SEANCE DU 17 JUILLET 2002


SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. ADRIEN GOUTEYRON

1. Procès-verbal (p. 0 ).

2. Modification de l'ordre du jour (p. 1 ).

3. Mise au point au sujet d'un vote (p. 2 ).
MM. Alex Türk, le président.

4. Souhaits de bienvenue à un nouveau ministre (p. 3 ).

5. Soutien à l'emploi des jeunes en entreprise. - Adoption d'un projet de loi déclaré d'urgence (p. 4 ).
Discussion générale : MM. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité ; Louis Souvet, rapporteur de la commission des affaires sociales ; Bernard Joly, Roland Muzeau, Gilbert Chabroux, Nicolas About, président de la commission des affaires sociales ; Bernard Seillier, Jean-Claude Carle, Mme Annick Bocandé, M. Alain Gournac, Mme Valérie Létard, MM. Gérard Delfau, Joseph Ostermann, Jean-Paul Virapoullé.
Clôture de la discussion générale.
M. le ministre.
M. le président de la commission.

Suspension et reprise de la séance (p. 5 )

Article 1er (p. 6 )

M. Claude Domeizel.
Amendement n° 1 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.

Article L. 322-4-6 du code du travail (p. 7 )

Amendement n° 2 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Amendement n° 25 de M. Alain Vasselle. - Retrait.
Amendement n° 3 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre, Alain Vasselle, Roland Muzeau. - Adoption.
Amendements n°s 35 de M. Gérard Delfau et 4 de la commission. - MM. Gérard Delfau, le rapporteur, le ministre, Claude Domeizel, Jean Chérioux, le président de la commission. - Rejet de l'amendement n° 35 ; adoption de l'amendement n° 4.
Amendement n° 24 rectifié de M. Paul Blanc. - MM. Alain Vasselle, le rapporteur, le ministre, le président de la commission. - Retrait.
Amendements n°s 5 et 6 de la commission. - Adoption des deux amendements.
Amendement n° 26 de M. Jean-Pierre Godefroy. - MM. Jean-Pierre Godefroy, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 7 de la commission. - Adoption.
Amendement n° 40 rectifié du Gouvernement. - MM. le ministre, le rapporteur. - Adoption.
Adoption de l'article du code, modifié.

Alinéa additionnel
après le quatrième alinéa de l'article 1er (p. 8 )

Amendement n° 8 de la commission. - Adoption de l'amendement insérant un alinéa additionnel.

Article L. 322-4-6-1 du code du travail (p. 9 )

Amendement n° 9 de la commission. - Adoption.
Amendement n° 10 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Amendement n° 11 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre, Guy Fischer, Jean-Pierre Godefroy, Gérard Delfau, Alain Vasselle, Jean Chérioux, Jacques Legendre, Eric Doligé, le président de la commission. - Adoption.
Amendement n° 12 de la commission. - Adoption.
Amendement n° 27 de M. Michel Charasse. - MM. Gilbert Chabroux, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 13 de la commission. - Adoption.
Amendement n° 28 de M. Michel Charasse. - MM. Gilbert Chabroux, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 14 de la commission. - Adoption.
Amendement n° 15 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Amendement n° 36 de M. Gérard Delfau. - MM. Gérard Delfau, le rapporteur, le ministre, Jacques Legendre. - Rejet.
Adoption de l'article du code, modifié.

Article L. 322-4-6-2 du code du travail (p. 10 )

Amendement n° 16 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Adoption de l'article du code, modifié.

Article L. 322-4-6-3 du code du travail (p. 11 )

Amendement n° 17 de la commission. - Adoption.
Adoption de l'article du code, modifié.

Articles additionnels
après l'article L. 322-4-6-3 du code du travail (p. 12 )

Amendement n° 18 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre, Roland Muzeau. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel du code.
Amendement n° 19 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre, le président de la commission. - Retrait.
Amendement n° 20 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel du code.
Adoption de l'article 1er modifié.

Article 2 (p. 13 )

Amendement n° 37 de M. Gérard Delfau. - MM. Gérard Delfau, le rapporteur, le ministre, Jacques Legendre. - Rejet.
Amendement n° 21 de la commission. - Adoption.
Amendements n°s 22 de la commission, 38 de M. Gérard Delfau et 29 de M. Claude Domeizel. - MM. le rapporteur, Gérard Delfau, Claude Domeizel, le ministre, Alain Vasselle, Guy Fischer, Alain Gournac. - Adoption de l'amendement n° 22, les amendements n°s 38 et 29 devenant sans objet.
Amendement n° 30 de M. Gilbert Chabroux. - MM. Gilbert Chabroux, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Adoption de l'article modifié.

Articles additionnels après l'article 2 (p. 14 )

Amendement n° 23 du Gouvernement. - MM. le ministre, le rapporteur, Gilbert Chabroux, Mme Michelle Demessine, MM. Jacques Legendre, Jean Chérioux, Gérard Delfau. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendements n°s 31 et 32 de M. Philippe Marini. - MM. Philippe Marini, le rapporteur, le ministre. - Retrait des deux amendements.
Amendement n° 34 rectifié de M. Jean Faure. - MM. Philippe Nogrix, le rapporteur, le ministre. - Retrait.
Amendement n° 39 de M. Henri de Raincourt. - MM. Henri de Raincourt, le rapporteur, le ministre. - Retrait.

Seconde délibération (p. 15 )

Demande de seconde délibération. - MM. le ministre, le rapporteur. - Adoption.

Article 1er (p. 16 )

Amendement n° A-1 du Gouvernement. - MM. le ministre, le rapporteur. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Vote sur l'ensemble (p. 17 )

MM. Emmanuel Hamel, Gérard Delfau, Alain Vasselle, Roland Muzeau, Jacques Legendre, Philippe Nogrix, Gilbert Chabroux, le rapporteur.
Adoption du projet de loi.
M. le ministre.

6. Déclaration de l'urgence d'un projet de loi (p. 18 ).

7. Communication de l'adoption définitive de textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution (p. 19 ).

8. Dépôt de projets de loi (p. 20 ).

9. Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution (p. 21 ).

10. Dépôt d'une proposition de loi (p. 22 ).

11. Renvoi pour avis (p. 23 ).

12. Dépôt de rapports (p. 24 ).

13. Dépôt d'un rapport d'information (p. 25 ).

14. Dépôts rattachés pour ordre au procès-verbal de la séance du 10 juillet 2002 (p. 26 ).

15. Ordre du jour (p. 27 ).



COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. ADRIEN GOUTEYRON
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le procès-verbal de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté.

2

MODIFICATION DE L'ORDRE DU JOUR

M. le président. M. le président a reçu de M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement une lettre en date de ce jour par laquelle le Gouvernement, avec l'accord de la commission des lois, demande que la séance du mardi 30 juillet commence à seize heures au lieu de dix heures.
Il n'y a pas d'opposition ?...
Il en est ainsi décidé.
En conséquence, l'ordre du jour de la séance du mardi 30 juillet s'établit désormais comme suit :
A seize heures et le soir :
- projet de loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure.

3

MISE AU POINT AU SUJET D'UN VOTE

M. Alex Türk. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Alex Türk.
M. Alex Turk. A mon grand regret, je n'ai pu participer au vote sur la déclaration de politique générale du Gouvernement, car, revenant ce jour-là d'un voyage au Danemark, accompli d'ailleurs au nom du Sénat, et devant ensuite repartir dans le Nord, j'ai connu quelques problèmes de transport et, surtout, de transmission de l'information.
Je souhaite donc indiquer que, si j'avais été présent, j'aurais bien entendu voté la confiance au Gouvernement, auquel j'apporte tout mon soutien. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants. - Exclamations amusées sur les travées socialistes.)
M. le président. Acte vous est donné de cette mise au point, mon cher collègue.

4

SOUHAITS DE BIENVENUE
À UN NOUVEAU MINISTRE

M. le président. Je veux, au nom du Sénat, saluer la présence au banc du Gouvernement de M. Fillon, dans ses nouvelles fonctions de ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Monsieur le ministre, permettez-moi de vous adresser, en notre nom à tous, nos souhaits de cordiale bienvenue au Sénat. Nous formons le voeu que votre première intervention marque le début d'une coopération étroite, fréquente et fructueuse avec le Sénat, dans le cadre d'un bicaméralisme toujours bien vivant et harmonieux.
M. Jean Chérioux. Très bien !
M. Bernard Murat. Bravo !
M. Alain Gournac. Sans « anomalies » !
M. le président. Vous êtes, monsieur le ministre, à la tête d'un grand ministère qui aura souvent à faire appel à la législation pour mettre en oeuvre les réformes en chantier. Nous en sommes bien conscients, même si le dialogue social doit occuper une large place et, comme cela a été dit, être souvent préalable au débat législatif.
M. Gilbert Chabroux. Tout à fait d'accord !

