SEANCE DU 6 NOVEMBRE 2001


SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. SERGE VINÇON

1. Procès-verbal (p. 0 ).

2. Décès d'un ancien sénateur (p. 1 ).

3. Nomination de membres d'une commission mixte paritaire (p. 2 ).

4. Candidature à un organisme extraparlementaire (p. 3 ).

5. Questions orales (p. 4 ).

MESURES EN FAVEUR DES ÉLEVEURS DE BOVINS (p. 5 )

Question de M. Jean-Pierre Masseret. - MM. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche ; Jean-Pierre Masseret.

RESPECT DU CALENDRIER DE RÉALISATION DU PONT SUD À MÂCON FAISANT LA JONCTION DE L'AUTOROUTE A6 ET DE LA FUTURE AUTOROUTE A40 (p. 6 )
Question de M. Jean-Patrick Courtois. - MM. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement ; Jean-Patrick Courtois.

PROJET DE NOUVEAU COULOIR AÉRIEN DESSERVANT ORLY (p. 7 )

Question de M. Michel Pelchat. - MM. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement ; Michel Pelchat.

DÉNEIGEMENT DES ROUTES COMMUNALES OU RURALES (p. 8 )

Question de M. Jean Faure. - MM. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement ; Jean Faure.

MESURES COMPENSATOIRES DESTINÉES AUX COMMERÇANTS ET ARTISANS POUR LES RISQUES LIÉS AU PASSAGE À L'EURO (p. 9 )

Question de M. Dominique Leclerc. - MM. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement ; Dominique Leclerc.

CONDITIONS DE RECRUTEMENT DES AGENTS DES STRUCTURES PUBLIQUES DE COOPÉRATION INTERCOMMUNALE (p. 10 )

Question de M. Michel Teston. - MM. Christian Paul, secrétaire d'Etat à l'outre-mer ; Michel Teston.

RÈGLES RELATIVES AU CUMUL DES MANDATS (p. 11 )

Question de M. Bruno Sido. - MM. Christian Paul, secrétaire d'Etat à l'outre-mer ; Bruno Sido.

ENTRAÎNEMENT DES POLICIERS (p. 12 )

Question de M. Alain Gournac. - MM. Christian Paul, secrétaire d'Etat à l'outre-mer ; Alain Gournac.

DÉGRADATION DES ROUTES COMMUNALES
SUITE À L'EXPLOITATION DES CHABLIS (p. 13 )

Question de M. Jean-Claude Peyronnet. - MM. Christian Paul, secrétaire d'Etat à l'outre-mer ; Jean-Claude Peyronnet.

VALEURS LIMITES D'EXPOSITION PROFESSIONNELLE (p. 14 )

Question de Mme Marie-Claude Beaudeau. - Mmes Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle ; Marie-Claude Beaudeau.

DIFFICULTÉS DES HANDICAPÉS (p. 15 )

Question de M. Georges Mouly. - Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle ; M. Georges Mouly.

VIOLENCE DANS LES STADES
ET LES MANIFESTATIONS SPORTIVES (p. 16 )

Question de M. Jean-Claude Carle. - Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle ; M. Jean-Claude Carle.

RESTITUTION À L'AFRIQUE DU SUD
DES RESTES DE SAARTJIE BAARTMAN (p. 17 )

Question de M. Nicolas About. - MM. Michel Duffour, secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle ; Nicolas About.

SÉCURITÉ DANS LES TRANSPORTS PUBLICS URBAINS (p. 18 )

Question de M. Pierre Hérisson. - MM. Michel Duffour, secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle ; Pierre Hérisson.

6. Commission mixte paritaire (p. 19 ).

7. Nomination d'un membre d'un organisme extraparlementaire (p. 20 ).

Suspension et reprise de la séance (p. 21 )

PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET

8. Conférence des présidents (p. 22 ).

9. Prestation de serment de juges à la Haute Cour de justice et à la Cour de justice de la République (p. 23 ).

10. Corse. - Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence (p. 24 ).
Discussion générale : MM. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur ; Paul Girod, rapporteur de la commission spéciale ; Jacques Larché, président de la commission spéciale ; Jean-Pierre Raffarin.

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN

MM. André Vallet, Josselin de Rohan, Daniel Hoeffel, Robert Bret, le rapporteur, Jean-Pierre Bel, José Balarello.

11. Candidature à une commission (p. 25 ).

Suspension et reprise de la séance (p. 26 )

PRÉSIDENCE DE M. DANIEL HOEFFEL

12. Nomination d'un membre d'une commission (p. 27 ).

13. Corse. - Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence (p. 28 ).
Discussion générale (suite) : MM. Paul Natali, Michel Mercier, Louis Le Pensec, Jacques Blanc, Jean-Patrick Courtois, Jean-Paul Virapoullé, Pierre Mauroy, Gérard Larcher, Philippe Richert.
Clôture de la discussion générale.
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur.

Exception d'irrecevabilité (p. 29 )

Motion n° 1 de M. Jean-Yves Autexier. - MM. Jean-Yves Autexier, Jacques Larché, président de la commission spéciale.

Suspension et reprise de la séance (p. 30 )

MM. le président de la commission spéciale, le ministre, Paul Girod, rapporteur de la commission spéciale. - Rejet de la motion.
Renvoi de la suite de la discussion.

14. Dépôt d'un projet de loi (p. 31 ).

15. Dépôt d'une proposition de résolution (p. 32 ).

16. Renvoi pour avis (p. 33 ).

17. Dépôt d'un rapport d'information (p. 34 ).

18. Dépôt rattaché pour ordre au procès-verbal de la séance du 31 octobre 2001 (p. 35 ).

19. Ordre du jour (p. 36 ).



COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. SERGE VINÇON
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

DÉCÈS D'UN ANCIEN SÉNATEUR

M. le président. J'ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Claude Mont, qui fut sénateur de la Loire de 1959 à 1992.

3

NOMINATION DE MEMBRES
D'UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE

M. le président. Il va être procédé à la nomination de sept membres titulaires et de sept membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la sécurité des infrastructures.
La liste des candidats établie par la commission des affaires économiques et du Plan a été affichée conformément à l'article 12 du règlement.
Je n'ai reçu aucune opposition.
En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire :
Titulaires : MM. Gérard Larcher, Jean-François Le Grand, Francis Grignon, Ladislas Poniatowski,Bernard Joly, Daniel Raoul et Gérard Le Cam.
Suppléants : Mme Marie-France Beaufils, MM. Jacques Bellanger, Gérard Delfau, Jean-Paul Emin, Hilaire Flandre, Christian Gaudin et Patrick Lassourd.

4

CANDIDATURE À UN ORGANISME
EXTRAPARLEMENTAIRE

M. le président. Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation d'un sénateur appelé à siéger au sein du Conseil national de la sécurité routière.
La commission des affaires économiques a fait connaître qu'elle propose la candidaature de M. Georges Gruillot pour siéger au sein de cet organisme extraparlementaire.
Cette candidature a été affichée et sera ratifiée, conformément à l'article 9 du règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai d'une heure.

5

QUESTIONS ORALES

M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

MESURES EN FAVEUR DES ÉLEVEURS DE BOVINS

M. le président. La parole est à M. Masseret, auteur de la question n° 1174, adressée à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.
M. Jean-Pierre Masseret. Monsieur le ministre, le 17 octobre dernier, vous avez pris une série de mesures complémentaires pour faire face à la crise bovine.
Je dois vous dire que ces mesures ont été unanimement appréciées, en tout cas dans mon département, la Moselle, par les organisations syndicales, les fédérations départementales et le centre des jeunes agriculteurs. Elles témoignent, en effet, de l'engagement qui est le vôtre sur ce dossier depuis plus d'un an déjà, et de votre détermination tout à fait exemplaire.
Vos initiatives, qui sont soutenues par le Gouvernement, ont donné des résultats. Il restait cependant du chemin à faire, et c'est l'objet des mesures du 17 octobre.
Permettez-moi de vous interroger plus particulièrement sur la mesure n° 22, relative aux initiatives prises en faveur du secteur de la vache allaitante.
Evitons, sur ce dossier, toute « discrimination territoriale ». En effet, quand on évoque le bassin allaitant, on pense naturellement, et légitimement, au centre de la France. Mais j'appelle votre attention sur le fait que la Moselle compte 55 000 vaches allaitantes, les producteurs ayant, depuis des années, organisé une filière complète et cohérente avec, outre les vaches allaitantes et les broutards à l'engraissement, quatre abattoirs concentrés sur son territoire qui desservent l'ensemble de la région Lorraine, une industrie de transformation, de découpe, de conditionnement et de charcuterie ainsi qu'un label de certification de la qualité de la filière « viande bovine ».
Je souhaite donc que, pour éviter toute « discrimination territoriale », vos services et vous-même, monsieur le ministre, preniez en considération l'ensemble des situations.
Permettez-moi de vous interroger également sur la restauration hors domicile, qui représente 20 % du marché. Il serait important que l'ensemble des administrations, qui sont des grosses consommatrices de viande du fait de leurs différentes formules de restauration collective, fassent évoluer leurs cahiers des charges pour y introduire des conditions tenant au sérieux de la traçabilité. Aujourd'hui, l'approvisionnement vient, pour beaucoup, de l'extérieur ; cela n'est pas condamnable en soi, mais n'offre que peu de garanties sur la sécurité alimentaire.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le sénateur, c'est à la fois avec plaisir et intérêt que je réponds ce matin à vos deux questions.
Cette crise bovine, par sa longueur même - elle dure depuis près d'un an - est beaucoup plus grave que celle que nous avions connue en 1996 et qui avait déjà causé beaucoup de dommages à la filière bovine française.
Donc, cette crise dure, et ses effets sur les revenus des éleveurs sont de plus en plus préoccupants.
Je l'ai dit à plusieurs reprises, le Gouvernement veut prendre en compte la difficulté de la situation et l'angoisse des éleveurs. Je suis frappé de constater, dans mes rencontre avec les éleveurs, qu'à la colère a succédé une sorte de résignation déprimée. Les éleveurs vont même jusqu'à se demander s'il y a encore un avenir pour l'élevage bovin dans notre pays.
Il est de notre devoir tout à la fois de répondre à leur détresse, dans l'immédiat, et de fixer un cap pour l'avenir, en montrant quelles perspectives s'offrent à la production de bovins dans notre pays.
S'agissant de la restauration hors domicile, j'ai d'ores et déjà pris différentes initiatives. Ainsi, j'ai rencontré le syndicat des entreprises de restauration hors domicile et j'ai encouragé mes interlocuteurs à privilégier autant que faire se peut - je n'ai pas les moyens d'interdire les importations - les viandes françaises pour nous aider à passer ce mauvais cap. En effet, dans ces périodes de difficultés, nous avons des stocks et des surplus à la fois dans les frigos et sur pieds, dans les exploitations.
J'ai, de même, pris l'initiative d'inciter l'ensemble des maires de notre pays, notamment ceux qui gèrent des cantines scolaires en direct ou par l'intermédiaire d'entreprises concessionnaires, à faire preuve, comme vous le souhaitez, d'une volonté de consommation citoyenne et à modifier en ce sens les cahiers des charges qu'ils fixent à leurs entreprises ou à leurs fournisseurs pour que, les yeux ouverts, chacun puisse savoir quelle viande est consommée dans nos cantines, plutôt que de s'en tenir uniquement au prix de la viande. Je continuerai à agir dans ce sens.
Je le redis devant vous, dans la procédure d'appel d'offres pour ses marchés publics, une collectivité n'est pas contrainte au choix du moins-disant. Elle a simplement obligation, si elle ne retient pas le moins-disant, d'expliquer pourquoi. Un cahier des charges qualitatif peut être et doit être une très bonne raison pour cela.
J'agirai de même, avec mon collègue Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, en direction de l'ensemble de la restauration collective dépendant de l'Etat dans les différents ministères, qu'il s'agisse de la défense ou de la santé, notamment, de sorte que nous puissions donner l'exemple.
Effectivement, il faut que nous puissions faire progresser cette exigence de qualité et promouvoir une consommation citoyenne qui nous permette de privilégier les viandes de qualité d'origine française.
S'agissant maintenant du bassin allaitant, je veux vous rassurer, monsieur Masseret.
Ce bassin allaitant est presque une spécialité française. Seuls deux autres pays européens en ont un je veux parler de l'Irlande, qui connaît, avec ses races à viande, une situation aussi dramatique que la France et, dans une certaine mesure, la Belgique. Le bassin allaitant français est, certes, principalement situé dans le grand Massif central, mais il y a des troupeaux allaitants à peu près dans tous les départements de France.
C'est une grande force pour nous en termes d'élevage extensif, d'élevage de qualité et d'aménagement du territoire, et une grande faiblesse aussi, en cas de crise. En effet, comme ce bassin allaitant produit des « maigres », des broutards destinés à l'engraissement en Italie ou en Espagne, en cas de crise et de fermeture des frontières, des surplus considérables s'accumulent dans nos exploitations. Donc, il faut traiter ce problème.
Nous nous y attelons. Ainsi, s'agissant des aides directes, je veux vous rassurer : nous avions mis en place un premier plan d'aide au mois de février qui privilégiait les éleveurs du bassin allaitant, puisque c'était autour du taux de spécialisation qu'avaient été définis les critères d'éligibilité. Donc, les éleveurs du bassin allaitant, où qu'ils soient en France, avaient tous été traités sans aucune discrimination géographique.
S'agissant du nouveau plan d'aide que je mets en oeuvre, nous faisons, à l'heure actuelle, réaliser une étude dans tous les départements par les directions départementales de l'agriculture, les DDA.
Cette étude fera l'objet d'une négociation, d'une concertation avec les organisations professionnelles à partir du 15 novembre, de sorte que nous puissions, sur la base des statistiques concernant les revenus des éleveurs au mois de décembre, bâtir définitivement ce plan, les fonds étant disponibles au début de l'année 2002. Ce plan sera ciblé sur ceux qui en ont le plus besoin, c'est-à-dire sur les éleveurs de bovins allaitants.
Cela étant, il faudra aussi, et c'est ma conclusion, s'interroger sur l'avenir de ce bassin allaitant. J'ai confié à un ingénieur général du génie rural des eaux et des forêts, M. Mordant, une mission en ce sens. Il convient, en effet, de réfléchir aux nécessaires mesures structurelles qu'il faut prendre pour assurer l'avenir de ce bassin.
Cet ingénieur général s'est déjà mis au travail et sillonne le bassin allaitant au sens large, c'est-à-dire, en fait, tous les départements de France, pour entendre et consulter. Il nous remettra ses propositions avant la fin de l'année, de sorte que nous pourrons fixer un cap pour ce troupeau allaitant français qui est, comme je le disais, une grande force pour nous et, en même temps, une fragilité en cas de crise, raison pour laquelle nous devons être vigilants.
M. Jean-Pierre Masseret. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Masseret.
M. Jean-Pierre Masseret. S'agissant de la restauration hors domicile, je vous remercie, monsieur le ministre, des précisions que vous venez d'apporter. Il me semble que l'on pourrait, sans se placer en contradiction avec les règles de la concurrence, faire évoluer les cahiers des charges - dans nos départements, pour les collèges, dans nos régions, pour les lycées - en introduisant des clauses sur la traçabilité dont la valeur juridique est, à mon sens, évidente. Cela permettrait un meilleur choix, et ce au bénéfice de la production nationale, sans préjudice pour la liberté du commerce international.

RESPECT DU CALENDRIER DE RÉALISATION DU PONT SUD À MÂCON FAISANT LA JONCTION DE L'AUTOROUTE A 6 ET DE LA FUTURE AUTOUROUTE A 40

M. le président. La parole est à M. Courtois, auteur de la question n° 1135, adressée à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.
M. Jean-Patrick Courtois. Monsieur le ministre, lors de votre venue à Mâcon, le 15 décembre 2000, vous avez donné le calendrier particulièrement précis des travaux de construction du pont sud à Mâcon, qui doit permettre la jonction de l'autoroute A 6 avec l'autoroute A 40 et la route Centre Europe Atlantique. Vous avez indiqué que l'avant-projet sommaire serait présenté au printemps 2001, que l'enquête d'utilité publique se déroulerait en septembre, que la déclaration d'utilité publique serait effectuée en 2002, que le début des travaux aurait lieu en 2003-2004 et que la livraison interviendrait aux usagers fin 2006.
Cependant, lors de la réunion du conseil municipal de Mâcon le lundi 24 septembre 2001, les membres de l'opposition - socialistes, communistes et Refondation 71 -, qui soutiennent votre politique, ont émis de sérieuses réserves sur la date de livraison du pont sud, initialement prévue, je le répète, pour la fin de l'année 2006.
Cette attitude a beaucoup surpris, d'autant plus que vous aviez déclaré, dans un entretien publié par le Journal de Saône-et-Loire , le 17 décembre 2000 : « Je souhaite que les études et procédures s'achèvent le plus rapidement possible, afin que les travaux puissent démarrer et s'achever dans les délais les plus courts permis par les textes en vigueur. » Par ces propos, vous aviez clairement manifesté l'importance du strict respect du calendrier établi pour la construction du pond sud et, donc, de la date de livraison de celui-ci.
Aussi, le doute émis par les membres de l'opposition du conseil municipal de Mâcon concernant la réalisation des objectifs déterminés apparaît quelque peu surprenant. Cette attitude permet de penser que ces conseillers municipaux détiennent peut-être des informations relatives à la politique du Gouvernement qui iraient dans le sens d'une remise en cause des promesses formulées.
En conséquence, je vous demande de bien vouloir confirmer les propos que vous aviez tenus lors de votre venue à Mâcon, concernant l'achèvement des travaux du pont sud prévu pour la fin de l'année 2006, et d'apaiser ainsi les vives inquiétudes nées à ce sujet.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Monsieur le sénateur, tirant l'expérience des retards pris par la réalisation de nombreux aménagements au cours des premières années d'exécution de la précédente génération de contrats de plan Etat-région, de nombreux élus locaux restent souvent dubitatifs sur le respect des délais de réalisation des opérations d'aménagement ou de construction d'infrastructures.
Comme vous l'avez dit, le pont prévu pour le franchissement de la Saône par l'autoroute A 406 permettra le contournement sud-est de Mâcon. Il devra assurer la jonction de l'A 6 et de la route nationale 6 avec l'A 40.
Lors de ma visite à Mâcon le 15 décembre 2000, j'ai en effet annoncé que le début des travaux pourrait être envisagé à la fin de l'année 2003, pour une mise en service possible en fin de XIIe Plan. Même si l'on n'est jamais à l'abri de difficultés inattendues, je vous confirme aujourd'hui cet objectif.
L'avant-projet sommaire est en cours de finalisation. Après avoir été examiné, comme c'est la règle, en liaison avec le ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement, il devrait être approuvé avant la fin de cette année.
Je vous confirme donc que les travaux débuteront à la fin de l'année 2003, ou au tout début de l'année 2004, et que la mise en service aura lieu en 2006.
M. Jean-Patrick Courtois. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Courtois.
M. Jean-Patrick Courtois. Je remercie M. le ministre d'avoir confirmé les propos qu'il avait tenus à Mâcon en décembre 2000, ce qui me permettra, lors de la prochaine réunion du conseil municipal, de dire à mon opposition que ses promesses seront bien tenues !

PROJET DE NOUVEAU COULOIR AÉRIEN
DESSERVANT ORLY

M. le président. La parole est à M. Pelchat, auteur de la question n° 1159, adressée à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.
M. Michel Pelchat. Monsieur le ministre, j'ai souhaité attirer votre attention sur les interrogations et critiques suscitées par le projet de nouveau couloir aérien au-dessus de l'Essonne desservant l'aéroport d'Orly, projet officiellement présenté par Eurocontrol le 24 septembre dernier.
Une alternative à ce tracé a été élaborée par le comité de coordination contre le couloir aérien, le C4A, présidé par M. Michel Doumax, avec le plein soutien de M. Jean-Marc Tyberg, président de l'association Sud Essonne Démocratie en Ligne.
La proposition de trajectoire du C4A tient compte des contraintes techniques et de sécurité inhérentes à un tel dossier tout en cherchant à préserver au mieux les populations et l'environnement concernés. Elle présente en outre le mérite d'aborder la question des couloirs de départ alors que, jusqu'à présent, le débat ne s'est polarisé que sur le seul couloir d'arrivée. La trajectoire de décollage ainsi envisagée créerait beaucoup moins de nuisances sonores que celle qui est actuellement préparée par la direction générale de l'aviation civile, la DGAC, sans concertation, sans la moindre information, selon la politique - qui lui est d'ailleurs habituelle - du fait accompli.
C'est pourquoi de nombreux élus du sud de l'Essonne ne comprennent pas le refus catégorique opposé au projet du C4A.
Quatre arguments critiques ont, certes, été soulevés par Eurocontrol à l'encontre de ce projet : des zones militaires « écornées », le croisement de couloirs de départ et d'arrivée, l'impossibilité de gérer deux flux d'arrivées parallèles en étape de base et la modification des procédures de décollage d'Orly face à l'est. Cependant, à tous ces inconvénients, des remèdes peuvent être apportés, et vous les connaissez, monsieur le ministre.
Je vous demande par conséquent quelles directives vous entendez donner pour que la réflexion sur le projet de nouveau couloir aérien se poursuive dans un véritable climat de dialogue avec la population et ses élus.
Entendez-vous respecter votre engagement de retirer le projet de couloir au-dessus de l'Essonne élaboré par la DGAC et refuser la proposition d'Eurocontrol, qui n'est d'ailleurs qu'un « sosie » du projet de tracé initial, eu égard aux récentes conclusions de l'autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires, l'ACNUSA, dont vous connaissez la position ?
Entendez-vous imposer désormais une procédure transparente et respectueuse des règles de la concertation avec la population pour tous nouveaux projets de couloirs aériens, de décollage comme d'arrivée, et pour toutes modifications des conditions de survol par les avions, dès lors qu'elles entraînent des conséquences durables sur la qualité de vie, l'environnement et la sécurité des populations survolées ?
Telles sont, monsieur le ministre, les différentes questions auxquelles je souhaiterais que vous puissiez répondre.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Monsieur le sénateur, je vous trouve...
M. Michel Pelchat. Sévère !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. ... excessif et injuste !
Je vous trouve excessif quand vous laissez entendre qu'il n'y a pas de concertation, mais peut-être n'avez-vous pas toujours été présent aux réunions qui ont eu lieu, y compris avec les élus, depuis environ un an et demi. J'ai précisément choisi de ne pas m'en tenir au seul projet de la DGAC afin qu'il ne soit pas imposé comme un élément incontournable mais qu'il puisse être discuté et comparé.
Je vous trouve injuste, parce que, contrairement à ce que vous laissez entendre, mais peut-être ne l'avez-vous pas su, Eurocontrol a été impliqué pour étudier les projets proposés et donner son avis de principe à la demande des élus. Autrement dit, les choses ne se déroulent pas du tout comme vous le dites.
Vous auriez tenu les mêmes propos deux ans, voire un an et demi plus tôt, j'aurais, bien sûr, été un peu vexé par leur véhémence, mais vous auriez eu raison. En revanche, depuis un an et demi, il s'est passé, ne l'oubliez pas, beaucoup de choses, car, quand je m'engage, je tiens parole !
J'ai souhaité qu'une concertation s'instaure, j'ai souhaité que tous les projets soient étudiés. Aujourd'hui, le processus est en cours et l'ACNUSA a été mise en place.
L'expertise comparative de l'agence Eurocontrol sur la problématique d'ensemble de la réorganisation des couloirs aériens et sur les différentes solutions proposées indique, vous l'avez dit, que la proposition du comité C4A présente plusieurs inconvénients.
Tout d'abord, cette proposition risque de créer une zone d'engorgement dans le sud-est de la région parisienne, alors que le projet de réorganisation a aussi comme ambition de supprimer une zone d'engorgement dans le nord-ouest. Elle peut donc générer des effets pervers majeurs.
Elle pose ensuite un problème, qui est essentiel, de sécurité du fait de l'interférence de ce couloir d'arrivée à Orly avec les couloirs d'arrivées en provenance du sud-est et à destination du Bourget et de Roissy. L'assemblage de deux flux parallèles pour alimenter l'axe final d'atterrissage à Orly face à l'ouest n'est, d'autre part, pas gérable par les contrôleurs aériens sans une dégradation considérable de la capacité et de la fluidité.
Enfin, en ce qui concerne les départs - vous le voyez, nous ne parlons pas que des arrivées ! - les analyses d'impact sonore montrent que la proposition du C4A augmente le nombre de personnes survolées de 10 000, alors que la proposition d'Eurocontrol le diminue de 157 000. Tout dépend, bien sûr, de l'endroit où l'on se trouve mais, globalement - vous avez bien sûr, monsieur le sénateur, comme moi-même, le souci de l'intérêt général - ...
M. Michel Pelchat. De tout le département !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. ... il faut reconnaître que la proposition du C4A n'est pas la plus performante en termes d'environnement.
Enfin, comme l'a indiqué le ministère de la défense le 6 septembre dernier - c'est donc tout récent - au comité de pilotage de l'étude, on ne peut négliger l'impact qu'aurait cette proposition sur les activités militaires, en particulier sur les bases de Châteaudun et d'Orléans.
L'avis rendu public par l'Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires indique qu'elle « ne peut donner un avis favorable en l'absence d'un certain nombre de dispositions ». Vous pourriez donc me dire que l'ACNUSA ne donne pas un avis favorable,...
M. Michel Pelchat. Non !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. ... ce qui serait exact : elle ne peut le faire « en l'absence d'un certain nombre de dispositions ».
M. Michel Pelchat. Voilà !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Je suis donc attentif à tout ce qui se dit, monsieur le sénateur.
Dans son avis, l'ACNUSA prend également acte des « nets progrès qui ont été réalisés en matière de concertation et d'information du public », soit exactement le contraire de ce que vous avez affirmé !
Cet avis constate, par ailleurs, que « le sujet est bien d'assurer la sécurité et de résoudre les problèmes d'encombrement dans le nord-ouest de la région parisienne » et que « le nombre de personnes exposées à des bruits élevés sera inférieur à ce qu'il est aujourd'hui ».
Tel est le constat de l'ACNUSA, autorité véritablement indépendante dont vous avez vous-même voté le principe sur proposition du Gouvernement !
L'ACNUSA souhaite, d'une part, une limitation de l'impact des nuisances nocturnes et, d'autre part, des garanties de respect du dispositif élaboré. Certaines de ces dispositions figuraient déjà dans ses recommandations émises en avril dernier. Elles sont à l'étude et j'ai même soutenu certaines d'entre elles, le 24 avril, lors de la discussion de la proposition de loi visant à plafonner le niveau du bruit émis par les avions décollant et atterrissant la nuit sur les aéroports français. A l'époque, j'ai d'ailleurs dit que le Gouvernement était favorable à la fixation d'une valeur maximale de bruit durant la nuit autour des aéroports disposant d'un plan de gêne sonore.
Certaines des remarques de l'ACNUSA sont plus nouvelles. J'en ai immédiatement demandé une analyse très précise à mes services et je rencontrerai très prochainement le président de l'ACNUSA à ce sujet.
Vous le voyez, monsieur le sénateur, ma détermination à poursuivre l'étude du projet dans un esprit de responsabilité et de dialogue est entière.
M. Michel Pelchat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Pelchat.
M. Michel Pelchat. Monsieur le ministre, poursuivons le dialogue parce que nous ne sommes apparemment pas d'accord ; nous n'avons ni la même analyse ni les mêmes informations.
Je peux vous garantir que si, ce matin, je suis venu vous poser cette question, c'est parce que j'en ai été saisi par les élus de l'Essonne, de l'ensemble de l'Essonne - pas seulement du nord-ouest du département, lequel, d'ailleurs, n'est pas spécifiquement concerné par les nouveaux couloirs, qui auraient même tendance à alléger la circulation aérienne sur ce secteur. Soucieux de l'intérêt général du département que je représente, je me suis donc fait ici l'écho des préoccupations des élus du secteur qui, lui, est directement concerné.
Ce que j'ai constaté pour ma part c'est un refus de l'ACNUSA. Certes, de nombreuses réunions ont eu lieu avec les élus directement intéressés, notamment ceux du sud de l'Essonne, parmi lesquels un certain nombre de parlementaires, je pense notamment à M. Georges Tron, député, qui s'est préoccupé de cette question et a assisté à de nombreuses réunions. Mais entendre et écouter les élus est une chose ; accepter leurs remarques et leurs propositions en est une autre !
Or, jusqu'à présent, les propositions des élus, et notamment des élus du C4A, n'ont jamais été prises en considération - y compris lorsqu'elles émanaient de M. Doumax - et aucune n'a été retenue. En outre, elles sont souvent déformées, voire caricaturées. C'est en tout cas l'impression des membres du C4A - et c'est aussi un peu la mienne -, ce qui est regrettable, connaissant leur sérieux et leur volonté de régler le problème.
Par ailleurs, nous ne sommes pas non plus d'accord sur les chiffres, monsieur le ministre. Selon les miens, 400 000 habitants de l'Essonne seraient survolés avec le projet de la DGAC, 200 000 avec le projet d'Eurocontrol et seulement 20 000 avec le projet du C4A. Mes chiffres s'opposent donc à ceux que vos services vous ont indiqués !
Je pense qu'à ce stade la concertation doit reprendre non seulement avec l'ACNUSA et Eurocontrol, mais aussi avec l'ensemble des élus concernés et notamment avec les élus du C4A. Je vous demande donc, monsieur le ministre, de charger vos services de la relancer avec la volonté d'aboutir.

DÉNEIGEMENT DES ROUTES COMMUNALES
OU RURALES

M. le président. La parole est à M. Faure, auteur de la question n° 1162, adressée à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.
M. Jean Faure. Monsieur le ministre, l'an dernier, à la même époque, je vous avais interrogé sur le problème que rencontrent les maires pour faire déneiger les routes et parkings communaux, notamment lorsqu'ils ne trouvent pas d'entreprises adaptées, ce qui les amène souvent à confier cette mission à des agriculteurs.
Or une circulaire de votre ministère impose à ces derniers de faire passer leurs véhicules aux services des mines. Je rappelle que, sur les 5 000 communes de montagne de notre pays, 1 000 à 1 200 sont concernées par le déneigement.
Un grand nombre de nos compatriotes sont lésés par cette mesure car le déneigement est une activité aléatoire : parfois il n'y a pas de neige, parfois il n'en tombe que deux ou trois jours par an. Par conséquent, il me paraît difficile d'imposer à des agriculteurs de se rendre au chef-lieu de département pour faire passer leur véhicule aux services des mines. Dans certains cas, vos services ont organisé un regroupement dans un chef-lieu d'arrondissement. Pour autant, la mesure n'est pas satisfaisante.
L'année dernière, vous aviez fait preuve d'ouverture d'esprit et vous aviez eu la bonté de repousser la date de mise en conformité au 1er juin 2001. Cette date est maintenant passée. Aussi, je souhaiterais que vous nous proposiez une solution pour régler définitivement le problème ou, à défaut, que vous nous laissiez encore une année pour trouver cette solution.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Monsieur le sénateur, je vous remercie de saluer mon esprit d'ouverture, qui est permanent et ne se limite donc pas à la période que vous avez citée.
En l'occurrence, il s'agit d'un problème de sécurité. Les engins utilisés pour les opérations de déneigement peuvent nécessiter une adaptation de la réglementation, pour des raisons de sécurité. C'est précisément le cas lorsqu'il a fallu poser sur des véhicules standards, comme les camions ou les tracteurs, des équipements supplémentaires pour un usage occasionnel.
A cet effet - je me souviens de la question que vous aviez posée l'an dernier et de la réponse qui y avait été apportée - plusieurs arrêtés ont été pris en 1996 - ce n'est pas récent ! La mise aux normes devait être généralisée pour le 1er janvier 2000. Afin de tenir compte des difficultés rencontrées, que vous aviez soulignées, pour organiser les contrôles techniques correspondants, notamment du fait des déplacements au chef-lieu, elle a été reportée une première fois au 1er octobre 2000 et une seconde fois au 1er juin 2001. Monsieur le sénateur, même si je comprends votre souci et le problème que vous soulevez, je ne puis envisager un nouveau report.
Pour simplifier et faciliter ces contrôles, les DRIRE, les directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement, qui relèvent du ministre chargé de l'industrie, proposent en effet des opérations déconcentrées dans les chefs-lieux de canton, pour tenir compte des contraintes des agriculteurs qui contribuent à ce service de déneigement sur demande des gestionnaires des voiries à déneiger.
Si certains retards de mise aux normes persistent localement, les préfets pourront évidemment, avec les DRIRE concernées, apprécier les raisons invoquées et décider des dispositions à prendre en fonction des circonstances et des nécessités locales. Il s'agit, là encore, de la souplesse, de l'esprit d'ouverture dont vous m'avez gratifié tout à l'heure.
Des assouplissements ont déjà été apportés à cette réglementation en faveur des petits agriculteurs : ils n'ont pas besoin du permis poids lourds et les installations montées à l'arrière des tracteurs n'entrent pas dans le champ de la réglementation en question.
Voilà les précisions que je peux vous apporter sur cette question dont je mesure bien l'importance, notamment à l'approche de l'hiver.
M. Emmanuel Hamel. Et de la neige !
M. Jean Faure. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Faure.
M. Jean Faure. Monsieur le ministre, comme je me doutais que vous ne pourriez pas me dire grand-chose de plus, je ne peux prétendre être déçu. (Sourires.)
Je voudrais tout de même vous sensibiliser au problème des petites communes qui, pour assurer le transport scolaire, notamment le matin, font appel à des agriculteurs qui utilisent des équipements et des outils n'ayant pas reçu l'agrément des services des mines. Bien souvent, les agriculteurs n'ont pas envie d'assurer le déneigement et, lorsqu'ils acceptent d'intervenir, la plupart du temps, c'est presque bénévolement. Et on leur demande de se déplacer aux services des mines ou au chef-lieu du canton, si la DRIRE accepte cette possibilité !
Monsieur le ministre, je souhaite simplement que les DRIRE offre cette possibilité à la demande. En effet, en l'absence de règle, certaines accepteront et d'autres pas. Un regroupement des opérations devrait avoir lieu au chef-lieu de canton une fois par an. Si ce n'est pas possible, je souhaite que les préfets entendent bien votre message d'ouverture afin de résoudre les problèmes à l'amiable, au moins pour cet hiver.

MESURES COMPENSATOIRES
DESTINÉES AUX COMMERÇANTS ET ARTISANS
POUR LES RISQUES LIÉS AU PASSAGE À L'EURO

M. le président. La parole est à M. Leclerc, auteur de la question n° 1158, adressée à M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation.
M. Dominique Leclerc. Monsieur le ministre, je voudrais attirer votre attention sur les craintes et les attentes exprimées par les entreprises du commerce et de l'artisanat qui vont être tenues, entre le 1er janvier et le 17 février 2002, de mettre en circulation les euros et d'assurer en même temps le retrait des francs.
Chacun en conviendra, ce rôle de retrait et de mise en circulation d'une monnaie fiduciaire relève normalement plus du métier de banquier que de celui de commerçant ou d'artisan.
Et pourtant, en France, l'Etat a choisi de se tourner vers ce réseau de proximité, mais sans lui accorder aucune compensation financière. Cela est difficile à accepter pour ces professionnels car le choix de cette méthode va leur poser de nombreux problèmes concrets.
Je pense, en premier lieu, à la gestion d'une double caisse et du rendu de monnaie qui ne manquera pas, notamment en allongeant la durée des transactions, de décourager la clientèle, et peut-être d'entraîner une perte de chiffre d'affaires, mais aussi de poser un certain nombre de problèmes de gestion.
Je songe aussi au risque de pénurie de monnaie fiduciaire. En effet, la disponibilité de la monnaie en euro, mais également de la monnaie en franc, s'annonce très aléatoire durant cette période de double circulation, surtout pendant les quinze premiers jours lorsque les francs seront retirés sans que l'approvisionnement en euros soit vraiment assuré. Ce risque, si vous en doutiez encore, est évidemment lié au calendrier : le 1er janvier est un mardi ; les banques seront fermées le samedi 29 sauf exception, le dimanche 30, le lundi 31, pour nombre d'entre elles, et, bien sûr, le mardi 1er janvier.
Enfin, les commerçants et les artisans craignent aussi pour leur sécurité. Leurs fonds de caisse en francs et en euros seront alors importants et attireront, chacun en conviendra, la convoitise d'une certaine délinquance.
Les difficultés qui s'annoncent sont donc bien réelles. Aussi serait-il légitime d'accorder des compensations à ces entreprises qui vont remplir, peut-être à leur détriment, une mission de service public.
Que demandent-elles ?
Tout d'abord, elles souhaitent la création, dans le projet de loi de finances pour 2002, d'un crédit d'impôt exceptionnel pour le passage à l'euro afin de compenser le surplus de travail occasionné par cette mission qui ne relève pas de leur champ de compétence habituel. Ce crédit d'impôt pourrait s'appuyer sur les remises en francs effectuées par les professionnels auprès des banques du 1er janvier au 17 février 2002.
La deuxième demande de ces entreprises concerne la garantie des chèques, qu'elles souhaitent voir portée à 30 euros. A l'heure actuelle, la garantie de paiement des petits chèques par les banques demeure, depuis 1975, à 100 francs. Or, compte tenu du coefficient d'érosion monétaire, 100 francs de 1975 correspondent à 358,50 francs actuels, ou 54,65 euros. Cette correspondance rend tout de suite cette demande raisonnable.
Enfin, il leur semblerait judicieux, pendant la période de double circulation, de supprimer la commission des banques pour les paiements par carte inférieurs à 30 euros. Cela permettrait d'accélérer les petits paiements et les ventes dans les magasins de proximité. Cela permettrait également d'atténuer les conséquences de la pénurie prévisible de monnaie fiduciaire.
Monsieur le ministre, ces propositions me paraissant tout à fait justifiées, je souhaiterais savoir ce que vous envisagez de reprendre à votre compte.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Monsieur le sénateur, d'abord vous avez mis en avant une forte opposition entre l'esprit de banquier et l'esprit d'artisan. Je vous laisse la responsabilité de votre propos.
M. Patriat, qui n'a pu se libérer ce matin, m'a demandé de vous communiquer les éléments qu'il a préparés à votre intention, ce que je fais volontiers.
Les commerçants de proximité joueront bien sûr un rôle important lors de l'introduction de l'euro fiduciaire, car ils sont en relation quotidienne avec les consommateurs. C'est la proximité totale.
Néanmoins, l'Etat ne veut nullement faire assumer une mission de service public par les commerçants ou leur demander de se substituer aux établissements bancaires pour assurer la diffusion de l'euro. En effet, l'essentiel de l'alimentation des particuliers en billets et en pièces sera assuré par les agences bancaires et postales ainsi que par les distributeurs de billets. Les commerçants, comme les autres acteurs de l'économie, devront cependant utiliser pendant quelques semaines deux monnaies, car, pour des raisons facilement compréhensibles, on ne peut faire disparaître en un jour des milliards de pièces et de billets. La situation de la France n'est pas différente de celle d'autres pays où, en dépit de l'affichage d'un principe d'échange instantané, la pratique consistera également à retirer la devise nationale en quelques semaines au fur et à mesure que l'euro se diffusera.
Le rendu de monnaie en euros par les commerçants, s'il est fortement recommandé, ne sera pas une obligation. Il est toutefois de l'intérêt commercial des professionnels de pouvoir rendre la monnaie en euros à leurs clients, qui, bien légitimement, souhaiteront ne plus détenir de francs. L'intérêt des commerçants sera également de n'avoir plus à gérer de double caisse.
D'autres dispositions ont été prises pour faciliter la fluidité des transactions et éviter l'apparition de files d'attente. Ainsi, l'économie va être massivement pré-alimentée en pièces et en billets, y compris en petites coupures, de manière à faciliter l'appoint et le rendu de monnaie. Afin d'éviter tout risque de pénurie, 53 millions de « sachets premiers euros » seront vendus aux particuliers dès le 14 décembre 2001.
Les forces de police, de gendarmerie et de l'armée seront massivement mobilisées pendant cette période afin d'assurer une surveillance de proximité, encore renforcée après les actes de terrorisme du 11 septembre.
Le passage à l'euro est l'affaire de tous et chacun doit assumer sa part. L'Etat supporte des charges considérables au titre du remplacement de la monnaie fiduciaire, de la sécurité, de l'adaptation à l'euro de ses propres services et de l'organisation d'ensemble de ce grand événement.
L'Etat a déjà pris plusieurs mesures pour faciliter l'équipement des professionnels. Le prix d'acquisition des matériels et logiciels d'une valeur unitaire inférieure à 2 500 francs - vous convertirez ! (Sourire) - peuvent passer en charge déductible des bénéfices. C'est un point positif. Le projet de loi MURCEF, portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier, qui est en cours d'examen par le Parlement, prévoit un amortissement accéléré sur douze mois des matériels destinés à permettre l'encaissement en euros, y compris le matériel de pesage. Une mesure supplémentaire de crédit d'impôt ne me paraît donc pas appropriée.
L'allégement des commissions pour les paiements par carte bancaire inférieurs à 30 euros, souhaité par la Confédération générale de l'alimentation de détail, est légitime. Dans l'immédiat, il est préférable d'aboutir par une négociation commerciale avec les banques. L'augmentation de la garantie de paiement des chèques à 30 euros est de nature à diminuer la vigilance à l'égard des chèques, ce qui paraît contre-productif pour les commerçants.
Les pouvoirs publics feront tout ce qui est en leur pouvoir pour alléger les contraintes dues au passage à l'euro fiduciaire. Je suis sûr que les commerçants prendront toute leur part à la mise en place de l'euro.
M. Emmanuel Hamel. Maintenez le franc !
M. Dominique Leclerc. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Leclerc.
M. Dominique Leclerc. Monsieur le ministre, ce matin, je voulais appeler votre attention sur les inquiétudes qu'éprouvent les uns et les autres à quelques semaines de l'arrivée de l'euro.
Ainsi, comme vous le savez, les particuliers nourrissent des craintes quant au niveau des prix, et l'on peut s'interroger sur les moyens dont disposent les services départementaux de la concurrence et des prix.
Les professionnels s'inquiètent également, comme je vous l'ai indiqué voilà quelques instants, d'une situation qui ne sera pas simple. Déjà, hier, exerçant mon activité professionnelle, j'ai dû encaisser différemment des chèques en euros et en francs.
Et, après le stade des professionnels, interviennent le système et le réseau bancaires : or, on observe déjà des confusions entre francs et euros dans les relevés bancaires, alors que, pourtant, l'informatique règne sur la pratique professionnelle.
Par ailleurs, comme représentant d'une collectivité locale, je dois, comme mes collègues, transférer de francs en euros des contrats d'emprunt : or, quelle n'a pas été ma surprise de constater le caractère non négligeable en faveur du système bancaire des différences résultant des conversions effectuées entre francs et euros !
Je demande donc instamment au Gouvernement d'accroître la vigilance à tous ces stades et de mettre en place certains moyens afin que nous réussissions ce passage du franc à l'euro, alors même que la juxtaposition des deux monnaies entre le 1er janvier et le 17 février ne sera pas exempte de problèmes.

CONDITIONS DE RECRUTEMENT
DES AGENTS DES STRUCTURES PUBLIQUES
DE COOPÉRATION INTERCOMMUNALE

M. le président. La parole est à M. Teston, auteur de la question n° 1145, adressée à M. le ministre de l'intérieur.
M. Michel Teston. Monsieur le secrétaire d'Etat, pour arrêter et pour réaliser des projets de développement local à l'échelle de territoires assez vastes, les élus locaux ont crée des organismes de coopération intercommunale.
Souvent de forme associative au départ, ces organismes ont pris ensuite la forme d'un EPCI, un établissement public de coopération intercommunale, ou d'un syndicat mixte.
Cependant, ce changement de nature juridique a des conséquences très importantes en matière de recrutement de personnels. En effet, la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale impose aux collectivités territoriales de recruter leurs agents selon un cadre statutaire très précis, qui fait l'objet d'un contrôle de légalité très strict par les autorités préfectorales.
Or, les structures intercommunales étant très souvent issues de structures associatives, leurs personnels ne remplissent pas les conditions prévues par la loi.
Des professionnels expérimentés, souvent eux-mêmes à l'origine de l'aboutissement des projets, se retrouvent par conséquent exclus de toute possibilité de pérennisation de leur emploi, au motif qu'ils ne sont pas agents de la fonction publique territoriale.
Par ailleurs, il serait pour le moins paradoxal de priver les EPCI et les syndicats mixtes concernés de ces personnels et de leur expérience.
Certes, la loi du 3 janvier 2001 relative à la résorption de l'emploi précaire dans la fonction publique territoriale a prévu, en son article 9, un certain nombre de dispositions ; mais ces dernières ne permettent pas de résoudre toutes les difficultés rencontrées par les élus locaux, en particulier dans les structures nées avant la date d'entrée en vigueur de ce texte. Je citerai deux exemples de structures de développement local que je connais bien et qui se heurtent actuellement à de telles difficultés juridiques : les parcs naturels régionaux et les contrats globaux de développement mis en place depuis de nombreuses années en région Rhône-Alpes.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous demande donc de bien vouloir me préciser, d'une part, le cadre juridique exact applicable dans ce dossier et, d'autre part, les mesures que vous entendez prendre pour remédier aux difficultés citées.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat à l'outre-mer. Monsieur le sénateur, le ministre de l'intérieur, M. Daniel Vaillant, a souhaité que vous soit apportée une réponse très complète. Je le fais d'autant plus volontiers que, en tant que président d'un parc naturel régional, je suis très sensible à ce point.
Un établissement public de coopération intercommunale est, comme vous le savez, un employeur local à part entière au sens de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale. A ce titre, il a vocation à définir et à créer des emplois permanents relevant de la fonction publique territoriale et nécessaires à l'exercice de ses compétences.
Le recours éventuel à des agents non titulaires est strictement encadré et doit rester exceptionnel.
S'agissant des missions de développement local prises en charge par un EPCI, elles ne sont pas ignorées par les statuts particuliers des cadres d'emplois de la fonction publique territoriale : depuis 1994, ces missions sont, en particulier, retenues dans le champ des responsabilités des attachés territoriaux.
Afin d'apporter une réponse plus adaptée encore aux besoins des employeurs territoriaux, une reconnaissance statutaire propre des activités de développement local, sous forme de création d'une nouvelle spécialité au sein du cadre d'emplois des attachés, est actuellement à l'étude.
Dans l'immédiat, les agents non titulaires, recrutés par un EPCI pour exercer des missions de développement local à un moment où il y avait carence de concours, pourront, sous réserve des conditions posées par la loi du 3 janvier 2001 relative à la résorption de l'emploi précaire, bénéficier des possibilités d'intégration dans la fonction publique territoriale prévues par cette même loi.
Des dispositions législatives récentes ont, par ailleurs, ouvert des possibilités de reprise par un EPCI des personnels d'une association qui intervient en particulier dans le domaine du développement local. On touche là très directement, monsieur le sénateur, votre souci de faire en sorte que ces collaborateurs, recrutés dans le cadre associatif, puissent, selon des modalités à déterminer, poursuivre leur carrière au sein d'un EPCI.
Ainsi, l'article 53 de la loi du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale a pour objectif de faciliter la reprise par un EPCI ou un syndicat mixte gérant un service public administratif des activités des associations financées pour l'essentiel par des fonds publics pour gérer des activités de services publics administratifs. Le personnel est alors repris sur la base de contrats de droit public de trois ans renouvelables.
En outre, l'article 9 de la loi du 3 janvier 2001 a ouvert, en cas de reprise d'une association dont les compétences relèvent de celles qui ont fait l'objet d'un transfert de l'Etat à une collectivité locale, et qui a été créée avant ce transfert, la possibilité de recruter ces personnels en qualité d'agents non titulaires de droit public ; dans ce cas, ces agents conservent leur contrat à durée déterminée ou indéterminée et leur rémunération.
Les agents ainsi repris par un établissement public de coopération intercommunale, sur la base des dispositions législatives que je viens de rappeler, continuent donc à bénéficier de leur contrat. Ils pourront se présenter aux concours internes d'accès aux cadres d'emplois de la fonction publique territoriale.
S'agissant enfin des agents qui continuent à être employés par des associations et qui ne seraient pas repris par un EPCI, d'autres facilités vont être mises en oeuvre dans les prochains mois, afin de leur permettre d'intégrer, s'ils le souhaitent, la fonction publique territoriale.
La loi du 3 janvier 2001 a ainsi posé le principe de l'instauration dans les cadres d'emplois de la fonction publique territoriale de concours de troisième voie. C'est une approche originale et intéressante. Cette mesure permettra de recruter des candidats ayant acquis une expérience professionnelle différente de celle des candidats aux concours externes et internes. Cette troisième voie va être progressivement introduite dans la fonction publique territoriale.
Les agents exerçant au sein d'une association dans le domaine du développement local, que vous souhaitez voir mieux reconnaître, ont ainsi vocation, sous réserve de certaines conditions, à bénéficier de cette troisième voie.
La loi du 3 janvier 2001 a également prévu le principe de la reconnaissance de l'expérience professionnelle pour l'accès aux concours externes de la fonction publique territoriale. Un décret en Conseil d'Etat, en cours de préparation, précisera les conditions d'application de cette disposition.
J'espère, monsieur le sénateur, vous avoir répondu le plus complètement possible sur l'état du droit ainsi que sur les intentions du Gouvernement.
M. Michel Teston. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Teston.
M. Michel Teston. Monsieur le secrétaire d'Etat, je tiens à vous remercier de votre réponse.
J'ai bien noté que, à la suite de recommandations, et en particulier du rapport Schwartz, il est prévu de tenir compte des spécificités professionnelles pour le recrutement d'attachés. Néanmoins, quelques difficultés n'ont pas été totalement levées par la circulaire adressée aux préfets en septembre 2001, circulaire qui explicitait les conditions fixées par la loi de janvier 1984 pour les quelques dérogations aux dispositions générales concernant l'occupation d'emplois dans les EPCI par des personnels non titulaires : ainsi, une difficulté subsiste quant à la question importante du niveau de recrutement et de rémunération de l'emploi créé. Il faut donc faire en sorte que des directives plus précises soient données à l'autorité préfectorale à ce sujet.
Quoi qu'il en soit, monsieur le secrétaire d'Etat, je souhaite que ce problème soit pris en compte parce qu'il se pose de manière quasi systématique dans de nombreux départements.

RÈGLES RELATIVES AU CUMUL DES MANDATS

M. le président. La parole est à M. Sido, auteur de la question n° 1152, adressée à M. le ministre de l'intérieur.
M. Bruno Sido. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, mes chers collègues, c'est en ma qualité de sénateur nouvellement élu que je souhaite appeler l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les conséquences très fâcheuses de la mise en oeuvre, à l'issue des élections sénatoriales du 23 septembre dernier, de l'article L. 46-1 du code électoral, dont la rédaction actuelle résulte de la loi du 5 avril 2000 relative au cumul des mandats électoraux.
En effet, un certain nombre d'élus déjà titulaires de deux mandats locaux et premiers suivants de listes constituées pour les élections régionales de mars 1998 vont accéder automatiquement au conseil régional en remplacement de l'un de leurs colistiers, devenu sénateur et démissionnaire de l'assemblée régionale.
Or, ces élus se trouvent de fait privés de leur liberté de choisir librement le mandat qu'ils devront abandonner pour se conformer à la législation relative au non-cumul des mandats, alors même qu'ils n'ont pas été eux-mêmes directement candidats.
L'article L. 46-1, dans sa rédaction actuelle, ne leur permet pas, en effet, de renoncer, s'ils le souhaitent, à leur mandat régional dernièrement acquis ; ils peuvent seulement renoncer à l'un des mandats qu'ils détenaient précédemment, et cela même si ces derniers n'ont été acquis qu'en mars 2001, c'est-à-dire bien après les élections régionales de mars 1998. Il paraît bien évident qu'on se trouve là dans une situation juridique ubuesque que le législateur n'avait probablement pas prévue, situation due à un effet en cascade des démissions rendues obligatoires par le dispositif sur le cumul des mandats.
C'est la situation dans laquelle se trouve mon infortuné suivant de liste aux élections régionales, qui pourrait se trouver dans l'obligation de démissionner du conseil général où il est entré en mars dernier...
Pourtant, les deux assemblées du Parlement ont très clairement exprimé leur souhait de corriger cette situation en adoptant, en première lecture, une disposition identique : à l'article 6 de la proposition de loi n° 92, pour le Sénat, et à l'article 15 sexvicies du projet de loi relatif à la démocratie de proximité, pour l'Assemblée nationale.
Par conséquent, monsieur le secrétaire d'Etat, ma question vise à demander au Gouvernement de bien vouloir prendre la mesure qu'il jugera la mieux appropriée afin d'accélérer le processur législatif en cours et de rendre ainsi aux élus locaux leur liberté de choix qui s'applique toujours aux élus européens et s'appliquait jusqu'alors à tous.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat à l'outre-mer. Monsieur le sénateur, le Gouvernement est bien conscient des difficultés qui résultent du régime de cessation des incompatibilités applicable à la personne qui se trouve, par le mécanisme du suivant de liste, que vous venez de rappeler, dans l'un des cas de cumul prohibé énoncés au premier alinéa de l'article L. 46-1 nouveau du code électoral.
Aussi comprend-il parfaitement vos arguments qui militent pour une modification des dispositions en cause et n'y est-il pas opposé. Même une très bonne loi peut être améliorée.
Toutefois, les contentieux nés de la mise en oeuvre de cette législation très récente ne sont pas encore tous tranchés et il pourrait être opportun d'attendre leur issue pour envisager un « toilettage ».
Par ailleurs, la modification proposée, sans doute pertinente, n'épuise pas les autres améliorations possibles ; je pense notamment à celle qui pourrait remédier à l'absence de modalités de cessation de l'incompatibilité énoncée au premier alinéa de l'article 6-3 de la loi du 7 juillet 1977 relative à l'élection des représentants au Parlement européen lorsque cette incompatibilité résulte non de l'acquisition d'un ou de plusieurs mandats locaux mais de l'élection au mandat de parlementaire européen.
C'est pourquoi le Gouvernement se propose, à l'occasion de la discussion du projet de loi relatif à la démocratie de proximité prévue en janvier 2002, de débattre avec vous tous de l'ensemble des ces modifications.
M. Bruno Sido Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Sido.
M. Bruno Sido. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie de votre réponse.
J'ajouterai toutefois que le problème que j'ai évoqué non seulement touche tous nos collègues sénateurs, quelle que soit leur tendance politique, mais qu'il touchera également, dans quelques mois, de nombreux députés nouvellement élus ou leurs suppléants. Par conséquent, il est urgent d'agir et, les deux assemblées étant tout à fait d'accord d'après ce que j'ai pu comprendre, de régler cette question le plus rapidement possible.
En tout cas, je remercie le Gouvernement de vouloir inscrire cette discussion à l'ordre du jour du mois de janvier.

ENTRAÎNEMENT DES POLICIERS

M. le président. La parole est à M. Gournac, auteur de la question n° 1160, adressée à M. le ministre de l'intérieur.
M. Alain Gournac. En ce moment, les problèmes de sécurité font quotidiennement l'actualité dans notre pays.
Ainsi, pour la seule journée d'hier, sur l'A 86, des CRS se sont fait « tirer » comme des lapins ; dans le Sud, des gosses sont venus « caillasser » un commissariat de police ; dans ma ville, tous les abribus ont été pulvérisés. Vous allez me dire : « On peut très bien se passer d'abribus, ce n'est pas une question de sécurité ! » Mais enfin !
Lors d'un déplacement que j'ai fait récemment dans l'ouest de notre pays, j'ai passé toute une nuit avec la BAC, la brigade anti-criminalité. Ce fut très instructif. Les policiers qui la compose m'ont appris qu'ils n'ont eu qu'une seule séance d'entraînement au tir depuis le début de l'année.
J'ai été tout à fait étonné que des policiers responsables de notre sécurité pendant la nuit et qui accomplissent un travail formidable - je veux leur en rendre hommage en cet instant - ne suivent ainsi qu'une seule séance d'entraînement au tir.
Je leur ai demandé si une seule séance suffisait. Ils m'ont répondu : absolument pas ! Nous avons besoin, pour bien maîtriser l'arme de tir, d'avoir quatre séances dans l'année. Il ne faut pas dégainer trop rapidement dans la police, n'est-ce pas !
Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous demande tout simplement de me dire si la situation que j'ai rencontrée dans l'ouest de la France est normale et si les consignes de formation de nos policiers y sont respectées ou si je suis tombé dans un endroit -- bien sympathique d'ailleurs - où les directives ne sont pas appliquées correctement.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat à l'outre-mer. Monsieur le sénateur, je me réjouis que les parlementaires aillent, comme vous l'avez fait, vérifier sur le terrain l'engagement d'un certain nombre d'unités de police dans la lutte contre l'insécurité. C'est à partir de visites de cette nature et du dialogue qui s'instaure à cette occasion que l'on peut réellement prendre la mesure du travail exemplaire que réalisent ces unités.
Je vais vous répondre de manière très précise, puisque votre question était avant tout très concrète et très pratique.
Les brigades anti-criminalité, les fameuses BAC, ont été officiellement créées en 1991 et l'on en dénombre, à ce jour, 326, composées de près de 4 000 fonctionnaires.
Ces unités ont pour vocation principale de lutter contre la délinquance de voie publique en recherchant le flagrant délit et s'inscrivent dans la politique globale de lutte contre les violences urbaines qu'a engagée le Gouvernement.
C'est pourquoi la formation a été adaptée à ces missions spécifiques. Outre l'entraînement réglementaire au tir à l'arme de poing et à l'arme collective, comme tout fonctionnaire de police, ces hommes reçoivent des formations plus spécialisées aux gestes techniques et professionnels d'intervention des brigades anti-criminalité et même au fusil à pompe, lorsque leur service en est doté.
L'entraînement aux techniques professionnelles et au tir comporte obligatoirement trois séances par an pour chaque fonctionnaire. Ces séances, d'une durée effective de quatre heures, comprennent à la fois un entraînement à l'emploi des armes - se concluant par un acte de tir - et un perfectionnement aux gestes techniques et professionnels d'intervention.
Vous avez rencontré ces unités à un moment donné du calendrier de leur formation, mais je tenais à rappeler les obligations réglementaires auxquelles est soumis chaque fonctionnaire.
Ainsi, au cours des neuf premiers mois de l'année, près de 25 000 fonctionnaires de la sécurité publique, tous services confondus, ont participé au moins à une séance de tir à l'arme de poing et 9 000 fonctionnaires ont bénéficié d'un perfectionnement au tir à deux mains.
S'agissant des BAC, 475 fonctionnaires ont participé au stage "gestes techniques et professionnels d'intervention des brigades anti-criminalité", stage incluant l'ensemble des actes de procédure, le procès-verbal d'interpellation, la self-défense policière, les gestes techniques et professionnels d'intervention proprement dits et l'emploi des armes.
C'est donc à un programme de formation très complet qu'est soumise chacune de ces unités et je puis vous assurer, monsieur le sénateur, que le ministre de l'intérieur est très attentif à ce que cette obligation réglementaire soit respectée sur l'ensemble du territoire.
M. Alain Gournac. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Gournac.
M. Alain Gournac. Tout d'abord, je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, ainsi que M. le ministre de l'intérieur qui vous a demandé de me transmettre sa réponse.
Mais, monsieur le ministre, je n'ai jamais dit que les agents des BAC n'étaient pas formés. Je puis vous dire que les hommes que j'ai rencontrés l'étaient tout à fait ! J'ai d'ailleurs rendu hommage, et je le fais encore, à la BAC : dans les Yvelines, elle est tout à fait efficace.
Au demeurant, entre la théorie et la pratique, il y a une grande marge et je trouve étonnant, je le répète, qu'au moment où les problèmes de sécurité font l'objet de l'inquiétude unanime, au dixième mois de l'année, les agents chargés de cette sécurité n'aient eu qu'une seule séance de tir.
Vous me direz à nouveau qu'ils doivent en avoir trois. Mais, à la fin de la nuit, alors qu'on prenait un café, le responsable m'a avoué : « On veut bien organiser ces séances, mais on n'a pas d'argent pour les munitions. » (M. le secrétaire d'Etat fait un signe de dénégation.) Vous pouvez hocher la tête, monsieur le secrétaire d'Etat, mais c'est ce qu'il m'a dit et, n'étant pas spécialiste de ces questions - je m'intéresse avant tout aux affaires sociales -, je ne peux que m'en remettre aux propos d'un professionnel.
Vous me voyez donc tout à fait étonné. Et je puis vous dire que, ça remue ! dans la ville où j'étais cette nuit-là, J'ai pu le constater moi-même.
Par conséquent, je souhaiterais que M. le ministre de l'intérieur examine la situation, donne des instructions et veille à ce que ces dernières soient respectées.

