SEANCE DU 6 FEVRIER 2002


M. le président. L'amendement n° 298, présenté par M. Girod, est ainsi libellé :
« Après l'article 57, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Après le cinquième alinéa de l'article 47 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Professionnels de santé exerçant le soin dans les centres de santé municipaux. »
L'amendement n° 362, présenté par M. Fischer, Mme Demessine, M. Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Après l'article 57 septies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 47 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. ... - Par dérogation à l'article 3, eu égard à l'ampleur des missions confiées aux professionnels de santé exerçant le soin dans les centres municipaux de santé et à la nécessité de garantir une action durable dans le temps pour assurer la qualité des soins prodigués, les professionnels de santé sont recrutés sur la base de contrats à durée indéterminée. »
La parole est à M. Girod, pour présenter l'amendement n° 298.
M. Paul Girod. Cet amendement a pour objet de régler le cas des professionnels de santé exerçant dans les centres de santé municipaux.
En général, ces médecins exercent sous contrats précaires. Or leurs missions se développent de plus en plus, dans le cadre de soins ambulatoires, et une directive européenne du 28 juin 1999 relative au travail à durée déterminée édicte que les contrats à durée indéterminée sont la forme générale de la relation d'emploi.
Je propose donc que de tels contrats puissent être conclus par les centres de santé municipaux.
M. le président. La parole est à M. Fischer, pour défendre l'amendement n° 362.
M. Guy Fischer. En chaque occasion, les parlementaires communistes ont défendu les centres de santé municipaux, afin que ces structures, qui participent largement à l'offre de soins, soient reconnues et puissent fonctionner dans des conditions satisfaisantes à la fois pour les patients et pour les professionnels. Ces centres jouent en effet un rôle important dans le réseau de soins.
Ce projet de loi a déjà permis d'autres avancées : une instance nationale de concertation des centres de santé a notamment été créée. Nous proposons, par le biais du présent amendement, de mettre un terme à une sorte de précarisation rampante des praticiens exerçant dans les centres de santé municipaux.
Alors que l'objectif visé en créant des cadres d'emploi d'agents titulaires était de limiter le recours aux agents sous contrat à durée déterminée, on constate que, depuis l'entrée en vigueur de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et de sa déclinaison de 1992 concernant la filière médicosociale, les médecins généralistes ou spécialistes, les chirurgiens-dentistes ou les kinésithérapeutes exerçant, le plus souvent à temps partiel, dans les centres de santé se sont vu paradoxalement imposer des contrats à durée déterminée de un à trois ans.
Si passer ce type de contrats peut se concevoir, dans la fonction publique, s'agissant par exemple d'agents non titulaires en attente de concours, cette solution se révèle inadaptée au cas des professionnels de santé salariés des centres de santé municipaux.
Monsieur le ministre, vous ambitionnez d'améliorer, par ce projet de loi, la qualité du système de soins et, depuis plusieurs jours, nous exprimons tous cette volonté. Or, si les collectivités pouvaient de nouveau conclure des contrats à durée indéterminée avec les professionnels de santé qu'elles emploient, cela permettrait de fidéliser ces derniers. Nous contribuerions ainsi, de façon indirecte, à votre démarche.
Par ailleurs, l'ampleur des missions confiées à ces médecins justifie pleinement la modification que nous proposons au Sénat d'adopter.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 298 et 362 ?
M. Gérard Dériot, rapporteur. Ces amendements sont similaires. Tous deux tendent à permettre le recrutement par contrats à durée indéterminée des professionnels de santé exerçant le soin dans les centres de santé municipaux.
L'amendement de M. Paul Girod prévoit de permettre la signature de contrats à durée indéterminée, sans toutefois que les professionnels de santé concernés soient titularisés dans la fonction publique territoriale. A cet effet, il est recouru aux dispositions de l'article 47 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 posant des exceptions au principe du concours.
Ces dispositions sont relatives au recrutement direct, procédure qui s'applique déjà aux directeurs généraux des services des régions et des départements, aux directeurs généraux des services techniques des communes de plus de 80 000 habitants, aux directeurs généraux adjoints des services des communes de plus de 150 000 habitants et aux directeurs généraux des établissements publics le justifiant.
L'amendement du groupe communiste républicain et citoyen prévoit également le recrutement de professionnels de santé sur la base d'un contrat à durée indéterminée. Le recrutement par voie de concours intervient donc par défaut.
Cela étant, l'amendement n° 298 me semble un peu mieux rédigé et les dispositions qu'il comporte devraient engendrer moins de lourdeurs pour les collectivités locales.
