SEANCE DU 12 FEVRIER 2002


SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. ADRIEN GOUTEYRON

1. Procès-verbal (p. 0 ).

2. Création d'une commission d'enquête sur la délinquance des mineurs. - Adoption des conclusions du rapport d'une commission. (Ordre du jour réservé.) (p. 1 ).
Discussion générale : MM. Jean-Jacques Hyest, rapporteur de la commission des lois ; Simon Sutour, Robert Bret, Alain Joyandet.
Clôture de la discussion générale.
Adoption de l'article unique de la proposition de résolution.

3. Cour pénale internationale. - Adoption des conclusions du rapport d'une commission. (Ordre du jour réservé.) (p. 2 ).
Discussion générale : M. Patrice Gélard, rapporteur de la commission des lois ; Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux, ministre de la justice ; MM. Robert Badinter, Robert Bret.
Clôture de la discussion générale.

Articles 1er à 5. - Adoption (p. 3 )

Adoption de l'ensemble de la proposition de loi.

4. Candidatures à une commission mixte paritaire (p. 4 ).

5. Crimes imprescriptibles en matière de terrorisme. - Renvoi d'une proposition de loi à la commission. (Ordre du jour réservé.) (p. 5 ).
Discussion générale : M. Patrice Gélard, en remplacement de M. Henri de Richemont, rapporteur de la commission des lois ; Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux, ministre de la justice ; MM. Robert Badinter, Aymeri de Montesquiou, Paul Girod, Mme Nicole Borvo.
Mme le garde des sceaux.
Clôture de la discussion générale.

Demande de renvoi à la commission (p. 6 )

Motion n° 1 de M. Jacques Pelletier. - MM. Jacques Pelletier, René Garrec, président de la commission des lois ; Mme le garde des sceaux. - Adoption de la motion ordonnant le renvoi à la commission de la proposition de loi.

Suspension et reprise de la séance (p. 7 )

PRÉSIDENCE DE M. DANIEL HOEFFEL

6. Communication relative à une commission mixte paritaire (p. 8 ).

7. Conférence des présidents (p. 9 ).

8. Nomination de membres d'une commission mixte paritaire (p. 10 ).

9. Journée nationale pour l'abolition universelle de la peine de mort. - Adoption des conclusions du rapport d'une commission. (Ordre du jour réservé.) (p. 11 ).
Discussion générale : Mmes Nicole Borvo, rapporteur de la commission des lois ; Marylise Lebranchu, garde des sceaux, ministre de la justice ; M. Robert Badinter.
Clôture de la discussion générale.

Article 1er (p. 12 )

MM. Michel Caldaguès, Patrice Gélard, Philippe de Gaulle.
Adoption de l'article.

Articles 2 à 4. - Adoption (p. 13 )

Adoption de l'ensemble de la proposition de loi.

10. Résorption des décharges brutes. - Discussion d'une question orale avec débat. (Ordre du jour réservé.) (p. 14 ).
MM. Gérard Delfau, auteur de la question ; Max Marest, Philippe Arnaud, Gérard Le Cam.
MM. Yves Cochet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement ; Gérard Delfau.
Clôture du débat.

11. Dépôt d'une proposition de loi (p. 15 ).

12. Texte soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution (p. 16 ).

13. Dépôt d'un rapport (p. 17 ).

14. Dépôt rattaché pour ordre au procès-verbal de la séance du 7 février 2002 (p. 18 ).

15. Ordre du jour (p. 19 ).



COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. ADRIEN GOUTEYRON
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

CRÉATION D'UNE COMMISSION D'ENQUÊTE
SUR LA DÉLINQUANCE DES MINEURS
(Ordre du jour réservé)

Adoption des conclusions
du rapport d'une commission

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 213, 2001-2002) de M. Jean-Jacques Hyest, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale sur la proposition de résolution (n° 332, 2000-2001) de MM. Henri de Raincourt, Jean Arthuis, Guy-Pierre Cabanel et Josselin de Rohan tendant à la création d'une commission d'enquête sur les diverses mesures de protection, d'assistance, de surveillance et d'éducation auxquelles les mineurs délinquants peuvent être soumis et leur adaptation à la nécessité de réinsertion de ces mineurs.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Mes chers collègues, nous sommes appelés à examiner la proposition de résolution de MM. de Raincourt, Arthuis, Cabanel et de Rohan tendant à créer une commission d'enquête sur les « diverses mesures de protection, d'assistance, de surveillance et d'éducation auxquelles les mineurs délinquants peuvent être soumis et leur adaptation à la nécessité de réinsertion de ces mineurs. »
La commission des lois a eu à examiner à la fois la recevabilité juridique et l'opportunité, compte tenu de son objet, de la création de cette commission d'enquête, en application de l'article 11 de notre règlement.
Sur le premier point, la recevabilité juridique, et conformément aux conditions fixées par l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 et par l'article 11 du règlement du Sénat, il ne s'agit pas d'enquêter sur des faits déterminés. La saisine, par M. le président du Sénat, de la chancellerie n'est donc pas nécessaire.
En revanche, la proposition correspond bien à l'objet du deuxième type de commission d'enquête visant à « recueillir des éléments d'information sur la gestion des services publics, en vue de soumettre leurs conclusions à l'assemblée qui les a créées ». Je vous rappelle que nous avons fusionné, voilà quelques années, les commissions d'enquête et les commissions de contrôle.
Ayant pour objet de contrôler le fonctionnement d'un service public de la justice, en particulier de la protection judiciaire de la jeunesse, la proposition entre parfaitement dans le champ défini par l'article 6 de l'ordonnance précitée.
La proposition prévoit que la commission d'enquête sera, comme c'est l'usage, composée de vingt et un membres ; elle détermine avec précision son champ d'investigation et est donc recevable comme répondant aux conditions de l'article 11 du règlement du Sénat.
En ce qui concerne le second point, l'opportunité, la création d'une commission d'enquête est pleinement justifiée par l'évolution de la délinquance des mineurs.
Il y a lieu de rappeler que le nombre des mineurs mis en cause par les services de police et de gendarmerie a progressé de plus de 78 % entre 1990 et 2000, pour atteindre, en 2001, un total de 177 017.
Selon des études récentes, la délinquance des mineurs s'est banalisée, en même temps que l'usage de la violence : outre l'augmentation considérable des atteintes aux biens, les atteintes aux personnes se sont multipliées.
C'est ainsi que le nombre de mineurs condamnés est passé, de 1995 à 1999, de 9 404 à 36 787. Pour cette dernière année, les atteintes à la personne - principalement les coups et blessures volontaires - représentent 6 258 condamnations, soit une multiplication par quatre. Dans le même temps, les condamnations pour atteintes sexuelles et les infractions en matière de stupéfiants ont été multipliées respectivement par trois et trois et demi.
Il apparaît que la progression des condamnations est parallèle à celle des fait constatés, ce qui soulève la question de l'efficacité de la prévention et de la répression de la délinquance des mineurs.
C'est donc à un travail approfondi que vous invitent les auteurs de la proposition de résolution en vue de rechercher les moyens d'améliorer les réponses de la société à la délinquance des mineurs.
En effet, « ce phénomène constitue à l'évidence un défi majeur pour notre société, qui ne peut laisser sur le bas-côté une partie de sa jeunesse ni laisser sans protection les victimes de cette délinquance, le plus souvent elles-mêmes mineures », comme le notent, à juste titre, les auteurs de la proposition de résolution.
Aucun travail d'enquête n'a été récemment mené sur cette question par les assemblées parlementaires. Certes, des enquêtes extrêmement approfondies ont été consacrées au fonctionnement de la justice par notre assemblée, mais aucune ne portait spécifiquement sur la justice des mineurs. Le Sénat, comme il l'a fait sur d'autres sujets - je pense à notre récente enquête sur les prisons -, pourra ainsi apporter une contribution importante à la réflexion sur la délinquance des mineurs.
La commission des lois vous propose de retenir, comme champ d'investigation de la commission d'enquête, les moyens de répondre à la « délinquance des mineurs », notamment les mesures de protection, d'assistance, de surveillance et d'éducation auxquelles les mineurs délinquants peuvent être soumis et leur adaptation à la mission de réinsertion.
En effet, si la question des structures d'accueil des mineurs délinquants est l'une des plus importantes, il n'apparaît pas souhaitable de restreindre le domaine de l'enquête et il est bon de pouvoir examiner les règles gouvernant la justice des mineurs.
Je suis convaincu qu'au-delà des polémiques et des anathèmes, au-delà des quatre prochains mois durant lesquels nous risquons fort d'entendre tout et son contraire, la commission saura proposer des remèdes concrets face à cette situation préoccupante, face aussi à une relative impuissance des familles, de l'école et de la justice.
M. le président. La parole est à M. Sutour.
M. Simon Sutour. « La question de l'enfance coupable est une des plus urgentes de l'époque présente. »
Cette citation, mes chers collègues, est extraite de l'exposé des motifs de l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante. Vous le savez, en ce temps, la France sortait des désordres de la dernière guerre mondiale et le souci du gouvernement provisoire de la République, sur un tel sujet, était de veiller à la protection de jeunes sans repères, qui avaient subi des troubles sérieux d'ordre matériel et moral et qui étaient tombés dans la délinquance.
Aujourd'hui, heureusement, le contexte n'est plus le même. Cependant, cette préoccupation conserve toute son importance.
Il faut en convenir, mes chers collègues, la question de la délinquance juvénile relève d'une actualité permanente, car se trouve en jeu notre capacité à réussir l'intégration paisible dans la société de jeunes femmes et de jeunes hommes en devenir, partageant le respect de valeurs communes sans lesquelles il ne peut exister une cohésion solide du corps social. Il s'agit, à chaque fois, d'un terrible défi pour la préservation de l'avenir que, nous, les adultes, devons relever.
En disant cela, je ne cherche pas à relativiser la gravité de la situation actuelle. Les statistiques des crimes et délits constatés par les services de police et de gendarmerie en France, au cours de ces dernières années, sont préoccupantes, en particulier celles qui sont relatives aux mineurs mis en cause. Si nous examinons les chiffres pour la période comprise entre 1992 et 2001, nous constatons que nous sommes passés de 98 864 à 177 010 mineurs impliqués. Au cours de la même période, donc un peu moins de dix ans, la part des mineurs dans le total des personnes mises en cause pour crimes et délits a progressé, passant de 13,9 % à 21,2 %.
Il n'est donc pas question ici de nier la hausse tendancielle de la délinquance des mineurs constatée dans notre pays ; elle se confirme d'année en année et - ce qui est grave - se caractérise par une baisse de l'âge des mineurs mis en cause dans les faits de plus en plus violents et par une multiplication d'actes de délinquance commis en groupe.
Ayons simplement à l'esprit que la délinquance juvénile n'est pas un phénomène inédit. Cependant, elle se développe aujourd'hui dans des proportions telles qu'elle suscite, à juste titre, l'exaspération croissante des victimes et accentue le sentiment général d'insécurité dans la population.
Dans ces circonstances, il est légitime que les élus s'emparent de la question pour non seulement mieux comprendre ce phénomène et animer la réflexion sur ce sujet, mais aussi pour tenter d'apporter des réponses concrètes.
Ainsi, la proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête dans le but de rechercher les moyens d'améliorer les réponses de la société à la délinquance des mineurs nous paraît totalement fondée dans son principe.
Toutefois, une telle démarche appelle de notre part un certain nombre d'observations qui sont autant de mises au point face aux reproches injustes exprimés à l'encontre de la justice des mineurs et au faux procès de carences engagé à l'encontre de l'action gouvernementale.
Vous dites, monsieur le rapporteur, qu'aucun travail d'enquête n'a récemment été accompli dans le cadre des assemblées parlementaires.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Oui !
M. Simon Sutour. Je voudrais tout de même signaler la journée d'auditions publiques organisée, en 1996, par M. Jacques Larché, alors président de la commission des lois, à laquelle avaient participé, outre le garde des sceaux, des personnes quotidiennement confrontées au problème de la délinquance juvénile, avocats, juges des enfants, magistrats du parquet, fonctionnaires de police et membres des corps enseignant et préfectoral. Le compte rendu de l'ensemble de ces auditions avait été publié dans un rapport d'information, intitulé, d'ailleurs : La délinquance juvénile : comment y répondre ?
Vous noterez la permanence de ce problème, puisque, en 1945 comme en 2002, nous nous posons la même question.
Contrairement à ce qu'affirment les détracteurs de la justice des mineurs, il ne faut pas y voir le signe de ce que l'on appelle trop souvent ces temps-ci le « laxisme des magistrats de la jeunesse ». Le taux de réponse pénale des mineurs s'améliore : le nombre de peines d'emprisonnement pour délits est passé de 6 475 en 1993 à 13 169 en 1998.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Ce n'est peut-être pas ce qu'il y a de mieux !
M. Simon Sutour. En proportion, la justice est plus sévère avec les mineurs qu'avec les majeurs.
Très vite, dans les premiers mois qui ont suivi son entrée en fonction, le gouvernement de Lionel Jospin a pris conscience de ce problème de société en ouvrant la réflexion en profondeur et en apportant des réponses concrètes.
Le 1er décembre 1997, le Premier ministre a confié à deux députés, Mme Christine Lazerges et M. Jean-Pierre Balduyck, une mission interministérielle sur le traitement de la délinquance des mineurs.
Le conseil de sécurité intérieure du 8 juin 1998 a arrêté un plan de lutte gouvernemental contre la délinquance des mineurs. Le 27 janvier 1999 et le 30 janvier 2001, le conseil de sécurité intérieure a pris acte de l'action engagée et des résultats qu'elle avait d'ores et déjà obtenus, tout en arrêtant de nouvelles décisions tendant à la poursuivre et à l'amplifier.
Une circulaire du 9 mai 2001 relative à l'action publique et à la sécurité a été diffusée aux procureurs généraux et aux procureurs de la République.
Les principales orientations mises en oeuvre visent à apporter une réponse judiciaire aux premiers actes de délinquance commis par les mineurs en développant les rappels à la loi grâce au recrutement des délégués du procureur et à répondre rapidement à tous les faits de délinquance en assurant une continuité de l'intervention.
Elles tendent à diversifier les réponses éducatives, notamment le perfectionnement des dispositifs d'accueil et d'urgence, afin de faciliter le placement des mineurs déférés dans le cadre d'une procédure pénale. La mise en place des centres de placement immédiat, les CPI ; et le développement des centres éducatifs renforcés, les CER ; est considérée comme une priorité : quarante-deux CPI sont ouverts et cinq projets sont en cours de réalisation ; quarante-sept CER sont ouverts et vingt-cinq projets sont en préparation.
Elles ont également pour objet de mieux associer les familles et les acteurs sociaux concernés, en permettant notamment aux parents d'exercer leurs responsabilités éducatives dans toutes les procédures concernant leur enfant mineur.
Elles s'appliquent, enfin, à améliorer la coordination de l'intervention des différents acteurs judiciaires.
L'action du Gouvernement trouve aussi sa traduction dans la politique menée en matière de protection judiciaire de la jeunesse. Je vous rappelle que les crédits qui lui sont alloués dans la loi de finances ont connu, au cours des années précédentes, une forte progression, de 6,4 % en 1999, de 14,7 % en 2000 et de 7,3 % en 2001. Paradoxalement, lors du dernier examen du projet de loi de finances pour 2002, la majorité sénatoriale a rejeté ces crédits.
On ne peut donc critiquer le Gouvernement de manquer de volonté ni taxer le service public de la justice d'agir avec faiblesse. Mais la justice des mineurs ne peut pas, à elle seule, répondre au problème global posé par la délinquance des jeunes. La justice n'offre qu'une réponse individualisée à des enfants qui sont passés à l'acte violent.
Ces mises au point étant faites, une question demeure : si la création de la commission d'enquête qui est proposée par les présidents des groupes de la majorité sénatoriale est appropriée, est-elle pour autant utile et opportune dans le contexte actuel ? Nous ne le pensons pas et c'est pourquoi les membres du groupe socialiste s'abstiendront au moment du vote sur la proposition de résolution, comme ils l'ont fait en commission.
Les travaux du Parlement vont être suspendus en raison des prochaines échéances électorales, présidentielle et législatives. L'actualité démontre que les choses ont tendance à s'accélérer en la matière !
M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !
M. Simon Sutour. Au cours de cette période électorale qui représente le rendez-vous démocratique par excellence pour le pays, les programmes politiques seront comparés et permettront d'éclairer les enjeux à venir. Il n'est pas sûr que le moment soit propice à un travail en profondeur de la commission d'enquête et que ses membres soient disponibles.
Par ailleurs, la campagne électorale métamorphosera sans doute profondément la nature du débat. Le temps des investigations et de la réflexion cédera naturellement la place aux acteurs de cette confrontation démocratique qui devront expliciter leur projet de réformes et tracer les perspectives de leur politique pour les cinq ans à venir.
Enfin, et sans préjuger des conclusions auxquelles aboutira la commission - si toutefois elle aboutit à des conclusions pendant cette période, monsieur le rapporteur -, le contexte électoral risque de porter atteinte à la sérénité même de ses travaux. La droite a tellement agité le chiffon rouge de l'insécurité ces derniers mois qu'on la voit mal ne pas se servir de cet instrument de contrôle, malheureusement à des fins uniquement polémiques. Je vous renvoie, là encore, à l'actualité. Je suis un élu du département du Gard, proche d'un département dans lequel se situe une ville dont il a été beaucoup question hier !
Comment ne pas s'interroger, sachant que la proposition de résolution a été déposée au mois de mai 2001, soit depuis bientôt un an, quelques jours avant l'examen par le Sénat du projet de loi relatif à la sécurité quotidienne ?
Nous nous demandons également quel est l'intérêt actuel de tels travaux.
S'agissant de la délinquance des mineurs, les propositions de la droite parlementaire sont connues ; elles se résument en une formule : réformer l'ordonnance de 1945. Elles ont été largement explicitées tant au Sénat, à l'occasion de l'examen du projet de loi sur la sécurité quotidienne, au mois de mai 2001, qu'à l'Assemblée nationale, en octobre dernier, lors de la discussion d'une proposition de loi déposée par les présidents des groupes de l'opposition.
Permettez-moi d'en citer quelques-unes, parmi les plus caractéristiques : faciliter la retenue des enfants de dix à treize ans dans les locaux de la police, abaisser à dix ans, au lieu de treize, l'âge auquel un enfant pourra être condamné à une peine, permettre de prononcer à l'égard des enfants de dix ans des peines de travail d'intérêt général, revenir à la possibilité de placer les enfants de moins de seize ans en détention provisoire pour une durée de quinze jours renouvelable une fois et supprimer les allocations familiales à la famille comprenant un jeune délinquant. J'arrêterai là mon énumération.
Face à de telles propositions, le groupe socialiste du Sénat a exprimé son opposition. D'une part, nous ne pouvons laisser croire que les problèmes lourds posés par la délinquance des mineurs peuvent se réduire à une simple réécriture d'un texte qui a déjà été modifié à de multiples reprises. D'autre part, nous sommes attachés à privilégier les réponses éducatives parce que, pour reprendre la formule de notre collègue Robert Badinter, « l'enfant ou le mineur délinquant n'est pas un adulte en réduction (...) mais un être en devenir ». Affirmer cette réalité ne revient pas à nier la nécessité de la sanction. Celle-ci doit simplement être mieux adaptée à l'âge de l'enfant.
Nous sommes encore plus convaincus aujourd'hui qu'il faut apporter une réponse globale dans le cadre d'une politique publique d'envergure. Peut-être parviendrons-nous à vous convaincre de mieux appréhender le débat actuel sur l'insécurité ? Les réponses policières et judiciaires ne peuvent suffire face à l'enjeu de société que représente la délinquance des jeunes. Les réponses relèvent d'une dynamique collective. C'est pourquoi nous soutenons ardemment la proposition de Lionel Jospin tendant à faire de la prévention de la délinquance des mineurs une grande cause nationale.
Quoi qu'il en soit, si le moment choisi pour la création de la commission d'enquête nous paraît inopportun, pour ne pas dire opportuniste, nous préférons privilégier les arguments de fond aux arguments de forme. Ainsi, tout au long des travaux d'investigation de la commission, nous veillerons à ce que ne soit pas négligé tout ce qui favorise la socialisation et la responsabilisation des mineurs, c'est-à-dire l'apprentissage élémentaire de la citoyenneté. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret. Monsieur le président, mes chers collègues, nous sommes de nouveau saisis de la proposition des présidents des trois groupes de la majorité sénatoriale de constituer une commission d'enquête sur les diverses mesures de protection, d'assistance, de surveillance et d'éducation auxquelles les mineurs délinquants peuvent être soumis et leur adaptation à la nécessité de réinsertion de ces mineurs, à quinze jours de l'interruption de la session parlementaire.
Cette proposition ne nous paraît pas particulièrement bienvenue, s'agissant tant de la façon dont « l'affaire » a été traitée que du fond même de l'initiative.
Tout d'abord, on ne peut que déplorer d'avoir attendu la fin de session pour inscrire à l'ordre du jour du Sénat une demande tendant à la constitution d'une commission d'enquête parlementaire.
Il y a huit mois, la conférence des présidents avait décidé l'inscription de cette même proposition de loi à l'ordre du jour de la séance mensuelle réservée, à la veille de l'interruption d'été. Elle avait alors été retirée in extremis après que certains d'entre nous eurent fait valoir qu'une période d'intersession à la veille d'un renouvellement sénatorial n'était pas forcément le bon moment pour faire fonctionner une commission d'enquête parlementaire !
Pourtant, il a fallu attendre à nouveau la veille d'une interruption de session parlementaire pour que la proposition de résolution réapparaisse subitement. Pas plus qu'au mois de juin dernier, je ne trouve ce choix pertinent.
On peut d'autant plus être surpris de cette manière de procéder que la charge de l'ordre du jour n'explique pas tout : nous avions suggéré dès le dépôt de la proposition de loi qu'elle fasse l'objet d'une mission d'information, ce qui aurait permis de subir de façon moins forte les contraintes de l'ordre du jour tout en permettant un travail de fond et de recueillir les témoignages et les avis des personnes compétentes. Cette solution aurait permis également d'associer les membres d'autres commissions, ce qui était évidemment utile, mais certainement moins spectaculaire.
Nous n'avons pas été suivis sur ce terrain et nous sommes aujourd'hui en droit de nous interroger sur les motivations de nos collègues de la majorité sénatoriale.
De deux choses l'une, soit l'initiative n'est que formelle, seul l'affichage importe, et il est vrai que les conditions dans lesquelles la commission d'enquête sera amenée à travailler laissent perplexe. Constituée dans une période de campagne électorale guère propice à l'investissement et à la disponibilité des uns et des autres, amenée à rendre son rapport en plein mois d'août sans présentation en séance publique, on semble cumuler les handicaps ! Alors cela vaut-il la peine de gagner six mois et pourquoi ne pas renvoyer la question à la session d'octobre ?
Soit il s'agit pour l'opposition de droite, la majorité sénatoriale, de continuer à se donner une tribune parlementaire hors session, pendant les échéances électorales. La commission d'enquête parlementaire travaillera alors à grands coups de renfort médiatique, ne servant pas la cause de ceux qui se battent pour refuser la fatalité de la délinquance de mineurs.
Si telle est l'option que vous nous proposez, il ne faut pas compter sur notre soutien.
Reconnaissez, mesdames, messieurs de la majorité sénatoriale, que le caractère partisan de votre initiative - vous n'avez à aucun moment cherché à privilégier une démarche consensuelle associant l'ensemble des groupes représentés au Sénat - a de quoi faire douter de votre réelle volonté de procéder à une évaluation approfondie de l'ordonnance de 1945 dans tous ses aspects !
Souvenons-nous également de la petite histoire du dépôt de la proposition de résolution : à la veille de la discussion en première lecture du projet de loi sur la sécurité quotidienne, la droite avait décidé de profiter de l'occasion pour tester son programme électoral anti-jeunes délinquants, voire anti-jeunes des banlieues.
Mise en difficulté devant le caractère extrême de certaines propositions, contestée même sur une partie de ses travées, elle avait sorti de son chapeau une commission d'enquête alibi, pour légitimer son discours démagogique et sécuritaire en se donnant la caution d'une initiative apparemment axée sur la réinsertion.
Notre collègue M. Delfau avait alors mis en garde la majorité sénatoriale en lançant « un appel solennel à nos collègues de la majorité sénatoriale contre la tentation de travailler dans la perspective d'une échéance électorale. Ce sujet est trop grave et trop pressant pour que nous en fassions un argument de campagne pré-présidentielle ».
Il est fort dommage qu'il n'ait pas été entendu et que la droite ait choisi une fois de plus de privilégier l'affichage politique sur une réelle analyse de fond de la délinquance des mineurs.
L'effet et le message qui en ressortiront sont, de mon point de vue, tout à fait déplorables, car ils ne manqueront pas de donner le sentiment aux Français que cette question, qui les préoccupe particulièrement et à juste titre, ne sera traitée que dans une perspective électoraliste.
En tout cas, une telle situation n'est pas propice à la sérénité que l'on serait en droit d'attendre des parlementaires sur un tel sujet.
C'est également sur le fond que la proposition peut être critiquée !
Nous ne sommes pas opposés, sur le principe, à la création d'une commission d'enquête sur la délinquance des mineurs. Bien au contraire, une telle initiative permettra sans nul doute de revenir sur des jugements hâtifs et sur des présupposés concernant le soi-disant laxisme des juges, cette affirmation allant en effet à l'encontre de ce que les professionnels observent sur le terrain.
N'oublions pas que la pratique de la réponse systématique - qui n'existe pas pour les majeurs - rend, à bien des égards, la justice pénale des mineurs plus sévère, comme vient de le rappeler Simon Sutour.
Car si, comme le souligne le rapporteur, aucune commission d'enquête n'a encore eu lieu, vous n'ignorez pas que différents rapport, notamment parlementaires, ont déjà été publiés sur le sujet et font référence.
Il y a également fort à parier, sans vouloir anticiper sur les conclusions de la commission d'enquête, que l'ordonnance de 1945, particulièrement mise en cause ces derniers temps, révélera avec force la pertinence et la modernité de ses principes fondateurs.
Nous ne sommes pas « arc-boutés » sur l'ordonnance de 1945 et réfractaires à toute révision, mais nous considérons qu'elle est une référence pour beaucoup d'entre nous, parce qu'elle a su montrer qu'une sanction dépourvue de dimension éducative n'a pas de sens.
Il faut espérer que les travaux de la commission d'enquête permettront ainsi à certains de renoncer à la tentation aberrante de déconstruire la spécificité du droit des mineurs pour calquer celui-ci sur le droit des majeurs.
Cette conception est en effet à l'opposé de toutes les évolutions progressistes, telles qu'elles sont systématisées dans les textes internationaux, qui montrent que le mineur ne peut être considéré comme un adulte en miniature et que l'on doit lui reconnaître une identité propre. Toute autre solution ne peut que conduire à une impasse et hypothèque toute chance de réinsertion dans l'avenir.
Enfin, nous pouvons espérer qu'une étude approfondie permette d'identifier précisément les difficultés réelles, notamment en termes de moyens, et les points sur lesquels concentrer les efforts. Certains découvriront peut-être à cette occasion que, plus qu'une modification des textes - l'ordonnance de 1945 offre une large palette de mesures - les juges attendent un surcroît de moyens et que, quand la prévention est mise en oeuvre, elle est largement une réussite. Quant aux centres de placement, c'est essentiellement à un problème de recrutement qu'ils sont aujourd'hui confrontés.
Nous accueillons en tout cas favorablement les propositions de modification de M. le rapporteur tendant à élargir le champ d'investigation de la commission d'enquête, tant celui qui avait été retenu à l'origine nous paraissait partiel et partial.
En effet, malgré les apparences, la proposition de résolution s'inscrivait dans une perspective exclusivement répressive. L'emploi du terme « réinsertion » ne pouvait ainsi faire longtemps illusion si l'on se référait à l'exposé des motifs. Dès lors que l'on choisit de n'aborder la question de la « réinsertion des mineurs délinquants » que sous l'angle du renforcement des centres d'éducation renforcée, les CER, et des centres de placement immédiat, les CPI, voire de la création de nouvelles structures, dès lors que l'on se refuse à évoquer d'autres modes de réinsertion, tels que les mesures de réparation ou le développement des travaux d'intérêt général, on ne peut prétendre vouloir autre chose que la punition.
Cette crainte ne pouvait d'ailleurs qu'être confortée par les débats du 11 octobre dernier à l'Assemblée nationale sur la proposition de loi des députés du groupe du RPR « tendant à modifier l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 ainsi qu'à renforcer la protection des mineurs », car la volonté affichée de remettre en cause le primat éducatif institué par l'ordonnance de 1945 conduisait les auteurs de ce texte à proposer la mise en place de nouvelles structures en remplacement des CER et des CPI : des « structures fermées », précisait M. Cuq, « pouvant constituer une alternative crédible à l'incarcération des mineurs ». C'est donc toujours une logique d'enfermement que l'on fait prévaloir, sans même la garantie du judiciaire, comme l'avait fort justement souligné alors Mme Lebranchu.
Une telle évolution ne pourrait que contredire les conclusions auxquelles était parvenue, monsieur le rapporteur, la commission d'enquête sur les prisons, qui montraient combien l'enfermement constitue un facteur supplémentaire de déstructuration plutôt que de réinsertion : substituer un enfermement à un autre ne semble pas particulièrement efficace !
Ces solutions de facilité ne peuvent qu'être un motif de découragement pour tous ceux qui mènent un lent et patient travail de fond au quotidien : je pense aux policiers, aux magistrats, aux éducateurs, aux enseignants, ainsi qu'aux parlementaires qui s'intéressent à ces questions.
On doit donc se réjouir que M. le rapporteur n'ait pas souhaité s'en tenir à cette vision parcellaire ; relevant, à juste titre, qu'il n'était pas souhaitable « d'écarter a priori du champ d'investigation de la commission d'enquête l'examen des règles gouvernant la justice des mineurs », notamment de celles qui figurent dans l'ordonnance du 2 février 1945, il nous invite à procéder à « un examen serein et approfondi de ces règles ». Nous faisons nôtre cette vision, qui nous semble bien préférable et de nature à permettre d'établir un véritable « état des lieux » de l'application de l'ordonnance de 1945, dans l'ensemble de ses aspects : préventifs, éducatifs et répressifs.
Pour l'heure, les sénateurs communistes ne peuvent cautionner une initiative dont le caractère politicien n'a pu échapper à personne. Ils ne prendront donc pas part au vote de la proposition de résolution.
Néanmoins, parce qu'il n'est pas dans leurs habitudes de s'opposer à une démarche visant à renforcer le droit d'initiative législative ou le contrôle parlementaire, ils ne refuseront pas de participer aux travaux de cette commission. Les propos très modérés du rapporteur, M. Hyest, les y encouragent.
Cependant, nous ne persisterons dans cette attitude que dans la mesure où des garanties nous seront données en matière de sérénité et de neutralité et où la majorité sénatoriale acceptera de jouer le jeu sans céder aux pressions sécuritaires à laquelle la période semble décidément bien propice. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen et sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Joyandet.
M. Alain Joyandet. Monsieur le président, mes chers collègues, il nous est donc proposé aujourd'hui de créer une commission d'enquête sur la délinquance des mineurs.
Cette proposition de résolution, à l'origine de laquelle se trouvent les quatre présidents de groupe de la majorité sénatoriale, est tout à fait pertinente dans la mesure où la délinquance des mineurs a connu une progression exponentielle ces dernières années et où l'on a constaté, surtout, une aggravation de la violence accompagnant ces actes délictueux.
En effet, en dix ans, le nombre de jeunes mis en cause dans des actes de délinquance a quasiment doublé, passant de 98 000 à 175 000. Par ailleurs, les chiffres annoncés par le préfet de police de Paris montrent la participation croissante des mineurs aux actes avec violence.
Je ne reviendrai pas sur les propos de notre excellent rapporteur, qui a démontré l'intérêt que présente la création de cette commission d'enquête par notre assemblée. En revanche, j'aimerais rappeler les circonstances qui ont conduit au dépôt de la proposition de résolution.
Cette dernière avait été déposée à l'occasion de l'examen en première lecture par notre assemblée, en mai dernier, du projet de loi relatif à la sécurité quotidienne.
La majorité sénatoriale a toujours considéré que le problème de la délinquance des mineurs ne pouvait pas être traité sous un seul de ses aspects. Nous avons toujours refusé le débat stérile entre répression et prévention.
Cependant, le Gouvernement, depuis cinq ans, pèche par angélisme, et le discours laxiste de la majorité plurielle, que nous avons encore entendu à l'instant, n'a pu apparaître que comme un blanc-seing donné à une certaine jeunesse pour persister dans la voie de la délinquance. A force d'avoir voulu privilégier, sans résultat, la seule prévention, le Gouvernement porte une très grande responsabilité dans la progression incessante de cette nouvelle délinquance.
Pour autant, monsieur Bret, nous ne sommes pas des tenants de la seule répression et nous sommes au contraire persuadés que seule une constante association de la prévention à celle-ci peut être efficace.
C'est la raison pour laquelle nous avions, à l'occasion de l'examen du projet de loi relatif à la sécurité quotidienne, formulé des propositions en matière de prévention et de réinsertion de la jeunesse délinquante. Malheureusement, la quasi-totalité de ces propositions relevaient du domaine réglementaire et ne pouvaient donner lieu au dépôt d'amendements.
C'est pourquoi cette proposition de résolution a été déposée. Nous ne nous étions pas trompés sur son utilité, puisque les membres du groupe communiste républicain et citoyen, par la voix de Mme Borvo, avaient alors salué cette initiative. Ce même orateur avait d'ailleurs fustigé la majorité sénatoriale, qui, dénonçant son caractère de façade, n'avait toujours pas examiné ce texte lors de la deuxième lecture, à l'automne dernier, du projet de loi que j'ai évoqué.
Comme vous pouvez le constater, mes chers collègues, la majorité sénatoriale n'a nullement l'intention de laisser passer cette occasion. Elle souhaite mettre à profit la période de suspension de l'activité législative pour étudier au fond cette importante question. Il s'agit non pas, pour nous, d'en faire un sujet permanent de communication grâce aux tribunes qui nous seront offertes dans les mois à venir, mais de réaliser, monsieur le rapporteur, un travail approfondi et très sérieux.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Tout à fait !
M. Alain Joyandet. La proposition de loi initiale visait uniquement à étudier les diverses mesures de protection, d'assistance, de surveillance et d'éducation auxquelles les mineurs délinquants pouvaient être soumis et leur adaptation à la nécessité de réinsérer ces derniers.
Le champ d'étude retenu pouvait paraître restrictif, mais il s'inscrivait, comme je viens de le rappeler, dans le cadre défini par le projet de loi relatif à la sécurité quotidienne, dont l'examen nous avait déjà permis de formuler d'autres propositions relatives à la répression de la délinquance des mineurs. Le volet afférent à la réinsertion étant d'ordre réglementaire, nous ne pouvions faire de suggestions sur ce plan à cette occasion.
Cela aurait pourtant été fort utile, car, sans réinsertion, la répression de la délinquance est vaine. En effet, dans certains cas, les centres de détention pour mineurs présentent le risque de précipiter plus rapidement encore ces jeunes dans une spirale fatale.
Nos propositions n'ayant pas été retenues par l'Assemblée nationale, il semble à présent tout à fait judicieux d'étendre, comme nous l'offre M. le rapporteur, le champ d'investigation de cette commission d'enquête à l'ensemble de la question de la délinquance des mineurs, qu'il est indispensable, je le répète, d'envisager de façon globale.
Notre groupe se satisfait donc de l'extension du champ d'investigation et votera, bien entendu, la création de la commission d'enquête. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je crois avoir tenu des propos mesurés, ce qui n'a pas été forcément le cas de nos collègues du groupe communiste républicain et citoyen et, surtout, du groupe socialiste. L'électoralisme se manifeste généralement chez ceux qui la dénoncent chez les autres, mais je n'engagerai pas un débat sur ce sujet !
Il est vrai que nous ne disposons pas aujourd'hui d'études approfondies sur l'ensemble du problème de la délinquance des mineurs, c'est-à-dire sur les volets afférents respectivement à la prévention, à la répression et à la réinsertion. Ainsi, M. Bret sait que la commission d'enquête sur les prisons avait déploré de façon unanime, s'agissant notamment des maisons d'arrêt, que l'on n'examine pas la question de la détention des mineurs, dont on connaît très bien les implications : actuellement, on dénombre 700 mineurs incarcérés.
Cette situation, parmi d'autres raisons, a amené la formulation d'un certain nombre de propositions et conduit les présidents des groupes de la majorité sénatoriale à souhaiter la création d'une commission d'enquête sur la délinquance des mineurs.
Cela étant, je rappelle que les commissions d'enquête sont tenues à certaines précautions : tant que leurs conclusions n'ont pas été élaborées, le secret s'impose, et il n'est pas question de se lancer dans des opérations médiatiques. Tel n'avait d'ailleurs pas été le cas à l'occasion de commissions d'enquête précédentes.
Par ailleurs, certains nous objectent que nous serons très occupés dans les six mois à venir. Je leur répondrai que nous le serons de toute façon moins que nous ne l'avons été au cours de l'année écoulée, qui nous a vus souvent légiférer dans l'urgence et siéger la nuit ! Dans ces conditions, il était alors presque impossible de mettre en place une mission d'information ou une commission d'enquête.
La suspension de nos travaux, qui n'interrompt d'ailleurs pas la mission de contrôle du Parlement, nous permettra donc, à mon sens, d'accomplir une tâche de fond et d'enquêter sur la délinquance des mineurs. Je suis convaincu que nombre des banalités que l'on entend tous les jours à ce propos perdront tout crédit si nous savons une nouvelle fois dépasser les petites polémiques politiciennes et travailler à résoudre un problème qui préoccupe l'ensemble de la société. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du RPR.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
« Article unique . - En application de l'article 11 du règlement du Sénat et de l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958, il est créé une commission d'enquête de vingt et un membres sur les moyens de répondre à la délinquance des mineurs, en particulier sur les mesures de protection, d'assistance, de surveillance et d'éducation auxquelles les mineurs délinquants peuvent être soumis et leur adaptation à la nécessité de réinsertion de ces mineurs. »
J'indique au Sénat que la commission des lois propose de rédiger comme suit l'intitulé de la proposition de résolution : « Proposition de résolution tendant à créer une commission d'enquête sur la délinquance des mineurs. »
Il n'y a pas d'opposition ?...
Il en est ainsi décidé.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les conclusions du rapport de la commission des lois sur l'article unique de la proposition de résolution n° 332.
M. Robert Bret. Le groupe communiste républicain et citoyen ne participe pas au vote.
M. Simon Sutour. Le groupe socialiste s'abstient.

