SEANCE DU 20 FEVRIER 2002


SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. SERGE VINÇON

1. Procès-verbal (p. 0 ).

2. Protection de la présomption d'innocence. - Adoption d'une proposition de loi en nouvelle lecture (p. 1 ).
Discussion générale : Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux, ministre de la justice ; MM. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur de la commission des lois ; Robert Badinter, Mme Nicole Borvo, M. Paul Girod.
Clôture de la discussion générale.

Article 1er (p. 2 )

Amendement n° 1 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux, MM. Robert Badinter, Paul Girod. - Adoption, par scrutin public, de l'amendement supprimant l'article.

Article 2 (p. 3 )

Amendement n° 2 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux, MM. Robert Badinter, Robert Bret, Paul Girod. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Article 2 bis (p. 4 )

Amendement n° 3 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Intitulé de la section 2 (avant l'article 2 ter )
(supprimé) (p. 5 )

Amendement n° 4 de la commission. - Adoption de l'amendement rétablissant la division et son intitulé.

Article 2 ter (supprimé) (p. 6 )

Amendement n° 5 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux, M. Robert Badinter. - Adoption de l'amendement rétablissant l'article.

Article 2 quater (supprimé) (p. 7 )

Amendement n° 6 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux, M. Robert Badinter. - Adoption de l'amendement rétablissant l'article.

Article 3 bis (supprimé) (p. 8 )

Amendement n° 7 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux, M. Robert Badinter. - Adoption de l'amendement rétablissant l'article.

Article 4 bis (supprimé) (p. 9 )

Amendement n° 8 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement rétablissant l'article.

Intitulé de la section 4 (avant l'article 4 ter )
(supprimé) (p. 10 )

Amendement n° 9 de la commission. - Adoption de l'amendement rétablissant la division et son intitulé.

Article 4 ter (supprimé) (p. 11 )

Amendement n° 10 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement rétablissant l'article.

Article 5. - Adoption (p. 12 )

Article 5 bis A (supprimé) (p. 13 )

Amendement n° 11 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux, MM. Robert Badinter, René Garrec, président de la commission des lois. - Adoption de l'amendement rétablissant l'article.

Article 5 quater (supprimé) (p. 14 )

Amendement n° 12 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement rétablissant l'article.

Article 5 quinquies (supprimé) (p. 15 )

Amendement n° 13 rectifié de la commission. - Adoption de l'amendement rétablissant l'article.

Article 5 sexies (supprimé) (p. 16 )

Amendement n° 14 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement rétablissant l'article.

Vote sur l'ensemble (p. 17 )

M. Robert Badinter.
Adoption de la proposition de loi.

3. Nom patronymique. - Adoption d'une proposition de loi (p. 18 ).
Discussion générale : Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux, ministre de la justice ; M. Henri de Richemont, rapporteur de la commission des lois ; Mme Danièle Pourtaud, au nom de la délégation aux droits des femmes.

Suspension et reprise de la séance (p. 19 )

PRÉSIDENCE DE M. DANIEL HOEFFEL

MM. François Zocchetto, Jean-Louis Masson, Mme Michèle André, M. Charles Guené, Mme Josiane Mathon.
Clôture de la discussion générale.

Article additionnel avant l'article 1er (p. 20 )

Amendement n° 4 rectifié de M. Jean-Louis Masson. - MM. Jean-Louis Masson, le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Rejet.

Article 1er (p. 21 )

Amendement n° 8 de la commission et sous-amendement n° 33 du Gouvernement ; amendements n°s 3 et 2 rectifié de M. Jean-Louis Masson. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux, M. Jean-Louis Masson. - Adoption du sous-amendement n° 33 et de l'amendement n° 8 modifié rédigeant l'article, les amendements n°s 3 et 2 rectifié devenant sans objet.

Articles additionnels après l'article 1er (p. 22 )

Amendement n° 1 rectifié de M. Christian Cointat. - MM. Christian Cointat, le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Retrait.
Amendements n°s 9 rectifié de la commission et 38 du Gouvernement. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux, MM. Michel Dreyfus-Schmidt, Patrice Gélard, Jean-Louis Masson. - Adoption de l'amendement n° 9 rectifié insérant un article additionnel, l'amendement n° 38 devenant sans objet.
Amendement n° 10 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 11 de la commission et sous-amendements n°s 34 à 37 du Gouvernement, 51 à 53 et 55 de M. Jean-Louis Masson et 56 rectifié de M. Patrice Gélard. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux, MM. Jean-Louis Masson, Patrice Gélard, Christian Cointat. - Rejet des sous-amendements n°s 35 à 37, 51 à 53 et 55 ; adoption des sous-amendements n°s 34 et 56 rectifié et de l'amendement n° 11 modifié insérant un article additionnel.
Amendement n° 12 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 13 de la commission. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 14 de la commission. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 15 de la commission. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Article 2 (p. 23 )

Amendement n° 16 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement rédigeant l'article.

Article additionnel après l'article 2 (p. 24 )

Amendement n° 17 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Article 3 (p. 25 )

Amendement n° 18 de la commission. - Adoption de l'amendement rédigeant l'article.

Article 4 (p. 26 )

Amendement n° 19 de la commission et sous-amendement n° 39 rectifié du Gouvernement. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption du sous-amendement et de l'amendement modifié rédigeant l'article.

Article 5 (p. 27 )

Amendement n° 20 de la commission et sous-amendement n° 40 du Gouvernement. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Retrait du sous-amendement ; adoption de l'amendement rédigeant l'article.

Article additionnel avant l'article 6 (p. 28 )

Amendement n° 21 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Article 6 (p. 29 )

Amendement n° 22 de la commission. - Adoption.
Amendement n° 23 de la commission et sous-amendement n° 41 rectifié du Gouvernement. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption du sous-amendement et de l'amendement modifié.
Adoption de l'article modifié.

Article additionnel après l'article 6 (p. 30 )

Amendement n° 42 du Gouvernement. - Mme le garde des sceaux, M. le rapporteur. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Articles additionnels avant l'article 7 (p. 31 )

Amendement n° 24 de la commission. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 25 rectifié de la commission et sous-amendements n°s 43 à 45 du Gouvernement et 54 de M. Jean-Louis Masson. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux, M. Jean-Louis Masson. - Rejet des sous-amendements n°s 54, 44 et 45 ; adoption du sous-amendement n° 43 et de l'amendement n° 25 rectifié, modifié, insérant un article additionnel.

Article 7 (p. 32 )

Amendement n° 26 de la commission et sous-amendement n° 46 du Gouvernement. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption du sous-amendement et de l'amendement modifié rédigeant l'article.

Articles additionnels après l'article 7 (p. 33 )

Amendement n° 27 de la commission. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 47 du Gouvernement. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Article 7 bis (p. 34 )

Amendements identiques n°s 28 de la commission et 5 de M. Jean-Louis Masson. - M. le rapporteur, Jean-Louis Masson, Mme le garde des sceaux. - Adoption des deux amendements supprimant l'article.

Article 8 (p. 35 )

Amendement n° 29 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Article 9 (p. 36 )

Amendement n° 30 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.

Articles additionnels après l'article 9 et article 10 (p. 37 )

Amendements n°s 32 rectifié de la commission, 48 et 49 du Gouvernement. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement n° 32 rectifié rédigeant l'article 10, les amendements n°s 48 et 49 devenant sans objet.

Article 10 bis (p. 38 )

Amendement n° 31 rectifié de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement rédigeant l'article.

Article additionnel après l'article 10 bis (p. 39 )

Amendements n°s 50 du Gouvernement et 57 rectifié de la commission. - Mme le garde des sceaux, M. le rapporteur. - Retrait de l'amendement n° 50 ; adoption de l'amendement n° 57 rectifié insérant un article additionnel.

Article 11. - Adoption (p. 40 )

Intitulé de la proposition de loi (p. 41 )

Amendement n° 7 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement rédigeant l'intitulé.

Seconde délibération (p. 42 )

Demande de seconde délibération. - Mme le garde des sceaux, M. le rapporteur. - La seconde délibération est ordonnée.

Article 1er bis (p. 43 )

Amendement n° A-1 du Gouvernement. - Mme le garde des sceaux, M. le rapporteur. - Adoption de l'amendement rédigeant l'article.

Vote sur l'ensemble (p. 44 )

MM. Michel Dreyfus-Schmidt, Jean-Louis Masson, Bruno Sido, Patrice Gélard, Christian Cointat.
Adoption de la proposition de loi.

4. Dépôts de projets de loi (p. 45 ).

5. Dépôt d'une proposition de loi (p. 46 ).

6. Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution (p. 47 ).

7. Dépôts de rapports (p. 48 ).

8. Ordre du jour (p. 49 ).



COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. SERGE VINÇON
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix-sept heures trente.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

PROTECTION DE LA PRÉSOMPTION
D'INNOCENCE

Adoption d'une proposition de loi en nouvelle lecture

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture de la proposition de loi (n° 236, 2001-2002), adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, complétant la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes. [Rapport n° 245 (2001-2002).]
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, vous allez examiner aujourd'hui en nouvelle lecture un texte auquel le travail parlementaire a beaucoup apporté. Chacun, au cours des débats, a eu le souci d'améliorer la mise en oeuvre des principes que la loi du 15 juin 2000 avait intégrés dans notre procédure pénale.
En nouvelle lecture, l'Assemblée nationale a retenu de nombreuses dispositions adoptées par le Sénat. Ainsi, convaincus de la justesse des arguments développés par la Haute Assemblée, les députés ont décidé de ne pas modifier les règles applicables à l'avis au procureur de la République lors du placement en garde à vue.
Le procureur de la République sera donc toujours avisé « dès le début de la garde à vue », un délai de trois heures au plus étant imparti aux enquêteurs pour prévenir la famille du gardé à vue et prendre contact avec un médecin.
Vous aviez estimé nécessaire de coordonner les dispositions applicables à la comparution des témoins lors d'une instruction avec celles qui sont applicables aux enquêtes préliminaires et aux enquêtes en flagrance. Les députés ont partagé cet avis et ont donc maintenu cette disposition utile.
De même, vous aviez souhaité que la possibilité de placer en détention provisoire les délinquants réitérants ne soit applicable que lorsque les faits qui leur sont reprochés sont punis de peines supérieures ou égales à trois ans d'emprisonnement. Les députés ont également partagé cet avis.
L'amélioration technique que vous aviez proposée concernant la modification de l'article 145-5 du code de procédure pénale sur les enquêtes sociales a été retenue.
L'appel des décisions de cour d'assises sera, comme vous l'aviez proposé, confié au seul procureur général.
Enfin, les dispositions relatives à la publicité des débats, lorsque la personne poursuivie, mineure au moment des faits, est devenue majeure avant de comparaître, ont été conservées.
Nous pouvons donc maintenant compléter la loi du 15 juin 2000 et confirmer ainsi son intégration dans le code de procédure pénale.
Je vous demande, par conséquent, d'adopter le texte tel qu'il vous est proposé aujourd'hui. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui en nouvelle lecture la proposition de loi complétant la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes.
N'attendez pas de moi le même lyrisme que celui dont ont fait preuve nos collègues, voilà quelques minutes, en évoquant Victor Hugo. Je vais devoir, hélas ! me montrer plus prosaïque et même employer des expressions traduites de l'anglais, telles que les termes « raisons plausibles », que l'on veut à toute force nous imposer comme critère du placement en garde à vue.
En première lecture, j'avais pu estimer que ce texte était largement un texte d'affichage et qu'il posait de sérieux problèmes de principe.
Aujourd'hui, je persiste à penser qu'il s'agit plus de donner des gages que de rechercher les moyens d'améliorer l'efficacité de la procédure pénale. En revanche, les problèmes de principe ont été assez largement résolus grâce à l'intervention de notre assemblée, comme vous venez de le rappeler, madame la ministre.
Je vous rappelle que, en première lecture, le Sénat avait proposé à la fois de corriger et de compléter la proposition de loi qui lui était soumise.
S'agissant des corrections, nous avons estimé qu'il n'était pas possible de ne plus avertir le parquet dès le début d'une garde à vue comme le souhaitait l'Assemblée nationale. Nous avons rappelé que l'autorité judiciaire était gardienne des libertés individuelles.
De même, sur le seuil du placement en détention provisoire des « réitérants », nous avons indiqué que le principe de proportionnalité interdisait d'être plus sévère avec des personnes déjà poursuivies mais pas condamnées qu'avec des personnes déjà condamnées.
Nous avons aussi proposé que l'appel du ministère public en cas d'acquittement soit confié au procureur général.
Enfin, nous nous sommes opposés au remplacement de la notion d'indices par celle de « raisons plausibles » comme critère de placement en garde à vue. Nous avons estimé qu'il n'existait aucune raison de remplacer une notion claire et connue par une notion parfaitement subjective.
En ce qui concerne les compléments, nous avons, en nous inspirant de la proposition de loi de notre excellent collègue M. Hubert Haenel, proposé plusieurs mesures de renforcement de l'efficacité de la procédure pénale.
Nous avons ainsi proposé une possibilité de prolonger la durée des enquêtes de flagrance, une extension des possibilités de perquisition au cours des enquêtes préliminaires et une « purge » régulière des nullités.
Nous avons aussi proposé, pour venir en aide à certaines victimes - nous nous sommes en effet souvenus que la proposition de loi vise aussi à protéger les droits des victimes -, un enregistrement audiovisuel facultatif des débats d'assises, afin d'éviter à la victime de répéter l'intégralité de sa déposition en appel.
La commission mixte paritaire s'est réunie le 13 février dernier et, même si elle a échoué, nous avons pu en tirer quelques enseignements.
Ainsi, il est apparu que le rapporteur de l'Assemblée nationale défendait seul le remplacement de la notion d'indices par celle de raisons plausibles comme critère du placement en garde à vue, de sorte que la question a dû être réservée pour éviter de passer au vote.
Sur l'avis au parquet, la même situation s'est reproduite. Il est apparu que seul M. Dray souhaitait que le parquet soit avisé non plus « dès le début » d'une garde à vue, mais « aussi rapidement que possible ».
Finalement, la commission mixte paritaire a échoué parce que nos collègues de l'Assemblée nationale refusaient absolument qu'il soit précisé à la personne gardée à vue que son choix de faire des déclarations, de répondre aux questions ou de se taire était fait « sous sa responsabilité ».
Il s'agit là d'une situation cocasse, car cette expression résultait au Sénat d'un compromis suggéré par un sénateur appartenant à la majorité gouvernementale. En outre, il est difficile de voir en quoi cette précision était nocive. On a dit qu'elle était tautologique ; mais le fait de dire à une personne qu'elle peut faire des déclarations, répondre aux questions ou se taire est déjà une tautologie...
Quoi qu'il en soit, je le répète, la commission mixte paritaire a échoué.
L'attitude de l'Assemblée nationale en nouvelle lecture a été, en partie, rappelée par Mme le garde des sceaux.
D'abord, il convient de noter que le bicamérisme a, une nouvelle fois, montré ses vertus puisque l'Assemblée nationale a reconnu que certaines corrections apportées au texte par le Sénat étaient bienvenues.
Il en est ainsi pour ce qui concerne l'avertissement au parquet en cas de placement en garde à vue. En commission des lois, M. Dray a de nouveau proposé que le parquet soit informé « aussi rapidement que possible » et il a cru bon d'estimer que les objections que nous avions formulées ne résistaient pas à l'analyse. En séance, il a pourtant renoncé à son amendement. Le parquet continuera donc - et c'est heureux - à être averti « dès le début » d'une garde à vue. Je crois que la ministre de la justice que vous êtes, madame le garde des sceaux, ne doit pas en être chagrinée outre mesure.
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Effectivement !
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. De même, à propos de la détention provisoire des « réitérants », l'Assemblée nationale a bien voulu admettre qu'il n'était pas possible d'être plus sévère avec des personnes qui n'étaient pas encore condamnées qu'avec des personnes qui l'étaient déjà. Elle a donc suivi la position du Sénat.
Ainsi, les deux problèmes de principe les plus évidents ont été résolus.
L'Assemblée nationale a également accepté que l'appel des acquittements soit exercé par le procureur général.
Au fond, en ce qui concerne les corrections que nous avons apportées au texte, il n'y a guère que sur la notion d'indices que la majorité de l'Assemblée nationale refuse de nous écouter. Vraiment, madame la ministre, la notion de « raisons plausibles » est beaucoup moins claire que l'actuelle notion d'indices ! Notre éminent collègue Robert Badinter a été très éloquent sur ce point en commission mixte paritaire, comme il l'avait été en commission. Il a notamment remarqué que les indices étaient à coup sûr des raisons plausibles, alors que l'inverse n'était pas forcément vrai.
Nous tenterons donc encore de vous convaincre que ce changement sémantique est une erreur.
Par ailleurs, l'Assemblée nationale a balayé avec un très bel enthousiasme l'ensemble des dispositions nouvelles proposées par le Sénat.
Ainsi, toutes les mesures que nous avons proposées pour renforcer l'efficacité de la procédure, notamment celle des enquêtes, ont été écartées alors qu'elles ne nous paraissaient être que des mesures techniques, concrètes, susceptibles de faciliter le travail des magistrats et des policiers. Nous vous proposerons donc à nouveau ces mesures, qui méritent d'être discutées, même s'il n'est pas possible de les voir mises en oeuvre dès maintenant.
Surtout, dans sa ferveur à écarter toute trace des apports du Sénat, l'Assemblée nationale a rejeté des mesures dont nous pouvions légitimement penser qu'elles recevraient un autre accueil. Je tiens à attirer votre attention sur ce point, madame la ministre, car, demain, vous aurez la possibilité, lors de la dernière lecture de ce texte à l'Assemblée nationale, de déposer des amendements visant à faire adopter les mesures proposées par le Sénat.
Je crois vraiment que nous pourrions nous retrouver sur au moins deux questions.
Tout d'abord, nous avons proposé, en première lecture, un enregistrement audiovisuel facultatif des débats d'assises, qui pourrait être utilisé en appel. Notre but est simple. L'appel en matière criminelle a eu une conséquence douloureuse pour les victimes. Il oblige ces dernières à raconter une nouvelle fois entièrement leur calvaire lors du procès d'appel, alors qu'elles ont déjà dû relater ces faits et les revivre devant les policiers, devant le juge d'instruction puis devant la cour d'assises de première instance. Or, madame la ministre, la plupart des affaires traitées par les cours d'assises sont des affaires de moeurs. Il faut donc imaginer ce que signifie pour les victimes cette nouvelle déposition.
Nous avons voulu soulager un peu leur douleur. Je dis « un peu », car nous avons pensé que l'entregistrement ne pouvait pas remplacer la comparution de la personne, sous peine de fausser le déroulement du procès.
Simplement - j'y insiste -, l'utilisation de l'enregistrement pourrait permettre d'éviter à une personne de répéter tout ce qu'elle a déjà dit, souvent avec douleur, en première instance. L'audition proprement dite pourrait se concentrer sur des questions qui n'ont pas été évoquées en première instance ou sur des questions dont il faut encore débattre.
Vous nous avez dit, madame la ministre, que l'enregistrement pourrait changer l'attitude des personnes lors d'un procès et n'être pas favorable à la victime. C'est vrai, mais nous n'avons pas proposé de mettre entre les mains de l'une ou l'autre des parties les décisions relatives à l'enregistrement. Nous avons prévu que ces décisions appartiendraient au président de la cour d'assises qui est chargé d'assurer le bon déroulement des débats.
Vous nous avez aussi fait observer que nous n'avions pas prévu l'évaluation des moyens nécessaires. Mais le système que nous proposons est facultatif. Il entrera donc en vigueur progressivement au fur et à mesure de l'équipement des juridictions.
Vraiment, madame le garde des sceaux, je vous le dis en toute sincérité, je crois que nous ferions oeuvre utile si nous trouvions une solution pour éviter de reporter l'examen de cette question à plus tard.
L'autre sujet sur lequel je souhaite attirer votre attention concerne la commission de réexamen des condamnations pénales.
Vous le savez, la loi sur la présomption d'innocence a créé une procédure de réexamen des condamnations pénales destinée à permettre un nouvel examen d'un dossier lorsque la France a fait l'objet d'une condamnation par la Cour européenne des droits de l'homme. Il est prévu que les requêtes seront examinées par une commission composée de sept membres.
Or la Cour de cassation, par l'intermédiaire de son président, nous a fait savoir qu'il serait utile, pour le bon fonctionnement de cette commission et pour éviter des difficultés dans l'avenir, que des suppléants soient désignés. Nous avons, bien entendu, accédé à cette demande en prévoyant une disposition allant dans ce sens.
Or, à notre grande surprise, l'Assemblée nationale a, une fois encore, rejeté nos propositions et supprimé cet article. Madame le garde des sceaux, je crois pourtant que cette disposition est vraiment nécessaire. Son seul défaut est d'avoir été proposée par le Sénat.
J'espère que, sur ces deux questions, nous pourrons néanmoins aboutir à un résultat positif.
Au demeurant, il sera difficile de nous convaincre que les « raisons plausibles » sont un meilleur critère de placement en garde à vue que les « indices » ; nous en parlerons lors de la discussion des amendements.
En conclusion, je vous propose donc, mes chers collègues, de rétablir le texte adopté par le Sénat en première lecture en espérant que quelques-unes de nos propositions trouveront finalement grâce aux yeux de l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter. A ce stade du déroulement de nos travaux, je me réserve d'intervenir lors de la discussion des articles et pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Permettez-moi, monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, après le bonheur que nous venons de connaître à l'évocation de Victor Hugo, de dire une nouvelle fois combien la loi du 15 juin 2000 relative au renforcement de la présomption d'innocence constitue un progrès pour le respect des libertés et des droits de la personne qui fait honneur au Parlement. C'est la raison pour laquelle j'aurais préféré - je persiste à le dire - que nous n'y touchions pas dans la précipitation et que les mesures d'application nécessaires restent du domaine de la circulaire.
Aussi, nous n'échapperons pas, aujourd'hui, au jeu convenu auquel la décision précipitée de recourir à une modification de la loi nous conduit inévitablement.
Nous savons déjà - la commission mixte paritaire qui a achoppé dès l'article 2 nous en a averti rapidement - que nous ne pourrons aboutir à aucun compromis. Dès le départ, il y avait bien d'autres enjeux derrière la réforme de la loi !
Pour leur part, les sénateurs et les sénatrices communistes ne pourront que dire à nouveau, conformément à la position qu'ils ont adoptée depuis le début des débats, voilà maintenant trois ans, que la loi du 15 juin 2000 est un texte progressiste, nécessaire et utile, salué comme tel par tous, qui pose avec force la question des moyens matériels et humains de la justice et de la police, des méthodes de travail et de l'organisation.
Hélas ! cet aspect essentiel figurant tant dans le rapport de Mme Christine Lazerges que dans celui de M. Julien Dray a été totalement absent du débat sur la révision de la loi.
De toute façon, une évaluation a posteriori de la loi, de son application pratique devait avoir lieu non pas dans l'urgence mais en y mettant le temps nécessaire, non pas dans l'agitation mais dans la sérénité.
Aucune de ces conditions n'a été réellement remplie. Aussi, l'on ne doit pas s'étonner des formes qu'ont prises les débats parlementaires : aucun des textes adoptés, soit par l'Assemblée nationale, soit par le Sénat, ne nous convainc totalement.
Nous l'avons déjà dit, certaines des dispositions adoptées par l'Assemblée nationale ne sont guère en conformité avec notre ordre juridique : il en est ainsi de la notion de « raisons plausibles de soupçonner », qui me semble plutôt d'ordre interprétatif et donc du ressort de la circulaire ; elle a d'ailleurs été très bien explicité par la circulaire sur l'action publique du 20 décembre 2001.
Mais, surtout, il n'est pas admissible que le procureur de la République ne soit pas informé « sans délai » d'une mesure de garde à vue ; il serait en effet inacceptable qu'on mette entre parenthèses les exigences de l'article 66 de la Constitution qui fait de l'autorité judiciaire la gardienne des libertés individuelles, motif étant pris de difficultés d'ordre pratique.
Vraiment, je ne peux admettre qu'en matière de liberté individuelle on fasse passer le procureur après l'avocat !
Pour le reste, et hormis la question des appels de décisions de cour d'assises, dont les débats ont montré qu'il était prématuré de traiter et qu'il faudrait encore y réfléchir, les sénateurs communistes sont en désaccord avec la plupart des ajouts du Sénat.
Nous regrettons profondément que la majorité sénatoriale n'ait pas résisté à la tentation de la surenchère électoraliste...
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Mais non !
Mme Nicole Borvo. ... même si ce n'est pas le cas aujourd'hui.
Je déplore particulièrement qu'elle ait souhaité revenir sur des aspects consensuels de la loi, telle la juridictionnalisation de l'application des peines, d'autant que les dispositions relatives tant à la comparution du détenu, qu'aux conditions d'octroi de la libération conditionnelle ou au bracelet électronique devraient être débattues dans le cadre d'un projet de loi pénitentiaire, que, nous voulons le croire, la majorité qui sera en place après les élections, quelle qu'elle soit, aura à coeur de mener à terme.
Je ne peux enfin que dénoncer les dispositions que le Sénat a cru bon d'ajouter alors qu'elles n'entraient pas dans l'objet initial de la loi du 15 juin 2000. Nous éprouvions déjà de fortes réticences à l'encontre de la disposition introduite à l'Assemblée nationale sur les « réitérants ». Evidemment, les ajouts du Sénat sont bien plus contestables ; je pense en particulier à la durée de l'enquête de flagrance et aux perquisitions exercées dans le cadre des enquêtes préliminaires.
S'agissant de cette dernière disposition, je rappellerai combien notre groupe était réservé sur les dispositions « anti-terroristes » de la loi relative à la sécurité quotidienne visant à autoriser les perquisitions en matière terroriste, dispositions étendues en réalité non seulement au trafic d'armes mais également au trafic de drogue, dont on connaît l'interprétation extensive que peuvent en donner les tribunaux.
Une extension à tous les domaines remettrait en cause l'articulation de notre droit pénal autour des trois modes d'enquête : la flagrance, l'enquête préliminaire, qui ne permet pas de coercition en dehors de la garde à vue parce qu'il n'y a pas d'urgence et que les indices sont faibles, et l'enquête criminelle dans le cadre d'une information judiciaire.
Ces ajouts, sur lesquels la majorité sénatoriale n'est prête à acune évolution, sont à nos yeux la preuve qu'il y a instrumentalisation de la révision de la loi à des fins électoralistes.
Forts de ce constat, nous maintiendrons notre position de première lecture en nous abstenant. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Girod.
M. Paul Girod. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, ayant participé à la commission mixte paritaire, je souhaite, après M. le rapporteur, évoquer très rapidement ce qui s'y est passé et, en particulier, revenir sur le blocage qui a eu lieu à propos de la notion de responsabilité.
Dès lors que l'on se préoccupe de la présomption d'innocence, il importe d'avoir à l'esprit les deux moments où elle est plus particulièrement attaquée.
Le premier est le moment où, par l'intermédiaire d'organes variés, certains crient à la présomption de culpabilité dès l'instant où une personne est mise en cause ou approchée par des organes de police et de justice, la transformant pratiquement en condamné avant même qu'elle ait eu le temps de s'expliquer devant le premier enquêteur.
Le second moment est le premier acte de procédure : la garde à vue.
En la matière, la thèse du Sénat selon laquelle on doit demander à celui qui va être placé en garde à vue d'indiquer l'attitude qu'il entend prendre me semble constituer un appel à la responsabilité nécessaire. En effet, surtout s'il s'agit d'un innocent, celui qui se voit injustement soupçonné est forcément en état de choc. Si on peut l'aider à surmonter cet état de choc, c'est bien en lui rappelant que, même dans sa situation, il reste responsable de ses attitudes et de ses déclarations.
J'ai donc été tout à fait étonné de la manière dont l'Assemblée nationale a repoussé cette notion. C'est, en effet, je le répète, rendre service à l'innocent injustement soupçonné que de l'aider à se reprendre devant l'interrogateur, face auquel il se sent forcément en état d'infériorité.
Telle est la raison pour laquelle je soutiendrai, tout comme la majorité du groupe du RDSE, les conclusions de la commission des lois. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle que, aux termes de l'article 42, alinéa 10, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des projets ou propositions de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux chambres du Parlement n'ont pas encore adopté un texte identique.

Section 1

Dispositions relatives à la garde à vue et aux témoins


Article 1er



M. le président.
« Art. 1er. - I. - Au premier alinéa des articles 63, 77 et 154 du code de procédure pénale, les mots : "des indices faisant présumer" sont remplacés par les mots : "une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner".
« II. - Au dernier alinéa de l'article 62, au premier alinéa de l'article 153 et au premier alinéa de l'article 706-57 du même code, les mots : "aucun indice faisant présumer" sont remplacés par les mots : "aucune raison plausible de soupçonner" et, au deuxième alinéa de l'article 78 du même code, les mots : "n'existent pas d'indices faisant présumer" sont remplacés par les mots : "il n'existe aucune raison plausible de soupçonner". »
L'amendement n° 1, présenté par M. Schosteck, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Suprimer l'article 1er. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Voilà l'un des points majeurs qui nous sépare de l'Assemblée nationale sans que, véritablement, nous comprenions bien pourquoi.
La notion d'indice est une notion bien connue en jurisprudence et reconnue par tous. Or je pense que c'est une erreur juridique que d'adopter une notion que personne ne connaît et qui exigera probablement des années de jurisprudence pour parvenir à être cernée.
En matière juridique, il faut des certitudes, c'est l'intérêt de tout le monde et, en premier lieu, des justiciables. Nous maintenons donc notre position car nous n'avons rien entendu qui puisse la faire évoluer.
En tout cas, nous ne comprenons pas ce qui peut véritablement motiver un tel acharnement. Je m'en suis ouvert à mon collègue rapporteur de l'Assemblée nationale, qui ne m'a pas vraiment éclairé. Cette attitude me semble procéder d'une erreur d'appréciation à la fois sur le plan juridique et sur le plan des motivations ; mais c'est un sentiment personnel.
Par ailleurs, madame le garde des sceaux, dans une circulaire vous aviez, me semble-t-il, assimilé les deux notions d'« indices » et de « raisons plausibles » en démontrant qu'elles signifiaient la même chose. Si tel est le cas, pourquoi changer ?
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Ce débat semble n'être que d'ordre sémantique, mais je pense qu'il va au-delà.
J'ai très longuement discuté avec les praticiens, en l'occurrence les policiers, car je dois à la vérité de dire que je n'ai pu m'entretenir avec les gendarmes.
C'est pour accéder aux souhaits de ces praticiens que la loi du 15 juin 2000 relative à la présomption d'innocence est modifiée. Ces derniers se sont en effet trouvés très déstabilisés par le fait de ne plus pouvoir mettre de témoins en garde à vue, ce qui est pourtant une excellente chose, que nous avons d'ailleurs tous saluée, Sénat, Assemblée nationale, Gouvernement...
Les policiers nous ont donc indiqué que leurs collègues comprenaient l'indice comme un indice matériel. Ils nous ont expliqué, en entrant dans le détail d'un certain nombre d'arrestations de présumés innocents, assorties d'indices matériels importants, que celui qui était présent devait être entendu. C'est vrai, il peut y avoir une perte de temps. Il est parfois fait appel au procureur, mais c'est tant mieux.
Quand il y a des raisons plausibles de penser que la personne qui est présente a pu participer au délit ou au crime, il est normal, logique qu'elle soit en garde à vue. Les officiers de police judiciaire, eux, cherchent à tout prix - parfois, à n'importe quel prix - l'indice matériel. C'est cela le fond du sujet.
Effectivement, dans une circulaire, j'ai indiqué que, à mes yeux, « indices » et « raisons plausibles », c'était la même chose. Dans le vécu de nos officiers de police judiciaire, visiblement, ça ne l'est pas.
Si je me suis rangée, lors de discussions préalables à l'écriture même de la proposition de loi de Julien Dray, à l'opinion selon laquelle l'emploi du mot « indices » posait des problèmes, c'est aussi parce que la formule « raisons plausibles » se trouve dans des textes que nous respectons grandement, même s'il s'agit d'une traduction. J'était certaine que cette expression ne pourrait pas prêter à contestation puisqu'elle était déjà utilisée dans un texte qui respecte - s'il en est un, c'est bien celui-là ! - les droits de l'homme.
J'ai essayé d'expliquer aux syndicats de policiers qu'un indice n'était pas nécessairement matériel, qu'un indice pouvait aussi relever d'une appréciation morale : celui qui a autorité sur la personne ayant commis un acte délictueux peut effectivement être considéré comme ayant participé au crime ou au délit.
Je sentais bien que je n'arriverais pas à convaincre l'ensemble des officiers de police judiciaire et que cela posait un réel problème.
Pour être tout à fait franche, car je ne pratique pas la langue de bois, je craignais, devant ce blocage des officiers de police judiciaire, qu'on n'en revienne, maintenant ou plus tard, à la possibilité d'entendre les témoins dans une audition qui ressemblerait beaucoup à une garde à vue. J'ai donc préféré que l'on puisse faire clairement la distinction entre le témoin et une personne dont on avait des raisons plausibles de penser qu'elle avait participé à un délit ou à un crime, voire qu'elle l'avait commis.
Voilà pourquoi j'ai accepté cette solution, qui me paraît susceptible de nous protéger à l'avenir contre quelque chose de plus redoutable.
Le Gouvernement est, par conséquent, défavorable à cet amendement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 1.
M. Robert Badinter. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter. Je précise que c'est à titre personnel que je vais m'exprimer en cet instant.
J'ai toujours considéré qu'il n'y avait pas de raison de modifier une disposition qui était jusque-là parfaitement comprise : lorsqu'il est question d'apporter des indices, dans l'esprit de tout le monde, cela va évidemment au-delà de ce que l'on appelle brutalement les indices matériels.
J'ajoute qu'une excellente circulaire émanant de Mme la garde des sceaux donnait, à cet égard, aux procureurs de la République, et par conséquent aux officiers de police judiciaire, tous les apaisements suffisants.
Je ne vois donc pas pourquoi nous renoncerions à une notion claire pour lui préférer une autre notion, même si elle figure dans la Convention européenne des droits de l'homme.
Encore une fois, on conçoit très bien que, si les indices sont autant de raisons plausibles, les raisons plausibles ne sont pas nécessairement des indices.
Plutôt que de nous aventurer dans ces terrae incognitae , nous avons intérêt à maintenir le droit en l'état. C'est une opinion que j'ai exprimée dès le début et que j'ai eu l'occasion de réitérer en commission mixte paritaire.
A mon grand regret, un accord n'est pas intervenu et, pour l'heure, à titre personnel, je le répète, je voterai l'amendement n° 1.
M. Paul Girod. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Girod.
M. Paul Girod. Quelqu'un a dit que le diable gisait dans les détails mais je crois que, dans cette affaire, il se trouve dans les adjectifs.
Dans l'expression « raisons plausibles », l'adjectif vient indiscutablement compliquer les choses : il ouvre la voie à une série d'appréciations subjectives et donc à toutes sortes de contestations.
De même l'adjectif « matériels » invalide certains aspects des indices recueillis dans les enquêtes de police. Des absences inexplicables peuvent constituer un indice ; pourtant, il ne s'agit pas d'un indice matériel.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Nous n'envisageons pas - pas plus que ne l'avait fait la loi de juin 2000 - de revenir sur la notion traditionnellement utilisée ; nulle part, il n'est écrit : « indices matériels ». Il n'est jamais question que d'« indices » purement et simplement. Je ne sais pas pourquoi on interprète cela comme des « indices matériels » !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1, repoussé par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 58:

