SEANCE DU 23 OCTOBRE 2001


SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. ADRIEN GOUTEYRON

1. Procès-verbal (p. 0 ).

2. Décès d'anciens sénateurs (p. 1 ).

3. Dépôt du rapport d'une commission d'enquête (p. 2 ).

4. Candidatures à des organismes extraparlementaires (p. 3 ).

5. Questions orales (p. 4 ).

CONSÉQUENCES DE LA RÉFORME
DU CODE DES MARCHÉS PUBLICS (p. 5 )

Question de M. Robert Bret. - Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget ; M. Robert Bret.

FERMETURE DU BUREAU DE POSTE DE MEILLERIE (p. 6 )

Question de M. Jean-Paul Amoudry. - MM. Jacques Floch, secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants ; Jean-Paul Amoudry.

DEVENIR DE L'USINE MELOX DE BAGNOLS-SUR-CÈZE (p. 7 )

Question de M. Simon Sutour. - Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget ; M. Simon Sutour.

FINANCEMENT DE LA DÉPARTEMENTALISATION
DES SERVICES D'INCENDIE ET DE SECOURS (p. 8 )

Question de M. Jean-Pierre Vial. - MM. Jacques Floch, secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants ; Jean-Pierre Vial.

AVENIR DE LA MAISON DE RETRAITE
DES ANCIENS COMBATTANTS
DE VILLE-LEBRUN DANS LES YVELINES (p. 9 )

Question de M. Nicolas About. - MM. Jacques Floch, secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants ; Nicolas About.

RÉGIME DES SUBVENTIONS D'INVESTISSEMENT VERSÉES
PAR L'ÉTAT AUX COLLECTIVITÉS LOCALES (p. 10 )

Question de M. Michel Doublet. - MM. Jacques Floch, secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants ; Michel Doublet.

PAIEMENT DES HEURES SUPPLÉMENTAIRES EFFECTUÉES
PAR LES PERSONNELS DE POLICE
DANS LE CADRE DE L'APPLICATION
DE LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL (p. 11 )

Question de M. Jean-Patrick Courtois. - MM. Jacques Floch, secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants ; Jean-Patrick Courtois.

CONDITIONS DE PRÉLÈVEMENT DE LA TAXE D'ENLÈVEMENT
DES ORDURES MÉNAGÈRES (p. 12 )

Question de M. Patrick Lassourd. - MM. Jacques Floch, secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants ; Patrick Lassourd.

CONDITIONS D'EXTENSION DU PÉRIMÈTRE
D'UNE COMMUNAUTÉ D'AGGLOMÉRATION (p. 13 )

Question de M. Jean-Pierre Alduy. - MM. Jacques Floch, secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants ; Jean-Pierre Alduy.

RECONNAISSANCE DU MORVAN
COMME MASSIF DE MONTAGNE (p. 14 )

Question de M. René-Pierre Signé. - Mme Ségolène Royal, ministre déléguée à la famille, à l'enfance et aux personnes handicapées ; M. René-Pierre Signé.

SITUATION FINANCIÈRE DE LA CNRACL (p. 15 )

Question de M. Claude Domeizel. - Mme Ségolène Royal, ministre déléguée à la famille, à l'enfance et aux personnes handicapées ; M. Claude Domeizel.

POLITIQUE DE DÉPISTAGE DU CANCER COLORECTAL (p. 16 )

Question de M. Jean-François Picheral. - Mme Ségolène Royal, ministre déléguée à la famille, à l'enfance et aux personnes handicapées ; M. Jean-François Picheral.

RÉDUCTION DES HORAIRES DE DISPONIBILITÉ
DES PROFESSEURS DE SPORT (p. 17 )

Question de M. Louis Souvet. - Mme Ségolène Royal, ministre déléguée à la famille, à l'enfance et aux personnes handicapées ; M. Louis Souvet.

SITUATION DANS LES IUFM (p. 18 )

Question de Mme Hélène Luc. - Mmes Ségolène Royal, ministre délégué à la famille, à l'enfance et aux personnes handicapées ; Hélène Luc.

ASSOUPLISSEMENT DES RÈGLES RELATIVES
AU CONTRÔLE DES BATEAUX À PASSAGERS (p. 19 )

Question de M. Pierre Hérisson. - MM. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat à l'économie solidaire ; Pierre Hérisson,

CONVENTIONS SNCF - RÉGIONS DANS LE CADRE
DE LA RÉGIONALISATION
DU TRANSPORT FERROVIAIRE (p. 20 )

Question de M. Hubert Haenel. - MM. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat à l'économie solidaire ; Hubert Haenel.

RÉALISATION DU TGV PERPIGNAN-BARCELONE (p. 21 )

Question de M. Gérard Delfau. - MM. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat à l'économie solidaire ; Gérard Delfau.

RÉORGANISATION DU DISPOSITIF
DE CIRCULATION AÉRIENNE (p. 22 )

Question de Mme Marie-Claude Beaudeau. - M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat à l'économie solidaire ; Mme Marie-Claude Beaudeau.

6. Nomination de membres d'organismes extraparlementaires (p. 23 ).

7. Communication (p. 24 ).

Suspension et reprise de la séance (p. 25 )

PRÉSIDENCE DE M. BERNARD ANGELS

8. Prestation de serment de juges à la Haute Cour de justice (p. 26 ).

9. Prestation de serment de juges à la Cour de justice de la République (p. 27 ).

10. Scrutins pour l'élection de membres représentant la France au Conseil de l'Europe et à l'Union de l'Europe occidentale (p. 28 ).

11. Musées de France. - Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence (p. 29 ).
Discussion générale : Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication ; MM. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles ; Philippe Richert, rapporteur de la commission des affaires culturelles ; Bernard Joly, Yann Gaillard, Ivan Renar, Serge Lagauche, Jean-Léonce Dupont, Bernard Plasait.
Mme le ministre.
Clôture de la discussion générale.

12. Election de membres représentant la France au Conseil de l'Europe et à l'Union de l'Europe occidentale (p. 30 ).

13. Musées de France. - Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi déclaré d'urgence (p. 31 ).
M. le président.

Article 1er (p. 32 )

Mme Marie-Christine Blandin.
Amendements n°s 1 de la commission et 63 de M. Jean-Léonce Dupont. - MM. Philippe Richert, rapporteur de la commission des affaires culturelles ; Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. - Retrait de l'amendement n° 63 ; adoption de l'amendement n° 1 rédigeant l'article.

Article 1er bis (p. 33 )

Amendement n° 2 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre. - Adoption.
Amendement n° 68 de M. Ivan Renar. - Mme Annie David, M. le rapporteur, Mme le ministre, M. Ivan Renar. - Rejet.
Amendement n° 3 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre. - Adoption.
Amendements n°s 4 de la commission et 49 du Gouvernement. - M. le rapporteur, Mme le ministre. - Adoption de l'amendement n° 4, l'amendement n° 49 devenant sans objet.
Amendement n° 5 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Article 2 (p. 34 )

Amendement n° 6 de la commission et sous-amendement n° 50 du Gouvernement. - M. le rapporteur, Mme le ministre. - Adoption du sous-amendement et de l'amendement modifié.
Amendement n° 7 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre. - Adoption.
Amendement n° 8 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre. - Adoption.
Amendement n° 9 de la commission et sous-amendement n° 51 du Gouvernement. - M. le rapporteur, Mme le ministre. - Rejet du sous-amendement ; adoption de l'amendement.
Adoption de l'article modifié.

Article 3 (p. 35 )

Amendement n° 10 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre. - Adoption.
Amendement n° 11 rectifié de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre, MM. Yann Gaillard, Bernard Joly, Ivan Renar. - Adoption.
Amendement n° 12 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre. - Adoption.
Amendement n° 13 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre. - Adoption.
Amendements n°s 14 rectifié de la commission et 52 du Gouvernement. - M. le rapporteur, Mme le ministre, M. Ivan Renar. - Adoption de l'amendement n° 14 rectifié, l'amendement n° 52 devenant sans objet.
Adoption de l'article modifié.

Article 4 (p. 36 )

Amendement n° 15 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre. - Adoption.
Amendement n° 16 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Suspension et reprise de la séance (p. 37 )

Article 5 (p. 38 )

Amendement n° 17 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre. - Adoption.
Amendement n° 69 de M. Ivan Renar. - MM. Ivan Renar, le rapporteur, Mme le ministre. - Rejet.
Adoption de l'article modifié.

Article 5 bis (p. 39 )

Amendement n° 18 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.

Article 6 (p. 40 )

Amendement n° 70 de M. Ivan Renar. - Mme Annie David, M. le rapporteur, Mme le ministre. - Rejet.
Amendement n° 19 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre. - Adoption.
Amendement n° 20 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre, M. Yann Gaillard. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Article 6 bis. - Adoption (p. 41 )

Article 6 ter (p. 42 )

Amendement n° 21 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.

Article 6 quater (p. 43 )

Amendement n° 22 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre. - Adoption.
Amendement n° 71 de M. Ivan Renar. - Mme Annie David, M. le rapporteur, Mme le ministre. - Rejet.
Adoption de l'article modifié.

Article 7 (p. 44 )

Amendement n° 23 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.

Article 8 (p. 45 )

M. Ivan Renar, Mme Marie-Christine Blandin.
Amendement n° 24 de la commission ; amendements identiques n°s 47 de M. Serge Lagauche, 53 du Gouvernement, 67 de M. Bernard Joly et 72 de M. Ivan Renar. - MM. le rapporteur, Serge Lagauche, Mme le ministre, MM. Bernard Joly, Ivan Renar, Yann Gaillard. - Adoption de l'amendement n° 24, les autres amendements devenant sans objet.
Amendement n° 25 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre. - Adoption.
Amendement n° 26 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Article additionnel après l'article 8 (p. 46 )

Amendement n° 27 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Article 9 (p. 47 )

M. Jean-Léonce Dupont.
Amendement n° 28 de la commission. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Article 10 (p. 48 )

Amendement n° 29 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.

Article 11 (p. 49 )

Amendement n° 30 de la commission et sous-amendement n° 54 du Gouvernement. - M. le rapporteur, Mme le ministre. - Rejet du sous-amendement ; adoption de l'amendement.
Amendement n° 48 de M. Serge Lagauche. - MM. Serge Lagauche, le rapporteur, Mme le ministre, M. Ivan Renar. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Article 12 (p. 50 )

Amendement n° 31 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre. - Adoption.
Amendement n° 32 de la commission. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Article 13. - Adoption (p. 51 )

Article 14 (p. 52 )

Amendement n° 33 de la commission. - Adoption.
Amendements n°s 34 de la commission et 55 du Gouvernement. - M. le rapporteur, Mme le ministre. - Adoption de l'amendement n° 34, l'amendement n° 55 devenant sans objet.
Adoption de l'article modifié.

Article 15. - Adoption (p. 53 )

Article additionnel avant l'article 15 bis (p. 54 )

Amendement n° 64 de M. Jean-Léonce Dupont. - MM. Jean-Léonce Dupont, le rapporteur, Mme le ministre, M. Yann Gaillard. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Article 15 bis (p. 55 )

Amendement n° 35 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.

Article 15 ter (p. 56 )

Amendement n° 36 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Article 15 quater (p. 57 )

Amendement n° 56 du Gouvernement. - Mme le ministre, M. le rapporteur. - Rejet.
Adoption de l'article.

Article 15 quinquies (p. 58 )

Amendement n° 57 du Gouvernement et sous-amendement n° 73 de la commission ; amendement n° 37 de la commission. - Mme le ministre, MM. le rapporteur, Ivan Renar, Yann Gaillard. - Adoption du sous-amendement n° 73 et de l'amendement n° 57 modifié rédigeant l'article, l'amendement n° 37 devenant sans objet.

Articles additionnels
après l'article 15 octies (priorité) (p. 59 )

Amendement n° 40 (priorité) de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Article 15 sexies (p. 60 )

Amendement n° 38 rectifié de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Article 15 septies (p. 61 )

MM. Jean-Paul Emin, François Trucy.
Amendements identiques n°s 45 de M. Paul Dubrule, 58 du Gouvernement et 65 de M. Jean-Léonce Dupont. - M. Paul Dubrule, Mme le ministre, MM. Jean-Léonce Dupont, le rapporteur, Roger Besse. - Adoption des trois amendements supprimant l'article.

Article 15 octies (p. 62 )

Amendements identiques n°s 46 de M. Paul Dubrule, 59 du Gouvernement et 66 de M. Jean-Léonce Dupont. - Adoption des trois amendements supprimant l'article.

Articles additionnels
après l'article 15 octies (suite) (p. 63 )

Amendement n° 39 de la commission. - Retrait.
Amendement n° 41 rectifié de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Article 16 (p. 64 )

Amendement n° 42 de la commission. - Adoption.
Amendement n° 43 de la commission et sous-amendement n° 61 rectifié du Gouvernement. - M. le rapporteur, Mme le ministre. - Adoption du sous-amendement et de l'amendement modifié.
Amendement n° 60 du Gouvernement. - Mme le ministre, M. le rapporteur. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Article 17. - Adoption (p. 65 )

Article 18 (p. 66 )

Amendement n° 44 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Article additionnel après l'article 18 (p. 67 )

Amendement n° 62 du Gouvernement. - Mme le ministre, MM. le rapporteur, Ivan Renar. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Vote sur l'ensemble (p. 68 )

MM. Yann Gaillard, Serge Lagauche, Philippe Nogrix, Ivan Renar.
Adoption du projet de loi.
Mme le ministre.

14. Ordonnance relative à la taxation des poids lourds pour l'utilisation de certaines infrastructures. - Adoption d'un projet de loi (p. 69 ).
Discussion générale : MM. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement ; Ladislas Poniatowski, rapporteur de la commission des affaires économiques ; Alain Lambert, Patrick Lassourd, Mme Marie-France Beaufils.
M. le ministre.
Clôture de la discussion générale.

Article 1er (p. 70 )

MM. Eric Doligé, le ministre.
Adoption de l'article.

Article 2. - Adoption (p. 71 )

Vote sur l'ensemble (p. 72 )

MM. Jean-Pierre Sueur, Pierre Hérisson.
Adoption du projet de loi.

15. Dépôt d'une proposition de loi (p. 73 ).

16. Retrait d'une proposition de loi (p. 74 ).

17. Dépôt d'une proposition de résolution (p. 75 ).

18. Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution (p. 76 ).

19. Dépôt d'un rapport (p. 77 ).

20. Ordre du jour (p. 78 ).




COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. ADRIEN GOUTEYRON
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

DÉCÈS D'ANCIENS SÉNATEURS

M. le président. J'ai le regret de vous faire part du décès de nos anciens collègues Pierre de Chevigny, qui fut sénateur de la Meurthe-et-Moselle de 1952 à 1956 et de 1959 à 1974, et Raymond Bouvier, qui fut sénateur de la Haute-Savoie de 1977 à 1995.

3

DÉPÔT DU RAPPORT
D'UNE COMMISSION D'ENQUÊTE

M. le président. M. le président a reçu de M. Pierre Martin un rapport fait au nom de la commission d'enquête sur les inondations de la Somme afin d'établir les causes et les responsabilités de ces crues, d'évaluer les coûts et de prévenir les risques d'inondation, créée en vertu d'une résolution adoptée par le Sénat le 9 mai 2001.
Ce dépôt a été publié au Journal officiel , édition des lois et décrets du vendredi 19 octobre 2001. Cette publication a constitué, conformément au paragraphe III du chapitre V de l'instruction générale du bureau, le point de départ du délai de six jours nets pendant lequel la demande de constitution du Sénat en comité secret peut être formulée.
Ce rapport sera imprimé sous le n° 34 et distribué, sauf si le Sénat, constitué en comité secret, décide, par un vote spécial, de ne pas autoriser la publication de tout ou partie du rapport.

4

CANDIDATURES À DES ORGANISMES
EXTRAPARLEMENTAIRES

M. le président. Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation de sénateurs appelés à siéger au sein de plusieurs organismes extraparlementaires.
La commission des affaires économiques a fait connaître qu'elle propose les candidatures de :
- M. François Gerbaud pour siéger au sein du comité de gestion plates-formes aéroportuaires du Fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien ;
- M. Yves Detraigne pour siéger au sein de la Commission consultative pour la production de carburants de substitution ;
- M. Paul Raoult pour siéger, en qualité de membre suppléant, au sein de la commission nationale des aides publiques aux entreprises ;
- MM. André Trillard et Charles Revet pour siéger au sein de la Commission supérieure du Crédit maritime mutuel ;
- M. Christian Gaudin pour siéger au sein du conseil d'administration de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie ;
- M. Bruno Sido pour siéger au sein du Conseil d'orientation du comité interministériel de prévention des risques naturels majeurs ;
- M. Charles Revet pour siéger au sein du Conseil supérieur de l'établissement national des invalides de la marine ;
- et MM. Gérard Delfau, Georges Gruillot, Pierre Hérisson et Pierre-Yvon Trémel pour siéger au sein de la commission supérieure du service public des postes et télécommunications.
En outre, pour siéger au sein de la Commission supérieure du service public des postes et télécommunications, la commission des affaires culturelles propose la candidature de M. Pierre Laffitte et la commission des finances propose les candidatures de MM. René Trégouët et François Trucy.
Ces candidatures ont été affichées et seront ratifiées, conformément à l'article 9 du règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai d'une heure.