5

SOUTIEN À l'EMPLOI
DES JEUNES EN ENTREPRISE

Adoption d'un projet de loi déclaré d'urgence

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi (n° 351, 2001-2002) portant création d'un dispositif de soutien à l'emploi des jeunes en entreprise. [Rapport n° 356 (2001-2002).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur le président, je voudrais d'abord vous remercier des paroles aimables que vous venez de m'adresser et vous dire combien je suis honoré d'être le ministre chargé de présenter au Sénat le premier texte correspondant aux engagements qui ont été pris par le Président de la République et par la majorité parlementaire à l'occasion des récentes élections.
Nous sortons en effet d'une élection révélatrice des tensions et des doutes qui parcourent notre pays, d'où l'intensité des attentes et des espoirs. Cette situation tendue résulte d'un essoufflement du modèle français, victime d'une vision malthusienne du progrès peu propice au développement d'une croissance durable, mieux partagée, irriguant l'ensemble de notre espace social, d'une croissance délivrant l'esprit d'initiative, redonnant sens au dialogue social, élargissant les perspectives de promotion professionnelle et salariale, revalorisant les valeurs du travail, du mérite et de la responsabilité, d'une croissance dénouant, en définitive, les noeuds de crispation qui enserrent notre pacte économique et social, en minant au passage le socle républicain lui-même.
La France a besoin de retrouver le chemin du mouvement et de la confiance : confiance en elle-même, confiance en ses atouts, confiance en sa capacité à surmonter les défis du xxie siècle, confiance en sa faculté à se moderniser pour se réinventer.
Au coeur de ce défi, il y a la jeunesse. Parce qu'elle est disposée à prendre des risques, à s'engager, à dépasser les pesanteurs structurelles et les habitudes culturelles, c'est elle qui fait battre plus ou moins vite le coeur de notre pays. A cet égard, c'est elle qui dessine le visage de la France. Lorsque la jeunesse doute, la France broie du noir ; lorsqu'elle espère et s'engage, alors la France se remet à croire en son étoile.
Cette jeunesse n'attend pas d'être idéalisée, assistée ou convoitée. (M. Alain Gournac approuve.) Elle n'attend que deux choses : d'une part, qu'on ne la berce pas d'illusions sur les réalités du monde contemporain, notamment économique, au sein duquel elle est appelée à évoluer et à se battre ; d'autre part, qu'on lui offre la possibilité d'exprimer sa détermination et de révéler son énergie et ses talents.
Mesdames, messieurs les sénateurs, en soumettant à votre assemblée ce projet de loi portant création d'un dispositif de soutien à l'emploi des jeunes en entreprise, le Gouvernement obéit à une double conviction.
La première est que le combat pour le plein emploi suppose une stratégie à la fois globale et ciblée : stratégie globale tenant à la baisse des charges qui pèsent sur les entreprises, charges qui sont supérieures à la moyenne européenne, et à un assouplissement négocié des 35 heures, permettant de réconcilier la liberté des salariés et la compétitivité des entreprises ; stratégie ciblée, tendant à une concentration de nos efforts sur des publics précis, tels que les jeunes sans qualification, à qui il convient d'offrir une perspective professionnelle. L'objectif est de remettre l'ascenseur social en marche pour celles et ceux qui, à la sortie de l'adolescence, oscillent dangereusement entre l'amertume et le décrochage.
Notre seconde conviction est que les forces de la croissance et du développement de l'emploi se situent au premier chef dans l'entreprise. Il est plus que temps de mettre à l'honneur toutes celles et tous ceux qui font tourner le moteur économique de la France, qui entreprennent, créent des richesses, élargissent les horizons de la croissance nationale. Il est temps de réévaluer le rôle de la sphère économique privée et les valeurs de courage, d'opiniâtreté et parfois même d'aventure qui l'animent. L'une des erreurs liées au dispositif des emplois-jeunes est le détournement d'une partie de la jeunesse - notamment celle qui, dotée d'une formation, pouvait légitimement espérer se voir ouvrir les portes de l'entreprise ou se présenter aux concours de la fonction publique -...
M. Alain Gournac. Tout à fait !
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... d'un parcours professionnel sans doute plus exigeant, mais humainement plus riche.
M. Alain Gournac. Tout à fait !
M. Jean-Pierre Demerliat. Mais bien sûr ! (Sourires sur les travées socialistes.)
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Nous estimons qu'il est dans l'intérêt de la jeunesse, de notre pays et de nos entreprises de s'engager là où bat le coeur économique, là où les jeunes peuvent faire valoir leur volonté de réussite, faire leurs armes, apprendre un métier.
M. Didier Boulaud. On va voir ça !
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Relancer l'ascenseur social en misant sur le dynamisme du monde de l'entreprise : voilà la conviction complémentaire qui forge l'esprit de ce projet.
Lors de la campagne de l'élection présidentielle, Jacques Chirac s'était engagé à répondre à l'urgence de la situation des jeunes au regard du marché du travail. Le Gouvernement est fidèle à cet engagement et veut aller vite, car le temps presse.
La situation s'est, en effet, fortement dégradée depuis un an. Le chômage des jeunes s'est accru de 15 % entre mai 2001 et mai 2002, alors que, pour l'ensemble des demandeurs d'emploi, la hausse s'est établie à 8 %. Parmi ces jeunes, le taux de chômage est proportionnellement beaucoup plus élevé pour les non-qualifiés ou les peu qualifiés : 33 % pour les premiers, 17 % pour les seconds, ayant atteint le niveau du certificat d'aptitude professionnelle, le CAP, ou du brevet d'études professionnelles, le BEP.
M. Jean-Pierre Demerliat. C'est moins qu'en 1997 !
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. C'est pour favoriser l'insertion professionnelle de ces derniers que le dispositif de soutien a été conçu, et ce à partir de trois constats.
Premier constat : les entreprises n'embauchent pas naturellement les jeunes sans qualification, qui sont placés, de façon quasiment systématique, au bout de la file d'attente des demandeurs d'emploi.
Deuxième constat : les dispositifs existants - ils sont nombreux et, pour la plupart, ont leurs mérites -, en particulier les dispositifs de formation en alternance, ne touchent pas les jeunes les moins qualifiés, ceux qui se trouvent en situation d'échec scolaire et que toute démarche préalable de formation tend à écarter.
Troisième constat : l'insertion des jeunes sans qualification ou peu qualifiés est caractérisée par des trajectoires précaires, discontinues, comportant souvent des périodes de dénuement, lesquelles sont parfois le prélude à une exclusion et à une marginalisation sociale.
Au regard de ces trois constats, largement partagés par les partenaires sociaux qui ont eu l'occasion d'être sensibilisés et associés au cheminement de notre projet, nous avons eu le souci d'élaborer un dispositif précis, attractif pour l'entreprise et ambitieux pour le jeune salarié, et, enfin, opérationnel et pragmatique.
Tout d'abord, le dispositif est précis quant au public visé.
A l'instant, j'ai cité quelques chiffres qui démontrent que les niveaux de formation et de diplôme déterminent les conditions d'insertion dans le monde professionnel. Alors que les trois quarts des jeunes sortis du système scolaire en 1998 ont bénéficié durant les trois premières années de leur vie active d'un emploi, les jeunes sans diplôme ou ayant un CAP ou un BEP ont passé au moins la moitié de cette période au chômage. Dans cette même génération, les jeunes non diplômés sont sept fois plus souvent au chômage que les jeunes diplômés de niveau bac + 2.
Il existe donc une cassure nette entre les jeunes. C'est pourquoi ce dispositif s'adresse aux jeunes âgés de seize à vingt-deux ans, sans qualification ou avec une qualification de niveau V : CAP, BEP, niveau bac sans le bac.
Le choix consistant à cibler un âge d'entrée précoce dans le dispositif, à savoir seize ans, c'est-à-dire l'âge correspondant à la fin de la scolarité obligatoire, vise à prévenir les conséquences des situations d'échec scolaire et à encourager une insertion rapide de ceux qui sortent du système de formation initiale sans diplôme et qui sont 60 000 chaque année. La limite supérieure, fixée à vingt-deux ans, vise, quant à elle, à toucher les cohortes les plus importantes dans le chômage des moins de vingt-cinq ans, puisque 40 % des jeunes concernés ont entre vingt et un ans et vingt-deux ans.
Le champ resserré du dispositif présente un double avantage : il concentre l'effort sur la population la plus exposée au chômage et limite, a fortiori, les risques de dérive et de détournement de l'aide qui auraient pu apparaître si le dispositif avait été élargi à des jeunes plus âgés.
En phase de maturité, c'est-à-dire d'ici à trois ans, ce « contrat jeune en entreprise » pourrait concerner près de 200 000 jeunes.
Nous avons également voulu que le dispositif soit attractif et ambitieux.
Il est attractif pour l'entreprise, car il lui offre la possibilité d'assurer une embauche qui soit sans charges. L'aide de l'Etat compensera les charges patronales, représentant le surcoût lié pour l'entreprise à l'embauche d'un jeune. Au niveau du SMIC, cette aide prévue sur trois ans, qui sera dégressive la troisième année, représentera 2 700 euros par an en plus des allégements généraux de charges existants. Elle aboutira à supprimer quarante-cinq points de cotisations patronales jusqu'à 1,3 SMIC. C'est donc, pour l'entreprise, une incitation forte et une opportunité pour rajeunir ses effectifs et anticiper, le cas échéant, des difficultés de recrutement.
Le dispositif est ambitieux pour le jeune, car il garantit une insertion durable permettant à celui-ci, par le biais d'un contrat à durée indéterminée,...
M. Alain Gournac. A durée indéterminée, en effet !
M. Didier Boulaud. Il ne va pas être content le baron !
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... de trouver ses marques, d'apprendre le métier, de s'épanouir et, dès lors - du moins nous pouvons légitimement l'escompter -, de se rendre, sur le long terme, indispensable à l'entreprise. Articuler notre dispositif sur une embauche en CDI, ou contrat à durée indéterminée, cette disposition, nous l'avons mûrement réfléchie, nous l'avons précisément voulue ! En effet, pour ces jeunes, nous recherchons la stabilité, qui est à la source d'une insertion professionnelle réussie. En adoptant ce dispositif, l'entreprise fera un choix prospectif qui ne sera pas exclusivement guidé par le bénéfice de l'exonération de charges.
M. Claude Domeizel. Mais si, mais si !
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Là encore, c'est le gage que les effets d'aubaine seront limités. (Exclamations sur plusieurs travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
Parce que le mécanisme prévu vise un public singulier et parce qu'il respecte le principe d'une insertion sur la durée, nous n'avons pas estimé nécessaire d'imposer des clauses de formation obligatoire. C'est un choix opérationnel et pragmatique.
Il faut bien comprendre que les jeunes auxquels le dispositif s'adresse ne souhaitent pas ou ne peuvent pas s'engager immédiatement dans une démarche de formation.
M. Claude Domeizel. C'est vous qui le dites !
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Ils sont souvent en situation d'échec scolaire, se détournent des formations qu'ils jugent - à tort ou à raison - décalées par rapport à leurs attentes immédiates. L'insertion dans l'entreprise nous apparaît donc comme le moyen privilégié d'assurer leur socialisation et leur entrée dans la vie active, pour ne pas dire dans leur vie d'adulte. Bénéficiant d'un contrat de travail et d'une rémunération au moins égale au SMIC, ils verront s'engager le processus de reconnaissance et de responsabilisation dont ils sont en quête.
Une fois l'insertion réalisée, ils pourront revenir à une démarche de formation continue au sein de leur entreprise - comme n'importe quel salarié de l'entreprise, ils bénéficient du plan de formation - ou, le cas échéant, de formation en alternance qui pourra prendre la forme d'un contrat de qualification, voire d'un contrat d'apprentissage. Les intéressés pourront à tout moment faire ce choix, sans préavis. Le projet de loi prévoit explicitement cette possibilité.
Par ailleurs, le dispositif renvoie aux branches professionnelles le soin de négocier une reconnaissance des acquis de l'expérience liés à leur parcours professionnel dans l'entreprise. Ces jeunes bénéficieront ainsi d'une validation de leurs acquis, sous la forme et selon les modalités qui seront retenues par les partenaires sociaux au niveau des branches professionnelles.
Ce choix opérationnel que nous avons privilégié ne remet pas en cause les mécanismes de formation en alternance existants. Le Gouvernement est soucieux de ne pas déstabiliser la formation en alternance, qui constitue une filière d'insertion qualifiante particulièrement précieuse. Vous noterez d'ailleurs que le coût horaire d'un contrat de qualification reste inférieur au nouveau dispositif, sauf, il est vrai, pour les contrats de qualification destinés aux jeunes âgés de plus de vingt et un ans. L'utilisation des contrats en alternance résulte souvent de cultures de branches et d'entreprises fortement ancrées, que l'arrivée du contrat jeune n'est pas susceptible de remettre en cause, même si, dans la pratique, il est souhaitable qu'une articulation s'opère entre les différents dispositifs.
L'existence de ce dispositif de soutien à l'embauche des jeunes ne doit nullement porter préjudice aux initiatives que pourraient prendre les partenaires sociaux dans le domaine de la formation en alternance, afin d'en rénover les mécanismes et d'en renforcer l'attractivité. De même, le dispositif que le Gouvernement propose aujourd'hui peut sans doute être complété, si nécessaire, au niveau des entreprises par des modalités de mise en oeuvre que pourraient décider les partenaires sociaux, comme le tutorat.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, vous aurez saisi l'essence de notre ambition : donner un coup d'accélérateur à la politique d'insertion des jeunes, cette insertion étant orientée vers le secteur privé, qu'il soit économique ou associatif. Nous parions sur l'alliance d'une jeunesse en quête de reconnaissance et d'un monde du travail ouvert par nature à celles et à ceux qui sont prêts à se retrousser les manches.
La confiance d'une nation dépend du degré d'engagement de la jeunesse et donc de la nature des perspectives qui lui sont offertes. Pour cette jeunesse qui doit surmonter ses doutes et délivrer le meilleur d'elle-même, j'ai l'honneur de soumettre à votre assemblée ce projet de loi. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.).
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le ministre, je préciserai d'emblée que le Sénat est sensible à l'honneur qui lui est fait de débattre en premier de cette réforme.
Le projet de loi que nous examinons aujourd'hui est important, à plus d'un titre.
Il répond, d'abord, à un engagement fort du Président de la République, pris lors de la campagne pour l'élection présidentielle, réitéré lors de la campagne pour les élections législatives, et bien évidemment repris et précisé par le Premier ministre lors de sa récente déclaration de politique générale.
Ce projet de loi répond, ensuite, à une évidente carence de nos politiques d'insertion. Malgré la diversité des dispositifs proposés, il n'existe aujourd'hui aucune mesure de soutien favorisant l'accès direct à l'entreprise des jeunes les moins qualifiés, dès leur sortie du système éducatif, dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée, gage d'une insertion dans la durée.
Ce projet de loi répond, enfin, à une urgence, car le chômage des jeunes a beaucoup progressé depuis un an. En effet, leur taux de chômage est désormais deux fois plus élevé que la moyenne nationale.
Le Gouvernement a fait le choix d'agir à la fois rapidement et fortement. Il nous présente aujourd'hui un ambitieux dispositif de soutien à l'emploi en entreprise des jeunes les moins qualifiés. Ce dispositif tend à exonérer leurs employeurs des cotisations et contributions sociales patronales de toutes natures.
La commission des affaires sociales souscrit pleinement à cette démarche, qui concilie insertion professionnelle durable et allégement massif du coût du travail. Elle l'appelait de ses voeux depuis de nombreuses années.
Je ne m'attarderai pas ici sur le contexte. Je vous renvoie à mon rapport écrit et aux propros que j'avais tenus en 1993, lors de mon rapport sur la loi quinquennale relative au travail, à l'emploi et à la formation professionnelle.
Je tiens tout de même à insister sur deux points qui me paraissent fondamentaux.
Il faut d'abord rappeler l'extrême vulnérabilité des jeunes les moins qualifiés. Les jeunes sans diplôme subissent aujourd'hui un taux de chômage de 32 %. Chaque année, quelque 60 000 jeunes sortent de l'école sans diplôme.
Cette situation est d'autant plus préoccupante que ses conséquences sont graves. Un chômage précoce et souvent durable est en effet très déstructurant pour les jeunes les plus fragiles. Cela risque de les enfermer dans une spirale de l'échec, faite d'une succession de périodes de chômage ou de sous-emploi. Ce n'est pas ce que nous voulons pour nos enfants.
Ma deuxième remarque concerne les dispositifs d'insertion. C'est vrai qu'ils existent : ils concernent même près d'un million de jeunes. C'est vrai aussi qu'ils ont leurs mérites. Mais je considère qu'ils sont inadaptés à un double titre : ils ignorent le plus souvent les jeunes les plus en difficulté et ils restent principalement orientés vers le secteur non marchand. Je constate d'ailleurs que ces deux traits saillants se sont, hélas !, encore accentués, ces dernières années, notamment sous l'effet du programme « emplois-jeunes ». Il y a donc à la fois une urgence et une faille. C'est à cette faille et à cette urgence que ce projet de loi veut apporter une réponse.
La logique de ce texte est claire et, monsieur le ministre, vous venez de l'exposer fort bien : ce projet de loi vise à favoriser l'embauche des jeunes les moins qualifiés dans le secteur privé et sur des emplois durables de droit commun, grâce à une exonération totale des charges sociales patronales.
Ce projet de loi présente quatre particularités par rapport aux autres dispositifs d'insertion.
Première particularité : la mesure vise les jeunes qui sont les plus en difficulté. Sur ce point, les deux critères retenus me semblent pertinents. Le choix de la tranche d'âge, seize ans à vingt-deux ans, permet d'offrir immédiatement, dès leur sortie de l'école, une solution d'insertion aux jeunes les plus en difficulté. Cela permet de prévenir très en amont le risque d'une spirale de l'exclusion. De même, le choix des jeunes n'ayant pas le bac permet, à l'évidence, de cibler la population la plus exposée au risque de chômage.
Deuxième particularité : il s'agit de contrats de travail à durée indéterminée. Je me félicite de ce choix. L'embauche en CDI constitue en effet, comme vous l'avez souligné, monsieur le ministre, un gage de stabilité pour les jeunes. Il représente un « engagement de long terme » pour l'entreprise qui ne peut être seulement motivée - cela me semble évident - par la perspective d'une exonération de charges.
Troisième particularité : il s'agit d'emplois dans le secteur privé. Or ce sont bien les entreprises, mais aussi les associations, qui créent des emplois.
Dernière particularité : c'est une mesure véritablement incitative. Elle est suffisamment attractive puisqu'elle équivaut à une exonération totale des charges sociales patronales. Celle-ci devrait varier, en fonction de la rémunération, de 2 700 euros à 3 500 euros par an. J'ajoute que sa progressivité, dans la limite de 1,3 SMIC, devrait permettre d'éviter toute « trappe à bas salaire ». Cette mesure est en outre suffisamment durable - trois ans - pour laisser au jeune le temps de s'insérer dans l'entreprise.
Ces quatre particularités constituent, pour la commission, tout l'intérêt du dispositif. Elles répondent à une double exigence : une exigence d'insertion, pour faire en sorte que le jeune accède durablement au monde du travail, et une exigence d'efficacité, pour faire en sorte que les entreprises utilisent ce dispositif afin de créer de l'emploi.
Certaines voix se sont élevées, de manière d'ailleurs très mesurée, pour émettre quelques réserves sur ce projet de loi. J'ai eu l'occasion d'aborder cette question en détail, la semaine dernière, au cours des nombreuses auditions des partenaires sociaux. Je crois pouvoir dire que ces auditions me permettent, aujourd'hui, de relativiser très fortement ces réserves.
La première réserve concernait le risque d'effet d'aubaine. Certes, celui-ci peut exister - pourquoi le nier ? - comme pour toute mesure d'aide à l'emploi. Toutefois, il me semble minime en l'occurrence, compte tenu du public visé ; la sévérité des conditions de qualification rend en effet très largement caduque la thèse des effets d'aubaine : où est l'aubaine pour un employeur qui embauche un jeune non qualifié alors qu'il va devoir investir pour accompagner ce jeune dans l'emploi et lui assurer un contrat à durée indéterminée, avec tous les droits qui s'y rapportent ? Sur ce point, le dispositif me paraît donc suffisamment verrouillé.
La deuxième réserve portait sur une éventuelle « cannibalisation » des formations en alternance. Cette crainte me paraît également infondée. Elle n'a d'ailleurs guère été reprise par mes interlocuteurs, qui l'ont, pour la plupart, minimisée. Il est vrai que les publics visés sont très différents. Il est également vrai que, pour les entreprises qui la pratiquent, l'alternance garde son attrait : elle demeure à la fois moins coûteuse, en termes de rémunération, et moins longue, en termes de stabilité des contrats. Les deux logiques sont donc bien distinctes.
La dernière réserve concernait l'absence de contenu en formation du dispositif. Vous vous en êtes, monsieur le ministre, très longuement expliqué devant la commission la semaine dernière et, voilà un instant, à cette tribune.
J'ai été convaincu pour deux raisons.
D'abord, le dispositif s'adresse avant tout aux jeunes en situation d'échec scolaire, fortement déstructurés et devenus rétifs à toute idée de formation. Ce qui importe pour eux, c'est l'accès à l'emploi. Et c'est l'emploi qui constitue alors la première formation.
Dès lors, l'introduction d'une formation obligatoire aurait été, pour eux, inadaptée. La perspective d'une validation ultérieure de leurs acquis professionnels me paraît plus appropriée. Pour ceux qui souhaitent poursuivre immédiatement une formation, des solutions existent : c'est justement l'alternance.
Ensuite, une fois recruté, le jeune devient un salarié comme les autres,...
M. Claude Domeizel. Presque comme les autres !
M. Louis Souvet, rapporteur. ... bénéficiant du même régime que tous ses collègues. C'est un point fondamental, car cette formule évite toute stigmatisation du jeune, comme cela aurait pu être le cas si on avait choisi de créer un nouveau contrat-jeunes.
Introduire une formation obligatoire aurait fragilisé cet équilibre, en posant une première forme de discrimination. De toute façon, l'employeur aura tout intérêt à former ce jeune, qui pourra, bien évidemment, accéder à la formation dans les conditions de droit commun.
Il apparaît alors souhaitable de renvoyer à des négociations entre les partenaires sociaux le soin de déterminer les conditions d'accès à la formation, à l'image de ce que prévoit le projet de loi en matière de validation des acquis.
Cette question de la formation pose, en définitive, moins la question du contenu du dispositif que celle, plus globale, de la réforme de notre système de formation professionnelle. Chacun en connaît les limites, notamment pour les jeunes non qualifiés, qui n'accèdent que trop rarement à la formation. Je crois donc que c'est dans le cadre de la négociation interprofessionnelle sur la formation, qui devrait bientôt reprendre, que cette question doit être examinée.
Vous l'aurez compris, mes chers collègues, la commission approuve très largement le dispositif proposé. Elle n'a donc pas souhaité le modifier en profondeur.
Au demeurant, elle considère qu'il existe une marge d'amélioration à un double niveau.
Il lui semble d'abord souhaitable de renforcer la portée du dispositif afin de maximiser ses effets sur l'emploi.
Sur ce point, la commission vous propose notamment d'adopter trois amendements.
Le premier vise à étendre la mesure à toutes les entreprises. Je vous rappelle que le projet de loi ne concerne que les établissements employant au plus 250 salariés.
Une telle extension nous apparaît à la fois réaliste et nécessaire.
Elle est réaliste, car je crois avoir démontré l'extrême fragilité de l'hypothèse d'un éventuel effet d'aubaine.
Elle est nécessaire, car ce qui importe avant tout, c'est le jeune et non l'entreprise. C'est pour le jeune que ce projet de loi a été envisagé, et je ne crois pas qu'il faille fermer à celui-ci de nouvelles portes.
Le deuxième amendement tend à consolider la sécurité juridique du dispositif. En effet, si la mesure proposée vise effectivement à exonérer l'employeur de ses charges sociales, la solution retenue par le projet de loi n'est pas, au sens strict, une exonération : il s'agit en réalité, dans un souci de simplicité, d'un soutien de l'Etat équivalant, pour l'employeur, à une telle exonération. Il est donc nécessaire d'apporter cette précision.
Le troisième amendement concerne les PME. La commission a souhaité desserrer un possible frein à l'appropriation du dispositif par les PME. Elle vous proposera donc de « neutraliser » temporairement l'effet de seuil d'effectif en ne comptabilisant pas le jeune pendant deux ans pour le calcul des effectifs de l'entreprise.
M. Didier Boulaud. C'est scandaleux !
M. Louis Souvet, rapporteur. Certes, la commission a bien conscience qu'une telle proposition introduit un nouveau « particularisme » après le précédent que constitue la possibilité pour le jeune d'une rupture sans préavis.
Mais nous pensons qu'il faut, là encore, être réalistes car les répercussions financières d'un franchissement de seuil lié à l'embauche du jeune - laquelle ferait passer, par exemple, les effectifs de neuf à dix salariés - risquent d'être très dissuasives dans la mesure où elles pourraient même absorber - et bien au-delà - le bénéfice de la mesure, ce qui serait, vous en conviendrez, paradoxal !
La seconde possibilité d'amélioration réside, à mon sens, dans les perspectives d'insertion professionnelle du jeune. La commission des affaires sociales croit possible de les favoriser davantage de trois manières : d'abord, en encadrant la possibilité de recours au temps partiel, en le limitant à au moins un mi-temps, car il ne s'agit pas en l'occurrence d'encourager quelque « petit boulot » ; ensuite, en favorisant la mise en place, sur l'initiative des partenaires sociaux, d'un accompagnement du jeune dans l'entreprise ; enfin, là encore sur l'initiative des partenaires sociaux, en facilitant l'accès du jeune au bilan de compétences.
Telles sont, mes chers collègues, les principales modifications que la commission des affaires sociales vous proposera d'adopter. Elles ne changent pas l'équilibre du texte, mais en prolongent plutôt la logique.
J'ai la conviction que c'est dans cette logique, dans cette volonté d'offrir une « deuxième chance » aux jeunes les plus en difficulté que réside tout l'intérêt du projet de loi.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est vrai !
M. Louis Souvet, rapporteur. Voilà pourquoi la commission vous demandera de l'adopter ainsi amendé. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 30 minutes ;
Groupe socialiste, 27 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 19 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 16 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 11 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 10 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, 7 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Bernard Joly.
M. Bernard Joly. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si l'on excepte la déclaration de politique générale, voici donc le premier texte du nouveau gouvernement que nous examinons aujourd'hui en séance publique. Il me semble significatif qu'il porte sur les jeunes après la part active que ceux-ci ont prise au rejet des extrêmes dès l'annonce des résultats du premier tour des élections présidentielles. Ils ont démontré qu'ils s'engageaient pour infléchir l'avenir de leur pays ; il est donc normal que le Parlement prenne des mesures leur assurant une meilleure entrée dans la vie active.
M. Emmanuel Hamel. Très bien !
M. Bernard Joly. Certes, il convenait d'agir dans les plus brefs délais afin que les dispositions proposées puissent entrer en vigueur dès ce mois de juillet. Mais, si l'urgence s'imposait, n'aurait-on pu prévoir au minimum vingt-quatre heures entre le dépôt du rapport de la commission des affaires sociales et la séance au cours de laquelle ses conclusions seraient débattues ? Il y a toujours des enseignements à tirer des orientations tracées et des observations formulées par les commissions saisies au fond.
La proportion des jeunes sans diplôme inscrits à l'ANPE est trop importante. En outre, et c'est un réel paradoxe, leur vie active commence par une période de chômage.
Avoir entre seize et vingt-deux ans sans avoir atteint le niveau du baccalauréat, en étant titulaire au mieux d'un CAP ou d'un BEP est synonyme de situation précaire et d'insertion hypothétique. Or, ces dernières années, cette population n'a pas fait l'objet d'attention particulière, à l'inverse de jeunes au parcours universitaire mal adapté ou inachevé, intégrés dans le secteur associatif ou public sans véritable utilité.
Le dispositif annoncé conduirait près de 300 000 jeunes à une activité qualifiante au terme de trois ans. Il complète les formations en alternance ou professionnelles plus ciblées.
L'intérêt de la démarche s'impose parce que cette dernière dépasse la simple embauche, qui porte en elle son terme si rien ne s'y ajoute. Toutefois, j'aurais aimé que la contrepartie des allégements de charges soit assortie d'un engagement clair de qualification. (Très bien ! sur plusieurs travées socialistes.)
Il ne s'agit pas d'imposer, d'encadrer de façon rigide une décision libre prise par une entreprise. Toutefois, il convient d'éviter les écueils antérieurs.
M. Didier Boulaud. Très bien !
M. Bernard Joly. Les chiffres montrent que le précédent traitement du chômage des jeunes a été inopérant puisque nous sommes de nouveau confrontés au même problème.
M. Gilbert Chabroux. Très bien !
M. Bernard Joly. Son inefficacité tient pour beaucoup au fait que la formation concomitante à l'activité nouvelle ait été occultée. A cet égard, l'article 2 du texte qui nous est soumis aurait pu être plus précis.
M. Didier Boulaud. On verra les résultats !
M. Bernard Joly. Il faut considérer que la population à qui vont s'adresser ces contrats est constituée de jeunes en situation d'échec, sortis prématurément du système scolaire et qui n'ont pu bénéficier de post-formations. L'embauche, en soi, constitue une réponse temporaire, différée en quelque sorte du traitement de fond du problème existant.
Certains sont totalement hostiles à un retour déguisé à un encadrement éducatif ; mais ne pourrait-on, de façon pragmatique, délivrer un savoir-faire dont la validation à terme valoriserait le parcours accompli ? Il faut faire en sorte que ce travail non qualifié initial se résorbe et saisir l'opportunité de l'encadrement professionnel.
L'augmentation notable du chômage des jeunes au cours des douze derniers mois, tout comme la proportion de sans-diplôme inscrits à l'ANPE prouvent l'inadéquation de notre système scolaire, ce qui n'est pas une nouveauté ! Que tout le monde ne soit pas destiné au même type d'enseignement se conçoit, mais que l'on enregistre des chiffres aussi alarmants d'élèves n'ayant pu acquérir une formation quelle qu'elle soit ne laisse pas d'être inquiétant.
En décembre 1997, la direction de l'évaluation et de la prospective de l'éducation nationale, instance peu suspecte de complaisance avec qui que ce soit, estimait que 62 % des enfants qui entraient en sixième ne pouvaient comprendre les consignes contenues dans un texte simple. La situation ne s'est pas améliorée depuis cette date, c'est-à-dire au cours des cinq dernières années.
Comment peut-on envisager d'autres apprentissages lorsque les acquis fondamentaux ne sont pas fixés ? Il n'y a aucune fatalité en la matière ; il faut revoir seulement les méthodes.
Après la famille et l'école, l'entreprise peut être le lieu d'une transmission de connaissances. Il y va d'une forme de solidarité sociale. Ce texte devra donc permettre de casser l'enchaînement des « petits boulots », peu porteurs de réalisation personnelle et d'insertion. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Le chômage des jeunes et les difficultés particulières d'insertion de ceux dont le niveau de formation est faible ne doivent pas être prétextes à polémique. Ils nécessitent de sérieuses observations et des mesures à la hauteur des besoins.
Alors que la première intervention du gouvernement de gauche en faveur de l'emploi des jeunes avait consisté à lancer le plan emplois-jeunes, le gouvernement, auquel vous appartenez, monsieur le ministre, a choisi comme première mesure la mise en place, dans le secteur marchand, d'un nouveau contrat exonéré de charges sociales réservé aux jeunes sans formation.
M. Jean Chérioux. Eh oui !
M. Roland Muzeau. La presse n'a pas manqué de relever ce symbole. En intitulant l'un de ses articles « Les contrats-jeunes contre les emplois-jeunes », le journal Libération du 10 juillet dernier donnait bien le ton. Mais l'important est de savoir qui, des jeunes ou des entreprises, bénéficiera le plus des décisions envisagées.
Considérant, par pur dogmatisme, que seuls les emplois créés dans le secteur marchand ou susceptibles d'y entrer engendrent des richesses et de la croissance, la droite s'est farouchement opposée à ce que l'Etat « aide » l'emploi dans la sphère publique ou associative.
Vous ne cessez de prôner la mise en place d'une société libérale où l'Etat intervient le moins possible dans l'économie mais, parallèlement, vous soutenez pleinement les demandes du MEDEF en vue de l'octroi de nouvelles aides publiques, directes ou indirectes.
M. Jean Chérioux. C'est usé tout cela !
M. Roland Muzeau. Aujourd'hui, vous condamnez les emplois-jeunes.
Vous avez confirmé, monsieur le ministre, qu'il n'était pas question de pérenniser les aides, notamment pour les collectivités locales.
Le plan de consolidation présenté par Mme Guigou, que nous ne jugions pourtant pas à la hauteur des attentes, ne sera donc pas honoré. Les personnes qui ont effectivement réussi à faire la preuve de l'utilité sociale des nouveaux métiers qu'elles ont contribué à faire émerger se voient refuser la concrétisation de l'emploi qu'elles attendaient.
M. Jean Chérioux. Lequel ?
M. Roland Muzeau. Comment un gouvernement qui place en tête de ses priorités la sécurité et fonde la relance de la démocratie locale sur la proximité, peut-il, faute d'un soutien financier ad hoc aux collectivités locales, laisser supprimer des dizaines de milliers d'emplois publics et associatifs, notamment dans les quartiers difficiles ?
M. Robert Calmejane. Et vous, qu'aviez-vous prévu ?
M. Roland Muzeau. Que va-t-il advenir de l'autre volet du plan de consolidation visant à assurer un avenir professionnel aux jeunes par des actions de formation et de validation des acquis de leur expérience ?
Enfin, l'objectif premier de ce gouvernement étant de diminuer le nombre de fonctionnaires, dans l'éducation nationale par exemple, qu'en sera-t-il des passerelles vers un emploi durable et statutaire pour les 70 000 aides-éducateurs ? Aucune ouverture de crédits n'étant inscrite dans le projet de loi de finances rectificative pour 2002, cela se ferait, expliquez-vous, par redéploiements au sein du budget du travail et de l'emploi. Sur quels postes alors, en dehors des emplois-jeunes, envisagez-vous de faire des économies pour compenser les exonérations de cotisations sociales que vous consentez ?
Quelles qu'aient été les réserves - réserves fondées - que nous avions exprimées lors du lancement du programme « nouveaux services, nouveaux emplois », qu'il s'agisse du salaire, du droit à la formation, de la nécessaire reconnaissance des qualifications ou de la nature hybride de ces emplois non statutaires, il convient de constater que de nouveaux métiers d'utilité sociale ont bel et bien été créés et que le retour à l'emploi des jeunes est réel.
M. Jean Chérioux. Pour quel coût ?
M. Roland Muzeau. Selon une étude du ministère de l'emploi et de la solidarité - premières informations et premières synthèses - de janvier 2002, près de sept jeunes sur dix sortis prématurément du dispositif ont un emploi et 30 % travaillent dans une entreprise privée.
Surtout, la logique de ce programme - logique non pas d'abaissement du coût du travail ou d'insertion mais de développement de l'emploi - nous paraissait intéressante dans la mesure où elle renvoyait à l'idée que le « sur-chômage » des jeunes était dû à l'insuffisance d'emplois et non, comme vous l'affirmez, à un coût du travail trop élevé. En 1997, un des plus farouches détracteurs des emplois-jeunes dans cette assemblée, notre collègue Alain Gournac, reprochait au Gouvernement d'« assister arbitrairement une classe d'âge ». Que vaut aujourd'hui ce genre d'argument ?
Que les choses soient claires : face au libéralisme, les sénateurs communistes soutiennent le principe d'une intervention législative en faveur de l'emploi et contre les licenciements. L'acuité du problème du chômage des jeunes appelle des mesures ciblées, volontaristes, couplées à une politique économique active. Vous ne proposez rien de tel.
Une enquête du CEREQ, le centre d'études et de recherches sur les qualifications, nous apprend que les jeunes sortis de formation initiale en 1998 ont globalement bénéficié de l'embellie économique mais que les disparités par niveau de formation se sont accentuées. Cela confirme, s'il en était encore besoin, le poids du niveau de formation sur les trajectoires d'insertion dans la vie active. Au bout de trois ans de vie active, 70 % des jeunes de niveau CAP ou BEP ne travaillent pas !
La dernière enquête emploi de l'INSEE, qui date de mars 2002, confirme la remontée du chômage, situation qui accroît les risques d'exclusion durable du marché du travail des moins qualifiés. Le chômage des plus diplômés augmente, quant à lui, pour la première fois depuis 1998.
Dans ce contexte, il est légitime de s'interroger sur l'orientation des politiques publiques : politiques d'insertion professionnelle et d'aides à l'emploi.
Comme le souligne la Commission nationale pour l'autonomie des jeunes dans son rapport d'avril 2002, « cette politique est devenue massive », non seulement en termes de postes de dépenses, mais également en termes de jeunes concernés : « Plus d'un jeune sur deux passe, dans les années suivant la sortie du système scolaire, par au moins l'un des dispositifs d'insertion professionnelle ; 40 % des seize - vingt-cinq ans en activité, soit plus de 1,1 million de jeunes, bénéficient d'emplois aidés et des dispositifs généraux de la politique de l'emploi, notamment les mesures d'allégement de cotisations sociales. »
Pourquoi ne pas avoir opté, monsieur le ministre, pour un diagnostic des dispositifs existants ? Le panel est assez large. La piste de l'alternance sous ses diverses formes aurait mérité d'être étudiée. Les différents contrats auraient pu être corrigés et améliorés ; je pense, en particulier, au contrat de qualification qui connaît un fort développement dans le secteur tertiaire et permet d'acquérir une formation professionnelle ; puisqu'il est devenu un mode de recrutement efficace des jeunes, pourquoi ne pas avoir cherché à le centrer davantage sur les jeunes n'ayant pas le niveau V de formation ? Pourquoi ne pas envisager d'intervenir pour réhausser leur rémunération au moins au niveau du SMIC ? Pourquoi n'avoir pas, non plus, renforcé le programme TRACE, ou trajet d'accès à l'emploi ?
Il est tout aussi normal de réfléchir aux perspectives d'avenir offertes aux jeunes qui, chaque année, malgré l'accroissement de l'effort éducatif, quittent le système scolaire en situation d'échec, c'est-à-dire sans diplôme ou qualification.
L'enseignement preofessionnel mérite d'être revalorisé. La voie technologique devrait, elle aussi, être rénovée. Le Gouvernement installera-t-il le lycée des métiers ?
Les attentes des jeunes adultes, désireux de s'installer durablement sur le marché du travail et d'acquérir ainsi leur autonomie, sont immenses et les inquiétudes des familles bien réelles.
Devons-nous pour autant accepter une norme d'emploi à part, a minima et tirant le monde du travail vers le bas ? La réponse est non.
Nous mesurons pleinement l'ampleur des décisions prises dans le passé, qui ont certes conduit, en vingt ans, à enrichir la croissance en emplois, mais cela, bien souvent, au prix d'une terrible précarité. C'est pourquoi nous ne cautionnons pas la politique de faux-semblants qu'introduit ce texte et qu'aggravent les amendements de la commission.
En instituant un type nouveau de contrat totalement exonéré de cotisations sociales, c'est un signal fort que votre majorité de droite adresse, non aux Français qui ont exprimé leur exaspération devant tant d'insécurité sociale, mais aux entreprises, qui demandent, elles, toutes sortes d'allégements financiers et la levée de diverses contraintes.
Après la déclaration de politique générale dans laquelle M. le Premier ministre a fait des allégements de charges fiscales et sociales, ainsi que de la « simplification » du code du travail en matière de licenciements économiques et de RTT, la clef de voûte de sa stratégie pour le retour à l'emploi, le MEDEF a applaudi des deux mains.
Les syndicats, eux, se sont montrés beaucoup plus réservés, voire inquiets, en tout cas déçus du maigre programme du Gouvernement en faveur de l'emploi.
Pour la CGT, « s'il est nécessaire de prendre des mesures fortes en matière d'intégration des jeunes non diplômés dans l'emploi, le choix de l'exonération totale de cotisations sociales va accroître la concurrence avec les autres jeunes et les salariés déjà les moins bien payés ».
La CFDT, quant à elle, évoque la « partie congrue » réservée à la politique de l'emploi et déplore « la stratégie du Gouvernement reposant essentiellement sur des recettes classiques de baisse des charges et des impôts ».
Le texte que vous nous présentez, monsieur le ministre, décline ce credo libéral. Il a pour unique ambition d'abaisser le coût du travail des jeunes de seize à vingt-deux ans afin de fournir à certains secteurs d'activité de la main-d'oeuvre à bon marché. (Protestations sur les travées du RPR.)
M. Jean Chérioux. Dites carrément que nous encourageons l'esclavage !
M. Roland Muzeau. Nous contestons la validité de nouveaux allégements des charges, qu'ils soient généraux ou ciblés, tout simplement parce que nous connaissons les effets néfastes des politiques qui ont déjà été menées en ce sens.
Vous n'apportez au débat aucun élément susceptible d'établir un lien de causalité entre réduction du coût du travail et création d'emplois.
Jusqu'à présent, ces politiques ont eu notamment pour effet de substituer des salariés à d'autres.
Le syndicat Force ouvrière estime à ce sujet qu'« il est contradictoire de prôner le maintien des plus de cinquante ans dans l'emploi tout en proposant un contrat jeune avec exonérations de charges... car les patrons vont licencier les vieux et embaucher les jeunes ». (Exactement ! sur les travées socialistes.)
Vous passez sous silence les effets « collatéraux » des mesures d'allégement de charges qui ont déstructuré le marché de l'emploi en « flexibilisant » davantage encore les emplois non qualifiés. Pourtant, inverser la tendance à la dégradation de la qualité de l'emploi est l'enjeu essentiel si nous voulons que notre société renoue effectivement avec le plein emploi.
Le lien n'est plus à faire entre l'accentuation des politiques d'allégement de cotisations patronales sur les bas salaires et les transformations de l'emploi non qualifié, où les bas salaires sont nombreux.
Selon une enquête de l'INSEE datant de juillet 2001, non seulement l'emploi non qualifié aurait retrouvé son niveau élevé d'il y a vingt ans, mais, de surcroît, les salariés concernés concentrent sur eux de graves inégalités : ils suivent moins souvent une formation au sein de leur entreprise que les autres ; leurs perspectives d'accéder à un emploi qualifié sont plus faibles ; les risques de chômage sont plus forts.
Pour beaucoup, l'essor de formes particulières d'emploi telles que l'intérim ou le temps partiel est responsable de la paupérisation : c'est une situation que connaissent déjà de nombreux jeunes.
L'amélioration générale du marché du travail passe par la relance de la croissance, par une politique active en faveur des salaires et de la consommation, mais également par un renforcement significatif de la formation continue, formation tout au long de la vie.
Outre ces remarques, d'autres raisons, tant de forme que de fond, nous conduisent à contester votre démarche.
Après le « couac » de la non-revalorisation du SMIC, vous avez fait l'économie de la consultation, de l'avis des syndicats et des associations de chômeurs ; vous les avez simplement, selon votre propre terme, « informés ».
M. Jean Chérioux. Mais, vous, qu'avez-vous fait pendant cinq ans ?
Mme Nicole Borvo. Beaucoup !
M. Jean Chérioux. Un peu de modestie !
M. Didier Boulaud. C'est la France d'en haut qui décide !
M. Roland Muzeau. Au niveau parlementaire, le besoin d'entendre les partenaires sociaux est, lui aussi, à géométrie variable. La commission n'a procédé à aucune audition. Et je n'épiloguerai pas sur la procédure d'urgence, tant décriée il y a peu encore, qui n'est pas propice à l'exercice démocratique.
Sur le fond maintenant, trois points du projet de loi ont tout particulièrement attiré notre attention.
Il s'agit d'abord de la nature du contrat. Le texte fait référence au CDI. C'est la seule chose positive (Ah ! sur les travées du RPR)...
M. Jean Chérioux. Mais c'est l'essentiel !
M. Roland Muzeau. ... mais le silence est bien lourd sur ce qu'il adviendra de ces salariés après la fin de l'aide forfaitaire.
En acceptant d'expérimenter ce type de contrat, n'ouvre-t-on pas la porte au développement de CDI à durée maximale, présentant l'avantage de délier l'employeur des obligations attachées à la nature précaire du contrat à durée déterminée, ou CDD ?
J'en viens à l'articulation de ces nouvelles exonérations avec les dispositifs existants.
Les entreprises bénéficient déjà largement d'aides à l'emploi reposant sur les exonérations de cotisations sociales à d'autres titres. Prévoyez-vous de fixer, par voie réglementaire, une limite au cumul ? Prévoyez-vous un mécanisme de reversement de l'aide si l'employeur ne remplit pas ses obligations ?
M. Didier Boulaud. Sûrement pas !
M. Roland Muzeau. Enfin, et c'est là aussi pour nous un grief majeur, aucune obligation de formation ou d'accompagnement personnalisé n'est « finalisé. »
M. Alain Gournac. Comme pour les emplois-jeunes !
M. Roland Muzeau. Le titre du communiqué de presse de l'UPA concernant ce texte est explicite : « La formation reste le meilleur passeport vers l'emploi. »
Monsieur le ministre, agir sur l'employabilité est nécessaire, mais l'avenir de ces jeunes et leur liberté face à la recherche d'emploi passent par les acquis de la formation. La seule validation de l'expérience, mesure contenue d'ailleurs dans la loi de modernisation sociale, ne suffit pas.
Les syndicats comme les chefs d'entreprise évoquent les risques de conclusion de contrat-jeunes sans garantie de formation. La CGPME considère à juste titre que, dans sa forme actuelle, le dispositif crée une distorsion de concurrence par rapport au contrat d'apprentissage et au contrat de qualification.
L'absence d'ambition de votre texte comme son orientation exclusive vers les attentes financières des entreprises ne sauraient nous satisfaire. Nous sommes d'autant plus sceptiques que la commission des affaires sociales, par les amendements qu'elle propose, déverrouille complètement le dispositif sans que l'on y gagne en efficacité en termes d'insertion durable des jeunes dans un emploi justement rémunéré.
M. Didier Boulaud. Eh oui !
M. Roland Muzeau. Vous envisagez de permettre aux employeurs de ne pas inclure dans leurs effectifs ces jeunes embauchés pendant les deux dernières années. C'est une évolution grave du code du travail, car elle fait échapper les entreprises à leurs obligations légales : délégués syndicaux, comités d'entreprise, comités d'hygiène. Rappelons que cette disposition était un fondement des contrats initiative-emploi, tant décriés, à juste titre.
M. Didier Boulaud. Très bien !
M. Roland Muzeau. Vous envisagez, d'autre part, de supprimer le maximum de 250 salariés pour le bénéfice de ces exonérations sociales. L'argument sur les PME en difficulté n'a pas résisté longtemps à l'appétit féroce et sans limite du MEDEF sur les allégements de charges.
M. Didier Boulaud. C'est le baron vorace !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ah ! si vous n'aviez pas le MEDEF !
M. Roland Muzeau. Si la commission des affaires sociales est suivie par la majorité des sénateurs, nous ne pourrons que nous opposer au projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
Mme Nelly Olin. Ça, ce n'est pas une surprise !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Vous vous y opposez parce qu'il ne s'agit pas d'emplois précaires !
M. le président. La parole est à M. Gilbert Chabroux. M. Gilbert Chabroux. Monsieur le ministre, par ce projet de loi, vous affichez une ambition, celle de vous attaquer au problème récurrent du chômage des jeunes dans notre pays.
Vous agissez d'ailleurs avec beaucoup de célérité puisque vous nous demandez de débattre d'un dispositif qui devrait prendre effet rétroactivement le 1er juillet. Nous entrons donc de plain-pied dans l'ère de la validation législative !
Nous observons aussi que, dans votre hâte, vous avez omis de consulter les partenaires sociaux. (M. le ministre fait une moue de désapprobation.)
Ou alors la consultation a été bien courte. Il serait plus juste de dire qu'ils ont été simplement informés, comme cela avait été le cas pour la revalorisation du SMIC sans coup de pouce.
M. Alain Gournac. C'est comme cela que faisait Martine Aubry !
M. Jean Chérioux. Et Mme Guigou !
M. Gilbert Chabroux. On peut s'interroger, monsieur le ministre : tourneriez-vous déjà le dos au dialogue social (Protestations sur les travées du RPR) et à la méthode préconisée par M. Raffarin comme par le Président Chirac ?
Mme Nelly Olin. Parlez-en à Mme Guigou du dialogue social ! Demandez-lui comment elle faisait !
M. Alain Gournac. Oui, parlez-en donc à Mmes Aubry et Guigou !
M. Gilbert Chabroux. Moi, je me souviens encore de ce qui a été dit ici par M. Raffarin.
Cela vous vaut déjà, monsieur le ministre - mais ce n'est pas de notre part un reproche - les critiques de M. Seillière. (Protestations sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. Jean Chérioux. Et alors ?
M. Gilbert Chabroux. Quand il peut servir à quelque chose, j'en fais usage !
Cela vous vaut donc, disais-je, les critiques de M. Seillière, qui regrette à voix haute dans les médias de n'être pas l'inspirateur de ce texte.
M. Jean Chérioux. Tant mieux !
M. Gilbert Chabroux. Tant mieux ? C'est vraiment un cri du coeur !
M. Jean Chérioux. Le MEDEF n'est pas l'inspirateur de ce texte !
M. Louis Souvet, rapporteur. Vous n'allez pas vous en plaindre !
M. Gilbert Chabroux. Je ne m'en plains pas ! Je souhaiterais d'ailleurs avoir un plus grand nombre d'occasions de citer M. Seillière dans le bon sens !
M. Didier Boulaud. M. le baron !
Mme Nelly Olin. Vous l'avez déjà cité !
M. Gilbert Chabroux. Monsieur le ministre, vous connaissez fort bien tout ce qui a déjà été fait pour combattre le chômage des jeunes, notamment depuis cinq ans. A ce propos, je voudrais rétablir quelques vérités.
M. Didier Boulaud. Absolument !
M. Alain Gournac. Ah ! Enfin !
M. Gilbert Chabroux. Le chômage des jeunes, qui s'élevait à 25 % en 1996,...
Mme Nelly Olin. Et avant ?
M. Gilbert Chabroux. ... a été ramené à 20 % en mai 2002. De 25 % à 20 %, le chiffre est encore très lourd, mais il représente un incontestable progrès dû essentiellement à une politique volontariste en matière de croissance et au succès des emplois-jeunes, qui ont permis un net enrichissement de la croissance en emplois.
Mme Nelly Olin. Ah oui, ça !...
M. Gilbert Chabroux. Je crois qu'il ne faudrait pas l'oublier, et vous en savez quelque chose dans vos collectivités ! (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen. - Protestations sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
Je voudrais saluer à cette occasion l'action des collectivités territoriales et des élus de toutes sensibilités politiques qui, malgré les critiques ou les réserves qui ont pu être émises ici ou là, ont appliqué ce dispositif avec beaucoup d'efficacité au profit des jeunes. Ceux-là mêmes qui, sur ces travées, avaient voté contre la loi...
M. Marcel-Pierre Cleach. Ce n'est pas bien, cela ! (Sourires.)
M. Gilbert Chabroux. Vous vous reconnaissez ! (Nouveaux sourires.)
... n'ont pas manqué de répondre à la demande de leurs administrés lorsqu'il s'est agi de créer des emplois-jeunes dans leur collectivité.
M. Alain Gournac. La loi, une fois votée, s'applique à tout le monde !
M. Gilbert Chabroux. M. Gournac s'est reconnu !
M. Alain Gournac. La loi est la même pour tout le monde !
M. Claude Estier. Laissez parler l'opposition, mes chers collègues ! C'est insupportable !
M. le président. Mes chers collègues, je vous en prie ! Seul M. Chabroux a la parole.
Poursuivez, monsieur Chabroux, mais ne provoquez pas !