Nombre de votants 314
Nombre de suffrages exprimés 226
Majorité absolue des suffrages 114
Pour l'adoption 226

M. le président. En conséquence, l'article 1er est supprimé.

Article 2



M. le président.
« Art. 2. - I. - A. - Supprimé.
« I. - Non modifié.
« II. - A la troisième phrase du premier alinéa du même article, les mots : "qu'elle a le droit de ne pas répondre aux questions qui lui seront posées par les enquêteurs" sont remplacés par les mots : "qu'elle a le choix de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui seront posées ou de se taire".
« III et IV. - Non modifiés.
L'amendement n° 2, présenté par M. Schosteck, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Dans le II de l'article 2, après les mots : "qu'elle a le choix", insérer les mots : ", sous sa responsabilité,". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Il s'agit encore d'un sujet qui a fait couler pas mal d'encre... et de salive.
En première lecture, le Sénat a souhaité préciser qu'il devait être expressément indiqué à la personne placée en garde à vue qu'elle pouvait choisir, « sous sa responsabilité », de faire des déclarations, de répondre aux questions ou de se taire.
Cette disposition a été catégoriquement refusée par la majorité de l'Assemblée nationale. C'est d'ailleurs sur cette question que la commission mixte paritaire a échoué.
Une telle attitude peut susciter l'étonnement.
Est-ce que, par hasard, la responsabilité serait devenue une notion dangereuse et subversive ? J'avais bien pris le soin d'expliquer que la responsabilité ne devait pas s'entendre au sens un peu réducteur des articles 1382 et suivants du code civil. C'est bien de la responsabilité humaine qu'il s'agit ici. J'irai jusqu'à parler de conception humaniste de la responsabilité.
Nous maintenons que notre texte est équilibré et qu'il n'induit aucune pression sur l'intéressé. Il convient donc de le conserver.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Le Gouvernement reste défavorable à cette proposition.
D'abord, je demeure persuadée que, par définition, une personne placée en garde à vue est forcément responsable.
Par ailleurs, le mot « responsabilité » est malheureusement très galvaudé. La responsabilité n'est plus considérée, dans ce pays, comme quelque chose de positif. Derrière la notion de responsabilité, se profile très souvent une appréciation négative. Elle s'applique à une personne qui se trouve dans une position inconfortable. On l'a bien vu lorsque a été évoquée la question de la responsabilité des élus locaux : elle était mise en jeu à l'occasion d'accidents, d'événements pour le moins dramatiques.
Un philosophe se bat actuellement avec raison pour que ce mot retrouve son sens positif plein et entier. (M. le rapporteur acquiesce.) A l'Assemblée nationale, le groupe communiste avait d'ailleurs fait référence à ce problème sémantique.
Quoi qu'il en soit, aujourd'hui, le mot « responsabilité » est au moins ambigu.
Cela étant, quand une personne est placée en garde à vue, il est indispensable qu'elle ne ressente aucune pression. Il doit être clair qu'elle a le droit de ne pas répondre aux questions. Faut-il préciser que c'est sous sa responsabilité qu'elle opte pour telle ou telle attitude ? Je crois qu'elle sait nécessairement que c'est là un acte dont elle est responsable.
Des juges d'instruction font observer que « la phrase est déjà assez longue ». Dès lors, pourquoi allonger encore celle que doit prononcer l'officier de police judiciaire ? Au demeurant, je remarque qu'il n'y a pas d'amendement prévoyant que le juge d'instruction rappelle à la personne qu'elle prend sa décision sous sa responsabilité.
Parce que ce mot a besoin de retrouver son véritable sens, parce qu'il faut éviter cette ambiguïté qui existe aujourd'hui - et, quand on entend les jeunes parler de « responsabilité », on constate à quel point nous avons du travail à faire ! - je demeure défavorable à cet amendement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 2.
M. Robert Badinter. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter. J'ai eu l'occasion de dire à plusieurs reprises que l'expression « sous sa responsabilité » n'ajoutait ni ne retranchait rien. Que je sache, tous les êtres humains sont présumés « responsables », jusqu'à preuve du contraire ! Par conséquent, si l'on choisit de parler ou de se taire, on le fait sous sa responsabilité !
On sait pour quelles raisons nous nous étions ralliés à la proposition qui nous avait été faite à un moment où nous n'étions pas arrivés à un plein accord au sein de la commission des lois. Mais, à ce stade, nous nous abstiendrons.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Pardonnez-moi d'insister, mais je crois vraiment que le débat le mérite. Au demeurant, madame la garde des sceaux, vous avez finalement apporté de l'eau à mon moulin : je crois, comme vous, qu'il faut réhabiliter le terme de « responsabilité », et j'ai dit dans mon exposé liminaire qu'il ne fallait pas considérer ce terme au sens restreint - j'allais dire étriqué - des articles 1382 et suivants du code civil.
Il est vrai que, s'agissant des élus locaux, ce mot a beaucoup été utilisé ces derniers temps - mais nous l'entendons heureusement moins aujourd'hui - et nous avons pu constater, à cet égard, un certain nombre d'abus. Permettez-moi de vous relater mon expérience personnelle - je vous prie de m'en excuser - à ce sujet : je suis élu local, je suis maire, et, dans tous mes discours, chaque fois que j'en ai l'occasion, j'en profite pour affirmer ma responsabilité d'élu, que j'entends exercer avec le plus de panache possible, c'est-à-dire la responsabilité que le peuple m'a confiée, parce que c'est bien de cela qu'il s'agit. Pour exercer le rôle que nous ont confié nos concitoyens, nous exerçons donc notre « responsabilité », mais il s'agit ici d'une notion qui doit être comprise dans son sens le plus humaniste.
Vous entendant, madame le garde des sceaux, me revenait en écho - pardonnez-moi de paraître quelque peu pédant - la phrase de Térence : « Je suis homme, et rien de ce qui est humain ne m'est étranger. » Il s'agit bien ici de cela ! Comme je l'ai dit en commission mixte paritaire, il ne s'agit pas de considérer la personne placée en garde-à-vue - ou en situation de l'être - comme une potiche, elle a sa responsabilité d'être Humain - avec un H infiniment majuscule - et, si nous pouvons contribuer, fût-ce de façon accessoire, fût-ce d'une manière un peu détournée, à la restauration de cette belle notion, eh bien ! nous n'aurons pas perdu notre temps.
M. Robert Bret. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret. Monsieur le rapporteur, je pense qu'il est effectivement nécessaire de réhabiliter ce beau mot qu'est la responsabilité. Toutefois, en l'occurrence, dire que c'est « sous sa responsabilité » que l'intéressé choisira de garder, éventuellement, le silence, n'est-ce-pas finalement lui porter préjudice ? N'est-ce-pas faire pression sur lui ?
Notre opposition à l'amendement n° 2 est donc motivée non par la définition du mot responsabilité, mais par l'interprétation qui pourrait en être faite.
M. Paul Girod. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Girod.
M. Paul Girod. On s'obstine sur le silence de l'intéressé, mais il y a aussi le fait qu'il puisse parler !
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Oui !
M. Paul Girod. Il peut donc soit faire une déclaration, soit répondre aux questions qui lui sont posées, soit se taire. Dans les trois cas, sa responsabilité est engagée !
Nous examinons bien une proposition de loi relative à la protection de la présomption d'innocence, que je sache ! Or, le vrai problème qui devrait nous préoccuper, c'est que, actuellement, quand un citoyen français se trouve appréhendé par la police, emmené au commissariat et mis en garde à vue, les médias évoquent le coupable châtié, banni ! Or il peut parfaitement être innocent, et à un innocent qui se trouve injustement dans cette situation et qui est - je le répète - en état de choc, il faut tendre une perche pour lui permettre de retrouver sa dignité.
Evoquer la notion de responsabilité, cela vise donc non seulement le fait que l'individu se taise, mais aussi le fait qu'il fasse, éventuellement, des déclarations, et il n'est pas mauvais qu'on lui rappelle que c'est un homme libre jusqu'à nouvel ordre.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 2, modifié.

(L'article 2 est adopté.)

Article 2 bis



M. le président.
« Art. 2 bis . - I. - Supprimé.
« II. - Le deuxième alinéa de l'article 153 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :
« S'il ne satisfait pas à cette obligation, avis en est donné au magistrat mandant qui peut le contraindre à comparaître par la force publique. Le témoin qui ne comparaît pas encourt l'amende prévue par l'article 434-15-1 du code pénal. »
L'amendement n° 3, présenté par M. Schosteck, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Rétablir le I de l'article 2 bis dans la rédaction suivante :
« I. - La seconde phrase du deuxième alinéa de l'article 62 du code de procédure pénale est ainsi rédigée : "Si elles ne satisfont pas à cette obligation, il peut les contraindre à comparaître par la force publique et en avise aussitôt le procureur de la République." »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Si l'Assemblée nationale a accepté le deuxième paragraphe de l'article 2 bis , qui procédait à une coordination importante oubliée lors du vote de la loi sur la présomption d'innocence en 2000, elle a repoussé le premier paragraphe de cet article.
La loi sur la présomption d'innocence a supprimé la garde à vue des témoins. C'est une bonne évolution. Dans ces conditions, les témoins ne peuvent être retenus que le temps strictement nécessaire à leur audition. Toutefois, les conditions dans lesquelles ils peuvent être retenus ne sont pas précisées.
Lorsque les policiers se rendent sur les lieux d'un crime en flagrance, ils peuvent, bien sûr, retenir une personne pour l'entendre, mais ils ne peuvent la contraindre à comparaître. Si la personne refuse de comparaître, elle ne peut être conduite au commissariat, et le policier doit avertir le procureur pour qu'il la contraigne à comparaître. Or, en pleine nuit, une telle démarche est pratiquement impossible.
Par cet amendement, nous proposons donc que l'officier puisse contraindre la personne à comparaître et en avise le procureur. Ainsi, on est sûr qu'un témoin pourra être entendu.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Défavorable. Je me suis longuement expliquée sur ce point : on ne peut pas être plus dur avec les témoins qu'on ne l'est avec les personnes gardées à vue. Il faut faire la part des choses !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 2 bis , modifié.

(L'article 2 bis est adopté.)

Section 2 (avant l'article 2 ter )



M. le président.
La section 2 (avant l'article 2 ter ) a été supprimée par l'Assemblée nationale.
L'amendement n° 4, présenté par M. Schosteck, au nom de la commisson, est ainsi libellé :
« Rétablir cette division dans la rédaction suivante :
« Section 2. - Dispositions relatives aux enquêtes. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, cette division et son intitulé sont rétablis dans cette rédaction.

Article 2 ter



M. le président.
L'article 2 ter a été supprimé par l'Assemblée nationale.
L'amendement n° 5, présenté par M. Schosteck, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Rétablir l'article 2 ter dans la rédaction suivante :
« Le deuxième alinéa de l'article 53 du code de procédure pénale est complété par une phrase ainsi rédigée : "Lorsque des investigations nécessaires à la manifestation de la vérité ne peuvent être différées, le procureur de la République peut décider la prolongation de l'enquête pour une durée maximale de huit jours." »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Il s'agit de revenir au texte que nous avons voté en première lecture, qui permet de prolonger l'enquête de flagrance de huit jours et de ne pas la limiter de façon rigide dans le temps. Dans certains cas, ce délai supplémentaire est nécessaire.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Je reste défavorable à cette disposition. Nous n'allons pas nous livrer maintenant à un débat sémantique sur la notion de flagrance ! Si les flagrances durent quinze jours, où allons-nous ?
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 5.
M. Robert Badinter. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter. Sur ce point, nous suivrons Mme la garde des sceaux : il n'y a aucune raison de donner ainsi à la flagrance une sorte de permanence.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 5, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 2 ter est rétabli dans cette rédaction.

Article 2 quater



M. le président.
L'article 2 quater a été supprimé par l'Assemblée nationale.
L'amendement n° 6, présenté par M. Schosteck, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Rétablir l'article 2 quater dans la rédaction suivante :
« Dans le premier alinéa de l'article 76-1 du code de procédure pénale, les mots : "à l'une des infractions en matière d'armes et d'explosifs visées par l'article 3 de la loi du 19 juin 1871 qui abroge le décret du 4 septembre 1870 sur la fabrication des armes de guerre et par les articles 20, 31 et 32 du décret du 18 avril 1939 fixant le régime des matériels de guerre, armes et munitions ou à l'un des crimes ou délits en matière de stupéfiants visés par les articles 222-34 à 222-38 du code pénal" sont remplacés par les mots : "à un crime ou à un délit puni d'au moins cinq ans d'emprisonnement". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Les perquisitions doivent être possibles au cours d'une enquête préliminaire.
On nous soupçonne de vouloir porter atteinte aux libertés. Mais il ne s'agit pas du tout de cela !
Je vous rappelle, mes chers collègues, que, au cours d'une enquête de flagrance, des perquisitions peuvent être facilement organisées. Dans ce cas, elles sont faites sous le contrôle du procureur, c'est-à-dire de l'autorité de poursuite.
De même, au cours d'une instruction, des perquisitions sont possibles, sous le contrôle du juge d'instruction. C'est un magistrat du siège qui instruit à charge et à décharge, même s'il est arrivé dans le passé que l'on considère qu'il instruisait plus à charge qu'à décharge.
Nous proposons que, lors des enquêtes préliminaires, des perquisitions puissent avoir lieu, mais sur autorisation écrite et motivée d'un juge non seulement indépendant, mais aussi neutre, à savoir le juge des libertés et de la détention. C'est le système qui offre le plus de garanties en termes de liberté.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. J'ai déjà expliqué que l'application de la mesure qui avait été adoptée dans la loi relative à la sécurité quotidienne et dont le présent amendement constitue le prolongement était limitée à deux ans.
Vous voulez ouvrir une nouvelle porte pour plusieurs années, alors que, pour le terrorisme et le trafic de stupéfiants, le délai est déjà limité à deux ans.
Je ne peux pas donc suivre le Sénat sur ce point.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 6.
M. Robert Badinter. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter. Compte tenu des explications très intéressantes de Mme la ministre, je considère que nous ne devons pas poursuivre dans la voie qui a été empruntée au moment du vote de la loi relative à la sécurité quotidienne, pour lutter alors contre le terrorisme.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 6, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 2 quater est rétabli dans cette rédaction.

Article 3 bis



M. le président.
L'article 3 bis a été supprimé par l'Assemblée nationale.
L'amendement n° 7, présenté par M. Schosteck, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Rétablir l'article 3 bis dans la rédaction suivante :
« I. - Le dernier alinéa de l'article 145-1 du code de procédure pénale est complété par trois phases ainsi rédigées : "A titre exceptionnel, lorsque les investigations du juge d'instruction doivent être poursuivies et que la mise en liberté de la personne mise en examen causerait pour la sécurité des personnes et des biens un risque d'une particulière gravité, la chambre de l'instruction peut prolonger pour une durée de quatre mois la durée de deux ans prévue au présent alinéa. La chambre de l'instruction, saisie par ordonnance motivée du juge des libertés et de la détention, statue conformément aux dispositions de l'article 207. Cette décision peut être renouvelée deux fois dans les mêmes conditions." »
« II. - L'avant-dernier alinéa de l'article 145-2 du même code est complété par trois phrases ainsi rédigées : "A titre exceptionnel, lorsque les investigations du juge d'instruction doivent être poursuivies et que la mise en liberté de la personne mise en examen causerait pour la sécurité des personnes et des biens un risque d'une particulière gravité, la chambre de l'instruction peut prolonger pour une durée de quatre mois les durées maximales prévues au présent alinéa. La chambre de l'instruction, saisie par ordonnance motivée du juge des libertés et de la détention, statue conformément aux dispositions de l'article 207. Cette décision peut être renouvelée deux fois dans les mêmes conditions." »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Dans certains cas, les délais définis dans la loi sur la présomption d'innocence sont un peu trop rigides. Une prolongation exceptionnelle de ces délais, sous le contrôle de la chambre de l'instruction, peut alors apparaître nécessaire.
Lors de son audition par la commission des affaires étrangères, le juge Bruguière a ainsi souligné que le délai butoir de détention prévu en matière d'association de malfaiteurs entraînait de nombreuses difficultés pour les magistrats instructeurs.
Rappelons aussi que la Convention européenne des droits de l'homme prévoit non pas des délais butoirs, mais une « durée raisonnable ».
L'introduction d'une soupape de sécurité, assortie de conditions assez strictes, ne devrait pas poser de problème.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Un délai de deux ans pour les affaires les plus simples et de quatre ans pour les affaires difficiles me semble très raisonnable ! Au demeurant, les soupapes de sécurité existent ! On a dit et redit que, si un problème majeur se posait à la fin de la détention provisoire, le juge d'instruction pouvait toujours disjoindre le cas pour éviter de libérer un criminel. Il faut faire confiance à nos magistrats ! Un délai de deux ou de quatre ans, selon les cas, c'est déjà beaucoup ! Il faut s'en tenir là.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 7.
M. Robert Badinter. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter. Je rappelle à la Haute Assemblée l'intitulé même de la proposition de loi que nous examinons : il s'agit d'un texte « renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes. » Or, parmi les préoccupations majeures qui nous ont guidés tout au long de l'élaboration de ce texte - dont l'initiative revient à M. le Président de la République, faut-il le rappeler - figurait la limitation de la détention provisoire. Mais c'est moins le trop grand nombre de détentions provisoires que la durée de ces détentions qui est critiqué par l'ensemble du corps judiciaire !
La contradiction qui existe entre l'intitulé du texte que nous examinons et la disposition que l'on nous propose est saisissante !
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Ceux qui ont des oreilles et des yeux et qui suivent l'actualité aujourd'hui peuvent tout de même regretter que, de temps en temps, il n'y ait pas eu de soupapes de sécurité.
Je reconnais, madame le ministre, que la situation n'est pas satisfaisante et qu'il vaudrait mieux que les magistrats puissent traiter leurs dossiers dans les délais qui leur sont impartis. Mais il faut bien admettre qu'une soupape de sécurité est parfois nécessaire : cela éviterait bien des libérations fâcheuses !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 3 bis est rétabli dans cette rédaction.

Article 4 bis



M. le président.
L'article 4 bis a été supprimé par l'Assemblée nationale.
L'amendement n° 8, présenté par M. Schosteck, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
« Le cinquième alinéa de l'article 199 du code de procédure pénale est complété par une phrase ainsi rédigée : "Si la personne a déjà comparu devant la chambre de l'instruction moins de quatre mois auparavant, le président de cette juridiction peut, en cas d'appel d'une ordonnance rejetant une demande de mise en liberté, refuser la comparution personnelle de la personne par une décision motivée qui n'est susceptible d'aucun recours." »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. L'amendement n° 8 vise à rétablir - décidément, nous sommes entêtés ! - la limitation de ce que l'on a très malencontreusement appelé, je le reconnais, le « tourisme judiciaire ». Cette expression est très malheureuse.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Je suis défavorable à cet amendement.
Il est vraiment contraire à notre droit d'empêcher quelqu'un de s'exprimer. Je me suis engagée, lors de la première lecture, et je le maintiens, à trouver des solutions pour les escortes et à travailler sur le cas des quelques personnes qui systématiquement font une demande de mise en liberté.
Interdire à quelqu'un de s'exprimer ferait courir le risque de passer à côté d'un fait nouveau.
Au nom de quoi une personne qui demande sa mise en liberté ne pourrait-elle pas s'exprimer ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 4 bis est rétabli dans cette rédaction.

Section 4 (avant l'article 4 ter )



M. le président.
La section 4 a été supprimée par l'Assemblée nationale.
L'amendement n° 9, présenté par M. Schosteck, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Rétablir cette division dans la rédaction suivante :
« Section 4. - Disposition relative à l'instruction. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 9, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, cette division et son intitulé sont rétablis dans cette rédaction.

Article 4 ter



M. le président.
L'article 4 ter a été supprimé par l'Assemblée nationale.
L'amendement n° 10, présenté par M. Schosteck, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Rétablir l'article 4 ter dans la rédaction suivante :
« L'article 173-1 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
« I. - Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : "Il en est de même s'agissant des moyens pris de la nullité des actes accomplis avant chacun de ses interrogatoires ultérieurs."
« II. - A la fin du second alinéa sont insérés les mots : "puis de ses auditions ultérieures". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Sur l'initiative du Sénat, je le rappelle, la loi sur la présomption d'innocence a prévu une purge des nullités dans les six mois suivant l'interrogatoire de première comparution. Il s'agissait d'éviter que des procédures entières ne s'effondrent à la fin d'une instruction à cause d'une nullité survenue au début de l'enquête.
Le présent amendement, issu de la proposition de loi de notre collègue Hubert Haenel, tend à généraliser cette démarche en prévoyant une purge des nullités systématique dans les six mois suivant chaque interrogatoire de la personne mise en examen.
Cela permet d'évacuer toute question sur la date certaine. Il y a date certaine dès lors qu'il y a interrogatoire.
Votre avis sur cet amendement lors de la première lecture m'a quelque peu étonné, madame le ministre. Vous aviez en effet loué la cohérence de cette mesure avant de vous prononcer contre. Je crois qu'il s'agit bien d'une mesure utile, qui peut améliorer l'efficacité de la procédure et éviter, reconnaissons-le, quelques abus.
Cette mesure est directement en rapport avec la loi sur la présomption d'innocence, puisque c'est cette loi qui a instauré la procédure de « purge » des nullités.
Nous espérons, par conséquent, madame le ministre, que vous serez moins sévère aujourd'hui.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Monsieur le rapporteur, j'ai étudié la question de plus près et, dans la mesure où la purge des nullités est déjà ouverte, je m'en remets à la sagesse du Sénat.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 10, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 4 ter est rétabli dans cette rédaction.

Section 5

Dispositions relatives à la cour d'assises

Article 5



M. le président.
« Art. 5. - I. - L'article 380-2 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le procureur général peut également faire appel des arrêts d'acquittement. »
« II. - L'article 380-12 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque l'appel est formé par le procureur général et que le siège de la cour d'assises n'est pas celui de la cour d'appel, la déclaration d'appel, signée par le procureur général, est adressée sans délai, en original ou en copie, au greffe de la cour d'assises ; elle est transcrite sur le registre prévu à l'alinéa précédent et annexée à l'acte dressé par le greffier. »
« III. - Dans le dernier alinéa de l'article 380-13 du même code, la référence : "380-11" est remplacée par la référence : "380-12". » - (Adopté.)

Article 5 bis A



M. le président.
L'article 5 bis A a été supprimé par l'Assemblée nationale.
L'amendement n° 11, présenté par M. Schosteck, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Rétablir l'article 5 bis A dans la rédaction suivante :
« L'article 308 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
« I. - Dans le deuxième alinéa, les mots : "d'un enregistrement sonore" sont remplacés par les mots : "en tout ou partie, d'un enregistrement audiovisuel ou sonore".
« II. - Dans la première phrase du quatrième alinéa, après les mots : "L'enregistrement" sont insérés les mots : "audiovisuel ou".
« III. - La seconde phrase du quatrième alinéa est ainsi rédigée : "L'enregistrement audiovisuel ou sonore peut encore être utilisé devant la cour d'assises statuant en appel, devant la Cour de cassation saisie d'une demande en révision, ou, après cassation ou annulation sur demande en révision, devant la juridiction de renvoi." »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Nous abordons un point très important sur lequel j'ai insisté dans mon exposé liminaire. Nous débattons en effet d'un texte renforçant non seulement la protection de la présomption d'innocence mais également les droits des victimes.
C'est un vrai problème. La victime existe, et il n'est que justice d'en tenir compte. Si l'appel criminel est une très bonne chose, les victimes font toutefois remarquer, dans certaines affaires, combien il peut être difficile, voire douloureux de répéter intégralement en appel les faits extrêmement durs qu'elles ont évoqués en première instance.
Tout le monde sait que, aujourd'hui les cours d'assises sont appelées à juger en majorité des affaires de moeurs. Il peut être particulièrement pénible pour les victimes, spécialement en ce domaine, de répéter à plusieurs reprises, et de revivre en quelque sorte le calvaire qu'elles ont eu à subir.
Avec le présent amendement, nous proposons donc, comme en première lecture, un enregistrement audiovisuel facultatif - j'insiste beaucoup sur ce terme - des procès d'assises, qui pourrait donc être utilisé en appel. Nous avons voulu tenter de soulager - s'il est possible - la douleur des victimes et de leur famille.
On nous a opposé que ce système pourrait porter atteinte au principe sacré de l'oralité des débats. Mais la diffusion de l'enregistrement ne pourra pas dispenser la victime ou le témoin de comparaître. Cet amendement a simplement pour objet de limiter la durée des auditions, d'éviter que la vicime ne réponde à nouveau à certaines questions.
En première lecture, vous nous avez dit, madame le ministre, que l'enregistrement pourrait se retourner contre la victime. Certes, mais nous n'avons pas prévu de laisser à la discrétion des parties la décision de diffuser l'enregistrement. Cette décision reviendrait au président de la cour d'assises, ce qui limite la portée de votre objection.
Je rappelle par ailleurs que ce dispositif est entièrement facultatif et qu'il ne porte pas atteinte aux principes fondamentaux du procès pénal. L'appel en matière criminelle doit prendre en considération la difficulté considérable pour les victimes, notamment en matière d'infraction sexuelle, de répéter et de revivre à plusieurs reprises des faits abominables. Je me permets d'insister lourdement sur ce point.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Moi aussi, j'insiste lourdement : je suis toujours opposée à votre amendement, monsieur Schosteck.
Je rappelle que l'enregistrement audio est déjà prévu. Quant à l'enregistrement vidéo, en particulier des très jeunes, certains ont bien expliqué qu'il s'agissait, à partir de l'étude du visage, de voir si le jeune disait vraiment la vérité, s'il avait subi des pressions, s'il était franc, s'il était sincère, si les propos qu'il tenait ne lui aient pas été inculqués.
Lorsqu'il s'agit de la déposition d'une victime, il est hors de question de vérifier sur une bande vidéo si elle dit bien la vérité, si on ne lui a pas « soufflé » des arguments, si elle n'essaie pas de tromper le jury. Non, il s'agit d'une victime, donc d'une personne qui souffre, et le président du tribunal peut fort bien utiliser un enregistrement audio.
N'oublions pas que la victime sera présente lors de la diffusion de l'enregistrement. Il n'est pas utile de lui imposer la vue de son visage. Un travail important reste à faire quant à l'utilisation possible ou probable de la vidéo. J'ignore aujourd'hui quel usage on peut faire d'un tel enregistrement au vu des motivations qui ont conduit à enregistrer les dépositions : l'étude des visages.
Je ne pense pas qu'il soit facile pour une victime de se voir témoignant. Nous ne sommes pas prêts. Nous n'avons pas assez travaillé sur les conséquences du recours à cette technique. La procédure de l'appel en assise est nouvelle. Je plaide donc pour une très grande prudence et je reste très inquiète de l'usage qui pourrait être fait de l'enregistrement vidéo.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 11.
M. Robert Badinter. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Badinder.
M. Robert Badinter. Comme je l'ai indiqué lors des précédentes lectures, l'enregistrement audiovisuel n'est pas compatible avec la réalité d'une affaire criminelle.
Le principe majeur, fondamental, sur lequel repose la procédure criminelle en cours d'assises, c'est l'oralité des débats. Ce principe se justifie par une raison simple et essentielle : il peut toujours se produire, au cours d'un procès en assises, des événements que personne n'avait prévus.
Nous sommes passés d'un degré de juridiction unique à un système comportant deux degrés de juridiction. Ce progrès est dû, je le rappelle, à une initiative du Sénat et de notre ancien collègue M. Jolibois. Le principe de l'oralité des débats ne doit pas pour autant être limité aussi peu que ce soit.
En effet, il arrive que des témoins modifient leur déposition. On l'a très souvent constaté lors de procès en correctionnelle. Je peux vous assurer que dans des affaires criminelles venant sur renvoi de la Cour de cassation, l'on voit des témoins changer leur déposition, et, pardonnez-moi de le dire, on voit aussi des victimes modifier la leur.
Si vous n'avez pas, que ce soit pour le président, pour l'avocat général, pour les avocats et, le cas échéant, pour les avocats des autres parties civiles, la possibilité de poser des questions, quelle possibilité reste-t-il de faire la vérité ? Tout le procès repose sur cette exigence !
Je suis le premier à respecter la sensibilité de la personne, parce que là il s'agit plus d'une question de sensibilité et de difficulté émotionnelle que de droit. Mais, pour l'avoir vécu, je peux vous dire que tous les présidents de cour d'assises et tous les participants au débat prêtent la plus grande attention à ces instants-là.
Même dans un second procès, il est impossible de substituer à la présence d'un protagoniste essentiel de l'affaire criminelle un enregistrement vidéo. Cela reviendrait véritablement à vider l'appel de son sens.
Je comprends bien la préoccupation humaine qui gouverne l'auteur de l'amendement et la volonté du Sénat de ménager la sensibilité des victimes, mais ces attitudes se heurtent à une impossibilité.
Lorsque l'on reviendra, au cours de la prochaine législature, hélas ! sur les questions de la procédure pénale, on pourra s'interroger sur les procédés techniques utilisés par le tribunal pénal international de La Haye concernant les victimes d'actes de terrorisme et les risques qu'elles encourent. Devant ce tribunal, on continue à interroger la victime, on continue à lui poser des questions, la victime étant protégée par un dispositif qui permet de ménager sa sensibilité.
Cette question de l'enregistrement est d'une extraordinaire complexité. Nous ne devons pas prendre de décision aujourd'hui.
J'ajoute que laisser à la discrétion du président, aussi qualifié soit-il, le choix de procéder ou non à un enregistrement fera naître des différences sensibles d'une cour d'assises à une autre. C'est un risque considérable au regard de l'égalité des justiciables.
Les accusés mais aussi tous ceux qui participent à la manifestation de la vérité, ainsi que les jurés, parce que c'est leur conscience qui est en question, doivent avoir devant eux les victimes.
M. René Garrec, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. René Garrec, président de la commission. Madame le garde des sceaux, je voulais revenir sur vos propos parce que nous ne raisonnons pas en nous plaçant sur le même terrain.
Dans notre idée, était concerné un mineur victime. Il ne s'agissait absolument pas de rechercher une preuve sur son visage ; il s'agissait d'éviter à un jeune que nous considérons comme une victime, qui aura vécu des moments horribles et déjà raconté ce qui lui est arrivé, de revenir sur les faits une seconde fois. Ce dispositif allait non pas dans le sens de la recherche de la preuve, mais dans celui de la protection du mineur.
A notre collègue M. Badinter, je peux lire l'exposé des motifs d'un amendement identique, défendu par M. Schosteck, lors de la discussion de la loi du 15 juin 2000 relative à la présomption d'innocence : « Le présent article ne vise en aucun cas à dispenser une personne de comparaître, ce qui serait contraire à l'oralité des débats, mais cela doit permettre d'écouter éventuellement certaines dépositions en évitant à une personne de répéter l'intégralité des propos tenus en première instance. »
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 11, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 5 bis A est rétabli dans cette rédaction.

Article 5 quater



M. le président.
L'article 5 quater a été supprimé par l'Assemblée nationale.
L'amendement n° 12, présenté par M. Schosteck, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Rétablir l'aticle 5 quater dans la rédaction suivante :
« Dans l'article 144-2 du code de procédure pénale, les mots : "à l'égard d'un enfant ayant sa résidence habituelle chez lui et dont l'âge est inférieur à dix ans" sont remplacés par les mots : "exclusive à l'égard d'un enfant âgé de seize ans au plus ayant chez lui sa résidence". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de cohérence.
La proposition de loi modifie en effet les règles pour le placement en détention provisoire des parents d'enfants de moins de dix ans. Elle prévoit que l'enquête sociale préalable au placement concernera désormais les parents exerçant l'autorité parentale exclusive sur des enfants âgés de seize ans au plus.
Or, pour le placement sous surveillance électronique, le code de procédure pénale prévoit, depuis la loi sur la présomption d'innocence, que le juge tient compte de la situation familiale, notamment lorsque la personne exerce l'autorité parentale sur un enfant de moins de dix ans. Cette disposition a été adoptée dans un souci de cohérence avec celle qui porte sur l'enquête sociale.
Il convient donc d'aligner les conditions sur celles qui sont prévues pour l'enquête sociale en mentionnant désormais les parents exerçant l'autorité parentale exclusive sur les enfants de seize ans au plus. En outre, il convient de supprimer la notion de résidence habituelle, qui a disparu de notre droit.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Je donnerai en même temps mon avis sur l'amendement suivant, qui traite le même sujet.
J'ai déjà souligné que l'adoption de ces amendements conduirait à restreindre la possibilité pour un magistrat de prendre sa décision en toute connaissance de cause. En effet, le simple fait, par exemple - je l'ai déjà dit en première lecture -, d'avoir un conjoint gravement malade peut actuellement être pris en compte, comme tout ce qui concerne les liens familiaux. En parlant d'autorité parentale, on limite donc le champ d'application de la disposition. Or il me paraît normal de prendre en compte même les familles qui ne comptent pas d'enfant aussi jeune.
Voilà pourquoi je suis vraiment très farouchement opposée à ces amendements.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 12, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 5 quater est rétabli dans cette rédaction.