5

QUESTIONS ORALES

M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

CONSÉQUENCES DE LA RÉFORME
DU CODE DES MARCHÉS PUBLICS

M. le président. La parole est à M. Bret, auteur de la question n° 1137, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Robert Bret. Madame la secrétaire d'Etat, ma question est relative aux incidencesd de la réforme réglementaire du code des marchés publics sur le fonctionnement des mairies d'arrondissement.
Le décret n° 2001-210 du 7 mars 2001 a modifié la définition des marchés publics.
L'article 1er du nouveau code des marchés publics dispose désormais que « les marchés publics sont des contrats conclus à titre onéreux [...] par des personnes de droit public pour répondre à leurs besoins en matière de travaux, de fournitures ou de services ».
Outre le fait que le Parlement a été privé d'un débat sur un sujet aussi brûlant que celui des marchés publics - point sur lequel je n'insisterai pas ici - cette nouvelle rédaction ouvre la voie à interprétation juridique, notamment au regard des compétences des mairies d'arrondissement.
Jusqu'à présent, l'article L. 2511-22 du code général des collectivités territoriales relatif aux villes de Paris, Marseille et Lyon, donnait clairement la possibilité au conseil municipal de déléguer aux conseils d'arrondissement le pouvoir de traiter des mémoires ou des factures et de passer des contrats à l'exception des marchés.
Or, aujourd'hui, le nouveau code des marchés publics, en stipulant que tous les contrats sont des marchés, au lieu de clarifier la situation, nous plonge dans un certain flou en permettant deux lectures diamétralement opposées.
D'un côté, il y a ceux qui considèrent que, sur le fondement du code général des collectivités territoriales, les conseils d'arrondissement n'ont pas le pouvoir de traiter les marchés. Il convient alors d'en tirer les conséquences et d'interdire aux mairies d'arrondissement de signer les marchés et donc tous les contrats.
De l'autre, il y a ceux qui, comme moi, prennent en considération la volonté du législateur de 1982, qui a voulu déléguer aux mairies d'arrondissement le pouvoir de contracter les marchés sans formalité préalable.
Ce qui me conforte dans cette deuxième lecture, c'est l'adoption par les députés de l'article 15 nonies dans le projet de loi de démocratie de proximité que le Sénat sera prochainement amené à examiner. Il donne aux conseils d'arrondissement le droit - et non plus la seule faculté - de traiter sur mémoires ou sur factures et de passer des contrats à l'exception des marchés publics ; il réaffirme ainsi les principes de la loi de 1982 en matière de décentralisation.
Dans l'attente de l'adoption définitive de ce texte, je vous demande, madame la secrétaire d'Etat, de bien vouloir me confirmer que la réforme réglementaire du code des marchés publics ne dénature pas l'esprit de la loi de 1982 et que les mairies d'arrondissement peuvent contracter les marchés sans formalité préalable dans les mêmes conditions que par le passé.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget. Monsieur le sénateur, le nouveau code des marchés publics a été conçu dans la perspective d'une plus grande transparence et d'une simplification des procédures. Un certain nombre d'ambiguïtés qui existaient dans la réglementation précédente ont ainsi pu être levées, notamment sur la définition d'un marché public.
C'est pourquoi, d'une part, le seuil en deçà duquel il est possible de recourir aux achats sur factures a été relevé jusqu'à 90 000 euros hors taxes, d'autre part, ces mêmes achats sur factures ont été qualifiés de marchés publics sans formalités préalables. Cela permet d'affirmer que bien qu'extrêmement simplifiés, ces achats n'échappent pas aux grands principes de la commande publique.
Bien évidemment, il n'a jamais été dans les intentions du Gouvernement, par l'effet de cette qualification de marchés publics, d'empêcher les exécutifs des collectivités locales ou encore les conseils d'arrondissement de recourir aux achats sur factures, qui sont une nécessité de l'administration au quotidien.
Il se trouve cependant que certaines dispositions du code général des collectivités territoriales sont rédigées par référence à la terminologie de l'ancien code des marchés publics, ce qui pose évidemment des problèmes d'interprétation.
C'est le cas que vous évoquiez à l'instant dans la mesure où l'article L. 2512-22 de ce code distingue le cas des achats sur factures, qui peuvent être délégués aux conseils d'arrondissement, et celui des marchés, qui ne peuvent être délégués.
Cette rédaction, contrairement au nouveau code, ne fait donc pas de distinction entre les marchés publics sans formalités préalables, qui doivent pouvoir être passés le plus souplement possible, et les autres.
Par conséquent, un toilettage des textes s'impose pour sécuriser les prérogatives des conseils d'arrondissement. Le Parlement aurait la possibilité de le faire à l'occasion de l'examen d'un prochain texte et dans le cadre de la concertation actuellement en cours, sous l'égide du ministère de l'intérieur, concernant la loi PLM.
M. Robert Bret. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret. Madame la secrétaire d'Etat, je prends bonne note des éléments que vous m'avez apportés dans votre réponse et partage avec vous le souci de transparence de cette réforme. Je me réjouis de constater que la lecture que vous faites, en l'espèce, du code des marchés publics et du code général des collectivités territoriales est identique à la mienne. (Mme la secrétaire d'Etat fait un signe d'assentiment).
Vous me confirmez que les mairies d'arrondissement conservent le pouvoir de traiter des mémoires ou des factures et de passer des contrats à l'exception des marchés.
Je constate comme vous que la volonté du législateur de 1982 en matière de décentralisation demeure ainsi prise en considération.
Afin de remédier aux difficultés, rencontrées par les mairies d'arrondissement depuis la réforme réglementaire du code des marchés publics, vous nous proposez de sécuriser le dispositif et de réaliser ce toilettage, dans le cadre du projet de loi relatif à la démocratie de proximité, éventuellement par le biais d'un amendement.
Toutefois, avant l'entrée en vigueur de cette loi - dont l'adoption définitive par le Parlement n'est prévue que vers la fin du mois de février 2002 - ne risque-t-on pas de connaître encore une période d'insécurité juridique quant aux contrats conclus par les mairies d'arrondissement ?
Il faudra que votre réponse d'aujourd'hui, madame la secrétaire d'Etat, soit prise en compte et appliquée, notamment dans le cadre du contrôle de légalité des actes des collectivités territoriales par les préfets.

FERMETURE DU BUREAU DE POSTE DE MEILLERIE

M. le président. La parole est à M. Amoudry, auteur de la question n° 1124, adressée à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.
M. Jean-Paul Amoudry. Je viens, monsieur le secrétaire d'Etat, vous alerter sur les inquiétudes et l'incompréhension de très nombreux élus du département de la Haute-Savoie à l'égard de la politique menée depuis quelques mois de réduction des horaires d'ouverture et, parfois, de fermeture totale de certains bureaux de poste situés en zone rurale et touristique.
Sans énumérer les communes dont le fonctionnement du bureau de poste a été perturbé, voire interrompu au cours de l'été dernier, j'évoquerai simplement la situation de deux communes, Meillerie et Saint-Gervais-les-Bains, qui illustrent les défaillances du service public postal.
En effet, à Meillerie, commune touristique des rives du lac Léman, la fermeture définitive du bureau de poste a été annoncée à la fin du mois de juillet 2001, sans qu'aucune concertation n'ait été engagée au préalable. Les protestations des élus locaux, les réclamations des habitants n'y ont rien fait !
L'unique solution, tout récemment proposée et finalement acceptée - faute d'alternative - par le conseil municipal est la transformation du bureau de poste en agence postale communale. La commune prend désormais à sa charge à la fois la rémunération de l'agent de La Poste et le coût de location et de fonctionnement du bureau.
Dans ces conditions, nous nous demandons jusqu'à quelle hauteur les communes devront accepter de tels transferts de charges, et s'il reste un service public postal national.
De même, le bureau de poste de Saint-Nicolas-de-Véroce, commune fusionnée avec Saint-Gervais-les-Bains, a été subitement fermé l'été dernier.
A l'heure où le Gouvernement affirme sa volonté de soutenir un développement équilibré du territoire, orientation que le législateur a récemment intégrée dans la loi, de telles décisions contredisent radicalement les objectifs législatifs annoncés et les discours gouvernementaux.
Le Premier ministre donne, semble-t-il, instruction aux préfets de veiller à la continuité du service public postal, mais ces instructions ne sont pas appliquées, ce qui met en cause le crédit de l'Etat auprès des usagers du service.
Je vous demande, donc, monsieur le secrétaire d'Etat, de m'indiquer si le Gouvernement reste attaché au service public postal national et si La Poste est toujours responsable et investie d'une mission, à sa charge, de service public en milieu rural.
Je conclurai en évoquant la méthode appliquée.
Est-il acceptable, monsieur le secrétaire d'Etat, que les collectivités locales soient ainsi mises devant le fait accompli ? La concertation préalable ne devrait-elle pas, pour l'aménagement du service postal, comme en toutes autres matières, remplacer la décision unilatérale ? Quelles garanties pouvez-vous nous apporter sur ce point ?
M. le président. Je tiens à saluer la première intervention au Sénat de M. Jacques Floch en qualité de secrétaire d'Etat à la défense, chargé des anciens combattants.
Permettez-moi, monsieur le secrétaire d'Etat, de vous adresser mes sincères félicitations pour votre nomination.
Dans l'exercice de vos fonctions de député, vous avez cetainement déjà pu constater combien les parlementaires apprécient la présence du ministre en charge du domaine sur lequel porte la question.
Je vous remercie néanmoins d'être aujourd'hui parmi nous.
Vous avez la parole, monsieur le secrétaire d'Etat.
M. Jacques Floch, secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants. Je vous remercie de vos aimables paroles de bienvenue, monsieur le président.
Je prie tout d'abord le Sénat de bien vouloir excuser l'absence de M. Christian Pierret, qui accompagne à Moscou M. le Premier ministre et dont le déplacement a été décidé au dernier moment.
Monsieur le sénateur, la présence postale est aujourd'hui parfaitement assurée dans la commune de Meillerie. En plein accord avec le conseil municipal de cette commune, une agence postale communale y est en effet ouverte près de vingt heures par semaine.
M. Jean-Paul Amoudry. A quel prix !
M. Jacques Floch, secrétaire d'Etat. En effet ! Le vieil élu local que je suis comprend parfaitement le sens de votre intervention, monsieur le sénateur.
Une nouvelle convention régissant le fonctionnement de cette agence postale communale doit être signée aujourd'hui 23 octobre par la direction de La Poste de Haute-Savoie et la mairie de Meillerie. Les habitants de cette commune auront ainsi l'assurance de bénéficier d'une ouverture quotidienne chaque après-midi, ainsi que le samedi matin, ce qui leur permettra d'accéder dans d'excellentes conditions aux produits et services de La Poste.
Plus généralement, il convient de rappeler qu'aucun plan ou programme national de fermeture des bureaux de poste n'est prévu ni a fortiori engagé par La Poste. La Poste entend bien, en effet, rester un grand service public de proximité grâce à son service de distribution du courrier et à son réseau de bureaux de poste.
Avec 17 000 bureaux de poste et agences postales, chiffre stable depuis près de dix ans, dont plus de 10 000 offrant leurs services dans des communes de moins de 2 000 habitants, La Poste demeure l'un des premiers acteurs de l'aménagement du territoire et de la vie économique et sociale locale. Le Gouvernement entend bien qu'il en reste ainsi.
Je tiens enfin à vous confirmer que je partage entièrement votre souci d'une forte concertation locale entre La Poste et les élus locaux. Depuis le 29 août dernier, la direction de La Poste de Haute-Savoie a d'ailleurs organisé huit conseils postaux locaux, dans ses groupements du Léman-Chablais, du Genevois, du bassin annécien et, enfin, de l'Arve-Mont-Blanc.
Ces réunions de concertation avec les élus locaux ont été complétées par une réunion de la commission départementale de présence postale territoriale, le 10 juillet dernier. Cette commission se réunira à nouveau le 6 novembre prochain, attestant ainsi le souci d'une concertation soutenue. Le Gouvernement - M. le Premier ministre l'a déclaré - reste très attaché au service postal.
M. Jean-Paul Amoudry. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Amoudry.
M. Jean-Paul Amoudry. Je remercie M. le secrétaire d'Etat de ces précisions. Je note le satisfecit qu'il adresse concernant un bureau de poste en particulier, mais, comme je le disais, à quel prix ! En effet, nous avons un renversement de la situation pour la commune. S'agissant d'une toute petite commune, cette solution est, en dépit des accommodements qui sont intervenus, nécessairement moins bonne que la situation antérieure.
Curieusement, les problèmes que j'ai dénoncés n'ont pas été analysés au cours de la concertation que vous avez rappelée. En tout cas, cette concertation, si elle a eu lieu, s'avère insuffisante. Par ailleurs, ces problèmes sont révélateurs d'une situation préoccupante, qui s'illustre plus largement, notamment par des mouvements de grève. Ainsi, au début du mois, à Thonon-les-Bains, la distribution du courrier a été interrompue pendant plusieurs jours. S'agissant d'une ville de 30 000 habitants, je vous laisse deviner les perturbations qui en ont résulté et comment cela a été ressenti par la population.
J'espère donc très vivement, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous serez l'oreille du Gouvernement ici, que mon appel sera entendu et que les moyens appropriés seront apportés au plus vite afin de rétablir durablement et de façon satisfaisante le fonctionnement de ce service postal.
M. Jacques Floch, secrétaire d'Etat. J'ai pris bonne note de votre proposition, monsieur le sénateur.

DEVENIR DE L'USINE MELOX DE BAGNOLS-SUR-CÈZE

M. le président. La parole est à M. Sutour, auteur de la question n° 1144, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Simon Sutour. Ma question, qui s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, concerne le devenir de l'usine Melox. Il m'a paru important et nécessaire de profiter de la tribune du Sénat pour appeler l'attention sur le devenir de cette usine, filiale de la Cogema, la Compagnie générale des matières nucléaires, implantée près de Bagnols-sur-Cèze dans le Gard rhodanien.
Un projet de décret concernant l'autorisation d'extension de production de l'usine Melox du site nucléaire de Marcoule est actuellement suspendu à la signature de M. le ministre de l'économie.
L'autorité de sécurité nucléaire a relevé que l'usine de fabrication de combustible au plutonium - Mox - de Cadarache ne répondait plus aux normes de sécurité en matière sismique.
La Cogema a donc, dans un souci évident de sécurité, demandé la fermeture de l'usine de production de combustible Mox en s'engageant à un transfert rapide de la production sur l'usine Melox de Marcoule.
Ce regroupement des capacités de production est conditionné par la révision du décret de production de Mox, limitée actuellement à 115 tonnes, afin de la porter à 195 tonnes et de prendre le relais des usines de Cadarache et de Dessel en Belgique, plus anciennes et dont la mise aux normes actuelles pourrait se révéler antiéconomique.
La signature de ce décret est aujourd'hui nécessaire pour que l'usine Melox puisse à la fois honorer ses engagements commerciaux en matière de livraison de combustible, mais également pour résoudre au plus vite et dans les meilleures conditions la situation des personnels concernés du site de Cadarache.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie, a souligné qu'au-delà des aspects commerciaux et sociaux, l'utilisation optimale de la capacité de production constitue « un moyen de réacheminer vers les pays clients le plutonium issu du retraitement du combustible usé dans les meilleures conditions ».
Aussi, face à l'urgence économique et sociale, je souhaiterais connaître l'intention du Gouvernement concernant la demande de signature du décret évoqué précédemment.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget. Monsieur le sénateur, la Compagnie générale des matières nucléaires, la Cogema, a recours aujourd'hui à trois usines de production de combustible Mox. D'abord, l'usine de Cadarache, qui a une capacité d'environ 40 tonnes de combustible par an. Ensuite, l'usine de Dessel, en Belgique, exploitée en fait par Belgonucléaire, contractant de la Cogema, et dont la capacité est également de l'ordre de 40 tonnes par an. Enfin, l'usine Melox à Marcoule, qui est récente et moderne et dont la capacité actuellement autorisée est de 115 tonnes par an.
Le total de la capacité des trois usines, qui travaillent tant pour EDF que pour l'exportation, est donc d'environ 200 tonnes de combustible Mox par an.
Il convient de considérer ces usines en quelque sorte comme des ateliers en aval de l'usine de La Hague, l'ensemble formant une chaîne de retraitement-recyclage. Dans cette optique, la Cogema souhaite bénéficier des investissements déjà réalisés à Melox pour utiliser de manière optimale sa capacité de production, de façon à prendre le relais des usines de Dessel et de Cadarache, qui sont plus anciennes et dont la mise aux normes actuelles pourrait être anti-économique.
Ce schéma apparaît raisonnablement compatible avec les prévisions actuelles relatives à la demande.
Il permettrait en outre à la Cogema de maintenir son avance technologique sur ses concurrents, comme British nuclear fuels. L'utilisation optimale de Melox est donc une question de crédibilité industrielle et commerciale à moyen terme. Elle conditionne dans une large mesure la signature de nouveaux contrats portant aussi bien sur le retraitement-recyclage de combustible usé que sur le transfert de procédés technologiques. Comme vous l'avez vous-même souligné et ainsi que l'indique M. le secrétaire d'Etat à l'industrie, c'est aussi un moyen de réacheminer vers les pays clients le plutonium issu du retraitement du combustible usé dans les meilleures conditions.
Enfin, les aspects sociaux ne devront pas être négligés, notamment si le transfert de l'activité de l'usine de Cadarache est décidé.
Comme vous le constatez, ce dossier est complexe, il fait intervenir plusieurs paramètres et peut avoir des conséquences sur l'ensemble de l'aval du cycle du combustible. Il est donc indispensable de prendre en compte tous ces éléments pour se déterminer sur le projet d'extension de Melox. C'est la raison pour laquelle la Cogema n'a déposé que très récemment sa demande. Les pouvoirs publics l'examinent actuellement avec la plus grande attention, en ayant le souci du respect des règles de sûreté et de radioprotection, et dans le cadre que je viens de définir.
M. Simon Sutour. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Sutour.
M. Simon Sutour. Madame la secrétaire d'Etat, je vous remercie de votre réponse selon laquelle tout concourt, sur le fond, à la signature de ce décret.
Je me fais ici, aujourd'hui, le porte-parole des élus locaux du Gard rhodanien et, bien entendu, des organisations syndicales de Marcoule. Le dossier étant, semble-t-il, relativement bien ficelé, après un certain nombre de précisions que vous aurez pu obtenir, je pense que la signature de ce décret interviendra rapidement au niveau de l'ensemble du Gouvernement.