M. Gilbert Chabroux. Ce débat est intéressant, et permettez-moi de continuer ! Vous ne vous étonnerez cependant pas que je pose comme préalable la question de l'avenir des emplois-jeunes !
Dans les services de l'Etat, dans les collectivités territoriales, ce dispositif est maintenant en phase de pérennisation pour ceux qui y sont entrés depuis plusieurs années : de nombreux jeunes intègrent par la voie du concours les différentes fonctions publiques, où ils viendront compenser pour partie les départs à la retraite ; d'autres se dirigent vers le secteur privé, où ils font valoir leur première expérience professionnelle.
La question est plus aiguë pour les emplois-jeunes dans le secteur associatif, qui sont financés pour une part par les collectivités territoriales : que va devenir la participation de l'Etat qui soutenait, jusqu'à présent, ces nouveaux services à la population ?
M. Jean Chérioux. Qu'aviez-vous envisagé, vous ?
M. Didier Boulaud. Vous les envoyez à l'ANPE, vous !
M. Gilbert Chabroux. Tous ces nouveaux services ne sont pas encore solvabilisés, loin s'en faut ! Pourtant, ils répondent à un réel besoin social.
Le Gouvernement a-t-il l'intention de poursuivre au moins la pérennisation des emplois-jeunes ? Et, si oui, selon quelles modalités ?
M. Claude Estier. C'est une très bonne question !
M. Didier Boulaud. Très bien !
M. Gilbert Chabroux. Pouvons-nous savoir clairement si, oui ou non, les contrats-jeunes dans le secteur privé sont appelés à remplacer les emplois-jeunes dans le secteur public et dans le secteur associatif, ce qui ne relève pas du tout de la même philosophie ? Pour de nombreuses collectivités territoriales de tous bords, et plus encore pour le mouvement associatif, qui représente des millions de citoyens, cette question est cruciale !
Tous espéraient du gouvernement auquel vous appartenez des engagements précis. Il serait en effet dommageable de détruire, pour des motifs idéologiques,...
M. Didier Boulaud. Absolument !
M. Gilbert Chabroux. ... un système qui fonctionne.
Permettez-moi de vous demander, monsieur le ministre, le sens précis - budgétaire, si l'on peut dire - de la déclaration que vous avez faite au journal Le Monde le 11 juillet dernier. Qu'entendez-vous exactement par : « veiller à l'insertion des jeunes concernés, mais aussi tenir compte des nouveaux besoins apparus dans certaines associations » ? Est-ce à dire qu'un tri sera réalisé - et alors par quelle instance ? - entre les associations qui répondront à certains critères de votre choix et les autres ? J'appelle l'attention de l'ensemble des élus sur le fait que les associations rejetées ne manqueront pas de se tourner vers nous.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Nous leur rendrons des comptes !
M. Gilbert Chabroux. Nous aurons à assumer sur le terrain les difficultés que recontreront les personnes directement concernées, mais aussi les conséquences économiques et sociales de la suppression de telle ou telle activité. Mes chers collègues, ne risquons-nous pas d'être, si vous me permettez l'expression, les dindons de la farce ? En tant que représentants des collectivités territoriales, nous sommes aussi très inquiets de votre annonce d'une suppression des aides directes : les jeunes et leurs familles ne manqueront pas de vous demander pourquoi nous, élus locaux, refusons aujourd'hui ce que nous acceptions hier, à savoir la création de nouveaux services et de nouveaux emplois. C'est sans doute une manière habile de la part du Gouvernement de se défausser sur les élus locaux,...
M. Didier Boulaud. Très bien !
M. Alain Gournac. Vous l'avez fait !
M. Jean-Guy Branger. Et l'APA ?
M. Gilbert Chabroux. ... mais est-ce bien la méthode Raffarin que d'annoncer la concertation et le partenariat et de prendre ensuite des mesures brutales unilatérales et antisociales, sans aucun dialogue ?
M. Guy Fischer. Bien sûr !
Mme Nelly Olin. C'est faux !
M. Gilbert Chabroux. Monsieur le ministre, avez-vous une telle confiance en vous et en la croissance future que vous preniez le risque de supprimer un dispositif qui fonctionne et qui permet à des jeunes d'acquérir une première expérience professionnelle ?
M. Jean Chérioux. Pseudo-professionnelle !
M. Gilbert Chabroux. Votre nouveau dispositif, pour intéressant qu'il soit pour les jeunes non diplômés, laisse en effet de côté, pour l'avenir, les jeunes titulaires du baccalauréat ou d'un diplôme supérieur.
M. Alain Gournac. Ah oui !
M. Gilbert Chabroux. C'est une question ! Posez-la à ces jeunes, ils vous répondront !
Pour s'en tenir au texte de votre projet de loi, il est juste de reconnaître que le problème des jeunes sans diplôme ni qualification demeure, quelles que soient les solutions préconisées par les différents gouvernements qui se sont succédé.
Les jeunes qui sont en situation d'échec dans le système scolaire ont ensuite le plus grand mal à intégrer le monde du travail, c'est malheureusement une constante, il serait donc tout à fait mal venu de notre part de vous faire un procès d'intention sur ce point, puisque vous affichez d'entrée votre volonté de vous attaquer à ce dossier extrêmement difficile.
Cela serait d'autant plus surprenant que votre dispositif - vous ne pouvez pas l'ignorer, monsieur le ministre - n'est pas sans rappeler l'exo-jeunes, mesure qui avait été mise en place en 1992 par Martine Aubry. Il s'agissait d'ailleurs bien de CDI et non de CDD, contrairement à ce qui a été dit en commission.
Cette exonération n'a connu qu'une brève durée de vie. Elle a été supprimée dès 1993...
M. Didier Boulaud. Par Balladur !
M. Gilbert Chabroux. ... par le gouvernement d'Edouard Balladur, au profit du CIP, le contrat d'insertion professionnelle.
M. Didier Boulaud. Et avec quel succès !
M. Gilbert Chabroux. Nous souvenons-nous du CIP,...
M. Didier Boulaud. Ah oui !
Mme Nelly Olin. Vous avez la mémoire sélective !
M. Gilbert Chabroux. ... qui fut plus que météorique, virtuel,...
M. Didier Boulaud. Pas dans la rue !
M. Gilbert Chabroux. ... si ce n'est, effectivement, dans la rue ?
Mais il ne me semble pas nécessaire de revenir sur ce dernier épisode. L'intérêt des jeunes commande plutôt que nous examinions de façon pragmatique ce qui peut maintenant être fait pour eux, ce qui n'exclut pas de notre part les questions, les remarques et les réserves.
Nous relevons deux points positifs importants dans le texte initial du projet de loi : les contrats de travail seraient des contrats à durée indéterminée...
M. Jean Chérioux. Seront !
Mme Nelly Olin. Oui, seront !
M. Gilbert Chabroux. Attendons d'avoir voté !
... et ils seraient réservés aux établissements de moins de 250 salariés.
Il ne s'agit donc pas, a priori, d'un dispositif purement statistique qui permettrait à des entreprises importantes de disposer d'un volant supplémentaire de main-d'oeuvre précaire.
M. Jean Chérioux. Ce n'est pas une catégorie d'emplois précaires !
M. Gilbert Chabroux. Bien évidemment, votre intention de créer des emplois durables est combattue par le MEDEF, par la voix de M. Seillière, qui croit judicieux de développer systématiquement la précarité !
M. Jean Chérioux. Encore !
M. Didier Boulaud. Oui, encore le baron !
M. Gilbert Chabroux. Il faut bien citer nos sources ! Il est pourtant primordial de donner à ces jeunes des perspectives à moyen et long terme qui leur permettent de sortir de la spirale de l'échec et de bâtir un projet de vie. Or l'emploi stable est l'un des deux ou trois éléments fondateurs de l'insertion d'un jeune dans la société, non seulement en ce qui concerne les règles de la vie quotidienne, mais aussi pour l'acceptation du fonctionnement de notre vie démocratique.
Votre dispositif semble prendre ces données en considération. A nos yeux, c'est un aspect positif, je n'hésite pas à le dire !
Mme Nelly Olin. Très bien !
M. Gilbert Chabroux. Par ailleurs, il se fonde exclusivement sur la croyance en l'efficacité des exonérations de cotisations sociales pour créer des emplois, particulièrement des emplois non qualifiés. Contrairement à vos plus zélés partisans, qui disposent peut-être, contrairement au Premier ministre, d'un petit Livre bleu, je n'adopterai pas de position théologique et définitive sur ce point.
La création d'emplois durables, surtout en direction de ces types de publics, est une affaire complexe qui exige, en réalité, une synergie de moyens.
Certes, les exonérations de cotisations sociales jouent un rôle en la matière, mais elles sont loin d'être les seules.
Notre seule certitude dans ce domaine est que les exonérations contribuent grandement à abaisser, pour les entreprises, le coût du travail non qualifié, mais conduisent à un transfert direct du financement de la protection sociale sur les contribuables, donc sur les ménages. C'est un choix politique.
M. Claude Estier. Absolument !
M. Gilbert Chabroux. Il est, en revanche, beaucoup plus risqué de déterminer de manière chiffrée, comme certains le font avec une sorte de frénésie, le rôle exact des exonérations sur la création d'emplois.
Vous nous permettrez de penser que la croissance, moteur de l'investissement des employeurs en moyens humains et matériels, joue certainement un rôle beaucoup plus fondamental.
M. Guy Fischer. Bien sûr !
M. Gilbert Chabroux. Il en est de même de la formation initiale et continue, et j'y reviendrai.
Vous nous permettrez ainsi de vous rappeler que, s'agissant des jeunes sans diplôme ni qualification, des dispositifs existent déjà, qui ont permis d'obtenir des résultats. Il s'agit, bien sûr, du programme TRACE, qui offre à 70 % de ses bénéficiaires un débouché sur un emploi ou une formation en alternance - avec, maintenant, une bourse d'accès à l'emploi pendant toute sa durée -, sans oublier les contrats en alternance, les contrats d'orientation et d'adaptation, les formations qualifiantes et préqualifiantes.
Les contrats de qualification attirent, quant à eux, un public déjà formé, mais l'apprentissage et la formation sous statut scolaire en lycée professionnel entrent très exactement dans le champ de votre contrat-jeunes.
Dès lors, plusieurs questions, qui ne sont pas minces et auxquelles vous tiendrez sûrement à nous donner réponse, se posent : comment votre dispositif s'insère-t-il dans l'existant ? Envisageriez-vous de supprimer le programme TRACE, comme l'avait fait M. Balladur ?
J'appelle particulièrement votre attention sur ce point : le programme TRACE permet à des jeunes en grande difficulté d'acquérir la formation de base qui leur fait défaut et de réaliser une première insertion sociale. Le bénéfice pour les entreprises est peut-être négligeable, mais il est important sur le plan humain.
Il faut d'ailleurs rendre hommage aux salariés des missions locales, aux éducateurs et aux formateurs, qui réalisent un travail remarquable. Il serait dommage de casser cet outil sous prétexte qu'il n'apporte pas de profit immédiatement mesurable sur un strict plan comptable, comme le veut l'air du temps.
Que vont devenir les contrats de formation en alternance ? Il est regrettable que les partenaires sociaux n'aient pas été consultés sur l'articulation entre ces différents contrats.
Ce nouveau contrat-jeunes ne risque-t-il pas d'agir comme un « aspirateur » sur les effectifs de l'apprentissage et de la formation en lycée professionnel ? La Confédération générale des petites et moyennes entreprises elle-même, citée dans le journal Libération du 11 juillet et par M. Muzeau à l'instant, redoute que « le contrat-jeune, dans sa forme actuelle, ne crée une distorsion de concurrence avec les contrats d'apprentissage et de qualification ».
Cette remarque concerne essentiellement le créneau des jeunes de seize à dix-huit ans qui entrent dans le champ d'application de votre texte.
Nous n'avons pas oublié non plus les cris d'alarme lancés par des proviseurs quand ils s'aperçoivent que des jeunes quittent les établissements scolaires quelques semaines avant l'examen final parce qu'ils ont été débauchés par des employeurs.
M. Didier Boulaud. Absolument !
MM. Guy Fischer et Roland Muzeau. Peugeot, par exemple !
M. Gilbert Chabroux. Cela compromet gravement l'avenir professionnel à long terme de ces jeunes. Comment pourront-ils bien se reconvertir, comme ils devront immanquablement le faire un jour, s'ils ne disposent pas d'une formation de base complète ?
L'intérêt immédiat de l'employeur ne doit pas supplanter l'intérêt à long terme du jeune en formation. (Très bien ! sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
Nous redoutons cependant que le contrat-jeune n'aboutisse à ce résultat, d'autant que ce dispositif ne comprend pas de volet « formation ». C'est une très grave lacune, car il est à craindre que le jeune embauché ne soit ainsi voué à un avenir de travail non qualifié, mal rémunéré, et ne courre le risque non négligeable de retourner à la précarité s'il est licencié. (M. Alain Gournac s'exclame.)
Vous prévoyez que les jeunes bénéficiaires de ce contrat-jeune auront accès à la validation des acquis de l'expérience au bout de leurs trois années de travail. Mais c'est vrai pour tous les salariés de droit privé. C'est vrai pour tout le monde !
M. Alain Gournac. Tant mieux pour eux !
M. Gilbert Chabroux. Rien de spécifique n'est donc prévu pour ces jeunes de seize à vingt-deux ans qui, plus que d'autres, ont besoin de soutien et de formation professionnelle.
M. Alain Gournac. Vous êtes des donneurs de leçons !
M. Gilbert Chabroux. Par exemple, il n'est nulle part fait mention d'un crédit d'heures pour acquérir cette formation.
En d'autres termes, après avoir rapporté à leur employeur, pendant trois ans, une exonération totale, puis partielle, des cotisations sociales, ils ne bénéficieront, en tout et pour tout, que du droit commun.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est un emploi de droit commun !
M. Gilbert Chabroux. Où est l'équilibre ? Où est la contrepartie ?
Le risque est réel que ces jeunes n'accomplissent durant toute leur vie professionnelle des besognes non qualifiées, des tâches sans grandes perspectives personnelles. Ils pourraient constituer une sorte de « sous-salariat » exploité par le patronat, comme le fait observer la CGT.
M. Alain Gournac. C'est mieux que de ne pas avoir de travail !
M. Gilbert Chabroux. Il est vrai, monsieur le ministre - je vous le concède -, qu'ils peuvent être, au départ, rétifs à l'idée d'une formation professionnelle obligatoire et trop scolaire. (Mme Nelly Olin proteste.)
Mais il y a bien d'autres méthodes, tel le tutorat, par exemple, qui permet de transmettre des savoirs et d'aider, d'accompagner le jeune dans sa progression.
En tout cas, les entreprises, elles, ne doivent pas être rétives. Il faut qu'elles aient une véritable obligation de formation. C'est une contrepartie nécessaire.
Je me demande s'il n'y a pas une grave contradiction interne au Gouvernement entre, d'une part, les propos du Premier ministre qui, dans sa déclaration de politique générale, avait mis en avant l'importance de la formation professionnelle et proclamé que « la formation professionnelle est la condition indispensable à l'accès d'un grand nombre de jeunes à la vie active »,...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Cela existe déjà dans le droit du travail ! Ce sera mis en oeuvre !
Mme Nelly Olin. Quel est le problème ?
M. Gilbert Chabroux. ... et, d'autre part, l'absence totale de contenu de ce projet de loi en la matière.
Le divorce est prononcé, il est flagrant !
La remarque du nouveau secrétaire général de la CFDT, citée par Les Echos du 9 juillet dernier, est à cet égard pertinente. Il disait : « On court surtout le risque, faute d'un volet formation, de voir ces jeunes au chômage dans trois ou quatre ans ».
M. Didier Boulaud. Bien sûr !
M. Claude Domeizel. Evidemment !
M. Gilbert Chabroux. En effet, qu'adviendra-t-il d'eux lorsqu'ils cesseront de rapporter des exonérations de cotisations sociales ? Ne risquent-ils pas d'être licenciés sous un prétexte quelconque au terme des trois ans et remplacés par d'autres jeunes ? (Bien sûr ! sur les travées socialistes.)
M. Alain Gournac. Il faudrait les laisser au chômage !
M. Gilbert Chabroux. A cela s'ajoute le fait que l'employeur n'a, cette fois, rien à rembourser.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Pour les emplois-jeunes, il rembourse !
M. Gilbert Chabroux. La CFE-CGC insiste, elle aussi, sur l'obligation d'une formation qualifiante afin d'éviter « les effets d'aubaine » - c'est elle qui le dit - et « la stagnation des jeunes dans les emplois de basse qualification ». (Exclamations sur les travées du RPR.)
Il ne s'agit pas de noircir le tableau !...
M. Jean Chérioux. Si peu !
Mme Nelly Olin. Il l'est bien assez avec l'héritage !
M. Gilbert Chabroux. On peut néanmoins se poser un certain nombre de questions et il est indispensable de prendre des précautions et d'apporter des garanties.
Monsieur le ministre, il semblerait que les dirigeants des petites entreprises agissent en général avec plus de scrupules que les autres, mais, je le répète, le dispositif du contrat-jeune n'est pas clair et pèche par ce que je qualifierai d'« excès d'optimisme ».
Vous le voyez, monsieur le ministre, mon propos soulève de vraies interrogations sur de vrais risques inhérents à tout dispositif de cet ordre.
Ces questions portent sur l'articulation avec l'existant, l'efficacité par rapport au coût, l'avenir des jeunes au-delà de la période de trois ans, leur formation, l'inévitable effet d'aubaine, et elles appellent de votre part des réponses.
Nous prenons acte, en l'état actuel du projet de loi, de la volonté qui semble vous animer de proposer à ces jeunes des contrats à durée indéterminée ; nous ne pouvons considérer cet objectif comme négatif.
Nous sommes en revanche beaucoup plus inquiets de l'absence de tout volet formation, ce qui risque sérieusement d'obérer les perspectives d'avenir de ces jeunes. Nous suivrons donc les débats avec intérêt.
Toutefois, nous n'entendons pas nous opposer a priori à un dispositif qui peut ou devrait pouvoir aider les jeunes à obtenir un premier emploi et à bien démarrer leur vie d'adulte.
Cela dit, il est impératif que ce texte ne soit pas déséquilibré, modifié dans le sens de la précarité à l'occasion de la discussion qui va maintenant s'ouvrir.
Le Gouvernement doit par ailleurs préciser ses intentions sur le panel de mesures existant, surtout les emplois-jeunes et le programme TRACE.
Monsieur le ministre, nous attendons vos réponses. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. M. Chabroux a reproché à la commission de n'avoir pas entendu tous ceux qui auraient dû l'être. Je tiens à préciser à cet égard que M. le rapporteur a auditionné tous les partenaires sociaux. Il semble, par ailleurs, à travers ses propos, que, s'il ne les a pas entendus, M. Chabroux a néanmoins réussi à lire quelques bribes de leurs avis.
Je tiens par ailleurs à remercier M. le ministre qui a accepté, depuis sa nomination, de venir deux fois devant la commission.
Mme Nelly Olin. Tout à fait ! Nous n'étions plus habitués à cela !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Effectivement, et ce sera ma conclusion, nous n'y étions plus habitués ! (Très bien ! sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
En matière de respect de la règle, monsieur Chabroux, permettez-moi enfin d'évoquer un événement. Nous avons dû émettre, par l'intermédiaire de M. le président du Sénat, une vive protestation auprès du Premier ministre de l'époque pour obtenir que le prédécesseur de M. le ministre vienne défendre son budget. La titulaire de ce poste ne souhaitait pas venir devant nous, pas plus d'ailleurs que devant la commission des finances. Mais elle a finalement déféré aux ordres du Premier ministre.
S'agissant des auditions, nous n'avons donc de leçons à recevoir de quiconque ! (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Seillier.
M. Bernard Seillier. Le projet de loi que vous présentez, monsieur le ministre, dénote une claire volonté de s'attaquer à un blocage de notre société. Il instaure un dispositif simple pour inverser la spirale de l'exclusion qui guette de nombreux jeunes de seize à vingt-deux ans, des jeunes qui quittent sans diplôme l'appareil scolaire.
Ayant subi comme une punition la scolarité obligatoire, 60 000 d'entre eux sortent chaque année du système scolaire, souvent bien au-delà de l'âge légal, sans formation générale ou professionnelle suffisante pour postuler au moindre emploi.
Sans vouloir faire de procès précis à qui que ce soit, il faut admettre que le contexte culturel, économique, social, médiatique et spécialement audiovisuel, prépare peu les adolescents aux conditions réelles de la vie active salariée.
Leur connaissance du monde, inspirée par les images dont ils sont nourris, peut leur laisser croire que la vie est jouée d'avance. On réussit ou on échoue ; on aime ou on n'aime pas ; on est fait pour le travail ou pas. C'est une vision mécaniciste de l'humanité, mais aussi manichéenne.
Rejetant toute admiration pour l'école dès qu'ils subissent le moindre échec, certains en sont venus à mépriser ou même à haïr l'institution scolaire. Ils y traînent leur lassitude précoce jusqu'à seize ans révolus ou jusqu'à ce que, plus dociles à l'insistance des parents, arrive le moment du rejet définitif et sans appel du système scolaire, qui met un terme au chemin douloureux des redoublements accumulés au long d'une scolarité démoralisante pour eux-mêmes, pour leurs parents et pour leurs éducateurs. Bienheureux sont-ils si leur santé ne s'est pas dégradée par l'usage de stupéfiants ou par l'alcool au cours de leur douloureuse expérience.
Ce sont ces jeunes qui sont menacés de poursuivre hors de l'école une errance sans but et de devenir les victimes de la spirale de l'exclusion après quelques modestes rebonds, de petits boulots en petits boulots, ce qu'ils appellent « la galère ».
Comment leur redonner une chance en les relançant dans la vie avec une impulsion vigoureuse à la limite de l'utopie ? Tel est le sens, que je perçois clairement, de ce projet de loi.
Il ne s'agit pas de proposer une autre façon de réussir à des adolescents sans histoire, il s'agit d'offrir une chance de vivre à des jeunes sans espoir.
Il ne faudrait pas penser que rien n'a été fait dans ce domaine. Je veux au contraire rendre hommage à tous les bénévoles et à tous les professionnels de l'insertion des jeunes, de la réinsertion sociale ou de l'insertion par l'activité économique. Leur dévouement et leur compétence sont des valeurs précieuses que vous avez vous-même saluées, monsieur le ministre, lors de votre audition par notre commission.
Les dispositifs législatifs et réglementaires mis en place au cours des années ont apporté leur pierre à l'édifice et doivent continuer à être perfectionnés.
Comment ne pas saluer aussi les expériences innovantes, très proches par leur inspiration du texte que nous allons examiner, que sont les opérations de recrutement mises en place conjointement par l'Agence nationale pour l'emploi et l'Association de formation professionnelle pour adultes, à partir de tests d'habileté.
Mais ce projet de loi est plus qu'un perfectionnement, c'est un pari audacieux qui mérite d'être tenté dans l'enthousiasme.
Il vise à inverser le handicap de l'échec de la formation initiale, générale, technologique ou professionnelle, en ouvrant largement et sans conditions, aux jeunes gens dans cette situation la grande porte d'entrée dans la vie active d'emblée, celle du contrat de travail à durée indéterminée.
Ce projet de loi leur offre cette chance, sans diminuer pour autant celle de ceux qui, à l'évidence, sont et resteront toujours mieux préparés par leur formation initiale à une entrée plus facile dans la vie active. C'est une vraie révolution dans un pays où le dogme « hors de l'école, point de salut » reste si prégnant.
Le fait que l'accès à l'emploi est conditionné par la formation préalable est, en effet, difficile à récuser.
L'apprentissage et la formation en alternance ont aménagé marginalement cet accès par la formation simultanée. Votre projet de loi, monsieur le ministre, offre à des jeunes la possibilité de retrouver leur dignité personnelle sans aucun succès scolaire préalable.
Ce n'est pas mépris pour la formation, mais rappel de la véritable hiérarchie des valeurs : celle de la richesse intérieure de la personne, avant celle de son enrichissement par un apport extérieur. Il faut d'abord être pour pouvoir devenir plus.
La formation existe d'abord dans et par la vie elle-même avant d'être un apport à la vie. C'est cette réalité profonde qui est rappelée par cette offre de contrat à durée indéterminée à celui qui n'a pas de formation prédéterminée. Alors, surtout, ne commençons pas par exiger une formation extérieure à la personne avant de lui donner les moyens de rétablir sa confiance en elle-même. Celle qui a la chance de retrouver l'espoir de vivre par son travail découvrira, soyons-en sûrs, le désir d'apprendre dans son travail. Sachons parier sur cette vérité profonde ancrée en chacun de nous.
Mme Nelly Olin. Bien sûr !
M. Bernard Seillier. L'homme doit d'abord trouver en lui-même ses propres dons. C'est à ce niveau que se situe le véritable défi, dès lors qu'il n'y a pas déjà réussi à seize ou à vingt-deux ans.
Aujourd'hui, les dispositifs de formation permanente et la vigilance des partenaires sociaux dans l'entreprise offrent une garantie suffisante, à mes yeux, pour écarter le fantasme anachronique du salarié aliéné à un employeur particulier. En effet, la situation que nous avons à affronter dans le cas qui nous occupe est celle de la recherche d'employeurs prêts à offrir une chance à des jeunes qui se présentent sans qualification.
La vraie question est bien celle de restaurer l'espoir de vivre chez des jeunes menacés par le désespoir. Le contrat-jeune peut être cette nouvelle carte offerte à celui qui pense ne plus en avoir.
Les amendements préparés par notre excellent rapporteur viennent perfectionner le dispositif fondamental du projet de loi. La méthode retenue est juridiquement la meilleure : celle de la convention ou de l'accord collectif de branche. Les points d'appui sont ce que l'expérience de l'insertion a révélé de plus valable : l'accompagnement, le bilan de compétences.
Ici aussi, comme pour la formation, il eut été facile juridiquement de rendre obligatoire le recours à ces méthodes : formation, tutorat ou accompagnement, bilan de compétences. Il est facile de légiférer sur les bons principes. On peut se donner cette bonne conscience. Mais elle risque de tuer la conscience tout court, celle de la situation à inverser.
L'emploi, c'est la vie ; la formation, c'est aussi la vie ; l'accompagnement, c'est non seulement la vie, mais c'est aussi la fraternité ! Je crois qu'aujourd'hui ces réalités sont suffisamment vécues et intégrées dans la conscience de tous ceux qui auront le courage d'offrir des contrats à durée indéterminée à des jeunes sans qualification déterminée pour que la condition de leur succès soit aussi fondée sur une marge de liberté et de confiance laissée aux employeurs potentiels.
Ce projet de loi est d'abord un appel à la fraternité du personnel d'encadrement des entreprises et des associations. Il ne peut pas faire des jeunes demandeurs d'emploi sans qualification des victimes : ils le sont déjà ! Dans la situation où ils se trouvent, ils ne pourront pas réussir durablement dans la vie active sans recevoir une formation et bénéficier d'un accompagnement. On peut prendre ce pari.
Ce qui leur manque pour commencer, c'est une offre d'emploi. C'est sur ce point décisif que ce projet de loi peut être efficace. La compensation financière offerte aux employeurs qui entendront cet appel à la fraternité et au civisme n'est pas une aubaine. Ce n'est que la contrepartie apportée pour que l'effort qui leur est demandé, ainsi qu'à leur personnel déjà qualifié, ne relève pas de l'héroïsme.
C'est pourquoi les sénateurs qui ne figurent sur la liste d'aucun groupe m'ont tous dit qu'ils voteront, comme moi, avec conviction ce projet de loi, ainsi que les amendements présentés par notre excellent rapporteur, Louis Souvet, au nom de la commission des affaires sociales. (Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que certaines travées du RDSE.)
M. Alain Gournac. Bravo, monsieur Seillier !
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Carle.
M. Jean-Claude Carle. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lors de son entretien télévisé, le 14 juillet dernier, le Président de la République a indiqué que le temps de l'action et de la responsabilité était venu.
Avec le projet de loi que vous nous présentez, monsieur le ministre, le Gouvernement démontre sa volonté d'apporter sans tarder une réponse à l'une des principales préoccupations de nos compatriotes.
En effet, pendant la campagne présidentielle, puis celle des élections législatives, les électeurs nous ont dit que l'emploi figurait au premier rang de leurs attentes, avec la sécurité et la baisse des impôts. Sur ces trois points, le Gouvernement tient les engagements pris par le Président de la République.
Monsieur le ministre, votre projet de loi présente à nos yeux trois qualités sur lesquelles je reviendrai brièvement : il prévoit une mesure rapide, simple et lisible ; il rompt avec vingt ans d'erreurs ou d'errance en la matière ; il adresse un signal fort aux jeunes et aux entreprises.
Tout d'abord, il s'agit d'une mesure rapide, simple et efficace. Ce dispositif de soutien à l'emploi des jeunes en entreprise a été mis au point en quelques semaines, sans pour autant sacrifier le nécessaire dialogue avec les partenaires sociaux.
A l'exonération des charges, qui aurait nécessité de renégocier les conventions avec plus de 70 organismes, a été préférée la couverture intégrale par l'Etat, gérée par l'UNEDIC. Ainsi les jeunes qui ont le plus de difficultés, faute d'une qualification suffisante, pourront très vite accéder à un emploi.
Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement. Nul besoin d'une circulaire de 165 pages pour comprendre l'intention du Gouvernement, comme c'était le cas avec la loi Aubry sur les 35 heures. Fini également le temps des lois fourre-tout chères à Mme Guigou ! (Rires et marques d'approbation sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. Alain Gournac. C'est vrai !
M. Jean-Claude Carle. En deux articles, monsieur le ministre, votre projet de loi fixe un principe : l'Etat couvre les charges des entreprises pour l'embauche de jeunes en contrat à durée indéterminée. Aux entreprises, ensuite, de préciser entre elles comment valider les acquis des jeunes et assurer leur participation aux actions de formation.
Autre qualité : l'effort du Gouvernement est ciblé sur les jeunes sans qualification ou avec une faible qualification, c'est-à-dire ceux qui sont le plus exposés au chômage et qui restent très souvent sur le bord du chemin.
Si j'insiste sur ce dernier point, c'est parce que le Gouvernement a su tirer les leçons de l'expérience des emplois-jeunes. Dans un certain nombre de cas, ces emplois subventionnés ont permis à des jeunes de mettre le pied à l'étrier, voire, comme dans le secteur éducatif ou associatif, de susciter de nouveaux services.
Globalement, ils ont cependant provoqué des déceptions à la mesure des espoirs suscités : déception des jeunes sans qualification qui se sont vu préférer des jeunes diplômés ; déception des jeunes diplômés qui, très vite, ont compris que les emplois-jeunes n'offraient d'autre perspective que celle d'une fonction publique de seconde zone ; déception - inquiétude, dirais-je même - de nos collègues élus locaux qui avaient vu dans les emplois-jeunes une aubaine. Faute de moyens financiers suffisants et de marge de manoeuvre fiscale, nombreuses sont les communes qui se demandent aujourd'hui comment pérenniser ces emplois ou en sortir. Preuve, s'il en était besoin, que l'enfer peut être pavé des meilleures intentions !
Or n'oublions pas que, au bout du compte, il y a ces jeunes et leurs familles qui espèrent. Comme vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, nous n'avons pas le droit de les décevoir.
Vous nous proposez de vrais emplois plutôt que de faux espoirs.
Vous nous proposez de vrais emplois plutôt que des emplois au rabais, c'est-à-dire des contrats de droit commun avec un salaire rémunérant un travail effectif et non pas un poste d'agent de la fonction publique sans titre ni fonction.
Vous nous proposez de vrais emplois plutôt que des emplois précaires, c'est-à-dire des contrats à durée indéterminée et non pas des emplois suspendus à l'aide provisoire de l'Etat. C'est toute la différence avec le « socialisme providence », tel que nous l'avons vécu ces dernières années.
En entendant les collègues socialistes et communistes qui m'ont précédé à cette tribune, je me dis qu'ils n'ont décidément pas entendu le message que les Français nous ont adressé lors des dernières élections. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR. - Protestations sur les travées socialistes.)
A vous entendre, mes chers collègues, le bilan de la gauche plurielle est bon. Ce sont les Français qui n'auraient rien compris. Cela nous rappelle quelque chose : « puisque le peuple se trompe, changeons le peuple ! » (Sourires sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Mais interrogez-vous : si la politique du gouvernement Jospin était si bonne, pourquoi le taux de chômage des jeunes est-il de 18 %, un taux parmi les plus importants en Europe ? Pourquoi le taux de chômage des jeunes sans qualification est-il de 31 % ? Pourquoi, chaque année, 60 000 jeunes sortent-ils du système éducatif sans qualification ?
En vérité, nous n'avons pas la même conception des choses.
Avant de redistribuer les richesses, comme vous le préconisez, il faut commencer par les créer. Or qui, sinon les entreprises, créent les richesses dans notre pays ?
L'Etat n'est pas là pour se substituer à elles ; il est là pour créer les conditions favorables au développement de leurs activités, et donc à l'emploi. Ce projet de loi y contribue en donnant aux entreprises un outil simple et efficace.
Mais il n'y a pas que cela. Notre débat n'est pas seulement économique. Comme Bernard Seillier vient de le rappeler, il est avant tout humain. Et là non plus, nous ne voyons pas les choses de la même manière que vous, chers collègues de gauche.
A confondre égalité et égalitarisme, solidarité et assistanat, à vouloir à tout prix faire le bonheur des gens malgré eux, vous méconnaissez ce qu'il y a de plus fondamental dans la personne humaine, ce qui fonde sa dignité et son autonomie, ce qui nourrit sa volonté et sa capacité à prendre son avenir en main. Toutes les aides de l'Etat, dans ce domaine, n'y changeront rien.
Rien de plus choquant, à nos yeux, que cette proposition d'un RMI jeune lancé par le candidat Jospin pendant la campagne présidentielle. Rien de plus choquant que cette vision d'une jeunesse française présumée en situation d'échec, une jeunesse qui n'aurait pas d'autre avenir que celui d'être assistée !
Vous vouliez donner de l'argent aux jeunes. Nous, nous voulons les aider à trouver du travail, à réussir leur vie professionnelle. Nous pensons au contraire que le travail, loin d'être une contrainte ou un facteur d'asservissement, est un facteur essentiel d'identité, d'épanouissement et d'enracinement dans la société. Pour nous, l'entreprise, c'est aussi une aventure humaine, ce sentiment d'appartenance à une même équipe qui peut permettre aux jeunes, a priori en difficulté, de trouver leur place et donc de réussir leur vie.
A tous ces points de vue, votre projet, monsieur le ministre, envoie un premier signal fort aux jeunes et aux entreprises. Un premier pas important est ainsi franchi. Mais, monsieur le ministre, mes chers collègues, il reste beaucoup à faire pour que travailler redevienne plus intéressant, plus motivant, que d'être inactif. Pour cela, il faut que les revenus du travail rapportent plus que les revenus de l'assistance. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. Jean-Guy Branger. Bravo !
M. Jean-Claude Carle. La prime pour l'emploi instituée par le précédent grouvernement n'a pas permis d'y parvenir.
Quand un arboriculteur me dit qu'il est obligé de faire venir de la main-d'oeuvre étrangère pour la récolte parce qu'aucun demandeur d'emploi « français » ne veut faire un travail aussi pénible pour un salaire aussi faible, je m'interroge. Quand ce même arboriculteur me dit qu'il voit des demandeurs d'emploi envoyés par l'ANPE rester une journée, voire une simple matinée, et lui demander le coup de tampon pour l'ANPE avant de s'en aller, je m'interroge.
Des témoignages comme celui-ci, chacun de nous pourrait en citer des dizaines, pour avoir vécu de telles situations ou en avoir entendu parler dans son département.
Si j'ai choisi cet exemple, monsieur le ministre, c'est pour souligner le fait que les emplois saisonniers ne sont pas pris en considération dans votre texte, alors qu'ils constituent une activité et une source de revenus importantes, pour les étudiants notamment.
A l'heure où certains s'interrogent sur l'opportunité d'instaurer un revenu étudiant, je pense que mieux vaudrait créer les conditions d'un vrai salaire. Le travail ne manque pas, les volontaires désireux de financer leurs études non plus. Sans doute faudrait-il envisager avec le Gouvernement des solutions appropriées à ce problème spécifique.
M. Jean-Guy Branger. Très bien !
M. Jean-Claude Carle. Il reste aussi beaucoup à faire pour améliorer les dispositifs d'orientation scolaire et professionnelle.
Plus de 50 % des produits que nous consommons et des métiers que les jeunes exerceront dans les dix prochaines années n'existent pas encore. Créer les conditions favorables à l'embauche est une chose, mais ne pourrait-on se donner pour objectif d'orienter les jeunes vers des métiers d'avenir, là où des perspectives de qualification et des débouchés existent ?
Cela m'amène naturellement à la formation.
Alors que nous réfléchissons aux moyens d'aider des jeunes sans qualification à trouver du travail, les entreprises, elles, ne parviennent pas à recruter des jeunes formés ou prêts à se former. Cela est particulièrement vrai pour le secteur du bâtiment et des travaux publics, la restauration et les métiers de bouche.
Vous n'avez pas souhaité conditionner le bénéfice des « CDI à charge zéro » à une obligation de formation. Dans le cas de jeunes réfractaires au système scolaire, on peut le comprendre. Encore que l'apprentissage, pour ne citer que cet exemple, offre un espace dans lequel, bien souvent, des jeunes en situation d'échec trouveraient à s'affirmer.
Nos collègues socialistes critiquaient à l'instant le projet de loi en soulignant l'absence d'obligation de formation. Que je sache, il n'y en avait pas non plus dans les emplois-jeunes !
M. Alain Gournac. Absolument !
M. Jean-Claude Carle. Il est clair surtout qu'il existe déjà, dans le cadre des contrats de qualification et de la formation par alternance, d'autres formules pour prendre le relais quand le jeune titulaire d'un CDI aura pris ses marques dans l'entreprise. Autant ne pas en créer une nouvelle qui leur ferait concurrence.
En revanche, il me paraît nécessaire de veiller à un bilan de compétences relativement régulier. Car la réussite de votre projet ne se mesurera pas seulement au nombre de CDI signés à court terme ; elle se mesurera aussi, à plus long terme, à l'expérience et à la qualification acquise par chaque jeune.
M. Jean Chérioux. Très bien !
M. Jean-Claude Carle. J'avais songé à en faire la proposition par voie d'amendement. Mais, plutôt que de créer un énième observatoire, je vous pose la question, monsieur le ministre : ne pouvez-vous prendre devant nous l'engagement de produire chaque année un bilan d'étape avec, à la clé, la possibilité de faire évoluer le dispositif ?
M. Alain Gournac. Très bien !
M. Jean-Claude Carle. Il faudra bien, un jour où l'autre, mettre en relation politique économique, politique sociale et politique éducative, afin de répondre en même temps au projet du jeune et aux besoins de notre économie.
C'est enfin admettre qu'il existe aussi une intelligence de la main et du geste, qu'il faut donner à l'enseignement professionnel toute sa place. Mieux vaut un jeune électricien, un jeune boulanger ou un jeune plombier qui pousse la porte d'une entreprise plutôt qu'un jeune titulaire d'un bac + 6 qui pousse celle de l'ANPE !
Dans le même ordre d'idée, il faudra faire le lien avec les politiques contractuelles, très souvent efficaces, mises en place sur le plan local, notamment par les régions ; vous êtes bien placé pour le savoir. Il y a là un savoir-faire, des ressources et des synergies qui ne demandent qu'à être exploités.
Enfin, il reste beaucoup à accomplir pour simplifier et rendre transparent l'ensemble du dispositif législatif et réglementaire de soutien à l'emploi : emplois-jeunes, programme TRACE, missions locales, tremplins pour l'emploi... trente-quatre formules différentes d'allégement des charges, et j'en passe ! Avec ses réformes qui se superposent les unes aux autres et se sédimentent année après année, ce n'est plus un code du travail, c'est un véritable mille-feuilles !
Que votre projet de loi vise d'abord les PME est une excellente chose. Prenons garde cependant au problème d'encadrement que nécessite la formation des jeunes. Les petites et les très petites entreprises risquent de ne pouvoir apporter aux jeunes le tutorat dont ils ont besoin. Voilà pourquoi je rejoins la commission des affaires sociales, qui propose de supprimer l'effet de seuil fixé à 250 salariés et d'étendre le bénéfice du projet de loi aux entreprises de plus grande taille.
Fort de ces quelques remarques, vous pourrez naturellement, monsieur le ministre, compter sur le soutien des sénateurs du groupe des Républicains et Indépendants, qui voteront ce projet de loi, complété par les propositions de la commission des affaires sociales.
Je salue le président et le rapporteur de la commission pour l'excellent travail qu'ils ont effectué en faveur des jeunes. En effet, comme l'écrivait Robert Debré : « Nos enfants, c'est notre éternité. » (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Annick Bocandé.
Mme Annick Bocandé. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'une des premières mesures concrètes prises par notre nouveau gouvernement prévoit la création d'un contrat sans charges sociales, diminuant ainsi le coût du travail pour les entreprises, afin de favoriser l'embauche des jeunes peu ou pas qualifiés.
Ce projet de loi répond à une attente profonde de notre société, qui ne peut admettre que 60 000 jeunes sortent chaque année du système scolaire sans aucune qualification, ayant trop souvent comme seul avenir les emplois précaires ou, pis, le chômage de longue durée.
C'est le constat de l'inadéquation de notre système scolaire avec les réalités du monde du travail d'aujourd'hui.
Cela relance le débat autour de l'orientation beaucoup plus précoce des jeunes en difficulté scolaire et le développement d'autres filières de formation, notamment l'apprentissage, et plus généralement les formations par alternance, formations qui, rappelons-le, ont été malheureusement fragilisées ces dernières années.
J'espère, monsieur le ministre, que le Gouvernement va rapidement s'intéresser à cette question et, par une politique dynamique clairement exprimée, permettre que le travail manuel retrouve enfin l'image positive qu'il n'aurait jamais dû perdre aux yeux des jeunes et de leur famille. C'est en effet une voie d'intégration sociale sûre qui correspond à une demande pressante des employeurs, notamment des artisans qui trouvent difficilement une main-d'oeuvre compétente et s'inquiètent pour la pérennité de leur entreprise.
Aujourd'hui, vous nous proposez, monsieur le ministre, un dispositif qui offre beaucoup d'avantages.
Sur la forme, tout d'abord : très clair dans sa présentation, il est en rupture avec les textes précédents, dont la complexité pouvait faire hésiter. Cette simplicité est sans aucun doute un gage d'efficacité.
Sur le fond, ensuite : il s'adresse aux entreprises du secteur privé, offrant de véritables emplois à durée indéterminée permettant à ces jeunes âgés de seize à vingt-deux ans, peu ou pas qualifiés, de s'insérer durablement dans l'entreprise.
Parmi les réserves émises sur ce texte, il est souvent fait référence à un « effet d'aubaine » pour les entreprises. Celui-ci sera sans aucun doute limité par les difficultés auxquelles ces dernières vont se heurter en embauchant des jeunes peu ou pas qualifiés, qui sont souvent socialement défavorisés et qui manquent de confiance, voire de motivation, du fait de leur parcours chaotique.
Ce sera donc pour les entreprises un acte citoyen d'assumer cette responsabilité et de permettre ainsi à ces jeunes de s'insérer et de retrouver confiance en eux-mêmes et en la société.
Il me paraît également important de rappeler que l'entreprise est un lieu de formation pratique, dans lequel ces jeunes pourront bénéficier, s'ils le désirent, au même titre que les autres salariés, de formations complémentaires. Je me félicite d'ailleurs qu'un amendement de M. le rapporteur, au nom de la commission, aille dans ce sens.
Je souhaite qu'une véritable complémentarité se crée entre ce texte, qui permet aux jeunes d'accéder à l'emploi, et les dispositifs existants de formation continue par alternance au sein des entreprises, notamment les contrats de qualification jeunes.
Faut-il rappeler que, si la formation est un atout pour le salarié, qui doit s'adapter à son environnement professionnel, c'est aussi un capital irremplaçable pour l'entreprise que d'avoir du personnel bien formé.
Faisons donc confiance aux entreprises pour mettre en place les conditions nécessaires à leur réussite, réussite qui passe aussi par la formation de leurs salariés et, éventuellement, de ces jeunes peu qualifiés. Faisons confiance à la négociation dans les entreprises et dans les branches professionnelles pour en définir les modalités.
Quoi qu'il en soit, le dispositif de validation des acquis de l'expérience offre la possibilité à ces jeunes de faire reconnaître leurs nouvelles compétences professionnelles.
Le texte que vous nous proposez, monsieur le ministre, est, par sa nature, extrêmement différent de la philosophie qui a prévalu à la mise en place des emplois-jeunes, dont seulement 20 % ont conduit à des contrats à durée indéterminée, alors que 80 % des jeunes concernés étaient au minimum titulaires du baccalauréat.
Il est temps de sortir de cette logique de créations d'emplois financés sur les ressources publiques et de faire en sorte que la France ne détienne plus ce triste record à l'échelon européen, à savoir que 32 % de jeunes sans diplôme sont au chômage.
Je souhaite très sincèrement, monsieur le ministre, que ce projet réussisse et conduise 200 000 jeunes peu ou non qualifiés à une réelle intégration professionnelle et sociale.
C'est pourquoi, avec le groupe de l'Union centriste, je voterai ce texte excellemment amendé par M. le rapporteur, au nom de la commission des affaires sociales. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Alain Gournac.
M. Alain Gournac. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, laissez-moi tout d'abord vous exprimer ma satisfaction de voir se réaliser enfin ce que je prône avec d'autres, et en vain, depuis cinq ans : soutenir l'embauche dans le secteur marchand, donc concurrentiel, de nos jeunes sans qualification ou à faible niveau de formation, grâce à un abaissement massif des charges salariales patronales, et ce pour leur permettre de trouver un premier emploi dans le monde du travail au sein de nos entreprises.
En effet, en septembre 1997, lors de l'examen du projet de loi relatif aux emplois-jeunes, je disais ceci au ministre : « Nous avons créé des emplois-villes qui ont très bien fonctionné. Le contrat initiative-emploi a été étendu aux jeunes sortis du système éducatif sans qualification, et nous avons aidé le développement de l'apprentissage. Mais toujours dans le secteur marchand. »
J'avais déposé plusieurs amendements pour limiter les effets pervers du texte relatif aux emplois-jeunes. L'un en particulier tendait à ce que ceux-ci soient en priorité réservés aux non-diplômés. Un autre visait à ce qu'ils débouchent sur une véritable insertion dans le marché du travail par la pérennisation de l'emploi, qui devait être transféré au secteur marchand à l'issue du contrat de cinq ans.
En juin 1998, j'étais rapporteur de la proposition de loi tendant à alléger les charges sur les bas salaires, déposée sur l'initiative de Christian Poncelet, alors président de la commission des finances.
Je préconisais une généralisation progressive des baisses de charges en fonction de la proportion des bas salaires et du nombre de travailleurs manuels dans chaque entreprise.
En décembre 1998, dans le volet emploi du projet de loi de finances pour 1999, j'intervenais à nouveau pour faire remarquer au Gouvernement qu'il n'avait pas choisi la bonne approche pour lutter contre le chômage. J'insistais sur le fait que, dans tous les pays industrialisés, une baisse du chômage avait été constatée grâce à la création d'emplois dans le secteur privé. Je préconisais encore la réduction des charges sur les bas salaires, dont l'efficacité était démontrée dans de nombreux pays voisins.
En octobre 2000, j'étais rapporteur du bilan à mi-parcours des emplois-jeunes. Nous savions alors que l'objectif des 350 000 emplois-jeunes dans le secteur privé resterait malheureusement lettre morte.
Par ailleurs, le texte avait manqué sa cible puisque, tout en reconnaissant l'effet quantitatif certain du dispositif, j'avais indiqué que 60 % des jeunes concernés avaient au moins le baccalauréat, dont 33 % avaient suivi des études supérieures. Seuls 23 % étaient sans qualification.
En décembre 2000, dans le volet emploi du projet de loi de finances pour 2001, je préconisais une nouvelle fois une baisse massive des charges sociales afin de favoriser le retour à l'emploi.
J'insistais alors sur le multisalariat, cher à mon ami André Jourdain, et sur la prime dégressive à l'embauche pour le retour des emplois-jeunes dans le secteur marchand. En effet, nous étions dans une situation de pénurie de main-d'oeuvre dans de nombreux secteurs et nous le sommes encore aujourd'hui.
J'insistais sur le fait qu'il était impératif de baisser le coût du travail. C'était une nécessité pour les entreprises, afin de défendre leur compétitivité. C'était aussi, et cela le demeure, une recommandation de la Commission européenne.
En décembre 2000 également j'intervenais, en tant que rapporteur de la proposition de loi permettant de faire face aux pénuries de main-d'oeuvre et de lever les obstacles à la poursuite de la croissance économique.
Cette proposition, signée par plus de 120 sénateurs, préconisait, entre autres, la baisse des charges sociales pour que les chômeurs retrouvent le chemin de l'emploi.
En avril 2001, rapporteur pour plusieurs articles du projet de loi de modernisation sociale, je souhaitais introduire un nouveau volet sur les emplois-jeunes.
J'avais proposé de créer une passerelle entre les emplois-jeunes et le secteur marchand, en instituant une prime dégressive à leur embauche par un nouvel employeur, bien entendu sous certaines conditions et grâce à un « basculement » partiel de l'aide publique. L'entreprise intéressée devait proposer un contrat à durée indéterminée. Les jeunes concernés étaient de niveau V, V bis et VI, ceux-ci constituant déjà les publics prioritaires, car les plus touchés par le chômage et la mauvaise politique de l'emploi. Le gouvernement de M. Jospin n'avait pas jugé utile d'examiner cette proposition.
Monsieur le ministre, ne voyez aucun signe d'autosatisfaction dans cette énumération.
M. Roland Muzeau. Ah bon !
M. Alain Gournac. Je suis simplement heureux de ne plus m'exprimer systématiquement dans le désert et que soit enfin mise en oeuvre une politique qui s'inscrit dans la réalité et dans l'action.
M. Roland Muzeau. Vous auriez dû être ministre ! (Sourires.)
M. Alain Gournac. Je tiens à vous féliciter pour avoir élaboré, en si peu de temps, ce que nous, majorité sénatoriale, réclamions depuis cinq ans. Le choix des jeunes de seize à vingt-deux ans, sans qualification ou avec une qualification de niveau V, me semble tout à fait approprié, puisque nous savons que ceux-ci connaissent malheureusement le taux de chômage le plus élevé : 32 % en 2002.
C'est exactement vers cette population jeune, sans diplôme et rétive à tout enseignement professionnel « classique » que nous devons concentrer nos efforts. Les faire entrer dans les entreprises qui sont confrontées aux pénuries de main-d'oeuvre est judicieux.
Ce texte répond aux attentes de toute une catégorie de jeunes qui, sortis du système scolaire, ne veulent pas y retourner et ont le désir de s'insérer directement dans une entreprise. Il faut leur permettre une première embauche en contrat à durée indéterminée dans une entreprise, sans passer par des « petits boulots », des stages « parking », des heures d'attente dans les locaux de l'ANPE. C'est l'une des meilleures opportunités que l'on peut leur offrir. A eux de faire leurs preuves, mais nous leur donnons une chance. Bien entendu, il leur faudra de la formation, un tuteur, mais faisons enfin confiance aux partenaires sociaux et à nos entreprises, dont l'intérêt est de rendre ces jeunes opérationnels et de les garder.
En leur proposant un contrat à durée indéterminée, on leur offre un emploi solvable et non pas un emploi « fabriqué », contrairement à ce que le gouvernement socialiste a fait précédemment.
De plus, il ne s'agit pas d'un emploi précaire, puisque les contrats à durée déterminée ne sont pas concernés. Il s'agit bien d'un contrat de travail de droit commun, l'Etat se bornant à accompagner les trois premières années de travail et à encourager les entreprises à s'investir dans l'insertion des jeunes dans le monde de l'entreprise.
Ainsi, en accomplissant cela, on permet aux jeunes non seulement de se réaliser professionnellement, mais aussi de trouver leur place dans la société. Car ce projet de loi assure aussi la réalisation personnelle des jeunes qui en bénéficieront. Avoir un emploi, pour chacun de ces jeunes, c'est aussi exister, s'insérer, trouver sa place dans une société où enfin il se sentira accueilli.
Je tiens à saluer ici tout particulièrement l'excellent travail accompli par notre rapporteur, M. Louis Souvet. Les propositions qu'il défend au nom de la commission des affaires sociales enrichissent le texte qui nous est soumis et renforcent la portée du dispositif.