Toutefois, compte tenu des conséquences importantes qu'entraînerait l'adoption de ces amendements pour le droit de la fonction publique territoriale, la commission souhaiterait connaître l'avis du Gouvernement avant de se prononcer.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Je remarque que la sagesse du Sénat s'appuie de plus en plus souvent sur celle du Gouvernement ! J'en suis très heureux, mais les amendements n°s 298 et 362 me laissent quelque peu perplexe, même si j'approuve tout à fait l'idée de soutenir l'action des centres de santé municipaux.
Il faut en effet rappeler que les emplois territoriaux relatifs à la santé ont vocation à être pourvus en priorité par des fonctionnaires. Ainsi, au sein de la filière médico-sociale de la fonction territoriale, ont été définis un certain nombre de statuts particuliers concernant les professions de sage-femme, d'infirmier, de psychologue, de coordonnatrice de crèches, de puéricultrice, de rééducateur, d'auxiliaire de puériculture et, bien entendu, de médecin.
S'agissant plus particulièrement des médecins territoriaux, leurs fonctions ont été considérées, à l'origine, comme s'inscrivant dans le cadre des missions de prévention confiées aux collectivités territoriales par la loi n° 83-663 du 22 juillet 1983. Ils n'ont donc pas vocation à dispenser des soins. Néanmoins, la législation actuelle n'interdit pas aux collectivités locales de recourir librement à des médecins contractuels pour dispenser des soins au sein des centres de santé municipaux.
Il ne paraît cependant pas opportun au Gouvernement d'élargir les possibilités de recrutement d'agents contractuels. En effet, non seulement l'objectif de résorption de l'emploi précaire vient d'être affirmé par la loi du 3 janvier 2001, mais surtout le recours, par exception, à des contrats à durée indéterminée créerait une véritable brèche dans le dispositif d'ensemble relatif à la fonction publique territoriale.
Il convient enfin d'ajouter qu'un groupe de travail a été mis en place sous l'égide du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale et qu'il est chargé d'émettre des propositions en vue du réaménagement de l'ensemble des règles relatives aux concours et aux mécanismes de recrutement dans la fonction publique territoriale.
Dans ce cadre pourra être abordée, lors de l'examen de la filière médico-sociale, qui ne saurait tarder, la question d'une meilleure adaptation du cadre d'emploi des médecins territoriaux aux exigences des employeurs territoriaux.
L'évolution du rôle des centres de santé municipaux, telle qu'elle semble se dessiner au travers de la nouvelle définition qu'a donnée de celui-ci la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, pourrait, le moment venu, constituer l'un des axes de cette réflexion. A ce stade, et bien que je ne veuille pas faire allusion à l'article 40 de la Constitution, je ne puis émettre un avis favorable sur les deux amendements.
M. le président. Quel est maintenant l'avis de la commission ?
M. Gérard Dériot, rapporteur. La situation n'est pas simple, c'est le moins que l'on puisse dire ! J'émettrai donc, au nom de la commission, un avis de sagesse, que je n'accompagnerai d'aucun qualificatif ! (Sourires.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 298.
M. Paul Girod. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Girod.
M. Paul Girod. Un débat sur la notion de sagesse a eu lieu tout à l'heure entre la commission et le Gouvernement, lequel a indiqué que la sagesse ne pouvait qu'être positive. (M. le ministre sourit.) Je me réjouis par conséquent de la position finalement adoptée par la commission.
Cela étant, monsieur le ministre, je comprends bien vos réticences. Certains de vos propos, cependant, m'ont surpris. En effet, on fait passer une fois de plus la question des statuts, dont nous savons l'importance, avant celle de la nécessaire efficacité. Vu sous cet angle, le débat mérite au moins d'être ouvert, et c'est la raison pour laquelle je souhaiterais que le Sénat veuille bien adopter mon amendement, car cela permettra peut-être de poser les problèmes de manière plus précise dans la suite du débat.
En effet, on ne peut pas demander à des médecins de s'engager à consacrer une part non négligeable de leur activité professionnelle aux centres de santé municipaux sans leur apporter en contrepartie un minimum de garanties sur l'évolution de leur statut, car il s'agit, la plupart du temps, de médecins libéraux, qui renoncent donc en partie à développer leur clientèle pour assumer la mission qu'ils ont acceptée.
Par conséquent, il est utile de réfléchir à cette question. Vous avez fait, monsieur le ministre, un certain nombre de déclarations à propos de la tenue de négociations à l'échelon national, mais le rôle du Parlement est d'affirmer la nécessité d'aboutir le plus vite possible.