FINANCEMENT DE LA DÉPARTEMENTALISATION
DES SERVICES D'INCENDIE ET DE SECOURS

M. le président. La parole est à M. Vial, auteur de la question n° 1112, adressée à M. le ministre de l'intérieur.
M. Jean-Pierre Vial. Je souhaite attirer l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les incidences de la loi du 3 mai 1996 relative aux services d'incendie et de secours, les SDIS. La départementalisation de ces services a entraîné une dommageable et forte progression des dépenses à la charge des collectivités locales : pour la Savoie, le budget du SDIS est passé de 130 millions à 170 millions de francs entre 1999 et 2000, soit, en moyenne, une augmentation de plus de 50 % pour les communes.
Certes, la loi du 28 décembre 1999 prévoit une majoration exceptionnelle de la dotation globale d'équipement des départements concernés. Mais celle-ci n'est consentie que sur trois ans, alors qu'en 2000, selon les chiffres avancés par la commission de suivi et d'évaluation, la contribution des départements au financement des SDIS a augmenté de plus de 2 milliards de francs. Les dispositions du projet de loi relatif à la démocratie de proximité entraîneraient un accroissement de la part des départements, qui sont déjà les premiers financeurs des SDIS.
Dans ces conditions, il est plus nécessaire encore que le Gouvernement s'engage à faciliter une meilleure et logique contribution des assurances aux interventions de secours en montagne. Les miraculés spéléologues de la grotte de Goumois dans le Doubs, cette année, rappellent l'intervention spéléologique sur le Margeriaz en Savoie au cours de l'hiver 2000 et dont, à titre d'exemple, le coût de 550 000 francs à la charge de la collectivité locale dépassait les capacités du budget de la commune. Les risques « montagne » sont grands et les pratiques de loisirs de plus en plus nombreuses. Pour la seule année 2000, 1697 accidents nécessitant des secours ont eu lieu, toutes catégories de sports et de loisirs confondues, pour le seul territoire savoyard.
De même, les interventions dans le domaine des secours routiers représentent 10 % du total des interventions en Savoie. Il est anormal que ces accidents, qui entrent dans le cadre de la garantie obligatoire automobile, ne puissent pas bénéficier de la prise en charge des frais de secours. Cette prise en charge serait une mesure d'équité à l'égard des départements à forte circulation routière - transit ou tourisme - qui doivent, à l'heure actuelle, assurer des actions de secours et de sécurité disproportionnées au parc automobile de leur population. Il convient de rappeler que plusieurs pays européens ont déjà mis en oeuvre le principe d'une contribution des assurances.
Enfin, il est nécessaire de prendre en compte une juste péréquation entre départements en fonction des risques encourus. La Savoie est un département qui connaît un grand nombre de risques : trente-six recensés sur une échelle de quarante-trois risques. Les charges qui en résultent sont trop lourdes et démesurées pour les collectivités qui doivent les supporter. Là encore, il apparaît nécessaire qu'une péréquation soit assurée par l'Etat au profit des départements marqués par la réunion d'un grand nombre de risques, qu'il ne serait pas équitable de laisser à leur seule charge.
Devant l'accroissement du coût des services d'incendie et de secours et l'importance de la charge qui en résulte pour les collectivités et tout particulièrement les départements, je vous serais reconnaissant, monsieur le secrétaire d'Etat, de bien vouloir préciser la position du Gouvernement sur les contributions qu'il serait nécessaire et légitime de solliciter, notamment au titre de la garantie assurance, pour la gestion future de nos SDIS, d'un point de vue tant fonctionnel que financier, si nous voulons leur permettre d'assurer leur mission avec sérénité puisqu'il en va de la sécurité de nos concitoyens.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jacques Floch, secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants. Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser l'absence de M. Daniel Vaillant qui, lui aussi, accompagne M. le Premier ministre à Moscou.
Vous avez appelé l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les incidences financières, pour les collectivités territoriales, de la départementalisation des services d'incendie et de secours, les SDIS.
Ainsi que vous l'indiquez, l'article 24 de la loi du 28 décembre 1999 a prévu, en raison de l'augmentation des dépenses d'investissement des SDIS en application de la loi du 3 mai 1996, une majoration exceptionnelle en 2000, 2001 et 2002, donc sur trois ans, comme vous l'avez précisé. Sur trois ans, un milliard de francs, soit 152,4 millions d'euros, a ainsi été réservé à cet effet.
De plus, M. le Premier ministre a indiqué, lors du récent congrès de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France, qui s'est tenu à Saint-Brieuc, son souhait de voir poursuivie, sur ce point, la réflexion avec l'ensemble des partenaires concernés.
En outre, dans son rapport sur le bilan de la mise en oeuvre de la réforme des SDIS, la commission d'évaluation présidée par M. Jacques Fleury, député de la Somme, a présenté un certain nombre de propositions pour une modernisation accrue des SDIS tout en veillant à ne pas remettre en cause les équilibres et les principes fondamentaux de l'organisation des secours en France.
Les conclusions de ce rapport tendent à approfondir la départementalisation, à organiser la répartition des compétences dans un esprit de complémentarité et à assurer un financement stable aux SDIS en gommant à terme les profondes disparités qui existent en matière de contribution.
Sur ce dernier point, des mesures, pour la plupart issues des propositions du rapport Fleury, ont été adoptées en première lecture par l'Assemblée nationale, au mois de juin dernier, dans le cadre du projet de loi sur la démocratie de proximité.
En effet, l'article 46 du projet de loi modifie l'article L. 1424-35 du code général des collectivités territoriales en disposant que les contributions des communes et des établissements publics de coopération intercommunale sont stabilisées au niveau atteint à l'issue des transferts, augmenté de l'indice des prix à la consommation, et que toute dépense supplémentaire est prise en charge par le conseil général.
Cet article prévoit également la suppression des contributions des communes et des établissements, publics de coopération intercommunale à compter du 1er janvier 2006, selon des modalités qui seront définies après qu'aura été présenté un rapport au Parlement, le 1er janvier 2005 au plus tard. De plus, pendant la période transitoire, le conseil d'administration devra ramener dans une fourchette de un à trois l'écart maximal entre la plus haute et la plus basse des cotisations, calculées par habitant, versées par les communes ou les établissements publics de coopération intercommunale du département.
En contrepartie, l'article 44 du projet de loi prévoit que le conseil d'administration comprend vingt-deux membres et que le nombre de sièges attribués au département est au moins de quatorze, tandis que quatre sièges au moins reviennent aux communes et EPCI.
Par ailleurs, l'Assemblée nationale a également adopté un article 46 ter qui vise à permettre aux SDIS de demander par convention aux établissements de santé sièges des SAMU la prise en charge financière des interventions effectuées par les SDIS à la demande de la régulation médicale du centre 15, interventions qui ne relèvent pas des missions prévues à l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales.
De plus, l'article 46 quater prévoit qu'une convention annuelle entre les SDIS et les sociétés concessionnaires d'ouvrages routiers ou autoroutiers fixera les conditions de prise en charge des interventions effectuées sur le réseau concédé et les conditions de mise à disposition de ce réseau pour les interventions effectuées en urgence dans le département par le SDIS.
S'agissant de la participation des sociétés d'assurance au financement des SDIS, cette question nécessite un examen technique approfondi et une expertise financière auxquels les services du ministère de l'intérieur vont prochainement procéder.
Il nous faut parvenir à un bon accord, et une discussion préalable avec les compagnies d'assurance est donc indispensable.
M. Jean-Pierre Vial. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Vial.
M. Jean-Pierre Vial. Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez fait état d'avancées et d'orientations, qui figurent d'ailleurs dans le projet de loi récemment débattu par l'Assemblée nationale.
Je ne peux malgré tout que regretter le report à une échéance relativement lointaine du dispositif d'accompagnement des collectivités locales, notamment des départements : nous sommes en effet bien conscients, aujourd'hui, que l'essentiel de l'avancée se fera au profit des communes et que les départements auront à supporter les conséquences de la départementalisation des SDIS.
Il est dommage que nous n'ayons pas profité de la discussion à l'Assemblée nationale du projet de loi sur la démocratie de proximité pour prévoir une contribution des assureurs, qui s'inscrit, en matière d'incendie, dans la logique des contrats d'assurance multirisques habitation, et, en matière d'accidents de la route, dans la logique des assurances automobile. Il faut noter à ce titre que la contribution existe déjà au profit de la sécurité sociale, qui perçoit 6 milliards de francs par an du produit des primes d'assurance, soit 15 %.
Je rappelle enfin que ce dispositif n'est pas original puisque la majeure partie de nos voisins européens - je citerai, à cet égard, la Finlande, le Danemark, la Suisse, la Belgique, l'Espagne et l'Autriche - ont pris conscience de la nécessité de cette contribution des compagnies d'assurance et ont intégré dans leur système la mise en oeuvre de cette logique de participation.

AVENIR DE LA MAISON DE RETRAITE DES ANCIENS COMBATTANTS DE VILLE-LEBRUN DANS LES YVELINES

M. le président. La parole est à M. About, auteur de la question n° 1150, adressée à M. le secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants.
M. Nicolas About. Monsieur le secrétaire d'Etat, je souhaite attirer votre attention sur le sort réservé à la maison de retraite Ville-Lebrun, située à Sainte-Mesme et chère à nos anciens combattants des Yvelines.
A deux reprises déjà, je suis intervenu auprès de M. Masseret, votre prédécesseur, pour qu'une solution humaine soit retenue dans ce dossier et que les 83 pensionnaires qui résidaient dans cet établissement au moment de sa fermeture ne soient pas abandonnés.
Cette maison de retraite a été fermée, en janvier 2000, pour des raisons de sécurité, et les résidents ont été transférés provisoirement dans d'autres centres d'accueil, en attendant la reconstruction de cet établissement.
Devant l'émotion suscitée par cette fermeture aussi bien parmi les pensionnaires âgés de 80 à 95 ans et leurs familles que parmi le personnel soignant, M. Masseret lui-même s'était déplacé à Sainte-Mesme pour rassurer les uns et les autres sur l'avenir de Ville-Lebrun.
Les demandes de permis de démolition et de reconstruction du nouveau projet ont donc été déposées, recevant l'aval des services concernés.
Or, malgré le soutien écrit de M. Masseret et l'accord de principe délivré par M. le préfet des Yvelines, par la voix de son secrétaire général, les anciens combattants des Yvelines se heurtent actuellement à l'avis défavorable de la DDASS, la direction départementale des affaires sanitaires et sociales, pour la création de cet établissement, ce qu'ils ne comprennent pas. L'argument avancé consiste à dire que ce nouveau projet provoquerait, ce qu'ils ne comprennent pas, un « suréquipement » de lits dans la zone de Saint-Arnoult-en-Yvelines, faisant passer le taux d'équipement départemental de 145 % à 268 %. Ainsi, l'accueil de 83 anciens combattants fait exploser les taux ! Cet avis de la DDASS omet toutefois de préciser que la centaine de places en question résultent non pas d'une création, mais bien d'une reconstruction ! On ne peut donc pas dire que cet établissement risque d'augmenter le quota de places, dans la mesure où ces places existaient déjà !
Je ne peux pas croire, monsieur le secrétaire d'Etat, que nous ayons assisté là à une escroquerie morale - cela n'aurait pas, à mon avis, d'autre nom - et que c'est dans le seul but d'abaisser les quotas que, après avoir décidé d'évacuer temporairement pour raison de sécurité ces 83 pensionnaires, on interdit maintenant leur réintégration définitive. Comme moi, j'en suis sûr, vous aurez donc à coeur d'intervenir auprès des services concernés pour qu'une solution digne soit trouvée en faveur de nos anciens combattants.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jacques Floch, secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants. Monsieur le sénateur, vous abordez là un dossier difficile - comme celui des autres maisons de retraite relevant de l'Office national des anciens combattants - que j'ai trouvé sur mon bureau à mon arrivée rue de Bellechasse, début septembre. Vous aviez d'ailleurs déjà attiré l'attention de mon prédécesseur sur ce point, le 29 juin 1999.
Je souhaite rappeler que la fermeture de cette maison de retraite a été décidée à l'unanimité, en 1999, par les membres du conseil d'administration de l'Office national des anciens combattants, compte tenu de l'avis défavorable de la commission de sécurité constatant l'ensemble des non-conformités que présentait cet établissement et du coût exorbitant des investissements à réaliser, coût hors de proportion avec les fonds qu'il pouvait mobiliser.
C'est un problème malheureusement rencontré fréquemment dans les maisons de retraite de notre pays et de façon constante dans celles de l'Office national des anciens combattants ; il nous faut en effet suivre, avec beaucoup d'acuité, la réglementation concernant la sécurité, car plus personne, dans nos communes, n'admettrait que les maisons de retraite ne soit pas au « top niveau », si vous me permettez cette expression.
Dans ces conditions, mon prédécesseur vous avait clairement indiqué qu'il ne s'agissait pas de remettre en question la décision qui avait été prise, alors même que la stratégie de l'ONAC est de multiplier les places offertes aux anciens combattants sur l'ensemble du territoire et dans toutes les maisons répondant aux normes de sécurité et d'habitabilité.
Vous savez en effet, monsieur le sénateur, que l'Office national des anciens combattants et le secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants se sont engagés, dans le cadre d'un contrat dénommé « contrat des bleuets », à attribuer à des maisons de retraite, situées sur l'ensemble du territoire et acceptant d'accueillir, entre autres, des anciens combattants, une sorte de label, après vérification de leur bonne qualité. Il s'agissait, en effet, de trouver des solutions préservant les intérêts du monde combattant tout en élargissant les offres de places sur l'ensemble du territoire. Cette question sera d'ailleurs inscrite à l'ordre du jour du prochain conseil d'administration de l'ONAC, nouvellement constitué, qui doit se réunir dans quelques semaines.
Les établissements « labellisés », publics ou privés, s'engagent à accorder une préférence aux ressortissants de l'Office lors de leur admission et à leur réserver un certain nombre de places en leur sein, à participer à des initiatives de mémoire favorisant la transmission des valeurs du monde combattant, en particulier en direction des familles et des plus jeunes.
L'ONAC s'engage, pour sa part, à faire connaître ces établissements, à les recommander à ses ressortissants et à leur apporter toute l'aide nécessaire à la mise en place d'initiatives de mémoire.
Les établissements labellisés constitueront ainsi des structures privilégiées pour la diffusion des valeurs du monde combattant et l'ouverture sur la société civile en facilitant le relais entre les générations.
Cette politique de labellisation doit permettre d'améliorer considérablement l'offre faite aux ressortissants âgés, s'agissant aussi bien du nombre, de la diversité, de la localisation des places que de la qualité de l'accueil, dans un réseau d'établissements exemplaires implantés sur l'ensemble du territoire national.
L'objectif visé est de parvenir à un établissement labellisé par département, soit, compte tenu des dix maisons de retraite de l'ONAC, quatre-vingt-dix établissements sur le territoire national dans les trois ans à venir.
Depuis sa mise en place, en février 2000, la commission du label a examiné dix-neuf dossiers et donné un avis favorable à la labellisation de dix-sept établissements publics et privés. Au total, 395 places sont réservées prioritairement dans ces établissements répartis dans quinze départements aux ressortissants de l'Office national.
Dans ce contexte, et s'agissant du cas particulier de Ville-Lebrun, les services de l'ONAC ont tout mis en oeuvre pour assurer, le plus rapidement et dans les meilleures conditions possible, le transfert, dans d'autres établissements, de 84 pensionnaires alors hébergés dans la maison de retraite.
A cet égard, ils se sont efforcés de respecter, autant que faire se peut, leurs souhaits ou ceux de leur famille. Un grand nombre de ces pensionnaires ont été relogés, aux termes d'une convention ad hoc , dans deux établissements des Yvelines, à savoir le pôle gérontologique de l'hôpital départemental de Plaisir-Grignon et le centre de gérontologie clinique de la fondation Léopold-Bellan, à Magnanville. Certains pensionnaires ont été accueillis dans des maisons de retraite de l'Office ; d'autres, enfin, ont choisi d'être hébergés dans des familles d'accueil. Les services du secrétariat d'Etat aux anciens combattants se sont assurés des bonnes conditions d'accueil des intéressés.
La même attention a été portée aux 25 agents alors en fonction, reclassés pour la plupart au centre hospitalier de Dourdan ou dans des établissements relevant du ministère de l'éducation nationale. A ce jour, seuls trois d'entre eux sont toujours en attente d'une affectation qui leur convienne.
S'agissant du projet de reconstruction que vous évoquez, monsieur le sénateur, je souhaite faire observer que, si l'ONAC avait effectivement pris acte du projet porté par l'Union française des associations d'anciens combattants et de victimes de guerre, l'UFAC, des Yvelines, il ne s'est nullement engagé à reconstruire sur le site une maison de retraite ni à assumer la gestion d'une telle maison dans le cas où elle viendrait à être reconstruite.
L'intervention de l'ONAC se limite à une promesse de vente signée avec un groupe privé qui s'est engagé dans un partenariat avec l'UFAC pour la construction d'une maison de 100 lits pour personnes âgées dépendantes de cent lits et une maison d'accueil spécialisée pour adultes handicapés, après acquisition du terrain, propriété de l'ONAC.
La DDASS et la direction de l'action sociale du conseil général des Yvelines ont émis un avis défavorable compte tenu du fait que la zone desservie par l'établissement en projet, selon le schéma départemental, révèle un taux d'équipement très supérieur à la moyenne régionale.
Je tiens d'ailleurs à rappeler que les prix de journée dans une maison de retraite ordinaire accueillant des personnes âgées dépendantes et dans une maison d'accueil spécialisée pour adultes handicapés ne sont pas du tout semblables.
Il y a débat entre la DDASS et la direction de l'action sociale du conseil général puisqu'un partage de responsabilité financière doit avoir lieu à cet égard entre la sécurité sociale et le conseil général ; cela explique l'attente prudente de ces deux services.
Le promoteur qui avait été sollicité par l'UFAC a demandé le report de présentation du dossier devant le comité régional d'organisation sanitaire et sociale d'Ile-de-France dans l'attente d'être sûr de la prise en charge des prix de journée.
L'avenir du projet, en l'état actuel du dossier, s'avère donc incertain. En toute hypothèse, il ne peut conduire à une remise en cause de la solution qui a prévalu pour ménager l'intérêt des ressortissants de l'ONAC, c'est-à-dire leur accueil dans les meilleures conditions possibles. Je comprends bien que la situation actuelle ne peut donner satisfaction à ceux qui ont vu disparaître leur maison de retraite, même si elle était en mauvaise état. De toute façon je pense que le projet doit être revu.
M. Nicolas About. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. About.
M. Nicolas About. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le secrétaire d'Etat.
Certes, dans l'urgence, c'est l'intérêt des anciens combattants concernés qui a dû prévaloir. Leur reclassement a répondu à cette exigence, même s'il a abouti à des séparations douloureuses. Ces personnes âgées, souvent très dépendantes, ont en effet noué des relations d'affection avec ceux qui les entourent. J'avais cru comprendre à l'époque que votre prédécesseur s'était engagé à ce que tout soit fait pour que cette entité soit reconstituée. J'espère que ce sera possible, même si je suis sûr qu'actuellement tous les soins sont dispensés, dans les meilleures conditions possibles, aux personnes concernées.
M. Jacques Floch, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jacques Floch, secrétaire d'Etat. Monsieur About, je suis à votre disposition pour suivre, avec vous, l'évolution de ce dossier et sachez que j'assume pleinement l'héritage de mon prédécesseur.
M. Nicolas About. Bien entendu ! Nous nous rencontrerons donc prochainement !