La commission se fixe trois objectifs : premièrement, la consolidation de la sécurité juridique du dispositif pour assurer sa lisibilité ; deuxièmement, l'extension de la mesure à toutes les entreprises ; troisièmement, la mise en place de l'accompagnement du jeune dans l'entreprise.
Enfin, et c'est un aspect auquel je tiens personnellement beaucoup, ce projet de loi s'attache à faciliter au maximum l'accès au bilan de compétences, qui est un excellent moyen d'établir un plan d'action professionnel pour ces jeunes sans qualification, en définissant leurs besoins personnels.
Je tenais à saluer également, monsieur le ministre, votre volonté tenace et, je dois le dire, extrêmement courageuse, de mettre en place un système simple et lisible pour tous.
M. Roland du Luart. C'est novateur !
M. Alain Gournac. Oui, c'est nouveau !
Un des pires ennemis de l'emploi, en effet, est la complexité des dispositifs mis en place pour l'encourager. La législation est devenue tellement complexe qu'elle fait surtout la fortune des consultants.
M. Jacques Legendre. Eh oui !
M. Alain Gournac. Notre pays a avant tout besoin de messages clairs et de dispositifs simples et lisibles afin de libérer notre économie et d'encourager la croissance. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard.
Mme Valérie Létard. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le projet de loi dont nous débattons aujourd'hui répond à un souhait très largement partagé par tous les jeunes : accéder à un emploi stable, normalement rémunéré, leur permettant d'avoir un logement, d'assumer une vie de couple à leur guise et de ne plus être dépendants.
Les jeunes les plus diplômés parviennent plus aisément et plus rapidement à ce résultat. Il paraît donc légitime que la collectivité concentre ses efforts sur ceux qui rencontrent les plus grandes difficultés. En centrant votre dispositif sur les jeunes de seize à vingt-deux ans d'un niveau d'études inférieur au baccalauréat, en leur offrant la possibilité d'accéder à un contrat de droit commun à durée indéterminée, loin de la spirale des emplois précaires, vous avez, monsieur le ministre, déterminé un coeur de cible parfaitement pertinent.
Abaisser le coût du travail de ces jeunes non qualifiés constituera, pour les entreprises, une incitation réelle à l'embauche. Pourtant, ne nous y trompons pas : si l'on veut que ces embauches se développent et se pérennisent avec suffisamment d'ampleur, il faudra que ces jeunes puissent répondre aux besoins légitimes de leurs employeurs, donc qu'ils soient efficaces, autonomes et productifs. Or la plupart des jeunes que peuvent rencontrer les responsables des missions locales pour l'emploi constituent un public plutôt volatil, parfois instable, confronté à de multiples difficultés pour se loger, se déplacer et se soigner. Et ce sont ces jeunes, souvent issus de quartiers sensibles, qui seront majoritairement concernés par cette mesure.
Peut-on raisonnablement demander à une entreprise de prendre en charge tous les aspects de l'environnement social de son jeune employé ? Cela ne me paraît ni possible ni souhaitable. Autant, en effet, il importe qu'un effort soit fait au sein de l'entreprise pour mettre en place des formes souples de tutorat, pour transmettre les savoir-faire indispensables - vous l'avez vous-même évoqué lors de votre audition par notre commission, monsieur le ministre -, autant les autres difficultés que peuvent rencontrer ces jeunes doivent être résolues hors de l'entreprise.
M. Philippe Arnaud. Tout à fait !
Mme Valérie Létard. C'est pourquoi il me semble indispensable que le jeune, lorsque sa situation l'exige, puisse bénéficier d'un accompagnement social en liaison avec l'entreprise durant les six premiers mois dans son nouvel emploi. Il pourrait ainsi être aidé pour aplanir toutes les démarches - en matière de logement, de couverture sociale ou de santé - que son changement de vie pourrait entraîner. Les correspondants des missions locales pour l'emploi pourraient, me semble-t-il, assurer ce soutien extérieur. Il suffirait, pour ce faire, d'utiliser les procédures et les moyens humains qui ont été prévus pour mettre en oeuvre le programme Trajet d'accès à l'emploi, ou programme TRACE, en en revoyant, au besoin, certaines modalités.
Il s'agit de donner ou de redonner à ces jeunes qui se sentent laissés pour compte le goût de l'activité professionnelle et la fierté du travail accompli. Je comprends, et j'approuve, le souci de ne pas imposer de contraintes en matière de formation à des jeunes souvent sortis du système scolaire rebelles à toute forme d'enseignement théorique. L'expérience acquise dans l'entreprise devrait les amener, dans un second temps, à vouloir acquérir de nouvelles compétences. Il sera alors temps de leur proposer une formation, éventuellement en alternance.
Comme l'a fort bien dit notre rapporteur, ces mesures viennent en complément de l'ensemble des dispositifs existants. Le texte ne s'y oppose pas, bien au contraire ; il offre une autre approche en permettant l'entrée directement dans l'emploi.
Le texte proposé est souple, ce qui devrait permettre une application sans difficultés ni complications extrêmes. Il répond à notre souci de privilégier des lois simples et lisibles.
Néanmoins, il serait souhaitable - et je rejoins M. Carle sur ce point, monsieur le ministre - de prévoir une évaluation au bout d'un an afin d'ajuster la mise en oeuvre du dispositif aux problèmes qui pourraient éventuellement se présenter.
Par ailleurs, les travaux de la commission nationale pour l'autonomie de la jeunesse, auxquels j'ai participé, ont montré le besoin urgent de mettre en cohérence la multiplicité des dispositifs existants pour les jeunes ; je pense ici aux initiatives des collectivités territoriales, qui s'ajoutent aux diverses aides nationales, parfois contradictoires. Un travail de rationalisation de ces mesures doit être mené, bien évidemment en concertation avec l'échelon local. Je souhaite que le Gouvernement ouvre rapidement ce chantier.
Comme mes collègues du groupe de l'Union centriste, je voterai ce texte avec la conviction qu'il représente une réelle avancée dans l'accès des jeunes à un emploi durable. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau.
M. Gérard Delfau. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le texte qui nous réunit aujourd'hui a pour ambition de contribuer à résorber le chômage des jeunes les plus exposés, à savoir les jeunes de seize à vingt-deux ans sans qualification ou d'un niveau inférieur à celui du baccalauréat. L'objectif affiché par le Gouvernement est de créer 300 000 emplois sur trois ans. On devine sans peine la volonté de répondre par une initiative symbolique au geste fort accompli par le précédent gouvernement quand il a proposé la création du dispositif des emplois-jeunes.
J'ai soutenu, en son temps, ce dispositif-là, et je considère aujourd'hui avec intérêt un contrat-jeune qui s'adresse de façon ciblée aux jeunes éprouvant les plus grandes difficultés à entrer dans le monde du travail, faute d'une qualification ou d'un diplôme.
En fait, les deux dispositifs sont complémentaires, et, si l'on souhaite faire baisser durablement et massivement le chômage des jeunes, chacun d'eux a son utilité indiscutable.
D'où ma première question : votre dispositif, monsieur le ministre, a-t-il pour vocation de se substituer à celui des emplois-jeunes et, pour parler franc, le financement de l'un, celui des contrats-jeunes, se fera-t-il au détriment de l'autre, celui des emplois-jeunes ?
Plusieurs dizaines de milliers de collectivités locales et d'associations attendent avec inquiétude votre réponse au moment où se prépare le projet de loi de finances pour 2003. Votre silence serait difficilement acceptable pour le Sénat, qui doit être informé au moment où s'engage cette discussion.
Mais revenons à votre projet de loi.
Le choix du public, nos jeunes en échec scolaire, est judicieux. De même, la forme du contrat de travail, le CDI, est un atout indiscutable, et elle permet aux jeunes salariés d'avoir accès aux mêmes droits ou presque que les autres agents de l'entreprise. Mieux, elle inscrit leur parcours dans la durée et dans la stabilité, comme vous l'avez vous-même souligné.
Pourtant, surgit ici une deuxième interrogation : quelle garantie aura le jeune embauché quant à la pérennité de son emploi au-delà de la période d'exonération complète ou partielle des charges salariales et patronales ? N'y a-t-il pas un risque d'effet d'aubaine pour l'entreprise qui créerait un turnover de jeunes salariés afin de bénéficier à plein et continûment de l'effort financier attaché à ces postes de travail ?
Troisième question : qu'en est-il du risque de « cannibalisation », selon le terme consacré, que ce dispositif fera subir aux autres modes d'insertion, ceux de l'alternance ou, plus pervers encore, par rapport au public des lycées professionnels, qui ont déjà tant de mal à recruter des élèves ?
Certes, me répondrez-vous, les jeunes concernés par votre dispositif sont rétifs à la formation et donc en dehors de ces établissements. Soit ! Mais le danger demeure.
En effet, que feront les jeunes qui suivent une filière d'apprentissage ou de qualification ? Pensez-vous qu'ils choisiront de rester en formation s'ils peuvent bénéficier d'un CDI payé au SMIC alors que, dans le cadre de leur formation en contrat d'apprentissage ou de qualification, ils sont rémunérés selon un pourcentage évolutif du SMIC, l'employeur s'étant engagé à leur assurer une formation en contrepartie ?
Vous le voyez, des questions se posent auxquelles il n'est pas si facile aujourd'hui de répondre. En tout cas, je vous suis quand vous vous refusez à étendre cette mesure à des jeunes titulaires du baccalauréat.
M. Alain Gournac. Ah !
M. Gérard Delfau. Le dispositif aurait alors, à coup sûr, un effet de substitution.
M. Louis Souvet, rapporteur. Absolument !
M. Gérard Delfau. Le Gouvernement n'a pas attendu que les partenaires sociaux se mettent d'accord pour agir, et il a choisi d'agir vite, peut-être même dans la précipitation. Cette attitude ne doit pas pour autant porter préjudice aux premiers intéressés, à savoir les jeunes de seize à vingt-deux ans les moins qualifiés, les moins bien insérés dans notre vie collective. Cette absence de concertation doit être compensée par un effort tout particulier, non seulement d'information des jeunes sur leurs droits en tant que salariés, mais aussi de formation permanente et de valorisation de leurs acquis.
Il faut inventer avec les partenaires sociaux - c'est le point crucial de ce débat - un dispositif qui incite ces jeunes à s'engager dans des actions de formation pour valoriser leur expérience et construire leur parcours professionnel dans l'avenir. En effet, le marché du travail, notamment celui des petites entreprises, est principalement demandeur d'une main-d'oeuvre qualifiée ou spécialisée qui fait aujourd'hui cruellement défaut. Offrez à ces entreprises cette chance en même temps que vous donnerez à la partie la plus défavorisée de notre jeunesse l'occasion de trouver un emploi.
L'obligation de formation et d'information est un élément essentiel du dispositif que vous nous présentez. Pour moi, c'est l'une des clés de cette discussion.
Etant rappelé que j'attache la plus grande importance à la position que vous prendrez sur les amendements que je présenterai, vous comprendrez que, par voie de conséquence, mon vote dépendra des réponses que vous apporterez aux interrogations que, comme beaucoup de mes collègues, j'ai formulées.
M. le président. La parole est à M. Joseph Ostermann.
M. Joseph Ostermann. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, c'est avec satisfaction que nous ouvrons cette nouvelle législature sur le thème de l'emploi des jeunes. Il s'agit en effet d'une priorité ancienne et constante du chef de l'Etat, mais aussi d'un défi national auquel nous devons apporter des réponses fortes et rapides.
Jacques Chirac a depuis longtemps exprimé son intérêt pour l'emploi des jeunes. A la veille de sa première mandature à l'Elysée, il en appelait déjà à une initiative solennelle pour élever l'insertion des jeunes à la hauteur d'un devoir national.
Et il a eu l'occasion dernièrement, lors de la campagne électorale, d'aborder ce thème et de proposer la création de ce qu'il a appelé un « contrat d'insertion dans la vie sociale », destiné à apporter une réponse globale et personnalisée au problème du chômage des jeunes. Le projet de loi que nous examinons aujourd'hui constitue l'un des volets de ce contrat. Il s'agit en effet d'un véritable défi pour notre pays dont les implications globales dépassent le simple cadre économique.
Le chômage des jeunes est, tout d'abord, source d'exclusion sociale. Les jeunes sont surreprésentés dans les populations en grande difficulté. Le taux de pauvreté des jeunes entre vingt et vingt-neuf ans avait ainsi atteint 18 % en 1998 contre 11 % en 1990.
Autre conséquence possible : la violence. Si une activité stable et rémunérée est génératrice de liberté, d'émancipation, d'autonomie et de responsabilisation, l'insécurité économique peut a contrario être source d'angoisse et de violence.
L'emploi des jeunes peut, par ailleurs, avoir un impact important en matière d'aménagement du territoire. Les difficultés rencontrées par de nombreux jeunes pour trouver un emploi en milieu rural les conduisent trop souvent à quitter leur « pays natal », ce qu'ils font en général à contrecoeur, accentuant ainsi le phénomène de désertification rurale.
Enfin, l'insécurité économique des jeunes a des conséquences en termes de civisme. La proportion des jeunes sans emploi est plus de deux fois supérieure à la moyenne nationale, et la population jeune représente la couche la plus abstentionniste de l'électorat. Le lien semble évident. Or, après le premier tour de l'élection présidentielle, nous ne pouvons plus ignorer la menace que constitue cet abstentionnisme pour notre démocratie.
La question de l'emploi des jeunes ne doit donc pas être considérée à la légère, et ce d'autant moins que l'ampleur prise par le phénomène est très préoccupante. Le taux de chômage des jeunes sans diplôme, avec 33,1 %, est très élevé, trop élevé. Le chômage des jeunes de moins de vingt-cinq ans a connu la progression la plus forte, puisqu'il a augmenté de 15 % entre avril 2001 et avril 2002.
Le phénomène le plus inquiétant est le chômage des jeunes sans qualification. Ces derniers sont en moyenne entre 50 000 et 70 000 à arriver chaque année sur le marché du travail, alors que, dans le même temps, le niveau d'études ne cesse de s'élever, devenant un facteur de plus en plus déterminant dans l'accès à l'emploi. Les inégalités sociales se creusent ainsi fortement au sein de la population jeune ; c'est probablement l'esquisse d'une accentuation à l'avenir, par effet de génération, des inégalités.
Nous avons par conséquent le devoir d'agir rapidement et efficacement. Le texte que nous examinons aujourd'hui semble répondre à cette double exigence, et ce à plusieurs titres.
Tout d'abord, monsieur le ministre, vous évitez les errements du précédent gouvernement en proposant une mesure destinée à assurer un traitement économique et non social du chômage.
La possibilité d'offrir du travail aux jeunes doit être prioritaire : il convient d'éviter le piège de l'assistanat, dans lequel semblait vouloir tomber votre prédécesseur en évoquant, avant son départ, un projet de « RMI jeune » versé dans le cadre du plan d'aide au retour à l'emploi, le PARE.
Le deuxième point positif de votre projet de loi, monsieur le ministre, réside dans le fait que les contrats concernés seront exclusivement des CDI. C'est une bonne chose, car les CDD, et surtout le travail temporaire, s'ils permettent en apparence de mettre les jeunes non qualifiés au travail, entraînent néanmoins de multiples effets pervers et peuvent se révéler néfastes. En effet, d'une part, du fait de la facilité à trouver un emploi grâce à l'intérim, certains jeunes renoncent à poursuivre leurs études ; d'autre part, ces emplois temporaires semblent les maintenir dans une situation de grande précarité et n'ouvrent que peu de perspectives de carrière.
En outre, le dispositif que vous proposez, monsieur le ministre, s'adresse essentiellement au secteur privé et semble avoir pour objet de remédier aux défauts des emplois-jeunes en étant explicitement réservé aux jeunes non qualifiés.
Les emplois-jeunes présentent en effet de nombreux défauts : ils concernent bien souvent des jeunes surqualifiés, employés à des tâches peu enrichissantes, qui risquent d'être confrontés à des difficultés d'insertion plus grandes à la sortie du dispositif.
Leur coût est par ailleurs excessif pour les finances publiques : un budget de 4 milliards d'euros par an qui n'a nullement empêché la France de se distinguer en se voyant attribuer le record européen du chômage des jeunes non diplômés !
M. Jean Chérioux. C'est vrai !
M. Joseph Ostermann. Pourriez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, comment et selon quel calendrier vous entendez faire évoluer ce dispositif ?
Enfin, permettez-moi de saluer la mesure qui est au coeur de votre projet de loi, à savoir la baisse des charges. Comme je n'ai eu de cesse de le répéter au cours de la précédente législature, le poids des charges nuit fortement à l'emploi, à la compétitivité et à l'attractivité de notre pays. J'ai ainsi déposé en 1998 une proposition de loi n° 224, quasiment identique à votre projet de loi, monsieur le ministre.
M. Emmanuel Hamel. Vous êtes un précurseur !
M. Joseph Ostermann. Au total, le nombre d'emplois créés par les investisseurs étrangers a baissé de 28 % par rapport à 2000. Selon une étude publiée à la fin du mois de juin, l'environnement législatif demeure dans le collimateur des dirigeants internationaux. Dans leur esprit, les coûts salariaux, les charges fiscales pesant sur les entreprises ainsi que la faible flexibilité du travail sont autant de handicaps pour l'attractivité de notre pays.
Il en va de même pour les PME et les artisans, pour qui les charges constituent un obstacle majeur à la création d'emplois.
Le dispositif que vous soumettez à notre examen, monsieur le ministre, va donc dans la bonne direction. Je ne peux que vous en féliciter. Toutefois, permettez-moi d'attirer votre attention sur quelques points qu'il conviendrait d'améliorer.
Tout d'abord, je crains que la mesure concernant la réduction des charges n'entre en concurrence avec certains allégements, tels que les contrats d'apprentissage, qu'il faudrait veiller à ne pas menacer. Pourriez-vous me rassurer sur ce point ?
Par ailleurs, ne conviendrait-il pas d'entamer dans les mois à venir une remise à plat de l'ensemble des exonérations de cotisations sociales liées à la politique de l'emploi ?
Un référé de la Cour des comptes du 21 septembre 2001 rappelait ainsi qu'il n'existe pas moins de trente-cinq mesures de ce type empilées les unes sur les autres et que leur grande diversité d'objet, de modalités d'application et de gestion entraîne de sérieuses difficultés d'application, ainsi que des interprétations divergentes de la réglementation.
L'autre point sur lequel des améliorations du texte me semblent souhaitables a trait aux possibles effets de seuils dus aux limites d'âge proposées ainsi qu'au risque d'effet d'aubaine produit par le caractère forfaitaire de l'aide quelle que soit la nature du contrat, à temps plein ou à temps partiel.
Enfin, je vous invite à poursuivre votre action en faveur des jeunes dans les mois et les années à venir en la complétant par un volet indispensable concernant la formation professionnelle.
Comme l'a si justement affirmé le Premier ministre dans son discours de politique générale, la réforme de notre système de formation est nécessaire pour une meilleure efficacité et, surtout, pour plus de simplicité.
La seule réduction des charges ne peut suffire. Dans de nombreux secteurs, le problème central est celui de l'inadéquation entre l'offre et la demande et, par conséquent, celui de la pénurie de main-d'oeuvre qualifiée.
Je citerai l'exemple du secteur de l'hôtellerie-restauration. Selon une étude de la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques, la DARES, de 1997 à 2000, les offres enregistrées par l'ANPE ont augmenté de 29 %, et les embauches de 23 %. Inversement, le nombre de chômeurs susceptibles d'y répondre a baissé de 15 %.
Par conséquent, il me semble impératif, dans un premier temps, d'inciter les partenaires sociaux à reprendre les négociations qui n'ont jusqu'à présent pas abouti et, dans un second temps, d'élaborer et de mettre en oeuvre une véritable refonte de notre système de formation dans son ensemble.
En ce qui concerne notre système de formation professionnelle, je pense que nous aurions beaucoup à gagner à observer nos voisins allemands, que j'ai l'occasion de rencontrer régulièrement dans mon département, qui est frontalier de l'Allemagne, et à nous inspirer de leur exemple.
En France, environ 250 000 jeunes suivent chaque année un apprentissage. Ils sont plus de 1,5 million en Allemagne où, même si le système éducatif et scolaire pose quelques problèmes, le taux d'insertion des jeunes apprentis est de plus de 95 % contre 62 % en France.
Outre-Rhin, 55 % des actifs sont issus de la filière professionnelle avec des diplômes correspondant aux besoins de l'entreprise. Les entreprises recrutent d'abord les jeunes pour les former avec le concours des institutions. Les employeurs assurent la maîtrise d'oeuvre de la formation professionnelle initiale et ils ont une voix prépondérante dans l'élaboration des programmes et la définition des diplômes.
En France, en revanche, certains jeunes sortent de formation avec un diplôme dont le contenu est bien souvent déjà dépassé au regard des besoins des employeurs et du marché.
Monsieur le ministre, vous nous proposez un texte simple de compréhension et facile d'application, éléments qui garantiront son efficacité. Il vous reste, cependant, beaucoup à accomplir ; mais vous disposez de cinq longues années devant vous. Avec le présent texte, vous êtes sur la bonne voie et vous pouvez compter sur les sénateurs du RPR pour vous aider à atteindre vos objectifs. Je voterai par conséquent votre projet de loi. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Virapoullé.
M. Jean-Paul Virapoullé. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, j'aborderai ce sujet avec, si possible, beaucoup de réalisme et, très certainement, beaucoup d'humilité.
Le chômage n'est pas une affaire avec laquelle on plaisante. Il y a tellement d'échecs sur le chemin de chacun de nous, tellement de misère sur la route de ces jeunes, tellement de désespérance dans les familles qu'il faut analyser ce projet de loi comme étant la première « carte de visite » de ce nouveau gouvernement, monsieur le ministre. Je parle de première carte de visite parce que, si notre action sur les cinq ans à venir se limitait à ce projet de loi, on dirait bien évidemment qu'elle est insuffisante. Mais il faudrait être bien naïf pour faire un tel procès d'intention.
En revanche, nous sommes tous suffisamment réalistes pour reconnaître à ce projet de loi un certain nombre de mérites.
Tout d'abord, il constitue un signal fort en faveur d'une baisse des coûts du travail et en direction des jeunes pour les inciter à renoncer à certains circuits d'assistance et à venir travailler.
Ce texte est simple : la preuve, je l'ai compris ! C'est donc un grand progrès ! (Sourires.) Je ne sais si c'est moi qui ai fait des progrès ou si c'est le rédacteur du projet de loi, mais, à mon avis, c'est plutôt ce dernier, et je l'en félicite.
Ce texte s'adresse à des jeunes employables immédiatement pour les faire sortir de la valse des CDD et les conduire vers des CDI. Je pense que tous les sénateurs ici présents souligneront cet acquis.
En outre, l'on engage, par un accord de branche, un processus de validation des acquis et l'on ouvre, pour ces jeunes, la possibilité d'un plan de formation dans l'entreprise lorsque cela existe. Sur ce point, monsieur le ministre, les orateurs du groupe de l'Union centriste qui m'ont brillamment précédé à cette tribune vous ont dit que ce texte méritait certainement des améliorations. En effet, si la baisse des charges est une incitation pour l'employeur à faire appel aux jeunes, elle doit être accompagnée d'un système permettant l'amélioration de la qualité professionnelle des jeunes pour que, au fur et à mesure que l'aide diminue, la performance dans le travail du jeune s'améliore et pour que celui-ci puisse demeurer dans l'entreprise.
Mais alors, pourquoi, malheureusement, ce texte ne saurait-il concerner tous les jeunes âgés de seize à vingt-cinq ans ? Eh bien, parce qu'il n'y a pas une seule strate de jeunes entre seize et vingt-cinq ans. Il existe en effet différents degrés de désespérance des jeunes - je parle ici en tant que maire, et je pense que tous les maires ici présents partageront mon sentiment. Certains jeunes ont été exclus des liens familiaux, du logement ou de toute qualification ; ils ne possèdent aucune maîtrise, ni de la lecture, ni de l'écriture, ni du calcul ; ceux-là sont inemployables et ne seront donc pas concernés par ce projet de loi, pas plus d'ailleurs que par aucun autre texte. Ces jeunes-là sont la proie des réseaux mafieux, des réseaux de délinquance, dont ils constituent parfois aussi volontairement le ferment.
Or, vous ne pourrez pas dire à un employeur : « Employez ce jeune, il ne sait rien faire » ! Il faut donc que, dans les cinq années qui viennent, au cours desquelles nous devrons, pour honorer la confiance des Français, changer le visage de notre pays, nous puissions mettre en place deux grandes réformes, monsieur le ministre.
La première réforme, qui relève de votre ministère et du ministère de l'éducation nationale, concerne l'acquisition d'un minimum de savoirs pour chaque jeune citoyen de la République : que chacun sache lire, écrire, compter et parler français grâce au soutien scolaire, qu'il faudrait généraliser, et grâce à un parcours éducatif personnalisé.
Le coût budgétaire, le coût social, le coût sur le plan de la sécurité de l'inadaptation de ces milliers de jeunes est énorme pour la société, et nous devrions consacrer une part non négligeable de notre richesse à remédier à ce mal si nous voulons inaugurer une nouvelle politique.
La seconde réforme est liée à celle de l'école. Aujourd'hui, on fait jouer à votre ministère le rôle du SAMU social pour pallier les échecs du ministère de l'éducation nationale.
M. Jean Chérioux. Exactement !
M. Jean-Paul Virapoullé. C'est parce que l'école de la République n'est plus le centre de gravité de l'égalité sociale, de l'égalité des chances quant à l'accès au savoir et donc à l'emploi que nous devons inventer systèmes d'aides sur systèmes d'aides ; sans pour autant parvenir à atteindre les cibles les plus pauvres de notre société.
Simultanément à la réforme de l'école, c'est donc une réforme de notre système d'incitation à l'emploi des jeunes qu'il faut mettre en oeuvre. Si nous concentrons nos efforts sur un seul aspect en négligeant l'autre, nous aurons un système déséquilibré et, les mêmes causes produisant les mêmes effets, nous subirons les échecs que nous avons connus précédemment.
C'est la raison pour laquelle je propose, monsieur le ministre, que la nouvelle majorité, qui soutient activement le Gouvernement, travaille, dans les mois et les années à venir, avec vous-même et avec votre collègue ministre de l'éducation nationale, afin de sortir des dogmes et des carcans dépassés et de changer en profondeur la société française.
Sur le terrain, j'ai entendu dire qu'il y a ceux qui savent tout, qui habitent Paris, qui siègent à tous les niveaux de l'administration du pays et imposent à la nation entière leur vision de l'avenir, laquelle n'est pas celle de l'intérêt de la France.
Que demande-t-on sur le terrain ? Qu'on change un peu les façons de faire !
M. Jean Chérioux. Tout à fait !
M. Jean-Paul Virapoullé. Il faut savoir qu'il y a non pas une population homogène de jeunes, mais une multitude de jeunes qui sont dissemblables par leur naissance, leurs compétences, leurs capacités, leur origine sociale !
Il faut savoir que le collège à tronc unique est une aberration qui casse des générations entières de jeunes !
Il faut savoir que l'information n'atteint plus les jeunes. Lorsque nous aurons voté ce dispositif, combien de jeunes de nos banlieues, de nos quartiers déshérités seront-ils informés de sa création ?
Il faut redynamiser les services de l'ANPE et des missions locales, les remettre en contact avec ces populations de jeunes pour qu'elles retrouvent la voie de l'espérance et du travail.
Enfin, nous attendons également que ce gouvernement libère les entreprises françaises des dogmes passéistes qui les ont paralysées. C'est le marché qui crée la richesse et donc l'emploi. Si on néglige cette vérité, qui est reconnue dans tous les pays développés, on pourra créer tous les systèmes d'aides imaginables sans jamais atteindre le plein emploi.
Je vous remercie, monsieur le ministre, au nom du groupe de l'Union centriste, de nous avoir annoncé que le Gouvernement entend simplifier les procédures administratives et réduire les coûts pour les entreprises pour la mise en oeuvre du dispositif de soutien à l'emploi des jeunes.
Comme l'a demandé Mme Valérie Létard, nous attendons que vous nous donniez une évaluation de l'application du dispositif au terme d'une période d'un an. Mais nous vous demandons surtout de prêcher, là où le vote des Français vous a placé, pour la mise en oeuvre d'une grande réforme tendant à l'équilibre des pouvoirs entre le ministère de la jeunesse, l'éducation nationale et de la recherche et le ministère des affaires sociales, du travail et de la solidarité, pour que l'égalité devant le savoir et devant l'emploi ne soient plus des professions de foi mais deviennent une réalité quotidienne. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je veux d'abord remercier le Sénat pour l'élévation, la qualité et la précision de ce débat. A cette occasion, j'ai remarqué que, au-delà des divergences politiques, ce texte contient plusieurs points de consensus. Ils sont dus, me semble-t-il, pour une large part, au travail accompli par la commission, par son président et, en particulier, par son rapporteur. (Vifs applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Henri de Raincourt. C'est un très bon rapporteur !
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Je tiens à remercier M. Souvet pour la qualité de son travail. Je n'en suis pas étonné, car il connaît parfaitement les sujets que nous abordons aujourd'hui, en raison de son expérience de législateur, mais également de son expérience personnelle, professionnelle et d'élu local.
M. Souvet a procédé à de nombreuses auditions, notamment des partenaires sociaux...
M. Jean Chérioux. Eh oui !
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... qui ont permis de relativiser les critiques et les craintes formulées ici ou là sur ce texte.
Il a suggéré des aménagements qui ne remettent en cause ni l'esprit ni l'architecture du présent projet de loi. Il a en particulier ouvert un débat sur le point relatif aux seuils d'effectif des entreprises éligibles au dispositif. Il a proposé d'apporter des précisions quant au terme « exonération » afin d'indiquer ce qu'il recouvre en réalité.
Il a proposé de mieux encadrer le travail à temps partiel et d'introduire des aménagements, en discussion avec les partenaires sociaux, visant à mettre en place un accompagnement du jeune dans l'entreprise et à faciliter son accès aux bilans de compétences.
Ce sont là des sujets sur lesquels le Gouvernement se montrera ouvert lors de l'examen des amendements.
Enfin et surtout, M. Souvet a défini le présent texte de la meilleure manière qui soit, en soulignant dans sa conclusion que le dispositif qui est proposé constitue une deuxième chance offerte aux jeunes qui ont échoué dans le système éducatif.
M. Joly a regretté que le Parlement soit obligé de travailler dans l'urgence, mais il sait que le calendrier politique et électoral, le calendrier des travaux parlementaires qui a peut-être nécessité de ne pas tenir le Parlement occupé pendant tout l'été, nous a contraints d'agir vite.
Monsieur Joly, le Gouvernement a fait le pari de ne pas introduire dans ce texte d'obligation de formation, et, comme vous-même et beaucoup de sénateurs m'avez interrogé sur ce sujet qui est au coeur de notre débat, je voudrais revenir sur les raisons que j'ai données dans mon propos liminaire.
A l'instar de M. Joly et de beaucoup d'entre vous, je pense évidemment que la formation est la meilleure garantie pour le salarié. J'aurai d'ailleurs l'occasion de proposer au Parlement, dans les mois qui viennent, comme l'a rappelé M. le Président de la République à l'occasion de l'entretien qu'il a accordé le 14 juillet, un dispositif d'assurance emploi qui vise à instaurer un compte individuel de formation professionnelle, dispositif au fond beaucoup plus efficace, selon nous, pour lutter contre les conséquences et les aléas du marché, de l'économie, que toutes les lois tendant à interdire les licenciements.
Il faut reconnaître - plusieurs d'entre vous l'ont d'ailleurs souligné - que certains jeunes n'ont aucun goût pour ce qui leur rappelle, d'une manière ou d'une autre, la scolarité. Il vaut mieux alors compléter le dispositif pour faire en sorte que, à côté des formations en alternance qui leur sont ouvertes mais vers lesquelles ils ne se tournent pas, un vrai départ dans la vie leur soit proposé, afin de leur éviter la succession plus ou moins réussie d'emplois précaires. Il faut bien entendu espérer que le salarié comprendra que son intérêt est d'acquérir non seulement un savoir-faire, mais également une véritable qualification. Il pourra choisir à tout moment d'entrer dans un cycle de formation en alternance, sans préavis.
Les employeurs ont aussi intérêt à former les jeunes qu'ils embauchent,...
M. Alain Gournac. Bien sûr !
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... notamment en CDI. C'est un investissement utile, d'autant plus naturel que se crée, avec le temps, une relation personnelle avec le jeune salarié qui est accueilli dans l'entreprise.
Enfin, je fonde beaucoup d'espoirs sur les partenaires sociaux, afin qu'ils négocient, au sein de chaque branche, les conditions de validation des acquis de l'expérience au terme des trois années de soutien par l'Etat.
En écoutant M. Muzeau, j'ai eu le sentiment qu'il avait envie de voter ce texte...
M. Alain Gournac. Il était ennuyé !
M. Jean Chérioux. Mais oui !
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... mais que, au fond, il ne pouvait pas vraiment le faire.
Il a d'abord soumis son avis, comme nombre d'autres sénateurs de l'opposition, à la position qu'adoptera le Gouvernement s'agissant des emplois-jeunes ; j'y reviendrai dans un instant. Mais je retiens volontiers certaines de ses propositions visant à faire un diagnostic des dispositifs existants, afin de veiller notamment à ce qu'ils soient bien articulés.
Vous avez aussi souhaité, monsieur Muzeau, que le programme TRACE soit renforcé. Je peux vous assurer qu'il le sera. Nous le ferons évoluer, comme M. le Président de la République s'y est engagé, vers un contrat d'insertion dans la vie sociale, le CIVIS, qui correspond au fond à un programme TRACE plus ambitieux encore et ouvert à un public plus large.
M. Muzeau s'est inquiété du fait que ce texte pourrait créer une norme d'emploi a minima. Or en instituant un contrat à durée indéterminée avec une rémunération correspondant aux conditions normales du marché du travail, nous évitons précisément tous les systèmes antérieurs qui avaient été adoptés par des majorités différentes, et qui tous, au fond, faisaient que le jeune ne bénéficiait pas d'un contrat de travail comme celui des autres salariés.
Enfin, il a émis des critiques très vives sur la politique d'allégement des charges. J'aurai l'occasion d'y revenir un peu plus tard.
Je partage le diagnostic qu'a fait M. Chabroux de la situation lorsqu'il a dénoncé la paupérisation et l'exclusion qui caractérisent une partie de la jeunesse. Il réclame une augmentation des salaires, une réforme de la formation et une relance du dialogue social. Nul ne saurait formuler de meilleure critique de la politique qui a été conduite ces cinq dernières années !
M. Jean Chérioux. Absolument !
M. Alain Gournac. C'est vrai !
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. C'est parce que nous sommes dans cette situation que le Gouvernement entend créer une nouvelle donne.
M. Chabroux s'est inquiété de ce que ce texte serait applicable au 1er juillet. Il s'agirait au fond d'une sorte de « validation législative ». Telle est l'expression qu'il a employée. Il sait bien que cette disposition rétroactive a pour effet d'éviter que, dès l'annonce de la mesure - plus avantageuse - que le Gouvernement allait prendre, les entreprises ne cessent de recruter en attendant sa mise en place.
J'ajoute que cette période de l'été est très importante pour les jeunes, parce que c'est celle où ils sortent du système de formation.
Il était donc naturel que nous proposions cette anticipation.
M. Chabroux a regretté qu'il n'y ait pas eu assez de concertation avec les partenaires sociaux et il s'est interrogé sur le point de savoir si le Gouvernement entendait renoncer au dialogue social, qui est l'une des pierres angulaires de la politique que nous voulons conduire. Il a pris l'exemple du SMIC, qui est un très mauvais exemple,...
M. Alain Gournac. Eh oui !
M. Gilbert Chabroux. Allons !
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... car, comme je l'ai déjà dit, c'est un débat de tartuffes. Jamais - vous le savez bien, monsieur le sénateur - le précédent gouvernement n'a négocié l'augmentation du SMIC. J'ai retrouvé un discours dans lequel mon prédécesseur annonçait, au début même de la réunion de la commission nationale de concertation, le niveau auquel le gouvernement d'alors avait décidé de fixer le SMIC !
Sur ce texte, il y a eu concertation avec les partenaires sociaux. Toutefois, il est vrai que cette concertation, compte tenu des délais qui nous ont été imposés, n'a pas été aussi longue qu'ils l'auraient souhaité.
Nous devons arbitrer entre la nécessité du dialogue social - et je prends l'engagement que ce dialogue social sera respecté par le Gouvernement - et l'urgence à agir après le message que nous avons reçu à l'occasion de ces élections. Rien ne paraît pire que de dire à la jeunesse, au peuple français qui vient de s'exprimer, que, puisque nous voulons le dialogue social, nous n'allons pas pouvoir lui proposer quelque avancée que ce soit dans le domaine social avant l'année 2003.
C'est à peu près ce qui se serait passé si nous n'avions pas été en mesure de vous proposer ce texte au cours de la présente session.
M. Chabroux s'est félicité de la baisse du chômage des jeunes lors des années précédentes. Il a tout juste omis de préciser que nous avions connu une croissance exceptionnelle pendant ces années-là,...
M. Gilbert Chabroux. Grâce à qui ?
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... que les emplois-jeunes, comme il l'a reconnu, ne sont pas pour rien dans la baisse du chômage. Mais précisément, ce ne sont pas des emplois durables, définitifs. Par conséquent, nombre de jeunes se retrouvent au chômage à la sortie du dispositif.
M. Chabroux a aussi omis de préciser que la France, malgré cette croissance, malgré les emplois-jeunes et les 35 heures, fait toujours moins bien que l'ensemble des pays européens en matière de chômage des jeunes.
Il a regretté que l'on laisse en dehors du système les jeunes qualifiés. Mais, monsieur le sénateur, c'est justement parce que nous ne voulions pas que les critiques qui avaient été formulées à l'occasion de la mise en oeuvre du CIP, que vous avez vous-même cité tout à l'heure, soient renouvelées sur le présent texte que nous avons évité d'y inclure les jeunes diplômés. Nous ne voulons pas dévaloriser les diplômes, notamment le diplôme d'études universitaires générales, ou DEUG. Vous l'avez bien compris.
M. Chabroux a également comparé les mesures prévues par ce projet de loi au dispositif « exo-jeunes » de 1991. Cette comparaison intéressante n'est pas forcément illégitime. Elle pourrait d'ailleurs conduire certains des membres de cette assemblée à soutenir aujourd'hui ce texte !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Bien sûr !
M. Alain Gournac. Ah !
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Mais notre projet de loi relève d'une ambition différente.
Tout d'abord, la durée de l'aide que nous proposons d'instaurer est deux fois plus longue que celle que prévoyait le dispositif « exo-jeunes », laquelle était de dix-huit mois.
Par ailleurs, il s'agit d'une aide pérenne, et non d'une aide disponible entre le 15 octobre et le 31 mai, ce qui, convenons-en, majorait l'effet d'aubaine.
M. Chabroux a raison de dire que, au fond, si l'on estime que le dispositif « exo-jeunes » était intéressant, il est dommage qu'il ait été supprimé en 1993. Toutefois, monsieur le sénateur, vous ne pouvez pas avoir oublié quelle était la situation économique et financière de notre pays cette année-là.
Permettez-moi de vous rappeler que le déficit budgétaire atteignait, à l'époque, 6 % du produit intérieur brut. Il était nécessaire de défendre le franc et, naturellement, il a fallu procéder à des coupes dans les dépenses publiques, pour rétablir un équilibre que vous souhaitez vous-même, aujourd'hui, sauvegarder.
Enfin, monsieur Chabroux, vous avez évoqué longuement la formation.
A cet égard, je voudrais que l'on n'oublie pas que le salarié a des droits à la formation professionnelle en entreprise. S'il est titulaire d'un CDI, ces droits seront plus grands que s'il enchaîne les CDD ou les missions d'intérim.
En outre, monsieur le sénateur, l'entreprise est rationnelle. Dans bien des cas, elle devra, au début, socialiser et intégrer le jeune, ce qui représente un investissement. Or, si elle consent cet effort, ce ne sera pas pour mettre le jeune à la porte à l'issue du programme. D'ailleurs, si une entreprise en venait à licencier des salariés pour des raisons économiques, elle ne pourrait bien évidemment plus bénéficier du dispositif.
La question du financement a été évoquée par plusieurs orateurs. Sur ce point, je voudrais souligner que la montée en puissance du dispositif sera bien sûr progressive. Nous devons pouvoir gérer un redéploiement jusqu'à l'examen du projet de loi de finances pour 2003, sans porter préjudice au dispositif existant. Bien entendu, il en sera rendu compte en détail au Parlement dans le collectif budgétaire de fin d'année. Par ailleurs, nous avons prévu, pour 2003, des crédits d'un montant de l'ordre de 160 millions d'euros. En régime de croisière, en 2005, on devra tabler sur une dépense de quelque 500 millions d'euros.
Plusieurs intervenants se sont inquiétés de l'avenir du programme TRACE. Je leur ai répondu en indiquant que nous avons l'intention de l'amplifier.
Cela étant, la question ayant principalement retenu l'attention des orateurs de l'opposition est celle des emplois-jeunes. Je voudrais d'abord dire que la proposition que nous faisons aujourd'hui ne constitue pas un substitut à ce dispositif. Ne nous trompons pas de débat ! La question des emplois-jeunes sera notamment discutée lors de l'examen de la loi de finances.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Très bien !
M. Gérard Delfau. Oui !
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Je peux, cependant, vous indiquer dès maintenant dans quelle direction s'oriente notre réflexion.
Les emplois-jeunes ont rendu des services, en particulier dans les associations et dans les quartiers.
MM. Gilbert Chabroux et Claude Domeizel. C'est bien de le reconnaître !
M. Guy Fischer. Vous avez entendu M. le ministre, chers collègues ?
Mme Michelle Demessine. Dans les collectivités aussi !
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Beaucoup font du bon travail. Mais permettez-moi de me placer du point de vue des jeunes : est-il raisonnable d'orienter ainsi des jeunes - le plus souvent diplômés, on l'a dit, puisque 80 % d'entre eux ont le bac ou plus - vers des emplois temporaires qui n'ouvrent sur aucune perspective professionnelle durable ?
M. Eric Doligé. C'est du camouflage !
M. Alain Gournac. Ce sont des emplois « parking » !
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Ne faudrait-il pas faire un meilleur arbitrage de l'utilisation des fonds publics au bénéfice des jeunes les moins qualifiés, en offrant de réelles possibilités d'apprendre un métier ?
Je rappelle que les emplois-jeunes coûtent plus de 3 milliards d'euros à l'Etat ! Ne doit-on pas s'interroger sur la situation de jeunes qui, pendant cinq ans, auront certes fait des choses utiles et intéressantes, mais ne se seront pas préparés à entrer dans la vie active au sein des entreprises ? Ces dernières n'ont-elles pas besoin aujourd'hui de ces jeunes-là ?
M. Alain Gournac. Eh oui !
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. La logique qui sous-tend ce projet de loi, c'est celle du soutien à l'emploi des jeunes en entreprise. Elle nous paraît meilleure que celle qui prévalait auparavant, mais cela ne signifie pas, pour autant, que nous allons mettre brutalement un terme aux contrats-jeunes en cours d'exécution.
A cet égard, nous allons non seulement tenir les engagements pris par l'Etat, mais aussi favoriser les sorties du système, et ce de toutes les façons possibles : dans le secteur marchand et dans la fonction publique, via les concours.
En outre, nous allons réduire le nombre des entrées dans le dispositif des emplois-jeunes. Nous n'avons pas le choix cette année, puisque le quota de dix mille contrats qui avait été prévu par le précédent gouvernement est déjà dépassé de plus de mille unités. Sans doute était-on pressé...
M. Alain Gournac. De partir !
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... d'agir avant les élections !
Prenons maintenant le temps de réfléchir, dans l'intérêt des jeunes eux-mêmes et des secteurs concernés, en liaison avec les collectivités locales et le monde associatif. Certes, je mesure l'importance des besoins, que ce soit dans les quartiers, en matière d'application de la politique de la ville, dans le secteur social ou encore au sein de l'éducation nationale, mais il faut aussi que nous prenions l'exacte mesure de ce que l'Etat peut et doit faire dans la durée. A ma connaissance, il n'a jamais été dit que les contrats-jeunes seraient permanents. L'idée d'un horizon à cinq ans était clairement affirmée au départ. On savait dès lors qu'un problème sérieux se poserait à cette échéance. Nous le résoudrons, mesdames, messieurs les sénateurs, en gardant bien à l'esprit l'intérêt public et la nécessité d'un juste partage des responsabilités.
Je voudrais maintenant saluer l'humanisme de M. Seillier, qui a su dépasser les querelles mesquines et rappeler que le travail est d'abord, pour beaucoup, une source de dignité, d'autonomie et d'épanouissement. Il a par ailleurs évoqué les fausses valeurs que véhicule notre société et dont les jeunes sont, plus que les autres, les victimes.
M. Carle a souligné avec beaucoup d'à-propos qu'il s'agissait, dans notre projet de loi, de créer de vrais emplois et non pas de susciter de faux espoirs. Il est exact que le contrat-jeune en entreprise ouvre la voie à une autre manière d'intervenir dans la lutte contre le chômage.
D'abord, nous proposons d'appliquer avant tout le droit commun et non de mettre en place des dispositifs ad hoc , nécessairement peu évolutifs puisque que construits en fonction d'une logique de spécificité.
Ensuite, nous souhaitons ouvrir aux partenaires sociaux la faculté, soit à l'échelon interprofessionnel, soit à celui des branches, d'enrichir le dispositif, notamment en matière de formation, ce qui n'est pas possible lorsque la loi prévoit les modalités dans le détail, comme c'était trop souvent le cas par le passé.
Enfin, nous voulons inscrire ces dispositifs dans les territoires, ce qui laissera une grande latitude aux collectivités locales.
Comme M. Carle, je suis favorable à l'établissement régulier d'un bilan d'étape. Les choses ne doivent pas être figées : il est possible que, d'ici à trois ou quatre ans, l'insertion des jeunes sur le marché du travail pose moins de difficultés que le reclassement des salariés âgés. C'est d'ailleurs sans doute en ce sens que la situation évoluera, et il faudra alors abroger ce dispositif ou le modifier, afin de répondre aux problèmes qu'affrontera la société dans les années à venir.
D'une manière générale, il faut adapter nos dispositifs, qui sont trop nombreux et pas toujours suffisamment lisibles.
Mme Bocandé a eu raison de rappeler que l'entreprise est également un lieu de formation : la validation des acquis relève bien de ce constat.
M. Gournac, quant à lui, a souligné à juste titre qu'une vraie politique de l'emploi ne peut faire abstraction de la question des charges pesant sur les salaires les plus modestes. Je voudrais lui dire que ce texte sur l'emploi des jeunes en entreprise constitue, dans mon esprit, une première étape vers un allégement général du coût du travail : c'est dans cette perspective que nous travaillons, conformément d'ailleurs aux orientations définies par le Président de la République et rappelées de nouveau le 14 juillet dernier.
M. Guy Fischer. Toujours plus !
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Comme l'a précisé Mme Létard, le dispositif devra bien sûr être promu auprès des jeunes par tous ceux qui s'efforcent de les aider dans leur orientation et dans leur parcours d'insertion. De ce point de vue, je crois qu'il sera un outil utile pour permettre aux missions locales de jouer leur rôle d'accompagnement.
Je suis d'accord avec vous, monsieur Delfau, pour estimer qu'il faudra construire, au profit des jeunes bénéficiaires du dispositif, un parcours de qualification, mais je crois qu'il ne revient pas à la loi de le définir de manière uniforme. Je fais confiance aux partenaires sociaux, à l'échelon des branches, pour encadrer la validation des acquis de manière constructive et précise.
M. Ostermann a eu raison de souligner que le taux d'abstention parmi les jeunes est beaucoup trop élevé. Je me réjouis que le Gouvernement et le Parlement puissent faire, par le biais de ce texte, un geste concret en direction des jeunes, notamment des moins favorisés d'entre eux.
Je voudrais rassurer M. Ostermann quant à la concurrence éventuelle entre ce dispositif et celui de l'apprentissage. Il n'y en aura pas, à mon sens, parce que le niveau du soutien de l'Etat est calibré pour maintenir un avantage, en termes de coût horaire, au profit des formations en alternance.
Enfin, j'ai entendu plusieurs sénateurs stigmatiser le dogmatisme de la droite, qui ne ferait confiance qu'au secteur privé pour développer l'emploi. (Rires sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Alain Gournac. Elle est bonne, celle-là !
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. On pourrait opposer à ce dogmatisme celui de la gauche, qui ne fait confiance qu'au secteur public pour intégrer les jeunes et lutter contre le chômage.
Il faut sortir de ce débat, qui a d'ailleurs été condamné sans appel par les Français à l'occasion du premier tour de l'élection présidentielle. (Protestations sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Guy Fischer. 19 % !
M. Alain Gournac. C'est mieux que 3 % !
M. Jean Chérioux. Un peu de modestie !
M. Alain Gournac. Trois, c'est un bon chiffre !
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. J'affirme qu'il faut sortir de ce débat entre deux dogmatismes qui sont aussi faux l'un que l'autre. A ce propos, je crois que l'éparpillement des voix au premier tour de l'élection présidentielle traduit précisément le rejet de ces dogmatismes.
Nous sommes aujourd'hui, du fait de ce premier tour de l'élection présidentielle, dans une situation de crise politique et sociale, et le résultat des élections législatives n'en a pas effacé les causes.
M. Henri de Raincourt. Absolument !
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Si nous voulons sortir de cette crise, nous devons renoncer aux débats convenus qui sont les nôtres, en essayant de trouver ensemble les moyens de rétablir l'autorité de l'Etat, de restaurer les valeurs du travail et de l'effort et de donner aux collectivités locales et aux partenaires sociaux plus de liberté et de responsabilités, et en cherchant à concilier l'entreprise et les nécessités de la compétitivité économique avec la question de la condition sociale. Celle-ci est évidemment pour nous fondamentale, puisque nous sommes tous réunis ici en vue de donner des règles à la société, qui ne peut pas être régulée simplement par le marché. Dans cette optique, je considère pour ma part que le texte que je vous présente aujourd'hui n'est pas dogmatique ; il traduit une nouvelle attitude, qui est une attitude d'humilité.
M. Alain Gournac. Cela change beaucoup !
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Je ne prétends pas que ce texte pourra permettre de résoudre tous les problèmes liés au chômage des jeunes ; je n'oppose pas les « emplois Fillon » aux « emplois Aubry » ; je ne dis pas que tous les emplois-jeunes doivent disparaître demain parce que ce n'est pas nous qui les avons créés ! Nous sommes engagés dans une véritable guerre contre le chômage et contre l'exclusion : dans cette guerre, il faut utiliser toutes les armes dont nous disposons, et ce projet de loi en est une. Il constitue à mes yeux une étape dans une politique plus globale de lutte contre le chômage et l'exclusion.
En conclusion, j'indiquerai que j'ai la conviction que les jeunes, qui sont extrêmement critiques à l'égard de l'ensemble du personnel politique, nous regardent, et qu'ils nous jugeront. Je souhaite que, grâce à ce texte, ainsi qu'à d'autres actions que nous allons engager, ils puissent retrouver un peu plus de confiance dans la société et dans le monde des adultes. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, je demande une suspension de séance d'une vingtaine de minutes, afin de réunir la commission.
M. le président. La suspension est de droit.
La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures, est reprise à dix-huit heures vingt.)