DÉGRADATION DES ROUTES COMMUNALES
SUITE À L'EXPLOITATION DES CHABLIS

M. le président. La parole est à M. Peyronnet, auteur de la question n° 1165, adressée à M. le ministre de l'intérieur.
M. Jean-Claude Peyronnet. Monsieur le secrétaire d'Etat, je souhaitais attirer l'attention de M. le ministre de l'intérieur, et plus généralement du Gouvernement, sur les suites de la tempête de 1999 concernant les dégats routiers, en particulier dans les communes.
Je ne rappellerai pas les événements que chacun a bien en tête : nombre de régions ont été gravement atteintes par cette tempête.
Avec beaucoup d'autres, j'avais alors attiré l'attention du Gouvernement sur le fait que les conséquences de cette tempête ne seraient pas toutes immédiates et que les forêts, notamment, en subiraient les effets à long terme. Ainsi, les dégâts qui affectent les voies d'accès aux forêts vont se faire sentir encore longtemps : il faudra encore au moins deux ans de débardage intensif pour parvenir à ôter tous ces chablis qui encombrent encore trop largement nos forêts.
Or les expertises ont relevé des dégradations très importantes dans la structure des chaussées communales, souvent très peu épaisses ; les maires sont donc très inquiets.
Certes, diverses dispositions du code de la voirie routière leur permettent d'agir contre les exploitants et surtout contre les transporteurs. Ils peuvent intenter des actions en responsabilités à leur encontre, ils peuvent même interdire l'utilisation de la voirie communale. Cependant, outre que cela n'aurait pas forcément de bons effets sur le plan économique, les maires de petites communes sont mal armés pour engager des opérations contentieuses face à des entreprises souvent très puissantes.
Ces communes ont donc sollicité des aides pour remettre en état leur voirie et réclament des subventions de l'Etat.
Or les dispositifs financiers en vigueur ne sont pas à la hauteur des enjeux. Ainsi, dans mon département, il n'est pratiquement possible d'obtenir que des fonds européens à hauteur de 25 %, et encore la caisse n'est pas sans fond... Les communes se tournent donc vers d'autres collectivités, vers les conseils généraux en particulier, qui consentent un très gros effort : dans mon département, le conseil général est allé jusqu'à accorder une subvention de 50 %. Néanmoins, vu l'ampleur des dégâts et après un décompte rapide, on s'aperçoit que - toujours pour mon département, puisque j'ai pris cet exemple - plusieurs budgets routiers seraient nécessaires pour remettre en état la seule voirie communale.
Je me tourne donc vers vous, monsieur le secrétaire d'Etat, qui, à plusieurs reprises, avez déclaré que le Gouvernement devait être attentif à ces effets à long terme et prévoir les moyens d'y porter remède : il serait souhaitable que le Gouvernement mette en oeuvre des dispositifs de soutien en faveur des communes pour leur permettre de concilier l'exploitation du massif forestier, qui est indispensable, et la sauvegarde de la voirie, qui est tout aussi nécessaire.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat à l'outre-mer. Monsieur le sénateur, les tempêtes de décembre 1999 ont causé, il est vrai, d'importants dégâts directs ou indirects au patrimoine des collectivités locales. A ce titre, je le rappelle, le Gouvernement a mis en place, un mois seulement après le passage des tempêtes, des mesures d'ampleur pour venir en aide aux activités sinistrées. Un milliard de francs de crédits ont ainsi été attribués aux collectivités des départements concernés.
A ces subventions accordées aux collectivités locales pour la réparation de leurs équipements endommagés par ces intempéries, il convient d'ajouter les crédits mis en place pour venir spécifiquement en aide aux communes forestières qui ont perdu, avec le passage des tempêtes, des ressources essentielles à leur fonctionnement : un montant de 200 millions de francs a été ouvert à ce titre pour les années 2000 et 2001.
Par ailleurs, une mission interministérielle a été mandatée pour examiner les solutions à mettre en place de manière plus pérenne pour ces collectivités. Nous serons tous, bien entendu, très attentifs aux conclusions prochaines de cette mission.
Le Gouvernement a donc débloqué des moyens importants pour soutenir les collectivités locales meurtries par ces tempêtes. Il a, en outre, à cette occasion, considérablement assoupli les critères habituels d'éligibilité aux subventions exceptionnelles allouées pour la réparation des dégâts causés par les catastgrophes naturelles. Ces crédits sont évidemment utilisables pour toutes les dépenses des collectivités, et celles-ci ne manquent pas d'y faire appel.
Pour en venir, plus précisément, à votre question sur la réparation des routes communales endommagées, à la suite des tempêtes, par le passage d'engins d'exploitation des chablis, un recensement opéré en début d'année 2001, soit plus d'un an après le passage des tempêtes, a fait apparaître que l'ampleur de ces dégâts pouvait être particulièrement importante dans certaines communes, voire dans certains départements. Il semble qu'un certain nombre de communes de la Haute-Vienne se trouvent malheureusement dans cette situation.
La réparation des routes communales endommagées par le passage des engins de débardage peut être assurée avec le soutien des fonds européens, avec celui des collectiviés départementales ou régionales, mais aussi, lorsqu'il s'agit de travaux d'investissements, dans le cadre des subventions de la dotation globale d'équipement des communes.
En général, ces subventions de la DGE n'étaient pas affectées à des travaux de voirie. L'assouplissement des critères le permet désormais. Il reste, je vous l'accorde, que les enveloppes ne sont pas toujours à la hauteur des chantiers.
En outre, à la suite du rapport des inspections générales des finances, de l'agriculture et de l'administration du ministère de l'intérieur, le Gouvernement met actuellement à l'étude des possibilités de mettre en place ou de prolonger les aides de toute nature au bénéfice des communes qui se trouvent durablement en difficulté.
Ainsi, vous le voyez, monsieur le sénateur, au-delà de l'effort important qui a été consenti immédiatement après les tempêtes, au-delà de l'état des lieux auquel il a été procédé un an après, d'autres dispositifs de travail interministériel sont actuellement à l'oeuvre pour soutenir les communes qui ont été le plus durement frappées par cet événement climatique et qui doivent encore aujourd'hui remédier à ses conséquences.
M. Jean-Claude Peyronnet. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. Monsieur le secrétaire d'Etat, la fin de votre réponse ne peut que susciter des espoirs, dans l'attente des résultats des missions interministérielles que vous avez évoquées.
Cela dit, je ne conteste pas du tout l'effort qui a été fait par le Gouvernement, bien au contraire : je considère qu'il a été massif et que la mise en place des moyens a été rapide. Le problème tient surtout à la durée, très étalée, des travaux à effectuer et donc de l'aide à apporter.
Je ne suis d'ailleurs pas sûr qu'il faille réparer les routes dès à présent : mieux vaut attendre que le débardage soit complètement achevé, probablement dans deux ans. Dans une commune que je connais bien, ce sont 77 kilomètres de routes et 25 kilomètres de desserte forestière qui sont concernés par les réparations, le montant des travaux étant estimé à 10 millions de francs par la DDE. Bien sûr, cela dépasse largement les possibilités financières de la commune, même avec une subvention de 50 % du conseil général ; et beaucoup d'autres communes du département doivent être également aidées.
Quant à la DGE, vous le savez, pour des raisons diverses, notamment la disparition de la première part, elle n'est pas extensible. Au demeurant, est-ce bien son objet actuellement ? En effet, il ne s'agit pas d'entretien courant : ce sont les conséquences d'un événement exceptionnel.
Nous disposons, en France, d'un réseau routier secondaire qui est tout à fait exceptionnel. Il serait vraiment dommage de le laisser se dégrader, que ce soit en Haute-Vienne ou dans d'autres départements. C'est pourquoi, monsieur le secrétaire d'Etat, je serai très attentif à l'évolution de ce dossier dans les mois et même les années à venir.

VALEURS LIMITES D'EXPOSITION
PROFESSIONNELLE

M. le président. La parole est à Mme Beaudeau, auteur de la question n° 1161, adressée à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Quatre arrêts de la plus haute importance ont été rendus, le 18 octobre dernier, par la cour administrative d'appel de Marseille. En condamnant l'Etat, ils nous rappellent à quel point une meilleure prise en compte de la santé au travail passe non seulement par une bonne prise en charge humaine, médicale, financière, judiciaire des accidents du travail et des maladies professionnelles mais aussi par l'élaboration d'une vraie politique de prévention, fondée sur des critères réalistes et prenant en compte le principe de précaution.
Où en est-on un quart de siècle après le décret de 1977 concernant les seuils d'exposition à l'amiante et dont la cour de Marseille a jugé qu'ils étaient largement insuffisants pour obtenir une protection adéquate de la santé des salariés exposés à l'amiante ?
Pour prévenir l'apparition de pathologies d'origine professionnelle dues à l'exposition des salariés à des substances dangereuses, ont été définis des niveaux de concentration dans l'atmosphère à ne pas dépasser. Ce sont les valeurs d'exposition professionnelle, fixées par le ministère chargé du travail, quelques valeurs étant aussi recommandées par la caisse nationale d'assurance maladie. Pour environ 400 produits chimiques, elles sont indicatives ; pour quelques autres, tels l'amiante, le benzène ou encore le plomb, elles sont contraignantes.
Il existe en France, je le rappelle, deux types de valeurs.
Les valeurs limites d'exposition, ou VLE, sont des valeurs plafonds mesurées pour une durée maximale de quinze minutes. Leur respect vise à prévenir les risques d'effets toxiques immédiats ou à court terme.
Les valeurs moyennes d'exposition, ou VME, quant à elles, mesurées ou estimées sur la durée d'un poste de travail de huit heures, sont destinées à protéger les travailleurs des effets à long terme. La VME peut être dépassée sur de courtes périodes, à condition de ne pas dépasser la VLE, lorsqu'elle existe.
La mise en place d'une VME repose sur un préalable important : la définition d'un risque acceptable. Or un risque peut-il être acceptable lorsqu'il inclut, par exemple, le possible développement de pathologies particulièrement graves, comme des cancers ?
Ces valeurs semblent actuellement inefficaces au regard d'une réelle protection de la santé des salariés. On peut penser, en effet, que le respect de ces valeurs limites n'implique pas l'absence de risque, et cela pour plusieurs raisons.
Les risques liés à la pénétration d'un produit par voie cutanée ne sont pas pris en compte, la seule voie d'entrée par inhalation étant retenue dans le calcul.
De plus, ces valeurs ne sont valables que pour un produit unique et pur. Or les situations de travail révèlent souvent la présence de produits dilués et mélangés.
Les conditions réelles d'exposition, qui jouent évidemment un rôle primordial, ne sont pas non plus prises en compte dans le protocole de calcul de ces valeurs.
Pis, les employeurs considèrent ces valeurs comme de simples limites, alors qu'elles doivent être envisagées comme des seuils à ne surtout pas atteindre et dont la proximité doit alerter l'employeur et ses salariés.
Enfin et surtout, ces valeurs ne sont que rarement contraignantes. Or ce sont de précieux outils de prévention et de gestion des riques, portant sur des substances particulièrement pathogènes et dangereuses.
Par conséquent, je souhaite connaître les mesures qui ont été décidées pour définir de nouvelles VME et VLE. Une révision plus régulière de celles qui existent est-elle envisagée et, le cas échéant, selon quelles modalités de calcul, concernant quels produits, dans quels délais ?
Quelles mesures ont été prises pour que le protocole d'élaboration de ces valeurs soit modifié ? Aujourd'hui, il ne correspond pas aux degrés et aux modes d'exposition réels des salariés.
Quelles mesures ont été prises pour augmenter le nombre et le caractère contraignant des VME et des VLE ?
Des centaines de milliers de salariés sont concernés par cette question. Ils déplorent à juste titre que l'instrument de contrôle et de protection des risques que devraient constituer ces valeurs ne soit pas utilisé systématiquement et pleinement dans ce sens.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle. Madame la sénatrice, le Gouvernement veille avec beaucoup d'attention à la prévention des risques sanitaires sur les lieux de travail et s'assure que les décisions prises s'appuient sur des analyses scientifiques, établies en toute indépendance. Cette démarche a été appliquée en particulier pour la définition des valeurs limites d'exposition professionnelle, lors de leur actualisation en 2001, conformément aux orientations présentées au Conseil supérieur de prévention des risques professionnels.
Un décret portant sur les agents chimiques dangereux viendra compléter, avant la fin de l'année, la réglementation sur les valeurs limites contraignantes pour les substances susceptibles d'avoir un effet néfaste sur la santé. Les valeurs limites pour lesquelles il existe une méthode de mesure validée seront contraignantes et fixées par décret. Quant aux valeurs limites qui peuvent plus difficilement être mesurées de manière fiable, elles seront indicatives et fixées par arrêté.
Ces valeurs viendront compléter les neuf valeurs limites contraignantes existantes et remplaceront les 500 valeurs limites actuellement définies par simple circulaire.
Afin d'établir clairement les bases scientifiques et techniques sur lesquelles l'administration, après consultation des partenaires sociaux, établira les valeurs limites, deux groupes d'experts indépendants ont été mis en place par le ministère : le premier examine les effets sur la santé des substances, selon la valeur d'exposition ; le second examine les méthodes de mesure existantes et rassemblera les données d'exposition constatées.
Je précise que tous les modes de contamination possibles - par la peau, par ingestion ou par inhalation - seront pris en compte.
Par ailleurs, je rappelle que, selon la loi de modernisation sociale, l'inspection du travail peut faire cesser une activité en cas de dépassement réitéré d'une valeur limite d'exposition professionnelle.
Enfin, je tiens à souligner que le respect des valeurs limites, s'il est nécessaire, ne suffit pas. En particulier, le décret du 2 février 2001, qui renforce considérablement la protection contre les agents cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction, impose la substitution par des agents non ou moins dangereux, dès que cela est techniquement réalisable, et oblige à réduire l'exposition au niveau le plus bas possible, en dessous des valeurs limites.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Madame la secrétaire d'Etat, je vous remercie de votre réponse. J'ai bien noté que des textes réglementaires étaient en préparation. Nous serons très attentifs à leur contenu - mais je veux croire qu'il a été négocié avec les partenaires sociaux - et nous espérons que leur publication est imminente.
En ce qui concerne le décret du 2 février 2001, il est vivement contesté, en particulier par les médecins du travail. J'ai d'ailleurs pris l'initiative d'une proposition tendant à son abrogation et à l'élaboration d'un nouveau texte.
Il est très important que ces valeurs limites et moyennes d'exposition soient revues. On essaie généralement de maintenir un niveau inférieur au tiers de la VME. Mais le fait de rester au-dessous du tiers de cette valeur ne met pas à l'abri de pics d'exposition brefs et éventuellement répétés. Or les conséquences à long terme de ces pics ne sont pas connues. On peut craindre, en particulier, que ceux-ci ne favorisent le développement de cancers : pensez à l'amiante.
Je rappelle d'ailleurs que les arrêts de la cour administrative d'appel de Marseille font suite à des plaintes déposées non pas par les victimes elles-mêmes mais par leurs ayants droit, car les salariés qui ont subi l'exposition il y a une vingtaine ou une trentaine d'années sont aujourd'hui décédés.
La question du respect des VME et des VLE pose aussi celle du contrôle des expositions subies par ces salariés. Dès lors, si l'on ne se décide pas à augmenter le nombre de médecins et d'inspecteurs du travail, de même que le nombre d'épidémiologistes, et si l'on ne donne pas à ces acteurs de premier plan des pouvoirs renforcés et des moyens de contrainte plus forts, les VME et les VLE resteront inutiles ; elles ne joueront pas véritablement leur rôle dans la politique de prévention des risques pour la santé liés au travail.

DIFFICULTÉS DES HANDICAPÉS

M. le président. La parole est à M. Mouly, auteur de la question n° 1168, adressée à Mme le ministre délégué à la famille, à l'enfance et aux personnes handicapées.
M. Georges Mouly. Monsieur le président, je n'ai pas encore eu l'occasion de vous féliciter de votre élection à la vice-présidence de notre assemblée. Permettez-moi de le faire très sincèrement et bien cordialement.
En vous interrogeant, madame la secrétaire d'Etat, mon intention n'est pas d'aborder ici l'ensemble des problèmes que connaissent les personnes handicapées - en faveur desquelles il faut bien reconnaître que beaucoup a été fait, et par tous les gouvernements, depuis des années - mais de limiter ma question à trois aspects les concernant, car ils me paraissent revêtir une certaine importance : l'intégration en milieu scolaire, l'insertion professionnelle et la récupération sur succession.
L'intégration scolaire détermine bien évidemment pour une part essentielle l'avenir des enfants handicapés. Or, malgré la mise en oeuvre du dispositif Handiscol, qu'il convient de saluer, cette intégration paraît toujours poser problème.
Les lois d'orientation de 1975 et de 1989 ont consacré le droit des enfants handicapés - quel que soit le degré de leur handicap - à poursuivre une scolarité en milieu ordinaire, ce qui constitue, chacun en convient, la meilleure solution chaque fois que possible, du moins idéalement.
Mais, si la résolution affichée est ambitieuse, les résultats sont loin d'être à la hauteur : faiblesse des moyens mis en oeuvre, manque d'enseignants ayant reçu une formation et relative réticence, compréhensible dans ces conditions, de certains chefs d'établissement à accueillir des enfants handicapés.
Cette situation est vécue difficilement par les familles. Comment pourrait-il en être autrement ?
L'insertion professionnelle est le deuxième volet de ma réflexion.
Chacun le sait, il est extrêmement difficile à un jeune handicapé de trouver un emploi sur le marché du travail, comme l'a souligné, au mois de mars dernier, le Conseil économique et social dans son rapport Famille et insertion économique et sociale des adultes de dix-huit à vingt-cinq ans, en préconisant de procéder à une évaluation et à un réexamen de l'ensemble des mécanismes en vigueur.
Pourtant, dans le nouveau dispositif PARE, et malgré l'enveloppe accordée par le Gouvernement pour la mise en oeuvre du programme d'aide personnalisée pour un nouveau départ, certaines structures locales « cap-emploi » sont privées des moyens d'assurer un accompagnement individualisé.
L'association pour la gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des handicapés, l'AGEFIPH, répartit très inégalement les moyens sur le territoire. Or, aujourd'hui, le nombre des personnes handicapées demandeurs d'emploi ne cesse d'augmenter, pour atteindre environ 250 000.
J'ajoute enfin que, en ce qui concerne le secteur public, l'Etat, en n'embauchant pas les 6 % d'agents handicapés préconisés, ne donne pas le bon exemple. Ainsi, pour l'année 1999, dernière statistique connue, 279 agents ont été embauchés au titre des emplois réservés.
M. Sapin, que j'avais interrogé à ce sujet, m'a fait part des efforts engagés pour tendre vers l'objectif légal. Aussi, je me permets de renouveler l'une des suggestions que j'avais alors faites : ne pourrait-on pas envisager d'inciter financièrement les collectivités territoriales qui recrutent des travailleurs handicapés ?
Le dernier volet de ma question concerne le problème posé par la récupération sur succession : obligation est faite aux personnes handicapées, en application de l'article 146 du code de la famille et de l'aide sociale, de restituer l'aide sociale qu'elles ont perçue au titre de l'hébergement en foyer dès lors qu'elles bénéficient de tout ou partie de l'héritage ou d'une donation de leurs parents.
Il est évident, madame la secrétaire d'Etat, que, lorsque des parents ont un enfant handicapé, ils se soucient avant tout de préserver son avenir financier et matériel. Il est difficile d'admettre que cet effort, légitime, soit réduit à néant !
Ne serait-il pas plus convenable d'envisager la suppression de cette récupération pour les handicapés, comme elle l'est à présent - depuis le vote de la loi de modernisation sociale - pour les futurs bénéficiaires de l'allocation compensatrice pour tierce personne ?
J'ai limité mon intervention à ces trois aspects, mais les problèmes en suspens demeurent trop nombreux pour une population confrontée à des difficultés de logement ou de transport.
Si le « droit à compensation » a bien été reconnu officiellement à l'occasion de la manifestation du 25 mai 1999 par la ministre de l'emploi et de la solidarité et décliné par le Premier ministre lors de la présentation du plan pluriannuel 2000-2003, force est de constater que, dans la réalité quotidienne des personnes handicapées, des difficultés demeurent dans la mesure où deux notions essentielles, selon moi, ne sont pas assurées concrètement : d'une part, des droits garantis jusqu'à la fin de leurs jours et, d'autre part, des revenus individuels décents.
Voilà qui plaide une nouvelle fois en faveur de la nécessité de mettre en place une véritable loi-programme en faveur des personnes handicapées.
C'est dans ce contexte que je me permets de vous demander, madame la secrétaire d'Etat, quelles mesures peuvent être envisagées pour poursuivre et accentuer les efforts en faveur des personnes handicapées sur les trois points mentionnés : l'intégration scolaire en milieu ordinaire, l'insertion professionnelle et la récupération sur succession.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle. Monsieur le sénateur, votre question concerne les personnes handicapées.
Comme vous le savez, Mme Ségolène Royal, ministre déléguée à la famille, à l'enfance et aux personnes handicapées, a présenté en conseil des ministres, le 18 juillet dernier, un important plan d'action. Sa mise en oeuvre est en cours, ce qui me permet de répondre aux trois points que vous soulevez.
Concernant l'intégration scolaire, la ministre déléguée aux personnes handicapées a décidé, avec le ministre de l'éducation nationale, de relancer le plan Handiscol, auquel vous faisiez vous-même allusion il y a un instant, monsieur Mouly, destiné à améliorer la scolarisation en milieu ordinaire des enfants et des adolescents handicapés.
Trois mesures ont notamment été prises : un dispositif spécifique d'accueil et d'accompagnement des familles a été mis en place dans chaque département au moment de la rentrée scolaire ; parallèlement, la création lors de cette même rentrée de plus de mille emplois d'auxiliaires de vie pour l'intégration scolaire a permis d'amorcer la généralisation de ces services, qui ont démontré leur utilité pour l'accompagnement des enfants les plus handicapés ; de plus, un effort particulier sera accompli dans le domaine de la formation initiale et continue des maîtres du primaire et du secondaire afin qu'ils soient mieux préparés à l'accueil de ces élèves.
La deuxième partie de votre question portait sur l'insertion professionnelle.
Le plan du 18 juillet comporte également des mesures destinées à améliorer l'insertion professionnelle des personnes handicapées.
Ainsi, la généralisation des aides au maintien dans leur emploi des personnes devenues handicapées à la suite d'un accident ou d'une maladie est maintenant effective.
Par ailleurs, en ce qui concerne la mobilisation des administrations, un protocole a été signé le 9 octobre dernier entre le Gouvernement et les organisations syndicales. Ce texte permettra, dès 2002, d'augmenter le nombre de fonctionnaires handicapés grâce à un plan triennal de recrutement. Nous espérons que cet accord aura un effet d'entraînement dans les autres fonctions publiques ainsi que dans le secteur privé.
Enfin, une réforme en cours du fonctionnement des COTOREP, les commissions techniques d'orientation et de reclassement professionnel, facilitera l'accès au travail ordinaire des personnes handicapées.
La question de la récupération sur succession fait actuellement l'objet d'un examen attentif, car des demandes ont été formulées par les associations représentatives des personnes handicapées pour que le dispositif prévu en la matière soit revu.
D'ores et déjà, le projet de loi de modernisation sociale, en cours de discussion au Parlement, comporte une mesure en direction des personnes handicapées vivant à leur domicile afin de les dispenser, dans certaines conditions, du reversement de l'allocation compensatrice pour tierce personne.
Nous nous félicitons, bien évidemment, de l'adoption de cette disposition, en attendant que la récupération sur succession fasse l'objet d'autres mesures.
M. Georges Mouly. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Mouly.
M. Georges Mouly. La situation des handicapés exige et exigera qu'il soit toujours fait plus en leur faveur, mais j'ai tenu à souligner dans mon intervention les efforts qui ont été réalisés, et ce par tous les gouvernements.
Je vous remercie, madame la secrétaire d'Etat, de la réponse concrète et circonstanciée que vous avez apportée à mes trois questions. Je souhaite simplement que toutes les mesures annoncées au cours du conseil des ministres du 18 juillet soient mises en oeuvre dans les meilleures conditions, et le plus rapidement possible, même si j'ai bien noté que certaines des dispositions alors prises sont déjà appliquées.

VIOLENCE DANS LES STADES
ET LES MANIFESTATIONS SPORTIVES

M. le président. La parole est à M. Carle, auteur de la question n° 1170, adressée à Mme le ministre de la jeunesse et des sports.
M. Jean-Claude Carle. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je souhaitais sensibiliser Mme la ministre de la jeunesse et des sports sur la recrudescence de la violence dans les stades et lors de manifestations sportives.
Mon propos vise non pas tant la violence survenant lors d'une compétition que les actes de vandalisme et les agressions perpétrés par une minorité de jeunes extérieurs aux associations sportives.
Ces agissements, qui se nourrissent d'un sentiment d'impunité, ont fait naître une insécurité latente qui affecte la vie associative locale et décourage le bénévolat. De fait, 91 % des mineurs auteurs de délits peu graves et 85 % de ceux qui commettent des délits graves n'ont jamais été détectés par la police.
Ces agissements ne sont malheureusement pas le propre des banlieues et des grandes cités urbaines. Dans le département de Haute-Savoie, dont je suis l'élu, des difficultés croissantes se font jour pour organiser les rencontres sportives dominicales ou, plus simplement, les entraînements et les cours d'initiation : il ne se passe pas une semaine sans qu'un maire ou un dirigeant sportif ne nous alerte.
On peut citer, parmi d'autres exemples, les clubs et associations sportives de Marnaz, petite commune de 5 000 habitants située dans un périmètre urbain couvert par un contrat de ville. En dépit de la présence renforcée de la gendarmerie et des pompiers, chaque week-end est le théâtre d'incidents en tous genres, qui se soldent chaque fois par des dégradations matérielles coûteuses pour les clubs locaux et par un climat d'insécurité peu propice à une pratique saine du sport.
Ces actes de violence sont inadmissibles, car ils constituent non seulement des infractions aux lois mais aussi une atteinte aux valeurs et à l'éthique sportives.
Certes, Mme la ministre de la jeunesse et des sports a pris l'initiative d'un renforcement de l'arsenal législatif, en particulier avec la loi du 6 mars 1998, qui permet que les individus utilisant le sport pour manifester leur violence et leur rejet des autres soient condamnés par la justice et interdits d'accès aux stades, ou encore avec la commission nationale de prévention et de lutte contre la violence dans le sport, créée conjointement avec le ministère de l'intérieur.
Il n'empêche : ces mesures visent avant tout la violence dans le sport ; or le problème dont il est question ici a d'abord trait à la violence autour du sport, les activités sportives devenant à la fois le prétexte et l'objet de manifestations de violence.
Devant un tel phénomène, tant les dirigeants associatifs que les élus locaux s'avouent désarmés. Dans le cas de la commune de Marnaz, l'effort de prévention est déjà en cours, mais il ne suffit pas. Aujourd'hui, c'est du soutien des pouvoirs publics dans le domaine de la sanction et de la réparation qu'ils ont besoin.
C'est pourquoi je vous demande, madame la secrétaire d'Etat, quelles mesures le Gouvernement entend prendre dans ce domaine pour appuyer les collectivités locales et les associations dans leur mission, et permettre ainsi au sport de demeurer un vecteur d'intégration et d'épanouissement.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle. Monsieur le sénateur, vous voudrez bien excuser Mme Marie-George Buffet qui est, en ce moment même, auditionnée par la commission des affaires sociales et culturelles de l'Assemblée nationale sur le projet de budget de son ministère pour 2002.
Elle m'a demandé de vous apporter les éléments de réponses suivants.
Monsieur le sénateur, le sport est autant un vecteur d'intégration que d'épanouissement. Tous les actes de violence perpétrés dans les stades, autour des stades ou à propos de manifestations sportives sont des atteintes inacceptables aux valeurs et à l'éthique sportives.
Convaincu de la nécessité de lutter contre cette violence, le Parlement, sur l'iniative du ministère de la jeunesse et des sports, a voté la loi du 6 mars 1998. Je tenais à le rappeler.
Toutefois, les mesures de prévention et d'information doivent être privilégiées.
La première expérience de prévention et de lutte contre la violence a été menée en 1999, en Seine-Saint-Denis. L'action conduite a permis de constater, au terme d'une période de deux ans, une diminution de plus de 40 % des incidents.
Ainsi, à ce jour, en collaboration étroite avec le ministère de l'intérieur, le ministère de la jeunesse et des sports a mis en place, dans vingt-six départements, un dispositif spécifique.
Ces actes de violence ne sont pas le propre des grandes cités urbaines. Les départements aujourd'hui concernés sont aussi des départements ruraux. Le dispositif se décline à l'échelle nationale, ainsi que sur le plan régional et départemental.
Chacune de ces commissions travaille sur des objectifs opérationnels visant à prévenir et à résorber les actes de violence.
A l'automne 2001, une grande campagne de communication a été lancée et les premiers contrats locaux de sécurité dans le sport ont été mis en place.
Dans le courant du mois de décembre, des mallettes « Prévention de la violence dans le sport - mode d'emploi » seront largement adressées aux associations sportives.
L'année 2002 sera celle de la mise en place de ce dispositif de prévention sur le terrain par les associations, qui seront soutenues financièrement. Les résultats seront évalués pour le conforter ou l'infléchir.
M. Jean-Claude Carle. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Carle.
M. Jean-Claude Carle. Madame la secrétaire d'Etat, je vous remercie des précisions que vous venez d'apporter au nom de Mme la ministre de la jeunesse et des sports.
Je ne doute pas de sa bonne volonté et je sais son souci de faire du sport un vecteur d'intégration et d'épanouissement. Je relève cependant qu'aujourd'hui, si la volonté est sans doute nécessaire, elle n'est pas suffisante.
Chacun sait en effet que ces actes d'incivilité sont liés au sentiment d'impunité des jeunes, des mineurs qui commettent ces délits. Ils savent très bien que, dans 90 % des cas, ils ne seront pas poursuivis, qu'il n'y aura pas de sanctions, d'où l'inévitable escalade de la violence verbale qui dégénère en violence sur les personnes et sur les biens, et qui décourage les bénévoles.
C'était encore le cas ce week-end dans la commune de Marnaz que j'ai citée en exemple, puisqu'un éducateur a dû démissionner. En effet, alors qu'il enseignait l'éducation physique, sa voiture a été saccagée par une bande de jeunes. Il a démissionné également car il a peur des représailles vis-à-vis de ses enfants.
Bien sûr, ces comportements relèvent, d'abord, de la responsabilié de la famille, mais ils découlent aussi de la faiblesse de la réponse institutionnelle. L'espace public est peut être devenu trop impersonnel et l'anonymat favorise les délits. Ce sont donc des mesures de sanction et de répression qu'il faut mettre en place.
La prévention et l'information sont bien sûr nécessaires, mais il convient aussi de sanctionner si nous voulons que le sport reste réellement un vecteur d'intégration, d'épanouissement et de dépassement de soi-même.

RESTITUTION DES RESTES DE SAARTJIE BAARTMAN

M. le président. La parole est à M. About, auteur de la question n° 1149, adressée à Mme le ministre de la culture et de la communication.
M. Nicolas About. Ma question aurait pu s'adresser à Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes, mais, naturellement, je suis obligé de l'adresser à Mme la ministre de la culture et de la communication.
Monsieur le secrétaire d'Etat, connaissez-vous l'histoire pathétique de Saartjie Baartman, plus connue sous le nom de « Vénus hottentote » ? Pour ma part, je me souviens avoir, enfant, plusieurs fois visité le musée de l'Homme, à Paris, où l'on exposait alors le corps empaillé de cette femme aux formes généreuses.
Originaire d'une ethnie sud-africaine, elle fut convaincue, un jour - c'était au début du xixe siècle - par un Anglais de quitter son pays natal, pour rejoindre l'Europe.
A son arrivée à Londres, le rêve se transforma rapidement en cauchemar : elle fut exhibée comme une bête de foire, puis servit d'objet sexuel lors de soirées privées, avant de sombrer finalement dans la prostitution. Elle termina sa courte existence à Paris, où elle devint un objet de curiosité scientifique.
Son corps fut disséqué, son cerveau et ses organes conservés dans le formol, et son squelette exposé au musée de l'Homme, tel un vulgaire trophée ramené d'Afrique.
Il est stupéfiant de penser que cette sordide exhibition a duré en France jusqu'en 1974 ! Aujourd'hui, les restes de cette femme pourrissent dans une remise du musée de l'Homme.
Longtemps présentée en Europe comme un exemple de l'infériorité africaine, Saartjie Baartman est devenue, dans son pays, le symbole de l'exploitation et de l'humiliation vécues par les ethnies sud-africaines, pendant la douloureuse période de la colonisation.
Depuis plusieurs années, le gouvernement sud-africain réclame à la France la restitution des restes de cette femme, afin qu'elle puisse recevoir les honneurs de son peuple, et reposer en paix, dans une sépulture décente. Le retour de la « Vénus hottentote » en Afrique du Sud serait vécu, monsieur le secrétaire d'Etat, comme le symbole de la dignité retrouvée d'un peuple à laquelle, je le sais, vous ne pouvez que souscrire.
Quand comptez-vous mettre fin aux tergiversations de la France sur cette légitime restitution, monsieur le secrétaire d'Etat ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Michel Duffour, secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle. Cette réponse a été élaborée en concertation avec le ministère de l'éducation nationale ; qui est compétent sur ce dossier, monsieur le sénateur.
Comme vous le savez, miss Baartman a été conduite en France où elle a été accueillie par des chercheurs français, en particulier par Henri de Blainville et par le baron Cuvier. Gravement malade, elle est décédée en 1815.
A sa mort, ainsi qu'il était de coutume pour les personnalités illustres ou remarquables, un moulage complet de son corps a été effectué, et son squelette a été conservé.
La France n'a été responsable d'aucun préjudice et d'aucune humiliation à l'encontre de miss Saartjie Baartman qui, bien au contraire, durant son court séjour sur notre territoire, a été soignée et prise en considération.
Les restes de miss Saartjie Baartman sont conservés d'une façon correcte et digne, comme tous les restes humains qui sont gardés dans les réserves du Museum national d'histoire naturelle. Leur accès est strictement réservé aux chercheurs et personnalités autorisés par le directeur du Museum, sur recommandation de l'ambassadeur de la république d'Afrique du Sud.
Ces pièces font partie des collections nationales, lesquelles, selon la loi française, sont inaliénables. Le directeur du Museum national d'histoire naturelle a la charge d'assurer la conservation et l'intégrité des collections, qui constituent le patrimoine de l'humanité.
Elles forment un ensemble scientifique à la disposition des chercheurs de la collectivité internationale tout entière.
Aujourd'hui, comme vous l'avez dit, des représentants de l'Afrique du Sud ont demandé le retour des restes de miss Saartjie Baartman conservés au Museum national d'histoire naturelle. Cette demande - au demeurant tout à fait compréhensible - vous l'avez fort bien dit, appelle néanmoins de notre part une réflexion globale car si son squelette devait être transféré au Cap, une loi du Parlement français devrait être votée pour permettre son rapatriement à titre exceptionnel.
De toute façon, nous pensons qu'en aucune manière la France ne peut être considérée comme responsable du sort indigne qui a été réservé à miss Saartjie Baartman. Or un simple retour de ses restes impliquerait la seule responsabilité de notre pays, ce qui n'est pas acceptable.
Nous pensons également qu'il serait souhaitable de préparer un ouvrage, sous la direction conjointe du professeur Philip Tobias, de Johanesburg, et du professeur Henry de Lumley, directeur de l'Institut de paléontologie de Paris, qui présenterait la vie et la culture du peuple San. Cet ouvrage, publié sous le patronage de l'UNESCO, marquerait tout l'intérêt et la considération que la France porte à ce problème.
M. Nicolas About. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. About.
M. Nicolas About. Monsieur le secrétaire d'Etat, je reste un peu sans voix.
Le médecin que je suis se demande en effet quel intérêt scientifique peut présenter un corps empaillé conservé au musée de l'Homme...
Je suis par ailleurs étonné que ce soit le ministère de l'éducation nationale qui fasse transmettre ce message au Parlement français. Madame la secrétaire d'Etat aux droits des femmes, c'est une insulte faite aux femmes !
Aujourd'hui, les restes de Saartjie Baartman ne présentent aucun intérêt scientifique. Il est donc inutile de les garder sur notre territoire. Leur restitution n'impliquerait pas la reconnaissance par la France d'actes que notre pays aurait pu commettre. Comme vous l'avez très bien dit, c'est surtout l'Angleterre qui est en cause.
Il n'en demeure pas moins que c'est nous qui conservons sur notre territoire les restes de Saatjie Baartman, et dans des conditions que vous seul jugez dignes. En effet, chacun sait que les réserves de nos musées, du musée de l'Homme en particulier, ne peuvent pas être considérées comme des sépultures dignes pour un être humain.
Je le répète, Saartjie Baartman constitue un symbole, un symbole très fort ainsi que nos amis sud-africains, qu'ils soient ministres ou simples citoyens, nous l'ont confirmé.
J'informe donc le Gouvernement que je déposerai une proposition de loi permettant le retour des restes de Saartjie Baartman en Afrique du Sud.

SÉCURITÉ DANS LES TRANSPORTS PUBLICS URBAINS

M. le président. La parole est à M. Hérisson, auteur de la question n° 1151, transmise à Mme le garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Pierre Hérisson. Monsieur le secrétaire d'Etat, je souhaite appeler l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les problèmes d'insécurité rencontrés dans les lieux publics, notamment dans les transports urbains de voyageurs.
Comme chacun le sait, la sécurité est devenue l'une des priorités politiques de notre pays et nous devons - membres du Gouvernement, parlementaires et élus locaux - tout mettre en oeuvre pour l'assurer.
Cette volonté doit se traduire par des mesures concrètes en matière de police de proximité, en mobilisant des moyens humains, matériels et judiciaires et en faisant appel aux nouvelles technologies.
Les transports publics urbains sont trop souvent le lieu d'actes de délinquance, d'incivilité, de destructions, de vols et d'agressions physiques. Pour pallier ce phénomène, de plus en plus de compagnies de transport public de voyageurs sollicitent des autorisations et des financements, qui émanent souvent des collectivités locales, pour organiser une plus grande sécurité sur leurs réseaux urbains.
Dans les bus, l'usage des caméras et la présence d'agents d'ambiance constituent un outil de prévention de la délinquance. Mais qu'en est-il des suites judiciaires, concrètes et efficaces ?
Force est de constater que, d'une région à l'autre, les appréciations des acteurs de la répression judiciaire sur l'usage des caméras varient. Certains officiers de police judiciaire, même s'ils reconnaissent que les caméras apportent une aide précieuse dans la recherche et l'identification de coupables de faits délictueux, répondent aux victimes des agressions que le support vidéo ne peut leur servir pour justifier une interpellation, quand bien même les faits seraient hautement probants.
Les compagnies de transport, les collectivités locales, la population et a fortiori les victimes ne comprennent pas cette situation. Surtout, elles se demandent pourquoi on ne peut pas utiliser ce moyen.
Je demande donc au Gouvernement de bien vouloir m'apporter toutes précisions quant aux conséquences judiciaires exactes de l'utilisation des caméras de surveillance dans les transports publics, ainsi que sur la valeur juridique précise de cet outil de prévention pour la recherche et l'arrestation des coupables, jurisprudence comprise.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Michel Duffour, secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle. Monsieur le sénateur, je vous prie d'accepter les excuses de Mme la garde des sceaux, qui ne pouvait être présente ce matin et qui m'a donc chargé de vous faire part de sa réponse.
Vous appelez l'attention du Gouvernement sur l'utilisation qui peut être faite, au niveau judiciaire, des enregistrements vidéo obtenus par les caméras de surveillance, notamment celles qui sont implantées dans les véhicules de transport publics.
Les conditions d'utilisation de la vidéosurveillance ont été réglementées par la loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité du 21 janvier 1995.
Cette loi prévoit que l'installation de systèmes de vidéosurveillance peut être mise en oeuvre aux fins d'assurer la protection des bâtiments et installations publics et de leurs abords, la sauvegarde des installations utiles à la défense nationale, la régulation du trafic routier, la constatation des infractions aux règles de la circulation ou la prévention des atteintes à la sécurité des personnes et des biens dans des lieux particulièrement exposés à des risques d'agression ou de vol. Sur ce dernier point, les moyens de transports publics peuvent être valablement équipés.
Le public doit être informé de manière claire et permanente de l'existence du système de vidéosurveillance et de l'autorité ou de la personne responsable.
L'installation d'un tel système est subordonnée à une autorisation du représentant de l'Etat dans le département et du préfet de police à Paris, donnée, sauf en matière de défense nationale, après avis d'une commission départementale présidée par un magistrat du siège ou un magistrat honoraire.
L'autorisation préfectorale prescrit toutes les précautions utiles, en particulier quant à la qualité des personnes chargées de l'exploitation du système de vidéosurveillance ou visionnant les images.
Les enregistrements sont détruits dans un délai maximal fixé par l'autorisation, sauf appréhension dans le cadre d'une enquête judiciaire.
Ainsi, la loi précitée a pris en compte l'utilisation des enregistrements vidéo dans une enquête de police judiciaire. Ces éléments matériels sont effectivement de nature à constituer un élément de preuve dans des enquêtes conduites sous l'autorité des parquets, visant, par exemple, des violences ou des vols commis dans un transport public de voyageurs.
Le droit pénal ne hiérarchise pas la valeur des modes de preuve. La valeur juridique d'un enregistrement effectué dans ces conditions et sa valeur probante sont les mêmes que celles de tous les autres modes de preuves.
Au même titre qu'un témoignage ou un examen technique, la vidéo peut être le support d'une enquête judiciaire qui s'attachera à conforter, par d'autres éléments, les constatations de l'enregistrement réalisé.
Vous n'ignorez pas l'importance que Mme Lebranchu attache à ce que l'action publique menée par les parquets vise à réprimer les formes actuelles de violences urbaines. A cet égard, plusieurs circulaires ont rappelé aux magistrats du parquet les moyens à mettre en oeuvre pour lutter contre ces phénomènes, notamment celles du 23 décembre 1998, relative aux gestions des crises urbaines, et du 15 décembre 1999, concernant les réponses judiciaires aux actes de violences urbaines.
En particulier, la dernière circulaire précitée insistait sur l'intérêt d'utiliser les moyens modernes d'enquête, notamment les clichés photographiques et la vidéo.
M. Pierre Hérisson. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Hérisson.
M. Pierre Hérisson. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie des précisions que vous avez apportées concernant, en particulier, les circulaires publiées, mais vous connaissez le système : nous votons la loi et, ensuite, viennent les décrets, qui, comme leur nom l'indique, sont d'application, puis les circulaires.
Je ne sais pas si celles du 15 décembre 1999, que vous avez citée, peut faire l'objet de lectures différentes de la part des élus locaux, en particulier des maires, officiers de police judiciaire, sur le territoire de leur commune, mais tel est, en tout cas, le sentiment qu'éprouvent ceux d'une juridiction du nord du département dont notre collègue Jean-Claude Carle et moi sommes élus, la Haute-Savoie.
Ou la circulaire n'est pas arrivée jusqu'à eux, ce qui est possible, ou elle peut être interprétée d'une façon qui ne leur permet pas d'utiliser, avec l'efficacité que vous avez bien voulu vous-même souligner, les nouvelles technologies, plus particulièrement les moyens vidéos - c'est-à-dire l'image en général, qu'elle soit sous la forme de photographies ou de films - permettant de reconnaître et, surtout, de confondre un suspect à tout moment, dans une enquête judiciaire, dès lors que toutes les précautions ont été prises s'agissant de l'autorité chargée d'assurer l'exploitation des réseaux et de la fiabilité de la conservation de l'image, et dès lors que l'installation de tels systèmes est bien subordonnée à une autorisation, comme vous l'avez précisé.
Aujourd'hui, nous sommes à nouveau confrontés à des difficultés malheureusement trop connues dans notre pays, liées à l'interprétation des circulaires et à la lenteur de leur application. Cela est préjudiciable à l'image de la police, de la gendarmerie et de la justice en matière d'efficacité dans le domaine de la sécurité, mais, surtout, cela conduit à l'inefficacité dans le domaine des sanctions !

6

COMMISSION MIXTE PARITAIRE

M. le président. M. le président a reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :
« Monsieur le président,
« Conformément à l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, j'ai l'honneur de vous faire connaître que j'ai décidé de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi rénovant l'action sociale et médico-sociale.
« Je vous serais obligé de bien vouloir, en conséquence, inviter le Sénat à désigner ses représentants au sein de cette commission.
« J'adresse ce jour, à M. le président de l'Assemblée nationale, une demande tendant aux mêmes fins.
« Veuillez agréer, monsieur le président, l'assurance de ma haute considération.

« Signé : Lionel Jospin »

Il sera procédé à la nomination des représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire selon les modalités prévues par l'article 12 du règlement.

7

NOMINATION D'UN MEMBRE
D'UN ORGANISME EXTRAPARLEMENTAIRE

M. le président. Je rappelle que la commission des affaires économiques a proposé une candidature pour un organisme extraparlementaire.
La présidence n'a reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par l'article 9 du règlement.
En conséquence, cette candidature est ratifiée et je proclame M. Georges Gruillot membre du Conseil national de la sécurité routière.
L'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.
La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures trente-cinq, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de M. Christian Poncelet.)

PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET
M. le président. La séance est reprise.8

CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS

M. le président. La conférence des présidents a établi comme suit l'ordre du jour des prochaines séances du Sénat :
Mercredi 7 novembre 2001 :

Ordre du jour prioritaire

A 15 heures et le soir :
Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à la Corse (n° 340, 2000-2001).
Jeudi 8 novembre 2001 :
A 9 h 30 :

Ordre du jour prioritaire

1° Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à la Corse (n° 340, 2000-2001).
A 15 heures et, éventuellement, le soir :
2° Questions d'actualité au Gouvernement.
(L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance, avant 11 heures.)

Ordre du jour prioritaire

3° Suite de l'ordre du jour du matin.
Mardi 13 novembre 2001 :
A 9 h 30 :
1° Dix-huit questions orales (l'ordre d'appel des questions sera fixé ultérieurement) :
- n° 1086 de Mme Marie-Claude Beaudeau à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement (Conséquences de l'abandon du projet d'autoroute A 16) ;
- n° 1121 de M. Louis Souvet à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité (Indemnisation des salariés à domicile payés à la pièce, lors de la cessation d'activité de leur employeur) ;
- n° 1131 de M. Pierre Hérisson à Mme le ministre de la culture et de la communication (Conditions d'installation des cirques dans les communes) ;
- n° 1132 de M. Hubert Haenel à M. le ministre de l'intérieur (Législation régissant l'accueil des gens du voyage dans les petites communes) ;
- n° 1143 de M. Jean-Patrick Courtois transmise à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité (Pouvoirs du maire de la commune de résidence en matière de regroupement familial) ;
- n° 1155 de M. Thierry Foucaud à Mme le secrétaire d'Etat au budget (Statut des inspecteurs des affaires sanitaires et sociales) ;
- n° 1157 de M. Jean-Paul Amoudry à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (Eligibilité au fonds de compensation de la TVA) ;
- n° 1163 de M. Yves Dauge à Mme le ministre de la culture et de la communication (Code des marchés publics et conditions d'établissement des plans de sauvegarde) ;
- n° 1164 de M. Bernard Piras à M. le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement (Politique de lutte contre l'ambroisie) ;
- n° 1166 de M. Serge Vinçon à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité (Mode de calcul de la taxe annuelle sur les dispositifs médicaux perçue au profit de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé) ;
- n° 1171 de M. Jean-Pierre Raffarin à M. le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement (Difficultés des communes en matière de travaux d'assainissement) ;
- n° 1172 de M. Gilbert Barbier à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement (Tracé de la branche est du TGV Rhin-Rhône) ;
- n° 1173 de M. Bernard Cazeau à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (Manque de personnel dans les services de la direction départementale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes [DDCCRF] de la Dordogne) ;
- n° 1175 de M. Jean-Claude Peyronnet à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (TVA applicable à la restauration collective et aux repas servis aux personnes âgées) ;
- n° 1176 de M. Philippe Richert à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (Devenir de l'industrie nucléaire) ;
- n° 1177 de M. Jean-Paul Alduy à M. le ministre délégué à la ville (Exonération de cotisations sociales pour les entreprises implantées dans les zones franches urbaines) ;
- n° 1178 de M. Bernard Joly à M. le secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants (Remboursement des frais de cure thermale aux anciens combattants) ;
- n° 1180 de M. Serge Franchis à M. le ministre délégué à la santé (Evolution des soins psychiatriques).
A 16 heures et le soir :

Ordre du jour prioritaire

2° Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, adopté par l'Assemblée nationale (n° 53, 2001-2002).
(La conférence des présidents a fixé :
- au mardi 13 novembre 2001, à 16 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;
- à quatre heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le lundi 12 novembre 2001.)
Mercredi 14 novembre 2001, à 15 heures et le soir, et jeudi 15 novembre 2001, à 9 h 30, à 15 heures et, éventuellement, le soir :
- suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, adopté par l'Assemblée nationale (n° 53, 2001-2002).

Mardi 20 novembre 2001 :

Ordre du jour réservé

A 10 h 30 :
1° Deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, relative à la création d'établissements publics de coopération culturelle (n° 20, 2001-2002).
(La conférence des présidents a décidé de fixer au lundi 19 novembre 2001, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
A 16 heures et, éventuellement, le soir :
2° Suite éventuelle de l'ordre du jour du matin.
3° Conclusions de la commission des lois sur la proposition de loi organique de M. Gaston Flosse portant validation de l'impôt foncier sur les propriétés bâties en Polynésie française (n° 443, 2000-2001).
(La conférence des présidents a décidé de fixer au lundi 19 novembre 2001, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
4° Conclusions de la commission des affaires économiques sur la proposition de loi de M. Patrice Gélard et de plusieurs de ses collègues tendant à prévenir l'effondrement des cavités souterraines et des marnières et à préciser le régime juridique des biens immobiliers affectés (n° 311, 2000-2001).
(La conférence des présidents a décidé de fixer au lundi 19 novembre 2001, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)

Mercredi 21 novembre 2001 :

Ordre du jour prioritaire

A 15 heures et, éventuellement, le soir :
1° Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative à l'autorité parentale (n° 387, 2000-2001).
(La conférence des présidents a décidé :
- de fixer au mardi 20 novembre 2001, à 16 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;
- d'attribuer un temps d'intervention de dix minutes au représentant de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les femmes et les hommes.)
2° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'accès aux origines des personnes adoptées et pupilles de l'Etat (n° 352, 2000-2001).
(La conférence des présidents a décidé :
- de fixer au mardi 20 novembre 2001, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;
- d'attribuer un temps d'intervention de dix minutes au représentant de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les femmes et les hommes.)
3° Eventuellement, conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi relative aux droits du conjoint survivant et des enfants adultérins.
4° Eventuellement, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif aux chambres régionales des comptes et à la Cour des comptes.
Du jeudi 22 novembre au mardi 11 décembre 2001 :

Ordre du jour prioritaire

Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2002 (AN, n° 3262) ;
(Le calendrier et les règles de la discussion figurent en annexe.
Pour la discussion générale, la conférence des présidents a décidé :
- d'accorder un temps d'intervention de dix minutes au président de la commission des affaires sociales ;
- de fixer à quatre heures la durée globale du temps dont disposeront les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mercredi 21 novembre 2001.)
En outre :
Jeudi 22 novembre 2001, à 15 heures :
Questions d'actualité au Gouvernement.
(L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant 11 heures.)
Jeudi 29 novembre 2001, à 16 h 30 :

Ordre du jour prioritaire

Commission mixte paritaire ou nouvelle lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002.
(La conférence des présidents a décidé de fixer au mercredi 28 novembre 2001, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
Jeudi 6 décembre 2001, à 15 heures :
Questions d'actualité au Gouvernement.
(L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant 11 heures.)
Mardi 11 décembre 2001, à 15 h 15 :
Eloge funèbre de Martial Taugourdeau.
La conférence des présidents a adopté, à l'unanimité, les propositions de la commission des finances sur l'organisation et le calendrier du projet de loi de finances pour 2002. Ce calendrier sera adressé à tous les sénateurs.
Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence des présidents relatives à la tenue des séances ?...
Y a-t-il des observations sur les propositions de la conférence des présidents s'agissant de l'ordre du jour établi en application de l'article 48, troisième alinéa, de la Constitution ?...
Ces propositions sont adoptées à l'unanimité.

9

PRESTATION DE SERMENT DE JUGES
À LA HAUTE COUR DE JUSTICE ET
À LA COUR DE JUSTICE DE LA RÉPUBLIQUE

M. le président. M. Jean-Louis Carrère, juge titulaire à la Haute Cour de justice, et M. René-Georges Laurin, juge suppléant à la Cour de justice de la République, qui n'avaient pu prêter serment les 23 et 30 octobre dernier, vont être appelés à prêter devant le Sénat le serment prévu par les lois organiques.
Je vais donner lecture de la formule du serment.
Je prie MM. le juges de bien vouloir se lever lorsque leur nom sera appelé et de dire, en levant la main droite : « Je le jure. »
Voici la formule du serment : « Je jure et promets de bien et fidèlement remplir mes fonctions, de garder le secret des délibérations et des votes, et de me conduire en tout comme digne et loyal magistrat. »

(Successivement, M. Jean-Louis Carrère, juge titulaire à la Haute Cour de justice, et M. René-Georges Laurin, juge suppléant à la Cour de justice de la République, se lèvent à l'appel de leur nom et disent, en levant la main droite : « Je le jure ».)
Acte est donné par le Sénat des serments qui viennent d'être prêtés devant lui.