RÉGIME DES SUBVENTIONS D'INVESTISSEMENT VERSÉES
PAR L'ÉTAT AUX COLLECTIVITÉS LOCALES

M. le président. La parole est à M. Doublet, auteur de la question n° 1129, adressée à M. le ministre de l'intérieur.
M. Michel Doublet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le 16 décembre 1999, un décret relatif aux subventions de l'Etat pour les projets d'investissement a abrogé l'article 10 du décret n° 72-196 du 10 mars 1972 relatif aux subventions d'investissement de l'Etat, qui fixait la règle selon laquelle la décision attributive de subvention devait être antérieure au commencement d'exécution de l'opération à subventionner.
L'article 5 de ce dernier décret confirme qu'aucun commencement d'exécution du projet ne peut être opéré avant la date à laquelle le dossier est complet, ladite date étant celle de la notification par laquelle l'autorité compétente pour attribuer la subvention informe la collectivité locale du caractère complet du dossier.
Bien entendu, cette notification ne vaut pas confirmation de l'attribution effective de la subvention, laquelle intervient dans un délai de deux mois à compter de la date de réception du dossier, sous réserve de complément d'information.
Toutefois, l'article 6 prévoit qu'une autorisation de commencer les travaux avant la date à laquelle le dossier est complet peut être octroyée par décision visée de l'autorité chargée du contrôle financier.
Le fait que ce décret ne peut être applicable à la dotation globale d'équipement des communes, régie par le décret n° 85-1510 du 31 décembre 1985, constitue un frein à l'initiative locale et porte préjudice au développement économique et à l'emploi. Une modification de ce décret est en cours afin de tenir compte des nouvelles dispositions apportées par le décret du 16 décembre 1999, notamment de celle qui concerne l'engagement des travaux dans l'attente de la notification de la subvention, et ce dans les limites figurant au décret.
Monsieur le secrétaire d'Etat, pouvez-vous m'indiquer où en est cette modification qui devrait simplifier le régime des subventions d'investissement versées par l'Etat ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jacques Floch, secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants. Monsieur le sénateur, le régime des subventions d'investissement versées par l'Etat a été en effet largement modifié par le décret n° 99-1060 du 16 décembre 1999, qui a abrogé le fameux décret n° 72-196 du 10 mars 1972, dont nous avons tous subi les effets, à l'exception des articles restant applicables aux subventions allouées dans le cadre de la dotation d'équipement des communes, qui font l'objet d'un décret spécifique.
La règle de « non-commencement » de l'opération au titre de laquelle une subvention était demandée a notamment été modifiée. L'article 10 du décret du 10 mars 1972 imposait, en effet, que les opérations ne commencent pas avant la notification de l'arrêté attributif de subvention au risque de perdre le bénéfice de la subvention. Cette règle, qui soulevait de nombreux problèmes, a été remplacée par les dispositions de l'article 5 du décret du 16 décembre 1999, qui donnent la possibilité au demandeur de commencer dès que le dossier déposé est reconnu complet par l'autorité compétente pour attribuer la subvention ou, en l'absence de réponse de celle-ci, au terme d'un délai de deux mois à compter de la réception du dossier.
Cette disposition, largement favorable au demandeur eu égard au régime antérieur, peut encore être assouplie grâce à la dérogation prévue à l'article 6 de ce même décret, qui permet à l'autorité compétente pour attribuer la subvention d'autoriser le commencement d'exécution du projet avant la date à laquelle le dossier est complet par décision visée de l'autorité chargée du contrôle financier.
Ces dispositions contribuent largement, depuis presque deux ans, à simplifier le régime des subventions de l'Etat et à supprimer les freins que les règles antérieures pouvaient comporter s'agissant des projets de développement locaux à l'initiative des collectivités locales.
Peut-on encore aller plus loin ? D'autres mesures sont à l'étude, mais on ne sait pas encore si elles vont aboutir.
M. Michel Doublet. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Doublet.
M. Michel Doublet. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous ai bien écouté, mais tout ce que vous venez de me dire, je le savais déjà. On n'avance pas beaucoup ! Chaque fois que je pose une question, on me répond que le dossier est à l'étude. Or de nombreuses opérations sont bloquées. Certes, des dérogations sont données, mais seulement pour la construction d'écoles ou pour des travaux de sécurité, et tout ce qui relève de la DGE n'est pas concerné par cette dérogation. De ce fait, la DGE étant notifiée en mai ou en juin, pendant les six premiers mois de l'année, aucun travail ne peut être réalisé. Des projets importants s'en trouvent bloqués et les entreprises ne peuvent alimenter leur cahier des charges.
J'insiste beaucoup, monsieur le secrétaire d'Etat, pour que le nouveau décret soit pris dans les meilleurs délais.

PAIEMENT DES HEURES SUPPLÉMENTAIRES EFFECTUÉES
PAR LES PERSONNELS DE POLICE
DANS LE CADRE DE L'APPLICATION
DE LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL

M. le président. La parole est à M. Courtois, auteur de la question n° 1134, adressée à M. le ministre de l'intérieur.
M. Jean-Patrick Courtois. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, j'ai tenu à appeler l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur l'application du dispositif de réduction du temps de travail des personnels de police.
En effet, ceux-ci sont soumis à deux régimes de travail distincts. Le premier est le régime cyclique, qui concerne la plupart des personnels en tenue. Le second est le régime hebdomadaire, qui concerne les personnels civils, administratifs et un certain nombre de personnels en tenue.
Dans ce second régime, la durée hebdomadaire de travail est encore de 40 heures 30, ce qui représente 1 822,5 heures par an, et non de 39 heures. La compensation de une heure trente est de dix jours durant l'hiver. Le passage aux 35 heures entraînerait une compensation supplémentaire de 26,5 jours, ce qui représente cinq semaines plus un jour et demi.
Ainsi, le total des congés dus serait de cinq semaines de congés annuels, deux semaines de compensation pour les 39 heures, ainsi que cinq semaines et un jour et demi de compensation pour les 35 heures. Le total des congés dus représenterait donc douze semaines et un jour et demi, soit au total trois mois.
A ces congés, il convient d'ajouter les repos récupérateurs dus au titre des permanences et des astreintes.
Ainsi, l'application du dispositif de la réduction du temps de travail entraînerait une diminution importante du nombre d'heures de travail effectuées par les personnels de police. Seul un paiement des heures supplémentaires, à défaut d'un recrutement conséquent, semble être la solution pour combler le manque d'heures résultant de l'application de la réduction du temps de travail. Le paiement des heures supplémentaires permettrait de maintenir le potentiel opérationnel actuel des personnels de police et contribuerait ainsi à préserver la qualité et l'efficacité du travail qu'ils effectuent.
En conséquence, je vous demande de bien vouloir m'indiquer s'il est envisagé de prendre promptement des mesures afin de procéder, dans le cadre de l'application du dispositif de réduction du temps de travail, au paiement des heures supplémentaires effectuées par l'ensemble des personnels de police.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jacques Floch, secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants. Monsieur le sénateur, le Gouvernement a prévu, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2002, des moyens humains et budgétaires propres à maintenir le potentiel opérationnel de la police nationale, que ce soit pour les personnels actuellement en régime cyclique ou pour ceux qui sont en régime hebdomadaire, dans le contexte de l'aménagement et la réduction du temps de travail, l'ARTT.
D'ores et déjà, diverses mesures sont prévues.
Tout d'abord, le projet de loi de finances prévoit la création de 3 000 emplois dans la police nationale. Ces créations d'emplois contribueront, pour partie, au maintien du potentiel opérationnel.
Ensuite, une partie de l'enveloppe de mesures nouvelles indemnitaires de 361 millions de francs obtenue dans le projet de loi de finances pour 2002 concernera l'ARTT. L'utilisation précise de cette enveloppe sera le résultat de la négociation qui s'engage avec les organisations syndicales sur les propositions formulées par l'administration au titre de l'ARTT et correspondra, en fait, aux deux mesures que vous souhaitiez voir prises maintenant.
L'enveloppe ainsi dégagée doit notamment permettre de substituer le paiement à la récupération en temps de certaines formes de dépassement horaire.
Au moment où la police nationale est engagée sur tous les fronts pour la sécurité quotidienne et contre la menace terroriste, le souci du Gouvernement reste de garder au plus haut niveau ses effectifs opérationnels tout en assurant à l'ensemble de ses personnels le bénéfice de l'importante réforme que constitue l'ARTT dans la fonction publique.
Les discussions avec les représentants des différentes catégories de personnels de police ont été récemment engagées sur la base d'un état des lieux précis des régimes de travail.
M. Jean-Patrick Courtois. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Courtois.
M. Jean-Patrick Courtois. Je vous remercie des indications que vous venez de me donner, monsieur le secrétaire d'Etat. Mais ces mesures, si intéressantes soient-elles, ne permettront pas de payer le solde des heures supplémentaires dû aux personnels de police. Et il faut encore ajouter le nombre d'heures considérable imposé à ces personnels par l'application du plan Vigipirate. Il faudra donc faire un effort beaucoup plus important dans le budget pour 2002 si l'on veut que ces personnels de police recueillent les bénéfices de l'application des 35 heures et jouissent ainsi d'une qualité de vie qui corresponde aux services qu'ils rendent à la nation.

CONDITIONS DE PRÉLÈVEMENT DE LA TAXE
D'ENLÈVEMENT DES ORDURES MÉNAGÈRES

M. le président. La parole est à M. Lassourd, auteur de la question n° 1141, adressée à M. le ministre de l'intérieur.
M. Patrick Lassourd. Je souhaite appeler l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur le problème suivant.
Lorsqu'un établissement public de coopération intercommunale, un EPCI, quel qu'il soit, exerce la totalité de la compétence « collecte et traitement des déchets » et adhère pour l'ensemble de cette compétence à un syndicat mixte, il peut recevoir la taxe ou la redevance en lieu et place de ce syndicat mixte.
Le syndicat mixte doit alors, avant le 15 octobre de l'année, déterminer la taxe d'enlèvement des ordures ménagères perçue sur son territoire et autoriser les EPCI compétents qui le souhaitent à percevoir cette recette en ses lieu et place.
Ainsi, l'EPCI qui a décidé de percevoir la taxe d'enlèvement des ordures ménagères en lieu et place du syndicat mixte détermine la répartition de la dépense permettant l'instauration de taux différents par commune selon divers critères, parmi lesquels la fréquence de ramassage.
L'EPCI étant l'organe délibérant pour répartir la dépense, il semble souhaitable qu'il soit également compétent pour dresser la liste des locaux exonérés de la taxe sur son territoire, ce qui n'est pas le cas actuellement, cette compétence étant dévolue au syndicat.
Il me semble, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'il y a là une petite anomalie et qu'il serait souhaitable de confier à l'EPCI toute compétence, y compris en matière d'exonération. Je souhaiterais connaître la position du Gouvernement sur ce point.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jacques Floch, secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants. Monsieur le sénateur, en vertu de l'article 84 de la loi relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale, les syndicats mixtes instituent la taxe ou la redevance d'enlèvement des ordures ménagères lorsqu'ils bénéficient du transfert de la compétence en matière d'élimination et de valorisation des déchets ménagers et assurent au moins la collecte.
L'article 33 de la loi de finances rectificative du 13 juillet 2000 déroge à ce principe, afin de favoriser la rationalisation des périmètres d'organisation du service « élimination des déchets » sans pénaliser les établissements publics de coopération intercommunale dans le calcul de leur coefficient d'intégration fiscale et, donc, de leur dotation globale de fonctionnement. Ce point avait fait, rappelez-vous, l'objet d'un débat entre les collectivités territoriales et l'Etat.
Ainsi, les EPCI à fiscalité propre qui bénéficient de la totalité de la compétence en matière de collecte et de traitement des déchets et qui adhèrent, pour l'ensemble de cette compétence, à un syndicat mixte, peuvent décider de percevoir sur leur périmètre, en lieu et place de ce syndicat, la taxe ou la redevance d'enlèvement des ordures ménagères, puis voter le produit de la taxe ou de la redevance. Ce produit majorera le coefficient d'intégration fiscale des EPCI et sera reversé au syndicat mixte.
Toutefois, il revient au syndicat mixte, qui exerce effectivement la compétence et qui assume les charges de la collecte et du traitement, de choisir préalablement le mode de financement du service « élimination des déchets » : soit la redevance avec ses modalités de tarification, soit la taxe avec, le cas échéant, des exonérations.
Ce dispositif assure l'égalité fiscale ou financière de tous les contribuables ou usagers devant le service assuré sur le périmètre du syndicat mixte.
De plus, en application de l'arrêt « Sieur Chèze » du Conseil d'Etat en date du 28 février 1934, le syndicat peut définir des zones de perception de la taxe avec des taux plus ou moins élevés dès lors que des différences dans le service rendu sont observables sur le territoire syndical, notamment en termes de fréquence hebdomadaire du ramassage des ordures ménagères.
M. Patrick Lassourd. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Lassourd.
M. Patrick Lassourd. Monsieur le secrétaire d'Etat, vous n'avez répondu que partiellement à ma question.
Vous avez rappelé que la loi rectificative de finances du 13 juillet 2000 permettait aux EPCI, sous certaines conditions, de percevoir la taxe ou la redevance. Cependant, dans un tel cas, c'est l'EPCI qui, en accord avec le syndicat mixte, détermine les modalités de perception de la taxe ainsi que les zones où elle doit être acquittée.
Pour que l'EPCI puisse assumer pleinement sa responsabilité, il convient qu'il propose lui-même au syndicat les exonérations et non pas l'inverse. Cela me paraît à la fois légitime et logique.

CONDITIONS D'EXTENSION DU PÉRIMÈTRE
D'UNE COMMUNAUTÉ D'AGGLOMÉRATION

M. le président. Avant de donner la parole à M. Alduy, auteur de la question n° 1153, adressée à M. le ministre de l'intérieur, je me permets de lui souhaiter la bienvenue puisqu'il va aujourd'hui intervenir au Sénat pour la première fois.
Vous avez la parole, mon cher collègue.
M. Jean-Paul Alduy. Merci, monsieur le président.
L'article 2 de la loi n° 99-586 du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale a introduit, dans le code général des collectivités locales, un article L. 5216-10, qui permet au préfet de signer l'arrêté d'extension du périmètre d'une communauté d'agglomération dans un délai de trois ans à compter de la publication de la loi, soit le 13 juillet 2002.
Signalons au passage qu'à ce jour aucune communauté d'agglomération n'a encore été étendue ; il faut donc inventer !
Le préfet peut proposer un périmètre d'extension dès lors que celle-ci a recueilli l'accord des deux tiers des communes représentant la moitié de la population ou de la moitié des communes représentant les deux tiers de la population. L'accord politique étant ainsi obtenu, le préfet peut soit prendre un arrêté au 31 décembre 2001, afin de respecter le principe de l'annualité budgétaire, soit, eu égard à la complexité des problèmes à résoudre, prévoir un délai pour permettre aux communes de régler, autant que possible, toutes les questions techniques, juridiques et financières qu'implique l'extension. Mais le préfet bute alors sur la date du 13 juillet 2002, qui le contraint à prendre l'arrêté en pleine année budgétaire, ce qui va conduire les communes à toutes sortes de transferts. On ne sait d'ailleurs pas calculer la DGF ni les bases fiscales en cours d'année.
Je voudrais illustrer mon propos par le cas que je connais le mieux, celui de Perpignan.
Nous allons passer d'une communauté d'agglomération de six communes à une communauté d'agglomération de vingt-deux communes. La nouvelle communauté d'agglomération va regrouper des communes provenant de trois communautés de communes qui ont des compétences différentes de celles de la communauté d'agglomération, qui ont été créées à des dates différentes, mais aussi des communes qui n'ont jamais fait partie d'une communauté de communes.
Je vous laisse imaginer la complexité du problème des transferts immobiliers, de la création de syndicats mixtes de communes qui vont disparaître mais qui ne sont pas dans la communauté appelés à récupérer les compétences des communautés d'agglomération qui va être créée.
Il est clair que le préfet ne peut pas nous imposer au 31 décembre prochain un nouveau périmètre, car nous n'aurions pas le temps nécessaire pour « caler » juridiquement le nouvel établissement public de coopération intercommunale. D'un autre côté, le faire un peu plus tard, mais en cours d'année, ce serait introduire d'autres complications et d'autres aléas.
Ma question est donc simple : comment le Gouvernement va-t-il procéder pour faire en sorte que cette date butoir du 13 juillet 2002 soit reportée au 31 décembre 2002 ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jacques Floch, secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants. Monsieur le président, je suis très heureux, à l'occasion de ma première prestation au Sénat, de répondre à la première question de M. Alduy.
Monsieur le sénateur, les articles L. 5216-10 et L. 5215-40-1 introduits dans le code général des collectivités territoriales par les articles 2 et 7 de la loi du 12 juillet 1999 fixent un délai de trois ans à compter de la publication de cette loi pour engager une procédure d'extension des périmètres des communautés d'agglomération et des communautés urbaines - et vous avez fort justement souligné toute la complexité d'une telle opération - afin d'assurer la cohérence spatiale et économique ainsi que les solidarités financières et sociales nécessaires au développement des communautés.
Compte tenu de la date d'adoption de la loi, ce délai expire le 13 juillet 2002. Le respect strict de cette date située en milieu d'exercice pourrait, ainsi que vous l'avez fait remarquer, susciter des difficultés budgétaires qui, selon M. le ministre de l'intérieur, sont sans commune mesure avec l'objectif recherché.
Dans cet esprit, M. Daniel Vaillant ne voit, a priori , aucune objection à ce que cette date butoir soit reportée au 31 décembre 2002 ; il est prêt à étudier une telle disposition à l'occasion du prochain débat parlementaire relatif aux collectivités locales, particulièrement au Sénat. Il suffira de déposer les amendements nécessaires.
M. Jean-Paul Alduy. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Alduy.
M. Jean-Paul Alduy. Je ne peux que dire toute ma satisfaction de voir une solution enfin trouvée à un problème finalement assez artificiel et qui pouvait compromettre de façon grave la mise en place de la nouvelle organisation territoriale que chacun appelle de ses voeux.
M. le président. Vous avez une bonne réponse à votre première question, monsieur Alduy ! (Sourires.)