M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi portant création d'un dispositif de soutien à l'emploi des jeunes en entreprise.
Je rappelle que la discussion générale a été close.
Nous passons à la discussion des articles.

Article 1er



M. le président.
« Art. 1er. - Sont insérés au code du travail les articles L. 322-4-6, L. 322-4-6-1, L. 322-4-6-2 et L. 322-4-6-3 ainsi rédigés :
« Art. L. 322-4-6. - Les employeurs peuvent bénéficier d'une exonération de charges lors de la conclusion de contrats de travail à durée indéterminée, à temps plein ou à temps partiel, conclus, à compter du 1er juillet 2002, avec des jeunes âgés de seize à vingt-deux ans révolus, dont le niveau de formation est inférieur à un diplôme de fin du second cycle de l'enseignement général, technologique ou professionnel.
« Cette exonération est calculée par référence aux cotisations et contributions sociales patronales obligatoires de toutes natures, dont le paiement est exigé à raison du versement du salaire de l'intéressé. L'exonération n'est pas cumulable avec une autre aide à l'emploi attribuée par l'Etat. Elle est cumulable avec les réductions et les allégements de cotisations prévus aux articles L. 241-6-4, L. 241-13, L. 241-13-1, L. 241-14 du code de la sécurité sociale.
« Un décret précise le montant, les modalités d'attribution de l'exonération ainsi que les conditions d'application du présent article.
« Art. L. 322-4-6-1. - Bénéficient de l'exonération mentionnée à l'article L. 322-4-6, pour une durée de trois années au plus pour chaque contrat de travail, les employeurs soumis aux obligations de l'article L. 351-4, à l'exception des particuliers, pour leurs établissements employant au plus deux cent cinquante salariés. Bénéficient également de l'exonération les employeurs de pêche maritime.
« L'exonération n'est accordée que si les conditions suivantes sont réunies :
« 1° L'employeur n'a procédé à aucun licenciement pour cause économique dans les six mois précédant l'embauche de l'intéressé ;
« 2° Il est à jour du versement de ses cotisations et contributions sociales ;
« 3° L'intéressé n'a pas été employé dans son entreprise dans les douze mois précédant cette embauche, sauf s'il était titulaire d'un contrat de travail à durée déterminée arrivé normalement à échéance.
« Art. L. 322-4-6-2. - Par dérogation aux dispositions de l'article L. 122-5, les contrats de travail mentionnés à l'article L. 322-4-6 peuvent être rompus avant leur terme, à l'initiative du salarié, lorsque la rupture du contrat a pour objet de permettre à celui-ci d'être embauché en vertu de l'un des contrats prévus aux articles L. 117-1 et L. 981-1 ou de suivre l'une des formations mentionnées à l'article L. 900-2.
« Art. L. 322-4-6-3. - L'Etat peut confier la gestion du mécanisme de soutien à l'emploi des jeunes prévu à l'article L. 322-4-6 aux institutions mentionnées à l'article L. 351-21 ou à une personne morale de droit public. »
Sur l'article, la parole est à M. Claude Domeizel.
M. Claude Domeizel. A première lecture, ce projet de loi visant à encourager l'embauche de jeunes non diplômés paraît sur le fond plutôt honorable. Mais un examen plus attentif de ce premier article soulève quelques interrogations et éveille quelques doutes quant à l'effet réel que pourra avoir cette loi.
Avant d'aborder ce point, je m'interrogerai brièvement sur l'absence de dialogue social qui a précédé l'annonce de ce projet de loi. S'agit-il d'une illustration négative de la nouvelle méthode prônée haut et fort par M. le Premier ministre ?
M. Alain Vasselle. Oh !
M. Claude Domeizel. Les partenaires sociaux connaissent bien ces mesures qui, à quelques détails près, ont déjà été utilisées. Leur expérience en ce domaine aurait pu être fort utile, tant à vous, monsieur le ministre, qu'à nous-mêmes.
Cela étant dit, j'en reviens à l'article 1er.
L'incitation économique à travers une exonération de charges est-elle un argument suffisant pour une création d'emplois définitifs ? Je salue au passage la volonté du Gouvernement de vouloir lutter contre l'emploi précaire en prévoyant des CDI dans cette mesure.
M. Jean Chérioux. Merci !
M. Claude Domeizel. Cependant, des créations d'emploi à long terme peuvent-elles être conditionnées par une exonération de charges très limitée dans le temps, puisqu'elle ne sera effective que deux ans à taux plein et un an à 50 % ? Je n'en suis vraiment pas certain, dans la mesure où, pour les entreprises, les créations d'emploi en CDI relèvent le plus souvent d'un projet de développement économique, décliné et planifié, découlant d'une conjoncture favorable du marché en général ou d'un secteur en particulier. Un petit entrepreneur, particulièrement dans le commerce ou l'artisanat, créera-t-il des emplois définitifs pour avoir la possibilité de percevoir 225 euros par mois pendant deux ans, puis 112,50 euros par mois pendant un an ?
M. Alain Gournac. Essayons !
M. Claude Domeizel. Effet d'aubaine ou pas, on est en droit de s'interroger sur le véritable effet de cette loi et sur sa traduction par de nombreuses créations d'emploi autres que les transformations de CDD en CDI, transformations au demeurant très positives.
A propos d'effet d'aubaine, je reconnais votre clairvoyance, monsieur le ministre, lorsque vous avez déclaré devant la commission que « les effets d'aubaine croissent avec la taille de l'entreprise ». C'est d'ailleurs pour cette raison que nous aurions été favorables à un abaissement du seuil, contrairement à la commission, qui propose tout simplement de le supprimer, comme nous le verrons tout à l'heure.
C'est beaucoup de bruit pour, peut-être, pas grand-chose ! Malgré un lancement tonitruant, cette mesure en trompe-l'oeil à l'intention des jeunes risque fort, après leur avoir donné de faux espoirs, de les décevoir. Il me semble préférable de prendre le temps de la réflexion plutôt que de leur infliger un nouvel échec.
S'agissant des critères d'éligibilité aux exonérations, je trouve vraiment regrettable que les titulaires du baccalauréat soient écartés. Certes, nous pouvons comprendre la finalité recherchée ; mais cela risque, à juste titre, d'être incompris. Certains jeunes, lauréats d'un tel diplôme, préfèrent, eux aussi, arrêter leurs études à ce stade pour rejoindre le monde du travail. Se jugeant pénalisés, d'autant plus qu'il s'agit de CDI, qui sont donc déterminants pour leur vie professionnelle, ces jeunes éprouveront un sentiment d'injustice. De plus, est-il judicieux de mettre en concurrence deux catégories si semblables de jeunes chômeurs ?
Venons-en à un autre aspect : le temps partiel. J'y reviendrai lors de la discussion des amendements, mais je ne peux m'empêcher de citer un passage de l'exposé des motifs : « Le Gouvernement souhaite, par cette disposition, assurer aux jeunes un revenu susceptible de garantir leur autonomie afin de contribuer à leur insertion réelle dans la société, tant sur le plan professionnel que personnel. » Revenu, autonomie, insertion réelle : ces mots ne riment pas trop avec temps partiel. Reconnaissez, monsieur le ministre, que vous vous éloignez de l'objectif que vous poursuivez et que j'ai salué au début de mon intervention, à savoir la lutte contre l'emploi précaire.
La discussion des amendements nous amènera à développer, s'agissant de ce projet de loi, d'autres aberrations et interrogations. Mais avant de terminer, permettez-moi, monsieur le ministre, de poser deux questions précises qui nous préoccupent. L'exonération sera-t-elle cumulable avec une mesure toujours en vigueur, au moins jusqu'au 31 décembre 2002, visant à faciliter l'embauche des Français rapatriés d'origine nord-africaine et de leurs enfants ? Les entreprises d'insertion pourront-elles bénéficier d'un tel dispositif ?
M. Gérard Delfau. Bonnes questions !
M. le président. L'amendement n° 1, présenté par M. Souvet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Remplacer le premier alinéa de l'article 1er par deux alinéas ainsi rédigés :
« Le code du travail est ainsi modifié :
« 1° L'article L. 322-4-6 est ainsi rétabli : ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1.

(L'amendement est adopté.)

ARTICLE L. 322-4-6 DU CODE DU TRAVAIL

M. le président. L'amendement n° 2, présenté par M. Souvet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Au début du premier alinéa du texte proposé par l'article 1er pour l'article L. 322-4-6 du code du travail, ajouter les mots : "Afin de favoriser l'accès des jeunes à l'emploi et de faciliter leur insertion professionnelle,". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet, rapporteur. Cet amendement vise à préciser dans le code du travail l'objet de la mesure, comme cela a été le cas pour tous les autres dispositifs de soutien à l'emploi. Cet objet est double : favoriser l'accès des jeunes à l'emploi et faciliter leur insertion professionnelle.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 25, présenté par M. Vasselle, est ainsi libellé :
« Dans le premier alinéa du texte proposé par l'article 1er pour l'article L. 322-4-6 du code du travail, remplacer les mots : "peuvent bénéficier" par le mot : "bénéficient". »
La parole est à M. Alain Vasselle.
M. Alain Vasselle. Je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 25 est retiré.
L'amendement n° 3, présenté par M. Souvet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Dans le premier alinéa du texte proposé par l'article 1er pour l'article L. 322-4-6 du code du travail, remplacer les mots : "une exonération de charges" par les mots : "un soutien de l'Etat". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de précision, qui vise à consolider la sécurité juridique du dispositif.
Si la mesure proposée tend effectivement à exonérer l'employeur de ses charges sociales obligatoires, la solution retenue par le projet de loi n'est pas, au sens strict, une exonération. Il s'agit, en réalité, d'un soutien de l'Etat équivalant pour l'employeur à une exonération des charges.
En pratique, l'employeur sera toujours tenu de payer ses charges, mais elles lui seront remboursées sur une base forfaitaire par l'Etat. Un tel système présente surtout l'avantage de la simplicité pour l'employeur. Dès lors, dans un souci de cohérence et de sécurité juridique, il est nécessaire d'apporter cette précision dans la loi.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Le Gouvernement a choisi ce dispositif pour des raisons de rapidité et de simplicité.
Pour mettre en oeuvre un véritable système d'exonération, au sens strict du terme, nous aurions dû négocier avec près de 70 organismes différents, ce qui aurait entraîné des délais beaucoup plus longs que ceux que nous souhaitions.
Au demeurant, nous n'aurions pas pu totalement exonérer les employeurs des charges patronales puisque certaines d'entre elles, pour des raisons législatives, ne peuvent faire l'objet d'une exonération.
Le dispositif que nous proposons est à la fois plus simple, plus efficace et plus intéressant pour l'entreprise. Bien entendu, la rédaction proposée par M. le rapporteur permet de préciser le texte. Le Gouvernement y est donc favorable.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 3.
M. Alain Vasselle. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle.
M. Alain Vasselle. Je ne veux pas laisser passer l'occasion qui m'est donnée de me féliciter du mode d'intervention financière du Gouvernement s'agissant de ce dispositif. Il tranche en effet sensiblement avec le dispositif adopté par le précédent gouvernement lors de la mise en place des 35 heures, dispositif dont souffre le budget de la sécurité sociale, ...
M. Alain Gournac. La tuyauterie !
M. Alain Vasselle. ... puisque le déficit prévisionnel de l'année 2001 n'existerait pas si l'Etat avait respecté les engagements qu'il avait pris devant la nation.
Voici donc un gouvernement qui prend ses responsabilités, qui change la donne...
M. Jean Chérioux. Qui respecte ses engagements !
M. Alain Vasselle. ... et qui apporte un soutien aux entreprises sans faire peser sur la sécurité sociale le poids des exonérations !
M. Alain Gournac. Il n'y aura plus de travail pour les plombiers ! (Sourires.)
M. Roland Muzeau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. En remplaçant le mot « exonération » par le mot « soutien », on va finir par croire que le mot « exonération » est devenu un « gros mot » !
Il est dit, dans le rapport de la commission des affaires sociales, que c'est « pour consolider la sécurité juridique du dispositif » qu'il est proposé de changer l'appellation de l'aide.
De toute façon, la nature de l'aide et ses modalités d'attribution restent les mêmes. Au fond, rien n'est changé dans la logique du dispositif. Aucune précision n'est donnée quant au financement de ce soutien de l'Etat.
Pour cette année, le Gouvernement entend procéder par redéploiement. M. le ministre a déclaré en commission que la mesure n'aurait aucun impact sur les comptes de l'UNEDIC. Mais le fait que cette dernière soit chargée de la gestion du dispositif et verse par conséquent l'aide aux employeurs ajoute à la confusion dans l'appréciation du rôle de cet organisme. Il ne faudrait pas qu'en outre il ait à supporter l'avance de l'allocation forfaitaire.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. On a vu pire !
M. Roland Muzeau. Par conséquent, je mets en garde le Gouvernement contre la tentation de ne pas honorer à temps ses engagements financiers et je souhaiterais, sur cette question, obtenir une réponse précise.
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Je rappellerai à M. Muzeau ce que je lui ai dit en commission, c'est-à-dire que le Gouvernement s'engage à ce que l'UNEDIC n'ait en rien à supporter l'avance de ces sommes.
J'ai indiqué tout à l'heure que nous inscrivions au budget de 2003 les crédits nécessaires et que, compte tenu de la montée en puissance du dispositif, nous aurions la possibilité, par redéploiements sur 2002, de faire face aux engagements qui naîtront de l'application de ce texte.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 35, présenté par M. Delfau, est ainsi libellé :
« Au premier alinéa du texte proposé par l'article 1er pour l'article L. 322-4-6 du code du travail, après les mots : "à temps plein", supprimer les mots : "ou à temps partiel". »
L'amendement n° 4, présenté par M. Souvet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Dans le premier alinéa du texte proposé par l'article 1er pour l'article L. 322-4-6 du code du travail, après les mots : "temps partiel", insérer les mots : "à la condition que la durée du travail soit au moins égale à un mi-temps". »
La parole est à M. Gérard Delfau, pour présenter l'amendement n° 35.
M. Gérard Delfau. Le projet de loi dont nous discutons vise à donner aux jeunes sans qualification la possibilité d'obtenir un emploi stable et durable grâce à la conclusion de CDI.
Il me paraît contradictoire que, parallèlement, soit prévue la possibilité de contrats à temps partiel. En effet, cela risque d'être facteur de précarité pour le salarié et de favoriser une course aux chiffres dans la lutte contre le chômage.
Pour toutes ces raisons, dans la logique même de M. le ministre, nous souhaitons la suppression de cette référence au temps partiel.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 4 et donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 35.
M. Louis Souvet, rapporteur. L'amendement n° 4 a pour objet d'encadrer les possibilités de recours au temps partiel.
Dans la mesure où le dispositif proposé vise explicitement l'insertion durable des jeunes, il importe en effet de mieux encadrer le travail à temps partiel car il ne s'agit pas d'encourager la multiplication des « petits boulots ».
En revanche, compte tenu des difficultés propres aux publics visés, il n'est pas non plus souhaitable d'interdire toute possibilité de travail à temps partiel. Il n'est pas évident que tous les jeunes, surtout ceux en grande difficulté, puissent entrer directement dans la vie active à temps plein. La limitation du temps partiel à au moins un mi-temps nous paraît donc raisonnable. Je souhaiterais vivement que notre collègue Gérard Delfau le comprenne et se rallie à notre proposition en retirant son amendement, auquel la commission est défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 35 et 4 ?
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Je souhaite que nous laissions, dans tous les dispositifs que nous serons conduits à mettre en place, le plus de liberté possible.
L'amendement n° 4 de la commission me semble néanmoins justifié. Il permet en effet de trouver un bon équilibre entre cette nécessité de liberté et le souci de veiller à l'insertion des jeunes concernés.
Le Gouvernement est donc favorable à l'amendement n° 4 et, de ce fait, défavorable à l'amendement n° 35, qui est partiellement satisfait d'ailleurs par l'amendement n° 4.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 35.
M. Claude Domeizel. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel.
M. Claude Domeizel. Je pense que le temps partiel est une formule qui peut être utile aux employeurs pour des raisons économiques, comme aux salariés plus âgés pour des raisons sociales ou familiales, mais qu'elle n'est pas adaptée aux jeunes. En effet, ce que les jeunes recherchent, ce n'est pas travailler à temps partiel, c'est travailler à temps complet.
M. Alain Vasselle. Pas tous !
M. Claude Domeizel. Tout à l'heure, Mme Létard nous a dit qu'il fallait voter ce projet de loi parce qu'il permettait aux jeunes « d'être autonomes, de fonder un foyer, de payer un loyer, etc. ». Or je vois mal comment on peut atteindre cet objectif avec des mi-temps. Même limité au mi-temps, le temps partiel me paraît tout à fait contraire aux objectifs recherchés alors que la loi devrait au contraire inciter à transformer le temps partiel en temps complet.
C'est la raison pour laquelle nous voterons l'amendement n° 35 de notre collègue Delfau.
M. Jean Chérioux. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Jean Chérioux.
M. Jean Chérioux. Je ferai remarquer à M. Domeizel que ce qui ne lui convient pas dans ce texte lui convenait parfaitement lorsqu'il s'agissait des emplois-jeunes. Ceux-ci n'auraient donc pas eu pour objectif de permettre aux jeunes de fonder une famille, d'être autonomes, etc. ?
M. Claude Domeizel. Ce n'est pas la même chose !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je souscris tout à fait aux propos que vient de tenir M. Chérioux.
J'ajouterai simplement que nous n'avons jamais pu connaître - peut-être est-ce dû à la honte qu'en éprouvait l'ancien ministre - le nombre d'emplois-jeunes exercés à mi-temps. Cela semblait un secret d'Etat : il n'y avait pas moyen d'obtenir de statistiques. Or ces dispositions avaient été voulues par la gauche. Je m'étonne donc, aujourd'hui, de la position de nos chers collègues socialistes.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 35.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 33, présenté par MM. Laffitte, Mouly, Demilly, Vallet, Deneux et Revol, est ainsi libellé :
« Dans le premier alinéa du texte proposé par l'article 1er pour l'article L. 322-4-6 du code du travail, après les mots : "dont le niveau de formation est", insérer les mots : "égal ou". »
L'amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 24 rectifié, présenté par MM. Paul Blanc, Vasselle et Gournac, est ainsi libellé :
« I. Compléter in fine le premier alinéa du texte proposé par l'article 1er pour l'article L. 322-4-6 du code du travail, par la phrase suivante :
« Pour les jeunes personnes handicapées dont le taux d'incapacité est supérieur à 50 %, l'âge limite est porté à 26 ans révolus.
« II. Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter in fine cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... La perte de recettes résultant du relèvement de l'âge limite à 26 ans pour les personnes handicapées dont le taux d'incapacité est supérieur à 50 % pour le bénéfice des dispositions de l'article L. 322-4-6 du code du travail est compensée à due concurrence par la création de taxes additionnelles aux droits prévus aux articles 403 et 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Alain Vasselle.
M. Alain Vasselle. Cet amendement vise à porter l'âge limite de vingt-deux ans à vingt-six ans pour les jeunes handicapés dont le taux d'incapacité est supérieur à 50 %.
Cette mesure à caractère social constituerait un signe fort en direction d'un public défavorisé qu'il serait opportun, monsieur le ministre, de soutenir dans sa démarche de recherche d'emploi.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Cet amendement traite d'un cas particulier puisqu'il vise à faciliter l'entrée des jeunes travailleurs handicapés dans le dispositif, en étendant en leur faveur le critère d'âge de vingt-deux ans à vingt-six ans.
Je rappelle que le taux de chômage moyen de cette catégorie de personnes atteint 26 %. J'émets donc un avis favorable, sous réserve, bien entendu, de l'avis du Gouvernement, compte tenu des implications financières de l'amendement, et en espérant que le gage puisse être levé.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement est décidé à agir en faveur des handicapés. Le Président de la République lui-même nous a fixé le cap le 14 juillet dernier.
Pour autant, je ne suis pas convaincu que la suggestion des auteurs de l'amendement soit opportune, même si elle est généreuse et mérite à ce titre considération.
D'abord, il faut rappeler le principe selon lequel toute discrimination envers les handicapés doit, autant que possible, être bannie. C'est un droit à l'égalité qui doit leur être reconnu, notamment à l'égalité pour l'accès au travail. A ce titre, bien entendu, les handicapés de seize ans à vingt-deux ans bénéficieront du dispositif.
Ensuite, il y a une difficulté de gestion. Si nous acceptions le principe de l'amendement, il faudrait alors définir de manière précise ce que serait un handicap au sens de ce texte et les conditions dans lesquelles un contrôle serait mis en oeuvre. Ce serait, d'une certaine manière, contraire à l'esprit du projet de loi, qui se veut simple à gérer, l'entrée dans le dispositif étant seulement soumise à déclaration.
Enfin, je m'interroge sur la question de savoir s'il n'y a pas dans les dispositifs existants tout ce qu'il faut pour répondre à la préoccupation des auteurs de l'amendement.
Je fais en particulier référence au contrat initiative-emploi, qui est accessible à des handicapés, et à l'ensemble des dispositifs gérés par l'AGEFIPH - l'Association pour la gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des handicapés -, notamment à la prime à l'insertion dans l'entreprise.
S'il devait y avoir amélioration des dispositifs existants - ce qui est toujours souhaitable - je suggérerais qu'une discussion soit engagée avec les partenaires sociaux et que la gestion de cette amélioration soit assumée par l'AGEFIPH, qui en a les moyens.
Dans ces conditions, le Gouvernement s'en remettra à la sagesse du Sénat. Non seulement il n'oppose pas l'article 40 pour des raisons de cohérence entre l'objet de cet amendement et la politique qu'il veut conduire dans le domaine des handicapés, mais il lèverait le gage qui est proposé si le Sénat devait voter cet amendement.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il est indéniable que le sujet est important.
La commission a, c'est vrai, émis un avis favorable sur cet amendement eu égard à l'intention extrêmement généreuse qui a animé ses auteurs.
Cependant, je ne voudrais pas que, au moment où nous allons aborder la grande réforme de la loi de 1975, nous puissions donner l'impression de régler à la sauvette le problème du travail des jeunes handicapés, qui soulève des questions d'égalité de traitement, de compensation, de place dans la société.
C'est dans cet esprit que je demanderai aux auteurs de cet amendement de bien vouloir le retirer, ce qui nous donnera le temps de la réflexion.
M. le président. Monsieur Vasselle, répondez-vous à l'invitation de M. le président de la commission ?
M. Alain Vasselle. L'avis favorable émis par la commission et le sens des propos que vient de tenir son président me mettent parfaitement à l'aise pour retirer cet amendement, car nous souhaitons bien sûr, nous aussi, conserver à ce texte sa totale cohérence.
Monsieur le ministre, je vous remercie d'avoir exprimé l'intérêt qui est le vôtre pour l'insertion des handicapés dans la société en général et dans le travail en particulier.
Vous avez rappelé qu'il existait des dispositifs qui répondaient, au moins pour partie, aux attentes d'un certain nombre de handicapés. Mais je retiens surtout que nous allons très prochainement nous atteler à la révision de la loi de 1975. C'est d'ailleurs M. Paul Blanc, premier signataire de cet amendement, qui aura la charge de rapporter ce texte devant le Sénat. Comme vous l'avez dit, monsieur le président de la commission, cela lui donnera, et nous donnera à tous, le temps de chercher, avec le Gouvernement, la meilleure solution à offrir aux handicapés.
Bien entendu, chacun l'aura compris, le retrait de cet amendement ne signifie nullement que nous renonçions en quoi que ce soit à notre volonté de favoriser la réinsertion ou l'insertion des handicapés dans le monde du travail.
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Je remercie M. Vasselle et les auteurs de l'amendement.
Ils ont bien compris que le Gouvernement ne voulait pas s'opposer au vote de cet amendement compte tenu de l'esprit qui a présidé à son dépôt. Qu'ils sachent que le Gouvernement s'engage à tout mettre en oeuvre pour que les conséquences de cet amendement puisse être intégrées soit dans des dispositifs existants, soit dans les textes à venir.
M. le président. L'amendement n° 24 rectifié est retiré. L'amendement n° 5, présenté par M. Souvet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« A. - Dans la première phrase du deuxième alinéa du texte proposé par l'article 1er pour l'article L. 322-4-6 du code du travail, remplacer les mots : "Cette exonération est calculée" par les mots : "Ce soutien est calculé".
« B. - Dans la deuxième phrase du deuxième alinéa du même texte, remplacer les mots : "L'exonération" par les mots : "Ce soutien".
« C. - Dans la dernière phrase du deuxième alinéa du même texte, remplacer le mot : "Elle" par le mot : "Il".
« D. - Dans le dernier alinéa du même texte, remplacer les mots : "de l'exonération" par les mots : "du soutien". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet, rapporteur. C'est un amendement de coordination.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 5.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 6, présenté par M. Souvet, au nom de la commission, est ainsi rédigé :
« A la fin de la première phrase du deuxième alinéa du texte proposé par l'article 1er pour l'article L. 322-4-6 du code du travail, supprimer les mots : "de l'intéressé". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 6.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 26, présenté par MM. Godefroy, Chabroux, Cazeau et Domeizel, Mme Printz et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi la deuxième phrase du deuxième alinéa du texte proposé par l'article 1er pour l'article L. 322-4-6 du code du travail : "l'exonération n'est cumulable avec aucune autre aide publique à l'emploi". »
La parole est à M. Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Il s'agit de faire en sorte que la mesure proposée s'applique de la même façon sur l'ensemble du territoire, et donc de s'assurer que l'universalité que vous voulez lui conférer, monsieur le ministre, soit réellement vérifiée.
En effet, nous le savons, les régions et les départements ont mis en place des dispositifs d'aide qui leur sont propres. Dès lors, il serait souhaitable que l'exonération ne soit pas cumulable avec d'autres aides publiques à l'emploi, de manière que ne se créent pas de déséquilibres entre les régions ou entre les bassins d'emploi.
L'aide que vous proposez est déjà substantielle et notre amendement favoriserait l'égalité entre les différents territoires de notre pays en contrecarrant la chasse au cumul des exonérations à laquelle se livrent certaines entreprises.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Cet amendement vise à interdire toute possibilité de cumul entre le dispositif et une autre aide publique à l'emploi, notamment parmi celles qui peuvent être mises en place par des collectivités locales. Cette question a déjà été abordée lors de l'audition de M. le ministre par la commission.
Je formulerai, au nom de la commission, une double réserve.
D'abord, une telle disposition pourrait porter atteinte au principe de libre administration des collectivités locales. Je crois qu'il faut, au contraire, faire confiance aux collectivités locales pour redimensionner, le cas échéant, leurs aides au regard du nouveau dispositif.
J'observe en outre qu'une telle interdiction n'existe pas pour les autres dispositifs d'aide à l'emploi.
La commission a donc donné un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement et s'étonne que, dans cette assemblée, on puisse proposer des textes qui viennent contrer, au fond, la liberté des collectivités locales de mettre en oeuvre les dispositifs qu'elles jugent opportuns.
Le Gouvernement demande donc, comme la commission, le rejet de cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 26.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 7, présenté par M. Souvet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« A. - Dans la dernière phrase du deuxième alinéa du texte proposé par l'article 1er pour l'article L. 322-4-6 du code du travail, après la référence : "L. 241-13-1", remplacer la virgule par le mot : "et".
« B. - Dans le troisième alinéa du même texte, après les mots : "le montant", remplacer la virgule par le mot : "et". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 40 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Compléter in fine le deuxième alinéa du texte proposé par l'article 1er pour l'article L. 322-4-6 du code du travail par les mots : "ainsi qu'aux articles L. 241-13 et L. 241-13-1 du code de la sécurité sociale tels que visés par l'article L. 741-4 du code rural et aux articles L. 741-5 et L. 741-6 de ce dernier code". »
La parole est à M. le ministre.
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Cet amendement a pour objet de faire bénéficier les employeurs du secteur agricole du cumul du dispositif de soutien de l'Etat avec les réductions et allégements de cotisations qui sont déjà applicables dans ce secteur.
Ces réductions et allégements sont de même type que ceux qui sont en vigueur dans les secteurs de l'industrie et des services : ristourne bas salaire, allégement de charges pour les entreprises ayant réduit leur temps de travail et exonérations de cotisations de prestations familiales.
Il s'agit donc, par cet amendement de cohérence, de viser le code rural comme nous l'avons fait pour le code de la sécurité sociale.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Il convient effectivement de prendre en compte les employeurs du secteur agricole, qui ont été apparemment oubliés. La commission émet donc un avis favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 40 rectifié.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix, modifié, le texte proposé pour l'article L. 322-4-6 du code du travail.

(Ce texte est adopté.)

ALINÉA ADDITIONNEL
APRE`S LE QUATRIE`ME ALINÉA DE L'ARTICLE 1er

M. le président. L'amendement n° 8, présenté par M. Souvet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Après le quatrième alinéa de l'article 1er, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« 2° Sont insérés six articles L. 322-4-6-1 à L. 322-4-6-6 ainsi rédigés : ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet, rapporteur. C'est un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un alinéa additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après le quatrième alinéa de l'article 1er.

