipales.
Depuis lors, les ressortissants de l'Union européenne ont acquis ce droit de vote, et l'élargissement de l'Europe va permettre à de nouveaux résidents d'en faire usage. Il devient de plus en plus injuste, et pour le moins paradoxal, de continuer à le refuser à des femmes et des hommes qui ont choisi notre pays pour y vivre. L'Assemblée nationale a adopté, voilà plus de deux ans, une proposition de loi en ce sens. Elle n'a jamais été mise à l'ordre du jour de notre assemblée. (Exclamations sur les travées du RPR.)
M. Jean Chérioux. Par le gouvernement socialiste !
M. Josselin de Rohan. Pourquoi ne l'avez-vous pas fait ? C'était vous qui maîtrisiez l'ordre du jour !
Mme Hélène Luc. Vous étiez majoritaires à la conférence des présidents ! Si vous aviez voulu la mettre à l'ordre du jour, vous l'auriez fait !
M. Josselin de Rohan. Pas du tout ! C'était le Gouvernement qui avait la maîtrise de l'ordre du jour !
Mme Josiane Mathon. Au moment où s'ouvre un débat sur l'intégration, le Sénat s'honorerait en adoptant l'amendement que nous lui soumettons aujourd'hui.
Permettez-moi une dernière remarque : M. le Premier ministre oppose le droit de vote des étrangers non communautaires à l'acquisition de la nationalité, débat qui lui paraît plus important.
M. Henri de Richemont. Il a raison !
Mme Josiane Mathon. Nous pensons, pour notre part, que chacun doit avoir la possibilité de choisir entre demander la nationalité française ou conserver la sienne. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
M. Henri de Richemont. Ou les deux !
Mme Josiane Mathon. La double nationalité, nous la reconnaissons.
Par ailleurs, qu'y a-t-il de plus essentiel que d'offrir à chacune et à chacun les conditions d'une pleine citoyenneté ? Pour cela, il faut le droit de vote et plus que le droit de vote : la démocratie représentative ne suffit pas. Le scrutin du 21 avril dernier nous a rappelé combien la citoyenneté doit se nourrir de la démocratie directe.
M. Henri de Richemont. Qu'est-ce que ça veut dire ?
M. Hilaire Flandre. Robert Hue doit s'en souvenir !
Mme Josiane Mathon. Il faut développer à grande échelle et à tous les niveaux les structures et les moyens de la participation citoyenne ouverte aux hommes et aux femmes de toutes origines. C'est ce que nous avons proposé, sans succès, lors de l'examen du projet de loi relatif à la démocratie de proximité. Aujourd'hui, il n'est pas trop tard pour avancer dans ce sens. (Applaudissements sur les travées du groupecommuniste, républicain et citoyen.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. René Garrec, rapporteur. La question est complexe, intéressante, et elle mérite une réflexion approfondie.
Il existe, depuis 1992, un article L.O. 227-1 du code électoral selon lequel les citoyens de l'Union européenne résidant en France sont électeurs et éligibles aux élections municipales, sous certaines conditions et sous réserve de réciprocité.
Malheureusement, les dispositions du présent projet de loi constitutionnelle ne traitent pas du droit de vote et de l'éligibilité aux élections municipales. C'est pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. Henri de Richemont. C'est hors sujet !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Le Gouvernement émet également un avis défavorable et cela pour deux raisons. Mais, avant de les développer, je souhaiterais faire une observation.
Madame Mathon, je vous ferai remarquer que dans aucun Etat communiste, les étrangers n'ont eu le droit de voter. Cela ne s'est jamais vu ! (Protestations sur les travées du groupe communiste, républicain et citoyen et du groupe socialiste.)
M. Robert Bret. C'est un peu court, comme réponse !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Même à Cuba, ce n'est pas le cas aujourd'hui !
M. Robert Bret. Ça, c'est un argument stalinien !
M. Hilaire Flandre. A Cuba, c'est le parti unique !
Mme Marie-France Beaufils. Nous sommes en France !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Oui, nous sommes en France, et nous aimerions y rester !
Vous savez, moi, je suis le fils d'un étranger qui est mort sans avoir la nationalité française.
Mme Hélène Luc. Justement !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Je n'ai donc aucun complexe sur cette question. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
Il y a, je l'ai dit, deux raisons pour lesquelles le Gouvernement est hostile à ces deux amendements.
Premièrement, la différence entre les ressortissants de l'Union européenne et les autres étrangers, c'est que les ressortissants de l'Union européenne permettent la réciprocité du droit de vote : les Français peuvent voter dans les autres pays de l'Union européenne. Avec les pays extra-communautaires, cette réciprocité n'est actuellement pas du tout possible. Or, en droit international, quand on accorde un droit, la réciprocité est une exigence absolue.
M. Jacques Peyrat. Très bien !
M. Patrick Devedjian ministre délégué. Deuxièmement, l'intégration suppose l'acquisition de la pleine nationalité et de l'intégralité des droits de vote. Pour en bénéficier, il existe un moyen : devenir Français.
Madame Mathon, j'ai été très choqué lorsque vous avez affirmé qu'il était légitime de vouloir s'intégrer tout en gardant sa nationalité d'origine. Non, ce n'est pas possible ! Si l'on veut s'intégrer, on peut, certes, avoir la double nationalité mais, au moins, il faut acquérir la nationalité du pays dans lequel on souhaite s'intégrer.
Dans certains pays, c'est vrai, on accorde à des étrangers extra-communautaires le droit de vote aux élections locales.
Mais c'est parce que, dans ces pays-là, on n'accorde pas la nationalité. Le droit de vote aux élections locales est en fait un ersatz de la naturalisation. C'est précisément pour ne pas accorder la naturalisation que certains pays - je ne veux pas les désigner pour ne pas créer de difficultés - donnent simplement le droit de vote aux élections locales à des étrangers résidents de longue date. Le droit de vote accordé aux étrangers constitue donc un moyen d'éviter l'acquisition de la nationalité.
Dans notre pays, nous naturalisons chaque année environ 100 000 étrangers ; c'est tout de même le signe d'une intégration qui n'est pas négligeable. D'ailleurs, dans notre pays, l'intégration fonctionne si bien que, sur toutes les travées de cette assemblée, beaucoup sont enfants d'étrangers. De même, un certain nombre de membres du gouvernement actuel sont des enfants d'étrangers. Voilà qui témoigne tout de même de ce que l'intégration dans la République est plutôt une réussite.
Autrement dit, contrairement aux affirmations démagogiques que nous avons entendues, ces deux amendements vont totalement à l'encontre de l'intégration. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Claude Estier. Dites cela à M. Douste-Blazy !
M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc, pour explication de vote.
Mme Hélène Luc. Je dois vous avouer, monsieur le ministre délégué, que je suis particulièrement déçue de ce que vous venez de dire, précisément venant de vous, eu égard aux origines que vous avez rappelées.
M. Gérard Braun. Et alors ?
M. Jacques Peyrat. Je ne vois pas le rapport !
Mme Hélène Luc. Nous nous sommes battus ensemble, et avec mon ami Robert Bret, pour faire reconnaître - certes, ce n'est pas le même problème - le génocide des Arméniens.
M. Jacques Peyrat. Vous et quelques autres !
Mme Hélène Luc. Moi aussi, je veux rappeler mes origines. Je suis la fille d'un émigré italien qui a combattu dans la Résistance. J'ai des soeurs qui ont fait de la résistance. Et pourquoi n'auraient-ils pas eu le droit de voter ? Pourquoi la femme de Manouchian et d'autres résistants qui militaient, à l'époque, parmi les FTP-MOI n'auraient-ils pas le droit de voter ?
Mais, pour en revenir à l'époque présente, je veux rappeler ce qui s'est passé en conférence des présidents. La majorité sénatoriale, à un moment donné, a fait mine d'être prête à débattre de cette question. Hélas ! les conférences des présidents se sont succédé et jamais ce sujet n'a été inscrit à l'ordre du jour. Or la majorité sénatoriale peut faire tout ce qu'elle veut en conférence des présidents.
M. Jean Chérioux. Non ! C'est le Gouvernement !
Mme Hélène Luc. De temps à autres, des ministres, des députés, des sénateurs conviennent qu'il faudrait donner le droit de vote aux étrangers. Mais, lorsque la proposition en est faite, il ne se passe plus rien !
M. Hilaire Flandre. Et pourquoi ne se font-ils pas naturaliser ?
Mme Hélène Luc. Alors, ne dites plus que vous êtes pour le droit de vote des immigrés !
M. Hilaire Flandre. Nous ne l'avons jamais dit !
Mme Hélène Luc. Certains d'entre vous feignent d'y être favorables.
Ce problème vaut d'être discuté, car il se pose depuis longtemps et, malgré les promesses qui ont été faites, il n'est toujours pas réglé.
M. Josselin de Rohan. Même pas par la gauche !
M. Hilaire Flandre. Ridicule !
M. Henri de Richemont. La gauche ne l'a pas réglé !
Mme Hélène Luc. Et il faut que l'opinion sache pourquoi.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme Marie-Christine Blandin. Je pense que manque depuis longtemps à la France un beau message adressé aux populations d'origine immigrée : « Vous êtes les bienvenus. Vous contribuez à notre richesse multiculturelle. Nous ne vous considérons pas comme de simples bras quand manque la main-d'oeuvre, comme des femmes corvéables à merci pour la sous-traitance dans nos grandes chaînes d'hôtel. Nous vous reconnaissons comme de vrais participants à notre démocratie locale. Vous faites notre pain, vous payez des impôts, vous participez à la vie de la cité. Vous avez votre mot à dire. »
Cela aurait été beau, cela aurait été bien reçu, et c'était attendu.
J'ai entendu le Gouvernement évoquer la réciprocité. Cet argument, je ne le retiens pas. Et j'ai surtout entendu, sur les bancs de la majorité sénatoriale, des interjections : « Ils n'ont qu'à devenir Français, ils n'ont qu'à se faire naturaliser. »
M. Jean Chérioux. Absolument !
Mme Marie-Christine Blandin. Absolument, dites-vous, monsieur Chérioux ?
M. Jean Chérioux. Oui, et j'ai le droit de le dire : je suis fier d'être citoyen français ! On doit être fier de l'être.
Mme Marie-Christine Blandin. Le problème, c'est qu'on ne vous entend jamais faire cette proposition aux citoyens de l'Union européenne !
Y aurait-il donc étranger et étranger ?
M. Hilaire Flandre. Evidemment !
Mme Marie-Christine Blandin. Et comment les reconnaissez-vous ?
Quoi qu'il en soit, ce débat ne mérite ni passion ni colère, mais raison et générosité. Cet amendement vous offre l'opportunité d'agir. Si le rendez-vous est raté - et je crains qu'il ne le soit -, ce sera une porte de plus qui se fermera ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe communiste, républicain et citoyen.)
M. Jean Bizet. Pas de leçon de morale !
M. Jean Chérioux. Vous n'avez pas le monopole du coeur !
M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.
M. Bernard Frimat. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je reprendrai les deux termes par lesquels Marie-Christine Blandin a conclu son intervention : raison et générosité. Nous devons pouvoir, même à cette heure-ci, aborder sereinement cette question, et tenir compte de l'inquiétude des intéressés. Evitons, dans ces conditions, de nous affronter ! Essayons de parler simplement du fond de ce débat !
Vous avez évoqué, monsieur le garde des sceaux, le 21 avril. Or, le 21 avril, cela a été un choc pour tout le monde, au-delà même de la péripétie d'une simple élection.
M. Hilaire Flandre. Surtout pour vous !
M. Bernard Frimat. On a alors constaté que, parmi ceux qui étaient citoyens et qui avaient le droit de vote, nombreux n'ont pas jugé utile, ce jour-là, de se déplacer. Ils avaient autre chose à faire ! Et, parmi ceux qui ne se sont pas déplacés, un certain nombre de jeunes nous ont dit - et sans doute les avez-vous aussi entendus - que, citoyens français, ils considéraient qu'ils ne pouvaient utiliser leur droit de vote alors même que ce droit avait été nié à leurs parents, qui vivent pourtant sur notre sol de France depuis de nombreuses années, qui y ont travaillé, qui ont d'ailleurs souvent été honorés par la République en se voyant remettre la médaille du travail, mais qui ont aussi payé un lourd tribut avec les accidents du travail. Oui, malgré cela, ce droit leur avait été dénié parce qu'ils n'étaient pas...
M. Hilaire Flandre. Français !
M. Bernard Frimat. ... considérés comme dignes bien qu'étant citoyens.
Je crois que nous avons aussi un message à adresser à cette génération !
Bien sûr, je vous entends : il est toujours possible de demander la naturalisation.
M. Jean Chérioux. Voilà !
M. Bernard Frimat. Vous l'avez suffisamment répété pour que nous ne l'ayons pas entendu, malgré les difficultés d'audition que vous semblez nous reprocher.
Est-ce si grave, pour vous, que la République les reconnaisse comme citoyens pour les élections municipales, pour les élections locales...
M. Josselin de Rohan. Oui, c'est grave !
M. Bernard Frimat. ... de la même façon que nous reconnaissons les étrangers membres de l'Union européenne ? Nous sommes dans un schéma simple, et il n'y a pas lieu de s'énerver.
Pour ma part, je remercie M. Devedjian de sa réponse, qui a le très grand mérite de la clarté. Ainsi, vos positions, mesdames, messieurs les sénateurs de la majorité, je ne les partage pas, mais je peux les entendre et les respecter, d'autant que nous parvenons en cet instant à ce degré d'écoute qui devrait régner normalement dans cette enceinte. Oui, sur le fond, je ne suis pas d'accord avec vous, mais je peux très bien supporter ces divergences, et je crains d'ailleurs que nous n'en ayons encore quelques-unes dans les heures qui viennent.
Voilà pourquoi, en tout cas, le groupe socialiste a demandé un scrutin public sur ces amendements : nous pourrons voir ce soir, de manière calme et sereine, qui accorde ses actes et ses déclarations. Pour nous, les choses sont claires : nous voterons ces deux amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Robert Del Picchia, pour explication de vote.
M. Robert Del Picchia. Mes chers collègues, on parle beaucoup ce soir des étrangers en France et de leur droit de vote. On oublie qu'il y a deux millions de Français à l'étranger ! Je suis un de leurs représentants et, malheureusement, je puis vous dire que les Français qui résident à l'étranger - je sais de quoi je parle, car j'ai résidé pendant trente ans, et dans plusieurs pays différents - n'ont pas le droit de vote : s'ils veulent voter, on leur demande tout simplement de prendre la nationalité du pays où ils résident.
Je m'appelle Robert Del Picchia, et ce nom est d'origine italienne. Mon père a été naturalisé français et il a bénéficié du droit de vote. M. Forni, ancien président de l'Assemblée nationale, était dans le même cas. Mais, aujourd'hui, j'ai l'impression, mes chers collègues, que ceux à qui l'on veut donner le droit de vote en leur accordant la nationalité française - ce que l'on fait très volontiers dans notre pays - ont honte d'être Français.
Moi, je crois qu'il n'y a pas à avoir honte d'être Français et, si l'on veut voter, alors il faut que l'on devienne Français et que l'on partage l'avenir de la communauté de ce pays. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Mauroy, pour explication de vote.
M. Pierre Mauroy. Je ne crois pas du tout que l'on puisse avoir honte d'être Français ! Le problème ne se pose pas en ces termes. Ainsi, dans ma rue, résident des Algériens qui sont là depuis des années. Nous évoquons souvent ces problèmes-là ensemble.
M. Hilaire Flandre. Ce sont des Français !
M. Pierre Mauroy. Eh bien, quand je leur demande s'ils se sentent Algériens, ils me répondent non. Il est vrai qu'ils sont là depuis longtemps. Mais, quand je leur demande ensuite s'ils se sentent Français, ils me répondent non aussi. En fait, ils se sentent Lillois. (Rires.)
Vous savez bien, mes chers collègues, vous qui êtes maires, à quel point tous les étrangers qui s'implantent dans une commune...
M. Hilaire Flandre. Ils vont demander l'indépendance ! (Sourires.)
M. Pierre Mauroy. ... ont besoin de se sentir enracinés !
Quoi qu'il en soit, mes chers collègues, nous sommes devant un choix réellement décisif : ou bien vous montrerez ce soir que la France est généreuse et solidaire, ou bien vous ne serez que l'expression du conservatisme (Protestations sur les travées du RPR)...
M. Hilaire Flandre. S'ils sont naturalisés...
M. Pierre Mauroy. Oh ! ne racontez pas d'histoires !
M. Jean Chérioux. C'est vous qui racontez des histoires !
M. Pierre Mauroy. Vous savez bien à quel rythme la France naturalise : cela demandera des années et des années...
M. Josselin de Rohan. Elle procède à 100 000 naturalisations par an !
M. Pierre Mauroy. ... et, en fin de compte, cela ne se fera pas.
Nous avons accordé le droit de vote aux ressortissants de membres de la Communauté européenne. Le moment est venu de faire ce geste, ce grand acte de solidarité, et de voter cette disposition pour que tous les étrangers puissent voter et être éligibles.
M. Laurent Béteille. Qu'a fait Jospin pendant cinq ans ?
M. Pierre Mauroy. Ils sont quelques millions en France, et nous devons faire ce geste à leur égard.
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission. Cela a un nom : c'est du clientélisme !
M. Gérard Braun. Vous êtes restés cinq ans au pouvoir. Pourquoi ne l'avez-vous fait ?
M. Pierre Mauroy. Mais nous prenons acte que, en fait, vous ne voulez rien faire...
M. Gérard Braun. C'est incroyable !
M. Pierre Mauroy. ... qui relève de la modernité, de la générosité.
Faites ce geste, mes chers collègues !
M. Gérard Braun. Vous avez été cinq ans au pouvoir !
M. Hilaire Flandre. Vous avez été Premier ministre !
M. Pierre Mauroy. Faites ce geste généreux et solidaire ! Ce sera un grand événement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Les arguments pour et contre ayant été largement échangés, les positions des uns et des autres sont clairement définies et toutes les conditions sont donc réunies pour que nous puissions à présent passer au vote.
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 148 et 189.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 25:

Nombre de votants 313
Nombre de suffrages exprimés 312
Majorité absolue des suffrages 157
Pour l'adoption 106
Contre 206

Mme Hélène Luc. Il y a quand même un progrès ! On y arrivera !