Article 5 quinquies



M. le président.
L'article 5 quinquies a été supprimé par l'Assemblée nationale.
L'amendement n° 13 rectifié, présenté par M. Schosteck, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Rétablir l'article 5 quinquies dans la rédaction suivante :
« Dans le premier alinéa de l'article 729-3 du code de procédure pénale, les mots : "sur un enfant de moins de dix ans ayant chez ce parent sa résidence habituelle" sont remplacés par les mots : "exclusive sur un enfant âgé de seize ans au plus ayant chez ce parent sa résidence". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Cet amendement a le même objet que le précédent.
M. le président. Le Gouvernement a déjà exprimé son avis défavorable.
Je mets aux voix l'amendement n° 13 rectifié, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 5 quinquies est rétabli dans cette rédaction.

Article 5 sexies



M. le président.
L'article 5 sexies a été supprimé par l'Assemblée nationale.
L'amendement n° 14, présenté par M. Schosteck, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Rétablir l'article 5 sexies dans la rédaction suivante :
« Après la première phrase du premier alinéa de l'article 626-3 du code de procédure pénale, il est inséré une phrase ainsi rédigée : "Sept magistrats suppléants sont désignés dans les mêmes conditions." »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. L'affaire pourrait être plutôt plaisante, si l'on voulait que l'humour garde ses droits !
J'ai rappelé tout à l'heure, la loi sur la présomption d'innocence a institué une procédure de réexamen des condamnations pénales lorsque la France est condamnée par la Cour européenne des droits de l'homme.
Les demandes de révision sont alors adressées à une commission composée de sept magistrats de la Cour de cassation, chacune des chambres devant être représentée par un de ses membres.
Seulement, on a oublié que des difficultés matérielles pouvaient surgir et qu'il pourrait être intelligent et prudent de prévoir des suppléants. C'est une affaire d'Etat, chacun le conçoit !
Les magistrats de la Cour de cassation, par la voix de leur président, ont attiré notre attention sur l'utilité de cette mesure. Nous l'avons considérée comme étant, en effet, de pur bon sens. Mais je l'ai évoqué tout à l'heure dans mon exposé liminaire, cette disposition de pur bon sens a un défaut, et un seul - il est de nature non pas juridique, mais existentielle -, c'est qu'elle est proposée par le Sénat ! Par conséquent, l'Assemblée nationale, dans sa hâte à repousser toutes nos propositions, auxquelles elle trouve une odeur de soufre, a rejeté également celle-ci.
Je dis les choses comme je les pense, parce qu'une telle attitude revient à ne même pas savoir lire. C'est très inquiétant ! (Sourires sur les travées du RPR.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. J'ai assisté aux débats de l'Assemblée nationale, et je n'ai pas eu l'impression que cela sentait le soufre ! (Sourires.)
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. C'est l'impression du rapporteur !
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Je suis donc assez surprise du commentaire.
Parce que je n'avais pas étudié le sujet, j'estimais que l'on profitait de l'examen de la proposition de loi pour faire adopter une disposition susceptible de donner satisfaction à la Cour de cassation et qu'il s'agissait donc d'un « cavalier ».
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Il s'agit bien de la loi sur la présomption d'innocence !
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. En tout état de cause, j'aurai tendance à m'en remettre à la sagesse du Sénat sur cet amendement, et même à émettre un avis favorable, tout en réaffirmant que rien dans tout cela ne sent le soufre !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 14, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 5 sexies est rétabli dans cette rédaction.
Les autres dispositions de la proposition de loi ne font pas l'objet de la nouvelle lecture.

Vote sur l'ensemble



M. le président.
Avant de mettre au voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Badinter, pour explication de vote.
M. Robert Badinter. Il était important pour les membres du groupe socialiste d'observer l'évolution des débats.
Disons-le très simplement, la loi sur la présomption d'innocence est une bonne loi, pour laquelle l'importance des travaux parlementaires a été exceptionnelle, en tout cas rare : les deux assemblées ont apporté une contribution considérable. Rappelons notamment, du côté de l'Assemblée nationale, l'acquis de la judiciarisation des libérations conditionnelles et, du côté du Sénat, indépendamment des précisions nécessaires pour distinguer les régimes de la garde à vue, du témoin assisté et de la mise en examen, le deuxième degré de juridiction en matière criminelle.
A partir de là, pour des raisons qui n'ont le plus souvent rien à voir avec la loi, on a imputé à ce texte - vous avez parlé de « soufre », monsieur le rapporteur, on peut parler de procès en diabolisation - des décisions qui étaient rendues sous le régime de la loi antérieure, d'où ma stupéfaction. On reconnaîtra que c'est singulier ! (M. le président de la commission et M. le rapporteur approuvent.)
Les choses étant ce qu'elles sont, nous aurions souhaité, comme Mme Lazerges à l'Assemblée nationale - je l'avais indiqué au nom du groupe - , que soient prises toutes les mesures nécessaires : instructions, circulaires, explications, renforts de moyens, harmonisation des procédures et des relations entre les différents intervenants dans le déroulement des poursuites judiciaires. Il ne nous paraissait cependant pas indispensable que le texte soit complété par des dispositions législatives.
Le Gouvernement et l'Assemblée nationale en ont jugé autrement. Quand la proposition de loi a été transmise au Sénat, on l'a « chargée » d'un certain nombre d'amendements qui, à notre sens, ne correspondaient pas à son inspiration, et nous serons certainement amenés à la discuter de nouveau lorsque commencera la prochaine législature.
Après ces quelques remarques, à titre personnel - mais c'est là la passion du juriste qui s'exprime ! -, pour signifier mon désaccord avec telle ou telle disposition, notamment sur la question des « raisons plausibles », je puis vous affirmer que je ne voterai pas la proposition de loi telle qu'elle ressort des travaux de la commission des lois et telle que, je pense, la majorité sénatoriale la votera. Non, le groupe socialiste votera contre ce texte, car, lorsque je mets en balance toutes les adjonctions, même si certaines nous paraissent souhaitables, le plateau penche du côté du rejet.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
Mme Nicole Borvo. Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.

(La proposition de loi est adoptée.)

3

NOM PATRONYMIQUE

Adoption d'une proposition de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi (n° 225, 2001-2002), adoptée par l'Assemblée nationale, relative au nom patronymique. [Rapport n° 244 (2001-2002) et rapport d'information n° 416 (2000-2001).]
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, un an après son vote par l'Assemblée nationale, la proposition de loi relative au nom patronymique, présentée par Gérard Gouzes, vient devant vous en discussion.
J'avais salué cette initiative qui, en offrant aux parents la possibilité de choisir le nom de leurs enfants, s'inscrivait pleinement dans le cadre de l'action menée par le Gouvernement en faveur de la promotion de l'égalité entre les hommes et les femmes et de la coparentalité au sein de la famille. Nous avions d'ailleurs eu, avec la commission, une discussion fort intéressante à ce sujet.
Le débat ainsi lancé avait toutefois mis en lumière les implications multiples d'une telle réforme, et chacun s'était accordé à reconnaître qu'il fallait se ménager le temps de la réflexion.
Dès la transmission du texte par l'Assemblée nationale, la commission des lois du Sénat l'a étudié avec beaucoup d'attention et a procédé à de nombreuses auditions.
Elle propose aujourd'hui un texte qui, tout en préservant le libre choix des parents, complète largement le dispositif adopté par l'Assemblée nationale. Le Gouvernement entend lui-même améliorer encore ce texte, si tant est que cela soit possible, et plusieurs amendements ont été déposés en ce sens.
Nous sommes sans doute très proches d'un accord, à une réserve près, toutefois, sur laquelle je m'expliquerai dans un instant. Je voudrais au préalable revenir sur la nécessité de la réforme, son économie générale et ses modalités pratiques.
Notre système, fondé sur une conception patriarcale, ne saurait perdurer, et ce pour plusieurs raisons.
Il n'est plus en accord avec l'évolution de notre droit de la famille : le régime applicable à la dévolution du nom ne peut demeurer en dehors d'un mouvement qui a vu écarter la puissance paternelle au profit de l'autorité parentale, instaurer l'égalité des époux dans la gestion patrimoniale, consacrer le divorce par consentement mutuel, affirmer l'égalité des filiations et, enfin, assurer une coparentalité effective.
Il doit prendre en compte l'indépendance acquise par les femmes. Tant que celles-ci portaient de façon quasi systématique le nom de leur mari, il pouvait effectivement apparaître comme l'unique nom de la famille. Aujourd'hui, pour de multiples raisons, de plus en plus de femmes n'entendent plus se conformer à ce qui n'est, il faut le rappeler, qu'un usage. Et, de fait, le nom du père n'est plus d'évidence le nom de la famille.
Plus généralement, la dévolution du nom du père et l'immutabilité des patronymes ne sont plus conciliables avec la pleine reconnaissance de l'individu, de sa liberté, de son autonomie.
Enfin, le droit français est en décalage avec les législations des principaux Etats européens, qui laissent, dans la plupart des cas, une large place à l'expression de la volonté du couple, et l'on peut craindre qu'il n'entre parfois en délicatesse avec la lecture que donne la Cour européenne des droits de l'homme des principes de non-discrimination et de protection de la vie privée.
Le choix fait par l'Assemblée nationale, que vous partagez dans son principe, est celui d'une option librement offerte aux parents, mariés ou non, leur permettant de transmettre à leurs enfants soit le nom du père, soit le nom de la mère, soit le double nom accolé.
Cette démarche de triple option est la plus respectueuse de la liberté et de l'égalité des parents. De surcroît, elle gomme toute différence entre les enfants selon la nature de leur filiation : l'enfant qui portera le nom de sa mère ne sera plus nécessairement un enfant naturel reconnu par sa seule mère, il pourra tout aussi bien être un enfant légitime pour lequel les époux auront fait ce choix ; c'est un point extrêmement important pour notre société.
Les principales limites posées au choix des parents tiennent logiquement ; d'une part, à la nécessaire unité des fratries, qui impose que les enfants nés d'un même couple portent tous le même nom, pendant leur minorité au moins ; d'autre part, à la nécessité de limiter de génération en génération, en cas de choix du double nom accolé, les combinaisons possibles. Ainsi, comme le souhaitait déjà l'Assemblée nationale, vous proposez que les parents qui optent en faveur du double nom ne puissent transmettre à leurs enfants qu'un nom, dans l'ordre qu'ils choisiront.
Je n'insisterai pas, à ce stade, sur la déclinaison de ces principes selon toutes les situations de filiation : légitime, naturelle, ou encore adoptive. Si elle nécessite une mise en conformité minutieuse de plusieurs dispositions du code civil, elle n'appelle pas d'observation de fond particulière. J'indiquerai seulement que, en matière d'adoption simple, le souci de permettre à l'enfant adopté de conserver dans son nom la marque de sa filiation naturelle et d'y adjoindre celle de sa filiation adoptive doit vraisemblablement prévaloir sur la logique de la triple option.
Reste, mesdames, messieurs les sénateurs, la principale divergence qui oppose la commission des lois du Sénat à celle de l'Assemblée nationale, je veux parler de la solution qui doit être imposée par la loi à défaut d'un choix exprimé par les parents.
L'Assemblée nationale avait, logiquement, à mes yeux, considéré que cette solution par défaut ne pouvait être que le double nom accolé de chacun des deux parents. Elle pose quelques problèmes techniques qu'il faut nécessairement résoudre de façon arbitraire quant à l'ordre de l'accolement et, le cas échéant, quant à la sélection du nom transmis quand les parents portent eux-mêmes un double nom. Elle présente, en revanche, l'incontestable avantage de la neutralité de la loi.
La commission des lois du Sénat retient, pour sa part, le nom du père, à défaut d'un choix exprimé par les parents, soit qu'ils n'aient pu exercer ce choix, soit qu'un désaccord persistant les ait opposés.
Cette solution me paraît symboliquement régressive et pratiquement dangereuse.
Je suis entièrement convaincue que, s'agissant de questions de société, la loi se doit d'offrir à nos concitoyens des choix respectant leurs conceptions et leurs manières de vivre. Ainsi, je ne concevrais pas que l'on impose, en dépit de la tradition historique française et de pratiques culturelles profondément ancrées, l'usage systématique du double nom accolé. Il est très probable que le nom du père restera encore, pour des raisons plus ou moins consciemment explicitées, le choix très majoritaire des Français. Et je me garderai bien de porter un quelconque jugement sur ce qui sera fondamentalement un choix personnel, un choix intime.
Pour autant, je ne peux souscrire à l'idée que le législateur, en posant cette règle par défaut, légitimerait, en quelque sorte, comme modèle la primauté du père.
Il serait, du reste, pour le moins paradoxal qu'à l'heure où nous souhaitons tous reconnaître l'égalité au sein de la famille la loi consacre explicitement cette primauté comme elle ne l'avait encore jamais fait. Je rappellerai que l'on chercherait en vain, aujourd'hui, dans le code civil, une règle formelle indiquant que l'enfant légitime prend le nom de son père : cette règle n'existe pas !
De ce seul point de vue, je ne pourrais déjà pas suivre votre proposition, monsieur le rapporteur.
Cependant, cette règle aurait, de surcroît, des effets pratiques très contestables. Car c'est un bien curieux choix que l'on offrirait à un couple quand le père aurait, en tout état de cause, l'assurance que son opposition suffit à lui garantir la transmission de son seul nom. On est, me semble-t-il, très loin de la coparentalité que nous avons tant cherché à faire reconnaître dans le cadre de la proposition de loi sur l'autorité parentale.
Je m'interroge, enfin, sur la compatibilité d'un tel dispositif avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme qui, tout en faisant la part des traditions propres à chacun des Etats membres, a manifesté le souci que des dispositifs récemment mis en place ne soient pas empreints d'une discrimination injustifiée entre les hommes et les femmes. Je vous renvoie, en particulier, à l'arrêt Burghartz contre Suisse du 22 février 1994.
Pour l'ensemble de ces raisons, je ne peux donc souscrire à la solution que la commission des lois du Sénat a arrêtée. Je conçois, toutefois, que l'ordre alphabétique, préconisé par l'Assemblée nationale pour régir, par défaut, l'accolement des noms des deux parents, ne soit pas satisfaisant. Aussi, je vous proposerai, pour ma part, une solution de compromis aux termes de laquelle le double nom accolé qui s'imposerait, à défaut d'un choix des parents, serait nécessairement composé du nom du père, suivi du nom de la mère, dans la limite, pour chacun d'eux, en cas de nom double, du premier nom porté à leur état civil. Cette solution répond à la tradition historique à laquelle vous êtes attachés, mais sans faire de la primauté du père un postulat absolu.
S'agissant de la mise en oeuvre pratique de ce nouveau dispositif, nous avons, je pense, trouvé une solution commode qui repose sur l'inscription du nom de l'enfant dans son acte de naissance, sur la foi d'une déclaration écrite conjointe, établie par ses deux parents.
Il convient de préciser que cette mention, comme toutes les mentions d'état civil, sera purement recognitive, soit du choix des parents tel qu'il résultera de leur déclaration écrite conjointe, soit, le cas échéant, de la solution imposée à défaut de choix par la loi. L'officier d'état civil conserve ainsi son rôle traditionnel limité à la constatation des événements d'état civil dont il dresse l'acte. En particulier, la mention ainsi portée n'aura de validité que pour autant que la déclaration n'aura pas été souscrite de manière frauduleuse au regard de la règle selon laquelle : « le nom dévolu au premier enfant vaut pour les autres enfants communs ». De même, elle n'aura de validité que pour autant que l'état de l'enfant dont la naissance est déclarée sera bien, conformément aux principes du droit international privé rappelés à l'article 3 du code civil, soumis à la loi française.
En cas de méconnaissance de l'un ou de l'autre de ces principes, une rectification de l'acte de naissance pourrait toujours être ordonnée par le président du tribunal de grande instance, en application de l'article 99 du code civil.
Il reste, enfin, à préciser les conditions d'entrée en vigueur dans le temps de cette loi, et c'est sans doute la question techniquement la plus difficile.
Je distinguerai, à cet égard, deux choses : d'une part, l'entrée en vigueur opérationnelle du nouveau dispositif de dévolution du nom ; d'autre part, l'application des nouveaux principes de dévolution du nom aux enfants déjà nés.
Sur le premier point, vous comprendrez aisément que, quels que soient les efforts d'ores et déjà entrepris, une mise en oeuvre opérationnelle immédiate d'une telle réforme ne serait pas réaliste.
Il appartiendra, en effet, aux services d'état civil de rénover profondément leurs pratiques et leurs outils de travail, formulaires et logiciels... En outre, tous les dispositifs, notamment informatiques, de recueil des identités devront être adaptés à ces nouvelles règles de dévolution et, surtout, à l'allongement significatif des noms qu'elles sont susceptibles d'induire, en raison de l'augmentation probable des noms doubles. Ce sera le cas pour le répertoire national d'identification des personnes physiques et les fichiers de police et de gendarmerie, mais aussi pour ceux des caisses de sécurité sociale et de retraite, ou encore pour le registre du commerce et des sociétés ou celui de la publicité foncière.
Je sais que le rapporteur de la commission des lois du Sénat est sensible à cette question et partage avec le Gouvernement le souci de tout mettre en oeuvre pour que l'entrée en vigueur de la loi soit une pleine réussite.
C'est pourquoi, je vous proposerai de différer l'entrée en vigueur de la loi opérationnelle dans un délai de deux ans à compter de sa publication au Journal officiel , étant entendu qu'un dispositif transitoire permettra aux enfants nés entre la date de sa promulgation et la date de son entrée en vigueur de bénéficier rétroactivement du nouveau dispositif.
Plus complexe est la question du sort des enfants nés avant la date d'entrée en vigueur de la loi et des incidences qu'aura la loi nouvelle sur des familles déjà constituées.
L'Assemblée nationale avait pris un parti assez radical : permettre, à titre transitoire, à toute personne née avant la promulgation de la loi, mineure comme majeure, de demander à ajouter à son nom le nom de celui de ses parents qui ne lui a pas transmis le sien.
La commission des lois du Sénat fait sienne cette possibilité d'adjonction, mais exclusivement dans le cadre de la procédure administrative de changement de nom telle qu'elle est actuellement régie par l'article 61 du code civil, ce qui suppose une autorisation par décret.
Ces solutions ne me satisfont pas. Je souhaiterais, tout d'abord, que la question du changement de nom des personnes actuellement majeures ne soit pas immédiatement posée.
J'avais indiqué à l'Assemblée nationale que la modification des règles de dévolution du nom ne pouvait pas être sans incidence sur les règles de changement de nom et qu'en particulier, il n'était ni juridiquement, ni politiquement concevable d'interdire à l'enfant devenu adulte de revenir, en tout ou en partie, sur une liberté que ses parents avaient exercée en son nom.
C'est pourquoi je vous proposerai de prévoir que toute personne à qui le nom de l'un de ses deux parents aura été transmis en application des dispositions de la présente loi pourra, une fois devenue adulte, adjoindre en seconde position le nom de son autre parent, par simple déclaration auprès de l'officier de l'état civil.
En revanche, il serait aujourd'hui tout à fait prématuré d'offrir une telle faculté à l'ensemble de la population française, sans que l'impact effectif d'une telle mesure ait pu être sérieusement pesé par l'ensemble des administrations concernées, des collectivités territoriales comme de l'Etat. Quand la présente réforme aura été adoptée et assimilée, il sera sans doute judicieux de rénover notre procédure administrative de changement de nom, à la lumière de l'expérience alors acquise, et de permettre à des adultes nés sous l'empire de l'ancien régime de dévolution du nom d'adapter leur état civil. Cependant, dans l'intérêt même du succès de la réforme, je me vois contrainte de sérier les priorités.
L'application de la loi nouvelle aux enfants mineurs déjà nés pose des questions d'une autre nature. L'intérêt de ces mineurs se trouve, en effet, directement confronté à celui de leurs frères et soeurs qui naîtront après l'entrée en vigueur de la loi.
J'ai été très attentive aux préoccupations exprimées, notamment, par les associations familiales, quant à la stabilité du nom donné à un enfant dès qu'il a été en âge de se l'approprier et au respect de l'unité de nom d'une fratrie, quels que soient les aléas législatifs.
Je comprends pourtant l'impatience légitime des parents désireux de bénéficier de nouvelles dispositions dont la date d'entrée en vigueur sera nécessairement arbitraire au regard de leur histoire familiale.
Ayant mûrement pesé ces intérêts contradictoires, je pense que la moins mauvaise solution est de n'ouvrir, à titre transitoire, aux familles déjà constituées qu'une double option entre le nom déjà transmis, très majoritairement celui du père, et l'adjonction en seconde position du nom de la mère.
Ainsi, sur déclaration conjointe des parents, l'ensemble des enfants mineurs nés avant la date de publication de la présente loi pourront bénéficier de l'adjonction du nom du parent qui ne leur a pas transmis le sien. Ce choix s'imposera aux enfants à naître du même couple, après l'entrée en vigueur de la loi. Bien entendu, à la génération suivante, les intéressés pourront, selon le nouveau droit commun, transmettre l'un ou l'autre de ces deux noms à leurs propres enfants.
En conclusion, je souhaite renouveler le voeu que j'avais déjà formé, il y a un an, devant l'Assemblée nationale, que soit effectivement introduit un principe de parité, de liberté et d'égalité dans ce qui est la marque à la fois la plus intime et la plus sociale de notre identité, notre nom. Ce serait un très bel acte, pour ces derniers jours utiles de la présente législature. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri de Richemont, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, mes chers collègues, nous sommes donc saisis de la proposition de loi adoptée le 8 février dernier par l'Assemblée nationale, dont je pensais, à force, qu'elle était devenue l'Arlésienne, madame le garde des sceaux. (Sourires.)
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Eh bien non !
M. Henri de Richemont, rapporteur. En effet, ce texte, inscrit à plusieurs reprises à l'ordre du jour, puis enlevé, sans que nous en soyons responsables, vient maintenant en discussion, à la veille de la fin de la législature. Cela étant, je suis très heureux de cette discussion, et j'espère que nous pourrons trouver un accord qui réponde aux attentes qui sont les vôtres, si tant est qu'il y ait des attentes.
L'Assemblée nationale a effectivement voté un texte qui donne la possibilité aux parents de choisir entre le nom du père et le nom de la mère ou d'accoler les deux noms de famille dans l'ordre de leur choix.
Depuis le Moyen Age, le nom est un facteur d'identification qui rattache l'enfant à la cellule familiale. S'il y a un lien fusionnel naturel entre la mère et l'enfant, le père, en donnant son nom à l'enfant, affiche et proclame sa paternité.
C'est la raison pour laquelle, monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, le texte adopté par l'Assemblée nationale nous conduit à nous poser plusieurs questions : faut-il mettre en place un système de transmission à options au seul bénéfice des parents ? L'enfant devenu adulte peut-il remettre en cause le choix des parents ? A l'heure où la place du père est fragilisée au sein de la famille, est-il souhaitable d'affaiblir le lien qui l'unit par le nom à son enfant ?
Le régime juridique actuel est vieux de huit siècles. Depuis le XIe siècle, l'usage est que les enfants portent le nom du père. La Révolution française a consacré l'usage en posant le principe que le nom doit être immuable. Cependant, la règle selon laquelle les enfants portent le nom du père n'est pas inscrite dans le code civil et se fonde uniquement sur la présomption que tous les juristes connaissent, c'est-à-dire que l'enfant est supposé être l'enfant du père, pater is est . La filiation naturelle, elle, consacre la priorité chronologique, qui constitue la règle de dévolution du nom patronymique.
Je ne vais pas m'attarder sur le problème de l'adoption. Dans le cas d'une adoption plénière, l'adopté reçoit le nom de l'adoptant et, dans le cas d'une adoption simple, l'adopté accole son nom à celui de l'adoptant. Aujourd'hui, c'est le seul cas de double nom.
Vous n'avez pas mentionné - mais il est important de le faire - l'assouplissement qu'a consacré la loi Badinter du 23 décembre 1985 sur le nom d'usage. Madame le garde des sceaux, cette loi, au demeurant intéressante, est complètement inconnue de nos compatriotes et très peu appliquée. Je ne sais même pas si les décrets d'application ont été pris ; s'ils l'ont été, ils n'ont pas fait l'objet d'une grande publicité.
Cette loi permet à tous, majeurs et mineurs, mais, dans ce dernier cas, avec l'accord des parents, d'accoler le nom de la mère à celui du père, sans que le premier se substitue au second. C'est un nom d'usage qui n'est pas transmissible. C'est un peu l'équivalent du statut de la femme mariée.
Les changements de nom sont relativement rares et encadrés de façon limitative par le code civil. Selon l'article 61 dudit code, il faut soit un changement dans le lien de filiation, soit un intérêt légitime. Cette procédure donne au garde des sceaux un pouvoir discrétionnaire, sous le contrôle du Conseil d'Etat. La troisième possibilité est le relèvement du nom des citoyens morts pour la France.
La question que nous nous sommes posée, au sein de la commission, à la suite des auditions auxquelles nous avons procédé, est de savoir quelle est la pratique de nos concitoyens. Il est apparu que le nom du père est largement choisi par les parents des enfants naturels au moment de la naissance. Or, nous le savons, pour les parents qui ne sont pas mariés, l'ordre chronologique prime, puisqu'il n'y a pas d'automaticité de transmission du nom du père comme c'est le cas pour les couples mariés.
Le nom attribué aux enfants naturels est un excellent baromètre des pratiques françaises en la matière. Or, il apparaît que le comportement des Français est influencé par le modèle de la famille légitime. Jusqu'au début des années soixante-dix, près des trois quarts des enfants nés hors mariage portaient le nom de la mère à la naissance. Aujourd'hui, sept enfants naturels sur dix portent le nom du père, le nom des trois autres enfants sur dix enregistrés sous le nom de leur mère étant en outre susceptible d'être modifié ensuite au profit du nom du père, ce qui signifie que le nom maternel est très instable.
Les différentes enquêtes et auditions auxquelles nous avons procédé font apparaître que les enfants nés hors mariage qui portent le nom de la mère sont, en majorité, privés de filiation paternelle. Aujourd'hui, l'attribution du nom maternel reflète donc en fait l'absence du père.
Par ailleurs, depuis la loi de 1972, les couples non mariés peuvent effectuer une reconnaissance prénatale à la mairie. J'ai demandé à mon secrétaire de mairie quel nom était alors attribué à l'enfant : dans ma mairie, c'est à 100 % celui du père. C'est peut-être un peu différent dans les grandes villes mais, dans l'ensemble, les jeunes, alors même qu'ils n'en ont pas l'obligation, donnent donc le nom du père à leur enfant.
Nous nous sommes également penchés sur les pratiques étrangères.
La délégation aux droits des femmes, dont je salue le travail, a relevé que la France, l'Italie et la Belgique étaient en définitive des exceptions.
Ainsi, en Grande-Bretagne, la liberté en matière de transmission du nom est totale. Les mineurs, comme les majeurs, peuvent porter le nom de leur choix et en changer. De même, en Allemagne, les parents ont la possibilité de choisir le nom de famille de leur enfant.
L'Espagne, quant à elle, a adopté le régime du double nom.
Or, que constate-t-on, madame le garde des sceaux ? En Grande-Bretagne, comme en France, mais alors qu'elles n'en ont pas l'obligation, 94 % des femmes portent le nom de leur mari, qui devient celui de leurs enfants. En Allemagne, où le choix est également libre, ce sont 95 % des enfants qui portent le nom du père.
Ainsi, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, la tradition joue un rôle fondamental dans les modalités de transmission du nom de famille.
Même en Espagne, où la règle est celle du double nom, le matronyme transmis à l'enfant est le plus souvent le nom du grand-père paternel et le premier nom, seul transmissible à la génération suivante, est majoritairement celui du père.
Quelles sont, dans ces conditions, les justifications de la réforme ?
Une justification nous paraît légitime. Certes, la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales est muette sur cette question, mais, et vous l'avez rappelé, madame le garde des sceaux, un arrêt de la Cour européenne du 21 février 1994 a condamné la Suisse au motif que le choix du nom relevait de la vie privée et familiale.
L'Assemblée nationale s'est prévalue de cette décision pour engager la présente réforme et le Sénat accepte de la suivre sur ce point.
D'autres justifications nous semblent plus incertaines.
Selon M. Gouzes, rapporteur de la présente proposition de loi à l'Assemblée nationale, des règles de dévolution du nom actuellement appliquées en France résulterait une discrimination de moins en moins acceptée.
Le mot « discrimination » nous a paru un peu fort, mais nous n'en avons pas moins cherché à savoir si une demande venant du plus profond de la nation ne le justifiait pas. Tout ce que nous avons perçu, c'est un frémissement à peine sensible, et encore ne l'est-il que dans certains milieux urbains « évolués ». La majeure partie de nos concitoyens ne demande pas la modification du système actuel, comme le démontre le fait que les parents non mariés choisissent majoritairement le nom du père.
M. Gouzes avance également à titre de justification la menace d'un appauvrissement du patrimoine onomastique, lequel serait au contraire enrichi grâce à la transmission du nom de la mère. Mais je vous rassure, mes chers collègues, notre patrimoine n'est aucunement menacé ! Selon les spécialistes que nous avons entendus, non seulement on assiste actuellement à un renouvellement du stock de noms, mais, avec 900 000 noms, la France détient déjà un record mondial !
J'ajoute, madame le garde des sceaux, que si nous devions adopter le système que nous propose l'Assemblée nationale, c'est-à-dire celui des deux noms accolés, en cas de désaccord, selon l'ordre alphabétique, nous n'aurions plus alors que des noms commençant par les premières lettres de l'alphabet ! Tous ceux dont le nom commence, comme le mien, par la lettre « r » n'auraient aucune chance de le transmettre ! (Sourires.) C'est alors que nous assisterions à un appauvrissement de notre patrimoine onomastique !
M. Louis Moinard. On n'entendrait plus parler de Zinedine Zidane !
M. Henri de Richemont, rapporteur. C'est pourquoi nous ne pouvons suivre l'Assemblée nationale, laquelle propose donc trois options : matronyme, patronyme, accolement des deux noms, par ordre alphabétique en cas de désaccord et dans la limite d'un seul nom transmis pour chaque parent, tous les membres d'une même fratrie devant, bien entendu, porter un nom identique.
L'Assemblée nationale a par ailleurs supprimé les dispositions relatives au nom d'usage introduites par la loi Badinter du 23 décembre 1985.
En cas de filiation établie successivement à l'égard des deux parents, elle a maintenu le principe de la priorité chronologique.
La commission des lois a, quant à elle, adopté une position qui allie le respect de la tradition à une approche novatrice.
En effet, si un frémissement en faveur du changement se fait sentir et si ledit changement est conforme à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, pourquoi ne pas donner satisfaction à ceux et à celles qui veulent avoir la possibilité de choisir le nom de leur enfant ?
La commission est donc favorable à ce que les parents qui en expriment conjointement la volonté aient la liberté de donner à leur enfant ou le nom de la mère, ou celui du père, ou leurs deux noms accolés selon l'ordre de leur choix. Cette solution est d'ailleurs fidèle à la traditionnelle ouverture de notre Haute Assemblée.
Mais la difficulté, madame le garde des sceaux, c'est lorsqu'il y a conflit, et la solution retenue par l'Assemblée nationale, comme vous l'avez d'ailleurs vous-même reconnu, n'est pas souhaitable. Je l'ai déjà dit, s'en remettre alors à l'ordre alphabétique, c'est ôter à ceux dont l'initiale est en fin d'alphabet la possibilité de transmettre leur nom.
C'est la raison pour laquelle nous proposons qu'en cas de conflit ou - et ce sera, j'en suis persuadé, ce qui se passera dans 95 % des cas si on ne leur pose pas la question - lorsque les parents n'exprimeront pas un choix, le nom du père soit retenu.
Cette solution, qui respecte notre tradition, laquelle, on l'a dit, remonte au xie siècle, a l'avantage de mettre celle-ci au service de la paix des ménages. Au contraire, si on oblige les parents à choisir l'ordre des noms en leur imposant l'ordre alphabétique en cas de conflit, on risque fort d'encombrer les tribunaux !
L'Assemblée nationale n'a prévu que le cas des conflits. Elle n'envisage pas l'absence de choix. Le système que nous proposons est très simple. Si un couple, marié ou non, se présente devant l'officier d'état civil en indiquant dans une déclaration écrite conjointe qu'il opte pour tel nom, l'officier d'état civil enregistre leur choix, mais, en l'absence de déclaration conjointe, c'est automatiquement le nom du père qui est retenu.
Madame le garde des sceaux, vous nous proposez un régime transitoire de compromis : en cas de conflit ou de non-choix, le nom du père sera suivi de celui de la mère.
Nous formulons deux objections. D'abord, selon une tradition multiséculaire, la règle est celle de la dévolution du nom du père, et je ne vois pas pourquoi on imposerait en France le système espagnol.
Ensuite et surtout, sans qu'il soit question d'une quelconque primauté du nom du père, il faut tenir compte du fait que 95,99 % des femmes mariées portent le nom de leur époux et considèrent comme normal que leur enfant porte le nom du père. Or, en cas de non-choix, l'officier d'état civil attribuera automatiquement à l'enfant un double nom, sans que ses parents l'aient voulu. Cela ne nous paraît pas souhaitable.
Nous proposons donc d'en rester à la situation actuelle en cas de non-choix, car pourquoi créer un conflit lorsqu'aucune demande n'est formulée ?
Notre proposition est donc une proposition de sagesse qui évitera la création de conflits artificiels tout en laissant aux parents la possibilité de choisir un autre nom que celui du père.
Nous formulons par ailleurs diverses propositions.
Nous avons ainsi anticipé, madame Pourtaud, celle qui a été présentée par la délégation aux droits des femmes tendant à remplacer l'expression « nom patronymique » par l'expression « nom de famille », afin d'éviter d'avoir à employer aussi l'expression « nom matronymique ».
C'est encore une preuve de notre esprit d'ouverture et je suis persuadé, madame Pourtaud, que vous serez heureuse de cette avancée comme je suis persuadé que le Gouvernement nous suivra sur ce point.
Nous proposons également des modalités transitoires sur lesquelles nous reviendrons tout à l'heure, d'autant qu'il y a quelques points sur lesquels nous divergeons un peu, madame le garde des sceaux.
Ainsi, la procédure administrative de changement de nom prévue par l'article 61 du code civil nous paraît la plus appropriée, dans le cas des majeurs ayant un intérêt légitime à accoler le nom de leur mère à leur nom, car elle permettra de canaliser les demandes de changement de nom. Nous ne sommes donc pas favorables à la procédure de la déclaration à l'officier d'état civil avec effet automatique.
Nous ignorons d'ailleurs s'il y aura beaucoup de demandes en ce sens. Le nom d'usage a, finalement, été fort peu utilisé. Cependant, dès lors que l'on donne aux enfants à naître le droit de porter le nom de leur mère, il faut prévoir le cas des personnes nées après l'entrée en vigueur de la présente loi, lesquelles peuvent avoir des raisons, notamment affectives, de porter le nom de leur mère. C'est pourquoi nous proposons d'assouplir la procédure un peu rigoureuse prévue par l'article 61 du code civil.
Par ailleurs, le dispositif que vous proposez n'entrerait en vigueur que dans deux ans. Si vraiment il y a une attente au plus profond de la population, vous n'êtes guère pressée d'y répondre ! C'est la raison pour laquelle nous croyons qu'il serait préférable de limiter ce délai à dix-huit mois.
Enfin, on donne aux jeunes couples ayant déjà des enfants la possibilité d'accoler à leur nom celui de la mère. Les enfants qui viendront ensuite agrandir la fratrie porteront ce même nom.
Madame le garde des sceaux, la commission des lois présente donc des propositions modernes, de nature à satisfaire les demandes d'une partie - certes limitée - de notre population, sans pour autant bouleverser le système qui régit la transmission du nom depuis des décennies. Nous nous sommes surtout attachés à éviter tout conflit supplémentaire dans les couples, qu'ils soient légitimes ou illégitimes. C'est pourquoi nous estimons que nos propositions sont mesurées et pleines de sagesse. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud, au nom de la délégation du Sénat aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, c'est une évidence : la réforme qui nous occupe ce soir est tout à fait emblématique du point de vue de l'égalité entre les hommes et les femmes et, en l'occurrence, de l'égalité des deux parents vis-à-vis de leurs enfants.
Elle s'inscrit, de manière à la fois symbolique et essentielle, dans la ligne de l'évolution du droit civil que nous connaissons depuis une trentaine d'années, à savoir une recherche patiente de la parité des droits entre les deux sexes.
Cette réforme doit permettre de rompre avec un régime de dévolution du nom qui s'est créé de façon largement empirique, qui est discriminatoire à l'égard des femmes et qui traduit, de ce fait, une réelle inégalité entre les parents. J'ajoute que ce régime se caractérise par une relative singularité au regard des règles qui s'appliquent dans les autres pays européens, exception faite de la Belgique ou de l'Italie, pays dans lesquels s'affirme encore, en la matière, la prééminence du père.
Il s'agit, en quelque sorte, de mettre fin à un privilège de masculinité que l'on a longtemps défendu en avançant deux arguments.
On a d'abord fait valoir que, la femme acquérant par le mariage le nom de son mari, le nom du père était en réalité le seul nom que l'enfant pouvait recevoir. Or vous m'accorderez, mes chers collègues, que cette situation a vécu : aujourd'hui, il n'est pas rare - c'est même de plus en plus fréquent et peut-être est-ce en train de devenir la règle - que la femme mariée conserve son nom dans le mariage.
On a ensuite insisté sur le fait que donner son nom permettait au père d'affirmer, de proclamer sa paternité. On a même dit que l'attribution du nom du père était une manière d'« exorciser » le mystère de la filiation paternelle : le nom, marqueur de la paternité... La science pouvant aujourd'hui dissiper de manière infaillible ce mystère, ce second argument est lui aussi devenu obsolète.
Cependant, les contempteurs de la réforme en ont trouvé un autre : le texte qui nous est soumis ne répondrait à aucune réelle attente sociale, et ils en veulent pour preuve que le dispositif de la loi du 23 décembre 1985, à l'origine de laquelle se trouvait M. Robert Badinter et qui permet d'ajouter à titre d'usage le nom de la mère, serait très peu utilisé. A ce propos, M. le rapporteur se posait à l'instant la même question que moi : tout a-t-il été fait pour faire connaître cette loi, pour lui donner, au-delà d'une simple parution au Journal officiel, la publicité qu'elle méritait ?
Quant à la question de l'existence d'une attente sociale en la matière, on manque sans doute d'études sur le sujet, mais une évolution de l'opinion en faveur d'une réforme de la dévolution du nom est, à tout le moins, perceptible.
A cet égard, monsieur le rapporteur, nous ne disposons apparemment pas des mêmes chiffres !
En 1979, seulement 20 % des personnes interrogées étaient favorables à l'introduction du nom de la mère dans le système de transmission des patronymes, contre 43 % en 1987, un nombre important de femmes - 47 % d'entre elles - regrettant de se trouver dans l'impossibilité de transmettre leur nom de naissance. Aujourd'hui, selon un sondage publié en juin dernier, plus de deux Français sur trois, soit 69 % d'entre eux, estiment que pouvoir transmettre à l'enfant le nom de famille de la mère, seul ou accolé à celui du père, est « plutôt une bonne chose », et ils sont 62 % à penser que la réforme dont nous débattons n'affaiblira pas la place du père dans la famille. Les femmes sont, quant à elles, toujours plus favorables - la proportion atteint 71 % - à une telle réforme, ce qui est également le cas, et c'est un signe encourageant, de 78 % des jeunes de moins de vingt-cinq ans.
Il nous est proposé de modifier l'article 57 du code civil, afin que les parents puissent choisir le nom dévolu à leur enfant, l'origine de la filiation étant établie simultanément à l'égard de chacun d'entre eux. Que sa filiation soit naturelle ou légitime, un enfant, dès lors qu'il aura fait l'objet d'une reconnaissance conjointe de ses deux parents, pourra recevoir ou le nom de son père, ou le nom de sa mère, ou les noms de ses père et mère dans un ordre choisi par eux, un désaccord éventuel sur ce point étant tranché par le recours à l'ordre alphabétique.
En réalité, le texte que nous examinons répond à la double exigence d'accorder aux femmes le droit de transmettre leur nom et aux couples celui d'opérer librement leur choix, dans une logique de parité parentale. Il est fortement symbolique en ce qu'il permet de consacrer une parité parfaite à l'intérieur du couple ; il est aussi très libéral, car il n'impose rien.
Ces raisons font que la délégation du Sénat aux droits des femmes et à l'égalité entre les hommes et les femmes lui a réservé un accueil favorable lorsqu'elle l'a examiné en juin dernier. Au-delà, elle a adopté, à l'unanimité, six recommandations.
La première de ces recommandations concerne le mode de transmission qui devrait être retenu comme mode de droit commun : afin d'assurer l'égalité entre les hommes et les femmes dans le cadre d'une parité des droits entre parents, la délégation incline pour un régime inspiré du mode de dévolution du nom actuellement en vigueur en Espagne, à savoir la transmission automatique des noms du père et de la mère.
Autrement dit, le double nom - celui du père suivi de celui de la mère ou inversement - deviendrait la règle d'attribution de droit commun, la transmission du nom d'un seul parent restant possible, par le biais d'une déclaration ad hoc auprès des services de l'état civil, mais devenant l'exception.
Il s'agit, de la part de notre délégation, d'une démarche volontariste en faveur de l'égalité entre hommes et femmes ou, en l'occurrence, entre pères et mères. On constate en effet que, sans volonté égalitaire affirmée, la parité entre les sexes ne progresse que trop lentement.
La deuxième recommandation vise à assurer une égalité de traitement entre enfants naturels et enfants légitimes.
Pour que les règles de dévolution soient rigoureusement les mêmes, il convient de prévoir que, en cas de reconnaissance ultérieure, un enfant mineur pourra accoler le nom de son second parent à celui qu'il a reçu en premier. Le nom du second parent se substituera, le cas échéant, au nom de l'ascendant, dont l'accolement est rendu possible par le texte pour les enfants naturels.
La troisième recommandation adoptée par la délégation est relative au règlement des conflits pouvant survenir à la deuxième génération.
Nous invitons le législateur à mettre en oeuvre un régime approprié, c'est-à-dire respectant la parité, pour la deuxième génération et les générations ultérieures, en cas de désaccord entre les parents lorsque ceux-ci portent déjà deux noms accolés.
Par sa quatrième recommandation, la délégation préconise le maintien des dispositions de la loi du 23 décembre 1985 relative à l'égalité des époux dans les régimes matrimoniaux et des parents dans la gestion des biens des enfants mineurs, en particulier de celle qui permet d'ajouter à titre d'usage un autre nom que celui qui a été transmis par les parents.
La cinquième recommandation porte sur l'assouplissement des procédures actuelles de changement du nom.
Enfin - c'est la sixième recommandation - la délégation souhaite que l'on modifie l'intitulé même de la proposition de loi, en visant non plus le « nom patronymique », qui fait référence au père, mais le « nom de famille ». Cela relève à la fois de la logique et du symbole... ce qui explique que la délégation ait fait figurer cette dernière recommandation à la première place dans son rapport. Je suis heureuse que, sur ce point, la commission des lois nous ait suivis - j'emploie ce verbe à dessein, monsieur le rapporteur, puisque nos travaux datent du mois de juin !
M. Henri de Richemont, rapporteur. Si vous voulez ! (Sourires.)
Mme Danièle Pourtaud, au nom de la délégation aux droits des femmes. Ce n'est pas une querelle en paternité ! (Nouveaux sourires.)
En conclusion, et pour dépasser la seule dimension de l'égalité entre les sexes, je dirai que cette réforme est bienvenue, non seulement parce qu'elle abolira un système contraire aux valeurs de parité, mais aussi parce qu'elle va dans le sens du mouvement général de notre société, où l'état des personnes reflète l'aspiration de nos concitoyens à une plus grande liberté pour tout ce qui relève de la sphère privée. A cet égard, le nom, élément emblématique de l'état des personnes, ne peut échapper à cette tendance. C'est pourquoi la réforme de sa transmission répond aux exigences de notre époque. (M. le rapporteur applaudit.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures quinze.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante, est reprise à vingt-deux heures quinze, sous la présidence de M. Daniel Hoeffel.)