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CORSE

Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relatif à la Corse (n° 340, 2000-2001). [Rapport n° 49 (2001-2002).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre. ( Applaudissements sur les travées socialistes. ) M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, en se saisissant de la question corse, le Gouvernement ne s'est pas saisi d'une question simple ; elle est posée depuis longtemps, notamment depuis vingt-cinq ans, à tous les gouvernements.
Cette histoire est aussi marquée par des drames. L'assassinat du préfet Claude Erignac a bouleversé la nation. A l'émotion de tous s'ajoute pour le Gouvernement une détermination sans faille pour que ses auteurs présumés soient présentés à la justice.
M. Alain Gournac. C'est long !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. C'est déjà le cas de six d'entre eux, et ce le sera du septième. C'est un devoir impérieux pour la République.
Comme vous l'avez fait, monsieur le président, et vous, monsieur le rapporteur, avec les membres de la commission qui vous accompagnaient en Corse, je salue devant vous la mémoire de ce haut fonctionnaire.
M. le président. Monsieur le ministre, au moment où vous rendez hommage à ce haut fonctionnaire, acceptez que je demande au Sénat tout entier d'observer une minute de silence. (Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et observent une minute de silence.)
Veuillez poursuivre, monsieur le ministre.
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Je vous remercie, monsieur le président.
Il revient alors à l'Etat de proposer en Corse une perspective claire qui s'inscrive dans la durée : en un mot, une perspective démocratique, c'est-à-dire qui conjugue la prise de responsabilité et l'application sereine et déterminée de la loi.
Cette question posée à la République serait paradoxalement plus simple, voire simpliste, si elle était celle de l'indépendance. Mais ce n'est ni le projet de ce gouvernement, autant attaché que quiconque à l'unité de la nation, ni l'aspiration de l'immense majorité des corses : les Corses sont français et corses, corses et français ils veulent rester.
C'est non pas une simple référence à l'histoire ou au droit, mais bien un véritable attachement, une adhésion constamment renouvelée, le partage de valeurs communes. Leurs sacrifices passés, leur contribution au fonctionnement de nos institutions et au rayonnement de la France, devraient convaincre ceux qui en doutent. Aussi, ce gouvernement n'a d'autre ambition que de conforter ce lien, cette appartenance qui fait de la Corse un territoire de notre République. Il ne suffit pas d'en rappeler les principes, car, à s'en tenir aux mots, on transforme les principes en incantation. Il s'agit de rechercher les voies et moyens qui font de ces principes un projet collectif concret, vivant, qui mobilise les énergies de chacun de nos concitoyens.
Ce projet est par essence démocratique parce que ce sont les élections, le suffrage universel qui expriment les aspirations de la majorité. Celles-ci s'imposent à tous ; pour autant, l'expression d'une minorité, pour peu qu'elle se reconnaisse minorité, n'en est pas réduite.
En démocratie, seule l'élection permet la reconnaissance et seul le débat politique peut faire prévaloir les idées.
Je ne doute pas que nous partagions cette ambition pour la Corse. Elle est encore ambition, car il reste à faire. C'est ce que nous vous proposons d'accomplir ensemble, du moins pour ce qui nous concerne. Il restera aux Corses à faire leur part du chemin. Ils y sont prêts, du moins, encore une fois, pour l'immense majorité d'entre eux.
Alors, nous partagerons un même souci d'éviter la caricature, l'amalgame, de refuser de faire de la Corse selon l'expression forte de M. Jean-Louis Andreani, le « bouc émissaire de la République ». La fermeté des convictions s'accommode fort bien de la maîtrise des propos qui les expriment. Je ne parle pas ici de votre Haute Assemblée, dont c'est la tradition, mais j'ai en mémoire des paroles excessives, parfois injurieuses, entendues ailleurs, et qui ne servent ni les intérêts de la Corse ni ceux de la République.
Ces paroles ont blessé, en Corse et au-delà - je pense aux Corses du continent -, les républicains sincères, qui attendent de la collectivité nationale respect, prise en considération, accompagnement et solidarité.
Ils ont trop souvent le resentiment - et peut-on toujours leur donner tort ? - que la Corse n'est qu'un objet de polémique politicienne et que, pour certains, parler de la Corse, c'est avant tout se servir de la Corse.
Un épisode récent, celui de la création d'un centre de détention dans l'île, est venu en apporter une nouvelle illustration ; je voudrais y revenir quelques brefs instants.
Nul ne conteste en Corse la nécessité d'un tel centre, compte tenu des contraintes de l'insularité pour les familles qui doivent, en cas de condamnation définitive, visiter l'un des leurs. Je pensais que nul ne la contesterait sur le continent, s'agissant d'une question d'égalité entre les régions, égalité que notre République se doit d'assurer.
Eh bien, non ! Les vieux réflexes sont réapparus. Certains ont cru pouvoir m'attribuer des propos que je n'ai jamais tenus : j'aurais parlé de « regroupement des détenus nationalistes », en y englobant les prévenus, pendant qu'on y était ! Tout cela, bien sûr, est dépourvu de fondement, chacun a pu le vérifier en s'informant des propos que j'ai effectivement tenus.
Cette polémique n'honore pas ceux qui l'ont alimentée. Il est d'ailleurs piquant de voir que certains de ceux qui sonnent la charge ont privilégié, dans un temps qui n'est pas si lointain, des négociations occultes avec les clandestins ! (Applaudissements sur les travées socialistes. - Protestations sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Roland Courteau. Eh oui ! Il fallait le rappeler !
M. Jean-Pierre Raffarin. C'est politicien !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Ceux qui, dans cette circonstance comme dans d'autres, ont choisi de pratiquer l'amalgame, la caricature ou la manipulation, pour des raisons qui n'ont rien à voir avec les préoccupations de nos concitoyens de Corse, ceux-là se servent de la Corse, mais ne la servent pas. En prenant le risque de creuser le fossé entre la Corse et le reste de la France, ils ne servent pas la République. (Bravo ! sur les travées socialistes.)
Face à cette question corse, si complexe, les réponses ont varié au fil des temps et des gouvernements.
Certains ont cru pouvoir la réduire à un problème d'ordre public. Cette dimension est certes présente, et il ne s'agit pas de la négliger, mais l'histoire a prouvé qu'elle ne suffisait pas.
D'autres ont fait le choix de porter un projet plus ambitieux qui prenne en compte l'ensemble des questions tenant à la spécificité, à l'identité et au développement de la Corse dans la République. La loi du 13 mai 1991, présentée et soutenue par Pierre Joxe, portait déjà un regard novateur sur la problématique et les institutions de l'île.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Quels ont été les résultats ?
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Nous vous proposons, aujourd'hui, de poursuivre dans cette voie en construisant progressivement, instruits par l'expérience, un cadre juridique adapté.
Certains encore ont cru pouvoir s'entendre avec tel ou tel groupe, telle ou telle faction. Je ne les désignerai pas, ils se reconnaîtront, et ce d'autant plus facilement qu'ils parlent encore de négociation quand nous disons « dialogue ».
MM. Charles Ceccaldi-Raynaud et Patrick Lassourd. Des noms !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. La prégnance des mots semble témoigner de la nostalgie d'une époque.
Il est pourtant bien clair que seul un processus démocratique est susceptible de tracer cette perspective, quelles que soient les difficultés rencontrées.
La proximité d'échéances électorales décisives pour notre pays fait toujours craindre une exploitation politicienne des situations et des événements.
M. Alain Gournac. Vous êtes bien placé !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Il serait irresponsable de n'opposer à la surenchère que la tentation de gagner du temps.
Dans l'intérêt du pays, donc de la Corse, il faut poursuivre sur la voie tracée, sans déroger aux principes. C'est d'ailleurs ce qu'attendent les Corses.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Nous verrons bien !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. A quoi adhèrent-ils, pour rester ainsi mobilisés ?
Tout d'abord, à la méthode : le dialogue s'est engagé avec leurs élus, tous leurs élus parce qu'élus du suffrage universel, mais seulement avec leurs élus. Ceux qui nous font le reproche - sans fondement - de privilégier les relations avec les élus nationalistes sont les premiers à placer ceux-ci au centre du jeu politique, ignorant ainsi la parole et l'engagement de tous les autres.
Ce dialogue se mène dans la transparence. Les Corses connaissent les positions prises par les élus. Ils savent pareillement ce que dit et fait le Gouvernement,...
M. Josselin de Rohan. Qu'en pense Chevènement ?
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. ... ce qui n'empêche malheureusement pas qu'il soit, sur le continent, parfois critiqué sur ce qu'il ne dit pas, ne pense pas et ne fait pas.
Les Corses adhèrent ensuite à un projet partagé par le Gouvernement et la très grande majorité des élus de l'Assemblée de Corse, bien au-delà des clivages politiques traditionnels. Ce projet marque la prise en compte, par la République, des spécificités géographiques, historiques, économiques et culturelles de la Corse. Les prendre en compte veut dire apporter une réponse conforme aux principes républicains et ne pas, en les ignorant, les abandonner à ceux qui voient dans la violence la seule manière de les faire reconnaître.
Enfin, la loi s'applique dans l'île, sans acharnement ni faiblesse. Les services de l'Etat servant en Corse peuvent afficher des résultats qui permettent de ne plus distinguer la Corse du continent et qui devraient convaincre les plus sceptiques de s'extraire de références maintenant anciennes.
M. Georges Gruillot. C'est une bonne nouvelle !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Je ne laisserai pas douter de ce que j'avance, car ce serait douter de l'action des fonctionnaires, dont je veux saluer le travail, au moment même où certains sont victimes de violences inadmissibles, d'ailleurs condamnées par toutes les formations politiques en Corse. Croyez-vous qu'ils seraient ainsi agressés s'ils se montraient complaisants ?
Contrôle de légalité, contrôle budgétaire, urbanisme, listes électorales, police administrative, prestations sociales, respect de la loi fiscale, gestion des fonds européens et lutte contre le travail clandestin,...
M. Alain Gournac. C'est le paradis !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. ... les résultats témoignent de la mobilisation des services, sur la base des rapports d'enquête parlementaires et des multiples inspections générales qui avaient relevé des manquements au droit.
M. Josselin de Rohan. Tout va bien !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. S'agissant de la violence, les chiffres des attentats, homicides et tentatives sont significativement en diminution, rapportés à ceux que l'on a connus ces vingt-cinq dernières années. (Protestations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Patrick Lassourd. Pas un Français ne croira cela !
M. Alain Gournac. C'est scandaleux ! C'est un mensonge !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. L'amnésie n'est pas une vertu en politique !
La violence n'a néanmoins pas cessé, mais qui pouvait croire qu'elle cesserait du jour au lendemain ?
Les enquêtes abouties établissent cependant que l'essentiel des homicides et attentats commis ces derniers mois relèvent du banditisme.
M. Patrick Lassourd. C'est la même chose !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Là encore, je veux confirmer que les services chargés de la sécurité dans l'île ont pour seule consigne de présenter à la justice toutes les personnes qu'elle recherche.
M. Alain Gournac. Soyez sérieux !
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Il en manque une !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Ces services travaillent maintenant dans la cohésion, laquelle a souvent fait défaut dans le passé. Leurs rapports avec la justice sont redevenus confiants ; la justice elle-même passe sans que rien maintenant ne vienne porter atteinte à son indépendance.
M. Patrick Lassourd. Tout va bien, n'en parlons plus !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Certains voient dans cette violence encore persistante motif à interrompre la démarche en cours, à suspendre l'examen du projet de loi. Elle marque, disent-ils, l'échec du processus. Il s'agit d'un contresens majeur. Le processus n'a jamais garanti le retour immédiat de la paix civile. Il trace en revanche une perspective en Corse pour mettre fin à la violence politique.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Quel est le but ?
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Ainsi, interrompre cette démarche serait en fait céder à la violence et renoncer à faire prévaloir le débat politique par les voies démocratiques. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
MM. Jean-Pierre Masseret et Pierre Mauroy. Très bien !
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. C'est l'inverse qui est vrai !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Là encore, ceux qui reprochaient au Gouvernement d'associer au dialogue les élus nationalistes prennent maintenant prétexte de la suspension de leur soutien pour décréter l'inanité de la démarche. Le contresens devient contradiction !
Ce long rappel, tant des principes qui fondent cette démarche que des éléments de contexte, me paraissait indispensable eu égard aux commentaires et critiques entendus récemment.
Dans les situations complexes et difficiles, il est de la responsabilité du Gouvernement de fixer un cap et de s'y tenir. La Corse a trop souvent pâti de politiques erratiques, dictées par les seuls événements,...
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Dans l'urgence ! Comme au temps de Joxe !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. ... et sans perspective politique. Plus que jamais, compte tenu du chemin déjà parcouru, la démarche doit se poursuivre et l'examen du projet de loi aller à son terme. Les élus de Corse que j'ai dernièrement rencontrés me l'ont dit.
M. Patrick Lassourd. Lesquels ?
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Ils savent, et je sais moi aussi, que c'est très majoritairement la volonté de la population qui vit en Corse.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Vous l'avez consultée ?
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Monsieur Ceccaldi-Raynaud, moi je suis respectueux de la Constitution ! (Vives exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Dominique Braye. Alors, il faut changer votre projet de loi !
M. Patrick Lassourd. Et l'article 1er de la Constitution ?...
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Je ne reviendrai pas sur le cheminement du processus : les réunions menées au cours du premier semestre 2000 avec les élus de Corse, le relevé de conclusions du 20 juillet 2000 puis l'adhésion, deux fois exprimée, de l'Assemblée de Corse.
L'Assemblée nationale a approuvé le projet de loi en première lecture, le 22 mai 2001, à une majorité de voix qui allait au-delà de la seule majorité gouvernementale. Elle a réalisé un travail important dans une double perspective : le respect des engagements du Gouvernement et la sécurité juridique du texte.
Le Sénat s'est depuis saisi de celui-ci dans le cadre d'une commission spéciale. Une mission d'information s'est rendue en Corse du 10 au 15 septembre dernier. J'y vois une même volonté de se saisir de la question au fond, de se forger une opinion au regard des seules réalités, loin des raccourcis trompeurs.
Je sais aussi le travail important qui a été effectué par la commission, son président, M. Jacques Larché, et son rapporteur, M. Paul Girod. Un questionnaire très approfondi et de nombreuses auditions annoncent, je l'espère, un travail constructif.
Pour ma part, au nom du Gouvernement, je veux vous dire ma disponibilité pour continuer à améliorer ce texte sans toutefois le dénaturer. Dans le respect des droits du Parlement, la fidélité à nos engagements participe en effet du processus lui-même. S'y conformer est une obligation morale et politique envers nos interlocuteurs. Y déroger ruinerait les efforts déjà accomplis et offrirait le meilleur prétexte aux tentatives de déstabilisation qui n'ont déjà pas manqué.
La finalité du relevé de conclusions du 20 juillet et du projet de loi devrait nous réunir. Quel est l'enjeu ? C'est de mieux prendre en compte les spécificités de la Corse dans la République et de tirer les enseignements de l'application de son statut particulier ; de clarifier les responsabilités dans la gestion des affaires de l'île ; de favoriser son développement économique et social.
Le relevé de conclusions renvoie à 2004 les réformes institutionnelles nécessaires pour aller au terme de notre démarche, réformes dont l'importance nécessite une révision de la Constitution, étant par ailleurs rappelé que le retour de la paix civile conditionne cette seconde étape.
M. Josselin de Rohan. Parce qu'il y a une guerre civile ?
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Le projet de loi qui vous est soumis n'en traite donc pas et ses dispositions doivent s'apprécier au regard de la Constitution actuelle.
Le principe de précaution juridique, dont la validité est reconnue par tous, ne doit pas pour autant servir d'alibi à une appréciation en opportunité des mesures proposées. Je ferai valoir pendant les débats les éléments de jurisprudence constitutionnelle qui nous permettent de soutenir que les dispositions du projet de loi tel qu'il a été approuvé en première lecture à l'Assemblée nationale, c'est-à-dire après un travail parfois important de réécriture, se situent bien dans le cadre constitutionnel existant, parfois à ses limites, certes, mais dans ses limites.
S'il fallait néanmoins préciser un mot, voire modifier une disposition, j'y serais naturellement prêt, avec la volonté de renforcer le consensus autour du projet de loi, mais toujours sans le dénaturer.
Je sais ce travail délicat tant certaines de nos propositions font débat parmi les meilleurs spécialistes du droit constitutionnel, comme elles ont fait débat au Conseil d'Etat.
Hors ces considérations juridiques, reste donc l'appréciation en opportunité. Ce projet de loi a parfois été jugé audacieux, voire dangereux pour l'unité de la République. C'est méconnaître la spécificité d'un statut déjà consacré par la loi et validé par le Conseil constitutionnel. C'est aussi ne pas avoir entendu certaines déclarations portant sur l'avenir de la décentralisation, dont l'audace va au-delà de notre texte.
J'affirme ici que ce projet de loi équilibré ne menace en rien l'unité de la République, unité que nous ne confondons pas avec l'uniformité. La prise en compte, par la République, des différences ne peut que conforter la volonté d'y appartenir et d'adhérer à des valeurs communes. Le rôle souverain du Parlement, garant de cette unité - rôle que le projet de loi respecte naturellement en tout point - est de permettre que des lois différentes règlent des situations différentes.
J'en viens maintenant au projet de loi lui-même. Puisque les débats nous permettront d'entrer plus complètement dans l'examen de chacun des articles, je m'en tiendrai à ses aspects et dispositions essentiels.
S'agissant du régime juridique des actes de l'Assemblée de Corse, outre la reprise des dispositions de l'article 26 de la loi de 1991, l'article 1er vise à conforter les compétences de la collectivité dans l'adaptation des normes, dans le double respect des compétences réglementaires du Premier ministre et du rôle souverain du Parlement pour faire la loi.
Qu'en est-il sur le fond ?
En ce qui concerne la modification ou de l'adaptation des normes réglementaires, il appartient au législateur, au cas par cas, de fixer le partage entre le renvoi à des mesures d'application prises par le Gouvernement et des mesures d'application décentralisées, dans le respect des prérogatives du Premier ministre.
Le projet de loi, tout d'abord, en élargissant dans plusieurs articles les compétences de la collectivité territoriale, comme cela peut être fait pour une collectivité régie par les dispositions de l'article 72 de la Constitution, accroît par là même le pouvoir de ladite collectivité de fixer les règles nécessaires à l'exercice de ces compétences.
Par ailleurs, certains articles du projet de loi, comme l'article 12 en matière d'urbanisme ou l'article 17 en matière d'aide au développement économique, confèrent une compétence sans que la loi prévoit l'intervention préalable d'un décret. Cette disposition s'inspire du précédent de l'article L. 4424-20 du code général des collectivités territoriales relatif aux aides économiques, le Conseil d'Etat ayant jugé, en son temps, inutile l'intervention préalable d'un décret.
L'article 1er permet enfin à la collectivité territoriale de solliciter l'extension ultérieure de ses compétences, donc de sa compétence réglementaire.
S'agissant de l'adaptation de dispositions législatives, le projet de loi n'octroie aucunement - comment pourrait-il en être autrement ? - une compétence législative à l'Assemblée de Corse.
Il définit une procédure, puisque ce n'est à ce stade qu'une procédure, qui permettra de mettre en oeuvre une expérimentation autorisée par le seul Parlement, sous son contrôle et dans les formes qu'il aura fixées. Le Parlement demeurera maître de sa décision, comme l'a rappelé le Conseil constitutionnel dans sa décision du 28 juillet 1993, décision dont le projet de loi reprend les termes mêmes.
En ce qui concerne les compétences de la collectivité territoriale, les articles 4 à 29 ont pour objet, soit de préciser et de clarifier des compétences que la collectivité exerce depuis 1991, soit - ce sont les plus nombreux - de compléter en différentes matières le champ des compétences de la collectivité.
Il sont directement inspirés par la volonté non seulement de conforter le statut particulier de la collectivité territoriale, mais aussi de clarifier l'exercice des responsabilités dans la gestion des affaires de l'île.
Un territoire de 260 000 habitants supporte moins qu'un autre que compétences exercées ou partagées soient « empilées » au point de rendre impossible le contrôle sur l'action publique par le citoyen.
En réponse au souhait exprimé par les élus de l'île, des amendements du Gouvernement viseront à renforcer encore cette clarification et à faciliter l'exercice par les élus de leurs responsabilités.
S'agissant de la langue corse, l'article 7 pose le principe d'une offre généralisée de l'enseignement de la langue corse et non celui d'un apprentissage obligatoire pour chacun des élèves.
Cet article, après avoir été jugé inacceptable, est maintenant parfois considéré comme inutile.
J'insiste sur son caractère indispensable, au regard moins de sa portée normative que de la reconnaissance de cette composante essentielle de l'identité de la Corse et de l'affirmation de l'engagement de l'Etat à propos de la prise en charge, par l'école de la République, de l'enseignement d'une langue régionale. Il s'agit là d'un thème qui fait l'objet d'un consensus entre tous les élus de la Corse et qui a nourri trop longtemps la revendication de certains mouvements, au motif que l'Etat méconnaissait l'identité culturelle de la Corse. Il est temps de le reconnaître solennellement aujourd'hui. (Murmures sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Un projet de loi relatif à la Corse ne peut ignorer une question de cette nature, qu'abordait déjà la loi du 13 mai 1991, le Conseil constitutionnel s'étant par ailleurs déjà prononcé sur des dispositions du même type.
S'agissant de l'article 12 relatif à l'aménagement de l'espace, à l'urbanisme et à l'adaptation de la loi littoral, il fait débat en Corse même.
Mais, au fond, ce débat sur l'aménagement de la Corse est indispensable. L'article 12 l'organise et l'encadre de façon tout à fait équilibrée : qui veut bien lire attentivement le texte s'apercevra que l'excès est impossible.
Toutefois, le Gouvernement reste toujours disposé à conforter le consensus autour du projet de loi. Aussi des adaptations, voire des modifications, sont-elles possibles, pour peu que soit sauvegardé l'esprit du texte qui, pour cette disposition comme pour d'autres, responsabilise les élus de la Corse tout en associant le public et les associations aux réflexions à venir.
Je ferai valoir, dans les débats, les spécificités du littoral de Corse, qui sont telles que la loi littoral n'offre pas les mêmes possibilités qu'ailleurs de conjuguer protection et développement.
J'en viens maintenant aux dispositions fiscales.
En ce qui concerne les entreprises, le dispositif est réorienté vers le soutien à l'investissement, tout en ménageant une transition indispensable pour ne pas destabiliser un tissu d'entreprises encore fragiles.
Des compléments au texte actuel ont été souhaités par les élus et les responsables économiques de l'île. Le Gouvernement, disposé à rechercher les meilleures solutions sans dévier des objectifs fixés en commun avec les élus, a déposé un amendement tendant à compléter le dispositif par un crédit d'impôt généralisé à taux différencié. Ainsi, le plus grand nombre possible de chefs d'entreprise sera invité à participer, par ses décisions d'investissement, à ce nouvel élan économique de la Corse.
En ce qui concerne la fiscalité des successions, l'objectif est de sortir d'une situation qui perdure depuis plus de deux siècles et à laquelle les gouvernements précédents, quels qu'ils aient été, n'ont pas trouvé de solution.
Le texte y tend, dans des conditions techniquement aménagées et sans prendre le risque d'une incompréhension de la part de la population de Corse.
S'agissant du programme exceptionnel d'investissement, celui-ci est essentiel pour combler les retards en équipements structurants dont souffre encore la Corse. Il est aussi facteur de développement économique et donc, à terme, de rééquilibrage des ressources de l'île.
Mesdames, messieurs les sénateurs, ce texte est un tout.
S'il exprime la solidarité nationale à travers son volet fiscal et le programme exceptionnel d'investissement, il vise aussi à reconnaître et à valoriser les spécificités et l'identité culturelle de la Corse dans la République.
Il constitue également un acte fort de responsabilisation des élus de la Corse dans la gestion des affaires de l'île, sous le regard et le contrôle de la population de Corse. Il contribue ainsi à la vitalité des principes démocratiques dans l'île, qu'assure aussi l'action de l'Etat pour l'application de la loi républicaine.,
Cet ensemble n'est pas divisible si vous convenez, comme nous, qu'il est urgent de prendre à bras-le-corps ce sujet difficile.
En ayant pour interlocuteurs les seuls élus du suffrage universel, en reconnaissant les spécificités de la Corse, en apportant une réponse aux contraintes et aux handicaps que celle-ci subit, en lui accordant les moyens de son développement, nous confortons, comme le souhaite l'immense majorité des Corses, ce lien historique, affectif et culturel qui fait de la Corse une si belle partie de la France, qu'elle enrichit de ses différences. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Girod, rapporteur de la commission spéciale sur la Corse. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici au commencement d'un débat qui, depuis longtemps, fait question dans notre pays. Nous éprouvons tous, pour cette partie du territoire national, à la fois affection et admiration et, pour la population qui y vit, solidarité et compassion. S'il est un sujet qui mérite qu'on l'aborde avec à la fois détermination et humilité, c'est bien celui-là.
Monsieur le ministre, vous avez débuté votre intervention sur un ton qui, d'une certaine manière, frisait la polémique.
MM. Marcel Debarge et René-Pierre Signé. Pas du tout ! Quelle polémique ?
M. Paul Girod, rapporteur. Ce n'est pas au rapporteur de la commission spéciale de vous répondre sur ce point, d'autres orateurs le feront probablement.
Je voudrais cependant verser aux débats du Sénat les travaux de sa commission spéciale. Ceux d'entre vous, mes chers collègues, qui ont eu le loisir de prendre connaissance du rapport que j'ai eu l'honneur de déposer en son nom auront pu constater que ces travaux ont été importants et approfondis. A cet égard, monsieur le ministre, je regrette que, du fait des contraintes de l'ordre du jour prioritaire, ce document, d'un certain poids physique pour le moins, n'ait été mis à la disposition des membres de la Haute Assemblée qu'hier matin, le délai limite de dépôt des amendements ayant été fixé à seize heures ce même jour : il n'est pas, soit dit entre nous, de très bonne technique législative de travailler dans une telle précipitation. (Très bien ! sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
Cela étant, la commission spéciale a travaillé ! Vous avez fait tout à l'heure allusion, monsieur le ministre, à la mission qu'elle a déléguée en Corse, et je voudrais rendre le Sénat attentif aux modalités de l'organisation de cette mission, au moins sur le plan factuel.
Elle a débuté par un dépôt de gerbe devant la plaque dédiée à la mémoire du préfet Erignac, à la préfecture d'Ajaccio. Tout à l'heure, le Sénat tout entier - je remercie M. le président d'avoir pris cette initiative - a d'ailleurs rendu un hommage mérité à ce haut fonctionnaire de la République qui, dans l'exercice de ses fonctions, aété assassiné de plusieurs balles dans le dos.
La mission s'est terminée par l'audition des représentantes des associations des femmes contre la violence.
Ce cadre, voulu par la commission, situe bien, il me semble, le niveau des réflexions et la nature des préoccupations de cette dernière s'agissant de l'appartenance de la Corse à la République et de sa population à notre peuple, à laquelle vous nous dites, monsieur le ministre - et je crois en votre sincérité, comme en celle du Gouvernement tout entier -, être attaché.
Vous avez également indiqué que le projet de loi que nous examinons aujourd'hui est un moyen d'arrimer la Corse à la République. Il me semble à ce propos que l'unanimité des membres de cette assemblée souhaite que la question de l'appartenance de la Corse à la République française ne se pose jamais plus : il reste à déterminer la voie qui permettra à nos concitoyens de Corse de manifester eux-mêmes cette volonté. A un moment ou à un autre, elle sera définie.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est le moment !
M. Paul Girod, rapporteur. Il est vrai que, au cours de cette mission en Corse, nous avons pu prendre la mesure à la fois des problèmes posés, de l'écho rencontré par telle ou telle proposition en débat - les réactions ne sont pas aussi unanimement positives que l'on peut l'imaginer - et de la difficulté dans laquelle se trouve l'ensemble de la population de l'île, désespérée de voir la violence se développer depuis vingt-cinq ans.
A cet égard, même si l'on nous dit que bien des meurtres ne sont plus maintenant d'ordre politique, mais relèvent uniquement du droit commun - je ne fais pas de procès d'intention sur ce point, monsieur le ministre -, la violence existe tout de même et le nombre des homicides ne baisse pas tellement, même si ceux-ci changent de catégorie. La désespérance de la population, qui vit dans cette atmosphère et qui en même temps a vu le développement économique de l'île lui échapper trop longtemps, est bien réelle.
Il est vrai que, de tradition assez longue, une grande partie des élites de l'île a pris l'habitude de se mettre au service de la République, lui rendant des services signalés, mais à l'extérieur de l'île : la volonté d'entreprendre dans l'île et de développer celle-ci était insuffisamment portée par la population elle-même, en partie à cause de ce phénomène, en partie à cause du fait que l'insertion de la Corse dans l'économie moderne n'était pas aussi aisée que l'on aurait pu le souhaiter et se heurtait à toute une série de difficultés.
Toutefois, au cours de notre déplacement en Corse, nous avons pu constater l'apparition d'une nouvelle génération de responsables économiques et politiques qui souhaite prendre en main le développement de l'île et qu'il convient d'encourager et d'accompagner.De réelles perspectives de développement doivent être ouvertes, et c'est d'ailleurs plus sûrement par ce biais que par des modifications institutionnelles, dont je ne suis pas certain que les auteurs des violences soient spécialement preneurs ni qu'elles présentent un intérêt quelconque pour les victimes, que reviendra la paix civile (M. Franchis approuve.) .
Il est vrai également que la Corse, si elle fait partie de la France, n'est pas la Beauce. Il est donc logique que, pour cette montagne dans la mer, un certain nombre de dispositions techniques spécifiques puissent être prises en matière de développement, afin de tenir compte de son insularité, de son relief, de sa culture et de son histoire. Mais il ne doit pas s'agir uniquement, monsieur le ministre, de réagir au fait que la violence existe dans l'île, ce que pourrait malheureusement donner à penser la lecture de certains passages de l'exposé des motifs du projet de loi.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Polémique !
M. Paul Girod, rapporteur. Venons-en à ce dernier. Nous voulons tout comme vous, monsieur le ministre, nous mettre au service de nos compatriotes corses, auxquels vont nos pensées et notre solidarité.
Vous souhaitez, je le répète, arrimer la Corse à la République. A cette fin, vous avez préparé un texte qui, pardonnez-moi de le dire, a semblé à la commission spéciale comporter un certain nombre d'imprudences majeures. Celles-ci tiennent, à nos yeux, quoi que vous en pensiez, à certains points du projet de loi que nous jugeons inconstitutionnels.
Certaines des dispositions prévues, les unes ouvertement affichées, les autres plus ou moins insidieuses, m'amènent en effet à cette constatation, probablement parce que l'examen du projet de loi intervient à un moment délicat de ce que vous appelez, monsieur le ministre, le « processus de Matignon », lequel, selon vous, débouchera d'ici à trois ans sur des modifications institutionnelles de nature constitutionnelle, qu'il s'agit certes de préparer, mais en conformité avec la constitution actuelle, ce qui ne me semble pas être ici le cas.
Ainsi, le texte établit de manière extraordinairement insidieuse une tutelle de la collectivité territoriale de Corse sur les autres collectivités territoriales de l'île, ici par l'absence de mention des départements et des communes, là par l'affirmation d'une compétence générale pour les affaires de Corse. Cela nous semble être tout à fait contraire à l'esprit de la Constitution, laquelle pose le principe de la libre administration des collectivités territoriales.
En outre, vous avez évoqué tout à l'heure, monsieur le ministre, des perspectives d'expérimentations législatives, en affirmant que celles-ci s'effectueraient sous le contrôle du législateur, qui en définira la portée, ce qui garantira leur constitutionnalité. Admettons que je vous suive dans cette voie. Que constatons-nous ? Qu'aucune capacité législative n'est transférée à l'île, contrairement à ce que certains prétendent,...
M. René-Pierre Signé. Mais encore !
M. Paul Girod, rapporteur. ... puisque seul le Parlement ouvre une possibilité, pour une durée limitée - nous verrons tout à l'heure que cela ne figure pas ainsi dans le texte - et sous le contrôle du législateur. Admettons que cette disposition soit constitutionnelle - je suis persuadé qu'elle ne l'est pas - je suis obligé de vous dire qu'elle est inopérante, pour une raison simple : nous sommes actuellement en novembre 2001. Ce texte, dans le meilleur des cas, sera promulgué en janvier 2002. Or nous connaissons déjà l'ordre du jour du Parlement jusqu'à la suspension de nos travaux pour les grandes échéances électorales que chacun connaît : il ne laisse aucune place à une délibération quelconque du Parlement sur une quelconque loi d'expérimentation, ou alors vous devrez retirer des textes, auxquels, paraît-il, vous tenez par dessus tout, car ils donneront lieu à de longs débats. Cela signifie qu'aucune modification législative offerte par l'île ne pourra être ouverte par un texte de loi avant, au mieux, l'automne 2002. En effet, je ne crois pas, entre nous, que ce sera la première priorité du gouvernement mis en place à la fin du mois de juin. Il aura probablement à traiter d'autres sujets.
Le débat aura donc lieu en octobre 2002 et la promulgation de la loi en décembre 2002. Or, vous voulez tirer des leçons d'une expérimentation législative pour préparer une réforme constitutionnelle qui devra intervenir avant janvier 2004. C'est parfaitement impossible et, par conséquent, vide de sens.
Monsieur le ministre, il ne me semble pas bon de répandre des illusions sur un sujet aussi grave avec, d'une part, un risque majeur d'inconstitutionnalité et, d'autre part, une inopérabilité absolue. De surcroît, comme je l'ai constaté dans le compte rendu des débats de Matignon, quand on a demandé aux élus de l'île dans quels domaines ils envisageaient des expérimentations législatives, les réponses ont été décevantes. Seule la loi littoral a, semble-t-il, été évoquée, mais on en reparlera dans quelques instants.
Quant au pouvoir réglementaire, nous n'avons pas le pouvoir de le découper. Dire qu'on le fait dans le respect des dispositions de l'article 21 de la Constitution s'apparente plus à une « pirouette » constitutionnelle qu'à une réalité de fond.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Polémique !
M. Paul Girod, rapporteur. On ne peut pas, vous le savez aussi bien que moi, monsieur le ministre, donner à une collectivité territoriale un pouvoir réglementaire autre que résiduel. C'est totalement contraire à la Constitution. Sur ce point, nous n'avons rien à craindre du jugement du Conseil constitutionnel.
Ici ou là, nous trouvons dans le texte un certain nombre de dispositions comme celle aux termes de laquelle la collectivité territoriale de Corse fixe unilatéralement la composition d'un Conseil des sites au sein duquel elle détermine la place que l'Etat occupera. Je ne vois pas très bien comment on peut envisager une telle dérogation par rapport au droit commun.
Je ne parlerai pas de l'article 45 bis , qui a déjà été jugé par le Conseil constitutionnel et dont nous vous proposerons le rejet ; je le commenterai le moment venu.
Monsieur le ministre, vous avez parlé de réforme constitutionnelle. Vous avez raison, tout le monde en parle. Je ne suis pas sûr qu'il y ait d'autre voie - mais c'est à titre personnel que je m'exprime en cet instant - que l'ajout dans notre arsenal juridique d'une troisième catégorie de lois. Nous avons actuellement les lois organiques et les lois ordinaires, d'application générale, dans lesquelles, mes chers collègues, nous sommes nous-mêmes coupables - mais nous ne sommes pas les seuls puisque le Gouvernement le fait souvent aussi - d'introduire une série de dispositions qui sont d'ordre réglementaire et qui, de ce fait, s'appliquent sur l'ensemble du territoire.
M. le président. C'est juste !
M. Paul Girod, rapporteur. Il nous manque une catégorie de lois dont l'application serait différenciée d'une région à l'autre en fonction d'initiatives que l'on pourrait confier, au moins pour l'instruction, aux conseils régionaux compétents qui pourraient mettre en avant un certain nombre d'apects, de spécificités régionales nécessaires à une bonne application. Nous saurions en votant un tel texte que l'application ne serait pas la même partout. Cette voie pourrait être explorée. Elle permettrait probablement de résoudre une série de difficultés, ne serait-ce que celles que nous rencontrons actuellement pour l'application de la loi littoral en Corse. Mais nous en reparlerons le moment venu.
La commission spéciale a essayé de rendre opérationnel le fameux article 1er, qui est l'article phare. Pour ce faire, nous avons regardé comment fonctionnent les choses.
En effet, le statut de 1991 disposait déjà que la collectivité territoriale de Corse pourrait exprimer des demandes ou formuler des observations sur les textes législatifs ou réglementaires en préparation concernant la Corse. Mais cela n'a pas fonctionné, et ce pour deux raisons. Tout d'abord, au niveau de l'Etat, personne n'avait préparé l'accueil des suggestions de l'Assemblée territoriale. Ensuite, compte tenu de cette absence de réaction, il est devenu commode de « botter en touche » sur un certain nombre de sujets délicats en disant : on va consulter l'Etat, on verra bien ce qui se passera, sachant qu'on n'aurait pas de réponse.
L'apport de votre article 1er est, nous semble-t-il, de préciser la procédure d'instruction de ce genre de dialogue, au niveau corse, entre la Corse et le Gouvernement. Nous avons essayé de rendre ce dispositif opérationnel, plus opérationnel en tout cas que le système actuel, en l'étendant d'ailleurs aux propositions de loi, ce qui est une suggestion intéressante contenue dans le projet de loi tel qu'il nous vient de l'Assemblée nationale.
Mais puisque nous en étions à toiletter le statut de 1991, nous avons été conduits à regarder d'autres aspects, notamment le fonctionnement interne de la collectivité territoriale. Nous sommes alors tombés sur le problème des offices.
Le statut de 1983 avait mis en place un certain nombre d'offices en Corse, dont la présidence était confiée, par le statut de 1991, aux membres de l'exécutif récemment créé. Cela ne donnait pas pour autant à l'exécutif en question quelque droit de regard que ce soit sur des délibérations prises sous la présidence, certes, de ses membres, mais par un conseil d'administration responsable de l'office dans lequel la collectivité territoriale de Corse est peu présentée, ce qui aboutit évidemment à une situation de blocage et d'incohérence, que beaucoup ont dénoncée.
En tranchant dans le vif, ce que l'Assemblée nationale n'a pas osé faire, nous donnons à la collectivité territoriale de Corse la possibilité de reconstruire ces offices sur une base qui, elle, sera opérationnelle. A cet effet, nous vous proposerons, mes chers collègues, la dissolution immédiate des offices, bien entendu en protégeant le statut des personnels, afin de permettre à la collectivité, si elle le veut, de les reconstituer mais, cette fois, sur des bases saines et avec un fonctionnement respectueux des responsabilités de chacun.
J'en viens à d'autres aspects du texte, en particulier à la question de la culture et de la langue.
La culture corse existe, personne ne le nie, et tout le monde est d'accord pour la laisser se développer, sous réserve tout de même que l'Etat garde son rôle, ce qui, dans l'un de vos amendements, ne me semble pas être tout à fait le cas, mais nous y reviendrons le moment venu. La question de la langue peut être considérée de deux façons. La première consiste à concevoir la langue comme un simple moyen d'identification interne de la collectivité que constituent ceux qui vivent en Corse, c'est-à-dire dans un esprit de repli sur soi. La seconde consiste à considérer que les enfants concernés ont la chance de vivre dans une société partiellement bilingue et d'apprendre à l'école une langue qu'ils auront l'occasion de pratiquer dans la vie courante.
La langue corse ne se réduit pas à mettre trois mots les uns derrière les autres, c'est plus compliqué. Il s'agit d'une langue d'essence romane, qui peut offrir aux enfants la possibilité de rompre l'isolement insulaire dans lequel certains veulent les maintenir. En effet, le fait qu'ils l'aient pratiquée dès leur jeune âge facilitera leur apprentissage de l'espagnol ou de l'italien, ce qui est une façon comme une autre de sortir des contraintes d'isolement dans lesquelles l'île risque de les maintenir. (Très bien ! sur plusieurs travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
C'est la raison pour laquelle la commission s'est ralliée à l'idée de l'enseignement de la langue corse...
M. René-Pierre Signé. C'est compliqué !
M. Paul Girod, rapporteur. ... mais en disant ouvertement ce que l'Assemblée nationale traite insidieusement, à savoir que cet enseignement a un caractère facultatif. En effet, il ne suffit pas, monsieur le ministre, de rédiger un article dans des termes identiques à ceux qui ont été retenus pour la Polynésie française, en espérant que l'opposition saisira le Conseil constitutionnel, afin que ce dernier précise, pour la troisième fois sur le même sujet, que l'enseignement d'une langue régionale ne peut être que facultatif, fondé sur la volonté des parents et sans nuire à l'enseignement des autres disciplines de base de l'école de la République. On ne peut pas le faire de cette manière-là. C'est pourquoi la commission spéciale, sans vider en rien le texte de sa substance, propose de dire de manière explicite ce qui est implicite dans le texte de l'Assemblée nationale. (Très bien ! sur plusieurs travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
J'en viens à un point qui a suscité notre curiosité. Nous avons découvert, au fur et à mesure de l'avancement de ce dossier, que le CAPES de corse est un CAPES unique, fermé sur lui-même. Un enseignant qui passe le CAPES de corse ne passe d'épreuves qu'en langue corse. C'est le seul CAPES de langue régionale qui soit ainsi traité. Tous les autres prévoient des matières à option permettant, éventuellement, à l'enseignant de se reconvertir dans d'autres domaines, en lui donnant une formation a priori plus large que celle de la seule langue. Il nous a paru normal de ramener le CAPES de corse dans le droit commun. D'ailleurs, des questions vous seront sans doute posées sur les IUT, les instituts universitaires de technologie, qui connaissent, semble-t-il, des anomalies du même ordre.
J'en viens à la loi littoral, le fameux article 12.
Cet article pose le principe de l'adoption par les assemblées délibérantes de Corse, après consultation de la population, des communes et des départements, d'un plan d'aménagement et de développement durable, PADU. Il s'agit d'une excellente initiative, à laquelle la commission spéciale ne peut que souscrire. A l'intérieur de ce plan - on peut le préciser et l'améliorer - serait ouverte une possibilité pour la collectivité de déroger à la loi littoral. Cela représente le seul exemple pratique de cette fameuse faculté d'expérimentation législative prévue par l'article 1er tel qu'il nous vient de l'Assemblée nationale.
J'attire votre attention, mes chers collègues, sur le fait qu'instantanément on fait litière des dispositions prudentielles qui sont inscrites dans l'article 1er tel qu'il a été adopté par l'Assemblée nationale. En effet, il s'agit d'une délégation sans contrôle, sans limite de temps et sans ratification ultérieure. C'est pour le moins curieux comme première application des expérimentations législatives.
De plus, nous l'avons constaté, cet article soulève une série d'interrogations, les uns voulant s'en servir pour resserrer encore les contraintes de la loi littoral dans l'île, les autres pour faire exploser les limites que cette loi impose à la collectivité territoriale de Corse telle qu'elle est, et c'est logique, interprétée par l'administration. Cette dernière applique en Corse les instructions qu'elle a reçues et qui aboutissent à ce qu'on ne puisse plus construire nulle part, au détriment du développement économique et de sa base touristique, mais également au mépris du sentiment des insulaires qui sont de fait expropriés sur place et sans indemnisation puisque leur terrain est gelé.
Nous avons essayé de trouver une piste, inspirée du droit forestier français, afin de pouvoir remobiliser une partie des terrains sous réserve d'une dation au profit du conservatoire du littoral, ce qui permet de rouvrir la possibilité de constructibilité et, en même temps, de développer la protection du littoral. C'est une piste qui mérite au moins d'être considérée. En effet, nous avons le sentiment que, en cette matière, nous sommes à peu près les seuls à proposer une mesure qui soit pratique et qui pourrait être appliquée immédiatement si vous preniez une directive d'aménagement du territoire sur la Corse. En effet, nous ne serions pas alors obligés d'attendre que le fameux PADU soit parvenu à maturité.
Reste une série de compétences transférées à la Corse. Puisque certains disent que le Sénat veut vider le texte de son contenu, je voudrais énumérer la liste de ce que nous avons approuvé, mes chers collègues. En matière de culture, de transports, de patrimoine, de tourisme, d'environnement, de développement économique, d'agriculture et de forêts, d'eau, d'assainissement et de déchets, toute une série de compétences sont transférées sans que la commission y trouve à redire, hormis quelques précisions concernant le vocabulaire, l'emplacement dans le code ou le mode de fonctionnement des organismes de contrôle internes à l'île. Je ne crois donc pas que l'on puisse accuser la commission spéciale de traîner les pieds en cette affaire.
Tout cela doit bien entendu se faire au service de l'économie de l'île ; en effet, le vrai fond du problème tient au nécessaire développement de cette île.
Pour ce faire, la Corse avait déjà bénéficié du classement en zone franche ; ce système, bien qu'accueilli au départ dans l'île avec un certain scepticisme, a fait la preuve de son efficacité en permettant à toutes les entreprises de retrouver un niveau de trésorerie et de fonds propres acceptable et suffisant.
M. Jean-Claude Gaudin. Absolument !
M. Paul Girod, rapporteur. Certes, cela ne peut continuer éternellement compte tenu des contraintes européennes et du fait que l'efficacité maximale a été atteinte. Mais encore faut-il ne pas traiter la Corse plus mal que les zones franches urbaines en forçant l'île à une sortie précipitée du dispositif. En effet, lorsque la durée de ce dernier est de trois ans sur le continent, pourquoi faire différemment en Corse ? Entre nous, ce n'est pas très sérieux !
Vous nous avez néanmoins proposé un système de crédit d'impôt orienté vers l'investissement, répondant ainsi à une demande des élus de l'île, et un noyau dur tirant en avant l'économie de l'île. Nous y souscrivons. Nous avons quand même été quelque peu surpris - et c'est le moins que l'on puisse dire ! - d'apprendre que vous annonciez dans l'île, avant même le vote du Parlement, que le système serait étendu à l'ensemble des entreprises exerçant une activité en Corse et que le taux du crédit d'impôt s'élèverait à 10 % !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. C'est une proposition !
M. Paul Girod, rapporteur. Vous avez dit non pas : « je vais proposer », mais : « on va étendre » !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Cela fait l'objet d'un amendement !
M. Paul Girod, rapporteur. La même réflexion a d'ailleurs inspiré la commission spéciale, laquelle a déposé pratiquement le même amendement que le Gouvernement, à la structure du texte près. Ce n'est pas là-dessus que nous allons nous battre beaucoup.
En revanche, nous aurons probablement des discussions plus pointues sur le noyau dur ; vous avez en effet exclu de ce dernier toute une série d'activités qui sont pourtant complémentaires d'activités y figurant ! Il en est ainsi de la restauration et de la rénovation d'hôtels, exclues du noyau dur, à la différence de l'hôtellerie. Tout cela nous semble donc un peu artificiel ! Ce n'est pas parce qu'un secteur fonctionne correctement qu'il faut l'exclure d'une marche en avant générale. Vous avez également exclu du noyau dur - c'est plus significatif et, à notre avis, plus dangereux - le secteur du bâtiment et des travaux publics.
Monsieur le ministre, on ne peut pas à la fois promouvoir un plan exceptionnel d'investissement de l'ampleur de celui que vous nous présentez et ne pas permettre aux entreprises du bâtiment et des travaux publics de commencer à se préparer pour accueillir ce plan d'investissement. Or, dans l'état actuel des choses et dans l'état du secteur du bâtiment et des travaux publics dans l'île, même la sous-traitance des grands chantiers ne pourra pas être assumée par les entreprises de l'île.
C'est la raison pour laquelle la commission spéciale vous proposera d'inclure le secteur du bâtiment et des travaux publics dans le noyau dur des secteurs d'activité éligibles au crédit d'impôt, pour inciter les entreprises à se préparer.
Nous aurons d'autres discussions sur des points de détails du système du crédit d'impôt, en particulier sur le sort de l'équipement revendu continuant à servir dans l'économie ou sur celui de l'équipement de remplacement, que vous envisagez d'exclure, ce qui nous semble imprudent dans certains cas de figure.
J'en viens à la fin du texte et aux fameux arrêtés Miot. Nous partageons l'idée qu'il faut sortir avec prudence, et en étalant les choses plus que l'Assemblée nationale n'a accepté de le faire, d'un système qui présentait peut-être l'avantage de protéger certains patrimoines de l'île, sans d'ailleurs trop différencier le très gros du plus petit, mais qui avait l'inconvénient d'inciter à des indivisions dont on ne sortait jamais. Cela nous semble effectivement constituer un frein supplémentaire à l'évolution économique de l'île. Nous serons donc conduits, mes chers collègues, à vous proposer de combler quelques « trous » dans le dispositif, ne serait-ce que pour y réintégrer les donations, afin de ne pas figer les choses à l'intérieur de l'île.
Tel est le résultat des longs travaux de la commission spéciale du Sénat.
Mes chers collègues, je sais que nos compatriotes de Corse suivent en ce moment notre débat. Je souhaite que nous menions ce dernier dans un esprit constructif à la hauteur des attentes que 260 000 de nos concitoyens qui souffrent peuvent y mettre. Je souhaite que nous ayons avec le Gouvernement un dialogue constructif, c'est-à-dire un dialogue qui ne soit pas bloqué, et que nous parvenions ensemble à redonner à nos compatriotes cet espoir qui leur manque dans le cadre d'une solidarité et d'une affection que nous leur portons tous. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale. M. Jacques Larché, président de la commission spéciale sur la Corse. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce qu'il est convenu d'appeler le « processus de Matignon » est engagé depuis presque deux ans. Adopté par l'Assemblée nationale, ce texte vient devant nous aujourd'hui en discussion.
La commission spéciale du Sénat a fait en sorte que l'examen par le Sénat ne soit en aucune manière retardé. Tous les membres de la commission ont regretté, comme M. le rapporteur l'a indiqué, que le calendrier adopté ne permette pas à l'ensemble des membres de la Haute Assemblée une prise de connaissance suffisante de l'excellent rapport présenté par mon ami Paul Girod.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est toujours comme ça !
M. Jacques Larché, président de la commission spéciale.
Pas toujours ! (M. Dreyfus-Schmidt s'exclame.)
M. Jacques Larché, président de la commission spéciale. Ce rapport qui, comme chacun l'aura noté, porte la marque personnelle de Paul Girod, est aussi le résultat du travail d'ensemble accompli par tous les membres de la commission, que je remercie en cet instant de leur amicale collaboration. Ce rapport a eu pour bases, en grande partie, les constatations effectuées par la délégation qui s'est rendue en Corse au cours de l'intersession, ainsi que les nombreuses auditions effectuées tant par le rapporteur lui-même que par la commission tout entière.
Au cours de ce déplacement, nous avons ressenti avec quelque fierté - je n'hésite pas à le dire - la considération portée au Sénat. Nous avons très bien compris que, sur ce très grave sujet, un grand débat est attendu de nous, alors que même les délibérations de l'Assemblée nationale, par leur tonalité, ont provoqué quelques déceptions.
De nos recontres nombreuses et fructueuses, je voudrais tirer quelques enseignements.
Tout d'abord, nous nous devions d'examiner ce texte.
Cet examen doit être, pour nous, l'occasion de dire à nos compatriotes corses notre totale solidarité. M. Paul Girod a employé le terme « affection », qui, je crois, est exactement la traduction de ce que nous ressentons.
Mais ce texte doit être aussi l'occasion de leur dire la vérité.
Enfin, cet examen doit, au-delà des problèmes si parfaitement analysés par M. le rapporteur, nous conduire à une réflexion sur nous-mêmes et sur notre propre destin.
Nous nous devions d'examiner ce texte. Alors que les événements de l'été auraient pu nous conduire à différer l'examen que nous nous proposions d'entreprendre, nous ne l'avons pas voulu. J'ai personnellement pensé - j'ai d'ailleurs eu sur ce point l'approbation des plus hautes autorités de l'Etat, et, singulièrement, celle de notre président - qu'une telle remise en cause n'aurait fait qu'aggraver une situation déjà suffisamment préoccupante.
Certains ont pu être tentés par un refus immédiat. Ce refus pouvait semblé justifié par les conditions d'établissement du projet initial : l'absence d'un retour à la paix civile, pourtant un instant avancé comme préalable, l'inopportunité de certaines déclarations qui ont pu être mal interprétées mais qui ont pu être comprises comme autant de concessions aux seuls extrémistes.
Mais, vingt-cinq ans après le drame d'Aléria, le problème corse demeure ; on peut même considérer qu'il s'est aggravé.
La tentative du Gouvernement, reconnaissons-le, est différente dans sa nature des tentatives menées jusqu'à ce jour, qui, toutes, ont plus ou moins échoué. Mais n'oublions pas que nous agissons dans le cadre tracé par une déclaration du Président de la République qui indiqua, au moment qu'il jugea opportun et avec toute la fermeté souhaitable, qu'aucune initiative ne saurait être tolérée qui aurait pour résultat l'abandon de nos principes fondamentaux et la mise en cause de l'unité de la République.
Que ce problème, si douloureusement ressenti, dure depuis vingt-cinq ans montre à l'évidence que les responsabilités doivent être partagées...
M. René-Pierre Signé. Ah bon ! Bel aveu !
M. Jacques Larché, président de la commission spéciale. ... et que l'on doit s'interroger sur les raisons qui ont fait que, dans aucun domaine jusqu'à ce jour, une solution satisfaisante n'a pu être trouvée.
Nous devons, dans la perspective d'un nouveau statut, dire d'abord à tous nos concitoyens de l'île notre totale solidarité ; nous devons aussi leur exprimer la certitude que nos sentiments sont ceux de la très grande majorité des Corses : les Corses sont français et républicains. Nous avons compris combien ils ont été blessés par les propos de ceux qui, bien légèrement, affectent de consentir à l'indépendance réclamée par quelques-uns.
Les opinions exprimées, paraît-il, dans des sondages, des propos que l'on prête à un ancien Premier ministre les meurtrissent et me paraissent oublier ce que nous devons aux Corses. Faut-il le redire en cet instant ? Des monuments aux morts sur lesquels, dans tous les villages, tant de noms sont gravés, le serment de Bastia par lequel, aux pires moments, les Corses ont, sur leurs berceaux et sur leurs tombeaux, juré de vivre et de mourir Français ; Ajaccio et Bastia, premières villes françaises libérées ; une résistance à Vichy et à l'occupant qui se manifesta dès les premiers jours et à laquelle participèrent tant de Corses qui ne s'interrogeaient pas sur la couleur de leur sang, mais qui savaient tous que leur coeur était français.
C'est à tous ces Corses, fiers d'un passé qui nous est commun, qu'en cet instant nous nous devons de dire la vérité.
La vérité, quelle est-elle ? Ou, tout au moins, à quelle conception de la vérité la majorité de la commission spéciale est-elle parvenue ?
Ce projet de loi apporte des réponses appropriées sur de nombreux points importants. De nombreuses dispositions, sous réserve de quelques aménagements, doivent en être acceptées.
L'enseignement d'une langue locale, dès lors qu'il ne constitue pas une obligation, peut être envisagé et organisé. Chacun aura noté le caractère très novateur des propositions de notre rapporteur pour l'aménagement du littoral.
Ses propositions peuvent prévenir une urbanisation intensive qui défigurerait ce patrimoine essentiel que constitue la beauté de l'île mais qui permettrait un développement démographique et touristique.
Dans le domaine du développement économique, il ne suffira pas de prévoir l'injection de crédits supplémentaires. C'est à un véritable changement de sa structure que la Corse devra, effectivement, procéder progressivement. Nous avons pu constater que les signes annonciateurs d'une telle évolution sont, d'ores et déjà, nettement perceptibles : ils indiquent la voie à suivre.
Mais il nous a semblé que ce qui était proposé pour l'organisation institutionnelle de l'île n'était pas, aujourd'hui, juridiquement possible.
Il eût été préférable, je crois, de ne pas faire croire que l'on pouvait prévoir une véritable délégation du pouvoir législatif en se fondant sur un précédent concernant un domaine infiniment plus limité.
Une telle assimilation imaginée, semble-t-il, au dernier moment, si l'on en croit un ouvrage récemment publié et dont l'auteur se vante d'en avoir été l'inventeur, aura été dicté par la volonté de parvenir à un compromis avec des éléments qui, de toute manière, laissaient penser que les accommodements ne constituaient, dans l'esprit de ceux auxquels ils étaient consentis, qu'une étape. Sembler accorder à ce qui était demandé, alors que l'on escomptait peut-être la censure d'un juge constitutionnel, a fait naître des espoirs infondés et n'aura pas apporté de réponse acceptable à un problème qui demeure posé.
Ce qui n'est pas possible aujourd'hui le sera-t-il demain ? Je le souhaite.
L'analyse de ce texte doit nous inviter à nous livrer à un examen sur nous-mêmes et à un examen de la situation de droit à laquelle notre histoire nous a conduits. Ce que nous nous devons de refuser aujourd'hui, même si nous en avons le regret, nous devrons faire en sorte que cela devienne possible.
La puissance de l'Etat centralisateur, les contraintes nécessaires à la constitution de la Nation nous ont conduits à une notion stricte de l'unité de la loi, qui ne s'accommode pas de diversités. Sans ces contraintes, peut-être la France ne se serait-elle pas construite.
L'Etat a fait la France. Il en avait le devoir. Ce qu'il a fait est solide.
Maintenant son devoir a peut-être changé. De la réserve à l'égard des évolutions, il doit passer à la confiance dans l'oeuvre réalisée.
Notre pays est, je crois, capable de prendre conscience de ses diversités.
Après avoir été contrainte à se faire et après avoir voulu se faire, la Nation a besoin, en quelque sorte, d'une respiration nouvelle.
Nous devrons peut-être, à cette occasion, commencer à envisager la nature des règles que nous devons inventer.
Faudra-t-il prévoir une nouvelle catégorie de lois qui seraient dotées de la souplesse nécessaire ?
Faudra-t-il nous orienter vers une extension d'un pouvoir réglementaire normatif dont l'usage autorisé permettrait des adaptations locales, différentes suivant les situations ?
C'est dans cet ensemble, uni mais diversifié, que la Constitution permettra, sous réserve, bien évidemment, de modifications adoptées par l'ensemble du peuple français, que la Corse trouve toute sa place, que ses habitants reçoivent la réponse à leurs aspirations légitimes. Elle sera alors tenue pour ce qu'elle est et pour ce qu'elle veut être, française et républicaine, mais légitimement différente. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 58 minutes ;
Groupe socialiste, 53 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 39 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 33 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 25 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 24 minutes ;
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Raffarin.
M. Jean-Pierre Raffarin. Monsieur le ministre, vous nous avez appelé à un débat éloigné de toute polémique. Je crois, en effet, que les circonstances auxquelles nous sommes confrontés doivent exclure tout esprit de polémique et faire appel au sens des responsabilités de chacun d'entre nous.
Il est évident que ce dossier nous porte à réfléchir. Quand nous lisons sous la plume du père Bandelier : « Entre abattre les tours de Manhattan et abattre le préfet Erignac, il y a une différence mathématique, il n'y a pas de différence éthique », nous savons bien que cette question est au coeur de notre réflexion. Cela impose, évidemment, la plus grande gravité.
Monsieur le ministre, sur ce dossier, les intentions, quelles qu'elles aient été, ont été gâchées par la gouvernance, cette mauvaise gouvernance qui vous a conduit à placer les nationalistes au coeur du processus.
Je reconnais bien volontiers que vous avez voulu vous adresser à tous les élus de Corse - cette démarche-là était responsable - mais, petit à petit, vous avez commis un certain nombre d'erreurs, même de fautes lourdes. Progressivement, de ce débat qui devait être régionaliste vous avez fait un débat nationaliste ; vous n'avez pas donné aux propositions des républicains corses toute la place qu'elles méritaient, si bien que, progressivement, elles se sont trouvées marginalisées, tandis que les propositions des nationalistes étaient, elles, valorisées. C'est une grave erreur !
Et pourtant, des propositions, il y en a ! J'ai lu attentivement les débats de l'Assemblée de Corse. J'ai vu qu'il y est proposé de donner plus de compétences à la région ; il faut en effet plus de décentralisation pour aider ce territoire français à prendre en charge lui-même son développement. En matière de culture, d'environnement, de patrimoine, de développement économique et social, il faut donner des responsabilités aux Corses pour qu'ils soient eux-mêmes les acteurs de leur destin, ce que nous demandons tous au sein de la République.
Des propositions concrètes ont également été formulées s'agissant des compétences, du fonctionnement...
Nous savons bien que cette Assemblée ne suit pas le droit commun en matière de procédures budgétaires ; nous savons bien, comme le disait M. le rapporteur tout à l'heure, que le système des offices a conduit à démanteler l'exécutif corse. Eh bien, sur tout cela, des propositions ont été formulées par les républicains corses.
Qu'avons-nous retenu dans ce débat ? Les questions posées par les nationalistes ! Au fond, aujourd'hui, vous engagez le débat sur la Corse dans une impasse parce que vous posez la question de la République alors que l'on vous demandait de traiter la question corse.
Finalement, le développement de la Corse est en quelque sorte pris en otage par des questions stratégiques de coexistence dans la République entre nos différents territoires.
Or, vous faites une erreur de fond : dans la République française, la région n'est pas une nation, la région n'est pas non plus une portion de nation, c'est un échelon de la République. Les régions de ce pays veulent plus de responsabilités mais dans une République organisée. (Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
La somme des régions ne constitue pas l'Etat. La somme des régions, ce n'est pas la France. La France, c'est plus que cela. Les régions expriment des différences. Qu'est-ce qui compte pour nous élus régionaux ? C'est que l'Etat, la République, puisse nous entendre et prendre en considération nos différences, que l'on puisse parler à la Lorraine des problèmes de la Lorraine, à la région Poitou-Charentes des problèmes de Poitou-Charentes.
Nous ne demandons pas l'éclatement de la République, mais nous demandons que les différences puissent exister dans une République qui ne soit pas divisée.
Si on parle de la « République d'en bas », ce n'est pas pour l'opposer à la « République d'en haut » parce que nous savons que la République est une et indivisible. Nous voulons simplement inverser la vapeur et faire en sorte que la réflexion parte d'en bas, du terrain, dans une logique qui respecte les principes républicains.
C'est pourquoi l'article 1er du projet de loi bloque tout débat sur la décentralisation.
Cet article me fait penser à l'Albatros de Baudelaire : vous donnez à la décentralisation des ailes de géant tellement larges que vous l'empêchez finalement de décoller !
Ce que nous demandons aujourd'hui, ce n'est pas le Poitou-Charentes libre, avec des pouvoirs législatifs ; c'est simplement pouvoir, dans le cadre de la République, prendre en charge notre développement et participer aux projets que nous souhaitons voir réaliser.
Vous avez donc placé les nationalistes au coeur du débat, monsieur le ministre, et, même lorsque vous êtes reçu par les républicains corses - à qui je tiens à rendre hommage -, vous vous adressez par presse interposée aux nationalistes, qui ont boudé votre propre présence. En fait, même si vous vous mettez en situation de dialogue permanent avec les républicains corses, vous masquez ce dialogue par un dialogue virtuel avec les nationalistes corses. Finalement, dans un tel contexte, vous n'avez plus de solution à proposer.
Mais vous voici maintenant devant un texte rebâti par la sagesse sénatoriale ; il vous faudra bien accepter ses propositions si vous ne voulez pas vous enfermer dans une impasse totale.
Comme le disait M. de Rohan, dans un article paru ce matin dans un grand quotidien : « Vous cherchez l'accord pour l'accord. »
Nous voulons au contraire que vous puissiez, à l'occasion de ce débat, aussi bien pour l'article 1er que pour les autres articles, notamment pour l'article 12, sortir de l'ambiguïté.
Qu'est-ce que c'est, par exemple, que cette langue que vous ne voulez pas considérer comme obligatoire mais dont l'enseignement sera généralisé ?
C'est cette ambiguïté permanente, que l'on rencontre partout dans le texte, qui rend le débat déséquilibré.
Pour notre part, nous proposons d'adopter une démarche tout à fait différente. Pour ce faire, il faudra sans doute une réforme constitutionnelle, menée en son temps, avec toute la réflexion nécessaire afin de redonner à la République ce « tonus » dont elle a besoin en faisant vivre ses territoires en son sein.
Cette démarche que nous proposons est celle de la délégation républicaine, c'est-à-dire que l'Etat en amont fixe la norme, le Parlement édicte la loi, puis l'Etat organise la délégation, quitte ensuite, évidemment, à assumer l'évaluation. Mais entre la norme de l'amont et l'évaluation de l'aval est laissée aux territoires une grande marge de responsabilités, le tout encadré par un corpus législatif décidé au niveau de la République.
Mme Hélène Luc. Pourquoi n'avez-vous pas fait tout cela quand vous étiez au Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Raffarin. Madame Luc, je vais vous dire ce que nous allons faire : nous allons tirer les leçons de vos échecs ! (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. Pierre Mauroy. Et des vôtres !
M. Didier Boulaud. Ce sont les leçons de vos propres échecs que vous devriez tirer !
M. Jean-Pierre Raffarin. Je sais bien que ces débats peuvent prêter à polémique. Pour ma part, je ne céderai pas à cette tentation, surtout pas devant M. Mauroy, qui a conduit une réflexion sur la décentralisation,...
M. Didier Boulaud. La décentralisation, vous aviez voté contre !
M. Jean-Pierre Raffarin. ... réflexion qui n'a pas abordé le dossier corse précisément parce qu'il n'en était pas question dans les lois de décentralisation. (Exclamation sur les travées socialistes.)
Ne polémiquez donc pas sur ce sujet. Nous savons que les Corses nous écoutent. Nous devons répondre à leurs attentes en matière de développement, et cela exclut la polémique. Nos réponses doivent être marquées par la responsabilité. Or, la responsabilité, ce n'est pas le démantèlement de la République, ce n'est pas l'abandon. La responsabilité, c'est un Etat qui s'assume, qui fixe sa norme, qui garantit les évolutions et qui, entre les deux, fait confiance au territoire. (Très bien ! et vifs applaudissement sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