Article 5



M. le président.
« Art. 5. - Il est inséré au titre XII de la Constitution un article 72-1 ainsi rédigé :
« Art. 72-1 . - La loi fixe les conditions dans lesquelles les électeurs de chaque collectivité territoriale peuvent, par l'exercice du droit de pétition, obtenir l'inscription à l'ordre du jour de l'assemblée délibérante de cette collectivité d'une question relevant de sa compétence.
« Dans les conditions prévues par la loi organique, les projets de délibération ou d'acte relevant de la compétence d'une collectivité territoriale peuvent, à son initiative, être soumis, par la voie du référendum, à la décision des électeurs inscrits dans le ressort de cette collectivité.
« Lorsqu'il est envisagé de créer une collectivité territoriale dotée d'un statut particulier ou de modifier son organisation, il peut être décidé par la loi de consulter les électeurs inscrits dans le ressort des collectivités intéressées. La modification des limites des collectivités territoriales peut également donner lieu à la consultation des électeurs dans les conditions prévues par la loi. »
La parole est à M. Nicolas Alfonsi, sur l'article.
M. Nicolas Alfonsi. Dans la discussion générale, j'ai évoqué mes préoccupations au sujet des articles 4 et 5. Permettez-moi quelques observations complémentaires, pour bien vous faire comprendre la portée du texte que vous allez voter.
Le premier alinéa de l'article 5 n'appelle de ma part aucune observation particulière : le droit de pétition est un problème relativement accessoire, même s'il peut compliquer la vie des collectivités.
Le deuxième alinéa de ce même article 5 n'appelle pas non plus de ma part d'observation, même si le référendum est déjà une procédure plus lourde.
Mais le vrai problème se pose au troisième alinéa, qui risque, si vous n'y prenez garde, mes chers collègues, d'avoir une portée que vous ne mesurez sans doute pas en cet instant.
J'ai interrogé le Gouvernement en commission des lois sur la consultation prévue dans ce troisième alinéa. On m'a répondu que cette consultation aurait non un caractère décisionnel mais un simple caractère consultatif. S'agirait-il d'un simple avis ? Il ne m'a pas été répondu sur ce point.
Est-il sérieux de prétendre qu'un référendum pourrait n'être que consultatif ? Surtout lorsque son organisation aurait été décidée par le Président de la République.
Il s'agit d'une véritable rupture dans la mesure où des collectivités territoriales pourront désormais être supprimées, une collectivité particulière pourra être créée, et donc le paysage national pourra être modifié.
Deux scénarios sont alors possibles avec ce troisième alinéa.
Le premier est le bouleversement qui s'ensuit et qui m'inspire des sentiments contradictoires. Je ne peux me réjouir vraiment en raison du souci que j'ai du respect de l'unité nationale, même si cela me donne le sentiment, en tant que représentant d'une région qui connaît des problèmes, d'être en quelque sorte à l'abri de la collectivité nationale.
Dans le second scénario, il ne s'ensuit aucun bouleversement et cet alinéa ne concerne que la Corse. Il y a lieu d'être très préoccupé. En effet, comme je l'ai dit dans la discussion générale, j'ai le sentiment que l'on nous raconte des histoires.
Il tombe sous le sens que ce qui sera une consultation des électeurs en Alsace se transformera dans les faits, en Corse, en un référendum, en raison d'une situation qui dure depuis vingt ans. Et l'on tente, une fois encore, en prenant le relais de la politique de Lionel Jospin que j'ai dénoncée, d'évacuer cette question. Pardonnez-moi mais, sur ce point, la politique de Lionel Jospin me paraissait un peu moins hypocrite, car le choix avait été clairement fait, alors qu'ici on donne le sentiment de porter atteinte à l'unité de la République un peu par effraction ! Voilà les préoccupations qui sont les miennes.
Je vous le dis très clairement : si vous mettez le doigt dans l'engrenage, vous ne pourrez plus le retirez ! En effet, un référendum en appellera d'autres, alors que cette disposition n'a d'autre objectif que de tenter de régler un problème particulier.
Par une fausse analogie, on nous sert l'exemple de l'Alsace. Les préoccupations alsaciennes, nous les connaissons, monsieur le président. Mais il y a une différence entre la Corse et l'Alsace. Quand le ministre de l'intérieur nous dit que l'on ne touchera à rien si les collectivités ne sont pas d'accord, c'est vrai, par exemple, s'il s'agit du Haut-Rhin. Mais si, nous, nous ne sommes pas d'accord, le Gouvernement prendra l'initiative d'interroger la population. En fait, il le fera pour mettre fin à une crise. Mais vous n'y parviendrez pas de cette manière. Sur quoi voter ? L'opinion est désireuse de sortir de la situation que tout le monde connaît, mais elle n'a pas les moyens d'apprécier la portée de ce vote que nous ne connaissons pas nous-mêmes !
Si la cause qui justifie ce troisième alinéa remonte aux accords de Matignon, il va être difficile de sortir de la situation dans laquelle nous sommes, car il est bien évident que cette cause va perdurer. Demain, on contestera le corps électoral ; après-demain, on fera appel au pouvoir législatif et nous entrerons dans un cycle de référendums dont nous ne pourrons plus sortir. Si une cause le justifie et s'il y a des demandes aujourd'hui, les mêmes demandes, demain, justifieront d'autres référendums. Voilà ce que je voulais vous dire.
J'ai essayé de m'exprimer le plus clairement possible pour vous faire apprécier la portée de cette disposition, qui me fera réfléchir avant de voter. Sachez que l'inquiétude que nous éprouvons les uns et les autres gagne l'opinion. Tous les moyens médiatiques sont mis à la disposition d'une fraction seulement de cette dernière. Si une telle politique devait être conduite, nous serions dans un état de désespérance extrêmement fort, car on pouvait espérer qu'un terme serait mis à la politique conduite antérieurement et que vous aviez dénoncée avec énergie, chers collègues de la majorité sénatoriale, il faut dire les choses comme elles sont. Personnellement, je me retrouverais avec mon chagrin, isolé, hier avec la gauche, aujourd'hui avec vous, et je ne saurais présumer de ce qui va se passer. (MM. Jacques Pelletier et Yves Fréville applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. M. Alfonsi a souligné l'un des points importants de ce dossier qu'il connaît parfaitement, beaucoup mieux que moi ! On sent bien, effectivement, que tout un pan de ce projet de loi constitutionnelle concerne la Corse, et le troisième alinéa de cet article complète le premier alinéa de l'article 4 dans les conditions que vous savez.
Je centrerai mon intervention sur des points moins cruciaux : le droit de pétition et le référendum local décisionnel.
Je me suis étonné que certains, qui, naguère, étaient très hostiles aux conseils de quartier - c'est-à-dire à l'expression de la démocratie de proximité - proposés voilà un an dans ce même hémicycle, se convertissent soudain, avec une grande conviction, à la démocratie participative. Je n'insiste pas.
Les idées qui nous sont proposées ne sont pas mauvaises. Ainsi, le droit de pétition est intéressant, tout comme le référendum local ; qu'il soit décisionnel, c'est une autre affaire, j'y reviendrai. Le droit de pétition reconnu aux électeurs est-il pour autant une révolution ? Ne faut-il pas l'encadrer pour éviter les surenchères démagogiques ou populistes ? Il serait souhaitable que nous obtenions quelques explications sur la loi qui précisera une telle disposition.
Si le référendum local décisionnel n'est pas très satisfaisant pour la démocratie représentative, on peut toutefois accepter une telle disposition, à condition de l'encadrer aussi et de nous l'expliciter dès maintenant.
Je souhaite poser trois questions.
D'abord, le fait d'utiliser le mot « référendum », qui qualifie le suffrage universel au niveau national, pour une consultation locale ne constitue-t-il pas un abus de langage ? Il conviendrait, selon moi, de trouver un autre terme.
Ensuite, le recours au référendum à un échelon donné - départemental ou régional, par exemple - ne risque-t-il pas de susciter des conflits avec le niveau de collectivité inférieur en raison de la gêne qu'il occasionnerait pour ce dernier ?
Enfin, que se passerait-il si une commune refusait d'organiser un référendum local ou régional ? On connaît les obligations d'un maire pour un référendum ou un vote national.
Pourriez-vous apporter des réponses à ces différentes questions ? Il serait bon que nous puissions nous faire une opinion avant que la loi organique qui va présider à la mise en oeuvre de ce référendum local ne soit expressément connue.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Nous abordons effectivement un fondement historique de la décentralisation, à savoir le fait de rapprocher la décision du citoyen et de donner à ce dernier des instruments visibles pour maîtriser son destin.
La parole des habitants n'est pas un sujet consensuel.
Pourtant, quand elle ne trouve pas de débouché organisé, quand elle n'est pas nourrie d'informations transparentes, elle peut devenir cri de colère, fût-ce par le détour des urnes.
M. le Premier ministre a affirmé dans cette enceinte que les décentralisateurs n'avaient pas peur des consultations populaires. Pourtant, moi, je me souviens de la commission Mauroy. Les modestes propositions sur la participation des habitants que j'avais formulées avec Mme Jacqueline Fraysse, la courageuse maire de Nanterre, avaient été accueillies par l'hostilité de vos amis. Je me souviens aussi, lors de l'examen de la loi relative à la démocratie de proximité, des débats dans cet hémicycle sur les comités de quartier, modeste outil non décisionnel mais déjà objet de tous les commentaires désobligeants. M. Delevoye nous disait qu'ils allaient perturber la vie des quartiers. Ils allaient être peuplés des recalés du suffrage universel, privilégier les minorités agissantes, nous disait M. Vallet.
M. Hilaire Flandre. C'est une experte qui parle !
Mme Marie-Christine Blandin. Ils allaient ankyloser l'initiative locale, nous disait M. Sido.
Et voici que l'opposition d'hier, aujourd'hui au pouvoir, se lance dans l'écoute du citoyen. C'est rassurant ! On pourrait s'en réjouir si la proposition n'était pas une demi-mesure, qui risque de ne satisfaire personne, ni les élus, jaloux de leur maîtrise du débat - il suffit d'examiner les amendements à venir - ni les habitants. Je parle bien des habitants, et pas seulement des électeurs : les jeunes non inscrits, les étrangers non européens ne trouveront pas, dans cette loi, l'occasion de participer aux débats et aux choix.
La modification de la Constitution, je le répète, aurait mérité un signal fort de reconnaissance envers ceux qui sont venus travailler et qui paient des impôts dans nos villes de France. La démocratie participative, qui n'est pas soluble dans des référendums aux arbitrages mal préparés, peut revêtir mille autres formes, comme les conférences de citoyens, dont vous ne dites mot, ou l'accès à l'information pour lequel vous ne prévoyez rien.
Par ailleurs, le champ du référendum est limité, dans votre projet, par les compétences de la collectivité. Comment cette situation sera-t-elle tenable ? Qui fixera l'arbitrage ? Comment expliquerez-vous aux habitants et aux élus de Chamonix qu'ils n'ont pas voix au chapitre sur l'enfer qu'est devenue leur vie quotidienne ? Cette limitation n'est-elle pas un serpent qui se mord la queue ? Allez-vous refuser un référendum à ceux qui voudraient s'exprimer localement sur une compétence qu'ils ne possèdent pas, et qui souhaitent se donner les moyens de la prendre, éventuellement, demain ?
Enfin, la rédaction initiale du projet précisait, au dernier alinéa : « En cas de nouvelles collectivités à statut particulier, la loi peut prévoir la consultation préalable des électeurs des collectivités concernées. » Cette phrase a migré à l'article 4. Nous retrouverons ce débat lorsque nous évoquerons la situation des DOM-TOM. On observe là une troublante schizophrénie : soit on fait confiance au peuple et la loi prévoit qu'on doit le consulter, soit on ne lui fait pas confiance et il est incorrect de lui faire miroiter de faux espoirs.
Finalement, à ce point du débat, après l'occultation des intercommunalités, on sent de plus en plus l'immobilisme de certains choix qui contraste avec les paillettes de la communication initiale du projet. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 73, présenté par M. Vasselle, est ainsi libellé :
« Supprimer le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 72-1 de la Constitution. »
L'amendement n° 96 rectifié, présenté par M. Charasse et les membres du groupe socialiste, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 72-1 de la Constitution :
« La loi fixe les conditions dans lesquelles un cinquième au moins des électeurs inscrits sur les listes électorales de chaque collectivité territoriale peut exercer un droit de pétition et obtenir l'examen de sa requête par l'assemblée délibérante intéressée sous réserve qu'elle ait compétence dans la matière concernée. »
L'amendement n° 13, présenté par M. Garrec, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour insérer un article 72-1 dans la Constitution, remplacer le mot : "obtenir" par le mot : "demander". »
La parole est à M. Alain Vasselle, pour défendre l'amendement n° 73.
M. Alain Vasselle. J'ai déposé cet amendement parce que je ne partageais pas, au fond, les dispositions prévues dans le premier alinéa du texte proposé par l'article 5 pour l'article 72-1 de la Constitution. Je fais en effet partie de ceux qui considèrent que, dès lors que le suffrage universel s'est exprimé et qu'un véritable climat de confiance est né entre la population et l'équipe municipale, c'est au suffrage universel, le moment venu, de sanctionner celles et ceux qui n'ont pas été dignes de la confiance qui leur a été confiée.
Le droit de pétition est l'occasion pour des minorités, agissantes ou non, de perturber, contre la volonté de la majorité de la population, le fonctionnement du conseil municipal.
Je m'exprime en qualité d'élu d'une petite commune rurale. Etant maire depuis très longtemps, je considère qu'un climat de confiance existe dans ma commune depuis que j'assume cette fonction. Je suis suffisamment proche de mes électrices et de mes électeurs pour apprécier les difficultés qu'ils vivent au quotidien, pour en débattre et pour décider, avec mes conseillers municipaux, des sujets qui intéressent mes concitoyens.
Cela étant, je ne représente qu'une toute petite partie de ce beau pays qu'est la France et je peux comprendre que ce que je vis est sans doute vécu d'une autre manière dans d'autres collectivités de taille différente.
J'arrêterai là mon propos et je retire cet amendement, monsieur le président. Je préfère en effet faire confiance au Gouvernement, à l'esprit et à la lettre des propositions qu'il nous fera le moment venu, lorsqu'il nous soumettra les textes précisant les conditions dans lesquelles ce droit de pétition pourra être exercé par la population.
M. le président. L'amendement n° 73 est retiré.
La parole est à M. Michel Charasse, pour présenter l'amendement n° 96 rectifié.
M. Michel Charasse. Pour ne pas fragiliser ou déstabiliser le fonctionnement des assemblées locales, ni saper leur autorité, et pour éviter les excès du droit de pétition dont la Révolution française a été le témoin et la victime - je vous rappelle que les règlements de nos assemblées ont encadré le système de façon que l'on ne puisse plus porter de pétition « aux barres des assemblées », comme on disait sous la Révolution -, il paraît indispensable d'encadrer strictement ce droit de pétition.
L'une des solutions consiste à prévoir que les pétitions ne pourront être valablement exprimées que si elles ont recueilli au moins 20 % des électeurs inscrits. Sans cette règle, qui peut certes être posée par la loi, mais que le Conseil constitutionnel appréciera alors souverainement, les assemblées locales - notamment les conseils municipaux - risquent d'être constamment « à la botte » des minorités les plus diverses et des mécontents les plus isolés ou minoritaires.
Pour soumettre une assemblée élue au suffrage universel direct au dictat d'un « mandat impératif », il faut que la volonté de la population soit claire et, surtout, suffisamment représentative.
C'est pourquoi je vous propose de n'admettre le droit de pétition que lorsqu'il est exercé par au moins un cinquième des électeurs inscrits.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 13 et pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 96 rectifié.
M. René Garrec, rapporteur. En ce qui concerne l'amendement n° 13, le premier alinéa du texte proposé pour l'article 72-1 de la Constitution tend à instaurer un droit de pétition par lequel les électeurs pourront obtenir l'inscription à l'ordre du jour d'une assemblée délibérante locale d'une question relevant de sa compétence, dans les conditions fixées par la loi.
Le droit de pétition consiste, pour les citoyens qui en font usage, à émettre un voeu. Aussi serait-il choquant qu'il permette aux signataires d'une pétition d'imposer leurs vues aux élus du peuple sur l'ordre du jour des assemblées délibérantes des collectivités territoriales.
Afin de concilier l'exercice du droit de pétition et le bon fonctionnement desdites assemblées, l'amendement prévoit de remplacer le droit d'« obtenir » l'inscription à l'ordre du jour par celui de « demander » cette inscription. De la sorte, on conserve l'essence du droit de pétition, tout en permettant aux conseillers élus concernés de débattre de l'intérêt d'inscrire telle ou telle question à l'ordre du jour et de rejeter les demandes manifestement irrecevables. S'agissant de l'amendement n° 96 rectifié, il n'est pas compatible avec l'amendement n° 13 de la commission, qui a accepté le droit de pétition et a supprimé l'automaticité de l'inscription.
En revanche, la question du seuil de mobilisation des électeurs nécessaire pour valider la pétition sera tranchée par le Parlement lorsqu'il sera saisi de la loi prévue à cet effet au premier alinéa du texte proposé pour l'article 72-1 de la Constitution. Les délais dans lesquels le droit de pétition sera autorisé devront alors être également précisés.
La commission est donc défavorable à l'amendement n° 96 rectifié.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Perben, garde des sceaux. En ce qui concerne l'amendement n° 96 rectifié, je tiens à souligner la pertinence de l'avis qui a été exprimé par M. le rapporteur. J'ajoute qu'il s'agit là d'un texte constitutionnel et que l'organisation des seuils et les conditions d'exercice du droit de pétition sont, à l'évidence, du domaine de la loi organique, voire de la loi ordinaire. C'est à ce moment-là qu'il faudra prévoir les conditions pratiques d'exercice de ce droit, et notamment le seuil de recevabilité par rapport au nombre d'inscrits sur les listes électorales.
C'est un point très important, mais qui n'a pas sa place dans la Constitution.
Pour ce qui est de l'amendement n° 13 de la commission, il s'agit d'une modification sensible du texte proposé par le Gouvernement. Cela étant, nous comprenons bien l'hésitation qu'il peut y avoir quant à l'exercice du système représentatif, sur lequel M. Vasselle a insisté tout à l'heure, à juste titre.
Compte tenu de cette recherche d'équilibre, le Gouvernement s'en remet à la sagesse de la Haute Assemblée sur l'amendement n° 13.
M. le président. La parole est à M. Charasse, pour explication de vote sur l'amendement n° 96 rectifié.
M. Michel Charasse. J'ai bien compris ce qu'ont dit le président-rapporteur et le ministre s'agissant du seuil. Mon souci n'est pas d'encombrer le texte constitutionnel d'un luxe inutile de détails, ni de prolonger indéfiniment nos discussions sur ce sujet. En réalité, il s'agit de faire en sorte de ne pas se trouver dans une situation qui conduirait le Conseil constitutionnel à juger, par exemple, que le seuil que nous inscririons dans la loi serait trop important.
La rédaction « les électeurs de chaque collectivité territoriale peuvent » peut donner à penser qu'il s'agit de très peu d'électeurs, car aucun seuil n'est fixé. Mon souci, c'est la manière dont le Conseil constitutionnel interprètera cette disposition.
Si vous considérez qu'il faudra, pour les raisons que j'explique dans cet amendement, que le seuil soit tout de même un peu significatif - j'ai proposé 20 % : un électeur sur cinq ce n'est pas la mer à boire ! - et si cela résulte clairement des travaux parlementaires, je peux ne pas insister pour ne pas encombrer la Constitution par ce genre de détail.
Mais si nous ne prenons pas la précaution de prévoir que le seuil devra être significatif et qu'on ne peut pas soumettre à un mandat impératif d'une poignée d'électeurs un conseil municipal, un conseil général ou un conseil régional, alors j'insisterai.
MM. Hilaire Flandre et Gérard Longuet. Il a raison !
M. Michel Charasse. S'agissant de l'amendement n° 13 de la commission, qui vise à remplacer le mot : « obtenir » par le mot : « demander » et sur lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat, il présente tout de même le risque d'ouvrir la porte à une pratique que personnellement je condamne mais qui, malheureusement, existe, à savoir celle de l'invasion des assemblées locales par des foules hurlantes venant dire : « Il faut inscrire cette question à l'ordre du jour ; on peut le "demander" ».
En France, nous avons une pratique qui est très simple : chaque fois qu'un avis est sollicité pour telle procédure, on considère qu'il s'agit d'un avis conforme. Je pense, par exemple, monsieur le garde des sceaux, à l'article de la Constitution relatif à la nomination des procureurs : on estime que c'est l'avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature qui est requis. C'est entré dans les moeurs ! C'est pourquoi je me méfie.
Par conséquent, s'il est entendu que, de toute façon, un chiffre suffisamment significatif sera fixé par la loi pour ne pas soumettre les assemblées locales aux desiderata et au blocage systématique d'une poignée d'agités, je veux bien retirer mon amendement, sans pour autant être satisfait de celui de M. Garrec, même si j'en comprends très bien le motif. Mais je dois dire que, malheureusement, on a l'habitude des coups de force dans les assemblées locales, même en l'absence du droit de pétition ; par conséquent, à plus forte raison...
Cela dit, je retire mon amendement n° 96 rectifié.
M. le président. L'amendement n° 96 rectifié est retiré.
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Dominique Perben, garde des sceaux. J'allais donner le motif permettant à M. Charasse de retirer son amendement, mais, même s'il l'a fait avant que je n'intervienne, je vais quand même répondre à sa question.
Je crois que vous avez raison de dire, monsieur Charasse, que le seuil fixé devra être suffisamment significatif. Je peux même ajouter que le chiffre que vous avez donné ne me semble pas extravagant, mais ce sans aucun engagement de la part du Gouvernement : un pourcentage de cet ordre me paraîtrait en effet raisonnable.
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, contre l'amendement n° 13.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. En 1981, lorsque la gauche est arrivée au pouvoir, en raison de la loi électorale municipale, une seule majorité occupait tous les postes dans les assemblées. Dès lors, il était évident que les minorités avaient du mal à se faire entendre.
Mais une loi qui a été proposée par la gauche et que vous connaissez a renforcé les droits des minorités au sein des assemblées locales. Rien n'empêche maintenant un élu local de demander l'inscription à l'ordre du jour d'une assemblée locale d'une question relevant de sa compétence.
Or voilà que, dans la Constitution, vous voudriez enfoncer une porte ouverte en prévoyant que l'on peut demander, au travers du droit de pétition,...
M. Gérard Braun. On n'a qu'à supprimer la pétition !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. ... d'inscrire une question à l'ordre du jour. Mais il y a des représentants qui sont élus pour cela ! Et si n'importe qui veut le demander, il peut le faire ! Il est donc inutile de l'inscrire dans la Constitution. Le droit de pétition, on le connaît au Sénat : n'importe qui peut présenter une pétition au Sénat.
En général, ces pétitions sont téléguidées par les minorités : il s'agit de faire pression. Mais elles existent ! Alors, modifier la Constitution pour enfoncer une porte ouverte, ce n'est vraiment pas la peine !
C'est pourquoi nous voterons contre cet amendement.
Le terme « demander » est moins dangereux que celui d'« obtenir », car il s'agit d'une toute petite minorité.
Monsieur le ministre, vous ne nous dites pas que la pétition devra représenter tel pourcentage de la population. Vous vous en remettez à une loi ! J'ai bien entendu notre collègue Alain Vasselle nous expliquer que c'est parce qu'il n'est pas d'accord qu'il votera. C'est une conception de godillot que nous n'avons pas, bien évidemment !
M. Hilaire Flandre. Vous deviez dormir un peu !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Non, je ne dormais pas : je l'ai parfaitement entendu nous expliquer qu'il avait déposé cet amendement parce qu'il pensait avoir raison et que, aujourd'hui, il ne le pense plus, ou, plus exactement, il continue de le penser, mais ailleurs ce n'est peut-être pas pareil que dans sa commune. (Sourires.)
Cela étant, inscrire ces dispositions dans la Constitution, ce n'est vraiment pas sérieux !
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Peyronnet. Michel Dreyfus-Schmidt a fort bien expliqué l'exercice du droit de pétition en général. Mais si l'on remplace le mot « obtenir » par le mot « demander », on vide complètement de son sens cette disposition : on a l'impression qu'un petit groupe de citoyens vient humblement demander aux élus de bien vouloir, si cela leur convient, etc. Cela devient vraiment ridicule, et nous voterons donc contre cette mesure.
M. le président. La parole est à M. Laurent Béteille, pour explication de vote.
M. Laurent Béteille. Je m'interroge sur la proposition de la commission des lois. Je pense que certains amendements étaient mieux venus, dans la mesure où cette disposition a pour effet de vider de son sens le texte du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste, républicain et citoyen et du groupe socialiste.)
M. Robert Bret. Très bien !
M. Laurent Béteille. N'importe qui peut solliciter l'inscription à l'ordre du jour du conseil municipal d'une question relevant de sa compétence.
Mme Nicole Borvo. Cela fait longtemps que cela existe !
M. Laurent Béteille. Je crois que cela n'apporterait rien de voter ce texte. Sauf à suivre la démarche de notre collègue Alain Vasselle, c'est-à-dire la suppression, mieux vaut, à mon sens, garder la rédaction du Gouvernement.
Si la loi prévoit un seuil suffisant d'électeurs pour faire la demande, nous avons tous les apaisements nécessaires. Je pense, comme Michel Charasse, qu'il ne faut pas laisser une petite minorité obtenir l'inscription des mêmes questions à l'ordre du jour des assemblées territoriales. Mais si le nombre requis est suffisant, on ne risque rien à permettre l'inscription à l'ordre du jour.
Notre collègue Alain Vasselle a indiqué qu'il était élu local depuis longtemps. Pour être moi-même maire depuis vingt-cinq ans, je crois n'avoir rien à redouter de telles demandes d'inscription.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo. Je vais être très brève parce que M. Béteille a dit exactement ce que je voulais dire ! (Exclamations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.) Formidable, n'est-ce pas ? (Sourires.)
Je trouve simplement que le fait d'inscrire le droit de pétition dans la Constitution prête à sourire. On peut toujours demander quelque chose, même en France ! Alors, évitons de tomber dans le ridicule !
M. Robert Bret. C'est grotesque !
M. le président. La parole est à M. le vice-président de la commission. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. L'avocat du diable !
M. le président. Monsieur Dreyfus-Schmidt, votre observation n'est pas tout à fait dans le sujet !
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission. Je trouve notre débat un peu surréaliste !
M. Claude Estier. Ah oui !
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission. La proposition serait dangereuse, ou pas, mais il faudrait en tout état de cause maintenir le texte du Gouvernement, alors qu'on est contre le droit de pétition et qu'on ne voudrait pas qu'on l'obtienne !
Il faut être sérieux dans cette affaire : le Gouvernement demande que le droit de pétition soit inscrit dans la Constitution. C'est un droit légitime qui a sa place dans la Constitution, mais qui ne doit pas se substituer - et là je vais dans le sens de M. Vasselle - à la démocratie représentative, et donc aux conseils municipaux élus.
Par conséquent, exiger et obtenir, par une pétition, le droit d'inscription à l'ordre du jour serait aller à l'encontre de la démocratie représentative.
M. Robert Del Picchia. Absolument !
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission. C'est la raison pour laquelle il faut se rallier au point de vue de M. le rapporteur : on a le droit de demander l'inscription ; le conseil municipal votera, acceptera ou refusera,...
Mme Nicole Borvo. C'est incroyable !
M. Louis de Broissia. C'est comme cela que ça se passe !
M. Robert Piras. Ce n'est pas viable !
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission. ... en fonction, notamment, du nombre de signatures et de l'incidence obtenus par cette pétition.
Par conséquent, je le répète, la sagesse consiste à se rallier purement et simplement à la position de M. le rapporteur ! (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
Mme Nicole Borvo. Je ne savais pas que le droit de pétition n'existait pas en France !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous venez d'enfoncer une porte ouverte !
M. Robert Piras. C'est stupide !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 13.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 207, présenté par MM. Delfau, Fortassin, A. Boyer, Baylet et Collin, est ainsi libellé :
« Après le premier alinéa du texte proposé par cet article pour insérer un article 72-1 dans la Constitution, insérer deux alinéas rédigés comme suit :
« La loi fixe les conditions dans lesquelles tous les citoyens ont accès à une information transparente sur les décisions, notamment d'ordre budgétaire, des collectivités territoriales.
« La loi fixe les conditions dans lesquelles chaque groupe d'élus minoritaires a accès à une information transparente, bénéficie des moyens d'exercer son mandat, dispose d'un droit d'intervention au sein de l'Assemblée délibérante. »
Cet amendement n'est pas soutenu.
Je suis saisi de quatre amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 97 rectifié, présenté par M. Charasse et les membres du groupe socialiste, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 72-1 de la Constitution :
« Dans les conditions prévues par une loi organique, les projets de délibération ou d'acte relevant de la compétence de l'assemblée d'une collectivité territoriale peuvent, à son initiative, être soumis, par la voie du référendum, à la décision des électeurs inscrits dans son ressort. Toutefois, la délibération ou l'acte ne peut être adopté que si la moitié au moins des électeurs inscrits a participé au scrutin. »
L'amendement n° 190, présenté par Mmes Borvo et Mathon, MM. Bret, Autain et Autexier, Mmes Beaudeau et Beaufils, M. Biarnès, Mme Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud, Le Cam et Loridant, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès, est ainsi libellé :
« Dans le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 72-1 de la Constitution, après les mots : "à son initiative," insérer les mots : "ou à l'initiative des électeurs inscrits dans son ressort". »
L'amendement n° 14, présenté par M. Garrec, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Dans le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour insérer un article 72-1 dans la Constitution, supprimer les mots : "inscrits dans le ressort". »
L'amendement n° 68, présenté par M. Peyrat, est ainsi libellé :
« Compléter le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour insérer un article 72-1 dans la Constitution par une phrase ainsi rédigée : "La loi organique fixe les conditions de mise en oeuvre et de validité de ce référendum". »
La parole est à M. Michel Charasse, pour présenter l'amendement n° 97 rectifié.
M. Michel Charasse. Monsieur le président, mes chers collègues, nous en sommes au deuxième alinéa du texte proposé par l'article 5 pour l'article 72-1 de la Constitution qui concerne la possibilité, pour les assemblées de collectivités locales, de soumettre au référendum local un texte relevant de leur compétence, c'est-à-dire, par exemple, une délibération du conseil municipal.
Cet amendement, c'est presque du Gélard dans le texte (Exclamations sur les travées du groupe socialiste), puisque c'est notre collègue le doyen Gélard qui, lors d'une réunion conjointe de la commission des finances et de la commission des lois, m'en a donné l'idée.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Bravo !
M. Michel Charasse. En effet, mes chers collègues, aujourd'hui, pour adopter une délibération en conseil municipal, général ou régional, il faut le quorum ! Si le quorum n'est pas atteint, le conseil peut être convoqué trois jours après ; là, le nombre des présents est valable quel qu'il soit.
Pensez-vous vraiment que l'on puisse accepter, demain, qu'une minorité de 10 % ou 15 % des électeurs inscrits qui viennent voter au référendum puisse adopter une délibération ?
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission. Ce sera la loi.
M. Michel Charasse. Ce sera la loi locale. Mais il faut bien voir que, dans la plupart des cas, un référendum local est organisé parce qu'un sujet suscite une polémique bruyante. Or nous savons les uns et les autres que ces polémiques ne correspondent généralement pas à ce que pense l'immense majorité de la population.
M. Sueur, qui était assis à côté de moi pendant cette réunion, me confiait qu'un référendum organisé à Caen sur la mise en place d'un tramway n'avait recueilli qu'un taux de participation de 18 %, après avoir fait naître de formidables polémiques.
L'amendement n° 97 rectifié est très simple, mes chers collègues. Il vise à préciser que « la délibération ou l'acte ne peut être adopté que si la moitié au moins des électeurs inscrits a participé au scrutin ». Dans ce cas-là, cela intéresse vraiment les gens. Sinon, on perd son temps et on fait adopter des résolutions relevant d'assemblées élues au suffrage direct qui représentent toute la population par des minorités, ce qui n'est pas acceptable ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. - M. le vice-président de la commission applaudit également.)
Mme Nicole Borvo. Ce n'est pas une raison !
M. le président. La parole est à M. Robert Bret, pour défendre l'amendement n° 190. M. Robert Bret. Je dirai un mot sur l'intervention de notre collègue Michel Charasse. Je sais que comparaison n'est pas raison. Cependant, on doit se méfier, car, dans certaines élections partielles notammment, les représentants sont élus avec 20 %, voire moins, des suffrages du corps électoral.
Mme Nicole Borvo. Voilà !
M. Michel Charasse. Il faut le quorum, en conseil municipal !
M. Robert Bret. Si nous devons établir des seuils, prenons garde à la légitimité du suffrage universel et des élus.
S'agissant de l'amendement n° 190, le moment est venu, nous semble-t-il, de donner un contenu actuel à la souveraineté populaire, en développant toutes les formes directes de participation individuelle et collective des citoyens à la vie politique et institutionnelle de notre pays.
Créer les conditions d'association maximale des citoyens à la gestion des affaires publiques devient tout à fait urgent. L'élection présidentielle du 21 avril a révélé avec acuité l'ampleur de la crise politique dans notre pays ; elle exige de repenser en profondeur les rapports des citoyens aux pouvoirs de décision, aux institutions.
Nos concitoyens se sentent écartés des pouvoirs, ils exigent d'être consultés, et pas seulement au moment des élections tous les six ans, monsieur Vasselle ! Ils exigent de participer à la vie locale, de débattre, de décider, et c'est bien normal, puisqu'il s'agit de leur vie et de leur avenir. Oui, il est urgent de les entendre.
Or, nous avons regretté, lors de l'examen du projet de loi relatif à la démocratie de proximité, comme vient de le rappeler Josiane Mathon, qu'un grand pas n'ait pas été fait en ce sens. L'opposition résolue et constante de la majorité de notre assemblée, il est vrai, n'y a pas contribué ! C'est pourquoi nous ne pouvons que nous réjouir qu'apparaissent dans le texte que nous examinons des propositions - le droit de pétition, le référendum local - que nous défendons depuis longtemps. Ce sont des outils intéressants de la démocratie locale, de la démocratie participative.
Par notre amendement, nous proposons d'aller plus avant dans cette logique, en permettant aux citoyens d'être à l'initiative d'un référendum local. Ce serait la moindre des choses.
Mme Marie-France Beaufils. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 14.
M. René Garrec, rapporteur. Cet amendement se justifie par son texte même.
M. le président. La parole est à M. Jacques Peyrat, pour défendre l'amendement n° 68.
M. Jacques Peyrat. Nous avons déjà débattu amplement de ce sujet. Je retire donc cet amendement.
Je souhaite toutefois répondre à notre collègue des Bouches-du-Rhône et aller dans le sens - ce n'est pas habituellement ma tasse de thé - de ce que disait M. Charasse tout à l'heure : la démocratie existe - et c'est une bonne chose -, mais bien plus dans l'idée que dans la réalité.
Je veux bien dès lors que la politique et la participation au fonctionnement des institutions et de la République soient une question de climat. D'autres l'ont dit mieux que moi naguère, mais, finalement, les populations sont assez semblables du Nord au Sud et de l'Est à l'Ouest. Mon cher collègue, en cas de grave problème dans une municipalité, contrairement à ce que vous pensez, ou à ce dont vous rêvez, les citoyens ne se déplacent pas.
Je suis, comme à Caen, en train d'étudier la construction d'une ligne de tramway. Mon Dieu ! Quelle entreprise terrifiante ! Je ne souhaite à aucun maire de vivre une telle aventure ! (Sourires.)
M. Jean-Jacques Hyest. Si vous aviez fait un métro, cela aurait été pire !
M. Jacques Peyrat. J'ai bien sûr songé à faire des consultations sur des tracés, concernant des secteurs qui rassemblent quatre-vingt mille à cent vingt mille habitants. Seules trente à cinquante personnes se déplacent et cent à cinq cents personnes se manifestent par écrit.
Alors, prévoyons tout ce que nous voulons mais, en réalité, seuls les élus qui travaillent sur un projet, qui prennent en main les destinées de leur municipalité ou de leur collectivité territoriale ont la volonté, le jugement, la hauteur de vue et les compétences données par leur administration territoriale pour faire ce que peu de gens peuvent défaire.
Il faut donc prévoir un seuil dans la loi organique. Nous avions pensé à 25 %, monsieur le garde des sceaux ; votre proposition est proche ; après tout, un quart ou un cinquième, cela se tient à peu près.
Vous vous y êtes engagé, cela me suffit, et je retire donc mon amendement.
M. le président. L'amendement n° 68 est retiré.
Quel est l'avis de la commission ?
M. René Garrec, rapporteur. L'amendement n° 97 rectifié est contraire à la position de la commission. Nous sommes à nouveau confrontés aux problèmes, que nous évoquions tout à l'heure, des seuils, des quotas, des quorums, qui seront fixés par la loi organique.
S'agissant de l'amendement n° 190, le référendum d'initiative populaire n'est pas conforme à l'esprit du texte ; seule la collectivité peut faire un référendum sur un problème qui la concerne. Monsieur Bret, vous ouvrez une voie tout à fait différente à laquelle la commission est défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Je veux d'abord rappeler que ces amendements portent sur le deuxième alinéa du texte proposé pour l'article 78-1 de la Constitution, c'est-à-dire que nous sommes dans le cadre du référendum local organisé sur la seule initiative des conseils locaux, à savoir le conseil municipal, le conseil général ou le conseil régional.
Le souhait exprimé par M. Charasse que tous les actes relevant de la compétence d'une collectivité territoriale ne puissent être soumis par la voie du référendum local aux électeurs me paraît pertinent. On n'imagine pas que les actes individuels, par exemple, le soient. (M. Michel Charasse acquiesce.)
De même, la notion du nombre significatif d'électeurs participants doit être retenue.
Cependant, monsieur Charasse, ces précisions relèvent de la loi organique et le Gouvernement veillera, bien entendu, à ce qu'un seuil de participation figure dans celle-ci. C'est indispensable.
A M. Bret, qui nous parle d'ailleurs de souveraineté populaire alors qu'il s'agit de la souveraineté nationale, je veux dire que son amendement n° 190 est satisfait par le texte proposé pour le premier alinéa de l'article 72-1 de la Constitution. En effet, rien n'empêche les électeurs de faire une pétition pour demander un référendum. Le deuxième alinéa, je le répète, concerne uniquement le référendum organisé à l'initiative d'une collectivité.
Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements n°s 97 rectifié et 190 : l'amendement n° 97 rectifié relève de la loi organique et l'amendement n° 190 est presque satisfait du fait de l'adoption de l'amendement n° 13 présenté par M. le rapporteur.
Quant à l'amendement n° 14 de la commission, c'est un amendement rédactionnel de cohérence avec les dispositions précédemment adoptées ; le Gouvernement y est donc favorable.
M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote sur l'amendement n° 97 rectifié.
M. Michel Charasse. Comme pour le premier alinéa, tous mes collègues auront compris mon souci : éviter, alors que la majorité absolue des membres présents du conseil - qu'il s'agisse du conseil municipal, du conseil général ou du conseil régional - est exigée pour le vote d'une délibération, qu'une minorité, représentant 5 % ou 6 % des électeurs, puisse à elle seule faire la décision par la voie d'un référendum local.
Mon souci reste donc le même : comme nous n'introduisons pas dans la Constitution des précisions qui, je l'admets, l'alourdirait, il faut qu'à travers les travaux préparatoires le Conseil constitutionnel, qui examinera la loi organique le moment venu, puisse déceler l'intention du constituant.
L'intention de celui-ci, c'est qu'une clause particulière soit ajoutée le moment venu pour éviter que des séries de délibérations importantes d'assemblées locales soient adoptées par des minorités non significatives. (M. le ministre délégué acquiesce.)
Exiger que la moitié au moins des électeurs inscrits participe à ce type de scrutins, c'est tout de même la moindre des choses. Sinon, le référendum local ne présentera aucun intérêt pour la population. Je ne vois en effet pas pourquoi on perdrait du temps à consulter les 15 % ou 20 % de citoyens qui se font remarquer parce qu'ils crient plus fort que les autres ! (M. Jacques Peyrat approuve.)
Cela étant dit, dès lors que M. Devedjian a précisé clairement que la loi organique réglera la question par la fixation, comme pour la pétition, d'un seuil significatif, j'aurais mauvaise grâce à maintenir mon amendement n° 97 rectifié.
M. le président. L'amendement n° 97 rectifié est retiré.
La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote sur l'amendement n° 190.
M. Alain Vasselle. Je voulais intervenir sur l'amendement de M. Charasse, et je me permets de le faire à travers l'amendement n° 190 du groupe CRC, pour inviter le Gouvernement - mais il paraît y être tout à fait disposé, ce dont je me réjouis - à réfléchir à la nécessité de responsabiliser, dans l'utilisation du référendum, à la fois celles et ceux qui pourront être à l'initiative de celui-ci, c'est-à-dire, en l'occurrence, le conseil municipal, mais également la population quant au comportement qu'elle doit elle-même adopter lorsqu'elle est saisie par voie de référendum.
En effet, j'ai, à titre personnel, assez mal vécu les résultats du référendum national sur la réduction de la durée du mandat présidentiel. J'ai même très mal vécu le fait qu'une réforme à caractère constitutionnel de cette importance ait été décidée par une minorité de Français inscrits sur l'ensemble des listes électorales. Je ne voudrais pas que ce que l'on a vécu sur le plan national se reproduise sur le plan local.
C'est pourquoi la proposition de M. Charasse me sied tout à fait. Je rappelle d'ailleurs qu'une proposition de loi avait été déposée dans cet esprit par Jacques Pelletier, président du groupe du RDSE : elle visait à fixer un seuil de participation pour la validité des référendums.
Cela me paraît essentiel, car il faut que chacun prenne ses responsabilités, nos concitoyens comme les élus qui seront à l'initiative des référendums locaux.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 190.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 14.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 191 est présenté par Mmes Borvo et Mathon, MM. Bret et Autain, Mmes Beaudeau et Beaufils, M. Biarnès, Mme Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud, Le Cam et Loridant, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar et Mme Terrade.
L'amendement n° 212 est présenté par M. Alfonsi.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« Supprimer le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 72-1 de la Constitution. »
L'amendement n° 80, présenté par Mme Blandin, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit la première phrase du dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 72-1 de la Constitution :
« La création par la loi d'une collectivité territoriale dotée d'un statut particulier ou la modification de son organisation ne peut intervenir sans que le consentement des électeurs de la collectivité intéressée ait été préalablement recueilli. »
L'amendement n° 213, présenté par M. Alfonsi, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit la première phrase du dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 72-1 de la Constitution :
« Lorsqu'il est envisagé de créer une collectivité territoriale en lieu et place d'une ou plusieurs collectivités prévues au premier alinéa de l'article 4, ou de modifier son organisation, le Président de la République, sur proposition du Gouvernement, peut décider dans les conditions prévues par la loi de consulter les électeurs inscrits dans le ressort des collectivités intéressées. »
L'amendement n° 98 rectifié, présenté par M. Charasse et les membres du groupe socialiste, est ainsi libellé :
« I. - Dans la première phrase du troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 72-1 de la Constitution, après les mots : "décidé par la loi de consulter", insérer les mots : "pour avis".
« II. - Dans la seconde phrase dudit alinéa, après les mots : "donner lieu à la consultation", insérer les mots : "pour avis". »
La parole est à M. Robert Bret, pour présenter l'amendement n° 191.
M. Robert Bret. Nous avons eu l'occasion d'affirmer à plusieurs reprises au cours de ce débat notre opposition à la notion de collectivité à statut particulier. Nous avons manifesté nos craintes de voir supprimer des communes et des départements, celles de voir se constituer de grandes régions à l'échelle européenne. Nous ne pouvons donc que demander la suppression de ce dernier alinéa.
Cette disposition porte en elle le germe d'une remise en cause de l'architecture républicaine.
De plus, l'article 5 prévoit que la consultation des électeurs est décidée par la loi. Si les électeurs doivent effectivement être consultés - c'est bien le minimum -, doit-on comprendre qu'il sera fait fi de l'avis des assemblées délibérantes ? Doit-on comprendre que les déclarations faites par M. Sarkozy en Corse, au mépris des conseils généraux, doivent devenir la règle ?
Ces interrogations méritent pour le moins une réponse de la part du Gouvernement.
M. le président. La parole est à M. Nicolas Alfonsi, pour défendre l'amendement n° 212.
M. Nicolas Alfonsi. Je me suis exprimé voilà un instant, et je ne reviendrai donc pas sur les arguments que j'ai déjà développés. J'attends tout de même avec une certaine gourmandise la réponse de M. le garde des sceaux à la question que j'avais posée à propos du deuxième alinéa, à savoir : le référendum est-il décisionnel ? La question se répète pour la consultation prévue dans le troisième et dernier alinéa.
Je le répète : à qui fera-t-on croire qu'une consultation prévue par la loi et aboutissant à la suppression de collectivités n'aurait qu'un caractère consultatif et n'emporterait pas la décision de celui - en l'occurrence, le Gouvernement - qui en a pris l'initiative ? Répondez clairement, monsieur le garde des sceaux !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour présenter l'amendement n° 80.
Mme Marie-Christine Blandin. Je retire cet amendement, qui a déjà été traité sous la forme d'un sous-amendement lors de l'examen de l'article 4.
M. le président. L'amendement n° 80 est retiré.
La parole est à M. Nicolas Alfonsi, pour présenter l'amendement n° 213.
M. Nicolas Alfonsi. Cet amendement peut paraître paradoxal puisque je demande la suppression du troisième alinéa de l'article 5. Mais, comme je devine qu'il y a peu de chance pour que la première phrase du troisième alinéa soit supprimée et puisqu'il faut sortir de l'hypocrisie, autant que, dans cette hypothèse, ce soit le Président de la République, sur proposition du Gouvernement - comme cela avait été, je le souligne, évoqué à un moment donné - qui décide de ce référendum ou de cette consultation.
La première phrase du troisième alinéa est une disposition dont les conséquences peuvent être extrêmement graves pour le paysage national puisqu'elle pourrait conduire à supprimer des collectivités : demain, il pourrait y avoir un département du pays basque, un département du Béarn, une collectivité d'Alsace...
Si cet alinéa devait prospérer, les modalités d'organisation de la consultation seraient confiées à la loi, de la même façon que la loi, selon la deuxième phrase, fixera les conditions de la consultation pour modifier des limites territoriales de collectivités.
Certes, il ne s'agit pas des mêmes enjeux, le premier alinéa étant d'une autre portée. Je ne reviens donc pas sur ce que j'ai dit voilà un instant, mais telle est la raison pour laquelle j'estime que tout le monde doit assumer ses responsabilités : s'il s'agit de créer une collectivité à statut particulier ou de modifier les limites d'autres collectivités, que le Président de la République prenne l'initiative de cette consultation ; mais j'anticipe sans doute sur la réponse du Gouvernement quant au caractère de celle-ci.
M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour défendre l'amendement n° 98 rectifié.
M. Michel Charasse. Cet amendement est justifié par le caractère à la fois imprécis et dangereux du troisième alinéa du texte proposé pour le nouvel article 72-1.
Mes chers collègues, sauf le peuple français lui-même s'exprimant sur le plan national, aucune autorité ne peut contraindre le législateur à agir dans un sens ou dans un autre, et j'ajouterai que la Constitution interdit par ailleurs le mandat impératif. Elle prévoit donc que la souveraineté nationale appartient au peuple dans son ensemble, qu'aucune section du peuple ne peut s'en attribuer l'exercice et qu'il n'y a pas de mandat impératif.
Il doit donc être clair dans notre esprit que, quelle que soit la réponse des électeurs aux consultations prévues au troisième alinéa de l'article 72-1, cette réponse ne peut être qu'un simple avis qui ne peut lier ni l'exécutif ni le législatif, c'est-à-dire ni le Gouvernement ni le Parlement. Sinon, ce serait reconnaître indirectement à une section du peuple le droit de s'attribuer l'exercice de la souveraineté nationale, ce qu'interdit l'article 3 de la Constitution.
Le Gouvernement et le Parlement, mes chers collègues, ne peuvent pas être les simples notaires d'une volonté locale, si légitime soit-elle.
En outre, comment admettre que le Parlement n'ait plus qu'à suivre sans broncher l'opinion exprimée par la population d'une collectivité territoriale si, par exemple, la modification des limites territoriales doit entraîner la modification des limites d'un département, d'un canton ou d'une circonscription législative ?
Certes, on peut imaginer que, s'il en était ainsi, la consultation des électeurs ne serait pas organisée. Mais on ne sait jamais, car on ne résiste pas toujours si facilement aux pressions locales !
C'est pourquoi je propose de préciser que, en tout état de cause, les deux consultations qui sont prévues, soit pour la création d'une collectivité territoriale, soit pour la modification des limites d'une collectivité territoriale, n'ont que valeur d'avis, le Parlement et le Gouvernement conservant toutes leurs prérogatives pour leur donner suite ou non.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. René Garrec, rapporteur. La commission souhaiterait entendre M. le ministre avant de prendre position, en particulier sur les amendements de notre collègue M. Alfonsi.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Perben, garde des sceaux. S'agissant du troisième alinéa de l'article 5, je souhaiterais que l'on comprenne bien le sens de la proposition de modification de la Constitution.
D'abord, je veux confirmer à M. Alfonsi - il le sait d'ailleurs, puisqu'il a lu le projet - qu'il s'agit d'une consultation pour avis.
M. Michel Charasse. Ah !
M. Dominique Perben, garde des sceaux. C'est un élément très important, parce qu'il implique que c'est le Parlement qui consulte. Nous sommes en effet dans un processus législatif : le législateur prend la décision de consulter, puis il décide par la loi.
C'est parce qu'il s'agit d'un processus législatif qu'il n'est pas souhaitable que le Président de la République prenne la décision.
Dans ce processus législatif, on prend le soin de consulter une partie du corps électoral spécialement concernée par une loi qui sera ensuite approuvée par le Parlement.
Nous ne sommes pas dans une logique de référendum, par exemple dans la logique d'un référendum national qui ne serait organisé que sur une partie du territoire. Il ne s'agit pas de cela ; il s'agit d'une consultation s'inscrivant dans un processus législatif, et cela implique que le Gouvernement émette un avis défavorable sur les amendements identiques n°s 191 et 212, mais également, pour la même raison et selon la logique que je viens d'exposer en répondant en particulier à M. Alfonsi, sur l'amendement n° 213, qui porte sur l'initiative de la consultation.
Quant à l'amendement n° 98 rectifié, il est totalement redondant par rapport au texte présenté par le Gouvernement, qu'il alourdit inutilement. Le Gouvernement y est donc défavorable.
M. le président. Quel est, en définitive, l'avis de la commission ?
M. René Garrec, rapporteur. La commission des lois est défavorable aux amendements n°s 191 et 212, dont l'objet est identique à celui de l'amendement n° 15, qu'elle a retiré.
Par ailleurs, elle relève que l'amendement n° 213 remet en cause les prérogatives du Parlement. La commission souhaite donc son retrait ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Quant à la précision apportée par l'amendement présenté par M. Charasse, la commission la considère inutile, puisque la rédaction du projet de loi constitutionnelle fait référence à la « consultation », et non à la « décision » et au « référendum ». Elle émet donc un avis défavorable sur l'amendement n° 98 rectifié.
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote sur les amendements identiques n°s 191 et 212.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je fais partie des membres de la commission des lois qui, à leur grand regret, n'ont pu suivre ce débat dans son intégralité, pour la simple raison qu'ils étaient retenus par d'autres réunions - nous aurons l'occasion d'en reparler - consacrées à l'examen du projet de loi pour la sécurité intérieure, dont la discussion devait s'ouvrir ce matin même. Telles sont les conditions dans lesquelles nous travaillons !
Cela étant dit, j'avais pris connaissance du rapport de la commission et lu, en ce qui concerne les consultations locales sur la modification des limites d'une collectivité territoriale, que la mention dans la Constitution d'une « simple consultation facultative n'apparaît pas nécessaire », et que « ce dispositif souffre d'une grande imprécision et renvoie à la loi l'ensemble des mesures qui garantiront son effectivité : initiative de la consultation, définition des électeurs concernés ». Enfin, la commission des lois estimait que « la loi prévoit aujourd'hui des mécanismes de consultation des assemblées délibérantes des collectivités territoriales visées par la modification des limites territoriales ».
Telles sont les raisons, concluait M. le rapporteur, pour lesquelles la commission des lois - bien entendu, la majorité des membres de celle-ci l'avait automatiquement suivi - soumet au Sénat un amendement visant à supprimer le dernier alinéa du texte tendant à insérer un article 72-1 nouveau dans la Constitution.
Si j'examine le tableau comparatif joint au rapport, je constate d'ailleurs que figurent, dans la colonne intitulée : « Propositions de la commission », en face du dernier alinéa de l'article 5 du projet de loi constitutionnelle, les mots : « alinéa supprimé ». La suppression de cet alinéa était donc bien prévue pour des raisons de fond.
Certes, je sais bien que, cet après-midi, M. le rapporteur a expliqué - comme à l'habitude, il a été suivi par la majorité de la commission, c'est-à-dire par les membres de celle-ci qui appartiennent à la majorité sénatoriale - que, finalement, on acceptait ce que l'on avait refusé jusque-là avec justifications à l'appui.
Je veux bien que l'on change d'avis, mais je souhaiterais tout de même que l'on nous explique maintenant pourquoi on accepte aujourd'hui ce que l'on avait refusé hier pour des raisons exposées en long et en large dans le rapport !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 191 et 212.
MM. Michel Dreyfus-Schmidt et Jean-Pierre Sueur. Il n'y a pas de réponse ? (Non ! sur les travées du RPR.)
M. Robert Bret. Quel mépris pour le travail effectué en commission !
M. le président. La question a été posée : y répondre est non pas obligatoire, mais facultatif, mes chers collègues.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 213.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Charasse, pour explication de vote sur l'amendement n° 98 rectifié.
M. Michel Charasse. J'ai bien entendu les propos tenus par M. le rapporteur et surtout par M. le ministre, qui ont indiqué que la consultation, c'est la consultation, qu'il va de soi qu'il ne s'agit que de recueillir un simple avis et que le législateur ne peut pas avoir les mains liées. Cela me rassure complètement.
Toutefois, si j'ai déposé cet amendement, c'est tout simplement parce que, lors de la réunion commune de la commission des finances et de la commission des lois à laquelle je faisais référence tout à l'heure, s'agissant d'un article quasiment analogue visant l'outre-mer, Mme Girardin, ministre de l'outre-mer, a indiqué que, lorsque les populations auraient voté, le Parlement devrait en tirer logiquement les conséquences, sous-entendu suivre... Je dois dire que cette affaire m'a effrayé !
Cependant, à partir du moment où M. le garde des sceaux a indiqué que la consultation était destinée à recueillir un simple avis et que, bien entendu, aucune contrainte ne serait exercée sur les assemblées - je ne vois d'ailleurs pas de quelle manière on pourrait en exercer une -, je retire l'amendement n° 98 rectifié. (Très bien ! sur les travées du RPR.)
M. le président. L'amendement n° 98 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'article 5, modifié.

(L'article 5 est adopté.)