PRÉSIDENCE DE M. DANIEL HOEFFEL
vice-président

M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative au nom patronymique.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Zocchetto.
M. François Zocchetto. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, la présente proposition de loi est un texte particulièrement important, tant du point de vue juridique que du point de vue symbolique et des conséquences sociales qu'il peut entraîner. Le changement est si considérable qu'il nous autorise à nous interroger sur sa pertinence.
Avant d'en venir au fond, je tiens à préciser qu'il est tout à fait déplorable - et cet avis me semble être partagé par un certain nombre de mes collègues - d'engager ce débat dans de telles conditions d'urgence. Tout à l'heure encore, nous avons dû examiner en commission de façon très précipitée un certain nombre d'amendements. Il n'est pas certain que ce soit la meilleure méthode. En effet, les dispositions que nous allons adopter ce soir concernent tous les Français durant toute leur vie.
Je déplore également que, faute d'un projet de loi d'ensemble, le droit de la famille fasse l'objet, à la demande, de réformes ponctuelles grâce à des propositions de loi sans harmonie ni liaison. Certains volets relèvent de l'initiative parlementaire et d'autres de l'initiative du Gouvernement, sans que l'on sache vraiment pourquoi. On peut avoir de sérieuses inquiétudes quant à la parfaite cohérence de l'ensemble et être perplexe quand on voit le ministère de la justice se laisser dessaisir de la réforme du droit de la famille, véritable coeur du droit civil.
La présente proposition de loi a pour objet de modifier le régime juridique de l'attribution du nom patronymique afin de permettre aux parents de choisir le nom dévolu à leur enfant entre trois possibilités : soit le nom du père, soit le nom de la mère, soit les noms accolés des deux parents dans l'ordre de leur choix. Jusqu'alors, la règle était la transmission automatique du nom du père.
A mes yeux, la réforme envisagée pose un double problème : elle est inopportune et imparfaite.
On peut en effet s'interroger sur l'opportunité d'une telle réforme qui ne répond pas à une réelle attente des citoyens. Elle prend bien sûr sa source dans le souci d'établir l'égalité des sexes au sein des familles, ce qui est une très bonne chose, tout le monde, je pense, en conviendra. Néanmoins, le système mis en place ne peut convenablement refléter l'égalité entre le père et la mère dès lors qu'au cours des générations à venir un seul nom sera transmis au détriment des autres. On verra donc assez rapidement se rompre l'égalité que l'on voulait créer. La réforme, par conséquent, ne répond pas à son objectif majeur.
Il est bien certain que la réforme du droit de la famille est inévitable en raison de l'évolution de la notion même de famille ainsi que de la notion de couple. Certaines questions envisagées, telle l'autorité parentale que nous venons de réformer, ont mérité une réflexion approfondie. Mais d'autres se font encore plus pressantes. Ainsi, en matière de successions, nous avons seulement légiféré sur le sort du conjoint survivant ; rien n'a été fait pour le reste. A mon avis, la proposition de loi relative au nom patronymique n'est pas opportune non seulement en raison des conflits qu'elle peut générer, mais également parce que l'on observe, au sein des familles, un relatif attachement au principe patronymique. Comme M. le rapporteur l'a rappelé tout à l'heure, lorsqu'il y a possibilité de choisir, c'est très majoritairement le choix du nom patronymique qui est fait.
Un autre point mérite d'être souligné : l'échec relatif de la loi du 23 décembre 1985, qui préconise l'emploi du double nom à titre d'usage. Ce texte, qui ouvrait de nombreuses possibilités, n'a, semble-t-il, pas fait l'objet de toute la communication qu'il méritait. En effet, peu de personnes recourent à ces dispositions, alors qu'elles permettraient de satisfaire de nombreuses demandes.
Cette réforme est donc inopportune, mais elle est aussi imparfaite. En effet, sous couvert de respecter l'égalité des sexes, la dévolution du nom reposera non plus sur l'automatisme, mais sur l'obligation imposée aux parents de choisir le nom de leurs enfants. Autrement dit, l'obligation légale nécessitera le consentement des parents. Ce consentement devra exister et être intègre, comme en matière contractuelle. La question de l'existence du consentement des parents trouvera sa source chaque fois qu'un litige portera, en particulier, sur la représentation d'un parent par un autre. On peut imaginer que ce cas de figure se présentera souvent. Ainsi, l'un des parents se fera représenter par l'autre, puis celui qui aura été représenté remettra en cause le choix de celui qui l'aura représenté devant l'officier d'état civil. Par ailleurs, la question de l'intégrité du consentement pourra se poser, par exemple, si l'un des parents a choisi tel ou tel nom sous couvert de pressions familiales. On peut tout à fait imaginer de tels cas. Comment vérifiera-t-on que le nom choisi respecte bien le principe de liberté parentale ? Je vois là une source de conflits infinie. Un époux pourra-t-il alléguer que son consentement a été vicié par l'entourage familial ? Dans ce cas, quelles en seront les conséquences ?
Autre problème : le texte tel qu'il résulte des travaux de l'Assemblée nationale prévoit que, en cas de désaccord des parents, l'ordre alphabétique des noms prévaudra. Je ne voudrais pas vous faire sourire, mais j'ai moi-même un nom qui commence par un Z ! En l'occurrence, je ne suis pas préoccupé par ma situation personnelle. A titre d'exemple, j'ai examiné la liste des noms des sénateurs, qui est sans doute assez représentative : avec les sept premières lettres de l'alphabet, vous avez plus de la moitié du Sénat. (M. Paul Blanc acquiesce.) On voit très bien que, assez rapidement, après quelques générations, les noms commenceront par l'une des sept premières lettres de l'alphabet. Il s'agit donc d'une disposition totalement discriminatoire, arbitraire et - j'ai le regret de le dire - stupide. En effet, pourquoi retenir l'ordre alphabétique, et nom l'ordre alphabétique inversé ? J'observe que, quand on se fonde sur l'ordre alphabétique pour faire un choix, on prend la précaution de tirer au sort une lettre. (M. Paul Blanc opine.) Le dispositif retenu par l'Assemblée nationale me paraît donc aberrant.
Tous les éléments que je viens de développer montrent que l'attribution du nom sera inévitablement source de conflits entre les familles, d'autant plus que les députés n'ont pas prévu l'hypothèse des générations futures, point que nous devrons examiner en détail.
En réalité, aucun système de dévolution du nom n'est réellement satisfaisant. En effet, il est très difficile de concilier le principe de l'égalité des sexes, le principe de l'égalité des filiations et le principe d'indisponibilité de l'état des personnes.
Mais tout système de dévolution du nom doit être aussi fondé sur un impératif de stabilité.
La réforme des règles de transmission du nom est une question très délicate, qui impose un difficile équilibre entre le principe d'égalité entre tous les individus, en particulier entre les hommes et les femmes, et le respect de la stabilité des règles de l'état civil. Selon moi, les solutions dégagées par notre commission des lois permettent d'atteindre ce difficile équilibre. Elles assurent la liberté de choix, dans la paix des familles, et évitent de porter une atteinte disproportionnée au principe d'indisponibilité du nom, qui demeure le fondement de notre droit.
En conséquence, nous voterons le texte tel qu'il ressort des travaux de la commission des lois, tout en estimant que cette réforme n'a aucun caractère d'urgence et qu'elle n'est pas réellement opportune. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Masson.
M. Jean-Louis Masson. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, je considère, pour ma part, que la présente proposition de loi est une excellente réforme, qui aurait du être mise en oeuvre depuis longtemps. Par rapport à la plupart des démocraties, la France est en effet très en retard en la matière. A mes yeux, les auteurs de cette proposition de loi puis la quasi-totalité des députés - puisque ce texte a été voté à la quasi-unanimité à l'Assemblée nationale - ont accompli un bon travail, mis à part sur un ou deux points qui méritent sans doute d'être réexaminés.
Certains considèrent que nous légiférons dans la précipitation. Il faut tout de même noter que cette proposition de loi a été transmise au Sénat voilà plus de six mois, et donc que ceux qui souhaitaient l'étudier ont pu le faire. Aussi, nous n'avons pas été saisis de cette question de manière soudaine, d'autant que ce problème se pose depuis très longtemps dans notre pays. Je rappellerai que, en 1981, François Mitterrand, alors candidat à la présidence de la République, avait fait de ce projet l'une de ses cent dix propositions. C'est l'une des nombreuses propositions qu'il n'a pas respectées ! (Sourires sur plusieurs travées.) Je l'ai regretté à l'époque et je n'ai pas manqué de le souligner. J'ai interpellé le Gouvernement à de nombreuses reprises sur ce point. En effet, quand j'étais député, j'ai beaucoup oeuvré pour faire avancer ce dossier.
En France, nous sommes, en ce domaine, devant un véritable vide juridique. En effet, la loi de référence, c'est la loi du 6 Fructidor An II, qui dispose simplement qu'aucun citoyen ne pourra porter de nom ni de prénom autres que ceux qui sont exprimés dans son acte de naissance. En fait, c'est la jurisprudence qui, de manière tout à fait arbitraire et sans aucun fondement, a interdit aux citoyens de choisir le nom du père ou le nom de la mère pour transmettre le nom.
Nous sommes donc en présence d'une construction arbitraire des juges à laquelle nous nous étions habitués, mais le moment est venu de progresser en la matière.
L'aboutissement auquel nous parvenons aujourd'hui résulte d'un très long cheminement. En effet, la plupart des pays européens étaient bien en avance sur nous. Nos voisins allemands, par exemple, s'y sont pris à deux fois pour élaborer un texte réellement égalitaire, à l'instar de celui qui a été adopté par l'Assemblée nationale. En effet, la Cour constitutionnelle de Karlsruhe avait, dans un premier temps, cassé le texte qui avait été adopté. Tous les pays du nord et du sud de l'Europe, à l'exception de l'Italie et de la Belgique, avaient donc adopté un système égalitaire.
Pour ma part, j'ai déposé en cinq législatures cinq propositions de loi en ce domaine. A l'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe au sein de laquelle je représentais la France, j'ai fait voter, en 1995, à la majorité des deux tiers, une recommandation qui condamnait les trois pays membres du Conseil de l'Europe en retard en la matière. Certes, cette recommandation n'a pas eu de suite, mais vous avez ainsi la preuve que j'ai de la suite dans les idées ! (Sourires.)
Sur ce point, le moment est venu de nous mettre en accord avec nos engagements. Si je dis cela, c'est parce que la France a signé des accords internationaux. On a cité la Convention européenne des droits de l'homme qui n'était pas très claire en ce domaine. Mais d'autres conventions européennes, prises dans le cadre du Conseil de l'Europe, le sont. En outre, la convention sur l'égalité entre les hommes et les femmes interdit toute discrimination en matière d'état civil.
Je souhaite aujourd'hui que nous votions un texte qui supprime toute discrimination. Voter un texte contraire à un engagement international de la France revient à violer la Constitution puisque toutes les lois que nous votons actuellement doivent respecter lesdits engagements.
Dès lors, nous pouvons nous demander pourquoi nous n'avons pas progressé plus vite en ce domaine.
L'une des raisons tient à l'extraordinaire conservatisme de la technostructure malthusienne du ministère de la justice. En fait, que les gouvernements soient de droite ou de gauche, la technostructure du ministère de la justice a toujours tout mis en oeuvre pour bloquer le système.
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. C'est vrai !
M. Jean-Louis Masson. Et si, aujourd'hui, nous discutons de ce texte, c'est grâce, non pas au ministère de la justice, mais à une initiative parlementaire ! Je rends donc hommage aux parlementaires qui ont déposé cette proposition de loi, et à ceux qui, à l'Assemblée nationale, l'ont fait progresser. En effet, si nous avions attendu que la technostructure du ministère de la justice évolue, ce n'est ni aujourd'hui ni demain que nous serions arrivés à un tel résultat !
Et je ne dis pas cela par hasard : après en avoir discuté avec des ministres de la justice de droite comme de gauche, j'ai l'impression que, au ministère de la justice, la politique est faite par un certain nombre de fonctionnaires !
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Ce n'est plus vrai ! Nous avons fait la révolution !
M. Jean-Louis Masson. D'ailleurs, un exemple de cela nous est donné par ce que l'on appelle le nom d'usage. Quand M. Badinter, alors ministre de la justice, avait présenté son projet de loi, j'avais, avec un amendement, mis le Gouvernement en porte à faux sur les propositions du président Mitterrand ; et comme le gouvernement ne voulait pas laisser adopter cet amendement tout en ne voulant pas non plus désavouer la promesse du président Mitterrand, il a sorti de son chapeau le nom d'usage, qui est une gigantesque imposture ! Je le dis, comme je l'avais dit à l'époque : le nom d'usage est une imposture, car c'était un combat d'arrière-garde conduit par le ministère de la justice pour noyer le poisson ! En fait, le nom d'usage ne sert strictement à rien car il n'est pas transmissible, et du coup - cela a déjà été dit tout à l'heure - il n'est pas utilisé ; à juste titre, dirai-je, car les Français n'ont aucune raison d'entrer dans le jeu d'une imposture !
Pour ma part, je m'étais battu à l'époque contre cette proposition, qui donnait l'impression de régler le problème mais, en fait, ne réglait rien du tout ! Je souhaite donc que cette disposition du nom d'usage disparaisse. En effet, que la réforme soit ou non adoptée, le nom d'usage ne sert à rien ! Il permet simplement de se donner bonne conscience et, ce faisant, de maintenir le statu quo inégalitaire, discriminatoire et sexiste en la matière.
Des arguments à l'encontre d'une telle réforme peuvent bien sûr être avancés. Etant l'auteur d'au moins 50 ou 60 questions écrites sur le sujet, je connais tous ceux qui peuvent être présentés par le ministère de la justice !
Le premier argument consiste à considérer qu'une réforme relative au nom patronymique compliquerait l'état civil. Mais, disant cela, on se moque du monde ! En effet, nos voisins y parviennent. Les Français seraient-ils plus bêtes que les autres pour, eux, ne pas y arriver ? J'ajoute que les couples de concubins parviennent à choisir le nom patronymique de leur enfant en s'arrangeant pour que celui qui porte ce nom reconnaisse l'enfant le premier. Ce n'est pas plus compliqué que ça pour les concubins ! Or, un enfant sur trois naît hors mariage. Par conséquent, si cela fonctionne bien pour un enfant sur trois, je ne vois pas pourquoi cela ne pourrait pas fonctionner pour trois enfants sur trois !
Autre argument : les enfants continueront finalement à porter le nom du père, les gens y sont attachés, et cette réforme serait donc inutile.
Mais cette réforme n'a jamais eu pour objet d'empêcher M. Dupont, M. Durand ou M. Tartempion, qui tient à son nom comme à la prunelle de ses yeux, de le transmettre à ses enfants ! Elle tend à permettre de façon égalitaire la transmission du nom de la mère lorsque le père ne souhaite pas, quant à lui, transmettre son nom. Tout le monde est très fier de son nom et attaché à sa beauté. Mais pour quelle raison empêcherait-on une femme fière de son nom de le transmettre ?
On dit aussi qu'une telle réforme n'intéresse personne. C'est entièrement faux ! A la suite de mon travail sur ce dossier, j'ai acquis une certaine réputation en la matière sur le plan national. Et je peux vous assurer que chaque article paru dans la presse sur ce sujet m'a valu un courrier énorme : « Quand votre proposition va-t-elle avancer ? », me demandait-on. J'ai d'ailleurs essayé d'inciter des gens à attaquer la France devant la Cour européenne des droits de l'homme, car cela me semblait le seul moyen de faire progresser les choses. J'y serais arrivé si, au dernier moment, le couple ayant engagé un recours n'y avait pas renoncé !
J'avoue que, quand j'ai appris que l'Assemblée nationale allait voter cette proposition de loi, je n'y croyais pas trop ! En effet, compte tenu des blocages existants, cela me paraissait vraiment extravagant et extraordinaire.
On évoque, s'agissant d'une réforme relative au nom patronymique, l'onomastique : le patrimoine historique français en matière de noms s'appauvrit. Comme je l'ai longuement développé à l'occasion des différentes propositions de loi que j'ai déposées, il s'agit d'un simple problème mathématique : quand quarante personnes seulement portent un nom, il y a une probabilité pour que ce dernier ait disparu au bout de trois générations ! Cela ne peut être nié et a d'ailleurs été démontré dans divers ouvrages.
Si des noms disparaissent, d'autres noms se créent. En effet, avec les phénomènes migratoires et l'arrivée de personnes en provenance d'Afrique et d'Asie, d'autres noms, à consonances étrangères, apparaissent. Par conséquent, celui qui veut garder un nom à consonance étrangère peut le conserver ; mais ce n'est pas une raison pour accepter la disparition des racines de noms français.
Je voudrais maintenant dire un mot sur ce qu'a proposé l'Assemblée nationale : il y a un point auquel, finalement, je me rallie et un autre sur lequel je ne suis pas d'accord.
Tout d'abord, je pensais que mieux valait laisser les parents choisir entre le nom du père et celui de la mère, plutôt que d'adopter la procédure des deux noms accolés, qui me semblait un peu compliquée. Mais, étant donné qu'un tel dispositif fonctionne dans d'autres pays, y compris dans les pays d'Europe du Nord puisque cela a été introduit par des réformes ponctuelles, et compte tenu du fait que l'Assemblée nationale avait l'air mobilisée sur ce point, je m'y rallie.
Par ailleurs, il est un point sur lequel je ne suis pas du tout d'accord : le fait de retenir, en cas de désaccord entre les deux parents, l'ordre alphabétique. C'est l'arbitraire le plus total ! Ainsi, je ne vois pas pourquoi M. le rapporteur, sous prétexte que son nom commence par une lettre placée à la fin de l'alphabet, serait brimé par rapport à un nom qui commencerait pas la lettre A ou B !
M. Henri de Richemont, rapporteur. Merci ! (Sourires.)
M. Jean-Louis Masson. Cela ne me paraît pas sain !
Il faut donc trouver une solution. Je pense, pour ma part, qu'il y en a deux.
Tout d'abord, il faut à mon avis, comme cela se pratique en Allemagne et dans presque tous les pays, que les couples choisissent le nom de famille au moment du mariage ou de la signature du Pacs. Ainsi, le problème est réglé, et il n'y a plus de contentieux. Le problème se poserait alors uniquement pour les personnes non mariées : dans ce cas, très souvent, la reconnaissance de l'enfant n'est pas simultanée, ce qui permet de réger la question.
Par ailleurs, il faut trouver une solution qui ne soit pas sexiste. L'idée que je défendrai dans mes amendements consiste à choisir le nom du parent le plus âgé. Cela revient quasiment au même que de choisir le nom du père, puisque, très souvent, c'est le père qui est le plus âgé. Mais, privilégier le nom du père revêt une dimension sexiste, alors que choisir le nom du parent le plus âgé permet de trouver une solution.
Si des solutions meilleures existent, je suis tout à fait prêt à m'y rallier, à condition qu'elles respectent une égalité totale.
Je souhaite donc que nous arrivions tous à nous mettre d'accord, car il ne nous reste plus guère de temps avant la fin de cette législature.
Comme vous l'avez tous compris, je suis très favorable à une réforme sur ce point (Sourires), et j'ai déposé divers amendements.
Je souhaite que, très prochainement, quelques petits Français - ils ne seront peut-être pas nombreux, M. le rapporteur a raison - puissent profiter de cette réforme. En tout cas, je serai ravi de pouvoir en parrainer un !
M. le président. La parole est à Mme André.
Mme Michèle André. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à l'heure où la parité est à l'honneur et la mutation du droit de la famille en cours de modification, il convient d'ouvrir le débat sur les principes régissant la transmission du nom patronymique.
Jusqu'à la fin du xixe siècle, le nom n'a pas fait l'objet d'une réglementation d'ensemble dans le code civil. Les seules dispositions en vigueur remontaient au droit intermédiaire, avec la loi du 6 Fructidor an II qui posait le principe de l'interdiction des changements de nom et la loi du 10 germinal an XI relative aux prénoms et à la modification du nom patronymique.
Depuis la fin du xixe siècle, diverses lois réglant quelques points fragmentaires ont été promulguées. Mais ce sont surtout la coutume, la jurisprudence et la pratique administrative qui ont dessiné les contours de l'institution du nom.
Parmi les mots qui peuvent servir à nommer lato sensu une personne, deux sont essentiels et se retrouvent toujours : le nom de famille et le prénom, le pseudonyme ou la particule restant exceptionnels.
Le nom est la clef de l'individualisation. Qui recherche quelqu'un commence par là. Or une femme mariée qui porte le nom de son mari a plus de difficultés qu'un homme à retrouver ses camarades de classe.
Dans le langage courant, volontiers concret, on parle du nom de famille, du nom de la famille en somme, le prénom étant le nom de l'individu au sein du cercle familial. Dans le vocabulaire du code civil, il s'agit du nom, sans autre précision. Plus savamment, on parle de nom patronymique. Mais, par sa référence au père, cette expression garde une résonance masculine qui, parfois, choque aujourd'hui certaines oreilles.
Cela n'a pourtant pas tout à fait lieu d'être étant donné que cette référence au père n'existe pas pour l'enfant naturel ; surtout, depuis la loi du 23 décembre 1985 relative à l'égalité des époux dans les régimes matrimoniaux et des parents dans la gestion des biens des enfants mineurs, toute personne majeure a la faculté de se composer un nom à deux branches : il est possible - mais simplement, bien sûr, à titre d'usage - d'ajouter à son nom le nom de celui de ses parents qui ne lui a pas transmis le sien.
L'attribution du nom s'opère en fonction de la situation matrimoniale du couple parental. Lorsque les parents sont mariés, tout le monde le sait, l'enfant reçoit le nom de son père. S'ils ne le sont pas, ce qui est de plus en plus fréquent, il reçoit le nom de celui de ses deux parents qui l'a reconnu le premier, ou le nom de son père s'il a été reconnu simultanément par ses deux parents ou si ses parents s'accordent à le lui donner par déclaration conjointe.
Cette hétérogénéité et les transformations de la vie privée des familles qui se sont fait jour ces dernières décennies, marquées notamment par le rééquilibrage entre les sexes, peuvent expliquer que l'on recherche une adaptation du régime actuel.
On constate donc l'existence d'un fort courant égalitariste en faveur de l'abandon de la transmission actuelle du nom, que l'on considère, à tort ou à raison, comme une discrimination de caractère sexiste. Un mouvement réformiste s'est manifesté dans notre pays en faveur d'un changement destiné à réaliser aussi, en la matière, l'égalité des époux.
Allant dans ce sens, la Cour européenne des droits de l'homme a, dans son arrêt du 22 février 1994, par application combinée des articles 8-1 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme, condamné la position du tribunal fédéral suisse parce qu'il avait rejeté la demande d'un mari tendant à faire précéder le patronyme de sa femme, en l'occurrence nom de la famille, du sien propre dans son identification personnelle. Cette décision est lourde de menaces pour la France.
De surcroît, lorsque l'on se penche sur la pratique qui prévaut dans les autres pays européens, on se rend vite compte que ces derniers connaissent dans ce domaine une législation plus égalitaire et plus souple que la nôtre.
Toutefois, une réforme en ce domaine mérite une réflexion très approfondie eu égard à la complexité inévitable de ses implications psychologiques, familiales et sociales.
La difficulté tient essentiellement au choix d'une solution de remplacement, car il n'est guère concevable d'autoriser des adjonctions augmentant sans cesse avec les générations. Faut-il alors prévoir un système automatique de retrait des patronymes en fonction du sexe ou de l'identité des enfants ou encore faire dépendre l'attribution du nom d'une option opérée par les époux ou par leurs enfants ? Cette question a déjà fait l'objet d'un long débat lors de la discussion de la loi du 23 décembre 1985.
Partant du constat qu'imposer le nom du père et effacer celui de la mère consiste à maintenir une hiérarchie périmée dans le droit de la famille, la proposition de loi qui nous est soumise vise à offrir aux couples le choix entre le nom paternel, le nom maternel ou le double nom du père et de la mère accolés et, en cas de désaccord entre les parents, accolés dans l'ordre alphabétique, dans la limite d'un patronyme pour chacun. Toutefois, lorsque le nom de l'un des parents est composé de plusieurs patronymes accolés, un seul patronyme peut être conservé.
C'est ainsi une liberté supplémentaire qui est accordée et l'on constate que les lois qui ouvrent des espaces de liberté sont bien utilisées. Celle-ci permettra de respecter les choix individuels et d'éviter les contentieux.
Ce texte pourrait permettre également d'éliminer les patronymes ridicules ou non désirés et, surtout, de supprimer toute discrimination entre filiation légitime et filiation naturelle.
La commission des lois, partageant le souci de nos collègues députés de favoriser l'évolution du droit en vigueur au regard des nombreuses mutations qui affectent l'institution familiale, a conservé la triple option ouverte par l'Assemblée nationale en cas d'accord entre les parents. Toutefois, elle prévoit que, en cas de désaccord ou d'abstention de choix des parents, il y aura transmission automatique du nom du père. Nous devons en débattre.
Ainsi, cette proposition de loi peut trouver une issue relativement satisfaisante. Je le souhaite, ce serait un excellent moyen de clore nos débats, comme vous l'avez dit lors de votre intervention, madame la garde des sceaux. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Guené.
M. Charles Guené. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, voilà un texte bien singulier qui vient devant notre Haute Assemblée, mais dont il convient de ne pas sous-estimer l'impact.
Jusqu'à maintenant, lorsqu'on comparaît devant les tribunaux pour solliciter un changement de nom patronymique, c'est essentiellement et généralement au nom de l'intérêt d'un enfant. Sinon, hors les cas très particuliers de la descendance des victimes de guerre et de la francisation, cette démarche relève le plus souvent d'une certaine coquetterie ou d'un usage en certains milieux, qui a d'ailleurs été consacré par la loi du 23 décembre 1985.
Dès lors, j'ai été amené, comme certains d'entre vous, mes chers collègues, à me poser la question de la pertinence de ce texte et surtout du moment choisi pour sa discussion à marche forcée, en des temps où l'on nous reproche, par ailleurs, de faire obstacle aux exigences législatives du moment, si j'en crois l'incident d'hier.
Ce texte serait une nécessité impérieuse.
Il a été indiqué par d'autres avant moi, et de belle manière, que, depuis les Mérovingiens, notre droit avait progressivement effacé les dispositions sexistes que pouvait avoir notre conception patriarcale de la transmission du nom.
Ainsi, des dispositions précises permettent, au nom de l'intérêt légitime notamment, de régler la plupart des litiges. Au fil du temps, et chacun s'en félicite, nous avons par ailleurs gommé les exclusions qui entravaient la vie quotidienne de nos compagnes, sur le plan de la vie politique, de la vie professionnelle et des droits civils.
Qu'est-ce donc qui motiverait l'impérieuse nécessité de rompre avec les dernières survivances de nos pratiques séculaires, que certains n'hésitent pas à qualifier de saliques ?
J'ai relevé les deux arguments majeurs qui sont développés à cet égard.
Le premier se réfère au principe d'égalité des sexes, auquel nous appelle la Cour européenne de Strasbourg dans un jugement de 1994, et, corrélativement, à l'inégalité de traitement que nous réservons actuellement aux couples mariés, par rapport à ceux qui ne le sont pas.
Le second argument repose sur le risque d'appauvrissement onomastique, puisque, si l'on en croit les experts, en deux siècles les homonymes auront été multipliés par dix, ce qui a fait dire à Xavier Deniau que, un jour, tous les français s'appelleraient Martin.
Je souhaiterais à cet égard rappeler quelques évidences, notamment quant à l'urgence à laquelle nous serions dangereusement acculés.
La Cour européenne s'appuie essentiellement sur la convention du 18 octobre 1979 concernant l'élimination des discriminations à l'égard des femmes, en exigeant la libre jouissance de droits et libertés identiques pour les deux sexes.
Arrêtons-nous un instant sur la distinction entre la notion de droits et celle de libertés.
Convenez avec moi que, au regard des préjudices véritables et tangibles, notre législation a rétabli la femme en ses droits en matière de filiation et de droits de la famille.
Il reste effectivement ce dernier maillon, qu'une culture millénaire, ainsi que la pratique coutumière, n'a pas su gommer : la transmission du nom.
Chacun admettra ici que nous n'en sommes plus qu'au rang des principes et qu'il s'agit de la discussion d'une liberté de choix, d'une faculté offerte.
Si nous nous plaçons sur le champ expérimental et que nous regardons chez nos voisins qui ont adopté le principe de la liberté de choix, nous constatons que seulement 5 % des familles ne retient pas le choix paternel. Il en est d'ailleurs de même pour le recours à l'article 43 de la loi de 1985, qui permet le changement à titre d'usage en France. La formule ne fait donc pas forcément recette.
Je souhaiterais également avancer un argument qui n'a pas été relevé.
Si certains s'insurgent contre la liberté dont disposent les parents d'enfants naturels par rapport aux couples mariés, je dirai que la liberté peut cesser à partir du moment où l'on contractualise.
Dans le cadre synallagmatique, rien ne s'oppose à ce que la femme accepte, par le lien du mariage, de se placer dans une logique de couple, où la place du père est clairement marquée.
C'est une forme de conception qui peut être délibérément choisie en cette période où notre société est à la recherche de repères.
M. Bruno Sido. Tout à fait !
M. Charles Guené. Le droit n'est donc pas à ce point bafoué que l'état d'urgence doive être proclamé !
On est par conséquent en droit de se demander si l'on n'est pas confronté à une tentative de diversion visant en réalité à modifier une certaine image de la famille qui perdure au-delà des réformes.
S'agissant de l'épuisement annoncé de notre gisement patronymique national, je rappelle que les experts les plus pessimistes s'accordent pour en mesurer les effets dans deux siècles... Il a été dit tout à l'heure que le gisement n'était pas prêt d'être tari ! Je pense que la Haute Assemblée conviendra avec moi qu'il n'y avait pas urgence à mettre fin à ce péril !
M. Bruno Sido. Absolument !
M. Charles Guené. Il reste que, comme beaucoup de nos collègues, je ne souhaiterais pas me voir taxer de ringardise, voire de machisme, au prétexte que, à l'instar des constituants de 1791, je n'aurais pas décelé l'élan irrésistible qui nous presse aujourd'hui, en ce 20 février 2002. Aussi, je ferai ce pas vers l'égalitarisme généreux, mais pas à n'importe quel prix.
Je souscris d'ailleurs aux orientations générales de la proposition de loi, qui préconise une large ouverture lorsque les parents sont d'accord, en permettant alors la triple option du choix de l'un des parents ou leur combinaison.
En revanche, il n'est pas possible, à mon sens, d'adopter, pour le cas où il n'y aurait pas d'entente possible, des mesures qui viendraient bouleverser totalement l'économie du droit de la famille ; en effet, les solutions préconisées ne sont pas bonnes et, en outre, elles devraient s'inscrire dans un cadre plus large.
Les dispositions d'ordre technique contenues dans la proposition de loi ne sont pas recevables, et ce pour plusieurs raisons.
La mesure essentielle qui nous oppose est la solution retenue lorsque les parents sont en désaccord.
Dans ce cas, la proposition de loi opte pour l'ordre alphabétique ; la commission des lois propose la transmission automatique du nom du père.
Je pourrais dire que je suis rassuré que la proposition de loi n'ait pas retenu le tirage au sort ou le quatre-cent-vingt-et-un pour décider de l'ordre ! (Sourires.) Mais, en poussant le raisonnement à l'absurde, j'ai de fortes craintes quant à l'évolution de notre stock de noms patronymiques. Par le jeu des désaccords successifs, dans deux siècles, nous ne nous appellerons plus Martin, mais Abdallah, si vous me permettez cette facétie !
Sur le fond, je dirai plus sérieusement que le choix retenu par la commission des lois de s'en remettre à l'état actuel du droit en cas de désaccord me semble une solution de prudence et de sagesse.
Comme je crois l'avoir largement développé, il n'y a pas urgence. Aussi, dans la mesure où la plupart des indicateurs laissent penser que nos concitoyens sont très majoritairement pour le respect de cette coutume, veillons à préserver la paix des familles, qui n'avaient sans doute pas besoin de cette nouvelle pomme de discorde.
Par ailleurs, les contentieux, pressentis mais ignorés à l'heure actuelle, ne manqueront pas de surgir. Ils demanderont sans aucun doute un certain recul à notre jurisprudence et à notre droit. Ce texte paraît encore prématuré dans certains de ses prolongements.
Au nom de la seule modernité, on ne bouleverse pas mille ans d'histoire en allant à l'encontre de traditions multiséculaires, qui, par ailleurs, n'ont pas d'effets nuisibles apparents.
M. Bruno Sido. Et en urgence !
M. Charles Guené. Chacun sent bien ici qu'il eût sans doute été urgent d'attendre encore un peu, ne serait-ce que pour inscrire cette proposition de loi dans le cadre d'une nécessaire remise à plat du droit de la famille et de la filiation, avec toutes ses incidences et ses évolutions.
La commission des lois l'a bien senti puisqu'elle a enrichi le texte dans toutes les dispositions qui s'y prêtaient, en préférant la technique de l'évolution au bouleversement, en privilégiant demain plutôt que l'instant et en faisant preuve de réalisme plutôt qu'en recherchant l'effet d'annonce.
Je ne reviendrai pas sur les difficultés qui sont liées à la date d'application de ce texte et au sort des enfants nés avant son entrée en vigueur ou avant ce jour et dont Mme le ministre vient de nous brosser un tableau pour le moins inquiétant.
C'est pourquoi, non sans avoir eu une pensée émue, en ce jour propice aux références littéraires, pour Mme Adélaïde Fouque-Rougon Macquart et les angoisses métaphysiques qu'elle aurait pu éprouver devant une décision anticipée de la Haute Assemblée, je vous recommande, mes chers collègues, de suivre la commission des lois et d'adopter les amendements qu'elle nous proposera. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Mathon.
Mme Josiane Mathon. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en abordant ce texte consacré à la réforme du nom patronymique, je voudrais d'abord souligner la portée du débat majeur que la majorité parlementaire a su faire naître au cours de cette législature en reconnaissant aux hommes et aux femmes un égal accès aux responsabilités publiques.
Depuis, en effet, la reconnaissance de la parité dans tous les domaines de la vie s'impose comme une exigence incontournable.
S'il reste de nombreuses questions à traiter, telles que l'égalité des salaires et des carrières professionnelles, je ne peux que me réjouir que, à l'occasion de la lecture de ce texte, nous nous apprêtions à faire avancer ce beau combat.
A peu de temps de la journée du 8 mars, c'est un nouveau droit pour les femmes qu'il nous faut ouvrir, répondant ainsi à une demande plus générale de notre société et confirmant que toute avancée des droits des femmes est une avancée pour l'ensemble de la société.
Il s'agit, ni plus ni moins, d'effacer un symbole de la domination d'un sexe sur l'autre. La transmission systématique du nom du père aux enfants s'intègre en effet dans un modèle patriarcal de la famille et de la société.
S'attaquer à ce symbole, c'est permettre de faire progresser la société vers plus d'égalité entre les hommes et les femmes, c'est soustraire les individus à une domination certes symbolique mais qui, dans bien des domaines, persiste à façonner les mentalités.
Nous nous inscrivons dans un processus encouragé légitimement par la Cour européenne des droits de l'homme, interdisant toute discrimination d'ordre sexiste dans l'attribution du nom de famille aux enfants.
Avec cette proposition de loi, il s'agit non de rendre obligatoire un autre mode exclusif de transmission d'un nom de famille aux enfants, mais bien d'ouvrir des possibilités, de laisser aux parents la liberté de choisir. Une famille n'est-elle pas toujours fondée par deux personnes aux origines différentes ? La loi doit permettre à une mère d'être l'égale d'un père et lui permettre de transmettre son nom sans nier pour autant celui du père.
Le groupe communiste républicain et citoyen approuve sans réserve le texte initial, qui permet d'affirmer un peu mieux la co-parentalité, même si cette réforme est encore à parachever.
Je tiens ici à saluer la sagacité de notre amie la députée Janine Jambu, qui a déposé, dès le début de cette législature, en juillet 1997, une proposition de loi allant dans ce sens. C'est au demeurant son texte qui est apparu comme le plus pertinent, parmi d'autres propositions parlementaires, pour constituer le socle de la présente proposition de loi.
Ce texte permettra d'avancer dans la reconnaissance et le respect de la personnalité et de l'identité de chaque individu.
La possibilité du double nom permettra de maintenir la filiation entre un père et son enfant, dont certains craignent qu'elle ne s'affaiblisse. Mais ce lien particulier est toujours double : la filiation ne peut être complète sans la transmission par les deux parents de leur patronyme.
Le double nom permettra également, et je m'en félicite, de renforcer, au gré des histoires personnelles, les liens héréditaires. La diversité du patrimoine patronymique n'est pas pour nous une lubie de collectionneurs ou de passionnés d'histoire. C'est une richesse culturelle que nous ne souhaitons pas voir s'effilocher au fil des générations.
La France du xxie siècle a besoin que ses enfants soient fiers de la multiplicité de leurs origines. Toutefois, le métissage qui est à l'oeuvre ne doit pas signifier la disparition de noms qui portent en eux aussi bien les saveurs de l'Auvergne que celles de la Sicile, les couleurs de la Bretagne comme celles des Antilles, les accents de la langue alsacienne ou ceux de la langue kabyle. Cette diversité est à la fois un bien personnel individuel et un bien commun. C'est le signe tangible et multiple de notre longue histoire.
Une existence ne prend de sens qu'à travers des relations humaines particulières, à travers les rencontres que chacune ou chacun fait. La possibilité de garder officiellement la mémoire des lieux où l'on vit avec les autres est aussi une bonne chose. En permettant de déclarer la naissance à l'officier d'état civil de sa commune et non de celle où est situé son centre hospitalier, le texte, en son article 7 bis, favorisera cette mémoire.
Les familles du xxie siècle prennent des formes diversifiées. Qui s'en plaindrait ? En permettant aux individus de porter les noms de leurs deux parents, la loi reconnaîtra ce phénomène. En même temps, elle continuera à garantir la cohésion familiale : les enfants nés de mêmes parents porteront tous le même nom.
Certains souhaiteraient que la loi puisse favoriser la systématisation du double nom. Nous ne croyons pas qu'en ce domaine il faille imposer par la loi un usage strict.
Mais, plus fondamentalement encore, nous cherchons avec ce texte, à sortir d'un modèle unique. Laissons alors simplement nos concitoyennes et nos concitoyens libres de décider. Les habitudes, les mentalités se forgeront d'elles-mêmes.
Le texte de l'Assemblée nationale nous satisfait. Souhaitons qu'il ne soit pas trop modifié dans cette enceinte ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.