(M. Jean-Claude Gaudin remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN
vice-président

M. le président. La parole est à M. Vallet.
M. André Vallet. Alors que l'Assemblée nationale a adopté, fin mai, voilà donc seulement quelques mois, le projet de loi que vous présentez aujourd'hui à notre assemblée, monsieur le ministre, alors que les nationalistes voient peu à peu toutes leurs demandes exaucées - y compris, depuis quelques jours, si j'ai bien entendu, celle portant sur le regroupement dans une prison corse des condamnés de droit commun originaires de l'île -,...
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. C'est absolument faux !
M. André Vallet. ... toute une série d'attentats et de meurtres, dont le plus spectaculaire restera l'assassinat programmé de François Santoni, ont secoué la Corse cet été, sans oublier, ce matin, le mitraillage de la caserne de gendarmerie de Borgo.
A l'évidence, les nationalistes corses - je préfère dire les « indépendantistes » - ne peuvent se satisfaire des premiers acquis : toujours plus dans la logique de la violence et de la surenchère ! Toujours plus pour condamner l'ordre républicain !
Comment, monsieur le ministre, pouvons-nous continuer à négocier, en les invitant à Matignon, avec des gens qui n'ont qu'un objectif, même plus caché : conduire au plus tôt la Corse vers l'indépendance ?
Nous avons tous lu les déclarations de M. Talamoni : « Nous sommes indépendantistes, nous n'avons pas à le cacher comme une maladie honteuse [...]. Le débat des années à venir sera celui de l'indépendance. »
Comment ne pas constater, simplement au regard des événements de cet été et des déclarations des uns et des autres, que le dialogue républicain, que vous avez essayé d'établir avec sincérité, monsieur le ministre, j'en conviens, a, hélas ! complètement échoué ?
Ils sont sur cette île une poignée, une toute petite poignée, à rêver de laisser l'extraordinaire beauté de la Corse aux financiers de l'argent sale, de créer un paradis fiscal, d'asseoir une autorité qu'ils ont bien du mal à obtenir du suffrage universel. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. Paul Loridant. Ça, c'est vrai !
M. André Vallet. Et ce n'est pas moi qui le dit ! Il suffit de relire Christian Rossi et François Santoni, qui savaient de quoi ils parlaient : « L'indépendance amènerait une classe dirigeante d'obédience mafieuse », écrivaient-ils dans l'ouvrage qu'ils ont publié, Pour solde de tout compte , avant d'être tous deux assassinés.
Le texte que vous nous présentez aujourd'hui, monsieur le ministre, n'est, aux yeux de tous les excités de l'île, qu'une étape. L'objectif reste l'indépendance, le plus vite possible, « sans attendre 2004 », déclare aussi M. Talamoni.
Les Corses, dans leur immense majorité, sont opposés à tout processus qui irait jusque-là. Il faut qu'ils puissent démocratiquement le dire.
Et ils doivent pouvoir le dire autrement que par le biais de l'Assemblée territoriale, qui s'est arrogée des pouvoirs constituants mais qui n'a pas été élue pour cela - seuls les nationalistes réclamaient en 1999 un nouveau statut, ce qui a été écarté par toutes les autres formations politiques - et qui n'a, comme l'a indiqué le Conseil constitutionnel en 1991, que des responsabilités à caractère administratif.
C'est donc par voie référendaire que les Corses doivent pouvoir s'exprimer. S'il est nécessaire, pour cela, de changer la Constitution, n'hésitons pas ! Les parlementaires connaissent bien le chemin de Versailles...
Un ancien Premier ministre déclarait, peut-être un peu hâtivement : « Si les Corses veulent leur indépendance, qu'ils la prennent ! » Mais ils ne la veulent pas et sont, à plus de 90 %, solidement ancrés à la République française. Ils se reconnaissent dans la France et, l'histoire récente l'a montré, notre nation doit beaucoup aux Corses.
Les Corses veulent - et c'est bien normal ! - que l'on accepte leur identité, leur spécificité, que l'on mette en place une politique de développement et de continuité territoriale, mais ils veulent aussi - plus que tout - que l'ordre et la paix soient assurés sur l'île, que des responsabilités ne soient pas accordées à ceux qui sont plus habitués à manier les explosifs que les fonds publics.
M. Dominique Braye. Bravo !
M. André Vallet. Les Corses ne veulent plus être les marginaux de la République. Pourquoi une politique de décentralisation seulement pour les Corses ? Pourquoi une singularité corse, et non pas une singularité picarde, alsacienne, savoyarde ou provençale ?
M. Josselin de Rohan. Absolument !
M. André Vallet. L'évolution de la Corse doit être liée à un grand projet de redistribution des pouvoirs dans la République, un projet accordant une plus grande autonomie administrative, mais certainement pas l'autonomie législative.
Comment refuser à l'ensemble des régions françaises ce que vous allez accorder à la Corse : des compétences en matière universitaire, culturelle, d'aménagement et de développement, de sport, de transport, de développement économique, de tourisme, d'agriculture, de forêt, de formation professionnelle, d'environnement, d'eau, d'assainissement et d'énergie ?
Le texte que vous nous présentez, monsieur le ministre, relève d'une inacceptable logique d'exception, alors que c'est sur l'ensemble du territoire que s'affirme l'exigence d'une nouvelle démocratie de proximité.
Attention au phénomène de contagion ! Toutes les différences, toutes les diversités des régions risquent, en s'appuyant sur votre texte, de remonter très rapidement et très fortement... Le rôle de l'Etat n'est-il pas de rechercher ce qui rassemble et non ce qui divise ? Avez-vous mesuré les risques que fait courir ce texte à l'unité de notre nation ?
Je voudrais, tout comme l'a fait notre rapporteur, m'arrêter sur un point particulier de votre projet qui heurte l'ancien enseignant que je suis : l'enseignement quasi obligatoire de la langue corse, qui entrera dans l'horaire normal, l'accord des parents étant présumé, sauf avis contraire.
Monsieur le ministre, je suis un fervent défenseur des langues régionales, mosaïque très riche, à respecter, à préserver, à reconnaître et à promouvoir. Je souhaite d'ailleurs que notre pays ratifie la charte des langues régionales, signée avec vingt-cinq autres pays, mais sans que soit jamais écarté le français, langue de tolérance, le français constitutionnel et constitutif de la nation, le français du peuple français pour le peuple français.
La langue officielle de la France ne peut être le corse, le provençal ou le breton. Ce n'est pas acceptable.
Je m'oppose à un texte qui donnera, demain, une égalité à la langue corse et, après-demain, sans doute, une priorité pour satisfaire la revendication inouïe des nationalistes : réserver les emplois publics sur l'île aux Corses et aux seuls Corses. (Très bien ! Sur les travées du RPR.)
Ne craignez-vous pas, par ailleurs, monsieur le ministre, que les parents qui refuseront cet apprentissage ne soient rapidement montrés du doigt par les activistes ?
M. Gérard Longuet. Bien sûr !
M. André Vallet. Une autre question mériterait d'être posée à votre collègue de l'éducation nationale : quelle discipline sera sacrifiée pour insérer cet enseignement ? Le français ?
M. Henri de Richemont Bien sûr !
M. André Vallet. Le nécessaire apprentissage, dès l'école primaire, des langues étrangères ? La réponse de M. le ministre de l'éducation nationale à cette question nous intéresserait beaucoup.
Vous continuez, monsieur le ministre, en présentant ce texte devant le Sénat, à céder au chantage des indépendantistes, reniant tous les engagements républicains du Premier ministre.
Lionel Jospin déclarait en effet, en septembre 1999 : « Le problème corse n'est pas celui de son statut, mais celui de la violence. Un nouveau statut ne servirait à rien ; il serait immédiatement ruiné par la violence [...] L'apprentissage obligatoire de la langue corse n'est pas envisageable, ce serait une atteinte aux libertés individuelles. Il n'y a pas de négociation avant l'arrêt complet de la violence. La France est un Etat unitaire [...] Un accroissement des pouvoirs locaux qui conduirait à trop de particularismes serait, à l'évidence, ruiné. » Je n'ai rien à ajouter !
Je n'ai rien à ajouter, sinon que M. le Premier ministre engageait, quelques mois après, les discussions avec M. Talamoni, celui qui ose dire qu'il « ne prône ni l'arrêt ni la poursuite de la violence », qui déclare qu'il « condamne l'attentat contre le préfet Erignac... mais pas les hommes qui l'ont commis ».
Renoncez, monsieur le ministre, à ce projet. Il en est encore temps ! Consultez les électeurs corses. Ne précipitez pas l'île dans l'aventure de l'indépendance. N'alimentez pas ce processus en chaîne qui peut casser le territoire national. Ne donnez pas une prime à la violence.
Permettez à la Corse de se développer, de lier sa dignité et son avenir à la République, et surtout ne donnez pas l'impression que les 10 % d'excités - renforcés, il est vrai, par leurs armes et leurs pains de plastic - comptent plus que les 90 % de la population corse, silencieuse et apeurée.
Interrompez le dialogue avec ceux qui n'acceptent la démocratie que lorsqu'elle sert leur cause. Exigez une véritable volonté de paix et une rupture avec une culture de violence et de haine.
Il est encore temps, monsieur le ministre, de ne pas accepter ce qui peut éloigner la Corse de la France, car ce sera demain, hélas ! irréversible.
Le groupe du Rassemblement démocratique et social européen, que je représente ce soir, exprime ses doutes sur le présent projet de loi. La plupart de ses membres s'y opposent et rejoignent les conclusions de notre rapporteur. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RDSE, du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. de Rohan.
M. Josselin de Rohan. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, sur ce débat qui commence dans notre assemblée plane l'ombre tragique d'un préfet de la République lâchement assassiné parce qu'il personnifiait la République, mon condisciple et mon ami.
J'assure Mme Erignac et ses enfants de notre fidélité à sa mémoire, ainsi que de notre volonté inébranlable de voir ses assassins appréhendés, jugés et condamnés. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Nous n'accepterons jamais que les auteurs de ce crime odieux échappent à leur châtiment ou n'expient pas leur forfait.
Qui d'entre nous ne souhaite voir s'instaurer en Corse une paix durable, assise sur la réconciliation des esprits sur le développement harmonieux de l'économie et de la société corse ? Nos concitoyens corses souffrent, depuis tant d'années, des bouleversements qui affectent leur île qu'ils ont bien gagné le droit à la tranquillité et à la sécurité ! Mais la paix et l'avenir peuvent-ils être édifiés dans l'ambiguïté, le faux-semblant, l'ignorance des valeurs républicaines ? Peuvent-ils être fondés sur l'abaissement de l'Etat et la démission devant l'illégalité ?
Depuis le 23 décembre 1999, date à laquelle M. Talamoni, porte-parole des indépendantistes corses, annonçait une trève illimitée des violences, on a enregistré cent dix attentats et vingt et un assassinats. Cette triste statistique représente, paraît-il, un progrès par rapport aux périodes antérieures... Meurtres et exactions, nous dit-on, ne sont plus d'origine politique : ils émanent du banditisme, lequel ne cesserait de se renforcer dans tous les domaines. Mais n'est-ce pas le procureur général Legras qui nous précise qu'il était presque impossible de faire le départ entre terrorisme politique et terrorisme mafieux en raison de leur interpénétration croissante ? C'est ce que ce magistrat appelle la « zone grise ». Les armes utilisées sont d'ailleurs les mêmes : pression, chantage, extorsion de fonds ou exécutions sommaires.
Je laisse la parole à deux nationalistes qui dressent, en quelque sorte, un état des lieux : « La révolution culturelle et politique que nous voulions accomplir, nous ne l'avons pas accomplie. Le goût des armes, la délinquance, le culte du voyou, toutes ces tares de la société corse que nous voulions gommer, la clandestiné n'a fait que les renforcer. L'ancienne caste politicienne et féodale du clan, contre laquelle nous nous sommes battus, se porte bien et peut tranquillement se transformer en une nouvelle caste affairiste mieux adaptée au monde moderne ».
Les auteurs de ce cruel constat, Jean-Michel Rossi et François Santoni, sont morts à un an de distance, assassinés par des inconnus aussi insaisissables qu'Yvan Colonna.
Force est bien d'admettre que, malheureusement, la société du fusil continue de régner en Corse.
On nous a également présenté comme un progrès remarquable et décisif le fait que les élus nationalistes aient été associés à l'élaboration du futur statut de la Corse. Mais à aucun moment MM. Talamoni et Quastana n'ont répudié la violence. Ils ont constamment réclamé l'amnistie pour les criminels de sang et le regroupement en Corse des prisonniers. Bien plus, l'élimination physique des adversaires n'a pas cessé. Les petits meurtres entre amis, si bien décrits dans Pour solde de tout compte , se poursuivent comme devant.
En s'asseyant à la table des négociations, les nationalistes n'ont rien concédé. Ils n'ont en rien renoncé à leurs méthodes. Ils se refusent à parler la même langue que les autres participants. Le processus de Matignon est, à leurs yeux, une étape sur la voie de l'indépendance, et rien d'autre !
Ainsi a-t-on promu au rang d'interlocuteurs privilégiés des hommes qui ne représentent pas le quart de la population corse, et pas même la majorité des nationalistes, ainsi qu'en témoignent leurs luttes intestines.
N'en déplaise à ceux qui voulaient établir un parallèle entre les accords de Nouméa et le processus de Matignon, Talamoni n'est pas plus Tjibaou que la Corse n'est la Calédonie. Mais, en Nouvelle-Calédonie, les protagonistes voulaient parvenir à un accord clair, sincère et équilibré. Tel n'est pas le cas du processus de Matignon, dominé par l'équivoque et les arrière-pensées.
Il faut, comme l'a fort justement souligné M. Paul Girod dans son excellent rapport, que le Gouvernement nous explique pourquoi on ne saurait rien bâtir de durable sans renonciation préalable à la violence, au dire même du Premier ministre, dans le même temps où l'on peut discuter de l'avenir avec des violents qui se prévalent de la violence et continuent d'y recourir. Il faut nous dire pourquoi le rétablissement de l'état de droit en Corse, ou plutôt son instauration, ne constitue pas une condition essentielle du développement de la démocratie dans ces départements.
Il est particulièrement grave de la part du Gouvernement d'avoir pris le risque délibéré de l'inconstitutionnalité.
Les avertissements, pourtant, n'ont pas manqué. Le Conseil constitutionnel, en 1991, avait déjà censuré la disposition de la loi portant statut de la collectivité territoriale de Corse qui reconnaissait l'existence d'un peuple corse comme contraire à l'indivisibilité de la République et à l'égalité devant la loi des citoyens. Puis, en février de cette année, c'est le Conseil d'Etat qui a émis un avis défavorable en soulignant le caractère inconstitutionnel de certaines des dispositions essentielles du texte.
Le Président de la République a fait part de ses réserves au conseil des ministres, mais le Gouvernement a passé outre. Pourtant, en reconnaissant à la collectivité territoriale de Corse un pouvoir d'adaptation des normes nationales dans des domaines essentiels, il ne pouvait méconnaître les graves problèmes que suscitait une telle mesure au regard de la Constitution.
A bon droit, la commission spéciale s'est opposée à l'idée que l'assemblée de Corse devrait régler seule les affaires de la Corse, au mépris des compétences exercées par les autres collectivités.
Mais, comme l'a fait remarquer le rapporteur de la commission spéciale, en dépit des précautions oratoires, des explications alambiquées ou des artifices de procédure, le texte voté par l'Assemblée nationale prévoit la dévolution pure et simple du pouvoir législatif et du pouvoir réglementaire dans les mains d'une collectivité locale. Le Gouvernement, comme le Parlement, ne saurait se dessaisir d'une compétence exclusive et strictement encadrée sans réforme préalable de la Constitution. Il est donc évident que les dispositions du projet de loi sont, en l'état, inconstitutionnelles.
Comme l'a dit M. Paul Girod, « le Gouvernement a fait le choix d'accéder aux demandes émanant des plus radicaux, en particulier sur la question du pouvoir d'adaptation législative ». Il s'agit, selon lui, « d'une forme de reconnaissance à des positions auxquelles ont dû se rallier des élus dont l'attachement à la France et aux institutions républicaines ne saurait être mis en doute ».
Voilà, hélas ! où mène la recherche à tout prix d'un compromis avec des interlocuteurs qui sont aux antipodes de nos conceptions et de nos valeurs. Entre ceux qui recherchent plus de décentralisation et ceux qui revendiquent l'indépendance, il n'y a pas une nuance, mais un fossé. Il faudrait avoir l'honnêteté de le reconnaître !
Nul ne saurait contester qu'il existe des problèmes propres à la Corse, des spécificités corses, une identité corse. Nul ne songe à s'opposer à de nouveaux transferts de responsabilités de l'Etat au profit de la Corse.
Nous observons cependant que la plupart des régions françaises souhaitent obtenir de tels transferts, au même titre que la Corse ! On ne voit pas pourquoi cette collectivité serait seule bénéficiaire d'un renforcement de la décentralisation, sauf à ce que l'on veuille encore souligner davantage sa singularité. En réalité, il faut inscrire les réformes envisagées en Corse dans un processus de décentralisation généralisé à l'ensemble des régions françaises. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
A cette occasion, on peut envisager un nouveau partage du pouvoir législatif ou réglementaire. On peut débattre du point de savoir si la France, Etat unitaire, doit évoluer vers un système plus ou moins fédéral, mais cette discussion doit se dérouler de manière approfondie, sereine et dans la clarté. Elle ne saurait être précédée par des expérimentations hasardeuses, contraires aux principes généraux ou à la loi, qui conduiraient dans la pratique à une révision subreptice ou camouflée de notre Constitution.
La langue est l'expression d'une identité, d'une culture, d'une histoire ; c'est la raison pour laquelle ceux qui la pratiquent lui sont profondément attachés.
Le Breton que je suis comprend la portée symbolique d'une reconnaissance particulière de la langue corse et de sa place dans la vie politique, économique et culturelle de l'île.
Nous savons, pour l'avoir vécu, que les langues régionales ont été loin de bénéficier dans le passé du respect, de la protection ou du soutien matériel et moral nécessaires à leur conservation.
Nous savons que la disparition de ces langues serait une grave atteinte à l'âme des populations qui les parlent ainsi qu'à leur patrimoine. C'est pourquoi la République doit aider, encourager et favoriser leur maintien.
Mais, dans ce domaine comme dans les autres, aucune ambiguïté ne saurait se manifester.
La langue corse ne doit pas être utilisée comme une arme de combat contre la République ou la langue française. Elle doit être l'instrument de l'épanouissement et non celui de l'enfermement, de l'exclusion, du communautarisme et de l'ethnocentrisme.
L'enseignement du corse ne saurait aboutir à faire du français une langue étrangère, à rendre plus difficile la pratique des langues d'autres pays du monde, encore moins à servir de prétexte à une « corsisation » des emplois. Si l'enseignement de la langue corse dès la maternelle et dans le primaire est facultatif, proposé et non pas imposé, il suffit de l'affirmer, et non de se retrancher pour l'interpréter, comme l'a fait le Gouvernement, derrière l'exégèse d'un arrêt du Conseil constitutionnel relatif à la Polynésie !
Ce qui va sans dire va mieux encore en le disant. Pour cette raison, et pour éviter toute dérive, nous voterons pour une rédaction claire et précise de la disposition du projet ayant trait à la langue corse.
Si nous avons été critiques pour les articles du projet de loi qui nous paraissaient inconstitutionnels ou dangereux pour l'unité de la nation, nous souscrivons aux mesures économiques et fiscales prévues, pour autant que s'exerce le contrôle des fonds et des aides dans les conditions du droit commun par les administrations et les juridictions compétentes.
Nos compatriotes corses doivent pouvoir compter sur la solidarité nationale pour lutter contre les handicaps de l'insularité et bénéficier d'un soutien indispensable pour développer leur économie et rattraper leur retard dans le domaine des équipements. Les dispositions relatives au sport, à la culture ou à l'enseignement nous paraissent acceptables, sous réserve des amendements proposés par la commission.
S'agissant des modifications relatives à la loi littoral, qui ont suscité beaucoup de polémiques et d'émotion, les préconisations de la commission spéciale nous paraissent très raisonnables.
Pour avoir été le rapporteur de la loi littoral devant la Haute Assemblée, j'en connais les imperfections et la complexité. Je conçois qu'il soit nécessaire de tenir compte de la situation propre à la Corse pour permettre certaines adaptations. Pour autant, j'estime que nos compatriotes corses doivent comprendre qu'un littoral - le leur ! - caractérisé par des sites d'une beauté incomparable et particulièrement préservé est un atout de premier ordre et non un handicap s'ils veulent développer leur tourisme. Ils ne sauraient admettre que des groupes financiers, dont certains sont alimentés par des capitaux d'origine douteuse, puissent, en spéculant sur des terrains « libérés » des contraintes environnementales, réaliser de fabuleux bénéfices à la suite d'une « bétonnisation » du littoral. Là encore, la singularité corse serait montrée du doigt.
Entre une rigueur excessive et tatillonne et le laxisme total, il existe une large marge. La conciliation entre une urbanisation respectueuse de l'environnement et la préservation du patrimoine naturel est possible si les élus font preuve de responsabilité et de détermination. Toute imparfaite qu'elle soit, la loi demeure pour eux un garde-fou et une sauvegarde.
Si nous avons fait connaître les objections majeures que comportait le présent projet de loi, nous pensons néanmoins qu'il faut continuer à rechercher dans la clarté les voies d'une solution durable au problème corse, avec les hommes de dialogue et de bonne volonté.
Nos compatriotes corses ont droit à la loi. Cela implique que les effectifs nécessaires soient donnés à la police et à la gendarmerie pour rechercher et appréhender les délinquants et criminels de toute origine qui attentent à la sûreté de leurs concitoyens, à leurs biens ainsi qu'à la libre expression de leurs opinions. Cela suppose que non seulement les magistrats jugent les coupables, mais qu'ils disposent des moyens nécessaires pour faire exécuter leurs arrêts.
Cela signifie qu'il faut rompre avec la culture du passe-droit, des arrangements clandestins,...
M. Didier Boulaud. Des cagoules !
M. Josselin de Rohan. ...de l'usage des armes,...
M. Didier Boulaud. Excellente idée !
M. Josselin de Rohan. ... du silence sur les exactions, de la tolérance à l'égard de la violence.
M. Didier Boulaud. Cela fait plaisir d'entendre ça !
M. Josselin de Rohan. Je ne vois pas en quoi tout cela peut vous gêner : il serait étonnant de prétendre le contraire !
M. Didier Boulaud. Nous ne sommes pas gênés : nous sommes contents de vous entendre dire cela !
M. Josselin de Rohan. Tant que, sur le territoire corse, la loi ne sera pas tenue pour ce qu'elle est - l'expression de la volonté générale et la garante de la société, une obligation à laquelle on ne peut se soustraire - et tant qu'elle ne sera pas respectée, la Corse vivra dans l'incertitude et l'inquiétude. (Très bien ! sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Nos compatriotes corses ont droit à la démocratie. Cela veut dire que nul clan, nulle formation, groupe ou groupuscule ne saurait s'arroger, en particulier par la violence, le monopole de l'expression politique. Cela veut dire que les Corses ont le droit de jouir d'institutions vraiment représentatives, permettant les débats d'opinion, bénéficiant d'un large domaine de compétences. Et, lorsqu'il s'agit de l'avenir de leur région, les Corses doivent être consultés préalablement à l'adoption d'un nouveau statut.
Les élections législatives de 2002 donneront l'occasion aux Corses de choisir entre ceux qui veulent pour leur île un avenir dans la République et ceux qui veulent l'indépendance. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Claude Estier. Ce n'est pas cela, le choix !
M. Josselin de Rohan. Un référendum constitutionnel accordant aux régions françaises de nouvelles compétences pourrait également leur fournir une opportunité pour faire connaître leur sentiment.
Nos concitoyens corses ont enfin droit à la responsabilité. Leur identité, leur spécificité, leur culture doivent être admises, protégées, considérées.
Ils doivent avoir une large latitude pour gérer leurs affaires, créer des solidarités avec leur environnement méditerranéen, disposer des ressources nécessaires pour développer leur économie et leurs infrastructures.
Le refus de l'assistanat, l'acceptation du risque sont la contrepartie de la responsabilité. De la même manière, la lutte contre le banditisme et la criminalité, la mise hors la loi des trafiquants seront une preuve de la volonté des Corses de ne pas tolérer que leur île soit, un jour, un asile pour les délinquants ou un refuge pour les fonds d'origine douteuse.
A nos compatriotes corses, nous disons : vous habitez une terre d'une incomparable beauté ; vous êtes détenteurs d'un patrimoine culturel et monumental d'une grande richesse et les héritiers d'une longue et belle histoire.
Vous avez donné à la France l'un des plus illustres de ses fils, aux armées et à l'administration de la République les meilleurs de ses serviteurs.
Vous avez payé un lourd tribut à la patrie lorsqu'elle était menacée ainsi qu'en témoignent vos monuments aux morts. Aussi, mettre en doute votre attachement à notre pays serait vous faire injure.
M. Didier Boulaud. Certainement !
M. Josselin de Rohan. Mais la France aussi, en dépit de ses erreurs ou de ses insuffisances, vous a beaucoup apporté.
Elle vous a ouvert sur le monde et sur l'universalité, elle a donné à vos enfants des perspectives et des emplois qu'ils n'auraient pas connus sans elle.
Nous devons établir un nouveau contrat fondé sur le respect mutuel, l'écoute et la responsabilité au sein d'une République garante de la liberté, de l'égalité et de la fraternité, garante de la loi et de l'ordre public.
Nous avons besoin les uns des autres pour que la France bâtisse son avenir dans l'unité tout en s'enrichissant de ses diversités.
Rejetez les forcenés et les criminels qui déshonorent leurs concitoyens par de lâches assassinats et des comportements odieux.
A nos compatriotes métropolitains...
M. Didier Boulaud. Continentaux !
M. Josselin de Rohan. ... nous disons : efforcez-vous de comprendre combien il est souvent pénible d'avoir à s'expatrier faute de pouvoir trouver sur place les emplois que l'on recherche, combien l'insularité crée de handicaps, de dépendances à l'égard des transports et de l'extérieur, de surcoûts pour les produits importés ou exportés, combien, en comparaison de la France,...
M. Didier Boulaud. Du continent !
M. Josselin de Rohan. ... les équipements routiers, ferroviaires, culturels, éducatifs sont souvent insuffisants ou médiocres.
Nous disons enfin au Gouvernement et à son chef qu'aucun accord, aucun arrangement n'a de valeur ou d'avenir s'il doit être acquis au prix de la démission de l'Etat, du manquement à la Constitution, de compromission avec ceux qu'il faut bien nommer des « ennemis de la France ». C'est parce qu'il se refusait à un tel aboutissement que votre prédécesseur, monsieur le ministre, a démissionné de ses fonctions. (Exclamations sur les travées du RPR.)
N'en doutez pas, si vous ne tenez aucun compte de nos avertissements, de nos réserves ou de nos suggestions, nous mettrons en cause la légitimité de votre entreprise.
Vous êtes comptable devant la France de l'unité et de l'indivisibilité de la République. S'il vous arrivait de l'oublier, nous saurions vous le rappeler. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Hoeffel.
M. Daniel Hoeffel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au moment où le Parlement est saisi une nouvelle fois d'un projet de statut sur la Corse, à l'heure où nous sommes appelés à nous prononcer sur le processus de Matignon, notre devoir est d'arriver à une analyse dépassionnée de ce problème.
Il apparaît difficile, dans la situation actuelle, pour tous ceux qui ne connaissent pas toutes les données du problème Corse - et c'est mon cas - d'exprimer un avis définitif, compte tenu des doutes et des hésitations perceptibles chez certains protagonistes et du double langage tenu par d'autres. Il appartient cependant au législateur de se prononcer. Je vais le faire au nom de mon groupe et, à ce titre, je vais présenter quelques observations liminaires, préciser notre point de vue sur le fond du projet de loi et, enfin, placer ce dossier dans une perspective plus générale.
Quelques observations liminaires s'imposent.
La Corse et les Corses méritent notre estime, notre respect et notre solidarité. Ils ont beaucoup donné à la République, cela vient encore d'être rappelé. Leur attachement à leur terre, à leur culture, à leur langue devrait nous inspirer du point de vue de la fidélité à nos racines et non générer, parfois, une certaine condescendance. Mes contacts avec la Corse et les occasions que j'ai eues de travailler avec des Corses me conduisent naturellement à cette appréciation positive.
Il en découle une deuxième observation relative au respect de l'identité corse et à la spécificité du statut corse. J'y ai été confronté successivement au ministère des transports, à propos de la continuité territoriale, et au ministère de l'aménagement du territoire, avec les négociations sur la deuxième génération de fonds structurels européens. L'insularité entraîne des problèmes particuliers, donc des solutions originales, mais, rappelons-le, l'environnement corse est la mer Méditerranée et non l'océan Pacifique.
La troisième observation tient à la nécessité de ne pas dissocier la mise en oeuvre d'un statut corse de la réalité ambiante. Un statut, aussi bon soit-il, restera lettre morte si la légalité n'est pas respectée, si le retour à l'ordre n'est pas assuré, si des décisions de justice en matière d'environnement ne sont pas exécutées, si les règlements de comptes restent impunis.
Et comment, en cet instant, ne pas m'associer à l'hommage rendu au préfet Erignac, au représentant de la République en Corse assassiné, crime resté impuni à ce jour ? Nous devons être d'autant plus attentifs à ce qui se passe en Corse que le respect de l'autorité de l'Etat est une exigence prioritaire, et pas seulement en Corse.
C'est dans ce contexte que nous devons placer le projet de loi qui nous est soumis. La position du groupe de l'Union centriste est globalement favorable aux conclusions adoptées par la commission spéciale et présentées par son président et son rapporteur.
Je ne reviendrai pas sur l'analyse exhaustive de M. Paul Girod et je me bornerai à évoquer rapidement quatre questions essentielles soulevées par le texte qui nous est soumis.
J'aborderai, d'abord, le pouvoir d'adaptation législative et réglementaire. Incontestablement, des problèmes constitutionnels sont posés par l'article 1er. Ils expliquent la suppression proposée par la commission spéciale du pouvoir d'adaptation législative, du pouvoir réglementaire propre et du pouvoir d'adaptation des règlements nationaux conférés à la collectivité territoriale de Corse.
En revanche, nous approuvons ce qui est proposé du point de vue des adaptations au droit commun des régions pour mieux tenir compte des spécificités de la Corse, ce qui va dans le sens de l'amélioration de la procédure de consultation de l'Assemblée de Corse sur les projets et propositions de loi qui prévoient des dispositions spécifiques à la Corse.
Quant à la suppression proposée des offices et à la substitution de la collectivité territoriale de Corse à leurs droits et obligations, elles devraient contribuer à aller dans le sens d'une plus grande cohésion de l'action, notamment sur le plan économique
La deuxième question, trop souvent mal comprise sur le continent, concerne la langue corse.
Je comprends l'aspiration de ceux qui considèrent qu'une langue régionale est une expression de leur identité et j'ai la conviction que l'enseignement des langues régionales ne constitue en rien une menace pour l'unité de la République.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. C'est vrai !
M. Daniel Hoeffel. J'approuve par ailleurs ce qu'a déclaré à ce propos le président Giscard d'Estaing : « L'idée que la connaissance exclusive du français est un élément intimement lié à la République est inexacte, même si la langue française est évidemment notre langue nationale et doit le rester. »
En revanche, il n'est pas opportun de rendre obligatoire l'enseignement du corse. Que tous ceux qui veulent l'apprendre puissent en avoir la possibilité, dès l'école élémentaire et maternelle. Il faudra d'ailleurs - ce qui n'est pas forcément facile - trouver les enseignants correspondants.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Comment ont-ils fait jusqu'à présent ?
M. Daniel Hoeffel. Mais que ceux qui ne le veulent pas ne soient pas contraints.
Rappelons à ce propos - je parle d'expérience - qu'une langue régionale est transmise, d'abord, par la famille et que l'école ne peut se substituer, à cet égard, à la passivité des parents. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du groupe RPR, des Républicains et Indépendants.) C'est cette orientation qui sous-tend la position de la commission spéciale.
La troisième question a trait à la préservation de l'environnement corse, problème ô combien sensible, comme nous venons de l'entendre. Le dispositif proposé par notre rapporteur pour remédier aux difficultés d'application de la loi « littoral » nous paraît réaliste. Je pense en particulier à la clarification du régime du plan d'aménagement et de développement durable et à l'aide apportée aux communes corses pour qu'elles se dotent d'un plan local d'urbanisme. Encore faudra-t-il, particulièrement sur ce plan sensible, que le droit soit appliqué, qu'il n'y ait pas de réédition de ce qui s'est passé au domaine de Spérone et que l'on n'offre pas une justification à ceux qui cherchent à se substituer par la force au droit pour protéger les sites remarquables de la Corse.
Quant au développement économique, il paraît normal de prévoir des mesures spécifiques. Nous approuvons le dispositif fiscal et financier prévu par le projet de loi et rendu, sur certains points, plus attractif par plusieurs amendements de la commission spéciale, en particulier en ce qui concerne le dispositif du crédit d'impôt. Encore faut-il que les élus et les entrepreneurs corses utilisent au mieux les moyens et les instruments mis à leur disposition pour donner une impulsion nouvelle au développement économique.
L'ensemble du dispositif qui nous est soumis doit être replacé dans une perspective plus générale, dépassant le cadre de la Corse. On ne peut dissocier les projets d'évolution du statut de la Corse d'une réflexion globale sur l'avenir de la décentralisation en France.
Affirmer que ce qui est proposé pour la Corse est proche de ce qui est déjà en vigueur en Sicile, en Sardaigne ou dans les Baléares, c'est oublier que le statut de ces îles est un statut d'autonomie consenti par des Etats qui pratiquent sur leur continent une décentralisation qui n'a rien à voir avec la nôtre.
M. Patrick Lassourd. Très bien !
M. Daniel Hoeffel. C'est donc bien l'avenir de notre décentralisation qui est posé par le projet de loi qui nous est soumis.
L'Etat centralisé - et cela remonte loin - n'a pas été en mesure d'exercer depuis Paris ses missions essentielles en Corse. Assure-t-il mieux ses missions régaliennes de sécurité et de justice partout ailleurs et en toutes circonstances ?
Ne faut-il pas, dès lors, réfléchir d'une manière plus générale à un transfert de compétences de l'Etat vers les collectivités territoriales et, éventuellement, à des pouvoirs d'adaptation réglementaire pour permettre à l'Etat de se recentrer sur ses missions essentielles ? La commission Mauroy avait, à cet égard, conduit une réflexion méritoire, mais nous ne devons pas en rester là.
Les accords de Matignon évoquent, pour 2004, une simplification des niveaux de collectivités territoriales en Corse. Il me paraît opportun de placer cette réflexion, à laquelle je ne suis pas insensible, dans un cadre plus global. Une expérimentation peut s'avérer utile et nécessaire pour favoriser la mise en oeuvre de certaines réformes, mais faut-il le faire d'abord ici plutôt que là ?
Il est évident que nos institutions ne sont plus adaptées aux mutations économiques, sociales, politiques, idéologiques, sociologiques, démographiques, et que l'Etat central s'y adapte mal. Il est clair que l'uniformité des pratiques sur tous les territoires ne résiste pas à ces évolutions. A droite comme à gauche, des voix s'élèvent pour dire - et je l'ai lu récemment - que l'uniformité est une idée dépassée. Aujourd'hui, la France apparaît, en Europe, comme le pays qui résiste le plus à la nécessisté d'une évolution, et chacun d'entre nous, d'une manière ou d'une autre, y contribue.
La Corse est un des révélateurs d'une situation caractérisée par des pesanteurs de tous ordres. Je ne critique pas le Gouvernement d'avoir, après d'autres, à sa manière, et avec une volonté affichée de transparence, recherché des solutions à ce problème, mais encore faut-il que celles-ci soient compatibles avec le cadre constitutionnel actuel. C'est ce que nous propose le rapporteur.
Puissions-nous être conscients que, au-delà, il faudrait rapidement mettre en chantier une étape substantielle de la décentralisation pour permettre l'adaptation de nos institutions à notre temps, non seulement pour la Corse, mais pour toute la France ! (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR, des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, une nouvelle fois, après 1982, 1991 et 1996, le Parlement se penche sur la question corse, question toujours soulevée mais jamais pleinement résolue.
Aussi, au nom des sénateurs communistes, je me réjouis, de la tenue de ce débat préparé par le Gouvernement durant l'année 2000, dans le respect du dialogue et de la transparence, ce qui tranche effectivement avec les pratiques antérieures !
Cette manière de faire, que beaucoup ont appelé « le processus de Matignon », a pour la première fois permis de placer l'ensemble des élus corses au coeur de la démarche.
Oui, la Corse a bien besoin de ce débat, car il faut enfin s'attaquer aux deux maux si complémentaires qui frappent l'île depuis de nombreuses années : la violence et le retard de développement économique.
La violence perdure, ces derniers mois l'ont tristement démontré. Elle menace la construction d'un projet pour la Corse. Il faut poursuivre, aller plus loin dans l'élaboration démocratique pour contrer ceux qui, par la voie des armes, tentent de déstabiliser la société corse, au profit de l'alliance dangereuse entre l'ultralibéralisme d'un côté et les nationalistes de l'autre.
La violence, les Corses en ont assez ! On ne parle plus, et je le regrette beaucoup, de ces femmes courageuses que nous avons rencontrées à Ajaccio lors de notre mission et qui se sont levées, voilà quelques années, pour dire « stop » aux tueurs.
La Corse mérite mieux que cette image terrible de vendetta et de crimes impunis. Comment oublier que les assassins du préfet Erignac ne sont à ce jour pas tous arrêtés ? C'est bien la société corse elle-même qu'il faut mettre en mouvement pour réduire à néant ces poseurs de bombes, nationalistes le jour et terroristes la nuit.
La Corse et son peuple disposent d'un potentiel humain et géographique qu'il est temps aujourd'hui de faire fructifier.
La Corse dans la France doit ouvrir une nouvelle page de son histoire.
Depuis deux siècles, la Corse est une communauté populaire qui a inscrit son histoire dans le cadre de la nation française. Elle en a tiré sa singularité, sa spécificité.
Comme communauté, elle se distingue par une identité double, qui se réfère autant à ses réalités propres qu'à son insertion dans la nation. Une citoyenne et un citoyen de Corse se sentent profondément et indivisiblement corses et français : singularité politique, mais aussi économique.
Chacun le sait, du fait de l'insularité, du relief et des retards pris sur le plan économique, le développement économique de la Corse n'est pas au niveau de celui de la plupart des régions françaises. Selon moi, c'est à cette double singularité, politique mais aussi économique, que tout projet sur la Corse devra s'attacher pour réussir.
Monsieur le ministre, lorsque vous déclarez : « La Corse n'est pas un problème statutaire, ce n'est pas un problème institutionnel, c'est un problème de vie concrète », comment ne pas vous approuver ? Vous étiez à l'époque ministre des relations avec le Parlement !
Mais, avec ce projet de loi, les priorités sont inversées, et le débat public autour de ce projet a basculé. Il s'est trouvé projeté sur le terrain institutionnel, voire « institutionnaliste », au point que les problèmes du développement économique, de la réduction des inégalités sociales, du rattrapage des retards dans le domaine des infrastructures, des équipements et des besoins des services publics n'ont quasiment plus été évoqués en dehors des communistes.
Cette brèche institutionnelle a permis à certains de puiser des arguments utiles à la poursuite d'autres combats, bien trop éloignés des attentes très concrètes des Corses. Certains n'hésitent pas à lever plus haut encore l'étendard ultralibéral d'une Europe fédéraliste et d'une île en quête d'indépendance.
Les sénateurs communistes, je l'affirme clairement de cette tribune, ont toujours refusé, refusent et refuseront de livrer une composante de la France aux appétits financiers et bien souvent mafieux.
Pour nous, le développement économique constitue l'enjeu essentiel de toute réforme.
La réalité économique de la Corse a évolué depuis 1991. Le taux de chômage, avec 10,5 %, a baissé tout en restant élevé mais, dans le même temps, la précarité a fait un bond.
La question des emplois saisonniers est importante en Corse. Le tourisme et l'agriculture y recourent de façon très significative. Aussi est-il nécessaire d'apporter des garanties sociales à ces salariés.
Cette précarité montre bien la fragilité des statistiques sur l'emploi dans l'île. Prenons l'hôtellerie et la restauration : 75 % des saisonniers employés dans ce secteur ne résident pas en Corse. Le volume même des emplois demeure faible, avec 93 599 salariés et non-salariés.
La part des emplois industriels est évidemment faible. Comment s'en étonner puisque, en Corse, 7 % de la valeur ajoutée produite provient de l'industrie, alors que, à l'échelon national, ce pourcentage est de 22 % ?
Sur le plan des revenus, la Corse se situe au quinzième rang des régions françaises, mais, à l'inverse de la moyenne nationale, 50 % de ces revenus proviennent des prestations sociales et 33 % des salaires nets.
Les salaires sont faibles en Corse. Dans l'industrie agricole, ce sont 75 % des salariés qui gagnent moins de 8 060 francs. Dans l'hôtellerie et la restauration, le salaire moyen est de 6 210 francs, alors que 75 % des salariés touchent moins de 7 930 francs ; 25 % des ovuriers corses gagent moins de 5 700 francs net.
Mes chers collègues, la réalité corse, c'est cela ! C'est aussi celle de nombreuses personnes âgées ou handicapées qui ne pourraient vivre sans la solidarité nationale.
Je l'indiquais, la situation corse s'est améliorée, mais elle demeure confinée dans une enveloppe trop restreinte, qui génère une situation d'insularité subie plutôt qu'exploitée.
Au-delà de cet ensemble de chiffres, c'est la participation de la Corse au produit intérieur brut de la nation qui marque les limites de cette économie : 0,3 %.
Il faut donc mettre en chantier un vaste projet pour l'île. Sans nier l'importance de l'activité touristique, de son devenir, nous considérons comme prioritaire l'investissement productif, qui seul créera et fixera de l'emploi stable sur l'île. L'effort doit être mené dans ce sens et il devra être important.
Les transports constituent également un enjeu vital pour l'île, aussi bien les liaisons extérieures, sur lesquelles je reviendrai, que les liaisons intérieures. Mon ami Paul-Antoine Luciani, premier adjoint au maire d'Ajaccio, n'a-t-il pas pleinement raison lorsqu'il s'étonne de la durée du trajet ferroviaire entre Bastia et Ajaccio, qui est de trois heures trente, soit un temps supérieur au trajet entre Paris et Marseille aujourd'hui ?
Au-delà de cet exemple, que certains caractériseront de galéjade, il y a une réalité : une politique de grands travaux doit être engagée, et cela nécessite des investissements importants.
Le temps qui m'est imparti ne me permettra pas d'explorer toutes les voies du développement économique de la Corse. Nous pourrions, par exemple, examiner longuement la question des productions d'énergie, notamment hydroélectrique. Je m'attacherai plutôt aux transports vers l'extérieur.
Qu'ils soient aériens ou maritimes, les transports constituent un enjeu particulièrement important pour les insulaires, comme pour les continentaux. Ils représentent, en effet, plus de cinq millions de voyageurs - dont la moitié dans le secteur du transport maritime - entre l'île et le continent français et italien, ainsi que plusieurs centaines de milliers de voitures et de camions.
Le principe de la continuité territoriale matérialise la continuité du rail par voie maritime. Les liaisons maritimes entre le continent et l'île traduisent, à cet égard, l'attachement fort qui existe entre ces deux parties.
Ce système, qui a permis la mise en oeuvre d'une desserte de l'ensemble des ports corses moderne, efficace et répondant aux besoins non seulement insulaires, mais aussi extérieurs à l'île, se trouve aujourd'hui menacé et, avec lui, le service public maritime.
En effet, l'ouverture à la concurrence des compagnies étrangères, couplée avec les dispositions prévues aux articles 14 et 36 du projet de loi, constitue des menaces qui, à notre sens, justifient les amendements que nous avons déposés et qui portent sur la conception du service public de la continuité territoriale, la protection de l'emploi et la sécurité martime, ainsi que sur l'utilisation des crédits publics correspondants.
L'article 36 prévoit une déspécialisation de la dotation de la continuité territoriale, en permettant l'affectation des reliquats disponibles aux financements autres que ceux pour lesquels elle était destinée ; je pense à l'achat d'avions par exemple.
Avec une telle disposition, le risque est grand de voir se multiplier les ponctions de crédits initialement destinés aux concessionnaires des services publics, pour attribuer finalement des dotations aux chambres de commerce concessionnaires des infrastrucutres portuaires et aéroportuaires.
Avec la diminution ainsi annoncée des subventions allouées aux compagnies concessionnaires, le risque est grand d'aboutir à la fin du service public maritime.
Je me félicite de la récente décision du Conseil d'Etat qui, en cassant le jugement du tribunal administratif de Bastia en date du 6 juillet dernier, a validé l'appel d'offres pour le service public maritime entre Marseille et la Corse, déboutant ainsi la compagnie Corsica Ferries.
M. Paul Girod, rapporteur. Me permettez-vous de vous interrompre, monsieur Bret ?
M. Robert Bret. Je vous en prie.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, avec l'autorisation de l'orateur.
M. Paul Girod, rapporteur. Afin d'éviter toute erreur, je précise simplement qu'il s'agit des conclusions du commissaire du Gouvernement, mais que la décision est attendue ce soir. On ne sait donc pas encore ce qu'elle sera.
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Bret.
M. Robert Bret. J'espère alors avoir anticipé sur la décision, et sur une bonne décision !
M. Paul Girod, rapporteur. C'est un autre problème !
M. Robert Bret. En tout cas, ce que j'ai dit au sujet des enjeux demeure !
Cette décision permettra à la Corse de mettre au point la nouvelle délégation de service public pour la desserte de l'île pendant cinq ans, du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2006, qui devra ensuite être approuvée par l'Assemblée territoriale. Cet accord entérinera le nouveau montant des subventions qui seront attribuées à la Société nationale maritime de Corse-Méditerranée, la SNCM, et à la Compagnie méridionale de navigation, la CMN.
En ce qui concerne les crédits d'impôts, qui représentent une part importante du projet de loi, les dispositions, renforcées par la majorité sénatoriale, doivent se substituer à la zone franche. L'expérience a malheureusement démontré, mes chers collègues, que les exonérations fiscales ont rarement débouché sur une création d'emplois stables.
Une chose est certaine : il faudra que la commission régionale de contrôle des fonds publics soit rapidement opérationnelle pour éviter toute dispersion de fonds et récupération par des officines mafieuses, telle « la brise de mer », qui, nous le savons, existent en Corse.
Les sénateurs communistes sont hostiles à l'extension de ce régime d'aide, tel qu'il est proposé par la commission spéciale, dont je dois au demeurant saluer l'importance et le sérieux de son travail.
Le programme exceptionnel d'investissement devra être l'élément clef du processus. Relegué à l'article 46, il passerait presque inaperçu. Je proposerai, au nom des sénateurs communistes, un amendement afin d'en préciser le contenu et les modalités.
La question de l'investissement est cruciale. Une perspective de développement est-elle, en effet, envisageable sans production insulaire ? Ce que j'ai indiqué précédemment en fait la démonstration.
L'article 46 n'est pas satisfaisant. Nous le trouvons à la fois trop imprécis et trop flou. Il ne permet même pas de garantir la capacité de la Corse à se doter d'infrastructures pour gérer le programme lui-même.
Souvent, j'entends citer le tourisme comme la clef de l'avenir pour la Corse et ses habitants. Bien sûr, il faut poursuivre le développement envisagé depuis des années, savoir exploiter au mieux la formidable richesse géographique et climatique de l'île de Beauté.
Mais attention au veau d'or ! Le tourisme n'a jamais été en soi un moyen de développement harmonieux et généraliste d'une région ou d'un pays. Je citerai deux exemples : le Languedoc-Roussillon assiste à l'arrivée massive d'estivants chaque année, mais l'absence de bassin d'emplois stables, de production ne permet pas l'essor de l'économie locale ; la Côte d'Azur ne doit pas sa superbe au seul tourisme. C'est également une région de production et de recherche internationalement reconnue - je pense à Sophia Antipolis, cher à notre collègue Pierre Laffitte.
Cette poussée de fièvre pour le tourisme en Corse doit être contrôlée.
Certes, les équipements hôteliers sont insuffisants et des mesures doivent être engagées pour permettre de nouvelles réalisations. Mais ne vous faites pas d'illusion, les retombées économiques ne seront pas considérables ; je vous rappelle mon propos sur les emplois saisonniers.
De même, j'alerte le Sénat sur la nécessité de réfléchir à l'essor du tourisme populaire, du tourisme vert qui permet de désengorger le littoral. Il ne faut surtout pas opposer tourisme populaire et tourisme de luxe. Mais, de toute évidence, les choix se portent actuellement sur le second.
Il sera de toute façon déterminant d'allier développement touristique et prévention de l'environnement ; c'est une responsabilité de la République.
Mes chers collègues, vous l'aurez compris, pour nous, il ne s'agit pas de changer le statut institutionnel de la Corse pour le simple plaisir de le faire ou pour flatter telle ou telle fraction politique particulièrement intéressée par le sujet. Il s'agit d'adapter au mieux les institutions pour permettre à tous ceux qui vivent en Corse d'être les moteurs du développement de l'île.
Or, l'ensemble du projet de loi modifié par l'Assemblée nationale s'articule non pas autour du développement, mais autour de la décentralisation, pour ne pas dire de l'autonomie croissante qui serait accordée à la collectivité territoriale de Corse.
Certes, nous sommes partisans d'une réforme profonde des institutions, dont le ressort essentiel est l'accroissement de la participation des citoyens au processus de décision et à la vie politique. Pour autant, le texte qui est issu des travaux de l'Assemblée nationale ainsi que les amendements de la droite sénatoriale qui éludent cette question pourtant essentielle, ne peuvent nous satisfaire. La décentralisation ne doit pas se réduire au seul transfert de pouvoir des mains des uns aux mains des autres. Ce doit être une démocratisation profonde de la République où le pouvoir est transféré des mains des uns aux mains de tous.
Cette réflexion, cette action démocratique ne peut s'arrêter à la Corse. Elle doit être nationale, car partout dans notre pays monte l'aspiration d'une réappropriation de la politique par le peuple.
J'en reviens au projet de loi proprement dit. Où est la place du peuple corse ? Généraliser le mode d'élection proportionnelle pour l'élection de l'Assemblée territoriale de Corse ne constituerait-il pas une avancée ? Pourquoi ne pas remettre en cause la prééminence de l'exécutif corse, renforcé par les offices et les moyens dont il dispose, reproduction locale de la dichtomie des pouvoirs nationaux entre le législatif et l'exécutif ?
Enfin, pourquoi ne pas avoir associé les habitants de la Corse au processus ? Nous le disons depuis le départ et il est encore temps de le faire.
C'est le seul moyen d'obtenir un consensus puisé dans le dialogue. Plusieurs pistes existent : le référendum consultatif, tel qu'il fut utilisé à Mayotte voilà quelques années, après la prochaine réélection de l'Assemblée territoriale de Corse pour valider le processus ; l'extension des consultations d'initiatives minoritaires, qui existent déjà au niveau des communes, aux départements et régions, en modifiant la législation.
Les députés communistes avaient fait cette proposition voilà maintenant plus d'un an. Si l'on avait accepté d'inscrire cette proposition de loi à l'ordre du jour du Parlement, nous disposerions aujourd'hui d'un outil efficace.
S'agissant de l'article 1er du texte, considéré à tort ou à raison comme l'article phare du projet de loi, les sénateurs communistes émettent les plus vives réserves sur le dispositif de transfert des pouvoirs législatifs à l'Assemblée territoriale de Corse. Nous en proposons d'ailleurs la suppression, malgré l'habillage constitutionnel dont il a pu faire l'objet lors du débat à l'Assemblée nationale. Selon nous, seul le Parlement peut disposer du pouvoir de faire la loi ; il s'agit d'une clef de voûte de la République.
Même si notre inquiétude est moins forte, nous nous interrogeons également sur le transfert des pouvoirs réglementaires. Je prendrai un exemple avancé par des syndicalistes : le droit de grève des marins est d'ordre réglementaire ; est-ce l'Assemblée territoriale qui, demain, au gré des majorités, devra gérer ce droit de grève ?
Ne vous méprenez pas, notre attitude ne constitue pas une fermeture à l'égard de la décentralisation, bien au contraire. Mais pourquoi l'article 26 de la loi de 1991, qui comportait déjà un dispositif de proposition d'adaptation législative, n'a-t-il pas fonctionné ? Poser la question c'est déjà y répondre. Quel bilan en dressons-nous ? Cet article 26 ne permettait-il pas déjà d'aller très loin dans l'initiative réglementaire et législative ? Nous savons que tel est le cas.
Avant d'examiner brièvement quelques autres points forts du projet de loi, je souhaite clarifier le débat institutionnel sur la Corse.
Les Corses ne veulent pas de l'indépendance ; je l'ai déjà indiqué, ils sont corses et français. C'est l'histoire qui a « maillé » ces deux identités. Ce qui m'inquiète dans la tournure que prend le débat, devant le climat détestable imposé par la mouvance nationaliste - on voit refleurir sur les murs corses les inscriptions « IFF : Français dehors » - mouvance qui exerce une pression peu démocratique en se retirant du processus au cours même du débat législatif, c'est que l'ambition même qui soustend le projet de loi est menacée.
Monsieur le ministre, comme vous l'avez précisé, la pérénnisation de ce dispositif, prévue en 2004 dans le préambule du projet de loi, est soumise à la réunion de trois conditions : premièrement, le bon usage des nouvelles responsabilités pour l'Assemblée territoriale ; deuxièmement, la concrétisation pour l'Etat de son engagement ; troisièmement, la disparition durable de la violence.
Or, lors de votre récente visite dans l'île, vous avez indiqué ceci : « j'ai voulu rappeler que le processus devait aller au bout. Ce processus, qui doit se traduire en 2004 par une révision constitutionnelle afin d'atteindre les objectifs du relevé des conclusions de Matignon... ». Au-delà du fait que le conditionnel a disparu, monsieur le ministre, que sont devenues les trois conditions ? Il ne s'agit certainement que d'une omission, mais elle fut très remarquée en Corse.
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Je l'ai dit ! Il n'y a pas eu d'omission !
M. Robert Bret. Si ! Il est urgent, monsieur le ministre, de lever l'ambiguïté.
En Corse et sur le continent, nos concitoyens dans leur ensemble, le Parlement dans son immense majorité, ne souhaitent pas se laisser piéger dans l'engrenage de l'indépendance où cherchent à nous mener quelques politiciens corses et nationaux. Ces manoeuvres ne sont pas acceptables. Les sénateurs communistes refusent de jouer ce jeu détestable avec la Corse et ils le font savoir solennellement aujourd'hui à cette tribune.
Pour terminer, je souhaite aborder quelques points importants ; la discussion des articles nous permettra d'ailleurs d'y revenir.
L'article 7 traite de l'enseignement de la langue corse. Nous souhaitons maintenir la généralisation de cet enseignement, qui répond à une forte attente des habitants de l'île et à une nécessité historique pour sauvegarder ce patrimoine culturel. Mais nous ne voulons pas pour autant que celui-ci soit obligatoire. Nous proposerons donc que la volonté de recevoir l'enseignement soit exprimée, tout en garantissant l'enseignement partiel.
Notre réflexion sur l'article 12, dont on parle beaucoup, puisqu'il touche au littoral, tend à trouver un équilibre entre la protection du littoral, patrimoine irremplaçable, et l'ouverture de certains espaces à la construction. Il nous faut rester vigilants : les appétits des financiers sont bien réels, comme l'atteste telle ou telle intervention de banquiers suisses ou luxembourgeois et comme l'a précisé mon ami Dominique Bucchini en ce qui concerne la commune de Sartène.
Une responsabilité nationale doit s'exercer pour préserver la Corse et sa nature.
Enfin, je souhaite attirer votre attention, monsieur le ministre, mes chers collègues, sur l'inquiétude des fonctionnaires de l'Etat qui exercent en Corse. Il serait grand temps de consacrer une discussion à l'avenir de ces milliers de salariés aujourd'hui placés dans l'incertitude du fait de la suppression envisagée de leur administration. Nous avons déposé un certain nombre d'amendements tendant à préserver leur droit.
Chers collègues, par mon intervention, j'ai souhaité rappeler l'objet initial de la réforme : le développement de la Corse, l'épanouissement de ses habitants en assurant notamment le retour à la paix.
Il est grand temps d'éclairer ce débat qui sombre au fil des mois dans la confusion. J'ai le sentiment que ce processus de Matignon, est aujourd'hui en crise.
Si je reconnais que la commission spéciale s'est inscrite dans le débat parlementaire en amendant le texte - et nous y avons pris toute notre part avec ma collègue Hélène Luc - en même temps, la majorité sénatoriale a accentué les multiples transferts de compétences des services de l'Etat qui, souvent au nom de l'Europe, mettent en pièces l'unicité du service public, pilier républicain.
Autrement dit, la majorité sénatoriale refuse toute idée de transfert de pouvoir politique, tout en acceptant la désagrégation programmée de l'Etat.
Ce débat sur la Corse anticipe de maniètre confuse le débat sur les formes futures de la République dans l'Europe.
La poussée fédéraliste est grande ; elle s'appuie sur un pouvoir accru des régions au détriment de la cohésion nationale et en faveur d'une cohésion européenne.
Les sénateurs communistes refusent, quant à eux, que la Corse devienne ce trop fameux laboratoire souhaité par certains. Ils approuvent qu'enfin la spécificité de la Corse, son histoire, son insularité, soient prises en compte dans ce débat.
En 1991, nous avons soutenu l'idée de la reconnaissance du peuple corse comme composante de la nation française. Mais nous n'oublions jamais le lien si étroit qui unit la France à la Corse, n'en déplaise à quelques aventuriers.
Je conclurai en citant mon ami Louis Minetti, qui m'a précédé comme sénateur des Bouches-du-Rhône. Il évoquait ici même, en 1982, un fait historique : « Sous l'occupation fasciste de Mussolini, un des communistes de Sartène a crié devant le peloton d'exécution : "Nous allons montrer au procureur du roi comment nous savons mourir en Corse, et en Français, non pas l'un sur l'autre mais l'un et l'autre". »
C'est cette citation forte du lien indéfectible entre l'île et le continent qui guide notre action en faveur du développement de la Corse. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Bel. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Jean-Pierre Bel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous connaissons tous - du moins, je le crois - l'impérieuse nécessité de placer notre discussion au bon niveau, à la hauteur de l'espérance de nombre de nos compatriotes, en particulier de nos compatriotes corses.
C'est que, chacun l'a bien compris, il ne s'agit pas d'un débat anodin, encore moins d'élucubrations théoriques à propos d'évolutions institutionnelles. Ce dont il s'agit aujourd'hui, c'est bien de répondre à l'attente, j'allais presque dire à la souffrance de femmes et d'hommes qui subissent depuis longtemps, et sous une forme particulière depuis près de trente ans, une situation insupportable faite de peurs, d'inquiétudes, quelquefois de larmes, faite aussi d'espérances et d'espoirs dans l'avenir.
La seule question qui vaille est donc bien de savoir quelles réponses nous allons apporter à l'angoisse de ceux que nous avons rencontrés.
Souvenez-vous, monsieur le président de la commission spéciale, souvenez-vous, monsieur le rapporteur, de ces journées du mois de septembre où, dans le cadre de notre délégation, nous avons tous été saisis, au-delà de nos sensibilités propres et de nos différences, par ce qu'ont exprimé nombre de nos interlocuteurs, saisis par cette émotion empreinte de gravité, de profondeur, de réflexion.
Nous avons, lors de notre voyage en Corse, beaucoup entendu et beaucoup vu. J'ai déjà eu l'occasion de féliciter notre président et notre rapporteur, qui nous ont permis de rencontrer, au-delà des personnalités connues ou des élus, de véritables acteurs de terrain : des parents d'élèves, des enseignants, des représentants d'organisations syndicales et d'associations, que ce soit dans le domaine de l'environnement, de la culture ou de l'économie, mais aussi, vous l'avez dit, des représentantes des associations de femmes qui avaient envie de se faire entendre, comme les femmes du Manifeste pour la vie.
Comment ne pas être sensible à cette chaleur et à cette passion - « passion » dans le bon sens du terme ? Comment ne pas prendre en compte une société fière de son passé, de son identité, mais également curieuse et ambitieuse pour son avenir ?
Moi aussi, j'ai relevé l'excellent propos du journaliste Jean-Louis Andreani, qui demandait que la Corse ne soit pas le bouc émissaire de la République, bouc émissaire de nos rancoeurs, de nos angoisses et très souvent, je l'ai constaté, bouc émissaire de nos fantasmes.
Oui, les Corses, la Corse, valent mieux que ces images toutes faites, de plus en plus usées, que ces a priori folkloriques, ces caricatures, ces raccourcis et ces préjugés qui n'ont pour objet que de faire mal et de blesser.
Alors, de grâce ! que nous soient épargnés ici les commentaires plus ou moins avisés de ceux qui prétendent connaître la Corse.
Non, l'essentiel n'est pas l'idée que nous nous faisons de la Corse. L'essentiel, c'est bien d'indiquer quelles sont les solutions concrètes, applicables dans les semaines qui viennent, quelles sont les réponses concrètes face à des problèmes qui ne sont pas imaginaires, face à une situation objective qui est le fruit d'une histoire déjà lourde.
Le moins que l'on puisse dire, c'est que l'on n'a pas encore entendu le début du commencement d'une solution alternative au projet de loi présenté par le Gouvernement, aujourd'hui modifié par l'Assemblée nationale... (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes.)
De ce point de vue, mesdames, messieurs, il faut bien reconnaître que le silence est assourdissant et la copie rendue quasiment blanche. Car nous ne pouvons pas considérer sérieusement - pardonnez-moi de vous le dire - que le projet de loi tel qu'il pourrait être transformé par le Sénat constituerait une alternative ou un contre-projet. Il comporterait quelques bonnes intentions, peut-être, mais il serait incontestablement vidé de son sens.
Monsieur le rapporteur, mon cher Paul Girod, vous avez dit vous-même devant la commission que ce projet de loi, plus qu'une déclaration d'intention, était un « enclenchement psychologique ». La vérité est que, malheureusement, vous vous apprêtez à désamorcer la dynamique et que vous risquez bien d'étouffer ce bel élan sous un édredon.
La Corse est française ; tous les sondages nous disent que les Corses, massivement, veulent rester dans la République. Cet attachement, les Corses l'ont souvent payé au prix fort, suffisamment fort, comme le disait M. Baggioni - que je salue - pour ressentir comme une insulte cette demande incessante de prouver que l'on est français. M. Baggioni, président RPR du conseil exécutif de Corse, parle à ce sujet d'« humiliation » : on peut le comprendre !
La Corse est française, disais-je, mais la Corse a une situation particulière.
C'est d'abord vrai sur le plan géographique. En définitive, toutes nos belles cartes de France, notamment celles qui ornaient nos salles de classe, sont fausses : la Corse n'y figurait pas à sa place, car la carte n'était pas à l'échelle ! En effet, la Corse, qui jouxte la Sardaigne, est à plus de 200 kilomètres des côtes françaises - je veux dire continentales, monsieur le président !
M. le président. C'est très bien !
M. Jean-Pierre Bel. Par ailleurs, vous avez tous souligné que la Corse est une montagne dans la mer. Comment comprendre les questions qui se posent aujourd'hui sans resituer l'île dans son isolement ? Moi qui suis issu d'un département de montagne, je comprends à quel point la réalité de l'insularité a pu renforcer le sentiment d'être à part, avec tout ce que cela comporte de défiance vis-à-vis de l'Etat, parfois aussi de véritable repli sur soi.
Ces préalables à l'examen du texte ont peut-être été un peu longs, vous me le pardonnerez, mais je crois qu'il était nécessaire de resituer le contexte historique et politique.
Pour marquer l'importance de ce projet de loi concernant la Corse, le groupe socialiste a souhaité que puissent s'exprimer après moi deux voix qui font autorité en matière de décentralisation et d'innovation institutionnelle : celles de Louis Le Pensec et de Pierre Mauroy.
Pour prendre la discussion là où elle en est en cet instant, il me faut revenir sur les grandes questions qui, apparemment, pèseront dans la discussion.
Il ne suffit pas de rappeler les principes, disait M. le ministre, il faut rechercher les voies et moyens qui font de ces principes un projet collectif concret, clair et mobilisateur. C'est bien ainsi que nous en avons fait la lecture. De même, nous partageons l'esprit du triptyque qui sous-tend le texte qui nous est proposé : spécificité, responsabilité et développement.
A vous écouter, mes chers collègues, j'ai bien compris que l'article 1er focalisait une grande partie de votre opposition à l'esprit du texte. Vous rejetez clairement le choix qui a été affiché d'accorder aux élus plus de responsabilités, une capacité d'initiative et d'action plus grande dans leurs domaines de compétence, en contrepartie de prérogatives plus larges et plus nombreuses, d'une responsabilité accrue. Vous refusez tout pouvoir d'adaptation réglementaire à la collectivité locale,...
M. Philippe Marini. Ce n'est pas conforme à la Constitution !
M. Jean-Pierre Bel. ... vous rejetez l'expérimentation législative, les pouvoirs d'adaptation des règlements nationaux, ni plus ni moins.
Au passage, je relève tout de même une forme d'incohérence de la part de votre majorité sénatoriale - minorité nationale !...
M. Philippe Marini. Plus pour longtemps ! (Exclamations sur les travées socialistes.)
M. Didier Boulaud. Il ne sera pas candidat, il n'en sait rien !
M. Hubert Falco Pourquoi parler.
M. Jean-Pierre Bel. ... dont les amis, à l'Assemblée nationale, votent une proposition de loi constitutionnelle de M. Pierre Méhaignerie...
M. Hubert Falco. Nous vous écoutons avec attention, vous, vous nous provoquez !
M. Dominique Braye. Situez-vous plus haut !
M. Jean-Pierre Bel. De votre part, j'apprécie le conseil !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien !
M. Hubert Falco. C'est un débat parlementaire, vous parlez de politique politicienne !
M. Jean-Pierre Bel. Donc, je relève l'incohérence qui consiste à voter la proposition de loi constitutionnelle de M. Pierre Méhaignerie prévoyant la mise en place d'une expérimentation législative par des collectivités locales, avec la possibilité d'adapter les normes édictées par les autorités nationales, et, au Sénat, à refuser la même expérimentation au législateur.
Pourtant, le texte est clair : à aucun moment le législateur n'abandonnera ses compétences ; il les détermine et peut même y mettre fin.
Vous savez très bien que le dispositif proposé s'inscrit dans le prolongement de la loi du 9 mai 1991, dont il était question, et dont vous dénonciez l'inefficacité.
Le Conseil constitutionnel lui-même a reconnu au législateur la possibilité de créer un nouvelle catégorie de collectivités territoriales dotées d'un statut spécifique, dès lors qu'il respecte le principe de la libre administration des collectivités territoriales et les prérogatives de l'Etat.
Pour être bref sur ce point, qui sera repris par Louis Le Pensec, je me bornerai à souligner que votre position d'aujourd'hui revient à consacrer l'article 26 du statut de 1991, qu'en son temps, je le répète, vous dénonciez. Très bien, mes chers collègues ! Vous progressez ! Vous avez fait les trois quarts du chemin ; alors, un petit effort, allez jusqu'au bout, et nous nous rejoindrons ! Sinon, que proposez-vous d'autre que le statu quo ?
Ne pourriez-vous pas vous inspirer d'un discours récent selon lequel, « là où s'affermit localement une démocratie capable d'aller concrètement au-devant des besoins de nos compatriotes, une démocratie qui donne à chacun d'assumer sa citoyenneté, la République s'enrichit de cet apprentissage et se consolide » ? L'auteur a bien dit : « apprentissage », et c'était Jacques Chirac, dans son discours de Rennes.
M. Alain Joyandet. Oui, c'était très bien !
M. Jean-Pierre Bel. Mes chers collègues, nous aurons tout au long de ce débat l'occasion d'aborder dans le détail les dispositions de ce projet de loi.
Je veux néanmoins m'arrêter dès à présent sur un autre sujet qui fait l'objet d'une controverse, ou en tout cas de l'opposition de la majorité sénatoriale : l'article 7.
L'article 7, en généralisant l'offre de l'enseignement de la langue corse à l'école primaire et maternelle, répond au souhait qu'expriment très majoritairement les familles de voir leurs enfants apprendre et maîtriser la langue corse, véritable patrimoine auquel elles sont attachées.
C'est à partir de la conviction que les langues et les cultures régionales constituent une richesse et un patrimoine à défendre et à valoriser que doivent être comprises les dispositions de cet article 7. Permettre à tout enfant, dès son plus jeune âge, de maîtriser deux langues, celle de son pays, le français, qui est la langue de la République, et celle de son environnement immédiat, traduit la volonté politique de donner à chacun les moyens de faire vivre et de développer l'héritage culturel dont il est porteur et qui, aujourd'hui, - c'est bien le problème -, est menacé de disparition par excès de standardisation.
La langue seule ne recouvre pas l'étendue du champ culturel spécifique à une région, mais elle en constitue un vecteur de diffusion puissant. Aujourd'hui, en matière linguistique, nous nous trouvons à un tournant de l'histoire. Ou bien la langue corse est reconnue et son enseignement favorisé par les pouvoirs publics ; alors, elle accompagnera favorablement les évolutions économiques et sociales. Ou bien elle est ignorée ; alors, le déséquilibre culturel ne fera que s'accentuer, et avec lui le fonds de commerce de certains extrémistes.
La citoyenneté pourrait-elle être mise à mal, comme on le prétend parfois, par le simple fait que l'on cultive sa différence linguistique ? Qui peut penser sérieusement que l'apprentissage et la pratique d'une langue régionale - le corse ici, l'occitan dans ma région -, avec tous les aléas et les difficultés que cela comporte, puissent mettre en péril l'existence et la pérennité de la République ?
Faut-il avoir si peu confiance dans les capacités et les principes de cette République pour l'imaginer chanceler face au renouveau de langues et de cultures qui, pour certaines, ont atteint un point de non-retour ?
Plus encore, il me paraît indispensable que l'enseignement de la langue corse soit donné dans le cadre de l'école de la République, de ses programmes, et dans les horaires normaux. Pour rester elle-même, la France doit évoluer et admettre que la Corse n'est pas la Beauce - n'est-ce pas, monsieur le rapporteur ? -, que les problèmes que connaît l'une de ses régions ne sont pas forcément ceux que vit l'autre. La France doit assumer ses différences sans craindre pour son unité.
La Corse est une île, avec son histoire, sa langue, sa culture, qu'il convient de conserver en tant que telle au sein de la République, comme ses habitants le réclament. Les Corses, très majoritairement, entendent demeurer français, de même qu'ils aspirent à voir leurs spécificités reconnues comme telles par une France forte et unie, c'est-à-dire décentralisée et plurielle.
Ce faisant, ils s'inscrivent dans le droit-fil d'une décision de la Cour européenne de justice de 1983 qui précise qu'une discrimination consiste à traiter de façon différente deux situations identiques, ou à traiter de façon identique deux situations différentes.
Sachons saisir l'occasion de ce « vouloir-vivre ensemble » égaux et différents. Non seulement nous répondrons ainsi à une attente sociale, mais nous assurerons à nos enfants un meilleur apprentissage des langues vivantes, grâce à une pédagogie plus efficace.
Dans un instant, Louis Le Pensec évoquera l'article 12, qui donne lieu à un véritable débat parce qu'il est susceptible de modifications ou d'améliorations. En effet, il prévoit l'adaptation de certaines dispositions de la loi littoral, afin de mieux prendre en compte les spécificités corses.
Nous sommes là au coeur d'un sujet récurrent qui va bien au-delà des questions que nous examinons aujourd'hui : celui de la compatibilité entre développement du territoire et protection de l'environnement.
Grâce au plan d'aménagement et de développement durable élaboré par l'Assemblée de Corse, grâce aux garanties fortes qui encadrent l'action des élus responsables, on peut estimer que le risque de bétonnage du littoral corse est écarté et que, dans le même temps, s'ouvre la voie à un développement soucieux de l'environnement, de l'architecture, mais aussi de la concertation et du respect des règles.
D'une manière plus générale, nous savons tous que le problème de la Corse, aujourd'hui, est de donner l'impulsion à un véritable développement économique, à ce que vous avez appelé, monsieur le ministre, un « nouvel élan économique ». Nous vous approuvons quand vous voulez aider les entreprises en soutenant l'investissement. Nous vous approuvons encore quand vous voulez en finir avec le serpent de mer de la fiscalité des successions, qui empoisonne la situation depuis trop longtemps. Pour la première fois, vous proposez une sortie honorable, praticable et exécutoire, tout en donnant le temps de régulariser la situation.
Les Corses attendent également beaucoup du programme exceptionnel d'investissements : il leur permettra de se doter des équipements structurants qui leur font cruellement défaut. Nous tenons cependant à ce que cet effort de solidarité nationale s'accompagne d'une véritable responsabilisation des élus de l'île.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avons, aujourd'hui tout particulièrement, une lourde responsabilité devant l'histoire. Notre responsabilité, certains l'ont souligné, est de faire vivre notre idéal commun d'une République fondée sur l'égalité des citoyens devant la loi. Je dis bien « faire vivre », et non fossiliser ou figer, parce que l'histoire ne s'est pas arrêtée, parce que nous voulons une société en mouvement et non une société bloquée.
Je précise tout de suite que le groupe socialiste s'opposera à la motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité qui nous sera présentée parce qu'elle porte la marque d'une vision frileuse - je suis presque tenté de dire « glacifiée » - de l'évolution de nos institutions. Si cette vision-là l'emportait, nous ferions le lit, j'en suis profondément convaincu, de ceux dont le seul objectif est de dénigrer nos institutions et notre démocratie pour mieux imposer leur position extrémiste.
Je dis « non » à une République fermée, « non » à une République incapable de prendre en compte les évolutions de la société, mais « oui » à une République qui ne cesse de se construire, d'évoluer, de se transformer en luttant contre les inégalités, les préjugés, la misère et la violence.
Mes chers collègues, ne restons pas sourds au message qui a été largement exprimé, de façon souvent même consensuelle, par les Corses et leurs élus. Prenons garde à ne pas nous laisser enfermer, par excès de complexe et de timidité, par des tabous d'un autre siècle.
Lorsque nombre d'entre vous ont refusé les avancées des lois de décentralisation au début des années quatre-vingt, lorsque vous vous êtes opposés à l'article 26 du statut Joxe sur la Corse, êtes-vous bien sûrs de ne pas l'avoir regretté quelques années plus tard ?
M. René-Pierre Signé. Mais si !
M. Jean-Pierre Bel. Dès lors, évitez les mêmes erreurs, empêchez l'histoire de balbutier et travaillez avec nous à une solution d'avenir pour la Corse, pour la France et, n'en déplaise à quelques-uns, pour la République. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur certaines travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Balarello.
M. José Balarello. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à quelle sitution la France est-elle confrontée ? Une partie de son territoire est soumise à une poussée d'indépendantisme. Elle n'est pas la seule, mais les autres régions relèvent du simple particularisme.
Pour quelles raison le problème est-il sérieux en Corse ? J'en emprunte l'explication, qui m'apparaît pertinente, à Henri Caillavet, ancien ministre, qui, lors du colloque organisé, le 21 février 2000, par le cercle de Moro Giafferi sur l'avenir institutionnel de la Corse, s'exprimait en ces termes : « N'oublions pas que ce pays est pauvre en hommes avec moins de 300 000 habitants dont 40 % de retraités, pauvre en ressources minières, pauvre en énergie hydraulique, pauvre encore dans son agropastoralisme souvent assez rudimentaire. »
Il poursuivait : « Or, précisément, ce sont ces insuffisances criardes qui ont provoqué et provoquent l'exaspération d'une trop importante partie de la population livrée au chômage, notamment les jeunes. C'est cette même exaspération qui a été prise en compte par les séparatistes pour asséner leur propagande et oser justifier de leurs actes terroristes, parfois sanglants, alors qu'ils sont très minoritaires. »
Quant à moi, mes chers collègues, j'ajouterai, pour être exhaustif, que la Corse, qui est devenue française en 1764, avant le comté de Nice et la Savoie, qui ne le furent une première fois, de 1793 à 1815, que, grâce au général Bonaparte, qui commendait alors l'armée d'Italie... et qui le furent définitivement en 1860 grâce à son neveu Napoléon III, la Corse, disais-je, a une autre caractéristique : elle est fière et a quelque raison de l'être, ne serait-ce que parce qu'elle a donné tant de grands hommes à la France. Un empereur, bien sûr, mais également quelques-uns de ses plus grands hommes politiques, de grands commis de la République, préfets ou magistrats, des avocats... ils furent si nombreux que maître de Moro Giafferi, Corse, avocat célèbre - je l'ai entendu plaider en cour d'assises, à Nice, alors que j'étais étudiant en droit - et garde des sceaux de la IIIe République, inventa cette boutade : « Cette Corse continentale, que l'on appelle la France », façon de dire combien les Corses, étaient nombreux en France. Cette boutade, il faut peut-être que les Corses l'entendent aujourd'hui.
Que dire ensuite, mes chers collègues, de notre empire colonial ?
Il fut longtemps la terre d'avenir des jeunes Corses, et sa perte fut fatale à l'île en termes d'emplois. Mais, comme l'a dit M. le rapporteur, cette véritable émigration des élites n'a pas toujours favorisé l'expansion économique de l'île. Alors, mes chers collègues, il est incontestable que la Corse, qui a tant donné à la France - il n'est que de voir ses monuments aux morts -, est terre française et doit le rester.
Si notre Constitution nous permettait de poser la question suivante aux seuls électeurs de la Corse inscrits sur les listes électorales de l'île : « Voulez-vous un statut d'autonomie de la Corse dans la République excluant toute forme d'évolution vers l'indépendance ? », tout le monde sait, y compris les indépendantistes, que les Corses, à une écrasante majorité, répondraient « oui ».
Comme l'article 11 de la Constitution nous impose de consulter la France entière, il nous faut soit réunir le Congrès à Versailles afin de modifier cet article pour permettre une consultation limitée aux seuls électeurs de la Corse - je suis personnellement partisan de cette solution -, soit consulter à nouveau l'électorat de l'Assemblée territoriale afin que l'électeur prenne ses responsabilités dans le secret de l'isoloir, sans pressions, claniques ou autres. Il appartiendra alors à l'Etat, monsieur le ministre, de faire régner l'ordre républicain et il reviendra aux candidats de faire connaître, sans équivoque, leur position sur la question qui aurait été posée si une consultation avait été possible et, notamment, leur position sur le statut que nous allons voter, lequel donne à la région corse une plus grande autonomie afin de lui permettre d'accélérer son développement dans le cadre de la République française, avec l'aide de l'Etat et de l'Union européenne.
Ainsi, chacun sera mis devant ses responsabilités et, si le corps électoral rejette toute évolution vers l'indépendance, les groupements qui la préconisent devront, comme en toute démocratie, s'incliner - la violence devra alors être sanctionnée avec la plus grande rigueur, comme elle n'aurait d'ailleurs jamais dû cesser de l'être. L'inaction de l'Etat face aux dangers de la violence, politique ou de droit commun, ne peut d'ailleurs que fragiliser les chances de succès de la mise en place d'un nouveau statut pour la Corse.
Cela étant, il est certain que rechercher un statut spécial pour la Corse est une bonne chose et n'a rien d'une incongruité : un peu partout en Europe existent des régions à statut spécial qui mettent en oeuvre le principe de subsidiarité, c'est-à-dire que ce qui peut être administré au plus près des citoyens doit l'être. Cela fonctionne bien, que ce soit au Tyrol, dans le Val d'Aoste, en Sardaigne ou en Catalogne.
Ces régions heurtent notre sentiment jacobin, certes, et nombre de nos hauts fonctionnaires et de nos collègues s'y opposent - tous les élus le savent depuis les lois Deferre de 1982 -, mais la paix civile dans cette partie de la France est à ce prix.
La difficulté est de faire en sorte que le statut proposé ne soit pas contraire à la Constitution.
C'est la raison pour laquelle le rapporteur de la commission spéciale, M. Paul Girod, et son président, M. Jacques Larché, nous soumettent un remarquable travail de « toilettage » du texte issu des débats de l'Assemblée nationale, tout en conservant l'esprit et les données essentielles des cinquante-deux articles du projet de loi.
Ce dernier concerne des sujets aussi divers que le régime juridique des actes de l'Assemblée de Corse, l'identité culturelle, l'aménagement du territoire et le développement économique, l'environnement, la loi littoral et les services de proximité, les moyens et les ressources de la collectivité territoriale, les mesures fiscales - y compris les droits de succession - et sociales, enfin, le programme exceptionnel d'investissements.
A l'évidence, à l'issue de la première lecture à l'Assemblée nationale, le projet de loi ne présente pas de difficultés en ce qui concerne son titre II, lequel a trait aux moyens et ressources donnés à la collectivité territoriale de Corse en contrepartie des transferts de compétences dont elle bénéficie. A mon avis, toutefois, les personnels des offices - par exemple des transports ou du développement - supprimés par le projet de loi devraient être rassurés quant à l'avenir de leur emploi, qu'ils craignent, m'a-t-on dit, de perdre, ce qui pourrait être fait, monsieur le rapporteur, par une modification de la rédaction proposée à l'article 40 pour de la section 5 du chapitre IV du titre II du livre IV de la quatrième partie du code rural des collectivités territoriales.
De même, le titre III consacré aux mesures fiscales et sociales ne soulève pas de difficultés. Le premier de ses deux chapitres traite des exonérations d'impôt et de taxe professionnelle concernant les investissements dans certaines activités, mesures qui correspondent aux conclusions du rapport du conseil exécutif de l'Assemblée de Corse sur le statut fiscal en date du 9 juin 2000. Le second chapitre est relatif aux droits de succession.
Le régime actuel de la Corse est dérogatoire au droit commun en application, je le rappelle, de l'arrêté de l'administrateur général du Golo et du Liamone André-François Miot du 21 prairial An IX, qui a abrogé la peine encourue pour défaut de déclaration de succession dans le délai de six mois. Résultat : les indivisions d'immeubles sont anormalement nombreuses dans l'île.
Pour mettre fin à cet état de chose, le texte qui nous est soumis prévoit une exonération des droits de succession jusqu'au 31 décembre 2008, cette exonération étant réduite de moitié jusqu'à la fin 2015, à condition qu'il y ait cessation de l'indivision.
Nous approuvons ces propositions de notre commission, laquelle a étendu la durée d'exonération. C'est une bonne chose pour les Corses.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Pour les Corses...
M. José Balarello. Le titre IV est consacré à un programme exceptionnel d'investissements sur une durée de quinze ans, financé par le budget de l'Etat et venant s'ajouter aux différents financements du plan Etat-région et aux fonds structurels européens.
J'approuve entièrement ce programme qui vise, entre autres choses, à moderniser les infrastructures de transports, tant terrestres que maritimes, et à aider les communes et les entreprises, particulièrement dans les domaines touristiques et hôteliers.
Mes chers collègues, il faut faire en sorte que le produit intérieur brut de la Corse rattrape rapidement la moyenne de celui des autres régions françaises : c'est un devoir qui s'impose à nous, faute de quoi nous continuerons à faire le lit des extrémistes.
J'aborderai enfin les points difficiles que le Gouvernement a regroupés au titre Ier, sous deux chapitres traitant respectivement du régime juridique des actes de l'Assemblée de Corse et des compétences de la collectivité territoriale.
Si le chapitre Ier ne comporte que trois articles à propos desquels la marge de manoeuvre du Parlement est étroitement limitée par les décisions du Conseil constitutionnel en date du 9 mai 1991 - M. le rapporteur s'est excellemment exprimé sur ce point et je n'y reviendrai pas -, il n'en va pas de même du chapitre II, qui réunit les articles 4 à 29 et qui comporte deux sections essentielles pour ce débat, concernant l'une l'identité culturelle de la Corse, l'autre l'aménagement et le développement.
Compte tenu du temps qui m'est imparti, j'attirerai simplement l'attention du Sénat sur la rédaction des articles 7 et 12.
L'article 7 traite de l'enseignement de la langue corse dans les écoles maternelles et élémentaires de Corse. La commission spéciale a adopté un amendement de M. le rapporteur visant à réécrire le texte, en précisant que l'enseignement de la langue corse sera non pas imposé mais « proposé ».
J'approuve cette modification, car il m'apparaît inutile d'encourir la sanction du Conseil constitutionnel, qui, par sa jurisprudence du 9 mai 1991, a précisé que le caractère obligatoire de l'enseignement de la langue corse est contraire au principe d'égalité.
De plus, s'il est certain que nous devons renforcer la politique culturelle régionale - la France a signé, le 7 mai 1999, la charte européenne des langues régionales -, la mondialisation et son corollaire, la perte de toute racine pour les familles, représentent un péril. Si l'enseignement de la langue corse, comme celui du provençal, du niçois, du breton ou de l'alsacien, doit être encouragé, il n'en reste pas moins vrai qu'il nous faut respecter les aspirations des parents, en fonction notamment du futur parcours scolaire de l'enfant. Or je rappelle que la Corse compte actuellement 260 000 habitants, dont 35 000 continentaux et 20 000 étrangers : les parents issus de ces deux dernières catégories préféreront peut-être que leurs enfants apprennent des langues parlées internationalement plutôt qu'une langue régionale.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Dès la maternelle, bien sûr...
M. José Balarello. Je rappellerai cependant que, depuis plusieurs années déjà, le baccalauréat comporte des épreuves facultatives de langues régionales, très prisées car elles permettent de gagner des points à l'oral. Il suffirait peut-être, monsieur le ministre, d'augmenter le nombre de ces points pour promouvoir partout les langues régionales ! C'est une proposition que je vous demande de soumettre à votre collègue de l'éducation nationale : on arrive quelquefois à d'excellents résultats avec de petites mesures !
M. Hubert Falco. Vous voyez que nous avons des idées !
S'agissant maintenant de l'article 12, celui-ci permet à la collectivité territoriale de Corse d'élaborer le plan d'aménagement et de développement durable de l'île. La Corse est certainement la région de France la plus concernée par la loi montagne et la loi littoral, puisque toutes ses communes sont soumises à l'une de ces deux lois, et même aux deux pour quatre-vingt-dix d'entre elles sur trois cent soixante.
A cet égard, il faut avoir été ou être maire d'une commune soumise à ces textes datant de 1985 et de 1986 pour comprendre la réalité des choses. En effet, certaines juridictions administratives et certains fonctionnaires de décision, interprétant ces textes stricto sensu , sont parvenus, nous le savons tous, à paralyser entièrement l'expansion des communes concernées.
Il nous faut donc permettre à la collectivité territoriale de Corse de « débloquer », à des fins touristiques, hôtelières en particulier, un certain nombre de terrains.
Cependant, le littoral corse, dont la beauté est légendaire, est fortement convoité par des groupes capitalistes. Aussi la tâche est-elle difficile pour le législateur, car il nous faut à la fois donner une plus grande autonomie à la collectivité territoriale de Corse, afin de permettre un développement rapide de l'île, notamment en matière touristique, et défendre cette portion du territoire de la République contre la mainmise de groupes, affairistes ou non, inquiétude légitime dont nous a fait part, par le biais d'une brochure, le collectif regroupant vingt et une associations corses de protection de l'environnement.
Cela m'amène à soutenir le texte tel qu'il a été amendé par la commission spéciale, puisque, s'il permet l'édification de constructions en dehors des deux critères principaux des lois montagne et littoral, ces constructions sont limitées dans l'espace et ne sont autorisées qu'en contrepartie de dations importantes de terrains, à hauteur de 90 % de la superficie totale, au Conservatoire du littoral. Cette disposition mérite d'être approuvée, car elle s'inscrit dans le droit fil de l'action de cet établissement public...
M. Hubert Falco. Très bien !
M. José Balarello. ... qui a acheté en Corse 12 000 hectares de terrains et plus de 120 kilomètres de côtes ; si nous y ajoutons le domaine des communes, les sites classés par la loi de 1930 et les côtes rocheuses et escarpées, c'est déjà un tiers du littoral corse, constitué de 1 047 kilomètres de côtes, qui est protégé.
Sur ce point, je me demande simplement, monsieur le rapporteur, si prévoir une dation représentant 90 % de la superficie du terrain n'est pas excessif, compte tenu des protections déjà existantes : peut-être en débattrons-nous en commission mixte paritaire.
Pour conclure, je voterai ce projet de loi tel qu'il a été amendé par la commission spéciale du Sénat, car il s'agit d'un texte raisonnable. Nous ne pouvons pas refuser à la Corse les chances d'une évolution qui, si elle paraît considérable à certains d'entre vous, mes chers collègues, reste pourtant comparable à celle qu'ont connue certaines régions européennes, pour lesquelles le système fonctionne parfaitement.
M. Jacques Dominati. Tout à fait !
M. José Balarello. Notre collègue de l'Assemblée nationale José Rossi, président de la collectivité territoriale, et M. Jean Baggioni, président de l'exécutif, font preuve d'un grand courage et de beaucoup de bon sens. Je leur fais confiance.
Mes chers collègues, je le dis tant au Gouvernement qu'à nos compatriotes corses : une large autonomie, oui, l'indépendance, non, car c'est la porte ouverte à l'aventure. Or, comme l'écrivait l'empereur Napoléon Ier, « la haute politique n'est que le bon sens appliqué aux grandes choses ». (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Hubert Falco. Très bien ! C'était remarquable !