(La proposition de résolution est adoptée.)

3

COUR PÉNALE INTERNATIONALE
(Ordre du jour réservé)

Adoption des conclusions du rapport
d'une commission

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 205, 2001-2002) de M. Patrice Gélard, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sur la proposition de loi de M. Robert Badinter relative à la coopération avec la Cour pénale internationale (n° 163, 2001-2002).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Patrice Gélard, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous débattons aujourd'hui d'une proposition de loi de notre excellent collègue M. Robert Badinter relative à la coopération avec la Cour pénale internationale.
Il est souhaitable que ce texte, qui arrive à temps, soit adopté dans les plus brefs délais, c'est-à-dire avant l'interruption de la session parlementaire, pour des raisons que je vais tenter d'expliquer.
Tout d'abord, il faut rappeler que la France a participé au fonctionnement du tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie et du tribunal international pour le Rwanda. Nous avions, en temps utile, adopté les mesures permettant une transposition dans notre droit interne des règles applicables à ces deux tribunaux internationaux. A l'époque, nous n'avions pas codifié ces règles, compte tenu du caractère provisoire de ces juridictions.
Le 17 juillet 1998, s'est tenue, à Rome, une conférence diplomatique visant à créer, cette fois, une cour pénale internationale permanente, et non plus un tribunal adapté à une situation particulière, comme pour le Rwanda et l'ex-Yougoslavie. Certains mauvais auteurs ont pensé que cette cour pénale internationale ne verrait jamais le jour. Il est vrai que, à plusieurs reprises, au cours de la conférence de Rome, les choses n'ont pas été faciles. Il faut rendre hommage aux plénipotentiaires français d'avoir su, le moment venu, trouver les formules qui ont permis de convaincre chacun de la nécessité de mettre en place une juridiction pénale internationale afin de lutter contre le génocide et les crimes contre l'humanité.
C'est grâce au rôle joué par les Français qu'un article, en particulier, a été inséré dans la convention internationale, je veux parler du fameux article 124, dont je dirai quelques mots tout à l'heure.
Les choses sont allées beaucoup plus vite qu'on ne pouvait le croire. Le 28 juin 1999, nous avons modifié, à Versailles, notre Constitution afin de permettre la ratification du traité instituant une cour pénale internationale et, voilà dix-huit mois, le 9 juin 2000, nous avons ratifié la convention internationale.
Depuis, les choses sont allées très vite : à ce jour, cinquante-deux Etats ont ratifié la convention internationale. Cette convention s'appliquera dès que soixante Etats l'auront ratifiée. On peut donc penser qu'elle entrera en vigueur avant le mois de juin prochain. La France sera alors liée par sa signature. Aussi, nous devons, d'ores et déjà, préparer les mesures juridiques permettant l'application de cette convention sur notre territoire et la coopération de nos autorités judiciaires avec la Cour pénale internationale. C'est l'objet de cette proposition de loi, et son seul objet.
Au cours des auditions qui ont précédé l'élaboration de notre rapport, un certain nombre de responsables d'organisations non gouvernementales ont exprimé deux demandes.
Il s'agit, d'abord, de la nécessité d'introduire, au sein de notre code pénal, la notion de crime de guerre. En effet, actuellement, notre code pénal ne comporte aucune disposition en tant que telle visant à sanctionner le crime de guerre. En revanche, les dispositions de notre code pénal s'appliquent pour tous les crimes qui peuvent intervenir dans ces situations.
Il s'agit, ensuite, de la mise en place de la compétence universelle, c'est-à-dire que les tribunaux français recevraient une compétence étendue pour tous les crimes mentionnés dans le statut de la Cour. On n'aurait donc même pas à envoyer les auteurs de génocide, de crimes contre l'humanité ou de crimes de guerre devant la juridiction internationale. Cela soulève des problèmes considérables, en particulier quand l'inculpation visera quelqu'un qui n'a aucun rapport avec la France et qui se trouvera sur le territoire métropolitain par hasard.
La commission des lois, suivant dans ce domaine l'auteur de la proposition de loi, notre excellent collègue M. Robert Badinter, a considéré qu'en procédant à une refonte du code pénal pour que le crime de guerre soit considéré comme l'un des crimes considérés comme crimes contre l'humanité, on s'engagerait dans une réforme profonde du code pénal pour laquelle nous ne sommes pas prêts et que, de toute façon, on irait à l'encontre de la réserve de l'article 124 que la France a signé et aux termes duquel, pendant une période de sept ans, les crimes de guerre ne relèveront pas, en ce qui concerne la France, de la juridiction pénale internationale.
Cela n'empêchera pas pour autant le Gouvernement français de considérer, à un moment donné, dans la période qui s'ouvrira entre l'application de la convention de Rome et les sept années, que, après tout, les garanties offertes par la Cour sont suffisantes pour pouvoir permettre de lever l'article 124. Mais, en l'état actuel, c'est le droit qui s'applique à nous, c'est le droit que nous avons ratifié et il n'y a pas lieu de le changer de façon prématurée.
J'ajouterai que la réforme profonde du code pénal que cela impliquerait n'est pas mûre et qu'il est préférable de se limiter à ce qui est immédiatement et directement applicable, c'est-à-dire à toutes les règles de procédure permettant d'assurer la coopération de la République française avec la Cour pénale internationale, en ce qui concerne tant l'instruction que l'application des peines.
Je n'entrerai pas dans les détails - il suffit de se rapporter au rapport écrit - des propositions qui sont faites, et qui sont d'ailleurs déjà connues puisqu'il s'agit simplement de reprendre et d'adapter ce que nous avions adopté dans le passé en ce qui concerne l'ex-Yougoslavie et le Rwanda.
Nous avons tout de même été un peu plus loin en pensant qu'il était nécessaire, compte tenu du caractère permanent de la Cour pénale internationale, de codifier la proposition de loi de notre collègue M. Badinter. En effet, ce travail de codification permettra de rendre ces dispositions plus claires et plus accessibles. Aussi, nous avons modifié ou ajouté un certain nombre d'articles dans le code de procédure pénale.
Il est vrai que certaines de ces propositions relèvent plutôt du pouvoir réglementaire. Cependant, la nature des dispositions contenues dans le code de procédure pénale est complexe. En effet on ne sait pas toujours très bien ce qui a un caractère législatif et ce qui a un caractère réglementaire.
Compte tenu de la solennité que constitue la prise en compte des crimes contre l'humanité, l'intervention du Parlement est justifiée et légitime. C'est pourquoi nous allons vous demander, mes chers collègues, d'adopter un ensemble de dispositions visant à faire en sorte que, rapidement, la République française soit en mesure d'honorer ses engagements internationaux et de collaborer pleinement à la mise en place de cette cour pénale internationale.
Je vous proposerai donc, sous le bénéfice de ces observations, d'adopter la proposition de loi, modifiée par la commission des lois. (Applaudissements sur les travées du RPR. - M. Badinter applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de loi que vous allez examiner a été présentée par M. Badinter. Avant tout, je voudrais lui exprimer ma gratitude. Monsieur Badinter, non seulement vous avez bien voulu porter ce texte ici, mais, surtout, vous avez joué un rôle essentiel tout au long des discussions qui ont présidé à la naissance de la Cour pénale internationale, et dans les débats d'idées qui ont contribué à l'évolution que nous connaissons aujourd'hui dans l'approche des Etats à l'égard de la justice internationale. Soyez-en remercié.
Cette proposition de loi est un texte de toute première importance.
En effet, en mettant en place un système de coopération entre la France et la Cour pénale internationale, ce texte marque la volonté de notre pays de donner à la Cour les moyens concrets de son fonctionnement.
Le traité sur le statut de la Cour pénale internationale adopté à Rome en juillet 1998 a été signé par cent trente-neuf Etats et, à ce jour, il a été ratifié par cinquante-deux d'entre eux ; les choses vont vite ! Il crée la première cour de justice permanente pour juger les crimes les plus graves : crimes de guerre, génocides, crimes contre l'humanité.
Ainsi, contrairement aux deux tribunaux pénaux internationaux pour l'ex-Yougoslavie et le Rwanda, la compétence de la Cour n'est pas limitée aux crimes commis au cours d'un conflit, dans une région du monde ou pour une période données.
La Cour pénale internationale a une seconde caractéristique importante : sa compétence repose sur l'engagement à coopérer des Etats parties au statut.
La qualité de cette coopération sera d'autant plus essentielle que, en vertu du principe de subsidiarité posé par le statut, la compétence de la Cour ne s'exercera que pour suppléer la carence des Etats.
Elle constituera ainsi, en quelque sorte, l'ultime recours contre l'impunité des auteurs des crimes prévus au statut, et la dernière voie pour que les victimes puissent être entendues et leur préjudice réparé, si tant est qu'il puisse l'être.
La mise en place de ce système de coopération avec la Cour est devenu urgent. En effet, alors que, voilà encore quelques années, seuls quelques-uns croyaient à l'avènement de cette Cour, il s'est créé un mouvement en sa faveur qui a fait évoluer l'attitude des Etats à son égard. Le rythme des ratifications s'est sensiblement accéléré, en particulier depuis la dernière commission préparatoire, qui s'est tenue au mois d'octobre dernier. Je le disais voilà un instant : nous comptons aujourd'hui cinquante-deux ratifications, sur les soixante qui sont nécessaires pour l'entrée en vigueur du statut, si bien que l'on peut raisonnablement estimer que la Cour ouvrira ses portes dès l'année prochaine.
L'imminence de cette échéance appelle à l'évidence une accélération de nos propres travaux de préparation. En particulier, il nous faut rapidement mettre en place le système de coopération avec la Cour. C'est l'objet de la présente proposition de loi.
Cette même urgence justifie que nous procédions en deux temps : nous discutons aujourd'hui une première étape pour la mise en place des modes de coopération ; une seconde étape consistera à adapter notre droit pénal au fond, j'y reviendrai.
Je le disais, la définition des modes de coopération avec la Cour pénale internationale traduit la mise en oeuvre des engagements que nous avons pris en signant le statut aux premières heures de son existence, le 18 juillet 1998, et en le ratifiant, après modification de notre Constitution, au mois de juin 2000.
Je souhaiterais revenir sur le contenu des obligations de coopération que nous impose le statut de la Cour pénale internationale.
L'article 86 du statut prévoit que « les Etats coopèrent pleinement avec la Cour dans les enquêtes et poursuites qu'elle mène pour les crimes relevant de sa compétence ».
Il convient d'insister sur le mot « pleinement », car il fournit une indication essentielle sur la nature de la coopération qui est attendue.
On pourrait en effet entendre le terme de « coopération » dans le sens d'une négociation d'égal à égal entre la Cour et l'Etat destinataire de la demande de coopération, selon le modèle de référence des coopérations entre Etats. Mais ce modèle n'est pas applicable en l'espèce, dans la mesure où la Cour ne peut être assimilée à une autorité étrangère. De ce fait, la coopération avec la Cour ne souffrira pas des obstacles liés à la souveraineté de l'Etat requis, que l'on rencontre habituellement dans le cadre de l'entraide judiciaire entre deux pays.
En ratifiant le statut, les Etats reconnaissent la validité du système de la Cour. Ils ne peuvent en conséquence refuser de coopérer pour des motifs non prévus au statut.
Un Etat qui rencontrerait une difficulté pour coopérer est tenu de consulter la Cour pour trouver une solution. En cas d'échec de ces consultations, la Cour peut saisir l'assemblée des Etats parties ou le Conseil de sécurité des Nations unies du refus de coopérer.
C'est ce principe du « dernier mot » laissé à la Cour en matière de coopération qui a été repris dans le texte qui vous est fort opportunément soumis.
L'article 88 du statut de Rome dispose, pour sa part, que « les Etats parties veillent à prévoir dans leur législation nationale les procédures qui permettent la réalisation de toutes les formes de coopération ».
Les Etats parties doivent donc prendre des dispositions de droit interne afin de se mettre en conformité avec les obligations résultant du statut en matière de coopération : le statut de Rome n'étant pas un texte d'application directe, il nécessite une adaptation du droit interne.
Ces dispositions nationales doivent envisager toutes les formes de coopération prévues au statut, notamment en ce qui concerne l'arrestation et la remise des personnes recherchées par la Cour et des mesures de réparation accordées aux victimes.
Par ailleurs, elles doivent être conformes au statut en ce qui concerne le respect des droits fondamentaux des personnes.
La proposition de loi que vous allez examiner vise à ce que soient respectées ces obligations, conformément à la lettre, mais aussi à l'esprit du statut, qui a pour objectif de permettre de trouver, dans tous les cas, un juge pour les crimes les plus graves.
C'est précisément en raison de la gravité des infractions visées par le statut et de la menace qu'elles constituent pour la paix et la sécurité qu'il appartient aux Etats de ne pas faire écran entre l'ordre juridique international et l'individu responsable de tels actes.
Concernant le texte de loi lui-même, je voudrais revenir sur ce que j'indiquais tout à l'heure quant à la démarche en deux temps qui a été retenue pour mettre la France en conformité avec ses engagements internationaux.
Le titre de la proposition de loi traduit clairement cette volonté d'avancer en deux étapes, puisqu'il s'agit d'une « proposition de loi relative à la coopération avec la Cour pénale internationale » et non d'une proposition de loi d'adaptation au statut.
C'est le premier volet de la démarche qui vous est présenté aujourd'hui ; c'est un premier pas fondamental dans l'adaptation de notre droit. Il est motivé par l'urgence de mettre la France en mesure de coopérer avec la Cour dès son installation.
Cependant, il ne signifie en rien que le Gouvernement se désintéresserait de l'adaptation de notre droit au fond. Je tiens au contraire à préciser que les services de la Chancellerie, sollicités par M. Badinter, ont déjà largement engagé les travaux de rédaction de ce second texte en vue de réviser et d'adapter les différents codes : le code pénal, bien entendu, mais aussi le code de justice militaire.
Ce travail est cependant long et difficile ; par conséquent, si nous avions attendu qu'il soit achevé pour examiner en bloc les procédures et le fond, nous aurions pris le risque de laisser se créer une situation de vide juridique au moment de l'entrée en fonction de la Cour. Cela n'était pas envisageable.
A l'inverse, en soutenant dès maintenant la proposition de loi présentée par M. Badinter, le Gouvernement opte pour la voie de la sagesse, c'est-à-dire pour la voie de la coopération.
Cette proposition de loi s'inspire en grande partie des lois de 1995 et de 1996 qui adaptent notre législation au statut des tribunaux pénaux internationaux pour l'ex-Yougoslavie et le Rwanda, sous réserve, naturellement, des particularités de la Cour, que j'ai déjà évoquées.
Deux points me semblent cependant devoir être soulignés.
D'une part, en ce qui concerne le problème de l'exécution des peines d'emprisonnement, la proposition de loi tend à anticiper sur ce qui devrait être également adopté pour le tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie, à la suite de l'accord signé le 25 février 2000 entre la France et celui-ci, pour l'exécution, en France, des peines que cette juridiction prononcera.
D'autre part, je souhaite appeler l'attention du Sénat sur les mesures de réparation en faveur des victimes, qui constituent une nouveauté par rapport aux lois d'adaptation concernant les deux tribunaux pénaux internationaux, puisque ces derniers n'ont pas, contrairement à la Cour pénale internationale, compétence pour les indemniser.
J'insiste sur cette question : le statut de la Cour pénale internationale constitue une avancée majeure sur ce point. La victime va pouvoir non seulement être associée au procès, mais également solliciter une indemnisation auprès de la Cour.
Cette conquête est le résultat d'une bataille constante menée par la France, tout au long des négociations, pour faire reconnaître la victime comme une partie au procès, et une partie disposant de droits. Ainsi, la victime n'est plus seulement victime, voire témoin : elle devient un acteur à part entière du procès.
La proposition de loi relative à la coopération avec la Cour pénale internationale qui vous est présentée permettra d'exécuter les décisions rendues en matière de réparation en faveur de ces personnes.
Après un article 1er, introductif, qui fixe le champ d'application de la loi, le texte de la proposition de loi s'articule en deux grandes parties : un premier titre est consacré à la coopération judiciaire ; un second titre traite de l'exécution des peines et des mesures de réparation prononcées par la Cour pénale internationale.
Ce faisant, l'ensemble des engagements pris par la France à l'égard de la Cour en matière de coopération pourront être tenus.
La ratification du statut a constitué une première étape. Il convient à présent de donner à la Cour les moyens de son action et de son efficacité.
La proposition de loi qui vous est présentée aujourd'hui par M. Robert Badinter, que je tiens à remercier une nouvelle fois d'avoir bien voulu porter ce texte avec toute sa conviction et son savoir-faire, est le premier pas fondateur de notre participation à la mise en oeuvre effective de la Cour pénale internationale, qui pourra compter avec la coopération de la France.
Je tiens à associer à ces remerciements M. le président et M. le rapporteur de la commission des lois qui ont bien voulu examiner ce texte et permettre ainsi son inscription à l'ordre du jour du Sénat. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, c'est assurément un jour très important pour tous ceux qui ont foi dans la justice pénale internationale, car nous allons enfin pouvoir lutter avec plus d'efficacité contre l'impunité des auteurs de crimes contre l'humanité. Je dis cela non à propos de la proposition de loi qui nous est soumise mais parce que le hasard du calendrier fait que s'ouvre aujourd'hui à La Haye le procès de Slobodan Milosevic, premier chef d'Etat dans l'histoire à répondre devant une justice pénale internationale de l'accusation de génocide, de crimes contre l'humanité et de crimes de guerre.
Voilà dix ans - permettez à un militant de cette cause de le rappeler - cette perspective, lorsqu'elle était évoquée, était toujours accueillie avec un scepticisme poli.
Mais l'imprescriptibilité, la volonté que justice soit rendue, le caractère et la fermeté des magistrats du tribunal pénal international de l'ex-Yougoslavie, présidé, je le rappelle, par un magistrat français, M. Claude Jorda, ont fait qu'aujourd'hui l'un de ceux qui symbolisent ainsi la lutte contre l'impunité des auteurs de crimes contre l'humanité aura à répondre, dans le plus absolu respect des exigences d'un procès équitable, des accusations qui pèsent sur lui. Il s'agit d'un pas essentiel dans cette lutte.
S'agissant de la présente proposition de loi, j'exprimerai d'abord, comme vous l'avez fait, madame la ministre, toute ma reconnaissance à l'égard de notre excellent rapporteur, M. Patrice Gélard, qui s'est attaché à l'examen de cette proposition de loi, ainsi qu'au président de la commission, qui a veillé à nous permettre, dans toute la mesure possible, de surmonter la difficulté extraordinaire d'un calendrier parlementaire extrêmement chargé en cette fin de législature. Permettez-moi à mon tour, madame la ministre - mais n'y voyez aucune analogie avec les opéras chinois où les applaudissements émanent successivement de la scène et du public (sourires) - de vous exprimer ma reconnaissance pour la conviction et la fermeté avec lesquelles vous avez soutenu l'évolution de cette proposition de loi, remerciements auxquels j'associe d'ailleurs certains des spécialistes de la Chancellerie.
Depuis le vote, à Rome, du traité portant statut de la Cour pénale internationale, les autorités françaises, qu'il s'agisse du Président de la République, du Premier ministre ou de votre prédécesseur, Mme Guigou, ont toujours oeuvré avec fermeté et conviction pour que la France participe, à son rang, à la mise en oeuvre de la Cour pénale internationale.
Nous sommes aujourd'hui à la veille de cette mise en oeuvre. C'est la raison pour laquelle la proposition de loi qui vous est soumise se présente sous un aspect extrêmement technique. Il est en effet des moments où il faut mesurer les impératifs et, sans renoncer à aucun des objectifs, aller vers ce qui est indispensable sans espérer atteindre la perfection du premier coup.
Or, c'était indispensable, pour nous, après le vote largement majoritaire mais difficile du traité portant statut de la Cour pénale internationale - 120 Etats mais des opposants de poids, tels les Etats-Unis, la Chine, l'Inde, pour ne parler que des principaux ! -, de satisfaire à l'exigence de la ratification par 60 Etats.
Je peux vous assurer, au nom de ceux qui ont milité pour cette cause tout au long de ces années, que cela n'a pas été facile du tout !
Mais peu à peu, notamment grâce à l'Union européenne, le cercle des ratifications s'est élargi ; et depuis l'automne, le mouvement s'est accéléré de façon très révélatrice, au regard des inquiétudes nées des attentats du 11 septembre et du sentiment qu'une juridiction pénale internationale était nécessaire pour juger de tels actes ; or ce pourrait être la Cour pénale internationale, car les attentats de ce type peuvent relever de l'article 7 du traité, signé à Rome, portant statut de la Cour pénale internationale.
C'est ainsi que nous avons vu les ratifications se succéder. Nous en sommes - vous l'avez rappelé, madame la ministre - à 52, les deux dernières ratifications étant intervenues très récemment. Selon les informations dont nous disposons, nous pouvons légitimement espérer atteindre le seuil des 60 ratifications à la fin du printemps.
Dès l'automne, lorsque nous avons eu l'occasion d'en parler, madame la ministre, cette évolution se dessinait déjà. Mais l'évidente accélération commandait, de la part du Gouvernement et du Parlement, la prise en compte d'une nécessité première : la ratification obtenue, il fallait que la France fût prête à jouer son rôle immédiatement. S'agissant de la nécessaire coopération judiciaire, il fallait mesurer ce qui était indispensable. Or, ce qui était indispensable, c'était évidemment l'ajustement des dispositions du code de procédure pénale pour permettre la pleine, entière et efficace coopération avec la Cour pénale internationale afin que le système conçu par le traité signé à Rome puisse fonctionner comme il convenait.
Le calendrier a ses exigences, et nous savions dès l'automne, à regarder le programme, qu'il nous serait impossible de faire adopter avant la fin de la législature un projet prenant en compte les dispositions indispensables pour que puisse fonctionner la justice française dans le cadre du traité, signé à Rome, portant statut de la Cour pénale internationale, et inscrivant également dans notre droit ce qui fait défaut, c'est-à-dire les définitions de droit interne concernant les crimes de guerre.
C'était évident pour quiconque connaît le fonctionnement du Parlement, ainsi que les priorités gouvernementales, tout à fait respectables d'ailleurs. La discussion aurait été renvoyée à une date ultérieure. En effet, l'expérience politique enseigne qu'en début de législature toute majorité a à coeur de faire examiner les textes qui traduisent immédiatement la volonté des vainqueurs des élections présidentielle et législatives. Aussi, ne nous trompons pas, un an au moins se serait écoulé avant que l'on puisse aboutir et, pendant ce temps-là, la Cour serait née, le traité de Rome serait entré en vigueur et nous n'aurions pas été à même d'y tenir notre rôle.
Cela n'eût pas été concevable compte tenu de la situation inquiétante qui prévaut, s'agissant de la justice pénale internationale à l'égard des crimes contre l'humanité.
En effet, à la faveur d'événements particuliers qui ont à juste titre mobilisé les opinions publiques, sur décision du Conseil de sécurité s'appuyant sur le chapitre VII de la charte des Nations unies, ont été créés deux tribunaux pénaux internationaux spéciaux, consacrés l'un aux crimes perpétrés dans le cadre de l'ex-Yougoslavie, l'autre afférente à ce que l'on a appelé le terrible génocide du Rwanda. Or ces tribunaux ad hoc ne valent que dans la limite de leurs compétences définies.
Il est malheureusement plus que probable que la création de nouvelles juridictions pénales internationales par décision du Conseil de sécurité se heurterait à des difficultés insurmontables. Pourquoi ?
Il faut rappeler que siègent au Conseil de sécurité des Nations unies de grandes puissances dont la position à l'égard de la justice pénale internationale n'est pas la même que la nôtre ni que celle des Etats membres de l'Union européenne ou celle d'autres Etats. Autrement dit, les Etats-Unis, la Chine et la Russie, cette dernière pour des raisons qui tiennent à la guerre de Tchétchénie, ne sont évidemment pas, au premier chef, enclins à favoriser la création successive de juridictions pénales internationales.
Or je rappelle que la Cour pénale internationale ne pourra connaître que des crimes commis après son entrée en vigueur, en vertu de la règle de non-rétroactivité.
Dès lors, aussi longtemps que la Cour pénale internationale ne sera pas en vigueur, compte tenu des réticences, pour ne pas dire plus, manifestées par les puissances que j'ai évoquées quant à la création de juridictions concernant tel ou tel crime contre l'humanité, nous serons dans une sorte de vide juridique tel que les criminels contre l'humanité verront à proprement parler un boulevard ouvert devant eux.
Et pourtant, après le terrible génocide du peuple cambodgien par les Khmers ou les événements récents survenus en Indonésie, la conscience internationale ne peut qu'appeler de ses voeux la mise en oeuvre de juridictions pénales !
Je m'arrête un instant sur la question du Cambodge, d'où je reviens.
A quoi venons nous d'assister ? Voilà quarante-huit heures, le secrétaire général des Nations unies et le secrétaire général adjoint pour les questions juridiques, M. Hans Corell, ont fait savoir que, compte tenu des réticences qu'ils rencontraient au Cambodge, l'ONU ne participerait pas à l'élaboration d'un tribunal mixte chargé de juger les Khmers rouges, pour des crimes qui sont pourtant parmi les plus atroces que le xxe siècle ait connu.
Devant de telles défaillances de la justice, quelles que soient les considérations politiques exposées, les exigences de pacification dans le Cambodge aujourd'hui libéré, il est d'une urgence absolue de mettre en oeuvre la Cour pénale internationale, dans laquelle notre pays doit tenir toute sa place.
Nous avons espéré un instant que nous serions le premier Etat européen à y participer. En effet, ni le Parlement ni le Gouvernement n'ont ménagé leurs efforts. Ainsi sont intervenues, d'abord la révision constitutionnelle, sur l'initiative du Président de la République, puis la ratification dans les meilleurs délais. Restait la réforme nécessaire de certaines de nos dispositions de procédures pénales. C'est l'objet du texte que nous examinons aujourd'hui.
J'ai dit pourquoi il était indispensable que ce texte soit voté dans les meilleurs délais. Cela nous a conduit, non pas à renoncer - qui renoncerait dans ce domaine ? - mais à différer, comme vous l'avez fait remarquer, Mme la garde des sceaux, l'élaboration des dispositions de droit pénal interne qui sont nécessaires pour la pleine mise en oeuvre de la Cour pénale internationale.
Il en est une que nous avons considérée, M. Gélard et moi, comme particulièrement nécessaire d'apporter. Il s'agit de l'élargissement de l'incrimination des crimes contre l'humanité aux viols collectifs organisés et poursuivis dans une fin qui rappelle les pires heures de l'histoire européenne.
Pourquoi cela ne figurait-il pas dans notre droit interne ? Pour une raison aisée à comprendre. J'ai présidé, en son temps, la commission, de révision du code pénal et, lorsque nous avons travaillé sur la notion de crime contre l'humanité, nous n'avions pas encore pris toute la mesure de la réalité des viols collectifs systématiquement organisés dans une perspective atroce de purification ethnique. C'est la tragédie qui est advenue dans l'ex-Yougoslavie, au cours des guerres successives survenues en Croatie, en Bosnie, au Kosovo, qui a fait prendre conscience de cette nouvelle forme de crime contre l'humanité.
Restait la question très importante des crimes de guerre. Nous savons que nos dispositions de droit interne en la matière ne sont pas satisfaisantes, qu'elles sont loin de répondre aux exigences du siècle qui s'ouvre.
Vous avez dit justement, madame la ministre, que nous n'avions pas fait autre chose que de considérer les priorités sans renoncer à l'élaboration du texte. Pour ce qui me concerne, je déposerai, à l'automne prochain, après m'en être entretenu comme il convient avec les services de la chancellerie, le garde des sceaux et nos collègues les plus intéressés, une proposition de loi qui, bien entendu, sera élaborée avec les ONG, auxquelles nous devons tant dans cette difficile entreprise.
Pour l'immédiat, qu'il me soit permis de dire que j'attends des autorités françaises qu'elles aillent plus loin.
Vous avez évoqué, cher ami Gélard, la question de l'article 124. Il est vrai que c'est à l'initiative de la France que cette option a été introduite. Il est non moins vrai que, au-delà, fort heureusement, nos plénipotentiaires ont tenu dans les négociations de Rome une place considérable et qu'une part du succès de ces dernières leur revient.
Il n'en demeure pas moins - et cela a été le sentiment de tous les groupes parlementaires lors de la révision de la Constitution et de la ratification du traité - qu'adopter une réserve pendant sept ans, aux termes de laquelle, en France, les crimes de guerre ne relèveront pas de la juridiction pénale internationale ne nous met pas dans une bonne position ; je ne cesserai jamais de le dire. Cette clause met en cause, d'une certaine manière, aux yeux de bien des Etats, notre volonté, qui est pourtant si forte, de faire progresser la justice pénale internationale, y compris en matière de crimes de guerre.
En outre, il me semble qu'elle risque de faire naître une sorte de soupçon sur nos forces armées, qui assurent dans des conditions très difficiles les opérations de maintien de la paix, que ce soit en Afghanistan ou au Kosovo. On pourrait y voir la conséquence d'une sorte de prédisposition à la commission de tels crimes de la part de nos militaires, alors qu'il n'en est rien ?
Je crois donc qu'il est de l'intérêt non seulement de la France en général mais de nos forces armées et de toutes ses composantes en particulier que soient levées dans un très proche avenir les réserves de l'article 124. Cela résoudrait d'ailleurs pour l'essentiel, en termes de technique juridique, le problème de la poursuite des crimes de guerre et des incriminations à cet égard contenues dans le traité de Rome. La question serait, pour une très grande part, sinon en totalité, réglée.
A ce propos, je pense qu'il ne serait pas inutile, qu'il serait même très souhaitable que, au cours de la campagne présidentielle qui va s'ouvrir, on pose publiquement à chacun des candidats à la présidence de la République la question suivante : ne considérez-vous pas qu'il serait de l'intérêt de la France de lever sans délai les réserves de l'article 124 ? Je crois que l'on prendrait ainsi conscience de l'impossibilité de les conserver.
Telles sont les réflexions que je souhaitais formuler devant notre assemblée. Une nouvelle fois, je remercie chacun d'avoir compris l'importance qu'il y avait pour nous d'être présents dans cette grande cause. Pour ma part - je n'hésite pas à le dire - je la considère comme aussi importante que l'abolition universelle de la peine de mort. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, après l'intervention de notre collègue Robert Badinter, je présenterai en quelques mots la position du groupe communiste républicain et citoyen.
Notre groupe votera les conclusions de la commission des lois relatives à la Cour pénale internationale.
Nous soutenons, en effet, l'instauration rapide de cette juridiction internationale après la ratification, par plus de soixante pays, du traité de Rome, signé le 17 juin 1998, qui instituait ladite Cour.
Le droit avance, chers collègues, mais conservons à l'esprit que sept pays qui représentent la moitié de la population mondiale, dont la Chine, les Etats-Unis, la Russie, l'Inde ou Israël, comme vient de le rappeler Robert Badinter, ont refusé de signer le texte.
Considérant les blocages auxquels nous sommes confrontés, je tiens à faire deux remarques principales sur la nature et sur le contexte de la mise en place de cette institution.
Le contexte dans lequel nous nous trouvons est celui d'une mise en cause progressive du droit international, par le terrorisme, bien sûr, mais aussi par l'unilatéralisme des Etats-Unis. Nous pouvons donc nous demander si le droit international existe toujours.
L'opération menée en Afghanistan, si compréhensible soit-elle, ne pose-t-elle pas de graves questions sur ce point ? La capture, le déplacement et les conditions de détention des prisonniers lors de ce conflit ne suscitent-ils pas des interrogations sur le respect minimum des conventions internationales ?
N'est-il pas paradoxal, à l'heure où la Cour pénale internationale s'établit, que les Etats-Unis, puissance mondiale dominante, affiche une fin de non-recevoir à sa compétence ?
Comment ne pas rappeler que le Sénat américain votait, dès le mois de décembre 2001, un projet de loi interdisant aux Etats-Unis de coopérer avec la future Cour pénale internationale ? Peut-on accepter que la première puissance mondiale se déclare ainsi au-dessus du droit ?
Plus généralement se pose la question de la viabilité d'une juridiction internationale en dehors d'une régulation internationale sur le plan institutionnel.
En un mot, la restauration du rôle des Nations unies pour plus de démocratie et pour une plus grande efficacité en vue de rétablir et de consolider la paix, conformément à sa charte, n'est-elle pas indispensable au bon fonctionnement impartial de cette future cour, qui aura, n'en doutons pas, une valeur dissuasive ?
Ma seconde remarque concerne l'inquiétude des organisations non gouvernementales sur le contenu et le champ de la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui.
M. le rapporteur a indiqué que la commission des lois comprenait et approuvait leurs critiques mais que, par souci d'efficacité, la session parlementaire s'interrompant dans une semaine, il fallait aller vite, au risque de l'imperfection, pour que notre pays ne retarde pas l'installation de la Cour. Cinquante-deux pays ayant déjà ratifié le traité de Rome signé en 2000, il est possible, en effet, d'atteindre le nombre de soixante pays d'ici au mois de juillet.
Cette explication fondée sur le calendrier n'est pourtant pas totalement satisfaisante.
En effet, ces ONG constatent, comme nous, que certaines grandes puissances, à des degrés divers, ne souhaitent pas que les crimes de guerre qui peuvent être perpétrés à l'occasion de leurs actions militaires extérieures soient jugés par une juridiction internationale ; ces pays cherchent donc à exclure ces crimes du champ de compétence de la Cour pénale internationale. C'est sur ce problème que les ONG en question attendent une réponse.
Enfin, comme mon collègue Robert Badinter, je regrette, madame la ministre, que la France maintienne sa demande d'une réserve de sept ans quant à l'implication de ses forces militaires à l'étranger.
Nous avions déjà, par le passé, noté cette tentative de la France d'échapper à certaines de ses responsabilités. Nous sommes désolés de devoir la noter à nouveau aujourd'hui. Comme le disait Robert Badinter, il y va de l'intérêt de la France de lever cette réserve.
Sous le bénéfice de ces observations, nous voterons les conclusions de la commission des lois afin de permettre à la justice internationale de progresser de manière significative. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen ainsi que sur les travées socialistes. - MM. Lesbros et About applaudissent également.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.