Article additionnel avant l'article 1er



M. le président.
L'amendement n° 4 rectifié, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :
« Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Il est inséré, avant le dernier alinéa de l'article 76 du code civil, un alinéa ainsi rédigé :
« ... ° Le nom des enfants à venir du couple. Ce nom est soit celui d'un des deux époux, soit l'association de leurs deux noms accolés dans l'ordre choisi par eux, dans la limite d'un patronyme pour chacun d'eux. »
« II. - Le deuxième alinéa de l'article 515-3 du même code est complété par trois phrases ainsi rédigées : "Cette convention mentionne obligatoirement le nom des enfants à venir du couple. Ce nom est soit le nom d'un des deux cocontractants, soit l'association de leurs deux noms accolés dans l'ordre choisi par eux, dans la limite d'un patronyme pour chacun d'eux...". »
La parole est à M. Masson.
M. Jean-Louis Masson. Face au risque de divergence entre le père et la mère, on peut évidemment pratiquer la politique du pire, qui reviendrait, en l'occurrence, à laisser les conflits se multiplier pour, en fin de compte, mieux maintenir le système de transmission actuel, au profit du nom du père. Mais on peut aussi éviter de susciter les conflits.
La plupart des pays européens ont mis en place un choix des parents, du moins lorsqu'il s'agit de couples stables. Il est clair, en effet, que des divergences entre le père et la mère ne peuvent surgir qu'exceptionnellement lorsque ceux-ci ne sont ni mariés ni liés par un PACS. Dans le cas de parents qui ne vivent pas en couple, c'est en général celui qui reconnaît l'enfant le premier qui transmet son nom. Dans les autres cas, pour éviter les problèmes, la quasi-totalité des pays qui nous entourent prévoient qu'au moment du mariage ou de la signature d'un contrat de type Pacs l'homme et la femme se mettent d'accord et décident du nom qui sera porté par les enfants.
C'est ce que je propose dans cet amendement. Cela réglerait en fait les questions d'ordre alphabétique, de priorité donnée au père, etc. Dans l'immense majorité des cas, il n'y aurait plus aucune difficulté.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Henri de Richemont, rapporteur. La proposition de notre collègue vise en fait à introduire le nom conjugal, c'est-à-dire le système allemand, qui permet de choisir, au moment du mariage, le nom qui sera transmis aux enfants.
Je l'ai indiqué tout à l'heure, même en Allemagne, 95 % des couples choisissent le nom du père. (M. Masson fait un signe de dénégation.)
L'amendement de M. Masson est contraire non seulement au dispositif qui est proposé par l'Assemblée nationale, mais également à celui qui est envisagé par la commission. Celle-ci émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Je tiens à saluer l'enthousiasme de M. Masson, qui mène sur ce sujet un long combat. Je n'en suis que plus désolée de lui dire que la solution qu'il préconise ne recueille pas l'avis favorable du Gouvernement.
En fait, monsieur le sénateur, vous proposez le choix au moment du mariage ou de la signature du Pacs. Cela présente, me semble-t-il, l'inconvénient majeur de figer le choix des futurs parents, alors même que le projet d'avoir un enfant n'est peut-être pas encore bien présent dans leur esprit.
Il me paraît préférable de prévoir que ce choix s'effectue au moment où l'arrivée d'un premier enfant est une réalité toute proche, le temps du désir d'enfant et de la grossesse permettant aux futurs parents d'accorder leurs volontés sur le nom, comme sur le prénom de l'enfant, d'ailleurs.
On peut également penser que, au moment du mariage ou du Pacs, parfois longtemps avant que n'émerge le désir d'enfant, les éventuels futurs parents, surtout s'ils sont jeunes, risquent d'être sensibles à quelques « douces » pressions familiales et que la vie en commun leur permettra d'être plus responsables de ce choix.
De surcroît, vous créez une différence de traitement difficilement justifiable par rapport aux concubins, qui auraient, eux, le temps du choix jusqu'à la naissance de leur premier enfant.
En bref, monsieur Masson, même si j'approuve beaucoup de vos arguments, je ne peux accepter la proposition que vous formulez en cet instant.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 1er



M. le président.
« Art. 1er - I. - Dans la première phrase du premier alinéa de l'article 57 du code civil, après les mots : "le sexe de l'enfant", sont insérés les mots : ", le nom".
« II. - Après le premier alinéa du même article, sont insérés quatre alinéas ainsi rédigés :
« Lorsque la filiation d'un enfant est établie simultanément à l'égard de ses deux parents, ces derniers choisissent le nom qui lui est dévolu. L'enfant peut acquérir soit le nom de son père, soit celui de sa mère. Il peut aussi acquérir leurs deux noms accolés dans l'ordre choisi par eux, dans la limite d'un patronyme pour chacun d'eux. En cas de désaccord entre les parents sur le nom à conférer à l'enfant, celui-ci acquiert leurs deux noms accolés dans l'ordre alphabétique, dans la limite d'un patronyme pour chacun d'eux.
« Lorsque la filiation d'un enfant est établie successivement à l'égard de ses deux parents, l'enfant acquiert le nom du parent à l'égard de qui sa filiation est établie en premier lieu.
« Lorsque la filiation d'un enfant est établie à l'égard d'un seul parent, il acquiert le nom de celui-ci.
« Les enfants issus des mêmes père et mère portent un nom indentique. »
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 8, présenté par M. de Richemont, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi l'article 1er :
« I. - Dans la première phrase du premier alinéa de l'article 57 du code civil, après les mots : "le sexe de l'enfant", sont insérés les mots : ", le nom de famille".
« II. - En conséquence, dans la troisième phrase du deuxième alinéa, dans la première phrase du troisième alinéa et dans la première phrase du dernier alinéa du même article du code civil, le mot : "patronyme" est remplacé par les mots : "nom de famille". »
Le sous-amendement n° 33, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Dans le I du texte proposé par l'amendement n° 8, après les mots : "le nom de famille", ajouter les mots : "suivi le cas échéant de la mention de la déclaration conjointe de ses parents quant au choix effectué,". »
L'amendement n° 3, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :
« I. - Avant le premier alinéa du texte proposé par le II de l'article 1er pour insérer quatre alinéas après le premier alinéa de l'article 57 du code civil, insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« Lorsque la filiation d'un enfant est établie simultanément à l'égard de ses deux parents ayant contracté mariage, lui sera dévolu le nom choisi dans l'acte de mariage prévu à l'article 76.
« Lorsque la filiation est établie simultanément à l'égard de ses deux parents ayant conclu un pacte civil de solidarité, lui sera dévolu le nom choisi dans la convention prévue au deuxième alinéa de l'article 515-3. »
« II. - En conséquence dans la première phrase du premier alinéa du texte proposé par le II de l'article 1er pour insérer quatre alinéas après le premier alinéa de l'article 57 du code civil, après les mots : "ses deux parents", insérer les mots : "n'ayant ni contracté mariage ni conclu un pacte civil de solidarité". »
« III. - En conséquence, dans le premier alinéa du II, remplacer les mots : "quatre alinéas" par les mots : "six alinéas". »
L'amendement n° 2 rectifié, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :
« Dans la dernière phrase du premier alinéa du texte proposé par le II de l'article 1er pour insérer quatre alinéas après le premier alinéa de l'article 57 du code civil, remplacer les mots : "dans l'ordre alphabétique" par les mots : ", le premier étant le nom de celui des deux parents qui est le plus âgé". »
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 8.
M. Henri de Richemont, rapporteur. J'ai déjà évoqué cet amendement dans mon intervention liminaire.
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux, pour présenter le sous-amendement n° 33.
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Je suis tout à fait d'accord pour l'emploi de l'expression « nom de famille ».
Dans l'article 57 du code civil, qui est relatif à l'acte de naissance, il suffit effectivement de préciser que le nom de l'enfant est désormais mentionné dans cet acte. Je propose d'y ajouter la référence à la déclaration conjointe des parents.
M. le président. La parole est à M. Masson, pour présenter les amendements n°s 3 et 2 rectifié.
M. Jean-Louis Masson. Ces amendements s'inscrivent dans la logique de l'amendement que j'ai présenté tout à l'heure.
L'amendement n° 3 est d'ailleurs de coordination avec mon amendement n° 4 rectifié.
Quant à l'amendement n° 2 rectifié, il permet de régler les divergences éventuelles en maintenant une égalité entre le père et la mère, donc sans donner aucune priorité au père, et revenir ainsi de manière détournée à la situation actuelle.
J'ajouterai une simple remarque : dans la mesure où l'on ne veut pas que le choix du nom de l'enfant intervienne au moment du mariage, il est aberrant d'introduire la notion de nom de famille ! D'ailleurs, les enfants qui ne sont reconnus que par un parent n'ont pas obligatoirement une famille, mais ils ont un nom. Il faut donc, me semble-t-il, s'en tenir au simple « nom ».
Autant je suis d'accord sur la suppression de l'expression « nom patronymique », qui a effectivement quelque chose de ségrégatif, autant je crois inopportun d'y substituer celle de « nom de famille ».
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 33 ainsi que sur les amendements n°s 3 et 2 rectifié ?
M. Henri de Richemont, rapporteur. La commission est favorable au sous-amendement n° 33.
Pour les raisons que j'ai évoquées tout à l'heure, elle est défavorable à l'amendement n° 3. Il en va de même pour l'amendement n° 2 rectifié, qui vise à supprimer l'ordre alphabétique au profit du nom du parent le plus âgé.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 8, 3 et 2 rectifié ?
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 8 et défavorable aux amendements n°s 3 et 2 rectifié.
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 33, accepté par la commission.

(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix, modifié, l'amendement n° 8, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 1er est ainsi rédigé, et les amendements n°s 3 et 2 rectifié n'ont plus d'objet.