M. Guy Fischer. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Je fais miens les propos que vient de tenir M. Girod. Pour autant, je voudrais insister sur la nécessité de favoriser le bon fonctionnement des centres de santé municipaux en pérennisant les équipes qui leur sont attachées.
A cet égard, la question du statut des personnels est essentielle. En tant que conseiller général d'un canton comprenant le quartier des Minguettes, je constate que les centres de santé municipaux jouent un rôle plus que jamais irremplaçable en termes de proximité et d'accessibilité. Cela est d'autant plus vrai que le corps médical dans son ensemble déserte le quartier des Minguettes. Ainsi, mon médecin traitant vient de partir s'installer dans un cabinet situé en centre-ville.
Par conséquent, dans les quartiers en grande difficulté, l'accès aux soins devient de plus en plus difficile pour les familles et pour les populations les plus démunies, ce qui entraîne des conséquences importantes pour les services d'urgence des hôpitaux publics.
Devant ce constat, il nous semble que revoir le statut des professionnels de santé exerçant le soin dans les centres de santé municipaux pourrait constituer une première réponse.
M. Jean Chérioux. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux. L'analyse que vient de faire M. Fischer est très juste, mais elle est inquiétante. En effet elle montre que, dans un certain nombre de secteurs de notre pays, la situation ne s'améliore pas et qu'elle régresse même. Le développement des centres municipaux ne doit pas aboutir à une médecine à deux vitesses.
Je suis donc un peu gêné par rapport à ce que propose notre collègue. Compte tenu des conditions actuelles, il faut le suivre, en espérant que ce dispositif sera transitoire et que l'on parviendra à inverser la tendance. Cependant, il faut être vigilant. En effet, avec ce dispositif, on va vers une médecine à deux vitesses. En caricaturant, les médecins libéraux exerceraient uniquement dans les beaux quartiers.
Monsieur le ministre, rappelez-vous le débat que nous avons eu ensemble, voilà des années, sur ce problème à propos des dispensaires dans Paris. Je maintiens ce que je disais à l'époque. Il s'agissait alors de mettre en place des dispensaires de brousse dans nos quartiers parisiens. Il faut tout de même faire attention. En effet, ce n'est pas l'idéal.
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Certes non !
M. Jean Chérioux. L'idéal, dont nous sommes très fiers dans notre pays, c'est l'égalité devant les soins. Or ce système, dont il faut tenir compte, va, hélas ! à l'encontre de l'égalité devant les soins. Il va également à l'encontre de la CMU, la couverture maladie universelle, et de ce qui l'a précédée, à savoir la carte santé, qui visait à permettre à tous ceux qui résident dans notre pays, quels qu'ils soient leurs revenus et la catégorie sociale à laquelle ils appartiennent d'accéder de la même façon au soins. En l'occurrence, vous instaurez une médecine à deux vitesses. C'est inquiétant !
M. Gérard Dériot, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Dériot, rapporteur.
M. Gérard Dériot, rapporteur. Je rappellerai à nos collègues qu'un article adopté par l'Assemblée nationale et que le Sénat n'a pas modifié est ainsi rédigé : « Afin de permettre une concertation sur toutes les dispositions réglementaires qui peuvent concerner les centres de santé, ainsi qu'une réflexion sur les projets innovants sanitaires et sociaux qu'ils pourraient mettre en place, il est créé une instance nationale présidée par le ministre de la santé, regroupant notamment les représentants de l'Etat, des caisses nationales d'assurance-maladie, des gestionnaires et des professionnels soignants des centres de santé. Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions de fonctionnement ainsi que la liste des membres admis à participer aux travaux de cette instance nationale. »
Il serait intéressant d'attendre le résultat des travaux de cette instance, qui pourra examiner la très importante question posée par M. Girod et par M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen. Aussi, sans préjuger le travail que cette instance accomplira, il me semble préférable de ne pas maintenir ces amendements. Je demande donc à leurs auteurs de bien vouloir les retirer. (MM. Guy Fischer et Paul Girod se concertent.)
M. Paul Blanc. Il s'agit d'une concertation au sommet. (Sourires.)
M. le président. Monsieur Fischer, l'amendement n° 362 est-il maintenu ?
M. Guy Fischer. Dans le quartier des Minguettes - et ce sont les propos de M. Chérioux qui me font réagir - une clinique mutualiste, qui appartenait aux Mutuelles de France, comportait un centre de santé. Sous la pression du secteur libéral, ce centre de santé a été fermé.
M. Jean Chérioux. De nombreux centres ont été fermés !
M. Guy Fischer. Effectivement ! Je n'ai pas l'expérience de M. Chérioux. J'ai tout de même une expérience de trente-deux ans dans le quartier des Minguettes. Or, je constate, au fil des années, que les structures de proximité sont de moins en moins nombreuses.