Articles additionnels après l'article 5



M. le président.
L'amendement n° 192, présenté par Mmes Borvo et Mathon, MM. Bret, Autain et Autexier, Mmes Beaudeau et Beaufils, M. Biarnès, Mme Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud, Le Cam et Loridant, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès, est ainsi libellé :
« Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Le premier alinéa de l'article 39 de la Constitution est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
« L'initiative des lois appartient concurremment au peuple, à ses représentants, au Premier ministre.
« Lorsqu'une proposition de loi émane d'au moins deux pour cent des électeurs inscrits, elle est inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale dans un délai de six mois.
« Toute proposition de loi émanant des membres du Parlement fait l'objet d'un avis de la commission compétente dans un délai de six mois. »
La parole est à Mme Josiane Mathon.
Mme Josiane Mathon. Je voudrais d'abord signaler que, au quatrième alinéa de cet amendement, il convient de lire : « dix pour cent » au lieu de : « deux pour cent ».
M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° 192 rectifié.
Veuillez poursuivre, madame Mathon.
Mme Josiane Mathon. Cet amendement a pour objet de revivifier la démocratie en permettant au peuple de disposer d'un pouvoir d'initiative législative.
Comme nous l'avons constaté lors du débat sur l'article 5 qui vient de se dérouler, le présent projet de loi constitutionnelle vise à développer la démocratie de proximité en prévoyant seulement d'instaurer le principe d'un référendum local organisé sur l'initiative des élus.
Se borner à proposer ce type de mesures ne permettra pas de résoudre le problème de fond de la vie politique française, qui est celui de l'éloignement des citoyens des centres de décision.
La complexité nouvelle introduite par le projet de loi constitutionnelle dans notre architecture institutionnelle n'amendera pas cet état de choses.
M. Raffarin et son gouvernement ont une conception de la démocratie de proximité qui tend beaucoup trop à la répartition suivante : les petits problèmes à la France d'en bas, les grandes questions à la France d'en haut.
Après le scrutin du 21 avril dernier, il apparaît pourtant nécessaire de réformer en profondeur nos institutions afin de rétablir la confiance entre le peuple et ses représentants. L'un des éléments du rétablissement de cette confiance doit être de permettre au peuple, dans des conditions bien définies, de disposer du pouvoir de soumettre des textes de loi aux parlementaires.
L'amendement n° 192 rectifié, qui porte sur l'initiative législative au sens large, prévoit également que toute proposition de loi doit être examinée par la commission compétente.
En considération de ces remarques, je vous propose, chers collègues, de voter notre amendement, qui démontre le caractère limité du projet de loi constitutionnelle et donc son inefficacité, à terme, au regard des objectifs de démocratisation.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. René Garrec, rapporteur. Cet amendement est sans rapport avec les dispositions du projet de loi constitutionnelle. La commission y est donc défavorable.
Mme Hélène Luc. C'est dommage !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Comme vient de le dire M. Garrec, cet amendement est sans rapport avec l'objet du projet de loi.
Par ailleurs, l'article 39 de la Constitution prévoit que l'initiative parlementaire appartient concurremment aux parlementaires et au Premier ministre.
Le dispositif que vous avez présenté, madame Mathon, aurait sans doute pour effet, si l'amendement était adopté, de bouleverser l'équilibre de la Constitution de la Ve République, or nous n'envisageons pas de changer de République !
Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
Mme Nicole Borvo. Vous dites vouloir changer la République !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 192 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 193, présenté par Mmes Borvo et Mathon, MM. Bret, Autain et Autexier, Mmes Beaudeau et Beaufils, M. Biarnès, Mme Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud, Le Cam et Loridant, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès, est ainsi libellé :
« Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Il est inséré, au titre XII de la Constitution, un article 72-1-1 ainsi rédigé :
« Art. 72-1-1. - Une ou plusieurs collectivités territoriales représentant 10 % du corps électoral national sont habilitées à déposer des propositions de loi relatives à leur domaine de compétence sur le bureau du Sénat. »
La parole est à Mme Josiane Mathon.
Mme Josiane Mathon. Cet amendement a, dans une certaine mesure, le même objet que le précédent : retisser le lien entre l'échelon local et l'échelon national, entre le particulier et le général.
Nous proposons de conférer à un groupe de collectivités territoriales ou à une collectivité territoriale représentant au moins 10 % des électeurs inscrits un pouvoir d'initiative législative.
Cela permettrait, sans nul doute, de faire valoir concrètement des préoccupations locales ou régionales.
Par ailleurs, nous prévoyons que la Haute Assemblée sera saisie de ces textes en premier lieu, dans le cadre d'une modernisation du rôle du Sénat, qui serait institué comme l'interface entre les collectivités territoriales et le Parlement et se consacrerait essentiellement à cette tâche.
Il s'agit d'un amendement utile en vue de rapprocher le processus d'élaboration de la loi des préoccupations quotidiennes des Français. Nous proposons donc au Sénat de l'adopter.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. René Garrec, rapporteur. L'initiative législative appartient concurremment au Premier ministre et aux membres du Parlement, aux termes de l'article 39 de la Constitution, mais non aux collectivités territoriales.
Rappelons également que les sénateurs sont les représentants des collectivités territoriales de la République et prennent en compte les intérêts de celles-ci dans leur activité législative, comme en témoignent d'ailleurs les amendements de la commission des lois.
Le dispositif présenté ne me semble donc pas absolument nécessaire. C'est la raison pour laquelle la commission souhaite le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, pour les raisons qu'il a exposées au sujet de l'amendement précédent.
M. le président. La parole est à M. le vice-président de la commission.
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission. Je voudrais relever la remarquable culture juridique des auteurs des amendements n°s 192 rectifié et 193.
En effet, leurs recherches ont porté à la fois sur les travaux préparatoires à l'élaboration de la Constitution de la IVe République et sur la Constitution de l'an I de la République, plus connue sous le nom de Constitution montagnarde.
De fait, le dispositif présenté par l'amendement n° 193 est directement issu de la constitution montagnarde, qui, malheureusement, n'a jamais été appliquée...
MM. Jean-Jacques Hyest, Michel Mercier et Henri de Raincourt. Heureusement !
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission. ... et dont la descendance s'est scindée selon deux voies tout à fait différentes : la voie soviétique, d'une part,...
M. Josselin de Rohan. Quelle horreur !
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission. ... la voie suisse, d'autre part.
M. Henri de Raincourt. Ah !
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission. Nous n'avons suivi aucune de ces deux voies. C'est la raison pour laquelle j'estime que les deux propositions du groupe CRC ne relèvent pas du tout de notre tradition constitutionnelle.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo. J'apprends avec intérêt que les Suisses sont soviétiques ! Cela étant, l'Union soviétique n'existe plus...
M. Henri de Raincourt. Vous le regrettez ?
Mme Nicole Borvo. Nous savions que la commission était défavorable à nos amendements, mais je trouve que proposer de faire évoluer la République et d'innover en matière de démocratie directe, de participation des citoyens et de pouvoirs des collectivités territoriales tout en balayant d'un revers de main l'idée même que l'on puisse ouvrir à ces dernières la possibilité non pas de faire la loi, mais de suggérer au Parlement d'examiner une proposition d'ordre législatif, cela manque sérieusement d'audace ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 193.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Nous allons maintenant aborder l'article 6.
M. Claude Estier. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Claude Estier.
M. Claude Estier. Monsieur le président, le dépôt, ce matin, par le Gouvernement, de l'amendement n° 248 a complètement modifié les conditions d'examen de cet article important. En effet, si cet amendement était adopté, un certain nombre d'amendements que nous avons présentés n'auraient plus d'objet. Pressés par le temps, nous avons repris à la hâte ces amendements sous la forme de sous-amendements, mais nous devons vérifier leur cohérence. C'est pourquoi je demande, au nom de mon groupe, une suspension de séance de quinze minutes.
M. le président. Le Sénat va, bien sûr, accéder à votre demande, monsieur Estier.
La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-trois heures quarante-cinq, est reprise à minuit, sous la présidence de M. Christian Poncelet.)

PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET

M. le président. La séance est reprise.

Article 6



M. le président.
« Art. 6. - Il est inséré au titre XII de la Constitution un article 72-2 ainsi rédigé :
« Art. 72-2 . - La libre administration des collectivités territoriales est garantie par des ressources dont celles-ci peuvent disposer librement dans les conditions fixées par la loi.
« Elles peuvent recevoir tout ou partie du produit des impositions de toute nature. La loi peut les autoriser à en fixer le taux et l'assiette, dans les limites qu'elle détermine.
« Les recettes fiscales, les autres ressources propres des collectivités et les dotations qu'elles reçoivent d'autres collectivités territoriales représentent une part déterminante de l'ensemble de leurs ressources. La loi organique fixe les conditions dans lesquelles cette règle est mise en oeuvre.
« Tout transfert de compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales s'accompagne de l'attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice.
« La loi met en oeuvre des dispositifs pouvant faire appel à la péréquation en vue de corriger les inégalités de ressources entre les collectivités territoriales. »
La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, sur l'article.
M. Jean-Pierre Fourcade. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, l'article 6 aborde le problème essentiel de l'autonomie financière des collectivités territoriales, sujet dont le Sénat et le comité des finances locales ont très longuement débattu.
Fort de tout ce qui a été dit sur cette question, notamment par vous-même monsieur le président, j'évoquerai les trois questions qui dominent le débat sur l'article 6.
Première question : faut-il apporter une garantie constitutionnelle à l'autonomie financière des collectivités territoriales ?
L'histoire des cinq dernières années est démonstrative : la majorité d'alors a fortement réduit le domaine de responsabilité des élus locaux, comme l'établit parfaitement l'excellent rapport de M. Garrec, et la jurisprudence du Conseil constitutionnel a laissé faire, qu'il s'agisse du remplacement d'impôts locaux par des dotations budgétaires ou bien des prélèvements multiples sur les recettes fiscales de certaines collectivités.
Il faut donc élever une barrière : tel est l'objet de l'article 6, dont, pour l'essentiel, j'approuve les dispositions.
Cette barrière, mes chers collègues, doit être solide, car la pente naturelle des administrations centrales de l'Etat est de refuser le maintien du lien entre l'élu local et les citoyens qui paient l'impôt, comme elle les conduit à refuser de réformer la fiscalité locale et à remplacer les impôts locaux par des dotations budgétaires.
Cette pratique présente un inconvénient à l'égard des institutions européennes, car le volume impressionnant des compensations de l'Etat aux collectivités territoriales s'élève aujourd'hui à plus de 20 milliards d'euros, soit près de la moitié du déficit budgétaire de l'Etat, et suscite un grand intérêt de la part de nos partenaires européens.
Indépendamment de cet inconvénient, la disparition progressive de la part libre des ressources locales doit être stoppée. Tel est le sens des amendements que la commission a approuvés à l'article 6 et des propositions que fait le Gouvernement.
Pour ma part, j'attache du prix non pas au débat sémantique pour savoir si les ressources libres doivent être « prépondérantes » ou « prédominantes » - c'est intéressant pour les juristes, mais guère pour les gestionnaires locaux -, mais à deux points essentiels : d'abord, il faut mettre un terme à la transformation des ressources fiscales en dotations budgétaires ; ensuite, il faut garantir aux collectivités locales que les transferts de compétences ou les transferts de charges s'accompagneront concomitamment des ressources pérennes correspondantes. Rien ne serait pire que de remplacer une ressource par une dotation budgétaire - et je ne citerai que la dotation de compensation de la taxe professionnelle, qui, année après année, se réduit comme peau de chagrin -, car ce n'est qu'un trompe-l'oeil qui a toujours des conséquences néfastes pour les contribuables locaux.
Je constate que le Gouvernement a fait un pas dans cette direction en donnant un avis favorable à certains amendements de la commission, et je salue ce rapprochement. Mais l'amendement n° 248, que nous allons examiner, ne prévoit pas l'interdiction de remplacer une recette fiscale par une dotation budgétaire. Je comprends parfaitement, monsieur le garde des sceaux, que ce point puisse être réglé non pas dans la Constitution, mais par une loi organique. Cependant, j'attends avec impatience - et M. le président du Sénat avec moi - l'engagement du Gouvernement de prévoir cette disposition dans une prochaine loi organique.
Deuxième question : quelles conséquences devrons-nous tirer de cette garantie constitutionnelle sur la réforme des concours de l'Etat aux collectivités territoriales et sur la modernisation du système des impôts locaux ?
Les concours de l'Etat aux collectivités locales représentent aujourd'hui 30 milliards d'euros, et c'est la dotation globale de fonctionnement qui en est l'ossature. Or, ce dernier concours est à bout de souffle et, depuis trois ou quatre ans, le comité des finances locales a le plus grand mal à la répartir d'une manière équitable entre les départements, les groupements de communes et les communes : on a tant « bricolé » - excusez le terme, messieurs les ministres - que l'exercice devient difficile.
Il faut donc avoir le courage d'engager dès l'année prochaine la réforme de cette dotation et, pour cela, la diviser en trois masses destinées respectivement aux départements, à l'intercommunalité et aux communes, en introduisant de véritables dispositifs de solidarité à l'intérieur de chacun de ces ensembles.
Par ailleurs, il faut regrouper autour de la DGF d'autres dotations parcellaires - la DGD, ou dotation générale de décentralisation, la DGE, ou dotation globale d'équipement, la DSI, ou dotation spéciale pour le logement des instituteurs,... -, afin de doter l'Etat d'un véritable outil de solidarité nationale et non pas de maintenir à perpétuité des droits acquis.
La modernisation de la fiscalité locale - qui représente encore 50 milliards d'euros - doit s'inspirer de trois principes. Le premier est le principe de réalité, qui consiste à adopter des bases réelles et évolutives, comme dans les pays anglo-saxons, et non pas à cultiver le paradoxe de valeurs locatives qui ont trente ou vingt ans d'âge. Le deuxième est le principe de spécialisation, qui doit permettre de réserver le produit de la taxe professionnelle aux communautés et aux régions, d'attribuer aux communes des impôts sur les ménages le plus largement répartis et de doter les départements et les régions de taxes additionnelles à la CSG et à la taxe intérieure sur les produits pétroliers. Enfin, le principe d'innovation conduit à les associer aux progrès de la technologie et de l'environnement.
Il faudra du temps pour réaliser ces réformes essentielles, mais elles sont contenues dans la garantie constitutionnelle, et il ne peut pas y avoir de garantie constitutionnelle de l'autonomie des finances locales sans réforme de la fiscalité locale. On en parle depuis suffisamment longtemps : arrêtons de débattre et commençons à travailler sérieusement à cette réforme !
Troisième question, enfin : quelles pistes pouvons-nous ouvrir pour donner davantage de cohérence aux nécessaires péréquations des ressources entre les collectivités territoriales ?
Compte tenu de la situation budgétaire que connaît notre pays, il ne peut être question de réclamer un effort supplémentaire au budget de l'Etat, déjà fortement déficitaire. Je suggère tout d'abord, messieurs les ministres, de faire l'inventaire critique des dégrèvements décidés par le Parlement depuis un certain nombre d'années. Ces dégrèvements s'élèvent à 8 milliards d'euros - excusez du peu ! - sur la taxe professionnelle, la taxe foncière et la taxe d'habitation, et créent à l'heure actuelle des situations d'exonération ou de péréquation dont plus personne ne comprend le sens.
Une mission parlementaire chargée d'examiner le sort de ces 8 milliards d'euros de dégrèvements permettrait de dégager au moins 2 milliards d'euros qui pourraient abonder la masse à péréquer et, par conséquent, amélioreraient la solidarité entre l'ensemble des collectivités territoriales.
Nous avons le culte des droits acquis, le culte de la sédimentation de l'ensemble des éléments fiscaux. Il nous faut abandonner cette culture et essayer de déterminer à qui profitent les dégrèvements afin de voir comment nous pourrions moderniser notre fiscalité.
M. Gérard Longuet. Du passé faisons table rase !
M. Jean-Pierre Fourcade. Je suggère ensuite - c'est la seconde - de mieux distinguer les niveaux de la péréquation. Corriger les inégalités de ressources et de charges entre les vingt-six régions et les quelque cent départements est beaucoup plus facile que de procéder à un saupoudrage généralisé vis-à-vis des 36 000 communes. La loi votée en 1995, qui fixait des objectifs quantifiés à la péréquation des ressources entre les régions, doit être mise en application, alors que depuis sept ans personne ne veut s'occuper d'engager cette réforme essentielle qu'un certain nombre de pays voisins, je pense à l'Espagne et à l'Allemagne, ont déjà réalisée.
Je redoute l'inefficacité des péréquations croisées, qu'un rapport récent établi pour le Commissariat au Plan a permis de mesurer : elles découragent l'initiative des uns sans régler les problèmes sociaux des autres.
Telles sont, monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, les réflexions que je souhaitais vous présenter en introduction à la discussion des amendements déposés à l'article 6. Pour sortir de la complexité, il faut de la lucidité et de la volonté. L'amendement n° 248 du Gouvernement marque un pas en direction des préoccupations du Sénat.
M. Jean-Pierre Sueur. Un pas ridicule !
M. Jean-Pierre Fourcade. Certes, c'est un petit pas, et l'on aurait pu s'attendre à un geste plus important mais il va dans la bonne direction. Il faut maintenant continuer et apporter la démonstration que le Gouvernement et le Sénat ne manquent ni de lucidité ni de volonté. (Applaudissements sur les travées du RDSE ainsi que sur celles de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Ces dernières années, 100 milliards de francs ont été prélevés sur les ressources fiscales des collectivités territoriales, ce qui est énorme. Il est donc urgent de prendre le problème à bras-le-corps et d'y apporter une solution satisfaisante.
M. Jean-Pierre Fourcade. Absolument !
M. le président. La parole est à M. Yves Fréville.
M. Yves Fréville. Je crains de faire entendre un point de vue quelque peu dissident.
Oh, ce ne sont pas les principes que le Gouvernement nous propose qui me posent problème ! Je suis parfaitement d'accord avec l'autonomie financière et avec l'autonomie fiscale. Il ne peut y avoir de décentralisation sans libre emploi des ressources si l'on veut que la décentralisation ne conduise pas à l'uniformité mais permette la diversité des solutions mises au point par les collectivités locales. Quant au principe d'autonomie fiscale, il est le corollaire nécessaire de la responsabilité des élus devant le contribuable électeur : plus de dépenses, plus d'impôts ; moins de dépenses, moins d'impôts.
Si je suis perplexe, c'est parce que je crains, au nom d'un certain réalisme, que nous n'ayons quelque mal à trouver la traduction économique et fiscale des principes juridiques que nous allons faire figurer dans la Constitution.
Je ne crois pas qu'une sorte de complot ait été ourdi pour démanteler la fiscalité locale. Bien sûr, certaines administrations peuvent être tentées de le faire. Bien sûr, nous avons manqué de courage en ne révisant pas les bases de la fiscalité directe locale. Mais il existe une tendance profonde, lourde, à la diminution des impôts locaux et cela parce qu'il n'y a plus de bons impôts locaux.
Voilà trente-cinq ans, mes chers collègues, l'autonomie fiscale des collectivités était totale. Or tous les maires des communes rurales, tous les maires des communes de banlieue - ainsi, certainement, que de très nombreux sénateurs - demandaient la suppression de la taxe locale sur le chiffre d'affaires et la création d'une dotation d'Etat, dont ils estimaient qu'elle serait plus juste et mieux répartie.
En vérité, cette tendance de fond tient tout simplement à ce qu'il est de plus en plus difficile, dans la société moderne, d'enserrer les assiettes des impôts -, le revenu, la valeur ajoutée... - dans les limites qui sont celles de nos communes ou de nos départements.
Si nous arrivons cependant à localiser certains impôts, ce seront des impôts généralement mal répartis. Pensez, mes chers collègues, à cet impôt qui fournissait pourtant de substantielles ressources aux départements : les droits de mutation à titre onéreux. Voilà bien un impôt dynamique ! Or il était extraordinairement mal réparti. Naturellement, lorsqu'un impôt est mal réparti, il faut utiliser toutes les ressources disponibles de l'Etat sur le plan budgétaire pour corriger les seules inégalités de ressources locales, alors que, dans tous les grands pays modernes, la péréquation des besoins est une priorité.
Voilà le doute qui est le mien.
Bien sûr, je n'ignore pas que le problème est politique.
Je ne voudrais pas que la grande idée de la décentralisation, à laquelle j'adhère, devienne impopulaire parce que fondée sur des impôts injustes et incompréhensibles et que l'absence de bons impôts freine le processus de décentralisation, faute de pouvoir en faire respecter le caractère prépondérant.
Je formulerai, à partir de ces éléments, deux conclusions.
D'abord, nous avons à construire un socle d'impôts locaux justes et bien répartis, même si le volume qu'ils représentent n'est pas très important. Sinon, on remettra en marche la mécanique infernale des dégrèvements. Quand l'impôt devient trop lourd, on le dégrève au détriment du principe de l'autonomie fiscale.
J'ai étudié les dégrèvements de taxe d'habitation qui ont été accordés dans la totalité des départements. Comment expliquer que dans un département comme les Hautes-Alpes, les dégrèvements de taxe d'habitation ne représentent que 7,9 % de la recette perçue à ce titre et que, à l'autre bout de l'échelle, dans le Vaucluse, cette part atteigne 28,9 % ? Voilà à quoi on aboutit lorsque l'impôt devient trop élevé et qu'on doit le corriger de façon contre-péréquatrice.
Seconde conclusion : il n'y a pas à choisir entre de bons impôts locaux, d'une part, et de mauvaises dotations d'Etat, d'autre part. Comme le disait excellement, hier, à Rennes, M. Delevoye, le problème essentiel pour nos collectivités locales, c'est d'avoir des ressources dynamiques, de trouver une bonne adéquation entre, d'un côté, le rythme de croissance des dépenses et, de l'autre côté, le rythme de croissance des ressources.
Dans certains cas, j'en suis absolument persuadé, mieux vaut avoir une dotation indexée sur les salaires ou sur la valeur ajoutée - non pas sur le tiers du PIB, bien entendu - qu'un impôt, localisé, certes, mais stagnant.
Je terminerai en émettant un souhait.
Il est faux de croire qu'il existe une opposition tranchée entre impôts locaux et dotations d'Etat. C'est en fait un continuum , depuis l'impôt national à taux fixe partagé par la loi entre les collectivités - la taxe sur les salaires de 1968 - ou localisé - la taxe locale sur le chiffre d'affaires - aux centimes additionnels à l'impôt d'Etat - la future TIPP régionale, peut-être - jusqu'à nos quatre vieilles.
Je souhaite simplement que les discussions que nous allons avoir permettront d'éclairer cette notion de ressources fiscales locales, afin que la justice naisse de ce débat. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. La discussion de ce projet de loi constitutionnelle portant organisation décentralisée de la République parvient à un point particulièrement délicat : celui du devenir des finances des collectivités territoriales.
La discussion générale a suffisamment montré la sensibilité de notre assemblée sur cette question. On ne peut d'ailleurs que regretter à nouveau que la commission des finances n'ait pas été saisie pour avis, ainsi que nous l'avions proposé, compte tenu de la nature de ce projet de loi constitutionnelle.
Nous avons également souligné que la question des transferts de compétences de l'Etat vers les collectivités territoriales, inclus dans les premières lois de décentralisation et étendus depuis au travers de multiples lois, devrait s'analyser en fonction de la satisfaction des besoins de la population, mais également au regard des conséquences financières qui en résultent pour les collectivités locales.
Ce n'est un secret pour personne, nos concitoyens sont globalement satisfaits de la décentralisation. Ils le sont parfois un peu moins de ses conséquences sur le montant des impositions locales. Et c'est bien l'un des points clés du débat qui est ouvert par cet article 6.
A lire l'article 6, il semble que le Gouvernement veuille définir les conditions financières dans lesquelles doit s'exercer la décentralisation. Mais, pour en savoir plus, nous devrons attendre la loi organique. J'ai bien entendu M. le Premier ministre insister, mardi dernier, sur la grande disparité des ressources propres des collectivités territoriales. Toutefois, si la disparité des situations entre les collectivités territoriales - c'est le moins que l'on puisse dire - est reconnue par tous, rien, dans le texte qui nous est proposé, ne nous permet de dire qu'il y est porté remède.
Que constate-t-on en effet, aujourd'hui dans la réalité ?
Les dotations budgétaires ne jouent qu'à la marge un rôle de péréquation, de plus en plus entamé par le poids croissant de l'intercommunalité. C'est au travers des flux financiers propres aux EPCI que l'on parvient actuellement à une forme de solidarité un peu plus accomplie.
Cependant, cette solidarité reste limitée du fait de l'étroitesse des dotations, l'évolution de celles-ci étant liée - et c'est là une donnée de fond - à la définition de l'enveloppe par la loi de finances, comme vient de le rappeler M. Fourcade.
S'agissant de la fiscalité locale, là encore, que de situations diverses ! Et, surtout, que d'évolutions fort différentes d'un produit fiscal à l'autre.
Dois-je rappeler que le produit de la taxe foncière et de la taxe d'habitation est aujourd'hui supérieur, dans plus de soixante départements, à celui de la taxe professionnelle ?
Dois-je rappeler que, parce qu'il s'agissait d'éviter tout accroissement du poids de la fiscalité supportée par les entreprises, la révision des valeurs locatives décidée en 1990 n'a jamais vu le jour ? On appelait en effet à l'effort de solidarité les seuls contribuables à la taxe d'habitation et à la taxe foncière.
Et quelles solutions préconise-t-on, ou du moins quelles solutions sont avancées par les uns et par les autres au travers des diverses déclarations ministérielles ? S'agit-il d'un partage du produit de la TVA, de la TIPP, voire d'une taxe additionnelle à cette TIPP ?
De telles dispositions reviendraient à transférer sur le consommateur, au travers d'impôts par nature injustes, le financement de l'action des collectivités locales.
Parce que les situations de ressources sont profondément inégales, parce que les situations sociales et économiques vécues par les habitants sont fort diverses, on ne peut se contenter de valider les inégalités, comme le propose le Gouvernement dans l'article 6, et laisser la porte ouverte à une concurrence fiscale entre les territoires qui ne fera qu'amplifier les disparités originelles.
Si la réforme des finances locales doit être audacieuse, elle doit aussi s'appuyer sur l'essentiel.
Il ne s'agit pas nécessairement de définir un nouveau partage des prélèvements obligatoires qui accusera encore plus les inégalités devant l'impôt. Il s'agit de donner aux collectivités territoriales les moyens d'une action prenant en compte les besoins réels de nos compatriotes, permettant de faire vivre les principes fondamentaux d'égalité des citoyens devant l'impôt.
C'est aussi pour cela que nous estimons que l'Etat doit assumer la péréquation, la solidarité. Une recette nationale peut parfaitement y être affectée. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste, républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat.
M. Bernard Frimat. A ce stade du débat, on se demande quel article 6 nous discutons.
J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt les interventions de MM. Fourcade et Fréville. Tous deux ont insisté sur la nécessité de réformes fiscales. Quand notre collègue Yves Fréville appelle à la mise en place d'un socle d'impôts locaux justes et bien répartis, je ne vois pas qui, dans cette assemblée, pourrait ne pas être d'accord.
Mais le sujet de l'article 6 - à moins que je l'aie mal lu ou qu'il n'ait encore changé ! -, ce n'est pas la réforme fiscale : c'est ce que l'on a appelé « l'autonomie financière des collectivités locales ».
Nous avons maintenant, avec l'amendement du Gouvernement, précédé de celui de la commission des lois, la démonstration de ce que le texte initial était mauvais. Nous avions d'ailleurs formulé un certain nombre de remarques dès l'audition de M. le garde des sceaux et de M. le ministre délégué aux libertés locales par la commission des lois, le mercredi 16 octobre.
C'est ainsi que tout ce qui concernait le double compte et les dotations provenant d'autres collectivités locales a été supprimé. Il est vrai que cela était sans rapport avec la volonté de définir la fameuse « part déterminante », sujet sur lequel nous aurons l'occasion de revenir.
Ce matin, la situation était différente de celle de jeudi dernier. L'amendement que nous avons vu arriver n'était pas « lucifuge », il a supporté l'éclat des lumières de cet hémicycle. Ainsi, la discussion de l'article 6 devient de facto un débat sur ce nouvel amendement.
Celui-ci comprend cinq alinéas. Dans le premier, je lis : « ... dans les conditions fixées par la loi » ; dans le deuxième : « La loi peut... » ; dans le troisième : « La loi organique fixe... » ; dans le quatrième : « ... déterminées par la loi » ; dans le cinquième : « La loi prévoit... ».
Autrement dit, chacun des cinq alinéas du texte proposé renvoie à la loi, ce qui constitue la démonstration la plus évidente de l'inutilité de la réforme constitutionnelle. En effet, cela revient à n'affirmer aucun principe.
Ainsi, le principe de solidarité n'est pas affirmé.
Pour ce qui est de la compensation, tout le monde comprend bien que la finalité est de ne pas compenser et d'essayer de faire une décentralisation qui sera supportée par d'autres, alors même que, comme l'a rappelé Yves Fréville, la fiscalité locale est déjà injuste. Eh bien, on va encore accroître les injustices !
Il n'y a même pas de réelle autonomie, alors que c'était, semble-t-il, la volonté du Gouvernement. On en reste à ce vieux cheval de bataille de la « part déterminante », que nous arriverons peut-être à préciser...
Alors, pourquoi ce texte inutile ? J'ai cherché, et j'ai trouvé, monsieur Devedjian, ce vers de Rostand : « C'est encore plus beau lorsque c'est inutile. » C'est sans doute ce qui vous a amené à nous présenter ce texte ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du communiste, républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'article 6 du projet de loi est l'un des plus importants de la présente discussion.
Après avoir posé les conditions générales de l'organisation décentralisée de la République et celles de l'application élargie du principe de subsidiarité, il s'agit maintenant de définir le cadre des relations financières futures entre l'Etat et les collectivités territoriales.
Sous des dehors plutôt avenants, l'article 6 tend à codifier ces relations en s'appuyant, d'une part, sur les expériences qui ont été menées ces dernières années et qui nous ont permis de constater à plusieurs reprises que l'Etat se délestait d'une partie de son déficit au détriment des collectivités, et, d'autre part, sur la future réforme des finances locales.
C'est à la lumière de ces éléments que je tiens à intervenir sur cet article 6.
Depuis plusieurs années, nous avons connu maintes dispositions remettant en question l'équilibre des relations entre l'Etat et les collectivités.
Nous avons ainsi connu deux réformes de la dotation globale de fonctionnement, conduisant à une perte sensible de pouvoir d'achat de ladite dotation et à sa réduction continuelle dans la part des recettes des collectivités locales.
Nous avons également connu une mise au régime sec de l'ensemble des dotations, consacrée d'abord lors de la discussion de la loi de finances pour 1994 puis dans le fameux pacte de stabilité imposé par la loi de finances de 1996.
Le pacte de croissance et de solidarité, mis en oeuvre par le gouvernement de la gauche plurielle élu en 1997, n'a pas permis de résoudre totalement le décalage constaté entre le montant des dotations versées et le montant qui aurait été nécessaire pour éviter, notamment, que les collectivités locales ne fassent encore plus appel à la fiscalité pour alimenter leurs recettes de fonctionnement.
Si l'on veut établir des relations stables entre l'Etat et les collectivités locales, nul doute qu'il conviendra, à un moment donné, de faire le bilan effectif des manques à gagner qui ont accompagné les dernières années et qui se chiffrent en milliards d'euros de dotations non distribués.
Quand on cumule baisse de la DGF, remise en question du fonds de compensation pour la TVA, persistance du prélèvement complémentaire sur les frais d'émission de rôles, réduction continuelle de la dotation de compensation de la taxe professionnelle, ce sont au total, selon nos estimations, plus de huit milliards d'euros qui sont ainsi retirés chaque année aux collectivités locales, ce qui équivaut presque au montant de la taxe d'habitation appelée.
Quant au devenir des finances locales, nombreux sont ceux qui demandent aujourd'hui une remise en cause de l'assiette des différents impôts locaux et la mise en place concurrente d'un système de forte péréquation des ressources.
Une véritable réforme de la fiscalité locale reste effectivement à accomplir.
Elle nécessite, notamment, de repenser la taxe professionnelle, en faisant de la taxation des actifs financiers des entreprises un outil fort de péréquation nationale, compte tenu de la financiarisation de notre économie.
Elle nécessite également de mieux prendre en compte la réalité des ressources des contribuables dans l'application des dispositions corrigeant la taxe d'habitation et la taxe foncière.
Cette réforme ne semble pas prévue par les termes de l'article 6, qui organise, ainsi que nous le verrons, une ruineuse compétition fiscale entre territoires, mettant encore plus à mal qu'aujourd'hui l'égalité des citoyens devant l'impôt.
Les assises des libertés locales de la région Bretagne, qui se tenaient lundi dernier à Rennes, ont d'ailleurs mis en évidence, chez près de 80 % des personnes interrogées, l'aspect « archaïque », selon le terme retenu par le questionnaire distribué, des impôts d'Etat et des impôts locaux.
« Les Français en ont assez de l'augmentation des impôts locaux... », titrait le Télégramme ce matin. C'est pourtant ce qui les attend dans le cadre de cette loi de décentralisation libérale, et l'expérience nous le confirme. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste, républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. François Marc.
M. François Marc. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, mon collègue BernardFrimat, a, il y a quelques instants, situé le véritable enjeu et la portée effective du texte qui nous est proposé en indiquant clairement que ce dernier ne changerait strictement rien. Je crois que tout le monde ici en est convaincu et je ne voudrais donc pas insister sur ce point de vue, qui est sans doute assez largement partagé, mais mettre plutôt l'accent sur les orientations sous-tendues par cet article 6 et sur les risques qu'il fait courir à notre pays, en particulier sur le terrain de la fiscalité et des finances locales.
Tout d'abord, l'autonomie que l'on cherche à mettre en oeuvre et à inscrire dans la Constitution est l'objet d'une réflexion quelque peu biaisée. En effet, le diagnostic qui peut être établi, aujourd'hui, par rapport à l'autonomie n'est nullement conforme à ce que l'on peut observer dans le reste de l'Europe : dans les pays nordiques, la part des dotations représente 60 à 80 % des budgets, et l'on ne peut pas dire que ces pays manquent d'autonomie dans leur gestion locale ; en Allemagne, les Lander disposent de dotations pour l'essentiel de leurs ressources, et l'on ne peut pas dire qu'ils manquent d'autonomie budgétaire ; en Italie, après les lois Bassanini, des transferts de ressources sur la fiscalité locale ont été mis en oeuvre de façon accélérée depuis dix ans.
Aujourd'hui, nous sommes dans le mur, à tel point qu'il a fallu instaurer des processus de péréquation et de compensation entre les dotations de l'Etat, pour corriger les différences énormes qui s'étaient creusées entre collectivités. il faut en finir avec le jusqu'au-boutisme fiscal !
S'agissant du diagnostic, je constate que les nombreuses auditions auxquelles la commission des lois et la commission des finances du Sénat ont procédé ont largement démontré que tous s'accordaient sur le préalable nécessaire de la réforme des finances locales. Comment pourrions-nous bâtir un dispositif d'autonomie comportant des transferts de fiscalité sans procéder au préalable à cette réforme ? Ce serait un véritable leurre, mais aussi un grand danger pour notre pays.
Le système actuel est très critiqué. Néanmoins, peu de propositions sont formulées à ce jour et notre collègue Jean-Pierre Fourcade m'a quelque peu inquiété concernant la réforme des finances locales qu'il appelait de ses voeux. Ne l'avons-nous pas entendu dire qu'il nous fallait peut-être réfléchir aujourd'hui à la remise en cause de tous les dégrèvements qui ont été mis en place ces dernières années ? A ce moment-là, il faut préciser, parmi tous les dégrèvements qui sont accordés aujourd'hui aux populations les plus fragiles, lesquels sont visés ! Or, pour l'instant, cette question n'a reçu aucune réponse.
S'agissant des péréquations, il est important de reconnaître que la péréquation verticale, c'est-à-dire la redistribution par l'Etat au profit des collectivités locales, a permis de résoudre bien des problèmes dans notre pays. Aller dans le sens d'une réduction de ces péréquations serait certainement très dangereux. En effet, aujourd'hui, le potentiel fiscal des communes connaît une variation théorique de 1 à 900 : certaines communes sont neuf cents fois plus riches que d'autres.
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission. Peut-on comparer une commune de vingt habitants et une grande agglomération ?
M. François Marc. De la même façon, pour les départements, le potentiel fiscal par habitant varie de 1 à 8.
Par conséquent, vouloir inscrire le principe de l'autonomie fiscale dans la Constitution avant d'avoir entrepris la réforme des finances locales, c'est faire courir un risque majeur à notre pays en réduisant les marges de manoeuvre susceptibles d'être utilisées pour réduire les injustices du systèmes financier de nos collectivités locales.
Au-delà de la mise en cause des politiques de péréquation nationale, on va encore creuser les inégalités à l'intérieur de chacune des catégories. En effet, deux idées sous-tendent le projet du Gouvernement, et elles ont été clairement annoncées par Président de la République dans son discours de Rouen. Il s'agit, d'abord, d'introduire de la compétition entre les territoires. Or cela, le parti socialiste n'en veut pas. Il s'agit, ensuite d'entreprendre une substitution fiscale en abaissant l'impôt sur le revenu, qui est un impôt assez juste, et en le transférant sur les impôts locaux, que tout le monde dénonce comme injustes. Or cette substitution fiscale, qui porte en germe une montée de l'injustice en France, nous n'en voulons pas non plus.
Pour ces raisons, il nous semble préférable de ne pas suivre le Gouvernement. Nous sommes donc opposés à la proposition qu'il nous soumet aujourd'hui. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe communiste, républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Avec l'article 5, qui donne aux citoyens l'autorisation d'envoyer des pétitions, je pensais que nous avions atteint un certain niveau dans le creux législatif, le vide constitutionnel et la béance normative ! Mais nous progressons toujours (Sourires) et, avec cet article 6 et l'amendement n° 248 du Gouvernement, nous nous retrouvons devant un texte dont nous ne voyons absolument pas ce qu'il permettrait de faire que nous ne puissions pas faire aujourd'hui...
M. Hilaire Flandre. Que ne l'avez-vous fait !
M. Jean-Pierre Sueur. ... ni quels droits nouveaux il donnerait aux collectivités, puisqu'il ne comporte que des pétitions de principe et des éléments particulièrement vagues et peu opératoires.
J'ai écouté comme tout le monde avec infiniment d'intérêt M. Fourcade nous parler des dotations. Les 30 milliards d'euros de dotations de l'Etat aux collectivités - cela gonfle toujours, et M. Fourcade a parlé des cinq dernières années, mais l'on pourrait avantageusement parler des années qui ont précédé, puisque chacun y a contribué - représentent aujourd'hui une charge complètement disproportionnée.
Certes, nous devons aller vers une plus grande autonomie fiscale des collectivités locales, mais permettez-moi de vous faire remarquer que l'expression : « autonomie fiscale des collectivités locales » ne figure ni dans l'article qui nous était proposé au départ ni dans l'amendement que nous présente le Gouvernement.
Quoi qu'il en soit, nous devons avancer et il faudra nous décider un jour à diminuer le montant de ces dotations, d'autant que notre pays connaît le paradoxe d'avoir beaucoup de dotations et très peu de péréquations : après tout, la justification d'un tel montant de dotations, c'est que cela pourrait permettre à l'Etat de faire des péréquations, mais le taux de péréquation à l'intérieur des dotations n'est pas supérieur à 5 %. Il faut donc diminuer le montant des dotations et augmenter le montant de la péréquation.
Cela étant, pour aller dans ce sens, est-il utile d'inscrire dans la Constitution - comme vous le proposez - que la part des ressources fiscales et des ressources propres des collectivités locales sera déterminante ? Tout le monde sait bien que cela ne signifie absolument rien !
Une part de 30 % pour les régions, est-ce que ce sera déterminant ? Comme le mot « significatif », le mot « déterminant » ne veut strictement rien dire ! Pourquoi inscrire cette disposition dans la Constitution ?
M. Hilaire Flandre. Pourquoi ne pas l'inscrire ?
M. Jean-Pierre Sueur. De même, y inscrire le principe de la péréquation, c'est très bien, mais la vraie question est plutôt de mettre en oeuvre et de développer la péréquation existante. Or, lorsque l'on examine le projet de loi de finances qui nous est présenté aujourd'hui, on s'aperçoit que, s'il y a plus de dotations, il n'y a pas plus de péréquation. Nous sommes alors comme ces choeurs du Faust de Gounod, qui chantaient « Marchons ! marchons ! » mais qui n'avancent pas. Pourquoi vouloir insérer dans la Constitution un certain nombre de mots qui n'ont et qui n'auront aucun effet ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste ainsi que sur certaines travées du groupe communiste, républicain et citoyen.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que la conférence des présidents a décidé aujourd'hui que, compte tenu du dépôt d'un amendement du Gouvernement visant à rédiger complètement l'article 6, l'ensemble des amendements déposés sur cet article feront l'objet d'une discussion commune.
Actuellement, nous sommes saisis de cinquante-trois amendements et sous-amendements.
M. Michel Charasse. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président. La parole à est M. Michel Charasse.
M. Michel Charasse. Monsieur le président, il est près de zéro heure quarante-cinq et, en deux heures et quart, nous n'avons examiné qu'une vingtaine d'amendements. Même si l'amendement du Gouvernement propose une nouvelle rédaction de l'article 6, les cinquante-trois amendements et sous-amendements qui ont été déposés sur ledit article seront de toute façon appelés et défendus !
Dans ces conditions, je souhaiterais savoir quelles sont les intentions de la présidence en ce qui concerne l'heure à laquelle la présente séance sera levée. Vous nous avez indiqué qu'il était primitivement envisagé d'aller au terme de l'examen de l'article 6, soit, avec plus de cinquante amendements à examiner, jusqu'aux environs de quatre heures du matin. Or, monsieur le président, il y a une règle que vous connaissez bien - et mieux que d'autres ! - selon laquelle, entre deux séances consécutives, un délai de neuf heures doit être respecté.
Permettez-moi cependant de vous rappeler que la commission des finances doit examiner demain matin à neuf heures trente le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Nous devons quand même disposer d'un minimum de temps pour nous reposer un peu, de façon à ne pas être dans un état complètement second pour des discussions aussi importantes !
Je souhaiterais donc que vous nous indiquiez à quelle heure vous envisagez de lever la séance.
Par ailleurs, ne pourrait-on envisager un jour d'appliquer aux commissions les règles qui sont actuellement appliquées à la séance ? Il est en effet trop facile de dire que le Sénat ne se réunira pas en séance publique alors que les commissions siégeront ! Comprenez que, pour nous, l'avantage est nul ! Or nous méritons d'être traités aussi bien que le personnel, qui bénéficie de mesures lui permettant d'épargner sa peine. Et ces mesures, je les approuve très largement, bien entendu !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien ! Et cela doit s'appliquer à toutes les commissions !
M. le président. Monsieur Charasse, la conférence des présidents qui s'est réunie ce matin a pris, après un très long débat, la décision de respecter le programme établi et donc de terminer cette nuit l'examen de l'article 6.
Si je prenais maintenant une décision contraire à titre personnel, vous me feriez le même reproche que celui que vous avez adressé à M. le président de la commission des lois, celui de prendre une décision sans consultation.
Etant un démocrate, je vais donc consulter le Sénat - c'est une procédure que vous avez déjà utilisée par le passé et que je peux par conséquent appliquer ce soir - pour savoir s'il souhaite, conformément à la décision prise par la conférence des présidents, poursuivre le débat jusqu'à la fin de l'examen de l'article 6.
M. Michel Charasse. C'est-à-dire jusqu'à quatre heures du matin !
M. le président. Je n'en sais rien pour l'instant ! Si vous allez vite, nous pouvons terminer plus tôt !
M. Josselin de Rohan. Cela dépend de vous !
Mme Hélène Luc. Cela ne veut rien dire ! Et si l'examen de l'article 6 durait sept heures ? Vous voulez limiter une discussion aussi importante ?
M. le président. Encore une fois, cela dépend de vous. Cela peut durer trois jours si vous prolongez le débat ! Vous n'avez pas fait de telle réflexion dans le passé !
Je consulte le Sénat sur la proposition tendant à poursuivre le débat jusqu'à la fin de l'examen de l'article 6.

