SEANCE DU 6 FEVRIER 2002


M. le président. L'amendement n° 288 rectifié, présenté par MM. Leclerc, Paul Blanc et Murat, est ainsi libellé :
« Dans le I du texte proposé par l'article 58 pour l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, remplacer les mots : "d'un défaut" par les mots : "d'un préjudice directement imputable à un défaut". »
La parole est à M. Paul Blanc.
M. Paul Blanc. En écartant du champ de la loi la responsabilité des professionnels de santé du fait d'un défaut du produit, au regard de la jurisprudence issue de l'application de la « loi Lalumière » de 1983, on risque d'exclure de fait les victimes des dommages dus à des effets secondaires d'un médicament du bénéfice du dispositif de réparation des aléas thérapeutiques.
La rédaction que nous proposons vise à clarifier la situation. Elle prévoit la recherche d'un lien direct de causalité entre le défaut du produit et le dommage, en l'absence duquel la responsabilité des professionnels de santé sera une responsabilité sans faute.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. En adoptant cet amendement, nous reviendrions sur les dispositions de la loi de 1998 relative à la responsabilité du fait des produits défectueux et réduirions la responsabilité des industriels de santé en cas de dommages liés à leurs produits. Or un défaut dans un produit de santé engage la responsabilité de l'industriel et ne saurait relever de l'aléa thérapeutique. C'est pourquoi nous demandons à notre collègue de bien vouloir retirer cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Le Gouvernement partage l'avis de la commission.
M. le président. L'amendement n° 288 rectifié est-il maintenu, monsieur Paul Blanc ?
M. Paul Blanc. Devant ce tir croisé (Sourires) , je ne peux que m'incliner, d'autant que je fais toujours confiance à la commission des affaires sociales, dont je suis d'ailleurs membre, et à son rapporteur.
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Et au Gouvernement !
M. le président. L'amendement n° 288 rectifié est retiré.
Je suis maintenant saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 203 est présenté par M. Lorrain, au nom de la commission des affaires sociales.
L'amendement n° 246 est présenté par M. Fauchon, au nom de la commission des lois.
Ces amendements sont ainsi libellés :
« Après les mots : "qu'en cas de faute", supprimer la fin du I du texte proposé par l'article 58 pour l'article L. 1142-1 du code de la santé publique. »
La parole est à M. Lorrain, rapporteur, pour présenter l'amendement n° 203.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. La commission approuve le texte proposé par l'article 58 pour l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, qui reprend d'ailleurs les deux principes fondateurs de la proposition de loi que M. Claude Huriet avait déposée et que le Sénat avait adoptée le 26 avril 2001 : d'une part, le principe de responsabilité pour faute, d'autre part, l'indemnisation de l'aléa médical.
La commission s'interroge cependant sur la signification exacte de l'ajout effectué par l'Assemblée nationale au paragraphe I, ajout qui pourrait saper quelque peu le principe fort de la responsabilité pour faute. En outre, la rédaction retenue par nos collègues députés manque à l'évidence de clarté.
En conséquence, nous proposons au Sénat de revenir au texte initial du projet de loi et de réaffirmer que, sauf pour les infections nosocomiales, qui feront l'objet de l'amendement n° 204, les professionnels et établissements de santé ne sont responsables qu'en cas de faute.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement n° 246.
M. Pierre Fauchon, rapporteur pour avis. La commission des lois vous propose, mes chers collègues, de suivre la voie que vient de tracer M. le rapporteur de la commission des affaires sociales.
Cela étant, permettez-moi de vous livrer quelques réflexions sur l'utilité des définitions, qui a tout à l'heure fait l'objet d'un débat.
Certes, monsieur le ministre, les définitions ne sont pas parfaites : lorsqu'on les étudie de près, on peut toujours estimer qu'elles ne couvrent pas vraiment l'ensemble de la réalité. On peut, en quelque sorte, les détruire après les avoir énoncées, ou tout du moins affaiblir leur portée.
Elles restent cependant bien commodes ! Jusqu'à nouvel ordre, en ce bas monde, surtout lorsqu'il faut légiférer, on procède en utilisant des définitions, ce qui permet d'encadrer la réflexion, de la structurer et de mieux comprendre les positions des uns et des autres.
Le texte si important que nous examinons actuellement, qui vise à faire nettement le départ entre ce qui est dû à la faute, prouvée ou présumée, et ce qui relève de l'aléa thérapeutique, montre d'ailleurs bien toute l'importance des définitions.