RECONNAISSANCE DU MORVAN
COMME MASSIF DE MONTAGNE

M. le président. La parole est à M. Signé, auteur de la question n° 1147, transmise à M. le ministre de l'intérieur.
M. René-Pierre Signé. Ma question concerne la possibilité de reconnaître le Morvan comme massif aux termes de l'article 5 de la loi montagne du 9 janvier 1985.
La politique nationale de la montagne est loin d'avoir épuisé ses avantages et ses vertus malgré les efforts continus du Gouvernement. La nécessaire prise en compte de la spécificité et des difficultés de la montagne demeure tout à fait d'actualité.
Dans cette perspective, la politique du massif constitue de plus en plus le bon cadre de définition et de mise en oeuvre de la politique de la montagne dans lequel les dispositifs contractuels doivent s'inscrire. La question se pose alors de savoir pourquoi le Morvan ne pourrait pas bénéficier du classement « massif ».
Il s'agit de bénéficier non pas uniquement d'une étiquette mais bel et bien des avantages en termes d'actions qu'introduirait cette reconnaissance. La politique de massif s'appuie, en effet, sur les schémas interrégionaux de développement et d'aménagement prévus par la loi n° 99-533 du 25 juin 1999 d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire.
Cette reconnaissance permettrait d'assurer le renforcement d'une logique de développement durable. Il s'agit ici de considérer l'avenir des communes concernées non comme celui de zones à handicap mais comme celui de zones encore en manque de développement.
Je demande donc tout simplement s'il ne serait pas possible de saisir l'occasion de l'examen par le Sénat, en janvier prochain, du projet de loi sur la démocratie de proximité et de son article 12 bis pour assurer la reconnaissance comme massif des communes de montagne du Morvan.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal, ministre déléguée à la famille, à l'enfance et aux personnes handicapées. Monsieur le sénateur, M. Cochet, ministre de l'environnement, m'a priée de vous apporter les éléments de réponse suivants.
La question des outils mis en place en faveur des communes du Morvan déjà classées en zone de montagne, même si l'on comprend votre aspiration à les voir classées en massif, ne peut se résumer au bénéfice ou non de la politique de massif. Autrement dit, il existe d'autres outils susceptibles de répondre à la préoccupation qui est la vôtre.
En effet, pour que cette politique porte son plein effet, cela suppose qu'elle soit conduite sur un périmètre géographique cohérent. Or tel ne serait pas le cas, semble-t-il, à l'échelle du Morvan si l'on se limitait aux seules communes classées en zone de montagne. Dans l'hypothèse, par exemple, d'un rattachement au Massif central, il conviendrait de définir un périmètre a priori plus large que celui des seules communes classées en zone de montagne. J'ignore si ce travail a été réalisé, mais le Gouvernement est prêt à étudier avec vous la façon de le conduire.
Dans cette perspective, il conviendrait de s'interroger sur le traitement de certaines zones rurales périphériques du Morvan, qui, si elles ne présentent pas les mêmes contraintes orographiques, ont des caractéristiques sociodémographiques tout à fait comparables.
Les modalités d'intervention en faveur du Morvan, zone rurale indiscutablement fragile, doivent donc s'inscrire dans une réflexion plus globale sur les départements situés au sud du Bassin parisien. Elles doivent également s'articuler autour des outils d'ores et déjà disponibles, en particulier le volet territorial du contrat de plan Etat-région et la mise en oeuvre de l'objectif 2, auquel est éligible le Morvan. Il s'agit là de cadres qui offrent des possibilités étendues.
Enfin, les communes du Morvan classées en zone de montagne et les acteurs économiques qui y sont implantés bénéficient d'ores et déjà des mesures spécifiques en faveur de la montagne, dans le domaine agricole en particulier.
Pour la valorisation de ces différents moyens, il est nécessaire que les structures de développement local, parc naturel régional et pays, notamment jouent pleinement leur rôle. Les services déconcentrés de l'Etat sont à leur disposition pour les accompagner, ainsi que la DATAR, à l'échelon national, pour exercer son rôle de conseil et d'impulsion.
M. René-Pierre Signé. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Signé.
M. René-Pierre Signé. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse, bien qu'elle ne me satisfasse pas tout à fait. En effet, si certaines communes du Morvan ont été classées en zone de montagne, il demeure que la reconnaissance en tant que massif donne lieu à des aides contractuelles particulièrement intéressantes.
L'argument de non-cohérence territoriale me paraît discutable puisque les Alpes du Sud et les Alpes du Nord ont été réunies pour ne plus constituer que le seul massif des Alpes ; or je ne suis pas sûr qu'il s'agisse d'un ensemble parfaitement cohérent.
Par ailleurs, les critères de référence appliqués au Morvan sont ceux du Massif central. Si le Morvan est le prolongement septentrional du Massif central, il est pénalisé par un climat particulièrement rude, bien que l'altitude moyenne y soit moins élevée qu'en Auvergne.
A certains égards, la situation du Morvan se rapproche plutôt de celle des Vosges. Mais, en fait, le massif du Morvan est particulier et il se distingue aussi bien du Massif central que des Vosges. Des critères spécifiques devraient donc lui être appliqués. Au demeurant, au sein du parc que j'ai eu l'honneur de présider, nous avons mené une étude climatologique qui est particulièrement convaincante à cet égard.
Cela étant, madame la ministre, je vous ai entendue, et nous referons donc le point avec M. le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
M. Raymond Courrière. Très bien !

SITUATION FINANCIÈRE DE LA CNRACL

M. le président. La parole est à M. Domeizel, auteur de la question n° 1140, adressée à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité.
M. Claude Domeizel. Madame la ministre, je souhaitais interroger Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité, mais je ne doute pas que vous pourrez répondre - favorablement, je l'espère - à ma question, qui est relative à la situation financière de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, la CNRACL.
Malgré une très bonne situation démographique et des entrées de cotisations supérieures au montant des prestations à servir - 70,1 milliards de francs contre 53,7 milliards de francs en 2002 - la CNRACL a vu disparaître ses réserves en 2000 et s'enfonce désormais dans le déficit, en raison du montant exorbitant des charges qui lui sont imputées pour équilibrer, dans le cadre des compensations, les régimes en déficit.
Ce déficit s'élevait ainsi à 212 millions de francs à la fin de 2000, à 465 millions de francs à la fin de 2001 et il est estimé à 1 265 millions de francs pour la fin de 2002.
Le résultat paradoxal de cette situation est que l'on transforme un régime normalement excédentaire en un régime déficitaire, laissant ainsi accréditer l'idée qu'il serait mal géré : un comble pour un régime dont les coûts de gestion sont exemplaires et qui doit s'endetter pour équilibrer les autres régimes !
Si aucune mesure de sauvegarde n'est prise rapidement afin de limiter de manière significative les ponctions exercées au titre des compensations, le régime de retraite par répartition des agents des collectivités territoriales et des hôpitaux se trouvera confronté à une détérioration profonde et irréversible de ses comptes.
M. Raymond Courrière. Très bien !
M. Claude Domeizel. En 1999, pour rétablir l'équilibre financier de la CNRACL, le gouvernement de Lionel Jospin a décidé d'augmenter de 0,5 % la contribution patronale pour 2000 et 2001 et d'abaisser parallèlement le taux de recouvrement de la surcompensation de 4 % en 2000 et 2001. Ce sont de bonnes mesures, mais elles sont encore insuffisantes.
Face à cette situation, je vous demande, madame la ministre, si le moment n'est pas venu pour les pouvoirs publics de prendre certaines dispositions.
Il faudrait, d'abord, réformer les mécanismes de compensation, notamment par la programmation d'un abaissement progressif du taux de recouvrement de la surcompensation - en commençant par une baisse de 4 % dès le 1er janvier 2001 - y compris à titre rétroactif.
Il faudrait, ensuite, opérer un rééquilibrage au moyen d'un mécanisme à deux volets : d'une part, l'alignement du taux de la cotisation d'assurance maladie appliqué aux collectivités locales - 11,50 % - sur celui qui est pratiqué par l'Etat - 9,70 % - et, d'autre part, le relèvement concomitant de 1,80 % de la cotisation vieillesse patronale auprès de la CNRACL. Cette opération, totalement neutre pour les budgets des collectivités locales, éloignerait les menaces à court terme qui pèsent sur la caisse de retraites.
Il faudrait, enfin, compenser l'exonération de la cotisation patronale pour la retraite sur les rémunérations des personnels employés en qualité de titulaire par les centres communaux d'action sociale, les CCAS.
Ces trois mesures, dont le produit total s'élève à un peu plus de 4,5 milliards de francs par an, permettraient à la CNRACL de sortir d'un déficit anormal et injustifié, déficit qui, selon les estimations, pourrait atteindre 11 milliards de francs en 2005 si rien n'est fait dès maintenant.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal, ministre déléguée à la famille, à l'enfance et aux personnes handicapées. Monsieur le sénateur, vous connaissez mieux que quiconque ici l'efficacité de la CNRACL, qui assure la gestion de la retraite des agents des collectivités locales et de leurs établissements publics administratifs et hospitaliers en procédant au recouvrement des cotisations de 1,7 million d'actifs et au versement de pensions à 460 000 bénéficiaires, ce qui représente, en 2001, des masses financières de 10,4 milliards d'euros pour les cotisations et de 7,7 milliards d'euros pour les prestations.
A ces charges s'ajoute la compensation démographique entre les régimes de retraite, laquelle transfère de la CNRACL à la collectivité des autres régimes de retraite 2,7 milliards d'euros en 2001. Le résultat de la CNRACL est donc proche de l'équilibre en 2001.
La bonne gestion de la caisse n'est bien évidemment pas mise en cause.
La réforme entamée en 1999, c'est-à-dire l'augmentation de un point de la cotisation patronale sur les deux années 2000 et 2001 et l'abaissement du taux de la surcompensation de huit points en deux ans, a d'ailleurs permis à la CNRACL de revenir à un niveau proche de l'équilibre en 2001.
J'ajoute cependant que les mesures gouvernementales, fort souhaitables, de revalorisation des faibles pensions, - augmentation de quatre points de l'indice nouveau majoré du minimum garanti au 1er décembre 2000 et revalorisation du minimum garanti des pensions de cinq points au 1er mai 2001 et de trois points au 1er juillet 2001 - ont eu un effet financier dans l'autre sens.
S'agissant du futur équilibre des comptes de la CNRACL, le plafond de trésorerie de la caisse devrait être augmenté en 2002 par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 - dont l'examen commence aujourd'hui à l'Assemblée nationale - ce qui laisse des marges de manoeuvre avant de décider d'éventuelles mesures d'adaptation.
Je rappelle, en particulier, que la compensation a été instituée pour répondre aux différences d'équilibres démographiques des divers régimes de retraite. Le montant élevé que la CNRACL verse aujourd'hui aux autres régimes traduit, en fait, sa vitalité démographique. Le conseil d'orientation des retraites doit d'ailleurs analyser dans son premier rapport, d'ici à la fin de l'année, le dispositif actuel de la compensation et proposer des améliorations du dispositif.
Pour conclure, l'équilibre financier de la CNRACL devrait, dans les trois années qui viennent, bénéficier largement de la montée en charge des créations d'emplois hospitaliers, qui atteindront 45 000 en trois ans.
Tels sont les éléments de réponse que Mme Guigou m'a demandé de vous transmettre.
M. Claude Domeizel. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Domeizel.
M. Claude Domeizel. Je vous remercie, madame la ministre, de cette réponse, même si elle ne me satisfait pas tout à fait.
Il est vrai que les créations d'emplois dont vous avez fait état seront effectives dès l'année prochaine dans les hôpitaux, ce qui devrait partiellement compenser la situation déficitaire de la CNRACL. Cependant, il serait souhaitable de trouver, dans les mois qui viennent, une solution permettant d'éviter le recours à l'emprunt, car il paraît tout à fait anormal que la caisse emprunte pour assurer la compensation en faveur des régimes déficitaires.

POLITIQUE DE DÉPISTAGE DU CANCER COLORECTAL

M. le président. La parole est à M. Picheral, auteur de la question n° 1146, adressée à M. le ministre délégué à la santé.
M. Jean-François Picheral. Madame la ministre, ce n'est pas seulement le sénateur, mais aussi le médecin qui vous interroge.
Les cliniciens, comme les chercheurs, portent un intérêt croissant au cancer colorectal, en raison non seulement de la fréquence et de la gravité de ce cancer mais aussi des progrès obtenus récemment dans les domaines de la recherche fondamentale et épidémiologique, permettant ainsi d'envisager une évolution à court terme favorable du traitement d'une telle pathologie.
A l'heure actuelle, deuxième cause de mortalité par cancer tous sexes confondus, le cancer colorectal, par sa fréquence élevée, doit faire l'objet d'un dépistage efficace. Son pronostic s'est amélioré au cours des vingt dernières années, les deux facteurs déterminants étant la baisse de la mortalité opératoire et, pour une part plus faible, un diagnostic plus précoce. Il semble donc que ce soit sur ce dernier point que les efforts doivent désormais se porter.
A la différence d'autres cancers, celui qui touche le colon et le rectum est habituellement précédé, pendant de nombreuses années, d'une tumeur qui n'est que bénigne, l'adénome. Ces lésions bénignes précancéreuses aisément identifiables permettent donc d'envisager une stratégie de prévention primaire et secondaire rapides. Par ailleurs, ces traitements efficaces au stade initial offrent des conditions parfaites à son dépistage sur la population à risque.
Recommandé par l'Organisation mondiale de la santé, l'hémoccult, seul test de dépistage à avoir été pour l'heure largement évalué sur des échantillons de population, s'adresse aux personnes âgées de cinquante à soixante-quatorze ans. Caractérisé non seulement par la facilité de sa réalisation et par son coût peu élevé, mais aussi par l'absence de risque pour les personnes dépistées, son efficacité semble ne plus faire de doute dans les milieux médicaux. De nombreux tests de recherche d'un saignement occulte dans les selles sont par ailleurs à l'étude.
Bien évidemment, comme les autres cancers, les cancers colorectaux nécessitent une prise en charge pluridisciplinaire, seul moyen de garantir ainsi un traitement adapté. Aussi la mise en place progressive de réseaux de soins, qui seule pourra permettre d'atteindre cet objectif, se devra-t-elle d'inclure des unités de concertation pluridisciplinaire.
L'implication active - et donc une formation adaptée des médecins traitants mais aussi des médecins du travail - apparaît donc désormais comme une nécessité.
Face à ce constat encourageant, seule une politique de dépistage de masse paraît pouvoir faire évoluer ce grave problème que représente le cancer colorectal.
Devant la pertinence des données médicales actuelles, je demande donc à M. le ministre délégué à la santé de m'indiquer quelles dispositions seront envisagées dans un bref délai afin de donner une pleine efficacité à un programme de dépistage dont la validité scientifique a été, depuis longtemps, largement observée.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal, ministre déléguée à la famille, à l'enfance et aux personnes handicapées. Comme vous, monsieur le sénateur, M. Bernard Kouchner, ministre délégué à la santé, estime que le cancer colorectal constitue un véritable enjeu de santé publique et que le dépistage - et donc le diagnostic précoce - doit permettre de diminuer la mortalité due à ces cancers.
Ce dépistage est l'une des priorités du plan gouvernemental de lutte contre les cancers annoncé le 1er février 2000. Il concernera toutes les personnes âgées de cinquante à soixante-quatorze ans, qui seront invitées à effectuer tous les deux ans un test de détection. Ces tests seront remis par les médecins traitants - dont la participation est un élément essentiel - et la lecture des tests sera réalisée par un personnel formé selon des critères précis de qualité.
M. Bernard Kouchner insiste sur la responsabilité des pouvoirs publics quant à la qualité des services offerts à la population concernée par ces programmes.
En effet, pour être efficace, ce dépistage doit être réalisé dans le cadre d'un programme où la qualité technique des examens est associée à une organisation rigoureuse ; la participation de la population concernée doit donc être élevée et maintenue pendant toute la durée du programme, ainsi que l'implication des médecins traitants.
Si le dépistage peut apporter des bénéfices évidents pour certaines personnes, l'expérience a montré qu'il peut être également une source d'anxiété importante pour les personnes considérées à tort comme positives.
Il est donc nécessaire d'informer les professionnels et le public à la fois sur les bénéfices potentiels qui peuvent être tirés des tests de dépistage, mais aussi sur les risques éventuels de certains actes invasifs en cas de test positif.
C'est pourquoi il est indispensable de mettre en place un dispositif permettant l'implication des professionnels et la mobilisation de la population concernée.
Dès cette année, dix départements vont s'engager dans cette démarche et ce programme doit être généralisé d'ici à 2003. M. Bernard Kouchner tient à remercier l'ensemble des professionnels, médecins généralistes, pharmaciens, médecins spécialistes, qui se sont engagés à ses côtés dans cette action prioritaire de santé publique.
M. Jean-François Picheral. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Picheral.
M. Jean-François Picheral. Je me félicite de la réponse de Mme le ministre et du calendrier qu'elle nous a annoncé. Alors que les mesures qui avaient été prises en l'an 2000 tardaient à se mettre en place, il semble qu'aujourd'hui tout cela se concrétise.