(La proposition est adoptée.)
M. le président. La décision a été prise à une forte majorité.
Nous poursuivons l'examen de l'article 6.
Sur cet article, je suis saisi de vingt-neuf amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune ; mais, pour la clarté du débat, je les appellerai un par un.
L'amendement n° 194, présenté par Mmes Borvo et Mathon, MM. Bret, Autain et Autexier, Mmes Beaudeau et Beaufils, M. Biarnès, Mme Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud, Le Cam et Loridant, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar et Mme Terrade, est ainsi libellé :
« Supprimer cet article. »
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. C'est peu de dire que le texte de l'article 6 se présente, malgré des apparences séduisantes, comme un ensemble de dispositions qui sont plus que discutables et qui n'apportent pas de véritables réponses aux collectivités territoriales.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ils ont voté pour poursuivre le débat, mais maintenant ils s'en vont...
Mme Marie-France Beaufils. Dans les faits, la rédaction actuelle de l'article consacre les profondes inégalités de ressources existant entre collectivités territoriales, donne à la compétition fiscale entre territoires une vertu quasi constitutionnelle, et encourage, in fine, au développement des inégalités entre les citoyens devant l'impôt et vis-à-vis de la qualité du service public.
Ainsi, considérer que recettes fiscales, ressources d'exploitation et dotations nées des transferts entre collectivités territoriales constituent une part déterminante des ressources des collectivités dans leur ensemble revient, de facto, à donner une vertu à une forme d'austérité partagée et à consacrer la déshérence des dotations budgétaires de l'Etat.
Or de quelles ressources disposent aujourd'hui, d'abord et avant tout, nombre de nos collectivités locales, et singulièrement la très grande majorité de nos collectivités rurales ? De dotations budgétaires !
Consacrer la déshérence des dotations budgétaires, comme nous y invite l'article, est donc le plus sûr moyen de nous priver de l'outil de péréquation de ressources le plus pertinent aujourd'hui, malgré ses multiples imperfections - lesquelles, soit dit en passant, procèdent non pas de la nature même des dotations, mais bien plutôt de l'importance du prélèvement sur recettes dont nous débattons à l'occasion de la loi de finances.
Ce qui est en cause, ce n'est pas la qualité de la dotation de fonctionnement minimale des départements ni celle des dotations de solidarité urbaine ou rurale ; c'est plutôt l'asphyxie du dispositif de péréquation par insuffisance du montant consacré par l'Etat à leur abondement.
Dans le texte, on ne parle des dotations que pour faire allusion aux dotations que les collectivités recevaient - puisque l'article 6 a été modifié d'autres collectivités territoriales, laissant mal augurer des dotations nationales.
Quant à la fiscalité locale, son produit est aujourd'hui fort important en termes de montant : plus de 57,5 milliards d'euros. Mais ne nous voilons pas la face : la décision d'augmenter les taux d'imposition, ou simplement de les faire varier, a des effets fort différents selon la capacité des contribuables.
Quand il s'agit de la taxe foncière sur les propriétés bâties, pour laquelle les dispositifs de correction n'interviennent que de façon marginale, la hausse est ressentie dans toute son ampleur par le contribuable.
Et je ne parle pas ici des effets pervers sur le montant des rôles appelés en matière de taxe d'enlèvement des ordures ménagères ! Quand à la taxe professionnelle, largement allégée ces dernières années, l'importance des dégrèvements fait que son produit évolue moins et surtout ne prend pas suffisamment en compte les capacités contributives des entreprises.
Que l'on ne s'y trompe pas : laisser, dans certaines limites, aux collectivités locales le loisir de fixer le taux et l'assiette des impositions locales est pour le moins illusoire, sauf à considérer que vous voulez faire payer au prix coûtant par les habitants et sans tenir compte de leurs ressources les services mis en place dans les collectivités. A moins que vous n'envisagiez une orientation différente, à savoir la modification de la nature des recettes fiscales des collectivités locales.
Que prévoit l'article 6 ?
D'abord, une concurrence fiscale entre les territoires, donc une concurrence qui se fait à l'aveugle ou presque. La réalité de l'impact de la décision fiscale sur les contribuables n'est pas appréciée dans cette proposition.
Ensuite, un développement de l'inégalité devant l'impôt et de l'inégalité des moyens dont disposeront les collectivités territoriales.
Enfin, une taxation, une assiette fort inégales et déséquilibrées sur le territoire de la même matière fiscale, ce qui ne peut se résoudre que par des impositions votées au niveau national.
Parce que nous sommes attachés à une égalité de traitement des citoyens sur l'ensemble du territoire, on doit chercher, si l'on veut réformer, à prendre des dispositions qui visent à consacrer cette égalité et non à confirmer des inégalités entre les territoires, entre les citoyens.
C'est pour toutes ces raisons que le groupe communiste républicain et citoyen rejette sans ambiguïté l'article 6 et le texte qui tend à le remplacer, et que nous vous invitons à adopter l'amendement n° 194, ce qui, je le dis du passage, nous permettrait de terminer très rapidement la séance ! (Rires. - Applaudissements sur les travées du groupe communiste, républicain et citoyen et du groupe socialiste.)
M. le président. L'amendement n° 149, présenté par MM. Peyronnet, Bel, Charasse et Courteau, Mme Durrieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche, Lise, Marc, Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe socialiste et rattachée, est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi le texte proposé par cet article pour insérer un article 72-2 dans la Constitution :
« Art. 72-2. - Pour assurer leur libre administration, les collectivités territoriales bénéficient de ressources dont elles peuvent disposer librement dans les conditions fixées par la loi.
« La loi fixe les règles concernant des dispositifs de solidarité nationale en vue de compenser les inégalités de ressources et de charges entre les collectivités territoriales.
« Toute suppression d'une recette fiscale propre perçue par les collectivités territoriales donne lieu à l'attribution de recettes fiscales d'un produit au moins équivalent.
« Tout transfert de compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales s'accompagne de l'attribution des ressources nécessaires à leur exercice. »
La parole est à M. Bernard Frimat.
M. Bernard Frimat. Mme Marie-France Beaufils vient de vous proposer, pour gagner du temps, un amendement de suppression de l'article 6. J'utiliserai une méthode quelque peu différente avec cet amendement tendant à le rédiger autrement, puisque j'ai senti une volonté d'exprimer des principes.
Je plaide coupable, puisque deux des quatre alinéas ne font pas référence à la loi ; des principes y sont seulement affirmés, ce qui me semble être, si j'ai bien compris, le rôle de la Constitution.
Le premier alinéa dépasse la notion que vous évoquiez initialement, monsieur le garde des sceaux, et que vous avez abandonnée chemin faisant - mais on est très proche de votre texte - puisqu'il dispose que, « pour assurer leur libre administration » - et la Constitution reconnaît ce principe de libre administration -, « les collectivités territoriales bénéficient de ressources dont elles peuvent disposer librement dans les conditions prévues par la loi ». On précise donc que c'est ce pouvoir qui est la garantie essentielle de leur libre administration.
Dans le deuxième alinéa est abordé le problème de la solidarité nationale. Nous savons tous que les inégalités persistent - M. François Marc évoquait des amplitudes entre communes et entre départements -, inégalités de ressources - en général, celles dont on parle - mais aussi inégalités de besoins : toutes les collectivités ne sont pas confrontées aux mêmes besoins et il n'y a pas forcément de rapport entre leurs ressources et leurs besoins. Mieux vaut, donc, ériger en principe la solidarité nationale plutôt que s'en tenir à un simple mécanisme, comme vous le faites. Les mécanismes seront définis dans la loi.
Le texte du troisième alinéa pourrait difficilement être renié par un certain nombre de membres de cette assemblée : « Toute suppression d'une recette fiscale propre perçue par les collectivités territoriales donne lieu à l'attribution de recettes fiscales d'un produit au moins équivalent. » Pour éviter ce faux débat entre « prépondérant » et « déterminant », il faut considérer que le niveau actuel des ressources propres est acceptable, et nous le gelons afin qu'au hasard des lois cette situation puisse être améliorée, sans qu'il soit possible de procéder à des diminutions ou à des suppressions.
Enfin, « tout transfert de compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales s'accompagne de l'attribution des ressources nécessaires à leur exercice ». Le problème est bien là : les moyens dont disposent les collectivités doivent être en rapport avec les charges qu'elles subissent. Quand, dans un domaine précis - les exemples sont multiples - les efforts de l'Etat sont reconnus comme étant notoirement insuffisants, qui peut croire que la décentralisation, en transférant ce qui est notoirement insuffisant, apportera, par miracle, la solution aux problèmes qui ne sont pas encore réglés ?
J'aurai l'occasion, au fil de l'examen des différents sous-amendements, de détailler un peu plus longuement ces propos. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. L'amendement n° 248, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi le texte proposé par cet article pour l'article 72-2 de la Constitution :
« Art. 72-2. - Les collectivités territoriales bénéficient de ressources dont elles peuvent disposer librement dans les conditions fixées par la loi.
« Elles peuvent recevoir tout ou partie du produit des impositions de toute nature. La loi peut les autoriser à en fixer l'assiette et le taux dans les limites qu'elle détermine.
« Les recettes fiscales et les autres ressources propres des collectivités territoriales représentent, pour chaque catégorie de collectivités, une part déterminante de l'ensemble de leurs ressources. La loi organique fixe les conditions dans lesquelles cette règle est mise en oeuvre.
« Tout transfert de compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales s'accompagne de l'attribution de ressources équivalant à celles qui étaient consacrées à leur exercice. Toute création de nouvelle compétence est accompagnée de ressources déterminées par la loi.
« La loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à compenser les inégalités entre collectivités territoriales. »
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Avant de présenter l'amendement du Gouvernement, je voudrais apporter quelques éléments de réponse aux orateurs qui sont intervenus sur l'article 6. Je voudrais en particulier répondre à M. Fourcade, qui a présenté d'une façon extrêmement argumentée les grands enjeux de cet article 6.
Je voudrais vous confirmer ce que vous avez exprimé vous-même, monsieur le sénateur, à savoir que cet article a pour objet d'apporter une garantie constitutionnelle à l'autonomie financière des collectivités territoriales. C'est effectivement en termes de principes qu'il est exprimé, car il s'agit d'un texte constitutionnel. On ne peut le constater et en même temps regretter un renvoi à la loi pour les modalités d'application de ces principes, comme d'autres orateurs l'ont dit après vous.
Vous avez également insisté - d'autres l'ont fait aussi -, c'est sur cette idée de responsabilité fiscale, qui est le corollaire de la responsabilité démocratique. C'est extrêmement important. La majorité sénatoriale et le Gouvernement partagent ce point de vue, contrairement à un certain nombre d'autres membres du Sénat, si j'ai bien compris. J'ai entendu une réflexion selon laquelle un système dans lequel les ressources des collectivités territoriales seraient composées à 60 % ou 70 % de dotations - on a évoqué le cas de pays scandinaves - était au fond quelque chose de parfaitement acceptable. Ce n'est effectivement pas notre conception des choses. Ce débat est donc intéressant pour clarifier la vision que les uns et les autres peuvent avoir de la décentralisation.
Vous avez aussi souhaité que l'on mette un coup d'arrêt à cette évolution progressive vers le développement des dotations budgétaires. Je vous confirme que c'est vraiment au coeur du projet du Gouvernement, comme le Premier ministre a eu l'occasion de le dire ces jours derniers, y compris à vous-même.
J'en viens aux raisons pour lesquelles le Gouvernement a choisi la présentation qui est la sienne. Faisons attention de ne pas, par un excès de rigueur dans la présentation du principe que je viens de rappeler, bloquer le processus de décentralisation. Chacun l'a bien compris, il s'agit d'affirmer un principe et, ensuite, de construire les modalités nécessaires à son application.
Le dernier point concerne la nécessité de faire une réforme fiscale. La volonté du Gouvernement d'affirmer dans la Constitution un certain nombre des éléments contenus dans cet article 6 implique d'engager rapidement cette réforme fiscale, si nous voulons effectivement construire de manière substantielle une nouvelle étape de la décentralisation. M. le ministre délégué aura sans doute l'occasion, au fil de la discussion des amendements sur cet article, d'apporter des éléments de réponse plus précis. Mais il est clair que les textes qui vous seront présentés par le Gouvernement au début de l'année 2003 contiendront des dispositions modifiant la fiscalité.
Monsieur Fréville, vous avez, à juste titre, exprimé l'idée qu'un excès dans l'expression de l'autonomie financière pouvait être rigoureusement contradictoire avec la volonté de décentraliser davantage, en tout cas à un instant donné. Il faut donc y prendre garde, et c'est ce qui explique la prudence du Gouvernement dans l'expression du principe.
Par ailleurs, monsieur Frimat, pourquoi regretter le fait que le Gouvernement ait pris en compte, dans l'amendement n° 248 que je présenterai dans un instant, un certain nombre d'observations exprimées par les sénateurs, en particulier lors de la discussion générale ? A quoi serviraient les débats parlementaires s'ils n'aboutissaient pas à modifier les textes qui sont proposés par le Gouvernement ?
Un orateur du groupe socialiste s'est élevé contre l'idée de concurrence entre les territoires. Nous sommes tous hostiles au mauvais temps et nous sommes tous favorables au beau temps ! La concurrence entre les territoires, ce n'est pas le projet de réforme constitutionnelle qui l'organise : c'est la réalité d'hier, d'aujourd'hui et de demain. Les territoires sont en concurrence ! Tous les élus locaux qui sont ici - je suis moi-même élu local - le savent bien. La question est de savoir comment ajouter une concurrence saine en termes de qualité de gestion à la concurrence de fait qui est constatée. Il faut vivre dans la réalité !
Avec cet amendement n° 248, le Gouvernement a souhaité prendre en compte un certain nombre d'apports issus, d'abord, des travaux de la commission, ensuite de la discussion générale. Comment se présente cet amendement ?
Au premier alinéa est affirmé le principe de libre disposition des ressources de façon claire et directe, selon une formule qui me semble sans ambiguïté.
Au deuxième alinéa relatif à la perception des impositions, il est tenu compte des amendements de votre commission mettant au pluriel l'expression : « impositions de toutes natures » et rétablissant l'ordre logique entre l'assiette et le taux, en cohérence avec les termes de l'article 34 de la Constitution.
Au troisième alinéa, le Gouvernement se rallie à l'idée de ne pas compter les dotations intercollectivités parmi le ratio des ressources propres des collectivités territoriales, sujet qui avait été longuement évoqué lors de la discussion générale. En revanche, je veux revenir sur le refus du Gouvernement de faire référence à la part prépondérante. En effet, je l'ai indiqué tout à l'heure, retenir cette idée de part prépondérante aurait eu pour effet de placer immédiatement le droit positif en rupture avec la norme constitutionnelle. A l'évidence, cela aurait été une erreur compte tenu de la volonté commune, me semble-t-il, du Gouvernement et de la majorité d'aller vers une nouvelle étape de décentralisation.
Au quatrième alinéa relatif à la compensation des transferts de charges, il est ajouté un principe selon lequel « toute création de nouvelle compétence est accompagnée de ressources déterminées par la loi ». J'espère que cette rédaction répondra aux demandes exprimées par de nombreux sénateurs, notamment à la suite de la loi sur l'allocation personnalisée d'autonomie. Je voudrais rappeler à l'opposition, qui, en ce domaine, doit faire preuve d'une certaine modestie, me semble-t-il, que cette affaire représente un traumatisme considérable pour l'ensemble des élus locaux, et pas seulement des élus départementaux, car c'est l'exemple même de ce qu'il ne faut pas faire.
C'est la raison pour laquelle le fait d'affirmer que la loi doit définir des ressources nouvelles en cas de création de nouvelle compétence me paraît une réponse à la fois raisonnable dans l'expression et adaptée, compte tenu de l'histoire récente que nous venons de connaître au travers de cette affaire de l'allocation personnalisée d'autonomie.
Enfin, au cinquième alinéa, le principe de péréquation destiné à compenser les inégalités entre collectivités territoriales, de quelque nature qu'elles soient, me paraît clairement posé.
En conclusion, il me semble que ce travail de synthèse, que nous avons souhaité compte tenu de l'importance des observations qui avaient été formulées tant par la commission que dans la discussion générale, répond, pour l'essentiel, aux préoccupations que vous avez bien voulu exprimer.
M. le président. L'amendement n° 248 est assorti de vingt-quatre sous-amendements.
Le sous-amendement n° 254, présenté par MM. Peyronnet, Bel, Charasse et Courteau, Mme Durieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche, Lise, Marc, Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe socialiste et rattachée, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le début du premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 248 pour l'article 72-2 de la Constitution :
« Pour assurer leur libre administration, les collectivités territoriales... »
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Nos sous-amendements ont pour objet de redonner un peu de substance au texte du Gouvernement sur plusieurs points.
Messieurs les ministres, le projet de loi initial faisait référence à la libre administration des collectivités territoriales, mais cette mention ne figure plus dans l'amendement que vous avez déposé aujourd'hui. Il nous a paru utile de la rétablir.
La rédaction de l'article 6 n'était pas satisfaisante, car on pouvait en déduire que la libre administration des collectivités territoriales se résumait à la libre disposition des ressources. En effet, la libre administration serait garantie, c'est-à-dire effective, dès lors que les collectivités territoriales disposeraient de ressources dont elles useraient librement.
Si la capacité de voter le budget est assurément une condition indispensable de la libre administration d'une collectivité territoriale, nous devons constater qu'elle n'est pas la seule. Par ailleurs, il ne fait pas de doute que d'autres pouvoirs des collectivités territoriales participent à la mise en oeuvre du principe de libre administration.
Le sous-amendement n° 254 tend à éviter que la libre administration des collectivités territoriales ne puisse être confondue avec la libre disposition de ressources, la première notion étant plus large que la seconde.
Il nous paraît utile de faire figurer dans le présent projet de loi constitutionnelle cette notion de libre administration. Nous espérons être suivis par le Gouvernement et par la commission, puisque ladite notion a été introduite par le Gouvernement et qu'elle a été approuvée par la commission. Je ne vois pas ce qui pourrait s'opposer à l'adoption de ce sous-amendement.
M. le président. Le sous amendement n° 269, présenté par Mmes Borvo et Mathon, MM. Bret, Autain et Autexier, Mmes Beaudeau et Beaufils, M. Biarnès, Mme Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud, Le Cam et Loridant, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le début du premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 248 pour l'article 72-2 de la Constitution :
« Dans le respect du principe de libre administration,... ».
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. La rédaction de l'amendement n° 248 pose une question assez surprenante, notamment au vu de l'exposé des motifs et des intentions affirmées par les auteurs du projet de loi.
En effet, alors même que l'article 72-2 de la Constitution est censé consacrer l'autonomie financière des collectivités territoriales, voilà que disparaît le principe de libre administration, pourtant inscrit en toutes lettres dans le code général des collectivités territoriales.
Les deux données sont pourtant a priori compatibles et l'on peut s'étonner que l'on affirme l'une en oubliant l'autre.
Mais, évidemment, se pose le problème de ce que sont les mots et des choses qu'ils recouvrent.
Nous estimons donc indispensable que cet oubli regrettable soit réparé, quand bien même l'on pourrait nous affirmer que la codification du principe de libre administration se suffit à elle-même.
Mais est-ce vraiment un oubli ? Car, au fond, ce projet de loi constitutionnelle de décentralisation est tout sauf un projet ouvrant la voie à l'exercice plein et entier des libertés locales. Cette omission du Gouvernement sur cette question sensible des financements est une illustration de la manière générale dont les choses sont conçues.
Il s'agit bel et bien de valider constitutionnellement les transferts de charges déjà opérés par le passé, fussent-ils fort imparfaitement compensés par l'attribution de ressources permettant aux collectivités locales de les assumer et d'ouvrir la voie à de nombreux transferts de charges qui mettront à mal les faibles marges de décision des élus locaux.
Quelques exemples suffisent à illustrer ce propos.
Je prendrai le cas de l'allocation personnalisée d'autonomie, qui a constitué pour les bénéficiaires une véritable avancée, mais qui devient aujourd'hui une charge importante pour de nombreux départements. Monsieur le ministre, je vous rappelle que, pour notre part, nous avions proposé que son financement soit assuré par la sécurité sociale, donc par une recette qui soit véritablement affectée.
De quelle liberté disposent alors les élus locaux ? De celle de réduire la quotité ou la qualité des prestations servies aux allocataires ou de celle d'augmenter sensiblement la pression fiscale pour faire face à la montée en puissance du dispositif ?
Le même exemple vaut, au demeurant, pour le financement des services d'incendie et de secours, ou encore pour la question de la gestion des déchets ménagers, qui contraignent bien souvent les collectivités locales à l'augmentation de la fiscalité directe et, singulièrement, de la taxe foncière sur les propriétés bâties ou de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères.
En fait, la libre administration des collectivités territoriales est encore à inventer.
Très nombreux sont les élus locaux qui n'ont pas les moyens financiers d'entreprendre la moindre démarche originale de gestion, d'opérer le moindre choix innovant et qui sont d'ailleurs amenés, sinon contraints, à recourir aux voies de la coopération intercommunale pour donner un sens à leur action de terrain, directement palpable par leurs administrés.
Que le Gouvernement ait oublié de prendre en compte cette dimension dans son amendement n'est pas une surprise, puisqu'il s'avère à l'examen - et ce n'est pas une pure spéculation ou un procès d'intention - que la décentralisation est instrumentalisée par ce projet de loi comme un moyen de simple décentralisation du déficit public.
Ce Gouvernement et la majorité qui le soutient n'en sont pas à leur coup d'essai : en 1993, lors de la réforme de la dotation globale de fonctionnement, ou en 1995, lors de la discussion du pacte de stabilité, il en était de même.
La seule finalité des mesures de l'époque était de réduire coûte que coûte le déficit de l'Etat et d'en partager la contrainte sur les contribuables locaux.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous vous invitons, mes chers collègues, à adopter ce sous-amendement à l'amendement 248.
M. le président. Les deux sous-amendements suivant sont identiques.
Le sous-amendement n° 195 rectifié est présenté par Mmes Borvo et Mathon, MM. Bret, Autain et Autexier, Mmes Beaudeau et Beaufils, M. Biarnès, Mme Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud, Le Cam et Loridant, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar et Mme Terrade.
Le sous-amendement n° 262 est présenté par MM. Peyronnet, Bel, Charasse et Courteau, Mme Durrieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche, Lise, Marc, Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe socialiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« Supprimer le deuxième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 248 pour l'article 72-2 de la Constitution. »
La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour défendre le sous-amendement n° 195 rectifié.
Mme Marie-France Beaufils. Nous avons besoin d'une réforme du financement des collectivités territoriales, mais laquelle ? C'est un peu la question que pose la rédaction actuelle du second alinéa du nouvel article 72-2 de la Constitution.
Force est aujourd'hui de constater que les impôts locaux nécessitent une réforme profonde permettant de lier plus nettement justice fiscale, efficacité économique et sociale et, in fine, pérennité des ressources des collectivités territoriales.
La qualité des dispositions relatives aux collectivités territoriales demeure en effet le plus sûr moyen de parvenir, par le biais d'une allocation judicieuse des ressources collectées, à répondre effectivement aux besoins des populations.
Nous avons indiqué que la fixation des taux d'imposition procédait quelque peu de cette vision, compte tenu du paysage fiscal actuel.
Offrir demain la possibilité de jouer, même à la marge, sur l'assiette des impositions locales est une question relativement importante.
Si l'on s'en tient à ce qui existe aujourd'hui - la faculté d'exonérations temporaires de la taxe professionnelle, par exemple - on pourrait presque se dire que la démarche mise en oeuvre par cet alinéa est finalement assez secondaire. En fait, nous croyons plutôt que cela offrira un cadre à une inégalité de traitement fiscal entre les contribuables, laquelle se fonderait notamment sur une assiette a priori différente de celle qui existe aujourd'hui.
Si l'on tient pour acquis l'abandon de la révision des valeurs locatives prévue par la loi de 1990, qui a montré la difficulté de l'exercice quand, dans une même masse, on ne touche pas à l'un des paramètres qui la composent - je veux parler de la taxe professionnelle - dans quelle direction va-t-on ?
Allons-nous substituer des assiettes nouvelles à celles qui existent pour la taxe d'habitation, la taxe professionnelle ou encore la taxe foncière ? Sur quelles bases ? N'est-ce pas consacrer totalement l'inégalité des territoires et l'inégalité des citoyens face à l'impôt ?
On parle également d'une prise en compte de l'excédent brut d'exploitation en lieu et place de la valeur des immobilisations pour la taxe professionnelle.
Certains évoquent aussi la création d'une sorte de contribution sociale généralisée locale venant remplacer l'actuelle assiette de la taxe d'habitation et faisant de celle-ci une sorte d'appendice de l'impôt sur le revenu.
Quant aux transferts de compétences, des suggestions sont faites sur la possibilité de reverser aux collectivités territoriales une partie du produit des droits indirects qui frappent la consommation ou, plus spécifiquement, ceux qui touchent les produits pétroliers.
Que verrait-on si de telles suggestions étaient retenues en même temps que la possibilité d'en fixer le taux et l'assiette ? Une TIPP différente selon que l'on habite en Poitou-Charentes, en Languedoc-Roussillon ou en Ile-de-France ? Une CSG plus ou moins lourde selon que l'on habite à Paris, à Marseille ou à Auch ? Une TVA auvergnate plus lourde que la TVA rhônalpine ?
C'est bel et bien ce qui sous-tend la rédaction du second alinéa de l'article 6.
En voulant donner l'impression d'accorder aux élus locaux la liberté de choisir l'assiette de leurs impôts, vous nous proposez, en fait, de mettre en cause les fondements mêmes de notre République : l'égalité devant la loi de tous les citoyens.
C'est au pays, à son Parlement, de décider quels impôts doivent participer au financement du budget de l'Etat et des collectivités territoriales. C'est le seul moyen de rendre vivant l'article 1er de notre Constitution.
La démarche que vous nous proposez constitue un vrai leurre puisque, sur le fond, elle consiste à faire en sorte que les élus territoriaux fassent couvrir de plus en plus par l'impôt local les charges qui leur sont imposées au fur et à mesure de la mise en place des nouvelles compétences et des nouvelles exigences.
Vous pourrez ainsi tranquillement mettre en oeuvre la réduction de l'impôt sur le revenu promise par le Président de la République au cours de la campagne pour l'élection présidentielle, réduire l'impôt sur les sociétés et répondre aux exigences du traité de Maastricht.
Vous réduirez le déficit de l'Etat en le faisant supporter au plus bas par l'ensemble des habitants, sans tenir compte de leurs capacités financières.
Telles sont les raisons qui motivent le dépôt de notre sous-amendement. (C'est tout ? sur les travées du RPR.)
M. le président. Je rappelle que chaque orateur dispose d'un temps de parole de cinq minutes pile, et pas davantage.
Mme Hélène Luc. Il faut nous laisser le temps de nous expliquer complètement sur un texte de nature constitutionnelle, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour défendre le sous-amendement n° 262.
M. Bernard Frimat. Le sous-amendement n° 262 vise à supprimer, dans le texte de l'amendement n° 248 du Gouvernement, les dispositions prévoyant d'une part que les collectivités territoriales peuvent recevoir tout ou partie du produit des impositions de toute nature et, d'autre part, que la loi peut les autoriser à en fixer le taux et l'assiette. Le deuxième alinéa de cet amendement nous semble, d'une certaine façon, inutile.
Les collectivités territoriales reçoivent déjà, de par la loi, tout ou partie des impositions de toute nature. Les lois mettant en place la décentralisation ont d'ailleurs organisé le transfert de certains impôts aux collectivités territoriales.
Le fait que la loi permette à une collectivité territoriale de recevoir tout ou partie des impositions de toute nature n'a donc jamais soulevé aucune difficulté d'ordre constitutionnel. Cette disposition paraît en conséquence inutile.
Par ailleurs, inscrire dans la Constitution le pouvoir des collectivités territoriales de fixer le taux et l'assiette des impôts locaux nous semble relever de la même veine. En effet, la loi le permet déjà dans le cadre constitutionnel actuel. Les collectivités territoriales votent les taux des quatre taxes locales. Contrairement à ce que certains voudraient nous faire croire, elles n'ont pas attendu la décentralisation pour le faire, en vertu de l'article 2 de la loi du 10 janvier 1980, déclarée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel dans une décision du 9 janvier 1980.
Indiquer dans la Constitution que les collectivités territoriales fixent le taux et l'assiette des impôts locaux présente, mes chers collègues, une autre difficulté.
Cela reviendrait à placer cette disposition, dans la hiérarchie des normes juridiques, sur un même niveau que les dispositions indiquant, à l'article 20 de la Constitution, que « le Gouvernement détermine et conduit la politique de la nation » ou, encore, à l'article 34, que la « loi fixe les règles concernant l'assiette, et le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures ». La portée des articles 20 et 34 serait dès lors atténuée.
Or, je crois - et telle sera ma conclusion, monsieur le président - que chacun souhaite ici que le Gouvernement, quel qu'il soit, continue à déterminer et à conduire la politique de la nation, surtout à une époque où le thème de l'impuissance du politique fait le jeu à la fois des extrémismes et de l'abstentionnisme.
Je crois, enfin, qu'il faut conserver au Parlement le pouvoir qu'il a reçu de consentir, au nom des citoyens, à l'impôt. Ce pouvoir est à l'origine de l'édification des régimes parlementaires de par le monde, il fonde la légitimité du Parlement. L'impôt est en retour légitimé par le Parlement. Impôt et Parlement vont de pair, car ils se légitiment mutuellement.
M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !
M. le président. Le sous-amendement n° 255, présenté par MM. Peyronnet, Bel, Charasse et Courteau, Mme Durrieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche, Lise, Marc, Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe socialiste et rattachée, est ainsi libellé :
« Après le deuxième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 248 pour l'article 72-2 de la Constitution, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Toute suppression d'une recette fiscale propre perçue par les collectivités territoriales donne lieu à l'attribution de recettes fiscales d'un produit au moins équivalent. »
La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. Ce sous-amendement prévoit que toute suppression d'une recette fiscale propre perçue par les collectivités territoriales donne lieu à l'attribution de recettes fiscales d'un produit au moins équivalent.
A la lecture détaillée de l'amendement n° 248 qui, soit dit en passant, monsieur le garde des sceaux, ne fait que reprendre les dispositions les plus anodines parmi celles qui avaient été prévues par la commission des lois, force est de constater que la suppression d'une recette fiscale n'est pas traitée en tant que telle. Or nous savons bien, et vos propos de tout à l'heure le confirment, que trop souvent les suppressions de recettes fiscales ont été transformées en dotations de la part de l'Etat dont, l'évolution est différente. Chacun sait les défauts du système.
Bien que l'avant-dernier paragraphe de l'amendement n° 248 indique que tout transfert doit s'accompagner de l'attribution de ressources équivalentes, dans la mesure où ce ne sont pas forcément des ressources fiscales, il nous apparaît important d'indiquer que chaque recette fiscale est remplacée par une autre. Il me semble d'ailleurs, monsieur le président, que c'était l'un des aspects majeurs que vous aviez soulignés dans votre proposition de loi. Je pense donc que la majorité se fera un plaisir de retenir ce sous-amendement.
M. le président. Vous avez de bonnes références, monsieur Peyronnet ! Continuez !
M. Jean-Pierre Fourcade. Je félicite les nouveaux convertis !
M. le président. Le sous-amendement n° 256, présenté par MM. Peyronnet, Bel, Charasse et Courteau, Mme Durrieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche, Lise, Marc, Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe socialiste et rattachée, est ainsi libellé :
« Supprimer le troisième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 248 pour l'article 72-2 de la Constitution. »
La parole est à M. Bernard Frimat.
M. Bernard Frimat. M. Fourcade se réjouit à mi-voix des conversions. Même si ce n'est pas fondamentalement notre philosophie, faut-il déplorer que quelqu'un trouve son chemin de Damas ? Depuis le début de ce débat, nous attendons désespérément que le Gouvernement trouve le sien ! Il a encore quelques heures pour y parvenir. Nous lui indiquerons la route. Nous allons essayer de l'aider en espérant être entendus et en souhaitant, monsieur le président, que notre droit ne se limite pas au seul dépôt d'amendements et que, de temps en temps, par conviction ou par inadvertance, l'un de ces amendements puisse être repris !
M. le président. Plutôt par conviction !
M. Bernard Frimat. Cependant, monsieur le président, à cette heure tardive, on peut aussi miser sur l'inadvertance, même si la vigilance de notre président-rapporteur est grande.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Comptez plutôt sur la bienveillance que sur l'inadvertance !
M. Bernard Frimat. J'espère que vous me décompterez le temps si je suis interrompu, monsieur le président, car il serait dommage de traiter de ces questions de manière précipitée.
M. Jacques Peyrat. Ça, c'est vrai !
M. Bernard Frimat. Leur importance nécessite que nous les examinions avec toute la pondération nécessaire.
J'en viens, si vous me le permettez, mes chers collègues, au sous-amendement n° 256.
L'amendement n° 248 du Gouvernement, malgré le talent de M. le garde des sceaux, que personne ne peut nier dans cette assemblée, ne nous a pas convaincus.
M. René Garrec, rapporteur. Dommage !
M. Bernard Frimat. Il conserve ce chef-d'oeuvre, futur objet de l'attention des professeurs de droit constitutionnel, de la « part déterminante ». Or quelle est la signification d'une part déterminante ? (M. le rapporteur s'exclame.)
Nous restons sur notre faim, et nous nous interrogeons longuement.
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission. Oui, très longuement !
M. Bernard Frimat. Comment la contrainte que ferait peser l'Etat sur cette part déterminante est-elle déterminée puisque nous sommes en présence d'un concept flou ?
Aussi, de façon à éviter que, demain, vous n'ayez à subir la critique forcément désagréable d'avoir introduit un alinéa flou, nous essayons de vous aider et vous proposons la clarté en supprimant cet alinéa. C'est à notre avis une argumentation qui est déterminante par rapport à la part que vous avez essayé d'évoquer !
M. le président. Le sous-amendement n° 257, présenté par MM. Peyronnet, Bel, Charasse et Courteau, Mme Durrieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche, Lise, Marc, Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe socialiste et rattachée, est ainsi libellé :
« A la fin de la première phrase du troisième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 248 pour l'article 72-2 de la Constitution, remplacer les mots : "une part déterminante de l'ensemble de leurs ressources" par les mots : "plus de la moitié de leurs ressources". »
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Au moment de défendre ce sous-amendement, monsieur le président, je voudrais rendre hommage à la compétence juridique et à la sagesse de notre président-rapporteur, M. Garrec. (M. le rapporteur s'exclame.)
M. Gérard Braun. Méfiez-vous !
M. Jean-Pierre Sueur. Je tiens à lui rendre un hommage appuyé, car, lorsque M. Garrec a pris connaissance de la rédaction du projet de loi et de cette notion de « part déterminante », il a eu un réflexe que chacun peut comprendre et qui, avec toute la compétence juridique qui est la sienne, bien entendu, s'est transformé en un raisonnement en une proposition. M. Garrec nous a dit : « On ne peut quand même pas voter ça ! » - enfin, je résume - et il nous a proposé une autre formulation. Mes chers collègues, a-t-il indiqué, mettez « prépondérant », au moins cela voudra dire quelque chose ! On dira que l'ensemble des ressources propres et des recettes fiscales des collectivités locales - à présent que la question des ressources provenant d'autres collectivités est réglée - doit constituer la part « prépondérante » de leurs ressources.