Articles additionnels après l'article 1er



M. le président.
L'amendement n° 1 rectifié, présenté par M. Cointat, Mme Brisepierre, MM. Del Picchia, Guerry et Duvernois, est ainsi libellé :
« Après l'article 1er, insérer un article additionnel rédigé comme suit :
« Après l'article 59 du code civil, il est inséré un article rédigé comme suit :
« Art.... - Toute personne désignée par un nom de famille et, le cas échéant, des prénoms différents, par les actes de l'état civil français et étranger qui la concernent, peut demander la délivrance d'un certificat de diversité de noms et prénoms si elle est ressortissante d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un Etat partie à une convention internationale qui le prévoit ou d'un Etat figurant sur une liste établie par décret.
« Le certificat mentionne, d'une part, le nom de famille et le ou les prénoms de cette personne déterminés conformément à la loi française et, d'autre part, le nom de famille et le ou les prénoms figurant dans tout acte de l'état civil étranger qui la concerne.
« Le certificat a pour objet de constater que les divers noms de famille et prénoms qui y sont mentionnés désignent, selon des législations différentes, la même personne. Il fait foi, jusqu'à preuve du contraire, de l'exactitude de ses mentions relatives à ces différents noms de famille et prénoms.
« Le certificat est établi en France par l'officier de l'état civil du lieu de résidence du demandeur et, à l'étranger, par les agents diplomatiques et consulaires compétents.
« Lorsque la détermination des noms de famille ou prénoms de l'intéressé donne lieu à contestation, la juridiction civile de droit commun est compétente pour connaître de cette contestation.
« Un décret en Conseil d'Etat détermine, en tant que de besoin, les modalités d'application du présent article, notamment les pièces justificatives qui doivent être produites par les intéressés. »
La parole est à M. Cointrat.
M. Christian Cointat. Cet amendement concerne essentiellement les Français ayant une double nationalité ou dont l'acte d'état civil a été dressé à l'étranger, et qui rencontrent de ce fait de sérieuses difficultés dans notre pays.
Imaginons un M. Antoine Dupont, de nationalité française, mais qui a aussi une nationalité sud-américaine. Dans ce pays d'Amérique du Sud concerné, avec le système du double nom de famille que le Gouvernement veut introduire, il s'appelle M. Antonio Dupont-Juarez. Mais, si ce M. Antoine Dupont possède un certain nombre de documents établis dans le pays de son autre nationalité avec son patronyme répondant aux normes de ce même pays, il peut rencontrer d'énormes difficultés pour les faire reconnaître comme pièces justificatives en France.
Ainsi, l'obtention en France d'une équivalence pour un diplôme universitaire obtenu à l'étranger risque de se traduire par un parcours du combattant très difficile pour l'intéressé qui peut se voir opposer la différence de patronyme, l'administration pouvant dire que ce document n'est pas le sien.
C'est la raison pour laquelle ces Français de l'étranger souhaitent, comme pour les Français de métropole ou d'outre-mer, une simplification administrative.
Certes, il peut être extrêmement difficile de faire reconnaître la diversité des patronymes. La France a déjà signé une convention internationale avec trois pays : l'Espagne, l'Italie et les Pays-Bas. Aucun problème particulier ne se pose à l'échelon de l'Union européenne, si ce n'est avec l'Espagne pour les raisons que j'ai évoquées, mais cette convention permet d'apporter la réponse.
Rien n'interdit donc à notre pays de se montrer plus ouvert vis-à-vis de ses ressortissants et de faciliter sur le plan administratif la délivrance d'un certificat de diversité de patronymes chaque fois, bien entendu, que l'autre pays offre des garanties quant à la fiabilité de son état civil.
C'est la raison pour laquelle cet amendement tend simplement à élargir la délivrance du certificat de diversité de patronymes, mais en laissant au pouvoir réglementaire le soin de fixer la liste des pays susceptibles d'être concernés.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Henri de Richemont, rapporteur. La commission est, par principe, favorable à tout ce qui peut favoriser les Français de l'étranger et elle est sensible à l'argumentation développée par M. Cointat. Notre collègue a indiqué qu'une convention a d'ores et déjà été signée entre la France, l'Espagne, l'Italie et les Pays-Bas.
Si la solution qu'il propose ne poserait aucun problème avec d'autres pays européens, il n'en est pas de même avec des pays africains ou d'Amérique du Sud qui n'ont pas un état civil aussi fiable que le nôtre. C'est la raison pour laquelle le « bilatéralisme » me paraît important.
Cela dit, je comprends les préoccupations de M. Cointat. C'est la raison pour laquelle la commission s'en remet à la sagesse et se range à l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Je comprends très bien la question posée, ainsi que les préoccupations de l'auteur de l'amendement. Je ne puis toutefois souscrire au dispositif proposé, ce qui m'embête un peu, car j'aurais bien voulu donner satisfaction à M. Cointat. Il a d'ailleurs dit lui-même que ce dispositif ne peut se concevoir que dans le cadre conventionnel.
L'intérêt de ce certificat réside en effet dans la reconnaissance mutuelle des mentions qui y figurent. Dès lors, la portée pratique de la disposition prévue par l'amendement, qui serait donc adoptée unilatéralement par la France, risque de s'avérer extrêmement limitée puisqu'elle ne pourrait avoir d'effet que sur le territoire national. C'est notamment pour faire reconnaître un diplôme dans un autre pays - votre exemple est très pertinent car c'est une situation que vivent régulièrement nos ressortissants - que cette reconnaissance est utile, mais votre amendement n'aura aucun effet en la matière. Ce type de disposition appelle intrinsèquement une collaboration inter-étatique et des systèmes d'état civil comparables ou pour le moins fiables.
On ne saurait négliger les risques d'utilisations frauduleuses et d'usurpation, compte tenu, malheureusement, de la qualité très inégale des systèmes d'état civil. Il ne faudrait pas que certains de nos ressortissants courent le risque d'une captation de nom, de diplôme, de fonction, qui serait très préjudiciable.
En voulant répondre à une bonne question, je crois que vous optez pour une solution que nous ne pouvons pas accepter pour des raisons techniques. Nous nous engageons en revanche à faire un important effort conventionnel, en particulier avec les pays proches avec lesquels la collaboration a posé quelques problèmes récents ; je pense à l'Amérique du Sud ou au Maghreb, par exemple.
Au titre de mes fonctions gouvernementales, je m'engage à ce que nos directions travaillent à une avancée conventionnelle sur ce sujet. Cela dit, on ne peut pas prendre le risque de voir une bonne volonté, au sens vrai du terme, déboucher sur une possibilité de drame.
M. le président. Monsieur Cointat, l'amendement n° 1 rectifié est-il maintenu ?
M. Christian Cointat. M. le rapporteur a dit, au nom de la commission, qu'il s'en remettait à la sagesse en se rangeant à l'avis du Gouvernement. Je ne suis pas certain que la sagesse soit toujours de se ranger à l'avis du Gouvernement !... mais, en l'occurrence, je pense que cela pourrait être le cas.
L'essentiel est effectivement d'attirer l'attention des pouvoirs publics sur les difficultés que rencontrent nos compatriotes, surtout bi-nationaux, pour faire valider en France - je dis bien en France et non pas à l'étranger - un certain nombre de documents qui mentionnent l'état civil de leur autre nationalité.
A partir du moment où vous nous donnez l'assurance, madame le ministre, que la Chancellerie va examiner ce problème et chercher à trouver des solutions, nos compatriotes auront satisfaction. Je vous en remercie et je retire donc l'amendement.
M. le président. L'amendement n° 1 rectifié est retiré.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 9 rectifié, présenté par M. de Richemont, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Après l'article 1er, insérer un article additionné ainsi rédigé :
« Le deuxième alinéa de l'article 61 du code civil est complété par les mots : "ou de permettre à toute personne d'ajouter à son nom le nom de celui de ses parents qui ne lui a pas transmis le sien, à condition que le nom ainsi modifié se limite à un nom de famille pour chaque parent". »
L'amendement n° 38, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 311-21 du code civil, il est inséré un article 311-22 ainsi rédigé :
« Art. 311-22. - Toute personne à qui le nom d'un de ses parents a été transmis en application de l'article 311-21 peut y adjoindre, en seconde position, le nom de son autre parent dans la limite, en cas de pluralité de noms, d'un seul.
« Lorsque l'intéressé porte lui-même plusieurs noms, il ne conserve que le premier de ses noms portés à l'état civil.
« Cette faculté doit être exercée par déclaration écrite de l'intéressé remise à l'officier de l'état civil du lieu de sa naissance, à compter de sa majorité et avant la déclaration de naissance de son premier enfant. Le nouveau nom est porté en marge de son acte de naissance. »
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 9 rectifié.
M. Henri de Richemont, rapporteur. Cet amendement vise à permettre à toute personne majeure d'ajouter à son nom celui de son parent qui ne lui a pas transmis le sien, à condition bien entendu que le nom ainsi modifié se limite à un nom de famille pour chaque parent.
La commission tient, en effet, à réaffirmer qu'il lui paraît indispensable de permettre à l'enfant devenu adulte de corriger le choix de ses parents.
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux, pour présenter l'amendement n° 38 et pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 9 rectifié.
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Monsieur le président, je donnerai d'abord l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 9 rectifié, afin d'expliquer pourquoi nous avons déposé un autre amendement.
L'objet de l'amendement n° 9 rectifié est de modifier l'article 61 du code civil qui organise le dispositif administratif de changement de nom pour permettre à toute personne d'ajouter à son nom le nom de celui de ses parents qui ne lui a pas transmis le sien.
Je rappelle que la procédure administrative de changement de nom telle qu'elle a été conçue par la loi du 8 janvier 1993 suppose une autorisation donnée par décret dont l'instruction est assurée par les services centraux de la Chancellerie, ledit décret étant soumis à une faculté d'opposition de la part de tout tiers intéressé.
Une telle procédure m'apparaît inappropriée pour ouvrir aux enfants ayant bénéficié des dispositions de la présente loi une partie de la liberté dont leurs parents auront usé en leur nom.
Je l'ai dit au cours de la discussion générale, il me paraît parfaitement légitime que les enfants devenus adultes puissent adjoindre en seconde position le nom de leur autre parent, si ce choix n'avait pas été fait par leurs parents.
Mais je ne comprends pas que l'exercice de cette faculté requiert une autorisation par décret alors que l'administration n'aurait aucune appréciation à porter sur la demande. Je ne comprends pas davantage qu'elle puisse être soumise à une éventuelle opposition d'un tiers.
Pour ma part, je propose un dispositif qui permette une simple déclaration devant l'officier d'état civil.
Cet amendement me pose un second problème, peut-être plus lourd. Tel qu'il est rédigé, il ouvre la faculté de changement de nom à toute la population française, majeure comme mineure, à la date d'entrée en vigueur de la loi. Du reste, son articulation avec la disposition transitoire que votre commission envisage pour les seuls mineurs de treize ans demanderait à être explicitée.
Je l'ai dit dans la discussion générale, il ne me paraît pas sérieux, sans étudier préalablement les incidences d'une telle mesure sur l'ensemble des administrations et des entreprises concernées, d'offrir une telle faculté à l'ensemble de la population française, fût-ce sous la forme d'une simple adjonction.
Je souhaiterais également insister sur la singularité qu'il y aurait, pour le législateur, à promouvoir le changement de nom par accolement du double nom des parents, tout en dirigeant les personnes intéressées vers une procédure qui sera un véritable goulet d'étranglement tant elle est particulièrement concentrée au niveau central et particulièrement solennelle - la prise d'un décret -, de la volonté même du législateur.
Enfin, le paradoxe de la procédure administrative de changement de nom, sans doute parce qu'elle ne connaît pour l'instant qu'un usage marginal, est que, aussi lourde soit-elle, elle ne garantit pas une publicité adéquate du changement de nom auprès des administrations concernées autre que la publication au Journal officiel .
Au nom du réalisme administratif pour lequel, je vous assure, je ne plaide pas sans discernement, je vous demande donc de ne pas adopter cet amendement.
Comme je l'ai dit, le Gouvernement propose un amendement adéquat pour régler le changement de nom des enfants devenus majeurs qui auront été soumis au nouveau régime de dévolution du nom.
Quant au changement de nom des personnes adultes qui ont été soumises à l'ancien régime de dévolution du nom, je suis intimement persuadée qu'il faudra en temps utile le revoir. Je souhaite vivement que cette étude se fonde sur une réflexion technique plus approfondie quant à la gestion des conséquences pratiques d'une telle réforme.
Le Gouvernement a donc déposé un amendement n° 38 dont l'objet est de permettre à toute personne majeure qui porterait, en application du nouvel article 311-21, le nom d'un seul de ses parents, d'y adjoindre le nom de son autre parent. Nous nous rejoignons sur l'objectif.
Comme je l'ai dit dans mon discours, il ne m'apparaît ni juridiquement ni politiquement concevable d'interdire à l'enfant devenu adulte de revenir, en tout ou partie, sur une liberté que ses parents avaient exercée en son nom.
Néanmoins, il paraît légitime de limiter cette faculté à l'adjonction du nom de l'autre parent et de ne pas prévoir la substitution.
D'une part, cela paraît de nature a assurer une certaine stabilité des noms de famille ; d'autre part, la substitution équivaudrait à se couper symboliquement d'une branche de sa famille, de la moitié de ses origines.
Par ailleurs, pour ne pas bouleverser en chaîne l'état civil, cette adjonction ne pourra être envisagée après que l'intéressé aura lui-même eu des enfants, et le nom adjoint sera placé en seconde position. De plus, la règle de la limite de deux noms devra s'appliquer dans ce cas aussi.
Ces principes étant posés, et l'adjonction étant de droit, rien ne fait obstacle à ce que l'adjonction puisse être opérée par simple déclaration devant l'officier d'état civil.
Pour les changements de nom, la voie du décret se traduirait, pendant des années, par un encombrement massif des services concernés.
Dans l'état actuel du droit, il est déjà très difficile de répondre aux demandes. Il vous arrive souvent d'ailleurs, mesdames, messieurs les sénateurs, d'intervenir pour appuyer les requêtes de vos administrés.
La procédure du décret est longue, vous le savez. En outre, l'observation que j'ai faite sur le tiers intéressé n'a pas cours.
Je vous propose une simplification administrative à laquelle, je l'espère, vous pourrez adhérer puisque nous sommes d'accord sur le fond.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 38 ?
M. Henri de Richemont, rapporteur. Nous sommes en effet d'accord sur les objectifs, madame le garde des sceaux, mais pas sur la procédure.
Vous avez évoqué l'encombrement des services de votre ministère.
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Et le tiers intéressé !
M. Henri de Richemont, rapporteur. La procédure que nous proposons permet de filtrer les demandes et d'éviter de massives requêtes de changement de nom.
En outre, ce dispositif nous paraît plus sécurisé.
J'attire d'ailleurs votre attention sur le fait que, selon nos renseignements, en 1995, sur les 1 038 requêtes qui ont été déposées, seules 11 % des demandes portaient sur l'adjonction du nom d'un parent. Cette proposition de loi n'aura donc, de ce point de vue, qu'une faible incidence. Il suffit d'observer ce qui s'est passé avec la loi de 1985.
Nous proposons par ailleurs qu'en cas de non-choix - et une grande majorité de parents ne choisiront pas - l'enfant porte le nom du père. Cette procédure, qui ne risque pas de provoquer l'encombrement de vos services, présente en outre une plus grande sécurité en permettant l'application de l'article 61.
En revanche, nous craignons qu'une déclaration devant l'officier d'état civil n'entraîne quelques difficultés. C'est la raison pour laquelle nous maintenons notre position.
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Monsieur le rapporteur, contrairement à ce qui se passe aujourd'hui, la procédure du décret n'admettra aucun élément d'appréciation puisque - et nos exposés respectifs, au cours de la discussion générale, convergeaient sur ce point - nous estimons, permettez-moi l'expression, bien qu'elle soit incorrecte, que cette adjonction est pour ainsi dire « de droit ».
Aujourd'hui, le recours au décret permet effectivement de répondre favorablement ou défavorablement à la requête, car la raison de la demande de changement de nom est examinée. Or, dans l'hypothèse qui nous occupe, nous n'aurons pas le droit de le faire. Dès lors, à quoi bon instaurer ce filtre, puisque aucun élément d'appréciation ne pourra intervenir et que nous serons obligés de prendre les décrets en question ?
C'est pourquoi je parle de surcharge ; mais le processus s'étalera dans le temps et, dans quelques années, elle n'existera plus.
Je ne vois donc pas l'intérêt du décret, dans la mesure où la direction des affaires civiles et du sceau - et moi-même si, comme je l'espère, j'occupe encore quelque temps ces fonctions - sera obligée de répondre favorablement aux demandes.
La sécurisation de l'état civil en France est connue et reconnue, et je ne mets pas en doute la qualité de l'officier d'état civil pour enregistrer l'adjonction du deuxième nom. Le décret m'apparaît donc comme un goulet d'étranglement sans justification.
Je ne vois pas quel tiers pourra s'opposer,...
M. René Garrec, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Toute personne qui porte le même nom !
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. ... dans la mesure où la loi affirme qu'il s'agit d'un droit.
M. René Garrec, président de la commission. Il suffit de voisins qui ne s'aiment pas !
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Les homonymes existent déjà !
La question est très difficile.
M. Henri de Richemont, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri de Richemont, rapporteur. Je comprends parfaitement les arguments et les soucis qui sont les vôtres, madame le garde des sceaux. Mais en conservant la procédure administrative de changement de nom définie à l'article 61 du code civil, nous restons en « terrain connu ». Nous craignons, si une simple déclaration à l'officier d'état civil suffit, que ne s'ensuivent un encombrement et une relative insécurité. En l'absence de filtre, n'importe qui, n'importe comment, pourra faire une simple déclaration ! C'est donc, en quelque sorte, un saut dans l'inconnu.
A partir du moment où il n'y aura aucune contrainte, nous risquons de voir se multiplier massivement les demandes de changement de nom, si bien que la simple déclaration à l'officier d'état civil pourrait nous conduire au résultat contraire à celui que vous souhaitez.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cela se passe sous le contrôle du parquet !
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. N'oublions pas que, si le dispositif que nous envisageons s'applique, l'enfant, qui naîtra à partir d'aujourd'hui n'aura qu'un nom et pourra, une fois adulte, demander l'adjonction du second nom. Nous avons donc le temps de nous organiser, sur le plan pratique ! De plus pour être élue locale et avoir été maire, comme certains d'entre vous, je sais que les services de l'état civil de la mairie sont plus adaptés que le Journal officiel pour assurer la publicité des noms - surtout quand on ne connaît même pas la date du décret de changement de nom !
Je vous rappelle que cette question nous crée quelques difficultés.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 9 rectifié.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je suis contre cet amendement, car le dispositif qu'il propose est extrêmement lourd.
Je m'interroge d'abord sur un point : si un enfant adulte demande à ajouter le nom de sa mère à celui de son père, cela vaut-il pour ses frères et soeurs ?
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux, et M. René Garrec, président de la commission. Non !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cela me paraît tout de même curieux, parce que, en général, l'administration - y compris les juridictions administratives et le Conseil d'Etat - veille à ce que, lorsque changement de nom il y a, l'ensemble de la famille soit concerné.
M. René Garrec, président de la commission. Tout à fait !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ensuite, et surtout, je rappelle qu'une procédure devant le Conseil d'Etat est onéreuse, non seulement à cause des droits de Chancellerie, mais aussi des annonces qu'il faut publier dans les journaux d'annonces légales, etc. C'est lourd, c'est long, c'est onéreux.
Alors, pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple ? Une déclaration à l'état civil suffirait, et si l'officier d'état civil hésite, il peut téléphoner au parquet, qui est chargé de contrôler l'état civil. Je ne vois pas là, en toute franchise, la moindre difficulté.
C'est pourquoi, monsieur le rapporteur, tout en vous présentant mes excuses, je me rallie à l'avis du Gouvernement et je combats votre amendement.
M. Henri de Richemont, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri de Richemont, rapporteur. Je souhaite demander une précision à Mme le garde des sceaux.
La lecture de votre texte, madame le ministre, suscite mon inquiétude sur un point : lorsque l'intéressé porte lui-même plusieurs noms inscrits à l'état civil, il ne conserve que le premier. Or un nom de famille peut être composé de plusieurs vocables. Les vocables autres que le premier seront-ils également supprimés ?
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Un nom peut être à plusieurs vocables, il n'en reste pas moins que c'est un seul nom, nous y reviendrons.
M. Patrice Gélard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard. Je voterai l'amendement présenté par la commission précisément pour les raisons qui conduisent M. Dreyfus-Schmidt à s'y opposer.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est l'esprit de contradiction !
M. Patrice Gélard. Si nous suivions la logique de l'amendement n° 38, le texte comporterait une contradiction majeure : d'un côté, il poserait le principe selon lequel tous les frères et soeurs doivent avoir le même nom ; d'un autre côté, avec la possibilité ouverte par cet amendement du Gouvernement, il conduirait à rencontrer des fratries dans lesquelles les frères et soeurs porteraient des noms différents, ce qui ne serait pas le cas avec la procédure que propose M. de Richemont : avec cette dernière, les frères et soeurs porteront le même nom, et le Conseil d'Etat y veillera.
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Non, ce n'est pas vrai !
M. Patrice Gélard. Mais si, parce que le changement de nom ne pourra être admis que si tout le monde le demande !
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Non !
M. Henri de Richemont, rapporteur. Cela ne concerne pas les majeurs !
M. Patrice Gélard. Sans cela, nous aboutirons à une formule tout à fait absurde dans laquelle des frères et soeurs porteraient deux noms totalement différents,...
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. C'est déjà le cas !
M. Patrice Gélard. ... ce qui est contraire à l'esprit de la loi et au principe qui veut que tous les frères et soeurs aient le même nom.
M. Henri de Richemont, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri de Richemont, rapporteur. Mon cher collègue, nous visons ici les majeurs.
M. Patrice Gélard. Nous sommes d'accord !
M. Henri de Richemont, rapporteur. Or, on ne peut pas empêcher un majeur, qui a pris son indépendance, de présenter une requête ou de faire une déclaration en vue de changer de nom même si ses frères et soeurs ne le font pas ! On ne peut pas l'empêcher d'exercer cette faculté que nous lui ouvrons !
M. Jean-Louis Masson. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Masson.
M. Jean-Louis Masson. Je ne suis pas du tout « braqué » sur l'idée que, une fois majeurs, les frères et soeurs devraient absolument porter le même nom. A l'heure actuelle, dans les familles recomposées, les demi-frères, les demi-soeurs, ont des noms différents, et personne n'en meurt !
En outre, avec le système de transmission des noms qui figure dans le texte qui nous est soumis, selon lequel l'enfant ne peut transmettre que l'un des deux noms de ses parents, il peut très bien se faire qu'un frère choisisse pour ses enfants le nom du père et sa soeur le nom de la mère. Que ce soit à la première ou à la deuxième génération, une divergence surviendra de toute façon et, pour ma part, je n'y vois aucun inconvénient : le nom est un élément inhérent à la personne, il n'est pas inhérent à une fratrie.
M. Lucien Lanier. A la famille !
M. Jean-Louis Masson. Par ailleurs, je suis très sensible, comme notre collègue Michel Dreyfus-Schmidt, à la question du coût financier. Or l'amendement de la commission aurait pour effet que seuls les plus fortunés pourraient faire ce qu'ils souhaitent. Se pose là un problème de démocratie.
En conséquence, ou bien nous votons l'amendement de la commission en prévoyant que la procédure sera gratuite - mais je ne pense pas que quiconque ici partage ce point de vue -, ou bien nous faisons en sorte que les aspects financiers ne viennent pas bloquer les possibilités de choix lorsqu'il s'agit d'un élément de l'état de la personne qui, comme le nom, est lié à la personne physique.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Prenant la parole contre l'amendement, j'ai posé tout à l'heure la question de savoir si les frères et soeurs majeurs devaient conserver le même nom.
Cher collègue Gélard, vous avez cru que la réponse était affirmative. Or elle est négative. Effectivement, tout le monde - le rapporteur, le Gouvernement et notre collègue - s'accorde à reconnaître que, quand on est majeur, on peut demander, devant le Conseil d'Etat, à changer de nom pour soi et ses enfants, mais pas nécessairement pour soi, ses frères et soeurs !
Dès lors, monsieur le rapporteur, votre argument tombe : puisque c'est une facilité qui est donnée, sans contestation possible, il n'y a vraiment aucune raison de contraindre à une procédure !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 9 rectifié, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 1er, et l'amendement n° 38 n'a plus d'objet.
L'amendement n° 10, présenté par M. de Richemont au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans le second alinéa de l'article 61-3 du code civil, le mot : "patronyme" est remplacé par les mots : "nom de famille". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri de Richemont, rapporteur. Il s'agit d'un amendement purement rédactionnel.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 10, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 1er.
L'amendement n° 11, présenté par M. de Richemont au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Le chapitre Ier du titre VII du livre Ier du code civil est complété par une section ainsi rédigée :

« Section 5

« Des règles de dévolution du nom de famille

« Art. 311-21. - Lorsque la filiation d'un enfant est établie simultanément à l'égard de ses deux parents, ces derniers choisissent le nom de famille qui lui est dévolu : soit le nom du père, soit le nom de la mère, soit leurs deux noms accolés dans l'ordre choisi par eux dans la limite d'un nom de famille pour chacun d'eux. En l'absence de déclaration conjointe à l'officier de l'état civil mentionnant le choix du nom de l'enfant, celui-ci prend le nom du père.
« Le nom dévolu au premier enfant vaut pour les autres enfants communs. »
Le sous-amendement n° 34, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le début de la première phrase du premier alinéa du texte proposé pour l'article 311-21 du code civil par l'amendement n° 11 :
« Lorsque la filiation d'un enfant est établie à l'égard de ses deux parents au plus tard le jour de la déclaration de sa naissance ou par la suite mais simultanément, ces derniers... »
Le sous-amendement n° 35, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« A la fin de la première phrase du premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 11 pour l'article 311-21 du code civil, remplacer les mots : "dans la limite d'un nom de famille pour chacun d'eux" par les mots : "dans la limite d'un nom pour chacun d'eux". »
Le sous-amendement n° 36, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Après la première phrase du premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 11 pour l'article 311-21 du code civil, insérer la phrase suivante : "Le choix des parents s'opère par déclaration écrite conjointe, remise à l'officier de l'état civil qui dresse l'acte de naissance." »
Le sous-amendement n° 37, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« A la fin de la seconde phrase du texte proposé pour l'article 311-21 du code civil par l'amendement n° 11, remplacer les mots : "celui-ci prend le nom du père" par les mots "celui-ci prend le nom de son père suivi du nom de sa mère, dans la limite, pour chacun d'eux, en cas de pluralité de noms, du premier nom porté à leur état civil". »
Le sous-amendement n° 51, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :
« A la fin du premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 11 pour l'article 311-21 du code civil, remplacer les mots : "le nom du père" par les mots : "le nom de celui des deux parents qui est le plus âgé". »
Le sous-amendement n° 52, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :
« A la fin du premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 11 pour l'article 311-21 du code civil, remplacer les mots : "le nom du père" par les mots : "le nom accolé de ses deux parents, le premier étant le nom de celui des deux parents qui est le plus âgé". »
Le sous-amendement n° 53, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :
« I. - Compléter l'amendement n° 11 par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... Il est inséré avant le dernier alinéa de l'article 76 du code civil un alinéa ainsi rédigé :
« ... ° Le nom de famille, c'est-à-dire le nom des enfants à venir du couple. Ce nom est soit celui de l'époux, soit celui de l'épouse, soit leurs deux noms accolés dans l'ordre choisi par eux et dans la limite d'un nom de famille pour chacun d'eux. »
« II. - En conséquence, faire précéder le début du texte proposé par l'amendement n° 11 de la mention : "I". »
Le sous-amendement n° 55, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :
« I. - Compléter l'amendement n° 11 par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... Le deuxième alinéa de l'article 515-3 du code civil est complété par deux phrases ainsi rédigées : "Cette convention mentionne le nom de famille, c'est-à-dire le nom des enfants à venir du couple. Ce nom est soit celui de l'un ou l'autre des deux cocontractants, soit leurs deux noms accolés dans l'ordre choisi par eux et dans la limite d'un nom de famille pour chacun d'eux." »
« II. - En conséquence, faire précéder le début du texte proposé par l'amendement n° 11 de la mention : "I". »
Le sous-amendement n° 56 rectifié, présenté par M. Gélard, est ainsi libellé :
« Compléter le texte proposé par l'amendement n° 11 pour l'article 311-21 du code civil par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque les parents ou l'un d'entre eux portent un double nom de famille, ils peuvent, par une déclaration écrite conjointe, ne transmettre qu'un seul nom à leurs enfants. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 11.
M. Henri de Richemont, rapporteur. Avec cet amendement, qui se justifie par son texte même, nous abordons le coeur du sujet qui nous préoccupe.
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux, pour défendre les sous-amendements n°s 34, 35, 36 et 37.
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Les sous-amendements n°s 34, 35 et 36 sont d'ordre rédactionnel. En revanche, le sous-amendement n° 37 nous place au coeur de la divergence.
L'amendement n° 11 limite la faculté d'option aux cas de filiation établie simultanément. Or, lorsque la filiation de l'enfant est établie avant sa naissance par deux propositions successives, celles-ci ne prennent effet qu'au jour de la naissance, comme s'il agissait d'une filiation établie dans un même trait de temps.
Il convient donc, par l'adoption du sous-amendement n° 34, d'intégrer cette hypothèse dans l'article 311-21 du code civil.
Par ailleurs, en dépit de ce qu'a affirmé M. Masson, je souscris totalement à la notion de « nom de famille ». Je précise au demeurant que, pour nous, un parent et un enfant suffisent à composer une famille.
Le sous-amendement n° 35 vise à s'en tenir au simple terme de « nom » et de ne pas user de l'expression du « nom de famille » chaque fois qu'elle ne désigne qu'une partie du nom de la personne et non son nom entier.
Des dispositions d'ordre réglementaire seront prises pour préciser la portée de la limite ainsi posée par la loi. Je pense que, sur ce point, nous ne serons pas en désaccord, d'autant que le Gouvernement rejoint là une de vos préoccupations, monsieur le rapporteur, celle qui porte sur les noms composés. Ainsi, les parents qui souhaitent donner un double nom accolé à leurs enfants pourront à cette occasion simplifier les éléments de leur propre nom qu'ils entendent transmettre.
S'agissant des noms à vocables multiples qui ne seraient pas à proprement parler des noms composés, il appartiendra aux parents qui souhaiteraient transmettre l'intégralité de ce nom multiple en accolement avec celui de l'autre parent d'établir qu'il est bien en tous ses vocables un nom unique et non un nom composé. C'est exactement ce que je disais à l'instant sur la différence entre un nom composé et un nom à plusieurs vocables, et je pense que nous sommes parfaitement d'accord sur ce point.
S'agissant du sous-amendement n° 36, il me semble souhaitable de préciser explicitement dans cet article additionnel, qui constitue le coeur du dispositif, le principe de la déclaration écrite conjointe des parents.
J'indique à cette occasion que le principe de la déclaration conjointe doit naturellement être compris comme ne s'imposant que pour autant que les deux parents exercent effectivement l'autorité parentale à l'égard de leurs enfants.
Reste la solution par défaut.
Je me suis déjà longuement exprimée dans la discussion générale sur la solution imposée par la loi à défaut de choix opéré par les parents. Je serai donc brève.
Je rappellerai tout d'abord que la loi doit impérativement prévoir une solution par défaut, de manière que ne soient pas laissés sans nom des enfants dont les parents n'auraient pas pu exprimer leur choix du fait de circonstances indépendantes de leur volonté - éloignement, maladie, absence, voire décès - ou n'ont pu se mettre effectivement d'accord.
Cependant, je ne peux souscrire à la solution proposée par la commission, qui impose le nom du père. Je l'ai dit, une telle solution me paraît régressive sur le plan des principes, parce que le choix qui, en théorie, serait ainsi offert au couple se trouverait nécessairement biaisé par la certitude qu'aurait le père que son désaccord suffirait à assurer la transmission de son seul nom à ses enfants.
Je l'ai dit également, j'ai de sérieux doutes sur la conformité de cette discrimination apparente entre les hommes et les femmes avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme. Si nous étions condamnés sur ce point, ce qui est possible, sinon probable, il nous faudrait de nouveau légiférer.
Pour ma part, je suggère, comme, du reste, M. Masson, du moins dans ses propositions majoritaires, que l'on en reste à la solution de l'Assemblée nationale, la seule qui soit équilibrée et neutre, à savoir la transmission du double nom accolé des deux parents, à défaut d'un choix exprimé de leur part.
Il reste qu'il faut trouver - vous avez raison - une clef de combinaison tant pour l'ordre d'accolement des deux noms que, au cas où les parents auraient un nom multiple, pour le choix du nom qu'ils transmettent à leurs enfants. Je comprends les inconvénients que pourrait engendrer l'usage de l'ordre alphabétique, vous l'avez pratiquement tous rappelé.
Si le recours à cette solution par défaut devenait statistiquement significatif, on courrait le risque d'une concentration des noms en haut de l'alphabet, vous l'avez tous dit.
La première solution préconisée par M. Masson était astucieuse : primauté du nom du père pour les garçons, du nom de la mère pour les filles. Je ne sais toutefois si la psychanalyse la jugerait bien orthodoxe, et peut-être est-elle un peu dangereuse !
La seconde solution, en fonction de l'âge, peut se comprendre. Je crains toutefois qu'elle ne manque de lisibilité. Et songez que, quand le nom de la mère figurerait en premier, on saurait du même coup qu'elle est plus âgée que le père et, dans certains cas, je puis vous dire que ce n'est pas l'affichage souhaité, même si celui-ci est tout à fait normal, à mon sens. (Sourires.)
J'étais prête à un compromis plus drastique, en acceptant que le double nom accolé qui s'imposerait à défaut d'un choix des parents se lirait nécessairement, pour les garçons comme pour les filles, quel que soit l'âge des parents, avec le nom du père en premier, suivi du nom de la mère en second, dans la limite, pour chacun d'eux, en cas de pluralité de nom, du premier nom porté à leur état civil.
Cette solution de compromis me semblait plus juste du point de vue des principes comme de leur mise en oeuvre. C'est la solution la plus juste parce que c'est la reprise de la tradition, même si un certain nombre d'entre nous peuvent être un peu choqués par ce retour, à l'inverse, choisir le père, c'est peut-être aussi, dans certains cas, pousser au non-accord, ou, en tout cas, revenir à une situation antérieure réglée par une jurisprudence.
J'entends bien que vous trouvez un peu bizarre cette solution, mais elle est liée à la place des uns et des autres ainsi qu'aux modalités d'exercice de l'autorité parentale dans notre pays. En effet, malheureusement, des couples se séparent tous les jours ; malheureusement aussi, il y a des décès et, pour ma part, je trouve important que ces enfants pour lesquels on n'a pas pu choisir entre le nom du père et celui de la mère portent le nom des deux parents. Rien n'est plus important pour un enfant, quel que soit son devenir en cas de séparation ou en cas de décès d'un ou des parents, que de les porter symboliquement dans son nom, dans ce qu'il l'identifie en tant que personne.
C'est pourquoi je souhaite que, en cas de non-choix, on se range à une solution qui est, pour moi, déjà une solution de compromis : le nom du père en première position - cela répond à votre souci - mais celui de la mère en second, pour que cet enfant-là ait vraiment, comme les autres, dans son nom comme dans son être, deux parents.
M. le président. La parole est à M. Masson, pour présenter les sous-amendements n°s 51, 52, 53 et 55.
M. Jean-Louis Masson. Tout le problème est de trouver une solution qui ne soit pas discriminatoire en cas de divergences. A cet égard, le texte de l'Assemblée nationale était infiniment préférable à celui de la commission des lois du Sénat, car il réglait les problèmes de contentieux quand celui de notre commission risque de les susciter, puisqu'il exige une démarche formelle des parents qui s'engagent par écrit à ne pas retenir le nom du père. Or il peut très bien exister un accord implicite, non formalisé, entre les parents, pour que figurent les noms du père et de la mère.
En tout état de cause, et c'est pour cela que j'ai présenté ces différents sous-amendements, je considère que la proposition de la commission est tout à fait inacceptable puisqu'elle vide à 99 % de sa portée la proposition de loi.
C'est là une manière indirecte de maintenir le statu quo et de choisir l'immobilisme, tout en se donnant bonne conscience.
Si le Sénat est partisan de l'immobilisme, qu'on le dise ; mais s'il accepte une certaine évolution, il doit repecter les engagements internationaux de la France. Car la France est bel et bien liée par un engagement international en ce domaine, et il ne saurait être question de voter une loi qui viole un engagement international. C'est tout le noeud du débat de ce soir.
M. le président. La parole est à M. Gélard, pour présenter le sous-amendement n° 56 rectifié.
M. Patrice Gélard. Le texte qui nous est proposé par la commission des lois ou celui qui nous vient de l'Assemblée nationale n'ont abordé, en réalité, que le problème des enfants de la première génération. Mais qui nous dit que, à la seconde génération, la mode du double nom n'aura pas passé ? Qui nous dit que, à un moment donné, les parents ne voudront pour simplifier et revenir au nom unique ?
Il faut donc prévoir cette possibilité. Ce sous-amendement prévoit, en conséquence, que lorsque l'un des deux parents ou les deux ont un double nom, ils peuvent, d'un commun accord, décider que leur enfant n'en portera q'un seul. Cela permettra peut-être un jour de revenir à une certaine simplification de la dévolution du nom et de s'y retrouver un peu plus !
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'ensemble des sous-amendements ?
M. Henri de Richemont, rapporteur. Sur le sous-amendement n° 34 du Gouvernement, la commission a émis un avis favorable.
En ce qui concerne le sous-amendement n° 35, madame le ministre, j'ai bien entendu votre argumentation. Simplement, en l'occurrence, nous voulons marquer notre attachement à l'insécabilité d'un nom de famille. Or nous craignons, en cas de pluralité de vocables dans le nom de famille, que l'officier d'état civil ne se sente perdu.
Pour le sous-amendement n° 36, nous sommes d'accord sur le principe, mais nous pensons qu'il est satisfait par notre rédaction qui prévoit bien une déclaration écrite conjointe.
Le vrai débat, madame la ministre, porte sur votre sous-amendement n° 37, qui, même de compromis, ne nous satisfait pas.
Nous considérons en effet que, dans la majeure partie des cas, l'officier d'état civil sera confronté à des couples, mariés ou non mariés, qui n'auront pas choisi. Or, avec le texte que vous nous proposez, finalement, le double nom deviendra le principe et le nom simple l'exception. A partir du moment où il n'y aura pas de choix matérialisé par une déclaration écrite conjointe, l'officier d'état civil inscrira le nom des deux parents et, je l'ai dit tout à l'heure, ce n'est sûrement pas la volonté de la majeure partie, aujourd'hui, de nos compatriotes, à tort ou à raison, mais c'est là un jugement de réalité et pas un jugement de valeur.
Surtout, ce sous-amendement pose un problème de fond. Pour la première génération, c'est simple : le nom du père figure en premier, suivi du nom de la mère en second. Mais vous ne réglez pas le problème pour la deuxième génération. Admettons qu'un conflit surgisse entre les parents sur le nom à transmettre. Puisque l'on ne pourra transmettre qu'un seul nom de famille, comment réglerez-vous le désaccord si vous supprimez la solution de l'ordre alphabétique, qui n'est pas acceptable, nous l'avons tous reconnu ? Vous ne dites rien sur ce point.
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Puis-je vous interrompre, monsieur le rapporteur ?
M. Henri de Richemont, rapporteur. Je vous en prie, madame le garde des sceaux.
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux, avec l'autorisation de M. le rapporteur.
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Monsieur le rapporteur, à la deuxième génération, quand il n'y a pas de choix formulé, et c'est ce en quoi je dis qu'il s'agit bien d'une solution de compromis, le premier nom serait transmis, ce seraient donc les noms des deux grands-pères. Donc, effectivement les femmes disparaissent ! Admettez quand même que, de ma part, c'est une concession ! (Sourires.)
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.
M. Henri de Richemont, rapporteur. Donc, en cas d'absence de choix, ce sont les deux premiers noms. Toute la difficulté que nous rencontrons avec votre texte de compromis - et je vous remercie encore de l'avancée que vous proposez - tient au fait que, finalement, vous plaquez sur notre régime multiséculaire une solution qui est celle de nos amis espagnols, mais qui ne correspond pas à notre tradition. Notre proposition nous semblait plus mesurée et correspondre davantage à notre coutume. Nous ne sommes pas prêts, à mon sens, à voir généraliser le double nom que vous semblez prôner ici.
En ce qui concerne M. Masson, je me suis exprimé sur l'argument de l'âge, et j'espère qu'il ne m'en voudra pas que la commission ne retienne pas son sous-amendement n° 51. Il en va de même pour le sous-amendement n° 52.
Le sous-amendement n° 53 ayant le même objet que le sous-amendement n° 34, auquel nous avions donné un avis défavorable, nous y sommes également opposés, comme d'ailleurs au sous-amendement n° 55.
J'en viens au sous-amendement n° 56 rectifié. A partir du moment où nous donnons la possibilité de choisir le nom des parents, nous offrons, en fait, une combinaison à six possibilités. M. Gélard en propose une nouvelle qui consiste à laisser la possibilité aux parents portant un double nom de ne transmettre qu'un seul nom. Cette disposition ne nous semble pas incompatible avec le texte que nous proposons. Aussi, la commission est favorable à ce sous-amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 11 ainsi qu'aux sous-amendements n°s 51, 52, 53 et 55. Enfin, il s'en remet à la sagesse du Sénat sur le sous-amendement n° 56 rectifié.
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 34, accepté par la commission.