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CANDIDATURE À UNE COMMISSION

M. le président. J'informe le Sénat que le groupe des Républicains et Indépendants a fait connaître à la présidence le nom du candidat qu'il propose pour siéger à la commission des affaires sociales.
Cette candidature va être affichée et la nomination aura lieu conformément à l'article 8 du règlement.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente-cinq, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Daniel Hoeffel.)

PRÉSIDENCE DE M. DANIEL HOEFFEL
vice-président

M. le président. La séance est reprise.

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NOMINATION
D'UN MEMBRE D'UNE COMMISSION

M. le président. Je rappelle au Sénat que le groupe des Républicains et Indépendants a présenté une candidature pour la commission des affaires sociales.
Le délai prévu par l'article 8 du règlement est expiré.
La présidence n'a reçu aucune opposition.
En conséquence, je déclare cette candidature ratifiée et je proclame M. Joël Billard membre de la commission des affaires sociales à la place laissée vacante par Martial Taugourdeau, décédé.

13

CORSE

Suite de la discussion d'un projet de loi
déclaré d'urgence

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relatif à la Corse.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Natali.
M. Paul Natali. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, « il est encore en Europe un pays capable de législation ; c'est l'île de Corse. La valeur et la constance avec laquelle ce brave peuple a su recouvrer et défendre sa liberté mériterait bien que quelque homme sage lui apprît à la conserver. J'ai quelque pressentiment qu'un jour cette petite île étonnera l'Europe. »
Ces propos élogieux et pleins de lyrisme n'ont pas été tenus récemment ; ils sont extraits du Contrat social de Jean-Jacques-Rousseau. Le temps passe, les mêmes questions demeurent. Deux siècles et demi plus tard, la Corse fait toujours couler beaucoup d'encre et suscite interrogations et polémiques dans notre débat politique national.
Pourtant, si les solutions ne sont pas évidentes, le coeur du problème corse, auquel beaucoup se sont heurtés, demeure simple et tient en un mot : développement.
Point n'est besoin d'être grand clerc ou sociologue chevronné pour comprendre que les difficultés économiques, le chômage, le désoeuvrement, le sentiment d'être assisté au lieu d'être encouragé sont des ferments propices à l'incompréhension et à la violence.
Ne voyez dans mes propos nulle justification d'une violence que j'ai toujours fermement condamnée ; j'ai simplement la volonté de chercher une explication à l'origine du mal afin d'y mettre un terme en y apportant des remèdes adaptés. Cela représente le souhait profond des Corses qui, dans leur immense majorité, veulent vivre dans la paix républicaine.
Aussi, tout ce qui peut contribuer au progrès économique et social de notre île doit être regardé avec la plus grande attention et le plus grand sérieux. C'est pourquoi il importe que le texte qui sera voté s'inscrive dans un processus de développement de l'île, processus qui doit être conçu et mis en oeuvre par les acteurs locaux. Tout doit être fait pour éviter des déconvenues et pour donner, dans un esprit de responsabilité et dans une optique future de partage équitable des compétences, ses meilleures chances à la démarche en cours, pour aujourd'hui et pour demain.
C'est cette vision des choses qui a conduit la commission spéciale du Sénat à proposer la mise en place de dispositifs incitatifs et clarificateurs qui vont dans le bon sens, et un grand nombre d'amendements, déposés par M. le rapporteur, me semblent particulièrement judicieux et porteurs d'espoir.
En fait, mon analyse du projet de loi repose sur une simple interrogation : qu'est-ce qui est bon pour la Corse, pour son devenir et pour son ancrage au sein de la République, dans le respect de son identité ?
De ce point de vue, j'ai noté avec satisfaction que la commission spéciale s'est attachée, dans un souci de prudence et sans a priori , à rendre les dispositions institutionnelles conformes à la Constitution.
Elle a su veiller cependant - et cela est essentiel - à consacrer dans la loi les spécificités de la collectivité territoriale qui mériteraient des adaptations du droit commun.
De ce point de vue, l'on ne peut que constater une volonté de progrès par rapport à ce qui existe ; en outre, cette approche nous garantit contre tout rejet pour non-conformité à la Constitution.
Sur ce point, enfin, rien n'est figé, car une modification de la Constitution pourrait, dans une étape ultérieure, conforter encore davantage les pouvoirs de la collectivité territoriale. Qui sait si l'on ne s'inscrirait pas alors dans un mouvement plus général dont on ne peut préjuger aujourd'hui ?
S'agissant de l'enseignement de la langue corse, de grands progrès restent à accomplir pour une meilleure diffusion de cet élément essentiel de notre culture. Ce qui compte véritablement, c'est la possibilité pour tous nos enfants scolarisés d'accéder sans réserve à cet enseignement. Cependant, le caractère facultatif de cet enseignement ne doit pas exonérer l'éducation nationale de ses obligations en la matière. Aussi, comme cela a été annoncé, tous les moyens matériels et humains nécessaires à l'apprentissage et à la pratique de la langue corse doivent être mis en place. Concernant l'article 12 du projet de loi relatif à la loi littoral, il est certain que la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale n'était pas exempte d'imperfections. Elle ouvrait cependant la possibilité d'un réel développement touristique de l'île, tout en établissant de nécessaires garde-fous en matière de protection du littoral.
Il faut, en matière d'aménagement du littoral, mettre en avant, et de façon complémentaire, les notions de protection et de développement. Je suis résolument favorable à une large responsabilisation des élus locaux. Aussi, remettre en cause leur capacité de discernement serait contraire à l'esprit du projet de loi qui vise à leur donner une plus grande autonomie de décision.
Je pense réellement que des évolutions sont encore possibles sur ce point majeur qui touche un secteur essentiel de notre patrimoine. Il faut agir avec raison et mesure, et permettre d'organiser un véritable développement maîtrisé où le littoral occupera sa vraie place. Entre la sanctuarisation de ces territoires et une urbanisation anarchique, il existe des solutions acceptables par tous, respectueuses de nos richesses naturelles et porteuses de progrès. Que l'on nous fasse confiance pour les définir et les appliquer dans un esprit de cohérence et de complémentarité entre le bord de mer et l'intérieur de l'île ! De plus, le tourisme est notre seule industrie ; il est considéré aujourd'hui comme le moteur du développement insulaire. Il convient d'organiser le territoire de manière à favoriser des progrès indispensables en la matière.
Aussi, je suis au regret de devoir totalement me désolidariser de la commission spéciale s'agissant des amendements qu'elle propose à l'article 12. En effet, le dispositif conçu par notre ami Paul Girod me semble - j'espère qu'il me pardonnera cette appréciation - difficilement applicable, puisqu'il en ressort que seulement 10 % des zones proches du rivage seront urbanisables, et ce, de surcroît, à la condition que les 90 % restants soient cédés gratuitement au Conservatoire du littoral !
M. Jean-Jacques Hyest. Ce n'est pas mal !
M. Paul Natali. Cela serait considéré comme une véritable spoliation.
Pour comble, l'obligation lourde d'un plan d'aménagement et de développement durable spécifique à la Corse serait maintenue, alors qu'elle n'a de sens qu'en contrepartie des quelques libertés qui étaient accordées à l'île en matière d'aménagement du littoral pour son rattrapage économique. Aussi, je dois d'ores et déjà dire que je ne voterai pas la rédaction de l'article 12 telle qu'elle est proposée par M. le rapporteur.
Par ailleurs, un sujet particulièrement sensible touche aux portes d'entrée de l'île que sont nos ports et aéroports. En la matière, le projet de loi envisage le transfert des biens de l'Etat à la collectivité territoriale. Il est important que ce transfert s'opère dans des conditions de clarté et de façon prudente. Dès lors, il est souhaitable que des délais soient accordés de manière à éviter toute improvisation et à permettre une définition optimale des conditions de ce transfert sur les plans matériel et humain. Il faut notamment que la collectivité dispose de tout l'éventail de possibilités à même de lui ouvrir les choix de gestion les mieux adaptés.
Comme vous le constatez, mes chers collègues, j'ai placé mon intervention sur le registre des moyens à consacrer au développement de l'île. A ce titre, je me félicite des dispositions d'ordre fiscal proposées par le rapporteur. Elles constituent une évolution notable et une amélioration significative par rapport aux mesures votées par l'Assemblée nationale. Cela est vrai pour les entreprises, à travers le crédit d'impôt et la sortie de la zone franche ; cela l'est aussi pour les particuliers en matière de droits de succession.
Pour conclure, je dirai que les interrogations formulées au début de mon intervention me paraissent susceptibles de trouver dans les propositions de la commission spéciale des réponses plutôt positives. Même si le doute subsiste éventuellement dans nos esprits, il peut coexister avec un certain sentiment d'espoir.
L'essentiel me paraît préservé : l'ancrage de la Corse dans la République, le respect de l'identité insulaire, ainsi que les perspectives d'un développement harmonieux et d'un progrès partagé, dans l'apaisement des passions. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées de l'Union centriste.) M. le président. La parole est à M. Mercier.
M. Michel Mercier. Monsieur le ministre, chaque chose arrive en son temps, et cette législature arrive à son terme... (Sourires.) Une réelle ambition décentralisatrice ayant manqué au Gouvernement, il vous est aujourd'hui difficile de soutenir ce texte devant la Haute Assemblée !
Néanmoins, la décentralisation s'adresse à tout le pays, et la situation spécifique que connaît la Corse nécessite une prise en compte particulière. L'orateur principal du groupe de l'Union centriste, M. Daniel Hoeffel, a rappelé tout à l'heure notre position sur ce point : cette spécificité corse est, pour nous, fondée sur l'insularité de la Corse. Cela signifie que nous considérons la Corse non pas comme une sorte de laboratoire de la décentralisation, mais comme une situation spécifique à traiter de façon particulière, dans le cadre de la loi commune, c'est-à-dire de la Constitution de notre pays, qui s'impose partout. Si l'insularité fonde la spécificité, la Constitution, règle commune, doit s'appliquer sur tout le territoire de la République. Sans revenir sur ce qu'a dit M. Hoeffel à propos des réponses institutionnelles que vous proposez, je soulignerai toutefois leurs limites.
C'est la cinquième fois en vingt-cinq ans que le Parlement est amené à légiférer sur le problème corse. Cela doit nous conduire à une certaine humilité. Il n'y a probablement pas de texte institutionnel qui soit capable de prendre en compte les spécificités dont nous reconnaissons tous l'existence. La reconquête de la paix civile en Corse ne pourra donc résulter uniquement de réformes institutionnelles, si symboliques soient-elles. Elle ne pourra résulter que du développement de la Corse. C'est d'ailleurs ce que note aujourd'hui un membre du conseil exécutif de Corse M. Jean-Claude Guazzelli, dans un journal publié ce matin.
Quelle est la situation de la Corse aujourd'hui ?
C'est d'abord une région à démographie faible : la Corse ne compte en effet que 260 000 habitants. C'est ensuite une région dont l'économie demeure très largement insuffisante.
Avec un faible taux de natalité, la population est plutôt vieillissante. Certes, 40 000 personnes sont venues habiter la Corse ces dernières années, alors que 30 000 l'ont quittée, ce qui donne un solde positif, signe encourageant. Néanmoins, nous savons bien que, tant que la Corse ne comptera pas plus d'habitants, un certain nombre de problèmes ne seront pas résolus, quelles que soient les réformes institutionnelles proposées.
L'économie demeure faible. Le niveau de vie, en Corse, est inférieur à celui que l'on peut constater dans de nombreuses régions. Le produit intérieur brut par habitant est inférieur d'un quart à la moyenne nationale. Le tissu productif reste fragile dans un marché relativement réduit et, en termes d'emploi, il faut noter l'importance particulière de la fonction publique, qui, à elle seule, compte plus de 21 % des emplois, contre une moyenne nationale légèrement supérieure à 10 %.
Monsieur le ministre, c'est sur ces points que doit d'abord porter l'effort de la nation si nous voulons véritablement donner à nos compatriotes corses un espoir nouveau et leur permettre de vivre dans un cadre institutionnel rénové, qui prenne en compte les spécificités qui ont été soulignées depuis le début de cette discussion. Tant que ne sera pas consenti un effort majeur en faveur du développement économique, toutes les réformes institutionnelles seront vouées à l'échec. Et je dois dire que, de ce point de vue, les propositions que vous nous faites, monsieur le ministre, sont un peu insuffisantes !
Aussi, le groupe de l'Union centriste, auquel j'appartiens, apportera à M. le rapporteur son soutien pour toutes les mesures visant à amplifier le volet économique du projet de loi. Je pense notamment au dispositif juridique original et intelligent qu'il nous propose afin de favoriser l'éclosion du tourisme par une limitation de la construction le long du littoral. Je crois que c'est une très bonne mesure qui permettra de trouver un juste équilibre entre le respect des sites magnifiques de la Corse, qui sont naturellement un atout pour elle, et la nécessité de développer le tourisme.
Les propositions de M. le rapporteur en matière d'aide fiscale à l'investissement, propositions que vous avez reprises, monsieur le ministre, lors de votre voyage en Corse, sont la preuve que nous pouvons faire une partie du chemin en commun.
Enfin, les suggestions qu'il a faites s'agissant de la fiscalité des successions sont de nature à tenir compte, à la fois, de la réalité de la structure familiale de l'île et de la nécessité d'assurer une meilleure « liquidité » - si je puis dire - des terrains pour développer l'économie de Corse.
Bref, si l'on a beaucoup évoqué, au cours de cette discussion, le problème institutionnel - et c'est normal - il ne doit pas masquer une réalité sur laquelle l'élément juridique n'a que peu de prise : la population corse demeure trop faible, trop âgée, le développement économique de l'île est très insuffisant.
Monsieur le ministre, si l'on parvenait, grâce aux propositions que vous fait le Sénat et qui, pour la plupart, répondent à vos propres soucis, à aider la Corse à conserver ses habitants, à en attirer de nouveaux et à engendrer une économie plus florissante, plus attirante, un grand pas serait franchi qui rendrait possible, demain, une réforme qui, elle, pourrait être institutionnelle. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Le Pensec.
M. Louis Le Pensec. Monsieur le président, monsieur le ministre, le projet de loi sur la Corse prévoit, dans son article 1er, des mécanismes grâce auxquels les textes législatifs et réglementaires applicables en Corse pourraient être adaptés aux réalités de cette île. Certains veulent y voir une atteinte à l'unité de la République, une mise en cause des principes fondamentaux qui nous régissent depuis la Révolution française, une sorte de sacrilège républicain.
De quoi s'agit-il ? Quels sont les constituants de ce forfait ? D'abord, le pouvoir réglementaire. Nous avons entendu de-ci de-là d'étranges affirmations dans cette enceinte : ainsi, l'article 21 de la Constitution disposant que le Premier ministre exerce le pouvoir réglementaire, il serait évident que les collectivités locales ne pourraient disposer d'aucun pouvoir de cette nature.
Mais, sans le savoir, comme M. Jourdain pratiquait la prose, les collectivités locales ne mettent-elles pas fréquemment en oeuvre un pouvoir réglementaire, dont le champ géographique est, certes, limité et qui est subordonné à la règle de droit supérieur - la Constitution - ainsi qu'à l'ensemble des lois, à l'ensemble des règlements pris à l'échelon national, mais qui est cependant bien un pouvoir réglementaire, puisqu'il permet de poser des règles générales. Lorsqu'une collectivité régionale définit un régime d'aide aux entreprises n'exerce-t-elle pas un pouvoir réglementaire ? (Protestations sur les travées du RPR.)
En réalité, depuis longtemps, la très grande majorité des juristes considère que les collectivités locales ont bien un pouvoir réglementaire.
Plusieurs sénateurs du RPR. Non ! Non !
M. Louis Le Pensec. Voilà qui prouve qu'il y a encore matière à débat, mes chers collègues ; l'article 1er nous en donnera l'occasion.
Ce pouvoir réglementaire, disais-je, la collectivité territoriale de Corse l'exerce donc normalement par les compétences qui lui sont dévolues dès lors que celles-ci lui permetttent de fixer des règles et pas seulement de gérer un équipement.
Les compétences nouvelles prévues dans plusieurs articles de ce projet de loi étendent le pouvoir réglementaire de la collectivité de Corse comme les articles du projet de loi sur la démocratie de proximité, dont nous débattrons en janvier, accroissent le pouvoir réglementaire des collectivités régionales dans leur ensemble.
La majorité sénatoriale serait-elle hostile à l'accroissement des compétences des collectivités locales ? J'ai parfois un doute lorsque j'entends avec quelle véhémence sont repoussées les extensions de compétences proposées pour la Corse.
Vous répondrez que vous êtes pour la décentralisation en général et contre celle de la Corse en particulier. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
Plusieurs sénateurs du RPR. Non ! M. Louis Le Pensec. J'ai pourtant noté que, lorsque vous êtes en situation de responsabilité, vous fulminez aussi contre la décentralisation en général. (Nouveaux applaudissements sur les travées socialistes.)
Enfin, j'attends que l'on m'explique comment on peut être favorable à une plus grande décentralisation en refusant tout pouvoir réglementaire aux collectivités locales.
J'en reviens à l'article 1er.
Apparemment, le paragraphe I ne vous pose pas de problème. Comme dans le statut actuel, la collectivité territoriale de Corse peut proposer des adaptations réglementaires au Gouvernement.
En revanche, le paragraphe II semble vous remplir d'effroi. Selon ses termes, la collectivité territoriale de Corse peut demander à être habilitée par le législateur à fixer des règles adaptées aux spécificités de l'île pour la mise en oeuvre des compétences qui lui sont attribuées par la loi, sauf si sont en cause une liberté publique ou un droit fondamental.
Il y a de quoi frémir en effet ! Nous, parlementaires, pourrions autoriser l'Assemblée territoriale de Corse à prendre par délibération, dans le strict champ de ses compétences, des règles dérogeant à des décrets, selon l'habilitation, et donc dans des limites que nous aurions fixées ! On conçoit que cette perspective provoque chez certains d'entre nous un profond vertige.
Quant au paragraphe III, il provoque l'indignation. L'Assemblée territoriale de Corse pourrait demander au législateur l'autorisation d'adapter des règles législatives dans le champ de ses compétences et dans l'encadrement d'une habilitation ! Ces adaptations expérimentales devraient ensuite être approuvées par le Parlement, faute de quoi elles deviendraient caduques. En attendant, elles n'auraient qu'un caractère réglementaire. Je laisse aux juristes le soin de déterminer...
M. Jean Chérioux. Cela vaudra mieux !
M. Louis Le Pensec. ...si l'ouverture faite par le Conseil constitutionnel pour l'expérimentation par un établissement public est transposable aux collectivités locales, lesquelles, je le rappelle, ont des institutions désignées par le suffrage universel.
En tout cas j'espère, pour notre démocratie, que cela est possible. La rigidité de notre Constitution n'est compatible avec la vitesse d'évolution du monde que si le juge constitutionnel lui-même fait preuve d'imagination.
M. Jean Chérioux. Ce n'est pas son rôle !
M. Jean-Jacques Hyest. Qu'il n'en fasse pas trop, ce serait « la fin des haricots » !
M. Philippe Marini. Il eût été intéressant que M. Badinter en parlât !
M. Louis Le Pensec. Je ne m'attendais pas à d'autres échos venant de vos travées, messieurs !
Comment ne pas voir qu'il ne s'agit que du prolongement, j'allais dire de la modernisation du dispositif déjà en vigueur ? Le statut actuel permet à l'Assemblée de Corse de demander des adaptations, ce qui est long, et, compte tenu de la surcharge de travail du Parlement, difficile. Le projet de loi qui nous est soumis permet à l'Assemblée territoriale, sous contrôle, de procéder elle-même à ces adaptations. Faut-il pour cela proclamer la patrie en danger ? (Exclamations sur les travées du RPR.)
D'autant que ce n'est pas vraiment nouveau. Certains voudraient nous faire croire que la loi est un absolu intouchable. Ce n'est pas le cas. La loi n'est pas tout à fait la même sur toutes les parties du territoire national. En Alsace-Lorraine, des aspects très importants de notre législation en matière de droit du travail, de sécurité sociale sont régis par des lois spécifiques.
M. Philippe Richert. Sous le contrôle du Parlement !
M. Louis Le Pensec. Pour ce qui est des relations entre l'Etat et les églises, nous sommes même, vraisemblablement, en situation de dérogation par rapport à notre Constitution.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est parfaitement vrai !
M. Louis Le Pensec. Dans les départements d'outre-mer, la loi est adaptée, comme le prévoit l'article 73 de la Constitution.
A Saint-Pierre-et-Miquelon et à Mayotte, collectivités particulières créées en vertu de l'article 72 de la Constitution - comme la Corse - certaines lois ne s'appliquent pas, même adaptées, et ce notamment en matière fiscale, domaine que l'article 34 réserve pour l'essentiel à la loi.
M. Paul Girod, rapporteur. La Corse n'est pas visée dans l'article 72.
M. Louis Le Pensec. Vous nous l'expliquerez tout à l'heure, monsieur le rapporteur !
Les territoires d'outre-mer, depuis 1946, bénéficient de la spécialité législative dans les domaines de compétences qui leur sont réservés : le Parlement de la République s'abstient d'intervenir et l'assemblée locale peut prendre des délibérations dans toute la matière concernée, même lorsque celle-ci relève en tout ou partie du domaine de la loi.
En Nouvelle-Calédonie, où j'ai eu à mettre en oeuvre, en qualité de ministre des départements et territoires d'outre-mer, les accords de Matignon de 1988, l'accord de Nouméa de 1998 a également créé la catégorie des lois de pays...
M. Jean-Jacques Hyest. Il ne faut pas comparer !
M. Louis Le Pensec. Si ! Je fais du droit comparé, car ces précisions sont utiles. Je n'ai pas dit qu'il fallait s'en inspirer !
M. Jean-Jacques Hyest. La Nouvelle-Calédonie n'est pas la Corse !
M. Jean Chérioux. C'est de la caricature !
M. le président. Mes chers collègues, laissons l'orateur s'exprimer ! Le long débat qui s'annonce vous permettra d'échanger à loisir vos arguments sur les divers thèmes qu'il vient d'aborder.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien !
M. Louis Le Pensec. L'accord de Nouméa de 1998, disais-je, a créé la catégorie des lois de pays, délibérations particulières de l'assemblée locale qui ne sont soumises qu'au contrôle du Conseil constitutionnel, à la différence des autres délibérations des assemblées d'outre-mer qui sont soumises au contrôle de la juridiction administrative, c'est-à-dire au tribunal administratif et au Conseil d'Etat, et qui sont donc des actes de valeur réglementaire.
M. Philippe Marini. Pour cela, il n'y a pas besoin de référendum, il suffit d'adapter la Constitution !
M. Louis Le Pensec. Nous en sommes bien loin pour la Corse. Les auteurs du présent projet de loi ne proposent pas que l'Assemblée territoriale de Corse puisse intervenir dans des matières qui relèvent du domaine de la loi, selon la Constitution, dès lors qu'elles entreraient dans le champ de sa compétence : ils proposent seulement que le Parlement habilite au cas par cas l'assemblée locale à adapter certaines dispositions législatives existantes, sous son contrôle a posteriori.
Il s'agit donc d'introduire le minimum de souplesse rendu nécessaire par la situation particulière de la Corse. Qui oserait soutenir que la Corse n'est pas dans une situation particulière depuis des décennies, voire des siècles ?
M. Philippe Marini. Elle a toujours été une île ! (Sourires.)
M. Louis Le Pensec. Pensez-vous que son histoire, sa géographie, sa sociologie soient celles du Massif central ou de la Bourgogne ?
M. Jean-Patrick Courtois. Qu'avez-vous contre la Bourgogne ?
M. Louis Le Pensec. Pourquoi refuser de voir la réalité en face ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Absolument !
M. Louis Le Pensec. Pour certains, la Corse doit être similaire à l'Anjou ou elle doit se soumettre, c'est-à-dire sortir de la République. Plutôt l'exclusion que la reconnaissance des différences ! C'est la logique d'une certaine République jacobine à laquelle je ne souscris pas.
M. Pierre-Yvon Trémel. Très bien !
M. Louis Le Pensec. Ouvrons les yeux sur l'Europe et regardons au-delà des frontières : toutes les îles en Europe, sauf la Crète, ont un statut plus décentralisé que celui des régions de droit commun du pays auquel elles appartiennent, que celui-ci soit fédéral ou décentralisé.
En Italie aussi, la Sardaigne peut prendre des actes dans des domaines que la Constitution italienne réserve à la loi, pour tenir compte de ses spécificités. La Sardaigne est-elle sortie de l'Italie ? Au contraire, cette île, qui connaissait la violence, est apaisée et son développement économique - certes avec une masse critique de population et une superficie supérieures à la Corse - semble plutôt engagée sur une bonne voie.
On ne peut à la fois crier à l'irresponsabilité des Corses et refuser qu'ils puissent prendre leurs responsabilités en toute connaissance de cause et sous le contrôle du Parlement ! On ne peut pas crier « décentralisation, décentralisation, décentralisation » et, dès qu'il s'agit de donner davantage de compétences à une collectivité - dont vous ne pouvez nier les particularismes - les lui refuser. (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes.)
Non, ce projet de loi ne compromet en rien l'unité de la République. Il solidifie, au contraire, notre Etat républicain en permettant que des régions singulières - et la Corse en est une - voient leurs spécificités reconnues, y compris au plan institutionnel.
L'égalité, a-t-on dit, n'est pas l'uniformité. Appliquer la même loi et la même règle à des situations différentes ne favorise pas l'égalité, mais creuse les inégalités.
L'autonomie du pays de Galles et de l'Ecosse a-t-elle compromis l'unité de la Grande-Bretagne ? Cette nation n'est-elle pas unie sur des valeurs - c'est l'essentiel - suffisamment solides pour intégrer les différences ?
En illustration de l'adaptation des normes, je voudrais évoquer la question du littoral.
Avec l'article 12, on a voulu voir une ouverture à la constructibilité sans frein du littoral corse, on a laissé entendre que la loi littoral ne s'appliquerait plus. Rarement une réalité complexe aura été à ce point caricaturée !
Pour avoir contribué, dans les années quatre-vingt, à la préservation définitive de dizaines de milliers d'hectares en Corse en ma qualité de président du Conservatoire du littoral, je souhaite que le débat sur cette question s'engage sur des bases plus objectives.
Le littoral corse, resté à 70 % à l'état naturel contre 4 % seulement dans les Alpes-Maritimes, obéit aujourd'hui à un certain nombre de protections. Ainsi, toutes les communes du littoral, soit 90 communes sur 360, sont soumises aux lois littoral et montagne. Outre l'application du premier de ces deux textes, ce littoral a fait l'objet de nombreuses protections au titre des législations et réglementations relatives aux sites : sites classés ou inscrits, réserves naturelles, arrêtés de biotope, parcs naturels régionaux, et la liste n'est pas exhaustive.
Par ailleurs, sur les 1 000 kilomètres du littoral corse, un peu plus de 200, soit presque 21 %, appartiennent au conservatoire de l'espace littoral et sont donc soustraits à tout jamais à l'urbanisation.
La protection de ces terrains, propriété du conservatoire, comme l'ensemble des protections instituées sur le littoral corse ne sauraient être remises en cause ni par les possibilités d'adaptation conférées à la collectivité territoriale de Corse par la loi littoral ni par le plan d'aménagement et de développement durable de la Corse.
Le dispositif prévu interdit donc tout aménagement au coup par coup et impose une vision d'ensemble préalable, permettant de garantir l'équilibre, que l'on soulignait tout à l'heure, entre protection et développement.
Le plan d'aménagement et de développement durable, comme tout document d'urbanisme, sera soumis avant son approbation à de nombreuses consultations, à débat public et à enquête publique. Il sera également soumis au contrôle de légalité du préfet et du juge administratif.
Ce n'est que dans le cadre du plan d'aménagement et de développement durable et par une délibération spécialement motivée que la collectivité territoriale de Corse pourra apporter des adaptations à la loi littoral, sur des secteurs dont elle devra justifier l'identification.
Ces adaptations sont strictement encadrées soit par la loi littoral elle-même, soit par le présent projet de loi.
S'agissant de la compétence réglementaire conférée à la collectivité territoriale de Corse en matière de la fixation de la liste des espaces terrestres et marins, sites et paysages remarquables, il y a lieu de préciser que cette liste est déjà très largement définie par l'article L. 146-6 du code de l'urbanisme. Un amendement de notre collègue Michel Charasse encadre d'ailleurs plus strictement encore cette adaptation.
Quant à la possibilité d'adaptation dans la bande littorale des cent mètres, elle s'applique non pas à toutes les plages, mais à celles où existe un conflit d'usage entre la fréquentation touristique et la préservation de l'environnement.
Elle prévoit la réalisation d'aménagements légers et des constructions non permanentes destinées à l'accueil du public, excluant toute forme d'hébergement.
Cette possibilité ne pourra être admise que si elle est compatible avec la préservation de l'environnement et si elle respecte les paysages et les caractéristiques propres aux sites où ces aménagement et constructions seront réalisés.
Elle sera soumise à la délivrance d'un permis de construire prévoyant les dates de montage et de démontage, ainsi qu'à une enquête publique.
Cette possibilité d'adaptation ne saurait conduire à remettre en cause les protections aujourd'hui édictées ou celles qui résulteraient du plan de développement et d'aménagement durable, en particulier les espaces et milieux protégés au titre de l'article L. 146-6 du code de l'urbanisme.
Elle permettra, en outre, de soumettre à autorisation et contrôle des constructions qui existent déjà en toute illégalité et hors de toute organisation sur de nombreuses plages, afin de les encadrer, voire de les interdire.
S'agissant, enfin, des possibilités d'extension de l'urbanisation non situées en continuité des urbanisations existantes ou non constituées en hameaux nouveaux, celles-ci ne pourront être opérés qu'en dehors de tout espace protégé.
Je ne saurais contester à notre rapporteur le mérite d'avoir creusé une piste un peu novatrice en prévoyant l'intervention du conservatoire de l'espace littoral, et la discussion des articles nous donnera sans nul doute l'occasion de souligner non seulement ce mérite mais aussi toutes les limites d'un tel recours.
D'une façon générale, et au nom du principe de l'indépendance des législations, ni le plan d'aménagement et de développement durable ni les adaptations à la loi littoral que ce plan pourrait contenir n'ont le pouvoir de remettre en cause des protections aujourd'hui existantes et émanant de l'application de dispositifs législatifs ou réglementaires particuliers. Ils ne peuvent, par exemple, ni déclasser ni « désinscrire » des sites classés ou inscrits, ni abroger des dispositions visant à protéger des réserves naturelles.
De même, ni le plan d'aménagement et de développement durable ni les adaptations à la loi littoral ne sauraient aller à l'encontre de protections ayant leurs sources et fondements dans des dispositifs extérieurs au droit interne, qu'il s'agisse, par exemple, de directives européennes telles que Natura 2000 ou de conventions de droit international telle la convention de Ramsar sur les zones humides.
Les adaptations normatives prévues par le projet de loi sont rendues nécessaires par la superposition sur un espace réduit des dispositions des lois littoral et montagne.
Des améliorations peuvent, certes, être apportées au projet du Gouvernement. Cela étant, je préfère des règles exigeantes mais applicables à des règles inappliquées. Or, faute que les schémas prévus aient pu être mis en oeuvre, l'aménagement du littoral corse est bloqué, alors que certains aménagements limités amélioreraient la situation d'un littoral figé plus que protégé de manière dynamique.
Il m'apparaît qu'un équilibre a été recherché dans le projet de loi entre l'encadrement permettant de garantir le respect des principes fondamentaux de la loi littoral et la marge d'appréciation laissée à la collectivité territoriale de Corse pour adapter le cadre juridique aux spécificités locales. L'expérience m'autorisait, me semble-t-il, à porter une telle appréciation.
En conclusion, monsieur le président, je voudrais redire combien je suis frappé par cette sorte d'effroi qui saisit certains à l'idée que l'organisation de la France pourrait ne pas être exactement la même dans toutes les parties du territoire.
Rien de ce que le présent projet de loi prévoit pour la Corse ne menace évidemment l'unité de la République. C'est la rigidité, le culte de l'uniformité, le refus des adaptations qui la menacent.
M. Roger Karoutchi. Pas du tout !
M. Louis Le Pensec. Le projet du Gouvernement est bon pour la Corse. Admettre cette singularité, c'est déjà faire un grand pas et commencer à reconnaître que la France a une histoire et que son organisation territoriale ne relève pas de la géométrie.
Parce que j'aime la Corse française, je sais qu'elle a droit à la reconnaissance de son identité. La lui nier, c'est manquer de confiance en elle et dans la France, c'est douter de nos valeurs communes et donc, à terme, menacer cette appartenance. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Blanc.
M. Jacques Blanc. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux tout d'abord rassurer M. Le Pensec : moi, j'ai entendu les différents orateurs, j'ai entendu M. le rapporteur - dont l'intervention a été d'une qualité tout à fait exceptionnelle -...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Celle de M. Le Pensec aussi ! j'ai entendu notre ami Jean-Pierre Raffarin, notre ami Josselin de Rohan, notre ami José Balarello, j'ai entendu M. Daniel Hoeffel, et, nulle part, je n'ai perçu cette crainte de ne pas voir respecter une certaine différence.
M. Jacques Blanc. Je suis donc un peu déçu par l'intervention de M. Le Pensec.
Cela étant, je vais vous faire une confidence, monsieur le ministre : j'ai participé à la discussion de ce texte à l'Assemblée nationale, et j'ai voté votre projet de loi, après avoir, à la suite de certains de nos amis courageux mais qui n'ont parfois pas été compris - je pense à Jean Baggioni, président du Conseil exécutif de Corse, ou à José Rossi, président de l'Assemblée territoriale de Corse - essayé d'y trouver des motifs d'espérance. Il fallait en effet apporter à la réalité française corse des réponses positives. Et, si l'une des caractéristiques de cette réalité est que le territoire corse est peu peuplé, ainsi que M. José Balarello le rappelait, permettez au sénateur qui représente ici un département de 73 000 habitants de dire qu'il l'est quand même beaucoup plus que le sien.
Je pense donc, monsieur le ministre, que vous avez, ce soir, avec ce débat, une chance formidable : ne la gâchez pas !
Le Sénat, grâce à la qualité du travail de la commission spéciale et de son rapporteur, a ouvert la voie pour balayer les ambiguïtés, écarter les dangers d'anticonstitutionnalité et répondre aux légitimes aspirations de tous ceux qui croient à des avancées nouvelles de la décentralisation.
Dans ce siècle, on peut l'affirmer, l'unité, l'unicité de la République passera par des avancées nouvelles de la décentralisation.
Il ne s'agit pas pour autant de tomber dans un système fédéral, ni même dans un système d'autonomie. Il s'agit d'inventer un dispositif purement français, une vraie décentralisation accordant un rôle plus important aux régions.
Que nos amis des départements ne soient pas irrités par mes propos, je ne parle pas contre eux ; je demande simplement le transfert de vrais pouvoirs de l'Etat aux régions. Les départements sont indispensables pour assurer l'équilibre sur notre territoire, et les communes, elles aussi, doivent exercer pleinement leurs responsabilités.
Monsieur le ministre, je me permets maintenant de dire - cela va peut-être en choquer ou en étonner certains - qu'il n'y a pas de fossé insurmontable entre les positions de l'Assemblée nationale et celles du Sénat. (Exclamations sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Je vais le prouver en relevant quelques points précis.
J'ai entendu dire : à l'article 1er, on ne remet pas en cause la Constitution,...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il n'y a pas besoin de la remettre en cause !
M. Jacques Blanc. ... on va transférer un certain nombre de pouvoirs.
Mais, mes chers collègues, notre rapporteur a fait une proposition formidable à cet égard : des lois à application différenciée selon les territoires. Cette idée mérite d'être creusée.
Notre collègue Jean-Pierre Raffarin a, quant à lui, évoqué la possibilité de déléguer des pouvoirs réglementaires grâce à un dispositif qui respecte à la fois notre Constitution et votre volonté, monsieur le ministre.
Si vous êtes honnête - vous voyez bien que je ne fais de procès d'intention à personne mais je demande qu'on ne nous en fasse pas non plus !...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Votez donc le texte de l'Assemblée nationale !
M. Jacques Blanc. ... vous conviendrez qu'il existe des réponses sans toucher à la Constitution. Il est possible, en effet, d'adapter la loi et de déléguer le pouvoir réglementaire, si nécessaire.
Chacun s'aperçoit que la loi littoral, quand elle est appliquée brutalement, crée des blocages non justifiés. Sans remettre en cause la nécessité de protéger notre environnement et sans contrecarrer la volonté exprimée par un certain nombre d'associations de défense du littoral, il est possible d'aménager cette loi.
Monsieur le ministre, si vous écoutez le Sénat sur ces points, les sujets de discorde tombent. Au lieu de se bloquer dans un système d'opposition, suivons la voie positive, celle qui permet de régler vraiment les problèmes.
Pour ce qui est de la langue, permettez au président de la région Languedoc-Roussillon, qui croit en l'avenir de l'occitan et du catalan, de dire qu'il existe une réponse simple et qui donne satisfaction à tout le monde. Il suffit d'accepter le libellé du Sénat, qui correspond à ce qui a été dit à l'Assemblée nationale : ne rendons pas obligatoire l'enseignement de la langue corse, permettons simplement aux familles qui le veulent d'en faire bénéficier leurs enfants, dès l'école primaire ou ultérieurement.
La connaissance d'une langue régionale, c'est un atout dans la vie. N'ayons pas une vision frileuse sur cette question. Ces langues régionales, ces langues dites minoritaires enracinent, mais, elles permettent également de s'ouvrir au grand large sans perdre sa propre personnalité.
Je crois très profondément qu'il faut offrir cette possibilité aux jeunes Corses, aux jeunes du Languedoc-Roussillon, aux jeunes Bretons. Notre collègue M. de Rohan a eu des mots très forts à l'appui de cette thèse.
Ce n'est pas aller contre la langue française, ce n'est pas tendre vers un repliement sur soi que de permettre à des jeunes d'étudier ces langues qui font partie de nos racines, de notre culture.
Pour lutter contre la peur de la mondialisation, la meilleure réponse, c'est l'enracinement, ce qui ne signifie pas le repliement sur soi-même. Parallèlement, je crois en l'Europe, je crois que l'Europe peut nous aider à maîtriser des phénomènes mondiaux.
Dans ma région, je fais partie de ceux qui paient pour que ces langues soient enseignées. Pour moi, ce ne sont pas des langues mortes. Ces langues sont bien vivantes, elles font partie à la fois de notre patrimoine et de notre avenir.
La formulation proposée par notre rapporteur est donc formidable. Elle correspond d'ailleurs à ce qui a été dit à l'Assemblée nationale, ou alors on nous a trompés ! Rires sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Jean Bizet. Ce n'est pas impossible !
M. Jacques Blanc. Peut-être ai-je été abusé ! Le temps passe, et je suis encore naïf. Mais le Sénat m'apporte la sérénité et la capacité de prendre du recul !
J'ai aussi beaucoup entendu parler - et je ne doute pas que M. Mauroy tiendra le même langage - du besoin d'aller bien plus loin dans la démarche globale de décentralisation : ce que nous allons faire pour la Corse, il faut le faire pour l'ensemble des régions. (Murmures sur les travées socialistes.)
C'est ce que j'avais dit, à l'Assemblée nationale avec notre collègue M. Jean-Claude Etienne, qui, lui aussi, est maintenant sénateur. Nous avions alors déposé des amendements et vous nous aviez précisé, monsieur le ministre, que vous étiez d'accord pour préparer un texte. Je n'ai rien vu venir de ce côté-là, mais je ne désespère pas !
Peut-être suis-je naïf, je le répète, mais j'ai encore l'espérance ; en tout cas, j'ai confiance en ce débat au Sénat, dont la qualité n'échappe à personne.
M. Josselin de Rohan. Non !
M. Jacques Blanc. Chacun peut, en effet, mesurer ce que le Sénat apporte à la fois en prenant de la distance par rapport à des positions un peu trop partisanes et en étant capable de se projeter dans l'avenir. C'est un moment exceptionnel.
Monsieur le ministre, en préambule de votre propos vous avez évoqué le problème des prisons. Vous me permettrez de dire que ce n'est pas la meilleure manière de répondre aux attentes de tous ceux qui, en Corse, comme en métropole,...
M. Philippe Marini. Sur le continent !
M. Jacques Blanc. Sur le continent, vous avez raison ! Je devrais davantage préparer mes discours ! ...
Si je me laisse ainsi aller à improviser, c'est parce que j'espère très profondément, monsieur le ministre, que, grâce à ce débat, grâce à la qualité du travail et de toutes les interventions, quelles qu'elles soient, vous pourrez sortir de l'impasse et élaborer une loi dont personne ne mettra en cause la constitutionnalité.
Vous répondrez ainsi à l'attente vraie des populations qui aspirent à un développement durable, au respect du principe de la subsidiarité tandis que seraient lancées les prémisses d'une démarche globale de décentralisation.
On verra ainsi combien le rôle du Sénat est essentiel, car il permet de rééquilibrer des démarches qui nous avaient parfois surpris. (M. Dreyfus-Schmidt s'exclame.)
Je le dis d'autant plus volontiers que je vous fais confiance. Je voudrais, demain, pouvoir m'en réjouir. Je voudrais pouvoir dire : M. le ministre de l'intérieur a écouté le Sénat, il a emprunté le bon chemin, balayé les malentendus et permis d'avancer pour la Corse... française. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR, ainsi que sur certaines travées de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Courtois.
M. Jean-Patrick Courtois. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant toute autre chose, je voudrais remercier le président de notre commission spéciale, M. Jacques Larché, et notre rapporteur, M. Paul Girod, parce qu'ils ont su ouvrir pertinemment la voie à notre travail parlementaire en posant « la », ou, plus précisément, « les » bonnes questions.
En effet, ils ont su nous sortir de l'écueil grave et contre-productif du débat manichéen dans lequel certains avaient fait le choix réducteur de nous enfermer.
Par leur éveil, ils nous ont permis de corriger l'erreur préalable commise par le Gouvernement, et ce, en posant les bonnes questions, et en nous invitant à choisir les bonnes réponses.
La faute préalable du Gouvernement a été d'enfermer le débat dans une dialectique trompeuse, le considérant étant qu'il fallait légiférer parce qu'il y avait des violences et donc céder au chantage. La réponse, tout aussi fallacieuse, consistait dès lors à croire qu'une évolution institutionnelle de l'île mettrait un terme à cette violence alors que, tout au contraire, elle la légitimait.
Effectivement, depuis le début du processus de Matignon, le Gouvernement s'est fourvoyé à cause de cette faute préalable : comment faire cesser la violence ? Que céder aux séparatistes pour acheter la paix civile ?
Petit à petit, cette logique trompeuse, cette équation infondée s'est répandue. De ce point de vue, nous sommes collectivement responsables. La classe politique, les observateurs attitrés, les journalistes, nos concitoyens eux-mêmes, se sont surpris à raisonner dans ces mêmes termes. Tous, nous nous sommes enferrés dans cette dichotomie intellectuellement aisée, mais combien trompeuse.
Face à ce projet de loi, nous retrouvions deux camps : ceux qui y étaient favorables et ceux qui y étaient farouchement opposés.
Entre les deux camps, point de salut. Il fallait choisir, et ce, sans nuance, ni souvent réflexion. En peu de temps, nous étions revenus à cette vieille querelle franco-française des Jacobins et des Girondins.
D'ailleurs, bien souvent, les lignes de partition ne correspondaient pas aux volontés profondes des intervenants.
Dans le camp des « pour », pouvaient se retrouver allègrement des régionalistes pur sucre, et d'autres, plutôt hostiles à la décentralisation, mais qui, lassés par la crise corse, disaient à peu près : « S'ils veulent l'indépendance, qu'ils la prennent ! » alors pourtant que cela ne correspondait en rien à la volonté dominante des Corses.
Dans le camp des « contre » se retrouvaient, de la même manière, des républicains arc-boutés, niant toute spécificité régionale à la Corse, et d'autres disant simplement : « Non, la Corse, nous l'aimons, ne la laissons pas s'éloigner du continent. »
Le caractère tronqué de ce débat tient à la faute préalable du Gouvernement qui s'est trompé de question et qui, par là même, nous a trompés, en laissant le débat dériver sur le champ institutionnel.
Il s'est trompé parce qu'il a cru que le problème c'était les nationalistes.
En déplaçant le débat sur le plan institutionnel, en jouant une partition à quatre mains avec les nationalistes, le Gouvernement a cru pouvoir se dispenser d'apporter les réponses réelles qu'attendait l'immense majorité silencieuse des Corses.
Les questions qu'ils se posent sont bien plus simples : « Comment trouver du travail ? Comment faire vivre mon entreprise ? Quel avenir donner à mes enfants ? » et certainement pas : « Quelle délégation de pouvoir d'adaptation législative à la collectivité territoriale de Corse ? »
En déplaçant le débat sur le plan institutionnel, le Gouvernement s'est donc fourvoyé. D'entrée de jeu,l'erreur a été de privilégier certains interlocuteurs par rapport à d'autres.
En mettant les dirigeants nationalistes en avant, à grand renfort de presse, le Gouvernement a fait le choix de privilégier le dialogue avec eux, réduisant presque cyniquement le débat sur l'avenir de la Corses à un volet institutionnel dont les Corses eux-mêmes ne veulent pas.
L'autre erreur préalable a justement été de poser comme préalable à la discussion parlementaire l'arrêt des violences. Avec une telle condition pour le processus de Matignon, le Gouvernement est devenu l'otage de ces mêmes nationalistes, qui, en maniant avec habilité les promesses de leurs vitrines légales et les coups d'éclat de leurs bras armés, ont obtenu depuis deux ans quasiment tout ce qu'ils réclamaient.
En bons tacticiens, les nationalistes jouent la carte du pire afin d'obtenir de nouvelles concessions. Ce mécanisme diabolique peut durer longtemps et permettre à une minorité violente d'imposer sa loi, ce qui est d'ailleurs le propre de tout terrorisme.
De ce point de vue, le bilan est effectivement loin d'être à inscrire au crédit du Gouvernement.
Il y a maintenant plus de deux ans, une commission d'enquête sénatoriale sur les dysfonctionnements inacceptables de l'Etat en Corse a été créée. A l'époque, nous avions formulé dix-sept propositions concrètes pour améliorer le fonctionnement des services de l'Etat et assurer une meilleure coordination de la sécurité et de la justice en Corse. Ces propositions de simple bon sens ne nécessitaient pas de réforme de la Constitution. Il ne m'a pas semblé que le Gouvernement ait essayé de les mettre en oeuvre.
Effectivement, le bilan sur l'île n'est guère positif. Depuis deux ans, ni les attentats, ni les assassinats, ni le racket n'ont cessé. Ils n'ont même pas seulement été endigués. Bien au contraire, pas moins de dix-sept assassinats et de cent dix attentats ont été constatés sur le territoire de la seule Corse entre le 1er janvier et le 30 septembre. Est-il bien raisonnable, dès lors, de se glorifier de ce bilan ? J'en doute !
Alors que les « vitrines légales » promettaient au Gouvernement de respecter ce préalable de la cessation de la violence en proclamant une trêve illimitée, quelques jours seulement après le début du processus de Matignon, à la fin décembre 1999, les dérives mafieuses, les règlements de compte et les attentats les plus scandaleux contre les bâtiments et les personnels de l'Etat se sont poursuivis dans la plus totale impunité. Il y a pis ! La logique trompeuse dans laquelle le Gouvernement s'est enferré a fait des émules puisque, en résumant la situation corse à son seul volet institutionnel, des membres éminents de la majorité plurielle se sont mis à considérer que nous étions bel et bien dans un conflit d'indépendance.
De ce point de vue, l'évolution sémantique a été particulièrement frappante. Les terroristes sont devenus des nationalistes ; les détenus sont devenus des prisonniers politiques ; la délinquance est devenue résistance et la « cessation de la violence » est devenue « retour à la paix civile ».
En se fourvoyant dans cette faute préalable, le Gouvernement ne pouvait pas faire autrement que s'embourber dans un dialogue inégal avec les séparatistes.
Le Gouvernement ayant engagé sa responsabilité sur la réussite du processus de Matignon, les nationalistes ont bien compris l'immense carte qu'ils avaient entre leurs mains pour obliger le Gouvernement à céder sur presque toutes leurs revendications. (Protestations sur les travées socialistes.)

L'exemple le plus emblématique en la matière est également le plus récent.
Depuis le début, le Premier ministre avait annoncé que le rapatriement des détenus corses sur l'île n'était pas envisageable.
Dès cet été, certains nationalistes avaient ironisé sur l'évolution du langage lorsque le ministre de l'intérieur prétendait que ce rapatriement n'était pas à l'ordre du jour, s'amusant du fait que, s'il n'était pas à l'ordre du jour, il pourrait le devenir.
Forts de cette présomption, ils décidèrent de faire de ce rapatriement leur principale revendication, d'autant qu'ils savaient que le Gouvernement était prêt à presque tout céder pour les faire rester à la table des négociations. (Nouvelles protestations sur les travées socialistes.)
Dès lors, cette revendication fut mise sous agenda. Dès le début du mois d'août, à Corte, à l'occasion des journées annuelles, M. Talamoni annonça qu'il demandait la libération immédiate de tous les prisonniers politiques corses et au moins leur rapatriement en Corse.
Le Gouvernement refusa de céder. Qu'à cela ne tienne, les nationalistes retirèrent en septembre leur soutien au processus de Matignon, qui perdit sa raison d'être. Il fut orphelin.
Tant pis, il faut céder. Dès lors, cela nous amène au week-end dernier, où vous-même, monsieur le ministre, annonciez à Ajaccio que vous aviez demandé au garde des sceaux de créer en Corse « un secteur de détention pouvant accueillir les condamnés à de longues peines ». Cette décision était tout à fait maladroite au regard du chantage exercé par les nationalistes, qui obtenaient une nouvelle fois gain de cause.
M. Jean-Pierre Bel. Cela n'a rien à voir !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Ce n'est pas ce qu'ils veulent !
M. Jean-Patrick Courtois. Finalement, monsieur le ministre, vous vous êtes ravisé, prétendant que l'on avait mal interprété vos propos, couvrant ainsi le Premier ministre, dont j'ai peine à croire - avec M. Chevènement - qu'il n'ait pas été à la source de votre initiative, à moins que vous n'ayez obtenu l'accord de M. Schrameck. (Rires sur les bancs du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Ainsi, au fur et à mesure, le débat sur la Corse, sur fond de terrorisme et de discours indépendantistes, a glissé dans cette dialectique : faut-il céder ou non aux nationalistes ? Faut-il ou non plus d'autonomie pour l'île ? Imprégnés de cette logique fallacieuse, il aurait été facile de se tromper de combat. Et, de la sorte, lorsque nous avons débuté nos travaux au sein de notre commission spéciale, la tentation était grande de balayer ce texte d'un revers de main.
Le choix était, en apparence, fort simple.
Premièrement, le préalable de la cessation de la violence imposé par le Premier ministre comme condition sine qua non de la poursuite du débat était-il respecté ?
Evidemment, nous en sommes loin, puisque les factions mafieuses pratiquent de jour en jour la surenchère.
Deuxièmement, le texte en lui-même est-il acceptable dans la mesure où, pour l'essentiel, les mesures préconisées sont contraires à la Constitution ?
Le Conseil d'Etat n'a pas manqué, à cet égard, d'exprimer les plus vives réserves.
Dès lors, il aurait été facile et légitime de refuser l'examen de ce projet de loi dans la mesure où les conditions du dialogue n'étaient par réunies et les propositions faites anticonstitutionnelles. C'est la raison pour laquelle, après ce long développement, je tiens à remercier avec la plus grande sincérité le président et le rapporteur de notre commission spéciale, parce qu'ils ont su poser les bonnes questions préalables.
Légifère-t-on parce qu'il y a des violences en Corse ? Non ! La violence ne se légitime pas, elle se combat. On légifère parce qu'il y a une spécificité corse, des difficultés naturelles, inhérentes à son insularité, à son territoire, parce qu'elle est à la fois montagne et littoral.
On légifère parce que les Corses attendent de nous de vraies propositions, de vraies solutions pour engager dans la sérénité son développement économique.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il fallait le faire quand vous étiez au Gouvernement !
M. Jean-Patrick Courtois. Je tiens à dire à ceux de mes collègues qui ont déposé une motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité que je comprends leurs motivations : comme eux, je m'indigne que les conditions de l'arrêt des violences n'aient pas été respectées et, comme eux, je ne me fais aucune illusion sur la prétendue constitutionnalité des propositions du Gouvernement en la matière.
Cependant, si nous adoptions cette motion, nous nous enfermerions dans cette logique trompeuse du Gouvernement que je me suis efforcé de dénoncer en en démontant les rouages. Or, ce qu'il faut, c'est sortir de cette logique, et, de ce point de vue, notre rapporteur nous a tracé la voie.
Une loi pour la Corse est nécessaire. Nos compatriotes corses ne comprendraient pas que nous refusions ce geste simple qu'ils attendent de nous en nous tendant la main.
Certes, le texte proposé est anticonstitutionnel et contestable en tous points, mais il nous offre la possibilité d'engager un débat pour apporter à la Corse les vraies réponses que lui a refusées le Gouvernement, celles qu'elle est en droit d'attendre de notre Parlement
Or, en la matière, au-delà des effets de manche institutionnels que j'ai dénoncés, des mesures urgentes s'imposent pour le développement social et économique de l'île.
C'est la raison pour laquelle les collègues de mon groupe et moi-même sommes particulièrement satisfaits par les propositions de notre commission spéciale.
Nous abordons ce débat avec sérénité, parce que nous sommes sûrs que nous serons entendus par les Corses, parce que les mesures que nous proposons sont de bon sens et mettent l'accent sur les nécessités réelles du territoire - j'entends le développement économique - car, ne nous y trompons pas, lorsque le développement durable se sera installé, nous n'entendrons plus parler de terrorisme ou de séparatisme.
Parce que ces idées se nourrissent de la précarité, en assurant le développement économique de l'île nous garantissons aussi son attachement à la République.
De ces quelques principes, clairement et fermement ancrés à l'esprit, découlent évidemment la logique et le fondement de nos propositions pour la Corse.
Ainsi, sur l'article 1er, nous n'avons pas choisi la démagogie.
Il aurait été facile d'accepter la délégation du pouvoir législatif et réglementaire à la collectivité territoriale de Corse. Nous aurions développé avec cynisme le bien-fondé de cette volonté décentralisatrice, tout en déposant in fine un recours devant le Conseil constitutionnel, qui n'aurait pas manqué de déclarer anticonstitutionnel cet article, Nous n'avons pas cédé à cette facilité, parce que nous savons que l'avenir de la Corse ne dépend pas de cet effet d'annonce.
S'agissant de l'article 7 et de l'enseignement obligatoire de la langue corse, nous refusons de nous laisser enfermer dans un débat manichéen entre ceux qui seraient favorables à la défense de la culture régionale et ceux qui la refusent.
Un sénateur socialiste. Ce n'est pas le problème !
M. Jean-Patrick Courtois. Notre propos en la matière n'est absolument pas ancré dans un républicanisme d'un autre âge. Je suis, pour ma part, tout à fait favorable à l'enseignement des langues régionales. Apprendre une langue dès le plus jeune âge est une chance. Il est d'ailleurs prouvé qu'un apprentissage tel favorise ensuite l'enseignement de toutes les autres langues.
La seule objection que nous soulevons, et nous rejoignons sur ce point la position de notre rapporteur, est la nécessité de maintenir le caractère facultatif de cet enseignement. En ce sens, la rédaction proposée par notre rapporteur me semble plus protectrice du choix des parents que celle qui a été adoptée par l'Assemblée nationale, même si nous partageons le même objectif.
S'agissant de l'article 12, nous sommes favorables au dispositif proposé par notre commission spéciale. Il devenait évident qu'il était essentiel d'apporter des réponses substantielles aux difficultés liées à la loi littoral. On ne peut pas simultanément déplorer les limites du développement économique de l'île et empêcher d'assurer ne serait-ce que son développement touristique. De ce point de vue, toutes les personnes auditionnées ont attiré notre attention sur les difficultés d'accueil qui se posent dans l'île et elles ont fini par nous convaincre.
Ainsi, les réponses apportées nous semblent aller dans le bon sens, puisqu'elles assureront tout à la fois le développement d'une urbanisation limitée, mais essentielle, et la nécessaire garantie de la protection environnementale du littoral corse. Déclarer inconstructibles des espaces qui auraient été victimes d'incendie criminel ou dont l'origine demeurerait inconnue est une garantie forte contre les velléités prospectives de certains groupes mafieux.