ARTICLE L. 322-4-6-1 DU CODE DU TRAVAIL

M. le président. L'amendement n° 9, présenté par M. Souvet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« A. - Dans la première phrase du premier alinéa du texte proposé par l'article 1er pour l'article L. 322-4-6-1 du code du travail, remplacer les mots : "de l'exonération mentionnée" par les mots : "du soutien mentionné".
« B. - Dans la seconde phrase du premier alinéa du même texte, remplacer les mots : "de l'éxonération" par les mots : "du soutien".
« C. - Au début du deuxième alinéa du même texte, remplacer les mots : "L'exonération n'est accordée" par les mots : "Le soutien de l'Etat n'est accordé". »
La parole est à M. le rapporteur. M. Louis Souvet, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 9.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 10, présenté par M. Souvet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Dans la première phrase du premier alinéa du texte proposé par l'article 1er pour l'article L. 322-4-6-1 du code du travail, après les mots : "trois années au plus", insérer les mots : ", le cas échéant de manière dégressive," ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet, rapporteur. Il est prévu dans le texte que le soutien sera accordé pour une durée maximale de trois ans et que son montant sera réduit de moitié la troisième année. Dans un souci de sécurité juridique, il est nécessaire de prévoir expressément dans la loi une possibilité de dégressivité dans le temps.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 10.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 11, présenté par M. Souvet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« A la fin de la première phrase du premier alinéa du texte proposé par l'article 1er pour l'article L. 322-4-6-1 du code du travail, supprimer les mots : ", pour leurs établissements employant au plus deux cent cinquante salariés".
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet rapporteur. En proposant de supprimer le seuil limitant la mesure aux établissements de moins de 250 salariés, nous souhaitons évidemment en élargir le bénéfice à l'ensemble des entreprises, de manière à renforcer la portée et l'efficacité du dispositif.
Plusieurs raisons militent en ce sens.
Les moyennes et grandes entreprises sont bien armées pour accueillir dans les meilleures conditions les jeunes les moins qualifiés. Elles sont en effet à même de leur offrir de vraies perspectives d'insertion professionnelle, car elles peuvent plus facilement organiser un accompagnement du jeune dans l'entreprise, grâce, notamment, au tutorat à l'accompagnement social.
Elles peuvent aussi plus aisément renforcer le contenu du contrat en termes de formation. On sait que les possibilités d'accès à la formation sont plus fortes dans les grandes entreprises. En outre, celles-ci recourent moins que les PME aux formations en alternance et à l'apprentissage, ce qui réduit d'autant les risques de télescopage entre ces dispositifs d'insertion.
Enfin, le seuil retenu soulève une difficulté d'ordre juridique : il risque d'introduire une rupture d'égalité entre les entreprises selon qu'elles sont organisées ou non en établissements. La suppression du seuil lèvera cette difficulté.
La commission en appelle au réalisme. Si nous voulons vraiment donner une seconde chance aux jeunes les plus en difficulté, il faut leur ouvrir toutes les portes.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. J'ai indiqué tout à l'heure les raisons qui avaient conduit le Gouvernement à retenir le seuil de 250 salariés et j'ai souligné sa volonté de privilégier les petites et moyennes entreprises grâce à ce dispositif.
Je ne peux pas nier que j'approuve les arguments avancés par M. le rapporteur, notamment celui qui concerne la rupture d'égalité entre les entreprises en fonction de leur mode d'organisation et plus encore celui selon lequel les grandes entreprises peuvent mieux accompagner les jeunes et peut-être leur offrir, à terme, des perspectives de formation plus importantes.
Je m'en remets donc à la sagesse du Sénat.
M. Henri de Raincourt. Très bien !
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 11.
M. Guy Fischer. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Il serait tout de même intéressant de connaître le coût d'une telle extension du dispositif à l'ensemble des entreprises. On peut d'ailleurs se demander si l'article 40 de la Constitution n'aurait pas dû être invoqué.
M. Alain Gournac. Le Gouvernement fait ce qu'il veut !
M. Guy Fischer. Monsieur Gournac, vous qui avez tant le souci des finances publiques, reconnaissez au moins que la question mérite d'être soulevée !
Quoi qu'il en soit, j'exprime le profond désaccord des sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen sur cet amendement.
Nous comprenons tout à fait que les PME puissent faire l'objet d'une attention particulière et bénéficier de dispositions ciblées dans la mesure où elles n'ont pas les mêmes facilités de trésorerie que les grands groupes.
De plus, en raison des conditions de travail difficiles, voire déplorables, et de la faiblesse des salaires dans certains secteurs, les petites entreprises rencontrent d'indéniables difficultés de recrutement. C'est d'ailleurs pourquoi nous avançons des propositions pour alléger leurs charges financières.
Faisant vôtre l'hypothèse selon laquelle les effets d'aubaine pourraient aller croissant avec la taille de l'entreprise, vous avez, monsieur le ministre, défendu en commission le choix du seuil de 250 salariés.
Au demeurant, ce seuil nous paraît déjà élevé. Il permet en particulier aux entreprises dépendant d'un grand groupe de bénéficier de ce nouveau contrat aidé.
Il reste que, en supprimant le seuil, la commission des affaires sociales touche à l'économie générale de votre texte. Si l'amendement est adopté, il ne sera plus possible de défendre l'idée d'une mesure ciblée. On va retomber dans les travers dénoncés en 1999 par la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur les pratiques des groupes nationaux et multinationaux industriels concernant l'emploi.
Ce sont les grandes entreprises, les groupes, qui bénéficient déjà, pour l'essentiel, des aides sous forme d'exonération de cotisations sociales sans contreparties réelles, et elles seront une fois de plus les premières à s'engager dans le nouveau dispositif.
Dans ces conditions, nous voterons contre cet amendement, qui généralise un nouveau type d'exonération de charges sociales patronales. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. Alain Gournac. Vous avez tort !
M. Jean-Pierre Godefroy. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. A peu près pour les mêmes raisons que notre collègue Guy Fischer, nous nous opposerons à cette proposition du rapporteur.
Devant la commission des affaires sociales, monsieur le ministre, vous avez bien dit que le seuil de 250 salariés avait fait l'objet d'un très large débat. Vous avez vous-même indiqué que plus l'entreprise était grande plus l'effet d'aubaine était un risque.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il a dit que c'était une hypothèse !
M. Jean-Pierre Godefroy. Ce seuil nous semblait intéressant car, dans les petites et moyennes entreprises - cela étant, une entreprise de 250 salariés c'est déjà une entreprise d'une certaine importance -, les relations présentent un caractère de proximité dont les jeunes en difficulté peuvent effectivement tirer un bénéfice.
Comme l'a dit Guy Fischer, cette extension de la mesure soulève un problème de coût. Si un effet d'aubaine peut déjà exister avec un seuil de 250 salariés, les conséquences seront nécessairement accrues pour le budget de l'Etat en l'absence de tout seuil.
En outre, monsieur le ministre, le cumul des aides peut avoir un effet dévastateur pour les grands groupes, notamment en matière de délocalisation : si l'on cumule les aides pour l'emploi des jeunes de seize à vingt-deux ans avec les aides régionales, départementales et locales, on risque d'encourager des déséquilibres géographiques extrêmement dangereux. Nous voterons donc contre cet amendement.
Enfin, permettez-moi, monsieur le ministre, de vous poser une question au sujet des employeurs de pêche maritime. Vous savez que, pour embarquer sur un navire, il faut soit être élève dans un lycée maritime - mais ceux-ci n'ont pas la possibilité de former des jeunes âgés de plus de dix-huit ans -, soit obtenir un certificat d'instruction de navigation, qui ne peut être délivré qu'à partir de vingt-deux ans, après douze semaines de formation. Il existe donc un vide juridique pour les jeunes de dix-huit à vingt-deux ans dans les métiers de la pêche.
Je ne vous demande pas, bien sûr, une réponse immédiate, monsieur le ministre, mais il faudra, si la loi est votée - ce que l'on peut supposer -, que ce problème soit réglé.
M. Gérard Delfau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau.
M. Gérard Delfau. Monsieur le ministre, j'ai envie de vous dire : « Défendez votre texte ! » (M. le ministre sourit.)
Votre projet de loi est intéressant à double titre.
Tout d'abord, il cible les jeunes sans qualification. Pour cette raison, vous nous avez sentis, nous, membres de la minorité sénatoriale,...
M. Louis Souvet, rapporteur. Et nationale !
M. Gérard Delfau. ... attentifs et partagés quant au vote que nous émettrons en fin de débat.
Encore faut-il que le texte que vous nous proposez ne soit pas défiguré en cours de route ! En effet, la mesure prévue cible par ailleurs les très petites, les petites et les moyennes entreprises. C'est d'ailleurs une question de justice, l'argent de la nation doit aller d'abord vers ces entreprises qui, quelles que soient les possibilités offertes par les textes législatifs et réglementaires, ont beaucoup de mal à bénéficier des mesures prises en matière de politique du travail.
Que propose la commission ? Permettez-moi de prendre un exemple afin de mieux me faire comprendre : dans mon bassin d'emploi de cent mille habitants, je sais - je suis maire d'une des communes de ce bassin - qu'aucun établissement n'emploie plus de 180 salariés. Si l'amendement qui nous est soumis est adopté, que va-t-il se passer ? Après un important effort d'information - c'est du moins à espérer - le réseau des très petites entreprises, qui est le seul réseau existant, réagira et déposera des demandes auprès de la direction départementale du travail. On lui répondra que le budget affecté à ce type de mesures est déjà dépensé, au profit des très grosses entreprises car - il faut le reconnaître, monsieur le rapporteur - au sein de régions qui bénéficient d'une implantation industrielle ancienne, ces entreprises ont une grande habitude de ces aides.
Voilà pourquoi, monsieur le ministre, je vous le demande : défendez votre texte, ne le laissez pas dénaturer par la majorité du Sénat. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Alain Vasselle. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle.
M. Alain Vasselle. Il est assez réconfortant d'entendre les déclarations qui viennent d'être faites sur les travées de l'opposition par M. Godefroy et, surtout, par M. Delfau. En effet, en définitive, monsieur le ministre, nos collègues font le pari de la réussite de votre projet, au point de craindre que le Gouvernement ne parvienne pas à mobiliser les moyens financiers suffisants pour assurer son succès ! (Sourires.)
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Eh oui !
M. Alain Vasselle. Que voulez-vous, mes chers collègues de l'opposition : que ce projet réussise ou qu'il échoue ?
M. Gérard Delfau. Qu'il réussisse !
M. Alain Vasselle. Dans ce cas, suivez plutôt les propositions de la commission ! Au demeurant, M. le ministre ne s'est pas tant fait tirer l'oreille pour comprendre que l'intérêt du Gouvernement était, précisément, d'aller dans la direction proposée par la commission des affaires sociales !
J'ai été moi-même tout à fait séduit, à la première lecture du texte qui nous est proposé, par son contenu. En effet, monsieur le ministre, qui aurait pu critiquer une initiative gouvernementale tendant à favoriser le réseau des petites et moyennes entreprises plutôt que celui des grandes entreprises ? Au premier abord, on pouvait donc considérer que ce projet s'engageait sur la bonne voie.
M. Gérard Delfau. Et au deuxième abord ?
M. Alain Vasselle. Je ne sais pas, mes chers collègues de l'opposition, si vous avez l'expérience de l'entreprise.
Mme Annick Bocandé. Oh oui !
M. Guy Fischer. Mais nous ne sommes pas de votre côté : nous, nous sommes exploités !
M. Alain Vasselle. Dieu merci, grâce au président Poncelet, nous avons la faculté, si nous le souhaitons, de suivre des stages en entreprise.
M. Gérard Delfau. On ne vous a pas attendu, monsieur Vasselle !
M. Alain Vasselle. Ces stages d'immersion en entreprise sont tout à fait utiles pour notre culture politique et économique.
Personnellement, mes chers collègues, je pensais donc, au premier abord, à l'instar du Gouvernement, qu'il fallait privilégier plutôt ces petites unités. Or, très rapidement, une consultation sur le terrain, auprès de chefs d'entreprise, m'a convaincu du contraire. Ainsi, je déjeunais pas plus tard que ce midi avec un cadre supérieur d'Essilor, entreprise dont vous dites que, parce qu'elle est relativement importante, elle risque d'exploiter l'effet d'aubaine d'une telle mesure.
Comme je l'interrogeais sur la pertinence de ce projet de loi, sa réponse a confirmé mes craintes : il n'est pas certain, selon lui, que cette proposition génère plus d'avantages que de difficultés, surtout si l'entreprise est de petite taille. En effet, pour accueillir un jeune en difficulté dont le niveau de formation est inférieur au baccalauréat, l'entreprise devra lui consacrer un temps non négligable pour l'initier, pour lui redonner le goût au travail, ce qui supposera une formation, de l'encadrement, de l'accompagnement, voire la mise en place d'une formule de tutorat, comme l'ont envisagé certains de nos collègues.
Je pense, monsieur le ministre, qu'il vous fallait éviter deux écueils. Le premier est d'ordre financier, et, à mon avis, il y a peu de chances que nous y soyons confrontés. Le second, c'est de voir ce projet échouer faute de rencontrer l'adhésion d'un suffisamment grand nombre d'entreprises pour accueillir les jeunes concernés.
Je fais, comme vous, le pari de la réussite, mais, monsieur le ministre, je suis persuadé que le Gouvernement et l'ensemble de la collectivité nationale devront conduire une action de sensibilisation et de communication très forte auprès des chefs d'entreprise pour leur faire comprendre qu'ils feront leur devoir civique, leur devoir de citoyen s'ils aident le Gouvernement à sortir de l'ornière des jeunes qui y sont depuis très longtemps.
Merci, donc, et bravo au Gouvernement de s'intéresser à ces publics jeunes et de faire des propositions concrètes. Quant à nous, gauche et droite réunies, nous devons faire le pari de la réussite ! (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Exclamation sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Jean Chérioux. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Jean Chérioux.
M. Jean Chérioux. Monsieur le président, nous vivons un grand moment : c'est la première fois, en vingt-cinq ans, que j'entends les représentants du groupe communiste invoquer presque l'article 40 de la Constitution et s'inquiéter des conséquences financières d'un projet de nature sociale ! Cela restera inscrit dans les annales du Sénat ! (Sourires.)
M. Guy Fischer. Nous avons le souci des finances publiques, monsieur Chérioux !
M. Jean Chérioux. J'ai aussi entendu - et c'est encore un grand moment ! - un collègue socialiste venir en aide au Gouvernement en lui demandant de défendre son projet contre la commission des affaires sociales.
M. Guy Fischer. Elle le dévoie !
M. Jean Chérioux. En réalité, mes chers collègues, il ne s'agit pas ici d'aider les entreprises, car ce texte vise essentiellement à réduire le nombre des chômeurs...
Mme Marie-Claude Beaudeau. On a déjà essayé, cela n'a pas réussi !
M. Jean Chérioux. ... et à permettre à des gens qui sont en très grande difficulté de travailler. L'essentiel réside non pas dans l'aide financière qui sera apportée aux entreprises, mais dans la possibilité qui sera offerte à des jeunes exclus du marché du travail de trouver un emploi.
Ces actions, nous le savons, concernent 60 000 jeunes par an. Alors, ne parlons pas du risque de dérive, d'autant qu'il y a une limite d'âge.
Comme je l'ai dit en commission à M. le ministre, j'espère que les partenaires sociaux s'entendront pour inciter les gandes entreprises à engager des actions spécifiques de formation et de tutorat en faveur de ces jeunes, qui ne pourront pas tous être embauchés dans les entreprises de moins de 250 salariés. Un refus de leur part serait en effet préjudiciable.
M. Jacques Legendre. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Jacques Legendre.
M. Jacques Legendre. J'étais a priori plutôt favorable au maintien de la disposition initialement envisagée par le Gouvernement. Lorsqu'il s'agit d'aider les jeunes, il faut effectivement ne pas hésiter à faire un effort financier important, mais il faut utiliser l'argent de la manière la plus efficace et ne pas risquer de créer l'effet d'aubaine dont on a parlé : quand M. le ministre nous dit que les grandes entreprises peuvent être plus tentées par cette mesure que les petites entreprises, c'est un argument qui retient mon attention.
A l'issue du débat qui vient d'avoir lieu, je suis, je l'avoue, un peu plus perplexe. Nous parlons en effet de jeunes dont la culture générale est faible, de jeunes qui n'ont pas le niveau du baccalauréat, de jeunes qui n'ont pas une formation professionnelle importante. Par conséquent, la question est peut-être moins de savoir si l'on impose un seuil de 250 salariés que de savoir quelles entreprises vont avoir besoin de jeunes peu formés professionnellement, avec un niveau de culture générale faible.
M. Alain Vasselle. Tout à fait !
M. Jacques Legendre. Ce qui me choquerait, c'est qu'il n'y eût pas, dans un bassin d'emplois, suffisamment de postes dans les petites et moyennes entreprises pour les jeunes susceptibles de bénéficier de cette mesure, alors que, dans le même temps, des entreprises de plus de 250 salariés, qui pourraient employer les intéressés, seraient exclus du dispositif.
J'avoue qu'au cours de la discussion ma réflexion a évolué et, en ce qui me concerne, je me rallierai à l'amendement proposé par la commission.
M. Eric Doligé. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Eric Doligé.
M. Eric Doligé. Ce débat sur l'effet d'aubaine me gêne un peu et je crois qu'il faut regarder la réalité économique en face. Lorsqu'une entreprise embauche ou licencie, en général, c'est parce qu'elle a besoin de vivre ! J'ai ainsi entendu hier un ministre nous expliquer qu'une entreprise avait une durée de vie moyenne de quarante ans : elle vit, elle meurt, elle rencontre des difficultés ; par conséquent, elle n'embauche ni ne licencie pour des effets d'aubaine ou pour le plaisir, elle doit être viable et fonctionner.
Aujourd'hui, nombre d'entreprises cherchent des salariés, contrairement à ce que certains peuvent penser. Lorsqu'on est sur le terrain, on s'aperçoit ainsi que l'on manque de salariés dans bien des domaines.
Permettre à des jeunes, dans des conditions économiques favorables à la fois pour eux et pour les entreprises, de trouver un emploi à durée indéterminée en favorisant leur accès au travail, c'est le meilleur service qui puisse être rendu à chacun.
L'amendement qui nous est proposé répond aux besoins des entreprises et des jeunes. Ne parlons donc plus d'effet d'aubaine ! Si l'entreprise et l'économie peuvent tirer profit d'une telle mesure, tant mieux ! Or je pense que ce dispositif profitera et aux entreprises et aux jeunes. Ne nous laissons pas aller à la passion politique ! Nous sommes là pour résoudre un problème, et le Gouvernement nous propose une solution. Acceptons-la et cessons de tourner autour du pot ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. La commission, à la demande de son rapporteur, n'a fait qu'aller dans le sens souhaité par le Gouvernement : placer le jeune et son emploi au coeur du dispositif proposé. Débattre pour savoir si telle ou telle entreprise doit entrer dans le dispositif est hors sujet, la question est la suivante : comment placer ces jeunes en situation d'être embauchés ? Telle est notre préoccupation, du premier amendement jusqu'au dernier.
Je veux également rassurer M. Fischer. Il est vrai que ce dispositif a un coût, mais nous avons pris une précaution qui, curieusement, ne lui a pas sauté aux yeux : nous avons supprimé les emplois à temps trop partiel qui risquaient de créer des effets d'aubaine et de coûter très cher parce qu'ils pouvaient se multiplier à l'infini. Nous avons, à cet égard, fait faire des économies.
Nous avons toujours le souci du jeune lui-même. Nous ne voulons pas qu'il soit exploité par des emplois à temps trop partiel. Nous souhaitons aussi que chaque possibilité d'embauche soit attribuée au jeune.
Loin d'être un effet d'aubaine, ce dispositif constitue donc une chance considérable pour les jeunes. (Très bien ! sur les travées du RPR).
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. M. Delfau me demande de défendre « mon » texte.
M. Gérard Delfau. C'est normal !
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Je lui ai dit tout à l'heure que nous, nous allions faire preuve d'humilité. Ce n'est pas « mon » texte. Nous sommes en train ensemble - c'est vous les législateurs - d'élaborer, sur une proposition du Gouvernement, un dispositif dont l'objectif est, d'abord, de réinsérer des jeunes dans la vie professionnelle.
M. Eric Doligé. Absolument !
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Il est exact que, au sein du Gouvernement, nous avons débattu de la question de la taille des entreprises éligibles à ce contrat sans charges. J'ai d'ailleurs dit, devant la commission, que, selon certains, l'effet d'aubaine pouvait croître avec la taille de l'entreprise. J'ai dit « selon certains », parce que je n'en suis pas intimement convaincu et que personne ne m'en a apporté la démonstration.
Cette question de la taille des entreprises éligibles aux exonérations de charges pour l'emploi de jeunes est posée depuis longtemps. Ainsi, dans le dispositif exo-jeunes élaboré par Mme Aubry, le seuil était de 500. Il n'était pas fixé à 250, mais il n'était pas complètement libre non plus ! C'est dire s'il est difficile de trancher cette question et, surtout, d'accepter des arguments aussi définitifs que ceux que j'ai entendus tout à l'heure.
L'élargissement du nombre d'entreprises visées se traduira, je l'espère, par une augmentation du nombre des contrats. Mais on ne peut pas dire de combien exactement. On peut simplement dire que la cible visée passerait de 200 000 à 300 000 jeunes et que le coût global de la mesure pourrait croître d'un tiers environ.
Je voudrais maintenant rassurer M. Delfau : cette mesure n'est pas contingentée. Il n'y aura donc pas, dans les territoires, de limitation liée à la demande venant des grandes entreprises.
Enfin, si je suis, comme d'autres, sensible aux argumetns qui ont été évoqués par la commission, c'est parce que je crois que, avant de s'interroger sur l'éventuel effet d'aubaine pour les grandes entreprises, il faut s'interroger sur le nombre de jeunes qui pourraient sortir de la précarité grâce à la suppression de ce seuil.
D'une certaine manière, le débat que nous venons d'avoir me fait plutôt pencher maintenant dans le sens des arguments de la commission alors que j'avais encore quelques réserves à leur égard il y a quelques instants. (Applaudissements sur les travées du RPR) .
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 11.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 12, présenté par M. Souvet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Dans le troisième alinéa (1°) du texte proposé par l'article 1er pour l'article L. 322-4-6-1 du code du travail, remplacer le mot : "cause" par le mot : "motif". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet, rapporteur. C'est un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 12.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 27, présenté par MM. Charasse, Chabroux, Cazeau, Domeizel et Godefroy, Mme Printz et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
« Dans le troisième alinéa (1°) du texte proposé par l'article 1er pour l'article L. 322-4-6-1 du code du travail, remplacer les mots : "dans les six mois", par les mots : "dans l'année". »
La parole est à M. Gilbert Chabroux.
M. Gilbert Chabroux. Après un licenciement économique, l'employeur ne peut en principe réembaucher sur le même poste que si un délai d'au moins six mois s'est écoulé.
Nous souhaiterions porter ce délai à un an parce que l'exonération des charges est une mesure d'une indéniable attractivité pour les entreprises. Il s'agit là, selon nous, d'une garantie supplémentaire.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Nous estimons que cet amendement a été déposé dans le souci louable de venir le plus vite possible en aide à ceux qui sont susceptibles de bénéficier de cette mesure.
Cependant, il semble à la commission qu'il pourrait avoir des effets pervers importants. On peut craindre en effet que des entreprises ne soient conduites à embaucher dans le cadre d'un CIE, ou contrat initiative-emploi, qui offre de plus faibles perspectives d'insertion pour les jeunes.
C'est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement.
Vous avez bien compris, monsieur le sénateur, que notre objectif était d'offrir aux jeunes un contrat de droit commun. Cet amendement vient durcir les conditions d'éligibilité au soutien de l'Etat, alors que la période retenue traditionnellement pour tous les dispositifs d'aide à l'emploi est de six mois.
Pour lever les craintes de l'opposition sénatoriale, je voudrais lui rappeler que, dans la mesure « exo-jeunes », le délai était de quatre mois.
M. Jacques Legendre. Intéressant !
M. Gilbert Chabroux. C'est vrai !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 27.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 13, présenté par M. Souvet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« A la fin du troisième alinéa (1°) du texte proposé par l'article 1er pour l'article L. 322-4-6-1 du code du travail, remplacer les mots : "de l'intéressé", par les mots : "du salarié". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet, rapporteur. C'est un amendement de précision qui vise à respecter la terminologie du code du travail.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 13.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 28, présenté par MM. Charasse, Chabroux, Cazeau, Domeizel et Godefroy, Mme Printz et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
« Compléter le quatrième alinéa (2°) du texte proposé par l'article 1er pour l'article L. 322-4-6-1 du code du travail par les mots : "ainsi que de ses impôts" ».
La parole est à M. Gilbert Chabroux.
M. Gilbert Chabroux. Cet amendement se justifie par son texte même.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Cet amendement créerait, si nous l'adoptions, une complexité de gestion évidente, car ni les ASSEDIC ni la direction départementale de l'emploi et de la formation professionnelle, qui gèrent et contrôlent le dispositif, n'ont d'informations - et c'est bien naturel - sur la situation fiscale de l'entreprise.
Dans ces conditions, la commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 28.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 14, présenté par M. Souvet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Au début du dernier alinéa (3°) du texte proposé par l'article 1er pour l'article L. 322-4-6-1 du code du travail, remplacer les mots : "L'intéressé n'a pas été employé dans son entreprise" par les mots : "Le salarié n'a pas travaillé chez l'employeur". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de précision.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 14.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 15, présenté par M. Souvet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Dans le dernier alinéa (3°) du texte proposé par l'article 1er pour l'article L. 322-4-6-1 du code du travail, après les mots : " à durée déterminée " insérer les mots : " ou d'un contrat de travail temporaire ". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet, rapporteur. Cet amendement prévoit explicitement que l'employeur peut recruter, avec le soutien de l'Etat, les intérimaires qui travaillaient chez lui à échéance de leur contrat.
Le texte initial entretenait, je crois, une certaine confusion sur ce point. Or, monsieur le ministre, on voit mal pourquoi cette possibilité serait ouverte pour les seuls CDD. Si l'objectif du texte est de lutter contre la précarité, il est logique d'autoriser les intérimaires à bénéficier de ce dispositif.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 15.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. l'amendement n° 36, présenté par M. Delfau, est ainsi libellé :
« Après le 3° du texte proposé par l'article 1er pour l'article L. 322-4-6-1 du code du travail, insérer un alinéa 4° ainsi rédigé :
« ...° L'employeur assure à l'intéressé une formation professionnelle permanente prévue à l'arti-cle L. 900-1. »
La parole est à M. Gérard Delfau. M. Gérard Delfau. Avec cet amendement, nous abordons le point qui fait débat depuis la discussion générale et le fait que nous n'acceptons pas que des jeunes peu qualifiés entrent dans le monde du travail sans qu'on les incite de toutes les façons possibles à poursuivre une formation professionnelle qualifiante qu'ils ont interrompue prématurément.
Nous entendons bien l'argument que vous nous opposez, monsieur le ministre, et qui est valable : ces jeunes sont déjà en situation d'échec scolaire ; leur imposer de revenir à l'école d'une façon ou d'une autre cela risquerait de les inciter à ne pas accepter ce poste de travail et ce type de contrat.
Ce raisonnement nous paraît cependant trouver tout de suite sa limite. Nous voudrions donc - et mon amendement pourrait être rédigé autrement - inciter les employeurs à offrir à ces jeunes une formation professionnelle.
Faute de cet élément, nous estimons que ce projet de loi contient un élément de déséquilibre et fait courir à certains salariés le risque d'être tout au long de leur vie insuffisamment formés et donc sous-payés.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Monsieur le président, nous nous sommes déjà longuement expliqués sur ce sujet : la commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur le président, je me suis expliqué tout au long du débat sur la philosophie qui inspire ce texte et cette mesure : les jeunes bénéficieront en tout état de cause des mesures de formation accessibles à l'ensemble des salariés de l'entreprise, parce que c'est un contrat de droit commun.
Les groupes de l'opposition du Sénat ne mesurent peut-être pas assez à quel point les jeunes seront sensibles au fait qu'on leur offre, peut-être pour la première fois, un dispositif qui ne soit pas d'exception, un dispositif de droit commun : le contrat de travail à durée déterminée, sans restriction sur le niveau de salaire. Je pense que ce point est extrêmement important sur le plan psychologique et qu'il justifie que le Gouvernement demande au Sénat de rejeter cet amendement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 36.
M. Jacques Legendre. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Jacques Legendre.
M. Jacques Legendre. Monsieur le président, mes chers collègues, je suis particulièrement sensible à toute demande en matière de formation professionnelle. Je crois d'ailleurs que nous souhaitons tous que les jeunes puissent bénéficier d'une qualification professionnelle. Mais n'oublions pas, une fois encore, le point dont nous partons : il s'agit du noyau de jeunes que, malgré tous ses efforts, l'école ne parvient pas à scolariser véritablement, à amener à un niveau de formation générale suffisant et à un début de qualification professionnelle.
Avec ce texte, nous leur donnons la possibilité d'entrer dans l'entreprise malgré ce handicap, dans une situation d'embauche normale, avec un contrat de travail à durée indéterminée.
L'aubaine dont on parlait tout à l'heure est donc d'abord pour ces jeunes. Pour eux, c'est une vraie aubaine ! Nous souhaiterons sûrement tous qu'ils puissent bénéficier ensuite, comme tout salarié qui a un contrat de travail normal dans une entreprise, de l'un des dispositifs de formation permanente en place.
Je souligne toutefois que, puisqu'ils n'ont pas de formation rationnelle, l'entreprise devra leur assurer tout de suite la formation nécessaire à leur poste de travail. Ensuite, grâce à des mesures dont nous débattions encore récemment au Sénat sous le gouvernement précédent et qui ont été votés, ils pourront bénéficier du dispositif de validation des acquis de l'expérience.
Je souhaite toutefois, comme vous, monsieur Delfau, qu'ils bénéficient ensuite d'un dispositif permanent.
J'ajoute, mon cher collègue, que j'ai relevé une contradiction dans vos propos : d'un côté, vous nous dites qu'il faudrait « inciter les employeurs » et, de l'autre, dans l'objet de votre amendement, vous écrivez qu'il faut « obliger les employeurs ».
Je dis oui à l'incitation, mais non à l'obligation, d'autant qu'il s'agit de faire bénéficer des jeunes d'une chance unique : entrer dans une entreprise comme tout le monde, et avec un contrat de travail à durée indéterminée.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 36.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix, modifié, le texte proposé pour l'article L. 322-4-6-1 du code du travail.

(Ce texte est adopté.)

ARTICLE L. 322-4-6-2 DU CODE DU TRAVAIL

M. le président. L'amendement n° 16, présenté par M. Souvet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Dans le texte proposé par l'article 1er pour l'article L. 322-4-6-2 du code du travail, remplacer les mots : "avant leur terme" par les mots : "sans préavis". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de précision. Les contrats de travail étant des contrats à durée indéterminée, ils n'ont, par définition, pas de terme.
De toute évidence, le projet de loi vise ici, en réalité, la possibilité d'une rupture de contrat sans préavis par le salarié. C'est tout le sens de la dérogation qu'il introduit aux dispositions du code du travail régissant le délai du congé. Il est souhaitable de faire figurer clairement ce préavis dans la loi.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 16.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix, modifié, le texte proposé pour l'article L. 322-4-6-2 du code du travail.

(Ce texte est adopté.)

ARTICLE L. 322-4-6-3 DU CODE DU TRAVAIL

M. le président. L'amendement n° 17, présenté par M. Souvet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Dans le texte proposé par l'article 1er pour l'article L. 322-4-6-3 du code du travail, remplacer le mot : "mécanisme" par le mot : "dispositif". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 17.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix, modifié, le texte proposé pour l'article L. 322-4-6-3 du code du travail.

(Ce texte est adopté.)

ARTICLES ADDITIONNELS APRÈS L'ARTICLE L. 322-4-6-3
DU CODE DU TRAVAIL

M. le président. L'amendement n° 18, présenté par M. Souvet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Après le texte proposé par l'article 1er pour l'article L. 322-4-6-3 du code du travail, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. L. 322-4-6-4. - Une convention ou un accord collectif de branche peut prévoir les conditions dans lesquelles les salariés visés à l'article L. 322-4-6 bénéficient d'un accompagnement et du bilan de compétences mentionné à l'article L. 900-2. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet, rapporteur. L'objet de cet amendement est double. D'une part, il prévoit que le jeune peut bénéficier d'un accompagnement dès son entrée dans l'entreprise. D'autre part, il précise les conditions d'accès du jeune au bilan de compétences.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Cet amendement, conformément à ce que vient de dire M. Legendre, vise à donner des moyens supplémentaires aux partenaires sociaux pour mettre en oeuvre l'accompagnement du salarié, accompagnement que tout le monde estime nécessaire dans ce dispositif. Mais il ne l'impose pas. Dans ces conditions, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 18.
M. Roland Muzeau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Je souhaite surtout réagir aux propos de M. le ministre.
Après une lecture rapide, on pourrait penser que cet amendement va dans le bon sens. Mais, en réalité, il n'en est rien.
En effet, les partenaires sociaux peuvent très bien conclure un accord conventionnel de branche, que ce soit dans la métallurgie, la chimie, etc., et cela n'a rien à voir avec la loi !

Cet amendement est plus destiné à répondre aux objections fortes de l'opposition sur l'absence réelle de formation obligatoire préalable ou contiguë à l'insertion dans l'entreprise qu'à apporter un « plus » aux jeunes embauchés.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 18.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après le texte proposé pour l'article L. 322-4-6-3 du code du travail.
L'amendement n° 19, présenté par M. Souvet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Après le texte proposé par l'article 1er pour l'article L. 322-4-6-3 du code du travail, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. L. 322-4-6-5. - Jusqu'à l'expiration d'une période de deux ans à compter de la date d'embauche, les salariés mentionnés à l'article L. 322-4-6 ne sont pas pris en compte dans le calcul de l'effectif du personnel des entreprises dont ils relèvent pour l'application à ces entreprises des dispositions législatives et réglementaires qui se réfèrent à une condition d'effectif minimum, exception faite de celles qui concernent la tarification des risques d'accidents du travail et de maladies professionnelles et le financement de la formation professionnelle des salariés de l'entreprise. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet, rapporteur. Cet amendement vise à atténuer en partie les effets de seuil liés aux effectifs pour renforcer l'attractivité du dispositif, notamment pour les PME.
Certes, votre commmission concède volontiers que cet amendement introduit une certaine forme de « particularisme » pour ces contrats. Mais elle observe que le projet de loi en comporte déjà un, au bénéfice du salarié : celui-ci peut en effet rompre unilatéralement son contrat, sans préavis.
Là encore, votre commission a souhaité être pragmatique.
Il ne faudrait pas, en effet, qu'un employeur soit dissuadé d'embaucher un jeune sous prétexte que cela ferait franchir un seuil à l'effectif de l'entreprise et que cela se traduirait par un alourdissement sans commune mesure des charges ou par l'apparition de nouvelles contraintes. Le franchissement d'un seuil d'effectif risque même, dans certains cas, d'absorber par ses répercussions financières tout le bénéfice de la mesure.
Cet amendement prévoit donc de ne pas comptabiliser le jeune dans l'effectif de l'entreprise pendant deux ans, sauf dans deux cas : la tarification des accidents du travail, afin de maintenir le caractère préventif de cette mesure, et le financement de la formation professionnelle dans l'entreprise, afin de ne pas limiter les possibilités pour le jeune de se former.
A l'issue des deux ans, il est logique de revenir au droit commun.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Le Gouvernement a été extêmement attentif aux propositions de la commission et du Sénat, mais, en l'occurrence, il ne peut suivre M. le rapporteur. (Exclamations sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Guy Fischer. Le CDI virtuel !
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Introduire une telle disposition reviendrait à sortir du cadre général que j'évoquais tout à l'heure et qui me semble extrêmement important. Ou bien il s'agit d'un contrat de travail de droit commun, qui fait du jeune recruté un salarié normal dans l'entreprise, ou bien des conditions comme celle-ci sont introduites, mais, d'une certaine manière, on dénature l'esprit du dispositif.
Je crois qu'il convient d'assurer une insertion durable des jeunes dans des emplois de droit commun, à égalité avec les autres salariés. Je souhaite donc que M. le rapporteur m'entende et que le Sénat n'adopte pas cette mesure.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. En accord avec M. le rapporteur, j'indique que nous sommes prêts à suivre le Gouvernement et que nous allons retirer l'amendement,...
M. Jacques Legendre. Très bien !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. ... même si nous savons très bien que ce retrait n'aura que peu d'effet : on peut penser que, si ces entreprises n'ont pas franchi les seuils d'effectifs, c'est parce qu'elles ne souhaitaient pas embaucher !
M. Guy Fischer. Enfin, vous nous entendez !
M. Claude Domeizel. Vous auriez dû nous écouter !
M. Jean Chérioux. Voilà un Gouvernement qui écoute l'opposition !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Que l'opposition nous en donne acte !
M. le président. L'amendement n° 19 est retiré.
L'amendement n° 20, présenté par M. Souvet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Après le texte proposé par l'article 1er pour l'article L. 322-4-6-3 du code du travail, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. L. 322-4-6-6. - Dans les professions dans lesquelles le paiement des congés des salariés et des charges sur les indemnités de congés est mutualisé entre les employeurs affiliés aux caisses de compensation prévues à l'article L. 223-16, les modalités selon lesquelles les employeurs régulièrement affiliés à ces caisses peuvent bénéficier du soutien mentionné à l'article L. 322-4-6 au titre de ces indemnités sont déterminées, compte tenu des adaptations nécessaires, par décret. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet, rapporteur. Cet amendement vise à prendre en compte les spécificités de certains secteurs pour garantir la portée de la mesure.
Certaines professions, par exemple le BTP, ont constitué des caisses de congés payés qui sont chargées de rémunérer le salarié pendant sa période légale de congés. Ces professions ne bénéficieraient alors, en l'absence de toute précision dans la loi, du soutien que onze mois sur douze.
Cet amendement renvoie donc au décret le soin de déterminer les conditions dans lesquelles ces employeurs - ou les caisses de compensation - pourraient bénéficier d'un soutien complet.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 20.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après le texte proposé pour l'article L. 322-4-6-3 du code du travail.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de l'article 1er, modifié.

(L'article 1er est adopté.)

Article 2



M. le président.
« Art. 2. - Une convention ou un accord collectif de branche pourra prévoir les conditions dans lesquelles les acquis de l'expérience des jeunes mentionnés à l'article L. 322-4-6 du code du travail sont validés.
« L'employeur met en place les conditions nécessaires à la participation effective des intéressés aux actions prévues dans le cadre du plan de formation de l'entreprise. »
L'amendement n° 37, présenté par M. Delfau, est ainsi libellé :
« Au premier alinéa de l'article 2, remplacer le mot : "pourra" par le mot : "devra". »
La parole est à M. Gérard Delfau.
M. Gérard Delfau. Toujours dans le droit-fil de la préoccupation qui est la nôtre depuis le début de cette discussion, nous souhaitons que les jeunes entrent dans un dispositif de formation. Cela n'a pas été jugé possible par le Sénat - je ne veux pas dire « utile », car le mot ne serait pas adéquat.
Nous abordons maintenant la validation des acquis. Le projet de loi donne aux partenaires sociaux la possibilité d'organiser cette validation, mais sans aucune obligation.
Or il est indispensable, selon nous, que les jeunes peu ou pas diplômés puissent bénéficier de la validation des acquis de l'expérience, surtout si le volet formation n'est pas partie intégrante du contrat à durée indéterminée.
L'obligation, et non la faculté, pour les partenaires sociaux d'organiser cette validation est donc fondamentale, pour que les jeunes puissent progresser dans leur parcours professionnel.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Défavorable.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 37.
M. Jacques Legendre. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Jacques Legendre.
M. Jacques Legendre. Si j'étais tout à l'heure en désaccord avec notre collègue M. Delfau, je regrette quelque peu que nous ne marquions pas, d'une manière plus importante, l'intérêt qui s'attache à faire bénéficier, au bout de trois ans, ces jeunes de ce dispositif.
A titre personnel, je voterai cet amendement.
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Je veux rassurer M. Legendre et lui dire que, bien entendu, le Gouvernement est tout à fait soucieux de voir les partenaires sociaux se mettre d'accord dans les meilleurs délais sur cette question de la validation des acquis, et pas seulement pour les jeunes. Nous prendrons d'ailleurs toutes les initiatives nécessaires pour que les partenaires sociaux reprennent les discussions sur ce point, qui est fondamental.
Mais il serait, je crois, très maladroit d'introduire, dans un texte spécifique, une telle contrainte pour les partenaires sociaux.
Je confirme donc l'objectif général du Gouvernement, qui est bien d'arriver rapidement à un accord sur la validation des acquis de l'expérience.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 37.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 21, présenté par M. Souvet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Dans le premier alinéa de l'article 2, remplacer le mot : "jeunes" par le mot : "salariés". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet, rapporteur. C'est un amendement de précision.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 21.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 22, présenté par M. Souvet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« A. - Compléter le premier alinéa par les mots : "et dans lesquelles ces salariés participent aux actions de formation prévues dans le cadre du plan de formation de l'entreprise".
« B. - En conséquence, supprimer le second alinéa de l'article 2. »
L'amendement n° 38, présenté par M. Delfau, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le deuxième alinéa de l'article 2 :
« Grâce à une convention ou à un accord collectif de branche, les partenaires sociaux fixent les orientations de cette formation. »
L'amendement n° 29, présenté par MM. Domeizel, Chabroux, Cazeau et Godefroy, Mme Printz et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
« Dans le deuxième alinéa de l'article 2, après les mots : "met en place", insérer les mots : "un dispositif de tutorat ainsi que". »
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 22.
M. Louis Souvet, rapporteur. Cet amendement vise à préciser les conditions d'accès du jeune à la formation.
Dans sa rédaction actuelle, le second alinéa de l'article 2 n'apporte rien. Il n'a pas de portée normative, car il se contente de rappeler le droit commun. Aussi, la commission considère qu'il est sans doute préférable de renvoyer à la négociation entre partenaires sociaux la fixation des conditions d'accès à la formation, à l'image de ce que prévoit le projet de loi en matière de validation des acquis de l'expérience.
M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau, pour présenter l'amendement n° 38.
M. Gérard Delfau. J'ai été, moi aussi - pardonnez-moi de vous le dire, monsieur le ministre - frappé par la vacuité de cet alinéa.
Pour le nourrir quelque peu, je propose au Sénat - toujours dans le même esprit pédagogique - de le rédiger ainsi : « Grâce à une convention ou à un accord collectif de branche, les partenaires sociaux fixent les orientations de cette formation. »
Les jeunes ne doivent pas, je le répète, être voués à longueur d'années, voire de décennies, à des emplois faiblement qualifiés, sous-payés. Il faut par conséquent qu'à un moment donné une intervention - si elle n'émane pas des pouvoirs publics, elle doit venir des partenaires sociaux - facilite cette étape de validation des acquis dans le parcours de formation.
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, pour présenter l'amendement n° 29.
M. Claude Domeizel. L'amendement n° 29 vise à instaurer et à valoriser le tutorat en vue de favoriser à la fois une meilleure intégration dans l'entreprise et, sur le long terme, une insertion professionnelle durable et de qualité.
Je suis en effet convaincu, tout comme mes collègues, que la bonne intégration du nouveau venu dans l'entreprise se fera d'autant plus aisément que les salariés de cette dernière y seront impliqués.
En outre, le tutorat permet, non seulement de favoriser une transmission des savoirs plus humaine et adaptée, mais également de guider et d'aider le jeune tout au long de son parcours de formation ainsi que dans sa progression.
En conséquence, je vous demande de bien vouloir adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 38 et 29 ?
M. Louis Souvet, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur les amendements n°s 38 et 29. Du reste, si l'amendement n° 22 était adopté, ce que j'espère, ceux-ci n'auraient plus d'objet.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les trois amendements ?
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 22. Comme l'a dit M. le rapporteur, si cet amendement est adopté, les deux autres amendements n'auront plus d'objet.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 22.
M. Alain Vasselle. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est M. Alain Vasselle.
M. Alain Vasselle. Je me réjouis de la souplesse adoptée dans le dispositif de formation. Vous vous êtes plu à le souligner, monsieur le ministre, à l'occasion d'un amendement précédent et vous avez émis un avis de sagesse compte tenu de la faculté qui était donnée aux entreprises d'organiser ou non un plan de formation, ce qui est important compte tenu du public visé ; je rejoins, de ce point de vue, les préoccupations de M. Legendre. Compte tenu de sa spécificité et de son parcours, ce public jeune, pourra ainsi être intégré plus facilement, d'une manière durable dans l'entreprise.
Apprécier la qualification et les compétences au travers de l'expérience acquise et de la production effective apportée à l'entreprise me paraît plus judicieux que d'exiger un engagement dans une formation professionnelle, qui a un caractère quelque peu théorique. C'est avec une telle approche que nous pourrons rendre notre démarche efficace. Beaucoup de chefs d'entreprise, notamment de petites et de moyennes entreprises, sont en effet à même d'apprécier très rapidement les capacités du jeune à réussir dans son métier à partir de l'expérience acquise plutôt que par la connaissance théorique liée au métier qu'il exercera dans l'entreprise.
Cette souplesse est de nature à me rassurer. C'est la raison pour laquelle je voterai sans aucune difficulté l'amendement proposé par la commission.
Je souhaite que nous restions dans cet esprit. En effet, la réussite de ce dispositif dépend de la mobilisation des chefs d'entreprise. C'est uniquement sur ce point que nous pourrions avoir un doute, plutôt qu'à propos de la charge financière qui pourrait en résulter pour notre pays.
M. Guy Fischer. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Cet amendement de la commission est intéressant, non pas qu'il garantisse aux jeunes une formation en plus de la procédure de validation des acquis et de l'expérience, qui, à notre sens, ne saurait suffire, surtout pour les jeunes ciblés, qui sont très faiblement qualifiés ou pas du tout, ou qu'il empêche les contrats-jeunes de phagocyter les contrats de travail en alternance, mais parce que M. Louis Souvet abonde dans notre sens lorsque nous reprochons au texte d'être, en l'état, trop peu normatif.
On ne peut, monsieur le ministre, se contenter d'inciter les entreprises ou les branches professionnelles en matière de formation professionnelle. Sans une vraie qualification en rapport avec les grilles actuelles de classification - d'ailleurs, les branches professionnelles ont institué, au travers de leurs centres de formation, des grilles parfaitement identifiées -, il ne peut y avoir d'insertion durable.
M. Alain Gournac. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Alain Gournac.
M. Alain Gournac. Je vais faire évoluer ce que je voulais dire. Ce texte serait trop peu normatif. On en a « soupé » de tout mettre dans les textes de loi ! Pendant cinq ans, on n'a fait que cela, et les textes n'étaient plus lisibles ! (Protestations sur les travées socialistes.)
Mme Michelle Demessine. Arrêtez !
M. Alain Gournac. Ne nous donnez pas de leçons, mes chers collègues, ...
Mme Michelle Demessine. Vous non plus !
M. Alain Gournac. ... restez modestes !
Mme Michelle Demessine. Vous aussi !
M. Alain Gournac. Ce que je souhaite, c'est que le texte soit efficace et permette à beaucoup de jeunes de s'en sortir. Nous reviendrons plus tard sur le caractère peu normatif de ce texte !
Par ailleurs, j'apprécie le changement d'attitude du Gouvernement. Ce soir, je suis un homme heureux ; je l'ai dit tout à l'heure à la tribune, je le redis maintenant : on peut discuter avec le Gouvernement, qui ne nous envoie pas sur les roses systématiquement. (M. Gilbert Chabroux s'exclame.) Je partage ce qu'a dit Alain Vasselle sur ce point. Tout à l'heure, lors de l'examen de l'amendement n° 24 rectifié, j'ai beaucoup apprécié la position du Gouvernement : il s'en est remis à la sagesse du Sénat. Et nous avons été sages, car nous avons retiré cet amendement. Nous voulons défendre les handicapés... (M. Gilbert Chabroux s'exclame.) C'est un état d'esprit global ! Cela vous change ! Il faut voir comment les débats se déroulaient dans cet hémicycle !
Je salue donc une attitude tout à fait nouvelle du Gouvernement, en particulier du ministre qui est devant nous. (M. Alain Vasselle applaudit.)
Mme Michelle Demessine. Un monde parfait ! On en reparlera !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 22.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, les amendements n°s 38 et 29 n'ont plus d'objet.
L'amendement n° 30, présenté par MM. Chabroux, Cazeau, Domeizel et Godefroy, Mme Printz et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
« Compléter in fine l'article 2 par un alinéa ainsi rédigé :
« En contrepartie de l'exonération de charges, l'entreprise doit mettre en oeuvre un véritable parcours de formation dès l'embauche. Ce parcours, pour être adapté à chaque personne, devra s'appuyer sur un bilan de compétences. »
La parole est à M. Gilbert Chabroux.
M. Gilbert Chabroux. J'ai déjà dit beaucoup de choses à propos de la formation. Je n'ai donc rien à ajouter.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Comme M. Chabroux, je n'ai rien à ajouter, mais dans l'autre sens ! (Sourires.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. J'ai expliqué tout à l'heure pourquoi le Gouvernement était défavorable à cette série d'amendements.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 30.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 2, modifié.

(L'article 2 est adopté.)