M. Jean Chérioux. Hélas !
M. Guy Fischer. Un nouveau visage de la France est en train de se dessiner. Je ne sais s'il s'agit d'une médecine à une vitesse, à deux vitesses ou à trois vitesses. Ce que je sais, c'est que nous nous trouvons en difficulté.
Nous n'avons pas la prétention de répondre aux problèmes de société qui se développent. Cependant, avec cet aspect concernant le statut, un coup de pouce peut être donné aux centres de santé. En l'occurrence, il s'agit de montrer que nous croyons encore en ces centres qui, bien souvent, sont situés dans les villes ou les quartiers les plus défavorisés.
Pour ma part, je regrette la marche arrière de M. le rapporteur.
Je me devais d'évoquer ce problème à l'occasion de l'examen de ce projet de loi.
Je maintiens donc l'amendement n° 362.
M. Gérard Dériot, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Dériot, rapporteur.
M. Gérard Dériot, rapporteur. Monsieur Fischer, il ne s'agit pas d'une marche arrière par rapport au problème qui reste entier et que l'on connaît. Au contraire, je vous propose de prendre les dispositions qui permettront véritablement de trouver les solutions au sein de l'instance qui sera mise en place par le ministre de la santé. Je ne veux pas faire de politique ; ce n'est pas le moment...
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Ce n'est pas votre genre ! (Sourires.)
M. Gérard Dériot, rapporteur. ... et ce n'est effectivement pas mon genre. Mais je suis inquiet de vous voir aussi suspicieux à l'égard de la parole du ministre ici présent, qui appartient à un gouvernement que, jusqu'à preuve du contraire, vous soutenez. Je suis donc très sceptique. Je vous donnais la possibilité de mener une réflexion. Ce problème n'est pas simple, on l'a bien perçu. L'instance en question serait sans doute le lieu où on pourrait réfléchir sereinement et trouver la solution pour répondre à toutes les situations que nos collègues ont évoquées.
Monsieur Fischer, je n'ai pas fait marche arrière, bien au contraire !
M. Guy Fischer. J'en prends acte !
M. le président. Monsieur Girod, l'amendement n° 298 est-il maintenu ?
M. Paul Girod. Il s'agit d'un choix cornélien. (Sourires.) L'instance qui est évoquée, c'est une commission de plus. Tant mieux ! Ce n'est pas mal dans notre pays. Cependant, elle devra délibérer dans un cadre législatif étroit. Elles examinera, entre autres sujets, les opérations innovantes. Je n'ai pas entendu parler du statut des personnes qui travaillent déjà. Je suis un peu gêné pour retirer l'amendement. Puisque notre débat pèsera sur l'évolution de la situation, je le retire tout de même. Ce faisant, je ne suis pas à l'aise car aucune contrainte ne pèse sur cette commission pour qu'elle fasse ce que nous souhaitons.
M. le président. L'amendement n° 298 est retiré.
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. MM. Chérioux et Fischer ont eu raison de le rappeler, ce débat a eu lieu bien souvent. Le Gouvernement a tenu ses promesses. Depuis plusieurs années, il a entamé un dialogue avec les centres de santé municipaux, qui a permis d'améliorer leur fonctionnement, qui n'est pas simple, pour bien des raisons, comme vous le savez, monsieur Fischer. La manière dont nous avons évolué à propos de l'aide qui peut être apportée aux examens biologiques prouve que nous sommes attachés à ce fonctionnement très précis, qui, dans certains cas, répond à la nécessité que vous avez évoquée.
Cependant, deux raisons me conduisent à maintenir l'avis défavorable que j'ai émis voilà quelques instants et à invoquer l'article 40 de la Constitution.
Première raison : nous sommes en train de recruter des médecins. Pour avoir très longtemps travaillé moi-même dans les centres de santé, je peux témoigner du fait qu'ils présentaient l'avantage d'une certaine souplesse de fonctionnement, d'une qualité des rapports humains et que les performances se modifiaient. Nous allons donc engager des médecins. La réponse ne réside pas dans le fait de les pérenniser à leur poste. J'en conviens, monsieur Fischer, dans certains quartiers, il est difficile de recruter.
Mais, là encore, le Gouvernement a prévu une réponse. En effet, le 11 février prochain, se tiendra au ministère une séance de travail avec les médecins généralistes pour définir les aides à l'installation. Il s'agit de la sécurité, des aides non seulement sur le plan matériel, avec un financement, mais également avec un encadrement des possibilités. Attendons au moins jusque-là. S'il n'est pas possible de faire autrement, nous reviendrons à votre proposition d'étudier la question par l'intermédiaire du groupe de travail dont le rapporteur a rappelé l'existence.