(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 35, repoussé par la commission.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 36, repoussé par la commission.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 37, repoussé par la commission.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 51, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 52, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 56 rectifié, accepté par la commission et pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 53, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 55, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 11.
M. Christian Cointat. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Cointat.
M. Christian Cointat. Nous sommes au coeur du dispositif, et je ne vous cache pas que je suis très embarrassé.
Le projet de loi est certes inspiré par un très bon sentiment : il paraît en effet logique qu'un enfant puisse porter le nom de son père et celui de sa mère. Toutefois il ne faut pas compliquer à l'extrême l'état civil.
Un patronyme, c'est à la fois un patrimoine familial et une histoire affective, mais c'est aussi l'histoire d'une population, une histoire qu'il faut pouvoir déchiffrer, et c'est le rôle de la généalogie. Or cela ne sera pas facile si les noms changent, selon des règles extrêmement complexes, à chaque génération.
Est-on sûr de ne pas mettre là le doigt dans un engrenage qui risque de nous mener où nous ne souhaitons pas aller et peut-être de perturber l'histoire d'une population et donc le patrimoine d'individus ?
Je me rallierai finalement, parce que je lui fais confiance, à M. le rapporteur, d'autant que, dans la plupart des cas, ce sera le nom du père qui sera retenu. Ce n'est pas que je préfère le nom du père, mais il faut bien que la paternité s'exprime. Donner son nom, c'est aussi un geste par lequel le père manifeste sa paternité à l'égard de son enfant alors que les liens entre celui-ci et sa mère sont une évidence.
Dans la mesure où cet amendement de la commission simplifie malgré tout le dispositif, je vais le voter pour marquer mon adhésion à cette démarche. Je ne veux cependant pas cacher que nous allons au-devant des pires difficultés, et je pense par exemple aux Français établis hors de France. Les consulats seront dans la quasi-impossibilité de maîtriser l'application de cette loi. Je tiens à le dire dans cet hémicycle et, si cette loi, comme ce sera vraisemblablement le cas, est votée, il nous faudra prendre des mesures pour préserver, et même améliorer, ce qui existe. Mais, croyez-moi, ce ne sera pas facile !
M. Jean-Louis Masson. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Masson.
M. Jean-Louis Masson. Je ne reviendrai pas sur le problème des divergences entre parents, mais je veux insister sur un point encore plus préoccupant.
Dans le texte voté par l'Assemblée nationale, l'officier d'Etat civil applique, en cas de désaccord entre les parents, l'ordre alphabétique. A la limite, certains pourraient comprendre que l'officier d'Etat civil donne dans ce cas la primauté au nom du père, mais, là, on demande aux parents d'effectuer une démarche positive par le biais d'une déclaration écrite préalable, ce qui revient à « verrouiller » le système alors qu'il faudrait n'imposer la transmission du nom du père que s'il y a divergence.
Enfin, je voudrais évoquer un dernier point pour l'anecdote. On dit que le nom dévolu au premier enfant vaut pour les autres enfants communs. Or personne n'ira vérifier que des parents pacsés qui ont un premier enfant à Lille donnent à leur enfant qui naît trois ans plus tard à Bordeaux le même nom !
Il y a donc un problème d'applicabilité du dernier alinéa, qui, à mon avis, ne sera pas facile à faire respecter, notamment pour les parents concubins ou pacsés.
M. le président. Je mets aux voix, modifié, l'amendement n° 11.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 1er.
L'amendement n° 12, présenté par M. de Richemont, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Le second alinéa de l'article 331 du code civil est complété par une phrase ainsi rédigée : "Le nom de famille des enfants est déterminé en application des règles énoncées à l'article 311-21." »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri de Richemont, rapporteur. Il s'agit uniquement de transposer à l'enfant légitimé par le mariage de ses parents les règles de dévolution du nom s'appliquant à l'enfant né pendant le mariage.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 12, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 1er.
L'amendement n° 13, présenté par M. de Richemont, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans le dernier alinéa de l'article 331-2 du code civil, le mot : "patronyme" est remplacé deux fois par les mots : "nom de famille". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri de Richemont, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination avec l'amendement n° 11 de la commission.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 13, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 1er.
L'amendement n° 14, présenté par M. de Richemont, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans le deuxième alinéa de l'article 332-1 du code civil, le mot : "patronyme" est remplacé par les mots : "nom de famille". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri de Richemont, rapporteur. Il s'agit également d'un amendement de coordination avec l'amendement n° 11 de la commission.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 14, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 1er.
L'amendement n° 15, présenté par M. de Richemont au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans le second alinéa de l'article 333-4 du code civil, après les mots : "modification du nom" sont insérés les mots : "de famille". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri de Richemont, rapporteur. Il s'agit, là encore, d'un amendement de coordination avec l'amendement n° 11 de la commission.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 15, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 1er.

Article 2



M. le président.
« Art. 2 - Dans l'article 333-5 du même code, les mots : "l'enfant prend le nom du père" sont remplacés par les mots : "le nom de l'enfant est déterminé selon les règles énoncées à l'article 57." »
L'amendement n° 16, présenté par M. de Richemont, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi l'article 2 :
« Le début de l'article 333-5 du code civil est ainsi rédigé :
« Si la légitimation par autorité de justice a été prononcée à l'égard des deux parents, le nom de famille de l'enfant est déterminé en application des règles énoncées à l'article 311-21 ; s'il est... (Le reste sans changement.) »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri de Richemont, rapporteur. Il s'agit de transposer à l'enfant légitimé par autorité de justice les règles de dévolution du nom applicables à l'enfant légitime.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 16, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 2 est ainsi rédigé.

Article additionnel après l'article 2



M. le président.
L'amendement n° 17, présenté par M. de Richemont, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 333-6 du code civil est ainsi rédigé :
« Art. 333-6. - Les dispositions de l'article 331-2 et des deux premiers alinéas de l'article 332-1 sont applicables à la légitimation par autorité de justice. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri de Richemont, rapporteur. Cet amendement tend à corriger une double erreur de référence de l'article 333-6 du code civil. Il rend applicable à la légitimation par autorité de justice certaines dispositions relatives à la légitimation par mariage.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 17, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 2.

Article 3



M. le président.
« Art. 3 - L'article 334-1 du même code est ainsi rédigé :
« Art. 334-1. - Le nom de l'enfant naturel est déterminé selon les règles énoncées à l'article 57. »
L'amendement n° 18, présenté par M. de Richemont, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi l'article 3 :
« Après les mots : "en premier lieu", la fin de l'article 334-1 du code civil est supprimée. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri de Richemont, rapporteur. C'est un amendement de coordination avec l'amendement n° 11 de la commission.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 18, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 3 est ainsi rédigé.

Article 4



M. le président.
« Art. 4. - Dans le premier alinéa de l'article 334-2 du même code, après les mots : "le nom de celui-ci", sont insérés les mots : "ou les noms accolés de ses deux parents dans l'ordre choisi par eux et dans la limite d'un patronyme pour chacun d'eux". »
L'amendement n° 19, présenté par M. de Richemont, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi l'article 4 :
« Le premier alinéa de l'article 334-2 du code civil est ainsi rédigé :
« L'enfant naturel prend, par substitution, le nom de famille de celui de ses parents à l'égard duquel sa filiation a été établie en second lieu si, pendant sa minorité, ses deux parents en font la déclaration conjointe devant le greffier en chef du tribunal de grande instance. Il peut également, selon les mêmes modalités, prendre les noms accolés de ses deux parents dans l'ordre choisi par eux et dans la limite d'un nom de famille pour chacun d'eux. »
Le sous-amendement n° 39, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Modifier comme suit le texte proposé pour le premier alinéa de l'article 3334-2 du code civil par l'amendement n° 19 :
« I. - Dans la première phrase, après les mots : "L'enfant naturel" insérer les mots suivants : "dont la filiation est établie successivement à l'égard de ses deux parents après sa naissance,".
« II. - A la fin de la seconde phrase, remplacer les mots : "et dans la limite d'un nom de famille pour chacun d'eux" par les mots : "et dans la limite d'un nom pour chacun d'eux".
« III. - Compléter ce texte par la phrase suivante : "Mention du changement de nom figurera en marge de l'acte de naissance." »
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 19.
M. Henri de Richemont, rapporteur. Cet amendement de coordination traite du problème de la déclaration conjointe : il vise à faire bénéficier la mère des dispositions prévues pour le père dans le dispositif adopté par les députés.
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux, pour présenter le sous-amendement n° 39 et pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 19.
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Sous réserve de l'adoption du sous-amendement n° 39, que je rectifie en supprimant le II, je suis favorable à l'amendement n° 19.
Ce sous-amendement ainsi rectifié vise, d'une part, à limiter le champ d'application de l'article 334-2 aux enfants naturels faisant l'objet de reconnaissances successives post-natales, les autres cas étant régis par l'article 311-21 que nous avons vu précédemment, et, d'autre part, à préciser que la mention du nouveau nom doit être portée à l'état civil en marge de l'acte de naissance de l'enfant, par souci de sécurité juridique.
M. le président. Je suis donc saisi d'un sous-amendement n° 39 rectifié, présenté par le Gouvernement, qui est ainsi libellé :
« Modifier comme suit le texte proposé pour le premier alinéa de l'article 3334-2 du code civil par l'amendement n° 19 :
« I. - Dans la première phrase, après les mots : "L'enfant naturel", insérer les mots suivants : "dont la filiation est établie successivement à l'égard de ses deux parents après sa naissance,".
« II. - Compléter ce texte par la phrase suivante : "Mention du changement de nom figurera en marge de l'acte de naissance." »
Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 39 rectifié ?
M. Henri de Richemont, rapporteur. La commission y est favorable.
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 39 rectifié, accepté par la commission.

(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 19, modifié, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 4 est ainsi rédigé.

Article 5



M. le président.
« Art. 5. - Après les mots : "filiation paternelle établie,", la fin du premier alinéa de l'article 334-5 du même code est ainsi rédigée : "il peut être conféré à l'enfant, par déclaration conjointe du mari de la mère et de celle-ci, et sous les conditions prévues à l'article 334-2, le nom du mari ou leurs deux noms accolés dans l'ordre choisi par eux et dans la limite d'un patronyme pour chacun d'eux."
L'amendement n° 20, présenté par M. de Richemont, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi l'article 5 :
« Le premier alinéa de l'article 334-5 du code civil est ainsi rédigé :
« En l'absence de filiation maternelle ou paternelle établie, la femme du père ou le mari de la mère selon le cas peut conférer par substitution son propre nom de famille à l'enfant par une déclaration faite conjointement avec l'autre époux dans les conditions définies à l'article 334-2. Il peut également aux mêmes conditions être conféré à l'enfant les noms accolés des deux époux dans l'ordre choisi par eux et dans la limite d'un nom de famille pour chacun d'eux. »
Le sous-amendement n° 40, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« A la fin de la seconde phrase du texte proposé pour le premier alinéa de l'article 334-5 du code civil par l'amendement n° 20, remplacer les mots : "et dans la limite d'un nom de famille pour chacun d'eux" par les mots : "et dans la limite d'un nom pour chacun d'eux". »
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 20.
M. Henri de Richemont, rapporteur. Cet amendement vise à élargir au nom de l'épouse du père les possibilités de dation, tout en permettant l'accolement des noms des époux et non plus la seule substitution.
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux, pour présenter le sous-amendement n° 40 et pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 20.
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Je suis favorable à l'amendement n° 20 et je retire le sous-amendement n° 40.
M. le président. Le sous-amendement n° 40 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 20, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 5 est ainsi rédigé.

Article additionnel avant l'article 6



M. le président.
L'amendement n° 21, présenté par M. de Richemont, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Avant l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans la première phrase du troisième alinéa de l'article 354 du code civil, après les mots : "ainsi que ses" sont insérés les mots : "nom de famille et". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri de Richemont, rapporteur. Cet amendement s'inscrit dans la même logique que les précédents.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 21, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, avant l'article 6.

Article 6



M. le président.
« Art. 6. - I. - Après les mots : "le nom de l'adoptant", la fin du premier alinéa de l'article 37 du même code est supprimée.
« II. - Après le premier alinéa du même article, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« En cas d'adoption par deux époux, le nom conféré à l'enfant est déterminé selon les règles énoncées à l'article 57. »
« III . - Dans le dernier alinéa du même article, après les mots : "le nom de ce dernier", sont insérés les mots : "ou leurs deux noms accolés dans l'ordre choisi par eux et dans la limite d'un patronyme pour chacun d'eux" .»
Sur cet article, je suis saisi de deux amendements.
L'amendement n° 22, présenté par M. de Richemont, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Après le mot : "déterminé", rédiger comme suit la fin du second alinéa du II de l'article 6 : "en application des règles énoncées à l'article 311-21". »
L'amendement n° 23, présenté par M. de Richemont, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi le III de l'article 6 :
« III. - Le dernier alinéa du même article est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« Si l'adoptant est une femme mariée ou un homme marié, le tribunal peut, dans le jugement d'adoption, décider que le nom de l'autre époux, sous réserve du consentement de celui-ci, sera conféré à l'enfant. Il peut également être conféré à l'enfant les noms accolés des époux dans l'ordre choisi par eux et dans la limite d'un nom de famille pour chacun d'eux.
« Si le mari ou la femme de l'adoptant est décédé ou dans l'impossibilité de manifester sa volonté, le tribunal apprécie souverainement après avoir consulté les héritiers du défunt ou ses successibles les plus proches. »
Le sous-amendement n° 41, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Modifier comme suit le texte proposé pour le III de l'article 6 par l'amendement n° 23 :
« I. - Dans la première phrase du deuxième alinéa, remplacer les mots : "décider que le nom de l'autre époux" par les mots : "décider, à la demande de l'adoptant, que le nom de son conjoint".
« II. - Dans la seconde phrase du deuxième alinéa, remplacer les mots : "Il peut également être conféré" par les mots : "Le tribunal peut également, à la demande de l'adoptant et sous réserve du consentement de son conjoint, conférer".
« III. - A la fin de la seconde phrase du deuxième alinéa, remplacer les mots : "dans la limite d'un nom de famille pour chacun d'eux" par les mots : "dans la limite d'un nom pour chacun d'eux". »
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter les amendements n°s 22 et 23.
M. Henri de Richemont, rapporteur. Ce sont des amendements de coordination.
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux, pour présenter le sous-amendement n° 41 et pour donner l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 22 et 23.
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Je suis favorable aux amendements n°s 22 et 23, sous réserve de l'adoption du sous-amendement n° 41.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 41 ?
M. Henri de Richemont, rapporteur. La commission est favorable aux paragraphes I et II du sous-amendement n° 41, mais elle demande au Gouvernement de retirer le paragraphe III.
M. le président. Accédez-vous à la demande de M. le rapporteur, madame le garde des sceaux ?
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Oui, monsieur le président : je retire le paragraphe III de ce sous-amendement.
M. le président. Je suis donc saisi par le Gouvernement d'un sous-amendement n° 41 rectifié, qui est ainsi ainsi libellé :
« Modifier comme suit le texte proposé pour le III de l'article 6 par l'amendement n° 23 :
« I. - Dans la première phrase du deuxième alinéa, remplacer les mots : "décider que le nom de l'autre époux" par les mots : "décider, à la demande de l'adoptant, que le nom de son conjoint".
« II. - Dans la seconde phrase du deuxième alinéa, remplacer les mots : "Il peut également être conféré" par les mots : "Le tribunal peut également, à la demande de l'adoptant et sous réserve du consentement de son conjoint, conférer". »
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 22, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
Je mets aux voix le sous-amendement n° 41 rectifié, accepté par la commission.

(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix, modifié, l'amendement n° 23, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 6, modifié.

(L'article 6 est adopté.)

Article additionnel après l'article 6



M. le président.
L'amendement n° 42, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Après l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Il est inséré, après l'article 357 du code civil, un article 357-1 ainsi rédigé :
« Art. 357-1 . - Les dispositions de l'article 311-21 sont applicables à l'enfant qui a fait l'objet d'une adoption régulièrement prononcée à l'étranger ayant en France les effets de l'adoption plénière.
« Les adoptants exercent l'option qui leur est ouverte par cet article lors de la demande de transcription du jugement d'adoption, par déclaration adressée au procureur de la République du lieu où cette transcription doit être opérée.
« Lorsque les adoptants sollicitent l'exequatur du jugement d'adoption étranger, ils joignent la déclaration d'option à leur demande. Mention de cette déclaration est portée dans la décision.
« La mention du nom choisi est opérée à la diligence du procureur de la République, dans l'acte de naissance de l'enfant. »
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Le principe d'égalité entre enfants commande qu'un sort particulier ne soit pas réservé aux enfants adoptés par des Français à l'étranger. Il convient donc de leur ouvrir également le mécanisme de l'option à trois branches. L'exercice de cette option présente néanmoins des particularités.
En premier lieu, la transcription des jugements étrangers est une opération délicate qui suppose un contrôle du parquet chargé de vérifier la conformité de la décision étrangère avec l'ordre public français. Il convient donc de retenir le principe d'une déclaration écrite adressée au parquet, qui se chargera de faire apposer le nom choisi dans l'acte de naissance de l'enfant constitué à partir de la transcription du jugement étranger.
Quant au délai pour opter, il y a lieu, faute d'un autre choix possible, de retenir le principe selon lequel l'option s'effectue lors de la demande de transcription du jugement.
Enfin, si les parents adoptifs choisissent, comme ils en ont la faculté, de demander l'exequatur du jugement étranger, ils feront la déclaration du choix du nom de l'enfant devant le tribunal de grande instance et c'est le jugement d'exequatur qui ordonnera, en même temps que la transcription de la décision d'adoption, la mention du nom choisi dans l'acte de naissance.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Henri de Richemont, rapporteur. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 42, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 6.

Articles additionnels avant l'article 7



M. le président.
L'amendement n° 24, présenté par M. de Richemont, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Avant l'article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans l'article 361 du code civil, les mots : "357, dernier alinéa," sont remplacés par les mots : "des deux derniers alinéas de l'article 357". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri de Richemont, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 24, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, avant l'article 7.
L'amendement n° 25 rectifié, présenté par M. de Richemont, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Avant l'article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Le premier alinéa de l'article 363 du code civil est complété par une phrase ainsi rédigée : "En cas d'adoption par deux époux, le nom de famille accolé à celui de l'adopté est soit celui du mari, soit celui de la femme, dans la limite d'un nom de famille pour chacun d'eux et, à défaut d'accord entre eux, le nom du mari." »
Le sous-amendement n° 43, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Dans le texte proposé par l'amendement n° 25 pour compléter le premier alinéa de l'article 363 du code civil, après les mots : "de l'adopté est", insérer les mots : "à la demande des adoptants". »
Le sous-amendement n° 44, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« I. - A la fin du texte proposé par l'amendement n° 25 pour compléter le premier alinéa de l'article 363 du code civil, remplacer les mots : "soit leurs deux noms accolés dans l'ordre choisi par eux et dans la limite d'un nom de famille pour chacun d'eux et, à défaut d'accord entre eux, le nom du mari" par les mots : "dans la limite d'un nom pour chacun d'eux".
« II. - Compléter le même texte par une phrase ainsi rédigée : "Lorsque l'adopté a lui-même plusieurs noms, le nom dévolu par l'effet de l'adoption s'ajoute à son premier nom porté à l'état civil." »
Le sous-amendement n° 54, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :
« Après les mots : "à défaut d'accord entre eux,", rédiger ainsi la fin du texte proposé par l'amendement n° 25 : "l'adoption n'est pas possible". »
Le sous-amendement n° 45, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« A. - Compléter le texte proposé par l'amendement n° 25 par un paragraphe ainsi rédigé :
« II. - Après le premier alinéa de l'article 363 du code civil, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« A défaut de choix, le premier des noms des adoptants dans l'ordre alphabétique est ajouté au nom de l'adopté ou au premier de ses noms s'il a lui-même plusieurs noms. »
« B. - En conséquence, faire précéder le texte proposé par l'amendement n° 25 de la mention : "I". »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 25 rectifié.
M. Henri de Richemont, rapporteur. Cet amendement tend à permettre à un couple marié de transmettre à l'enfant qu'il adopte un des deux noms des époux, dans la limite d'un nom de famille pour chacun d'eux. S'agissant de l'adoption simple, ce nom est accolé au nom d'origine de l'adopté, cette adjonction marquant la double origine par cohérence avec la solution retenue dans l'hypothèse de l'établissement simultané du lien de filiation : il s'agit de permettre le libre choix d'accoler soit le nom du père soit le nom maternel au nom d'origine de l'adopté.
Le choix du nom accolé est ouvert en cas d'accord entre les adoptants. En cas de désaccord, c'est le nom du mari qui s'impose, ce qui correspond à la logique que nous avons suivie.
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux, pour défendre les sous-amendements n° 43, 44 et 45.
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Le sous-amendement n° 43 est un sous-amendement de clarification procédurale. Seuls les adoptants peuvent prendre l'initiative du choix du nom de l'enfant.
Le sous-amendement n° 44 concerne la question du nom de l'enfant adopté en la forme simple par un couple marié, question qui est très délicate à résoudre.
Dans cette mesure, je souhaite décomposer les problèmes.
Le présent sous-amendement tend à poser les règles du choix du nom de l'adopté ; la question du défaut de choix ou du désaccord fait l'objet d'un autre sous-amendement que je présenterai dans un instant.
L'amendement n° 25 rectifié de votre commission des lois traite des deux questions dans le même alinéa. J'estime pour ma part nécessaire de les traiter séparément.
S'agissant du choix des adoptants, il faut éviter, dans un souci de simplicité, que l'adopté soit amené à porter une multiplicité de noms. Je pense que vous en serez d'accord.
C'est pourquoi, et parce que l'adoption simple laisse subsister la filiation d'origine, l'adjonction du nom des deux adoptants au nom de l'adopté ne peut être retenue.
La solution inverse conduirait, si chaque adoptant et l'adopté portaient un nom double, à conférer à ce dernier six noms ! C'est impossible.
En toute hypothèse, il convient de limiter le nom de famille de l'adopté, dans l'intérêt même de celui-ci, à deux noms.
Ce principe conduit à prévoir des solutions particulières lorsque l'adoptant et l'adopté ont eux-mêmes un double nom. Dans ce cas, une partie de celui-ci devra être abandonnée.
J'en viens au sous-amendement n° 45.
Comme je l'ai déjà indiqué, je ne peux souscrire au choix du nom du père comme solution résiduelle, sous peine de priver la réforme d'une grande partie de sa portée : il suffira au père de ne pas s'associer à la démarche de la mère pour que son nom soit conféré à l'enfant.
Je vous propose donc une autre solution, à savoir retenir un nom qui ferait apparaître à la fois le rattachement de l'enfant à sa famille d'origine et le nouveau lien avec sa famille adoptive.
Il faut néanmoins éviter qu'une telle adjonction ne conduise à une multiplication des noms portés par l'enfant.
C'est pourquoi le sous-amendement prévoit de retenir le premier des noms des adoptants dans l'ordre alphabétique, ajouté au premier nom de l'adopté porté à l'état civil.
C'est un peu différent du principe évoqué tout à l'heure, mais je pense qu'il n'y a guère d'autre solution.
M. le président. La parole est à M. Masson, pour présenter le sous-amendement n° 54.
M. Jean-Louis Masson. Si des parents adoptifs n'arrivent même pas à se mettre d'accord, au moment de l'adoption, sur le nom futur de l'enfant, il est probable qu'ils connaîtront constamment des divergences de vues par la suite !
Il convient donc de subordonner l'adoption à un accord entre les parents sur la question fondamentale du nom de l'enfant, ce qui permettra d'éviter ensuite tout contentieux.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les quatre sous-amendements ?
M. Henri de Richemont, rapporteur. La commission est favorable au sous-amendement n° 43 du Gouvernement.
S'agissant du sous-amendement n° 44, le Gouvernement propose de limiter le nombre des noms pour l'adopté et non pour l'adoptant, alors que notre amendement prévoit l'inverse. Cette divergence de conception n'est pas très importante, mais nous avons la faiblesse de croire qu'il ne faut pas distinguer entre les noms de l'adopté simple. Pour cette raison, la commission émet un avis défavorable sur le sous-amendement n° 44.
En ce qui concerne le sous-amendement n° 54 de M. Masson, il paraît difficile d'interdire l'adoption en cas de désaccord sur le nom que portera l'enfant adopté. La commission est donc défavorable à ce sous-amendement.
Elle a émis le même avis sur le sous-amendement n° 45 du Gouvernement, qui va à l'encontre de la logique que nous avons suivie, selon laquelle, en cas de conflit, c'est le nom du mari qui prévaut.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 54 ?
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable à ce sous-amendement, qui lie le prononcé de l'adoption à l'accord des adoptants sur le choix du nom de l'adopté. On ne saurait accepter une telle disposition.
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 43, accepté par la commission.

(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 54, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 44, repoussé par la commission.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 45, repoussé par la commission.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix, modifié, l'amendement n° 25 rectifié, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, avant l'article 7.

Article 7



M. le président.
« Art. 7. - L'article 363 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« En cas d'adoption par deux époux, le nom substitué à celui de l'adopté en application des alinéas précédents est déterminé selon les règles énoncées à l'article 57. »
L'amendement n° 26, présenté par M. de Richemont, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit l'article 7 :
« Après la première phrase du second alinéa de l'article 363 du code civil, il est inséré une phrase ainsi rédigée : "En cas d'adoption par deux époux, le nom de famille substitué à celui de l'adopté peut être soit celui du mari, soit celui de la femme, soit les noms accolés des époux dans l'ordre choisi par eux et dans la limite d'un seul nom pour chacun d'eux." »
Le sous-amendement n° 46, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Dans le texte proposé par l'amendement n° 26 pour insérer une phrase après la première phrase du second alinéa de l'article 363 du code civil, après les mots : "celui de l'adopté peut", insérer les mots : "au choix des adoptants". »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 26.
M. Henri de Richemont, rapporteur. En cas de substitution du nom de l'adoptant à celui de l'adopté en matière d'adoption simple, cet amendement ouvre la possibilité, par cohérence avec les nouvelles règles de dévolution du nom, de transmettre soit le nom du père adoptif, soit celui de la mère adoptive, soit les deux noms accolés des adoptants dans l'ordre de leur choix et dans la limite d'un seul nom pour chacun d'eux. Nous restons fidèles à notre logique.
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux, pour défendre le sous-amendement n° 46.
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Il s'agit d'apporter une clarification procédurale : seuls les adoptants peuvent choisir le nom de l'adopté.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ce sous-amendement ?
M. Henri de Richemont, rapporteur. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 46, accepté par la commission.

(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix, modifié, l'amendement n° 26, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 7 est ainsi rédigé.

Articles additionnels après l'article 7



M. le président.
L'amendement n° 27, présenté par M. de Richemont, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Après l'article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans la dernière phrase du second alinéa de l'article 363 du code civil, les mots : "de patronyme" sont remplacés par les mots : "du nom de famille". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri de Richemont, rapporteur. Il s'agit là encore de faire référence au « nom de famille », et non plus au « patronyme ».
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 27, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 7.
L'amendement n° 47, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Après l'article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 363 du code civil, il est inséré un article 363-1 ainsi rédigé :
« Art. 363-1. - Les dispositions de l'article 363 sont applicables à l'enfant ayant fait l'objet d'une adoption régulièrement prononcée à l'étranger ayant en France les effets d'une adoption simple, lorsque l'acte de naissance de l'adopté est conservé par une autorité française.
« Les adoptants exercent l'option qui leur est ouverte par cet article par déclaration adressée au procureur de la République du lieu où l'acte de naissance est conservé à l'occasion de la demande de mise à jour de celui-ci.
« La mention du nom choisi est portée à la diligence du procureur de la République dans l'acte de naissance de l'enfant. »
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Le principe d'égalité entre enfants commande que tous les adoptés, qu'ils soient français ou étrangers, soient assujettis aux mêmes règles. J'ai déjà demandé au Sénat de tirer les conséquences de ce principe s'agissant de l'adoption plénière ; dans le même esprit, le présent amendement vise à régler le cas de l'adoption simple prononcée à l'étranger.
Certes, le jugement d'adoption simple prononcé à l'étranger n'a pas, en principe, à être mentionné à l'état civil français, mais il existe des hypothèses exceptionnelles où une autorité française conserve l'acte de naissance originaire de l'enfant, auquel cas cet acte doit être mis à jour par le parquet et comporter la mention du nom nouveau de l'adopté choisi par les parents.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Henri de Richemont, rapporteur. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 47, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 7.

Article 7 bis



M. le président.
« Art. 7 bis - I. - Après le premier alinéa de l'article 55 du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque la naissance est intervenue dans un centre hospitalier communal situé sur le territoire d'une autre commune et figurant sur une liste établie par décret, la déclaration de naissance sera faite à l'officier d'état civil de la commune de rattachement. »
II. - L'article 78 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque le décès est intervenu dans un centre hospitalier communal situé sur le territoire d'une autre commune et figurant sur une liste établie par décret, la déclaration de décès sera faite à l'officier d'état civil de la commune de rattachement. »
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 28 est présenté par M. de Richemont, au nom de la commission.
L'amendement n° 5 est présenté par M. Masson.
Ces amendements sont ainsi libellés :
« Supprimer l'article 7 bis . »
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 28.
M. Henri de Richemont, rapporteur. Cet amendement tend à supprimer un article inséré dans la proposition de loi par l'Assemblée nationale, qui permet de déclarer une naissance à l'officier d'état civil d'une commune différente de celle où l'enfant est né.
M. le président. La parole est à M. Masson, pour défendre l'amendement n° 5.
M. Jean-Louis Masson. Il serait très dangereux d'autoriser l'inscription d'une naissance sur le registre d'état civil d'une commune autre que celle où l'enfant est né.
Ce serait une très grave dérive, et c'est pour la prévenir que j'ai déposé cet amendement visant à supprimer l'article 7 bis.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les deux amendements identiques ?
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 28 et 5, acceptés par le Gouvernement.

(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'article 7 bis est supprimé.

Article 8



M. le président.
« Art. 8. - I. - Dans la première phrase du premier alinéa de l'article 1er de la loi du 2 juillet 1923 perpétuant le nom des citoyens morts pour la Patrie, le mot : "mâle" est supprimé.
« II. - Il est procédé à la même suppresion dans la première phrase du premier alinéa de l'article 4 de la même loi. »
L'amendement n° 29, présenté par M. de Richemont, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Compléter l'article 8 par un paragraphe ainsi rédigé :
« III. - Dans le premier alinéa de l'article 4, les mots : "nom patronymique" sont remplacés par les mots : "nom de famille". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri de Richemont, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 29, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 8, modifié.

(L'article 8 est adopté.)

Article 9



M. le président.
« Art. 9. - L'article 43 de la loi n° 85-1372 du 23 décembre 1985 relative à l'égalité des époux dans les régimes matrimoniaux et des parents dans la gestion des biens des enfants mineurs est abrogé. »
L'amendement n° 30, présenté par M. de Richemont, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Supprimer l'article 9. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri de Richemont, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer l'article 9, qui abroge l'article 43 de la loi n° 85-1372 du 23 décembre 1985. Il est nécessaire de préserver un régime évolutif. La suppression du nom d'usage ne paraît pas justifié et rendrait le dispositif moins souple.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 30, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 9 est supprimé.

Articles additionnels après l'article 9 et article 10



M. le président.
« Art. 10. - Toute personne née avant la promulgation de la présente loi peut demander à ajouter à son nom le nom de celui de ses parents qui ne lui a pas transmis le sien. Lorsque le nom de l'un des deux parents est composé de plusieurs patronymes accolés, il ne peut être conservé qu'un seul de ces patronymes.
« A l'égard des enfants mineurs, cette faculté est mise en oeuvre par les titulaires de l'autorité parentale. Si l'enfant est âgé de plus de treize ans, son consentement personnel est requis. »
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 32 rectifié, présenté par M. de Richemont, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi l'article 10 :
« Dans le délai de dix-huit mois suivant la date d'entrée en vigueur de la présente loi, les titulaires de l'exercice de l'autorité parentale peuvent demander par déclaration conjointe à l'officier de l'état civil pour les enfants mineurs âgés de moins de treize ans, nés avant cette date, sous réserve que les parents n'aient pas d'autres enfants communs âgés de treize ans et plus, l'adjonction en deuxième position du nom de famille du parent qui ne lui a pas transmis le sien dans la limite d'un seul nom de famille. Un nom de famille identique est attribué aux enfants communs.
« Cette faculté ne peut être exercée qu'une seule fois. »
L'amendement n° 48, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Le premier enfant d'un couple, né entre la date de promulgation de la présente loi et sa date d'entrée en vigueur, peut prendre le nom de celui de ses parents qui ne lui a pas transmis le sien ou les noms accolés de ses deux parents dans l'ordre choisi par eux dans la limite d'un nom pour chacun d'eux.
« Le nom ainsi dévolu vaut pour les autres enfants communs à naître.
« Cette faculté doit être exercée dans l'année qui suit la date d'entrée en vigueur de la loi par déclaration écrite conjointe des parents remise à l'officier de l'état civil détenteur de l'acte de naissance de l'enfant. Le nouveau nom est porté en marge de l'acte de naissance de l'enfant ou, le cas échéant, des enfants concernés à la diligence dudit officier d'état civil. »
L'amendement n° 49, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi l'article 10 :
« L'enfant mineur né avant la date d'entrée en vigueur de la présente loi peut ajouter à son nom en seconde position le nom de son parent qui ne lui a pas transmis le sien dans la limite, en cas de pluralité de noms, d'un seul.
« Lorsqu'il porte lui-même plusieurs noms, il ne conserve que le premier de ses noms portés à l'état civil.
« Le nom ainsi choisi est conféré à tous les enfants mineurs communs au couple. Il vaut, le cas échéant, pour les enfants communs à naître postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi.
« Si l'un ou plusieurs des enfants sont âgés de plus de treize ans, leur consentement personnel est requis.
« Cette faculté doit être exercée dans les trois ans à compter de la date d'entrée en vigueur de la loi par déclaration écrite conjointe des parents remise à l'officier de l'état civil détenteur de l'acte de naissance de l'enfant. Le nouveau nom est porté en marge de l'acte de naissance de chacun des enfants concernés à la diligence de l'officier d'état civil. »
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 32 rectifié.
M. Henri de Richemont, rapporteur. Cet amendement a trait au régime transitoire.
La commission souhaite que, à la date d'entrée en vigueur de la loi, le nouveau dispositif introduisant de nouvelles règles de dévolution du nom de famille ne concerne pas les seules familles d'un premier enfant à naître, car il pourrait en résulter une certaine injustice.
C'est la raison pour laquelle nous prévoyons que, dans le délai de dix-huit mois suivant la date d'entrée en vigueur de la loi, les titulaires de l'exercice de l'autorité parentale pourront demander, par déclaration conjointe à l'officier de l'état civil pour les enfants mineurs âgés de moins de treize ans nés avant cette date, l'adjonction du nom de la mère, sous réserve que les parents n'aient pas d'autres enfants communs âgés de treize ans et plus. Cela permettra de transmettre à la fois le nom du père et le nom de la mère aux enfants communs à venir, alors même qu'il y aurait déjà des enfants de moins de treize ans.
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux, pour défendre les amendements n°s 48 et 49 et pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 32 rectifié.
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. L'amendement n° 48 vise à permettre que l'enfant né entre la date de promulgation et la date d'entrée en vigueur de la loi puisse bénéficier des nouvelles dispositions.
En effet, le différé d'entrée en vigueur de la loi, qui se justifie par des raisons techniques, pourrait avoir pour fâcheuse conséquence d'exclure du champ du dispositif les enfants nés depuis la promulgation de la loi. Il n'est pas concevable que les familles concernées pâtissent de cet inévitable différé, et je suis persuadée que les Français ne le comprendraient pas. Nous devons donc prévoir que la loi s'appliquera aux enfants nés entre sa date de promulgation et sa date d'entrée en vigueur.
Toutefois, afin que soient respectés le principe d'unité de la fratrie et le nom porté par les enfants déjà nés, qui ne peut être modifié que par adjonction, l'enfant ne pourra faire l'objet des nouvelles dispositions que s'il est le premier né des mêmes père et mère. Le nom ainsi choisi sera évidemment dévolu aux autres enfants à naître.
En ce qui concerne l'amendement n° 49, une stricte application de la loi dans le temps exclurait les enfants nés avant la date d'entrée en vigueur de celle-ci du bénéfice des dispositions nouvelles. Cet amendement prévoit donc, par le biais d'un dispositif particulier, encadré dans le temps, que les parents pourront, s'ils sont d'accord entre eux et si leurs enfants âgés de plus de treize ans y consentent, leur faire porter leurs deux noms accolés, symbole de leur double filiation, leur offrant ainsi le choix, lorsqu'il seront devenus parents à leur tour, du nom qu'ils transmettront à leurs propres enfants.
Ce nom ou, le cas échéant, une seule partie de ce nom s'il était double sera inscrit derrière le premier nom porté à l'état civil ou, le cas échéant, derrière la première partie de celui-ci s'il était double. L'unité du nom de la fratrie sera assurée, l'option exercée par les parents ayant vocation à s'appliquer à tous les enfants déjà nés, sous réserve du consentement des enfants âgés de plus de treize ans, ainsi qu'aux enfants à naître.
Quant à l'amendement n° 32 rectifié, le Gouvernement y est défavorable.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 48 et 49 ?
M. Henri de Richemont, rapporteur. J'estime que les deux amendements du Gouvernement sont satisfaits par celui de la commission. Le dispositif transitoire que nous proposons nous semble plus simple et est applicable à tous les enfants nés avant l'entrée en vigueur de la loi, qu'ils soient nés avant la promulgation de celle-ci ou entre la promulgation et l'entrée en vigueur.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 32 rectifié, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 10 est ainsi rédigé et les amendements n°s 48 et 49 n'ont plus d'objet.