Articles additionnels après l'article 2



M. le président.
L'amendement n° 23, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Après l'article 2, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article L. 351-14 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Du fait de l'aménagement de leurs conditions d'indemnisation prévu au présent article, l'allocation d'assurance versée aux salariés involontairement privés d'emploi relevant des professions de la production cinématographique, de l'audiovisuel ou du spectacle peut, en sus de la contribution prévue à l'article L. 351-3-1, être financée par une contribution spécifique à la charge des employeurs et des salariés relevant de ces professions, assise sur la rémunération brute dans la limite d'un plafond, dans des conditions fixées par l'accord prévu à l'article L. 351-8. Ces dispositions sont applicables aux avenants aux annexes VIII et X au règlement annexé à la convention d'assurance chômage du 1er janvier 1997 signés postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi n° 2002-311 du 5 mars 2002 relative au régime d'assurance chômage des intermittents du spectacle. »
La parole est à M. le ministre.
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Cet amendement, je l'imagine, a de quoi surprendre dans une discussion sur le dispositif de soutien à l'emploi des jeunes en entreprises. Mais je sollicite l'appui du Parlement pour sauver la réforme de l'assurance chômage des intermittents du spectacle, et c'est urgent.
Je m'explique : dans le cadre de la négociation globale conduite par les partenaires sociaux au mois de juin dernier sur l'équilibre financier de l'assurance chômage, la discussion a porté sur des points très divers. Des décisions courageuses ont été prises, en particulier sur les cotisations. L'Etat a été sollicité pour apporter sa contribution à la résolution du problème de trésorerie. Il l'a fait en reportant d'un an le règlement d'une créance de 1,2 milliard d'euros qu'il a sur l'UNEDIC. Cela représente plus du tiers du chemin qu'il fallait parcourir pour retrouver l'équilibre en 2002.
Les partenaires sociaux ont, par ailleurs, mis le doigt à nouveau sur les graves difficultés que rencontrent les intermittents du spectacle. Ceux-ci sont affiliés à l'assurance chômage comme tous les salariés. Mais les caractéristiques propres de leurs activités justifient un traitement particulier, avec des règles dérogatoires sur l'ouverture de leurs droits à indemnités : ce sont les annexes VIII et X de la convention sur l'assurance chômage.
D'un point de vue financier, ce régime spécifique des intermittents du spectacle accuse un déficit très lourd : 4 milliards de francs en 2000, pour un montant de cotisations assez faible - de l'ordre de 800 millions de francs.
Des idées de réformes reviennent régulièrement. Mais les pouvoirs publics ont toujours souhaité que les partenaires sociaux prennent leurs responsabilités, tout en se réservant le droit d'agréer ou non le résultat des négociations. C'est le sens de la loi du 5 mars 2002.
Aujourd'hui, je suis saisi d'une demande d'agrément de l'accord conclu le 19 juin dernier modifiant le régime de l'assurance chômage. Dans cet accord, qui forme un tout, figurent des dispositions spécifiques sur les intermittents du spectacle : elles impliquent, notamment, une majoration des cotisations spécifiques à cette catégorie professionnelle.
Cette mesure particulière fait naturellement réagir les intermittents du spectacle, et peut-être plus encore leurs employeurs. Elle pose aussi un problème juridique, car, aujourd'hui, une telle surcotisation n'a pas de base légale.
Je suis donc amené à vous demander de donner une base légale à l'agrément par lequel je conférerai une force obligatoire à l'accord du 19 juin dernier.
Je le fais avec la conviction que la décision prise par les partenaires sociaux en ce qui concerne les intermittents du spectacle est un pas très significatif vers le sauvetage de leur régime particulier d'assurance chômage, avec ses avantages. J'estime aussi que les pouvoirs publics doivent accepter de faire les gestes juridiques nécessaires pour valider les acquis du dialogue social, surtout lorsque des décisions courageuses sont prises, comme c'est ici le cas.
Reste une question : pourquoi cet amendement ici et maintenant ? Certes, j'aurais préféré pouvoir insérer cette disposition législative dans le projet de loi initial. Mais je ne l'ai pas pu. Pouvions-nous attendre un autre texte à l'automne ? Non, car je dois statuer ce mois-ci sur la demande d'agrément de l'accord sur l'assurance chômage. A défaut, les décisions prises par les partenaires sociaux pour rétablir l'équilibre de l'UNEDIC resteraient lettre morte. Je me mets à la place des partenaires sociaux : si le Gouvernement et le Parlement n'assument pas leurs responsabilités, peut-être ne seront-ils pas enclins, demain, à être de nouveau courageux.
Quant au lien avec ce projet de loi, je reconnais qu'il est ténu. Permettez-moi seulement de relever que nous sommes bien dans le champ de la politique de l'emploi et que les intermittents du spectacle sont aussi, souvent, des jeunes.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. La commission observe que le dispositif de cet amendement, qui se borne à reprendre les propositions issues du dialogue social, devrait contribuer à assurer la pérennité de ce régime particulier. C'est la raison pour laquelle elle émet un avis favorable.
Cela permettra de maintenir un régime qui accusait, en 2000, un déficit de 4 milliards de francs, pour un montant de cotisations de l'ordre de 800 millions de francs. Même en doublant ces dernières, cela ne représenterait que 1,6 milliard de francs de recettes. Il est peu de régimes qui pourraient survivre longtemps ainsi.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 23.
M. Gilbert Chabroux. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Gilbert Chabroux.
M. Gilbert Chabroux. Il est vrai que, le 19 juin 2002, s'est tenue une réunion qui a dû trancher le problème des cotisations versées par les intermittents du spectacle. A cette réunion participait l'ensemble des partenaires sociaux.
Il a été décidé un doublement des cotisations pour les employeurs et les salariés qui relèvent des annexes VIII et X de la convention UNEDIC, soit une augmentation d'environ 3,6 % pour les employeurs, dont le taux de cotisation s'élève désormais à environ 7 %, celui des salariés passant de 2,3 % à 4,6 %.
La CGT et FO n'ont pas signé cet accord et n'ont eu de cesse de dénoncer l'iniquité de la mesure. Le déficit enregistré par le régime des intermittents du spectacle devrait, selon eux, être absorbé par l'ensemble des salariés et non pas par une catégorie d'entre eux.
L'accord était applicable, en principe, à compter du 1er juillet 2002. Mais le Gouvernement - vous l'avez expliqué, monsieur le ministre - n'a pas encore donné son agrément, sans doute par crainte que cet accord repose sur une base juridiquement insuffisante.
Il est donc très habile de procéder, comme vous le faites, par la voie d'un cavalier, pour valider la décision de façon législative et hâtive.
C'est une mesure quasi rétroactive que vous nous demandez d'entériner, puisqu'elle s'appliquerait au 1er juillet dernier. Elle risque de mettre en péril de nombreux festivals qui ont lieu cet été et beaucoup de productions audiovisuelles en cours, qui ne pourront plus être financées. Je demande que l'on mesure bien ces conséquences.
Enfin, une telle mesure représentera sans doute une opération blanche pour le Gouvernement. En effet, les entreprises de spectacle vivant sont, dans leur ensemble, fortement subventionnées par l'Etat ; le déficit de ces entreprises, à la suite de la hausse des cotisations, sera important et devra être comblé par des subventions supplémenaires de l'Etat.
Les sénateurs socialistes sont extrêmement attachés au régime dérogatoire des intermittents du spectacle ; mes collègues de la commission des affaires culturelles l'ont encore prouvé récemment, lors des débats sur ce qui devait devenir la loi du 5 mars 2002. Aussi s'opposeront-ils à un amendement qui leur semble injuste et porteur de lourdes conséquences pour le monde du spectacle vivant et pour l'audiovisuel en général.
Mme Michelle Demessine. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. Monsieur le ministre, le patronat et trois centrales syndicales - la CFDT, la CFTC et la CGC - ont conclu, le 19 juin dernier, au sein de l'UNEDIC, un relevé de décision visant à l'équilibre financier du régime d'assurance chômage. Deux centrales syndicales s'y sont opposées : la CGT et FO. Je précise que ces deux centrales sont très largement majoritaires chez les salariés de la culture.
Parmi les mesures figure le doublement des contributions d'assurance chômage des salariés et des entreprises relevant des annexes VIII et X. Cette dernière disposition a fait l'objet d'un avenant soumis à un agrément ministériel, conformément aux dispositions du code du travail. Cet avenant a été présenté ce matin au comité supérieur de l'emploi. Il a reçu un avis défavorable de deux confédérations de salariés. Il conviendra donc de réunir à nouveau cette instance dans le cadre de la procédure d'agrément, sachant que la délégation à l'emploi devra produire un avis écrit et motivé.
L'amendement déposé par le Gouvernement - vous l'avez rappelé, monsieur le ministre - introduit une modification du code du travail dont l'objectif est de permettre de réunir les conditions légales nécessaires au futur agrément ministériel.
De fait, cette modification provoquera une différenciation des cotisations des diverses branches professionnelles au sein de l'UNEDIC. Une telle différenciation est contraire au principe de solidarité et préfigure la « balkanisation » du système que recherche depuis longtemps le MEDEF. Avec cette modification, à l'évidence, c'est tout le système interprofessionnel de l'UNEDIC qui est menacé.
M. Eric Doligé. C'est dû à Mme Aubry !
Mme Michelle Demessine. Il s'agit d'une mesure sans précédent dans l'histoire du régime interprofessionnel du chômage et dont les conséquences pourraient être très graves.
Certes, le statut actuel des intermittents du spectacle n'est pas sans défaut. D'ailleurs, on peut contester l'usage abusif que font de ces contrats intermittents certaines grandes entreprises culturelles et de communication - notamment dans l'audiovisuel -, alors que l'amplitude des périodes de travail permettrait souvent d'employer les salariés à temps complet. Ainsi, faire la clarté avec ces entreprises serait certainement une source d'économie pour le régime.
Cela tend à démontrer, monsieur le ministre, que la logique purement comptable n'est pas la bonne et qu'elle pénalisera l'ensemble du monde de la culture.
En effet, pour le spectacle vivant et enregistré comme pour la vitalité de la culture en France, le doublement brutal des cotisations salariales et patronales vers lequel on se dirige n'est rien moins qu'une catastrophe - M. Chabroux l'a indiqué à juste titre. Vous le savez, les intermittents en basse activité ne survivront pas ; ceux qui ont réussi à trouver un rythme d'activité équilibré sont gravement menacés. De nombreuses compagnies, d'ailleurs, ne pourront pas faire face au surcoût que représentera cette augmentation, sauf à décider la baisse - voire la fin pure et simple - de leur activité ou la réduction drastique des rémunérations des intermittents qui, dans leur grande majorité, sont déjà assez mal rétribués.
Les mesures d'exception que vous proposez ne permettront pas de résoudre le délicat problème de l'intermittence du spectacle. C'est que le sujet dépasse les seuls protagonistes : il s'agit ici du développement de la culture, de l'expression culturelle, de l'accès à la culture pour tous nos concitoyens, et là, vous le savez, les besoins sont grands et restent à satisfaire.
Pour toutes ces raisons, nous ne voterons pas votre amendement, qui entérine, en quelques sorte, une mauvaise nouvelle pour la culture.
M. Eric Doligé. Il ne faut pas exagérer !
M. Jacques Legendre. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Jacques Legendre.
M. Jacques Legendre. La commission des affaires culturelles était réunie hier pour entendre le ministre de la culture et de la communication et, tout naturellement, ce problème des intermittents du spectacle a été évoqué.
Il ne faudrait peut-être pas oublier que le problème qui revient régulièrement depuis un certain temps est de savoir si le régime des intermittents va être sauvé ou pas. Il y a eu une tentative des partenaires sociaux pour trouver le moyen de le sauver pour l'essentiel. Certes, cela se traduit par des efforts des uns comme des autres, mais c'est bien la seule solution que l'on ait trouvée jusqu'ici pour sauver le régime lui-même.
Je suis donc un peu étonné de voir le dossier évoqué à l'occasion de l'examen d'un texte de nature tout à fait différente. En somme, cet amendement est un cavalier « artistique » ! (Rires sur les travées du RPR.)
Mais si c'est à ce prix que l'on donne une sécurité juridique au sauvetage du système...
Il n'est jamais intéressant de voir augmenter des participations financières, dont les uns se passeraient bien, et des cotisations, dont les autres se passeraient tout autant.
La mesure n'est certainement pas de celles qui suscitent l'enthousiasme, mais, derrière elle, ne l'oublions pas, c'est le régime des intermittents du spectacle qu'il s'agit de sauver.
Voilà pourquoi, malgré le peu de sympathie que l'on peut légitimement avoir pour ce type de cavalier, il faut faire droit ici à la demande du Gouvernement.
M. Jean Chérioux. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Jean Chérioux.
M. Jean Chérioux. Je voterai cet amendement pour les raisons que M. le ministre vient d'indiquer. Toutefois, je dois dire mon étonnement quand j'entends nos collègues communistes dénoncer une « mesure d'exception », alors qu'il ne s'agit rien d'autre que d'un régime d'exception. Chers collègues, ceux que vous défendez appartiennent tout de même à une catégorie de privilégiés ! (Protestations sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Roland Muzeau. Et les stock-options, c'est quoi ?
M. Gilbert Chabroux. Et Jean-Marie Messier ?
M. Jean Chérioux. Par rapport aux autres bénéficiaires de l'UNEDIC, si ! Un système dans lequel 90 000 salariés - sur 120 000 adhérents - bénéficient du régime une grande partie de l'année, cela ne se voit pas ailleurs ! Et cela se traduit par quoi ? Par un financement assuré à 20 % seulement par les cotisations !
M. Alain Vasselle. Voilà !
M. Jean Chérioux. Je suis tout à fait d'accord pour que l'on fasse un effort en faveur de la culture, mais je constate que cette « aide » est assumée par l'UNEDIC. Est-ce bien dans la logique des choses ?
Mme Michelle Demessine. Pourquoi pas ?
M. Jean Chérioux. Tout à l'heure, M. Fischer s'inquiétait des conséquences éventuelles du texte que nous examinons en termes d'augmentation des dépenses. Chers collègues, le projet de loi représente un coût de un milliard de francs, contre quatre milliards de francs chaque année pour le régime des intermittents du spectacle : comparez, c'est disproportionné ! Mais cela ne vous émeut pas !
Je ne comprends pas. Ou plutôt, je comprends que vous tenez à protéger les intermittents du spectacle, quitte à pleurer sur un système dont bénéficient, quoi que vous en disiez, des privilégiés ! (MM. Philippe Marini et Jacques Legendre applaudissent.)
Mme Michelle Demessine. Nous voulons protéger la culture !
M. Roland Muzeau. Nous défendons la culture, et pas Vivendi Universal !
M. Gérard Delfau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau.
M. Gérard Delfau. S'agissant de ces cotisations sociales, j'ai envie de dire en préambule qu'il ne faut pas confondre culture et agriculture ! (Rires.)
M. Jean Chérioux. Enfin un peu d'humour !
M. Gérard Delfau. Nous aurions apprécié que M. le ministre de la culture vînt lui-même s'exprimer sur un sujet récurrent, qui - vous l'avez d'ailleurs souligné avec beaucoup de finesse - suscite la passion chaque fois qu'il est abordé.
Pourquoi une telle passion ? Parce que nous n'avons pas été collectivement capables, ces vingt dernières années, gouvernement après gouvernement et majorité parlementaire après majorité parlementaire, de financer correctement le spectacle et, au-delà, la culture, et parce que le biais qui a été trouvé devient, au fil des ans, de plus en plus insupportable et engendre des abus de la part de certaines entreprises comme, d'ailleurs - soyons objectifs - de la part de certains salariés.
Monsieur le ministre, vous nous dites qu'il s'agit de sauver un régime, et un certain nombre de nos collègues de la majorité pensent de même.
Certes, mais à quel prix ? Au prix de la mort professionnelle d'un grand nombre d'artistes interprètes ? Car, dans la conjoncture actuelle, c'est bien ce qui va se passer. (M. le ministre fait des signes de dénégation.) Si, monsieur le ministre. Je me souviens de la précédente tentative : elle a suscité une mobilisation sans précédent. Sachant la précarité qui caractérise cette profession, une telle disposition ne peut que nous inquiéter.
Nous vous comprenons, monsieur le ministre, mais je vous le dis, au nom de mes collègues radicaux de gauche, nous ne pouvons pas vous suivre.
Nous regrettons que vous ne nous proposiez pas une autre solution, car, en l'état du dossier, et de cette manière si soudaine, alors que nous sommes au coeur de l'été et que nombre de ces artistes interprètes travaillent, nous ne pouvons pas vous suivre. Nous ne voudrions pas compromettre l'activité de ces femmes et de ces hommes et, surtout, nous ne voudrions pas compromettre le spectacle vivant, ainsi qu'on a coutume de l'appeler, et, au-delà, la culture.
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. En fait, mesdames, messieurs les sénateurs, il y a deux aspects à ce dossier, à commencer par celui qui est pour moi l'aspect fondamental, je veux dire le respect des partenaires sociaux et du dialogue social.
Si je vous présente aujourd'hui ce dispositif, si le Gouvernement accomplit cet acte courageux, assumé par la CFDT, la CGC et la CFTC, qui ont pris leurs responsabilités dans cette affaire, ...
M. Gilbert Chabroux. Et le MEDEF ?
M. Eric Doligé. C'est lui qui vous fait vivre !
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... et par le MEDEF, c'est pour que, demain, on puisse promouvoir le développement du dialogue social. Vous voyez que le Gouvernement ne peut refuser de valider cet accord.
Le fait que plusieurs centrales syndicales n'aient pas apporté leur soutien n'est pas un argument pertinent. On ne peut pas, un jour, accepter que le dialogue social fonctionne avec la règle qui est la nôtre depuis des années, notamment depuis ces cinq dernières années, et, un autre jour, comme aujourd'hui, sur un sujet très précis, refuser ce même mode de fonctionnement.
Quand on a renvoyé au dialogue social pour la mise en place des 35 heures dans les entreprises, je n'ai pas le souvenir que vous ayez exigé que toutes les organisations syndicales soient d'accord !
M. Alain Gournac. Ah !
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Vraiment, mesdames, messieurs les sénateurs, il s'agit de questions de principe. J'ai beaucoup hésité avant de défendre un amendement qui n'est pas extrêmement confortable pour le ministre des affaires sociales. Mais il est de mon devoir et de celui du Gouvernement tout entier de respecter les décisions qui sont prises, dans le cadre de l'UNEDIC, par les partenaires sociaux. Si nous ne les respectons pas, nous leur disons très clairement de ne plus prendre pour eux-mêmes, par rapport à leurs adhérents, les risques inhérents à l'exercice des responsabilités.
Quelle était l'autre solution possible ? Les partenaires sociaux auraient dû abandonner la solidarité entre les salariés et les intermittents du spectacle au bénéfice de ces derniers ? L'objectif du Gouvernement est, au contraire, de permettre le sauvetage du régime.
Je crois vraiment que cet accord est favorable aux intermittents du spectacle. Je suis donc convaincu d'agir dans le sens de l'intérêt général et en faveur de la culture.
On a parlé des difficultés que pourraient rencontrer tel ou tel organisateur de spectacles, compte tenu de cette hausse des cotisations. Comme l'a très bien souligné l'un d'entre vous, me fournissant du même coup un argument susceptible d'affaiblir la portée de cette inquiétude, la plupart de ces entreprises sont extrêmement aidées, et par l'Etat et par les collectivités locales. En réalité, les plus concernées, et qui ne bénéficient pas de ces aides de la même manière, seront peut-être les entreprises du secteur audiovisuel, justement ces grandes entreprises qui ont été évoquées tout à l'heure. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 23.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 2.
Je suis saisi de deux amendements présentés par M. Marini.
L'amendement n° 31 est ainsi libellé :
« Après l'article 2, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Dans la première phrase du premier alinéa de l'article L. 212-5-1 du code du travail, après le mot : " effectuées ", sont insérés les mots : " à l'intérieur du contingent conventionnel mentionné au deuxième alinéa de l'article L. 212-6, ou, à défaut ou s'il est supérieur au contingent conventionnel, ".
« II. - Dans le troisième alinéa de l'article L. 212-5-1 du même code, après le mot : " effectuées ", sont insérés les mots : "au-delà du contingent conventionnel mentionné au deuxième alinéa de l'article L. 212-6, ou, à défaut ou s'il est supérieur au contingent conventionnel, ".
« III. - Le début du deuxième alinéa de l'article L. 212-6 du même code est ainsi rédigé :
« Le contingent d'heures supplémentaires pouvant être effectuées... (le reste sans changement) . »
« L'amendement n° 32 est ainsi libellé :
« Après l'article 2, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Dans le premier alinéa de l'article D. 212-25 du code du travail, les mots : " 130 heures " sont remplacés par les mots : " 180 heures ".
« II. - Le deuxième alinéa de l'article D. 212-25 du même code est supprimé. »
La parole est à M. Philippe Marini. M. Philippe Marini. Ces deux amendements ont un objet voisin. Ce sont des amendements d'appel, car ils témoignent des attentes qui s'expriment dans nos départements et au sein de très nombreuses entreprises, notamment petites et moyennes, sur les conditions dans lesquelles devrait s'opérer, dans les prochains mois, l'assouplissement du système des 35 heures.
J'ai préparé ici deux dispositifs susceptibles, sur le plan technique, d'être soutenus. Je ne prétends pas que ce soient les seuls possibles ; il y a certainement bien d'autres façons de procéder. Mais, monsieur le ministre, ces amendements concernant à la fois l'application du contingent conventionnel d'heures supplémentaires et l'augmentation du contingent légal d'heures supplémentaires ont essentiellement pour but de vous permettre de nous dire où vous en êtes sur cette question tout à fait cruciale.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Ces deux propositions d'assouplissement des 35 heures sont, sur le fond, extrêmement intéressantes. Elles apportent une première solution à un véritable problème.
Toutefois, je m'interroge - ainsi que la commission - sur la forme de ces amendements, qui m'apparaissent un peu prématurés. Il est évident - M. Marini l'a d'ailleurs précisé dans l'objet de chacun de ces deux textes - qu'il s'agit d'amendements d'appel. J'ignore jusqu'où peut s'étendre la définition du mot « appel ».
Le Gouvernement a annoncé son intention de saisir les partenaires sociaux de cette question. Un groupe de travail a déjà été mis en place. Des propositions seront formulées à la rentrée et un projet pourrait être soumis au Parlement en octobre. Je crois donc qu'il est raisonnable de laisser un peu de temps au dialogue social sur cette question. Un problème aussi important que celui-là va nécessiter des développements considérables qui seront discutés très longuement, tant au Sénat qu'à l'Assemblée nationale.
Dans ces conditions, j'invite notre collègue M. Marini, qui est aussi notre rapporteur général, à retirer ses amendements. Telle est la position qu'a adoptée la commission des affaires sociales. M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Le Gouvernement souhaite également que M. Marini retire ses deux amendements.
Le Gouvernement est engagé par le programme du Président de la République et par celui de la majorité sur l'assouplissement des 35 heures, visant à donner une plus grande liberté aux entreprises et aux salariés dans l'usage des heures supplémentaires.
Je souhaite que cette question, qui est importante pour l'organisation du travail, soit débattue par les partenaires sociaux et que nous disposions du temps minimal nécessaire pour qu'une concertion - et j'emploie ce mot à dessein - soit organisée sur ce sujet.
A cette occasion, je souhaite que soit abordée la question très difficile de la convergence des SMIC. Je proposerai donc au Parlement une solution à ces deux problèmes - celui de la convergence des SMIC et celui de l'assouplissement des 35 heures - dans les tout premiers jours d'octobre. Je crois en effet que ces deux sujets sont liés, car la convergence des SMIC, qui est une nécessité absolue mais qui ne peut que se traduire par une augmentation temporaire du coût du travail, nécessitera des mesures d'allégements de charges supplémentaires, spécifiques pour permettre aux entreprises de passer le cap difficile lié à cette incohérence de la loi.
Compte tenu de l'ampleur des dispositifs d'allégements de charges qui existent aujourd'hui, nous avons besoin d'un peu de temps, avec les partenaires sociaux, pour trouver le bon rythme, la bonne solution, et pour négocier en même temps l'assouplissement des 35 heures.
Le Gouvernement s'engage à déposer un texte sur ce sujet dans les premiers jours de la session parlementaire ordinaire. Pourquoi choisir un texte législatif plutôt qu'un décret, comme certains le réclament ? Le Gouvernement ne veut pas opposer au caractère autoritaire du dispositif précédent...
M. Alain Gournac. Très autoritaire !
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... un nouveau dispositif autoritaire fixant une limite pour toutes les entreprises françaises en matière d'heures supplémentaires, alors que, de son point de vue, c'est aux partenaires sociaux de négocier, branche par branche, le volume maximal d'heures supplémentaires et les conditions de leur utilisation. Le Gouvernement considère que son rôle est simplement de fixer des règles générales pour les secteurs qui ne parviendraient pas à un accord à travers le dialogue social. C'est la raison pour laquelle nous avons besoin de l'intervention du Parlement pour réaliser cet assouplissement. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président. Les amendements n°s 31 et 32 sont-ils maintenus, monsieur Marini ?
M. Philippe Marini. Je les retire, monsieur le président.
M. Alain Gournac. Bravo, monsieur Marini !
M. le président. Les amendements n°s 31 et 32 sont retirés.
L'amendement n° 34 rectifié, présenté par MM. Faure, de Montesquiou, Nogrix et Moinard, est ainsi libellé :
« Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Les employeurs du secteur du sport professionnel peuvent, à titre dérogatoire, bénéficier du dispositif prévu à l'article L. 322-4-6 du code du travail, lors de la conclusion de contrats de travail visés au 3° de l'article L. 122-1-1 dudit code. »
La parole est à M. Philippe Nogrix.
M. Philippe Nogrix. Le projet de loi tel qu'il est rédigé exclut le sport professionnel des avantages procurés par le dispositif. En effet, dans le domaine particulier du sport professionnel, le contrat à durée indéterminée n'existe pas et ne peut pas exister. La règle en la matière ne peut être que le contrat à durée déterminée, car c'est la seule règle contractuelle habituelle, qui est d'ailleurs renforcée par des accords collectifs.
L'amendement a donc pour but, monsieur le ministre, de permettre au sport professionnel de bénéficier, à titre dérogatoire du fait de son caractère spécifique, du dispositif proposé.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Ce amendement, présenté par un éminent membre du groupe d'études sur le sport, vise à prendre en compte la spécificité du secteur du sport professionnel.
Dans ces activités, l'embauche se fait, selon l'usage reconnu par le droit du travail, en contrat à durée déterminée. Cet amendement introduit donc une dérogation au principe de l'embauche en contrat à durée indéterminée qui se justifie par la spécificité de ce secteur.
J'avais souhaité entendre M. le minsitre avant de prendre position, mais la commission a été plus directe que je ne l'ai été, et elle a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement qui est contraire à l'esprit de ce projet de loi. Pourquoi le secteur sportif serait-il concerné, et non pas d'autres qui pourraient, demain, avoir les mêmes exigences ?
Monsieur le sénateur, j'ajoute que ce secteur est tellement spécifique qu'il mérite un traitement particulier, en dehors du texte que nous examinons aujourd'hui et qui est destiné non pas à aider les clubs sportifs, mais à favoriser l'insertion des jeunes dans un emploi durable. Nous ne sommes pas là, me semble-t-il, dans la même logique.
M. le président. L'amendement n° 34 rectifié est-il maintenu, monsieur Nogrix ?
M. Philippe Nogrix. A la suite des explications de M. le ministre, je ne peux que retirer mon amendement. (Très bien ! sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Hilaire Flandre. C'est très fair-play !
M. Philippe Nogrix. Je pense tout de même que des secteurs spécifiques auraient pu, comme vous nous l'avez démontré tout à l'heure, être traités dans le cadre de ce projet de loi.
M. le président. L'amendement n° 34 rectifié est retiré.
L'amendement n° 39, présenté par M. de Raincourt et les membres du groupe des Républicains et Indépendants, est ainsi libellé :
« Après l'article 2, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« Il est créé un "chèque emploi jeune été" visant à faciliter les emplois saisonniers des étudiants dont les conditions de mise en oeuvre seront créées par décret. »
La parole est à M. Henri de Raincourt.
M. Henri de Raincourt. Cet amendement extrêmement simple a pour objet de combler un vide juridique. Il vise à sécuriser, en quelque sorte, les emplois saisonniers offerts aux jeunes, lycéens ou étudiants, pendant leurs vacances, qu'ils souhaitent travailler soit par goût - il s'en trouve encore ! -, pour approfondir une expérience, soit tout simplement par nécessité.
Or j'ai le sentiment que les stages d'études, qui bénéficient d'un régime social particulier, ne répondent pas à cette situation, et que ce n'est pas non plus dans le cadre des actions de bénévolat que l'on peut trouver de solution satisfaisante. Par conséquent, la seule solution possible est le recours aux contrats à durée déterminée, dont la complexité juridique et le coût très lourd dissuadent de très nombreux employeurs de les utiliser.
Il me semble donc - et en cela je suis sûrement dans l'esprit du texte défendu aujourd'hui par le Gouvernement - que nous devons réfléchir à la mise en place d'un système qui soit à la fois simple et souple.
Or il en existe un, c'est le chèque emploi-service, dont chacun s'accorde à reconnaître l'efficacité. On pourrait le transposer, dans le cadre de ce texte, sous la forme d'un « chèque emploi jeune été » pour les travaux effectués pendant les vacances. Il s'agirait simplement, si j'ose dire, de lui appliquer une disposition supplémentaire qui serait celle de l'allégement des charges.
Tel est donc l'objet de mon amendement, qui répondrait, je le crois sincèrement, à de nombreuses situations que connaissent aujourd'hui les jeunes et qui éviterait le développement de quelque chose que nous connaissons, que nous déplorons, à savoir le travail au noir. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Je remercie M. de Raincourt de sa proposition. L'idée de créer des « chèques emploi jeune été » est intéressante, mais je lui ferai remarquer que certains étudiants travaillent aussi pendant les vacances d'hiver. Peut-être faudrait-il simplement prévoir un « chèque emploi jeune ».
Cet amendement est à l'évidence un amendement d'appel qui dépasse largement le cadre du projet de loi. La commission a souhaité, sur ce point, entendre au préalable le Gouvernement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement.
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. La proposition de M. de Raincourt est évidemment très intéressante, mais elle se heurte à de réelles difficultés de mise en oeuvre que je souhaiterais exposer.
Il faut en effet se souvenir que la mise en place du chèque emploi-service pour les particuliers employeurs avait été facilitée, d'une part, par l'existence d'une seule convention collective couvrant tous les employés de maison et, d'autre part, par le nombre très faible des paramètres servant à établir la rémunération.
Dans le cas des jeunes saisonniers, la situation est beaucoup plus complexe parce que les salariés exercent leurs activités dans tous les secteurs et sont donc, à ce titre, couverts par autant de conventions collectives.
En outre, les éléments variables des contrats de travail sont nombreux - durée de travail, heures supplémentaires, congés, primes diverses, avantages en nature - et nécessitent l'apport d'une information très détaillée.
Enfin, la mise en oeuvre d'un tel projet nécessite de définir les conditions de prise en charge par les URSSAF de la gestion globale et, de mon point de vue, de procéder à une très large consultation des partenaires sociaux.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement ne peut pas être favorable, malgré toute l'envie qu'il en a, à cet amendement. Je peux peut-être apporter néanmoins un peu de baume au coeur de M. de Raincourt en lui indiquant que je prends l'engagement de faire travailler mes services sur tous les moyens permettant de simplifier les démarches d'embauche sur ce modèle du chèque emploi-service dans les mois qui viennent.
M. le président. Monsieur de Raincourt, l'amendement n° 39 est-il maintenu ?
M. Henri de Raincourt. J'ai écouté les arguments qui viennent de nous être donnés par M. le rapporteur puis, à sa suite, par M. le ministre. Je suis très sensible à tout ce que vient de déclarer M. le ministre.
Je ne cherche pas non plus à compliquer sa tâche,...
M. Guy Fischer. Heureusement !
M. Henri de Raincourt. ... et, quand M. le ministre prend un engagement, je lui fais entière confiance ! (Exclamations sur les travées socialistes.)
Eh oui, c'est un changement par rapport à une situation antérieure et pourtant bien récente ! (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
Avant de retirer mon amendement, je persiste néanmoins, monsieur le ministre, à vous dire qu'il s'agit là d'une vraie question. Ne vous laissez donc pas entraîner par des arguments administratifs successifs, aussi fondés soient-ils, pour ne pas répondre à la vraie problématique qui est ici posée.
Cela étant dit, je retire mon amendement.
M. le président. L'amendement n° 39 est retiré.
Mes chers collègues, nous avons achevé l'examen des articles du projet de loi.

Seconde délibération



M. François Fillon,
ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur le président, en application de l'article 43, alinéa 4, du règlement du Sénat, le Gouvernement demande une seconde délibération, à l'article 1er du projet de loi, du texte proposé pour l'article L. 322-4-6 du code du travail, afin d'apporter à ce dernier une précision rédactionnelle.
M. le président. Le Gouvernement demande qu'il soit procédé à une seconde délibération du texte proposé par l'article 1er pour l'article . 322-4-6 du code du travail.
Je rappelle que, en application de l'article 43, alinéa 4, du règlement, ont seuls droit à la parole sur cette demande son auteur, c'est-à-dire le Gouvernement, un orateur d'opinion contraire, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond.
Aucune explication de vote n'est admise.
Quel est l'avis de la commission sur cette demande de seconde délibération ?
M. Louis Souvet, rapporteur. La commission n'ayant pas délibéré sur ce sujet, mes collègues manifesteront leur accord ou leur désaccord dans leur vote. Toutefois, il me paraît d'autant plus difficile de nous opposer à cette demande que la précision en question est une demande émanant de la commission, demande que j'ai relayée auprès du ministre tout à l'heure. Il serait donc bon que le Sénat accepte de procéder à cette seconde délibération, qui sera très rapide.
M. le président. Y a-t-il un orateur contre cette demande ?...
Je consulte le Sénat sur la demande de seconde délibération, acceptée par la commission.

(La seconde délibération est ordonnée.)
M. le président. La commission est-elle prête à rapporter ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Oui, monsieur le président.
M. le président. Nous allons donc procéder à la seconde délibération.
Je rappelle au Sénat les termes de l'article 43, alinéa 6, du règlement :
« Dans sa seconde délibération, le Sénat statue seulement sur les nouvelles propositions du Gouvernement ou de la commission, présentées sous forme d'amendements et sur les sous-amendements s'appliquant à ces amendements. »

Article 1er





ARTICLE L. 322-4-6 DU CODE DU TRAVAIL

M. le président. Le Sénat a précédemment adopté le texte proposé par l'article 1er pour l'article L. 322-4-6 du code du travail dans cette rédaction :
« Art. L. 322-4-6. - Afin de favoriser l'accès des jeunes à l'emploi et de faciliter leur insertion professionnelle, les employeurs peuvent bénéficier d'un soutien de l'Etat lors de la conclusion de contrats de travail à durée indéterminée, à temps plein ou à temps partiel à la condition que la durée du travail soit au moins égale à un mi-temps, conclus, à compter du 1er juillet 2002, avec des jeunes âgés de seize à vingt-deux ans révolus, dont le niveau de formation est inférieur à un diplôme de fin du second cycle de l'enseignement général, technologique ou professionnel.
« Ce soutien est calculé par référence aux cotisations et contributions sociales patronales obligatoires de toutes natures, dont le paiement est exigé à raison du versement du salaire. Ce soutien n'est pas cumulable avec une autre aide à l'emploi attribuée par l'Etat. Il est cumulable avec les réductions et les allégements de cotisations prévus aux articles L. 241-6-4, L. 241-13-1, L. 241-13 et L. 241-14 du code de la sécurité sociale ainsi qu'aux articles L. 241-13 et L. 241-13-1 du code de la sécurité sociale tels que visés par l'article L. 741-4 du code rural et aux articles L. 741-5 et L. 741-6 de ce dernier code.
« Un décret précise le montant et les modalités d'attribution du soutien ainsi que les conditions d'application du présent article. »
Mais je suis saisi d'un amendement n° A1, présenté par le Gouvernement, ainsi libellé :
« A la fin du premier alinéa du texte proposé par l'article 1er pour l'article L. 322-4-6 du code du travail, après les mots : "second cycle", est inséré le mot : "long". »
La parole est à M. le ministre.
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur le rapporteur, je vous remercie d'avoir accepté cette seconde délibération. Vous en êtes, en fait, le responsable. (Sourires.) En effet, votre longue expérience de législateur vous a conduit à estimer que le texte du Gouvernement laissait planer une incertitude quant à la possibilité pour les jeunes ayant obtenu un CAP ou un BEP de profiter du dispositif.
Je précise d'emblée que, dans l'exposé des motifs du projet de loi, il est spécifiquement mentionné que les jeunes ayant obtenu un CAP ou un BEP sont éligibles au dispositif. Mais pour éviter toute ambiguïté dans le texte du projet de loi, je vous demande d'accepter l'amendement n° A1 du Gouvernement à l'article 1er qui tend à ajouter, après les mots « second cycle », le mot « long ». Il s'agit de préciser que les titulaires d'un CAP ou d'un BEP sont bien éligibles à ce nouveau contrat. Ne sont exclus du dispositif que les diplômés de fin de second cycle long de l'enseignement général, technologique ou professionnel.
M. le président. Cette précision est indispensable car, je le rappelle, les BEP et les CAP sont des diplômes de second cycle. Il faut donc préciser que le niveau de formation est inférieur à un diplôme de fin du « second cycle long ».
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° A1 ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Monsieur le ministre, nous avons voulu faire en sorte que le texte résultant de l'examen du Sénat soit irréprochable. C'est la raison pour laquelle je vous ai saisi de ce problème.
Cette précision nous semble utile, car elle correspond à la fois aux annonces du Gouvernement et à l'analyse de la commission. Je ne peux donc qu'approuver cet amendement.
Ce point aurait dû être abordé à l'occasion de la discussion de l'amendement n° 33, mais ce dernier n'a pas été soutenu. Il est bon, à présent, de se prononcer sur ce sujet.
M. le président. Y a-t-il un orateur contre ?...
Je mets aux voix l'amendement n° A1.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je constate que cet amendement a été adopté à l'unanimité.