M. Josselin de Rohan. Voilà, seulement ça pose un problème !
M. Jean-Pierre Sueur. Mon cher collègue, cela a été adopté par la majorité de la commission, dont vous faites partie.
M. Josselin de Rohan. On peut réfléchir !
M. Jean-Pierre Sueur. Donc, notre collègue était lui aussi d'accord sur l'adjectif « prépondérante ».
Nous avons posé une question très simple. Nous avons indiqué à M. le rapporteur que, dans le fond, s'il inscrivait « prépondérante », cela signifiait que c'était la part principale.
M. Josselin de Rohan. C'est exact !
M. Jean-Pierre Sueur. M. Gélard a répondu qu'il y avait peut-être une troisième part, provenant des ressources européennes. Cependant, toutes les collectivités ne reçoivent pas beaucoup de fonds de l'Europe, il faut bien le dire.
M. René Garrec, rapporteur. C'est dommage !
M. Jean-Pierre Sueur. Si l'on indique « prépondérante », il est logique d'en conclure que cela correspond à plus de la moitié des ressources. Alors, écrivons-le !
M. Josselin de Rohan. Vous êtes un champion de l'égalité.
M. Jean-Pierre Sueur. Nous avions déposé ce sous-amendement pour voir si M. le rapporteur l'accepterait en séance publique. En effet, si nous comprenons bien le sens de l'adjectif « prépondérant », il n'y a aucune difficulté à l'adopter. Simplement, si on l'adopte, il est tout à fait clair qu'on ne pourra pas faire le budget de l'année prochaine ni celui de l'année suivante, parce que, vous le savez bien, la part des recettes fiscales et autres ressources des régions ne représente que 30 %. Aussi, pour arriver à la moitié, elles rencontreront quelques difficultés.
Notre rapporteur en aurait donc été réduit à expliquer douloureusement que c'était prépondérant, mais que ce n'était quand même pas supérieur à la moitié, qu'il s'agissait d'un nouveau concept, entre le « déterminant » et le « prépondérant » tel que nous le comprenons habituellement !
Pour faire face à cette difficulté, le Gouvernement s'est opportunément porté au secours de tout le monde et a proposé de réintroduire la qualification « déterminante ».
La question est de savoir ce qu'en pense M. le rapporteur-président. D'après ce qu'il nous a dit cet après-midi, cela semble lui convenir. J'en conclus que ce qui pose problème aujourd'hui, ce ne sont pas tellement les responsabilités et les prérogatives des collectivités locales. Il m'arrive de me demander si ce ne sont pas plutôt les rapports entre le Gouvernement et la majorité du Sénat, du moins telle qu'elle s'exprime au sein de la commission des lois !
M. Josselin de Rohan. Même pas !
M. Jean-Pierre Sueur. Il est en tout cas ainsi démontré que nous étions dans le flou et que nous y restons. Cette rédaction n'a aucun sens, chacun le sait, mais vous n'en prenez pas moins la responsabilité de l'inscrire dans la Constitution !
La démonstration étant faite, nous retirons le sous-amendement n° 257, ce qui permettra aussi de gagner un peu de temps.
M. le président. Le sous-amendement n° 257 est retiré.
Le sous-amendement n° 249 rectifié, présenté par M. Charasse et les membres du groupe socialiste, est ainsi libellé :
« Compléter la première phrase du troisième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 248 pour l'article 72-2 de la Constitution par les mots : "qui ne peut être inférieure à son montant effectif constaté au 1er janvier 2003 et qui évolue au moins comme l'inflation". »
Le sous-amendement n° 250 rectifié, présenté par M. Charasse et les membres du groupe socialiste, est ainsi libellé :
« Compléter la seconde phrase du troisième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 248 pour l'article 72-2 de la Constitution par les mots : "par la loi de finances de l'année". »
La parole est à M. Bernard Frimat, pour défendre ces deux sous-amendements.
M. Bernard Frimat. Nous traitons toujours du même sujet. Notre collègue Michel Charasse, auteur principal de ces sous-amendements, nous dit que, quelle que soit la formule retenue, part prépondérante, part déterminante, part essentielle - on pourrait essayer « part fondamentale » -, on ignore toujours ce que représentera ladite part.
La conséquence positive de ce sous-amendement n° 249 rectifié, qui prévoit que cette part ne pourra « être inférieure à son montant effectif constaté au 1er janvier 2003 », serait de « geler » l'importance actuelle de la fiscalité locale puisque sa diminution serait impossible à partir du 1er janvier 2003.
Pour les années suivantes, cette part évoluerait au moins comme l'inflation. Son montant serait fixé - c'est l'objet du sous-amendement n° 250 rectifié - dans la loi de finances, sous le contrôle du Conseil constitutionnel.
Si cette disposition impose, certes, une contrainte importante à l'Etat, elle constitue aussi une garantie forte pour les collectivités territoriales. En outre, n'en doutons pas, la mise en oeuvre de la réforme de la fiscalité locale devrait s'en trouver accélérée.
M. le président. Le sous-amendement n° 101 rectifié bis, présenté par M. Charasse et les membres du groupe socialiste, est ainsi libellé :
« Après le troisième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 248 pour l'article 72-2 de la Constitution, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Seule une recette fiscale dont le produit relève de la libre décision des collectivités territoriales peut remplacer une recette fiscale dont elles fixaient librement le taux ou le produit. »
La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. Toujours dans la même veine, le sous-amendement n° 101 rectifié bis prévoit que « seule une recette fiscale dont le produit relève de la libre décision des collectivités territoriales peut remplacer une recette fiscale dont elles fixaient librement le taux ou le produit ».
On voit bien le sens de ce sous-amendement : le principal problème rencontré par les collectivités territoriales, depuis plusieurs années, tient au remplacement progressif d'une fiscalité dont elles fixent librement le taux et le produit par des dotations de compensation dont elles n'ont pas la maîtrise. C'est un thème que j'ai déjà abordé tout à l'heure.
Il est proposé de mettre un terme à cette dérive fâcheuse pour les finances locales en prévoyant que désormais un impôt dont les collectivités fixent le taux et le produit ne puisse être remplacé que par un impôt sur lequel elles ont le même pouvoir.
M. Fourcade s'en félicite : je suis donc sûr qu'il votera ce sous-amendement.
Nous avons donc plusieurs cordes à notre arc et nous laissons, en quelque sorte, plusieurs chances à la majorité de voter une disposition majeure qui, une fois encore, monsieur le président, rejoint des dispositions contenues dans votre proposition de loi.
M. le président. Je crois savoir que, dans le texte de l'amendement n° 248, il y a une disposition qui s'apparente à celle-ci.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. En effet !
M. le président. M. le ministre précisera donc ce point tout à l'heure, monsieur Peyronnet ; mais je vois que vous avez de plus en plus de bonnes références, et je m'en félicite !
Le sous-amendement n° 271, présenté par MM. Charasse, Peyronnet, Bel et Courteau, Mme Durrieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche, Lise, Marc, Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe socialiste et rattachée est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit l'avant-dernier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 248 pour insérer un article 72-2 dans la Constitution :
« Tout transfert de compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales et toute charge imposée aux collectivités territoriales par des décisions de l'Etat sont accompagnés du transfert concomitant de ressources garantissant la compensation intégrale et permanente de ces charges. »
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Je tiens à saluer la grande précision de ce sous-amendement et à relever le fait qu'il dit quelque chose, contrairement à l'amendement du Gouvernement, qui, lui, ne dit pas grand-chose !
Ce sous-amendement prévoit en effet que « tout transfert de compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales et toute charge imposée aux collectivités territoriales par des décisions de l'Etat sont accompagnés du transfert concomitant de ressources garantissant la compensation intégrale et permanente de ces charges ».
C'est autre chose que de prévoir que la loi fixera les sommes qui seront versées aux collectivités locales. Là, il s'agit de la « compensation intégrale », et pas pour un moment, pour quelques mois ou pour quelques années, mais de manière « permanente ».
Mes chers collègues, vous aurez tous reconnu l'amendement que la majorité de la commission des lois, dans sa sagesse, avait adopté. La question est maintenant de savoir si la majorité ici présente se reconnaît dans la majorité de la commission des lois ou si, une fois encore, au prétexte que le Gouvernement a déposé ce matin un nouvel amendement, elle acceptera que le travail de la commission des lois se trouve réduit à néant, travail auquel nous n'avons d'ailleurs pas intégralement, vous le savez, souscrit. Bref, voyons si ceux qui avaient adopté cet amendement le déclareront aujourd'hui sans plus d'intérêt et se rallieront à la formule creuse imaginée par le Gouvernement !
M. Jean-Claude Peyronnet. Canada Dry !
M. le président. Le sous-amendement n° 196 rectifié, présenté par Mmes Borvo et Mathon, MM. Bret, Autain et Autexier, Mmes Beaudeau et Beaufils, M. Biarnès, Mme Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud, Le Cam et Loridant, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès, est ainsi libellé :
« Après les mots : "et les collectivités territoriales" rédiger comme suit la fin de la première phrase du quatrième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 248 pour l'article 72-2 de la Constitution : "est compensé de manière intégrale et permanente". »
La parole est à Mme Hélène Luc.
Mme Hélène Luc. Les transferts de compétences entre l'Etat et les collectivités locales ont une histoire pour le moins mouvementée, notamment depuis l'adoption des lois de décentralisation, et sont encore aujourd'hui au coeur du débat.
Il n'est d'ailleurs pas étonnant que plusieurs amendements visent à réécrire le quatrième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution en prenant en compte la question de la compensation intégrale et permanente des compétences transférées.
La décentralisation a trop souvent consisté à « décentraliser » le déficit de l'Etat sur les collectivités locales, celles-ci étant tenues par la loi de respecter une règle intangible d'équilibre budgétaire, et c'est ce que vous voulez continuer de faire, messieurs les ministres.
Je ne peux m'empêcher de vous lire une citation de M. Alain Lambert : « Nous sommes prêts à échanger de la liberté contre de l'argent. » Je vous cite aussi M. Puech : « L'Etat n'a plus les moyens d'assumer certaines missions : sport, culture, action sociale, investissement. »
Voilà qui a le mérite de la clarté ; j'aurais pu aussi vous lire une citation de M. Devedjian, mais je ne la retrouve plus !
M. Jean-Claude Peyronnet. Dommage !
Mme Hélène Luc. Nous avons pu constater les effets de l'application de cette règle, qu'il s'agisse des investissements scolaires, du financement de l'action sociale ou encore de la régionalisation des transports ferroviaires publics de voyageurs.
Il pourrait d'ailleurs être intéressant de calculer, sur la durée, les dépenses non compensées aux collectivités locales, le transfert de quelques droits d'enregistrement, à l'évolution au demeurant limitée par les aléas de la conjoncture économique, étant insuffisant pour y faire face. Le plus souvent, la nécessité d'une compensation s'est négociée sur la base de la reconduction du service existant au moment du transfert.
Je citerai un exemple, celui des collèges du Val-de-Marne. En 1986, la dotation départementale d'équipement des collèges, la DDEC, représentait 15 352 531 francs - il est trop tard pour convertir en euros ! -, alors qu'étaient investis 25 943 000 francs : la DDEC s'élevait donc à 59 % de la somme totale. En 2002, la DDEC représente 33 913 000 francs et les crédits investis s'élèvent à 348 801 780 francs, c'est-à-dire 9,7 % au lieu de 59 %.
Toujours est-il que l'adoption d'un principe de compensation intégrale et permanente des compétences transférées est la moindre des choses, eu égard à ces expériences diverses.
En effet, laisser dériver les dépenses liées au transfert de compétences par rapport aux dotations accordées par l'Etat pour y faire face induira dans la durée un certain nombre de conséquences plus que discutables.
Soit la fiscalité locale flambera - elle augmenterait pour certaines colllectivités de 20 % - et les impôts perçus par les régions ou toute autre collectivité vers laquelle se réalisait le transfert augmenteront tout particulièrement, soit la qualité globale du service rendu, qui sera liée aux capacités financières propres à chaque collectivité, sera remise en cause.
Finalement, c'est devant une inégalité de traitement des citoyens, hélas ! appuyée sur la réalité des inégalités actuelles, que l'on se trouvera.
M. Fourcade dit qu'il proposera une réforme des finances locales, mais le principe n'est pas encore adopté, et, à nos yeux, la compensation intégrale et permanente des compétences transférées est la meilleure solution.
C'est la réponse la mieux adaptée, car elle est fondée sur la mise en oeuvre de la solidarité nationale, en lieu et place d'une sollicitation plus importante encore du contribuable et de l'usager, comme le sous-tend la rédaction actuelle du quatrième alinéa du texte proposé pour l'article 72-2 de la Constitution.
Ajoutons que donner vertu constitutionnelle à un principe qui permettra ensuite à l'Etat de se défausser de ses propres responsabilités sur les collectivités territoriales est tout de même plus que discutable.
Adopter en l'état cet alinéa revient dans les faits à valider par avance les ajustements budgétaires opérés sur les comptes publics, nonobstant la réalité des besoins collectifs.
M. le président. Veuillez conclure, madame Luc.
Mme Hélène Luc. Je conclus, monsieur le président, par une question : doit-on voter une modification de la Constitution pour laisser à l'Etat des marges de manoeuvre financières utilisables à loisir ou pour favoriser la concrétisation des objectifs fondamentaux d'égalité républicaine ?
Permettez-moi, d'ailleurs, à l'occasion de cet amendement, de rappeler qu'au-delà des transferts de compétences les collectivités sont soumises régulièrement à la mise en place de nouvelles réglementations dont elle n'ont pas la maîtrise et qui se traduisent par des charges nouvelles, sans compensation.
C'est bien à un travail de fond sur les recettes des collectivités territoriales que l'on doit s'atteler si l'on veut qu'elles parviennent à répondre aux besoins des populations.
M. le président. Madame Luc, vous avez dépassé le temps de parole qui vous était imparti ; je vous le fais remarquer pour que vous soyez modérée la prochaine fois que vous me reprocherez de vous interrompre !
Le sous-amendement n° 258, présenté par MM. Peyronnet, Bel, Charasse et Courteau, Mme Durrieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche, Lise, Marc, Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe socialiste et rattachée, est ainsi libellé :
« A la fin de la première phrase de l'avant-dernier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 248 pour l'article 72-2 de la Constitution, remplacer les mots : "équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice" par les mots : "nécessaires à leur exercice". »
La parole est à M. Bernard Frimat.
M. Bernard Frimat. Il s'agit ici d'un problème que j'avais abordé au cours de la discussion générale. Cela avait d'ailleurs permis à M. Devedjian de s'exprimer sur la qualité architecturale et de conservation qui est celle de la ville d'Antony aujourd'hui...
Je vous avais alors dit que vous n'aviez pas le droit d'ignorer vingt ans de décentralisation, quels que soient les froncements de sourcil de Bercy.
Que nous apprennent, avec le recul, ces vingt années de décentralisation ? Elles nous apprennent que, partout, s'agissant par exemple des collèges et des lycées, les collectivités territoriales ont fait leur travail et que les moyens financiers qu'elles ont consacrés à l'exercice de cette compétence sont sans commune mesure avec la dotation régionale d'équipement scolaire.
M. le président. Heureusement !
M. Bernard Frimat. En effet, monsieur le président !
Très souvent, on nous objecte que, si les collectivités territoriales veulent faire davantage avec leur argent, on ne les en empêche pas.
Mais le problème ne se pose pas du tout en ces termes. Quand vous vous trouvez devant un patrimoine qui est menacé de fermeture, en raison notamment de l'application de toutes les règles édictées par les commissions de sécurité, vous ne pouvez pas choisir de ne rien faire. Il s'agit donc véritablement d'une dépense obligatoire !
Je ne reviendrai pas sur l'exemple, que j'avais évoqué, du logement étudiant ; mais quand on rapporte les 150 000 lits disponibles en cités universitaires au nombre d'étudiants et que l'on prend la mesure de la situation, il apparaît de manière très claire qu'il sera impossible à une quelconque collectivité territoriale, à celle qui tirerait ce « lot » à la « tombola » des compétences, de faire face aux besoins avec les mêmes moyens que ceux que l'Etat y consacrait.
La situation devient encore plus grave dans la mesure où vous voulez verrouiller le dispositif au moyen de la rédaction que vous présentez pour l'article 72-2 nouveau de la Constitution, et empêcher ainsi définitivement que l'on puisse attribuer aux collectivités territoriales des ressources suffisantes pour exercer les compétences transférées.
Cependant, comme les élus, quelle que soit leur appartenance politique, sont responsables, ils voudront répondre aux besoins. Ils dépenseront davantage, et la seule solution qui s'offrira à eux sera de recourir à la fiscalité la plus injuste.
En quoi serait-il inacceptable d'affirmer, au niveau du principe constitutionnel, que l'on assurera aux collectivités territoriales les moyens nécessaires à l'exercice des compétences transférées ? Ou alors, messieurs les ministres, ne cherchez pas de faux-semblants, et dites-nous clairement que vous ne voulez pas transférer les moyens nécessaires à l'exercice des compétences nouvelles.
Les collectivités territoriales devront alors acquitter un solde, et ce solde, loin d'être résiduel, comme les compétences de l'Etat telles que les a analysées Jean-Pierre Sueur, sera majestueux, d'autant plus majestueux que les efforts auparavant consentis par l'Etat étaient insuffisants.
Sur ce point, je souhaiterais que vous nous apportiez une réponse claire, fût-elle négative, messieurs les ministres. Nous pourrons le supporter ! Dites-nous franchement, le cas échéant, que vous avez décidé de ne pas accorder aux collectivités territoriales les moyens d'assumer les compétences que vous leur transférez. Voilà un excellent message à porter dans toutes les assises de la décentralisation !
Sinon, faites-moi la démonstration que mes propos sur le logement étudiant sont erronés. Je ne doute pas de votre capacité de conviction et je vous assure de mon écoute attentive, à défaut d'être par avance convaincu par une argumentation que je ne peux pas deviner. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Le sous-amendement n° 268, présenté par Mmes Borvo et Mathon, MM. Bret, Autain et Autexier, Mmes Beaudeau et Beaufils, M. Biarnès, Mme Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud, Le Cam et Loridant, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès, est ainsi libellé :
« Supprimer la seconde phrase de l'avant-dernier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 248 pour l'article 72-2 de la Constitution. »
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. La question des transferts de compétences est bien évidemment cruciale s'agissant de la décentralisation. On sait en effet d'expérience que les précédents transferts de compétences ont engendré des surcoûts sensibles pour les collectivités locales.
Je ne reviendrai pas sur les propos qu'a tenus Hélène Luc tout à l'heure. Elle a rappelé, en s'appuyant sur l'exemple des collèges, à quel point le transfert de cette compétence avait eu des conséquences importantes pour les départements, d'autant que l'Etat consacrait auparavant des moyens financiers insuffisants aux collèges eu égard à la réalité de la situation. Pour faire face à l'exercice de cette nouvelle compétence, les collectivités territoriales se sont vues contraintes d'accroître dans une mesure non négligeable la pression fiscale directe locale, compte tenu du très faible dynamisme des ressources fiscales transférées.
Je m'interroge d'ailleurs sur la pérennité de ces dernières. L'expérience nous a malheureusement appris qu'il n'était pas rare qu'un ministre, lors du vote des crédits de son ministère, fasse état de l'insuffisance de son budget pour justifier son refus de faire évoluer véritablement le montant des ressources destinées à financer l'exercice d'une compétence.
Par conséquent, quand on constate que la rédaction présentée par le Gouvernement fait en outre référence à la création de nouvelles compétences, on se demande quelles collectivités territoriales accepteront de les assumer. A quelles nouvelles compétences le Gouvernement peut-il d'ailleurs bien faire allusion ?
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. L'allocation personnalisée d'autonomie !
Mme Marie-France Beaufils. En effet, si l'on procède aux transferts de compétences qui sont d'ores et déjà envisagés, à en croire certains propos tenus ici ou là, que restera-t-il de l'intervention publique de l'Etat si ce projet de loi constitutionnelle est finalement adopté ?
M. le président. Le sous-amendement n° 263, présenté par MM. Peyronnet, Bel, Charasse et Courteau, Mme Durrieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche, Lise, Marc, Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe socialiste et rattachée, est ainsi libellé :
« Dans la seconde phrase de l'avant-dernier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 248 pour l'article 72-2 de la Constitution, après le mot : "ressources", insérer le mot : "suffisantes". »
La parole est à M. Bernard Frimat.
M. Bernard Frimat. Ce sous-amendement a d'abord l'avantage d'être concis, puisqu'il ne vise qu'à ajouter un mot au texte présenté par le Gouvernement pour l'article 72-2 de la Constitution.
M. Josselin de Rohan. C'est très bien !
M. Bernard Frimat. Je vous en prie, mon cher collègue, ne m'interrompez pas, cela va nous retarder ! (Sourires.)
M. le président. Ne vous laissez pas interrompre, monsieur Frimat !
M. Bernard Frimat. Toute création d'une nouvelle compétence devra être accompagnée de ressources déterminées par la loi. Le Gouvernement a repris, dans son amendement, l'une des idées exprimées par la commission des lois, qui avait recueilli notre accord. Vous avez tout à l'heure fait allusion à l'APA, monsieur le ministre délégué, en nous invitant ainsi à la modestie, or nous la pratiquons de manière constante (Rires sur les travées du RPR)...
M. Patrick Devedjian ministre délégué. ... et ostentoire !
M. Bernard Frimat. Certains événements doivent nous rendre modestes, monsieur le ministre délégué. A diverses époques, des leçons de modestie nous sont données à tous à tour de rôle...
Cela étant dit, nous sommes d'accord pour écrire que toute nouvelle compétence sera accompagnée de ressources déterminées par la loi. Cependant, afin de combler une lacune, je propose de préciser que ces ressources seront suffisantes. Il s'agit d'ajouter un seul adjectif, on ne peut être plus concis ! Nous demandons en fait la garantie constitutionnelle que les ressources déterminées par la loi seront suffisantes.
Vous pouvez certes repousser notre proposition, c'est votre droit, mais alors dites nettement que toute nouvelle compétence sera accompagnée de ressources insuffisantes déterminées par la loi ! Cela aura au moins le mérite de la clarté !
M. le président. Le sous-amendement n° 251 rectifié, présenté par M. Charasse et les membres du groupe socialiste, est ainsi libellé :
« Compléter l'avant-dernier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 248 pour l'article 72-2 de la Constitution par une phrase ainsi rédigée :
« Le montant des ressources visées au présent alinéa est fixé chaque année par la loi de finances compte tenu, en particulier, de l'évolution des besoins résultant des compétences concernées et des autres obligations de la nation. »
La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. Il s'agit toujours ici de la compensation des transferts de compétences.
Le problème serait réglé si le Sénat voulait bien adopter notre sous-amendement n° 271 reprenant un amendement de la commission, qui prévoit une compensation intégrale et permanente des charges. Cependant, puisque vous n'êtes apparemment pas convaincus par ce texte, mes chers collègues, nous vous proposons, à défaut, de mettre un terme à cette dérive qui fait que des compétences transférées se trouvent insuffisamment compensées.
L'amendement du Gouvernement vise à ce que « tout transfert de compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales s'accompagne de l'attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice » : c'est la constitutionnalisation des pratiques liées à la mise en oeuvre des lois de décentralisation de 1982 et de 1983. Le fait que l'on ajoute que « toute création de nouvelles compétences est accompagnée de ressources déterminées par la loi » n'apporte rien, parce que cela ne constitue nullement une garantie.
Nous proposons, pour notre part, que ces compensations soient rendues évolutives. A cet égard, l'allusion faite tout à l'heure au cas des collèges et à la distorsion très forte existant entre le montant initial du transfert de ressources et les dépenses réellement constatées est tout à fait pertinente.
En réalité, que s'est-il passé ? Très honnêtement, le gouvernement de l'époque a transféré les moyens financiers qu'il consacrait aux collèges.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Ce n'est pas vrai !
M. Jean-Claude Peyronnet. Si ! M. le président. Les trois années précédentes, on avait pris la précaution de ne faire aucun investissement. La somme transférée par l'Etat n'était donc pas en rapport avec les besoins ! Le problème est là !
M. Jean-Claude Peyronnet. Ce n'est pas entièrement exact, monsieur le président. Je faisais partie de la commission d'évaluation des charges, laquelle a été tout à fait claire sur ce point ! Le calcul a d'ailleurs été effectué en fonction des dix années précédentes, et non pas seulement des trois derniers exercices.
Quoi qu'il en soit, n'ergotons pas : les moyens financiers étaient insuffisants. En effet, transférer une compétence crée un besoin, rapprocher le décideur du citoyen crée une proximité qui amène l'expression de nouvelles demandes.
Prenant en considération cette réalité, nous proposons que la loi de finances tienne chaque année compte de l'évolution des besoins liée aux compétences transférées.
M. le président. Le sous-amendement n° 252 rectifié, présenté par M. Charasse et les membres du groupe Socialiste, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le dernier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 248 pour l'article 72-2 de la Constitution :
« La loi de finances de l'année assure le respect du principe d'égalité entre les collectivités territoriales appartenant à la même catégorie, notamment par la mise en oeuvre des dispositifs de péréquation de leurs ressources et de leurs charges. »
La parole est à M. François Marc.
M. François Marc. Le sous-amendement n° 252 rectifié vise à apporter des précisions relatives à la notion de péréquation.
En effet, on relève sur ce sujet des incertitudes tenant aux différentes voies qu'a suivies le travail mené au Sénat, puisqu'il avait d'abord été envisagé de corriger les différences de richesse entre les collectivités territoriales. Or le verbe « corriger » a été jugé « inapproprié et excessif » par la commission des lois, qui a préféré recourir à la notion de « compensation ».
En outre, la commission a considéré qu'une correction intégrale des inégalités de ressources entre collectivités territoriales n'était pas souhaitable, parce qu'elle réduirait à néant l'autonomie financière de celles-ci.
La nouvelle rédaction qui nous est présentée par le Gouvernement répond mieux à l'exigence de précision s'agissant de la péréquation ; néanmoins, elle ne nous paraît pas donner toutes garanties pour l'avenir, et c'est la raison pour laquelle il nous a semblé utile de préciser, par le biais de ce sous-amendement, que la loi de finances de l'année assurera le respect du principe d'égalité entre les collectivités territoriales appartenant à la même catégorie, notamment par la mise en oeuvre des dispositifs de péréquation de leurs ressources et de leurs charges.
Selon nous, cela permettrait de faire progresser la part de la péréquation dans les dotations de l'Etat, qui, comme cela a déjà été dit, représente à l'heure actuelle seulement 5 % desdites dotations. Ainsi serait mieux respecté le principe d'égalité.
Tel est l'esprit de cet amendement.
M. le président. Le sous-amendement n° 259, présenté par MM. Peyronnet, Bel, Charasse et Courteau, Mme Durrieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche, Lise, Marc, Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe socialiste et rattachée, est ainsi libellé :
« Dans le dernier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 248 pour l'article 72-2 de la Constitution, remplacer le mot : "prévoit" par les mots : "fixe les règles concernant". »
La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. Ce sous-amendement fait référence à l'article 34 de la Constitution, aux termes duquel la loi fixe les règles et détermine les principes fondamentaux dans un certain nombre de matières. Afin d'encadrer strictement l'autonomie du pouvoir réglementaire, nous proposons qu'il soit précisé que la loi fixe les règles concernant la réduction des inégalités financières entre collectivités territoriales. Ainsi, les choses seront beaucoup plus claires.
M. le président. Le sous-amendement n° 260, présenté par MM. Peyronnet, Bel, Charasse et Courteau, Mme Durrieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche, Lise, Marc, Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe socialiste et rattachée, est ainsi libellé :
« Dans le dernier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 248 pour l'article 72-2 de la Constitution, remplacer les mots : "de péréquation destinés à compenser" par les mots : "de solidarité nationale en vue de compenser". »
La parole est à M. Bernard Frimat.
M. Bernard Frimat. Le mot « péréquation » appartient au vocabulaire technique. Il désigne un simple mécanisme financier, qui a tout à fait logiquement sa place dans une loi. En revanche, ou peut se demander s'il a sa place dans la Constitution. En effet, j'ai cru comprendre, en écoutant votre présentation, que vous souhaitiez - et vos textes en témoignent - que la Constitution reste un texte simple et accessible à tous.
Si l'on veut que la Constitution forme le socle des règles régissant la vie au sein de notre société, il faut s'exprimer plus au niveau des principes. Dans un domaine aussi vaste et aussi complexe que la réduction des inégalités entre collectivités territoriales, la Constitution doit se contenter, me semble-t-il, de fixer des objectifs et laisser au législateur le choix des outils.
La réduction des inégalités financières entre collectivités territoriales est un bon objectif. La péréquation n'est qu'un des moyens de l'atteindre. Il n'y a pas lieu de le privilégier tel que cela est prévu. Employer la notion beaucoup plus générale de « solidarité nationale » me semble plus utile pour la suite. Nous aurons l'occasion d'y revenir.
M. le président. Le sous-amendement n° 265, présenté par Mme Blandin, est ainsi libellé :
« Dans le dernier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 248 pour l'article 72-2 de la Constitution, après les mots : "de péréquation", insérer les mots : "et de redistribution". »
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Messieurs les ministres, mes chers collègues, j'ai remarqué que vous deveniez durs aux amendements très argumentés et sourds aux plaidoyers trop longs. Donc, je ferai simple et court,...
M. Josselin de Rohan. Bravo !
Mme Marie-Christine Blandin. ... et j'espère recevoir votre approbation.
La loi prévoit des dispositifs de péréquation. Ajoutons donc « et de redistribution », afin que la responsabilité du budget de l'Etat soit inscrite dans la Constitution.
M. le président. Le sous-amendement n° 261, présenté par MM. Peyronnet, Bel, Charasse et Courteau, Mme Durrieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche, Lise, Marc, Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe socialiste et rattachée, est ainsi libellé :
« Dans le dernier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 248 pour l'article 72-2 de la Constitution, remplacer les mots : "destinés à compenser" par les mots : "dont l'objectif est de compenser, à due concurrence". »
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, nous retirons ce sous-amendement.
M. le président. Le sous-amendement n° 261 est retiré. (Marques d'approbation sur plusieurs travées du RPR.)
M. Jean Bizet. Il y a des progrès !
M. le président. Le sous-amendement n° 197 rectifié, présenté par Mmes Borvo et Mathon, MM. Bret, Autain et Autexier, Mmes Beaudeau et Beaufils, M. Biarnès, Mme Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud, Le Cam et Loridant, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès, est ainsi libellé :
« Dans le dernier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 248 du Gouvernement pour l'article 72-2 de la Constitution, après le mot : "inégalités", insérer les mots : "de ressources, la réalité des charges et la diversité des situations sociales et économiques". »
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Nous avons déjà souligné que la péréquation constitue un des éléments essentiels de la réforme des finances locales, et, si j'en crois mes collègues, elle nous soucie tous.
Il existe aujourd'hui peu de péréquation en matière de finances locales. Cela ne concerne, en fait, pour l'essentiel, que des dispositions, hélas ! marginales en termes de taxe professionnelle et, pour partie, les dotations budgétaires, notamment la dotation globale de fonctionnement, dans sa dimension d'aménagement du territoire.
Le point commun de ces outils de péréquation est, on peut le relever, de ne pas regarder de manière exclusive les difficultés financières des collectivités territoriales, sous le seul angle de l'insuffisance de leurs ressources.
Même les outils de péréquation de la taxe professionnelle prennent en compte les évolutions des situations sociales et économiques que connaît chaque territoire concerné.
Compte tenu de la fatigue de chacun, je vais écourter mon propos.
Aujourd'hui, une collectivité qui dispose d'un important potentiel fiscal peut aussi avoir une population pauvre et il peut arriver qu'une collectivité à faible potentiel fiscal échappe à quelques-unes des difficultés engendrées par la situation sociale générale.
De même, certains déséquilibres régionaux, que l'on peut observer en comparant des entités régionales bien déterminées, recouvrent bien souvent des inégalités locales d'une teneur au moins aussi importante, qui les rendent d'ailleurs d'autant plus inacceptables.
L'exemple de la région d'Ile-de-France est significatif à cet égard. On pourrait s'interroger longuement tant sur le faible potentiel fiscal global des collectivités des départements de la grande couronne que sur la profonde inégalité de revenus qui prévaut entre les habitants de la Seine-Saint-Denis et les résidents de lieux de villégiature plus agréables dans les Yvelines ou dans certains arrondissements de l'ouest de Paris.
On pourrait d'ailleurs multiplier les exemples, chaque région connaissant de telles différences. Je n'en dresserai pas la liste ici.
Mais l'essentiel demeure : la seule prise en compte des ressources ne suffit pas.
Une approche globale de la situation des collectivités locales doit guider toute démarche de renforcement de la péréquation. Je soutiens sans réserves l'expression « solidarité nationale », qui a été proposée tout à l'heure par nos collègues.
Un autre point doit cependant être souligné.
Dans la logique qui préside aujourd'hui à la définition des concours budgétaires de l'Etat, notamment, la péréquation demeure conçue comme une clé de répartition d'une enveloppe strictement délimitée par les contraintes budgétaires inhérentes à l'élaboration du budget de l'Etat.
En clair, la péréquation, objectif au demeurant louable, devient la source de sacrifices imposés d'en haut aux collectivités territoriales, au détriment d'une pleine efficacité des dispositifs.
Il importe donc de définir de nouveaux outils de péréquation, performants et efficaces.
Tel est le sens, notamment, de notre proposition, matérialisée dans le cadre d'une proposition de loi, visant à inclure les actifs financiers dans l'assiette de la taxe professionnelle, en vue de renforcer les moyens qui permettent de corriger pleinement les inégalités de ressources, au regard des besoins, entre collectivités locales.
C'est aussi ce que recouvre notre amendement n° 197 rectifié, qui, je l'espère, aura retenu votre attention.
M. le président. Le sous-amendement n° 266, présenté par Mme Blandin, est ainsi libellé :
« Dans le dernier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 248 pour l'article 72-2 de la Constitution, après les mots : "les inégalités", insérer les mots : "de ressources et de charges". »
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Par son amendement n° 248, le Gouvernement présente une disposition aux termes de laquelle « la loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à compenser les inégalités entre collectivités territoriales ». Je propose de préciser qu'il s'agit des inégalités de ressources - beaucoup en ont déjà parlé - et de charges. L'emploi du mot « charges » s'explique par le fait que certaines collectivités sont confrontées à des handicaps liés à l'histoire des populations ou des territoires - je pense à des inondations récurrentes, à de l'eau contaminée ou à des sols pollués. C'est toute la France qui profite des cochons bretons (Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants), qui a profité hier du charbon du Nord - Pas-de-Calais ou profite encore aujourd'hui du fer de Lorraine. Néanmoins, les coûts ne sont supportés que par ces régions. La solidarité doit donc s'exprimer !
M. le président. Le sous-amendement n° 267, présenté par Mme Blandin, est ainsi libellé :
« Compléter in fine le texte proposé par l'amendement n° 248 du Gouvernement pour l'article 72-2 de la Constitution par un alinéa ainsi rédigé :
« L'Etat est le garant de la solidarité. »
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Je crains que, comme à l'accoutumée, MM. les ministres n'acceptent pas que l'on touche ne serait-ce qu'à une virgule de leur proposition.
Par conséquent, cette fois-ci, je change de stratégie et je ne vous propose qu'une « cerise sur le gâteau » pour clôturer votre amendement en écrivant : « L'Etat est le garant de la solidarité. » On est non pas dans la cuisine fiscale, mais dans la déclaration constitutionnelle ! (M. Jean-Pierre Sueur applaudit.)
M. le président. Mes chers collègues, nous avons achevé la présentation des sous-amendements afférents à l'amendement n° 248.