Enfin, parce que nous pensons que les vraies réponses au développement de l'île sont économiques, nous partageons tout à fait les vues de notre rapporteur sur la nécessité de rendre plus attractif le dispositif fiscal et financier de ce projet de loi. Ainsi, l'extension du crédit d'impôt, au taux réduit de 10 %, aux secteurs exclus du bénéfice du taux de 20 % me semble lisser le décalage susceptible de se créer entre les différents secteurs d'activité. L'extension de la liste des secteurs éligibles au crédit d'impôt au taux de 20 % procède de la même nécessité, celle de mettre le développement économique au coeur de la réforme.
En outre, la sortie du régime de la zone franche en trois ans pour les entreprises qui perdraient le bénéfice de l'exonération d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés semble a priori plus à même d'aider les activités économiques que le dispositif préconisé par le Gouvernement. Celui-ci jette d'ailleurs trop rapidement la pierre à la zone franche.
En conclusion, mes collègues du groupe du Rassemblement pour la République et moi-même nous réjouissons de l'examen de ce projet de loi sur la Corse. Si nous ne partageons pas les vues du Gouvernement sur le volet institutionnel de ce projet de loi, il nous offre une tribune dont nous ne nous priverons pas, article après article, pour démontrer qu'il n'y a pas de fatalité à la situation en Corse. Si nous prenons avec courage les mesures qui s'imposent pour garantir son développement et aider son économie, bientôt la question séparatiste ne se posera plus.
Nous voulons sortir par le haut de cette logique trompeuse qui oppose les tenants de l'unicité de la République et ceux de l'autonomie, en proposant les réformes qui s'imposent. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Virapoullé.
M. Jean-Paul Virapoullé. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis particulièrement ému de m'adresser à vous ce soir pour la première fois. Le hasard du calendrier a voulu que ma première intervention dans cette Haute Assemblée porte sur la Corse.
Je m'intéresse à la Corse tout simplement parce que je m'intéresse à la France et à ses îles dispersées, ici en Méditerranée, ailleurs dans l'océan Indien ou dans les Caraïbes. Ces îles possèdent une population, généralement très majoritaire, qui doit se battre pour rester française. Figurez-vous que nous devons souvent nous frayer un chemin et lutter contre une minorité agissante et indépendantiste pour dire que nous sommes fiers de notre statut, et que nous souhaitons garantir notre culture, nos droits à l'éducation, à la santé, à l'épanouissement et à la reconnaissance de notre identité au sein de la République française. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) Et c'est pour porter ce témoignage que je suis monté, ce soir, à cette tribune et non pour donner des leçons à qui que ce soit.
Quelle est ma première remarque de vieux militant départementaliste ? Je note que les départements français qui ont fait le choix de l'unité de la République, mon cher collègue et ancien ministre de l'outre-mer, Louis Le Pensec, que j'ai eu le plaisir de connaître et avec qui j'ai travaillé, ont choisi l'unité dans le respect de la diversité. C'est vrai pour les départements d'outre-mer et cela est traduit par l'article 73 de la Constitution, qui précise que, compte tenu de notre situation particulière, nous pouvons bénéficier de mesures d'adaptation sur les plans administratif et législatif, mesures qui ne peuvent être prévues et votées par le seul parlement français, j'y insiste, et qui ne peuvent donc être ni étendues ni déformées par le biais d'un projet de loi concernant particulièrement la Corse.
Il s'agirait d'une fausse extrapolation de la situation des départements d'outre-mer, d'un détournement de procédure non prévu par la Constitution, même pour ces départements.
S'agissant des territoires d'outre-mer, il n'y a pas unité de Constitution, et il n'y a plus du tout unité de législation.
M. Jean-Jacques Hyest. Eh non !
M. Jean-Paul Virapoullé. L'égalité n'existe plus dans les territoires d'outre-mer. Nous savons que subsiste une mince barrière de corail constitutionnelle qui relie la Polynésie française à la République. Nous savons que la Nouvelle-Calédonie, qui a nécessité une réforme de la Constitution, a prévu d'évoluer vers l'indépendance. C'est la raison pour laquelle cette assimilation ne peut être tenue aujourd'hui pour vraie.
M. Philippe Richert. Très bien !
M. Jean-Paul Virapoullé. Ma deuxième remarque concernant ce projet de loi traduit mon inquiétude. En effet, lors de la réunion relative au processus de Matignon, tous les partenaires ne regardaient pas dans la même direction : il y avait ceux qui louchaient vers l'indépendance - ce sont les indépendantistes, que l'on appelle « nationalistes » - et il y avait ceux qui, je le reconnais, souhaitaient la reconnaissance de leur identité dans le cadre de la République. Comment voulez-vous mettre en place un processus si les deux partenaires sont en opposition totale quant à la finalité de ce processus ?C'est un TGV qui va dérailler au premier virage...
M. José Balarello. Bravo !
M. Jean-Paul Virapoullé. C'est amplifier les erreurs passées. Voilà vingt-cinq ans que l'on met la charrue devant les boeufs en Corse ! On légifère de façon exceptionnelle pour la Corse, alors que l'on aurait dû prévoir un cadre général et y intégrer la Corse de façon adaptée. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR, des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
J'aurais voulu que le processus de Matignon réussisse, monsieur le ministre. Malheureusement, et je prends date ce soir, il va échouer, ce pour deux raisons : ou bien l'excellent rapporteur, mon ami Paul Girod, a dit vrai et le texte n'est pas conforme à la Constitution, c'est un marché de dupes ; ou bien - et vous le savez très bien, vous avez une expérience que je n'ai pas - ce projet de loi n'est pas applicable. En effet, pour mettre en oeuvre la procédure d'habilitation, un an, voire un an et demi sera nécessaire. Et lorsque les élus locaux dépasseront les limites de l'habilitation, le préfet de région ou les instances européennes déposeront un recours qui bloquera le processus d'adaptation. Dès lors, les indépendantistes diront qu'il est impossible de travailler avec la France.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Mais si !
M. Jean-Paul Virapoullé. Ainsi se creusera le fossé dans les relations entre la mère patrie et la Corse. Ce n'est pas l'objectif que se sont fixé la majorité des partenaires de ce processus.
Voilà pourquoi, depuis vingt-cinq ans, avec les diverses mesures d'exception que l'on a prises pour la Corse, on s'est chaque fois trompé de chemin : la régionalisation avant l'heure ; les offices, véritable boîte de Pandore où, au lieu de délibérer en public, on a rendu opaque, donc inefficace, la gestion des deniers publics. Et n'oublions pas que, en 1991, on est allé plus loin que la décentralisation en métropole, sans en avoir les résultats.
La voix de l'unité dans la République et de l'adaptation législative, voulue par le Gouvernement et votée par le Parlement, est la voie raisonnable pour la Corse et l'ensemble des îles qui composent les départements d'outre-mer. N'allez pas d'exception corse en exception guadeloupéenne, puis en exception martiniquaise ou réunionnaise ! Vous allez démanteler la République et affaiblir la France ! Tel est mon deuxième témoignage. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
J'en viens à ma troisième remarque : aujourd'hui, le processus de Matignon n'apporte pas de garantie pour la Corse, pas plus qu'il n'apporte de garantie de résultat. La majorité de la population en Corse l'a encore montré lors des élections municipales : dans les deux plus grandes villes, Bastia et Ajaccio, les maires qui ont été élus étaient majoritairement opposés au processus de Matignon.
M. Jean-Pierre Bel. Simon Renucci, le maire d'Ajaccio, était opposé au processus de Matignon ?
M. Jean-Paul Virapoullé. Pas lui ! Celui qui a été élu après la démission du maire précédent, à la suite d'une élection partielle. C'était un maire bonapartiste !
Mes chers collègues, l'autre danger de ce texte, c'est qu'il est contagieux. On parle beaucoup de contagion en ce moment ! En l'espace d'un an, une délégation de la Guyane est déjà venue déposer sur le bureau du Président de la République et sur le bureau du secrétaire d'Etat à l'outre-mer un texte qui est la copie conforme du présent projet de loi : il comporte un exécutif local et une collectivité territoriale dotée d'un pouvoir législatif. En clair, la collectivité dépense et l'Etat finance ! (Rires et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.) Ce n'est pas très compliqué et cela peut fonctionner ! (Nouveaux rires sur les mêmes travées.) La Guadeloupe a préparé son projet ; il est sur mon bureau et il sera bientôt communiqué. La Martinique est également en train de travailler dans ce sens.
Mais si nous continuons ainsi, nous allons non pas décentraliser, mais démanteler. C'est la raison pour laquelle, comme l'ont dit Jean-Pierre Raffarin et d'autres intervenants à cette tribune, il faut partir d'un cadre général puis adapter tranquillement, en prenant le temps nécessaire, une nouvelle loi de décentralisation dans l'ensemble des départements.
Il n'y a pas le feu, même si la tension règne en Corse. Voilà des années que cela dure ! Ce n'est pas à la veille des élections présidentielles... (Protestations sur les travées socialistes.) Mais oui, mes chers collègues, le remède est pire que le mal dans ce cas-là, vous le savez bien ! Quand le Conseil constitutionnel aura considéré que cette loi n'est pas constitutionnelle, les indépendantistes crieront au scandale ! Lisez les revues de presse qui paraissent aujourd'hui en Corse. Que disent les indépendantistes ? Ils ne viennent plus assister aux réunions. Ils n'accueillent plus le ministre de l'intérieur. Ils sont déjà hors de ce processus que vous voulez faire valider par le Parlement.
On est en plein marché de dupes et tout cela aboutira à une aggravation de la tension.
C'est la raison pour laquelle j'estime que les amendements proposés par M. le rapporteur sont des amendements de bon sens. C'est la raison pour laquelle je n'attache pas une importance historique à ce processus. C'est la raison pour laquelle je nourris un espoir dans une autre démarche beaucoup plus ambitieuse et qui reposera, pour la Corse comme pour l'ensemble des régions françaises, sur une décentralisation et une déconcentration équilibrées.
L'Etat est trop faible ! Plus on s'éloigne du continent, plus on a besoin d'un Etat fort. C'est l'Etat qui doit montrer le chemin du droit ! C'est ainsi que nous pourrons développer nos régions éloignées. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Mauroy. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Pierre Mauroy. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, Jean-Pierre Bel et Louis Le Pensec ont développé l'argumentation de notre groupe.
J'ai souhaité intervenir dans ce débat au Sénat pour deux raisons : d'une part, j'apporte mon entier soutien au processus engagé depuis deux ans par le Premier ministre Lionel Jospin et son gouvernement ; d'autre part, je tiens à souligner, en parallèle, l'incidence de ce projet de loi sur le devenir de la décentralisation pour l'ensemble des régions françaises.
L'histoire nous apprend que, pour sortir d'une crise d'identité nationale ou régionale, lorsqu'au fil des années tous les moyens ont été mis en oeuvre sans succès, la recherche d'un accord politique reste la seule voie pour sortir de l'impasse.
Vous avez raison de souligner, monsieur le ministre, que la démarche a été parfaitement transparente et que l'accord est ambitieux. J'ajoute qu'il est démocratique puisque un dialogue s'est poursuivi entre le Gouvernement et tous les élus de l'île qui ont voté et pris leurs responsabilités, en attendant que les députés et les sénateurs prennent les leurs.
Si certains nationalistes, qui ont approuvé dans un premier temps la démarche, font aujourd'hui un pas de deux pour s'en dégager, ce ne sont là que des péripéties qui ne devraient pas remettre en cause la portée de ce qui se joue.
Depuis des années, on entend des discours, parfois au Sénat, qui ne tiennent pas compte des réalités. On n'a pas vu arriver le grand phénomène de la décolonisation. On n'a pas vu arriver le problème de l'Algérie.
M. Josselin de Rohan. C'était Guy Mollet !
M. Pierre Mauroy. On n'a pas vu arriver bien des difficultés de cet ordre.
Ces discours, je les ai entendus dans ma jeunesse, et je me suis bien juré de ne plus me laisser prendre au piège. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Jean Chérioux. Heureusement qu'il y a eu le général de Gaulle !
M. Pierre Mauroy. Que faire d'autre, d'ailleurs ? Depuis vingt-cinq ans, vous le savez bien, les gouvernements successifs ont essayé d'enrayer la dégradation politique, économique et sociale de la Corse. Les efforts réalisés sous les septennats de François Mitterrand, dotant l'île, en 1991, d'un statut spécifique, ont permis d'avancer, sans pour autant donner tous les fruits attendus.
M. Francis Giraud. Pourquoi ?
M. Pierre Mauroy. De retour au pouvoir, les gouvernements de droite ont officiellement opté pour une démarche dite d'autorité, mais en négociant en sous-main, on le sait maintenant, avec des groupes indépendantistes. Ils ont échoué. Et ceux qui ont eu des responsabilités dans cet échec ne sont peut-être pas les mieux placés pour s'opposer au projet du Gouvernement et nous indiquer une autre voie qui conduira au même échec. (Nouveaux applaudissements sur les travées socialistes.)
La logique imposait donc le dialogue et la réforme. Cette démarche répond d'ailleurs à l'attente des Français, continentaux et corses. Ne soyons pas angéliques : subordonner l'engagement des discussions à la fin de la violence aurait fait des terroristes les seuls maîtres du jeu et les arbitres de la situation. Le Gouvernement, au nom de la légalité républicaine, n'a pas cessé de poursuivre la répression des crimes et délits, et le Premier ministre a affirmé avec force que l'amnistie n'a jamais été à l'ordre du jour.
Des oppositions, notamment dans cet hémicycle, contestent, sur le fond, la possibilité d'adapter, même si cette adaptation est très encadrée, les normes réglementaires et législatives aux spécificités de l'île. Ceux qui pensent que ces dispositions constitueraient une sorte d'« offense » à la loi républicaine doivent bien admettre que la République s'est toujours accommodée d'adaptations spécifiques locales, qu'il s'agisse de l'Alsace-Moselle, des territoires d'outre-mer ou de la Ville de Paris, sans que son caractère unitaire soit remis en cause.
Plus généralement, le recours aux ordonnances constitue pour l'exécutif une façon d'expérimenter. Qu'ai-je dit là ! « Expérimenter » ! Ce mot a plus cours à droite qu'à gauche, d'ailleurs, et ne doit pas être employé à propos de la Corse !
Quoi qu'il en soit, les ordonnances, disais-je, représentent pour l'exécutif une façon d'expérimenter, sous réserve d'une ratification ultérieure par le Parlement. Ce point est essentiel, car il s'agit bien ici de donner le dernier mot au Parlement.
Je précise en outre que le statut de 1991 allait déjà dans ce sens, certes dans une moindre mesure, et que la révision constitutionnelle qu'impose le dispositif retenu pour être appliqué n'interviendra qu'en 2004, et seulement si certaines conditions sont réunies, notamment le retour à la paix civile. Sur ce point sensible, le Gouvernement a donc pris les précautions indispensables.
Par ailleurs, certaines dispositions sont contestées parce qu'elles pérennisent des procédures ou des droits qui n'ont pas leur équivalent sur le continent. C'est un autre point sensible. Mais n'oublions pas qu'un large fossé s'était creusé entre la Corse et le continent pour ce qui est des législations applicables, en particulier dans les domaines économique, fiscal et successoral.
L'esprit du projet de loi est plutôt de rester ferme sur les principes, et de supprimer dans le temps les dérogations au droit commun. Même s'il subsiste des particularités, elles résultent - c'est essentiel - d'un dialogue, donc d'un équilibre entre des positions qui, au départ, étaient très éloignées les unes des autres.
En formulant ses propositions, le Gouvernement a tenu compte de ce dialogue, comme il a tenu compte des différences qui pouvaient exister au départ entre son point de vue et le point de vue de ceux qui étaient à sa table. C'est ainsi ! C'est comme cela que les choses se passent dans toute négociation ! Par conséquent, les propositions du Gouvernement revêtent un caractère global qu'il faut accepter, faute de quoi l'on risque de n'accepter rien !
Au-delà de ces exemples, Jean-Pierre Bel et Louis Le Pensec ont exposé les arguments qui conduisent l'ensemble des membres des groupes socialistes du Sénat et de l'Assemblée nationale à approuver le projet de loi qui nous est soumis.
Le mérite de ce texte est de donner toutes les chances de réussite à une Corse décentralisée et citoyenne. Elle en a besoin ! Et s'il est vrai qu'il y a des privilèges en Corse, il y en a aussi en France continentale ! Mais une réalité s'impose aussi : la Corse est un pays pauvre, sous-développé, mal équipé dans son ensemble, qui n'a pas connu l'évolution moyenne des autres régions françaises. C'est la réalité ! Elle requiert donc sur ces points un traitement particulier, et c'est peut-être l'avantage de la décentralisation que de le lui donner.
J'accueille donc ce texte comme la promesse pour la Corse d'un avenir plus harmonieux, fondé sur la paix civile retrouvée et sur le développement économique relancé. Ce sera une tâche très difficile, quels que soient les gouvernements, et le Gouvernement actuel a finalement le mérite de s'y atteler car, par certains aspects, elle est assez redoutable.
Mais j'accueille aussi ce texte comme une promesse annonçant ce grand débat qui concerne non pas uniquement l'île de Beauté, mais la France dans son ensemble : l'avenir institutionnel. Nous sommes très nombreux à penser que notre pays n'entend pas devenir un Etat fédéral, mais souhaite conserver l'un des principes fondateurs de la République - l'unité - qui ont fait de lui un Etat centralisé.
Cependant, la centralisation a été poussée trop loin, ou, plutôt, elle a duré trop longtemps, au point de donner des institutions françaises une image rétrograde. Et tous ceux qui vont à l'étranger, qui fréquentent les conférences internationales, savent comment les autres pays jugent maintenant nos institutions, alors qu'elles nous ont longtemps été enviées.
Rien ne s'oppose aujourd'hui à ce que la République poursuive la mise en oeuvre de ses valeurs dans une France décentralisée, qui retrouvera sur ce plan-là toute son autorité. C'est ce qui a été entrepris en 1981, sous le septennat de François Mitterrand et sous l'impulsion de mon gouvernement.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Eh oui !
M. Pierre Mauroy. A l'époque, on s'en souvient, le combat avait été frontal entre la gauche et la droite. Il semble que la gauche l'ait emporté, puisque les rangs de ceux qui, à droite, se prétendent aussi décentralisateurs que la gauche sont, affirment-ils, aussi fournis que les nôtres. Tant mieux pour la décentralisation !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien !
M. Pierre Mauroy. Nous verrons cela au mois de janvier, lorsque nous reprendrons cette question.
Je suis surpris, en participant à ces débats, de découvrir tant de « nouveaux décentralisateurs » ! Ils sont quelques-uns qui, leurs amis ayant voté le texte à l'Assemblée nationale, pensent devoir voter avec nous le projet de loi, craignant sinon qu'on ne comprenne en rien leur discours ! Mais tous devraient trouver aujourd'hui une bonne raison de soutenir le projet du Gouvernement. (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes.)
En effet, l'avancée spécifique qu'il réalise en matière de décentralisation pour l'île devrait pouvoir inspirer demain un nouvel état d'esprit à l'égard d'une décentralisation, nécessairement différente, sur le continent.
Je constate, monsieur le ministre, et je vous en remercie, que vous avez repris de nombreuses propositions - souvent des propositions communes, au demeurant - parmi les cent cinquante-quatre qu'avait retenues la commission pour l'avenir de la décentralisation, que j'ai présidée.
C'est ainsi que l'on retrouve, dans le projet de loi relatif à la Corse, celles qui concernent, notamment, les transferts de compétences dans les domaines de la formation supérieure et de la recherche, de la formation professionnelle, du développement économique ou des transports... Vous y avez bien sûr adjoint certaines modalités spécifiques à la Corse, modalités qui ne sont pas transposables et ne le seront sans doute jamais.
Il est vrai que, dans le même temps, vous avez déposé un projet de loi sur la démocratie de proximité, texte qui a été voté en première lecture à l'Assemblée nationale au printemps dernier et que nous discuterons ici, je pense, en janvier prochain. Nous aimerions avoir confirmation de ce point ; mais sans doute nous la donnerez-vous !
M. Pierre Mauroy. Je pense que la marche vers la décentralisation n'est pas achevée en France et que le gouvernement de Lionel Jospin a le souci de faire adopter une grande loi de la décentralisation qui serait, en quelque sorte, le pendant de ce qui a été fait en 1982-1983.
Je suis en effet convaincu que le débat est ouvert dans notre pays. La décentralisation - massivement plébiscitée par nos concitoyens, qui sont désireux de participer plus directement et plus activement aux décisions qui les concernent dans leur vie quotidienne - sera l'un des thèmes forts des campagnes pour l'élection présidentielle et les élections législatives de l'an prochain.
La question corse s'intégrera en partie - mais en partie seulement - dans le grand débat sur la décentralisation.
Vraiment, on ne peut pas être pour cette décentralisation - et vous êtes nombreux à porter cette grande entreprise en vous - et rester aussi distant vis-à-vis du projet que nous propose le Gouvernement. Il y a là une contradiction, et elle n'est pas de ce côté-là de l'hémicycle, elle est chez vous, messieurs de la majorité sénatoriale ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Philippe Richert. Nous verrons !
M. Pierre Mauroy. Et vous verrez que les Français et les Françaises s'en apercevront !
M. Philippe Richert. C'est un fait !
M. Pierre Mauroy. C'est pourquoi, mes chers collègues, le projet de loi déposé par le Gouvernement, que le groupe socialiste approuve, est aussi l'occasion de rappeler notre volonté de préparer le nouveau visage institutionnel de la France dans les années à venir, celui d'une France moderne, renouvelée, ouverte sur l'Europe et, enfin ! Vraiment décentralisée, avec, nous le souhaitons tous, une Corse apaisée et prospère. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Philippe Richert. Sur ce dernier point, je suis d'accord !
M. le président. La parole est à M. Larcher. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Gérard Larcher. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'ai été quelque peu choqué par les propos de notre collègue M. Pierre Mauroy établissant un parallèle entre l'Algérie et le débat d'aujourd'hui. La situation me paraît tout à fait différente, et ce type de référence augure mal, me semble-t-il, de notre volonté commune de conserver la Corse dans la République. (Applaudissements sur les travées du R.P.R.)
M. Jean-Pierre Bel. Séparatistes !
M. Gérard Larcher. Je voulais le mentionner en préambule, moi qui n'ai que très peu connu ces événements dans mon enfance.
La discussion du projet de loi sur la Corse que nous avons engagée ne saurait donner lieu à un simple débat politique de plus. Elle met en cause les fondements de notre démocratie : l'égalité des citoyens, l'« empire » de la loi et l'unité de la République.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. L'Empire !
M. Gérard Larcher. Elle nous confronte, à propos de la singularité, à un enjeu qui dépasse la simple responsabilité politique et nous place tous devant un devoir d'Etat : la Corse a-t-elle encore sa place dans la République et veut-elle vraiment la conserver ? Pour ma part, je tiens à affirmer que oui.
La loi que nous préparons ne saurait en effet constituer une réforme de circonstance, marquée par le dessein de pacifier, à l'approche d'importantes échéances électorales, un climat tendu. Elle touche au fondement de la République : la volonté de vivre ensemble et de partager des valeurs essentielles.
Pour ces raisons - mais notre ami Jean-Paul Virapoullé l'a exprimé tellement mieux que moi ! -, nous aurions compris que nous soit proposé un cadre global autour duquel imaginer l'évolution institutionnelle de nos régions, l'approfondissement de la décentralisation et la mise en place d'une vraie déconcentration. Nous aurions alors pu nous prononcer en conjuguant unité et diversité.
La question corse est posée depuis longtemps et, depuis vingt-cinq ans, nul n'a su y répondre de façon satisfaisante. Mais les erreurs du passé, si elles doivent conduire à examiner avec discernement les propositions qui nous sont soumises, ne justifient pas pour autant certains choix du présent.
L'assentiment présumé de l'Assemblée de Corse au relevé de conclusions du 20 juillet 2000 ne me paraît pas constituer un « blanc-seing » délivré au Gouvernement. Au demeurant, l'avis de cette assemblée, qui gère une collectivité territoriale, a été exprimé sans que les membres qui la composent aient pu amender le texte qui leur était soumis.
Ce « processus » a donc été placé dès l'origine sous le signe de l'ambiguïté, comme l'a mis en évidence notre rapporteur : ni son objet ni ses modalités n'étaient clairement définis, quoi qu'en dise le Gouvernement.
Travailler à améliorer le texte, sans inhibition ni provocation, telle est, me semble-t-il, la démarche que nous proposent la commission spéciale, son président, Jacques Larché, et son rapporteur, Paul Girod.
Cette démarche nous ouvre le seul chemin que nous puissions suivre, entre pusillanimité des uns et activisme des autres.
Mes chers collègues, les Corses, comme leurs compatriotes du continent, me paraissent attendre de nous non pas une gesticulation supplémentaire, mais une réforme de fond globale.
Le texte qui nous est transmis s'inscrit dans la logique d'un processus qui, commencé en septembre 1999, devrait se poursuivre en 2004. Souscrivons-nous à cette démarche, notamment à ce rendez-vous de 2004 ?
Qu'il faille envisager de modifier la structure de l'économie corse par un processus qui s'inscrit dans le long terme, qu'il faille envisager de renforcer le rôle des entrepreneurs privés pour diminuer la part de l'emploi public et le chômage, nul ne le conteste. Et sur ce point, nous adhérons aux propositions qui nous sont soumises.
Pour autant, je tiens à souligner ici que la logique du processus de Matignon, qui envisage d'ores et déjà une réforme constitutionnelle en 2004, est une logique d'échec.
Le Gouvernement me paraît coutumier du fait. Il a déposé devant l'Assemblée nationale un projet de loi qui, à l'évidence, contenait des dispositions non constitutionnelles. Le texte transmis au Sénat est certes quelque peu corrigé par rapport au projet initial, mais il n'en recèle pas moins de nombreuses dispositions contraires à la loi fondamentale. Ainsi, monsieur le ministre, vous entendez prendre prétexte de la censure attendue du Conseil constitutionnel pour prouver qu'il faut modifier la Constitution afin de mener à bien vos réformes ! Eh bien, dites-le !
Le calcul est peut-être habile, mais ne craignez-vous pas que l'autorité du Conseil constitutionnel s'en trouve affaiblie ou contestée puisqu'il apparaîtra comme le censeur des réformes et que d'aucuns le présenteront, une fois encore, comme le refuge de je ne sais quel conservatisme et comme une instance politique ? Vous feriez ainsi d'une pierre deux coups...
Pourquoi donc ne pas tenter dès à présent d'élaborer un texte conforme à la Constitution ? L'article 73 de cette dernière nous laisse une certaine latitude.
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Ce n'est pas l'article 73, c'est l'article 72 !
M. Gérard Larcher. Pourquoi faire en sorte que la révision de 2004 soit inéluctable ? Qui voulez-vous satisfaire en plaçant d'emblée le processus sous le signe de l'échec ?
Le texte que vous nous présentez présuppose que l'on parviendra par la grâce d'une énième modification du statut de l'île à apaiser la situation en Corse. Ce postulat me paraît erroné.
Des améliorations techniques au statut existant sont sans doute nécessaires. Pour autant, avant même de modifier les textes, il me paraît urgent de prendre des dispositions incontournables, car nos concitoyens vivent non pas dans un manuel de droit public, mais dans une île où des balles sont encore tirées chaque jour.
Le Gouvernement doit donc continuer à lutter contre la violence, qui y est endémique, et à combattre le crime organisé pour éviter le développement des organisations et du syndrome mafieux sur l'île. On ne transige pas avec la force, on ne cède pas à la voie de fait !
Face aux attentats, monsieur le ministre, que faites-vous sinon vous livrer à une comptabilité savante de chacun de ceux qui surviennent, jour après jour, pour démontrer en fonction de critères discutables qu'ils n'auraient pas un caractère terroriste ! Un attentat reste un attentat, qu'il soit commis par la pègre ou par des exaltés.
M. Josselin de Rohan. Très bien !
M. Gérard Larcher. C'est pourquoi le préalable de la cessation de la violence demeure incontournable, de même que l'arrestation des assassins présumés d'un préfet de la République !
Chacun sait au demeurant, puisque les principales conclusions du procureur général Legras sont connues de tous, qu'il est impossible de démêler l'inextricable écheveau du nationalisme, de l'affairisme et du banditisme. Les promoteurs du « processus » et les bons apôtres du « dialogue » devraient aussi méditer sur ce point.
S'agissant de la langue nationale et des langues régionales, j'observe que même à gauche des divergences se font sentir.
M. Jean-Pierre Bel. Non !
M. Gérard Larcher. En témoigne l'action intentée devant le Conseil d'Etat contre les mesures de généralisation des langues régionales par des organisations peu suspectes a priori de sympathie pour la majorité sénatoriale.
C'est la preuve qu'il existe un vrai débat sur la place des langues régionales dans notre République. Nous n'en ferons pas l'économie en adoptant des mesures de circonstance examinées à la sauvette.
Le Président de la République avait raison, en 1999, en refusant d'engager une révision constitutionnelle à la suite de la publication de la charte sur les langues régionales. N'oublions pas, mes chers collègues, que la République s'est construite sur des choix forts ! Si la République a écarté, voilà un siècle, les parlers régionaux pour les cantonner, comme les choix religieux, dans la sphère privée et dans le domaine du libre choix des familles, c'est avec l'objectif de l'universalité des valeurs partagées au travers d'une façon commune de s'exprimer et de les exprimer.
M. Jean-Pierre Bel. On n'en est plus là !
M. Gérard Larcher. Il est d'ailleurs assez étonnant que ce soient ceux qui se réclament de la gauche républicaine qui accompagnent depuis une décennie le retour progressif à la communautarisation, comme si la « laïcité historique » - dont une des composantes est la langue - était inadaptée à la société d'aujourd'hui et l'attribution de droits spécifiques aux communautés prises en tant que telles la garantie d'une cohésion sociale renforcée. Il nous faudra bien avoir un débat sur ces sujets,...
M. Jean-Pierre Bel. On l'aura !
M. Gérard Larcher. ... car la décentralisation ne peut être le renforcement de la communautarisation.
Dans un ouvrage publié récemment, M. Jean Glavany lui-même souligne que « la solution du problème corse ne passe pas par un changement ou une modification du statut de l'île »...
Quels motifs ont poussé le Gouvernement à adopter la position qu'il a choisie ?
Lorsque l'Assemblée de Corse a délibéré, le 10 mars 2000, sur les perspectives de réforme ouvertes à la Corse, deux motions ont été adoptées ; elles ne préjugeaient nullement le tour qu'allait prendre le processus de Matignon. Il aurait été parfaitement concevable, à cette époque, de trouver une majorité qui repose sur les partis et les principes républicains.
D'où vient, dès lors, que le Gouvernement ait choisi, par diverses dispositions symboliques sur la langue corse, sur la dévolution d'un pouvoir législatif à la Corse, de donner satisfaction aux séparatistes, aux « indépendantistes », comme l'a dit M. Virapoullé ? A-t-il cru qu'en les intégrant au processus il ferait cesser la violence ? Si tel est le cas, il paraît se tromper !
Aujourd'hui, le soutien des factieux lui fait défaut et un pan essentiel du texte - celui qui concerne la loi littoral - est presque unanimement contesté.
Je reste convaincu qu'il faut libérer les esprits : nos compatriotes doivent comprendre, sur l'île comme sur le continent, qu'il est possible de trouver une solution au problème de la Corse et que les pouvoirs publics s'y emploient. La solution ne pourra cependant résulter d'une gesticulation institutionnelle. C'est d'abord par des mesures pratiques que nous sortirons de l'impasse, car il s'agit - et je rejoins là M. Mauroy - de changer la vie quotidienne des Corses.
Par-delà l'insularité et la violence, le problème principal posé à la Corse demeure son développement économique.
Lorsqu'une université forme trois mille étudiants et que ceux-ci ne trouvent pas assez de débouchés sur le marché du travail, on peut craindre des conséquences politiques et sociales graves.
Lorsque l'on veut lancer un très grand programme d'investissements, alors même que l'on ne facilite pas l'apparition de capacités d'ingénierie et de construction sur l'île, on peut redouter que à l'instar de ce qui s'est passé lors de l'arrivée des rapatriés d'Algérie, les Corses ne se sentent les laissés-pour-compte du développement de l'île où ils vivent.
Telle est ma conviction : il est essentiel que les Corses ne soient pas les premiers exclus du développement futur de l'île.
Celui-ci suppose, d'une part, que le problème de l'espace et de l'aménagement soit résolu et, d'autre part, que des moyens publics soient dévolus à l'île pour favoriser son activité économique.
En ce qui concerne l'aménagement de l'espace, il est tout d'abord essentiel de doter l'île d'infrastructures de transport performantes, notamment d'infrastructures portuaires et aéroportuaires. C'est davantage par des investissements publics dans des routes et dans des ports que par des modifications du code général des collectivités territoriales que l'on améliorera les conditions de vie des Corses !
Une autre question mérite d'être posée : comment permettre une application « éclairée » de la loi littoral en Corse ? Je ne reviendrai pas sur les explications que le rapporteur, M. Paul Girod, a données dans son excellent rapport. Celui-ci a le mérite de montrer qu'il est nécessaire d'accorder un certain degré de liberté afin de permettre la réalisation de constructions en Corse. Comment concilier cette nécessité avec la préservation de l'environnement ? C'est ce qu'il nous appartiendra de définir au cours de nos travaux. Il est plus difficile de proposer un système efficace sur ce point que d'attribuer un pouvoir législatif à l'Assemblée de Corse !
Le dernier volet, peu évoqué, permettra le rattrapage de l'économie corse ; il tient aux modalités de sortie de la zone franche.
J'observe d'ailleurs qu'en 1996, à l'occasion du débat sur la zone franche, M. Augustin Bonrepaux déplorait, devant l'Assemblée nationale, que « la zone franche aggrave l'injustice fiscale » !
M. Jean-Pierre Bel. Mais oui !
M. Gérard Larcher. Aujourd'hui, nul ne conteste plus, dans les rangs de la majorité gouvernementale,...
M. Jean-Pierre Bel. Si, si !
M. Gérard Larcher. ... l'effet positif de la création de la zone franche sur la trésorerie des entreprises. C'est une heureuse conversion !
Enfin, monsieur le ministre, qu'en sera-t-il du programme exceptionnel d'investissements ?
Sur ce point, le projet de loi est curieusement silencieux. Permettez-moi de m'étonner que le Gouvernement ait la prescience du caractère inévitable de modifications constitutionnelles qui devront intervenir en 2004, alors qu'il se révèle incapable de présenter un échéancier précis des crédits susceptibles d'être mis en oeuvre au titre du programme exceptionnel d'investissements. Plus que de lettres, c'est de chiffres que la Corse et les Corses ont besoin.
Mes chers collègues, notre responsabilité sera grande si nous mettons le doigt dans un processus qui conduira à enfoncer un coin dans l'unité de notre République, en laissant le champ libre aux Cassandre pour lesquelles les Corses n'ont qu'à prendre leur indépendance s'ils la souhaitent.
Aujourd'hui, notre seule voie, notre seul choix est de suivre les propositions de notre commission spéciale, qui a su allier les principes de l'unité à la reconnaissance de la diversité. Souhaitons que, dans les mois qui viennent, nous puissions discuter au fond de ce que pourrait être un pays moderne et décentralisé qui serait en même temps une République « une et indivisible ».
A l'ère de la mondialisation, on trouvera refuge non pas dans des communautés repliées sur elles-mêmes mais dans la croyance que nous formons encore un peuple, divers dans ses origines, mais rassemblé par un « vouloir vivre » ensemble autour de valeurs qui n'ont pas vieilli, celles de la République, de valeurs dont la langue nationale est devenue le véhicule. Réfléchissons-y avant de prendre des décisions circonstancielles. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Richert.
M. Philippe Richert. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, deux siècles après la Révolution, donner davantage de pouvoirs aux régions et accepter de rompre avec l'uniformisme jacobin, est-ce aller vers l'éclatement de la République et vers le communautarisme ? Bien sûr que non, ...
M. Jean-Pierre Bel. Très bien !
M. Philippe Richert. ... à condition de ne pas attenter à l'essentiel, à savoir le socle commun.
La solution passe par la décentralisation. C'est une nécessité si nous voulons adapter nos institutions à l'évolution des besoins et des enjeux sociaux. Cela signifie qu'il faut transférer de nouvelles compétences aux collectivités territoriales, clarifier la répartition des responsabilités, permettre à l'Etat d'assurer enfin des missions aussi primordiales que la sécurité, qui ne peuvent relever que de lui, prendre en compte la diversité de nos territoires, en engageant, avant toute généralisation, une expérimentation. Ce serait utile, monsieur le ministre ! Voilà autant de pistes qu'il nous paraît essentiel d'approfondir dans le cadre d'une décentralisation fondatrice d'un nouvel équilibre institutionnel.
Que l'on cesse de prétendre que la République est en danger chaque fois que les attentes spécifiques et les besoins avérés d'une région ou d'une autre sont pris en compte.
Je ferai a contrario deux remarques.
Première remarque, voilà quelques semaines, dans ce même hémicycle, on nous expliquait que la prestation spécifique dépendance avait le tort de varier d'une centaine de francs d'un département à l'autre et qu'il fallait, pour l'allocation personnalisée d'autonomie, atteindre un équilibre parfait. Là, il ne faut donc pas faire de nuance, le Gouvernement et nombre de nos collègues qui siègent sur les travées de l'opposition sénatoriale nous l'ont assez répété ! Il y a donc en fonction de la nature des projets de loi des changements d'attitude que je regrette un peu.
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Cela n'a rien à voir !
M. Philippe Richert. Deuxième remarque, je tiens à rappeler que les modifications apportées à la loi locale en Alsace-Moselle impliquent toujours l'intervention du Parlement.
M. Pierre Mauroy. C'est juste.
M. Philippe Richert. Les modifications décidées à l'échelon local sont ensuite entérinées par la loi, c'est-à-dire votées par le Parlement, avant de devenir notre droit local. Je le précise parce que l'on cite parfois l'exemple de l'Alsace-Moselle en méconnaissant le processus législatif.
Après cette première série d'observations, j'en viens à ce qui me semble être aujourd'hui le problème : on a mis la charrue devant les boeufs.
On a voulu une loi spécifique au lieu de tracer le cadre général de la décentralisation globale et approfondie que nous appelons de nos voeux, comme l'a excellement rappelé M. Virapoullé.
Actuellement, nous abordons la décentralisation par petites touches...
M. Josselin de Rohan. Très petites !
M. Philippe Richert. ... à propos, par exemple, de la démocratie de proximité ou de la Corse. Bref, on procède par bribes. Ce que nous aurions souhaité, c'est qu'un vrai débat sur la décentralisation s'engage, au cours duquel la Corse aurait pu, comme les autres régions, faire valoir ses spécificités.
Je représente une région, l'Alsace, qui présente elle aussi des spécificités, à l'instar sans doute de toutes les régions françaises. Nous devons pouvoir étudier précisément, dans le respect de l'unité du territoire national, du socle fondateur auquel nous sommes tous attachés et des valeurs qui nous animent, les moyens d'être plus efficaces en tenant compte de la richesse culturelle et des besoins spécifiques de notre région.
Mais, avec ce texte, de quoi s'agit-il ? On a le sentiment, peut-être infondé, que l'on cède à la violence (Murmures sur les travées socialistes)...
M. Jean-Pierre Bel. Mais non !
M. Philippe Richert. ... et que, progressivement, mesure après mesure, on donne raison à ceux qui sont à l'origine de cette violence. C'est cela qui est gênant ! (M. Dreyfus-Schmidt proteste.)
Cela étant, j'estime que le président et le rapporteur de la commission spéciale ont formulé des propositions particulièrement intéressantes et pertinentes pour faire évoluer ce texte. Elles permettent à la fois de donner aux Corses les moyens d'agir pour leur avenir et de ménager des ajustements de grande portée, dans le respect de la Constitution.
S'agissant par exemple des langues régionales, j'en pratique une chez moi au quotidien, et il en va de même pour mes trois enfants.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. A l'école !
M. Philippe Richert. Non, d'abord en famille, ensuite à l'école.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Aussi à l'école !
M. Philippe Richert. L'école intervient dans un second temps, et les collectivités locales, notamment le conseil général et le conseil régional, jouent un grand rôle à ce stade. Cela permet aujourd'hui à tous les jeunes d'apprendre la langue régionale et d'approfondir son étude à l'école s'ils le souhaitent.
M. Jean-Pierre Bel. Très bien !
M. Philippe Richert. Cet enseignement n'est donc pas imposé à tous, mais ceux qu'il intéresse doivent pouvoir en bénéficier, parce que cela participe du socle culturel régional que nous avons le devoir de sauvegarder et de l'ouverture intellectuelle qu'il faut garantir aux jeunes.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien !
M. Philippe Richert. En matière de développement économique, en particulier touristique, les propositions de M. le rapporteur me paraissent tout à fait sensées et pertinentes. Il en est de même de l'initiative qu'il a prise dans le domaine de l'environnement, en trouvant un moyen, peut-être imparfait mais tout à fait remarquable dans sa conception, de permettre le développement du territoire et de débloquer la situation tout en prévenant une gangrène progressive de l'ensemble du littoral.
Je pense donc que le projet de loi, dans la rédaction qui sera issue de nos débats, sera un texte de référence, un texte équilibré qui nous permettra de nous retrouver tous autour de l'essentiel. Des nuances pourront par ailleurs s'exprimer, mais je crois que faire confiance à l'esprit qui a animé le rapporteur et la commission spéciale nous mènera dans la bonne direction.
J'espère que, au-delà des différences et des affrontements, lesquels sont parfois nécessaires, nous pourrons nous réunir autour des valeurs que M. le rapporteur a su rappeler. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole !...
La discussion générale est close.
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, à l'issue de ce débat, qui a été riche et qui a retenu toute mon attention, le sentiment dominant que j'éprouve est une certaine perplexité.
Cela étant, je voudrais tout d'abord remercier ceux qui ont marqué, avec talent et force de conviction, leur adhésion à notre projet, perçu dans sa globalité parce qu'il doit répondre à une question complexe qui s'est posée à tous les gouvernements qui se sont succédé depuis vingt-cinq ans.
Je pense bien sûr ici à Jean-Pierre Bel, à Louis Le Pensec, au Premier ministre Pierre Mauroy et à Robert Bret, mais aussi à ceux des orateurs qui ont fait preuve, dans leurs propos, d'ouverture et de mesure, notamment MM. Hoeffel et Mercier.
Je voudrais également remercier, pour leur hauteur de vues, M. le président et M. le rapporteur de la commission spéciale qui, ont étudié la question corse sous tous ses aspects et se sont efforcés, en leur âme et conscience, de proposer des solutions à tous les problèmes posés.
Cependant, j'ai éprouvé un sentiment de perplexité, ai-je dit, à l'écoute des interventions de certains orateurs appartenant à la majorité sénatoriale, qui estiment que nous faisons trop pour la Corse mais qu'il faudrait faire autant, sinon davantage, pour l'ensemble des régions françaises. C'est un premier paradoxe ! En outre, ils jugent aussi que nous consentons trop d'avancées en direction des nationalistes, dont ils développent à l'envi les thèses, propositions et exigences, faisant ainsi de ces derniers des acteurs centraux du jeu politique, ce qui n'a jamais été l'approche retenue par le Gouvernement.
Je reviendrai maintenant sur les points qui me paraissent essentiels, en les regroupant par thème pour la clarté du propos. Dans la discussion des articles, nous aurons l'occasion de revenir plus en détail sur les questions qui ont été évoquées.
S'agissant tout d'abord du sens de la démarche, la question posée, comme je l'ai déjà indiqué, n'est pas celle de l'indépendance : ce n'est ni le projet du Gouvernement ni l'aspiration de l'immense majorité des Corses. Comment soutenir alors, comme je l'ai lu ou entendu, qu'il s'agit de la pente inéluctable sur laquelle ce projet de loi nous engagerait ?
Devant la situation complexe et difficile que tout le monde a reconnue et à laquelle tous les gouvernements ont été confrontés depuis plus de vingt-cinq ans, je vois au contraire dans l'immobilisme le véritable danger, celui d'une République sans la Corse, contre la volonté des Corses.
En effet, la lassitude gagne certains de nos concitoyens du continent, nous le savons bien.
M. Paul Girod, rapporteur. Eh oui !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Prenons garde que cette lassitude ne devienne pas rejet ! Il est de la responsabilité d'un gouvernement de tracer une perspective. Permettez-moi à cet égard d'écarter une nouvelle fois la démarche que certains, dans le passé, ont essayée : la négociation avec telle ou telle faction.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Les cagoulards !
M. Josselin de Rohan. Pierre Joxe !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Elle n'a été ni conforme aux principes républicains ni garante de succès. On a même ainsi parfois pris le risque de ridiculiser la République.
La réponse résiderait-elle alors dans l'application de la loi ? Certes oui, et le Gouvernement s'y emploie : je peux affirmer que la loi est maintenant respectée en Corse au moins autant qu'ailleurs. (Rires et protestations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Jean Bizet. C'est vraiment curieux !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Il reste à faire, car cette action doit s'inscrire dans la durée, mais pourquoi la Corse devrait-elle être plus vertueuse que d'autres régions et pourquoi ses élus seraient-ils moins respectables que d'autres ?
Toutefois, l'application de la loi ne suffit pas quand celle-ci ignore les spécificités et méconnaît les identités. Il revient à la loi de traduire la reconnaissance des différences dans la République. Le projet de loi que vous examinez aujourd'hui, mesdames, messieurs les sénateurs, conjugue reconnaissance, clarification et responsabilisation accrue des élus du suffrage universel.
Ces élus ont été nos seuls interlocuteurs, au risque d'indisposer, certes, ceux qui, un temps, ont été considérés comme des interlocuteurs légitimes, sans avoir eux-mêmes jamais été élus !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Absolument !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Ce risque, nous l'assumons, cela dût-il nous valoir des tensions, car la République vit non pas seulement de principes, mais aussi de leur mise en oeuvre.
A en croire certains, il nous aurait fallu exclure de ce dialogue les élus représentant la sensibilité nationaliste, en oubliant qu'ils sont les élus du suffrage universel. (Murmures sur les travées du RPR.)
M. Jean-Pierre Bel. C'est mieux que les cagoulards !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Les mêmes ne cessent pourtant de les mettre au coeur du débat politique. Ils sont huit sur cinquante et un membres de l'Assemblée de Corse, et huit sur les quarante-quatre qui ont approuvé le relevé de conclusions proposé par le Gouvernement ; ils étaient singulièrement plus nombreux à Tralonca !
M. Bernard Piras. Très bien !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Pourquoi donc ignorer obstinément les autres élus qui soutiennent ce projet ? Pour nous faire oublier qu'ils sont souvent plus proches de la majorité sénatoriale que de la majorité gouvernementale ? Vous voyez bien que le Gouvernement n'a pas une approche partisane de la question corse. Il n'a rien à gagner, sauf à faire prévaloir l'intérêt général.
Que dire enfin de ces citations insistantes des propos d'un nationaliste ayant fait le choix de la violence, et disparu cet été ?
M. Josselin de Rohan. Disparu comment ?
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Permettez-moi de ne pas en faire une référence, peut-être parce que, pour ma part, je ne l'ai jamais rencontré...
M. Josselin de Rohan. Moi non plus !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. ... et encore moins fait entrer place Beauvau par la porte de derrière ! (Rires sur les travées socialistes. - Exclamations sur les travées du RPR.)
Je préfère souscrire sans retenue aux propos de ceux qui ont souligné, comme je l'ai fait, le sacrifice de si nombreux Corses et la contribution de bien d'autres au rayonnement de la France. A chacun ses références : pour ce qui me concerne, je n'ai jamais eu de dialogue singulier avec des violents ou des clandestins.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien !
M. Josselin de Rohan. Evidemment, ils ne veulent plus vous voir !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Sur le fond de la démarche, j'ai entendu des propos responsables et d'ouverture qui honorent leurs auteurs. D'autres n'ont malheureusement pas résisté à la tentation de la caricature ni à celle d'une déformation des dispositions du projet de loi, malgré le souhait qu'avait exprimé M. le rapporteur.
Il y a, enfin, cette approche, que je qualifierai d'insidieuse, pour reprendre un terme employé par M. le rapporteur : ce qui ne serait pas bon pour la Corse serait urgent et indispensable pour l'ensemble des autres régions ; ce ne serait ni le moment ni le meilleur endroit pour engager une démarche audacieuse de décentralisation. En un mot, il serait urgent de ne rien faire en Corse et pour la Corse !
M. Josselin de Rohan. Les prisons !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Je le dis avec solennité : quel que soit l'avenir de la décentralisation dans notre pays, je suis sûr qu'il y aura encore et toujours un statut spécifique pour la Corse.
M. Jean-Pierre Bel. Bien sûr !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Certains, feignant d'ignorer les compétences confiées aux élus de l'Assemblée de Corse depuis la loi de 1991, en appellent à une consultation des Corses. Souvent défenseurs d'une application rigoureuse de la Constitution, ils oublient, en proposant un référendum, que cette démarche ne serait pas conforme à cette dernière.
M. Josselin de Rohan. Personne n'a proposé cela !
M. Georges Gruillot. Personne n'en a parlé !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Ce référendum, vous le savez bien, serait anticonstitutionnel. (Protestations sur les travées du RPR.)
M. Josselin de Rohan. On le sait bien, personne n'en a parlé !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Si, mesdames, messieurs les membres de la majorité sénatoriale, certains en ont parlé, ici ou ailleurs !
Il en est de même du recours à une dissolution de l'Assemblée de Corse, lui aussi proposé, mais que la loi, vous le savez. réserve au seul cas d'un blocage de son fonctionnement. Ce blocage n'existant pas, cette dissolution serait donc illégale.
M. Jean-Patrick Courtois. Qui a demandé cela ?
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Si des réformes d'importance ont été envisagées sous condition en 2004, c'est justement pour correspondre avec l'échéance du mandat actuel de l'Assemblée de Corse.
Par ailleurs, je rappelle que le Gouvernement s'est prononcé en faveur du recours à la voie référendaire pour mener à son terme la révision constitutionnelle qui sera alors indispensable. Le Gouvernement s'est ainsi exprimé clairement tant sur le fond que sur la méthode. Reconnaissez qu'il est bien le seul à l'avoir fait !
En outre, le projet de loi ne confère en rien un pouvoir réglementaire général : il prévoit sa mise en oeuvre dans le cadre des compétences confiées par la loi à la collectivité territoriale et dans des conditions précisément définies par la loi.
Ainsi, vous avez pris pour exemple, monsieur le rapporteur, les dispositions relatives au conseil des sites, mais tant la rédaction actuelle de l'article 9 que l'amendement déposé par le Gouvernement renvoient la composition de ce dernier à un décret en Conseil d'Etat. (M. le rapporteur fait un signe de dénégation.) Je tenais à vous le rappeler.
En ce qui concerne le volet fiscal, vous êtes nombreux, mesdames, messieurs les sénateurs, à proposer un élargissement du noyau dur des secteurs d'activité éligibles au crédit d'impôt. Je rappellerai tout d'abord que ces secteurs ont été définis avec les élus de Corse. Ils l'ont été soit parce qu'ils permettaient l'implantation d'activités nouvelles - technologie de l'information et de la communication, par exemple -, soit parce que, déjà présents dans l'île, ils avaient un effet d'entraînement sur l'ensemble d'une filière. C'est l'exemple de l'hôtellerie, pour le tourisme. Pour le reste, la novation d'un crédit d'impôt généralisé à taux différencié a bien pour objectif de mobiliser les autres secteurs d'activité et de permettre à tous les chefs d'entreprise de participer à ce nouvel élan économique.
Enfin, j'entends souvent dire que les entreprises vivent plus de leur activité que des aides qu'elles reçoivent. Le programme exceptionnel d'investissement y contribuera alors de façon décisive. C'est particulièrement vrai pour le secteur du bâtiment et des travaux publics qui va connaître, dans les quinze ans à venir, un taux d'activité lui aussi exceptionnel. Le contenu du programme sera non pas arrêté unilatéralement par l'Etat, mais concerté avec les élus concernés. C'est cela l'esprit de la concertation ! Le Premier ministre a chargé le préfet d'engager cette dernière sans attendre, comme je l'ai annoncé aux élus de l'Assemblée de Corse le 26 octobre dernier, à Ajaccio.
Permettez-moi enfin d'indiquer que je sens beaucoup d'entre vous plus attentifs aux chefs d'entreprise qu'ils ne le sont - je le dis très franchement à cette heure avancée - aux élus du suffrage universel. Je suis en effet étonné du peu de confiance qu'un certain nombre d'orateurs témoignent à mes interlocuteurs privilégiés en Corse : je pense au président du conseil exécutif, M. Jean Baggioni, ainsi qu'au président de l'assemblée territoriale, M. José Rossi, qui sont non pas mes amis politiques, mais les vôtres !
M. Jean-Patrick Courtois. Et alors ?
M. Jean-Paul Virapoullé. Et Simon Renucci ?
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Je pense, bien sûr, au président du conseil général de Haute-Corse, M. Giacobbi.
M. Josselin de Rohan. Et Emile Zuccarelli, vous connaissez ?
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Je pense au nouveau président du conseil général de Corse-du-Sud, avec qui je dialogue, je pense au maire de Bastia, M. Emile Zuccarelli, avec qui je dialogue également. Et je pense à M. Simon Renucci,...
M. Josselin de Rohan. Il n'est pas très d'accord avec vous !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. ...le nouveau maire d'Ajaccio, qui est favorable au processus.
M. Alain Joyandet. Et vous pensez à M. Chevènement ?
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Voilà des interlocuteurs élus en Corse par le suffrage universel, chargés de fonctions exécutives et avec lesquels, bien évidemment, je travaille. Et institutionnellement, il me revient, bien sûr, de leur faire confiance. Je voudrais que cette confiance soit davantage partagée.
M. Pierre Mauroy. Très bien !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Vous êtes aussi nombreux à lier le sort de la Corse à un mouvement général de décentralisation. Viendra le temps d'aborder cette question. Après Pierre Mauroy, qui a eu raison de le dire, dois-je vous rappeler à mon tour qu'une première étape de cette décentralisation a été abordée à travers le projet de loi relatif à la démocratie de proximité,... (Exclamations sur les travées du RPR.)
M. Josselin de Rohan. Que vous n'êtes pas prêt à nous présenter !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. ... que j'ai eu le plaisir de présenter à l'Assemblée nationale puisque Pierre Mauroy et d'autres orateurs ont souhaité que je le dise, je saisis l'occasion de rappeler, avec l'accord du ministre des relations avec le Parlement, que ce texte est bien inscrit à l'ordre du jour du Sénat pour le mois de janvier. (M. Courtois s'exclame.)
Ne doutez pas que, sur cette question de la décentraliton, nous ferons là encore des propositions ambitieuses, car nous n'avons rien à craindre d'une comparaison de nos bilans respectifs. (Murmures sur les travées du RPR.) M. Jean-Patrick Courtois. Ah non ?
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. S'agissant de la Corse, pourquoi attendre ? Je vous invite à mettre en oeuvre sans tarder les excellentes intentions qui ont été ici évoquées en soutenant, sans le dénaturer, sans le réduire, le projet de loi que nous vous proposons d'adopter.
Ce texte est particulièrement fondé sur la notion de responsabilité. Je pense en effet que la responsabilisation des élus, notamment des élus de Corse, est un élément déterminant. D'ailleurs, dans leur grande majorité, les élus, sur tous les rangs - c'est notamment le cas de vos amis politiques, comme je le rappelais à l'instant, ceux avec lesquels j'ai davantage l'habitude de travailler - ont pris en Corse, à deux reprises, leurs responsabilités. J'ai pu encore le vérifier lors de la réunion à laquelle je participais samedi 26 octobre. Il incombe maintenant au Parlement de prendre ses responsabilités, comme je l'ai indiqué devant l'Assemblée nationale : les députés de la République ont pris les leurs en adoptant le texte qui est soumis aujourd'hui au Sénat ; je me permets donc de dire à la Haute Assemblée et à sa majorité qu'il leur revient maintenant de prendre leurs responsabilités...
M. Josselin de Rohan. On les prendra !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. ... face aux Corses et à l'ensemble des Français sur ce sujet difficile pour tout le monde. (Applaudissements sur les travées socialistes.)