Article 1er



M. le président.
« Art. 1er. - Il est inséré, dans le livre IV du code de procédure pénale, avant le titre Ier, qui devient le titre Ier bis et dont l'article 627 devient l'article 627-21, un nouveau titre ainsi rédigé :

« TITRE Ier

« DE LA COOPÉRATION
AVEC LA COUR PÉNALE INTERNATIONALE

« Art. 627 . - Pour l'application du Statut de la Cour pénale internationale signé le 18 juillet 1998, la France participe à la répression des infractions et coopère avec cette juridiction dans les conditions fixées par le présent titre.
« Les dispositions qui suivent sont applicables à toute personne poursuivie devant la Cour pénale internationale ou condamnée par celle-ci à raison des actes qui constituent, au sens des articles 6 à 8 et 25 du Statut, un génocide, des crimes contre l'humanité ou des crimes de guerre.

« Chapitre Ier

« De la coopération judiciaire

« Section 1

« De l'entraide judiciaire

« Art. 627-1 . - Les demandes d'entraide émanant de la Cour pénale internationale sont adressées aux autorités compétentes en vertu de l'article 87 du Statut en original ou en copie certifiée conforme accompagnées de toutes pièces justificatives.
« Ces documents sont transmis au procureur de la République de Paris qui leur donne toutes suites utiles.
« En cas d'urgence, ces documents peuvent être transmis directement et par tout moyen à ce magistrat. Ils sont ensuite transmis dans les formes prévues aux alinéas précédents.
« Art. 627-2. - Les demandes d'entraide sont exécutées, selon les cas, par le procureur de la République ou par le juge d'instruction de Paris, qui agissent sur l'ensemble du territoire national en présence, le cas échéant, du procureur près la Cour pénale internationale ou de son représentant, ou de toute autre personne mentionnée dans la demande de la Cour pénale internationale.
« Les procès-verbaux établis en exécution de ces demandes sont adressés à la Cour pénale internationale par les autorités compétentes en vertu de l'article 87 du Statut.
« En cas d'urgence, les copies certifiées conformes des procès-verbaux peuvent être adressées directement et par tout moyen à la Cour pénale internationale. Les procès-verbaux sont ensuite transmis dans les formes prévues aux alinéas précédents.
« Art. 627-3. - L'exécution sur le territoire français des mesures conservatoires mentionnées au (k) du paragraphe 1 de l'article 93 du Statut est ordonnée, aux frais avancés du Trésor et selon les modalités prévues par le code de procédure civile, par le procureur de la République de Paris. La durée maximale de ces mesures est limitée à deux ans. Elles peuvent être renouvelées dans les mêmes conditions avant l'expiration de ce délai à la demande de la Cour pénale internationale.
« Le procureur de la République de Paris transmet aux autorités compétentes, en vertu de l'article 87 du Statut, toute difficulté relative à l'exécution de ces mesures, afin que soient menées les consultations prévues aux articles 93, paragraphe 3, et 97 du statut.

« Section 2

« De l'arrestation et de la remise

« Art. 627-4. - Les demandes d'arrestation aux fins de remise délivrées par la Cour pénale internationale sont adressées, en original et accompagnées de toutes pièces justificatives, aux autorités compétentes en vertu de l'article 87 du Statut qui, après s'être assurées de leur régularité formelle, les transmettent au procureur général près la cour d'appel de Paris et, dans le même temps, les mettent à exécution dans toute l'étendue du territoire de la République.
« En cas d'urgence, ces demandes peuvent aussi être adressées directement et par tout moyen au procureur de la République territorialement compétent. Elles sont ensuite transmises dans les formes prévues à l'alinéa précédent.
« Art. 627-5. - Toute personne appréhendée en vertu d'une demande d'arrestation aux fins de remise doit être déférée dans les vingt-quatre heures au procureur de la République territorialement compétent. Dans ce délai, les dispositions des articles 63-1 à 63-5 du présent code lui sont applicables.
« Après avoir vérifié l'identité de cette personne, ce magistrat l'informe, dans une langue qu'elle comprend, qu'elle fait l'objet d'une demande d'arrestation aux fins de remise et qu'elle comparaîtra, dans un délai maximum de cinq jours, devant le procureur général près la cour d'appel de Paris. Le procureur de la République l'informe également qu'elle pourra être assistée par un avocat de son choix ou, à défaut, par un avocat commis d'office par le bâtonnier de l'ordre des avocats, informé sans délai et par tout moyen. Il l'avise de même qu'elle pourra s'entretenir immédiatement avec l'avocat désigné.
« Mention de ces informations est faite au procès-verbal, qui est aussitôt transmis au procureur général près la cour d'appel de Paris.
« Le procureur de la République ordonne l'incarcération de la personne réclamée à la maison d'arrêt.
« Art. 627-6. - La personne réclamée est transférée, s'il y a lieu, et écrouée à la maison d'arrêt du ressort de la cour d'appel de Paris. Le transfèrement doit avoir lieu dans un délai maximum de cinq jours à compter de sa présentation au procureur de la République, faute de quoi la personne réclamée est immédiatement libérée sur décision du président de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, à moins que le transfèrement ait été retardé par des circonstances insurmontables.
« Le procureur général près cette même cour lui notifie, dans une langue qu'elle comprend, la demande d'arrestation aux fins de remise ainsi que les chefs d'accusation portés contre elle.
« Lorsque la personne réclamée a déjà demandé l'assistance d'un avocat et que celui-ci a été dûment convoqué, le procureur général reçoit ses déclarations.
« Dans les autres cas, ce magistrat lui rappelle son droit de choisir un avocat ou de demander qu'il lui en soit désigné un d'office. L'avocat choisi ou, dans le cas d'une demande de commission d'office, le bâtonnier de l'ordre des avocats en est informé par tout moyen et sans délai. L'avocat peut consulter sur-le-champ le dossier et communiquer librement avec la personne réclamée. Le procureur général reçoit les déclarations de cette dernière après l'avoir avertie qu'elle est libre de ne pas en faire. Mention de cet avertissement est faite au procès-verbal.
« Art. 627-7. - La chambre de l'instruction est immédiatement saisie de la procédure. La personne réclamée comparaît devant elle dans un délai de huit jours à compter de sa présentation au procureur général. Sur la demande de ce dernier ou de la personne réclamée, un délai supplémentaire de huit jours peut être accordé avant les débats. Il est ensuite procédé à un interrogatoire dont il est dressé procès-verbal.
« Les débats se déroulent et l'arrêt est rendu en audience publique, sauf si la publicité est de nature à nuire au bon déroulement de la procédure en cours, aux intérêts d'un tiers ou à la dignité de la personne. Dans ce cas, la chambre de l'instruction, à la demande du ministère public, de la personne réclamée ou d'office, statue par un arrêt rendu en chambre du conseil qui n'est susceptible de pourvoi en cassation qu'en même temps que l'arrêt portant sur la remise prévue à l'article 627-8.
« Le ministère public et la personne réclamée sont entendus, cette dernière assistée, le cas échéant, de son avocat et, s'il y a lieu, en présence d'un interprète.
« Art. 627-8. - Lorsque la chambre de l'instruction constate qu'il n'y a pas d'erreur évidente, elle ordonne la remise de la personne réclamée et, si celle-ci est libre, son incarcération à cette fin. Toute autre question soumise à la chambre de l'instruction est renvoyée à la Cour pénale internationale qui lui donne les suites utiles.
« La chambre de l'instruction statue dans les quinze jours de la comparution devant elle de la personne réclamée. En cas de pourvoi, la chambre criminelle de la Cour de cassation statue dans un délai de deux mois suivant la réception du dossier à la Cour de cassation.
« Art. 627-9. - La mise en liberté peut être demandée à tout moment à la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, qui procède conformément à l'article 59 du Statut et à la procédure prévue aux articles 148-1 et suivants du présent code.
« La chambre de l'instruction statue par un arrêt rendu en audience publique et motivé par référence aux dispositions du quatrième paragraphe de l'article 59 susvisé.
« Art. 627-10. - L'arrêt rendu par la chambre de l'instruction et, le cas échéant, le lieu et la date de la remise de la personne réclamée, ainsi que la durée de la détention subie en vue de cette remise, sont portés à la connaissance de la Cour pénale internationale, par tout moyen, par les autorités compétentes en vertu de l'article 87 du Statut.
« La personne réclamée est remise dans un délai d'un mois à compter du jour où cette décision est devenue définitive, faute de quoi elle est immédiatement libérée sur décision du président de la chambre de l'instruction à moins que sa remise ait été retardée par des circonstances insurmontables.
« Art. 627-11. - Les dispositions des articles 627-4 à 627-10 sont également applicables si la personne réclamée est poursuivie ou condamnée en France pour d'autres chefs que ceux visés par la demande de la Cour pénale internationale. Toutefois, la personne détenue dans ces conditions ne peut bénéficier d'une mise en liberté au titre des articles 627-6, 627-9 et du second alinéa de l'article 627-10.
« La procédure suivie devant la Cour pénale internationale suspend, à l'égard de cette personne, la prescription de l'action publique et de la peine.
« Art. 627-12. - Le transit sur le territoire français est autorisé conformément à l'article 89 du Statut par les autorités compétentes en vertu de l'article 87.
« Art. 627-13. - Lorsque la Cour sollicite l'extension des conditions de la remise accordée par les autorités françaises, la demande est transmise aux autorités compétentes en vertu de l'article 87 du Statut, qui la communiquent, avec toutes les pièces justificatives ainsi que les observations éventuelles de l'intéressé, à la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris.
« Si, au vu des pièces considérées et, le cas échéant, des explications de l'avocat de la personne concernée, la chambre de l'instruction constate qu'il n'y a pas d'erreur évidente, elle autorise l'extension sollicitée.
« Art. 627-14. - La personne qui a fait l'objet d'une arrestation provisoire dans les conditions prévues à l'article 92 du Statut peut, si elle y consent, être remise à la Cour pénale internationale avant que les autorités compétentes en vertu de l'article 87 du Statut aient été saisies d'une demande formelle de remise de la part de la juridiction internationale.
« La décision de remise est prise par la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris après que celle-ci a informé la personne concernée de son droit à une procédure formelle de remise et a recueilli son consentement.
« Au cours de son audition par la chambre de l'instruction, la personne concernée peut se faire assister par un avocat de son choix ou, à défaut, par un avocat commis d'office par le bâtonnier et, s'il y a lieu, par un interprète.
« La personne qui a fait l'objet d'une arrestation provisoire dans les conditions prévues à l'article 92 du Statut et qui n'a pas consenti à être remise à la Cour peut être libérée si les autorités compétentes en vertu de l'article 87 du Statut ne reçoivent pas de demande formelle de remise dans le délai prescrit par le règlement de procédure et de preuve de cette juridiction internationale.
« La libération est décidée par la chambre de l'instruction sur requête présentée par l'intéressé. La chambre de l'instruction statue dans les huit jours de la comparution devant elle de la personne arrêtée.
« Art. 627-15. - Toute personne détenue sur le territoire de la République peut, si elle y consent, être transférée à la Cour pénale internationale à des fins d'identification ou d'audition ou pour l'accomplissement de tout autre acte d'instruction. Le transfert est autorisé par le ministre de la justice.

« Chapitre II

« De l'exécution des peines et des mesures
de réparation prononcées par
la Cour pénale internationale

« Section 1

« De l'exécution des peines d'amende et de consfiscation
ainsi que des mesures de réparation en faveur des victimes

« Art. 627-16. - Lorsque la Cour pénale internationale en fait la demande, l'exécution des peines d'amende et de confiscation ou des décisions concernant les réparations prononcées par celle-ci est autorisée par le tribunal correctionnel de Paris saisi, à cette fin, par le procureur de la République. La procédure suivie devant le tribunal correctionnel obéit aux règles du présent code.
« Le tribunal est lié par la décision de la Cour pénale internationale, y compris en ce qui concerne les dispositions relatives aux droits des tiers. Toutefois, dans le cas d'exécution d'une ordonnance de confiscation, il peut ordonner toutes les mesures destinées à permettre de récupérer la valeur du produit, des biens ou des avoirs dont la Cour a ordonné la confiscation, lorsqu'il apparaît que l'ordonnance de confiscation ne peut être exécutée. Le tribunal entend le condamné ainsi que toute personne ayant des droits sur les biens, au besoin par commission rogatoire. Ces personnes peuvent se faire représenter par un avocat.
« Lorsque le tribunal constate que l'exécution d'une ordonnance de confiscation ou de réparation aurait pour effet de porter préjudice à un tiers de bonne foi qui ne peut relever appel de ladite ordonnance, il en informe le procureur de la République aux fins de renvoi de la question à la Cour pénale internationale, qui lui donne toutes suites utiles.
« Art. 627-17. - L'autorisation d'exécution rendue par le tribunal correctionnel en vertu de l'article précédent entraîne, selon la décision de la Cour pénale internationale, transfert du produit des amendes et des biens confisqués ou du produit de leur vente à la Cour ou au fonds en faveur des victimes. Ces biens ou sommes peuvent également être attribués aux victimes si la Cour en a décidé et a procédé à leur désignation.
« Toute contestation relative à l'affectation du produit des amendes, des biens ou du produit de leur vente est renvoyée à la Cour pénale internationale, qui lui donne les suites utiles.

« Section 2

« De l'exécution des peines d'emprisonnement

« Art. 627-18. - Lorsque, en application de l'article 103 du Statut, le Gouvernement a accepté de recevoir une personne condamnée par la Cour pénale internationale sur le territoire de la République afin que celle-ci y purge sa peine d'emprisonnement, la condamnation prononcée est directement et immédiatement exécutoire dès le transfert de cette personne sur le sol national, pour la partie de peine restant à subir.
« Sous réserve des dispositions du Statut et de la présente section, l'exécution et l'application de la peine sont régies par les dispositions du présent code, à l'exception des articles 713-1 à 713-7.
« Art. 627-19. - Dès son arrivée sur le territoire de la République, la personne transférée est présentée au procureur de la République du lieu d'arrivée, qui procède à son interrogatoire d'identité et en dresse procès-verbal. Toutefois, si l'interrogatoire ne peut être immédiatement effectué, la personne est conduite à la maison d'arrêt où elle ne peut être détenue plus de vingt-quatre heures. A l'expiration de ce délai, elle est conduite d'office devant le procureur de la République, par les soins du chef d'établissement.
« Au vu des pièces constatant l'accord entre le Gouvernement français et la Cour pénale internationale concernant le transfert de l'intéressé, d'une copie certifiée conforme du jugement de condamnation et d'une notification par la Cour de la date de début d'exécution de la peine et de la durée restant à accomplir, le procureur de la République ordonne l'incarcération immédiate de la personne condamnée.
« Art. 627-20. - Si la personne condamnée dépose une demande de placement à l'extérieur, de semi-liberté, de réduction de peine, de fractionnement ou de suspension de peine, de placement sous surveillance électronique ou de libération conditionnelle, sa requête est adressée au procureur général près la cour d'appel dans le ressort de laquelle elle est incarcérée, qui la transmet au ministre de la justice. Celui-ci communique la requête à la Cour pénale internationale dans les meilleurs délais, avec tous les documents pertinents.
« La Cour pénale internationale décide si la personne condamnée peut ou non bénéficier de la mesure considérée. Lorsque la décision de la Cour est négative, le Gouvernement indique à la Cour s'il accepte de garder la personne condamnée sur le territoire de la République ou s'il entend demander son transfert dans un autre Etat qu'elle aura désigné. »
Je mets aux voix l'article 1er.

(L'article 1er est adopté.)

Articles 2 à 5

M. le président. « Art. 2. - Dans les articles 630 et 632 du code de procédure pénale, les références à l'article 627 sont remplacées par des références à l'article 627-21. » - (Adopté.)
« Art. 3. - Il est inséré, après l'article 16 de la loi n° 95-1 du 2 janvier 1995, une division additionnelle ainsi rédigée :

« Chapitre III

« De l'exécution des peines d'emprisonnement

« Art. 16-1. - Lorsque, en application de l'accord entre le Gouvernement de la République française et l'Organisation des Nations unies concernant l'exécution des peines prononcées par le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie, fait à La Haye le 25 février 2000, la France a donné son accord pour recevoir une personne condamnée par le Tribunal pénal international afin que celle-ci y purge sa peine d'emprisonnement, les dispositions des articles 627-18 à 627-20 du code de procédure pénale sont applicables.
« Les références à la Cour pénale internationale sont alors remplacées par des références au Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie. De même, les références aux articles du Statut de la Cour pénale internationale sont remplacées par des références aux articles correspondants des instruments internationaux régissant ledit tribunal. » - (Adopté.)
« Art. 4. - I. - Il est inséré, dans le chapitre XI du titre Ier du livre VI du code de procédure pénale, avant l'article 860, un article 859-1 ainsi rédigé :
« Art. 859-1. - Le délai prévu au premier alinéa de l'article 627-6 est porté à quinze jours lorsque le transfèrement se fait à partir de la Nouvelle-Calédonie, de la Polynésie française ou des îles Wallis-et-Futuna. »
« II. - Il est inséré, dans le chapitre VIII du titre II du livre VI du code de procédure pénale, avant l'article 898, un article 897-1 ainsi rédigé ;
« Art. 897-1. - Le délai prévu au premier alinéa de l'article 627-6 est porté à quinze jours lorsque le transfèrement se fait à partir de la collectivité territoriale. »
« III. - Il est inséré, dans le chapitre II du titre III du livre VI du code de procédure pénale, après l'article 907, un article 907-1 ainsi rédigé :
« Art. 907-1. - Les délais prévus à l'article 130 et au premier alinéa de l'article 627-6 sont portés à quinze jours lorsque le transfèrement se fait à partir de la collectivité territoriale. » - (Adopté.)
« Art. 5. - La présente loi est applicable en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna. » - (Adopté.)
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les conclusions du rapport de la commission des lois sur la proposition de loi n° 163.

(La proposition de loi est adoptée.)
M. le président. Je constate que cette proposition de loi a été adoptée à l'unanimité. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen. - M. Doublet applaudit également.)

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CANDIDATURES À UNE COMMISSION
MIXTE PARITAIRE

M. le président. M. le président a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d'une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi complétant la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes.
J'informe le Sénat que la commission des lois m'a fait connaître qu'elle a procédé à la désignation des candidats qu'elle présente à cette commission mixte paritaire.
Cette liste a été affichée et la nomination des membres de cette commission mixte paritaire aura lieu conformément à l'article 9 du règlement.

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CRIMES IMPRESCRIPTIBLES
EN MATIÈRE DE TERRORISME
(Ordre du jour réservé)