(M. Daniel Hoeffel remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. DANIEL HOEFFEL
vice-président

M. le président. L'amendement n° 53, présenté par M. Fréville, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 72-2 de la Constitution :
« Les collectivités territoriales disposent pour leur libre administration et l'exercice de leurs compétences de ressources libres d'emploi ; elles les utilisent dans les conditions fixées par la loi. »
La parole est à M. Yves Fréville.
M. Yves Fréville. Par son amendement, le Gouvernement a donné satisfaction indirectement à mon amendement, puisque je souhaitais que n'apparaisse pas le mot « garantie » s'agissant de la libre administration des collectivités territoriales. Par conséquent, je retire l'amendement que j'avais présenté.
M. le président. L'amendement n° 53 est retiré.
L'amendement n° 150, présenté par MM. Peyronnet, Bel, Charasse et Courteau, Mme Durrieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche, Lise, Marc, Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe socialiste et rattachée, est ainsi libellé :
« Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour insérer un article 72-2 dans la Constitution, remplacer les mots : "La libre administration des collectivités territoriales est garantie par des ressources dont celles-ci peuvent" par les mots : "Pour assurer leur libre administration les collectivités territoriales bénéficient de ressources dont elles peuvent". »
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. En bonne logique, cet amendement a déjà été défendu sous la forme d'un sous-amendement. Il s'agit toujours de réintroduire les mots : « libre administration des collectivités territoriales ». Je rappelle que ces mots figuraient dans le projet de loi initial et qu'ils avaient reçu l'aval de la commission. Aussi, je ne vois pas sur quels arguments le Gouvernement et la commission pourraient se fonder pour demander au Sénat de rejeter cet amendement.
Un sénateur du RPR. La rédaction est meilleure !
M. Jean-Pierre Sueur. Il ne s'agit pas d'une meilleure rédaction !
M. le président. L'amendement n° 99 rectifié, présenté par M. Charasse et les membres du groupe socialiste, est ainsi libellé :
« Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 72-2 de la Constitution, après les mots : "des collectivités territoriales est garantie", insérer le mot : ", notamment,". »
La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. Il s'agit d'insérer le mot « notamment », qui n'est certes pas très élégant et qui, juridiquement, est incertain.
Le premier alinéa proposé par l'article 6 pour l'article 72-2 de la Constitution dispose que « la libre administration des collectivités territoriales est garantie par des ressources dont celles-ci peuvent disposer librement... ». Il est proposé de préciser qu'elle est garantie, notamment, par des ressources, car la liberté locale est fondée sur d'autres garanties que les ressources. Cette précision semble nécessaire. Tout ne se ramène pas à une question d'argent !
M. le président. L'amendement n° 119, présenté par MM. Arthuis et Mercier, est ainsi libellé :
« Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour insérer un article 72-2 dans la Constitution, remplacer les mots: "dont celles-ci peuvent disposer librement" par les mots : "qu'elles peuvent librement recevoir et employer". »
La parole est à M. Michel Mercier.
M. Michel Mercier. Pour faciliter le débat, je présenterai en même temps les trois autres amendements que M. Arthuis et moi-même avons déposés.
M. Bernard Frimat. Ça va être difficile à suivre !
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission. Très bonne idée !
M. Christian Poncelet. Excellente initiative, mon cher collègue !
M. Michel Mercier. De plus, cela m'évitera peut-être de reprendre la parole pour explication de vote. Ainsi, nous gagnerons du temps, même si, en l'occurrence, je vais m'exprimer pendant quelque six minutes ! (Exclamations sur quelques travées du RPR.) On ne peut pas toujours être excellent, monsieur le président Poncelet. Il faut accepter d'être parfois imparfait. Je prie dès à présent notre assemblée de bien vouloir m'en excuser.
L'intérêt de l'article 6 porte avant tout sur la façon dont le juge constitutionnel se prononcera lorsqu'il sera saisi. Je souhaite que le Gouvernement puisse préciser un certain nombre de points qui figurent dans son amendement.
Pourquoi faut-il éclairer le juge constitutionnel ? Ces dernières années, lorsque le Parlement, à l'instigation du Gouvernement, supprimait une ressource fiscale, on déférait la disposition au Conseil constitutionnel afin qu'il dise si la suppression de cette ressource fiscale portait atteinte au principe de libre administration des collectivités locales. Le juge constitutionnel apportait systématiquement la même réponse. Il avait d'ailleurs donné cette réponse pour la première fois en 1991, dans une décision concernant une disposition dont il avait été saisi par un certain nombre de sénateurs. Le juge se bornait à dire : il ne faut pas que la loi porte atteinte au principe de libre administration ; la présente loi ne porte pas atteinte au principe de libre administration. C'était une réponse quelque peu évanescente, qui avait d'ailleurs amené le professeur Auby à trouver à ces décisions du Conseil constitutionnel un caractère tautologique dont il faudrait sortir si l'on veut que l'article 6 soit d'une quelconque utilité !
Permettez-moi de poser au Gouvernement quelques questions, qui font chacune l'objet de l'un de nos amendements.
Le premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 248 pour l'article 72-2 de la Constitution porte sur la libre disposition des ressources. Traite-t-il seulement du pouvoir de lever l'impôt dans le cadre fixé par la loi, notamment en votant le taux de l'impôt, ou bien est-il également relatif aux dépenses ? En d'autres termes, accorde-t-on aux collectivités territoriales, par cet alinéa, la liberté de dépenser, ou bien le Gouvernement fera-t-il, aujourd'hui, demain, comme celui d'hier ? Je pose la question pour une raison simple : aujourd'hui, la collectivité départementale que j'ai l'honneur de représenter dispose d'un budget de fonctionnement de 702 millions d'euros, dont 500 millions - soit environ 70 % - sont des dépenses obligées découlant de l'application de mesures prises par l'Etat.
La disposition contenue dans ce premier alinéa rendra-t-elle désormais une certaine liberté aux collectivités locales ? Est-ce là son sens ? C'était l'un des points essentiels sur lesquels je souhaitais que le Gouvernement nous apporte un certain nombre d'explications.
Si la réponse était positive, l'article 6, tel qu'il nous est proposé, rendrait possible un réel progrès sur la voie de l'autonomie financière des collectivités locales et donnerait au principe de libre administration un contenu qui lui permettrait de sortir de l'évanescence juridique.
M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !
M. le président. L'amendement n° 151, présenté par MM. Peyronnet, Bel, Charasse et Courteau, Mme Durrieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche, Lise, Marc, Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe socialiste, est ainsi libellé :
« Supprimer le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour insérer un article 72-2 dans la Constitution. »
La parole est à M. Bernard Frimat.
M. Bernard Frimat. Cet amendement a déjà été défendu sous forme de sous-amendement.
M. le président. L'amendement n° 54, présenté par M. Fréville, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 72-2 de la Constitution :
« Elles reçoivent tout ou partie du produit d'impositions de toutes natures. La loi peut les autoriser à en fixer l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement dans les limites qu'elle détermine. »
La parole est à M. Yves Fréville.
M. Yves Fréville. Si vous le permettez, monsieur le président, je défendrai également les amendements n°s 55 et 56.
En ce qui concerne l'amendement n° 54, j'avais été un peu choqué que l'on permette désormais aux collectivités locales de déterminer l'assiette de l'impôt, et j'en avais déduit qu'elles devaient dès lors pouvoir fixer également les modalités de recouvrement, suivant le raisonnement que, puisqu'elles créaient à l'échelon local une taxe un peu curieuse, elles devaient prendre la responsabilité des modalités de son recouvrement. Il s'agissait en somme d'une compensation de la liberté ainsi accordée.
Cependant, monsieur le ministre, mon amendement avait pour seul objet de soulever le problème.
Par ailleurs - j'en viens à l'amendement n° 55 -, je pense qu'il serait opportun de préciser la notion de « ressources fiscales ».
Dans le deuxième alinéa du texte présenté par l'article 6 pour l'article 72-2 de la Constitution figure, à juste titre, l'expression : « tout ou partie du produit des impositions de toute nature ». La phrase est parfaitement claire : on peut accorder aux collectivités locales tout ou partie d'impositions de toute nature, et donc des ressources partagées.
Dans l'alinéa suivant, le vocabulaire change et l'expression « ressources fiscales » apparaît. Personnellement, je pense qu'elle a le même sens que « tout ou partie du produit des impositions de toute nature », mais l'utilisation d'un terme différent me semble appeler une précision de la part du Gouvernement. Tel est l'objet de cet amendement.
Enfin, l'amendement n° 56 concerne les questions de péréquation. J'ai voulu faire un parallèle avec les dispositions de l'article 34 de la Constitution, qui n'ont pas été modifiées, suivant lesquelles c'est la loi qui « détermine les principes fondamentaux » de la libre administration des collectivités locales et qui « fixe les règles » concernant « l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures ». Il me paraissait en effet logique que la loi « détermine les principes fondamentaux » de correction des inégalités, conformément à la disposition de l'article 34 que je rappelais, mais qu'elle « fixe » directement les mécanismes de péréquation.
Je me tourne vers vous, monsieur le ministre. L'amendement n° 248 du Gouvernement affirme qu'il faut corriger les inégalités. Or, le terme d'« inégalités » me paraît quelque peu impropre ou, du moins, mériterait d'être précisé, car certaines inégalités n'ont pas à être corrigées ! Il est dans la logique de la décentralisation que les taux diffèrent, que certaines collectivités imposent davantage, d'autres moins, et que des inégalités apparaissent. De telles inégalités ne sont pas inéquitables et n'ont donc pas à être corrigées. C'est là un élément que je voulais verser au débat.
Sous réserve des réponses que vous nous apporterez, monsieur le ministre, il est possible que je retire ces trois amendements.
M. René Garrec, rapporteur. Très bien !
M. le président. L'amendement n° 152, présenté par MM. Peyronnet, Bel, Charasse et Courteau, Mme Durrieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche, Lise, Marc, Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe socialiste et rattachée, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le troisième alinéa du texte proposé par cet article pour insérer un article 72-2 dans la Constitution :
« Toute suppression d'une recette fiscale propre perçue par les collectivités territoriales donne lieu à l'attribution de recettes fiscales d'un produit au moins équivalent. »
La parole est à M. Bernard Frimat.
M. Bernard Frimat. Je l'ai déjà défendu sous la forme d'un sous-amendement.
M. le président. L'amendement n° 55, présenté par M. Fréville, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 72-2 de la Constitution :
« Le produit des impositions de toutes natures représente une part déterminante des ressources des collectivités territoriales dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique. »
Cet amendement a déjà été défendu.
L'amendement n° 120, présenté par MM. Arthuis et Mercier, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le début du troisième alinéa du texte proposé par cet article pour insérer un article 72-2 dans la Constitution :
« Les ressources propres des collectivités territoriales représentent une part... »
Cet amendement a déjà été défendu.
L'amendement n° 202, présenté par MM. Longuet, Etienne, Garrec, Humbert et de Rohan et Mme Michaux-Chevry, est ainsi libellé :
« Dans le troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 72-2 de la Constitution, après les mots : "recettes fiscales," insérer les mots : "les ressources provenant de tout ou partie d'un impôt national réparti en fonction de critères de solidarité,". »
La parole est à M. Josselin de Rohan.
M. Josselin de Rohan. Compte tenu des explications que le Gouvernement nous a données, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 202 est retiré.
L'amendement n° 100 rectifié, présenté par M. Charasse et les membres du groupe socialiste, est ainsi libellé :
« Compléter le troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 72-2 de la Constitution par la phrase suivante :
« Cette part déterminante, qui ne peut être inférieure à celle constatée au 1er janvier 2003, est fixée chaque année par la loi de finances et évolue comme l'inflation. »
La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. Il a déjà été défendu sous forme de sous-amendement.
M. le président. L'amendement n° 208, présenté par MM. Delfau, Fortassin, A. Boyer, Baylet et Collin, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit la fin de l'avant-dernier alinéa du texte proposé par cet article pour insérer un article 72-2 dans la Constitution :
« ... s'accompagne du transfert des ressources nécessaires à la garantie de l'exercice de ces nouvelles compétences. »
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 153, présenté par MM. Peyronnet, Bel, Charasse et Courteau, Mme Durrieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche, Lise, Marc, Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe socialiste et rattachée, est ainsi libellé :
« Dans le quatrième alinéa du texte proposé par cet article pour insérer un article 72-2 dans la Constitution, remplacer les mots : " équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice " par les mots : " nécessaires à leur exercice ". »
La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. Il a déjà été défendu sous forme de sous-amendement.
M. le président. L'amendement n° 121, présenté par MM. Arthuis et Mercier, est ainsi libellé :
« Compléter le quatrième alinéa du texte proposé par cet article pour insérer un article 72-2 dans la Constitution par une phrase ainsi rédigée :
« L'Etat assure, dans les conditions prévues par la loi, la compensation financière des mesures législatives affectant les ressources et les charges des collectivités territoriales. »
Cet amendement a déjà été défendu.
L'amendement n° 209, présenté par MM. Delfau, Fortassin, A. Boyer, Baylet et Collin, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour insérer un article 72-2 dans la Constitution :
« La loi met en oeuvre tous les dispositifs permettant une péréquation nationale forte, afin de corriger les inégalités entre territoires. »
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 56, présenté par M. Fréville, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 72-2 de la Constitution :
« La loi détermine les principes fondamentaux de correction des inégalités de ressources et de besoins entre collectivités territoriales et fixe les règles de péréquation des ressources qu'elles perçoivent. »
Cet amendement a déjà été défendu.
L'amendement n° 122, présenté par MM. Arthuis et Mercier, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour insérer un article 72-2 dans la Constitution :
« La loi, au besoin par la mise en oeuvre de dispositifs de péréquation, limite les inégalités de ressources et de charges entre les collectivités territoriales. »
Cet amendement a déjà été défendu.
L'amendement n° 154, présenté par MM. Peyronnet, Bel, Charasse et Courteau, Mme Durrieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche, Lise, Marc, Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe socialiste et rattachée, est ainsi libellé :
« Au début du dernier alinéa du texte proposé par cet article pour insérer un article 72-2 dans la Constitution, remplacer les mots : "La loi met en oeuvre" par les mots : "La loi fixe les règles". »
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Cet amendement a déjà été défendu sous forme de sous-amendement.
M. le président. L'amendement n° 155, présenté par MM. Peyronnet, Bel, Charasse et Courteau, Mme Durrieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche, Lise, Marc, Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe socialiste et rattachée, est ainsi libellé :
« Dans le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour insérer un article 72-2 dans la Constitution, remplacer les mots : "pouvant faire appel à la péréquation en vue de corriger les inégalités de ressources" par les mots : "de solidarité nationale en vue de compenser les inégalités de ressources et de charges". »
La parole est à M. Bernard Frimat.
M. Bernard Frimat. Cet amendement a déjà été défendu sous forme de sous-amendement.
M. le président. L'amendement n° 204, présenté par M. Pelletier, est ainsi libellé :
« Dans le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 72-2 de la Constitution, remplacer les mots : "pouvant faire appel à la péréquation" par les mots : "de péréquation". »
La parole est à M. Jacques Pelletier.
M. Jacques Pelletier. Dans le cadre d'une large décentralisation, la question de la péréquation revêt une grande importance, et je souhaitais que le texte proposé soit plus volontariste dans ce domaine. Cependant, le cinquième alinéa de l'amendement n° 248, si celui-ci est adopté, me donne satisfaction.
M. le président. L'amendement n° 156, présenté par MM. Peyronnet, Bel, Charasse et Courteau, Mme Durrieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche, Lise, Marc, Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe socialiste et rattachée, est ainsi libellée :
« Dans le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour insérer un article 72-2 dans la Constitution, remplacer les mots : "pouvant faire appel à la péréquation" par les mots : "faisant appel à la péréquation". »
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Dans la rédaction initiale de l'article 6 du projet de loi, le Gouvernement écrivait : « pouvant faire appel à la péréquation ». Si l'amendement du Gouvernement n'était pas adopté - pure hypothèse ! - il nous paraîtrait préférable de supprimer ce verbe « pouvoir », qui ajoute de l'aléa à un texte déjà plein d'aléas et rend l'ensemble largement aléatoire.
M. le président. L'amendement n° 81, présenté par Mme Blandin, est ainsi libellé :
« Dans le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 72-2 de la Constitution, après les mots : "à la péréquation", insérer les mots : "ou à la redistribution". »
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Il a déjà été défendu sous forme de sous-amendement.
M. le président. L'amendement n° 157, présenté par MM. Peyronnet, Bel, Charasse et Courteau, Mme Durrieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche, Lise, Marc, Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe socialiste et rattachée, est ainsi libellé :
« Dans le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour insérer un article 72-2 dans la Constitution, remplacer les mots : "en vue de corriger les inégalités de ressources" par les mots : "en vue de compenser à due concurrence les inégalités de ressources". »
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Je le retire.
M. le président. L'amendement n° 157 est retiré.
L'amendement n° 82, présenté par Mme Blandin, est ainsi libellé :
« Dans le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 72-2 de la Constitution, après les mots : "de ressources", insérer les mots : "et de besoins". »
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Il a déjà été défendu sous forme de sous-amendement.
M. le président. L'amendement n° 83, présenté par Mme Blandin, est ainsi libellé :
« Compléter in fine le texte proposé par cet article pour l'article 72-2 de la Constitution par un alinéa ainsi rédigé :
« L'Etat est le garant de la solidarité. »
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Il a déjà été défendu, mais je le relis parce qu'il est beau : « L'Etat est le garant de la solidarité. » (Sourires.)
M. le président. Nous en avons pris acte !
L'amendement n° 210, présenté par MM. Delfau, Fortassin, A. Boyer, Baylet et Collin, est ainsi libellé :
« Compléter in fine cet article par un alinéa rédigé comme suit :
« La politique d'aménagement et de développement durable du territoire concourt à l'unité et à la solidarité nationales. Elle constitue un objectif d'intérêt général qui s'appuie sur l'intervention des services publics. »
Cet amendement n'est pas soutenu.
Quel est l'avis - synthétique ! - de la commission sur l'ensemble de ces amendements et sous-amendements ?
M. René Garrec, rapporteur. Je ne prendrai pas autant de temps à moi tout seul que les auteurs de ces amendements n'en ont pris ensemble, monsieur le président, ne craignez rien !
La commission est défavorable à l'amendement n° 194, comme elle l'est à l'amendement n° 149.
L'amendement n° 248 du Gouvernement permet d'obtenir un équilibre entre les positions exprimées par la commission des lois et la plupart de nos collègues, d'une part, et les contraintes budgétaires, que nous ne pouvons ignorer, d'autre part.
Au premier alinéa, relatif à la liberté de dépenses des collectivités territoriales, la rédaction retenue est celle de la commission des lois, sous réserve de la suppression de l'expression « ressources garanties ». Je crois que nous pouvons renoncer à ce qualificatif, dont nos collègues du groupe socialiste ont eux-mêmes proposé la suppression.
Au deuxième alinéa, relatif à la possibilité pour les collectivités territoriales de recevoir le produit d'impositions de toutes natures et d'en fixer l'assiette et le taux, la rédaction proposée est celle de la commission des lois.
Au troisième alinéa, relatif à l'autonomie fiscale des collectivités territoriales, la rédaction proposée est également celle de la commission des lois, sous réserve du remplacement de l'expression « part prépondérante » par celle de « part déterminante » et du renvoi à une loi organique des conditions de mise en oeuvre de cette disposition.
D'après les indications fournies par le Gouvernement, la loi organique augmentera progressivement, à mesure de l'état d'avancement de la réforme des finances locales, le seuil en dessous duquel les ressources propres des collectivités territoriales ne pourront descendre. Il me semble que nous pouvons nous rallier à cette rédaction, qui ne mentionne plus les dotations versées entre collectivités territoriales.
La proposition de la commission des lois suivant laquelle toute suppression d'une recette fiscale perçue par les collectivités territoriales devrait donner lieu à l'attribution d'une recette fiscale d'un produit équivalent n'a pas été retenue. Le ministre du budget m'a indiqué qu'elle serait source de rigidités et risquerait d'entraver la réforme des finances locales. Il me semble que nous pouvons nous rallier à la rédaction du Gouvernement, dans la mesure où la loi organique précisera les conditions de l'autonomie fiscale des collectivités territoriales.
M. Jean-Pierre Sueur. C'est le ralliement !
M. René Garrec, rapporteur. Ecoutez, mon cher collègue, car ce n'est pas inintéressant ! Et puis, il est des heures où il faut savoir se rallier.
Au quatrième alinéa, relatif à la compensation des charges induites par les transferts de compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales, le Gouvernement a ajouté une seconde phrase prévoyant la compensation des charges induites par la création de compétences nouvelles pour les collectivités territoriales, telles que l'allocation personnalisée d'autonomie. Certes, le texte ne va pas aussi loin que nous l'espérions, mais nous devons être réalistes et tenir compte des contraintes budgétaires de l'Etat.
Au dernier alinéa, relatif à la péréquation, la rédaction proposée répond aux attentes de la commission des lois, qui avait souligné que l'on ne pouvait tenir compte des seules inégalités de ressources entre les collectivités territoriales.
La commission s'est ralliée à cet amendement du Gouvernement et, en conséquence, a retiré ses amendements avant la séance. Je devais donc - je devais ! - inviter les auteurs des amendements auxquels nous avions donné un avis favorable ou de sagesse à les retirer eux aussi.
M. Jean-Pierre Sueur. C'est un festival de ralliements ! La commission s'aplatit !
M. René Garrec. Mais il reste tous les sous-amendements et amendements, sur lesquels je vais maintenant donner l'avis de la commission.
En conséquence de l'approbation donnée par la commission à l'amendement n° 248 du Gouvernement, mon cher monsieur Sueur, et le Sénat ayant été pleinement éclairé sur les sous-amendements et amendements en discussion commune grâce aux explications données par leurs auteurs, la commission donne un avis défavorable à l'ensemble des sous-amendements et amendements.
Le rapporteur a néanmoins apprécié l'hommage rendu à la rédaction initiale de la commission par le groupe socialiste. C'est l'effet du débat parlementaire que de permettre à chacun d'évoluer au fil des arguments échangés ! (Sourires. - Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Le Gouvernement est défavorable aux amendements n°s 194 de Mme Borvo et 149 de M. Peyronnet.
Il est également défavorable au sous-amendement n° 254 de M. Peyronnet, qui est satisfait par le principe inscrit dans l'amendement n° 248, c'est-à-dire par la garantie de la libre disposition des ressources.
Le Gouvernement est défavorable au sous-amendement n° 269, qui est un texte de repli par rapport au sous-amendement n° 254. Les sous-amendements n°s 195 rectifié et 262, qui sont identiques, visent à supprimer le deuxième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 248 pour l'article 72-2 de la Constitution. En effet, selon les auteurs de ces sous-amendements, il n'y aurait pas lieu de prévoir que les collectivités territoriales peuvent recevoir les produits des impositions de toutes natures. Or cette faculté participe de la définition de la libre disposition des ressources. Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces deux sous-amendements.
A propos du sous-amendent n° 262, M. Frimat a usé d'une curieuse dialectique en mariant les qualificatifs « dangereux » et « inutile ». Soit c'est dangereux, soit c'est inutile, mais il paraît difficile que ce soit les deux à la fois. Contrairement à ce qu'a dit M. Frimat, l'amendement n'est pas du tout superfétatoire parce qu'il permettra aux collectivités territoriales d'être associées en particulier à la révision des valeurs locatives.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur le sous-amendement n° 255, car il vise à geler la situation actuelle et rend dès lors impossible toute réforme fiscale. Ce n'est pas en remplaçant à l'identique, taxe par taxe, les recettes fiscales supprimées que l'on peut arriver à remettre d'aplomb l'ensemble du système fiscal.
En présentant le sous-amendement n° 256, M. Peyronnet s'est interrogé sur le sens du mot : « déterminant ». Est « déterminant », ce qui donne un sens. Par conséquent, la « part déterminante » est la part des ressources qui atteint un niveau tel que la liberté est assurée.
M. Michel Mercier. Ça, c'est très bien !
M. Claude Estier. Mais quel est ce niveau ?
M. Jean-Pierre Sueur. C'est complètement creux !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Dans ce domaine, monsieur Sueur, vous êtes orfèvre !
M. Jean-Pierre Sueur. Mais de quel pourcentage s'agit-il ?
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Le Gouvernement est défavorable au sous-amendement n° 249 rectifié.
S'agissant du sous-amendement n° 250 rectifié, j'ai déjà indiqué ce qu'il fallait entendre par « déterminant ». Avis défavorable.
Le Gouvernement est également défavorable aux sous-amendements n° 101 rectifié bis et 271, qui sont satisfaits par les dispositions prévues au quatrième alinéa de l'amendement n° 248.
Même avis sur le sous-amendement n° 196. L'idée d'une compensation intégrale et permanente est difficilement acceptable dans la mesure où elle crée une confusion entre les dépenses qui proviennent du transfert de compétence et celles qui sont finalement de la seule responsabilité de la collectivité bénéficiaire du transfert.
Le Gouvernement est défavorable au sous-amendement n° 258. Je fais écho à l'observation qui a été formulée par M. le président du Sénat à propos des lycées et collèges. L'Etat avait auparavant réduit ses investissements dans les lycées et collèges, ce qui permettait de ne pas assurer l'intégralité de ce qu'il dépensait lui-même. Cela ne sera plus possible grâce aux dispositions prévues dans l'amendement n° 248.
Tout à l'heure, M. Frimat a cité l'Evangile, évoquant le chemin de Damas.
MM. Bernard Frimat et Jean-Pierre Sueur. Ce n'est pas dans l'Evangile : c'est une épître !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. C'est vrai !
En tout cas, moi, j'ai pensé aux pharisiens. Ceux qui donnent des leçons sur la compensation intégrale devraient quand même se souvenir de ce qu'ils ont fait il y a si peu de temps avec l'allocation personnalisée d'autonomie : 800 millions d'euros de coût estimé, 2 milliards d'euros de dépenses réelles cette année et 3,5 milliards d'euros l'année prochaine. Grâce aux dispositions contenues dans le projet du Gouvernement, cela ne sera plus possible.
Mme Nicole Borvo. Ah bon ?
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Quitte à être modeste, monsieur Frimat, autant ne pas l'être avec ostentation !
Le Gouvernement est défavorable au sous-amendement n° 268. Il ne faut pas confondre la loyauté du financement qui est accordé par l'Etat lorsqu'il attribue aux collectivités qui exercent des compétences transférées des ressources équivalentes à celles qu'il consacrait à leur exercice et le choix, d'ailleurs souvent judicieux, des collectivités de dépenser davantage pour offrir un meilleur service.
Au fond, si l'on décentralise, c'est aussi pour avoir un service public de meilleure qualité et pour que les collectivités territoriales fassent l'effort que peut-être l'Etat ne faisait pas. (M. Philippe Nogrix applaudit.) Si la décentralisation ne permet pas de faire en sorte que soit offert un meilleur service public, alors, elle est inutile.
M. Jacques Peyrat. Absolument !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. On décentralise parce que l'on considère, à tort ou à raison - cela demande à être vérifié - que les collectivités font mieux pour moins cher,...
M. Jacques Peyrat. Elles apportent un plus.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. ... qu'elles offrent un meilleur rapport qualité-prix.
Mais les collectivités peuvent aussi dépenser davantage. C'est un choix démocratique : aux citoyens de décider s'ils acceptent de payer plus d'impôts pour avoir un service de proximité de meilleure qualité. C'est une liberté, mais ce n'est pas un droit de tirage à l'égard du Gouvernement.
Pendant trop longtemps l'Etat a obligé les collectivités territoriales à dépenser sans qu'elle l'aient choisi.
M. Michel Mercier. Cela pourrait continuer !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Tout à fait, monsieur Mercier.
M. Michel Mercier. Cela pourrait même être pire !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Le Gouvernement, par cette réforme, souhaite précisément mettre un terme à cette pratique.
A l'inverse, il ne faudrait pas que, dorénavant, les collectivités territoriales exercent un droit de tirage sur le Gouvernement en obligeant celui-ci à compenser des dépenses qu'elles ont elles-mêmes décidées. C'est d'ailleurs ce qui se produit lorsque des collectivités territoriales augmentent leur impôt en sachant très bien que l'Etat devra supporter la charge des exonérations.
Il faut donc responsabiliser les acteurs des deux côtés.
Le Gouvernement est défavorable au sous-amendement n° 263, qui vise à introduire la notion de ressources suffisantes. C'est une notion floue qui ne peut être retenue.
M. Jean-Pierre Sueur. Ce n'est pas comme la « part déterminante » ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Non, est déterminant ce qui donne un sens. C'est donc le contraire !
M. Jean-Pierre Sueur. J'ai compris !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Quant à ce qui est « prépondérant », c'est ce qui a le plus grand poids. Nous n'avons pas retenu la notion de prépondérance parce que cela laissait en définitive à l'Etat la possibilité de baisser ses dotations et de rendre prépondérante la part des ressources propres par la seule baisse des dotations de l'Etat, ce qui n'était évidemment pas l'objectif.
Voilà pourquoi nous avons retenu le mot « déterminant ».
M. Jean-Pierre Sueur. Comme il ne signifie rien, il n'engage à rien !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Sur le sous-amendement n° 251 rectifié, le Gouvernement émet un avis défavorable parce qu'il aboutirait, lui aussi, à créer un droit de tirage sur l'Etat.
Même avis sur le sous-amendement n° 252 rectifié, qui relève du même esprit. Il s'agit de corriger intégralement les inégalités entre collectivités. C'est à égalité des chances que nous voulons arriver, et non pas à l'égalité absolue des situations, tant il est vrai que, comme l'a dit M. Fréville tout à l'heure, il existe des situations d'inégalité dont les gestionnaires sont eux-mêmes responsables de par leur mauvaise gestion. Il serait tout à fait immoral de demander à la solidarité nationale ou à l'Etat de compenser les graves erreurs de gestion qui ont été commises par certains. Ce serait les encourager à persévérer dans leur mauvaise gestion. La correction des inégalités ne peut évidemment pas aller jusque-là.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur le sous-amendement n° 259, qui présente une rédaction moins heureuse, selon moi, que celle qui figure dans l'amendement n° 248.
Sur le sous-amendement n° 260, j'émets un avis défavorable parce que la référence à la solidarité nationale en vue d'une compensation ne tient pas compte du fait que la péréquation est à la fois verticale et, éventuellement, horizontale. De plus, la notion de solidarité nationale est, en l'occurrence, relativement floue. La notion de péréquation est beaucoup plus précise.
Mme Blandin trouve que le mot « solidarité » est beau, et c'est vrai. Mais je lui rappelle que l'article 1er de la Constitution indique que la République est « sociale », mot également très beau, peut-être encore plus.
Même observation concernant le sous-amendement n° 265 : avis défavorable.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur le sous-amendement n° 197 rectifié, qui crée un risque de confusion entre l'appréciation objective des charges et le niveau des dépenses qui résultent de la seule responsabilité de la collectivité.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur le sous-amendement n° 266, qui confond, dans la même diposition, les ressources et les dépenses.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur le sous-amendement n° 267, qui est satisfait par l'article 1er de la Constitution.
Le Gouvernement est défavorable au sous-amendement n° 150, qui est inutile car la faculté de disposer librement de ses ressources constitue le fondement même de la liberté d'emplois des ressources, et il n'est pas besoin de précisions supplémentaires.
J'indique d'ores et déjà à M. Mercier que, naturellement, lorsque le texte énonce très précisément que « les collectivités territoriales bénéficient de ressources dont elles peuvent disposer librement », cela signifie bien qu'elles peuvent dépenser librement, sous réserve, bien entendu, des dépenses obligatoires. Les salaires, par exemple : il n'est pas question de revenir sur leur caractère de dépenses obligatoires.
Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 99 rectifié de M. Charasse : le terme « notamment » banalise la disposition proposée et paraît donc inutile.
Monsieur Mercier, s'agissant de l'amendement n° 119, la liberté de dépenser est bien entendu contenue dans le verbe « disposer ».
Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 151.
Monsieur Fréville, l'amendement n° 54, qui tend à insérer dans le dispositif les modalités de recouvrement, nous paraît générateur de complexité. Je souhaiterais donc que vous le retiriez.
M. le président. Répondez-vous au voeu de M. le ministre, monsieur Fréville ?
M. Yves Fréville. Je retire en effet l'amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 54 est retiré.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Je vous remercie, monsieur Fréville.
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le ministre délégué.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. L'amendement n° 152 de M. Peyronnet et de M. Charasse aurait pour effet de geler la situation actuelle et, par conséquent, il ne facilite pas la réforme nécessaire.
M. Jean-Claude Peyronnet. Il ne gèle pas la situation actuelle !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Je crois que si !
Monsieur Fréville, je souhaiterais que vous retiriez également l'amendement n° 55.
M. le président. L'amendement est-il maintenu, monsieur Fréville ?
M. Yves Fréville. J'aimerais simplement connaître la différence qu'il y a entre ressources fiscales et impositions de toutes natures.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Je crois que les unes contiennent les autres !
M. Jean-Pierre Sueur. Tout est dans tout et réciproquement : il faut donc que M. Fréville retire son amendement. C'est un argument tellement puissant ! Cela devient ridicule !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Vous êtes un expert !
M. Jean-Pierre Sueur. Je dis ce que je pense !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Moi aussi !
M. Yves Fréville. Je retire en tout cas cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 55 est retiré.
Veuillez poursuivre, monsieur le ministre délégué.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. S'agissant de l'amendement n° 120, je souhaite que M. Mercier accepte lui aussi de le retirer.
M. le président. L'amendement est-il retiré, monsieur Mercier ?
M. Michel Mercier. Demandé si gentiment et à cette heure, monsieur le président, je peux le retirer. De toute façon, il serait devenu sans objet dans cinq minutes !
M. le président. L'amendement n° 120 est retiré.
Veuillez poursuivre, monsieur le ministre délégué.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 100 rectifié.
Concernant l'amendement n° 153, j'y suis aussi défavorable : j'ai déjà eu l'occassion de dire que la notion de « ressources nécessaires » est trop floue pour être opérante juridiquement.
M. Claude Estier. En matière de flou, vous êtes orfèvre !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Quant à l'amendement n° 121, monsieur Mercier, j'en souhaite le retrait.
M. Michel Mercier. Non, celui-là, je le maintiens !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Dans ces conditions, le Gouvernement y est défavorable, avec beaucoup de regrets.
Mme Nicole Borvo. Des regrets éternels !
M. Michel Mercier. Le maire d'Antony devrait avoir plus de regrets encore !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Je demande à M. Fréville de bien vouloir retirer son amendement n° 56.
M. le président. Monsieur Fréville, accédez-vous à cette demande ?
M. Yves Fréville. Monsieur le ministre, vous m'avez donné exactement tout à l'heure l'explication que je souhaitais entendre en disant que les inégalités que nous appelons en économie « les inégalités de situation » devaient être corrigées, alors que les inégalités de gestion n'ont pas à l'être.
Sous le bénéfice de cette explication, je retire mon amendement.
M. Patrick Devedjian, ministe délégué. Merci, monsieur Fréville. Je confirme votre interprétation si pertinente.
M. le président. L'amendement n° 56 est retiré.
Veuillez poursuivre, monsieur le ministre délégué.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Monsieur Mercier, vous admettrez avec moi que votre amendement n° 122 entraîne des complications s'agissant des charges.
M. Michel Mercier. Tout est compliqué !
M. Claude Estier. Si la péréquation ne prend pas les charges en compte, cela n'a pas de sens !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. En tout cas, je pense que nous pourrons examiner cette question au moment de la discussion de la loi organique.
M. Michel Mercier. Dans ces conditions, je retire l'amendement.
Mme Nicole Borvo. Et voilà !
M. le président. L'amendement n° 122 est retiré.
Veuillez poursuivre, monsieur le ministre délégué.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. L'amendement n° 154 est purement rédactionnel et le Gouvernement y est défavorable par coordination.
L'amendement n° 155 tend à introduire le concept de solidarité nationale qui, j'ai eu l'occasion de le dire, est trop imprécis pour être facilement opérant juridiquement. J'y suis donc défavorable. (Mme Nicole Borvo rit.)
M. Claude Estier. La solidarité nationale, c'est imprécis ?
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Le devoir de solidarité nationale est satisfait par l'article 1er de la Constitution, j'ai eu l'occasion de le dire. Quant à vouloir substituer ce concept à la péréquation...
M. Claude Estier. « La République est sociale », cela ne veut pas dire « la solidarité nationale » !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Cela veut dire quoi, alors ?
L'amendement n° 204 est incompatible avec l'amendement n° 248 du Gouvernement, et j'invite M. Pelletier à le retirer.
M. le président. L'amendement est-il maintenu, monsieur Pelletier ?
M. Jacques Pelletier. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 204 est retiré.
Veuillez poursuivre, monsieur le ministre délégué.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. L'amendement n° 156 étant également incompatible avec l'amendement du Gouvernement, j'y suis défavorable.
L'amendement n° 81, qui vise la redistribution, est inutile puisque le mot « péréquation » remplit cette fonction. Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
Quant à l'amendement n° 82, le Gouvernement y est aussi défavorable : ajouter les mots « et de besoins » après les mots « de ressources », ce serait vraiment ouvrir la porte à toutes les imprécisions et à toutes les confusions.
Enfin, pour les raisons déjà énoncées, le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 83, qui est satisfait par l'article 1er de la Constitution.
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission. Mais il est beau !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Oui : on pourrait le faire encadrer ! (Sourires.)
M. le président. Tous les amendements et sous-amendements ayant été exposés, la commission et le Gouvernement s'étant exprimés, nous allons maintenant procéder au vote sur chacun de ces amendements et sous-amendements.
Je mets aux voix l'amendement n° 194.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l'amendement n° 149.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je voudrais vous faire part de ma grande insatisfaction - et le mot est faible, c'est un euphémisme ! - devant la façon dont se déroulent nos débats et devant le spectacle auquel nous venons d'assister.
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission. Quel spectacle ?
M. Josselin de Rohan. Vous y avez participé !
M. Jean-Pierre Sueur. Pour éviter d'expliquer mon vote - mais, après tout, je pourrais le faire ! - sur chacun des sous-amendements qui vont être appelés successivement, je vais dire en une seule fois ce que j'ai sur le coeur, mais je tiens à le dire.
Nous avons été saisis cet après-midi - je ne vais pas y revenir - d'un amendement n° 248 que nous considérons comme particulièrement plat et insipide, et nous avons amplement démontré qu'il n'y avait pas grand-chose dedans.
Le débat a eu lieu. Mais M. le rapporteur n'a fourni aucune explication quant à la position de la commission des lois sur aucun des amendements et des sous-amendements qui ont été présentés ; il a simplement dit que la commission n'était pas en accord avec l'ensemble de ces textes. Certes, cela a eu le mérite de la concision.
Quant au ministre délégué, M. Patrick Devedjian, il a, lui, présenté le point de vue du Gouvernement sur l'ensemble des amendements et des sous-amendements. De manière assez rapide, certes, mais au moins il a cité l'ensemble.
Et, alors que vous nous avez présenté un texte complèment plat et insipide, voilà que vous nous déclarez qu'aucun - je dis bien aucun - des sous-amendements, aucun des amendements, aucune des modifications présentées par aucun sénateur de l'opposition ou de la majorité n'est recevable.
Même la chose la plus petite, la plus...
M. Hilaire Flandre. La plus insignifiante, peut-être ?
M. Jean-Pierre Sueur. ... la plus faible n'a trouvé grâce à vos yeux. Nous devons adopter en l'état le texte insipide que vous nous avez présenté.
Cela a parfois atteint des proportions remarquables. Ainsi, ce qu'a dit M. Mercier de la péréquation était totalement évident : si l'on met en oeuvre une péréquation, il faut prendre en compte non seulement les ressources des collectivités, mais aussi les charges ! En effet, certaines collectivités ont beaucoup de revenus et de faibles charges tandis que d'autres ont peu de revenus et beaucoup de charges. C'est la réalité actuelle, puisqu'une partie de la DGF, la DSU, prend explicitement en compte les charges. Dans ces conditions, je ne vois pas pourquoi le fait d'accepter la précision présentée par M. Mercier - qui fait partie de la majorité - poserait le moindre problème par rapport à votre texte.
Mais vous avez décidé, et la commission, malheureusement, s'est inclinée et n'a fait que se rallier, je le regrette profondément, à une rédaction qui n'apporte rien, qui est même inférieure, à certains égards, à celle qui avait été présentée au début par le Gouvernement, et qui est en tout cas nettement moins précise et moins efficace que celle qu'avait retenue la commission.
Je trouve ce spectacle assez consternant.
Le travail parlementaire devrait nous permettre d'améliorer les textes et de tirer quelque parti de ce que disent les uns et les autres ! Or, sur plus de cinquante amendements et sous-amendements, aucun n'a trouvé grâce aux yeux du Gouvernement. Je trouve que c'est une mauvaise manière de travailler !
M. le président. La parole est à M. Jean-ClaudePeyronnet, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Peyronnet. Je pourrais reprendre mot à mot ce que vient de dire mon collègue Jean-Pierre Sueur, mais je m'en garderai bien.
Nous sommes ici complètement dans l'apparence. On nous dit, par exemple, que l'amendement n° 271, qui reprenait une proposition de la commission des lois, serait satisfait par des dispositions de l'alinéa 4 de l'amendement n° 248, aux termes duquel « toute création de nouvelle compétence est accompagnée de ressources déterminées par la loi ». Mais cela ne veut rien dire, cela ne nous donne pas la moindre petite miette de garantie ! Donc, comparé à ce que la commission des lois avait proposé, c'est incontestablement nul, et je suis tout à fait affligé que cette dernière se soit pliée ainsi aux souhaits du Gouvernement.
A part cette disposition majeure à laquelle la commission des lois a renoncé, il en est deux autres que l'on oublie et qui, d'une certaine façon, concernent, au-delà de la commission des lois, le Sénat tout entier. Sans les avoir approuvées, nous n'en considérons pas moins que le Sénat est humilié. Nous ne devons pas nous satisfaire de la sucette qu'on nous donne à l'article 3 en nous octroyant, de façon tout à fait formelle, le droit de bénéficier d'un examen prioritaire des textes de loi relatifs aux collectivités locales. Je rappelle que la commission des lois a repris et voté une disposition contenue dans la proposition de loi déposée par le président du Sénat lui-même et selon laquelle « Une loi organique votée dans les mêmes termes par les deux assemblées détermine les conditions d'application du présent article. »
Je n'étais pas d'accord avec cette disposition. Mais là n'est pas la question. Ce qui importe, c'est qu'on l'a subrepticement fait disparaître. Elle n'a même pas été évoquée en séance aujourd'hui ! C'est, là aussi, une mauvaise manière !
Enfin, on a renoncé à la part « prépondérante » au profit de la part « déterminante ».
Dans ces conditions, comment peut-on parler de concertation entre le Gouvernement et la commission des lois, et nous dire que cette dernière fait passer nombre de ces amendements ? Au nombre de lignes, oui, mais pas du tout sur le fond, bien au contraire ! On peut même dire qu'elle s'est couchée ! (M. Jean-Pierre Sueur applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Fourcade. En dépit de l'heure tardive, permettez-moi de m'étonner des propos de mes éminents collègues du groupe socialiste.
J'ai participé aux travaux de la commission Mauroy, au cours de laquelle nous avons évoqué tous ces problèmes, d'autonomie et autres. Lorsque nous avons appris que M. Fabius, alors ministre de l'économie et des finances, avait supprimé d'un trait de plume la vignette automobile, privant les départements de ressources importantes sans avoir prévenu personne et sans aucune concertation, j'aurais aimé qu'à cette époque - puisque nous étions en séance - tous ces honorables collègues défendent avec autant de pertinence, de virulence et d'efficacité toutes les thèses qu'ils ont développées et qui vont au-delà de celles qu'avec le président du Sénat nous avions soutenues. C'est une conversion extraordinaire à laquelle je viens d'assister !
Pour ma part, je considère que l'amendement du Gouvernement - même si j'ai pu dire qu'il était un petit pas -, est un pas sérieux, car il constitutionnalise ce qu'on avait omis de prévoir dans les lois de décentralisation de 1982. On inscrit en effet dans la Constitution le principe de la compensation des transferts de charges qui n'était auparavant que du domaine de la loi et qu'un certain nombre de lois avait, notamment au cours de la dernière période que nous avons vécue, remis en cause. Par conséquent, ce texte est important.
Bien entendu, il reste à obtenir, par le biais de la loi organique, quelques éléments de plus car, monsieur le ministre, je ne suis pas du tout convaincu que l'obligation de remplacer une recette fiscale supprimée par une autre recette fiscale gêne les réformes éventuelles. C'est un faux argument développé par des administrations centrales opposées à la décentralisation. Mais, rassurez-vous, je suis d'accord pour voter le texte aujourd'hui.
Vous nous retrouverez, le président du Sénat et moi-même, au moment de la discussion des lois organiques, car nous ne pouvons pas continuer, comme on le fait depuis cinq ans, à transformer des recettes fiscales autonomes et libres en dotations budgétaires, et comme l'on va encore nous le proposer à deux reprises dans la loi de finances dont nous allons débattre dans quelques jours. Cela prouve que la tendance des administrations est irrépressible. Je demande au Gouvernement de la maîtriser ! Mais je crois avoir compris que vous aviez admis cette position. C'est la raison pour laquelle je voterai le texte qui vient d'être brillamment défendu par deux ministres et auquel s'est ralliée la commission.
Je crois, pour ma part, que la constitutionnalisation de tout ce qui est écrit ici est tout à fait important pour les 500 000 élus locaux que nous représentons, ce matin, au Sénat. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le vice-président de la commission.
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission. A la fin du débat sur cet article 6, je suis frappé de constater le comportement frustré de ceux qui s'estiment volés dans leur domaine : la décentralisation.
Certes, vous l'avez créée en 1982, mais c'est nous qui la relançons maintenant et qui permettons à un processus resté en panne de redémarrer.
Un sénateur socialiste. Mais non !
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission. Vous nous avez dit tout à l'heure que l'amendement du Gouvernement avait été déposé cet après-midi. Non, il l'a été ce matin. Vous l'avez jugé plat et insipide, mais vous avez rejeté tous les amendements que nous avions présentés, et maintenant vous vous faites les défenseurs des amendements que notre rapporteur avait préalablement déposés !
Vous avez, pendant des heures, systématiquement émis sur nos propositions des critiques qui ne sont pas fondées. Les arguments répétitifs que vous avez avancés ne sont pas pertinents et ne font en réalité - je le dis franchement - que cacher votre embarras dû au fait que ce sont le Gouvernement et sa majorité actuelle qui relancent le grand débat sur la décentralisation. Il faut que vous en soyez conscients.
Au contraire, nous sommes convaincus que les dispositions qui seront inscrites dans la Constitution changeront profondément la nature de la décentralisation, qui était jusqu'à maintenant restée en panne. Nous redémarrons le processus, prenez-en acte ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
Un sénateur socialiste. On jugera sur pièces !
M. le président. La parole est à M. François Marc, pour explication de vote.
M. François Marc. En réponse à ce que vient de dire M. Gélard, je veux indiquer que la décentralisation est en marche depuis vingt ans. Pour la mettre en oeuvre, différentes approches politiques sont possibles. Celle qui nous est aujourd'hui proposée ne nous convient pas parce qu'elle est fondamentalement libérale, contrairement à la précédente, qui était républicaine et solidaire.
M. Hilaire Flandre. Des mots.
M. François Marc. Le fait que les amendements qui procèdent de ces principes aient tous été rejetés nous confirme dans l'idée que, comme l'a indiqué voilà quelques jours M. Perben, une rupture existe bien entre le processus de décentralisation qui était en oeuvre depuis vingt ans et celui d'aujourd'hui, qui s'inscrit dans une autre logique. J'en veux pour preuve les réponses qui ont été apportées sur quatre points.
Tout d'abord, s'agissant des dispositions relatives à la péréquation qui nous semblaient floues, nous souhaitions préciser davantage les principes d'égalité et de solidarité. Or les amendements que nous avons déposés en ce sens ont été rejetés.
Ensuite, nous avons souhaité indiquer que la fiscalité nationale était transférée. Certes, on nous annonce une baisse des impôts sur le revenu de 30 % sur cinq ans, mais elle va inévitablement être transférée sur l'impôt local, les quatre vieilles, profondément injustes. Les questions que nous avons posées à ce sujet n'ont pas reçu de réponse.
Par ailleurs, M. le garde des sceaux a indiqué tout à l'heure que l'on s'inscrivait effectivement dans une logique de compétition entre les territoires. Or, chacun le sait, dans une compétition, il y a un vainqueur et des vaincus. Nous avons du mal à accepter l'idée que certains de nos territoires français seront, demain, les territoires vaincus, ceux qui n'auront pas eu les mêmes chances que les autres, ceux qui n'auront pas eu les ressources pour faire ces expérimentations que les plus aisés sauront entreprendre à bon escient et surtout qu'ils auront auront les moyens de faire.
Enfin - dernier argument -, nous n'avons pas entendu d'engagement ferme sur la réforme de la fiscalité locale. C'est un thème récurrent qui a été évoqué dans les travaux des commissions depuis plusieurs semaines. Or, aujourd'hui encore, aucun engagement précis n'a été pris sur cette exigence fondamentale qui s'exprime partout dans notre pays, à savoir que cette étape supplémentaire de la décentralisation puisse s'appuyer sur un édifice solide en matière d'égalité de la fiscalité locale ; nous le regrettons vivement.
Tout cela explique qu'avec le rejet de tous ces sous-amendements nous ne pourrons bien sûr pas suivre le Gouvernement ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. Elue dans cette assemblée depuis un peu plus d'un an, j'ai assisté à des débats sur d'autres textes, mais le gouvernement était autre et j'avais constaté que les membres de la majorité souhaitaient tout de même débattre sur leurs amendements, sollicitaient les différents ministres présents et réagissaient, relativement vivement d'ailleurs, lorsqu'il leur semblait que le débat n'allait pas suffisamment loin par rapport à leur demande.
Aujourd'hui, j'ai vraiment eu l'impression d'assister à une parodie de démocratie.
Mme Hélène Luc. C'est très bien ! Vous avez raison !
M. Josselin de Rohan. Allons, allons ! Pas vous et pas ça !
Mme Marie-France Beaufils. Vous m'excuserez, mais si je le dis, c'est parce que je le ressens ainsi, et je suis quand même élue depuis suffisamment longtemps, dans des assemblées communales ou départementales,...
M. Jacques Peyrat. Nous n'avons pas de leçon à recevoir de vous, gardez-les !
Mme Marie-France Beaufils. ... pour affirmer que nous avons vécu une parodie de démocratie : il n'y a pas eu de véritable débat sur les questions qui ont été soulevées. Je rejoins ce que vient de dire un de nos collègues : vous n'avez pas voulu répondre aux questions posées sur les finances des collectivités locales.
M. Perben, tout à l'heure, et M. Devedjian, maintenant, parlant de responsabilité fiscale, ont dit qu'il fallait que les élus se responsabilisent dans leur prise de décisions. Vous m'excuserez mais, en tant qu'élue locale - j'ai été conseillère générale et je suis maire, tout de même, depuis 1982 - je n'ai jamais eu l'impression d'avoir été déresponsabilisée dans ma tâche d'élue ! J'ai toujours pris mes responsabilités. Je ne vois donc pas pourquoi il faudrait aujourd'hui, dans un texte constitutionnel, faire appel à cette responsabilisation des élus locaux. Ils ont suffisamment démontré leur capacité de prendre leurs responsabilités dans ce domaine.
Par ailleurs, la modification complète d'un article de votre texte à laquelle vous avec procédé montre bien la précipitation dans laquelle vous agissez. C'est quand même un élément important ! Tout à l'heure, dans le débat, il a été fait état de l'absence de référence aux dotations reçues par d'autres collectivités territoriales. En fait, vous nous expliquez que vous êtes en train de la réintroduire par la forme de péréquation que vous nous proposez.
D'un côté, on éclaircit le texte en essayant de répondre à des questionnements sur les ressources mais, de l'autre côté, sur le fond, la prise en compte dans les ressources des collectivités locales des dotations qui sont reçues par des autres collectivités territoriales est toujours présente.
Ce texte montre bien que vous ne voulez pas affirmer ce que sont vos véritables intentions par rapport à la décentralisation. Vous ne voulez pas dire dans quelles conditions vous allez la réaliser. Vous ne voulez pas que tous les éléments soient partie intégrante du débat, parce que vous ne voulez pas véritablement un débat de fond sur les conditions dans lesquelles la décentralisation peut se mettre en oeuvre, sur les conditions dans lesquelles les collectivités territoriales pourront faire face aux nouvelles responsabilités qu'elles auront à assumer, et pas simplement pour assumer une compétence qui leur aura été transférée, mais bien pour faire face à l'évolution de cette compétence. Ce texte, même modifié, confirme l'avis négatif que nous avions dès le départ. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste, républicain et citoyen et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme Marie-Christine Blandin. Messieurs les ministres, vous n'avez retenu aucun argument, aucune proposition. Ce blocage a au moins le mérite d'être plus courtois que celui de M. Gélard, qui vient, sans élégance, de traiter ses collègues de l'opposition de « frustrés ».
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission. Eh oui ! Et c'est vrai !
M. Hilaire Flandre. Ce n'est pas une insulte ! C'est une déception !
Mme Marie-Christine Blandin. Certains amendements ont été jugés insignifiants. Tel ne fut pas le cas de la proposition : « L'Etat est le garant de la solidarité nationale. » Là, vous avez répondu que l'article 1er de la Constitution « La France est une république (...) sociale », y répond. Pas du tout : la France, ce peut être les régions, les collectivités. La preuve en est que vous avez voulu inscrire : « La République est décentralisée. ».
En conséquence, en précisant que c'est l'Etat qui est le garant de la solidarité nationale, nous lui rendions toute sa responsabilité centralisée dans l'équilibre des droits des citoyens dans les territoires administrés de façon décentralisée. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.
M. Bernard Frimat. Finalement, nous avons consacré un peu plus de trois heures à l'examen d'un article essentiel de ce projet de loi constitutionnelle (Murmures sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants), ce qui n'est pas exorbitant s'agissant de mécanismes financiers.
Je souhaite simplement formuler quelques remarques brèves eu égard à vos réponses, monsieur le ministre délégué. Vous avez souhaité répondre point par point à chaque amendement, et je vous en remercie. Le procès-verbal pourra acter la qualité des arguments que vous avez employés sur l'ensemble des amendements présentés et nous pourrons donc nous y référer pour trouver l'essentiel de votre pensée. Sur ce point-là, c'est très satisfaisant pour nous.
Messieurs les ministres, je veux vous dire mes craintes, et elles seront partagées, me semble-t-il, par de nombreux élus locaux. Chaque fois qu'il existait une possibilité d'ouverture, de trouver une solution qui n'était pas partisane, mais qui pouvait répondre aux préoccupations de chacun, qui pouvait rassurer devant une décentralisation qui, effectivement - nous l'avons tous reconnu à des moments divers, au cours des alternances qui se sont succédé depuis 1981 -, a conduit l'ensemble des collectivités territoriales à augmenter considérablement leurs impôts locaux, eh bien ! vous nous avez répondu, sur les points essentiels, que cela allait continuer et que vous n'étiez pas prêts à assurer les conditions d'un transfert qui permette aux collectivités locales d'exercer, demain, les compétences qui leur seront transférées à un niveau suffisant, qu'il s'agisse de nouvelles compétences ou de la reprise de tel ou tel élément.
Cela a le mérite de la clarté ! Vous mettez en place une décentralisation qui permettra aux collectivités les plus riches de développer leurs avantages et aux collectivités qui sont le plus en difficulté, parce que vraisemblablement confrontées à la réalité sociale la plus complexe, de continuer à en subir les conséquences. Vous êtes les tenants d'une politique d'inégalités ; votre décentralisation est à cette image. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo. Monsieur Gélard, comme vous l'avez montré tout à l'heure, tout ce qui est excessif est inefficace.
Plusieurs sénateurs sur diverses travées. Est insignifiant !
M. Christian Poncelet. Est insignifiant ! C'est Talleyrand qui l'a dit !
Mme Nicole Borvo. Tout ce qui est excessif est insignifiant et, j'ajoute, inefficace !
Ce qui est remarquable, c'est que de nombreuses préoccupations se sont exprimées sur les ressources des collectivités locales, c'est-à-dire sur la manière de faire face à votre décentralisation, qui vise à leur faire assumer des responsabilités - celles qu'elles veulent, comme elles le veulent, etc. -, et que ces préoccupations émanaient non seulement de l'opposition, mais également de la majorité. Au fond, c'est tout à fait normal, car ces préoccupations sont vraiment légitimes : quel maire, quel président de conseil général, quel élu local ne se pose pas la question de savoir quelles seront les conséquences, sur le plan électoral, de la hausse des impôts locaux, des services supprimés ou mal rendus par des collectivités locales qui, faute de pouvoir augmenter les impôts, sont en proie à de grandes difficultés sociales et se trouvent confrontées au mécontentement de leurs électeurs ?
L'article 6 nous renvoie à l'article 1er. Cette décentralisation va aboutir à la création d'un patchwork de possibilités selon les collectivités. Cela justifiait les préoccupations des uns et des autres et méritait de faire l'objet d'un débat approfondi. Malheureusement, aucune de ces préoccupations, d'où qu'elles viennent, n'a été prise en compte. M. Devedjian a même déclaré que les citoyens seraient contents de payer plus d'impôts locaux. Je ne sais pas ! En tout cas, ce dont je suis sûre, c'est que vous faites souvent référence aux Français, monsieur le ministre : les Français l'ont voulu ; vous vous référez, bien sûr, aux dernières élections.
Je doute que les Français, y compris les 10 % des inscrits qui ont voté pour le Président de la République au premier tour, aient voulu que l'Etat ne soit plus garant de l'égalité. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste, républicain et citoyen et du groupe socialiste.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 149.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 254.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 269.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix les sous-amendements identiques n°s 195 rectifié et 262.