Pour le reste, je pense que ce n'est pas la solution. Nous devons réussir à faire en sorte que, dans notre pays, les médecins ne soient pas forcés, comme c'est le cas maintenant, de s'installer dans les localités où on a besoin d'eux car, je le reconnais, il en résulte une médecine un peu différente, mais choisissent d'y venir travailler, et - pourquoi pas ? - en particulier dans les centres de santé municipaux.
Par ailleurs, sur le fond, votre proposition entraînerait des dépenses très différentes par rapport à la fonction publique territoriale. En tant que membre du Gouvernement et puisque je le représente, je ne peux pas ne pas invoquer l'article 40, bien que telle n'était pas mon intention.
M. le président. Monsieur Fischer, dans ces conditions, l'amendement n° 362 est-il maintenu ?
M. Guy Fischer. La décision de M. le ministre me navre. Aujourd'hui, dans les quartiers que j'ai évoqués, il est impossible d'obtenir qu'un médecin se déplace la nuit - aucun ne vient ! - et je ne parle pas des week-ends. On en est à la création de maisons de la médecine.
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Monsieur Fischer, les centres de santé sont fermés la nuit !
M. Guy Fischer. Je le sais ! Tout cela s'inscrit dans la continuité. Je maintiens donc cet amendement. Mais sachez que je suis en colère !
M. le président. L'article 40 de la Constitution est-il applicable ?
M. Marc Massion, au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Il l'est, monsieur le président, même si je le regrette.
M. le président. L'article 40 étant applicable, l'amendement n° 362 n'est pas recevable.
L'amendement n° 429, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Après l'article 57, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Le II de l'article 76 de la loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l'action sociale et médico-sociale est supprimé. »
La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Il s'agit d'un amendement de coordination, qui prend en compte les modifications opérées dans le code de la sécurité sociale par l'article 36 de la loi n° 2001-1246 du 21 décembre 2001 de financement de la sécurité sociale pour 2002.
Les nouveaux articles L. 162-43 à L. 162-46 dudit code sont venus unifier et conforter la pérennité des réseaux de santé qui ne relèvent plus de la procédure expérimentale, dite procédure Soubie, de l'article L. 162-31-1 du code de la sécurité sociale.
Or la loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002, rénovant l'action sociale et médico-sociale publiée postérieurement à la loi de financement de la sécurité sociale précitée, n'a pas tenu compte, dans le II de son article 76, des modifications ci-dessus décrites.
Il en résulte une incohérence que je vous demande de réparer.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard Dériot, rapporteur. La commission n'a pas pu examiner cet amendement car il a été déposé tardi-vement.
Comme M. le ministre vient de le dire, il s'agit d'un amendement de correction technique concernant la loi du 2 janvier 2002 rénovant l'action sociale et médico-sociale.
En effet, cette loi a été promulguée le 2 janvier dernier, c'est-à-dire après la loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, qui date du 21 décembre 2001 et qui n'est parue au Journal officiel que le 26 décembre dernier.
Or, la commission mixte paritaire s'est réunie pour examiner le projet de loi rénovant l'action sociale et médico-sociale le 4 décembre 2001, tandis que le projet de loi de financement de la sécurité sociale faisait l'objet d'une lecture définitive par l'Assemblée nationale le même jour !
Le paragraphe II de l'article 76 de la loi du 2 janvier 2002 « écrase » le dispositif des articles 35 et 36 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, ce qui n'aurait pas dû être le cas si les textes avaient été promulgués dans un ordre différent.
Intervenant après l'amendement déposé après l'article 28 par M. Paul Blanc - voilà ainsi souligné le travail important fourni par notre collègue -...
M. Paul Blanc. Et ce n'est pas fini ! (Sourires.)
M. Louis de Broissia. Bravo, mon cher collègue !
M. Gérard Dériot, rapporteur. ... et repris par la commission, l'amendement du Gouvernement constitue ainsi la deuxième incursion du projet de loi relatif aux droits des malades et à la qualité du système de santé pour corriger les légères malfaçons de la loi du 2 janvier 2002, qui ne sont pas toutes imputables au Parlement, loin s'en faut !
L'essentiel est de disposer, au bout du compte, d'un texte juridiquement exempt de défauts.
J'émets donc, au nom de la commission, un avis favorable sur l'amendement n° 429.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 429, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 57.

Articles 57 bis et 57 ter