En effet, l'Assemblée nationale s'est aperçue que la rédaction du projet de loi ne couvrait pas toutes les hypothèses. Elle a donc essayé d'élargir sa portée, mais, ne voulant pas adopter des définitions précises, les députés ont eu recours à une sorte de périphrase pour le moins curieuse : « en cas de faute ou de manquement ». Par conséquent, un manquement ne serait pas une faute, ce qui était pourtant le cas jusqu'à présent.
En outre, on renvoie au juge compétent le soin d'apprécier « la nature ou le mode d'établissement de cette faute ou de ce manquement, prouvé ou présumé ». On multiplie donc les fausses pistes dans toutes les directions, et l'on ne sait plus où l'on en est !
Certes, je comprends très bien la démarche de nos collègues députés. Ils ont fait ce qu'ils ont pu, mais ils n'avaient pas défini les termes qu'ils employaient et, pour cette raison, ils se sont engagés dans une voie qui, me semble-t-il, est plus aléatoire et moins satisfaisante que celle qui consiste à arrêter des définitions, dont on admet, en toute modestie, qu'elles ne peuvent pas être parfaites.
Ayant dit cela, j'ai exposé les raisons pour lesquelles la commission des lois estime, avec la commission des affaires sociales, qu'il ne faut pas conserver cette rédaction floue, que nous proposerons tout à l'heure de remplacer par un alinéa qui visera clairement les infections nosocomiales. Certes, on pourra peut-être nous objecter que tel ou tel cas échappe à notre dispositif, mais nous croyons couvrir à peu près complètement le champ des hypothèses relevant de la faute établie ou présumée.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements identiques n°s 203 et 246 ?
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Sagesse !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 203 et 246, pour lesquels le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 204 est présenté par M. Lorrain, au nom de la commission des affaires sociales.
L'amendement n° 247 est présenté par M. Fauchon, au nom de la commission des lois.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« Compléter le I du texte proposé par l'article 58 pour l'article L. 1142-1 du code de la santé publique par un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, les établissements de santé sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère. »
La parole est à M. Lorrain, rapporteur, pour présenter l'amendement n° 204.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. Cet amendement vise à préciser que les établissements de santé sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère. Il consacre ainsi dans la loi la jurisprudence de la Cour de cassation, concernant les infections nosocomiales et, si je vous ai bien entendu, monsieur le ministre, nous allons dans votre sens, nous ne retournons pas en arrière. Cet amendement reprend d'ailleurs, pour l'essentiel, les termes de l'article 2 de la proposition de loi de M. Claude Huriet, adoptée par le Sénat le 26 avril 2001. Même si les deux rédactions se rejoignent sur le fond, la nôtre nous paraît plus précise et plus intelligible que celle qui a été retenue par l'Assemblée nationale.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n° 247.
M. Pierre Fauchon, rapporteur pour avis. Mêmes raisons !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements identiques n°s 204 et 207 ?
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Sagesse !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 204 et 207, pour lesquels le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. L'amendement n° 205, présenté par M. Lorrain, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
« Au début du II du texte proposé par l'article 58 pour l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, remplacer les mots : "établissement de santé" par les mots : "établissement, service ou organisme mentionné au I". »
La parole est à M. Lorrain, rapporteur.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Sagesse !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 205, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 206 est présenté par M. Lorrain, au nom de la commission des affaires sociales.
L'amendement n° 248 est présenté par M. Fauchon, au nom de la commission des lois.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« Dans le II du texte proposé par l'article 58 pour l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, après les mots : "une affection iatrogène", insérer les mots : "ou une infection nosocomiale". »
La parole est à M. Lorrain, rapporteur, pour présenter l'amendement n° 206.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. Cet alinéa réintroduit, par coordination, les infections nosocomiales dans le champ potentiel de l'indemnisation de l'aléa, pour couvrir le cas, toujours possible, dans lequel la responsabilité de l'établissement serait dégagée du fait d'une cause étrangère.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n° 248.
M. Pierre Fauchon, rapporteur pour avis. Mêmes raisons !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements identiques n°s 206 et 248 ?
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Sagesse !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 206 et 248, pour lesquels le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 207 rectifié, présenté par M. Lorrain, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
« Après les mots : "comme de l'évolution prévisible de celui-ci", rédiger comme suit la fin du II du texte proposé par l'article 58 pour l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : "et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'incapacité permanente ou de la durée de l'incapacité temporaire de travail.". »
L'amendement n° 249, présenté par M. Fauchon, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
« A la fin du II du texte proposé par l'article 58 pour l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, remplacer les mots : "et présentant le caractère de gravité prévu aux deux premiers alinéas de l'article L. 1142-8." par les mots : "et présentent un caractère de gravité, fixé par décret en Conseil d'Etat, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'incapacité permanente ou du taux et de la durée de l'incapacité temporaire.". »
La parole est à M. Lorrain, rapporteur, pour présenter l'amendement n° 207 rectifié.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. Cet amendement vise à définir le caractère de gravité du dommage permettant une indemnisation au titre de la solidarité nationale dès l'article qui pose les principes de responsabilité. Il transfère donc, en les fusionnant, les dispositions qui figuraient dans les deux premiers alinéas de l'article L. 1142-8 afin de prévoir que les accidents médicaux, affections iatrogènes et infections nosocomiales, ouvrent droit à la réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale s'ils présentent un caractère de gravité fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant compte, notamment, du taux d'incapacité permanente ou de la durée d'incapacité temporaire de travail.