Renvoi en commission d'une proposition de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 204, 2001-2002) de M. Henri de Richemont, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale sur la proposition de loi de M. Aymeri de Montesquiou tendant à rendre imprescriptibles les crimes et incompressibles les peines en matière de terrorisme (n° 440 rectifié, 2000-2001).
Dans la discussion générale, la parole est à M. Gérard, en remplacement de M. de Richemont, rapporteur.
M. Patrice Gélard, en remplacement de M. Henri de Richemont, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je suis amené ce matin à remplacer notre collègue M. de Richemont, retenu par des obligations impératives, et je vous prie de bien vouloir m'excuser si le rapport que je vais présenter en son nom n'aura pas la qualité que lui-même lui aurait conférée.
Le 11 septembre 2001, les Etats-Unis d'Amérique ont été, comme chacun sait, victimes d'attentats particulièrement effroyables, qui ne sauraient rester impunis.
Ces dramatiques événements ont montré que nous ne disposions pas toujours, dans notre arsenal législatif, des moyens de combattre le terrorisme avec suffisamment d'efficacité. C'est la raison pour laquelle, en octobre dernier, le Gouvernement a soumis au Parlement, qui les a adoptées, plusieurs mesures destinées à renforcer l'efficacité de notre dispositif de lutte contre le terrorisme.
Ces dispositions avaient notamment pour objet de permettre, sous certaines conditions, la fouille des véhicules, de prévoir la possibilité pour les agents d'entreprise de sécurité de procéder à des fouilles de bagages et à des palpations de sécurité ou de réglementer la conservation des données de communication.
Le Sénat est à présent saisi d'une proposition de loi présentée par notre excellent collègue Aymeri de Montesquieu tendant à rendre imprescriptibles les crimes et incompressibles les peines en matière de terrorisme.
Il convient d'abord de rappeler les règles actuelles quant à la prescription et aux périodes de sûreté.
Les règles relatives à la prescription de l'action publique sont définies par le code de procédure pénale.
En matière de crime, l'action publique se prescrit par dix années révolues à compter du jour où le crime a été commis. En matière de délit, la prescription de l'action publique est de trois années révolues.
En ce qui concerne la prescription des peines, les peines prononcées pour un crime se prescrivent par vingt années révolues à compter de la date à laquelle la décision de condamnation est devenue définitive. S'agissant des peines prononcées pour un délit, cette durée est de cinq années révolues.
Ces règles font l'objet d'aménagements pour certaines catégories d'infractions.
Ainsi, des règles particulières ont été prévues par le législateur dans le cas de certaines infractions commises contre les mineurs, pour lesquelles le délai de prescription de l'action publique ne commence à courir qu'à partir de la majorité des victimes. Ces règles sont justifiées par la nécessité de tenir compte de la grande difficulté, pour un mineur, de révéler des crimes ou des délits de nature sexuelle qui ont pu être commis à son encontre par un membre de sa famille.
Par ailleurs, en matière de stupéfiants, le délai de prescription de l'action publique est de trente ans en ce qui concerne les infractions les plus graves et de vingt ans pour plusieurs délits.
Des aménagements aux règles générales de prescription sont également prévus en matière de terrorisme.
Aux termes de l'article 706-25-1, l'action publique se prescrit par trente ans, et non par dix ans, pour l'ensemble des crimes terroristes. De plus, l'action publique des délits constitutifs d'actes de terrorisme se prescrit par vingt ans et non par trois ans.
Le droit français reconnaît le caractère imprescriptible d'une catégorie unique de crimes : les crimes contre l'humanité, notamment le génocide, auxquels s'ajouteront peut-être les autres catégories prévues par la convention internationale dont nous venons de rendre les dispositions applicables en France, à savoir les crimes de guerre et, sans doute, les « crimes d'agression », dont on ne connaît pas encore la définition.
La loi de 1964 dispose que les crimes contre l'humanité « sont imprescriptibles par leur nature ». Je rappelle que la définition des crimes contre l'humanité figure désormais aux articles 211-1 et 212-1 du code pénal, l'article 213-5 du même code prévoyant que l'action publique et les peines prononcées sont imprescriptibles.
Il n'existe donc aujourd'hui, en droit français, qu'une seule catégorie de crimes imprescriptibles : les crimes contre l'humanité. La proposition de loi de notre collègue de Montesquiou vise, par conséquent, à créer une nouvelle catégorie de crimes imprescriptibles.
J'en viens maintenant à la question des périodes de sûreté ou des peines incompressibles.
La procédure pénale prévoit de nombreuses possibilités d'individualisation de la peine en cours d'exécution. Dans les conditions prévues par le code de procédure pénale, des mesures de réduction, de suspension, de fractionnement de peines, ainsi que des mesures de libération conditionnelle peuvent être prononcées.
Dès lors, le juge dispose d'une grande latitude d'appréciation.
Afin de corriger cette situation, le législateur a institué en 1978 une période de sûreté interdisant, pendant sa durée, toute mesure d'individualisation de la peine. Depuis, les règles relatives à la période de sûreté ont été fréquemment modifiées.
En principe, les périodes de sûreté correspondent à la moitié de la peine prononcée ou à dix-huit ans d'emprisonnement lorsque la réclusion à perpétuité a été prononcée. Il convient de noter que les périodes de sûreté, qui visent à empêcher l'individualisation des peines, peuvent être elles-mêmes individualisées.
Ainsi, les commutations et remises de peine décidées par un décret de grâce ont pour effet de diminuer la durée des périodes de sûreté. En outre, une procédure de révision de la période de sûreté, certes très encadrée, est prévue par le code de procédure pénale.
Par ailleurs, deux dispositions du code de procédure pénale permettent à une juridiction de prononcer une peine incompressible.
En cas de meurtre ou d'assassinat d'un mineur de quinze ans, précédé ou accompagné de viol ou de tortures ou d'actes de barbarie, la juridiction est autorisée à porter la période de sûreté à la durée totale de la peine prononcée, même lorsqu'elle a prononcé la réclusion criminelle à perpétuité.
Toutefois, le législateur a prévu une possibilité, certes très limitée, d'atténuer la rigueur de ce régime : une révision peut intervenir après une période de trente ans.
Il n'existe donc actuellement, en droit français, aucune peine totalement incompressible.
Notre excellent collègue Aymeri de Montesquiou propose, en matière de terrorisme, de rendre imprescriptibles les crimes et incompressibles les peines. Comme il l'indique à juste titre dans l'exposé des motifs de sa proposition de loi, « les attentats barbares et injustifiables commis à New York et à Washington le 11 septembre 2001 ont traumatisé la population américaine et choqué tous les gouvernements et l'ensemble des populations ».
L'exposé des motifs souligne que, dans ces conditions, « pour l'avenir, il est indispensable que chaque Etat, individuellement et collectivement, se dote des instruments juridiques appropriés pour punir ces actes impardonnables sans faiblesse ».
Il est maintenant temps pour moi d'expliquer la position de la commission des lois sur la proposition de loi de notre très estimé collègue.
La commission des lois comprend parfaitement sa démarche, mais considère que l'adoption de sa proposition soulèverait des difficultés considérables et qu'il n'est pas nécessaire, pour réprimer efficacement et avec rigueur les actes de terrorisme, de recourir à l'arme suprême de l'imprescriptibilité et de l'incompressibilité.
En ce qui concerne les règles relatives à la prescription, la commission constate que, actuellement, les crimes de terrorisme se prescrivent par trente ans, ce qui est considérable au regard des règles générales. Je rappelle que les actes d'enquête ou d'instruction ont pour effet d'interrompre cette prescription, de telle sorte que les faits peuvent n'être prescrits que bien plus de trente ans après la commission du crime.
Dans ces conditions, poser le principe de l'imprescriptibilité des crimes de terrorisme aurait un effet essentiellement symbolique, ce qui n'est pas négligeable, mais n'est pas pleinement opérationnel.
Cependant, la commission estime qu'une telle évolution n'est pas souhaitable, car elle aurait pour conséquence d'atténuer la spécificité qui s'attache aux crimes contre l'humanité, qui seuls, aujourd'hui, sont imprescriptibles.
On peut d'ailleurs se poser la question de savoir si les crimes commis le 11 septembre ne sont pas des crimes contre l'humanité. Peut-être une réponse nous sera-t-elle apportée au cours des procès de ceux qui sont actuellement inculpés.
En outre, les crimes terroristes ne peuvent pas, de manière générale, être comparés aux crimes contre l'humanité : si certains peuvent l'être, d'autres ne le sont manifestement pas.
Une autre raison justifie que le droit actuel ne soit pas modifié : les crimes du 11 septembre 2001 constituent incontestablement des actes terroristes ; mais ils constituent aussi des crimes contre l'humanité, qui, eux, sont imprescriptibles.
Comme l'a récemment déclaré notre excellent collègue M. Robert Badinter : « Les attentats du 11 septembre constituent des crimes contre l'humanité au sens du traité de Rome créant la Cour pénale internationale. »
En définitive, votre commission considère que l'imprescriptibilité des crimes de terrorisme n'apporterait guère d'efficacité supplémentaire à la répression et risquerait, paradoxalement, de banaliser les crimes du 11 septembre, dont la barbarie en fait plus que des crimes terroristes.
En ce qui concerne l'article 2 de la proposition de loi, qui pose le principe du caractère incompressible de toutes les peines prononcées en matière de terrorisme, la commission a constaté qu'il heurtait certains principes fondamentaux et qu'il était sans doute contraire à la Convention européenne des droits de l'homme.
L'article VIII de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen dispose que « la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires ». Dans une décision du 20 janvier 1994, le Conseil constitutionnel, après avoir rappelé le principe, a énoncé que « l'exécution des peines privatives de liberté en matière correctionnelle et criminelle a été conçue, non seulement pour protéger la société et assurer la punition du condamné, mais aussi pour favoriser l'amendement de celui-ci et préparer son éventuelle réinsertion ».
Il est clair qu'un système de peine incompressible, notamment de peine perpétuelle incompressible, exclut toute prise en compte de l'évolution éventuelle du condamné.
Le texte qui nous est soumis ne laisse aucune latitude à la juridiction pour apprécier le caractère nécessaire de la peine incompressible et ne prévoit aucune possibilité d'aménagement ; il ne peut donc être retenu.
Par ailleurs, nous ne sommes pas certains qu'il soit nécessaire de prévoir, en matière de terrorisme, le même régime que celui qui est prévu pour les meurtres d'enfants, les règles actuelles, qui permettent de prononcer des peines de sûreté allant jusqu'à vingt-deux ans, paraissant suffisantes.
Rappelons en effet que, si la période de sûreté empêche toute mesure d'individualisation, son expiration ne signifie pas pour autant la libération d'un condamné. L'expiration de la période de sûreté ouvre seulement des possibilités d'individualisation de la peine à la juridiction compétente.
Pour l'ensemble de ces raisons, la commission des lois a décidé de ne pas retenir la proposition de loi qui lui était soumise, même si elle comprend parfaitement les motivations de son auteur et partage pleinement le souci de voir réprimés effectivement les crimes de terrorisme.
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le Sénat examine aujourd'hui les conclusions du rapport de votre commission des lois sur la proposition de loi déposée par M. Aymeri de Montesquiou tendant à rendre imprescriptibles les crimes et incompressibles les peines en matière de terrorisme.
Je comprends parfaitement les motifs du dépôt de la présente proposition de loi : ils sont liés aux événements tragiques du 11 septembre 2000, qui ont choqué l'ensemble de la communauté internationale.
Toutefois, et sans sous-estimer ni la menace terroriste ni l'horreur de ces crimes, le Gouvernement est opposé à cette proposition de loi, pour des raisons proches de celles qui viennent d'être exposées à l'instant par M. Gélard, au nom de la commission.
La position du Gouvernement rejoint ainsi celle de votre commission des lois et de son rapporteur, M. de Richemont, qui ont décidé de ne pas retenir le texte de cette proposition de loi, même si les motivations de son dépôt sont largement louables.
Le premier objet de ce texte est de rendre les crimes terroristes imprescriptibles.
Je vous rappelle que, depuis 1996, la prescription des crimes terroristes est de trente ans, au lieu des dix ans prévus par le droit commun. Compte tenu de l'extrême longueur de ce délai, il n'apparaît pas nécessaire, au regard de considérations d'efficacité, de modifier à nouveau la loi et de prévoir l'imprescriptibilité de ces crimes.
Faut-il alors, pour des raisons symboliques, rendre ces crimes imprescriptibles ? Je ne le pense pas non plus.
Il n'est, en effet, pas envisageable de porter atteinte au caractère spécifique des crimes contre l'humanité, qui justifie que l'imprescriptibilité soit réservée à ces seuls crimes et qu'elle ne soit pas étendue à d'autres infractions, quelles que soient leur nature ou leur gravité.
Etendre à d'autres crimes que les crimes contre l'humanité le principe d'imprescriptibilité reviendrait à mon sens, à affaiblir la notion même de « crime contre l'humanité ».
En disant cela, je ne banalise pas un seul instant les crimes du 11 septembre car, après analyse, il apparaît bien que ces crimes, par leur nature et leur extrême gravité, constituent en réalité, outre des actes de terrorisme, des crimes contre l'humanité.
Ils paraissent en effet tomber sous le coup de l'article 212-2 du code pénal, qui réprime « la pratique massive et systématique (...) d'actes inhumains inspirés par des motifs politiques (...) raciaux ou religieux et organisés en application d'un plan concerté à l'encontre d'un groupe de population civile ».
Le second objet de la proposition de loi est de rendre incompressibles les peines en matière de terrorisme, y compris la réclusion criminelle à perpétuité.
Comme vous l'avez rappelé, monsieur le rapporteur, cette proposition est toutefois contraire à l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen tel qu'interprété par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 20 janvier 1994.
Le Conseil constitutionnel a en effet jugé dans cette décision que « l'exécution des peines privatives de liberté en matière correctionnelle et criminelle a été conçue, non seulement pour protéger la société et assurer la punition du condamné, mais aussi pour favoriser l'amendement de celui-ci et préparer son éventuelle réinsertion ».
Ainsi, le Conseil constitutionnel n'a déclaré conformes à la Constitution les dispositions de la loi du 1er février 1994 qui instauraient la « peine perpétuelle incompressible » pour les assassinats d'enfants qui sont punis de la réclusion criminelle à perpétuité que parce que cette peine n'était pas véritablement incompressible, dans la mesure où la période de sûreté pouvait être levée à l'issue d'un délai de trente ans.
Je rappelle au demeurant que, lors de l'examen de cette loi, c'est votre assemblée qui avait pris l'initiative d'amender le texte du projet initial, qui prévoyait une perpétuité incompressible pour permettre de lever la période de sûreté après trente ans.
Prévoir l'incompressibilité des peines en matière de terrorisme serait donc contraire à la Constitution.
D'une manière générale, notre arsenal juridique actuel contre les actes de terrorisme présente une particulière sévérité - nous en avons d'ailleurs réexaminé certaines dispositions à la fin de l'année 2001 - et il est adapté pour lutter contre la menace à laquelle doivent faire face quasiment quotidiennement les Etats de droit.
Comme vous le savez, cet arsenal a été sensiblement amélioré par plusieurs dispositions figurant dans la loi du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne, que le Gouvernement a demandé au Parlement d'adopter à la suite des attentats du 11 septembre. Cet arsenal est vraisemblablement suffisant même si nous savons bien qu'au-delà des textes une coopération est nécessaire avec l'ensemble des pays démocratiques.
Je vous demande donc de ne pas adopter cette proposition de loi, ainsi que vous y invite la commission des lois même si je rends hommage, comme vous, monsieur le rapporteur, au travail accompli par M. de Montesquiou qui tend à affirmer solennellement, aujourd'hui, devant le Sénat que nous n'accepterons jamais que le terrorisme tienne lieu de débat ou de réponse à ceux qui ont choisi la mort pour faire passer leurs idées. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen. - M. le président de la commission des lois et M. Longuet applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je serai d'une brièveté remarquable.
Notre excellent collègue, M. Gélard, au nom de la commission des lois, a parfaitement précisé les raisons pour lesquelles, en dépit de l'excellence des motifs qui guident l'auteur de la proposition de loi, M. de Montesquiou, la commission des lois ne pouvait être favorable, en l'état, à sa proposition.
Je dirai simplement que nous disposons d'ores et déjà, pour lutter contre le terrorisme, d'un arsenal législatif qui, je crois, est très complet d'autant que de récentes modifications y ont encore été apportées à l'automne.
Nous allons assister - je l'ai longuement évoqué tout à l'heure - à la naissance de la Cour pénale internationale. Les dispositions qui s'y attachent permettront de qualifier de crime contre l'humanité les crimes de terrorisme les plus graves qui puissent se concevoir, comme ceux du 11 septembre.
J'ajoute qu'un acte de terrorisme peut constituer un crime contre l'humanité, mais que tout acte de terrorisme ne constitue pas un crime contre l'humanité. Dès lors, conservons ce qui constitue la marque spécifique du crime contre l'humanité : le fait qu'il attente à l'humanité entière, au-delà des malheureuses victimes, appelle l'imprescriptibilité parce que c'est l'humanité entière qui est en cause. Pour le reste, les dispositions existantes suffisent. Il n'y a donc pas lieu d'aller au-delà.
C'est la raison pour laquelle le groupe socialiste votera conformément à la position de la commission des lois. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, si nul n'est censé ignorer la loi, encore faut-il qu'elle soit comprise par tous, par les citoyens, mais aussi par les délinquants et les criminels.
Or, à ce jour, les lois s'entremêlent dans un maquis parfois impénétrable où les malfaiteurs s'abritent et face auquel les victimes désarmées constatent avec amertume qu'il est souvent source d'impunité pour les malfaiteurs. Il est donc nécessaire d'élaborer des règles simples, notamment pour que les criminels potentiels connaissent les sanctions qu'ils encourent.
Les attentats du 11 septembre ont créé un électrochoc planétaire : sans distinction de nationalité, de race ou de religion, toutes les consciences ont été frappées. Ils ont provoqué une réponse militaire, ils ont également suscité des réactions normatives à tous les niveaux : au niveau international, tout d'abord, avec l'accélération de la lutte contre le financement du terrorisme ; au niveau communautaire, ensuite, avec la création d'un mandat d'arrêt européen, en particulier pour les crimes et délits terroristes ; au niveau national, enfin, en commençant à compléter notre législation spécifique pour combattre le terrorisme : le Gouvernement a en effet « musclé » son projet de loi sur la sécurité quotidienne avec des dispositions qui, dans d'autres circonstances, avaient été repoussées par la gauche pas encore plurielle.
Peut-on refuser de légiférer « à chaud » ? Non ! bien sûr, et le Sénat l'a bien montré en votant des mesures exceptionnelles à l'automne dernier.
Vous comprenez donc, mes chers collègues, l'esprit dans lequel j'ai déposé cette proposition de loi dès la fin du mois de septembre. Il s'appuie sur une volonté de clarification et d'adaptation.
La législation française est-elle suffisante ? Non ! et les législateurs que nous sommes ne peuvent pas se contenter d'invoquer le droit existant. Nous avons vocation à innover.
La proposition de loi que je soumets à votre examen a ainsi pour objet de déclencher un débat. Je me placerai d'emblée dans l'optique du citoyen qui disposerait du pouvoir législatif et non dans celle du juriste que je ne ferai pas semblant d'être.
Le terrorisme a déjà frappé de trop nombreux pays, dont le nôtre. Cette forme de criminalité sauvage et aveugle n'est pas nouvelle, mais elle a pris une ampleur sans égale qui la conduit à un changement de nature.
Passé le temps de la stupeur, de l'émotion et des interrogations, il appartient désormais à ceux que le peuple a désignés pour faire entendre sa voix de prendre leurs responsabilités.
C'est au Parlement qu'il revient certainement de contrôler la politique budgétaire du Gouvernement, c'est-à-dire de lui allouer les moyens nécessaires à ce combat, mais aussi et surtout, en l'occurrence, de voter la loi et de décider ainsi des outils mis à la disposition de l'institution judiciaire pour qu'elle mène à bien la lutte contre ce fléau.
Mes chers collègues, soyons lucides ! En l'état actuel du droit, notre Etat ne dispose pas des moyens juridiques suffisamment dissuasifs pour décourager d'abord et drastiques pour punir ensuite les terroristes. Le temps est venu de faire preuve d'une détermination égale à celle de l'adversaire.
Le texte que je vous propose est à la mesure de ce que doit être notre combat contre toutes les formes de terrorisme : radical.
Le premier volet de la proposition de loi que j'ai l'honneur de soumettre à votre examen vise ainsi à rendre imprescriptibles les crimes de terrorisme.
Ce message s'adresse aux terroristes, à ceux qui les poursuivent et à ceux qui les subissent.
Aux terroristes, il s'agit de pouvoir affirmer : quelles que soient les motivations de vos barbaries, quelles que soient les complicités dont vous bénéficierez pour fuir la justice, quelle que soit la durée de votre fuite, quel que soit votre âge le jour de votre arrestation, vous êtes résolus, nous aussi. Vous nous avez déclaré la guerre, nous vous combattrons et vous répondrez de vos actes !
Aux magistrats, nous devons dire : quelles que soient les difficultés de vos enquêtes, quelle que soit la complexité des réseaux que vous démantelez, quelle que soit la durée des poursuites, quels que soient les échecs que vous rencontrerez, vous jugerez ces individus ! La France vous en donne la responsabilité. Le Parlement doit vous en offrir les moyens.
Aux victimes, nous pourrons dire : quelle que soit votre douleur, quelle que soit votre incompréhension, quels que soient vos doutes quant à la victoire de la démocratie, quel que soit votre découragement, vous serez entendues ! Ne les décevons pas.
Je me rends bien compte que la prescription de trente ans constitue une durée déjà longue au regard de la vie d'un individu. Toutefois, compte tenu du caractère symbolique affirmé des actes de terrorisme, ce que reconnaît volontiers M. le rapporteur, il nous appartient d'apporter à ces crimes une réponse non seulement symbolique, mais peut-être dissuasive.
Je suis convaincu que chacun reconnaît, en son âme et conscience, le bien-fondé de la proposition de loi que je vous soumets.
Je sais aussi l'hésitation qui conduit certains d'entre nous à douter de la possibilité d'appliquer une telle règle à des crimes autres que ceux qui sont qualifiés de « crimes contre l'humanité », en raison du contexte historique qui a donné naissance à la notion d'imprescriptibilité.
Il y a six ans, lors de la discussion d'un amendement au projet de loi, présenté par M. Jacques Toubon, alors garde des sceaux, tendant à renforcer la répression du terrorisme, le Sénat avait débattu de cette question.
Notre commission des lois, par la voix de son rapporteur, M. Paul Masson, avait refusé cet amendement au motif que « l'imprescriptibilité a toujours concerné uniquement les actes qui touchent à la substance même de notre structure démocratique. »
Les crimes terroristes actuels répondent-ils à ce critère ? Nos démocraties, et plus particulièrement la démocratie française, ne sont-elles pas touchées par ces crimes terroristes qui visent à déstabiliser la société, créer le désarroi et la perte de confiance dans un Etat qui serait incapable d'assurer la sécurité de ses citoyens ?
Notre éminent collègue M. Robert Badinter rappelait, pour sa part, que « l'imprescriptibilité est née du refus de nos consciences d'accepter que demeurent impunis, après des décennies, les auteurs qui nient l'humanité ». Il concluait dès lors que « l'imprescriptibilité doit demeurer tout à fait exceptionnelle : elle doit être limitée aux crimes contre l'humanité et ne saurait être étendue aux crimes qui sont en relation avec une entreprise terroriste ».
Pour ces mêmes raisons, notre commission des lois vous demandera tout à l'heure de repousser le texte que je défends.
Mais est-il concevable qu'un terroriste ayant massacré un, dix, cent, mille innocents puisse s'abriter dans un pays complice, hors d'atteinte de toute poursuite, et réapparaisse en toute impunité, la prescription étant acquise, certain de ne subir aucune sanction ?
Interrogeons-nous ! Qu'est-ce qu'un acte de terrorisme ? Quelle est la motivation de son auteur ? Quel objectif se fixe-t-il ? Quelle conscience a-t-il du sort des femmes et des hommes qui croisent son chemin ?
Lorsque Oussama Ben Laden appelait ses prétendus frères musulmans à massacrer ceux qu'il dénomme les infidèles, lorsque Al Qaïda avait pour objectif la transformation de l'Afghanistan en émirat et la déstabilisation des pays voisins, obligeant une coalition internationale à se constituer afin de protéger ceux-ci, ne doit-on pas en conclure que la substance même de nos structures démocratiques a été menacée ?
Lorsque les représentants de cette organisation terroriste n'envisagent l'existence de la Palestine qu'à travers la disparition des Juifs d'Israël, n'est-ce-pas, là encore, une négation de l'humanité ?
Je comprends l'émotion de ceux dont la famille a péri dans les camps de la mort, à l'idée qu'un crime, quel qu'il soit, puisse souffrir d'une comparaison avec les atrocités commises à Auschwitz, Dachau ou Buchenwald. Naturellement, la mémoire des millions de victimes du nazisme ne peut pas supporter la moindre analogie. Il n'y a aucune confusion dans mon esprit.
Néanmoins, nous devons rendre imprescriptibles les crimes terroristes, parce que, tout simplement, les citoyens du monde aspirent à voir juger les auteurs de ces actes.
La question de la qualification de ces actes est au coeur du débat. Je souligne, comme l'a rappelé M. Gélard, que la commission des lois serait prête à qualifier les attentats du 11 septembre de crimes contre l'humanité, et donc à requérir l'imprescriptibilité en l'espèce.
Deux procédés permettraient de parvenir à l'imprescriptibilité des crimes terroristes. Le premier, celui que je propose, consiste à rendre imprescriptibles les crimes terroristes. Le second consiste à qualifier d'abord de crimes contre l'humanité tel ou tel crime que l'on ne souhaite pas voir automatiquement prescrit, et cela au cas par cas. Mais le citoyen peut-il comprendre que le crime terroriste doive passer par cette qualification de crime contre l'humanité pour devenir imprescriptible ?
La question d'un découplage « crimes contre l'humanité - imprescriptibilité » doit être posée. Ainsi, si tous les crimes contre l'humanité sont imprescriptibles par nautre, pourquoi l'imprescriptibilité serait-elle réservée exclusivement aux crimes contre l'humanité ?
Il n'est pas satisfaisant de dire que le caractère exceptionnel de la réponse judiciaire apportée aux atrocités nazies résulterait de leur seule imprescriptibilité. Il résulte surtout du raisonnement salutaire de la justice qui, notamment lors du procès Barbie, a permis d'appliquer la loi d'imprescriptibilité de 1964 à raison de faits commis pendant la guerre, sans contrevenir au princice de la non-rétroactivité de la loi pénale.
Rendre imprescriptibles les actes de terrorisme ne présenterait pas ce caractère exceptionnel qui confirme la singularité des poursuites diligentées contre les auteurs des atrocités nazies. En effet, il ne saurait être question de déroger au code pénal, qui prévoit que les lois relatives à la prescription sont applicables immédiatement, sauf quand elles ont pour effet d'aggraver la situation de l'intéressé.
En matière d'imprescriptibilité des crimes terroristes, traduisons les aspirations de nos concitoyens. Pour eux, c'est avant tout notre conscience qui devrait dicter le droit.
Le second volet de la proposition de loi que je soumets à votre examen concerne les modalités d'exécution des peines applicables aux crimes terroristes. Pourquoi faut-il que les peines prononcées à l'encontre des terroristes soient incompressibles ?
Le terroriste, par essence, nie le fonctionnement de nos sociétés démocratiques. Il n'est pas capable de s'amender, car s'amender consiste, en quelque sorte, à solliciter le pardon de la société. Or le terroriste ne reconnaît pas la société : il la combat.
De plus, la société peut-elle préparer l'éventuelle réinsertion de celui qui la dénie ?
L'adoption de la règle de droit que je propose aurait pour effet l'instauration de peines de perpétuité réelles pour des terroristes.
Si nous refusons ce principe de perpétuité, nous devons, d'une part, le dire, comme l'ont fait les orateurs, et, d'autre part, modifier en conséquence tous les articles du code pénal qui prévoient la réclusion criminelle à perpétuité.
A quoi bon voter des lois dont nous savons aujourd'hui qu'elles ne seront pas appliquées ? J'ai le sentiment profond qu'en agissant ainsi nous trompons ceux qui nous ont élus.
Monsieur le rapporteur, vous rappelez en juriste de profession que le droit français ne comporte aucune peine totalement incompressible. Est-ce cependant à vos yeux une raison suffisante et raisonnable pour ne pas faire évoluer le droit ? Le Parlement ne doit-il pas constituer une source vivante du droit ?
Vous expliquez que l'institution de peines incompressibles trouve sa source non seulement dans l'extrême gravité des faits, mais aussi, et surtout, par la crainte de la récidive. Je n'imagine pas qu'en matière de terrorisme la récidive ne puisse vous inquiéter.
Vous nous dites, enfin, que les dispositions du droit laissent au juge une grande latitude en matière d'individualisation des peines : permettez-moi d'oser souhaiter qu'il y soit mis fin lorsqu'il s'agit de terrorisme.
Il y a peu d'éléments dissuasifs à des actes criminels perpétrés pour des raisons idéologiques, politiques ou religieuses. A-t-on cependant le droit d'en négliger un qui pourrait épargner de nouvelles victimes potentielles ? Faut-il permettre, vu la gravité exceptionnelle des crimes, qu'un juge ait la faculté de libérer un terroriste, parfois tueur de masse, au bout de quinze ou vingt-deux ans maximum ?
Chers collègues, je vous en prie, considérez cet argument supplémentaire et donnons-nous les meilleurs outils pour travailler à la sécurité de nos concitoyens.
Monsieur le rapporteur, les conclusions que vous avez présentées sont négatives pour ce qui concerne l'incompressibilité au motif, selon vous, que le texte qui vous a été soumis « ne laisse aucune latitude à la juridiction pour apprécier le caractère nécessaire de la peine incompressible et ne prévoit aucune possibilité d'aménagement ».
Si cette proposition de loi avait permis cette latitude et cette possibilité d'aménagement, aurait-elle reçu un avis favorable de la commission des lois ? M'inscrivant dans votre logique, je vous pose la question : pourquoi la commission ne propose-t-elle pas alors un amendement ?
Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, je ne saurais vous cacher mon étonnement devant les réactions des médias quant au sort de deux talibans détenus sur l'île de Cuba.
Certes, on doit s'assurer que leur traitement est digne, et pas seulement au motif qu'ils ont un jour possédé une carte d'identité française. Mais on doit quand même au moins s'assurer également qu'ils seront effectivement poursuivis, jugés et condamnés.
Mes chers collègues, la proposition de loi que j'ai l'honneur de vous soumettre répond aux attentes profondes et légitimes de notre conscience collective. Ne la rejettez pas ! Le contexte que nous impose le terrorisme est totalement nouveau : il nous interdit de faire appel à un arsenal de lois obsolètes.
De plus, Mme la garde des sceaux et M. le rapporteur ont déclaré comprendre mes motifs, mais... Ce « mais » a peu de poids en regard des souffrances passées et des dangers à venir.
Imaginons que nous débattions au lendemain des attentats du 11 septembre : nous n'aurions pas déjà oublié que nous sommes en guerre. Une démocratie qui ne se défend pas est en réel danger. (Applaudissements sur les travées du RDSE et de l'Union centriste.)
M. Patrice Gélard, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Patrice Gélard, rapporteur. Permettez-moi de faire deux observations.
Tout d'abord, sur l'imprescriptibilité, j'estime qu'elle est, en l'occurrence, inconstitutionnelle.
Seuls les crimes de nature internationale tel le crime contre l'humanité peuvent, me semble-t-il, faire l'objet de l'imprescriptibilité. L'extension à d'autres crimes nécessiterait une convention internationale. Quant aux Etats qui ouvriraient la brèche en introduisant dans leur code pénal l'imprescriptibilité des crimes en matière de terrorisme, en attendant d'autres extensions, je ne suis pas sûr qu'ils resteraient encore conformes à la définition même de la démocratie.
Ensuite, sur l'incompressibilité des peines, je constate qu'elle ne serait également pas conforme à la Constitution, pas plus d'ailleurs qu'à la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ou à la Convention européenne des droits de l'homme.
Non, vraiment, mes chers collègues, nous nous engagerions dans une voie extrêmement dangereuse si nous vous suivions, et quels que soient les motifs qui vous animent.
J'ajoute qu'il faut distinguer : il y a terrorisme et terrorisme. Prenez l'exemple du plastiquage d'une perception : va-t-on prévoir l'imprescriptibilité et l'incompressibilité pour un acte de cette nature, purement matériel ?
En réalité, c'est le sort des victimes innocentes qui intéresse les auteurs de la proposition de loi. Mais, chers collègues, les victimes innocentes sont d'ores et déjà prises en compte au titre du crime contre l'humanité. A cet égard, les attentats du 11 septembre constituent typiquement un crime contre l'humanité.
Si donc l'intention est bonne, le moyen utilisé n'est pas satisfaisant. C'est la raison pour laquelle je pense que nous devons refuser cette proposition de loi.
Nous ne pouvons pas, mes chers collègues, modifier profondément toutes les bases de notre droit pénal pour traiter d'un cas précis ; ce serait aller dans une direction extrêmement dangereuse. Je rappellerai, en outre, qu'en dehors des crimes contre l'humanité les pays qui ont mis en place des incompressibilités et des imprescriptibilités de crimes sont, en réalité, des dictatures.
M. Robert Bret. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Girod.
M. Paul Girod. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je suis membre de la commission des lois et, à ce titre, j'ai évidemment quelque compréhension pour les arguments qu'ont développés tant M. le rapporteur que M. Badinter.
Je conçois bien que notre droit actuel, issu d'une longue tradition, soit difficilement compatible avec un régime d'incompressibilité et d'imprescriptibilité.
Dans le même temps, cependant, j'ai l'honneur, succédant en cela à notre regretté collègue Maurice Schumann, de présider le Haut comité de défense civile. Ce comité étudie depuis de nombreuses années l'évolution des types de menace et le style non plus seulement de protection civile mais, au-delà, de défense civile auquel il s'agit de réfléchir pour préparer à nos sociétés un avenir qui soit, disons, normal.
Depuis longtemps donc, nous avons été amenés à attirer l'attention d'un certain nombre de responsables sur la transformation des menaces. Pendant la guerre de Trente Ans, l'Europe a connu un véritable génocide croisé. Rappelons que près de la moitié de la population européenne y est passée ! Il a fallu surmonter beaucoup de difficultés pour mettre un terme à cette anarchie. D'une certaine manière, les grandes lois qui régissent actuellement le cas de guerre et le cas de paix sont issues de cette nécessité, apparue à l'époque, de ménager un minimum de règles.
Du reste, les armées nationales sont nées aussi du même constat. Tout notre droit est imprégné d'une tradition de quatre siècles de progrès pour le respect de la personne humaine et pour la canalisation des tensions internationales et des conflits armés dans un système organisé.
Le xxe a fait surgir, dans ce contexte relativement simple, un certain nombre d'innovations majeures. Il s'agit, entre autres, du détournement de la puissance d'Etat au service d'une idélologie sans scrupule et sans limites, qui a débouché sur les crimes nazis, sur le goulag aussi - il ne faut tout de même pas l'oublier - ainsi que sur des transplantations brutales de peuples entiers. A cet égard, le conflit actuel en Tchétchénie devrait nous rappeler qu'à la fin de la guerre de 1939-1945 Staline avait déporté tous les Tchétchènes au Kazakhstan, sans autre forme de précaution, et que ceux-ci en ont gardé un souvenir précis. D'ailleurs, Soljenitsyne, dans L'Archipel du goulag , rend hommage à la manière dont les Tchétchènes résistaient à leur oppresseur en ne transigeant jamais sur quoi que ce soit.
C'est donc le xxe qui a introduit dans la notion de conflit des dimensions que nous ne connaissions pas auparavant pour déboucher, en ce début du xxie siècle, sur une substitution : des affrontements militaires classiques nous dérivons vers une utilisation des populations civiles. D'ailleurs, Hitler, quand il lançait ses stukas à l'assaut des populations civiles en avant de ses divisions blindées, savait parfaitement ce qu'il faisait : non seulement il cassait le moral de tous, mais, surtout, il jetait sur les routes des masses immenses de réfugiés qui bloquaient toute avancée des divisions ennemies.
Le moins que l'on puisse dire, c'est que cette théorie a prospéré depuis et que, devant la menace que nous connaissons, ce sont les populations civiles dans leur ensemble qui, par leur moral, leur économie et leur structure, deviennent un instrument dans les mains de quiconque prétend imposer à tous une culture très différente de celle qui a nourri la civilisation occidentale, une culture fondée notamment sur le respect des droits de l'homme.
Par conséquent, nous sommes devant un problème totalement nouveau sur lequel nous n'avons sûrement pas assez réfléchi. En particulier, nous semblons par trop ignorer que ce problème n'est pas seulement originaire d'un pays démuni d'Asie centrale mais qu'il est déjà chez nous, comme nous nous en apercevons de jour en jour.
Grâce au ciel, en effet, notre dispositif de lutte contre le terrorisme a une certaine efficacité et on démantèle chaque jour, chez nous et en Europe, des réseaux, des cellules, des bases, des relais. C'est ainsi qu'à l'occasion de ce que l'on appelle gentiment un fait divers, on arrête, comme cela s'est passé dans le sud de notre pays, il n'y a pas si longtemps, un jeune excité qui, dans la même journée, a tiré sur des gendarmes et tué un directeur de cabinet de mairie et que l'on trouve, lors de la perquisition, détenteur de deux lance-roquettes de gros calibre, bref d'un arsenal invraisemblable qu'il n'a sûrement pas trouvé dans une pochette-surprise !
Donc, face à cette menace inédite, tout reste à inventer en termes de réponse. Nous disposons d'un arsenal législatif concernant les individus ; nous avons un corps de règles de la guerre s'adressant aux nations. Entre les deux, nous devons trouver un dispositif nouveau qui prenne en compte ces menaces nouvelles et, surtout, mettre en chantier une adaptation de nos conceptions du droit pour faire face à la lâcheté des terroristes et aux manoeuvres qui sont les leurs.
Sans doute les propositions de notre collègue Aymeri de Montesquiou, au travail duquel je rends hommage, sont-elles techniquement imparfaites, mais elles ne sont pas prématurées. Au contraire, nous aurions dû engager depuis lontemps déjà la réflexion à la lumière d'événements dont le 11 septembre n'est que la première manifestation massive, pour mieux « cadrer » la réaction de nos sociétés face à cette menace diffuse et sournoise.
Je le dis tout net, je m'abstiendrai. Non pas parce que j'ai été convaincu par les arguments de la commission des lois, qui nous dit que le texte est malvenu et qui nous appelle à voter contre. Je ne voterai pas plus pour, parce que je me rends bien compte des obstacles techniques, et philosophiques, aussi, auxquels nous allons nous heurter, mais je me refuse à voter contre, pour la simple raison que notre collègue Aymeri de Montesquiou a le mérite de saisir le Parlement, en une période délicate - non pas seulement du fait des événements de politique intérieure française, mais délicate pour le monde entier -, une question sur laquelle nous n'avons pas le droit de refuser de réfléchir ! (Applaudissements sur certaines travées du RDSE et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, je ne vous étonnerai pas en disant que mon groupe votera contre la proposition de loi de M. de Montesquiou, suivant en cela l'avis de la commission des lois.
Le terrorisme est, en effet, un sujet suffisamment grave pour que l'on ne tolère aucune solution d'affichage exploitant le traumatisme et les angoisses de nos concitoyens nés de l'horreur effroyable des attentats du 11 septembre. Le plaidoyer de M. de Montesquiou me conforte dans cette voie. (M. de Montesquiou fait un signe dubitatif.)
M. le rapporteur de la commission des lois l'a très bien souligné, cette proposition est contraire à tous les principes de notre droit.
L'imprescriptibilité n'existe que dans le cadre des crimes contre l'humanité. Je rejoins entièrement M. Gélard lorsqu'il met en garde contre la banalisation qu'entraînerait l'extension de cette règle à d'autres crimes.
Il est absolument indispensable de préserver le caractère exceptionnel de cette règle. Il serait d'ailleurs souhaitable que des attentats terroristes, tels que ceux du 11 septembre, puissent relever de la définition du crime contre l'humanité, comme l'a dit Mme la garde des sceaux,...
M. Aymeri de Montesquiou. Alors, soyez logique jusqu'au bout !
Mme Nicole Borvo. ... en tant que pratiques massives d'actes inhumains, perpétrés pour des motifs politiques, religieux, philosophiques ou raciaux, et peut-être tout cela à la fois.
De plus, l'incompressibilité des peines n'existe pas dans notre droit et serait contraire à la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et à l'ensemble des normes que les démocraties se sont données et doivent respecter.
En outre, je ne suis pas certaine qu'une telle disposition n'aboutirait pas à exclure les exemptions et réductions de peines prévues aux articles 422-1 et 422-2 du code pénal par le législateur de 1986. Il s'agit, je le rappelle, d'obtenir du repentant des informations permettant de prévenir des actes de terrorisme, de préserver la vie humaine ou de contribuer au démantèlement des réseaux terroristes. Une telle exclusion aurait des effets tout à fait négatifs sur la lutte contre le terrorisme, qui est pourtant l'objectif majeur.
Monsieur de Montesquiou, la commission avait souhaité que vous retiriez votre proposition de loi ; vous ne l'avez pas voulu. Le Parlement ne gagne pas en crédibilité avec de tels textes.
Je me contenterai de deux observations.
Premièrement, parce que le terrorisme constitue un véritable défi pour la démocratie, il convient, face à la barbarie, de toujours défendre le règne du droit. Notre devoir est de l'assumer vis-à-vis des nos concitoyens.
Nous avions d'ailleurs défendu une position semblable lors de l'examen des dispositions antiterroristes proposées par le Gouvernement lors de la discussion du projet de loi relatif à la sécurité quotidienne.
L'émotion de la communauté internationale dans son ensemble devant les conditions dans lesquelles sont traités les prisonniers de Guantanamo montre à quel point il s'impose de privilégier le droit sur la force si l'on veut prétendre à la légitimité. Cela nous ramène d'ailleurs au débat sur la Cour pénale internationale : il est effectivement nécessaire que le droit international évolue et, surtout, soit respecté, ce que, hélas, trop de grandes puissances refusent. Face à l'horreur des camps de concentration de l'Allemagne nazie, le procès de Nuremberg imposait la supériorité du système démocratique. Nous ne devons jamais l'oublier.
Deuxièmement, il faut se garder des amalgames qui conduisent à tenir pour terroristes des comportements, certes condamnables, mais qui n'entrent évidemment pas dans les définitions légales du terrorisme.
On sait quelles interrogations ont été suscitées lors des débats européens sur l'élaboration d'une définition commune du terrorisme. Différentes associations de droits de l'homme, au premier rang desquelles Amnesty International, ont montré qu'une telle définition pouvait aboutir à réprimer des formes de protestation pacifique, telles l'occupation de lieux stratégiques ou l'arrachage d'OGM - c'est à l'ordre du jour ! - qui ne peuvent en aucun cas être comparées aux attentats du 11 septembre à New York. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. J'interviendrai plus à titre personnel d'ailleurs qu'en tant que garde des sceaux.
A la suite des propos tenus par Mme Borvo, à l'instant, je rappelle que, lorsque nous avons tenté, à l'échelon européen, de mettre en place une harmonisation des législations en matière de terrorisme, ne serait-ce que sur l'incrimination, nous avons constaté à quel point il fallait être vigilant sur les mots et les phrases. Je salue d'ailleurs l'importante contribution de la Suède, qui a permis d'avancer dans ce travail, avec beaucoup de précision.
Après les attentats du 11 septembre, il faut se poser la question des crimes contre l'humanité et j'espère que les Etats-Unis se soucieront enfin de la justice internationale. Car il est paradoxal que ce pays victime, déstabilisé, prenne des mesures importantes pour lutter contre le terrorisme et refuse la Cour pénale internationale.
Notre objectif essentiel est de lutter contre les réseaux, notamment de blanchiment d'argent ou de trafic d'armes, qui provoquent parfois les drames que l'on a connus dans le sud de la France, cela ne doit pas nous entraîner au-delà de la recherche de l'efficacité.
Enfin, certains terroristes, je pense surtout à ceux d'Al Qaïda, qui offrent leur vie pour les actes en question, sans aucun respect de la vie, ni de la leur ni de celle des autres, qui exploitent victimes et martyrs afin de provoquer la naissance d'autres réseaux, cherchent non seulement à nous déstabiliser, mais aussi à porter atteinte aux principes fondamentaux du droit dans nos démocraties. Y parvenir constituerait pour eux une première victoire. Prenons-y garde ! (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.