Exception d'irrecevabilité



M. le président.
Je suis saisi par MM. Autexier, Autain, Biarnès et Loridant d'une motion n° 1 tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.
Cette motion est ainsi rédigée :
« En application de l'article 44, alinéa 2, du règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à la Corse (n° 340, 2000-2001). »
Je rappelle que, en application du dernier alinéa de l'article 44 du règlement, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Autexier, auteur de la motion.
M. Jean-Yves Autexier. Monsieur le président, monsieur le ministre, trois de mes collègues et moi-même avons déposé une motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité contre le projet de loi que propose le Gouvernement.
Le texte qui a été soumis au Parlement est contraire à la Constitution. Nul ne l'ignore depuis qu'a été rendu public l'avis du Conseil d'Etat. C'était un avis particulièrement motivé, clair et sévère à l'égard des dispositions contestées.
On peut s'étonner en premier lieu que le Gouvernement de la République soumette au Parlement un texte qu'il sait contraire à la Constitution. C'est une étrange attitude de sa part, car on pourrait penser qu'il est le premier tenu au respect de notre loi fondamentale.
Peut-être s'agissait-il de détourner la responsabilité de l'échec de ce texte vers le Conseil constitutionnel ?
Un sénateur du RPR. Bien sûr !
M. Jean-Yves Autexier. Je ne suis pas sûr que cette attitude soit constructive.
Ruser ainsi avec les groupes indépendantistes en leur laissant entendre que le Gouvernement voudrait bien satisfaire à leurs exigences, mais que le Conseil d'Etat ou le Conseil constitutionnel s'y oppose, ce n'est pas l'image que les Corses, au premier chef, et l'ensemble de nos concitoyens attendent d'un Etat ferme et décidé.
Ce texte est manifestement contraire à la Constitution en ce qu'il organise une dévolution partielle du pouvoir législatif vers une assemblée locale. C'est une concession majeure faite aux indépendantistes qui, vous le savez, à défaut de pouvoir consacrer un peuple corse, entendent montrer que l'exercice d'un pouvoir législatif est le propre d'un peuple souverain. Mais le principe selon lequel la loi doit être égale pour tous les citoyens figure dans le texte même de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, partie intégrante de la Constitution.
On pourra toujours tergiverser, passer du mot « dérogation » au mot « adaptation » : l'essentiel est que la loi pourra être changée sur une partie du territoire. Pour tenter de masquer pareille faute, la majorité à l'Assemblée nationale a même, en votant une proposition de loi de M. Méhaignerie, étendu cette possibilité à toutes les régions de France ! Nous en reviendrons donc à la France du xviiie siècle que, selon la formule de Voltaire, on traversait en changeant plus souvent de loi que de cheval. (Sourires.)
Cette dérive est contraire à l'esprit même de la décentralisation. Que l'application de la loi, spécialement en matière d'urbanisme ou d'environnement, ait besoin de modalités définies localement, c'est précisément l'objet de la décentralisation des pouvoirs réglementaires. Cette décentralisation doit être poursuivie, en Corse comme ailleurs, mais, à l'évidence, dans le cadre de la loi égale pour tous. Ce projet de loi tente d'assimiler la décentralisation et la fragmentation de la loi. Il ne peut évidemment convaincre personne. Mais il va contribuer à dévaluer ce dont nous avons pourtant le plus grand besoin : l'autorité de la loi. Serait ainsi créée une loi d'intérêt local, par un texte de loi qu'on nous dit provisoire, et avant la grande étape : le changement de la Constitution programmé pour 2004.
Ce projet de loi n'est qu'un hors-d'oeuvre.
L'exposé des motifs nous indique qu'il est lié à la réforme constitutionnelle prévue en 2004. Voter aujourd'hui un texte en violation de la Constitution qui nous régit et en application d'un texte constitutionnel qui n'existe pas encore est une pratique qui doit être rejetée sans ambiguïté.
Dans cette aventure improbable, la Constitution devient un texte modifiable à merci. La loi devient un texte incertain et provisoire, en attendant de changer la Constitution.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Comme toujours !
M. Jean-Yves Autexier. Comment, dans ces conditions, proposer à la Corse l'application ferme et sereine de la loi républicaine, quand, au sommet, on en compromet jusqu'au sens ?
L'adaptation de la loi littoral a, à juste titre, sonné l'alarme. On voit trop les gros intérêts qui oeuvrent en coulisse.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Les paillotes !
M. Jean-Yves Autexier. Pour tous ceux qui nourissent de grands projets immobiliers et touristiques, il sera plus facile d'obtenir sur place, grâce à des pressions de toute nature dont l'actualité nous donne tous les jours l'exemple, les dérogations que les services de l'Etat ne délivraient pas.
M. Dreyfus-Schmidt. Les paillotes !
M. Jean-Yves Autexier. Au lieu d'encourager ceux qui, en Corse, se consacrent à l'amélioration de l'Etat de droit, au respect des règles, on ouvre la voie à tous les passe-droits. Pour ceux qui rêvent de faire un grand Monte-Carlo au milieu de la Méditerranée, tous les espoirs sont permis !
Les dispositions proposées pour l'enseignement de la langue corse veulent complaire aux indépendantistes, en évoquant un enseignement dans le cadre des heures normales, et ce depuis la maternelle. Elles veulent éviter la censure du Conseil constitutionnel en n'employant pas le mot « obligatoire ». Mais le recteur de l'université de Corse a pris les devants : dès septembre 1999, une circulaire du recteur Pantaloni organisait déjà l'enseignement obligatoire de la langue corse, avec convocation des parents à un entretien d'explication en cas de refus de leur part. Le recteur n'a pas été rappelé à l'ordre.
Qu'on me comprenne bien : je souhaite que la langue corse perdure. Mais un enseignement optionnel proposé et non imposé de facto est la seule solution. Sinon, soyez-en sûr, la « corsisation » des emplois sera la prochaine exigence des indépendantistes. On ne pourra plus affecter en Corse que des fonctionnaires parlant corse. Ce sera le repli de l'île sur elle-même, en méconnaissant évidemment le fait que 600 000 Corses vivent sur le continent et apportent beaucoup à la France.
Le principe fondamental auquel se heurte ce texte, c'est la constitution même de la France comme communauté de citoyens, sans distinction d'origine. C'est toujours la question du peuple corse ! Qui le compose ? L'agriculteur rapatrié d'Algérie, le Breton dont la ferme a été plastiquée sont des citoyens français, le maçon marocain qui travaille à Bastia peut le devenir.
Mais les uns et les autres peuvent-ils devenir corses ? On voit s'opposer là la conception d'Ancien Régime fondée sur l'origine et la conception républicaine fondée sur la citoyenneté. Sans entrer dans ces arcanes, les indépendantistes corses ont tranché le débat. Ils inscrivent sur les murs « IFF » ou « I Francesi Fora », ce qui signifie « Les Français dehors ! »
Si nous en sommes arrivés là, c'est que le processus de Matignon est le fruit amer d'une démarche faussée dès le départ.
L'origine de ce retournement à 180 degrés de la politique suivie en Corse réside dans l'abandon du préalable du rejet de la violence. Dès lors qu'était accepté le principe de discussion avec des gens qui refusent de condamner la violence, qui cautionnent même les menées violentes des groupes clandestins, « quelle que soit la manière », selon la formule de M. Talamoni, la pente funeste des abandons était ouverte.
La règle commune de la démocratie, c'est que les différends sont réglés par le bulletin de vote. Dès lors que des groupes s'arrogent le droit de parler au nom de la majorité, dès lors qu'ils parviennent par la violence ou la menace de recours à la violence à obtenir ce que les urnes leur refusent, le principe démocratique est atteint.
On nous dit que ce processus a été approuvé par les élus insulaires. Voire... Tout d'abord, ils n'ont pas été élus sur un mandat de cette nature par les citoyens. J'observe ensuite que, en mars 2000, l'Assemblée territoriale avait adopté la motion Zuccarelli et rejeté la motion Rossi, dont les termes sont pourtant, aujourd'hui, au coeur du projet de loi. Comment ont-ils changé d'avis en quatre mois ? Le responsable du groupe du RPR l'a indiqué sans ambage : il fallait un accord politique. Avec qui ? Avec les indépendantistes ! Ce sont eux qui ont posé les règles et les exigences. Le Gouvernement lui-même, unanime, le 6 juillet 2000, pour refuser tout transfert de pouvoir législatif, l'accepte quelques semaines après, parce que c'est la clé du soutien des indépendantistes au processus de Matignon.
Evidemment, ce qui devait advenir advint. A peine empochés les bénéfices de l'accord de Matignon, les indépendantistes exigeaient un pas de plus : le regroupement des détenus, puis l'amnistie. Reconnaissons leur cette continuité dans leur objectif : l'indépendance, en utilisant tous les moyens pour imposer cette vue minoritaire aux Corses dans leur ensemble. « La violence est l'adjuvant indispensable de la lutte pour l'indépendance » déclarait, le 28 août 2000, M. Talamoni.
Devant ce mauvais texte, la majorité du Sénat a préféré amender le projet de loi plutôt que d'y mettre un terme. Monsieur le président du groupe du RPR, vous avez indiqué au Figaro que vous saisiriez le Conseil constitutionnel d'un texte qui serait contraire à notre loi fondamentale, mais vous pouvez manifester dès à présent la volonté d'en arrêter le cours !
Ce faisant, peut-être feriez-vous apparaître en creux le silence inouï du Président de la République, qui aurait pu, comme gardien de nos institutions, mettre un terme à cette dérive quand il était encore temps, à l'été 2000. S'il s'est tu, c'est que l'idée d'une France fédérale éclatée dans une Europe des régions effleure son esprit, même si ce projet reste indicible pour la majorité de nos citoyens. Peut-être aussi l'expérience de 1995 à 1997, de Tralonca au plasticage de l'hôtel de ville de Bordeaux, qui devait ramener au bon sens, n'est-elle pas bonne à évoquer ?
Je crois pourtant que le bon sens et la dignité commandent de mettre un terme à cette affaire et, dès lors, de repartir sur de nouvelles bases.
Ces nouvelles bases, vous les connaissez. Il s'agit de doter la Corse d'institutions renouvelées avec une assemblée unique qui serait élue sur une base territoriale. Pourquoi, en effet, avoir fait de la minorité indépendantiste la clé de toute majorité à l'Assemblée de Corse, en retenant un mode de scrutin qui lui donne un rôle charnière et qui aboutira à ce qu'une minorité dicte sa loi à la majorité ?
Ces nouvelles bases reposent sur une décentralisation accrue du pouvoir réglementaire, dans le cadre de la loi commune, correspondant à l'exercice de blocs de compétences précis. Mais ces pouvoirs décentralisés devront reposer sur un socle commun, garantissant la pérennité des règles et l'égalité entre les citoyens.
S'agissant de la langue corse, son apprentissage pourrait être proposé sans caractère obligatoire et à titre optionnel ; l'assemblée de Corse pourrait même en prendre la responsabilité.
En tout domaine, la responsabilité des élus de la Corse devra être mieux affirmée. Responsabiliser les élus et conforter l'autorité de l'Etat relèvent du même mouvement.
Il est faux de dire qu'il n'y aurait pas d'alternative au processus de Matignon. Il y a le « plan B ». Jean-Pierre Chevènement en avait proposé les axes principaux. Mais on les a écartés pour aboutir à un accord avec les indépendantistes.
J'ajoute que l'essentiel concerne le développement économique, commercial, touristique et social de l'île. Le développement de la Corse suppose qu'elle soit libérée des coteries qui accaparent les fonds publics, comme l'a montré le rapport Glavany. Qu'on cesse d'encourager les féodalités qui se taillent des fiefs et que, pour cela, la loi républicaine trouve son application ferme et sereine. Alors, le développement de l'investissement public et un vigoureux soutien à l'investissement privé permettront de rattraper les retards existants.
Voilà ce dont la Corse a besoin et non de la dévolution partielle d'un pouvoir législatif réclamé par une minorité extrémiste.
Le processus est allé au bout de l'impasse. Et, au bout de l'impasse, il n'y a rien. Rien que la violence, car la guerre des clans a été réveillée dès lors que le Gouvernement privilégiait les amis de M. Talamoni sur ses rivaux. Au sein de la mouvance indépendantiste, les PME du terrorisme, les délinquants du droit commun prennent le dessus et le texte échouera dans l'examen de constitutionnalité.
En voulant obtenir la paix à tout prix à l'approche de l'élection présidentielle, le Premier ministre mais aussi le Président de la République n'aboutiront qu'à un regain de violence et à un échec politique. Mais il n'est jamais trop tard pour se reprendre ! Aujourd'hui, le bon sens et la dignité commandent de mettre un terme à un processus sans avenir.
La Corse a besoin, pour son développement, pour asseoir la démocratie et faire reculer la violence, d'un Etat républicain affermi. Et puis, notre devoir, c'est de protéger nos concitoyens corses, qui, dans leur immense majorité, ressentent intimement leur pleine appartenance à la République. Une minorité manie la violence et l'assassinat. Elle fait régner la peur pour imposer le silence. Mais, quand on les interroge, 90 % des Corses manifestent leur attachement à la France. Il n'est pas besoin d'une loi pour cela. Dès 1790, une délégation corse a participé à la fête de la Fédération et a choisi de faire la France.
La question de la violence dans une démocratie ne peut pas être contournée. Dans une démocratie, les débats sont libres et le suffrage les tranche. Dès lors que certains groupes minoritaires espèrent voir triompher leurs vues par l'usage de la force, la démocratie est visée. Dès lors qu'ils obtiennent satisfaction, la démocratie est blessée.
Voilà pourquoi les principes fondateurs de la Constitution se dressent contre cette dérive. A travers eux, c'est la sagesse de la démocratie qui parle, c'est la tradition républicaine qui s'exprime, c'est la France citoyenne, ignorant les distinctions d'origine, qui s'affirme et ne veut pas disparaître.
Relevons le rôle du Parlement, messieurs de la majorité sénatoriale !
N'attendons pas du Conseil constitutionnel la sanction qui s'abattra sur ce texte. C'est au Sénat de la République de la prononcer lui-même, en votant son irrecevabilité ! (Applaudissements sur certaines travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est bonnet blanc et blanc bonnet !
M. Jacques Larché, président de la commission spéciale. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Jacques Larché, président de la commission spéciale. Monsieur le président, la commission demande une suspension de séance.
M. le président. Nous allons donc interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.

(La séance, suspendue le mercredi 7 novembre 2001 à zéro heure cinq, est reprise à zéro heure quinze.)

M. le président. La séance est reprise.
Y a-t-il un orateur contre la motion n° 1 ?...
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jacques Larché, président de la commission spéciale. Je veux remercier M. Autexier, qui a procédé à une excellente analyse de la constitutionnalité de ce texte. (Sourires sur les travées socialistes.)
M. Jean-Patrick Courtois. Eh oui !
M. Jacques Larché, président de la commission spéciale. Il a démontré rapidement - mais avec une conviction et une qualité juridique que nous avons tous notées - que les propositions du Gouvernement aboutissaient à un véritable transfert de pouvoirs dans le domaine législatif.
Nous avons entendu, au cours de nos auditions, deux éminents professeurs - nous en avions choisi un pour et un contre, c'est la règle du jeu - et l'éminent professeur qui était pour ce texte, M. Carcassonne, s'est enferré dans une démonstration pour essayer de nous prouver qu'il n'y avait pas de domaine législatif au sens de la Constitution. Or il oubliait que la loi se définit, dans la pratique et dans ses principes, à partir de deux critères : le critère matériel - on s'interroge sur le domaine concerné par le texte envisagé - mais aussi le critère formel, car la loi, c'est ce qui résulte de la décision du Parlement.
Ainsi, à partir du moment où un texte a été voté par le Parlement, il devient législatif et ne peut plus être modifié que par la loi. Cet enchaînement, relativement pervers, existe depuis 1958, car la Constitution de 1958 n'a jamais été appliquée conformément aux principes souhaités par Michel Debré. Nous en portons tous la responsabilité, dans la mesure où la séparation entre le domaine de la loi et le domaine du règlement n'a jamais été respecté : n'avons-nous pas tous tendance à introduire dans la loi des dispositions qui, à l'évidence, ressortissent au domaine réglementaire, mais auxquelles nous conférons un caractère formellement législatif à partir du moment où, à tort, nous les avons introduites dans la loi ? Nous l'avons tous fait, nous le faisons tous : dès lors qu'un sujet nous intéresse, nous déposons un amendement, avec la complicité de chacun le plus souvent.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Heureusement !
M. Jacques Larché, président de la commission spéciale. « Heureusement », dit Michel Dreyfus-Schmidt, sans doute parce que c'est lui qui présente le plus souvent de tels amendements. Il est donc inévitable qu'il approuve ce que je suis en train de dire ! (Sourires.)
C'est cet état de droit que M. Autexier a parfaitement souligné, et qui nous gêne. En effet, aujourd'hui, ce que vous souhaitez transférer à l'Assemblée de Corse, c'est le droit de mofidier des textes qui, même s'ils ne ressortissent pas au domaine législatif, ont la forme législative. Or, dans l'état actuel de la Constitution, nous ne le pouvons pas, et nous n'allons pas le faire.
A cet égard, la démonstration de M. Autexier est tellement solide que nous allons nous en inspirer pour démontrer - et mon ami Paul Girod le fera à l'envi lorsque nous examinerons l'article 1er - le dispositif qui nous est proposé. Ainsi, le « désossement » auquel a procédé la commission spéciale est remarquable : nous avons retenu les paragraphes I et IV, tout en supprimant les paragraphes II et III.
M. Paul Loridant. Alors, il faut voter notre motion !
M. Jean-Jacques Hyest. C'est toute la question !
M. Jacques Larché, président de la commission spéciale. C'est en effet tout le problème ! Je considère en tout cas que vos encouragements, monsieur Autexier, monsieur Loridant, sont sympathiques, et je sais que vous transmettrez le caractère amical de mon propos aux deux autres signataires de votre motion, en leur faisant part du désir que j'aurais de vous faire plaisir mais de l'impossibilité dans laquelle, évidemment, je me trouve de répondre à votre souhait. Nous avons en effet prévu dans le détail les conséquences de l'inconstitutionnalité que vous nous avez parfaitement démontrée et vous avez, en quelque sorte, un texte de retard : votre exception d'inconstitutionnalité s'applique à un texte que nous ne voterons pas et qui, de surcroît, est très largement dépassé par celui qu'a préparé la commission.
Vous ne voulez tout de même pas priver le Sénat de la possibilité d'examiner le travail de la commission dans le détail !
Cela étant, même si mon ton se veut léger, nous traitons là d'affaires extrêmement sérieuses.
Ce texte contient ainsi des dispositions qui sont attendues de nos compatriotes de Corse et qui sont utiles. Dans ces conditions, il ne vous aurait pas fallu beaucoup d'efforts, monsieur le ministre, pour accepter nos propositions ! Mais je ne crois pas que vous soyez en état, compte tenu des circonstances, de le faire. C'est dommage, car nous aurions abouti ensemble à un très bon texte, qui aurait été immédiatement applicable sans que plane sur les dispositions adoptées la moindre menace de saisine du Conseil constitutionnel.
Ce qu'attendent nos compatriotes, ce sont des dispositions utiles sur l'enseignement de la langue corse. Or nous sommes tout à fait prêts à les accepter, à la condition, bien sûr, comme M. le rapporteur l'a parfaitement établi, qu'elles ne soient assorties d'aucun caractère obligatoire.
Sur ce point, nous allons être obligés d'être un peu sévères vis-à-vis de votre collègue de l'éducation nationale, car il a comparu devant la commission spéciale avec une certaine légèreté. Il ne connaissait pas son dossier, pas plus que les commissaires du Gouvernement qui l'accompagnaient, et ce sur des points infiniment plus graves, finalement, que le simple enseignement de la langue corse compte tenu des perspectives qui pouvaient découler des mesures que l'on nous propose.
Ce texte qu'attendent nos compatriotes, nous voulons donc le voter, mais entendons-nous bien : ce sera après en avoir examiné toutes les dispositions, grâce au travail de la commission et de son rapporteur.
Je me retourne donc vers vous, chers amis qui êtes signataires de cette motion : vous comprendrez que je sois obligé, dans ces conditions, de suggérer un vote négatif - certes paradoxal, mais négatif tout de même - sur votre motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité. En effet, vous avez raison et vous avez tort en même temps parce que, encore une fois, vous vous trompez de texte.
M. Paul Loridant. Vous parlez du texte à venir mais, pour l'instant, le texte, c'est celui-ci !
M. Jacques Larché, président de la commission spéciale. Peut-être, mais il faut toujours croire en l'avenir ! (Rires et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Moi, je me situe toujours dans la perspective du progrès et je considère que vous êtes un peu passéistes en défendant cette motion et en vous opposant au texte proposé par le Gouvernement. Certes, dans une perspective éclairée par le passé et au nom de principes que nous partageons, vous avez tout à fait raison. Toutefois, ne nous en voulez pas, nous sommes tournés vers le futur, vers le destin de la Corse et vers celui de la France. Au-delà du texte relatif à la Corse, nous savons bien, en effet, que sont en jeu des problèmes fondamentaux, qui intéressent le destin du pays tout entier.
Voilà le sens du vote que nous allons émettre. Nous nous prononcerons, à cette heure tardive, sans acrimonie et sans illusion sur la qualité et la pertinence des propos que j'aurai tenus pour m'opposer à votre motion, mais je ne pouvais pas faire autrement ! (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite que Jean-Yves Autexier comprenne, également en toute amitié, que je vais m'en tenir, pour ce qui me concerne, à une réponse juridique sur la motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité qu'il a défendue.
J'indique tout de suite que je ne peux qu'inviter le Sénat à rejeter cette motion.
Le Gouvernement estime, en effet, que le présent projet de loi, après son adoption en première lecture par l'Assemblée nationale, n'est pas contraire à la Constitution. Je ne prétends pas, disant cela, que M. Autexier met en cause le travail de l'Assemblée nationale, qui serait inconstitutionnel, et je respecte, pour ma part, le Parlement dans ses deux composantes.
La démarche retenue par le Gouvernement, tout au long de la préparation de ce projet de loi, s'inscrit dans la jurisprudence fixée par le Conseil constitutionnel en 1982 et en 1991, lorsqu'il fit application à la Corse des dispositions relatives à la libre administration des collectivités locales.
Dès sa décision du 25 février 1982, le Conseil constitutionnel a rappelé que la Constitution ne s'opposait nullement à ce que le législateur créât une catégorie de collectivités territoriales qui ne comprendrait qu'une seule unité.
Dans sa décision du 9 mai 1991, le Conseil constitutionnel a une nouvelle fois validé l'organisation spécifique de la collectivité territoriale de Corse.
Le Gouvernement est resté dans le cadre ainsi tracé en 1991, en allant le plus loin possible dans les avancées que le caractère particulier de la Corse commandait.
Vous noterez tout d'abord que l'organisation générale des organes de la collectivité territoriale n'est pas modifiée par le présent projet. Ce dernier vise au contraire, dans ses différents aspects, à renforcer l'efficacité du pouvoir politique de la collectivité territoriale sur ses institutions.
C'est la raison pour laquelle le projet tend à modifier les règles de fonctionnement des offices en Corse, dans le sens d'une meilleure maîtrise des élus sur l'administration générale des établissements publics de la collectivité territoriale.
Le projet du Gouvernement se veut par ailleurs ambitieux dans sa démarche de responsabilisation des élus de la Corse pour régler les difficultés particulières que rencontre l'île.
Conforme au relevé de conclusions du 20 juillet 2000, le projet de loi a pour objet d'accroître les compétences de la collectivité territoriale en distinguant le plus possible des blocs de compétences en faveur de la collectivité territoriale, tout particulièrement dans des domaines où tant l'histoire que la géographie ou la sociologie de l'île commandent des solutions spécifiques. Je fais là allusion aux domaines de l'éducation, de la langue, de la culture, ou bien encore au développement de l'économie ou du territoire de la Corse.
La question de la constitutionnalité du présent projet de loi s'est focalisée sur certains articles, notamment sur l'article 1er et sur l'article 7 consacré à la langue corse. Je souhaite, là aussi, rappeler les fondements sur lesquels le Gouvernement assoit son projet.
L'article 1er affiche un cadre juridique dual : l'affirmation, d'une part, d'une compétence réglementaire posée par le législateur et, d'autre part, d'une capacité d'expérimentation législative sous le contrôle du Parlement.
Sur ces deux sujets, je ne peux que souligner le travail important de réécriture de certaines dispositions du projet effectué par l'Assemblée nationale avec, je puis vous le confirmer, l'accord du Gouvernement. Cette réécriture ne s'écarte pas du relevé de conclusions du 20 juillet 2000, mais elle assure une plus grande sécurité de ces dispositions.
Deux aspects méritent d'être évoqués : d'une part, la capacité réglementaire d'application des lois ; d'autre part, l'expérimentation législative.
Le premier aspect discuté dans cet article 1er est celui du pouvoir réglementaire de la collectivité territoriale de Corse.
Si, en vertu de l'article 21 de la Constitution, le Premier ministre est chargé de l'exécution des lois, il ne manque pas d'exemples dans lesquels le législateur a confié à une autorité autre que le Gouvernement le soin de prendre les mesures nécessaires à l'application des dispositions qu'il arrête.
Sans prendre l'exemple des autorités administratives indépendantes auxquelles le Conseil constitutionnel a reconnu, depuis plus de dix ans, une capacité réglementaire, je voudrais rappeler que l'assemblée de Corse est dotée, depuis 1991, de la capacité de prendre les mesures réglementaires nécessaires à la fixation du régime des interventions économiques dans l'île, alors que, partout ailleurs, ce pouvoir appartient au Gouvernement. Ces dispositions sont issues de la loi du 13 mai 1991 et ne firent à l'époque l'objet d'aucune remarque de la part du Conseil constitutionnel, qui ne trouva rien à redire sur cette compétence réglementaire confiée directement à la collectivité territoriale.
Le projet du Gouvernement s'inspire de ce dispositif et l'applique à d'autres domaines que celui des interventions économiques. Il s'agit, là aussi, dans des matières où elle a reçu compétence par le législateur, de permettre à la collectivité territoriale de prendre des dispositions réglementaires d'application de la loi.
L'affirmation de cette capacité réglementaire me paraît être le corollaire naturel d'une décentralisation responsable. N'oublions pas en effet que la capacité à prendre des règlements a été reconnue aux autorités décentralisées depuis de nombreuses années sans que quiconque ne s'en émeuve. Les arrêtés de police ou les règlements d'urbanisme sont des exemples anciens et très forts d'une capacité réglementaire des collectivités locales.
L'extension du pouvoir réglementaire des collectivités ne méconnaît pas les exigences du principe d'égalité lorsque l'objectif poursuivi par le législateur est tel que la réglementation la mieux adaptée sera celle qui sera capable de prendre en compte la diversité des situations locales, parce qu'elle pourra se fonder sur une appréciation concrète de ces réalités.
La démarche proposée par le Gouvernement fait une synthèse de ces différentes jurisprudences en affichant une capacité réglementaire reconnue désormais aux collectivités territoriales dans le cadre des principes de la libre administration, sous le contrôle du juge, et dans le cadre de l'exercice normal de leurs compétences. Il continuera naturellement d'appartenir au Gouvernement et au Premier ministre de veiller à l'application de la loi et de prendre, lorsque le législateur l'estimera nécessaire, les mesures réglementaires qui s'imposent. Il ne s'agit pas là d'afficher une compétence concurrente entre l'Etat et les collectivités territoriales, il s'agit tout simplement de rappeler les principes de libre administration reconnus par l'article 72 de la Constitution.
S'agissant du second aspect, l'expérimentation législative, c'est le Conseil constitutionnel lui-même qui, par sa décision du 28 juillet 1993 relative aux établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel, a tracé la voie de l'expérimentation législative.
Il a rappelé qu'il était loisible au législateur de prévoir la possibilité d'expériences comportant des dérogations aux règles en vigueur de nature à lui permettre d'adopter par la suite, au vu des résultats de celles-ci, des règles nouvelles appropriées à l'évolution des missions de la catégorie d'établissements dont le projet de loi soumis à examen en 1993 tentait de modifier l'économie générale.
Il a rappelé également qu'il appartenait au législateur de préciser la nature et la portée des expérimentations, les cas dans lesquels celles-ci pouvaient être entreprises, ainsi que les conditions et les procédures selon lesquelles elles doivent faire l'objet d'une évaluation conduisant à leur maintien, à leur modification, à leur généralisation ou à leur abandon.
En 1996, le Conseil constitutionnel rappelait cette possibilité en matière de négociation collective.
C'est sur ces fondements constitutionnels que le Gouvernement a rédigé le paragraphe III de l'article 1er du projet de loi. Je me dois de rappeler que cet article n'organise nullement une délégation du pouvoir législatif comparable à celle qui est prévue par l'article 38 de la Constitution avec les ordonnances.
Il s'agit simplement de fixer les modalités particulières selon lesquelles le législateur, et lui seul, peut autoriser l'Assemblée de Corse à prendre, pour une période limitée, sous son étroit contrôle ainsi que sous celui du juge administratif, les mesures nécessaires à l'adaptation de dispositions législatives que l'assemblée de Corse estime difficiles à appliquer dans l'île. Cet article est, à ce stade, un article de procédure qui n'ouvre, par lui-même, aucune capacité législative à l'Assemblée de Corse.
S'agissant de l'enseignement de la langue corse, l'Assemblée nationale, avec le soutien du Gouvernement, a repris la rédaction de l'article 115 de la loi sur la Polynésie française qui précise que la langue tahitienne est une matière enseignée dans le cadre de l'horaire normal des écoles.
Dans sa décision du 9 avril 1996, le Conseil avait validé cet enseignement, sous réserve qu'il ne revête pas de caractère obligatoire pour les élèves et qu'il ne soustraie pas ces derniers des droits et obligations applicables à l'ensemble des usagers des établissements qui assurent le service public de l'enseignement ou sont associés à celui-ci. Le projet de loi reprend donc, pour les écoles maternelles et élémentaires de Corse, la rédaction applicable à la Polynésie française dans la lecture faite par le Conseil constitutionnel, qui s'impose à tous.
Pour l'ensemble de ces motifs, le Gouvernement vous propose de rejeter l'exception d'irrecevabilité et de poursuivre la discussion du projet de loi.
M. le président. Je vais mettre aux voix la motion n° 1 tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.
M. Paul Girod, rapporteur. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Girod, rapporteur. Monsieur le ministre, le vote négatif qui sera émis par nombre d'entre nous ne vaut en aucune manière approbation de votre argumentation de l'instant, d'autant qu'elle me semble - pardonnez-moi ce langage familier - un peu « tirée par les cheveux ».
Assimiler un établissement public à une collectivité territoriale est pour le moins hardi !...
Proposer une rédaction pour une loi sous réserve d'une interprétation du Conseil constitutionnel sur une autre loi et en espérant qu'à un moment quelconque l'opposition enverra le texte devant le même Conseil constitutionnel est, au minimum, un abus de méthode.
C'est parce que nous voulons délibérer d'un texte modifié, qui serait, cette fois, compatible avec la Constitution, que nous allons rejeter cette motion d'irrecevabilité.
Qu'il soit entendu que cette décision s'applique à ce stade de la discussion. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix la motion n° 1, repoussée par la commission et par le Gouvernement.
Je rappelle que son adoption entraînerait le rejet du projet de loi.