RÉDUCTION DES HORAIRES
DE DISPONIBILITÉ DES PROFESSEURS DE SPORT

M. le président. La parole est à M. Souvet, auteur de la question n° 1128, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale.
M. Louis Souvet. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, le dossier que j'ai l'honneur d'exposer devant vous, s'il concerne le nord de la Franche-Comté, est aussi - et c'est là tout son intérêt pour notre assemblée - de portée nationale.
Si des moyens ont été retirés aux responsables de l'Union nationale du sport scolaire, l'UNSS du district de Belfort-Montbéliard, ce n'est pas dû aux projets liés à l'apprentissage des langues dans le primaire ou au renforcement des effectifs dans tel ou tel secteur, voire à d'autres projets pédagogiques visant, par exemple, la mise en place, au lycée, des technologies de l'information et de la communication, c'est parce que le ministère ne dispose pas des dotations nécessaires.
De ce fait, comme le dit fort justement l'adage populaire, on déshabille Pierre pour habiller Paul, et, de la pédagogie, on glisse vers la démagogie.
Les coupes claires opérées au détriment des responsables de district de l'UNSS - je souligne qu'un tiers du quota d'heures dévolu aux délégués de district a été supprimé - prouvent de façon éclatante le peu de considération dont bénéficient le sport scolaire en général et l'UNSS en particulier.
Or, pour un enfant, une pratique sportive régulière permet d'épanouir sa personnalité, de trouver un équilibre, de développer son sens civique et son respect d'autrui.
A cela s'ajoutent les résultats plus que décevants de la France dans de nombreuses compétitions. Le succès récent des basketteuses au championnat d'Europe ne doit pas faire oublier les résultats de nos représentants aux championnats du monde d'athlétisme.
Toute discipline est importante dans le cursus scolaire. Les enseignants ne doivent pas s'y tromper, ils seront toujours in fine les perdants du principe « diviser pour régner ».
Prendre des initiatives, c'est bien. Se donner les moyens de les réaliser sans mettre en péril d'autres structures pédagogiques, c'est mieux.
J'insiste sur le fait que ce dossier est emblématique de la philosophie adoptée par le ministère de traitement des dossiers dans l'urgence. De nombreux chefs d'établissement sont priés de composer avec les moyens du bord et les rectorats, de gérer l'incurie qui leur est imposée par l'administration centrale.
La réponse à ce problème vous appartient, madame le ministre. Du rectorat, on peut simplement déplorer le florilège linguistique pour présenter la position officielle. Je vous laisse juges, mes chers collègues, de la réponse qui m'a été apportée : « Cette demande de révision de la coordination de l'UNSS est destinée à revenir plus près de la réalité du nombre d'enfants dont elle a à s'occuper. »
Madame le ministre, je ne peux évidemment me contenter d'une telle réponse. Les enseignants et les 21 000 collégiens et lycéens de la région espèrent une réponse concrète : l'engagement de rendre les moyens confisqués à l'UNSS.
Je terminerai mon propos en insistant sur le fait que, à l'heure où est prôné l'aménagement du territoire, ce serait l'occasion de mettre en conformité discours et réalisation. En effet, dans certains secteurs ruraux, l'UNSS représente la seule structure à la disposition des jeunes.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal, ministre déléguée à la famille, à l'enfance et aux personnes handicapées. Monsieur le sénateur, M. le ministre de l'éducation nationale m'a chargée de vous dire que les résultats obtenus lors de la dernière compétition internationale à laquelle l'UNSS a participé, la gymnaside, organisée à Shanghaï, a donné de bons résultats. Les vingt athlètes engagés ont en effet obtenu dix médailles d'or, une médaille d'argent et sept médailles de bronze.
Une solution peut résider dans l'amélioration du sport scolaire pratiqué dans le cadre de l'Union nationale du sport scolaire. Mais l'importance qu'il revêt dans la formation des élèves va évidemment bien au-delà.
Après avoir organisé pendant l'année scolaire 2000-2001 une large consultation nationale sur le sport scolaire, un rapport vient d'être remis. Ses propositions devraient améliorer, malgré tout, la situation.
Cette consultation a mis en évidence que, dans le premier degré, l'implantation de l'Union sportive de l'enseignement du premier degré, l'USEP, est insuffisante, mais l'organisation du sport scolaire à ce niveau d'enseignement est fondée sur le volontariat des équipes des écoles. En outre, cette faible implantation est aussi liée au déficit d'enseignement de l'éducation physique et sportive.
Par ailleurs, on constate une confusion entre l'USEP et l'EPS. Il faut donc rétablir la distinction entre l'EPS, discipline d'enseignement obligatoire qui s'adresse à tous les élèves, et les activités sportives volontaires organisées par l'USEP, qui se déroulent en dehors du temps scolaire.
Dans le second degré, les préconisations présentées par ce rapport sont, comme le ministre de l'éducation nationale le souhaite, de nature à donner un développement supplémentaire au sport scolaire mis en oeuvre par l'Union nationale du sport scolaire.
Elles visent à modifier l'offre de formation afin que les programmes d'activités proposés soient établis après une consultation des élèves, leur permettant d'exprimer leurs souhaits d'activités pour l'année scolaire.
Dans bien des établissements scolaires, vous le savez, les activités sont imposées aux élèves. Ces derniers n'ont pas vraiment le choix. Cela explique la faible fréquentation des activités de l'Union nationale du sport scolaire.
Les préconisations de ce rapport ont également pour perspective de favoriser la participation à la vie de l'association sportive et de développer l'apprentissage de la citoyenneté.
Enfin, un comité de suivi prépare actuellement les mesures concrètes quant à la mise en oeuvre de ce rapport qui ne remet nullement en cause le forfait de trois heures réservé à l'association sportive et inclus dans les obligations de service des professeurs d'éducation physique et sportive. Cela méritait d'être rappelé du fait de l'hétérogénéité d'application de cette obligation sur le territoire.
M. Louis Souvet. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Souvet.
M. Louis Souvet. Je vous remercie de votre réponse, madame le ministre. Personne ne confond l'EPS et l'USEP.
La ville dont je suis maire accueille chaque année des compétitions intéressantes et importantes organisées par l'UNSS, grâce à l'activité des professeurs. Mais ces derniers se plaignent très amèrement du manque de moyens dont ils disposent.
Vous nous avez dit, madame le ministre, que l'UNSS a obtenu de bons résultats à Shanghai. C'est exact et j'en suis heureux. J'ai d'ailleurs suivi cette manifestation avec intérêt. Cela dit, au plan international, nous n'avons pas beaucoup de fierté à tirer des résultats que nous avons obtenus dans des compétitions de plus haut niveau.
Vous indiquez qu'à l'issue d'une large consultation nationale un rapport a été rédigé pour améliorer la situation. J'espère beaucoup de ce rapport.

SITUATION DANS LES IUFM

M. le président. La parole est à Mme Luc, auteur de la question n° 1142, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale.
Mme Hélène Luc. Monsieur le président, permettez-moi de vous féliciter à l'occasion de votre nomination à ce poste.
Madame la ministre, il y a tout juste dix ans, étaient créés les instituts universitaire de formation des maîtres. Avec l'ensemble de la communauté éducative, je peux témoigner, pour m'être impliquée comme parlementaire dans l'élaboration de la loi d'orientation de 1989 et comme actrice « sur le terrain » avec la création de l'IUFM de Bonneuil, dans le Val-de-Marne, des progrès importants que cette réforme a générés pour la formation des enseignants des premier et deuxième degrés.
Aujourd'hui, des adaptations et des transformations sont indispensables au regard des besoins nouveaux et très importants de recrutement et en termes qualitatifs dans la préparation à un métier délicat soumis à des changements, à des attentes, à des environnements en mutation incessante.
Dans le temps de parole qui m'est impartie, je dois me limiter à vous interroger sur deux points, madame la ministre : l'urgence de réactiver les prérecrutements et les incitations pour y parvenir, ainsi que la situation du site de l'IUFM de Créteil à Bonneuil-sur-Marne, dont les locaux ne sont pas achevés et qui manque de moyens humains.
En raison des départs en retraite, la moitié du corps enseignant devra être renouvelé dans les dix ans à venir. En effet, 165 000 postes seront inscrits aux concours des cinq prochaines années.
En décidant un plan pluriannuel de recrutement, comme nous l'avions inscrit dans la loi d'orientation de 1989, le Gouvernement garantit, enfin, une programmation intéressante, même si des inquiétudes subsistent quant au nombre de postes ouverts au concours.
Sans vouloir faire preuve d'un pessimisme particulier - mais l'angélisme ne me paraît pas non plus être de mise tant les situations sont inégales et évolutives ! - « le spectre d'une crise des vocations », selon la formule appuyée d'un journal du soir, pourrait cependant compromettre la réalisation du programme pluriannuel.
Les dispositions que M. le ministre de l'éducation nationale a annoncées, notamment sur la formation et les calendriers des concours, sur l'accompagnement des stagiaires et la réforme des IUFM, sont porteuses d'améliorations. Mais, n'y a-t-il pas lieu, madame la ministre, pour stimuler de manière significative et dans la durée, les vocations, de rétablir les prérecrutements, en prévoyant une allocation, à l'instar de ce qui se passait dans les anciens instituts de préparation aux enseignements de second degré ? Une telle mesure, que je suggère vivement et que j'avais déjà évoquée à l'occasion de la discussion du budget pour 2000, permettrait à la fois d'assurer un vivier suffisant de nouveaux enseignants et de diversifier, plus et mieux, les origines et les profils de ceux-ci, ce qui, à terme, aurait des conséquences positives sur l'ensemble du système éducatif.
Concernant l'IUFM de l'académie de Créteil, qui s'est installé dans l'ancienne école normale, la question des locaux est cruciale, car ils sont inadaptés. Or il faudra accueillir un nombre croissant de stagiaires du fait des besoins nouveaux de cette académie.
C'est le cas pour la formation des professeurs des écoles, dont certains d'entre eux devraient être hébergés à Saint-Maur, ce qui serait une solution de fortune.
Quant aux professeurs du secondaire, ils ne disposent toujours pas d'un site spécifique. L'éparpillement et la dispersion sont la règle depuis le début.
Il faut achever les locaux nécessaires pour cet IUFM. Je vous demande donc, madame la ministre, de bien vouloir me faire part des engagements du ministre de l'éducation nationale s'agissant de cet établissement.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal, ministre déléguée à la famille, à l'enfance et aux personnes handicapées. Vous avez évoqué, madame la sénatrice, un manque de moyens dans les IUFM. M. Jack Lang me prie de vous préciser que, dès cette année, il a demandé aux recteurs de mettre à la disposition des IUFM quatre-vingt-deux postes de professeur des écoles et une centaine de postes de professeur du second degré. A la rentrée 2002, cent postes supplémentaires seront affectés aux IUFM. Parallèlement, une réflexion est menée sur le système actuel des allocations d'études : une enquête sera réalisée pour mesurer l'efficacité d'un tel dispositif.
Par ailleurs, que le nombre des candidats aux concours de recrutement soit un peu moins élevé ne signifie pas pour autant qu'il y ait une crise de recrutement. Le nombre d'inscrits aux concours par poste à pourvoir a très légèrement baissé, mais tous les postes du premier degré et du second degré sont pourvus, alors qu'il n'y avait que 89 % de postes pourvus les années précédentes.
Néanmoins, il ne faut pas oublier que le nombre de candidats aux concours reste encore important, puisqu'il est, dans certaines disciplines, de dix inscrits pour un poste. Cette proportion constitue sans doute un gage de qualité, mais elle est coûteuse sur le plan humain, car neuf candidats sur dix voulant devenir enseignants sont « recalés ».
Compte tenu de l'augmentation des besoins dans les années à venir, on peut considérer que l'on se dirige vers une situation où l'on compte de quatre à cinq candidats par poste, toutes disciplines confondues, ce qui est tout à fait convenable. Pour les académies déficitaires en candidatures pour les concours de professeur des écoles, M. le ministre de l'éducation nationale a souhaité que l'on organise désormais les concours à des dates différentes, afin de donner plus de chances aux étudiants qui veulent vraiment devenir enseignants. Ainsi, par exemple, les candidats de Grenoble ou de Bordeaux pourront se présenter dans l'académie de Créteil.
On dit souvent que le métier d'enseignant est de moins en moins attractif. Or les enquêtes prouvent au contraire qu'il y a toujours autant de jeunes souhaitant devenir enseignants. En outre, une enquête récente montre que, au bout d'un an, 80 % des enseignants expriment leur satisfaction d'avoir choisi ce métier.
La réforme des IUFM qui a été entreprise est d'ailleurs destinée à rendre le métier d'enseignant plus attractif, grâce à une rénovation de leur formation et au dispositif d'accompagnement des nouveaux professeurs, qui bénéficient de temps de formation complémentaire. Ces derniers se trouvent ainsi mieux accompagnés dès leurs premiers contacts avec une classe. Dès cette année, ce dispositif est expérimenté dans les académies de Créteil et de Versailles : il sera étendu progressivement à toutes les académies. Vous savez également, madame la sénatrice, que dans les zones d'éducation prioritaires un nouveau dispositif permet à des équipes structurées de demander une affectation collective dans un même établissement scolaire.
Mme Hélène Luc. Je demande la parole.
M. le président. La parole et à Mme Luc.
Mme Hélène Luc. Je voudrais réagir brièvement à vos propos, madame la ministre.
Je vous remercie de votre réponse, mais je constate que vous ne dites rien sur les problèmes de l'agrandissement de l'IUFM de Créteil. Je pense que nous saisirons à nouveau le ministre de l'éducation nationale sur ce sujet.
Vous me confirmez un certain nombre d'engagements pris en faveur des IUFM en vue de palier d'éventuels déséquilibres entre l'offre de recrutement dans les années à venir et l'afflux nécessaire de candidats.
Je partage pleinement votre préoccupation de maintenir une qualité affirmée dans le recrutement et la nécessité de toujours mieux préparer les futurs enseignants à leur mission, dans des conditions qui peuvent parfois être périlleuses ; la région parisienne en est hélas ! trop souvent l'illustration.
Je ne veux pas, moi non plus, céder au catastrophisme. C'est pourquoi j'ai à coeur que soit relevé ce défi du renouvellement et de la formation des enseignants. Il y a des foyers d'incertitude et d'inquiétude ; il y a des secteurs où, manifestement, il faudra faire preuve de volontarisme et prendre des mesures encore plus spécifiques.
C'est pourquoi je réitère fortement ma proposition d'étudier la mise en oeuvre d'une politique de prérecrutement, avec le rétablissement de bourses ou d'allocations destinées aux étudiants motivés, j'y insiste, et ayant besoin de soutien financier. Mais nous pourrons en rediscuter lors de l'examen du projet budget pour 2002.
Quant à l'IUFM de Créteil et à la nécessité de parachever ses implantations, je demande à M. le ministre de l'éducation nationale d'engager avec tous les intéressés une concertation permettant de définir les solutions et de les programmer dans le temps.
Mme Ségolène Royal, ministre déléguée. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Ségolène Royal, ministre déléguée. Madame la sénatrice, je transmettrai, bien sûr, votre réponse au ministre de l'éducation nationale. Mais je dois dire, à titre personnel, que l'idée de présélection des élèves pour soutenir leur engagement dans le métier d'enseignant est tout à fait excellente.
D'ailleurs, lorsque j'étais ministre en charge de l'enseignement scolaire, j'ai créé, vous le savez, des bourses du mérite pour les bons élèves en classe de troisième...
Mme Hélène Luc. Absolument !
Mme Ségolène Royal, ministre déléguée. ... afin de leur permettre ensuite d'accéder à un encadrement éducatif, à des internats et de se projeter dans ce métier d'enseignant.
Mme Hélène Luc. Cela se pratique d'ailleurs dans l'enseignement professionnel !
Mme Ségolène Royal, ministre déléguée. Tout à fait ! En effet, ces élèves n'ont pas forcément nourri cette ambition ou n'ont pas eu la chance d'avoir des parents qui pouvaient les projeter vers ce métier d'enseignant. Je pense qu'il y a là un blocage psychologique à surmonter pour que d'excellents élèves, issus, de surcroît, de familles modestes, puissent s'orienter vers ce métier d'enseignant et bénéficier de dispositifs d'accompagnement et de présélection dès la sortie du collège.

ASSOUPLISSEMENT DES RÈGLES
RELATIVES AU CONTRÔLE
DES BATEAUX À PASSAGERS

M. le président. La parole est à M. Hérisson, auteur de la question n° 1097, adressée à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.
M. Pierre Hérisson. Le syndicat intercommunal du lac d'Annecy, syndicat mixte, est bénéficiaire, de la part de l'Etat, d'une concession d'outillage public en date du 20 janvier 1989 pour une durée de quarante ans. Cette concession relative aux équipements du slip-way de Sévrier et de ses annexes est justifiée par la nécessité de préserver les eaux du lac d'Annecy de toute pollution et d'assurer la pérennité de la circulation des bateaux à passagers à des fins à la fois touristiques et de transport public de voyageurs.
A ce titre, le syndicat intercommunal du lac d'Annecy exploite, dans le cadre de la concession, un équipement permettant de sortir de l'eau des bateaux à passagers, en vue de leur entretien et de leur contrôle par leur propriétaire, mais également par les organismes de contrôle, puis de remettre à l'eau ces bateaux.
Les contraintes diverses liées au fonctionnement de cet équipement - état de vétusté, besoin de souplesse dans son utilisation, utilisation d'ailleurs relativement peu fréquente puisque les contrôles s'effectuent tous les cinq ans - au regard de la réglementation applicable aux contrôles périodiques des bateaux à passagers, sont de plus en plus grandes, surtout en considération des récentes évolutions technologiques autorisant désormais de procéder aux contrôles d'étanchéité, de l'arbre d'hélice, par exemple, sans la mise à sec systématique des bateaux qui représente une opération lourde et coûteuse nécessitant des équipements et des immobilisations importants. Par ailleurs, les risques de corrosion sont bien moindres en eau douce qu'en milieu marin.
Aussi, le Gouvernement envisage-t-il de faire évoluer les dispositions réglementaires, afin de mieux prendre en compte ces caractéristiques et d'assouplir les règles actuellement applicables aux contrôles des bateaux à passagers, facilitant ainsi le recours aux contrôles sous-lacustres par plongeurs ou par procédé d'investigation technique sans mise à sec obligatoire des bateaux et, bien sûr, sans les conséquences de la remise à l'eau, qui serait de ce fait supprimée ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat à l'économie solidaire. Monsieur le sénateur, permettez-moi tout d'abord de vous transmettre les excuses de M. Gayssot qui, accompagnant le Premier ministre en Russie, m'a demandé de vous communiquer la réponse qu'il a préparée.
La réglementation à laquelle doivent répondre les bateaux à passagers de navigation intérieure tient naturellement compte du milieu concerné et se distingue déjà des règles applicables en milieu marin.
Le décret du 2 septembre 1970 relatif à la sécurité des bateaux à passagers non soumis à la réglementation maritime prévoit que la coque de ces bateaux doit être soumise à une visite complète à sec au moins tous les cinq ans si elle est de construction métallique et au moins tous les deux ans si elle est de construction non métallique, par exemple si la coque est en bois ou en béton.
Le renouvellement du permis de navigation d'un bateau est conditionnée au respect de cette obligation.
L'objectif de la sortie en cale sèche du bateau est de procéder à une inspection complète de l'état de la coque et de sa structure, en particulier l'épaisseur de la coque, mais aussi l'état des soudures, des rivets et des sorties d'eau, ainsi que la présence d'éventuelles fissures. Il ne peut être procédé à une telle inspection sur un bateau en eau, malgré l'évolution des techniques.
Etant donné l'importance de ces visites pour la sécurité, le ministre des transports n'envisage pas de prévoir une visite en eau des coques de ces bateaux, même si des expertises de l'état de la coque sont déjà autorisées, dans des conditions très restrictives, uniquement pour les coques en béton de certains établissements flottants, qui ne naviguent pas.
Affaiblir aujourd'hui les règles de sécurité irait à l'encontre d'une exigence de plus en plus forte en la matière. Si un sinistre survenait demain, imaginez les reproches qui nous seraient adressés si nous avions assoupli la réglementation en ce domaine.
M. Pierre Hérisson. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Hérisson.
M. Pierre Hérisson. Monsieur le secrétaire d'Etat, la réponse que vous avez apportée à ma question n'est pas satisfaisante, loin s'en faut ! En effet, vous vous êtes contenté de procéder au rappel du règlement, des circonstances et de la situation existante. Je renouvellerai donc ma demande.
A l'heure actuelle, les moyens d'investigation technologiques sont bien plus fiables que les examens visuels qui remontent, pour l'essentiel, s'agissant de la navigation sur les plans d'eau intérieurs, à l'époque de la traction à vapeur.
Il serait tout de même intéressant aujourd'hui, en termes non seulement de coûts, mais aussi et surtout d'efficacité, de renforcer les moyens de contrôle en utilisant les techniques modernes. Celles-ci permettent, par exemple, de mesurer de manière tout à fait fiable et beaucoup plus précise l'épaisseur de la coque, vérifier de l'étanchéité de l'arbre de transmission de l'hélice et d'assurer un contrôle de la pression. Ces contrôles ont beaucoup plus d'intérêt avec un bateau à l'eau qu'avec un bateau en cale sèche.
Au lac d'Annecy, mais également en ce qui concerne l'essentiel des plans d'eau intérieurs, la quasi-totalité des équipements nécessaires à la mise en cale sèche des bateaux sur les plans d'eau intérieurs date de la fin du xixe siècle ou du début du xxe. C'est l'utilisation de ces équipements qui posent le problème de la sécurité. Or nous ne pouvons pas demander aujourd'hui aux transporteurs, qui, pour l'essentiel, sont de petites compagnies, voire des entreprises familiales, d'engager des investissements importants pour un équipement qui, malheureusement, ne sert parfois qu'une fois tous les cinq ans ou, parce qu'il existe encore quelques bateaux en bois, tous les deux ans.
Il y a donc un décalage entre les moyens mis à disposition, les choix opérés en matière de contrôle technique et le fait que nous sommes au xxie siècle et que nous y avons mesuré une coque, étudié les problèmes d'étanchéité avec des moyens beaucoup plus fiables qu'un simple examen visuel.