Demande de renvoi à la commission



M. le président.
Je suis saisi, par M. Jacques Pelletier et les membres du groupe du Rassemblement démocratique et social européen, d'une motion n° 1, tendant au renvoi à la commission.
Cette motion est ainsi rédigée :
« En application de l'article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, la proposition de loi tendant à rendre imprescriptibles les crimes de guerre et incompressibles les peines en matière de terrorisme (n° 440 rectifié, 2000-2001). »
Je rappelle que, en application du dernier alinéa de l'article 44 du règlement, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
Aucune explication de vote n'est admise.
La parole est à M. Pelletier, auteur de la motion.
M. Jacques Pelletier. Les auteurs de la motion considèrent que la portée de ce texte et les ressources qu'il offre à la lutte contre le terrorisme n'ont pas été suffisamment prises en considération et nous le regrettons vivement. Afin d'attendre un moment plus favorable, nous demandons le renvoi de ce texte à la commission.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. René Garrec, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur Pelletier, le débat que nous avons eu en commission était d'une telle clarté que je crains que nous ne répétions les mêmes arguments. En effet, l'évolution du droit, à la suite de la mise en place de la Cour pénale internationale, ne peut nous conduire à modifier notre position dans les jours qui viennent.
Au contraire, Mme le garde des sceaux évoquait à l'instant le fait que la position différente des Etats-Unis puisse évoluer dans notre sens.
Il faut poser le problème. Il a été posé. Le Sénat en a débattu. Cela étant, si vous demandez le renvoi du texte à la commission, j'y suis favorable sous les réserves que je viens d'évoquer.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Le Gouvernement partage bien évidemment l'avis du président de la commission des lois. Il ne se permettrait pas d'aller contre même si, pour ma part, je reste persuadée qu'en l'état actuel des débats, la proposition de loi ne peut pas cheminer. Toutefois, je souligne que j'aurais préféré qu'un vote intervienne aujourd'hui.
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 1, acceptée par la commission et par le Gouvernement.

(La motion est adoptée.)
M. le président. En conséquence, le renvoi en commission est ordonné.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinq, est reprise à seize heures, sous la présidence de M. Daniel Hoeffel.)

PRÉSIDENCE DE M. DANIEL HOEFFEL
vice-président

M. le président. La séance est reprise.

6

COMMUNICATION RELATIVE
À UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE

M. le président. J'informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur la proposition de loi portant rénovation des rapports conventionnels entre les professions de santé libérales et les organismes d'assurance maladie n'est pas parvenue à l'adoption d'un texte commun.

7

CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS

M. le président. La conférence des présidents a établi comme suit l'ordre du jour des prochaines séances du Sénat :

(La conférence des présidents a décidé de fixer pour l'ensemble des textes inscrits à l'ordre du jour un délai limite général pour le dépôt des amendements la veille de leur discussion à 17 heures.)
Mercredi 13 février 2002 :
A quinze heures :
1° Désignation des membres de la commission d'enquête sur la délinquance des mineurs.

(Les candidatures à cette commission d'enquête devront être déposées au secrétariat central du service des commissions au plus tard le mercredi 13 février 2002, à 12 heures.)

Ordre du jour prioritaire

2° Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord sous forme d'échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne relatif au contrôle de la circulation dans les tunnels du Mont-Blanc et du Fréjus (n° 181, 2001-2002).
3° Nouvelle lecture de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relative au régime d'assurance chômage des intermittents du spectacle (n° 212, 2001-2002).
4° Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, tendant à la création d'un régime de retraite complémentaire obligatoire pour les non-salariés agricoles (n° 126, 2001-2002).
5° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant règlement définitif du budget de 2000 (n° 13, 2001-2002).
A vingt et une heures trente :
6° Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à la démocratie de proximité (n° 192, 2001-2002).
7° Eventuellement, suite de l'ordre du jour de l'après-midi.
Jeudi 14 février 2002 :

Ordre du jour prioritaire

A neuf heures trente :
1° Suite de la deuxième lecture de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale avec modifications en deuxième lecture, relative à l'autorité parentale (n° 131, 2001-2002).
2° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, portant réforme des tribunaux de commerce (n° 239, 2000-2001).
3° Projet de loi organique, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, modifiant l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature et instituant le recrutement de conseillers de cour d'appel exerçant à titre temporaire (n° 241, 2000-2001).
4° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, modifiant la loi n° 85-99 du 25 janvier 1985 relative aux administrateurs judiciaires, mandataires judiciaires à la liquidation des entreprises et experts en diagnostics d'entreprises (n° 243, 2000-2001).

(Le délai limite pour le dépôt des amendements à ces quatre textes est expiré.)
A quinze heures et, éventuellement, le soir :
5° Désignation des membres de la mission commune d'information sur le bilan de la politique de la montagne.

(Les candidatures à cette commission d'enquête devront être déposées au secrétariat central du service des commissions au plus tard le 12 février 2002, à 17 heures.)

Ordre du jour prioritaire

6° Suite de l'ordre du jour du matin.
Mardi 19 février 2002 :
A neuf heures trente :
1° Dix-huit questions orales (l'ordre d'appel des questions sera fixé ultérieurement) :
- n° 1201 de M. Jean-Pierre Demerliat transmise à Mme le secrétaire d'Etat au logement (Application de la loi SRU dans les petites communes) ;
- n° 1236 de M. Jacques Oudin à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche (Crise de la filière agricole due à l'emploi d'insecticides systémiques) ;
- n° 1242 de M. Bernard Piras à M. le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement (Obligations des communes en matière d'assainissement) ;
- n° 1248 de M. Xavier Darcos à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (Fermeture des services du Trésor dans les zones rurales décidée pendant la trêve des confiseurs) ;
- n° 1249 de M. José Balarello à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (Prime de perte d'emploi versée aux salariés des bureaux de change fermés en raison du passage à l'euro) ;
- n° 1260 de M. Georges Mouly à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité (Mise en place des centres locaux d'information et de coordination gérontologiques) ;
- n° 1263 de M. André Lardeux à M. le ministre de l'éducation nationale (Aides financières à la réalisation des travaux de sécurité dans les collèges privés) ;
- n° 1264 de M. Jean-Marie Vanlerenberghe à Mme le ministre déléguée à la famille, à l'enfance et aux personnes handicapées (Etablissements d'accueil des personnes handicapées) ;
- n° 1265 de M. Roland Courteau à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche (Difficultés de la viticulture méridionale) ;
- n° 1266 de M. Gérard Larcher à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité (Critères d'implantation d'un centre d'accueil des demandeurs d'asile dans les Yvelines) ;
- n° 1267 de M. Claude Biwer à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (Seuil de consultation obligatoire des services du domaine) ;
- n° 1268 de M. Yves Coquelle à Mme le ministre déléguée à la famille, à l'enfance et aux personnes handicapées (Manque de structures d'accueil adaptées aux différents handicaps dans le département du Pas-de-Calais) ;
- n° 1270 de M. Jean-Patrick Courtois transmise à Mme le garde des sceaux, ministre de la justice (Délais d'exécution des jugements des tribunaux de commerce) ;
- n° 1271 de M. Paul Blanc à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche (Difficultés du lycée Le Mas-Blanc à Bourg-Madame) ;
- n° 1272 de M. Marcel-Pierre Cléach à M. le ministre de l'éducation nationale (Réforme des études médicales) ;
- n° 1273 de M. Jean Boyer à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité (Plafond de recouvrement sur la succession des allocataires du fonds national de solidarité) ;
- n° 1274 de M. Auguste Cazalet à M. le ministre de la défense (lieu d'implantation de la brigade affectée à la sécurité du tunnel du Somport) ;
- n° 1275 de M. Didier Boulaud à M. le ministre de l'intérieur (Rédéploiement des forces de police dans la Nièvre).
A seize heures et, éventuellement, le soir :

2° Eloge funèbre de Dinah Derycke.

Ordre du jour prioritaire

3° Suite éventuelle de l'ordre du jour du jeudi 14 février 2002.
4° Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, portant création d'une Fondation pour les études comparatives (n° 351, 2000-2001).
5° Conclusions de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture du projet de loi relatif aux droits des malades et à la qualité du système de santé (n° 220, 2001-2002).
6° Nouvelle lecture de la proposition de loi portant rénovation des rapports conventionnels entre les professions de santé libérales et les organismes d'assurance-maladie.
En outre, vers dix-huit heures :
Désignation d'un membre de la délégation du Sénat aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, en remplacement de Dinah Derycke, décédée.
Mercredi 20 février 2002 :
A quinze heures :
Séance exceptionnelle pour le bicentenaire de la naissance de Victor Hugo, sénateur de la IIIe République.

(Au cours de cette séance interviendront le président du Sénat et un orateur par groupe [pour dix minutes].)

Ordre du jour prioritaire

A dix-sept heures trente et le soir :
1° Eventuellement, suite de l'ordre du jour de la veille.
2° Conclusions de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture de la proposition de loi complétant la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes.
3° Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative au nom patronymique (n° 225, 2000-2001).

(La conférence des présidents a fixé à dix minutes le temps d'intervention du représentant de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.)
Jeudi 21 février 2002 :

Ordre du jour prioritaire

A neuf heures trente :
1° Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, portant réforme du divorce (n° 17, 2001-2002).

(La conférence des présidents a fixé à dix minutes le temps d'intervention du représentant de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.)
A quinze heures et, éventuellement, le soir :

Ordre du jour prioritaire

2° Questions d'actualité au Gouvernement.

(L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant onze heures.)
3° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et l'Organisation des Nations unies concernant l'exécution des peines prononcées par le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (n° 195, 2001-2002).
4° Projet de loi autorisant la ratification de la convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée (n° 117, 2001-2002).
5° Projet de loi autorisant la ratification du protocole additionnel à la convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants (n° 118, 2001-2002).
6° Projet de loi autorisant la ratification du protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, additionnel à la convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée (n° 119, 2001-2002).
7° Sous réserve de son adoption en conseil des ministres, projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne pour la réalisation d'une ligne ferroviaire Lyon-Turin.
8° Projet de loi autorisant la ratification de la convention sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement (ensemble deux annexes) (AN, n° 3256).
9° Projet de loi autorisant l'approbation du protocole modifiant la convention du 23 juillet 1990 relative à l'élimination des doubles impositions en cas de correction des bénéfices d'entreprises associées (n° 313 rectifié, 2000-2001).
10° Projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant à la convention du 19 décembre 1980 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume de Norvège en vue d'éviter les doubles impositions, de prévenir l'évasion fiscale et d'établir des règles d'assistance administrative réciproque en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune (ensemble un protocole et un protocole additionnel) modifiée par les avenants du 14 novembre 1984 et du 7 avril 1995 (n° 401, 2000-2001).
11° Projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Guinée en vue d'éviter les doubles impositions et d'établir des règles d'assistance réciproque en matière d'impôts sur le revenu, la fortune, les successions et les donations (n° 285, 1999-2000).
12° Projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant à la convention fiscale du 21 octobre 1976 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Cameroun (n° 181, 2000-2001).
13° Projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire en vue d'éviter les doubles impositions, de prévenir l'évasion et la fraude fiscales et d'établir des règles d'assistance réciproque en matière d'impôts sur le revenu, sur la fortune et sur les successions (ensemble un protocole) (n° 62, 2001-2002).
14° Eventuellement, suite de l'ordre du jour du matin.
15° Navettes diverses.
Eventuellement, vendredi 22 février 2002 :
A neuf trente et à quinze heures :

Ordre du jour prioritaire

Eventuellement, suite de l'ordre du jour de la veille.
Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence des présidents relatives à la tenue des séances ?...
Ces propositions sont adoptées.

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NOMINATION DES MEMBRES
D'UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE


M. le président. Il va être procédé à la nomination de sept membres titulaires et de sept membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi complétant la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes.
La liste des candidats établie par la commission des lois a été affichée conformément à l'article 12 du règlement.
Je n'ai reçu aucune opposition.
En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire :
Titulaires : MM. René Garrec, Jean-Pierre Schosteck, Patrice Gélard, Jean-Jacques Hyest, Paul Girod, Robert Badinter et Mme Nicole Borvo.
Suppléants : MM. Laurent Béteille, Christian Cointat, Michel Dreyfus-Schmidt, Pierre Fauchon, Georges Othily, Bernard Saugey et Jean-Pierre Sueur.

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JOURNÉE NATIONALE POUR L'ABOLITION
UNIVERSELLE DE LA PEINE DE MORT
(Ordre du jour réservé)

Adoption des conclusions
du rapport d'une commission

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 214, 2001-2002) de Mme Nicole Borvo fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale sur la proposition de loi de Mme Nicole Borvo, MM. Robert Bret, Jean-Yves Autexier, Mme Marie-Claude Beaudeau, M. Jean-Luc Bécart, Mme Danielle Bidard-Reydet, MM. Guy Fischer, Thierry Foucaud, Gérard Le Cam, Pierre Lefebvre, Paul Loridant, Mme Hélène Luc, MM. Roland Muzeau, Jack Ralite, Ivan Renar, Mme Odette Terrade et M. Paul Vergès tendant à créer une journée nationale pour l'abolition universelle de la peine de mort (n° 374, 2000-2001).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le rapporteur.
Mme Nicole Borvo, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, le Sénat est appelé à examiner en première lecture, dans le cadre de son ordre du jour réservé et sur l'initiative du groupe communiste républicain et citoyen, une proposition de loi, que j'ai l'honneur de présenter au nom de la commission des lois, tendant à créer une journée nationale pour l'abolition universelle de la peine de mort.
Cette proposition de loi est inspirée par la volonté de réaffirmer avec force l'engagement de la France en faveur de l'abolition de la peine capitale et de promouvoir la généralisation de sa mise en oeuvre à l'échelle internationale.
Les auteurs de la proposition de loi souhaitent contribuer à faire progresser le mouvement abolitionniste en cette période où aura lieu la célébration de deux événements symboliques et d'une importance décisive à cet égard : d'une part, le bicentenaire de la naissance de Victor Hugo, d'autre part, le vingtième anniversaire de l'entrée en vigueur de la loi du 9 octobre 1981, qui a aboli la peine de mort en France.
Au début de ce xxie siècle, un double constat s'impose.
Premier constat, le processus menant à l'abolition de la peine de mort, amorcé au xviiie siècle, s'est accéléré et a débouché au xxe siècle.
Rappelons que Voltaire s'y rallia en 1777 et s'illustra dans les affaires Calas et du chevalier de la Barre, que la première plaidoirie en faveur de l'abolition fut prononcée en 1791 par Louis le Pelletier de Saint-Fargeau mais que la Constituante maintint la peine capitale.
Rappelons que, en Europe, ce châtiment fut progressivement remis en cause au xixe siècle, que le Venezuela fut, en 1863, le premier pays à abolir la peine de mort pour tous les crimes, tandis que, en France, l'abolition était portée par les grandes voix de Victor Hugo et de Lamartine.
Rappelons, pour la France, la première proposition de loi, déposée sur l'initiative de Victor de Tracy, en 1830, le débat à la Chambre des députés, en 1908, où s'illustrèrent Aristide Briand, auteur de la proposition d'abolition, et Jean Jaurès. Par la suite, huit propositions de loi furent déposées à l'Assemblée nationale entre 1958 et 1973, et neuf autres le furent entre 1973 et 1981, dont celle - permettez-moi de la mentionner - de Charles Lederman, au Sénat.
Enfin, le 9 octobre 1981, la loi présentée par le garde des sceaux de l'époque, M. Robert Badinter, portant abolition définitive et générale de la peine de mort, sans exception aucune, fut promulguée. Le projet de loi avait été adopté à l'Assemblée nationale par 369 députés, 113 ayant voté contre, et au Sénat par 161 sénateurs, 126 ayant voté contre.
Ainsi, la France fut le trente-cinquième pays à s'engager dans cette voie, alors que - Robert Badinter le rappelait ici même - un sondage réalisé en septembre 1981 indiquait que 63 % des Français étaient partisans du maintien de la peine de mort et que 32 % d'entre eux étaient pour son abolition. Trois ans plus tard, 49 % y étaient favorables et, récemment, une majorité de Français se prononçaient contre tout projet de rétablissement.
L'accélération du processus abolitionniste depuis le milieu du xxe siècle s'est traduite par l'évolution du droit international.
Ainsi, la Déclaration universelle des droits de l'homme, en 1948, n'abolit pas la peine de mort, mais elle consacre le droit à la vie.
Rappelons l'évolution ultérieure : tout d'abord, le pacte international relatif aux droits civils et politiques, conclu le 16 décembre 1966, est plus explicite s'agissant du droit à la vie et interdit la peine capitale pour les mineurs et les femmes enceintes ; ensuite, le protocole annexe de 1989, qui fait obstacle au rétablissement de la peine de mort, en cas de guerre, dans les Etats qui l'ont abolie.
Par ailleurs, la convention des droits de l'enfant du 20 novembre 1989 a interdit la peine de mort pour les personnes mineures au moment des faits et a été ratifiée par 192 pays, à l'exception notable des Etats-Unis.
Soulignons aussi la contribution essentielle du droit européen, sous l'impulsion du Conseil de l'Europe. Il s'agit, d'une part, du protocole n° 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signé en 1983, qui interdit le recours à la peine de mort en temps de paix. Il s'agit, d'autre part, de la résolution de 1994 imposant à tous les Etats qui l'ont ratifiée l'obligation d'abolir la peine de mort, et des nombreuses résolutions qui l'ont suivie.
Dans les Etats membres du Conseil de l'Europe, la courbe des exécutions n'a cessé de fléchir, passant de dix-huit en 1997 à une en 1998.
Trois Etats membres - la Russie, la Turquie et l'Arménie - n'ont pas aboli la peine de mort, mais appliquent jusqu'à présent un moratoire sur les exécutions.
Rappelons que, récemment, le Conseil de l'Europe a pris des initiatives, notamment le 24 janvier 2002 en incitant les Etats membres à refuser l'extradition de personnes accusées d'actes terroristes si ces dernières encouraient la peine de mort.
Rappelons l'action persévérante d'Amnesty international, l'action d'associations, en particulier Ensemble contre la peine de mort et l'Action des chrétiens contre la torture, et l'initiative remarquable qu'a constituée la tenue, les 21, 22 et 23 juin 2001 à Strasbourg, du premier congrès mondial contre la peine de mort, sous l'égide du Parlement européen et du Conseil de l'Europe, dont la déclaration finale demande l'abolition universelle de la peine de mort et appelle tous les Etats à prendre toutes les initiatives contribuant à l'adoption par les Nations unies d'un moratoire mondial des exécutions dans la perspective de l'abolition universelle.
A ce jour, 108 pays membres de l'ONU ont aboli légalement ou de fait la peine de mort, dont 45 depuis 1985 et, en moyenne, plus de trois pays par an s'engagent dans cette voie. Le mouvement abolitionniste est donc en marche et semble irréversible.
Pourtant - c'est le second constat - l'abolition universelle reste un objectif difficile à atteindre tant la situation est contrastée à l'échelle internationale et, d'un certain point de vue, préoccupante.
Ainsi, 86 pays ont encore la peine de mort dans leur arsenal pénal et 64 pays pratiquent effectivement des exécutions. Les statistiques d'Amnesty international, qui sont sans doute en dessous de la réalité, recensaient, en 1999, 1 813 exécutions dans 31 pays, dont 1 263 en Chine, et 3 857 personnes condamnées dans 64 pays. Elles font apparaître que l'Arabie saoudite, la Chine, les Etats-Unis, l'Iran et la République démocratique du Congo concentrent 85 % des exécutions.
Notons que, si la peine capitale a reculé dans la quasi-totalité des démocraties, deux des plus importantes font exception, les Etats-Unis et le Japon, qui enregistraient respectivement 98 exécutions en 1999 et 101 condamnations, situation choquante dans des sociétés démocratiques régies par l'état de droit. Rappelons qu'aux Etats-Unis, où la Cour suprême a rétabli la légalité de la peine de mort en 1976, la question de l'abolition fut posée avec acuité avec la publication d'une étude de l'université de Columbia en 2000, faisant apparaître de graves dysfonctionnements du système judiciaire américain, établissant que 68 % des condamnations réexaminées au fond avaient été annulées ; je rappelle la contribution à ce débat de M. Felix Rohatyn, ancien ambassadeur des Etats-Unis en France. débat. Ajoutons que, depuis 1976, 95 condamnés à mort ont été innocentés et remis en liberté, après avoir passé en moyenne huit ans et plus dans les couloirs de la mort.
Je veux aussi rappeler la situation emblématique du journaliste noir américain, Mumia Abu-Jamal, dans les couloirs de la mort depuis vingt ans, la révision de son procès n'ayant pas été, à ce jour, possible.
Rappelons les graves violations des normes internationales s'agissant de la peine capitale prononcée à l'encontre de mineurs, dont les Etats-Unis détiennent le triste record avec 14 mineurs exécutés entre 1999 et 2000, 74 étant actuellement dans les couloirs de la mort.
La récente période a connu de nombreuses initiatives pour un moratoire universel sur les exécutions, notamment sous l'égide de l'Union européenne avec, sous la présidence française, l'adoption de la charte des droits fondamentaux, le 7 décembre 2000 à Nice, portant interdiction de prononcer une condamnation à mort ou une exécution.
De même, en mars 2001, le Président de la République a lancé un appel solennel devant la commission des droits de l'homme des Nations unies en faveur de l'abolition universelle, dont la première étape serait un moratoire général.
Le Conseil de l'Europe a, dans le même esprit, annoncé, en juin 2001, qu'il projetait de réétudier le statut d'observateur des Etats-Unis et du Japon si ces deux Etats persistaient dans les exécutions.
Pourtant, à ce jour, l'inscription de la question d'un moratoire universel à l'ordre du jour de l'Assemblée générale des Nations unies n'a pas abouti.
Ainsi, l'abolition universelle de la peine de mort reste un objectif encore loin d'être atteint et nécessite une mobilisation internationale accrue et une vigilance constante pour éviter tout retour en arrière. C'est dans ce contexte que la proposition de loi qui vous est proposée doit s'avérer utile, tant dans sa visée nationale que dans sa portée internationale.
Certes, l'institution d'une journée nationale pour l'abolition de la peine de mort constitue une démarche qui doit demeurer exceptionnelle et solennelle en raison de la gravité de la cause à laquelle elle est attachée. Mais elle s'inscrit dans le prolongement d'un mouvement que le Parlement a enclenché depuis 1996, pour s'engager sur des questions très importantes. Citons la journée des droits de l'enfant instituée par la loi du 9 avril 1996 et dont les effets sont très positifs. Citons également la journée nationale à la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites de l'Etat français et d'hommage aux Justes de France, instituée par la loi du 10 juillet 2000.
Le recours à la loi pour des textes plus symboliques que normatifs tient au fait que le Parlement ne dispose pas d'autres moyens pour prendre position sur des sujets aussi graves. On peut donc souligner, comme vous l'avez tous déjà fait ici même lors de l'examen des textes que je viens de citer, la nécessité d'engager une réflexion afin de donner au Parlement les moyens de s'exprimer solennellement autrement que par la loi, notamment par des résolutions ou par des motions.
Ces remarques étant faites, la commission des lois partage la préoccupation des auteurs de la proposition de loi d'oeuvrer à l'abolition universelle de la peine de mort et de permettre à la France de renouveler son attachement à ce principe.
La commission des lois estime que la célébration, chaque année, de l'anniversaire de l'abolition de la peine de mort s'avère utile. Le chemin vers l'interdiction de la peine de mort est long et difficile. En France, la loi du 9 octobre 1981 est le fruit d'un processus de maturation qu'il convient de saluer et qui mérite d'être gardé en mémoire, et je rends hommage à l'action de M. Robert Badinter. De plus, l'institution d'une journée nationale serait l'occasion de permettre l'expression d'une prise de conscience collective en faveur du mouvement abolitionniste et de rappeler chaque année la légitimité de cette cause.
A l'évidence, l'abolition universelle de la peine capitale est encore loin d'être acquise. Conscient du caractère emblématique d'une telle démarche, le législateur, en adoptant la présente proposition de loi, pourrait apporter une utile contribution pour faire avancer cette idée et lancer un message solennel, officiel et clair à l'intention des Etats qui pratiquent encore la peine capitale, afin de les inviter à faire évoluer leur législation pour la rendre conforme aux prescriptions du droit international. La France a, de ce point de vue, un rôle à jouer à l'échelon international.
Enfin, l'institution d'une journée nationale en faveur de l'abolition de la peine de mort pourrait permettre, d'une part, de rendre un hommage plus spécifique aux nombreux innocents condamnés chaque année afin qu'ils ne tombent pas dans l'oubli et, d'autre part, de mobiliser les énergies en faveur d'un moratoire universel sur les exécutions. Elle permettrait également de faire circuler des informations souvent confidentielles sur les pratiques de certains pays comme la Chine en matière d'exécutions.
La commission des lois du Sénat souscrit pleinement à l'esprit de la présente proposition de loi visant à imposer aux établissements d'enseignement l'obligation d'effectuer, au cours de cette journée nationale, un travail pédagogique de mémoire et de réflexion sur la peine capitale et sur la vie. Les passions suscitées par les débats sur la peine de mort et la place de la justice dans les sociétés modernes ne doivent pas empêcher les plus jeunes de réfléchir sur des questions déterminantes pour la formation de chaque citoyen. Les établissements d'enseignement pourraient jouer un rôle essentiel, mais non exclusif, pour faire progresser la réflexion sur l'abolition universelle de la peine de mort.
A l'unanimité, la commission des lois vous propose, mes chers collègues, d'adopter cette proposition de loi, sous réserve de quelques modifications.
La première tend à préciser, à l'article 1er, que l'institution d'une journée nationale, le 9 octobre, correspond à la date anniversaire de l'entrée en vigueur de la loi portant abolition de la peine de mort.
La deuxième vise à confier à l'autorité compétente en matière de détermination des programmes scolaires - le ministre de l'éducation nationale -, plutôt qu'aux établissements d'enseignement, le soin de prévoir les conditions dans lesquelles est effectué un travail pédagogique de réflexion sur ce thème dans les établissements scolaires à l'occasion de cette journée.
La troisième a pour objet non pas de créer une obligation pour les services publics, mais de leur donner la faculté de prendre part à la promotion de ce principe.
La quatrième prévoit que, chaque année, le Gouvernement devra informer le Parlement sur les initiatives prises par notre pays pour faire reculer la peine de mort dans le monde.
Notre assemblée a célébré avec dignité le vingtième anniversaire de l'abolition de la peine de mort en France. Je suis convaincue qu'elle s'honorera en votant cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, je salue, bien entendu, l'initiative de Mme Nicole Borvo et des membres de votre assemblée qui proposent de créer une journée pour l'abolition universelle de la peine de mort, alors que vient de se terminer l'année du vingtième anniversaire de la loi du 9 octobre 1981 portant abolition de ce châtiment barbare, texte dont le rapporteur fut ici même M. Paul Girod.
Nous étions alors le trente-cinquième Etat à abolir cette peine. Aujourd'hui, un pays ne peut adhérer à l'Union européenne s'il pratique encore la peine de mort dont l'abolition est inscrite dans la Charte européenne des droits de l'homme. Sur cent quatre-vingt-neuf membres des Nations unies, cent huit Etats ont banni ce châtiment de leur arsenal répressif. C'est dire que l'idée abolitionniste progresse. C'est dire que la France était dans le vrai.
La justice ne peut pas tuer. Elle ne peut pas commettre l'irréparable. La société doit être bâtie sur des valeurs différentes de celles qu'elle condamne, et la première de ces valeurs est le respect de la personne humaine, de la vie et de son intégrité.
C'est l'honneur de la France d'avoir mis en vigueur ces principes voilà plus de vingt ans grâce, bien sûr, à l'action déterminante de M. Robert Badinter, dont le nom, avec celui de François Mitterrand, restera attaché à cette cause.
J'ai déjà eu l'occasion de dire à l'Assemblée nationale, lors de la commémoration de l'adoption de la loi du 9 octobre 1981, à quel point tous ceux qui ont entendu M. Robert Badinter gardent le souvenir de sa démonstration passionnée, s'adressant au coeur et à la raison, démonstration non seulement du caractère barbare, mais aussi de l'absurdité de la peine capitale, à laquelle de nombreux Etats avaient déjà renoncé. J'ajouterai que c'est dans cet exemple que l'on peut parfois puiser le courage de légiférer à contre-courant.
Il faut maintenant faire évoluer les esprits et, dans l'opinion internationale, faire avancer l'idée de l'abolition universelle, qui doit être une idée quotidienne.
Si nous avons fait notre chemin, si, après nous, d'autres nations ont, elles aussi, refusé la peine capitale, s'il est manifeste qu'un mouvement mondial se mobilise sans relâche autour de la défense des droits de l'homme, la peine de mort continue, vous avez raison de le souligner, madame Borvo, à être pratiquée dans un trop grand nombre de pays, comme la commission des lois du Sénat et vous-même l'avez rappelé.
Sur les quatre-vingt-six pays qui ont maintenu la peine de mort, soixante-quatre ont effectivement pratiqué des exécutions, dont les Etats-Unis, le Japon et la Chine.
Cependant, même aux Etats-Unis, des certitudes vacillent devant la démonstration de l'innocence de personnes condamnées qui se sont retrouvées dans le couloir de la mort. Combien d'innocents ont-ils été ou sont-ils exécutés avant que des tests fondés sur l'ADN ne révèlent brutalement l'erreur qui a été irrémédiablement commise ?
Mais l'erreur judiciaire n'est que l'argument ultime des abolitionnistes. Il s'agit non pas seulement de l'insupportable injustice faite à l'innocent, mais aussi du sort inacceptable réservé au coupable.
La peine de mort, quel que soit le mode d'exécution, constitue une forme certaine de torture.
L'emprisonnement des condamnés à mort pendant de longues années avec la constante perspective de leur exécution est une forme de « traitement inhumain et dégradant », au sens de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Il faut donc rester vigilant pour obtenir que la justice se place sur un terrain dépassionné, neutre et serein. C'est pourquoi je trouve particulièrement salutaire et réconfortant qu'une initiative comme la vôtre, madame le rapporteur, soit prise pour éclairer les consciences.
Déjà, vous l'avez rappelé, le Congrès mondial contre la peine de mort, organisé à Strasbourg en juin 2001 dans les locaux du Parlement européen, avait relancé ce débat.
C'est, de manière plus forte encore, le sens de la proposition de loi soumise aujourd'hui à votre examen.
Comme le relève la commission des lois, un texte législatif n'était pas indispensable. La journée pour l'abolition universelle de la peine de mort aurait certes pu être instaurée par un texte de nature réglementaire.
Mais la loi présente ici un caractère emblématique. Elle a une vertu à la fois mobilisatrice et pédagogique.
Elle a une vertu mobilisatrice, car l'abolition est un combat.
Elle a une vertu pédagogique, car, lorsqu'il s'agit de la mort présentée comme un événement normal alors même que son caractère judiciaire lui donne un caractère scandaleux, il faut expliquer et toujours expliquer où réside le scandale.
Elle a aussi une vertu pédagogique parce que cette journée commémorative sera porteuse d'un message dont on devra rappeler la conformité aux principes républicains : c'est un véritable Etat de droit que l'on célébrera, avec la volonté de le consolider.
Cette explication me paraît d'autant plus salutaire que l'on connaît le caractère versatile de l'opinion publique à cet égard. Ainsi, en France même, selon un sondage récent, 44 % de nos concitoyens sont favorables au rétablissement de la peine de mort. Que leur a-t-on dit pour en arriver là ?
C'est pourquoi je souscris à cette proposition de loi dont je salue les auteurs. Je salue aussi le travail accompli par la commission des lois, qui a apporté les quelques précisions qui permettront au texte d'atteindre plus efficacement son but. Aujourd'hui, c'est encore une séance honorable que tient le Sénat. (Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur celles des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, sur un si grand sujet, le pire de ma part serait ce que l'on appelle, en termes cinématographiques, un remake. Je tiens simplement à rappeler - c'est le propre de l'âge ! - le souvenir le plus précieux que j'ai gardé de la grande bataille pour l'abolition de la peine de mort en 1981 : alors que tous les augures politiques, sans exception, s'accordaient pour dire que le Sénat ne voterait pas l'abolition de la peine de mort en première lecture - j'ai pris soin, voilà deux ans, en relisant la presse de l'époque, de le mesurer -, nous avons assisté dans cet hémicycle au cours d'un débat dont certains, j'en suis sûr, se souviennent, la liberté de conscience étant la règle face à un sujet qui l'engage autant, à une lente émergence de plus en plus forte de l'exigence morale de l'abolition.
Je tiens à rendre hommage en particulier à ceux de nos collègues qui ont joué un rôle décisif dans le vote favorable à l'abolition ce jour-là, si précieux à mes yeux, puisque les deux chambres, et donc les deux majorités du Parlement, s'étaient prononcées en ce sens : Léon Jozeau-Marigné, qui présidait alors la commission des lois du Sénat, notre ami Marcel Rudloff, grand abolitionniste qui s'est beaucoup battu ce jour-là, Charles Lederman, toujours présent dans ce grand combat pendant tant d'années, et beaucoup d'autres, encore - la liste serait longue. Après plusieurs décennies, ma reconnaissance à leur égard est toujours aussi grande.
Je voterai bien entendu, avec tout le groupe socialiste, les conclusions de la commission des lois sur la proposition de loi de notre excellente collègue Mme Borvo. Cela va de soi. A cette proposition tendant à l'instauration d'une journée annuelle pour l'abolition universelle de la peine de mort, je vois plusieurs mérites que je tiens à préciser.
Le premier est lié à l'irrésistible mais difficile marche en avant de l'abolition de la peine de mort. Nous allons célébrer ici même, la semaine prochaine, le plus grand de nos abolitionnistes du xixe siècle, Victor Hugo, qui siégeait à l'extrême gauche de cette salle des séances, à la place la plus enviable de tout l'hémicycle au regard de son passé et de ses utilisateurs. Victor Hugo, alors membre de la chambre des Pairs, s'était exclamé ici même : « Je vote pour l'abolition pure, simple et définitive », trois adjectifs essentiels qui m'ont toujours habité et auxquels j'ajouterai un quatrième : universelle.
Pourquoi universelle ? Parce que, bien au-delà du fondement théologique - le « tu ne tueras point », qui vaut pour tous, mais n'empêche évidemment pas l'assassin d'être sacrilège - et de l'impossible, de l'inadmissible erreur judiciaire, irréversible dans le cas du condamné à mort, angoisse de ceux qui se font de la justice l'idée la plus exigeante - et le cas de tant de ceux qui peuplent les quartiers des condamnés à mort, aux Etats-Unis, démontre que ce n'est pas une hypothèse d'école -, oui, au-delà de cette double exigence, il y en a une troisième plus contemporaine et qui justifie l'universalité.
La peine de mort - vous l'avez excellemment rappelé, madame la ministre - constitue d'abord un châtiment cruel, inhumain et dégradant, et, à ce seul titre, les conventions internationales en matière de droits de l'homme suffiraient à la condamner.
Mais il y a plus, et on trouve là la dimension universelle : il y a cette exigence première des droits de l'homme, à savoir le droit au respect de la vie qui est acquis à tout être humain, droit qui devrait s'imposer d'abord, évidemment, à l'Etat. Le droit au respect de la vie, droit intangible qui fonde les autres, est par sa nature même universel, car que serait dans ce domaine un droit à dimension variable ? Comment pourrait-on imaginer, où que ce soit dans le monde, que le droit à la vie cesse d'être le premier des droits des êtres humains ?
Le secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan, avait dit un jour où l'on débattait de l'universalisme des droits de l'homme, du relativisme culturel, du droit à la différence des cultures, que tout cela était exact, que les expressions étaient effectivement multiples mais que les choses pouvaient être formulées plus simplement : parlez des droits de l'homme à la femme africaine dont la fille a été violée et tuée pour des raisons raciales ; ou parlez-en à un homme vivant sous une dictature, dont le fils a été arrêté et est mort sous la torture, avait-il déclaré. Croyez-moi, vous n'avez pas besoin de leur dire ce que sont les droits de l'homme : ils le savent beaucoup mieux que nous !
M. le secrétaire général des Nations unies avait raison : c'est là où s'enracinent le plus profondément les droits de l'homme, et c'est la raison pour laquelle nous devons tous ensemble oeuvrer pour aboutir à l'abolition universelle de la peine de mort.
Que l'abolition universelle se fera, j'en suis aussi convaincu que l'était Hugo, voilà plus d'un siècle, parlant de l'abolition de la peine de mort en France.
Elle est en effet en marche, et les progrès à cet égard ont été excellemment rappelé : 18 Etats abolitionnistes seulement en 1948, lors de l'adoption de la Déclaration universelle des droits de l'homme, à Paris ; 35 lorsque, ici même, on débattait de l'abolition de la peine de mort en France ; 108 aujourd'hui. A ce jour, en Europe, continent qui a connu tant de crimes, tant de malheurs au cours des siècles passés, plus aucun Etat n'a recours à la peine de mort : celle-ci est « bannie » par un protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme.
Vous avez évoqué les autres instruments internationaux. Deux d'entre eux doivent, par leur signification et leur actualité, retenir spécialement notre attention.
Le premier s'inscrit dans le cadre de l'adoption de la Charte des droits fondamentaux qui constituera, ne l'oublions pas, le « fondement moral » de toute l'Europe de demain : c'est la proclamation solennelle de l'interdiction du recours à la peine de mort.
Le second, à la force symbolique peut-être plus grande encore, est le refus du recours à la peine de mort par les 120 Etats ayant voté le traité de Rome portant statut de la Cour pénale internationale qui verra bientôt le jour, ce traité concernant la répression des crimes contre l'humanité, du génocide, des crimes de guerre de la dimension que l'on connaît. Ce refus du recours à la peine de mort marque un progrès considérable de la conscience internationale. C'est cela la marche en avant.
Vous avez dit justement que, si cette marche s'affirmait, elle n'était, hélas ! pas encore universellement accueillie : si, aujourd'hui, la majorité des Etats de ce monde sont abolitionnistes de droit ou de fait et ont rejeté la pratique sanglante de la peine de mort, il en est cependant encore trop qui y recourent, et, parmi eux, de grandes démocraties : vous avez évoqué, madame la ministre, le Japon et vous avez cité l'exemple si préoccupant des Etats-Unis, première puissance du monde.
Sans revenir là-dessus, je dirai simplement que, face aux difficultés que rencontre cette marche en avant, il est bon et juste que soit rappelée chaque année l'exigence de l'abolition universelle. C'est bon et juste parce que c'est une très difficile marche en avant de l'humanité que celle qui l'a conduite à l'abolition. La pulsion fondamentale des êtres humains n'est en effet pas en ce sens, et l'abolition de la peine de mort représente donc une grande victoire de l'être humain sur lui-même.
Il est souhaitable d'enseigner aux jeunes générations ce que signifie l'abolition de la peine de mort au regard de la barbarie humaine, de leur montrer qu'elle est l'une des étapes essentielles du progrès de la conscience morale chez les êtres humains, chez les peuples et les Etats. Il est bon que les jeunes générations prennent conscience de ce qu'elle a exigé et combien, parfois, elle fut difficile à faire triompher.
Pour le reste, mes chers collègues, je ne peux qu'être sensible au choix de la date. Elle permettra, je l'espère, à mes petits-enfants de mieux se souvenir de leur grand-père. (Sourires et applaudissements.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.