(La motion n'est pas adoptée.)
M. le président. Mes chers collègues, la suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

14

DÉPÔT D'UN PROJET DE LOI

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre un projet de loi relatif à la protection des inventions biotechnologiques.
Le projet de loi sera imprimé sous le numéro 55, distribué et renvoyé à la commission des affaires économiques et du Plan, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

15

DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE RÉSOLUTION

M. le président. J'ai reçu de M. Michel Dreyfus-Schmidt une proposition de résolution tendant à compléter l'article 61 du règlement du Sénat afin de garantir le secret des scrutins de nominations au Sénat.
La proposition de résolution sera imprimée sous le numéro 56, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

16

RENVOI POUR AVIS

M. le président. J'informe le Sénat que le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2002 (n° 53, 2001-2002) dont la commission des affaires sociales est saisie au fond est renvoyé pour avis, à sa demande, à la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.

17

DÉPÔT D'UN RAPPORT D'INFORMATION

M. le président. J'ai reçu de M. Yves Fréville un rapport d'information fait au nom du comité d'évaluation des politiques publiques et de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation sur la politique de recrutement et la gestion des universitaires et des chercheurs.
Le rapport d'information sera imprimé sous le numéro 54 et distribué.

18

DÉPÔT RATTACHÉ POUR ORDRE
AU PROCÈS-VERBAL DE LA SÉANCE
DU 31 OCTOBRE 2001

M. le président. M. le président du Sénat a reçu, le 2 novembre 2001, de M. le Premier ministre le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, adopté par l'Assemblée nationale.
Ce projet de loi sera imprimé sous le numéro 53, distribué et renvoyé à la commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

19

ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, mercredi 7 novembre 2001, à quinze heures et le soir :
Suite de la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à la Corse (n° 340, 2000-2001).
Rapport, n° 49, 2001-2002, de M. Paul Girod, fait au nom de la commission spéciale.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.

Délais limites pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements

Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, adopté par l'Assemblée nationale (n° 53, 2001-2002).
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 12 novembre 2001, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 13 novembre 2001, à seize heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.

(La séance est levée, à zéro heure quarante.)

Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD





ERRATUM
au compte rendu intégral de la séance du 23 octobre 2001
MUSÉES DE FRANCE

Page 4309, 2e colonne, supprimer les 12e à 15e alinéas.

ORDRE DU JOUR
DES PROCHAINES SÉANCES DU SÉNAT
établi par le Sénat
dans sa séance du mardi 6 novembre 2001

à la suite des conclusions de la conférence des présidents
Mercredi 7 novembre 2001 :

Ordre du jour prioritaire

A 15 heures et le soir :
Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à la Corse (n° 340, 2000-2001).
Jeudi 8 novembre 2001 :
A 9 h 30 :

Ordre du jour prioritaire

1° Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à la Corse (n° 340, 2000-2001).
A 15 heures et, éventuellement, le soir :
2° Questions d'actualité au Gouvernement.
(L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance, avant 11 heures.)

Ordre du jour prioritaire

3° Suite de l'ordre du jour du matin.
Mardi 13 novembre 2001 :
A 9 h 30 :
1° Dix-huit questions orales (l'ordre d'appel des questions sera fixé ultérieurement) :
- n° 1086 de Mme Marie-Claude Beaudeau à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement (Conséquences de l'abandon du projet d'autoroute A 16) ;

- n° 1121 de M. Louis Souvet à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité (Indemnisation des salariés à domicile payés à la pièce, lors de la cessation d'activité de leur employeur) ;

- n° 1131 de M. Pierre Hérisson à Mme le ministre de la culture et de la communication (Conditions d'installation des cirques dans les communes) ;

- n° 1132 de M. Hubert Haenel à M. le ministre de l'intérieur (Législation régissant l'accueil des gens du voyage dans les petites communes) ;

- n° 1143 de M. Jean-Patrick Courtois transmise à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité (Pouvoirs du maire de la commune de résidence en matière de regroupement familial) ;

- n° 1155 de M. Thierry Foucaud à Mme le secrétaire d'Etat au budget (Statut des inspecteurs des affaires sanitaires et sociales) ;

- n° 1157 de M. Jean-Paul Amoudry à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (Eligibilité au fonds de compensation de la TVA) ;

- n° 1163 de M. Yves Dauge à Mme le ministre de la culture et de la communication (Code des marchés publics et conditions d'établissement des plans de sauvegarde) ;

- n° 1164 de M. Bernard Piras à M. le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement (Politique de lutte contre l'ambroisie) ;

- n° 1166 de M. Serge Vinçon à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité (Mode de calcul de la taxe annuelle sur les dispositifs médicaux perçue au profit de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé) ;

- n° 1171 de M. Jean-Pierre Raffarin à M. le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement (Difficultés des communes en matière de travaux d'assainissement) ;

- n° 1172 de M. Gilbert Barbier à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement (Tracé de la branche est du TGV Rhin-Rhône) ;

- n° 1173 de M. Bernard Cazeau à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (Manque de personnel dans les services de la direction départementale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes [DDCCRF] de la Dordogne) ;

- n° 1175 de M. Jean-Claude Peyronnet à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (TVA applicable à la restauration collective et aux repas servis aux personnes âgées) ;

- n° 1176 de M. Philippe Richert à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (Devenir de l'industrie nucléaire) ;

- n° 1177 de M. Jean-Paul Alduy à M. le ministre délégué à la ville (Exonération de cotisations sociales pour les entreprises implantées dans les zones franches urbaines) ;

- n° 1178 de M. Bernard Joly à M. le secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants (Remboursement des frais de cure thermale aux anciens combattants) ;

- n° 1180 de M. Serge Franchis à M. le ministre délégué à la santé (Evolution des soins psychiatriques).

A 16 heures et le soir :

Ordre du jour prioritaire

2° Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, adopté par l'Assemblée nationale (n° 53, 2001-2002).
(La conférence des présidents a fixé :
- au mardi 13 novembre 2001, à 16 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;

- à quatre heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.

L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le lundi 12 novembre 2001.)

Mercredi 14 novembre 2001,
à 15 heures et le soir, et jeudi 15 novembre 2001, à 9 h 30, à 15 heures et, éventuellement, le soir :
- suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, adopté par l'Assemblée nationale (n° 53, 2001-2002).

Mardi 20 novembre 2001 :

Ordre du jour réservé

A 10 h 30 :
1° Deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, relative à la création d'établissements publics de coopération culturelle (n° 20, 2001-2002).
(La conférence des présidents a décidé de fixer au lundi 19 novembre 2001, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
A 16 heures et, éventuellement, le soir :
2° Suite éventuelle de l'ordre du jour du matin.
3° Conclusions de la commission des lois sur la proposition de loi organique de M. Gaston Flosse portant validation de l'impôt foncier sur les propriétés bâties en Polynésie française (n° 443, 2000-2001).
(La conférence des présidents a décidé de fixer au lundi 19 novembre 2001, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
4° Conclusions de la commission des affaires économiques sur la proposition de loi de M. Patrice Gélard et de plusieurs de ses collègues tendant à prévenir l'effondrement des cavités souterraines et des marnières et à préciser le régime juridique des biens immobiliers affectés (n° 311, 2000-2001).
(La conférence des présidents a décidé de fixer au lundi 19 novembre 2001, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)

Mercredi 21 novembre 2001 :

Ordre du jour prioritaire

A 15 heures et, éventuellement, le soir :
1° Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative à l'autorité parentale (n° 387, 2000-2001).
(La conférence des présidents a décidé :
- de fixer au mardi 20 novembre 2001, à 16 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;

- d'attribuer un temps d'intervention de dix minutes au représentant de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les femmes et les hommes.)

2° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'accès aux origines des personnes adoptées et pupilles de l'Etat (n° 352, 2000-2001).
(La conférence des présidents a décidé :
- de fixer au mardi 20 novembre 2001, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;

- d'attribuer un temps d'intervention de dix minutes au représentant de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les femmes et les hommes.)

3° Eventuellement, conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi relative aux droits du conjoint survivant et des enfants adultérins.
4° Eventuellement, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif aux chambres régionales des comptes et à la Cour des comptes.

Du jeudi 22 novembre au mardi 11 décembre 2001 :

Ordre du jour prioritaire

Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2002 (AN, n° 3262) ;
(Le calendrier et les règles de la discussion figurent en annexe ;
Pour la discussion générale, la conférence des présidents a décidé :
- d'accorder un temps d'intervention de dix minutes au président de la commission des affaires sociales ;

- de fixer à quatre heures la durée globale du temps dont disposeront les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;

L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mercredi 21 novembre 2001.)
En outre :
Jeudi 22 novembre 2001, à 15 heures :
Questions d'actualité au Gouvernement.
(L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant 11 heures.)

Jeudi 29 novembre 2001,
à 16 h 30 :

Ordre du jour prioritaire

Commission mixte paritaire ou nouvelle lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002.
(La conférence des présidents a décidé de fixer au mercredi 28 novembre 2001, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
Jeudi 6 décembre 2001, à 15 heures :
Questions d'actualité au Gouvernement.
(L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant 11 heures.)
Mardi 11 décembre 2001, à 15 h 15 :
Eloge funèbre de Martial Taugourdeau.

A N N E X E I

RÈGLES ET CALENDRIER DE LA DISCUSSION DU PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2002



Discussion des articles et des crédits


DATE


DISPOSITIONS DU PROJET DE LOI

DURÉE PRÉVUE

Jeudi 22 novembre 2001
A 10 h 30, à 16 heures et, éventuellement, le soir. Discussion générale 6 heures

Délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la première partie à 10 h 30 .


Questions d'actualité au Gouvernement à 15 heures.

Vendredi 23 novembre 2001

A 15 heures. Examen des articles de la première partie 5 heures

Lundi 26 novembre 2001
A 10 h 30, à 15 heures et le soir. Examen des articles de la première partie (suite) 10 heures

Mardi 27 novembre 2001
A 9 h 30, à 15 heures et le soir. Examen des articles de la première partie (suite) 4 h 30
. A 16 heures : débat sur les recettes des collectivités locales 3 heures
.

Examen des articles 11, 11 quinquies, 21 à 25 ter Examen des autres articles de la première partie (suite)

3 h 30

Mercredi 28 novembre 2001

A 9 h 30, à 15 heures et, éventuellement, le soir. L'examen du rapport relatif au ministère des affaires européennes interviendra à l'occasion de l'examen de l'article 26.

Examen de l'article 26 : évaluation du prélèvement opéré sur les recettes de l'Etat au titre de la participation de la France au budget des Communautés européennes 2 heures
.
Examen des articles de la première partie (suite)
Eventuellement seconde délibération sur la première partie Explications de vote sur l'ensemble de la première partie
9 heures
.
Scrutin public ordinaire de droit.

Jeudi 29 novembre 2001

A 9 h 30, à 15 heures et le soir.

A 9 h 30 et à 15 heures : Affaires étrangères


5 heures

.
A 16 h 30 : CMP ou nouvelle lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002.

.
Le soir : Recherche
2 heures

Vendredi 30 novembre 2001

A 9 h 30, à 15 heures et le soir.

Economie, finances et industrie : Services financiers (+ articles 66 et 67) (et consommation)

1 heure
. Industrie (et Poste) 2 h 30
. Petites et moyennes entreprises, commerce et artisanat 2 heures
. Commerce extérieur 1 heure
.
Charges communes Comptes spéciaux du Trésor (+ articles 35 à 42)
1 heure
.
Services du Premier ministre : I. - Services généraux
1 heure
. II. - Secrétariat général de la défense nationale 0 h 15
. III. - Conseil économique et social 0 h 15
. IV. - Plan 0 h 30
. Budget annexe des Monnaies et médailles 0 h 30
. Budget annexe des Journaux officiels 0 h 10

Samedi 1er décembre 2001

A 9 h 30, à 15 heures et le soir. Jeunesse et sports 2 heures
. Communication audiovisuelle (crédits du Conseil supérieur de l'audiovisuel, d'aides à la presse et à l'audiovisuel inscrits au budget des services généraux du Premier ministre : article 47 et lignes 38 et 39 de l'état E annexé à l'article 43) 2 h 30
. Culture (*) 3 heures
. Anciens combattants (+ articles 61 à 64) 2 h 30

Lundi 3 décembre 2001
A 9 h 30, à 15 heures et le soir.

Equipement, transports et logement : V. - Tourisme

1 h 30
. I. - Services communs (*) .
. II. - Urbanisme et logement (*) 3 heures
.
III. - Transports et sécurité routière : Transports terrestres (*)
.
. Routes et sécurité routière (*) 3 heures
. Aviation et aéronautique civiles .
. Budget annexe de l'aviation civile 1 h 30
. IV. - Mer (+ article 73) 1 h 30

Mardi 4 décembre 2001

A 9 h 30, à 15 heures et le soir. Agriculture et pêche (+ articles 57 à 60) 5 heures
. Budget annexe des prestations sociales agricoles 1 heure
.

Intérieur et décentralisation : Sécurité

3 heures
. Décentralisation 2 h 30

Mercredi 5 décembre 2001

A 10 heures, à 15 heures et le soir. La commission des finances se réunira à 14 heures pour examiner les articles non rattachés de la deuxième partie.

Outre-mer 3 h 30
. Défense (*) 4 h 30
.
Exposé d'ensemble et dépenses en capital (article 32).
Dépenses ordinaires (article 31).
. Fonction publique et réforme de l'Etat 1 h 30

Jeudi 6 décembre 2001

A 9 h 30, à 16 heures et le soir. Questions d'actualité au Gouvernement de 15 heures à 16 heures .


Education nationale : I. - Enseignement scolaire (+ article 65)
3 h 30
. II. - Enseignement supérieur 2 heures
.
Emploi et solidarité : III. - Ville (+ articles 71 et 72)
2 heures
.
Aménagement du territoire et environnement : I. - Aménagement du territoire
2 heures

Vendredi 7 décembre 2001

A 9 h 30, à 15 heures et le soir. Délai limite pour le dépôt des amendements aux articles non rattachés de la deuxième partie, à 16 heures .


Emploi et solidarité : I. - Emploi (+ articles 68 à 70)
3 h 30
. II. - Santé et solidarité (*) 4 heures
.
Aménagement du territoire et environnement : II. - Environnement (*)
3 h 30

Samedi 8 décembre 2001

A 9 h 30 et à 15 heures.

Eventuellement, discussions reportées.

Lundi 10 décembre 2001

A 9 h 30, à 16 heures et le soir. La commission des finances se réunira à 14 heures pour examiner les amendements aux articles non rattachés de la deuxième partie.

Budgets annexes de l'ordre de la Légion d'honneur et de l'ordre de la Libération 0 h 20
. Justice (+ articles 74 à 76) 3 h 30
. Articles de la deuxième partie non joints aux crédits 6 heures

Mardi 11 décembre 2001

A 9 h 30, à 15 h 15 et le soir. A 15 h 15, éloge funèbre de Martial Taugourdeau.


Suite et fin de la discussion des articles de la deuxième partie non joints aux crédits.
Eventuellement seconde délibération.
Explications de vote.
Scrutin public à la tribune de droit.


(*) Procédure de questions et de réponses avec un droit de réplique des sénateurs.

A N N E X E I I

Rappel des décisions de la conférence des présidents du 6 novembre 2001 concernant les modalités de discussion et de répartition des temps de parole du projet de loi de finances pour 2002
1° Délais limites pour le dépôt des amendements.
La conférence des présidents a fixé les délais limites suivants pour le dépôt des amendements :
- le jeudi 22 novembre 2001, à 10 h 30, pour les amendements aux articles de la première partie ;

- la veille du jour prévu pour la discussion, à 17 heures , pour les amendements aux divers crédits budgétaires et aux articles rattachés ;

- le vendredi 7 décembre 2001, à 16 heures, pour les amendements aux articles de la deuxième partie non rattachés à l'exammen des crédits.

2° La répartition des temps de parole sera établie en fonction de la durée de chaque discussion, telle que celle-ci a été évaluée par la commission des finances (le temps de discussion des crédits, articles rattachés et amendements faisant, le cas échéant, l'objet d'une estimation et s'imputant sur le temps de parole à répartir).
Pour la discussion des fascicules budgétaires, le Gouvernement interviendra à la fin de la discussion, compte tenu des temps de parole estimés par la conférence des présidents.
Les temps de parole dont disposeront les rapporteurs des commissions et les groupes, ainsi que, le cas échéant, le président des commissions saisies pour avis ou des délégations parlementaires, pour chacune des discussions prévues, sont fixés comme suit :
a) Les rapporteurs spéciaux de la commission des finances disposeront de :
- quinze minutes pour les budgets dont la durée prévue pour la discussion dépasse deux heures ;

- dix minutes pour les budgets dont la durée prévue pour la discussion est inférieure ou égale à deux heures ;

- cinq minutes pour certains fascicules budgétaires ou budgets annexes ;

b) Les rapporteurs pour avis disposeront de :
- dix minutes pour les budgets dont la durée prévue pour la discussion dépasse deux heures, ce temps étant réduit à cinq minutes pour les budgets sur lesquels trois avis ou plus sont présentés ;

- cinq minutes pour les budgets dont la durée prévue pour la discussion est inférieure ou égale à deux heures ;

c) Les groupes :
Le temps de parole des groupes sera réparti conformément aux règles suivantes :
- pour chaque discussion, il sera attribué un temps forfaitaire de dix minutes à chaque groupe et de cinq minutes à la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe lorsque le temps global disponible sera au moins égal à 1 h 30, le reliquat étant réparti entre eux proportionnellement à leurs effectifs ;

- lorsque le temps global disponible est inférieur à 1 h 30, la répartition s'effectuera uniquement en proportion des effectifs. Toutefois, aucune attribution ne pourra être inférieure à cinq minutes.

Les résultats des calculs, effectués conformément à ces règles, seront communiqués aux présidents des groupes et des commissions.
Les interventions éventuelles des présidents des commissions saisies pour avis ou des délégations parlementaires s'imputeront sur le temps de parole de leur groupe.
Dans le cadre du temps global imparti à chaque groupe, aucune intervention ne devra dépasser dix minutes, dans la discussion générale comme dans celle des crédits.
Par ailleurs, pour les explications de vote sur la première partie, il sera attribué un temps de dix minutes à chaque groupe et de cinq minutes à la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe ; pour les explications de vote sur l'ensemble du projet de loi de finances, le temps attribué à chaque groupe sera de dix minutes et celui attribué à la réunion administrative sera de cinq minutes.
Dans le cadre d'une journée de discussion, chaque groupe ou la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe pourra demander le report du temps ou d'une partie du temps de parole qui lui est imparti pour un budget à la discussion d'un autre budget inscrit le même jour, en prévenant le service de la séance la veille avant 17 heures. Toutefois, cette faculté ne pourra pas être utilisée pour les attributions de temps de parole forfaitaires de cinq minutes affectées à la discussion de certains budgets et pour les attributions minimales de cinq minutes.
3° Les inscriptions de parole devront être communiquées au service de la séance pour le débat « collectivités locales », le débat européen et les discussions portant sur les crédits de chaque ministère, la veille du jour prévu pour la discussion, avant 17 heures.
En outre, la durée d'intervention de chacun des orateurs devra être communiquée au service de la séance lors des inscriptions de parole.
En application de l'article 29 bis du règlement, l'ordre des interventions dans la discussion générale du projet de loi de finances et dans les principales discussions portant sur les crédits des différents ministères sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel il a été procédé au début de la session.

LES BUDGETS EXAMINÉS SELON LA FORMULE EXPÉRIMENTALE DE QUESTIONS ET DE RÉPONSES AVEC UN DROIT DE RÉPLIQUE DES SÉNATEURS
Culture.
Urbanisme et logement.
Transports terrestres - Route et sécurité routière.
Défense.
Santé et solidarité.
Environnement.
Ces six fascicules seront examinés selon la formule expérimentée l'an dernier et fondée sur le principe d'une réponse immédiate du Gouvernement aux différents intervenants, rapporteurs ou orateurs des groupes.
Pour chaque question, les orateurs des groupes interviendront pendant cinq minutes maximum (trois minutes pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe). La durée de la réponse du Gouvernement sera fixée à trois minutes, chaque orateur disposant d'un droit de réplique de deux minutes maximum.
Le nombre des questions sera réparti en fonction du principe de la répartition proportionnelle des groupes politiques.

A N N E X E I I I
Questions orales inscrites à l'ordre du jour
du mardi 13 novembre 2001

N° 1086. - Mme Marie-Claude Beaudeau attire l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur l'engagement qu'il a pris, lors de la construction de deux pistes supplémentaires à l'aéroport Charles-de-Gaulle, à Roissy-en-France, de ne pas accroître les nuisances sur le territoire val-d'oisien. Elle lui rappelle l'engagement pris de ne pas donner suite au projet d'autoroute A 16, dans la traversée du Val-d'Oise et de la Seine-Saint-Denis, et d'arrêter l'autoroute à une liaison avec la Francilienne au niveau de la Croix-Verte. Elle lui demande de confirmer cette décision d'arrêt du projet A 16 à la Croix-Verte, et de permettre la levée des emprises foncières, afin de permettre l'occupation des surfaces « gelées » du Val-d'Oise et de la Seint-Saint-Denis, actuellement inutilisées, et de permettre leur aménagement, notamment en matière d'espaces verts et d'équipements publics. Elle lui demande de lui faire connaître les mesures de modification et d'adaptation du schéma directeur d'aménagement et d'urbanisme de la région Ile-de-France (SDAURIF), pour permettre cet aménagement des surfaces libérées par l'abandon du projet de l'A 16.
N° 1121. - M. Louis Souvet attire l'attention de Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité sur le montant des indemnisations ASSEDIC perçues par les salariés à domicile, payés à la pièce, lors de la cessation d'activité de leur employeur. Pratique assez courante dans le domaine de l'horlogerie, cette activité ne permet certes pas de dégager une très importante ressource financière, mais elle est utile dans certains ménages pour apporter un complément appréciable dans l'équilibre du budget familial. Le mode de calcul des indemnités ASSEDIC dans ce cas de figure est très défavorable aux salariés en question. Il demande si un nouveau régime, permettant une majoration significative de cette indemnité, va être mis en place par le Gouvernement.
N° 1131. - M. Pierre Hérisson interroge Mme le ministre de la culture et de la communication sur les conditions d'installation des cirques dans les communes. Il lui fait part des difficultés rencontrées par plusieurs communes dans le département de la Haute-Savoie cet été, dans leurs relations avec les gens du cirque. En effet malgré l'impossibilité pour les communes d'accueillir ces cirques en raison de spectacles programmés de longue date dans ces communes, ceux-ci sont entrés en force et se sont installés au mépris de la sécurité, du bon ordre public et parfois de la salubrité, alors que cette impossibilité de les accueillir leur a été notifiée plusieurs mois à l'avance. Ces gens du cirque invoquent la liberté du travail, mais doit-elle l'être au mépris d'une réglementation qui concerne, entre autres, la sécurité du chapiteau, les conditions de traitement des animaux. Aussi, il lui serait reconnaissant de bien vouloir lui apporter toute précision sur les obligations et les droits de ces cirques vis-à-vis des collectivités et de lui indiquer les possibilités de recours immédiats des maires pour les contraindre à quitter ces communes dans lesquelles ils n'ont pas obtenu l'autorisation d'exercer leur art.
N° 1132. - M. Hubert Haenel appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur la législation régissant l'accueil des gens du voyage. Si la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 a précisé et renforcé les droits et devoirs des maires, il n'en reste pas moins que de nombreuses communes rencontrent encore des difficultés devant l'arrivée massive des gens du voyage. Il constate, en effet, que les maires se trouvent encore souvent désarmés, soit parce qu'ils sont incapables d'assurer leurs obligations matérielles et financières de mise à disposition des terrains et des équipements nécessaires au séjour des populations concernées, soit parce qu'ils sont incapables de faire respecter les arrêtés pris pour réglementer ou interdire le stationnement des caravanes sur certains terrains, face à l'installation intempestive des nomades. Par ailleurs, il constate aussi que les autorités de l'Etat ne veulent pas ou ne peuvent pas faire appliquer les textes en matière d'expulsion notamment. Ce sont principalement les petites communes qui connaissent ce type de difficultés, c'est-à-dire les communes de moins de 5 000 habitants qui ne sont pas directement visées par les dispositions de la loi du 5 juillet 2000. Dans ces conditions, il lui demande quelles mesures il entend prendre pour apporter un soutien efficace aux maires de ces communes afin de leur permettre de remplir sereinement leurs obligations dans le respect de leurs droits.
N° 1143. - M. Jean-Patrick Courtois appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les pouvoirs réels détenus par le maire de la commune de résidence en matière de regroupement familial des ressortissants étrangers. En effet, les décrets n° 94-963 du 7 novembre 1994 et n° 99-566 du 6 juillet 1999, relatifs au regroupement familial des étrangers, précisent que tout ressortissant étranger peut formuler une demande de regroupement familial dès lors qu'il séjourne en France depuis douze mois. Cette autorisation d'entrer sur le territoire est donnée par le préfet, à condition notamment que le demandeur justifie d'un niveau de ressources et d'un logement adapté pour accueillir sa famille. La décision du préfet est prise après que l'Office des migrations internationales (OMI) a vérifié les conditions de ressources et de logement, et après que le maire de la commune de résidence a rendu un avis motivé sur ces conditions. Cependant, le dossier de demande de regroupement familial transmis par l'OMI au maire de la commune de résidence indique déjà si les conditions relatives aux ressources et au logement du demandeur sont remplies pour que celui-ci soit accueilli sur notre territoire. Comme la circulaire DPM/DM 2-3 n° 2000-114 du 1er mars 2000 relative au regroupement familial des étrangers interdit au maire de s'écarter de la notion de ressources et de logement pour apprécier la demande de regroupement familial qui lui est soumise et qu'il ne dispose, de surcroît, d'aucun pouvoir propre d'investigation, celui-ci est contraint de s'aligner sur l'avis émis par l'OMI. Ainsi, l'avis motivé que le maire doit formuler en la matière apparaît inutile et constitue alors un véritable blanc-seing fait à l'OMI. En conséquence, il lui demande de bien vouloir lui indiquer s'il entend donner au maire de la commune de résidence la possibilité d'utiliser d'autres critères d'appréciation que ceux dont il est en droit d'user actuellement, et, dans le cas d'une réponse négative, s'il envisage de donner au maire des moyens d'investigation efficaces afin de lui permettre de fonder son avis concernant l'opportunité d'un regroupement familial sur les éléments qu'il estime pertinents.
N° 1155. - M. Thierry Foucaud attire l'attention de Mme le secrétaire d'Etat au budget sur le rôle, la charge de travail et le statut des inspecteurs des affaires sanitaires et sociales. Ceux-ci font partie, avec les médecins et pharmaciens inspecteurs de santé publique, les ingénieurs de génie sanitaire, des personnels de catégorie A dans les directions départementales des affaires sanitaires et sociales (DDASS) et directions régionales des affaires sanitaires et sociales (DRASS). Ils participent à la mise en oeuvre des politiques nationales de santé et de solidarité avec les partenaires locaux que sont les collectivités territoriales, les organismes de protection sociale, les associations et institutions sanitaires, médico-sociales, les autres administrations de l'Etat. Ils assurent l'encadrement des DDASS et DRASS et exercent, selon leur secteur d'intervention, des fonctions d'animation et de coordination d'inspection, de contrôle et d'évaluation, de programmation, planification et d'allocation de ressources, de conception ingénierie et de conseil. La palette de leurs missions est donc très étendue. Elle s'est encore élargie par des prérogatives nouvelles directement liées à l'adoption par la représentation nationale, sur proposition du Gouvernement, de nouvelles mesures sociales au caractère éminemment positif : couverture maladie universelle, loi contre les exclusions, allocation personnalisée à l'autonomie, et ce dans un contexte de sous-effectif chronique des services. Tout ceci mérite une reconnaissance au plan statutaire, en adéquation avec l'ampleur et la diversité des fonctions et des responsabilités exercées par les IASS sur le terrain. Or, si les acteurs de la politique sociale et de santé et de catégorie A avec lesquels les inspecteurs des affaires sanitaires et sociales travaillent en permanence ont bénéficié dans la dernière période de mesures de revalorisation de carrière, tel n'est pas leur cas. Voilà pourquoi il lui demande, par souci d'équité et au regard de leur charge de travail, quelle mesure elle compte prendre pour que le statut des inspecteurs des affaires sanitaires et sociales soit rapidement revalorisé, garantissant un meilleur déroulement de carrière et un niveau de rémunération égaux à ceux des inspecteurs du travail.
N° 1157. - M. Jean-Paul Amoudry appelle l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur les conditions d'application de l'article 69 de la loi de finances pour 2001 n° 2000-1352 du 30 décembre 2000 permettant aux communes et établissements publics de coopération intercommunale de bénéficier du fonds de compensation pour la TVA au titre de leurs dépenses d'investissements sur leurs immobilisations affectées à l'usage d'alpage. Il précise que, dans les départements alpins, la plupart des alpages communaux comportent sur leur territoire un ou plusieurs bâtiments utilisés par l'exploitant agricole locataire de l'alpage pour abriter son troupeau, vivre auprès de lui et, le plus souvent, y fabriquer des fromages. Cependant, en réponse à la demande de la commune de Montriond (Haute-Savoie), sollicitant le bénéfice du FCTVA dans le cadre de la rénovation d'un chalet d'alpage communal, afin d'y aménager un atelier de fabrication fromagère fermière satisfaisant aux normes sanitaires françaises et européennes, le préfet de ce département a récemment indiqué au maire de cette collectivité que l'article 69 de la loi de finances pour 2001 ne pouvait s'appliquer en pareil cas, au motif que la fabrication fromagère serait une activité commerciale faisant obstacle à l'éligibilité au FCTVA. Or, la présence d'une exploitation agricole sur les alpages, nécessaire pour l'entretien des espaces pastoraux de montagne, suppose l'existence sur le site d'un local adapté à la fabrication fromagère fermière. Sans cette possibilité de fabrication - activité de production et non de commercialisation -, la plupart des alpages des Alpes du nord seraient voués à l'abandon. La volonté du législateur n'étant pas de rompre le lien ancestral naturel entre l'alpage et la production fromagère, il lui demande de lui confirmer qu'en pareil cas l'article 69 de la loi de finances pour 2001 est bien applicable.
N° 1163. - M. Yves Dauge attire l'attention de Mme le ministre de la culture et de la communication sur les conséquences, pour les professionnels chargés de l'établissement des plans de sauvegarde, de l'application, par le ministère de la culture, du code des marchés publics. L'élaboration et le suivi de ces plans dans les villes possédant un secteur sauvegardé sont assurés par des professionnels spécialisés. Ils réalisent un travail qui est, par définition, très long. Or, sous prétexte d'une application rétroactive du code des marchés, 10,5 MF d'études déjà effectuées ne sont toujours pas réglés à ces professionnels. Ce blocage des crédits de la part des services financiers met en péril l'existence même des équipes chargées des plans de sauvegarde, comme le travail accompli dans chaque ville. Faute d'une solution urgente, la situation risque, en outre, de faire perdre tout crédit à une politique d'Etat, d'autant que pour la poursuite des missions, dès 2002, aucun cadre contractuel n'est fixé et que l'ensemble des travaux engagés risque de se trouver suspendu. En conséquence, il lui demande quelles mesures sont prévues pour remédier à cette situation regrettable.
N° 1164. - M. Bernard Piras attire l'attention de M. le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement sur la politique de lutte contre l' Ambrosia artemisiifolia, autrement dit l'ambroisie, et la mission confiée aux maires dans cette action. L'ambroisie, également appelée « fausse moutarde », est une plante annuelle de la famille des composées. L'ambroisie fleurit d'août à octobre et un pied peut produire à cette occasion 2,5 milliards de pollens en une journée. La dissémination se fait par le vent, l'eau, les animaux, mais également l'homme. Ce pollen peut provoquer de graves manifestations allergiques chez certaines personnes. Leur nombre est important et tend à augmenter, la vallée du Rhône étant particulièrement touchée par ce fléau. Face à cela, des arrêtés préfectoraux ont été pris, visant à juguler la prolifération de l'ambroisie et à réduire l'exposition de la population à son pollen, lesquelles obligations s'imposent aux propriétaires, locataires, ayants droit et occupants à quelque titre que ce soit de terrains. Les maires sont, parmi d'autres autorités, chargés de faire appliquer ces arrêtés. Cependant, compte tenu de leur proximité avec la population, ils se retrouvent en première ligne devant les contestations justifiées des citoyens subissant les effets de l'ambroisie et face à la négligence ou à l'incivilité de certains de leurs administrés. Malgré toute leur bonne volonté et leur dévouement, les élus locaux se trouvent souvent désarmés devant l'ampleur et les difficultés du problème posé. Ainsi, il apparaît qu'un tel plan de lutte est, d'une part, compte tenu de l'évolution constatée, peu efficace et, d'autre part, conduit à faire supporter à des élus locaux la prise en charge de ce fléau, alors qu'ils ne possèdent pas forcément les moyens matériels de le faire et, en raison de leur position, qu'ils se retrouvent dans une situation fort inconfortable, peu propice à une application stricte des arrêtés préfectoraux. Devant la gravité de ce phénomène, qui relève de la santé publique, une prise en charge beaucoup plus globale, mieux coordonnée, et un plan de lutte draconien sont nécessaires, et donneraient, sans aucun doute, des résultats plus probants. Il lui demande de lui indiquer les mesures qu'il entend prendre, en accord avec les autres ministères concernés, pour rassurer la population et les élus.
N° 1166. - M. Serge Vinçon remercie Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité de bien vouloir lui donner des précisions en ce qui concerne l'ordonnance n° 2001-198 du 1er mars 2001 précisant la loi de finances pour 2001 (n° 2001-1352 du 30 décembre 2000). Cette ordonnance institue au profit de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé une taxe annuelle frappant les dispositifs médicaux, tels qu'ils ont été définis par l'article L. 5211-1 du code de la santé publique. La définition de cet article, modifiant celle datant du décret du 16 mars 1995, ne semble pas parfaitement claire. C'est pourquoi il souhaiterait avoir confirmation que pour être considéré comme dispositif au sens de l'ordonnance il doit s'agir soit d'un médicament, possédant donc une autorisation de mise sur le marché (AMM), soit de produits obligatoirement inscrits au tarif interministériel des prestations sanitaires, dit TIPS, puisqu'il est bien précisé dans l'article L. 5211 qu'« ils sont destinés à être utilisés chez l'homme à des fins médicales ». Par ailleurs, il la remercie de bien vouloir lui indiquer s'il est nécessaire qu'un décret soit publié dans le but de préciser les modalités de cette taxe, afin, notamment, de fixer son point de départ, le traitement pour les produits venant de pays de l'Union européenne, et si son application intervient à partir du premier franc lorsque le montant des ventes est supérieur à cinq millions de francs.
N° 1171. - M. Jean-Pierre Raffarin attire l'attention de M. le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement sur les difficultés rencontrées par de nombreuses communes dans le cadre des travaux d'assainissement.
N° 1172. - M. Gilbert Barbier attire l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur les conséquences pour le bassin dolois du tracé prévu pour la branche est du TGV Rhin-Rhône. Le tracé retenu par le comité de pilotage crée une ligne nouvelle reliant Mulhouse à Dijon et deux gares nouvelles localisées à Meroux et Auxon, respectivement proches de Belfort et Besançon. Le tracé entre Mulhouse et Besançon ne semble pas rencontrer d'objections particulières, sinon le problème de l'entrée dans cette dernière agglomération. De nombreux Bisontins souhaitent en effet une desserte directe de la ville via la gare actuelle de Besançon-Viotte. En revanche, le tracé entre Besançon et Dijon soulève de vives inquiétudes de la part des élus jurassiens. En premier lieu, en excluant la ville de Dole, il ne fait aucun cas des intérêts de la population Nord-Jura. En second lieu, il pose la question du devenir de la desserte de Dole. Certes, des assurances ont été données par le président de Réseau ferré de France et le préfet de région, notamment le maintien du trafic actuel entre Dole et Paris et le report des TGV ne pouvant stationner à Dijon, mais seront-elles suffisantes. Enfin, ce tracé ne tient pas compte de l'articulation future entre les branches est et sud du TGV Rhin-Rhône. Il est vrai que les hypothèses émises dans les premières études menées sur la branche sud sont, une fois de plus, défavorables à Dole et à sa région. Le compte rendu du débat public remis en octobre 2000 au ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement recommandait d'ailleurs « des concertations complémentaires quant au choix de la variante de raccordement de la branche sud à la branche est, traitant spécifiquement du cas de Dole ». La déclaration d'utilité publique de la branche est devrait intervenir d'ici à la fin de l'année ou début 2002. Compte tenu des difficultés soulevées pour l'entrée dans Besançon et le tracé entre cette agglomération et Dijon, ne serait-il pas plus sage de geler la décision concernant cette portion ? Cela ne remettrait pas en cause la réalisation des travaux sur la première tranche entre Petit-Croix et Besançon, sur laquelle un concensus existe, et permettrait de réétudier une solution qui aborde le raccordement avec la branche sud et réponde aux attentes des Nord-Jurassiens et des Bisontins. Peut-être pourrait-on envisager de façon sérieuse la possibilité d'aménager la ligne existante entre Besançon, Dole et Dijon ? M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement peut-il faire part de son opinion sur une telle proposition et indiquer où en sont les concertations sur la branche sud ?
N° 1173. - M. Bernard Cazeau attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur le manque de personnel dans les services de la direction départementale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DDCCRF) de la Dordogne. En effet, au sein de l'administration que le ministre dirige, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes connaît une actualité chargée, ses missions étant en prise directe avec plusieurs événements marquants des périodes récentes et en cours (enquêtes relatives à la sécurité alimentaire des consommateurs, examen du respect des règles de la concurrence, protection du consommateur dans le cadre du passage à l'euro). Les compétences de la DGCCRF s'accroissent tant qualitativement, au fil des aléas de notre vie économique, que quantitativement. La direction départementale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DDCCRF) de la Dordogne en est un bon exemple. Elle est aujourd'hui en proie à de sérieuses inquiétudes face à une croissance de l'activité de ses services qu'aucune dotation en personnel n'est venue compenser. On assiste même a contrario à une réduction tendancielle des effectifs : 25 agents en 1998, 23 en 2000, 21 en 2001 et 20 en prévision pour 2002. Il ne saurait suffisamment insister sur les spécificités géographiques et économiques du département de la Dordogne qui rendent indispensable une action soutenue de la DDCCRF. L'espace périgourdin est très étendu, puisque le département est le troisième de France en superficie, ce qui alourdit considérablement les missions de terrain des agents de la DDCCRF. Le tissu urbain périgourdin est par ailleurs très émietté, on compte 557 communes qui sont autant d'usagers des services d'aide aux collectivités qu'offre la DDCCRF. L'économie locale est pour une bonne partie centrée sur le tourisme de l'agroalimentaire, deux secteurs où la défense des consommateurs est indispensable. Enfin, la démographie périgourdine est marquée par un fort vieillissement de la population, l'information sur l'euro, tournée vers le public fragile que constituent les personnes âgées, est donc impérative. En Dordogne, comme partout en France, la DCCRF participe activement à la réalisation d'une économie régulée, normée et respectueuse de son environnement juridique et social, que le Gouvernement appelle de ses voeux. Il apparaît en conséquence indispensable que les moyens nécessaires à la concrétisation de ce dessein soient mis en oeuvre. Il lui demande donc simplement si des créations de postes sont envisageables dans cette administration en Dordogne ? Et si oui, à quelle échéance ?
N° 1175. - M. Jean-Claude Peyronnet attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur les dispositions relatives à la TVA applicable à la restauration collective. Par un arrêt en date du 27 mars 2000, le Conseil d'Etat a estimé que les décisions ministérielles des 23 mars 1942 et 19 mars 1943 exonérant sous certaines conditions les cantines d'entreprises et les cantines d'administrations des taxes sur le chiffre d'affaires étaient incompatibles avec les objectifs définis par la sixième directive des Communautés européennes. En application de cette décision de justice, une instruction fiscale publiée au Bulletin officiel des impôts 3 1-501 du 30 mars 2001 a soumis, sous certaines conditions, ces cantines au taux réduit de TVA tout en maintenant l'exonération pour les cantines scolaires, universitaires et, pour les cantines hospitalières, aux repas servis aux patients. Cependant l'instruction fiscale du 30 mars 2001 ne comprend pas de dispositions particulières pour les maisons de retraite et les services de portage de repas à domicile pour personnes âgées. La question se pose alors de savoir si les résidents des maisons de retraite seront assimilés sans distinction à des patients d'un établissement de santé emportant exonération des repas servis ? Par ailleurs, les prestations de portage à domicile des repas pour les personnes âgées se sont multipliées ces dernières années. En l'absence de précision doit-on en déduire que ces prestations seront soumises au taux normal de TVA ? Quand bien même ces prestations ne seraient soumises qu'au taux réduit, une telle solution ne semble pas satisfaisante. Dans ces conditions, et alors que la prise en charge de la dépendance des personnes âgées va déjà lourdement peser sur le budget des départements, il souhaiterait tout d'abord savoir si les résidents d'une maison de retraite seront pour l'assujettissement à la TVA assimilés à des patients d'un établissement de santé. Ensuite, il souhaiterait que le Gouvernement prenne l'engagement de ne pas soumettre à la TVA les repas préparés par les cantines administratives et hospitalières et servis à domicile aux personnes âgées.
N° 1176. - M. Philippe Richert attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur le devenir de l'industrie nucléaire en France. A l'heure où nos voisins d'outre-Atlantique ont subi des attaques inimaginables, ne faut-il pas penser - sans catastrophisme - que les centrales nucléaires puissent être des cibles potentielles d'attaques terroristes sur notre territoire ? Sachant que les documents de sûreté nucléaire français sont sans équivoque quant à l'incapacité de résistance d'une centrale nucléaire à la chute d'un avion de ligne, l'heure n'a-t-elle pas sonné de repenser de manière globale la politique énergétique de la France, d'autant plus que le Gouvernement ne cesse de mettre en avant le développement durable comme priorité au coeur de bon nombre de ses actions ? Par ailleurs, en ce qui concerne le cas plus particulier de la centrale nucléaire de Fessenheim, les six générateurs de vapeur des réacteurs arrivent en fin de vie. Actuellement une enquête publique est ouverte en vue de l'obtention d'une autorisation de les entreposer sur le site. Leur remplacement, non prévu lors de la conception de la centrale, paraît donc imminent et sans appel, sans compter le coût estimé à près de 4 milliards de francs. Il souhaiterait savoir si le ministre envisage une concertation, avec l'ensemble des parties concernées (élus, population, associations...), sur la pérennisation de cette installation sur le sol alsacien.
N° 1177. - M. Jean-Paul Alduy attire l'attention de M. le ministre délégué à la ville sur l'application des dispositions relatives aux exonérations de cotisations sociales pour entreprises implantées dans les zones franches urbaines. Les lois n° 96-987 du 14 novembre 1996, relative à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville, et n° 2000-1108 du 13 décembre 2000, sur la solidarité et le renouvellement urbains édictent, dans les mêmes termes, que l'exonération de cotisations sociales est applicable pendant une période de cinq ans à compter de la délimitation de la zone franche urbaine, de la date de l'implantation ou de la création d'entreprise dans la zone franche urbaine. Elles stipulent toutefois qu'en cas d'embauche, au cours de cette période, l'exonération est applicable, pour ces salariés, pendant une période de cinq ans à compter de la date d'effet du contrat de travail. Le livret d'information sur l'intérêt de s'implanter en zone franche urbaine, réalisé en février 1997 par le ministère de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration et largement diffusé auprès des collectivités et des entreprises, reprend les termes de la loi sous forme de questions-réponses : « pour les salariés embauchés durant la période de cinq ans pendant laquelle l'entreprise bénéficie du régime de la zone franche, l'exonération vaut pour cinq ans à compter de la date d'effet du contrat ». Or, se basant sur l'annexe d'une circulaire du 17 mars 1997, les services de l'URSSAF récemment interrogés à ce propos excluent pour les salariés embauchés après le 31 décembre 2001, même s'ils l'ont été durant la période pendant laquelle l'entreprise bénéficie du régime de la zone franche. Cette interprétation restrictive contredit l'esprit même de la loi en favorisant les entreprises qui bénéficient encore des autres exonérations du régime zone franche après le 31 décembre 2001 sans l'incitation à l'embauche que représente l'exonération sur les cotisations sociales. De surcroît, si les nouvelles embauches à compter du 1er janvier 2001 ne sont plus susceptibles d'exonérations sur les charges sociales, il n'y a plus lieu de les comptabiliser pour le respect de la clause d'embauche de 20 % de salariés issus de la zone franche, donc plus de nécessité, pour les entreprises bénéficiant encore du régime zone franche et dont la masse salariale augmente, d'embaucher des salariés issus de ces secteurs en crise. L'Etat (préfecture de région), s'agissant du calcul du plafond d'aides de toute nature consenties à certaines entreprises, a lui-même comptabilisé les exonérations sur les cotisations sociales portant sur des embauches postérieures au 31 décembre 2001. Tout porte donc à croire que l'interprétation restrictive de la loi est erronée et, à l'heure où des modalités souples de sortie du régime des zones franches urbaines sont envisagées, il serait préjudiciable pour l'Etat, les collectivités locales, les entreprises, postérieurement à leur décision d'implantation fondée sur la prévision de ces exonérations, et les salariés concernés, de remettre en cause le régime initial prévu par la loi. Aussi, il lui demande de confirmer que pour les salariés embauchés durant la période de cinq ans pendant laquelle l'entreprise bénéficie du régime de la zone franche, et ce même après le 31 décembre 2001, l'exonération de cotisations sociales vaut pour cinq ans à compter de la date d'effet du contrat de travail, et de tout mettre en oeuvre afin que la loi soit appliquée.
N° 1178. - M. Bernard Joly appelle l'attention de M. le secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants sur la prise en charge de plus en plus restreinte des frais d'hébergement dans les stations thermales dont bénéficient les assurés sociaux et leurs ayants droit relevant de l'article 115 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre. Jusqu'à la fin de l'année 1993 les frais engagés, sous certaines conditions, pour les nuitées et les repas dès 18 jours de cure étaient pris en charge à 100 %. A compter de 1994 jusqu'au 27 juillet de cette année la couverture aux frais de séjour de ces mêmes assurés dans les mêmes conditions de soins était limitée à 5 fois le plafond de la participation forfaitaire des caisses primaires d'assurance maladie (CPAM) aux frais de séjour des assurés sociaux, soit 5 x 984 = 4 920 F. Depuis cet été le forfait a été ramené, par arrêté, à 3 fois le plafond déterminé antérieurement. Ainsi désormais, la prise en charge sera de 2 952 F (3 x 984). Or l'article 115 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre est clair : « L'Etat doit gratuitement aux titulaires d'une pension d'invalidité attribuée au titre du présent code les prestations médicales, paramédicales, chirurgicales et pharmaceutiques nécessitées par les infirmités qui donnent lieu à pension, en ce qui concerne exclusivement les accidents et complications résultant de la blessure ou de la maladie qui ouvre droit à pension. » La cure thermale est une hospitalisation nécessitée par l'état du pensionné suite à la blessure reçue ou à la maladie contractée et qui a ouvert droit à pension. L'article D. 62 bis dispose que « les pensionnés ont droit au versement d'une indemnité forfaitaire d'hébergement » et non à une participation. En conséquence, il lui demande de bien vouloir lui indiquer ce qui pourrait avoir justifié ces restrictions et s'il ne convient pas de rétablir les pensionnés dans leurs droits.
N° 1180. - M. Serge Franchis souhaite attirer l'attention de M. le ministre délégué à la santé sur l'évolution des soins psychiatriques. Le rapport de mission, établi par les docteurs Piel et Roelandt, préconise une nouvelle approche des maladies mentales. Ce rapport recommande de redéployer les hôpitaux psychiatriques, la finalité de la réforme étant de supprimer à terme toute exclusion due aux troubles mentaux. Par ailleurs, le succès reconnu à certaines molécules ne doit pas occulter, pour cette spécialité médicale, le retard important dans la connaissance et dans l'efficacité des soins par rapport aux progrès réalisés dans d'autres disciplines. Il lui demande de bien vouloir lui indiquer, d'une part, s'il envisage de modifier, dès maintenant, les orientations de la politique organisationnelle hospitalière en soins psychiatriques et, d'autre part, s'il prévoit de soutenir et d'accélérer des programmes de recherche, tel que celui de la thérapie de la dépression testée aux Etats-Unis et en Israël par stimulation magnétique transcranienne.

MODIFICATIONS AUX LISTES
DES MEMBRES DES GROUPES
GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS
(39 membres au lieu de 38)

Ajouter le nom de M. Joël Billard.

SÉNATEURS NE FIGURANT SUR LA LISTE D'AUCUN GROUPE
(6 au lieu de 7)

Supprimer le nom de M. Joël Billard.

ORGANISME EXTRAPARLEMENTAIRE
CONSEIL NATIONAL DE LA SÉCURITÉ ROUTIÈRE

Lors de sa séance du 6 novembre 2001, le Sénat a désigné M. Georges Gruillot pour siéger au sein du Conseil national de la sécurité routière.

NOMINATION D'UN MEMBRE
D'UNE COMMISSION PERMANENTE

Dans sa séance du mardi 6 novembre 2001, le Sénat a nommé M. Joël Billard, membre de la commission des affaires sociales, à la place laissée vacante par M. Martial Taugourdeau, décédé.

NOMINATIONS DE RAPPORTEURS
COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

M. Alain Vasselle a été nommé rapporteur sur les équilibres financiers généraux de la sécurité sociale et l'assurance maladie, M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur pour la famille, M. Dominique Leclerc, rapporteur pour l'assurance vieillesse, du projet de loi n° 53 (2001-2002), adopté par l'Assemblée nationale, relatif au financement de la sécurité sociale pour 2002.

COMMISSION DES FINANCES

M. Alain Joyandet a été nommé rapporteur pour avis du projet de loi n° 53 (2001-2002), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, de financement de la sécurité sociale pour 2002, dont la commission des affaires sociales est saisie au fond.
M. Jacques Chaumont a été nommé rapporteur du projet de loi n° 401 (2000-2001) autorisant l'approbation de l'avenant à la convention du 19 décembre 1980 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume de Norvège en vue d'éviter les doubles impositions, de prévenir l'évasion fiscale et d'établir des règles d'assistance administrative réciproque en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune (ensemble un protocole additionnel) modifiée par les avenants du 14 novembre 1984 et du 7 avril 1995.



Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)


Evolution des soins psychiatriques

1180. - 5 novembre 2001. - M. Serge Franchis souhaite attirer l'attention de M. le ministre délégué à la santé sur l'évolution des soins psychiatriques. Le rapport de mission, établi par les docteurs Piel et Roelandt, préconise une nouvelle approche des maladies mentales. Ce rapport recommande de redéployer les hôpitaux psychiatriques, la finalité de la réforme étant de supprimer à terme toute exclusion due aux troubles mentaux. Par ailleurs, le succès reconnu à certaines molécules ne doit pas occulter, pour cette spécialité médicale, le retard important dans la connaissance et dans l'efficacité des soins par rapport aux progrès réalisés dans d'autres disciplines. Il lui demande de bien vouloir lui indiquer, d'une part, s'il envisage de modifier, dès maintenant, les orientations de la politique organisationnelle hospitalière en soins psychiatriques et, d'autre part, s'il prévoit de soutenir et d'accélérer des programmes de recherche, tel que celui de la thérapie de la dépression testée aux Etats-Unis et en Israël par stimulation magnétique transcranienne.

Bilan de la mission interministérielle
pour l'élimination des farines animales

1181. - 6 novembre 2001. - M. Gérard Dériot attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur les problèmes très préoccupants constatés dans plusieurs départements par le stockage et l'élimination des farines animales résultant de leur interdiction dans l'alimentation des animaux d'élevage. Compte tenu des risques présentés par le transport et le stockage de ces produits, notamment pour l'environnement et la santé publique, des difficultés rencontrées pour trouver de nouveaux sites difficilement acceptés par les populations, il lui demande de faire le bilan de l'action de la mission interministérielle pour l'élimination des farines animales (MIEFA), et de lui indiquer les mesures nouvelles qu'il compte mettre en oeuvre pour parvenir à une élimination satisfaisante des farines animales dans des conditions optimales pour la sécurité de nos concitoyens.

Transport des déchets nucléaires allemands dans le Bas-Rhin

1182. - 6 novembre 2001. - M. Francis Grignon souhaite appeler l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur le problème relatif au transport des déchets nucléaires allemands dans le Bas-Rhin. Il souligne tout d'abord les informations faites par le préfet de la région Alsace, préfet du Bas-Rhin, auprès des élus locaux, et l'en remercie. Néanmoins, et malgré les assurances qui lui ont été données, la population reste vraiment très inquiète des risques que peuvent comporter de tels transports, notamment en matière de radioactivité, à leur passage, en cas d'accident ou d'actes criminels. Par ailleurs, un très grand nombre de ces déchets nucléaires allemands traverse la bande rhénane nord, sans utiliser le chemin le plus court, puisqu'il évite la Hollande et la Belgique. De plus, ces transports posent d'énormes problèmes de sécurité, plus cruciaux encore dans le contexte international actuel alors que les forces de l'ordre sont mobilisées par les problèmes de sécurité intérieure. Elles sont donc en trop petit nombre attachées à la protection de ces convois. Il lui demande donc si le transport maritime de ces déchets pourrait être examiné sérieusement : il aurait l'énorme avantage d'éloigner les populations des risques encourus. Il lui demande s'il peut envisager une telle alternative.

Indemnité de résidence des fonctionnaires

1183. - 6 novembre 2001. - M. Nicolas About attire l'attention de M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat sur la situation des nombreux fonctionnaires travaillant en Ile-de-France qui subissent l'injustice des zones de salaires créées en 1945. Cette différence de traitement est particulièrement ressentie en zone rurale où le coût de la vie ne semble pas toujours être moindre qu'en certaines zones urbaines, particulièrement dans le département des Yvelines. Il lui rappelle que l'indemnité de résidence des fonctionnaires a été créée en 1945 pour tenir compte des variations du coût de la vie d'un secteur géographique à un autre. A l'origine l'écart de traitement pouvait atteindre 20 % selon le lieu de travail. Actuellement, il existe encore trois zones : zone 1, 3 % du salaire brut ; zone 2, 1 % du traitement brut ; zone 3, pas d'indeminté de résidence. Des disparités existent donc entre des fonctionnaires territoriaux rémunérés au même indice et dont le lieu de travail n'est parfois distant que de quelques centaines de mètres. Cette disparité concerne non seulement les « territoriaux », mais également l'ensemble des agents de l'Etat exerçant sur la commune et rémunérés sur une échelle indiciaire de la fonction publique, comme les enseignants ou le personnel de La Poste. Aujourd'hui le contexte qui avait conduit à instaurer ces zones est différent et le coût de la vie en Ile-de-France, y compris dans les zones rurales, ne peut être comparé à celui des autres régions. Depuis l'origine du classement des communes en zones, certaines ont réussi à obtenir le classement en zone 1. C'est pourquoi, dans un souci de justice, il lui demande de bien vouloir faire procéder au classement de la commune de Bouafle, située au coeur du département des Yvelines, dans la zone 1.

Difficultés du centre d'information et d'orientation de Nevers

1184. - 6 novembre 2001. - M. René-Pierre Signé attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale sur les difficultés que connaît le centre d'information et d'orientation de Nevers. Le décret n° 55-1342 du 10 octobre 1955 mettait les CIO à la charge de l'Etat et la loi de finances du 17 décembre 1996, le confirmant, prévoyait leur étatisation progressive. Cependant, les démarches d'étatisation n'ont pas toujours été suivies d'effet, en particulier celles du CIO de Nevers. Il reste à la charge du conseil général qui a dû réduire sa dotation et ses prestations en nature. La situation du CIO se dégrade, en même temps que les conditions de travail. Les jeunes Nivernais se trouvent pénalisés, en ne trouvant pas accès à l'information et l'orientation dans les meilleures conditions. C'est-à-dire celles dont bénéficient les CIO étatisés. Il paraît dons souhaitable que la demande de prise en charge par l'Etat soit étudiée le plus rapidement possible.

Fonctionnement des ateliers protégés

1185. - 6 novembre 2001. - M. Georges Mouly attire l'attention de Mme le ministre délégué à la famille, à l'enfance et aux personnes handicapées sur le problème posé aux ateliers protégés qui, dans certaines régions, ne peuvent plus recourir à la mise à disposition du personnel en vertu d'une interprétation de plus en plus fréquente de l'article L. 125-3 du code du travail et ce, malgré la circulaire 99/11 du 25 février 1999 recommandant de favoriser le passage en milieu ordinaire, en particulier par les mises à disposition. Il lui demande, en conséquence, ce qu'elle entend mettre en oeuvre pour corriger cette situation.