(Les sous-amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 255.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 256.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 249 rectifié.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 250 rectifié.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 101 rectifié bis .

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 271.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 196 rectifié.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 258.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 268.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 263.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 251 rectifié.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 252 rectifié.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 259.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 260.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 265.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 197 rectifié.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 266.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 267.
Mme Marie-Christine Blandin. L'Etat est garant de la solidarité nationale : cette nécessité reste à l'ordre du jour.
Par ailleurs, le groupe socialiste demande que le Sénat se prononce par scrutin public sur ce sous-amendement.
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 267.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu).
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 26:

Nombre de votants 320
Nombre de suffrages exprimés 313
Majorité absolue des suffrages 157
Pour l'adoption 105
Contre
208

Mme Hélène Luc. C'est bien dommage !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 248.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, les amendements n°s 150, 99 rectifié, 119, 151, 152, 100 rectifié, 153, 121, 154, 155, 156, 81, 82 et 83 n'ont plus d'objet.
Je mets aux voix l'article 6, modifié.

(L'article 6 est adopté.)
M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

8

DÉPÔT D'UNE QUESTION ORALE AVEC DÉBAT

M. le président. J'informe le Sénat que j'ai été saisi de la question orale avec débat suivante : M. Jacques Pelletier attire l'attention de M. le ministre des affaires étrangères sur la situation particulièrement difficile dans un grand nombre d'Etats du monde où des centaines de milliers de personnes sont persécutées en raison de leurs opinions politiques, de leurs croyances ou de leur appartenance à un groupe ethnique. En dépit de l'engagement répété de nombreux Etats en faveur de la Déclaration universelle des droits de l'homme, nous dénombrons toujours des violations graves et systématiques de ces droits, de façon ouverte ou camouflée. Il lui d emande comment le Gouvernement français peut, en liaison avec nos partenaires européens, user de son influence pour faire cesser ces pratiques et promouvoir un recpect effectif des engagements internationaux pris par les Etats en matière de droits de l'homme.

Conformément aux articles 79, 80 du règlement, cette question orale avec débat a été communiquée au Gouvernement et la fixation de la date de la discussion aura lieu ultérieurement.9

DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI

M. le président. J'ai reçu de M. Robert Del Picchia une proposition de loi autorisant le vote par Internet des Français établis hors de France pour les élections du Conseil supérieur des Français de l'étranger.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 43, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

10

DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE RÉSOLUTION M. le président. J'ai reçu de MM. Ladislas Poniatowski, Henri Revol et Gérard Larcher, une proposition de résolution, sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant les directives 96/92/CE et 98/30/CE concernant les règles communes pour le marché intérieur de l'électricité et du gaz naturel et la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant les conditions d'accès au réseau pour les échanges transfrontaliers d'électricité (n° E-1742).
La proposition de résolution sera imprimée sous le n° 44, distribuée et renvoyée à la commission des affaires économiques et du Plan, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

11

TEXTES SOUMIS AU SÉNAT EN APPLICATION
DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis, au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen, lettre rectificative n° 3 à l'avant-projet du budget 2003 - Section III - Commission.
Ce texte sera imprimé sous le nunéro E-2126 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil relative à la prorogation de l'accord international de 1986 sur l'huile d'olive et les olives de table.
Ce texte sera imprimé sous le numéro E-2127 et distribué.

12

DÉPÔT DE RAPPORTS

M. le président. J'ai reçu de M. Bernard Murat un rapport fait au nom de la commission des affaires culturelles sur sa proposition de loi portant modification de l'article 43 de la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives (n° 28, 2002-2003).
Le rapport sera imprimé sous le n° 45 et distribué.
J'ai reçu de M. Dominique Braye un rapport fait au nom de la commission des affaires économiques et du Plan sur la proposition de loi de MM. Dominique Braye, Gérard Larcher, Charles Revet, Jean François-Poncet, Georges Gruillot et Michel Mercier, portant modification de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (n° 37, 2002-2003).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 46 et distribué.

13

ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, mercredi 6 novembre 2002, à quinze heures :
1. Suite de la discussion du projet de loi constitutionnelle (n° 24 rectifié, 2002-2003) relatif à l'organisation décentralisée de la République ;
Rapport (n° 27, 2002-2003) de M. René Garrec, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.
Scrutin public à la tribune sur l'ensemble du texte.
2. Discussion du projet de loi (n° 30, 2002-2003) pour la sécurité intérieure ;
Rapport (n° 36, 2002-2003) de M. Jean-Patrick Courtois, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Rapport d'information (n° 34, 2002-2003) de Mme Janine Rozier, fait au nom de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.
Aucune inscription de parole dans la discussion générale n'est plus recevable.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.

Délais limites pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements

Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, sur le rapport du Gouvernement sur les prélèvements obligatoires et leur évolution, déposé en application de l'article 52 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mercredi 6 novembre 2002, à dix-sept heures.
Conclusions de la commission des affaires sociales sur la proposition de loi de M. Nicolas About relative à la responsabilité civile médicale (n° 33, 2002-2003) ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : vendredi 8 novembre 2002, à dix-sept heures.
Conclusions de la commission des affaires culturelles sur la proposition de loi de M. Bernard Murat portant modification de l'article 43 de la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives (n° 28, 2002-2003) ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : vendredi 8 novembre 2002, à dix-sept heures.
Conclusions de la commission des affaires économiques sur la proposition de loi de M. Dominique Braye et plusieurs de ses collègues portant modification de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (n° 37, 2002-2003) ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : vendredi 8 novembre 2002, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : vendredi 8 novembre 2002, à dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.

(La séance est levée le mercredi 6 novembre 2002, à trois heures trente.)

Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD





ORDRE DU JOUR
DES PROCHAINES SÉANCES DU SÉNAT
établi par le Sénat dans sa séance du mardi 5 novembre 2000 à la suite des conclusions de la conférence des présidents

Mercredi 6 novembre 2002 :

Ordre du jour prioritaire

A 15 heures et le soir :
1° Suite du projet de loi constitutionnelle relatif à l'organisation décentralisée de la République (n° 24 rectifié, 2002-2003).
(La conférence des présidents a décidé qu'il serait procédé à un scrutin public à la tribune sur l'ensemble de ce projet de loi constitutionnelle.)
2° Projet de loi pour la sécurité intérieure (n° 30, 2002-2003).
(La conférence des présidents a :
- reporté au mardi 5 novembre 2002, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;

- attribué un temps de parole spécifique de quinze minutes à la délégation parlementaire aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes ;

- fixé à quatre heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.)

Jeudi 7 novembre 2002 :

Ordre du jour prioritaire

A 9 h 30 :
1° Suite du projet de loi pour la sécurité intérieure.
A 15 heures et le soir :
2° Questions d'actualité au Gouvernement.
(L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant 11 heures.)

Ordre du jour prioritaire

3° Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, sur le rapport du Gouvernement sur les prélèvements obligatoires et leur évolution, déposé en application de l'article 52 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.
(A la suite du Gouvernement interviendront successivement :
- le rapporteur général de la commission des finances [15 minutes] ;

- le rapporteur de la commission des affaires sociales pour les équilibres généraux de la loi de financement de la sécurité sociale [15 minutes] ;

- le président de la commission des finances [15 minutes] ;

- le président de la commission des affaires sociales [15 minutes] ;

- et les orateurs des groupes.

La conférence des présidents a fixé à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ; l'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mercredi 6 novembre 2002.)

Mardi 12 novembre 2002 :

Ordre du jour réservé

A 10 heures :
1° Question orale européenne avec débat (n° QE-2) de M. Hubert Haenel à M. le ministre des affaires étrangères sur les travaux menés au sein de la Convention sur l'avenir de l'Europe.
(La discussion de cette question orale européenne s'effectuera selon les modalités prévues à l'article 83 ter du règlement.)
A 16 heures et le soir :
2° Conclusions de la commission des affaires sociales sur la proposition de loi de M. Nicolas About relative à la responsabilité civile médicale (n° 33, 2002-2003).
(La conférence des présidents a décidé de fixer au vendredi 8 novembre 2002, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
3° Conclusions de la commission des affaires culturelles sur la proposition de loi de M. Bernard Murat portant modification de l'article 43 de la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives (n° 28, 2002-2003).
(La conférence des présidents a décidé de fixer au vendredi 8 novembre 2002, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
4° Conclusions de la commission des affaires économiques sur la proposition de loi de M. Dominique Braye et plusieurs de ses collègues portant modification de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (n° 37, 2002-2003).
(La conférence des présidents a fixé :
- au vendredi 8 novembre 2002, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;

- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;

L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le vendredi 8 novembre 2002.)

Mercredi 13 novembre 2002 :

Ordre du jour prioritaire

A 15 heures et le soir :
- suite du projet de loi pour la sécurité intérieure.

Jeudi 14 novembre 2002 :

Ordre du jour prioritaire

A 9 h 30 :
1° Suite du projet de loi pour la sécurité intérieure.
A 15 heures et le soir :
2° Questions d'actualité au Gouvernement.
( L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant 11 heures.)

Ordre du jour prioritaire

3° Suite du projet de loi pour la sécurité intérieure.

Eventuellement, vendredi 15 novembre 2002

Ordre du jour prioritaire

A 9 h 30, à 15 heures et le soir :

Suite du projet de loi pour la sécurité intérieure.

Lundi 18 novembre 2002 :

Ordre du jour prioritaire

A 15 heures et le soir :
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 (AN, n° 250).
( La conférence des présidents a fixé :
- au lundi 18 novembre 2002, à 12 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;

- à trois heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;

L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le vendredi 15 novembre 2002.)

Mardi 19 novembre 2002 :

A 9 h 30 :

L'ordre d'appel des questions sera fixé ultérieurement.
1° Dix-huit questions orales :
- n° 65 de M. Roland Courteau à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (Pérennisation du taux réduit de TVA sur les travaux effectués dans les logements de plus de deux ans) ;

- n° 66 de M. André Vallet à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales (Conditions d'accueil des gens du voyage dans les petites communes) ;

- n° 67 de M. André Vantomme à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées (Pénurie d'infirmières dans les hôpitaux) ;

- n° 68 de M. Bernard Piras à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer (Application de la loi SRU dans les zones agricoles) ;

- n° 69 de M. François Autain à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales (Insécurité dans l'agglomération nantaise) ;

- n° 70 de Mme Marie-Christine Blandin à Mme la ministre de la défense (Conséquences sanitaires des essais nucléaires) ;

- n° 71 de M. Christian Bergelin à Mme la ministre déléguée à l'industrie (Avenir de La Poste) ;

- n° 72 de M. Ambroise Dupont à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales (Participation des communes aux dépenses de fonctionnement des écoles sous contrat d'association et développement de l'intercommunalité) ;

- n° 73 de Mme Jacqueline Gourault à Mme la ministre déléguée à l'industrie (Situation du bassin d'emploi de Romorantin) ;

- n° 74 de M. Dominique Leclerc à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer (Développement des équipements de liaisons transversales dans le bassin parisien) ;

- n° 76 de M. Jean-Paul Emin à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer (Liaison TGV Paris-Genève) ;

- n° 77 de M. Hubert Durand-Chastel à M. le ministre des affaires étrangères (Libération d'Ingrid Betancourt) ;

- n° 78 de M. Simon Sutour à Mme la ministre de l'écologie et du développement durable (Plan de prévention des inondations) ;

- n° 79 de M. Auguste Cazalet à M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat (Organisation de la construction publique et perspectives de réforme) ;

- n° 80 de M. Yves Détraigne à Mme la ministre de l'écologie et du développement durable (Organisation de la collecte sélective des déchets ménagers) ;

- n° 81 de M. Daniel Reiner à Mme la ministre de l'écologie et du développement durable (Responsabilité des maires et mise aux normes des réseaux d'assainissement collectif) ;

- n° 82 de M. Fernand Demilly à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer (Moyens de la Société nationale de sauvetage en mer) ;

- n° 83 de M. Robert Bret à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées (Création d'un fonds de garantie pour financer la lutte contre le SIDA).

A 16 heures et le soir :

Ordre du jour prioritaire

2° Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003.
A 16 heures aura lieu un débat sur l'assurance maladie.
A la suite du représentant du Gouvernement, du rapporteur de la commission des affaires sociales et du rapporteur pour avis, interviendront un orateur par groupe (10 minutes) et un orateur de la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (5 minutes).
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le lundi 18 novembre 2002.

Mercredi 20 novembre 2002 :

Ordre du jour prioritaire

A 15 heures et, éventuellement, le soir :
Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003.

Du jeudi 21 novembre 2002 au mardi 10 décembre 2002 :

Ordre du jour prioritaire

Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2003 (AN, n° 230).
(Le calendrier et les règles de la discussion figurent en annexe.
Pour la discussion générale, la conférence des présidents a décidé de fixer à quatre heures la durée globale du temps dont disposeront les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mercredi 20 novembre 2002.)
En outre :

Jeudi 28 novembre 2002,
le soir :

Ordre du jour prioritaire

Commission mixte paritaire ou nouvelle lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003.
(La conférence des présidents a décidé de fixer au mercredi 27 novembre 2002, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)

Jeudi 5 décembre 2002 :

A 15 heures :
Questions d'actualité au Gouvernement.
(L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant 11 heures.)

CALENDRIER ET RÈGLES DE LA DISCUSSION DU PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2003




DATE


DISPOSITIONS DU PROJET DE LOI

DURÉE PRÉVUE

Jeudi 21 novembre 2002
A 10 h 30, à 15 heures et, éventuellement, le soir. Discussion générale 6 heures

( Nota. - Délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la première partie à 10 h 30 .)

Vendredi 22 novembre 2002

A 15 heures. Examen des articles de la première partie 5 heures

Lundi 25 novembre 2002
A 10 h 30, à 15 heures et le soir. Examen des articles de la première partie (suite) 10 heures

Mardi 26 novembre 2002
A 9 h 30, à 15 heures et le soir. Examen des articles de la première partie (suite) 4 h 30
. A 16 heures : débat sur les recettes des collectivités locales

3 heures H

.
Examen des articles 12 à 14 bis et 29 à 32 Eventuellement, suite de l'examen des articles de la première partie
3 h 30

Mercredi 27 novembre 2002

A 9 h 30, à 15 heures et le soir. (L'examen du rapport relatif au ministère des affaires européennes interviendra à l'occasion de l'examen de l'article 33.)

Examen de l'article 33 : évaluation du prélèvement opéré sur les recettes de l'Etat au titre de la participation de la France au budget des Communautés européennes
2 heures H
.
Examen des articles de la première partie (suite)
Eventuellement, seconde délibération sur la première partie Explications de vote sur l'ensemble de la première partie
9 heures
.
Scrutin public ordinaire de droit.

Jeudi 28 novembre 2002

A 9 h 30, à 15 heures et le soir.

Jeunesse, éducation nationale et recherche : I. - Jeunesse et enseignement scolaire (*)

3 h 30
. II. - Enseignement supérieur 2 heures
. III. - Recherche et nouvelles technologies
2 heures

.
A 21 h 30 : conclusions de la CMP ou nouvelle lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003.

Vendredi 29 novembre 2002

A 9 h 30, à 15 heures et le soir.

Travail, santé et solidarité : I. - Travail (*) (+ article 70)

3 heures
. II. - Santé, famille, personnes handicapées et solidarité (*) (+ article 69) 4 heures
. III. - Ville et rénovation urbaine 2 heures
. Culture (*) (+ article 63) 2 h 30

Samedi 30 novembre 2002

A 10 heures, à 15 heures et, éventuellement, le soir. Communication (crédits du Conseil supérieur de l'audiovisuel, d'aides à la presse et à l'audiovisuel inscrits au budget des services généraux du Premier ministre : article 52 et ligne 35 de l'état E annexé à l'article 48) 2 h 30
. Anciens combattants (+ article 62) 3 heures
. Sports 1 h 30

Lundi 2 décembre 2002
A 10 heures, à 15 heures et le soir.

Economie, finances et industrie : Services financiers (+ articles 66 et 67)


0 h 30 H
.
Charges communes (+ article 68) Comptes spéciaux du Trésor (+ articles 42 à 47)
1 heure
. Budget annexe des Monnaies et médailles 0 h 30
.
Economie, finances et industrie : Industrie
2 heures
. Petites et moyennes entreprises, commerce et artisanat (+ articles 64 et 65) 2 heures
. Commerce extérieur 1 heure
.
Services du Premier ministre : I. - Services généraux
0 h 30
. II. - Secrétariat général de la défense nationale 0 h 15
. III. - Conseil économique et social 0 h 15
. IV. - Plan 0 h 30
. Budget annexe des Journaux officiels 0 h 10

Mardi 3 décembre 2002

A 9 h 30, à 15 heures et le soir.

Intérieur, sécurité intérieure et libertés locales : Sécurité (*)

3 h 30
. Décentralisation (+ article 72)
2 h 30 H
.
Agriculture, alimentation, pêche et affaires rurales (+ articles 60 et 61) Budget annexe des prestations sociales agricoles
5 h 30

Mercredi 4 décembre 2002

A 10 heures, à 15 heures et le soir. ( Nota. - La commission des finances se réunira à 14 heures pour examiner les articles non rattachés de la deuxième partie.)

Outre-mer 3 h 30
. Affaires étrangères 5 heures

Jeudi 5 décembre 2002

A 9 h 30, à 16 heures et le soir. (Questions d'actualité au Gouvernement de 15 heures à 16 heures .)

Fonction publique et réforme de l'Etat 1 h 30
.
Services du Premier ministre : V. - Aménagement du territoire
2 heures
.
A 16 heures :
. Défense (*) 4 h 30
.
Exposé d'ensemble et dépenses en capital (article 39).
Dépenses ordinaires (article 38).
. Ecologie et développement durable (*) 3 heures

Vendredi 6 décembre 2002

A 10 heures, à 15 heures et le soir. (Délai limite pour le dépôt des amendements aux articles non rattachés de la deuxième partie, à 16 heures .)


Equipement, transports, logement, tourisme et mer :
H
. I. - Services communs (*) .
. II. - Urbanisme et logement (*) 2 h 30
.
III. - Transports et sécurité routière :
H
. Transports terrestres et intermodalité (*) .
. Routes et sécurité routière (*)
3 heures H
. Aviation et aéronautique civiles .
. Budget annexe de l'aviation civile (+ article 71) 1 h 30
. IV. - Mer 1 h 30
. V. - Tourisme 1 h 30

Samedi 7 décembre 2002

A 9 h 30 et à 15 heures.

Eventuellement, discussions reportées.

Lundi 9 décembre 2002

A 9 h 30, à 16 heures et le soir. (La commission des finances se réunira à 14 heures pour examiner les amendements aux articles non rattachés de la deuxième partie.)

Budgets annexes de l'ordre de la Légion d'honneur et de l'ordre de la Libération 0 h 20
. Justice (*) 3 heures
. Articles de la deuxième partie non joints aux crédits 6 heures

Mardi 10 décembre 2002

A 9 h 30, à 15 heures et, éventuellement, le soir.

Suite et fin de la discussion des articles de la deuxième partie non joints aux crédits.
Eventuellement, seconde délibération.
Explications de vote.
Scrutin public à la tribune de droit.



(*) Procédure de questions et de réponses avec un droit de réplique des sénateurs.


Rappel des décisions de la conférence des présidents du 5 novembre 2002 concernant les modalités de discussion et de répartition des temps de parole du projet de loi de finances pour 2003
1° Délais limites pour le dépôt des amendements.
La conférence des présidents a fixé les délais limites suivants pour le dépôt des amendements :
- le jeudi 21 novembre 2002, à 10 h 30, pour les amendements aux articles de la première partie ;

- la veille du jour prévu pour la discussion, à 17 heures, pour les amendements aux divers crédits budgétaires et aux articles rattachés ;

- le vendredi 6 décembre 2002, à 16 heures, pour les amendements aux articles de la deuxième partie non rattachés à l'examen des crédits.