Article 1er



M. le président.
« Art. 1er. - Le 9 octobre, jour anniversaire de l'entrée en vigueur de la loi n° 81-908 du 9 octobre 1981 portant abolition de la peine de mort, est reconnu journée nationale pour l'abolition universelle de la peine de mort. »
Je vais mettre aux voix l'article 1er.
M. Michel Caldaguès. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Caldaguès.
M. Michel Caldaguès. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, sur cet article 1er, je souhaiterais expliquer mon vote en formulant un certain nombre d'observations qui, bien sûr, vaudront pour l'ensemble du texte.
Tout d'abord, je ne pense pas qu'il soit opportun de voter pareille proposition de loi au moment où le terrorisme atteint une dimension tragique, faisant, d'un seul coup, des milliers de victimes, et où une lutte difficile s'engage contre lui. Cela pourrait apparaître comme une sorte d'appel à l'indulgence - il en fleurit déjà dans les médias - qui, selon moi, ne serait pas de mise. C'est encore plus vrai si l'injonction paraît s'adresser à des pays qui ont récemment subi ou subissent tous les jours le terrorisme.
La position que l'on prend sur la peine de mort est assurément du domaine de la conscience individuelle, mais c'est aussi du domaine de la conscience nationale.
Au demeurant, une abolition inconditionnelle ferait bon marché des crimes les plus graves, les plus atroces : assassinats d'enfants, viols et assassinats de personnes âgées, assassinats de représentants de l'ordre, que l'on a vu se multiplier récemment.
Enfin, me tournant vers les auteurs de la proposition, je leur ferai une observation que je ne pouvais évidemment pas faire en 1981 : si l'on comprend qu'un parti politique cherche à se libérer de souvenirs historiques trop pesants, il est difficile d'admettre qu'il se pose en dispensateur d'une morale universelle ! Il y a une marge qui ne peut être franchie !
C'est la raison pour laquelle, en soulignant qu'un certain nombre de mes amis partagent ma façon de voir, je voterai contre l'article 1er et contre l'ensemble du texte.
M. Patrice Gélard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, si je comprends la position de notre collègue Michel Caldaguès, je ne partage pas son point de vue : je suis en effet un fervent défenseur de l'abolition de la peine de mort ; j'estime qu'un homme ne peut pas décider, soit-il juge, du destin de son concitoyen.
M. Gérard Delfau. Très bien !
M. Patrice Gélard. Je pense en outre que la peine de mort incite, en fin de compte, à ne pas respecter la vie humaine. Derrière la réclamation de l'abolition de la peine de mort, c'est la condamnation de toute atteinte à l'homme que l'on vise. Il faut que les criminels, les assassins, les tueurs d'enfants que l'on citait tout à l'heure se rendent compte, à un moment donné de leur vie, que la vie humaine est plus sacrée que tout et qu'il faut la protéger.
Cette journée que l'on nous propose de créer sera l'occasion, notamment dans les écoles, de consacrer une demi-heure, trois quarts d'heure, peut-être moins - cela dépendra des enseignants -, pour dire à tous les enfants qu'il n'y a rien de plus odieux que la peine de mort et que ceux qui tuent quiconque portent atteinte à ce qu'il y a de plus sacré : la vie humaine.
C'est la raison pour laquelle, même si j'approuve quelques-unes des remarques de mon estimé collègue M. Caldaguès, je ne peux pas, en conscience, le suivre, et c'est pourquoi je me rallie à cette proposition d'instaurer une journée nationale qui, pour moi, sera non seulement la journée de l'abolition de la peine de mort, mais aussi celle du respect par tous de la vie, le don essentiel que nous avons tous reçu. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, sur les travées socialistes, ainsi que sur quelques travées des Républicains et Indépendants et quelques travées de l'Union centriste.)
M. Philippe de Gaulle. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. de Gaulle.
M. Philippe de Gaulle. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, l'abolition de la peine de mort est une chose ; en faire une journée internationale et médiatique en est une autre. En ces temps de terrorisme et de grande criminalité, la conjoncture y est assez défavorable.
Je comprends tout à fait que des débats d'idée s'instaurent sur ce sujet grave et vieux comme l'humanité, et je comprends très bien la recherche internationale d'un dénominateur commun de civilisation, mais chaque nation doit se réserver le numérateur en fonction de sa propre défense, de sa propre situation d'autant plus que, en France, par exemple, le Président de la République dispose du droit de grâce.
Aussi, comme le disait Roland Dorgelès, qui siégeait à la Chambre bleu horizon, « aux discours des juristes et des avocats, les soldats opposent le silence mais ils réservent leur vote ». Je ne voterai donc pas le texte visant à l'institution d'une journée internationale tel qu'il vient de nous l'être proposé.
Mme Hélène Luc. C'est une journée nationale !
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.

(L'article 1er est adopté.)

Articles 2 à 4



M. le président.
« Art. 2. - Le ministre chargé de l'éducation nationale fixe les modalités par lesquelles les thèmes de la peine de mort et de la justice sont abordés dans les programmes scolaires au cours de cette journée. » - (Adopté.)
« Art. 3. - Les services publics peuvent apporter leur concours à la promotion de cette journée. » - (Adopté.)
« Art. 4. - Le Gouvernement remet chaque année au Parlement un rapport dans lequel sont retracées les initiatives qu'il a prises à l'échelle internationale pour faire reculer la peine de mort dans le monde. » - (Adopté.)
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les conclusions du rapport de la commission des lois sur la proposition de loi n° 374.

(La proposition de loi est adoptée.)

10

RÉSORPTION DES DÉCHARGES BRUTES

Discussion d'une question orale avec débat
(Ordre du jour réservé)