Article 10 bis



M. le président.
« Art. 10 bis. - L'article 57 du code civil ainsi que les dispositions de la présente loi sont applicables à Mayotte. »
L'amendement n° 31 rectifié, présenté par M. de Richemont, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi l'article 10 bis :
« Les articles 57, 60 à 61-4, 329, 331, 331-2, 332-1, 334-1, 334-2, 334-5, 354, 361, 363 du code civil sont applicables à Mayotte. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri de Richemont, rapporteur. Cet amendement tend à supprimer la référence à l'article 334-1 du code civil, qui serait redondante dans la mesure où cet article est déjà applicable à Mayotte.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 31 rectifié, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 10 bis est ainsi rédigé.

Article additionnel après l'article 10 bis



M. le président.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 50, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Après l'article 10 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« La présente loi entrera en vigueur le premier jour de la troisième année suivant sa publication au Journal officiel de la République française.
« Cette entrée en vigueur est différée au premier jour de la sixième année pour Mayotte. »
L'amendement n° 57 rectifié, présenté par M. de Richemont, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Après l'article 10 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« L'entrée en vigueur de la présente loi est fixée le premier jour du dix-huitième mois suivant sa promulgation.
« Les dispositions de la présente loi sont applicables à Mayotte à compter du premier jour de la sixième année de la promulgation de la présente loi. »
La parole est à Mme la garde des sceaux, pour présenter l'amendement n° 50.
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. La réforme aura des répercussions profondes sur la vie des familles concernées, qu'il s'agisse des relations personnelles ou des démarches administratives.
Par conséquent, nous devons faire en sorte que le dispositif soit pleinement opérationnel dès son entrée en vigueur. Or, quels que soient les efforts techniques consentis, une application immédiate de la réforme ne serait pas réaliste : je pense notamment ici aux délais liés à l'adaptation de tous les logiciels informatiques enregistrant les noms des personnes.
C'est pourquoi je propose de différer à deux ans l'entrée en vigueur de la réforme.
En outre, un sort particulier doit être réservé à Mayotte, dans la mesure où une refonte complète de son état civil est en cours, la fin des travaux étant prévue d'ici à cinq ans.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 57 rectifié.
M. Henri de Richemont, rapporteur. La commission considère que deux ans, c'est un peu long, et propose donc que l'entrée en vigueur de la loi intervienne au dix-huitième mois suivant sa promulgation.
En ce qui concerne Mayotte, nous sommes d'accord pour que la loi entre en vigueur la sixième année, mais à compter de sa promulgation. Cette précision ne figurant pas dans la rédaction actuelle du texte, nous proposons de l'y introduire.
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Je retire l'amendement n° 50 au profit de l'amendement n° 57 rectifié et j'indique dès à présent, monsieur le président, que je demanderai une seconde délibération sur l'article 1er bis.
M. le président. L'amendement n° 50 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 57 rectifié, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 10 bis.

Article 11



M. le président.
« Art. 11. - Les modalités d'application de la présente loi sont fixées par décret en Conseil d'Etat. » - ( Adopté. )

Intitulé de la proposition de loi



M. le président.
L'amendement n° 7, présenté par M. de Richemont, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi l'intitulé de la proposition de loi :
« Proposition de loi relative au nom de famille »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri de Richemont, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'intitulé de la proposition de loi est ainsi rédigé.

Seconde délibération



M. le président.
En application de l'article 43, alinéa 4, du règlement, le Gouvernement demande qu'il soit procédé à une seconde délibération de l'article 1er bis.
Quel est l'avis de la commission sur la demande de seconde délibération ?
M. Henri de Richemont, rapporteur. Favorable.
M. le président. Je consulte le Sénat sur la demande de seconde délibération, acceptée par la commission.

(La seconde délibération est ordonnée.)
M. le président. Nous allons donc procéder à la seconde délibération.
Je rappelle au Sénat les termes de l'article 43, alinéa 6, du règlement : « Dans sa seconde délibération, le Sénat statue seulement sur les nouvelles propositions du Gouvernement ou de la commission, présentées sous forme d'amendements, et sur les sous-amendements s'appliquant à ces amendements. »

Article 1er bis



M. le président.
Le Sénat a précédemment adopté l'article 1er bis dans cette rédaction :
« Art. 1er bis. - Le deuxième alinéa de l'article 61 du code civil est complété par les mots : "ou de permettre à toute personne d'ajouter à son nom le nom de celui de ses parents qui ne lui a pas transmis le sien, à condition que le nom ainsi modifié se limite à un nom de famille pour chaque parent". »
L'amendement n° A-1, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi l'article 1er bis :
« Après l'article 311-21 du code civil, il est inséré un article 311-22 ainsi rédigé :
« Art. 311-22. - Toute personne à qui le nom d'un de ses parents a été transmis en application de l'article 311-21 peut y adjoindre en seconde position le nom de son autre parent dans la limite, en cas de pluralité de noms, d'un seul.
« Lorsque l'intéressé porte lui-même plusieurs noms, il ne conserve que le premier de ses noms portés à l'état civil.
« Cette faculté doit être exercée par déclaration écrite de l'intéressé remise à l'officier de l'état civil du lieu de sa naissance, à compter de sa majorité et avant la déclaration de naissance de son premier enfant. Le nouveau nom est porté en marge de son acte de naissance. »
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Je redis ce que j'ai sans doute mal expliqué tout à l'heure. Effectivement, l'adjonction d'un nom devant un officier d'état civil me semble largement possible et si on recourt au décret avec l'intervention des tiers, comme je l'ai déjà expliqué, on aura, à l'évidence, un engorgement au niveau de la direction centrale. Ce n'est pas bien pour l'information des personnes. Il faut s'en tenir à l'état civil et à l'officier d'état civil puisque, de toute façon, au niveau du décret, nous n'aurons pas le choix de refuser. C'est pourquoi je réitère cette demande, qui me semble de bon sens, et de bon état civil.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Henri de Richemont, rapporteur. La commission émet un avis favorable sur cet amendement, sous réserve de deux modifications. D'abord, à la fin de la première phrase du texte proposé pour l'article 311-22 du code civil, il convient de préciser qu'il s'agit « d'un seul nom de famille ». Ensuite, il faut rédiger ainsi la fin de la deuxième phrase : « il ne conserve que le premier de ses noms de famille portés à l'état civil. » En effet, nous souhaitons que l'officier d'état civil ne rencontre pas de problème lorsque les noms comportent plusieurs vocables.
M. le président. Madame le garde des sceaux, acceptez-vous de rectifier ainsi votre amendement ?
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° A-1 rectifié, présenté par le Gouvernement, et ainsi libellé :
« Rédiger ainsi l'article 1er bis :
« Après l'article 311-21 du code civil, il est inséré un article 311-22 ainsi rédigé :
« Art. 311-22. - Toute personne à qui le nom d'un de ses parents a été transmis en application de l'article 311-21 peut y adjoindre en seconde position le nom de son autre parent dans la limite, en cas de pluralité de noms, d'un seul nom de famille.
« Lorsque l'intéressé porte lui-même plusieurs noms, il ne conserve que le premier de ses noms de famille portés à l'état civil.
« Cette faculté doit être exercée par déclaration écrite de l'intéressé remise à l'officier de l'état civil du lieu de sa naissance, à compter de sa majorité et avant la déclaration de naissance de son premier enfant. Le nouveau nom est porté en marge de son acte de naissance. »
Je mets aux voix l'amendement n° A-1 rectifié, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 1er bis est ainsi rédigé.

Vote sur l'ensemble



M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je serai très bref, car il est tard.
Le groupe socialiste votera contre ce texte pour une raison très évidente. En effet, adopter de très nombreux amendements pour remplacer les mots « nom patronymique » par les mots « nom de famille » et finir par dire que, s'il y a désaccord, c'est le nom du père qui s'impose, cela nous paraît totalement contradictoire et vider l'ensemble de la réforme de son esprit.
Le Gouvernement avait fait un effort. Tout le monde était d'accord pour considérer que l'ordre alphabétique n'était pas, à terme en tout cas, acceptable. On pouvait penser à tirer au sort ; on pouvait songer à prendre le premier nom de l'un des parents et le deuxième nom de l'autre. Le Gouvernement avait fait un effort en acceptant que ce soit le premier de l'un et le premier de l'autre, ce qui risque de favoriser, en tout cas pendant un certain temps, les noms paternels. La commission a donc partiellement satisfaction, mais ce n'était pas le choix, et ce n'était pas évident puisque les époux ont parfaitement le droit d'inscrire le nom de la femme en premier et le nom du mari en second.
Cela étant dit, compte tenu de cet entêtement à ne pas comprendre qu'il doit y avoir égalité entre les hommes et les femmes, le groupe socialiste votera contre la proposition de loi ainsi modifiée.
M. le président. La parole est à M. Masson.
M. Jean-Louis Masson. Pour ma part, je ne voterai pas contre ce texte, car il constitue une petite avancée.
Cela étant dit, je considère, à titre personnel que la position qui a été prise est très ringarde. En effet, d'une manière détournée, on essaie de maintenir la prédominance du nom du père. Le dispositif a été suffisamment compliqué pour que, finalement, si le texte est définitivement adopté, la loi soit peu appliquée. Ensuite, il sera tiré argument du fait qu'elle est peu appliquée pour dire que l'on avait raison. Ainsi, la bouche sera bouclée.
Je considère que le texte n'est pas bon, qu'il n'est absolument pas satisfaisant. Cependant, je souhaite qu'il soit adopté car dans quelques heures le Parlement interrompra ses travaux. Le dispositif proposé est moins mauvais que celui qui est en vigueur.
A titre personnel, parce que je suis très légaliste, je considère que ce texte n'est pas conforme aux obligations internationales de la France, et donc qu'il n'est pas constitutionnel. Aussi, je souhaite que, lorsqu'il aura été voté, il se trouve soixante députés pour présenter un recours devant le Conseil constitutionnel afin que soit supprimé l'alinéa en cause - car, en fait, c'est l'alinéa dont tout dépend - qui donne la priorité au nom du père.
C'est pourquoi je m'abstiendrai.
M. le président. La parole est à M. Sido.
M. Bruno Sido. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je ne me suis pas exprimé pendant la discussion au motif que le problème était grave et qu'il était abordé par un grand nombre de spécialistes. Mais au moment du vote final, je tiens à exprimer l'avis d'un non-juriste, d'un citoyen ordinaire qui constate que, une fois de plus, le Gouvernement veut nous imposer « à la sauvette » (M. Bret sourit) une proposition de loi modifiant profondément, comme l'ont souligné les différents orateurs à la tribune, une tradition ancestrale. L'exposé des motifs de ce texte peut prêter à sourire puisqu'il précise qu'il s'agit simplement de respecter l'égalité des sexes, c'est-à-dire les droits de l'homme et de la femme, comme s'il s'agissait, dans le nom de famille, de respecter ceux-ci. La question est beaucoup plus grave. En fait, il s'agit d'une « amusette » supplémentaire.
La discussion montre d'ailleurs bien la complexité introduite par cette proposition de loi. Nous voyons bien que nous aboutissons à des situations kafkaïennes, voire ubuesques. Cette loi sera naturellement utilisée par une petite minorité d'intellectuels initiés, voire fortunés puisqu'ils pourront, s'ils disposent de moyens suffisants, aller en justice. Mais le peuple ne pourra pas de fait utiliser cette loi. Par conséquent, elle ne constitue pas, selon moi, une avancée sociale. Elle est mauvaise car elle introduit finalement la pagaille et ne constitue pas une avancée réelle. Je serais tenté de suivre - et, sur ce point, vous ne contesterez pas mes propos, madame la ministre - l'avis de François Mitterrand, selon lequel lorsqu'une loi est mauvaise on ne l'amende pas, on la rejette.
Pour autant, la commission a bien travaillé. Son excellent rapporteur a apporté de profondes modifications à ce texte. Celui-ci n'a pas été vidé de son sens mais, au moins, les effets les plus négatifs ont été balayés d'un revers de main, et je suis très satisfait. C'est pourquoi je voterai cette proposition de loi. Je ne suivrai donc pas, une fois de plus, l'avis de François Mitterrand.
Cela étant dit, faire travailler le Parlement dans la précipitation et dans ces conditions sur des motifs aussi futiles et à une heure aussi tardive, ce n'est pas très sérieux !
M. le président. La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes parvenus au terme de ce débat. La date que nous avons choisie pour l'examen de ce texte n'était peut-être pas la meilleure mais trois arguments en faveur de l'adoption de ce texte nous ont été opposés.
Premier argument : la situation actuelle de notre droit porterait atteinte à l'égalité des sexes. Cela reste à démontrer. Je ne suis pas convaincu que porter le nom du père constitue véritablement une atteinte à l'égalité des sexes.
Deuxième argument : nous serions en contradiction avec les normes internationales. Or aucune norme internationale n'exige ce que l'on veut nous imposer et la fameuse jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme ne s'applique pas à une situation comme celle que nous avons examinée aujourd'hui. Elle concerne une toute autre situation et dans un tout autre contexte. En réalité, la proposition présentée par M. le rapporteur est parfaitement conforme à ce que la Cour européenne des droits de l'homme pourrait attendre de la France.
Troisième argument : s'opposer à la réforme du nom patronymique serait ringard et on brimerait ainsi les générations futures. Je me demande dans quelle mesure, depuis sept siècles qu'existe notre système de dévolution du nom, nous nous sentions brimés par le fait de porter nos noms.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous, pas !
M. Patrice Gélard. Personne ! On nous demande brutalement de changer de système et de lui substituer un dispositif bâtard. On n'a pas voulu choisir le système espagnol, que je ne touve pas si mal, qui est défendable, ou encore les systèmes allemand ou britannique. L'Assemblée nationale a fait un mélange de l'ensemble de ces systèmes, dont l'application soulèvera des difficultés considérables.
Cela étant dit, nous ne sommes bien sûr pas opposés - nous l'avons démontré plusieurs fois - à l'élévation des droits des femmes dans notre société afin que la parité, dont on chante tant les louanges, soit réalisée, y compris dans le domaine du nom. Mais il convient aussi de tenir compte du poids de la tradition, de nos coutumes, de nos usages et, surtout, de la volonté de nos concitoyens. Or, en fin de compte, c'est une loi que l'on veut imposer à nos concitoyens.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Toutes les lois le sont !
M. Patrice Gélard. Ce n'est pas une loi voulue par nos concitoyens. On veut faire le futur, sans leur demander leur avis. Laissons les choses évoluer progressivement. Ne faisons pas, dans ce domaine, des révolutions qui n'ont pas de raison d'être. Laissons les choses se dérouler normalement. Il y a, dans ce texte, des possibilités très nettes d'évolution, du moins dans la rédaction proposée par notre excellent rapporteur.
Il ne faut pas aller plus loin. Si on va plus loin, on va dans le mur. Je suis convaincu que la bonne volonté qu'ont manifestée certains de nos collègues, notamment des membres de notre groupe, pour faire avancer les choses ne serait pas comprise par la plupart de nos concitoyens.
C'est la raison pour laquelle le dispositif qui nous a été proposé est, en réalité, une solution de sagesse. A ce stade, il faut s'en tenir là. Si nous allons plus loin, nous aurons une loi qui, soit ne sera pas applicable, soit ne sera pas appliquée, soit devra être remise sur le métier en raison des difficultés considérables qu'elle soulèvera.
J'en termine. En réalité, ce qui apparaît derrière cette loi, c'est la volonté de nous doter tous d'un double nom. Pour ma part, je ne suis pas convaincu que le double nom soit l'idéal.
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Moi non plus !
M. Patrice Gélard. Je ne suis pas convaincu que le double nom soit la formule d'avenir. Je ne suis pas convaincu, pour avoir comparé avec les pays voisins, que, hormis les pays de tradition hispanique, beaucoup de pays aient adopté le double nom.
Alors, évoluons avec sagesse, suivons la commission et son rapporteur. Et, par pitié, n'allons pas plus loin, car, à ce moment-là, je ne sais ce qu'il adviendrait !
M. le président. La parole est à M. Cointat.
M. Christian Cointat. Je ne peux que réitérer les inquiétudes que j'ai exprimées tout à l'heure, car elles sont profondes : je suis en effet très inquiet de ce qui va se passer sur le plan pratique, administratif ainsi que sur le plan des personnes et de l'histoire des familles.
Cela étant, la commission a cherché la sagesse, et M. le rapporteur a su trouver, je crois, l'équilibre entre une évolution souhaitée par certains et les craintes exprimées par d'autres.
Il ne s'agit nullement d'un entêtement contre l'égalité entre les hommes et les femmes, comme l'a prétendu M. Dreyfus-Schmidt ; il s'agit au contraire de rechercher un équilibre entre l'homme et la femme sans mettre en péril la famille, qui est extrêmement importante.
Je souhaite que l'on fasse attention, que l'on ne se laisse pas emporter par un effet de mode. Aujourd'hui, nous avons célébré le bicentenaire de la naissance de Victor Hugo : « les modes sont souvent plus dévastatrices que les révolutions », disait-il. Alors, soyons prudents.
Je voterai cette proposition de loi telle qu'elle résulte de nos travaux, car c'est le texte de la raison, de l'équilibre, de l'ouverture, et donc de l'avenir
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.

(La proposition de loi est adoptée.)

4

Dépôts de projets de loi

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre un projet de loi relatif à l'accès au droit et à la justice.
Le projet de loi sera imprimé sous le numéro 257, distribué et renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu de M. le Premier ministre un projet de loi autorisant la ratification de la convention européenne pour la protection des animaux de compagnie.
Le projet de loi sera imprimé sous le numéro 258, distribué et renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

5

DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI

M. le président. J'ai reçu de Mme Nicole Borvo, MM. Roland Muzeau, Guy Fischer, Mme Marie-Claude Beaudeau, M. Pierre Biarnes, Mme Danielle Bidard-Reydet, MM. Robert Bret, Yves Coquelle, Mmes Annie David, Michelle Demessine, Evelyne Didier, MM. Thierry Foucaud, Gérard Le Cam, Mmes Hélène Luc, Josiane Mathon MM. Roland Muzeau, Jack Ralite, Ivan Renar, Mme Odette Terrade et M. Paul Vergès, une proposition de loi relative à l'article 107 de la loi de modernisation sociale.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 256, distribuée et renvoyée à la commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

6

TEXTES SOUMIS AU SÉNAT EN APPLICATION
DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Projet de recommandation du Conseil sur la décharge à donner à la Commission sur l'exécution du budget général des communautés européennes pour l'exercice 2000.
Ce texte sera imprimé sous le numéro E-1930 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant la sécurité des aéronefs des pays tiers empruntant les aéroports communautaires.
Ce texte sera imprimé sous le numéro E-1931 et distribué.

7

DÉPÔTS DE RAPPORTS

M. le président. J'ai reçu de M. Patrice Gélard un rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administation générale sur :
- la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, portant réforme du divorce (n° 17, 2001-2002) ;
- et la proposition de loi de M. Nicolas About visant à remplacer la procédure de divorce pour faute par une procédure de divorce pour cause objective (n° 12, 2001-2002).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 252 et distribué.
J'ai reçu de Mme Gisèle Gautier un rapport fait au nom de la commission des affaires économiques et du Plan sur la proposition de loi de M. Daniel Goulet portant sur certaines mesures de prévention des risques de pollutions maritimes par les hydrocarbures (n° 158, 1999-2000).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 253 et distribué.
J'ai reçu de M. Didier Boulaud un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Roumanie relatif à la coopération dans le domaine de la défense (n° 102, 2001-2002).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 254 et distribué.
J'ai reçu de M. Robert Del Picchia un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant à l'accord entre l'Agence de coopération culturelle et technique et le Gouvernement de la République française relatif au siège de l'Agence et à ses privilèges et immunités sur le territoire français (n° 32, 2001-2002).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 255 et distribué.

8

ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au jeudi 21 février 2002 :
A neuf heures quarante-cinq :
1. Discussion en deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, portant réforme de la loi du 1er juin 1924 mettant en vigueur la législation civile française dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, dans ses dispositions relatives à la publicité foncière (n° 235, 2001-2002).
M. Daniel Hoeffel, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
2. Discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, portant réforme du divorce (n° 17, 2001-2002).
Rapport (n° 252, 2001-2002) de M. Patrice Gélard, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Rapport d'information (n° 183, 2001-2002) de M. Serge Lagauche, fait au nom de la délégation du Sénat aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.
A quinze heures et, éventuellement, le soir :
3. Questions d'actualité au Gouvernement.
4. Discussion du projet de loi (n° 234, 2001-2002), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne pour la réalisation d'une nouvelle ligne ferroviaire Lyon-Turin.
Rapport (n° 246, 2001-2002) de M. Robert Del Picchia, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
5. Discussion du projet de loi (n° 195, 2001-2002), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et l'Organisation des Nations unies concernant l'exécution des peines prononcées par le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie.
Rapport (n° 197, 2001-2002) de Mme Bergé-Lavigne, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
6. Discussion du projet de loi (n° 117, 2001-2002) autorisant la ratification de la convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée.
Rapport (n° 200, 2001-2002) de M. André Rouvière, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
7. Discussion du projet de loi (n° 119, 2001-2002) autorisant la ratification du protocole contre le trafic illicte de migrants par terre, air et mer, additionnel à la convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée.
Rapport (n° 201, 2001-2002) de M. André Rouvière, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
8. Discussion du projet de loi (n° 118, 2001-2002) autorisant la ratification du protocole additionnel à la convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants.
Rapport (n° 217, 2001-2002) de M. Jean-Paul Delevoye, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
9. Discussion du projet de loi (n° 210, 2001-2002), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification de la convention sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement (ensemble deux annexes).
Rapport (n° 247, 2001-2002) de M. Michel Pelchat, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
10. Discussion du projet de loi (n° 313 rectifié, 2001-2002) autorisant l'approbation du protocole modifiant la convention du 23 juillet 1990 relative à l'élimination des doubles impositions en cas de correction des bénéfices d'entreprises associées.
Rapport (n° 229, 2001-2002) de M. Jacques Chaumont, fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
11. Discussion du projet de loi (n° 401, 2000-2001) autorisant l'approbation de l'avenant à la convention du 19 décembre 1980 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume de Norvège en vue d'éviter les doubles impositions, de prévenir l'évasion fiscale et d'établir des règles d'assistance administrative réciproque en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune (ensemble un protocole et un protocole additionnel) modifiée par les avenants du 14 novembre 1984 et du 7 avril 1995.
Rapport (n° 230, 2001-2002) de M. Jacques Chaumont, fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
12. Discussion du projet de loi (n° 285, 1999-2000) autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Guinée en vue d'éviter les doubles impositions et d'établir des règles d'assistance réciproque en matière d'impôts sur le revenu, la fortune, les successions et les donations.
Rapport (n° 227, 2001-2002) de M. Jacques Chaumont, fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
13. Discussion du projet de loi (n° 181, 2000-2001) autorisant l'approbation de l'avenant à la convention fiscale du 21 octobre 1976 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Cameroun.
Rapport (n° 228, 2001-2002) de M. Jacques Chaumont, fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
14. Discussion du projet de loi (n° 62, 2001-2002) autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire en vue d'éviter les doubles impositions, de prévenir l'évasion et la fraude fiscales et d'établir des règles d'assistance réciproque en matière d'impôts sur le revenu, sur la fortune et sur les successions (ensemble un protocole).
Rapport (n° 231, 2001-2002) de M. Jacques Chaumont, fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
15. Eventuellement, suite de l'ordre du jour du matin.
16. Suite de la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, modifiant la loi n° 85-99 du 25 janvier 1985 relative aux administrateurs judiciaires, mandataires judiciaires à la liquidation des entreprises et experts en diagnostics d'entreprises (n° 243, 2000-2001).
Rapport (n° 180, 2001-2002) de M. Jean-Jacques Hyest, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.
17. Navettes diverses.

Délai limite général pour le dépôt des amendements

Le délai limite pour le dépôt des amendements à tous les textes prévus jusqu'à la suspension des travaux parlementaires, à l'exception de ceux pour lesquels est déterminé un délai limite spécifique, est fixé, dans chaque cas, à dix-sept heures, la veille du jour où commence leur discussion.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.

(La séance est levée le jeudi 21 février 2002, à zéro heure quarante-cinq.)

Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD





Nominations de rapporteurs
COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES,
DE LA DÉFENSE ET DES FORCES ARMÉES

M. Del Picchia a été nommé rapporteur du projet de loi n° 198 (2001-2002) autorisant l'approbation de l'amendement à la convention de Bâle sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux et leur élimination.
M. Pelchat a été nommé rapporteur du projet de loi n° 199 (2001-2002) autorisant la ratification du protocole additionnel à l'accord entre la France, la Communauté européenne de l'énergie atomique et l'Agence nationale de l'énergie atomique relatif à l'application de garanties en France.

Nomination du président d'une délégation

Dans sa séance du mercredi 20 février 2002, la délégation du Sénat aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes a procédé à l'élection de son président, en remplacement de Dinah Derycke, décédée.
Mme Gisèle Gautier a été élue présidente.



Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)


Manque d'enseignants dans le département de la Gironde

1280. - 20 février 2002. - M. Philippe Madrelle rappelle à M. le ministre de l'éducation nationale le retard pris par le département de la Gironde qui se positionne au 97e rang sur 100 en matière de taux d'encadrement ; il lui rappelle les termes de sa question orale du 24 octobre 2000 dans laquelle il dénonçait déjà les conséquences négatives de l'inadaptation et de l'inadéquation du mode de calcul de la répartition des postes budgétaires entre les départements. Il souligne que les créations d'emplois n'ont fait qu'absorber les augmentations d'effectifs d'élèves et que seule une révision du mode de calcul adaptée à l'évolution démographique permettra d'envisager une modernisation et une dynamisation du système éducatif. Depuis la rentrée scolaire de septembre 2001, plus de 200 remplacements n'ont pas été effectués et les classes se transforment trop souvent en garderie. Le manque de personnel spécialisé dans les réseaux d'aide aux enfants en difficulté aggrave les difficultés de fonctionnement du système éducatif dans le département. En Gironde, 410 postes seraient nécessaires pour atteindre la moyenne nationale ; seulement 47 postes seront créés à la rentrée de septembre 2002. Ce manque de moyens prive la Gironde de nombreuses expérimentations pédagogiques et va à l'encontre de la détermination des enseignants et des chefs d'établissement animés par cette même volonté de réduire les inégalités de départ et d'offrir à chaque élève toutes les chances de réussite. En conséquence, il lui demande de bien vouloir lui préciser de quels moyens significatifs il entend doter ce département afin que la rentrée 2002 puisse s'effectuer dans des conditions optimales.



ANNEXE AU PROCÈS-VERBAL
de la séance
du mercredi 20 février 2002


SCRUTIN (n° 58)



sur l'amendement n° 1, présenté par M. Jean_Pierre Schosteck au nom de la commission des lois, sur l'article 1er de la proposition de loi complétant la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes (définition des critères permettant le placement en garde à vue d'une personne).


Nombre de votants : 314
Nombre de suffrages exprimés : 224
Pour : 224
Contre : 0

Le Sénat a adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN


GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (23) :
Pour : 23.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (20) :

Pour : 13.
Abstentions : 7. _ MM. Nicolas Alfonsi, Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin, Gérard Delfau, Rodolphe Désiré et François Fortassin.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (95) :
Pour : 94, dont M. Serge Vinçon, qui présidait la séance.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Christian Poncelet, président du Sénat.

GROUPE SOCIALISTE (82) :

Abstention : 82.

GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (53) :

Pour : 53.

GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (41) :

Pour : 41.

Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (7) :

Abstention : 1. _ M. Bernard Frimat.
N'ont pas pris part au vote : 6.

Ont voté pour


Nicolas About
Jean-Paul Alduy
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
François Autain
Jean-Yves Autexier
Denis Badré
Gérard Bailly
José Balarello
Gilbert Barbier
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Marie-Claude Beaudeau
Marie-France Beaufils
Michel Bécot
Claude Belot
Daniel Bernardet
Roger Besse
Laurent Béteille
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Joël Billard
Claude Biwer
Jean Bizet
Jacques Blanc
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
Didier Borotra
Nicole Borvo
Joël Bourdin
Jean Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Robert Bret
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Christian Cointat
Yves Coquelle
Gérard Cornu
Jean-Patrick Courtois
Xavier Darcos
Annie David
Robert Del Picchia
Jean-Paul Delevoye
Michelle Demessine
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Dériot
Yves Détraigne
Evelyne Didier
Eric Doligé
Jacques Dominati
Michel Doublet
Paul Dubrule
Alain Dufaut
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Louis Duvernois
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Jean-Claude Etienne
Hubert Falco
Pierre Fauchon
Jean Faure
Françoise Férat
André Ferrand
Guy Fischer
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Thierry Foucaud
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Christian Gaudin
Jean-Claude Gaudin
Philippe de Gaulle
Gisèle Gautier
Patrice Gélard
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Daniel Goulet
Jacqueline Gourault
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Charles Guené
Michel Guerry
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Françoise Henneron
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Daniel Hoeffel
Jean-François Humbert
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Bernard Joly
Alain Joyandet
Jean-Marc Juilhard
Roger Karoutchi
Joseph Kerguéris
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
André Lardeux
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
René-Georges Laurin
Gérard Le Cam
Jean-René Lecerf
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Jean-François Le Grand
Serge Lepeltier
Philippe Leroy
Marcel Lesbros
Valérie Létard
Gérard Longuet
Paul Loridant
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Hélène Luc
Max Marest
Philippe Marini
Pierre Martin
Jean Louis Masson
Serge Mathieu
Josiane Mathon
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Georges Mouly
Bernard Murat
Roland Muzeau
Philippe Nachbar
Paul Natali
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Monique Papon
Anne-Marie Payet
Michel Pelchat
Jacques Pelletier
Jean Pépin
Jacques Peyrat
Xavier Pintat
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Jack Ralite
Ivan Renar
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Yves Rispat
Josselin de Rohan
Janine Rozier
Bernard Saugey
Jean-Pierre Schosteck
Bruno Sido
Daniel Soulage
Louis Souvet
Odette Terrade
Michel Thiollière
Henri Torre
René Trégouët
André Trillard
François Trucy
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Jean-Marie Vanlerenberghe
Alain Vasselle
Paul Vergès
Jean-Pierre Vial
Xavier de Villepin
Jean-Paul Virapoullé
François Zocchetto
Serge Vinçon, qui présidait la séance.

Abstentions


Nicolas Alfonsi
Michèle André
Bernard Angels
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Marie-Christine Blandin
Didier Boulaud
André Boyer
Yolande Boyer
Claire-Lise Campion
Jean-Louis Carrère
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Yvon Collin
Gérard Collomb
Raymond Courrière
Roland Courteau
Yves Dauge
Marcel Debarge
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Rodolphe Désiré
Claude Domeizel
Michel Dreyfus-Schmidt
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Claude Estier
François Fortassin
Jean-Claude Frécon
Bernard Frimat
Charles Gautier
Jean-Pierre Godefroy
Jean-Noël Guérini
Claude Haut
Odette Herviaux
Alain Journet
André Labarrère
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Dominique Larifla
André Lejeune
Louis Le Pensec
Claude Lise
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Jean-Yves Mano
François Marc
Jean-Pierre Masseret
Marc Massion
Pierre Mauroy
Louis Mermaz
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Daniel Raoul
Paul Raoult
Daniel Reiner
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Michèle San Vicente
Claude Saunier
Michel Sergent
René-Pierre Signé


Jean-Pierre Sueur
Simon Sutour
Michel Teston
Jean-Marc Todeschini
Pierre-Yvon Tremel
André Vantomme
André Vezinhet
Marcel Vidal
Henri Weber

N'ont pas pris part au vote


MM. Philippe Adnot, Philippe Darniche, Mme Sylvie Desmarescaux, MM. Hubert Durand-Chastel, Bernard Seillier, Alex Türk et Christian Poncelet, président du Sénat.



Les nombres annoncés en séance avaient été de :

Nombre de votants 314

Nombre des suffrages exprimés 226

Majorité absolue des suffrages exprimés 114

Pour l'adoption 226

Contre 0

Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés conformément à la liste ci-dessus.