Nous avons rectifié cet amendement afin d'intégrer les amendements déposés par le Gouvernement à l'article L. 1142-8 et dont la commission avait accepté le principe.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n° 249.
M. Pierre Fauchon, rapporteur pour avis. Je ne reprendrai pas ce que M. le rapporteur de la commission des affaires sociales vient de dire. Je précise simplement que je rectifie l'amendement déposé par la commission des lois, afin qu'il soit rigoureusement aligné sur celui qui vient de vous être exposé. Il s'agit donc de remplacer les mots « par décret en Conseil d'Etat » par les mots « par décret » et, après les mots « et de la durée de l'incapacité temporaire », d'ajouter les mots « de travail ». Ainsi les deux rédactions coïncideront.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 249 rectifié, présenté par M. Fauchon, au nom de la commission des lois, et ainsi libellé :
« A la fin du II du texte proposé par l'article 58 pour l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, remplacer les mots : "et présentant le caractère de gravité prévu aux deux premiers alinéas de l'article L. 1142-8." par les mots : "et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'incapacité permanente ou de la durée de l'incapacité temporaire de travail". »
Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur pour avis.
M. Pierre Fauchon, rapporteur pour avis. Il est important de relever que nous sommes en train de confirmer la ligne qui a été ouverte par notre assemblée, voilà d'ailleurs un an, et qui consiste à organiser l'indemnisation de l'aléa thérapeutique. C'est, il faut bien le dire, une grande avancée sociale. Comme il s'agit de dépenses considérables et d'une ouverture très importante, il faut, au moins pendant un certain temps, organiser l'indemnisation de l'aléa thérapeutique à partir d'un certain degré de gravité des conséquences de cet aléa.
Il faut admettre cette disposition comme une solution de sagesse provisoire. C'est mieux que rien, mais ce n'est pas parfait, car même les petites infections sont très préjudiciables. Il convient donc de préciser que ce progrès ne prétend pas être total et décisif.
Dans la voie de ce progrès, je l'indique au passage, le Gouvernement avait proposé de laisser à un décret en Conseil d'Etat le soin de fixer le seuil à partir duquel interviendrait un droit à indemnisation, celle-ci étant assurée par la solidarité nationale, par le biais d'un fonds spécial dont nous reparlerons tout à l'heure.
Aux yeux de la commission des lois, la fixation du seuil est une question très importante, qui doit relever de la loi. En effet, le seuil départage ceux qui ne seront pas indemnisés même s'ils ont subi un préjudice et ceux qui seront indemnisés parce qu'ils ont subi ce préjudice. C'est pourquoi nous avons souhaité que la loi fixe ce seuil, tout en considérant que la commission des lois n'est pas compétente pour faire une proposition dans ce domaine. Elle laisse donc le soin à la commission des affaires sociales, qui partage sa conception, de préciser le seuil qu'il lui paraît bon de retenir, ce qu'elle fera tout à l'heure.

(M. Guy Fischer remplace M. Jean-Claude Gaudin au fauteuil de la présidence.)

présidence de m. guy fischer
vice-président

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements identiques n°s 207 rectifié et 249 rectifié ?
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. A travers plusieurs amendements, dont certains sont communs à la commission des affaires sociales et à la commission des lois, vous envisagez, messieurs les rapporteurs, des modifications pour la rédaction du texte sur le fonctionnement des commissions régionales de conciliation et d'indemnisation. Avant la discussion que nous allons avoir sur ces amendements, je souhaite attirer votre attention sur les conséquences de ces modifications.
Le projet de loi envisage deux hypothèses différentes de saisine de la commission régionale, correspondant aux deux formations, de conciliation d'une part et d'indemnisation d'autre part, telles qu'elles sont mentionnées à l'article L. 1142-5 du code de la santé publique. Il prévoit également que l'accès à la commission, dans sa formation d'indemnisation, est soumis à un seuil de gravité défini par voie réglementaire - article L. 1142-9 - ce qui n'est pas le cas si la saisine vise la seule conciliation - article L. 1142-7.