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion de la question orale avec débat suivante :
M. Gérard Delfau attire l'attention de M. le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement sur les difficultés rencontrées par les communes pour satisfaire les objectifs de la loi du 13 juillet 1992, notamment celui de la résorption des décharges brutes.
Rénovant la loi-cadre du 15 juillet 1975 relative à la gestion des déchets, cette loi a initié une politique plus ambitieuse, axée sur le développement de la prévention, de la valorisation et du recyclage, avec pour corollaire une limitation de la mise en décharge, réservée à partir du 1er juillet 2002 aux seuls déchets ultimes.
Elle impose l'obligation aux communes de réhabiliter ou de fermer les décharges, directement exploitées par elles ou laissées à la disposition de leurs administrés, qui n'ont pas fait l'objet d'une autorisation préfectorale au titre de la législation sur les installations classées.
L'arrêté du 9 septembre 1997 fixe précisément les normes à respecter pour l'aménagement et l'exploitation d'un centre de stockage de déchets.
La circulaire du 10 novembre 1997 exige l'introduction dans les plans départementaux d'élimination des déchets ménagers et assimilés d'un volet spécifique, comportant un inventaire précis du nombre de décharges brutes ainsi que la planification de leur mise en conformité ou de leur fermeture.
La circulaire du 28 avril 1998 insiste à nouveau sur la nécessité de mener une action déterminée pour la résorption des décharges brutes.
A moins de huit mois de la date butoir de 2002 et malgré l'énorme effort d'investissement consenti par les collectivités locales, l'application de la loi semble loin d'avoir donné tous les résultats escomptés. L'an dernier, la mise en décharge restait, avec l'incinération, largement prépondérante.
En outre, l'inventaire national des décharges brutes, réalisé en 1998, estimait leur nombre à plus de 6 000, malgré la fermeture de près de 3 000 décharges illégales dans les années 90. A cette date, seulement 300 sites avaient été réhabilités. Où en est-on aujourd'hui ?
De nombreuses petites et moyennes communes n'ont pas encore mis en place les équipements d'élimination ou de recyclage nécessaires ou ont pris du retard, ayant opté pour des techniques difficiles à appréhender. En outre, le simple enfouissement des décharges existantes soulève des questions eu égard à la santé publique.
Se pose enfin le problème du financement des dépenses d'investissement et de fonctionnement, tant pour les installations nouvelles que pour la réhabilitation des décharges brutes et des sites. Plutôt que d'évoquer l'échéance de 2002 comme une date couperet, ne vaudrait-il pas mieux, devant ce constat, mobiliser les moyens financiers, techniques et humains en faveur de ces communes ?
M. Gérard Delfau demande au ministre de dresser un bilan de l'application de la loi de 1992, particulièrement pour ce qui concerne la résorption des décharges brutes, et d'indiquer quelles actions il compte entreprendre pour aider les collectivités à atteindre les objectifs fixés par la loi (N. 39).
La parole est à M. Delfau, auteur de la question.
M. Gérard Delfau. Monsieur le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, j'ai souhaité attirer votre attention sur le rendez-vous important et difficile pour l'ensemble de nos communes, y compris les plus petites, que représente l'élimination définitive des décharges non autorisées au 1er janvier 2002, conformément à la loi.
Le premier stade est celui de la mise en place de déchetteries et de lieux destinés à l'incinération ou au dépôt des déchets ultimes. Un très grand nombre de collectivités locales ont résolu ou sont en passe de résoudre cette condition préalable grâce au regroupement en syndicats intercommunaux ou dans le cadre des communautés de communes ou des communautés d'agglomération. Certaines ne l'ont pas pu pour des raisons indépendantes de leur volonté ; quelques-unes ne l'ont pas fait par négligence ou délibérément.
Quelles seront vos instructions et, éventuellement, quels seront l'attitude ou l'appui de vos services dans chacun de ces cas si différents ?
Reste la deuxième phrase qui a peu mobilisé jusqu'à présent la puissance publique, à savoir la rénovation du site des anciennes décharges, leur transformation en un lieu rendu à l'agriculture, au loisir, à la promenade ou à une quelconque activité.
De la réussite de cette étape dépend la qualité environnementale du paysage français.
Or on voit bien que, si l'objectif est identique, les moyens financiers que les communes peuvent y consacrer sont inégaux, à l'image des énormes disparités de ressources liées au revenu de la taxe professionnelle.
Le risque est grand que continuent à subsister, un peu partout dans le pays, des décharges officiellement désaffectées, mais peu ou mal rénovées, sans compter les décharges sauvages que certaines communes n'ont pas su ou pu empêcher de proliférer.
Un certain nombre de départements ont lancé des programmes pour faciliter la disparition de ces points noirs. D'autres ne l'ont pas fait. Il appartient à l'Etat d'organiser et de faciliter, y compris en contribuant à son financement, la rénovation des anciennes décharges dans un délai aussi rapide que possible.
Dans cette perspective, les petites communes, plus particulièrement en zone rurale, à la fois plus sensibles et plus pauvres en raison de leurs faibles revenus, devraient être privilégiées. Il importe de mettre en oeuvre au niveau national une politique du type de celle qui a permis d'étendre l'assainissement collectif à la quasi-totalité des communes.
Votre ministère peut trouver là une mission appréciée par son effet sur la vie quotidienne des Français, notamment en terme de santé publique.
Je voudrais connaître, monsieur le ministre, votre position sur ce sujet et les mesures, d'ordre réglementaire, d'appui technique et de financement que vous comptez prendre. Je voudrais savoir notamment s'il ne serait pas opportun de prélever une partie de la taxe sur les emballages industriels pour financer un fonds d'aide à la rénovation des décharges, en partenariat avec les conseils généraux et les conseils régionaux.
M. le président. La parole est à M. Marest.
M. Max Marest. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à quelques mois de l'échéance prévue par la loi du 13 juillet 1992 relative à l'élimination des déchets ainsi qu'aux installations classées pour la protection de l'environnement, il convient de s'interroger, eu égard aux objectifs et aux priorités affichées, sur l'efficacité de la politique publique qui a été menée au cours de ces dix années.
La loi de juillet 1992 énonçait en effet cinq objectifs fort ambitieux, dont la réalisation devait être effective au 1er juillet 2002.
Première objectif : la fin des décharges, celles-ci étant désormais réservées aux seuls déchets ultimes. Autrement dit, seuls les déchets qui, dans les conditions techniques et économiques actuelles, ne sont pas susceptibles d'être traités pour en extraire la part qui peut être valorisée ou en diminuer le caractère dangereux pourront, à partir du 1er juillet 2002, être mis en décharge. Je passe sur la polémique que nous avons connue quant à la définition d'un déchet ultime !
Deuxième objectif : la prévention ou la réduction des déchets.
Troisième objectif : la limitation du transport des déchets en distance et en volume.
Quatrième objectif : la valorisation des déchets, de manière à obtenir des matériaux réutilisables ou de l'énergie.
Cinquième objectif : l'information du public.
Le 4 décembre dernier, sur l'initiative de mon collègue Dominique Braye, président du groupe d'étude sénatorial relatif à la gestion des déchets, s'est tenu au Sénat un colloque consacré à la rénovation de la politique de gestion des déchets en France avec, pour exergue, cette question : « 1er juillet 2002... Et après ? »
Cette question, ô combien légitime, est en effet centrale et fédératrice. L'échéance du 1er juillet 2002 suscite en effet de nombreuses inquiétudes, monsieur le ministre, notamment en ce qui concerne le premier des objectifs que j'ai rappelés puisque, à quelques mois de cette échéance, il convient de conclure à un échec, ou à un semi-échec, suivant les lieux, car il semble que nous soyons loin des résultats escomptés.
A cet égard, il convient de signaler que 21 millions de tonnes ont été mises en centre d'enfouissement technique en 1992 et 24 millions de tonnes en 1998. Nous n'avons pas de données précises pour les années suivantes.
Ce constat suscite de multiples questions. Force est de s'interroger, notamment, sur le déficit grave en capacités de réception des déchets dans les cinq à dix ans à venir, sur le caractère indispensable, voire la simple pertinence de la décharge en tant que mode d'élimination, sur la résorption des décharges sauvages existantes, sur le stockage des déchets de chantier.
Très prochainement, les collectivités locales vont devoir gérer la fin des décharges, à l'exception des résidus ultimes.
Or le Gouvernement n'a pas dressé de bilan ni brossé de perspectives quant à l'avenir environnemental, politique et budgétaire de ces collectivités. Pourtant, celles-ci seront en première ligne et devront réaliser de nombreux investissements pour se conformer aux diverses échéances et exigences.
Dans ce domaine, beaucoup de chemin reste à parcourir.
Certes, les collectivités locales bénéficient, en théorie, pour financer leurs équipements et pour mettre en oeuvre les plans départementaux d'élimination des déchets, des aides publiques de l'ADEME, l'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie. Cependant, les différentes mesures budgétaires et fiscales prises ces dernières années par ce gouvernement sont inquiétantes, et ce à plusieurs titres.
Le barème d'aides de l'ADEME au profit des collectivités locales a été revu à la baisse. Des explications ont été données, tenant à l'accroissement de la qualité des déchets. Ainsi les taux de subventions ont-ils été réduits de 38 %.
J'ajoute que la gestion politique opaque des crédits de l'ADEME a suscité bien des interrogations ; elle a d'ailleurs été dénoncée dans un rapport d'information de notre collègue Philippe Adnot, intitulé : « ADEME : la grande illusion ».
Par ailleurs, dix ans après le vote de la loi de 1992, le tonnage de déchets ménagers continue à progresser inexorablement : on atteint aujourd'hui environ 25 millions de tonnes d'ordures et on compte 4 000 à 8 000 décharges illégales - souvent sauvages - sur le territoire. Le retard pris dans le domaine de la limitation du transport des déchets est considérable. Le bilan de la valorisation des déchets est très contrasté. Enfin, l'absence de concertation et d'information provoque de véritables blocages.
Certes, beaucoup a déjà été fait pour développer les capacités de traitement dans un sens plus moderne et respectueux de l'environnement ainsi que pour favoriser le tri sélectif. Cependant, des investissements importants sont encore nécessaires. Les communes ou leurs syndicats seront, là encore, en première ligne.
Surtout, la croissance sans fin des volumes, dont on ne perçoit pas encore clairement les raisons, demeure un problème pour le moment sans solution.
Ce bilan contrasté, les inquiétudes des collectivités locales ainsi que le chemin restant à parcourir pour atteindre les objectifs de la loi de 1992 mettent en lumière les lacunes et les échecs. La rénovation de la politique de gestion des déchets en France sera, à l'aube de ce nouveau millénaire, l'un des plus ambitieux défis à relever.
C'est pourquoi il est important qu'un bilan objectif soit établi pour que de vraies solutions soient mises en oeuvre.
Sans doute une réelle prise de conscience pourrait-elle vous permettre, monsieur le ministre, non pas d'interdire la mise en décharge des déchets « tout-venant » en juillet prochain, mais au moins d'exiger que chaque collectivité présente un plan, limité dans le temps, en fonction des réalités du terrain et de ses capacités de financement.
M. le président. La parole est à M. Arnaud.
M. Philippe Arnaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais tout d'abord me féliciter que la majorité sénatoriale ait décidé d'inscrire à l'ordre du jour des travaux du Sénat le débat sur la question de M. Delfau, car il s'agit d'un sujet important pour les collectivités locales, et aussi, bien sûr, pour notre environnement.
Aujourd'hui, la maîtrise de la gestion et de l'élimination des déchets constitue un enjeu majeur pour tous les responsables politiques et économiques.
En effet, nous produisons chaque année plus de 22 millions de tonnes d'ordures ménagères, soit une moyenne de près de 370 kilogrammes par habitant, tandis que la production d'encombrants tourne autour de 100 kilogrammes par habitant, soit un total de 6 millions de tonnes par an.
Les collectes des collectivités locales concernent également les déchets non ménagers provenant des commerces et des bureaux, qui représentent plus de 5 millions de tonnes. Et je ne parle pas des déchets industriels...
Nos poubelles enflent, grossissent d'année en année. Bien entendu, si la production d'ordures ménagères ne cesse d'augmenter, c'est en raison de la croissance de la consommation.
Or la moitié de ces déchets continue d'être mise en décharge. Les 50 % restants vont à l'incinération, pour 35 % - dont 29 % avec valorisation énergétique -, au recyclage, pour 8 %, et à la valorisation organique, pour 7 %.
A l'exception de la collecte du verre, il faut le reconnaître, le tri sélectif marque le pas.
En 1950, la France ne produisait que cinq millions de tonnes de déchets ménagers. A l'exception du verre, tout était biodégradable : on pouvait facilement incinérer les déchets.
Par une circulaire en date du 28 avril 1998 adressée aux préfets, le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement de l'époque, Mme Voynet, s'était efforcée de cadrer, une nouvelle fois, la politique française de modernisation de la gestion des déchets. Louable intention ! Mais on a pu constater que le chemin, clairement tracé par la loi du 13 juillet 1992, s'est révélé douloureux et chaotique.
On est moins surpris de ces errements si l'on observe comment cette législation, pourtant riche et porteuse d'avenir, n'a cessé d'être trahie par des interprétations extrémistes, qui en ont dénaturé l'esprit.
« Plus de décharges en 2002 ! », a-t-on tout d'abord entendu pendant les années qui ont suivi la publication de cette loi. Ces propos n'empêchaient pas certains de penser, malgré tout, que les petites décharges brutes municipales n'étaient pas ou ne seraient pas concernées.
Puis, en 1997, un brutal revirement s'est opéré et, tandis que la décharge retrouvait les vertus qui lui avaient été trop hâtivement déniées, on entendit : « Halte à l'incinération des déchets ! » En cela, on oubliait le rôle fondamental que peut jouer la valorisation énergétique des déchets dans une politique fondée sur les notions de développement durable, de maîtrise de l'énergie et de préservation des ressources naturelles.
Comment ne pas s'étonner que d'aussi brusques changements de cap provoquent le désarroi des élus, l'incompréhension des citoyens, retardent surtout la réalisation des objectifs fixés et freinent, par conséquent, les investissements que les collectivités locales doivent consentir pour faire face à leurs obligations de gestion des déchets ménagers ?
Rappelons que en matière de traitement des déchets, la panacée n'existe pas et que la solution optimale pour garantir une protection satisfaisante de l'environnement, à un coût acceptable par la collectivité, réside dans la complémentarité entre les différentes filières.
Il faut néanmoins se réjouir des progrès sensibles réalisés dans la mise en oeuvre des systèmes de collecte, d'élimination et de traitement des déchets par les communes et leurs syndicats, mais aussi de l'action pédagogique entreprise par tous les acteurs locaux auprès des consommateurs-usagers.
Nous pouvons enregistrer aujourd'hui une réelle prise de conscience collective sur cet important problème de société. Toutefois, si l'action est en marche, les objectifs sont loin d'être atteints, force est de le reconnaître.
La loi du 13 juillet 1992 a donné dix ans aux collectivités locales pour réaliser les plans de traitement des déchets, mettre en oeuvre le recyclage et fermer les décharges. Il faut se rendre à l'évidence : l'échéance du 1er juillet 2002 ne pourra être tenue par bon nombre de collectivités locales.
Il est indispensable de donner du temps aux collectivités locales, afin que celles-ci puissent mener à leur terme les schémas d'élimination des déchets. Les installations de traitement ne pourront pas être réalisées dans leur intégralité cette année. De nombreux maires sont concernés et l'inquiétude va croissant.
Passé l'échéance du 1er juillet, les maires ou présidents d'EPCI concernés pourront être inquiétés pénalement pour leur décharge ou leur incinérateur ne respectant pas encore les normes, alors même que beaucoup d'entre eux n'ont accédé aux responsabilités que voilà quelques mois.
Il y a près de deux ans, lors d'une séance de questions d'actualité, Mme Voynet précisait devant notre assemblée que l'échéance du 1er juillet 2002 ne devait pas être interprétée comme la fin de la mise en décharge, qu'il ne s'agissait pas d'une date couperet, qu'elle ne souhaitait pas qu'une interprétation étriquée soit faite de la loi. Elle nous a expliqué que ce qui comptait pour elle, c'était la qualité des plans départementaux beaucoup plus que la satisfaction purement factuelle tirée d'un respect des échéances.
Le Sénat avait donc compris que les communes qui n'auraient pu atteindre l'objectif au 1er juillet 2002 auraient la possibilité de poursuivre leur effort pour l'atteindre après cette date. Mme Voynet laissait en effet la porte ouverte à la concertation, et donc à une certaine souplesse.
Monsieur le ministre, je pense que vous ne pouvez que confirmer les propos que votre prédécesseur a tenus devant notre Haute Assemblée le 4 avril 2000.
Il est bon aussi de rappeler que, déjà en février 1997, cinq ans après l'adoption de la loi du 13 juillet 1992, un rapport parlementaire élaboré à la demande de la commission de la production et des échanges de l'Assemblée nationale et présenté par le député UDF Ambroise Guellec faisait état d'un bilan mitigé de l'application de cette loi.
Si ce rapport ne remettait pas en cause le bien-fondé de la loi et de ses objectifs, ses auteurs s'interrogeaient sur son interprétation maximaliste et uniforme sur l'ensemble du territoire, ainsi que sur les charges qu'elle faisait peser sur les collectivités locales.
Ce rapport dénonçait ainsi des plans départementaux d'élimination des déchets déconnectés des réalités locales, imposant uniformément un même schéma, tablant sur une augmentation de 2 % du volume des déchets attendus, donnant une place prépondérante à l'incinération comme mode de traitement et sous-estimant la valorisation et le recyclage.
Le rapport préconisait de réduire le volume des déchets à éliminer en incitant fortement les industriels à réduire leurs emballages, et proposait de généraliser la redevance d'enlèvement des ordures ménagères, plus responsabilisante pour le client car calculée en fonction du service rendu.
Mais, surtout, le rapport préconisait d'élargir l'éventail des choix offerts aux collectivités locales, insistant sur le développement du recyclage par le biais de la collecte et du traitement, prônant une politique d'utilisation des matériaux recyclés - notamment dans les administrations - et la mise en place de véritables services publics à caractère industriel et commercial pour l'utilisation des déchets.
Enfin, proposant d'adapter le traitement aux situations locales, le rapport préconisait de revoir la tendance au « tout incinération » inscrite dans les plans départementaux et de lever le tabou sur les décharges.
En fait, ce rapport de 1997 contestait le fondement même de la politique française de fermeture des décharges, se faisant l'écho des préoccupations grandissantes des élus locaux.
Le message est clair aujourd'hui : la fin des décharges, prévue pour le 1er juillet, doit être reportée de quelques années. Il faut permettre aux collectivités et aux groupements de communes de s'organiser et de s'équiper pour traiter les ordures ménagères, développer le tri sélectif et rattraper dans de bonnes conditions le retard pris.
Il faut bien reconnaître, en effet, que la politique française de gestion des déchets ménagers piétine depuis trop longtemps et qu'elle a besoin d'une réorientation vigoureuse.
Si les différentes politiques ont toutes leur part de responsabilité, il faut être réaliste et admettre, aujourd'hui, qu'il faut encore quelque temps pour que les communes puissent se mettre aux normes, car elles connaissent, pour beaucoup d'entre elles, d'importantes difficultés de gestion.
Sur ce point, monsieur le ministre, trouvez-vous normal que 500 millions d'euros, soit 3,3 milliards de francs, soient annuellement affectés au fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale pour financer les 35 heures de Mme Aubry ? Ce reproche, je l'ai déjà formulé à cette tribune le 4 décembre 1999, mais je n'ai, hélas ! pas été entendu.
A cela s'ajoute, monsieur le ministre, la complexité administrative qui fait que les élus chargés de la mise en oeuvre des schémas départementaux ne savent plus à quel saint se vouer : les déchetteries, par exemple, relèvent-elles de la collecte ou du traitement ? On nous répond aujourd'hui que le quai des déchetteries est un élément de collecte, mais que les caissons après tri sont des éléments de traitement ! Et je ne cite pas cet exemple pour l'anecdote, mais parce qu'il a des conséquences graves pour les collectivités en termes de fiscalité, et donc de ressources.
Pour ces raisons, nous vous demandons, monsieur le ministre, comme l'avait laissé entendre votre prédécesseur voilà deux ans au Sénat, d'admettre tout simplement un report de l'échéance du 1er juillet 2002 sur trois ou cinq ans. Nous vous demandons aussi d'affecter à l'aide à l'investissement pour le traitement des déchets le produit de la taxe générale sur les activités polluantes, la TGAP.
Pour conclure, permettez-moi d'espérer que le progrès se poursuivra, que les procédés de gestion des déchets continueront à s'améliorer, comme ce fut le cas au cours des dernières années. Il suffit pour s'en convaincre de se rappeler à quoi ressemblait une décharge, même contrôlée, ou un incinérateur en 1960 !
Dotons-nous de plans d'élimination suffisamment souples pour leur permettre d'accueillir ces nouvelles technologies au fur et à mesure de leur apparition et de leur mise au point.
Enfin, il faut aussi bien prendre conscience qu'un programme ambitieux d'élimination des déchets est porteur d'activités créatrices d'emplois. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me félicite du débat qui se déroule aujourd'hui, sur l'initiative de notre collègue Gérard Delfau, au sujet de la résorption des décharges brutes, principe qui a été posé par la loi du 13 juillet 1992. Il s'agit, en effet, d'un enjeu environnemental essentiel, d'une préoccupation majeure pour les populations et d'un souci permanent pour les élus.
Trop souvent, faute de moyens, les collectivités territoriales ont préféré opter pour l'enfouissement et l'incinération des déchets plutôt que de mettre en place des équipements prévus par le dispositif législatif et réglementaire actuel.
Le 1er juillet 2002 était considéré comme la date butoir pour la fermeture des décharges brutes. Mais force est de constater aujourd'hui que de nombreuses communes n'auront pas fait construire leur unité de traitement. Il s'agit donc d'examiner les moyens de créer les conditions d'une bonne application de la loi.
La construction d'une unité de traitement n'est pas la seule condition pour avancer. Le programme de communication est important. L'habitant est, en effet, au coeur de la réussite du dispositif.
Pour la première fois, les techniciens et les élus sont confrontés à une réalité : le système ne fonctionne que sur la base du volontariat des habitants. Il est donc nécessaire non seulement de les informer des consignes de tri, mais aussi de répondre à leur curiosité sur le devenir des produits et l'évolution des coûts.
Chacun doit être associé à l'ensemble de la démarche, car le tri sélectif participe au développement de la citoyenneté. C'est pourquoi, avec mes amis du groupe communiste républicain et citoyen, nous sommes particulièrement soucieux de la réussite de cet immense effort national, car le succès de la filière de traitement des déchets commence par une collecte sélective et par un développement du tri par les habitants, démarche qui repose à 60 % au moins sur la qualité de la communication établie entre les organismes responsables, la collectivité locale et la population.
Je me permets d'insister sur ce point, qui peut apparaître marginal par rapport aux coûts massifs de construction des nouveaux équipements mais qui paraît essentiel pour la réussite globale du processus. Le système d'information et d'échanges doit donc être sophistiqué et suivi avec attention.
Une des caractéristiques de l'approche du traitement tient précisément à son aspect évolutif, car il faut concilier préoccupations écologiques et économiques et tenir compte de la disponibilité des acteurs concernés.
Quoi qu'il en soit, l'alternative la plus utile, écologiquement, économiquement et socialement, à l'accumulation de déchets multiformes, c'est le tri sélectif. Or, aujourd'hui - et c'est l'objet même de notre débat -, on constate un retard non négligeable par rapport aux objectifs de 1992.
Ce retard est lié, bien entendu, aux moyens des collectivités - j'y reviendrai dans un instant -, mais il est également lié aux conditions de la mise en place de l'intercommunalité. Il s'agit, en effet, de l'échelon le mieux adapté, me semble-il, à l'instauration du tri sélectif des déchets.
Je souhaite également, à l'occasion de ce débat, vous alerter sur l'émergence de nouveaux déchets tels que les farines animales ou les boues d'épandage, qui sont aujourd'hui, pour les collectivités locales, un lourd défi à relever et qui constituent un enjeu majeur pour notre environnement futur.
Le financement, je l'ai indiqué, constitue une difficulté majeure pour le traitement des déchets ménagers.
Malgré les taxes instituées en 1992 et en 1995 sur le traitement et le stockage des déchets, la fusion des fonds dans la TGAP en 1999 ne contribue pas à clarifier - ni à amplifier ! - les financements nécessaires aux collectivités. En effet, le produit de la TGAP va directement dans les caisses de l'Etat.
En dépit des aides accordées au développement des techniques innovantes, aux équipements de traitement des déchets ménagers et assimilés, le résultat escompté n'est pas atteint : pour cela, il aurait fallu investir environ 6 milliards de francs par an au lieu de 4 à 5 milliards, comme cela a été le cas.
On pouvait toutefois espérer une relance des projets malgré la conjoncture économique difficile, dans la mesure où les plans départementaux étaient de plus en plus nombreux à être publiés et où les aides ont été, à partir de 1998, plus importantes, les aides à l'investissement de l'ADEME ayant été portées en moyenne à 50 %.
La loi de juillet 1992 prévoyait le financement d'une politique d'aide aux collectivités pour les investissements à réaliser tant au niveau de la collecte que des installations de traitement. Du fait de l'application de nouvelles réglementations et de nouvelles techniques, les coûts de la gestion des déchets se sont en effet accrus dans des proportions importantes.
Le maintien de l'objectif 2002 correspondait alors à une volonté claire de mobiliser davantage de moyens pour réussir la modernisation de la gestion des déchets. C'est dans cette perspective que l'ADEME avait relevé de 50 % en moyenne le taux d'aide aux investissements réalisés, répondant ainsi à l'attente du terrain et donnant un signal plus fort.
En mai 1999, les élus et les responsables de collectivités locales ont accueilli avec désarroi la décision de l'ADEME de réduire le taux des subventions à l'investissement, malgré les engagements pris, pour le ramener à 20 % en moyenne. Arguant de l'augmentation du nombre de projets présentés, l'ADEME justifie son revirement par la définition de nouvelles orientations stratégiques.
Cette baisse brutale des subventions à l'investissement se traduit par de nouvelles difficultés dans l'adaptation nécessaire des modes de traitement des déchets. A terme, c'est la dynamique même des politiques locales d'élimination des déchets qui sera brisée.
On peut donc fortement regretter que l'ADEME n'ait pas eu de ligne directrice claire dans les soutiens qu'elle accordait aux collectivités locales. On peut s'étonner des changements de politiques brutaux qui consistent à majorer fortement le taux de soutien - jusqu'à 50 % des dépenses d'investissement - avant de constater, l'année suivante, qu'une telle position n'était pas tenable, et d'être alors obligé de revenir à des taux de soutien plus modérés.
Dans ce domaine particulièrement, les collectivités locales ont surtout besoin de visibilité et non d'une politique en « accordéon ».
Pour conclure, j'estime important de ne pas fléchir sur les objectifs de la loi, même s'il apparaît, bien entendu nécessaire d'établir un délai supplémentaire pour permettre d'engager la réflexion partout, que que soit le niveau constitutionnel concerné.
Ce débat était donc le bienvenu, tout particulièrement dans cet hémicycle, où nous sommes toujours attentifs aux questions qui concernent directement les citoyens et les collectivités. Demain, d'autres débats nous attendent, et je pense naturellement à la généralisation de la mise aux normes de l'assainissement, tout particulièrement dans nos communes rurales. Mais c'est une autre question, que nous traiterons le moment venu.
Monsieur le ministre, je ne peux qu'espérer que les réponses que vous nous apporterez dans un instant contribueront à rassurer les élus que nous sommes sans remettre en cause une démarche que nous considérons juste et indispensable pour notre environnement et notre avenir. (M. Delfau applaudit.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Yves Cochet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez, au cours de vos interventions, évoqué plusieurs questions portant sur le bilan de l'application de la loi sur les déchets du 13 juillet 1992, et plus particulièrement sur les difficultés que rencontrent les communes ou les intercommunalités pour supprimer les décharges qui ne sont pas conformes à la réglementation.
Monsieur Delfau, vous avez très justement rappelé que la loi du 13 juillet 1992 a rénové la loi-cadre du 15 juillet 1975 relative à l'élimination des déchets. Elle a mis en place une nouvelle politique axée sur le développement de la prévention et de la valorisation des déchets, en insistant sur la nécessaire limitation de la mise en décharge.
D'autres orateurs ont confirmé cette opinion et, la semaine dernière, à l'occasion de la mise en place du Conseil national des déchets, nous avons pu constater qu'il n'y avait pas lieu de rougir du bilan des dix années d'application de la loi de 1992, même si celui-ci est nuancé et si beaucoup de travail reste encore à faire.
Le premier point fort de la loi de 1992 me paraît être le fait que notre pays s'est doté d'une sorte de boîte à outils de travail et de gestion dans ce domaine, qui nous permet d'ores et déjà d'obtenir de bons résultats, meilleur gage du prolongement des actions et des nouveaux progrès pour l'avenir.
Citons quelques-uns de ces outils.
Le premier est la planification. Avancée essentielle de la loi de 1992, les plans régionaux pour les déchets industriels spéciaux, mais surtout les plans départementaux d'élimination des déchets ménagers et assimilés doivent offrir un cadre sur plusieurs années pour une gestion conforme à la loi. Au demeurant, ces plans ont été - vigoureusement parfois - remis en cause par mon prédécesseur en 1997, au motif qu'ils n'étaient pas suffisants et qu'il fallait dont les rénover pour les rendre plus performants.
La circulaire du 28 avril 1998 fixait des objectifs plus ambitieux, mais sans donner une date ! Mme Voynet parlait, par exemple, de 50 % de valorisation, mais sans préciser le délai. Malheureusement, nous n'avons pas encore atteint cet objectif.
Le deuxième outil est le partage des responsabilités des communes auxquelles, comme vous le savez, la loi confie la plus grosse part du travail, avec un développement extraordinaire de l'intercommunalité. Celle-ci a été récemment précisée et fixée dans un cadre assez large par la loi sur l'intercommunalité ; mais du travail reste à faire, en particulier en ce qui concerne le financement.
Le troisième outil est la mise en place progressive, mais massive, du recyclage en France.
Le recyclage, on n'en parlait pas il y a dix ans. Je me souviens que, en tant que militants, nous disions qu'il faudrait valoriser les déchets, c'est-à-dire dégager la valeur ajoutée, au sens économique du terme, qu'ils contiennent au lieu de la dilapider en se contentant de les jeter dans un trou.
Nous étions donc partisans du recyclage de cette valeur ajoutée, et certains de mes amis imaginaient même que la TVA pourrait ne pas être appliquée aux produits de ce recyclage dans la mesure où elle avait déjà été payée une fois. Cet argument est d'ailleurs encore en discussion !..
Le recyclage devrait être opéré grâce au renforcement ou au développement de filières, à la création et à la montée en puissance de certains organismes de type industriel. Je pense à cet égard à Eco-emballages et Adelphe, pour le secteur des emballages.
Ces organismes ont signé des contrats avec un nombre très important de communes et l'on peut estimer que, à l'heure actuelle, huit Français sur dix bénéficient d'un système de collecte sélective.
Un effort considérable a été fait : en cinq ans, 40 millions de nos concitoyens sont passés, d'une manière ou d'une autre, au recyclage soit par collecte sélective, soit par tri sélectif, donc un peu plus en aval. En Ile-de-France, où l'on est parti de pratiquement zéro en 1997, près de neuf millions d'habitants sur onze millions sont maintenant concernés par le recyclage de leur déchets, par collecte ou par tri.
Reste évidemment le problème de Paris, où l'habitat est plus dense et vertical. Le recyclage se met en place, mais c'est bien plus difficile.
Le dernier outil de la loi de 1992, c'est l'information des citoyens en vue de leur participation à la collecte sélective et la mise en place de commissions locales d'information et de surveillance, les CLIS, pour les centres de traitement des déchets, notamment les décharges, mais aussi le regroupement des farines animales, qui constitue aussi un véritable problème, je vous l'accorde, monsieur le sénateur.
Ces CLIS fonctionnent plus ou moins bien selon que les différents acteurs concernés y participent plus ou moins activement. Il faut évidemment que les associations, les élus, tout le monde aient la volonté de faire avancer les choses.
En tout état de cause, ces outils existent, et c'est l'une des premières avancées de la loi.
La deuxième avancée de cette loi concerne le traitement des déchets puisque, avant 1992, il n'y avait pas de traitement.
On mettait alors les déchets dans un trou et, vous vous en souvenez, on en arrivait au syndrome de Montchanin. Quelques années plus tard, la décharge empestait et il fallait faire quelque chose. Et c'est cette loi de 1992 qui a imposé de traiter les déchets.
Quant aux déchets toxiques ou spéciaux, les déchets hospitaliers ou les déchets industriels dangereux, alors très médiatisés, on peut considérer qu'ils sont maintenant globalement bien gérés.
Les quelques problèmes qui subsistent concernent non pas les déchets massivement pris en compte dans les centre importants, mais les déchets dispersés, ceux qu'on appelle les DTQD, les déchets toxiques en quantité dispersée, ceux qui viennent des artisans et des ménages, des activités de soins diffuses.
Pour les ordures ménagères qui, du point de vue du tonnage, représentent l'immense majorité, le recyclage rencontre un succès croissant, notamment dans le domaine des emballages.
D'autres filières de valorisation vont être ou sont mises en place, par exemple pour les déchets électriques et électroniques, ainsi que pour les COUNA, ces fameux courriers non adressés qui occupent une place particulière. Leur devenir fait l'objet de débats aussi bien à l'Assemblée nationale qu'au Sénat depuis des années.
Les élus locaux, qui trouvent que le volume important de ces courriers dans les boîtes aux lettres finit par leur coûter très cher refusent pourtant que la publicité politique ou les journaux municipaux soient taxés au titre des COUNA. Et dans quelle catégorie ranger le courrier des sénateurs ? Qu'en pensez-vous, monsieur Delfau ?
Tout cela reste à préciser. Un amendement a été voté, mais il faut maintenant apporter des précisions par décrets interministériels.
J'en viens à la valorisation biologique, sans doute peu développée depuis dix ans et à laquelle je crois beaucoup. Elle est bien encadrée, notamment par une circulaire du 28 juin 2001 qui vise à la fois la qualité et la sécurité. Il s'agit d'éviter par exemple qu'on vende du compost de mauvaise qualité à des agriculteurs. On a parfois le syndrome de « Valorga », du nom de la première unité français de valorisation des déchets implantée à Amiens, au milieu des années quatre-vingt.
Aujourd'hui, nous disposons d'une technologie très fine de valorisation et de méthanisation des déchets. Nous disposons en quelque sorte de « machines biologiques de fabrication ». A cet égard, le site de stockage et de production de biogaz du Plessis-Gassot, dans le Val-d'Oise est particulièrement important.
Il est beaucoup plus intéressant de produire de l'énergie à partir des déchets plutôt que de les laisser pourrir. Le stockage augmente les émanations de gaz à effet de serre. En revanche, leur méthanisation limite la propagation de ce type de gaz.
A cela s'ajoute le fait que, une fois compressé, ce méthane peut être utilisé pour mettre en mouvement les tracteurs ou les bus comme c'est déjà le cas dans l'agglomération lilloise, notamment.
Je ne méconnais cependant pas les difficultés et le coût des opérations qu'il faudra engager pour respecter les objectifs qui sont fixés par la circulaire du 28 juin 2001.
Il convient de citer également le travail en commun réalisé pour doter l'ensemble du pays d'un réseau de déchetteries. Il y en a actuellement plus de 2 300. Et ce nombre va croître encore, puisqu'il en est prévu à peu près 3 000 à moyen terme, dans quelques mois.
Ce fort développement des déchetteries - leur nombre a doublé depuis 1997 - n'est pas sans lien avec le sujet que vous soulevez, les uns et les autres, concernant la résorption des décharges non autorisées, puisque cela constitue l'instrument de base pour prévenir la création de nouvelles décharges. Mais, là encore, l'effort doit se poursuivre.
En ce qui concerne le bilan du traitement des ordures ménagères résiduelles, je souhaite rappeler que l'action réglementaire a été très forte pour la mise en conformité des installations, en particulier celle des usines d'incinération. Une action d'envergure a été engagée à partir de 1997. Les résultats sont là, même si, hélas !, ils ne sont pas totalement atteints.
Pour ce qui est des usines d'incinération de grande taille, celles qui traitent plus de 6 tonnes-heure, une seule n'est pas encore conforme. Depuis 1997, nous avons réalisé un effort soutenu.
S'agissant des usines d'incinération de petite taille, d'un débit inférieur à 6 tonnes-heure, sur les 180 recensées en 1997, une quarantaine seulement - c'est encore trop - sont en situation de non-conformité.
S'agissant des graves anomalies observées sur le site de Gilly-sur-Isère, aussi bien les maires que les associations m'ont alerté parce que les études épidémiologiques prouvaient qu'il y avait de la dioxine. C'est très dangereux.
Je ne cesse donc de dire aux préfets qu'ils doivent ou bien mettre très rapidement en conformité ces incinérateurs, même de petites dimensions, ou bien les fermer.
C'est sur un autre aspect du bilan de la loi de 1992 sur la prévention de la production des déchets, c'est-à-dire sur leur réduction, que la déception a été la plus grande, je l'avoue. L'objectif était symbolisé par un seuil : moins de un kilogramme de déchets par jour et par personne. Cet objectif n'a pas été atteint, hélas ! Certains ont parlé d'échec, d'autre de semi-échec. On peut voir cela comme on veut. Mais, c'est certain, le résultat n'est pas très bon.
Je suis personnellement très attaché à cet objectif, à tel point que, au moment de la mise en place du Conseil national des déchets, la semaine dernière, j'ai indiqué que, pour la nouvelle décennie, c'est-à-dire de juillet 2002 à juillet 2012, l'un des objectifs prioritaires serait de prévenir l'accroissement du volume des déchets, voire de parvenir à le réduire. J'évoquais même - certains estiment que ce n'est pas assez ambitieux, mais je ne le pense pas, à considérer la croissance tendancielle du volume des déchets ! - une réduction de 10 % en dix ans. On peut y arriver. En tout cas, je l'espère.
Une telle perspective rejoint d'ailleurs les conclusions des travaux menés sur l'initiative du groupe d'études du Sénat sur les déchets, animé par M. Dominique Braye, ou du groupe homologue, animé par M. Mariot à l'Assemblée nationale, qui est d'ailleurs aujourd'hui le président du Conseil national des déchets.
Ces remarques ont un lien étroit avec les décharges, qui sont, en principe, le dernier maillon de la chaîne de traitement des déchets.
La loi de 1992 prévoyait, en effet, qu'au 1er juillet 2002 seuls pourront être mis en décharge les déchets ultimes, c'est-à-dire ceux qui ne sont pas susceptibles d'être valorisés dans les conditions techniques ou économiques du moment.
La remarquable circulaire de Mme Voynet du 28 avril 1998 - c'est un des textes réglementaires les plus beaux que je connaisse, à la fois par sa force de conviction et par ses objectifs, en même temps que par les débats qu'il a suscités - était « un coup de fouet », au sens métaphorique du terme, à tous les élus locaux. C'était une façon de souligner que les plans départementaux n'allaient pas, qu'il fallait les revoir, et que, si les collectivités se regroupaient, il y aurait demain moins de déchets.
Les résultats tardent un peu, je dois le dire, puisque la circulaire date d'il y a pratiquement quatre ans. Nous y avons cependant gagné une définition, celle du déchet ultime qui dépend, au premier chef, des conditions locales.
Il n'y a pas de définition du déchet ultime valable sur tout le territoire. Tous les départements ne sont pas en mesure de traiter les mêmes produits. Cela dit, il ne faut pas encourager ceux qui auraient fait moins d'efforts que d'autres, il ne faut pas qu'ils puissent continuer à mettre beaucoup plus de déchets non ultimes en décharge après le 1er juillet 2002. Il nous faut désormais lutter aussi contre certains effets pervers des textes.
La circulaire du 28 avril 1998 rappelle également qu'en aucun cas il ne s'agit de considérer que seuls les résidus d'incinération pourraient être qualifiés de déchets ultimes : une politique équilibrée associe nécessairement la prévention à la source, la collecte sélective, la valorisation et les différentes filières de traitement des déchets. Même après le 1er juillet 2002, des décharges seront donc, hélas ! toujours nécessaires.
Il convient de rappeler dès lors un autre objet de la loi, un objectif déjà affiché en 1975 : les déchets doivent être éliminés dans des installations adaptées et d'une façon respectueuse de l'environnement.
Il était en premier lieu nécessaire de définir un cadre réglementaire solide pour ces installations, ce qui a été fait avec l'arrêté ministériel du 9 septembre 1997. Un colloque s'étant tenu au Sénat en juillet dernier sur ce thème, je n'y reviens pas.
Un important travail a été réalisé par les préfets et les administrations locales, à partir de 1998, pour assurer sur le plan technique la mise au norme des décharges existantes et, à partir de 1999, pour veiller à la mise en place des garanties financières.
Dans ce contexte, les problèmes liés à l'insuffisance des actions de résorption des décharges anciennes se posent avec encore plus d'acuité. Je ne sais pas à qui il faut s'en prendre.
Sans méconnaître les contraintes que cela entraîne pour les collectivités, je tiens à souligner que leur rôle est essentiel pour la résorption des décharges illégales ou leur mise aux normes. Pour apporter la preuve des nuisances ou des risques potentiellement générés par ces pratiques illégales, il suffit d'évoquer l'incendie survenu l'été dernier dans le Var, à partir de la décharge communale non autorisée de Rians-Artigues, qui a détruit 1 000 hectares de forêt. C'est insupportable. Dans de tels cas - je le dis avec gravité - la jurisprudence retient la responsabilité de la commune pour les dommages subis par des tiers.
Je ne sais pas comment évolueront les contentieux après cette date du 1er juillet 2002, qui est la date butoir, même si elle n'est pas si fatidique que cela. Certes, les communes seront exposées...
M. Philippe Arnaud. Pénalement ?
M. Yves Cochet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Elles le sont déjà puisque toutes les décharges ne sont pas autorisées, mais il est possible que certains plaignants, du fait de l'existence de cette date limite, déposent plus de recours qu'aujourd'hui. Nous verrons comment tout cela va évoluer. Il faudra suivre attentivement les dossiers.
M. Gérard Delfau. Me permettez-vous de vous interrompre, monsieur le ministre ?
M. Yves Cochet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Je vous en prie.
M. le président. La parole est à M. Delfau, avec l'autorisation de l'orateur.
M. Gérard Delfau. Monsieur le ministre, je vous remercie.
Je comprends bien qu'il y a la loi, le règlement, la responsabilité des communes devant la justice. Mais le moment n'est-il pas venu que les pouvoirs publics, l'Etat, plus précisément le Gouvernement que vous représentez, se saisissent de ce sujet et réunissent autour de la même table les représentants de différentes collectivités territoriales - plus particulièrement les conseils généraux, et l'Association des maires de France -, dans les trois mois qui précèdent ce seuil fatidique - et au-delà, bien évidemment, avec le Gouvernement qui sera en place -, cela pour organiser cette mutation et faciliter la tâche aux communes qui sont les plus démunies, les plus exposées ?
Monsieur le ministre, le rôle de l'Etat est bien un rôle d'impulsion. Sinon, j'ai envie de vous demander à quoi servons-nous, vous comme nous ?
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le ministre.
M. Yves Cochet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Nous l'avons dit, monsieur le sénateur. Par exemple, au mois de septembre, aux assises nationales des déchets à La Baule, présidées par M. Jacques Pélissard, nous n'avons cessé d'attirer l'attention sur le fait que le compte à rebours était commencé et que la date approchait !
Sans vouloir stigmatiser telle ou telle collectivité, il faut bien reconnaître que depuis la promulgation de la loi de 1992, c'est-à-dire pratiquement dix ans, certaines ont réagi plus rapidement que d'autres et, pour éviter d'avoir des ennuis en 2002, se sont donc mises en quête de nouvelles installations, notamment des systèmes d'incinération.
Je parle d'incinération car, au départ, le mythe du feu qui purifie tout prévalait. Mais on s'est aperçu par la suite que ce procédé avait des effets pervers - je pense aux plastiques, par exemple, avec le dégagement de dioxine et de furanes. C'est pourquoi les cheminées sont mises aux normes européennes, lesquelles seront renforcées en 2005.
Monsieur le sénateur, au fur et à mesure que l'échéance approche, nous ne cessons donc, d'attirer l'attention sur cette échéance. Nous l'avons dit devant le Conseil national des déchets, qui a été mis en place la semaine dernière et au sein duquel siègent des représentants des collectivités locales, des grandes associations d'élus et de maires, ainsi qu'au congrès de l'Association des maires de France voilà trois mois. On peut toujours faire de nouvelles réunions. Mais tout le monde le sait maintenant : les préfets, les intercommunalités, les collectivités locales, les mairies. Je le redis encore devant vous aujourd'hui !
Pour conclure mon propos, je donnerai quelques pistes et des informations sur l'action de l'Etat pour aider les collectivités en ce sens.
J'ai cité la circulaire du 10 novembre 1997, demandant aux préfets d'insérer dans les plans départementaux un volet sur les actions à mener pour la résorption des décharges non réglementaires.
Alors qu'en 1998 les trois quarts de ces plans avaient été jugés trop faibles pour atteindre l'objectif en 2002, après avoir fait l'objet d'une redynamisation, les plans départementaux sont maintenant pratiquement tous achevés, à l'exception d'une petite dizaine. C'est essentiellement dans le Sud-Ouest, si je me souviens bien, que des efforts restent à faire, mais je ne dis pas cela pour montrer du doigt tel ou tel département.
S'agissant de la fermeture de ces sites, la circulaire a précisé qu'il devait s'agir d'une démarche volontariste, mais graduelle. La fermeture de certaines décharges peut en effet nécessiter un délai, afin de trouver des solutions alternatives d'élimination des déchets admis sur ces sites. Il convient toutefois de limiter le plus possible les nuisances pendant cette période transitoire.
Je ne peux pas préciser le délai qui sera nécessaire, malgré les questions qui m'ont été posées sur ce point. En effet non autorisées, des milliers de décharges ne seront pas fermées au 1er juillet. Mais nous n'aurons de cesse de dire aux préfets et aux collectivités de tout mettre en oeuvre pour y parvenir.
Les collectivités qui engagent des actions de résorption peuvent être aidées financièrement par l'ADEME dans les départements ayant contractualisé à cette fin, ce qui est le cas de 80 % d'entre eux. Les aides apportées conjointement par l'ADEME et le conseil général du département peuvent ainsi atteindre 60 % pour les études et 80 % pour les travaux.
La non-contractualisation n'est pas la faute de l'Etat. Parmi les principales causes de celle-ci, on peut noter le manque d'intérêt des élus sur le sujet ou l'affirmation que les décharges de leur département sont déjà réhabilitées.
Là encore, je ne cesse de le dire, l'implication des collectivités locales, depuis le conseil général jusqu'à chaque commune concernée, est tout à fait essentielle. Il doit s'agir d'une démarche volontariste, à laquelle tout le monde doit s'intéresser. De nombreux exemples locaux de réussite montrent toujours une bonne implication de l'ensemble des acteurs, jusqu'à ces maires qui signent des arrêtés municipaux de fermeture de leurs propres décharges ! Ils ont donc un souci d'écologie au quotidien, que je salue.
Ces différents outils seront d'autant mieux utilisés que la connaissance sur le terrain des sites concernés sera précise. Mes services travaillent avec l'ADEME à affiner les données et les connaissances disponibles. En effet, nous constatons que la situation est très variable d'un département à l'autre, ne serait-ce qu'en termes de connaissance localement du nombre précis de décharges non réglementaires en exploitation et du nombre de décharges fermées à réhabiliter. Ces disparités de connaissance se reflètent d'ailleurs dans la manière dont les plans révisés traitent de cette question.
Pour encourager la réhabilitation de ces décharges, il est donc nécessaire d'affiner les données sur ces sites en effectuant un recensement aussi exhaustif que possible, complété par un diagnostic permettant de hiérarchiser les sites prioritaires. Parmi les départements qui ont contractualisé avec l'ADEME, cette étape est terminée pour plus de quarante d'entre eux ; elle est en cours ou en négociations pour vingt-cinq.
Il ressort des résultats que, sur les huit mille sites à réhabiliter recensés dans ce cadre, près d'un quart ont un impact significatif sur l'environnement.
S'agissant maintenant des décharges non autorisées encore en exploitation, les estimations disponibles à ce jour au niveau national varient entre six mille et neuf mille. Certains d'entre vous ont situé la fourchette entre quatre mille et six mille. Ce chiffre, qui paraît démesuré, est à nuancer compte tenu des incertitudes qui s'y rattachent. Il recouvre, en effet, des situations locales très différentes, au niveau tant de la taille des sites considérés que des déchets admis. Dans certaines communes rurales, par exemple, ces sites anciens sont conservés pour le dépôt de déchets verts ou d'objets encombrants. Ces pratiques sont illégales, mais elles doivent être distinguées des décharges qui reçoivent l'ensemble des ordures ménagères de la commune.
Même si l'image de la situation au niveau national n'est pas aussi précise qu'on pourrait le souhaiter, l'analyse de certains indicateurs, notamment des données disponibles par le biais de la taxe sur la mise en décharge des ordures ménagères désormais intégrée dans la TGAP - que certains d'entre vous ont critiquée -, fournit des éléments encourageants sur les évolutions observées.
Sans vouloir prolonger le débat, permettez-moi d'insister sur un point : la fongibilité des taxes. C'est très important pour l'environnement. On nous a dit de nous méfier de Bercy, qui risquait de tout nous prendre. En fait, l'ADEME a été injustement critiquée pour sa gestion, car elle a permis de faire beaucoup, par un effet levier, pour les collectivités locales en matière non seulement de déchets, mais également d'énergies renouvelables.
Le nombre de décharges, autorisées ou non, soumises à la taxe diminue : entre 1994 et 1999, il est passé de 3 079 à 1 895. Proportionnellement, la réduction du nombre de décharges est deux fois plus importante pour les décharges non autorisées - moins 46 % - que pour les décharges autorisées - moins 23 %.
Il est également intéressant de noter que les décharges non autorisées sont de petites décharges. Pour l'année 1999, 75 % de ces décharges brutes ont reçu moins de cent tonnes de déchets sur un an. La situation est inverse pour les décharges autorisées.
Globalement, au niveau national, les quantités de déchets reçues dans les décharges non autorisées sont très faibles - 3 % - par rapport à celles qui sont reçues dans les décharges autorisées - 97 %, soit 24,8 millions de tonnes.
Ces premiers éléments seront à l'évidence complétés dans le cadre des travaux engagés sur la base du bilan général de la loi du 13 juillet 1992, notamment par le Conseil national des déchets, dont j'évoquais la création.
Le chemin à parcourir reste long, mais je crois toutefois pouvoir d'ores et déjà affirmer que nous sommes sur la bonne voie. Les outils réglementaires et financiers sont là, les solutions alternatives à ces mises en décharge sauvages existent.
Il faut maintenant, comme cela a déjà été fait dans bon nombre de départements, mobiliser les collectivités locales et les acteurs de terrain pour changer ces pratiques, qui sont désormais d'un autre siècle ! Je compte également sur vous pour oeuvrer localement en ce sens. L'objectif du 1er juillet 2002 devrait se traduire déjà, et avant tout, par la fin des ordures brutes dans des décharges non autorisées.
M. le président. En application de l'article 83 du règlement, je constate que le débat est clos.

11

DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI

M. le président. J'ai reçu de M. Paul Girod une proposition de loi relative au mode d'élection des juges élus des tribunaux de commerce.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 221, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

12

TEXTE SOUMIS AU SÉNAT EN APPLICATION
DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution : Livre vert sur la révision du règlement (CEE), n° 4064/89 du Conseil.
Ce texte sera imprimé sous le numéro E-1924 et distribué.

13

DÉPÔT D'UN RAPPORT

M. le président. J'ai reçu de M. Alain Vasselle, rapporteur pour le Sénat, un rapport fait au nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur la proposition de loi portant rénovation des rapports conventionnels entre les professions de santé libérales et les organismes d'assurance maladie.
Le rapport sera imprimé sous le numéro 222 et distribué.

14

DÉPÔT RATTACHÉ
POUR ORDRE AU PROCÈS-VERBAL
DE LA SÉANCE DU 7 FÉVRIER 2002

M. le président. J'ai reçu de M. Francis Giraud, rapporteur pour le Sénat, un rapport fait au nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif aux droits des malades et à la qualité du système de santé.
Le rapport sera imprimé sous le numéro 220 et distribué.

15

ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mercredi 13 février 2002 :
A quinze heures :
1. Nomination des membres de la commission d'enquête sur la délinquance des mineurs.
2. Discussion du projet de loi (n° 181, 2001-2002) autorisant l'approbation de l'accord sous forme d'échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne relatif au contrôle de la circulation dans les tunnels du Mont-Blanc et du Fréjus.
Rapport (n° 206, 2001-2002) de M. Philippe François, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
3. Discussion en nouvelle lecture de la proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture (n° 212, 2001-2002), relative au régime d'assurance chômage des intermittents du spectacle.
Rapport (n° 215, 2001-2002) de M. Bernard Fournier, fait au nom de la commission des affaires culturelles.
4. Discussion de la proposition de loi (n° 126, 2001-2002), adoptée par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, tendant à la création d'un régime de retraite complémentaire obligatoire pour les non-salariés agricoles.
Rapport (n° 211, 2001-2002) de M. Jean-MarcJuilhard, fait au nom de la commission des affaires sociales.
Avis (n° 191, 2001-2002) de M. Gérard César, fait au nom de la commission des affaires économiques et du Plan.
5. Discussion du projet de loi (n° 13, 2001-2002), adopté par l'Assemblée nationale, portant règlement définitif du budget de 2000.
Rapport (n° 50, 2001-2002) de M. Philippe Marini, fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
Scrutin public ordinaire de droit sur l'ensemble.
A vingt et une heures trente :
6. Discussion des conclusions du rapport (n° 192, 2001-2002) de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la démocratie de proximité.
M. Daniel Hoeffel, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire.
7. Eventuellement, suite de l'ordre du jour de l'après-midi.

Délai limite général pour le dépôt des amendements

Le délai limite pour le dépôt des amendements à tous les textes prévus jusqu'à la suspension des travaux parlementaires, à l'exception de ceux pour lesquels est déterminé un délai limite spécifique, est fixé, dans chaque cas, à dix-sept heures, la veille du jour où commence leur discussion.

Délai limite spécifique pour le dépôt des amendements

Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, portant réforme des tribunaux de commerce (n° 239, 2000-2001).
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.
Projet de loi organique, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, modifiant l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature et instituant le recrutement de conseillers de cour d'appel exerçant à titre temporaire (n° 241, 2000-2001).
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, modifiant la loi n° 85-99 du 25 janvier 1985 relative aux administrateurs judiciaires, mandataires judiciaires à la liquidation des entreprises et experts en diagnostics d'entreprises (n° 243, 2000-2001).
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.