Vote sur l'ensemble



M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Emmanuel Hamel, pour explication de vote.
M. Emmanuel Hamel. En 1997, j'avais osé, ce qui me fut vivement reproché par certains, voter l'amendement de financement des emplois-jeunes, proposé par Mme Aubry. A plus forte raison aujourd'hui, je voterai, monsieur le ministre, le projet de loi que vous nous proposez, en espérant que vous allez persévérer dans cette voie du soutien à l'emploi des jeunes avec l'esprit qui vous anime de volonté de progrès social. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau.
M. Gérard Delfau. Monsieur le ministre, comme je l'ai dit tout à l'heure dans mon intervention lors de la discussion générale, nous avons accueilli avec intérêt votre texte, l'enjeu en étant l'emploi des jeunes en difficulté d'insertion.
Tout au long du débat, nous avons souhaité que vous donniez un signe positif en faveur d'un complément de formation professionnelle, qualifiante et générale.
Vous n'avez pas cru devoir le faire, et vous nous avez présenté un certain nombre d'arguments qui ne nous ont pas tout à fait convaincus.
Toutefois, un vote contre ce projet de loi exprimerait une défiance au regard d'un dispositif que nous estimons bénéfique pour une fraction de notre jeunesse.
Aussi, la très grande majorité de mes amis radicaux de gauche s'abstiendra et, pour ce qui me concerne, ce sera une abstention bienveillante.
M. Eric Doligé. Quel ministre !
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle.
M. Alain Vasselle. Au nom de la sensibilité que je représente, je veux dire que la majorité sénatoriale a toujours défendu la nécessité d'alléger les charges sociales pour favoriser l'emploi. Notre pays détient, en effet, un triste record en termes de poids des prélèvements sociaux.
Aujourd'hui, le Gouvernement nous propose de suivre cette démarche dans le cadre tout particulier de l'emploi des jeunes les moins diplômés. Nous ne pouvons donc, et vous n'en doutez pas, que partager cette volonté qui, je tiens à le rappeler, s'inscrit dans le droit-fil des propositions qui ont été faites par le Président de la République durant la campagne présidentielle et qui ont été confirmées lors de la campagne pour les éléctions législatives.
Quels défis nous sont lancés ?
Il s'agit tout d'abord d'un défi économique, celui de combattre un taux de chômage des jeunes qui est très au-dessus de la moyenne nationale tous âges confondus - on parle d'un taux de 30 % . Notre excellent rapporteur Louis Souvet nous a d'ailleurs dressé un bilan exhaustif et alarmant de ce phénomène.
Mais nous devons aussi relever un défi humain. Comme l'ont souligné plusieurs orateurs, il s'agit d'offrir une nouvelle chance à ces jeunes. Confrontés à la spirale de l'échec scolaire, ils se voient enfin concrètement proposer un emploi salarié, de droit commun, solvable, dans le secteur marchand concurrentiel, un emploi qui leur offre dignité et autonomie.
Le débat de cet après-midi a été riche, et je tiens à remercier chaleureusement M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, pour la qualité de la discussion. Vous avez fait preuve, monsieur le ministre, d'une écoute attentive très appréciable à l'égard des interrogations et des propositions de la Haute Assemblée, et je tenais à le souligner.
Ainsi, sur l'initiative de notre excellent rapporteur, M. Louis Souvet, qui a effectué un travail remarquable - mais qui s'en serait étonné ? -, le Sénat a amélioré le texte sur différents points importants.
Il a d'abord consolidé la sécurité juridique du dispositif en soulignant qu'il s'agit d'un soutien de l'Etat équivalent, pour l'employeur, à une exonération de charges. En pratique, l'employeur sera toujours tenu de payer ces charges, mais elles lui seront remboursées par l'Etat sur une base forfaitaire.
En outre, le champ d'application du dispositif est étendu aux établissements employant plus de 250 salariés, parce que, comme nous l'avons souligné, les grandes entreprises sont bien armées pour accueillir dans les meilleures conditions les jeunes les moins qualifiés. Elles sont à même de leur offrir de vraies perspectives d'insertion professionnelle, car elles peuvent facilement organiser un accompagnement du jeune dans l'entreprise.
Le Sénat a mieux encadré le recrutement à temps partiel, qui devra être au moins à mi-temps.
Il a également mis en place un accompagnement du jeune dans l'entreprise, par le tutorat et l'établissement de bilans de compétences, dont les modalités seront à définir par les partenaires sociaux dans chaque branche.
Enfin, le Sénat a réfléchi de manière approfondie à l'effort de formation qui est indispensable, en souhaitant que les négociations interprofessionnelles sur la formation professionnelle reprennent de façon constructive.
Le groupe du RPR considère que le présent projet de loi offre une réponse forte et rapide aux difficultés d'empoi des jeunes les moins qualifiés et que le texte possède trois qualités qui manquent trop souvent à notre législation : il est simple, lisible, mais également souple.
C'est pourquoi le groupe du RPR votera ce texte avec enthousiasme et détermination. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les débats de cet après-midi ont été très instructifs. Ils ont permis de mesurer combien la volonté du Gouvernement est grande quand il s'agit de mettre en place le dogme de la baisse des charges au nom de l'emploi, en l'occurrence de celui des jeunes non qualifiés.
L'ennemi désigné et responsable du chômage, c'est, pour votre gouvernement, à la fois les charges sociales, le montant des salaires, les droits des salariés, les impôts, et j'en passe.
En un mot, il nous a été parfaitement expliqué que l'heure est venue de libérer les énergies, celles du MEDEF, pour des intérêts exclusivement financiers.
Tout ce qui peut organiser des droits à la formation est balayé d'un revers de main. Tout ce qui peut s'inspirer d'un tutorat efficace et formateur est également écarté.
Vous avez déclaré, monsieur le ministre, avec une grande franchise, que ce dispositif d'allégement des charges constitue la première étape d'un allégement général. C'est là précisément ce que nous dénonçons, comme je l'ai démontré dans mon intervention lors de la discussion générale.
L'élan libéral nouveau que vous donnez par ce premier texte de la législature est, d'évidence, un signe fort envoyé au MEDEF. Il le réclamait, il l'obtient d'emblée.
M. Emmanuel Hamel. Il est obsédé !
M. Roland Muzeau. Le MEDEF obtient encore un peu plus de la majorité sénatoriale avec la suppression du seuil de l'effectif de 250 salariés. La problématique posée par les PME, qui méritait objectivement d'être débattue, n'a pas survécu longtemps.
Les vannes sont désormais grandes ouvertes. Les principaux groupes industriels vont pouvoir se servir des fonds publics. De la spécificité des artisans et des petites entreprises, il ne reste rien.
Néanmoins, je me réjouis, monsieur le ministre, que nous ayons pu sinon vous convaincre, du moins vous mettre en difficulté sur l'amendement téléguidé d'exclusion des effectifs pendant deux ans des jeunes recrutés au titre de ce dispositif.
Pour le reste, que dire des mots qui dérangent, comme celui d'« exonération », remplacé par le mot plus présentable de « soutien » ? Nous ne pouvons que sourire de ces changements qui démontrent que malgré tout, sur le fond, l'exonération patronale n'est plus vraiment populaire.
Vous avez confirmé la suppression des emplois-jeunes, y compris dans les quartiers difficiles et dans l'éducation nationale. Vous excluez ainsi près de 100 000 jeunes qui viendront massivement grossir les rangs des chômeurs.
Avec cette mesure, vous supprimez aussi des services publics qui sont pourtant vite apparus indispensables dans les écoles, les collèges, les lycées et les quartiers. Je vous rappelle que les membres de mon groupe demandent depuis longtemps l'intégration de ces métiers dans le statut de la fonction publique d'Etat et la fonction publique territoriale.
Le dispositif que vous nous proposez, dégradé encore à l'issue de nos débats, amplifiera les dégâts résultant des mesures d'allégement de charges qui, depuis des années, déstructurent le marché de l'emploi et pèsent si négativement sur le niveau général des salaires et du droit du travail.
Ce que vous mettez en oeuvre est non pas un droit à l'expérimentation comme vous l'indiquez, mais plus classiquement l'aggravation du déjà fait et du déjà vu.
Nos craintes relatives au financement et à l'utilisation de l'UNEDIC n'ont pas été levées par votre réponse. L'absence de concertation avec les partenaires sociaux et les associations de chômeurs n'est pas non plus l'expression d'une bonne méthode de travail.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en conséquence des observations, des avis et surtout des critiques de fond que je viens de rappeler, les membres du groupe communiste républicain et citoyen refuseront le texte résultant de nos travaux et émettront un vote négatif.
M. le président. La parole est à M. Jacques Legendre.
M. Jacques Legendre. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis les débats relatifs aux mesures visant à faciliter l'insertion des jeunes dans la vie professionnelle depuis la mise en place, en 1977, du premier pacte pour l'emploi des jeunes. J'en ai retenu quelques convictions.
La première est qu'il faut veiller à ce que des mesures annoncées comme étant destinées à aider les jeunes ne se transforment pas très vite en mesures destinées à aider la société, les entreprises ou les collectivités en ayant recours aux jeunes.
Ma seconde conviction est que, lorsque l'on veut vérifier la qualité d'un dispositif proposé aux jeunes, on l'évalue à l'aune des mesures visant à assurer à ceux-ci une situation stable dans la vie professionnelle, en les traitant comme tous les autres travailleurs. Ce n'est pas la même chose de proposer un stage ou de proposer un contrat de travail et, s'agissant des contrats de travail, ce n'est pas la même chose de proposer un contrat à durée déterminée ou de proposer un contrat à durée indéterminée.
Ce que l'on ne peut pas retirer au dispositif qui nous est soumis aujourd'hui, c'est qu'il vise spécifiquement la catégorie des jeunes les plus en difficulté, ceux qui, malheureusement, n'ont pas eu un bon parcours scolaire et qui risquent, si l'on ne leur permet pas de se retrouver quand même, comme tout le monde, en situation normale d'emploi, de dériver vers la marginalité et, peut-être, vers tous les comportements que nous déplorons par ailleurs. En effet, il existe un lien entre le travail que nous avons accompli aujourd'hui et la réflexion que nous devrons mener sur la délinquance des jeunes, de ceux d'entre eux qui, ne sachant que faire, s'engageront plus tard sur d'autres voies...
M. Louis Moinard. Tout à fait !
M. Jacques Legendre. Il est donc important de leur ouvrir la possibilité d'entrer dans une entreprise, d'y être embauchés non pas pour six mois ou un an, mais à titre permanent.
C'est ce qui nous est proposé aujourd'hui, mais est-ce à dire pour autant qu'un tel texte permettra de tout régler ? Evidemment, non ! A l'instar d'autres intervenants, je souhaite que les mesures que nous adoptons n'entrent pas en concurrence avec d'autres dispositifs utiles, par exemple la formation en alternance ou les contrats de travail de type particulier, comme les contrats d'apprentissage.
Quoi qu'il en soit, je crois que nous pouvons ce soir éprouver un sentiment de fierté en votant un texte qui vise à donner une chance aux jeunes les plus en difficulté de pouvoir fonder une famille, trouver un logement et entrer dans la vie avec un niveau de ressources suffisant. Il me semble que ce débat nous a permis de faire le tour du problème. J'estime pour ma part que nous devrons, périodiquement, revoir les dispositifs qui auront été mis en place, parce que, malheureusement, de bonnes mesures sont parfois détournées de leur finalité initiale.
Ce qui est certain, en tout cas, c'est que, en proposant aux jeunes en difficulté de ce pays des contrats de travail à durée indéterminée, c'est-à-dire une véritable entrée dans la vie professionnelle, nous leur donnons une chance.
Le Sénat s'honorera donc en approuvant la proposition du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Nogrix.
M. Philippe Nogrix. Nous venons d'étudier, grâce à vous, monsieur le ministre, un projet de loi simple, lisible et adaptable. Je dirai, au nom du groupe de l'Union centriste, que nous avons beaucoup apprécié la façon dont ce texte nous a été présenté et a été enrichi par les amendements de la commission des affaires sociales.
Nous pensons surtout, à cette heure, aux jeunes qui, jusqu'à présent, étaient stigmatisés par certaines mesures. Désormais, ils entreront dans l'entreprise aux mêmes conditions que tous les salariés ; ils seront comme tous les autres citoyens français, ils auront droit au travail par le biais d'un contrat de travail de droit commun. C'est là une très grande avancée, et nous vous remercions, monsieur le ministre, de nous l'avoir proposée.
Les membres de mon groupe voteront donc avec beaucoup de satisfaction ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Gilbert Chabroux.
M. Gilbert Chabroux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la position du groupe socialiste, à l'issue de ce débat, se situe entre le vote contre et l'abstention.
Nous n'avons pas obtenu les réponses, les assurances et les garanties que nous attendions. Nous nous interrogeons donc sur le dispositif qui nous a été présenté, au regard à la fois de l'entreprise et du jeune.
Je voudrais, à cet instant, relever les propos tenus par un certain nombre d'orateurs qui auraient en quelque sorte, à les entendre, le monopole de la solidarité que nous devons manifester à l'égard des jeunes. Je me demande toutefois si, en fait, ceux-là ne pensent pas d'abord à l'entreprise avant de penser aux jeunes.
Pour ma part, je souhaite rétablir l'ordre des facteurs, alors que les interventions des membres de la majorité sénatoriale ont presque toutes porté sur l'entreprise, sans doute considérée au regard du jeune que l'on va y insérer, mais en prenant d'abord en compte ses intérêts.
M. Louis Moinard. Et ceux des jeunes ! M. Gilbert Chabroux. Et, accessoirement, ceux des jeunes.
M. Emmanuel Hamel. Accessoirement ? Non, fondamentalement !
M. Eric Doligé. S'il n'y avait pas l'entreprise, on ne serait pas là !
M. Gilbert Chabroux. Je le redis : vous n'avez pas le monopole des jeunes...
M. Eric Doligé. Mais non !
M. Philippe Nogrix. Ne venez pas nous donner des leçons !
M. Emmanuel Hamel. Nous, nous n'en donnons pas !
M. Gilbert Chabroux. ... et vous n'avez pas de leçons à nous donner !
Je voudrais rappeler ce qui a été fait par le gouvernement précédent et dont nous n'avons pas à rougir.
M. Eric Doligé. Qui va payer ?
M. Gilbert Chabroux. Les chiffres sont têtus : les emplois-jeunes ont profité à 360 000 jeunes. Le taux de chômage des jeunes âgés de moins de vingt-cinq ans est passé, entre 1996 et 2002, de 25% à 20%.
M. Philippe Nogrix. Jusqu'à quand ?
M. Gilbert Chabroux. On compte tout de même 900 000 chômeurs de moins !
M. Philippe Nogrix. Ils n'auraient pas été embauchés dans les entreprises, par hasard ?
M. Gilbert Chabroux. Mes chers collègues, peu d'entre vous ont fait preuve de modestie et d'humilité, qualités qui sont pourtant à la mode... J'ai observé une autre attitude au fil de nos débats. Comme je l'ai indiqué, certains auraient volontiers tendance à nous donner des leçons.
Pour ce qui me concerne, je souhaite de tout coeur, monsieur le ministre, que, à la fin de la législature, vous ayez fait aussi bien que le gouvernement précédent en matière de lutte contre le chômage.
M. Philippe Nogrix. Aussi bien que Martine Aubry...
M. Gilbert Chabroux. Je souhaite que vous parveniez aux mêmes résultats. Si vous faites mieux, je le reconnaîtrai.
M. Emmanuel Hamel. Bravo !
M. Gilbert Chabroux. Bien entendu !
M. Philippe Nogrix. C'est de l'abnégation !
M. Gilbert Chabroux. Mais considérons le chemin accompli, voyons ce qui a été fait, mesurons les progrès réalisés, même si beaucoup de questions demeurent, même si nous nous interrogeons et même si nous sommes tout à fait convaincus qu'il est effectivement nécessaire de prévoir un dispositif spécifique pour les jeunes de seize à vingt ans non qualifiés et non diplômés. Nous sommes entièrement d'accord pour privilégier la création d'emplois à durée indéterminée - cela nous semble fondamental et positif - en faveur de cette catégorie de jeunes, qui est la plus éloignée de l'emploi. Encore une fois, nous sommes sensibles au sort de ces jeunes, autant que vous pouvez l'être, chers collègues de la majorité sénatoriale.
Nous pensons aux jeunes avant de penser aux entreprises,...
M. Jacques Legendre. Nous aussi !
M. Gilbert Chabroux. ... et nous voudrions qu'on leur donne une véritable chance. Vous avez parlé de « défi humain », mais il faut vraiment se soucier des problèmes que rencontrent les jeunes et savoir que leur vie est difficile, très dure, que la société est cruelle et que nous vivons dans un monde injuste. Nous ne voudrions donc pas, par notre vote, faire quoi que ce soit qui puisse être mal compris par ceux-là mêmes à qui nous devons redonner confiance. Nous ne pouvons pas voter contre les jeunes !
Lorsqu'il s'agit des entreprises, nous avons le droit de débattre, de ne pas être d'accord, de considérer que vous leur faites des cadeaux - vous leur en ferez encore beaucoup d'autres - et d'affirmer, à l'avenir, que vous présenterez des textes qui favoriseront le patronat. Vous choisirez alors votre camp, celui des entreprises - et des grandes entreprises autant que possible - et non pas celui des salariés !
Mes chers collègues, comme je l'ai annoncé, nous nous abstiendrons lors du vote sur ce texte, afin de prendre en compte les problèmes des jeunes. (Applaudissements sur les travées socialistes. - M. Gérard Delfau applaudit également.)
M. Louis Souvet, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet, rapporteur. J'avais pensé clore cette discussion par une intervention de portée tout à fait générale, mais les propos moralisateurs de notre collègue Chabroux m'incitent à lui répondre de façon plus précise.
M. Gilbert Chabroux. Vous confondez la hauteur avec la morale !
M. Louis Souvet, rapporteur. Permettez-moi de vous dire, mon cher collègue, que la hauteur que vous avez prise ce soir ne me semble pas de très bon aloi ! Vous n'avez pas le monopole du coeur, selon une expression bien connue.
M. Gilbert Chabroux. C'est Giscard qui a dit cela !
M. Louis Souvet, rapporteur. Comprenons-nous bien : les choses ne sont pas simples. Si elles l'étaient, cela se saurait, et nous ne serions pas là ce soir.
Vous vous êtes efforcés d'apporter votre pierre à l'édifice, vous avez fait ce que vous avez pu, tout ce que vous avez pu, vous avez fait des choix qui n'étaient pas les nôtres, et les résultats n'ont pas été, c'est le moins que l'on puisse dire, à la hauteur de vos espérances ni des nôtres ! En effet, c'est l'avenir de la France qui est ici en jeu, et ce sont les espoirs de notre pays, c'est-à-dire ses enfants, qui sont au coeur de ce débat.
A titre personnel, je n'ai jamais souhaité que les idées que vous avez développées sur le plan national débouchent sur un échec, mais il en a été ainsi, quoi que vous en disiez. La meilleure preuve en est que les Français vous ont sanctionnés, à moins que le peuple ne se trompe en permanence ! Il faut savoir raison garder.
Vous avez dit, monsieur Chabroux, que nous n'avions pas apporté les réponses que vous attendiez. C'est évident ! Si tel avait été le cas, nous aurions repris les projets que vous aviez défendus jusqu'alors. Ce n'était pas possible. Dans ces conditions, si l'on a changé de gouvernement et de majorité, il faut aussi, me semble-t-il, changer les méthodes de travail.
Vous avez également dit que les chiffres étaient têtus. Je vous rétorquerai que les chiffres sont têtus, certes, qu'ils ne mentent jamais, mais que tous ceux qui veulent mentir utilisent des chiffres. Par conséquent, ne nous lançons pas dans une bataille de chiffres !
Je ne crois pas que nous ayons travaillé pour les entreprises, comme vous l'avez affirmé. Nous avons placé au coeur de notre dispositif et de nos préoccupations les jeunes les moins favorisés à tous égards. Nous avons voulu faire en sorte que certains d'entre eux puissent trouver du travail. Nous ne sommes pas sûrs de réussir, car il est difficile de demander à un chef d'entreprise d'embaucher des jeunes peu ou pas qualifiés sous contrats à durée indéterminée. Ce n'est pas simple, pour un chef d'entreprise, que celle-ci soit petite ou grande ! Je voudrais que vous en preniez conscience.
Essayons de nous comprendre : je n'ai jamais imaginé que vous aviez des intentions cachées ; je n'en ai aucune pour ma part, pas plus, je pense, que le Gouvernement ou ceux de mes collègues qui siègent à la droite de l'hémicycle. Nous cherchons tous une voie pour apporter à des jeunes qui en ont bien besoin un maximum - ou un minimum - de réconfort et d'espoir.
Nous avons placé les jeunes au centre de nos préoccupations, je le répète, et, pour ce qui me concerne, je n'en sortirai pas : c'est à leur ouvrir une voie d'avenir que je m'attache, c'est pour eux que nous avons travaillé. Je ne suis pas certain que nous trouverons 300 000 emplois dans des conditions aussi délicates. C'est un défi difficile à relever : vous parliez tout à l'heure de hauteur, monsieur Chabroux ; eh bien la barre est placée très haut !
Pour conclure, je remercierai M. le ministre de sa compréhension. Constater que la majorité sénatoriale avait déposé vingt-six amendements sur un projet de loi comportant deux articles a pu l'inquiéter et l'émouvoir, je le conçois. Nous n'avions cependant pas l'intention, monsieur le ministre, de mettre à bas votre texte, bien évidemment !
Je remercierai par ailleurs mes collègues de la majorité sénatoriale de l'appui qu'ils m'ont apporté. Il n'est pas toujours aisé d'être rapporteur, car des cas de conscience se posent parfois, et il est bon alors de se sentir compris et soutenu.
Je remercierai enfin mes collègues de l'opposition pour la hauteur, précisément, des réflexions qu'ils ont formulées. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Je remercie le Sénat de la qualité du travail qui a été effectué sur ce texte. Je rassure M. le rapporteur : le très ancien parlementaire que j'étais n'a pas été bouleversé par le fait que le Parlement ait eu envie de faire connaître son jugement sur ce texte et d'apporter ses modifications et ses aménagements.
Nous avons, je crois, bien travaillé pour les jeunes. Le chômage des jeunes, la violence qui les frappe préparent une crise politique et sociale à côté de laquelle celle que nous connaissons aujourd'hui paraîtra bénigne. Quand on commence sa vie dans l'exclusion et la violence, on ne peut ensuite accepter les règles du jeu que la société des adultes veut vous imposer.
Je l'ai dit tout à l'heure, nous n'avons pas de remède miracle contre le chômage des jeunes, et ce texte n'est qu'une pierre ajoutée à un ensemble de dispositifs dont certains ont été portés par la majorité précédente et continueront, pour une part, de fonctionner. Mais j'ai la conviction que ce texte permettra à de très nombreux jeunes d'entrer de plain-pied dans le monde du travail et dans le monde des adultes. La coopération qui vient de s'instaurer sur ce point entre le Gouvernement et le Sénat augure bien le travail de réforme que nous allons accomplir ensemble dans le domaine des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Je veux vous en remercier et vous dire que, dans cinq ans, vous n'aurez pas à rougir de ce que vous venez de faire. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. Merci, monsieur le ministre.
M. Emmanuel Hamel. Un grand ministre !
M. le président. Au cours de cette longue séance, nous avons assisté à un bon débat. Permettez au président de séance de remercier tous ceux qui y ont participé, au premier rang desquels M. le ministre, mais aussi M. le rapporteur et tous nos collègues de la majorité comme de l'opposition.

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DÉCLARATION DE L'URGENCE
D'UN PROJET DE LOI

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :

« Paris, le 17 juillet 2002


« Monsieur le président,
« J'ai l'honneur de vous faire connaître qu'en application de l'article 45, alinéa 2, de la Constitution le Gouvernement déclare l'urgence du projet de loi d'orientation et de programmation pour la justice, déposé sur le bureau du Sénat le 17 juillet 2002.
« Veuillez agréer, monsieur le président, l'assurance de ma haute considération.

« Signé : Jean-Pierre Raffarin »


Acte est donné de cette communication.

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COMMUNICATION DE L'ADOPTION DÉFINITIVE DE TEXTES SOUMIS AU SÉNAT EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre une communication, en date du 12 juillet 2002, l'informant de l'adoption définitive des trente-trois textes soumis en application de l'article 88-4 de la Constitution suivants :
N° E 1346. - Projet d'acte relatif à l'élection des membres du Parlement européen au suffrage universel direct. - (Adopté le 25 juin 2002.)
N° E 1520. - Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 97/67/CE en ce qui concerne la poursuite de l'ouverture à la concurrence des services postaux de la Communauté. - (Adoptée le 10 juin 2002.)
N° E 1528. - Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil relative aux mesures d'incitation communautaire dans le domaine de l'emploi. - (Adoptée le 10 juin 2002.)
N° E 1591. - Proposition de règlement (CE, CECA, EURATOM) du Conseil portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (refonte). - (Adoptée le 25 juin 2002.)
N° E 1697. - Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur les comptes trimestriels non financiers des administrations publiques. - (Adoptée le 10 juin 2002.)
N° E 1718. - Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant les contrats de garantie financière. - (Adoptée le 6 juin 2002.)
N° E 1820. - Proposition de règlement du Conseil relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière de responsabilité parentale (retirée par la Commission le 6 juin 2002 - Remplacée par COM [2002] 222 - E 2025).
N° E 1828. - Proposition de décision-cadre du Conseil relative à la lutte contre le terrorisme. - (Adoptée le 13 juin 2002.)
N° E 1829. - Proposition de décision-cadre du Conseil relative au mandat d'arrêt européen et aux procédures de remise entre Etats membres. - (Adoptée le 13 juin 2002.)
N° E 1832. - Communication du Royaume de Belgique, de la République française, du Royaume d'Espagne et du Royaume-Uni : Initiative du Royaume de Belgique, de la République française, du Royaume d'Espagne et du Royaume-Uni visant à l'adoption par le Conseil d'un projet de décision-cadre relative à des équipes communes d'enquête. - (Adoptée le 13 juin 2002.)
N° E 1897. - Proposition de décision du Conseil relative au régime de l'impôt AIEM applicable aux îles Canaries. - (Adoptée le 20 juin 2002.)
N° E 1951. - Proposition de règlement du Conseil ouvrant un contingent autonome pour les importations de viande bovine de qualité (Paraguay). - (Adoptée le 27 juin 2002.)
N° E 1956. - Proposition de directive du Conseil établissant des dispositions spécifiques pour la lutte contre la peste porcine africaine et modifiant la directive 92/119/CEE en ce qui concerne la maladie de Teschen et la peste porcine africaine. - (Adoptée le 27 juin 2002.)
N° E 1967. - Proposition de décision du Conseil relative à la signature, au nom de la Communauté, d'un protocole additionnel à l'accord européen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la République de Lettonie, d'autre part, sur l'évaluation de la conformité et l'acceptation des produits industriels [PECA]. Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion d'un protocole additionnel à l'accord européen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la République de Lettonie, d'autre part, sur l'évolution de la conformité et l'acceptation des produits industriels - PECA. - (première proposition adoptée le 21 mai 2002 ; deuxième proposition adoptée le 25 juin 2002.)
N° E 1971. - Proposition de décision du Conseil relative à la signature, au nom de la Communauté, d'un protocole additionnel à l'accord européen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la République de Lituanie, d'autre part, sur l'évaluation de la conformité et l'acceptation des produits industriels [PECA]. Proposition de décision relative à la conclusion d'un protocole additionnel à l'accord européen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la République de Lituanie, d'autre part, sur l'évaluation de la conformité et l'acceptation des produits industriels PECA. - (première proposition adoptée le 21 mai 2002 ; deuxième proposition adoptée le 25 juin 2002.)
N° E 1972. - Proposition de décision du Conseil autorisant l'Allemagne à appliquer une mesure dérogatoire à l'article 21 de la directive 77/388/CEE en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires [livraison de biens]. - (Adoptée le 4 juin 2002.)
N° E 1973. - Proposition de décision du Conseil autorisant le Royaume-Uni à appliquer un taux différencié de droits d'accise aux carburants contenant du biodiesel, conformément à l'article 8, paragraphe 4, de la directive 92/81/CEE. - (Adoptée le 27 juin 2002.)
N° E 1978. - Proposition de décision du Conseil concernant la conclusion, au nom de la Communauté, du protocole de Carthagène sur la prévention des risques biotechnologiques. - (Adoptée le 25 juin 2002.)
N° E 1979. - Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 3050/95 portant suspension temporaire des droits autonomes du tarif douanier commun sur un certain nombre de produits destinés à la construction, à l'entretien et à la réparation de véhicules aériens. - (Adoptée le 25 juin 2002.)
N° E 1980. - Proposition de règlement du Conseil portant suspension temporaire des droits autonomes du tarif douanier commun sur certaines marchandises importées sous le couvert de certificats d'aptitude au vol. - (Adoptée le 25 juin 2002.)
N° E 1982. - Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CEE) n° 3677/90 relatif aux mesures à prendre afin d'empêcher le détournement de certaines substances pour la fabrication illicite de stupéfiants ou de substances psychotropes. - (Adoptée le 3 juin 2002.)
N° E 1991. - Proposition de règlement du Conseil établissant certaines concessions sous forme de contingents tarifaires communautaires pour certains produits agricoles et prévoyant l'adaptation autonome et transitoire de certaines concessions agricoles prévues dans l'accord européen avec l'Estonie. - (Adoptée le 27 juin 2002.)
N° E 2000. - Proposition de règlement du Conseil fixant des dispositions transitoires concernant les mesures antidumping et compensatoires adoptées en vertu des décisions n° 2277/96/CECA et n° 1889/98/CECA de la Commission ainsi que les demandes, plaintes et enquêtes antidumping et antisubventions en cours relevant de ces décisions. - (Adoptée le 3 juin 2002.)
N° E 2004. - Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1255/96 portant suspension temporaire des droits autonomes du tarif douanier commun sur certains produits industriels, agricoles et de la pêche [Annexe = annexe I : insertion de produits, annexe II : suppression de produits]. - (Adoptée le 26 juin 2002.)
N° E 2005. - Proposition de règlement du Conseil ouvrant un contingent autonome pour les importations de viande bovine de haute qualité (Argentine). - (Adoptée le 27 juin 2002.)
N° E 2006. - Proposition de règlement du Conseil instituant des droits de douane supplémentaires sur les importations de certains produits originaires des Etats-Unis d'Amérique. - (Adoptée le 13 juin 2002.)
N° E 2009. - Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 2505/96 portant ouverture et mode de gestion de contingents tarifaires communautaires autonomes pour certains produits agricoles et industriels [Annexe I]. - (Adoptée le 26 juin 2002.)
N° E 2013. - Projet de décision de la Commission relative à l'administration de certaines restrictions à l'importation de certains produits sidérurgiques en provenance du Kazakhstan. - (Avis conforme du Conseil du 17 juin 2002.)
N° E 2014. - Projet de décision de la Commission concernant la conclusion d'un accord entre la Communauté européenne du charbon et de l'acier et le Gouvernement de la République du Kazakhstan relatif au commerce de certains produits sidérurgiques. - (Avis conforme du Conseil du 17 juin 2002.)
N° E 2015. - Projet de décision de la Commission concernant la conclusion d'un accord entre la Communauté européenne du charbon et de l'acier et le Gouvernement de la Fédération de Russie relatif au commerce de certains produits sidérurgiques . - (Avis conforme du Conseil du 17 juin 2002.)
N° E 2017. - Projet de décision de la Commission relative à l'administration de certaines restrictions à l'importation de certains produits sidérurgiques en provenance d'Ukraine. - (Avis conforme du Conseil du 17 juin 2002.)
N° E 2018. - Projet de décision de la Commission relative à l'administration de certaines restrictions à l'importation de certains produits sidérurgiques en provenance de la Fédération de Russie. - (Avis conforme du Conseil du 17 juin 2002.)
N° E 2019. - Projet de décision de la Commission concernant la conclusion d'un accord entre la Communauté européenne du charbon et de l'acier et le Gouvernement de l'Ukraine relatif au commerce de certains produits sidérurgiques. - (Avis conforme du Conseil du 17 juin 2002.)

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DÉPÔT DE PROJETS DE LOI

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre un projet de loi d'orientation et de programmation pour la justice.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 362, distribué et renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu de M. le Premier ministre un projet de loi autorisant la ratification de la convention de sécurité sociale entre la République française et la Principauté d'Andorre signée à Andorre-la-Vieille le 12 décembre 2000.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 363, distribué et renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu de M. le Premier ministre un projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Ouzbékistan en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et la fortune (ensemble un protocole et un échange de lettres).
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 364, distribué et renvoyé à la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

9

TEXTES SOUMIS AU SÉNAT EN APPLICATION
DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Projet de décision du Conseil relatif à la mise en oeuvre de l'article 2 (3) du règlement n° 2580/2001 concernant l'adoption de mesures restrictives à l'encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme et abrogeant la décision 2002/460/CE.
Ce texte sera imprimé sous le n° E 2054 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Projet de position commune du Conseil 2002/PESC portant mise à jour de la position commune 2001/931/PESC relative à l'application de mesures spécifiques en vue de lutter contre le terrorisme et abrogeant la position commune 2002/462/PESC.
Ce texte sera imprimé sous le n° E 2055 et distribué.

10

DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI

M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Louis Masson une proposition de loi relative à la publication des mentions figurant dans les déclarations de candidatures aux élections législatives.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 357, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

11

RENVOI POUR AVIS

M. le président. J'informe le Sénat que le projet de loi d'orientation et de programmation pour la justice (n° 362, 2001-2002), dont la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale est saisie au fond, est renvoyé pour avis, à sa demande, à la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.

12

DÉPÔT DE RAPPORTS

M. le président. J'ai reçu de M. Lucien Lanier un rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale sur le projet de loi adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, portant amnistie (n° 355, 2001-2002).
Le rapport sera imprimé sous le n° 358 et distribué.
J'ai reçu de M. Denis Badré un rapport fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation sur sa proposition de résolution (n° 353, 2001-2002) présentée au nom de la délégation pour l'Union européenne, en application de l'article 73 bis du règlement, sur l'avant-projet de budget des Communautés européennes pour l'exercice 2003 (n° E 2030).
Le rapport sera imprimé sous le n° 359 et distribué.
J'ai reçu de M. Jean-François Le Grand un rapport fait au nom de la commission des affaires économiques et du Plan sur sa proposition de loi relative à l'implantation des éoliennes et à la protection de l'environnement (n° 287, 2000-2001).
Le rapport sera imprimé sous le n° 360 et distribué.

13

DÉPÔT D'UN RAPPORT D'INFORMATION

M. le président. J'ai reçu de M. Philippe Marini un rapport d'information fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation sur une étude menée sur la dette publique et ses perspectives d'évolution.
Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 361 et distribué.

14

DÉPÔTS RATTACHÉS POUR ORDRE
AU PROCÈS-VERBAL
DE LA SÉANCE DU 10 JUILLET 2002

DÉPÔT D'UN PROJET DE LOI

M. le président. M. le président du Sénat a reçu le 11 juillet 2002 de M. le Premier ministre un projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, portant amnistie.
Ce projet de loi sera imprimé sous le n° 355, distribué et renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

TEXTES SOUMIS AU SÉNAT EN APPLICATION
DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION

M. le président du Sénat a reçu le 11 juillet 2002 de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil modifiant la décision 1999/78/CE du Conseil du 22 juin 1998 relative à la conclusion d'un accord de reconnaissance mutuelle entre la Communauté européenne et les Etats-Unis d'Amérique.
Ce texte sera imprimé sous le n° E 2047.
M. le président du Sénat a reçu le 11 juillet 2002 de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil modifiant la décision 2001/747/CE du Conseil du 27 septembre 2001 concernant la conclusion de l'accord de reconnaissance mutuelle entre la Communauté européenne et le Japon.
Ce texte sera imprimé sous le n° E 2048 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu le 11 juillet 2002 de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 68/151/CEE du Conseil en ce qui concerne les obligations de publicité de certaines formes de sociétés.
Ce texte sera imprimé sous le n° E 2049 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu le 11 juillet 2002 de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à l'établissement de normes de qualité et de sécurité pour le don, l'obtention, le contrôle, la transformation, le stockage et la distribution des tissus et cellules humains.
Ce texte sera imprimé sous le n° E 2050 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu le 12 juillet 2002 de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition du règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 963/2002 du Conseil du 3 juin 2002 fixant des dispositions transitoires concernant les mesures antidumping et compensatoires adoptées en vertu des décisions n° 2277/96/CECA de la Commission ainsi que les demandes, plaintes et enquêtes antidumping et antisubventions en cours relevant de ces décisions.
Ce texte sera imprimé sous le n° E 2051 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu le 12 juillet 2002 de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Rapport de la Commission au Conseil sur les contrôles des mouvements transfrontaliers d'argent liquide. Proposition de règlement du Parlement et du Conseil relatif à la prévention du blanchiment de capitaux par la coopération douanière.
Ce texte sera imprimé sous le n° E 2052 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu le 16 juillet 2002 de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Lettre de la Commission européenne du 21 juin 2002 relative à une demande de dérogation présentée par l'Autriche conformément à l'article 27, paragraphe 2 de la sixième directive du Conseil (77/388/CE) du 17 mai 1977, en matière de TVA (sous-traitance et prêt de main-d'oeuvre dans la construction).
Ce texte sera imprimé sous le n° E 2053 et distribué.

DÉPÔT D'UN RAPPORT

M. le président du Sénat a reçu le 16 juillet 2002 de M. Louis Souvet un rapport fait au nom de la commission des affaires sociales sur le projet de loi portant création d'un dispositif de soutien à l'emploi des jeunes en entreprise (urgence déclarée) (n° 351, 2001-2002).
Ce rapport sera imprimé sous le n° 356 et distribué.

DÉPÔT D'UN RAPPORT D'INFORMATION

M. le président du Sénat a reçu le 11 juillet 2002 de M. Pierre André un rapport d'information fait au nom de la commission des affaires économiques et du Plan sur les zones franches urbaines.
Ce rapport d'information sera imprimé sous le n° 354 et distribué.

15

ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 23 juillet 2002, à seize heures et le soir :
Discussion du projet de loi (n° 355, 2001-2002), adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, portant amnistie.
Rapport (n° 358, 2001-2002) de M. Lucien Lanier, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 22 juillet 2002, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 22 juillet 2002, à dix-sept heures.

Délai limite pour les inscriptions de parole
dans la discussion générale et pour le dépôt
des amendements

Projet de loi d'orientation et de programmation pour la justice (n° 362, 2001-2002) :
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 24 juillet 2002, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : ouverture de la discussion générale.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.

(La séance est levée à vingt et une heures cinq.)

Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD





ERRATUM
Au compte rendu intégral de la séance du 4 juillet 2002

Page 1869, 2e colonne, rétablir comme suit le 3e alinéa :
« M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Voilà un de nos dossiers prioritaires,... »

DÉCLARATION D'URGENCE

Par lettre en date du 17 juillet 2002, M. le Premier ministre a fait connaître à M. le président du Sénat qu'en application de l'article 45 de la Constitution, le Gouvernement déclare l'urgence du projet de loi d'orientation et de programmation pour la justice (n° 362, 2001-2002).

NOMINATIONS DE RAPPORTEURS
COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES ET DU PLAN

M. Jean-Paul Alduy a été nommé rapporteur du projet de loi n° 261 (2001-2002) relatif à la création d'une zone de protection écologique au large des côtes de la République.
M. Jean-Paul Emin a été nommé rapporteur de la proposition de résolution n° 352 (2001-2002) relative à la communication de la Commission et la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatives aux promotions des ventes dans le marché intérieur (n° E 1842).

COMMISSION DES FINANCES, DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE
ET DES COMPTES ÉCONOMIQUES DE LA NATION

M. Hubert Haenel a été nommé rapporteur pour avis du projet de loi n° 362 (2001-2002) d'orientation et de programmation pour la justice, dont la commission des lois est saisie au fond.
M. Denis Badré a été nommé rapporteur de la proposition de résolution n° 353 (2001-2002) de M. Denis Badré, présentée en application de l'article 73 bis du règlement, sur l'avant-projet de budget des Communautés européennes pour l'exercice 2003 (n° E 2030).

COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES,
DE LÉGISLATION, DU SUFFRAGE UNIVERSEL, DU RÈGLEMENT
ET D'ADMINISTRATION GÉNÉRALE

M. Lucien Lanier a été nommé rapporteur du projet de loi n° 355 (2001-2002), adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, portant amnistie, dont la commission des lois est saisie au fond.
MM. Jean-Pierre Schosteck et Pierre Fauchon ont été nommés rapporteurs du projet de loi n° 362 (2001-2002) d'orientation et de programmation sur la justice, dont la commission des lois est saisie au fond.

BUREAU D'UNE COMMISSION PERMANENTE
ÉLECTION DU PRÉSIDENT

Dans sa séance du mercredi 17 juillet 2002, la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation a procédé à l'élection de M. Jean Arthuis en qualité de président, en remplacement de M. Alain Lambert, nommé ministre.



Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)


Aides financières de l'Etat en faveur des départements

6. - 11 juillet 2002. - M. Claude Biwer attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales sur les préoccupations exprimées par les conseils généraux et, notamment, celui de la Meuse, à l'égard des transferts de charges insuffisamment compensés opérés par le Gouvernement précédent qui risquent de les obliger à augmenter la pression fiscale pesant sur les contribuables locaux : il s'agit, notamment, de la montée en puissance de l'allocation personnalisée d'autonomie, de la généralisation des 35 heures, voire de la réforme des services d'incendie et de secours (SDIS). Il le prie de bien vouloir préciser les mesures que le Gouvernement envisage de mettre en oeuvre visant à garantir aux départements des ressources suffisantes et évolutives leur permettant de faire face à ce surcroît, sans précédent, de dépenses.

Reconduction du mécanisme de TVA réduite sur les travaux
d'entretien et d'amélioration des logements

7. - 15 juillet 2002. - M. Dominique Mortemousque attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur la nécessaire reconduction de la TVA à 5,5 % pour les travaux d'entretien et d'amélioration des logements. En septembre 1999, la France, avec l'autorisation du Conseil de l'Union européenne, a en effet pu appliquer un taux réduit de TVA (5,5 %) pour ces travaux sur une période expérimentale de trois ans afin de stimuler la création d'emplois et la lutte contre le travail clandestin. Toutes les études statistiques ont démontré que cette diminution de la TVA a permis une forte croissance de l'activité et de l'emploi : 60 000 emplois créés en 2000 et 2001, diminution du travail non déclaré, augmentation des rentrées fiscales et sociales. Les résultats obtenus : 35 milliards de francs supplémentaires (5 milliards d'euros environ) s'expliquent par le fait que les activités d'entretien et d'amélioration du logement - qui contribuent à une part importante du développement économique de la Dordogne - représentent 71 % du chiffre d'affaires de l'artisanat. Il lui demande donc ce que le Gouvernement envisage pour pérenniser ce taux réduit de TVA au-delà du 31 décembre 2002 - répondant ainsi aux voeux unanimes exprimés par les professionnels de l'artisanat du bâtiment.

Renforcement des moyens du service de gériatrie
de l'hôpital de Tulle

8. - 16 juillet 2002. - M. Georges Mouly appelle l'attention de M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées sur le rôle incontournable du centre hospitalier gériatrique de Tulle dans le développement d'un pôle harmonieux tendant à optimiser le maintien à domicile des personnes âgées sur le bassin du pays de Tulle. En effet, intégré dans les différents dispositifs gérontologiques existant sur le secteur, le service de gériatrie est engagé depuis de longues années dans une démarche tant qualitative que quantitative de coordination intra et extra-hospitalière. A ce jour, l'attribution de crédits supplémentaires pour doter ce service d'un poste de médecin gériatre et de temps de coordination permettrait de renforcer cette action. Il lui demande donc s'il envisage d'accorder des crédits supplémentaires à cet établissement pour soutenir le projet gériatrique et plus généralement quelle suite il compte réserver au plan de gériatrie mis en place par le précédent gouvernement.

Délais de mise en circulation des nouveaux médicaments

9. - 16 juillet 2002. - M. André Vantomme souhaite appeler l'attention de M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées sur le progrès thérapeutique apporté par les entreprises du médicament en France. Le bilan thérapeutique de cette industrie est réalisé sur la base de données objectives, à partir des éléments officiels de l'agence française de sécurité sanitaire des produits de santé et de l'agence européenne du médicament. Il ressort de ce bilan que depuis dix ans, 30 à 50 innovations viennent chaque année enrichir l'arsenal thérapeutique dans des domaines très divers, ce qui, au regard des découvertes du siècle, constitue clairement une croissance tout à fait exceptionnelle des résultats de la recherche, selon le Syndicat national de l'industrie pharmaceutique. Ces innovations sont, bien entendu, attendues et espérées par nos concitoyens mais il semblerait que ceux-ci doivent attendre environ une bonne année pour en disposer alors qu'en Allemagne ou en Angleterre ces médicaments sont disponibles au bout d'un mois. Il souhaiterait qu'il puisse lui être précisé les raisons de ces retards et les dispositions qui pourraient être prises par les pouvoirs plublics pour réduire, voire supprimer cette distorsion au regard de notre système de santé, dont l'Organisation mondiale de la santé reconnaît par ailleurs l'excellence.

Difficultés de mise en oeuvre
de l'allocation personnalisée d'autonomie

10. - 17 juillet 2002. - M. Bernard Cazeau attire l'attention de M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité sur les difficultés de mise en oeuvre de l'allocation personnalisée d'autonomie pour les personnes âgées dépendantes ayant procédé à une donation-partage comptant une clause de soins en contrepartie d'un avantage successoral majorité. En effet, les contrats conclus au sein des familles ayant valeur de loi, l'APA octroyée par le président du conseil général peut-elle de fait rendre caduques ou modifier sensiblement les conditions de successions anticipées et engagements pris par les donataires ? Devant ces interrogations et ces incertitudes, il souhaiterait connaître très précisément quels sont les éléments de réponse à cette question.

Réglementation en matière d'hygiène et de sécurité du travail
applicable à la fonction publique territoriale

11. - 17 juillet 2002. - M. Claude Biwer attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales sur les difficultés d'application du décret n° 2000-542 du 16 juin 2000 modifiant le décret n° 85-603 du 10 juin 1985 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la médecine professionnelle et préventive dans la fonction publique territoriale. Celui-ci prévoit, notamment, la désignation d'un ou de plusieurs agents chargés d'assurer la mise en oeuvre des règles d'hygiène et de sécurité ainsi que d'agents chargés de la fonction d'inspection, ce qui paraît totalement inadapté à la situation des petites communes ne disposant, souvent, que d'un ou une secrétaire de mairie et quelquefois d'un agent d'entretien à temps partiel, leur temps de travail étant, dans un très grand nombre de cas, réparti entre plusieurs communes. Il le prie de bien vouloir indiquer les mesures qu'il envisage de proposer visant à adapter cette réglementation aux communes rurales en autorisant, par exemple, la désignation de ces agents dans un cadre intercommunal.