CONVENTIONS SNCF - RÉGIONS DANS LE CADRE DE LA RÉGIONALISATION DU TRANSPORT FERROVIAIRE

M. le président. La parole est à M. Haenel, auteur de la question n° 1133, adressée à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.
M. Hubert Haenel. Ma question concerne les futures conventions SNCF-régions qui seront signées dans le cadre de la régionalisation du transport ferroviaire en application de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains.
Monsieur le secrétaire d'Etat, permettez-moi tout d'abord de souligner l'heureuse coïncidence qui nous permet de nous retrouver aujourd'hui puisque vous faisiez partie de groupe de travail que nous avions mis en place, voilà sept ans, pour lancer cette expérimentation.
Je souhaite attirer l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, qui généralise la régionalisation du transport ferroviaire de voyageurs et fait des régions des autorités organisatrices de transport à part entière à partir du 1er janvier 2002. A cette fin, l'article 129 du la loi SRU prévoit que les régions passent avec la SNCF des conventions qui fixent les conditions d'exploitation et de financement des services ferroviaires relevant de la compétence régionale.
Ce qui m'a conduit à poser cette question, c'est le retard apporté à l'adoption de ces conventions ou encore l'absence d'accord. En effet, le décret d'application a pris un retard important et inquiétant : il était annoncé pour le courant de l'été. Or la section des travaux publics du Conseil d'Etat n'a toujours pas donné son avis.
Par ailleurs, j'ai également pu constater, au cours des différentes discussions que nous avons eues au sein du conseil d'administration de la SNCF, la complexité du dispositif mis en place, ce qui conduit à certaines hésitations, voire à certaines contradictions entre les différents services de l'Etat.
Quelles dispositions le ministre de l'équipement, des transports et du logement, envisage-t-il de prendre pour mettre en oeuvre, le cas échéant, les dispositions de l'article 130 aux termes desquelles il est inséré, après l'article L. 1612-15 du code général des collectivités territoriales, un article L. 1612-15-1 ainsi rédigé : « En cas d'absence de convention visée à l'article 21-4 de la loi n° 82-1153 di 30 décembre 1982 précitée, le préfet de région peut mettre en oeuvre, dans les conditions de l'article L. 1612-15, une procédure d'inscription d'office au budget de la région, au bénéfice de la Société nationale des chemins de fer français dans la limite de la part de la compensation visée au quatrième alinéa de l'article L. 1614-8-1. »
Quelle serait, par ailleurs, la situation des relations entre la SNCF et le conseil régional entre le 1er janvier 2002 et l'aboutissement de la procédure d'inscription d'office ?
En un mot, monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, que se passera-t-il le 1er janvier 2002 si des conventions ne peuvent être signées du seul fait du retard pris dans la mise en place du dispositif réglementaire et financier d'application de la loi SRU ? Il serait regrettable que cette grande réforme en souffre et complique - pour ne pas employer un autre mot - les relations entre la Société nationale des chemins de fers français et les régions.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat à l'économie solidaire. J'ai plaisir à vous retrouver sur un sujet qui, a priori , ne devait pas m'amener à vous répondre, mais il se trouve que M. Gayssot est en déplacement avec le Premier ministre et qu'il m'a demandé de bien vouloir vous répondre à sa place.
Vous le savez, les dispositions de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, reprises dans l'article L. 1612-15-1 du code général des collectivités territoriales, permettent, en l'absence de convention entre la région et la SNCF, au préfet du département ou à toute personne y ayant intérêt, de saisir la chambre régionale des comptes, qui peut alors dresser une mise en demeure à la collectivité territoriale afin qu'elle inscrive à son budget les dépenses jugées obligatoires pour le fonctionnement du service public ferroviaire.
Si une telle mesure n'est pas suivie d'effet, le préfet peut mettre en oeuvre une procédure d'inscription d'office au budget de la région au bénéfice de la Société nationale des chemins de fers français, dans la limite de la part de la compensation correspondant à la contribution pour l'exploitation des services transférés.
Ainsi le service pourra-t-il être exploité de manière identique à l'année précédente sans préjudice financier pour la SNCF et, surtout, sans rupture de continuité pour les usagers.
Néanmoins, l'article L. 1612-15-1 n'a vocation à s'appliquer qu'aux cas où l'absence de convention traduirait des difficultés réelles entre les deux partenaires pour aboutir à un accord conventionnel et risquerait de perturber le service ferroviaire d'intérêt régional.
En cas de simple retard de signature, par exemple, du fait d'un calendrier très tendu, ou durant la période préalable à l'aboutissement de la procédure d'inscription d'office, la SNCF devra continuer d'assurer le service public ferroviaire, mission que lui confère la loi d'orientation des transports intérieurs, la LOTI, dans son article 18, et devra assurer la cohérence d'ensemble des services ferroviaires intérieurs sur le réseau ferré national.
Je conclurai par un mot sur l'état d'esprit du Gouvernement : il s'agit que tous les partenaires en présence s'attachent à ce que ce système de convention se mette en place dans les délais prévus. Il faut en effet assurer le succès de cette étape essentielle de la décentralisation, qui a été préparée de longue date. Vous le rappeliez vous-même, en effet, une commission ad hoc avait été créée il y a déjà maintenant sept ou huit ans et vous en conduisiez les travaux, tandis que j'exerçais quelque responsabilité dans l'une des six régions qui ont accepté d'entrer concrètement dans l'expérimentation.
Sans doute, les termes de la convention et la clarification des relations, y compris financières, je pense ici aux sommes que la région devra éventuellement mobiliser pour assurer pleinement sa nouvelle responsabilité - sont au coeur de la discussion aujourd'hui, et il incombe à chacun des partenaires d'avancer en toute transparence.
M. Hubert Haenel. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Haenel.
M. Hubert Haenel. Je remercie M. le secrétaire d'Etat des précisions qu'il vient de nous apporter en commentant le dispositif législatif.
Cela étant, je précise que mes craintes ne sont pas fondées sur le risque de désaccord. En cas de désaccord, en effet, on applique strictement la loi, dans sa lettre et dans son esprit. Je redoute plutôt les conséquences du retard, car, si le dispositif réglementaire et financier n'est pas en place, les régions n'y pourront rien, et la SNCF non plus.
Je souhaiterais, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous indiquiez à M. Gayssot qu'il convient de donner rapidement des instructions aux préfets et aux services des directions régionales de l'équipement, compétentes dans ce domaine, pour que tout se passe dans les meilleures conditions possibles, sans hésitation, sans ambiguïté. A défaut, on le sent bien, les relations risquent de se tendre non pas entre l'Etat et les régions, mais bien entre la SNCF et les régions, ce qui serait dommageable.

RÉALISATION DU TGV PERPIGNAN-BARCELONE

M. le président. La parole est à M. Delfau, auteur de la question n° 1154, adressée à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.
M. Gérard Delfau. Monsieur le secrétaire d'Etat, ma question s'adresse à M. Gayssot qui, je le sais, est retenu loin de notre pays, pour servir le pays.
Elle est volontairement datée du jeudi 11 octobre. Ce jour-là, les gouvernements français et espagnol ont scellé, à Perpignan, un accord pour le lancement du TGV Perpignan-Barcelone. C'est une grande date pour notre région, pour la France et pour l'Europe du Sud, à laquelle je suis particulièrement attaché.
Mais voilà, cette heureuse initiative souligne cruellement le retard pris dans la réalisation du tronçon TGV Nîmes-Montpellier : le début des travaux pourrait n'intervenir au mieux qu'en 2005. Encore faut-il régler quelques problèmes, notamment dans la commune de Mauguio, où, à la demande de la municipalité, le tracé du tronçon doit connaître un léger infléchissement.
Quant à la réalisation du chaînon manquant Montpellier-Perpignan, elle serait repoussée au-delà de 2015,...
M. Raymond Courrière. Trop tard !
M. Gérard Delfau. ... autant dire aux calendes grecques !
Si l'on ajoute à cela, question sur laquelle j'ai déjà interrogé M. Gayssot, que l'écoulement du fret ferroviaire dans notre région est au bout de l'asphyxie, alors que le tonnage des camions en provenance de l'Espagne sature l'autoroute A 9 et qu'il est difficile d'effectuer comme il le faudrait son doublement, on est en droit de s'interroger sur la pertinence de la décision prise lors du sommet de Perpignan dans la mesure où les pouvoirs publics n'annoncent pas dans le même temps une accélération de la réalisation du chaînon manquant.
Il est urgent que l'Etat, dont c'est la compétence, je le rappelle, s'exprime sur cette question. Sinon, à court terme, dans les cinq ou six ans, je le dis en pesant mes mots, nous risquons la thrombose de l'ensemble des infrastructures de transport de la région Languedoc-Roussillon.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat à l'économie solidaire. Monsieur le sénateur, en effet, à l'occasion du sommet franco-espagnol de Perpignan du 11 octobre dernier, les deux gouvernements se sont félicités des progrès considérables réalisés par les deux pays dans la réalisation de ce projet, notamment de l'avancement des procédures.
La déclaration d'utilité publique en France et la procédure équivalente en Espagne en sont des manifestations concrètes, tout comme la publication de l'appel à candidatures relatif à la concession de la section internationale.
L'ensemble des engagements pris au sommet de Santander en 2000 ont été tenus, et la réalisation de ce projet se présente maintenant dans les meilleures conditions.
Vous connaissez l'importance que revêtent pour nos deux pays la ligne nouvelle ferroviaire à grande vitesse, destinée au trafic de voyageurs et de marchandises, et la suppression de la rupture de charge à la frontière, qui va se traduire par des gains de performance importants entre la péninsule ibérique et le reste de l'Europe.
Ce projet s'inscrit dans la volonté du gouvernement français de donner au mode ferroviaire une place plus importante que celle qu'il occupe aujourd'hui, en particulier en matière de transport de marchandises. L'ensemble des décisions prises ces dernières années est là pour en témoigner.
Cependant, vous avez raison d'insister sur l'importance des projets encadrant la section internationale. C'est le sens de la décision prise par M. Jean-Claude Gayssot, le 13 mars 2000, par laquelle, outre le lancement de l'enquête publique de la partie française de la section internationale, il demandait à Réseau ferré de France, RFF, de prendre les dispositions nécessaires relatives à l'aménagement complet de l'axe languedocien entre Nîmes et la frontière espagnole.
Cela s'est traduit par les études d'avant-projet sommaire du contournement de Nîmes et de Montpellier, principalement dédié au fret, et les études d'aménagement de la ligne classique entre Montpellier et Perpignan.
Ces études ont donné lieu aux consultations habituelles des collectivités concernées, et le ministre compte prendre, d'ici à la fin de l'année, la décision d'approbation de l'avant-projet sommaire.
L'objectif est bien d'être capable, à l'horizon de l'ouverture de la section internationale, d'offrir, de la frontière espagnole à l'axe rhodanien, un axe ferroviaire très performant pour soutenir le fort développement du trafic ferroviaire attendu et apporter ainsi une réponse adaptée et durable à l'accroissement des flux routiers dans la région.
Cette opération est prioritaire pour l'Etat, en raison du potentiel de développement du Languedoc-Roussillon et de sa situation stratégique de carrefour d'échanges. C'est la raison pour laquelle M. Jean-Claude Gayssot a demandé et obtenu l'accélération des études et procédures et l'inscription de ces opérations dans les projets prioritaires de l'Union européenne.
Le Gouvernement prend ainsi toute sa place dans la réalisation de ces projets indispensables, en partenariat avec l'Union européenne, et regrette de ne pouvoir disposer, à ce stade, d'un engagement du conseil régional de Languedoc-Roussillon, contrairement à ce qui se pratique dans toutes les autres régions françaises concernées par des projets de cette nature.
M. Gérard Delfau. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau. J'ai bien entendu la réponse de M. Gayssot et je me réjouis qu'effectivement les études aient été, à son initiative, accélérées. Reste que des études ne font pas un budget pour des réalisations. Or, c'est cela qui intéresse les habitants du Languedoc-Roussillon.
Je réitère donc très courtoisement ma demande et souhaite, d'une part, que le Gouvernement s'exprime, dans un délai raisonnable, sur un calendrier et des financements concernant l'achèvement du chaînon manquant Nîmes-Montpellier, dans un premier temps ; d'autre part, et surtout, que le Gouvernement fixe un calendrier pour l'achèvement du tronçon qui, pour l'instant, reste totalement en pointillés, entre Montpellier et Perpignan.
J'ai bien entendu, par ailleurs, le constat peiné du ministre, qui regrette le silence des grandes collectivités territoriales. Sachez que je désapprouve ce silence et que je m'exprimerai une nouvelle fois en ce sens. Car, si les grandes collectivités territoriales doivent prendre leur place, il faut que toutes le fassent, toutes, c'est-à-dire le conseil régional, bien sûr, mais aussi, comme dans les autres régions, les conseils généraux et - pourquoi pas ? - la métropole régionale.