(La séance est levée à dix-huit heures.)

Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD





ERRATUM
Au compte rendu intégral de la séance du 31 janvier 2002
DROITS DES MALADES

Page 850, deuxième colonne, supprimer les 4e, 5e et 6e alinéas.

ORDRE DU JOUR
DES PROCHAINES SÉANCES DU SÉNAT
établi par le Sénat dans sa séance du mardi 12 février 2002
à la suite des conclusions de la conférence des présidents

(La conférence des présidents a décidé de fixer un délai limite général pour le dépôt des amendements à l'ensemble des textes inscrits à l'ordre du jour, la veille de leur discussion à 17 heures, à l'exception des textes pour lesquels est déterminé un délai limite spécifique.)
Mercredi 13 février 2002 :
A 15 heures :
1° Désignation des membres de la commission d'enquête sur la délinquance des mineurs.
(Les candidatures à cette commission d'enquête devront être déposées au secrétariat central du service des commissions au plus tard le mercredi 13 février 2002, à 12 heures.)

Ordre du jour prioritaire

2° Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord sous forme d'échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne relatif au contrôle de la circulation dans les tunnels du Mont-Blanc et du Fréjus (n° 181, 2001-2002).
3° Nouvelle lecture de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relative au régime d'assurance chômage des intermittents du spectacle (n° 212, 2001-2002).
4° Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, tendant à la création d'un régime de retraite complémentaire obligatoire pour les non-salariés agricoles (n° 126, 2001-2002).
5° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant règlement définitif du budget de 2000 (n° 13, 2001-2002).
A 21 h 30 :

Ordre du jour prioritaire

6° Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à la démocratie de proximité (n° 192, 2001-2002).
7° Eventuellement, suite de l'ordre du jour de l'après-midi.

Jeudi 14 février 2002 :

A 9 h 30 :

Ordre du jour prioritaire

1° Suite de la deuxième lecture de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale avec modifications en deuxième lecture, relative à l'autorité parentale (n° 131, 2001-2002).
2° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, portant réforme des tribunaux de commerce (n° 239, 2000-2001).
3° Projet de loi organique, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, modifiant l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature et instituant le recrutement de conseillers de cour d'appel exerçant à titre temporaire (n° 241, 2000-2001).
4° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, modifiant la loi n° 85-99 du 25 janvier 1985 relative aux administrateurs judiciaires, mandataires judiciaires à la liquidation des entreprises et experts en diagnostics d'entreprises (n° 243, 2000-2001).
(Le délai limite pour le dépôt des amendements à ces quatre textes est expiré.)
A 15 heures et, éventuellement, le soir :
5° Désignation des membres de la mission commune d'information sur le bilan de la politique de la montagne.
(Les candidatures à cette mission commune d'information devront être déposées au secrétariat central du service des commissions au plus tard le mardi 12 février 2002, à 17 heures.)

Ordre du jour prioritaire

6° Suite de l'ordre du jour du matin.

Mardi 19 février 2002 :

A 9 h 30 :
1° Dix-huit questions orales (l'ordre d'appel des questions sera fixé ultérieurement) :
- n° 1201 de M. Jean-Pierre Demerliat transmise à Mme le secrétaire d'Etat au logement (Application de la loi SRU dans les petites communes) ;

- n° 1236 de M. Jacques Oudin à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche (Crise de la filière agricole due à l'emploi d'insecticides systémiques) ;

- n° 1242 de M. Bernard Piras à M. le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement (Obligations des communes en matière d'assainissement) ;

- n° 1248 de M. Xavier Darcos à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (Fermeture des services du Trésor dans les zones rurales décidée pendant la trêve des confiseurs) ;

- n° 1249 de M. José Balarello à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (Prime de perte d'emploi versée aux salarié des bureaux de change fermés en raison du passage à l'euro) ;

- n° 1260 de M. Georges Mouly à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité (Mise en place des centres locaux d'information et de coordination gérontologiques) ;

- n° 1263 de M. André Lardeux à M. le ministre de l'éducation nationale (Aides financières à la réalisation des travaux de sécurité dans les collèges privés) ;

- n° 1264 de M. Jean-Marie Vanlerenberghe à Mme le ministre déléguée à la famille, à l'enfance et aux personnes handicapées (Etablissements d'accueil des personnes handicapées) ;

- n° 1265 de M. Roland Courteau à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche (Difficultés de la viticulture méridionale) ;

- n° 1266 de M. Gérard Larcher à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité (Critères d'implantation d'un centre d'accueil des demandeurs d'asile dans les Yvelines) ;

- n° 1267 de M. Claude Biwer à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (Seuil de consultation obligatoire des services du domaine) ;

- n° 1268 de M. Yves Coquelle à Mme le ministre déléguée à la famille, à l'enfance et aux personnes handicapées (Manque de structures d'accueil adaptées aux différents handicaps dans le département du Pas-de-Calais) ;

- n° 1270 de M. Jean-Patrick Courtois transmise à Mme le garde des sceaux, ministre de la justice (Délais d'exécution des jugements des tribunaux de commerce) ;

- n° 1271 de M. Paul Blanc à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche (Difficultés du lycée Le Mas-Blanc à Bourg-Madame) ;

- n° 1272 de M. Marcel-Pierre Cléach à M. le ministre de l'éducation nationale (Réforme des études médicales) ;

- n° 1273 de M. Jean Boyer à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité (Plafond de recouvrement de la succession des allocataires du Fonds national de solidarité) ;

- n° 1274 de M. Auguste Cazalet à M. le ministre de la défense (Lieu d'implantation de la brigade affectée à la sécurité du tunnel du Somport) ;

- n° 1275 de M. Didier Boulaud à M. le ministre de l'intérieur (Redéploiement des forces de police dans la Nièvre) ;

A 16 heures et, éventuellement, le soir :
2° Eloge funèbre de Dinah Derycke.

Ordre du jour prioritaire

3° Suite éventuelle de l'ordre du jour du jeudi 14 février 2002.
4° Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, portant création d'une fondation pour les études comparatives (n° 351, 2000-2001).
5° Conclusions de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture du projet de loi relatif aux droits des malades et à la qualité du système de santé (n° 220, 2001-2002).
6° Nouvelle lecture de la proposition de loi portant rénovation des rapports conventionnels entre les professions de santé libérales et les organismes d'assurance maladie (AN, n° 3585).
En outre, vers 18 heures :
7° Désignation d'un membre de la délégation du Sénat aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, en remplacement de Dinah Derycke, décédée.
Mercredi 20 février 2002 :
A 15 heures :
Séance exceptionnelle pour le bicentenaire de la naissance de Victor Hugo, sénateur de la IIIe République.
(Au cours de cette séance interviendront le président du Sénat et un orateur par groupe [dix minutes].)
A 17 h 30 et le soir :

Ordre du jour prioritaire

1° Eventuellement, suite de l'ordre du jour de la veille.
2° Conclusions de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture de la proposition de loi complétant la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes.
3° Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative au nom patronymique (n° 225, 2000-2001).
(La conférence des présidents a fixé à dix minutes le temps d'intervention du représentant de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.)

Jeudi 21 février 2002 :

A 9 h 30 :

Ordre du jour prioritaire

1° Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, portant réforme du divorce (n° 17, 2001-2002).
(La conférence des présidents a fixé à dix minutes le temps d'intervention du représentant de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.)
A 15 heures et, éventuellement, le soir :
2° Questions d'actualité au Gouvernement.
(L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant 11 heures.)

Ordre du jour prioritaire

3° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et l'Organisation des Nations unies concernant l'exécution des peines prononcées par le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (n° 195, 2001-2002).
4° Projet de loi autorisant la ratification de la convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée (n° 117, 2001-2002).
5° Projet de loi autorisant la ratification du protocole additionnel à la convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants (n° 118, 2001-2002).
6° Projet de loi autorisant la ratification du protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, additionnel à la convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée (n° 119, 2001-2002).
7° Sous réserve de son adoption en conseil des ministres, projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne pour la réalisation d'une ligne ferroviaire Lyon-Turin (AN, n° 3581).
8° Sous réserve de sa transmission, projet de loi autorisant la ratification de la convention sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement (ensemble deux annexes) (n° 210, 2001-2002).
9° Projet de loi autorisant l'approbation du protocole modifiant la convention du 23 juillet 1990 relative à l'élimination des doubles impositions en cas de correction des bénéfices d'entreprises associées (n° 313 rectifié, 2000-2001).
10° Projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant à la convention du 19 décembre 1980 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume de Norvège en vue d'éviter les doubles impositions, de prévenir l'évasion fiscale et d'établir des règles d'assistance administrative réciproque en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune (ensemble un protocole et un protocole additionnel), modifiée par les avenants du 14 novembre 1984 et du 7 avril 1995 (n° 401, 2000-2001).
11° Projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Guinée en vue d'éviter les doubles impositions et d'établir des règles d'assistance administrative réciproque en matière d'impôts sur le revenu, la fortune, les successions et les donations (n° 285, 1999-2000).
12° Projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant à la convention fiscale du 21 octobre 1976 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Cameroun (n° 181, 2000-2001).
13° Projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire en vue d'éviter les doubles impositions, de prévenir l'évasion et la fraude fiscales et d'établir des règles d'assistance réciproque en matière d'impôts sur le revenu, sur la fortune et sur les successions (ensemble un protocole) (n° 62, 2001-2002).
14° Eventuellement, suite de l'ordre du jour du matin.
15° Navettes diverses.

Eventuellement, vendredi 22 février 2002 :
A 9 h 30 et à 15 heures :

Ordre du jour prioritaire

Eventuellement, suite de l'ordre du jour de la veille.

A N N E X E
Questions orales inscrites à l'ordre du jour
de la séance du mardi 19 février 2002

N° 1201. - M. Jean-Pierre Demerliat attire l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur certaines conséquences de l'application de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 sur la solidarité et le renouvellement urbains, notamment dans les petites communes, en matière d'urbanisme. Si, sur le fond, il ne fait aucun doute que les dispositions nouvelles simplifient des procédures parfois très lourdes, dans la pratique, leur mise en oeuvre soulève parfois des difficultés. En particulier, l'instauration d'une participation pour voies nouvelles et réseaux inquiète bon nombre de maires de petites communes. D'une part, il n'est pas possible de dissocier le financement des réseaux de celui de la voirie. Dans beaucoup de communes, seule une extension des réseaux serait nécessaire pour permettre des constructions nouvelles. D'autre part, les communes devront assurer le préfinancement de ces voies et réseaux, qui sont nécessaires pour obtenir les autorisations de construire. Cela risque fort de pénaliser lourdement les budgets, déjà modestes, des petites communes et cela pourrait, à moyen terme, bloquer leur développement. Il souhaiterait donc savoir quels aménagements pourraient être apportés pour que les nouvelles dispositions de cette loi permettent un développement harmonieux des zones rurales.
N° 1236. - M. Jacques Oudin attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur la crise de la filière agricole due à l'emploi d'insecticides systémiques. L'utilisation du Gaucho et du Régent entraîne des phénomènes de disparitions massives d'abeilles. En réponse à M. Charles Descours le 5 avril dernier, il déclarait que « les nombreuses études n'ont pas permis de confirmer ou d'infirmer l'éventuelle responsabilité du produit incriminé ». Néanmoins, il apparaît clairement que ces phénomènes ne se produisent pas dans les zones de culture non traitées et qu'ils cessent dès la fin de la floraison des cultures traitées. De surcroît, les multiples contrôles effectués par les services vétérinaires départementaux (Deux-Sèvres, Indre, Vendée) n'ont jamais permis d'expliquer ce phénomène autrement que par une intoxication due aux produits phytosanitaires insecticides. En premier lieu, compte tenu des conclusions de multiples rapports scientifiques français et étrangers qui attestent de l'extrême toxicité du Gaucho, même à très faible dose, vis-à-vis de l'entomofaune et de l'environnement, il lui demande s'il compte enfin interdire l'emploi d'imidaclopride sur toutes les cultures traitées par ce produit. En application du principe de précaution, il lui demande s'il compte également interdire l'usage du Régent lors du traitement des semences de tournesol, et ceci sur tout le territoire français. L'ensemble de la filière apicole a rejeté le projet d'une éventuelle étude multifactorielle dont les conclusions ne pourraient être pertinentes qu'en l'absence totale de cultures traitées Gaucho ou Régent et qu'après disparition totale des effets dus à la persistance du produit dans le sol. Toutefois, comme l'a manifesté le Parlement européen de façon unanime, le 13 décembre dernier, en votant le rapport du député Dominique Souchet, les apiculteurs ne demandent pas la multiplication des études, ni la mise en place d'un quelconque institut technique, mais avant tout le retrait définitif et immédiat de toutes les formes d'imidaclopride sur toutes les cultures. Et au-delà du rôle essentiel joué par les abeilles dans le maintien de la biodiversité, c'est la sauvegarde de l'apiculture française qui est en jeu. Enfin, considérant l'urgence de la situation pour le monde apicole, il lui demande quelle aide financière il entend mettre en place en faveur des apiculteurs qui subissent chaque été depuis plusieurs années des pertes de cheptel et de récoltes graves.
N° 1242. - M. Bernard Piras attire l'attention de M. le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement sur les obligations des communes en matière d'assainissement au regard des dispositions de la loi n° 92-3 du 3 janvier 1992 sur l'eau. Avant cette loi, il n'existait pas d'obligation générale pour les communes de mettre en place un réseau d'assainissement et de traiter les effluents. Ce texte leur a donné des compétences et des obligations nouvelles dans ce domaine. Ainsi, l'article L. 2224 du code général des collectivités locales stipule que « les communes prennent obligatoirement en charge les dépenses liées aux systèmes d'assainissement collectif, notamment aux stations d'épuration des eaux usées et à l'élimination des boues qu'elles produisent et les dépenses de contrôle des systèmes d'assainissement non collectifs ». Ainsi, la mise aux normes imposera à partir de 2005 des travaux importants engendrant des coûts financiers très élevés. Même si des subventions publiques sont accordées aux collectivités, les communes, notamment les plus petites qui ont par ailleurs sur leur territoire un habitat fort dispersé, n'ont pas la capacité financière suffisante pour financer ces travaux sans remettre en cause leur avenir. En outre, ces communes rurales de petite taille, le problème étant aggravé lorsqu'elles sont situées en zone de montagne, sont soumises à des contraintes géographiques, physiques et humaines qui exigent une approche du dossier particulière. Ce service d'assainissement étant de nature industrielle et commerciale, les dépenses engagées pourraient et devraient même être répercutées sur l'usager. Mais une telle solution n'est bien évidemment pas envisageable, le prix de l'eau devenant alors prohibitif pour bon nombre de nos concitoyens. Les maires sont très inquiets face à cette obligation qui leur incombe, laquelle risque en l'état actuel des aides accordées de concentrer la totalité des moyens financiers communaux et de remettre ainsi en cause les projets d'aménagement et de développement. Pour remédier à cette situation, deux solutions pourraient être envisagées : soit une augmentation notable des aides publiques, en déplafonnant le seuil des 80 % et en relevant le plafond actuel de 5 millions de francs, soit un allongement des délais d'application de la loi sur l'eau. Il lui demande de lui indiquer les mesures qu'il entend prendre pour rassurer l'ensemble des élus locaux.
N° 1248. - M. Xavier Darcos rappelle à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie les termes de la question orale qu'il lui avait posée au Sénat, le 8 février 2000, et dans laquelle il s'inquiétait sur un projet de fermeture en zone rurale de perceptions, au maintien desquelles les élus sont tout particulièrement attachés. A cette question, le Gouvernement avait répondu clairement en ces termes reproduits au Journal officiel : « Le service public de proximité sera préservé » ; « une réforme des services du Trésor ne provoquera aucune fermeture de trésorerie » ; « la concertation avec les élus se poursuivra aux plans national et local ». Or, lors de la trêve des confiseurs, un arrêté du directeur de la comptabilité publique, publié au Journal officiel du 28 décembre 2001, « décidait en Dordogne la suppression de la trésorerie d'Issigeac », complétée par le regroupement des services du Trésor dans d'autres communes, alors même que le 27 juin le trésorier-payeur général de Dordogne avait été interrogé par le maire de Sainte-Alvère, commune qui venait de dépenser 500 000 francs de travaux de rénovation de sa perception, sur les raisons de la réorganisation, sans la moindre concertation, de ce service public essentiel. Cette réorganisation, désormais effective, s'est traduite par le départ du percepteur en titre et par la résiliation de son logement. En conséquence, il lui demande de bien vouloir lui faire connaître depuis le 8 février 2000, date des engagements solennels du Gouvernement, le nombre de perceptions ou de services du Trésor supprimés en Dordogne, le nombre de suppressions de postes de catégorie A intervenues dans ces services pour l'ensemble du département ainsi que le nom de toutes les communes ayant fait l'objet d'un regroupement de trésorerie en gestion commune.
N° 1249. - M. José Balarello demande à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie s'il ne lui apparaît pas opportun de mettre en place rapidement une aide spécifique, sous la forme d'une prime pour perte d'emploi, en faveur des cinq mille personnes, employés ou patrons de bureaux de change qui, par suite du passage à l'euro, et plus particulièrement dans les régions transfrontalières, ont perdu leur emploi souvent avec plus de dix ans d'ancienneté dans la même branche, ces personnes ayant de grandes difficultés pour se reconvertir. Une étude a d'ailleurs été réalisée sur ce problème à la demande du ministre de l'emploi et de la solidarité, étude qui peut servir de base aux modalités de mise en place de cette aide.
N° 1260. - M. Georges Mouly appelle l'attention de Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité sur le devenir des CLIC gérontologiques dont le développement serait d'ores et déjà obéré par la décision de ne pas abonder la ligne budgétaire concernée pour l'exercice 2002 alors que la circulaire de la direction générale des affaires sociales (DGAS) du 18 mai 2001 fixant les modalités de la campagne de labellisation pour 2001 précise que « l'année 2001 inaugure la phase opérationnelle de développement des CLIC gérontologiques... Elle doit aboutir en 2005 à l'existence d'un réseau national correctement implanté, parfaitement identifié, éprouvé et pérenne, organisant un maillage cohérent du territoire national à partir des échelons locaux et départementaux... ». Il lui demande donc de lui confirmer sa volonté de poursuivre le développement des centres labellisés et l'implantation de nouveaux centres pour la mise en oeuvre d'une politique publique répondant aux attentes concrètes des personnes âgées et de leur entourage.
N° 1263. - M. André Lardeux appelle l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale, suite au débat sur la loi de démocratie de proximité au cours duquel son collègue, ministre de l'intérieur, a indiqué que les problèmes soulevés par l'application de la loi Falloux relèvent de sa compétence. Les commissions de sécurité exigent la mise aux normes des collèges. Pour les collèges publics, les travaux sont pris en charge par la collectivité. Pour les collèges privés, la loi Falloux limite le montant de la subvention. Or, le coût de ces travaux est très élevé. Aussi, en Maine-et-Loire, se sont-elles tournées vers le département. Le conseil général, à l'unanimité de ses membres (socialistes compris), a voté une aide. La délibération a été annulée par le tribunal administratif de Nantes et l'appel est en cours. Les familles considèrent cette situation comme inéquitable, ce qui semble justifié dans la mesure où ces établissements concourent au service public de l'éducation et où tous les jeunes de ce pays ont droit aux mêmes garanties de sécurité. Ce sentiment est accentué par le manque de logique qui permet de subventionner une entreprise privée ou un établissement social, même congréganiste. On objecte souvent que les établissements ont la possibilité de recourir à la garantie des emprunts, ce que ces collectivités font, ce qui ne fait que déplacer le problème. Aussi, il lui demande quelles sont les possibilités qu'il y a de mettre fin à cette situation et quelles initiatives il envisage de prendre ? Si la situation économique de l'organisme gestionnaire contraint à la mise en oeuvre de la garantie, que se passe-t-il si le montant des paiements est supérieur au plafond fixé par la loi ?
N° 1264. - M. Jean-Marie Vanlerenberghe attire l'attention de Mme le ministre déléguée à la famille, à l'enfance et aux personnes handicapées sur la situation de près de 3000 enfants, adolescents et adultes handicapés du département du Pas-de-Calais, qui attendent de pouvoir être accueillis dans des structures médico-sociales adaptées à leurs besoins. Certes, il existe des établissements, mais force est de constater qu'ils sont en nombre insuffisant et ne correspondent pas, bien souvent, aux situations recensées, sans parler des moyens financiers nécessaires à la gestion de ces structures qui demeurent tout à fait dérisoires ! Le Groupement des organismes gestionnaires des établissements médico-sociaux du Pas-de-Calais a déjà à plusieurs reprises organisé des actions publiques pour faire entendre la voix des personnes qu'il défend. Leur délégation a été reçue plusieurs fois au ministère sans que le problème de fond soit réglé. Et la situation s'aggrave... Il lui demande aujourd'hui de faire appliquer un plan d'urgence tant réclamé dans le Pas-de-Calais.
N° 1265. - M. Roland Courteau attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur les difficultés que connaît la viticulture méridionale. Face à une situation particulièrement grave, des réponses à très court terme et moyen terme s'imposent, sous la forme de soutiens conjoncturels et structurels. Dans cette perspective, un plan d'adaptation de la viticulture ambitieux a été présenté. Au-delà des mesures structurelles qui conditionnent l'avenir, ce plan comporte aussi des mesures d'urgence (élimination rapide des excédents, soutien aux jeunes viticulteurs, mesures d'urgence en faveur des viticulteurs en difficulté, mise en place de cellules départementales chargées de se pencher sur leur situation, accélération du règlement des retards de paiement, préretraite, etc.). Compte tenu de l'urgence qui s'attache au traitement d'une situation extrêmement préoccupante, il lui demande de bien vouloir lui faire un point précis sur la mise en oeuvre des différentes mesures, tant conjoncturelles que structurelles, ainsi que sur les démarches, dans le cadre des adaptations à apporter à l'organisation commune du marché du vin.
N° 1266. - M. Gérard Larcher demande à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité de lui indiquer selon quels critères a été choisi le site de Montlieu, commune d'Emance, dans les Yvelines, pour l'installation d'un centre d'accueil de demandeurs d'asile, et pourquoi cette implantation est envisagée dans un village rural, sans transports collectifs, où les conditions de traitement des eaux pluviales et des eaux usées sont notoirement insuffisantes pour accueillir une population de 350 personnes supplémentaires. L'arrivée d'un tel nombre de nouveaux résidents représente en effet une augmentation de plus de 40 % de la population actuelle de la commune. Par ailleurs, il lui demande quels sont les moyens médicaux, sociaux, éducatifs et de sécurité qui ont été prévus pour assurer l'accueil de ces demandeurs d'asile.
N° 1267. - M. Claude Biwer attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur les conséquences, pour de nombreuses communes, de l'arrêté du 1er janvier 2002 ayant relevé le seuil de consultation obligatoire des services du domaine de 30 490 euros à 76 225 euros. Celui-ci risque de priver un très grand nombre d'entre elles d'une expertise fiable et objective en cas d'opération immobilière. Il le prie de bien vouloir expliciter les raisons de cette évolution et préciser si les communes qui le souhaitent peuvent néanmoins faire appel, de manière facultative, aux services des domaines pour des opérations dont le coût est inférieur au nouveau seuil.
N° 1268. - M. Yves Coquelle attire l'attention de Mme le ministre déléguée à la famille, à l'enfance et aux personnes handicapées sur la situation particulièrement préoccupante des établissements et services d'accueil pour adultes handicapés dans le département du Pas-de-Calais. Les listes d'attente sont démesurément longues tant en ce qui concerne l'entrée en centre d'aide pour le travail (CAT) qu'en section occupationnelle ou en foyer de vie. Près de 4 000 adultes et environ 500 enfants ou adolescents espèrent obtenir une place au sein d'un établissement adapté à leurs besoins. Certains jeunes handicapés se voient même contraints à intégrer un institut spécialisé en Belgique. A cette situation particulièrement difficile s'ajoute l'insuffisance des moyens humains, les crédits alloués ne permettant pas de pourvoir certains postes. De plus, il n'existe dans le département qu'un seul institut de réadaptation psychologique alors que la moyenne nationale est de trois et que le département du Nord en compte, à lui seul, six. En dernier lieu, il convient de constater que dans le domaine de l'autisme et du polyhandicap, aucun projet envisagé dans le département n'a été retenu sur le plan national en 2001. Le nombre de structures à créer pour répondre aux besoins du département est d'une cinquantaine pour le secteur adultes et d'une dizaine pour le secteur jeunesse, avec, à la clé, la création de plus de 2 500 emplois. Il lui demande donc, en parfait accord avec le groupement des organismes gestionnaires des établissements médico-sociaux du Pas-de-Calais, rassemblant 23 organismes publics et privés, de dégager, enfin, des moyens importants pour mettre fin à cette situation inacceptable et pour qu'il soit véritablement tenu compte de la situation socio-économique du département du Pas-de-Calais pour l'attribution des crédits.
N° 1270. - M. Jean-Patrick Courtois appelle l'attention de M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation sur les conséquences, pour les entreprises françaises, des délais d'exécution des jugements rendus par les tribunaux de commerce. En effet, une entreprise française risque le dépôt de bilan à cause du délai d'exécution de 26 mois d'un jugement du tribunal de commerce de Mâcon. En 1997, une scierie française fait l'acquisition d'une machine d'un montant de 110 44 EUR (722 500 F) auprès d'une société italienne. Dès sa réception, cette nouvelle installation n'a jamais fonctionné correctement. Après rapport d'expertise, la scierie française a assigné la société italienne devant le tribunal de commerce de Mâcon qui, en juillet 1999, condamne celle-ci à payer 77 139 EUR (506 000 F) à la scierie française pour préjudice commercial. La société italienne faisant appel, la cour d'appel de Dijon annule en mars 2001 le jugement du tribunal de commerce de Mâcon pour vice de procédure : le signataire de l'acte du jugement n'avait pas qualité pour le faire, n'ayant pas participé au délibéré. Après évocation de l'affaire devant la cour d'appel de Dijon en juin, celle-ci rend sa décision en septembre 2001 et condamne la société italienne à verser 206 415 EUR (1,354 million de francs) à la scierie française. Mais, entre temps, la société italienne a été mise en liquidation judiciaire par le tribunal de Parme. La scierie française ne sera donc jamais indemnisée et connaît aujourd'hui de très graves difficultés financières. En conséquence, il lui demande de bien vouloir lui indiquer par quel moyen l'Etat peut compenser financièrement la faute commise par l'administration judiciaire lors du jugement du tribunal de commerce de Mâcon et quels sont les moyens de recours dans le cadre du droit européen.
N° 1271. - M. Paul Blanc attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur les très grandes difficultés dans lesquelles se trouve l'enseignement agricole privé, plus particulièrement le lycée Le Mas Blanc à Bourg-Madame (66760). Cet établissement situé en zone de montagne voit peu à peu ses ressources financières diminuer, ce qui met en péril son fonctionnement normal. En outre, la suppression envisagée des filières « services aux personnes » (sanitaire et social) serait extrêmement préjudiciable dans cette zone défavorisée.
N° 1272. - M. Marcel-Pierre Cléach appelle l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale sur les conséquences pour l'enseignement des autres disciplines scientifiques que risque de provoquer la réforme des études médicales. Au regard des informations dont disposent les présidents d'université, il semblerait que les étudiants puissent, à l'avenir, accéder à plusieurs filières formant aux métiers médicaux et périmédicaux à partir de l'obtention de la première année du premier cycle des études médicales (PCEM1). Ainsi, en s'inscrivant en première année de médecine, les étudiants auront le choix par un jeu de coefficients entre plusieurs débouchés possibles : médecine, pharmacie, ergothérapie, sage-femme, etc. Les concours de recrutement des sages-femmes commencent d'ailleurs à se mettre en place selon cette configuration. L'effet de la réforme sera de rendre le premier cycle des études médicales particulièrement attractif puisque ce sera l'un des seuls débuts d'études supérieures universitaires ouvrant l'accès à plusieurs filières réglementées par le biais d'un concours unique aux coefficients variés. On peut raisonnablement supposer que cela entraînera un afflux d'étudiants vers cette filière au détriment des autres formations scientifiques ou techniques. En détournant des étudiants ayant un esprit scientifique de filières où ils font déjà cruellement défaut, cette réforme, qui a par ailleurs ses mérites, pose un premier problème. Elle aura en outre très vraisemblablement d'importantes répercussions sur les universités et les villes universitaires dans lesquelles la formation ne sera pas offerte. Cette situation serait, par exemple, particulièrement préjudiciable pour l'université du Maine, qui n'a pas de formation médicale mais dispose de laboratoires scientifiques de très bonne réputation. On risque donc de pénaliser involontairement certaines universités tout en suscitant à l'inverse des goulots d'étranglement, par exemple en matière de logements estudiantins, dans d'autres villes. Pour y remédier, peut-être serait-il possible de permettre la formation de première année dans toutes les villes universitaires et de répartir les formations périmédicales sur l'ensemble des sites, ceci tout en conservant la formation des médecins, pharmaciens et odontologues aux seules universités liées à un centre hospitalier universitaire (CHU). Il souhaitait connaître son appréciation sur ces quelques réflexions et surtout l'avenir réservé à cette proposition avant que ne soit définitivement arrêté le projet de réforme des études médicales, projet qui implique aussi le ministère de la santé.
N° 1273. - M. Jean Boyer attire l'attention de Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité sur le décret n° 82-116 du 1er février 1982 qui fixe à 250 000 francs le plafond de recouvrement sur la succession des allocataires du Fonds national de solidarité. Depuis cette date, il semble qu'aucune actualisation de ce montant n'ai été effectuée. De ce fait, les bénéficiaires de succession se retrouvent dans des situations dramatiques. En effet, ces allocataires sont, pour la plupart, des personnes retraitées aux revenus très modestes. Une actualisation de la référence de remboursement paraît devoir s'imposer dès que possible. En effet, en 2001, la valeur immobilière retenue est totalement différente de celle ayant cours en 1982. Il est également très important de souligner la nécessité que représente, pour les personnes âgées, le fait de posséder une certaine somme d'argent. Il s'agit pour eux d'une question de sécurité et de tranquillité en cas d'hospitalisation ou d'hébergement en maison de retraite. Bien que des abattements sur la valeur de référence du foncier non bâti soient intervenus, il lui demande de bien vouloir étudier la possibilité d'une actualisation qui s'impose, afin d'apporter à nos retraités la sécurité concernant très souvent leur modeste succession.
N° 1274. - M. Auguste Cazalet rappelle à M. le ministre de la défense que la toute prochaine ouverture, dans un premier temps aux véhicules légers, du tunnel routier franco-espagnol du Somport va s'accompagner de la mise en place d'un nouveau dispositif territorial de gendarmerie chargé d'exercer l'ensemble des missions relatives au maintien de la paix et de la sécurité publique. Afin de répondre aux impératifs qu'exige le service exclusif de la sécurité du tunnel et de ses abords, permanence au PC d'exploitation et capacité de monter rapidement en puissance en cas de problème, une brigade motorisée autoroutière devait être implantée à Urdos. En effet, dans la mesure où cette commune n'est située qu'à 7 kilomètres du tunnel et dispose, avec l'actuelle gendarmerie et avec un immeuble de 12 logements, propriété des Douanes, des ressources immobilières permettant de loger les personnels et leurs familles, ce choix paraissait évident. Or, il semblerait que ce choix ait changé et que l'unité spécialisée serait implantée dans une commune située à cinquante kilomètres du tunnel du Somport et sans bâtiments immédiatement disponibles. Il attire son attention non seulement sur la vive émotion et l'incompréhension qu'une telle décision ne manquerait pas de susciter auprès des élus et de la population de la vallée d'Aspe mais surtout sur les risques qu'elle ferait peser sur l'efficacité du service de la sécurité des usagers du tunnel. Il lui demande de bien vouloir lui faire connaître sa décision.
N° 1275. - M. Didier Boulaud attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur le redéploiement nécessaire des forces de police dans le département de la Nièvre suite à la publication des chiffres de la délinquance. Déjà évoquée auprès des services du ministère de l'intérieur, il y a deux ou trois ans, cette question d'une inadéquation flagrante entre les effectifs du commissariat de Nevers et la montée de la délinquance dans cette même circonscription, permettait de relever une grave iniquité au sein du département de la Nièvre, iniquité lourde de conséquences. En effet, les effectifs de police de la circonscription voisine de Cosne-sur-Loire étaient égaux environ à la moitié de ceux de la circonscription de Nevers pour une population quatre fois inférieure. Or, on constate aujourd'hui au vu des résultats communiqués et rendus publics par les services du ministère de l'intérieur, que la délinquance aurait baissé de 8,7 % dans la circonscription de Cosne-sur-Loire alors que, dans le même temps, elle augmentait de 23 % dans la circonscription de Nevers. Aussi, en fonction de ces résultats, il lui demande d'envisager la possibilité de rééquilibrer les effectifs des deux commissariats de Cosne-sur-Loire et de Nevers en prenant en compte des résultats.



Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)


Droit de vote

1278. - 12 février 2002. - M. André Rouvière appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur un problème lié à la révision des listes électorales. En effet, il paraît anormal que suite à des révisions de listes électorales, des citoyens rayés d'une commune soient informés de cette décision seulement quelques jours avant le jugement et après la clôture des inscriptions. De ce fait, ces personnes se retrouvent dans l'impossibilité de s'inscrire sur une liste complémentaire et donc de voter lors des prochaines élections. Aussi, il lui demande s'il ne serait pas possible d'envisager d'inscrire ces citoyens sur des listes complémentaires dans leur commune de résidence afin de leur permettre d'accomplir un droit civique élémentaire auquel ils ont droit ?