Les amendements n°s 207 rectifié et 249 rectifié de vos deux commissions transfèrent la définition du seuil de gravité de l'article L. 1142-8 au paragraphe II de l'article L. 1142-1 définissant l'aléa thérapeutique. Ce transfert a deux conséquences d'importance inégale.
Les amendements de la commission qui sont des conséquences de l'amendement n° 207 rectifié ne présentent pas de vrais problèmes de fond, mais rendent la compréhension du texte moins facile, même si je comprends parfaitement l'intention qui consiste à afficher d'emblée la disposition importante qu'est le seuil d'accès. C'est pourquoi, sans y être opposé, je m'en remettrai à la sagesse du Sénat sur ce point.
En revanche, monsieur Fauchon, votre amendement n° 257 risque, s'il est adopté, d'avoir un effet négatif majeur sur le dispositif. En renvoyant à l'article L. 1141-1 dans son entier les conditions d'accès à la commission, vous supprimez de fait toute notion de seuil pour les accidents fautifs, ne laissant subsister celui-ci que pour les seuls aléas. Cela aurait pour conséquence première d'engorger le dispositif, ce que, bien entendu, vous comprenez et nous en avons parlé souvent, les commissions voyant arriver toutes les victimes d'accidents fautifs dont les infections nosocomiales, en plus des victimes d'aléas présentant un dommage supérieur au seuil, ce qui est votre objectif.
Je peux comprendre votre logique sur le fond. Il peut effectivement sembler paradoxal de confier à un mécanisme de règlement amiable les seuls accidents graves, laissant à la justice les dommages concernant les accidents les moins importants.
M. Pierre Fauchon, rapporteur pour avis. Cela peut en effet paraître paradoxal !
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Sur ce point, il me paraîtrait d'ailleurs équitable d'élargir l'accès des victimes aux commissions, une fois celles-ci rodées. Il pourrait être envisagé de baisser le seuil, par exemple, ce qui sera d'autant plus facile s'il relève du domaine réglementaire.
En attendant, compte tenu, notamment, du caractère fondamentalement novateur du dispositif, ainsi que de la charge importante de travail des premières années, liée à la mise en route et à la reprise du passé, c'est-à-dire douze à dix-huit mois de rétroactivité effective, il me paraît indispensable d'être prudent, sauf à prendre les risques d'un dispositif incapable de respecter ses propres règles, notamment en matière de délais.
De plus, votre proposition suppose que la nature de l'accident - accident fautif ou aléa - soit déterminée en amont de la commission, ce qui va à l'encontre du schéma retenu puisque les expertises seront réalisées une fois la personne admise par la commission. Comment faire avant ? Bien entendu, la fixation du seuil suppose un minimum d'appréciation du préjudice en amont, mais sur le seul niveau du préjudice et avec une marge d'incertitude qui peut être corrigée dans un second temps.
Pour toutes ces raisons, je ne peux approuver votre démarche, même si, encore une fois, je la comprends sur le fond. J'émettrai donc un avis défavorable sur les amendements correspondant à cette démarche.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 207 rectifié et 249 rectifié, pour lesquels le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. L'amendement n° 208, présenté par M. Lorrain, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
« Compléter le II du texte proposé par l'article 58 pour l'article L. 1142-1 du code de la santé publique par un alinéa ainsi rédigé :
« Le taux d'incapacité permanente ouvrant droit, en application de l'alinéa précédent, à la réparation des préjudices du patient au titre de la solidarité nationale ne peut être supérieur à 25 %. »
La parole est à M. Lorrain, rapporteur.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. Cet amendement traite du seuil d'entrée dans le dispositif. A nos yeux, il s'agit d'un point essentiel.
S'il revient au pouvoir réglementaire de déterminer le taux d'incapacité permanente au-dessus duquel la victime bénéficiera de l'indemnisation de l'aléa médical, il apparaît en revanche indispensable de fixer dans la loi un plafond pour ce taux, afin d'éviter qu'un taux trop élevé ne soit finalement retenu, ce qui exclurait de nombreuses victimes du bénéfice de ce dispositif.
Cet amendement prévoit donc que le taux d'incapacité permanente ouvrant droit à la réparation des préjudices du patient au titre de la solidarité nationale ne peut être supérieur à 25 %. A titre d'exemple, ce taux correspond à la perte d'un oeil.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ? M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 208, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix, modifié, le texte proposé pour l'article L. 1142-1 du code de la santé publique.

(Ce texte est adopté.)

ARTICLE L. 1142-2 DU CODE DE LA SANTÉ PUBLIQUE