2° La répartition des temps de parole sera établie en fonction de la durée de chaque discussion, telle que celle-ci a été évaluée par la commission des finances (le temps de discussion des crédits, articles rattachés et amendements faisant, le cas échéant, l'objet d'une estimation et s'imputant sur le temps de parole à répartir).
Pour la discussion des fascicules budgétaires, le Gouvernement interviendra à la fin de la discussion, compte tenu des temps de parole estimés par la conférence des présidents.
Les temps de parole dont disposeront les rapporteurs des commissions et les groupes, pour chacune des discussions prévues, sont fixés comme suit :
a) Les rapporteurs spéciaux de la commission des finances disposeront de :
15 minutes pour les budgets dont la durée prévue pour la discussion dépasse 2 heures ;
10 minutes pour les budgets dont la durée prévue pour la discussion est inférieure ou égale à 2 heures ;
5 minutes pour certains fascicules budgétaires ou budgets annexes ;
b) Les rapporteurs pour avis disposeront de :
- 10 minutes pour les budgets dont la durée prévue pour la discussion dépasse 2 heures, ce temps étant réduit à 5 minutes pour les budgets sur lesquels trois avis ou plus sont présentés ;

- 5 minutes pour les budgets dont la durée prévue pour la discussion est inférieure ou égale à 2 heures ;

c) Les groupes :
Le temps de parole des groupes sera réparti conformément aux règles suivantes :
- pour chaque discussion, il sera attribué un temps forfaitaire de 10 minutes à chaque groupe et de 5 minutes à la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe lorsque le temps global disponible sera au moins égal à 1 h 30, le reliquat étant réparti entre eux proportionnellement à leurs effectifs ;

- lorsque le temps global disponible est inférieur à 1 h 30, la répartition s'effectuera uniquement en proportion des effectifs. Toutefois, aucune attribution ne pourra être inférieure à 5 minutes.

Les résultats des calculs, effectués conformément à ces règles, seront communiqués aux présidents des groupes et des commissions.
Les interventions éventuelles des présidents des commissions saisies pour avis ou des délégations parlementaires s'imputeront sur le temps de parole de leur groupe.
Dans le cadre du temps global imparti à chaque groupe, aucune intervention ne devra dépasser 10 minutes, dans la discussion générale comme dans celle des crédits.
Par ailleurs, pour les explications de vote sur la première partie et sur l'ensemble du projet de loi, il sera attribué un temps de 10 minutes à chaque groupe et de 5 minutes à la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
Dans le cadre d'une journée de discussion, chaque groupe ou la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe pourra demander le report du temps ou d'une partie du temps de parole qui lui est imparti pour un budget à la discussion d'un autre budget inscrit le même jour, en prévenant le service de la séance la veille avant 17 heures. Toutefois, cette faculté ne pourra pas être utilisée pour les attributions de temps de parole forfaitaires de 5 minutes affectées à la discussion de certains budgets et pour les attributions minimales de 5 minutes.

3° Les inscriptions de parole devront être communiquées au service de la séance pour le débat « collectivités locales », le débat européen et les discussions portant sur les crédits de chaque ministère, la veille du jour prévu pour la discussion, avant 17 heures.
En outre, la durée d'intervention de chacun des orateurs devra être communiquée au service de la séance lors des inscriptions de parole.
En application de l'article 29 bis du règlement, l'ordre des intervenants dans la discussion générale du projet de loi de finances et dans les principales discussions portant sur les crédits des différents ministères sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel il a été procédé au début de la session.

LES BUDGETS EXAMINÉS SELON LA FORMULE EXPÉRIMENTALE DE QUESTIONS ET DE RÉPONSES AVEC UN DROIT DE RÉPLIQUE DES SÉNATEURS
Jeunesse et enseignement scolaire.
Travail.
Santé, famille, personnes handicapées et solidarité.
Culture.
Sécurité.
Défense.
Ecologie et développement durable.
Urbanisme et logement.
Transports terrestres.
Justice.
Ces dix fascicules seront examinés selon la formule expérimentée ces deux dernières années et fondée sur le principe d'une réponse immédiate du Gouvernement aux différents intervenants, rapporteurs ou orateurs des groupes.
Pour chaque question, les orateurs des groupes interviendront pendant 5 minutes maximum (3 minutes pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe). La durée de la réponse du Gouvernement sera fixée à 3 minutes, chaque orateur disposant d'un droit de réplique de 2 minutes maximum.
Le nombre des questions sera réparti en fonction du principe de la répartition proportionnelle des groupes politiques.



En application de l'article 28 de la Constitution et de l'article 32 bis, alinéa 1, du règlement, le Sénat a décidé de suspendre ses travaux en séance publique :
- du 22 décembre 2002 au 12 janvier 2003 ;
- du 16 février 2003 au 23 février 2003 ;
- du 13 avril 2003 au 27 avril 2003.


Dates prévisionnelles des séances mensuelles réservées et des séances de questions pour la période de novembre 2002 à juin 2003

I. - Questions d'actualité au Gouvernement

7 novembre 2002.
14 novembre 2002.
5 décembre 2002.
12 décembre 2002.
16 janvier 2003.
30 janvier 2003.
13 février 2003.
27 février 2003.
6 mars 2003.
20 mars 2003.
3 avril 2003.
10 avril 2003.
15 mai 2003.
22 mai 2003.
12 juin 2003.
26 juin 2003.

II. - Questions orales

19 novembre 2002.
17 décembre 2002.
14 janvier 2003.
21 janvier 2003.
11 février 2003.
25 février 2003.
11 mars 2003.
25 mars 2003.
8 avril 2003.
29 avril 2003.
6 mai 2003.
27 mai 2003.
3 juin 2003.
24 juin 2003.

III. - Séances mensuelles réservées

Mardi 12 novembre 2002.
Jeudi 12 décembre 2002.
Jeudi 23 janvier 2003.
Jeudi 6 février 2003.
Jeudi 13 mars 2003.
Jeudi 10 avril 2003.
Mardi 20 mai 2003.
Jeudi 19 juin 2003.

A N N E X E I
Question orale européenne avec débat
inscrite à l'ordre du jour de la séance
du mardi 12 novembre 2002

N° 2. - M. Hubert Haenel demande à M. le ministre des affaires étrangères d'exposer au Sénat les attentes du Gouvernement sur les travaux menés au sein de la convention sur l'avenir de l'Europe, ainsi que les points essentiels sur lesquels il estime souhaitable que la France fasse entendre sa voix dans la perspective de la prochaine conférence intergouvernementale.

A N N E X E I I
Questions orales inscrites à l'ordre du jour
de la séance du mardi 19 novembre 2002

N° 65. - M. Roland Courteau expose à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie que, comme l'y autorisait la directive européenne du 22 octobre 1999, le gouvernement précédent avait décidé d'appliquer le taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée (5,5 %), sur une période de trois ans, aux travaux d'aménagement et d'entretien des locaux à usage d'habitation, achevés depuis plus de deux ans. Il lui indique, par ailleurs, que la directive de 1999 prévoit qu'un rapport évaluant l'efficacité de la mesure devra être établi par les Etats membres avant octobre 2002. Or les premiers bilans réalisés font apparaître des résultats intéressants, qui répondent aux exigences émises par la Commission de Bruxelles. Les effets positifs de la mesure peuvent s'évaluer par : un accroissement d'activité significative qui est estimée à 1,3 milliard d'euros par an ; une amélioration des logements du patrimoine ancien ; près de 50 000 emplois créés par la filière construction, dont quelque 30 000 emplois directs et près de 18 000 emplois annexés ; un recul du travail clandestin puisque les études et estimations faites par la profession évaluent à 4,6 % du montant des travaux d'entretien-amélioration du logement, réorientés vers les professionnels. Cependant, la période expérimentale arrivant à son terme, fin 2002, se pose alors la question de savoir quelle suite sera réservée à ce dispositif pour les années à venir. C'est pourquoi il lui demande s'il entend entreprendre toutes démarches nécessaires permettant d'aboutir à la pérennisation de ce dispositif.
N° 66. - M. André Vallet attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales sur l'inadéquation du seuil de 5 000 habitants pour la mise en oeuvre des schémas départementaux d'accueil des gens du voyage à la situation de nombreuses communes rurales. Il lui rappelle que la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 impose aux communes de plus de 5 000 habitants l'implantation sur leur territoire d'un terrain d'accueil pour les gens du voyage, et que cette obligation est souvent très lourde pour les petites communes rurales. Il lui indique que la localisation géographique de ce terrain est souvent délicate car il doit satisfaire à d'élémentaires conditions d'hygiène et de sécurité, et que, dans les petites communes rurales, la mise à disposition de terrains répondant à ces critères n'est souvent pas possible. Il lui indique également que la capacité d'accueil dans les écoles de la plupart des communes ne permet pas la scolarisation dans de bonnes conditions de tous les enfants des gens du voyage. De même, seule la présence d'une gendarmerie permet de « limiter les conflits générés par la présence des gens du voyage, souvent anarchique et conflictuelle », objectif fixé par la loi. Dès lors, s'il apparaît que la présence d'une gendarmerie est indispensable pour l'encadrement des aires d'accueil et de stationnement des gens du voyage, toutes les petites communes rurales ne bénéficient pas de cette présence. Il lui précise, enfin, que les finances communales ne peuvent souvent pas permettre de financer l'installation et d'assurer le fonctionnement d'une aire de stationnement des gens du voyage, sans que ce coût n'ait de graves répercussions sur la vie de toute la population de la commune. Il estime que le seuil des 5 000 habitants n'est pas adapté à la situation, et qu'il devrait être substantiellement relevé. Dès lors, il lui demande si le Gouvernement envisage des solutions alternatives à l'installation d'aires de stationnement des gens du voyage sur le territoire des petites communes.
N° 67. - M. André Vantomme appelle l'attention de M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées sur la pénurie actuelle d'infirmiers et d'infirmières dans nos hôpitaux et sur les conséquences résultant des nombreux départs en retraite dans les années qui viennent. Il souligne que cette pénurie est renforcée dans ses effets par des disparités régionales très fortes, qui viennent d'être amplifiées par la mise en place des 35 heures. Il lui demande de lui préciser, face à une situation qui devient périlleuse, quelles mesures spécifiques il envisage afin qu'il y soit remédié.
N° 68. - M. Bernard Piras attire l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer sur une des dispositions de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains (loi dite SRU). En effet, le plan local d'urbanisme comporte plusieurs zonages, dont la zone agricole, dite « zone A ». Selon l'article R. 123-7 du code de l'urbanisme, dans son 2e alinéa, « les constructions et installations nécessaires au service public ou d'intérêt collectif et à l'exploitation agricole sont seules autorisées en zone A ». Une application stricte de cette disposition conduit à ce qu'aucune autre construction ne puisse être édifiée dans ces secteurs. L'objet de son intervention ne porte pas sur les constructions nouvelles puisqu'il est clair que la loi SRU a notamment pour finalité de lutter contre le mitage, mais sur celles déjà existantes en zone agricole. A ce titre, il s'avère que beaucoup de communes possèdent sur leur territoire des bâtiments qui étaient destinés auparavant à l'agriculture, et, celle-ci ayant parfois décliné, les propriétaires desdits bâtiments se retrouvent dans une impasse, ne pouvant même pas en changer la destination, que ce soit en habitation ou activité autre. Outre la difficulté de gestion créée pour les propriétaires, le risque bien présent est de voir apparaître des constructions se délabrant et finissant en ruine. Une telle issue n'est bien évidemment pas satisfaisante, et de très nombreux élus locaux sont confrontés à ce genre de situation. En conséquence, il lui demande quelles dispositions il entend prendre rapidement pour régler cette difficulté apparue.
N° 69. - M. François Autain appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales sur l'augmentation de l'insécurité dans l'agglomération nantaise. Pour illustrer cette évolution inquiétante, il suffit de citer quelques chiffres. En 2001, la police a constaté 45 144 crimes et délits, soit une augmentation de 23,50 % sur un an, ce qui place Nantes loin devant des villes comme Paris, Marseille, Lyon, Nice ou Toulouse. Avec 121 faits pour 1 000 habitants, Nantes se hisse désormais à la sixième place des villes les plus touchées par l'insécurité. Les délégués syndicaux de la police avec lesquels il s'est entretenu de cette question préoccupante considèrent que, devant une telle évolution, la police nationale n'a plus les moyens d'assurer sa mission de service public dans l'agglomération nantaise. Il s'étonne donc que la circonscription de police de Nantes ne soit toujours pas classée en zone difficile alors que des villes où les chiffres de la délinquance sont bien moindres en bénéficient. Ce classement lui semblerait aujourd'hui pleinement justifié devant la grave détérioration du ratio faits constatés/nombre de fonctionnaires affectés. Il voudrait savoir si le ministre a l'intention de corriger cette anomalie qui pénalise l'ensemble des habitants de l'agglomération nantaise, et singulièrement ceux des quartiers populaires.
N° 70. - Mme Marie-Christine Blandin souhaite attirer l'attention de Mme la ministre de la défense sur le suivi des conséquences sanitaires et environnementales des essais nucléaires. Le rapport du 6 février 2002 de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques a permis de répondre à de nombreuses questions posées par les associations de vétérans et de riverains des sites des essais nucléaires français au Sahara et en Polynésie. Cependant, l'absence d'études épidémiologiques n'a pas permis aux auteurs d'aborder deux questions importantes : les conséquences sanitaires à moyen et long termes des radiations ionisantes sur les personnels militaires ou civils ayant soit travaillé sur les sites des essais, soit résidé à proximité ; le principe « de présomption d'origine de la maladie ». Seules des études systématiques de la santé des vétérans des essais nucléaires et des populations directement impliquées pourront pallier l'absence de données et compléter efficacement les travaux de l'office parlementaire. Pour mener à bien de telles études, le respect de la recommandation des rapporteurs : « un quelconque secret défense ne saurait être invoqué pour s'opposer à l'obligation de communication du dossier médical » devra être garanti. Depuis l'adoption de la loi n° 2002-203 du 4 mars 2002 « Droit des malades », il ne saurait y avoir de citoyens moins protégés que d'autres. Le ministère de la défense a annoncé la création d'un « Observatoire de la santé des vétérans » et d'un groupe de travail visant à étudier les conditions d'élargissement de la reconnaissance d'imputabilité d'une affection à un service militaire. Ces organismes pourraient recevoir une délégation pour mener à bien de telles études. En ce qui concerne ces deux instances, elle souhaiterait connaître les délais prévus pour leur mise en place, leur composition ainsi que leur champ d'intervention. A l'instar de la Commission nationale pour l'élimination des mines antipersonnel ou de la Commission nationale consultative des droits de l'homme, elle attire son attention sur l'importance d'une représentation, au sein de ces organismes, du ministère de la défense mais aussi des parlementaires, des personnalités qualifiées et des associations de vétérans et de riverains.
N° 71. - M. Christian Bergelin, s'adressant à Mme la ministre déléguée à l'industrie, désire connaître la position du Gouvernement sur l'avenir de la présence de La Poste sur l'ensemble du territoire national, et en particulier dans le département de la Haute-Saône.
N° 72. - M. Ambroise Dupont attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales sur le fait que des dispositions légales et réglementaires régissant la participation des communes aux dépenses de fonctionnement des écoles sous contrat d'association et celles régissant le transfert des compétences des communes membres aux communautés de communes semblent rendre problématique, en l'état actuel des textes, le transfert à la communauté de communes des charges induites par la participation des communes membres au fonctionnement des écoles privées sous contrat. D'une part, l'article 7 du décret n° 60-389 du 29 avril 1960 impose cette participation à la commune siège de l'établissement, tandis qu'elle reste facultative pour les enfants résidant dans d'autres communes. D'autre part, alors que l'article L. 5214-16 du code général des collectivités territoriales ne requiert pour le transfert d'une compétence que l'accord de la majorité qualifiée des communes membres, la prise en charge par la communauté de communes de la participation au fonctionnement de l'école privée à fréquentation intercommunale semble impliquer un accord unanime des communes membres pour respecter le caractère facultatif de la participation inscrit dans l'article 7 du décret précité. Il lui demande en conséquence quelles mesures il entend prendre pour surmonter cette difficulté qui peut constituer un frein au développement de l'intercommunalité.
N° 73. - Mme Jacqueline Gourault attire l'attention de Mme la ministre déléguée à l'industrie sur la situation du bassin d'emploi de Romorantin. Les difficultés de ce bassin sont liées aux incertitudes relatives au maintien de l'activité de Matra-Automobile au sein de ce territoire pourtant déjà durement touché par la disparition des activités d'armement à Salbris. En effet, depuis 1984, Matra-Automobile fabriquait, à Romorantin, pour l'entreprise Renault, le modèle Espace. Or Renault a décidé de délocaliser la production de la quatrième génération de l'Espace dans l'une de ses usines nouvelles de Sandouville, en Seine-Maritime. Au plus fort de la production, l'usine de Romorantin comptait 3 000 salariés. Elle ne compte plus à ce jour que 1 600 salariés, dont 800 voient leur emploi menacé à court terme. L'activité future de Matra-Automobile à Romorantin est désormais entièrement dépendante de l'Avantime, commercialisée par Renault, du modèle buggy biplace M 72, qui devrait être produit en 2003, et de la volonté ou non de Renault de participer au développement d'un troisième modèle, le P 83. Le risque d'une disparition complète de la production automobile est réel et aurait, le cas échéant, de très lourdes conséquences économiques et sociales tant pour Romorantin que, plus globalement, pour le sud de la région Centre. L'avenir de Matra-Automobile dépend donc de la réussite de ces produits et de la future stratégie industrielle de Renault, qui porte une responsabilité lourde dans la situation actuelle et dont l'Etat reste l'actionnaire principal à hauteur de 43 %. Enfin, elle attire son attention sur la volonté de cession par Lagardère, actionnaire unique de Matra, de son activité automobile, et sur les conséquences éventuelles de cette décision sur l'activité automobile à Romorantin et sur l'usine Venture de Theillay. Elle lui demande quelles solutions elle entend proposer pour favoriser, compte tenu de la position de l'Etat au sein de Renault, le maintien d'une activité automobile à Romorantin et pour permettre à ce territoire de faire face à ses difficultés économiques et sociales actuelles.
N° 74. - M. Dominique Leclerc souhaite attirer l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer sur l'impérieuse nécessité de développer la transversalité de l'aménagement du bassin parisien. En effet, si les axes province-Paris sont aujourd'hui desservis de manière à peu près satisfaisante, aussi bien par les autoroutes que par le mode ferroviaire, il n'en est pas de même pour les itinéraires transversaux. Or une telle situation est pénalisante notamment pour la région Centre. En effet, elle va à l'encontre de ses intérêts collectifs face à l'augmentation de la pollution du fait des encombrements, l'augmentation de la dangerosité de la circulation du fait des transferts qui s'effectuent sur des itinéraires inadaptés, l'impact économique du fait des difficultés apportées aux échanges interentreprises. C'est pourquoi il lui serait reconnaissant de bien vouloir lui faire savoir s'il envisage de procéder à la réalisation des itinéraires transversaux prônés dans le dernier schéma de services et confirmés dans le document de la MIIAT Bassin parisien de janvier 2002.
N° 76. - M. Jean-Paul Emin rappelle à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer que la convention conclue à Genève le 5 novembre 1999 a pour objet l'amélioration des liaisons ferroviaires entre la Suisse et la France. L'itinéraire entre la France et Genève est l'un des trois tracés faisant l'objet de cette convention que le Sénat vient d'approuver durant la dernière session extraordinaire. En complément du développement des relations ferroviaires avec la Suisse, l'intérêt pour la France des améliorations envisagées sur l'itinéraire France-Genève est d'assurer également une meilleure desserte de certains secteurs des départements de l'Ain et du Jura-Sud (bassin industriel d'Oyonnax), ainsi qu'au nord de la Haute-Savoie, à la rive sud du lac Léman (Annemasse, Thonon, Evian) et à la vallée de l'Arve (Bonneville, Cluses, Saint-Gervais). Ce projet a fait l'objet d'une consultation sur le dossier d'avant-projet sommaire et l'instruction mixte à l'échelon central est en cours. Les enquêtes publiques devraient avoir lieu en 2003. La décision ministérielle du 10 avril 2002 rappelle les objectifs recherchés par la modernisation de cette ligne, et prévoit une halte à Nurieux pour desservir le bassin d'Oyonnax ainsi que pour les opérations de « coupe-accroche » destinées à séparer les rames à destination de la Haute-Savoie. Or, à ce jour, les élus de l'Ain et de la Haute-Savoie souhaitent connaître l'organisation des dessertes, étant considéré qu'il n'apparaîtrait pas envisageable aux acteurs locaux d'accepter les contraintes considérables de cette ligne TGV dans un site géographiquement difficile, s'il n'y avait pas de la part de la SNCF une juste contrepartie en desserte des populations de Haut-Bugey et Jura-Sud ainsi que des régions de Haute-Savoie concernées (trois dessertes minimum journalières dans chaque sens). Dans la continuité de l'approbation de la convention que vient d'adopter le Sénat entre la République française et le Conseil fédéral suisse, et de la préoccupation des régions françaises concernées par ce nouveau tracé, dont la mise en service est prévue en 2006, il convient que soit connue la programmation des dessertes en France par la SNCF afin que ce projet puisse être davantage justifié auprès des populations, ce qui n'est pas acquis à ce jour. Il le remercie des éclaircissements qu'il peut lui apporter quant à l'exploitation de cette ligne et à son utilité pour la vie économique des régions traversées.
N° 77. - M. Hubert Durand-Chastel attire l'attention de M. le ministre des affaires étrangères sur la situation très préoccupante de Mme Ingrid Betancourt, ancienne sénatrice colombienne, enlevée le 23 février dernier par les Forces armées révolutionnaires de Colombie alors qu'elle était candidate à l'élection présidentielle. Pour sa libération, les FARC exigent la restitution de leurs combattants retenus prisonniers. Depuis neuf mois, aucune nouvelle de l'ancienne sénatrice n'est parvenue à sa famille ou à son entourage, excepté une cassette vidéo, enregistrée en mai et diffusée à la télévision en juillet, où elle s'adressait aux autorités colombiennes avec, à ses côtés, Clara Rojas, sa directrice de campagne enlevée avec elle. Le président de la République de Colombie, Alvaro Uribe Velez, qui avait indiqué lors de la campagne présidentielle son refus de toute négociation avec les rebelles de la guérilla colombienne, maintient sa position de fermeté. On peut donc s'inquiéter du sort réservé à Ingrid Betancourt et aux autres otages, plus de 3 000 civils, parlementaires et élus locaux. Le 23 avril, un « Appel pour sa libération sans condition » a été lancé par les sénatrices de France et adressé au président colombien de l'époque, Andrès Pastrana, ainsi qu'au Président de la République et au ministre des affaires étrangères français. L'opinion publique s'est émue du sort de l'élue colombienne, qui a fréquenté le lycée français de Bogota, a vécu en France, est diplômée de l'Institut de sciences politiques de Paris, est mère de deux enfants français et auteur d'un livre La Rage au coeur, où elle explique son combat contre la corruption et pour les droits de l'homme en Colombie. Une pétition pour la libération d'Ingrid Betancourt a recueilli à ce jour, en France, plus de 46 000 signatures ; 176 comités de soutien se sont formés dans 24 pays, 172 communes en France et en Belgique l'ont nommée citoyenne d'honneur, et près de 400 députés et sénateurs français sont actuellement signataires d'un appel pour sa libération. Différentes démarches ayant été entreprises par la France auprès des autorités colombiennes, il lui demande, d'une part, s'il peut donner des nouvelles rassurantes d'Ingrid Betancourt, d'autre part, quels moyens sont mis en oeuvre pour obtenir du Gouvernement colombien qu'il agisse en faveur de sa libération, de celle des autres otages civils, et pour reprendre les négociations de paix en Colombie.
N° 78. - M. Simon Sutour attire l'attention de Mme la ministre de l'écologie et du développement durable sur les inondations survenues les 8 et 9 septembre derniers dans le département du Gard et sur la nécessité d'accélérer et d'amplifier les mesures de prévention prévues par le législateur. Comme elle le signalait lors de sa venue dans le Gard, ce sont plus de 100 millions d'euros, dont 50 pour des mesures urgentes, qu'il sera nécessaire de mobiliser pour le seul champ de compétences de son ministère. Lors d'un récent comité interministériel, il a été annoncé qu'une enveloppe budgétaire de 130 millions d'euros sur quatre ans a été dégagée afin de mener une politique de régulation des cours d'eau en amont des zones urbanisées sur quinze bassins stratégiques répartis sur le territoire national. Ce choix de la prévention correspond à l'attente générale ; néanmoins, l'enveloppe prévue paraît dérisoire lorsqu'on chiffre objectivement les seuls besoins du département du Gard. A titre d'exemple, le maire de Nîmes a estimé que les besoins de financement de la ville de Nîmes pour réaliser les infrastructures prévues par le plan de prévention contre les inondations de la ville étaient de 90 millions d'euros. Il ajoute qu'à ce travail en amont sur les bassins versants il convient d'encourager par des soutiens conséquents un retour à l'entretien des cours d'eau et de leurs zones humides, et de développer par des actions de communication une conscience et une connaissance du risque auprès des populations. Ce dispositif global plus qu'ambitieux est nécessaire ; il constitue pour le département du Gard un enjeu humain - tant on se refuse à revivre un jour la détresse dans laquelle sont des milliers de Gardois -, mais aussi un enjeu économique : les dégâts sont estimés aujourd'hui à 200 millions d'euros (hors particuliers). Le conseil général du Gard et les communes du Gard ne pourront assumer seuls la partie non financée pour un plan de prévention d'envergure. C'est pourquoi il lui demande de bien vouloir lui préciser, au-delà des 130 millions d'euros répartis nationalement, quelles sont les mesures envisagées et l'échéancier retenu pour réaliser dans le Gard les infrastructures nécessaires à la sécurité des biens et des personnes face aux risques récurrents d'inondations.
N° 79. - M. Auguste Cazalet expose à M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat que, si de remarquables réussites architecturales ont couronné le succès de la construction publique en France, nombre de malfaçons ou de défauts de conception affectent musées, bibliothèques, lycées ou hôpitaux de la République, et que l'on attribue en général ces problèmes aux insuffisances du maître d'ouvrage public. Selon la Cour des comptes, en effet, trop de projets immobiliers se caractérisent par leur imprécision et leur instabilité, une défaillance dans la programmation et une maîtrise financière insuffisante des opérations. Il est souvent reproché au code des marchés publics et aux règles de la comptabilité publique d'enserrer les différents intervenants dans une complexité inutile et handicapante. Il souhaiterait attirer son attention sur de récentes études qui ont par ailleurs démontré comment le cloisonnement des tâches et la dilution des responsabilités induits par les règles de la commande publique viciaient le système. Celui-ci aurait donc besoin d'une plus grande souplesse, d'une intégration accrue des compétences et de pouvoir désigner un unique responsable pour l'ensemble d'un projet. Le recours au partenariat public privé (PPP), dont il existe des exemples réussis à l'étranger et même en France, permettrait d'y parvenir. Il lui demande de bien vouloir lui indiquer les mesures qu'il envisage de prendre afin de faire évoluer le cadre juridique et les pratiques de l'organisation de la construction publique.
N° 80. - M. Yves Détraigne appelle l'attention de Mme la ministre de l'écologie et du développement durable sur les menaces qui pèsent actuellement sur le développement de la collecte sélective des déchets ménagers. La loi n° 75-633 du 15 juillet 1975, modifiée par la loi n° 92-646 du 13 juillet 1992, a fixé le cadre de la politique française en matière de déchets en retenant notamment comme objectif prioritaire la valorisation des déchets, et notamment une valorisation matière. En application de cette loi, le décret n° 92-377 du 1er avril 1992 a confié à des organismes agréés, tel qu'Eco Emballages, la mission de favoriser le développement des collectes sélectives d'emballages ménagers par les collectivités en les aidant financièrement à leur mise en oeuvre et en garantissant la reprise des matériaux triés. Le dispositif ainsi mis en place a obtenu un grand succès puisque aujourd'hui plus de 40 millions de Français trient leurs déchets et que ce nombre ne cesse d'augmenter. Malheureusement, dix ans après la mise en place de ce dispositif, la société Eco Emballages vient d'écrire aux collectivités qui ont développé la collecte sélective avec son concours pour les informer que, près d'un tiers des papiers-cartons collectés n'étant pas d'origine ménagère et n'ayant pas fait l'objet auprès d'Eco Emballages, d'une contribution financière de la part des sociétés les ayant produits, elle mettait en place un « programme d'actions permettant de revenir rapidement à une situation normale et légitime ». Cette prise de position d'Eco Emballages, explicable au regard des risques de déséquilibre financier que fait courir à cette société son propre succès, inquiète légitimement les élus, qui redoutent de voir baisser l'aide financière qu'ils reçoivent, avec le risque, quasiment certain, de démobiliser bon nombre d'entre eux et de casser l'élan qui avait permis à nos concitoyens de trier leurs déchets. Aussi il demande au Gouvernement ce qu'il envisage de faire face à cette situation et, notamment, s'il envisage de faire contribuer les producteurs de journaux, magazines et prospectus qui envahissent nos boîtes aux lettres au financement du recyclage.
N° 81. - M. Daniel Reiner attire l'attention de Mme la ministre de l'écologie et du développement durable sur les difficultés que pourraient rencontrer les petites communes à respecter l'échéance du 31 décembre 2005 pour la mise aux normes de leur réseau d'assainissement collectif. Outre l'aspect financier de cette question, il s'intéresse plus particulièrement à l'éventuelle mise en cause de la responsabilité des communes qui n'auraient pu se conformer en temps et en heure aux dispositions législatives. Il souligne que de nombreuses communes dépendent financièrement, pour la réalisation des travaux nécessaires à la mise aux normes de leurs réseaux, des moyens que leur accordent sous forme de subventions ou de prêts les agences de bassin et les conseils généraux dans le cadre de contrats, souvent pluriannuels, programmés selon un calendrier fondé sur les priorités que ces financeurs définissent entre eux. Il lui demande donc si le Gouvernement a déjà envisagé cet aspect du problème et comment il entend y répondre, tant pour ce qui concerne la réalisation effective des travaux que la mise en cause de la responsabilité des communes concernées, dont les efforts financiers et budgétaires et la bonne foi ne pourraient être mis en cause.
N° 82. - M. Fernand Demilly attire l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer sur la Société nationale de sauvetage en mer (SNSM). La SNSM intervient sur la côte picarde et en baie de Somme, assurant dans des conditions souvent difficiles, parfois même au péril de la vie des sauveteurs, des interventions en mer et en baie en sauvant des vies humaines de nageurs, véliplanchistes, plaisanciers et marins-pêcheurs. La SNSM est une association loi de 1901 qui compte à l'échelon national 4 500 sauveteurs bénévoles, hommes et femmes, qui veillent à la sécurité le long de nos côtes et qui sont absolument nécessaires. Or la subvention accordée par l'Etat au titre de l'Equipement mer est stabilisée depuis cinq ans à 2,2 millions d'euros, la part investissement faisant ainsi l'objet d'un gel aux dépens du remplacement des matériels et équipements de sauvetage pourtant indispensables. Connaissant bien l'efficacité, le dévouement et les résultats de la SNSM, il lui demande quelles dispositions entend prendre le Gouvernement pour remédier à cette situation et aider cette organisation efficace inscrite dans la tradition de solidarité des gens de mer.
N° 83. - M. Robert Bret attire l'attention de M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées sur la création d'un fonds de garantie pour financer la lutte contre le sida. En effet, si le suspense concernant la nomination du nouveau président de la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (MILDT) a enfin pris fin avec la nomination du docteur Didier Jayle, qu'en est-il réellement des intentions financières du Gouvernement en matière de prévention ? Car, lors de la présentation du budget du ministère de la santé pour 2003, le 26 septembre dernier, il a été annoncé que « l'objectif est de développer une véritable culture de la prévention car nous ne sommes pas forts dans ce domaine », et que les programmes de santé publique ciblés sur la prévention, entre autres celui concernant le sida, allaient ainsi augmenter de 30 %. Or nous avons déjà pu constater les lourdes répercussions occasionnées par le gel républicain auprès des associations de prévention et de lutte contre le sida, qui maintiennent tant bien que mal leurs actions. On apprend que le MILDT a vu son budget baisser de 12,2 % pour l'année 2003. Aussi, face à une situation d'incertitude chronique, la création d'un fonds de garantie permettrait de financer sereinement et scrupuleusement ce combat. Les associations concernées jouent un rôle de service public, il n'est que temps de leur donner les moyens de fonctionner en tant que tel.

NOMINATION DE RAPPORTEURS
COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

M. Jean-Louis Lorrain a été nommé rapporteur de la proposition de loi n° 33 (2002-2003) de M. Nicolas About relative à la responsabilité civile médicale.



Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)


Moyens de la Société nationale de sauvetage en mer

82. - 4 novembre 2002. - M. Fernand Demilly attire l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer sur la Société nationale de sauvetage en mer (SNSM). La SNSM intervient sur la côte picarde et en baie de Somme, assurant dans des conditions souvent difficiles, parfois même au péril de la vie des sauveteurs, des interventions en mer et en baie en sauvant des vies humaines de nageurs, véliplanchistes, plaisanciers et marins-pêcheurs. La SNSM est une association loi de 1901 qui compte à l'échelon national 4 500 sauveteurs bénévoles, hommes et femmes, qui veillent à la sécurité le long de nos côtes et qui sont absolument nécessaires. Or, la subvention accordée par l'Etat au titre de « l'Equipement Mer » est stabilisée depuis cinq ans à 2,2 millions d'euros, la part investissement faisant ainsi l'objet d'un gel aux dépens du remplacement des matériels et équipements de sauvetage pourtant indispensables. Connaissant bien l'efficacité, le dévouement et les résultats de la SNSM, il lui demande quelles dispositions entend prendre le Gouvernement pour remédier à cette situation et aider cette organisation efficace et bien dans la tradition de solidarité des gens de mer.

Création d'un fonds de garantie
pour financer la lutte contre le sida

83. - 4 novembre 2002. - M. Robert Bret attire l'attention de M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées sur la création d'un fonds de garantie pour financer la lutte contre le sida. En effet, si le suspense concernant la nomination du nouveau président de la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (MILDT) a enfin pris fin avec la nomination du docteur Didier Jayle, qu'en est-il réellement des intentions financières du Gouvernement en matière de prévention ? Car lors de la présentation du budget du ministère de la santé pour 2003, le 26 septembre dernier, il a été annoncé que l'« objectif est de développer une véritable culture de la prévention car nous ne sommes pas forts dans ce domaine » et que les programmes de santé publique ciblés sur la prévention, entre autres celui concernant le sida, allaient ainsi augmenter de 30 %. Or, nous avons déjà pu constater les lourdes répercussions occasionnées par le gel républicain auprès des associations de prévention et de lutte contre le sida qui maintiennent tant bien que mal leurs actions. On apprend que le MILDT a vu son budget baisser de 12,2 % pour l'année 2003. Aussi, face à une situation d'incertitude chronique, la création d'un fonds de garantie permettrait de financer sereinement et scrupuleusement ce combat. Les associations concernées jouent un rôle de service public, il n'est que temps de leur donner les moyens de fonctionner en tant que tel.

Situation des personnes handicapées en situation
de grande dépendance vivant à domicile

84. - 4 novembre 2002. - Mme Marie-France Beaufils attire l'attention de M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées sur la situation faite aux personnes handicapées en situation de grande dépendance vivant à domicile. Elle l'alerte sur les menaces de grèves de la faim envisagées par certaines personnes handicapées pour obtenir satisfaction, comme cela a déjà été le cas. Elle lui demande quelles seraient les mesures prises pour apporter une aide humaine à hauteur des besoins des personnes handicapées. Elle propose d'adapter notre dispositif législatif et réglementaire pour répondre aux besoins des personnes handicapées et à leur aspiration à vivre en citoyen à part entière. Elle souhaite que ces mesures urgentes soient prises et qu'une réflexion s'engage sur une refondation et simplification en créant une cinquième branche de la sécurité sociale « handicap et dépendance » comme le propose la Fédération nationale des accidents du travail et des handicapés (FNATH).

Menace de démantèlement du réseau de succursales
de la Banque de France

85. - 4 novembre 2002. - Mme Marie-Claude Beaudeau attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur les conséquences du projet éventuel de suppression d'un grand nombre des 211 succursales de la Banque de France que laissent présager plusieurs déclarations récentes de son gouverneur. Elle lui fait part des inquiétudes, qu'elle partage, des salariés et de l'ensemble de leurs organisations syndicales, très mobilisés, pour l'avenir des 17 000 emplois et des missions de service public que l'Etat a confiées à sa banque centrale. Elle souligne que le démantèlement du réseau de succursales ne manquerait pas de conduire à une dégradation des conditions de leur accomplissement qu'il s'agisse du traitement du surendettement, de la gestion des comptes individuels, du conseil aux banques et entreprises au plan local. A ce titre, elle lui fait remarquer qu'un tel projet se situerait en totale contradiction avec l'objectif affiché de décentralisation des services de l'Etat. La fermeture de nombreuses caisses institutionnelles signifierait également la privatisation de fait et la grave mise en cause des conditions de sécurité de l'entretien de la monnaie fiduciaire et notamment du recyclage des billets. En conséquence, elle lui demande quelles mesures il compte prendre pour assurer le maintien de l'ensemble du réseau de succursales et des emplois statutaires de la Banque de France afin de maintenir l'intégrité et la qualité de l'exécution des missions relevant de la puissance publique qui lui ont été attribuées. Lui rappelant par ailleurs que les recettes financières de la Banque de France, issues de la rente monétaire, sont indépendantes du fonctionnement de ses services et ne sauraient servir de prétexte à une réduction du champ d'activité de l'institution, elle lui demande également de préciser les relations financières entre l'Etat et la Banque de France. Enfin, refusant toute stratégie de déclin, à l'instar des organisations syndicales qui ont publié un document contenant 100 propositions pour l'avenir de ses métiers, elle lui demande quelle ambition il conçoit pour l'avenir du rôle de la Banque de France, en complémentarité avec la Banque centrale européenne et en particulier dans un objectif d'égalité d'accès aux services bancaires et de soutien à la croissance et à l'emploi.