RÉORGANISATION DU DISPOSITIF
DE CIRCULATION AÉRIENNE

M. le président. La parole est à Mme Beaudeau, auteur de la question n° 1156, adressée à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Ma question porte sur le projet de réorganisation du dispositif de circulation aérienne en région parisienne proposé par la direction générale de l'aviation civile, la DGAC.
Pourquoi ce nouveau projet ? Si l'on se réfère au document présenté, il semble motivé par les inconvénients du dispositif actuel de circulation aérienne.
Premièrement, l'engorgement du trafic actuel est surtout situé dans la partie nord-ouest d'entrée en plate-forme parisienne, soit 40 % des arrivées.
Deuxièmement, les retards se généralisent et peuvent atteindre soixante minutes par vol, ce qui se traduit par un encombrement permanent du ciel francilien.
Troisièmement, des accumulations de vols, surtout dans les zones les plus urbanisées du Val-d'Oise et une partie de la Seine-Saint-Denis, posent des problèmes de sécurité.
Quatrièmement, il convient de rééquilibrer les deux doublets de pistes de Roissy, la proportion actuelle étant de 60 % et 40 %.
Cinquièmement, il convient de réduire de quatre-vingts kilomètres la trajectoire des avions en provenance du Sud-Ouest.
Telles sont les raisons avancées par la DGAC.
Autrement dit, et ADP le reconnaît, « Roissy est en limite de saturation », rejoignant en cela ce que nous affirmons. Sans attendre le trafic de 55 millions de passagers que l'on nous promet pour l'an prochain, le point de saturation est donc déjà atteint, et ce malgré la mise en service de la quatrième piste de l'aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle.
Le ciel est encombré, l'insécurité est plus grande. Et le volume de nuisances n'aurait pas encore atteint son paroxysme !
Le projet de réorganisation proposé, et non encore adopté - raison pour laquelle je pose cette question ce matin - répond-il à une exigence d'amélioration de l'écoulement du trafic et à une volonté de diminuer les nuisances pour les riverains ? Non, monsieur le secrétaire d'Etat, ce n'est pas seulement de régulation qu'il s'agit, mais plutôt d'augmentation du trafic.
Les auteurs du projet ne s'en cachent d'ailleurs pas, qui écrivent, dans le préamblule du projet : « Afin de maintenir un haut niveau de sécurité, la capacité de l'aéroport se trouve limitée, en pointe, par la capacité de l'espace aérien à un niveau voisin de cent vols par heure » - cent vols par heure, monsieur le secrétaire d'Etat -, « alors que l'objectif de capacité mentionné dans la déclaration d'utilité publique pour la construction des deux pistes supplémentaires était de cent vingt vols par heure. »
La philosophie du projet tient en ces termes.
Un quatrième point d'entrée pour l'aéroport Charles-de-Gaulle et une réorganisation des trajectoires permettront d'accroître le trafic de 20 %.
Ainsi donc, tout l'espace aérien sera quadrillé, sans un coin de ciel bleu, sauf pour les avions militaires.
Des régions nouvelles de Seine-Saint-Denis, de l'Essonne et de Seine-et-Marne seront désormais touchées. On pourra survoler Aubervilliers, Evry, Lisses, Courcouronnes, Bondoufle, Mennecy, la région de Sénart, la vallée de Montmorency, les régions de Sarcelles, Garges, Gonesse et Villiers-le-Bel verront croître des survols pourtant déjà intenses.
Le Journal officiel, édition des Lois et décrets du 23 octobre dernier comporte un décret qui précise le nombre de mouvements nocturnes pouvant être désormais atteints à Roissy : 288 de vingt-deux heures à six heures du matin. Leur pourcentage passera de 12 % à 20 %, puisqu'il s'agirait de 288 sur 1338 vols quotidiens.
Toutes ces mesures, monsieur le secrétaire d'Etat, ne sont ni raisonnables ni responsables ! Au sein de la commission consultative de l'environnement de Roissy, il ne s'est trouvé aucun élu, aucun représentant d'association pour approuver un tel projet, grave pour la vie et la sécurité de millions de riverains franciliens. Les seuls à s'être prononcés en sa faveur sont les représentants d'ADP et les compagnies aériennes.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je crois qu'il faut arrêter ce projet et en lancer sans attendre un autre. Fondé sur l'écoute, l'avis des élus et des associations de riverains, il permettrait, pour l'immédiat, et le plus long terme, d'aboutir à la construction d'un troisième aéroport.
L'urgence est d'autant plus grande que le seuil de tolérance des nuisances est atteint et que se développent actuellement d'autres conséquences concernant la santé et la pollution de l'air, qui n'avaient encore jamais été relevées officiellement jusqu'à maintenant.
Je prendrai un seul exemple. Les ingénieurs du réseau Airparif, qui surveillent la pollution en Ile-de-France, viennent de découvrir - et ils l'ont écrit - des niveaux de pollution dans la région du Bourget, de Montmorency, de Sarcelles et de Gonesse supérieurs de 60 % à la normale.
Le rapport sur la campagne d'analyse lancée le 20 septembre à Sarcelles et à Gonesse note un phénomène inquiétant : « Des bouffées d'air pollué colossales ont été mesurées proches du niveau d'alerte. » Nous sommes donc, monsieur le secrétaire d'Etat, loin des accords de Kyoto. Il faudra donc prévoir un renforcement de la sécurité, et un contrôle de la pollution et des nuisances pour le projet d'un nouveau couloir aérien.
Monsieur le secrétaire d'Etat, le Gouvernement va-t-il abandonner ce projet de réorganisation de couloir aérien ? Va-t-il enfin décider la création d'un nouvel aéroport ? Pourrions-nous savoir sur quel site et quand il sera mis en service ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat à l'économie solidaire. Madame la sénatrice, la réorganisation de la circulation aérienne en Ile-de-France constitue d'abord, et avant tout, un enjeu majeur de sécurité pour les vols au départ ou à destination des aéroports franciliens, ce qui, vous en conviendrez, est particulièrement important pour les populations survolées, pour les passagers et le personnel navigant.
Cette réorganisation répond également à la volonté de mieux respecter l'environnement des riverains des aéroports et, enfin, à l'objectif d'amélioration de la régularité des horaires des vols.
Pour que les décisions nécessaires soient correctement éclairées, M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement a demandé une expertise indépendante des différentes solutions possibles à l'agence Eurocontrol, organisme international compétent en matière de circulation aérienne.
M. le ministre a aussi souhaité qu'une large concertation ait lieu au sujet de cette réorganisation, afin que l'instruction de ce dossier soit réalisée dans la plus grande transparence.
Pendant neuf mois, de nombreuses réunions se sont déroulées au niveau de la région d'Ile-de-France. Le préfet de la région a présidé, à la demande du ministre, un comité de pilotage composé d'élus des huit départements d'Ile-de-France afin de définir le cahier des charges, de suivre l'étude menée par Eurocontrol et d'analyser les différentes solutions proposées.
Conformément à la loi, les commissions consultatives de l'environnement de Roissy et d'Orly ont été saisies pour avis. Celle d'Orly, qui est la plus concernée par ce projet de réorganisation de la circulation aérienne en Ile-de-France, a approuvé sans équivoque et à une très large majorité le projet qui lui a été soumis.
Celle de Roissy a émis un avis défavorable pour des raisons qui semblent davantage liées à la situation actuelle aux abords de Roissy et au dossier de la troisième plate-forme aéroportuaire internationale.
Comme cela est prévu par la loi, il appartient maintenant à l'Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaries, créée par le Parlement sur proposition du Gouvernement, de formuler un avis sur le projet de réorganisation. Elle devrait se prononcer dans les jours à venir.
C'est donc à partir de ces avis et des idées qui ont été exprimés tout au long des débats par les élus, les associations et les professionels, que M. Gayssot prendra prochainement sa décision.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le secrétaire d'Etat, j'ai tenté de vous démontrer ce matin que la proposition de la direction générale de l'aviation civile avait pour objectif, en fait, d'augmenter le nombre des rotations. Je comprends les raisons officielles qui touchent à la sécurité et aux différents mouvements d'avions.
Mais ce qui fonde ma question, c'est le passage désormais possible, à 120 mouvements d'avions par heure, conformément à la déclaration d'utilité publique. Entre les objectifs, les affirmations de la DGAC et la réalité, quelque chose ne va pas. Nous savons qu'un plus grand nombre d'avions survolera la région de Roissy.
Votre réponse le confirme, il sera encore possible d'accroître le nombre de vols sur Roissy et, plus grave encore, de vols nocturnes.
Vous ne m'avez rien dit du troisième aéroport. Je suis évidemment très inquiète. Voilà un an, l'idée d'un troisième aéroport était acceptée sans que nous connaissions le site. Aujourd'hui, nous en sommes au même point.
Je voulais vous dire, monsieur le secrétaire d'Etat - peut-être le savez-vous déjà - que les associations des riverains de Roissy et d'Orly ont décidé d'organiser une manifestation à Paris le 10 novembre. Or l'imprécision de votre réponse ne peut être qu'un facteur de mobilisation incitant de nouvelles associations, de nouvelles municipalités et, surtout, de nouveaux citoyens à y participer.

6

NOMINATION DE MEMBRES
D'ORGANISMES EXTRAPARLEMENTAIRES

M. le président. Je rappelle que les commissions des affaires culturelles, des affaires économiques et des finances ont proposé des candidatures pour plusieurs organismes extraparlementaires.
La présidence n'a reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par l'article 9 du règlement.
En conséquence, ces candidatures sont ratifiées et je proclame :
- M. François Gerbaud membre du comité de gestion (plates-formes aéroportuaires) du Fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien ;
- M. Yves Detraigne membre de la commission consultative pour la production de carburants de substitution ;
- M. Paul Raoult membre suppléant de la commission nationale des aides publiques aux entreprises ;
- MM. André Trillard et Charles Revet membres de la commission supérieure du Crédit maritime mutuel ;
- M. Christian Gaudin membre du conseil d'administration de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie ;
- M. Bruno Sido membre du Conseil d'orientation du comité interministériel de prévention des risques naturels majeurs ;
- M. Charles Revet membre du Conseil supérieur de l'établissement national des invalides de la marine ;
- et MM. Gérard Delfau, Georges Gruillot, Pierre Hérisson, Pierre Laffitte, René Trégouët, Pierre-Yvon Trémel et François Trucy membres de la commission supérieure du service public des postes et télécommunications.

7

COMMUNICATION

M. le président. Je rappelle qu'aujourd'hui à seize heures, nos collègues membres de la Haute Cour de justice et de la Cour de justice de la République sont appelés à prêter serment en séance publique.
Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.
La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures, sous la présidence de M. Bernard Angels.)

PRÉSIDENCE DE M. BERNARD ANGELS
vice-président

M. le président. La séance est reprise.

8

PRESTATION DE SERMENT DES JUGES
À LA HAUTE COUR DE JUSTICE

M. le président. Mme et MM. les juges titulaires à la Haute Cour de justice et MM. les juges suppléants à la Haute Cour de justice vont être appelés à prêter, devant le Sénat, le serment prévu par l'article 3 de l'ordonnance n° 59-1 du 2 janvier 1959 portant loi organique sur la Haute Cour de justice.
Je vais donner lecture de la formule du serment, telle qu'elle figure dans la loi organique. Il sera procédé ensuite à l'appel nominal de Mme et MM. les juges titulaires puis de MM. les juges suppléants. Je les prie de bien vouloir se lever à leur banc, lorsque leur nom sera appelé, et répondre, en levant la main droite, par les mots : « Je le jure .»
Voici la formule du serment : « Je jure et promets de bien et fidèlement remplir mes fonctions, de garder le secret des délibérations et des votes et de me conduire en tout comme digne et loyal magistrat. »
(Successivement, MM. Hubert Haenel, Lucien Lanier, Jean-Pierre Schosteck, Patrice Gélard, Jean-Pierre Cantegrit, Jean-Marie Poirier, Georges Othily, Roland Courteau et Mme Nicole Borvo, juges titulaires, et MM. François Trucy, Jean Faure, Roger Karoutchi et Claude Saunier, juges suppléants, se lèvent à l'appel de leur nom et disent, en levant la main droite : « Je le jure ».)
Acte est donné par le Sénat du serment qui vient d'être prêté devant lui.
MM. José Balarello, Jean-Louis Carrère, Michel Dreyfus-Schmidt, Jacques Peyrat et Jean-Marc Pastor, qui n'ont pu assister à la séance d'aujourd'hui, seront appelés ultérieurement à prêter serment devant le Sénat.

9

PRESTATION DE SERMENT DE JUGES
À LA COUR DE JUSTICE DE LA RÉPUBLIQUE

M. le président. MM. les juges titulaires et Mme et MM. les juges suppléants à la Cour de justice de la République vont être appelés à prêter devant le Sénat le serment prévu par l'article 2 de la loi organique n° 93-1252 du 23 novembre 1993 sur la Cour de justice de la République.
Je vais donner lecture de la formule de serment. Il sera ensuite procédé à l'appel nominal de MM. les juges titulaires puis à l'appel nominal de Mme et MM. les juges suppléants. Je les prie de bien vouloir se lever à l'appel de leur nom et de répondre, en levant la main droite, par les mots : « Je le jure ».
Le serment est ainsi formulé : « Je jure et promets de bien et fidèlement remplir mes fonctions, de garder le secret des délibérations et des votes et de me conduire en tout comme digne et loyal magistrat ».
(Successivement, MM. Hubert Haenel, Patrice Gélard, Jean-Jacques Hyest et Claude Saunier, juges titulaires, et MM. Lucien Lanier, François Trucy, Jean-Marie Poirier, Jean-François Picheral et Mme Josette Durrieu, juges suppléants, se lèvent à l'appel de leur nom et disent, en levant la main droite : « Je le jure ».)
Acte est donné par le Sénat du serment qui vient d'être prêté devant lui.
MM. José Balarello, Michel Dreyfus-Schmidt et René-Georges Laurin, qui n'ont pu assister à la séance d'aujourd'hui, seront appelés ultérieurement à prêter serment devant le Sénat.

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SCRUTINS POUR L'ÉLECTION
DE MEMBRES REPRÉSENTANT LA FRANCE
AU CONSEIL DE L'EUROPE
ET À L'UNION DE L'EUROPE OCCIDENTALE

M. le président. L'ordre du jour appelle les scrutins pour l'élection de six membres titulaires et de six membres suppléants représentant la France à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe et à l'Assemblée de l'Union de l'Europe occidentale.
En application des articles 2 et 3 de la loi n° 49-984 du 23 juillet 1949, la majorité absolue des votants est requise pour l'élection des titulaires et des suppléants.
Il va être procédé simultanément à ces deux scrutins qui auront lieu dans la salle des conférences, en application de l'article 61 du règlement.
Je prie Mme Annick Brocandé, secrétaire du Sénat, de bien vouloir surveiller les opérations de vote et de dépouillement.
Il va être procédé au tirage au sort de quatre scrutateurs titulaires et de deux scrutateurs suppléants qui se répartiront entre deux tables pour opérer le dépouillement des scrutins.

(Le tirage au sort a lieu.)
M. le président. Le sort a désigné :
Scrutateurs titulaires : MM. Gérard Le Cam, Jean-Paul Emin, Gérard Braun et Roland Courteau ;
Scrutateurs suppléants : Mme Monique Papon et M. Alain Dufaut.
Je déclare ouverts les scrutins pour l'élection de six membres titulaires et de six membres suppléants de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe et de l'Assemblée de l'Union de l'Europe occidentale.
Je vous indique que, pour être valables, les bulletins de vote ne doivent pas comporter, pour chacun des scrutins, plus de six noms, sous peine de nullité.
Les scrutins seront clos dans une heure.

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MUSÉES DE FRANCE
Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 323, 2000-2001), adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relatif aux musées de France [Rapport n° 5 (2001-2002).]
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, alors que nous engageons la discussion d'un texte important pour la culture et très attendu, je souhaite tout d'abord rendre hommage au travail qui a été accompli par votre commission et plus particulièrement à celui qu'a effectué son rapporteur, M. Philippe Richert. Dès fin juin, en effet, vous m'avez permis de m'exprimer devant votre commission et nous avons ainsi pu commencer à échanger nos points de vue dans un esprit de rapprochement dont je me réjouis.
L'institution muséale apparaît aujourd'hui comme un instrument privilégié de compréhension du monde. Elle constitue une référence indispensable à la réflexion sur la civilisation.
C'est là sans doute la raison de l'immense succès actuel de l'institution : en 2000, 50 millions de visiteurs se sont rendus dans nos musées, dont 15 millions dans les musées nationaux.
Les musées sont ainsi devenus des acteurs culturels, économiques et touristiques de premier plan, qui ont contribué à redessiner l'aménagement culturel du territoire.
L'importante mission historiquement assignée aux musées ne saurait demeurer plus longtemps régie par un texte provisoire de 1945 antérieur aux profondes mutations liées à la décentralisation et à l'évolution des pratiques culturelles des Français. Il faut un nouveau texte à l'appui de la politique que nous menons avec les musées.
Les priorités qui guident l'action muséale et qui seront confortées par le projet de loi qui vous est soumis peuvent être résumées dans les termes de « modernisation » et d'« innovation culturelle ».
Concernant la modernisation, je citerai en particulier le plan de soutien pluriannuel à l'informatisation et à la numérisation des collections, la mise en place d'une politique globale et cohérente de conservation préventive, ainsi qu'un renforcement de la déconcentration. Je citerai notamment le soutien spécifique de mon ministère aux grandes expositions reconnues d'intérêt national en régions.
Enfin, le soutien à l'enrichissement des collections et à l'investissement immobilier vient compléter la modernisation des musées.
Je souhaite rappeler les quatres objectifs principaux qui inspirent ce texte. Il s'agit, d'abord, d'intégrer et d'approfondir la logique de décentralisation. Il s'agit, ensuite, d'affirmer le rôle du musée comme instrument de développement et de démocratisation de la culture. Il s'agit, en outre, d'améliorer la protection des collections dont l'intérêt public aura été reconnu. Il s'agit, enfin, de fédérer les musées de France, dans le respect de leurs spécificités, autour de leurs missions communes au service de la société.
Le projet de loi qui vous est soumis est tout d'abord un texte décentralisateur, qui vise à respecter scrupuleusement la liberté d'organisation et la liberté de choix des personnes morales propriétaires des collections de musées : il précise pour la première fois la « règle du jeu » applicable aux relations entre l'Etat et les collectivités locales et limite, pour l'avenir, le contrôle technique de l'Etat aux seuls musées que leurs propriétaires auront souhaité soumettre au statut prévu par la loi. C'est dire que le contrôle de l'Etat trouve ainsi son fondement non seulement dans sa mission régalienne mais aussi dans un label et un statut librement demandés.
Dans le respect du principe de la libre administration des collectivités locales, le texte met en avant, plus encore que la notion de contrôle scientifique et technique, la mission de conseil qui incombera légalement à l'Etat, et il prévoit, à la seule exception de l'article 8, des procédures, non pas d'autorisation, mais de simples avis préalables.
Le texte s'inscrit aussi dans la dynamique de la loi sur la coopération intercommunale et offre des possibilités de cessions de biens entre personnes publiques.
Enfin, et c'est un point essentiel, la présence de représentants des collectivités territoriales au sein du « Conseil des musées de France » - ou d'un « Haut Conseil des musées » - renforcera la capacité des musées à s'insérer dans le cadre d'une politique culturelle équilibrée sur l'ensemble du territoire. Le Conseil des musées de France sera l'enceinte, qui fait aujourd'hui défaut, permettant d'organiser le nécessaire débat entre l'Etat et ses partenaires sur la définition et l'évaluation des stratégies nationales en matière de musées.
Le second objectif de ce texte est la démocratisation culturelle. L'affirmation des missions, non seulement patrimoniales, mais aussi d'éducation et de diffusion, acquiert ainsi force légale. L'obligation de mener une politique tarifaire conforme à ces objectifs est notamment prévue ; en revanche, les modalités en sont laissées, comme il se doit, à la libre appréciation de l'autorité compétente, l'Etat, pour sa part, s'obligeant par la loi à instaurer la gratuité pour les moins de dix-huit ans dans ses propres musées.
Troisième objectif, le projet de loi tend à améliorer la protection du patrimoine, en précisant notamment que les collections ne pourront être gérées et restaurées que par des professionnels qualifiés, et que les projets d'acquisitions et de restauration seront soumis à un avis préalable.
Mais la mesure essentielle pour la protection du patrimoine est la définition d'un régime d'inaliénabilité spécifique pour les collections des musées publics et la mise en oeuvre d'une logique, applicable à la fois aux musées publics et aux musées privés, que l'on pourrait qualifier d'affectation perpétuelle, non à un musée particulier, mais à l'ensemble formé par les « musées de France ».
Quant aux musées de droit privé qui accepteront de devenir « musée de France », le projet de loi organise pour la première fois dans notre droit la protection de leurs collections, dans les mêmes conditions que celles des musées publics, en leur conférant un caractère imprescriptible et insaisissable.
Enfin - c'est le quatrième objectif -, ce texte vise à fédérer sans uniformiser : il s'agit de définir le corpus de règles communes applicables à tous les musées de France - y compris, bien entendu, les musées nationaux, quel que soit leur ministère de tutelle - au-delà des différences statutaires ou thématiques. Ce corpus de règles communes respecte la liberté de choix des responsables et la spécificité des statuts et des collections, tout en permettant d'harmoniser ce qui doit l'être, de manière à mettre fin à des disparités injustifiées.
Le Conseil des musées de France sera l'organe fédérateur et décentralisateur essentiel dans le nouveau dispositif. Il rassemblera, en effet, à la fois les différentes familles thématiques de musées et les diverses catégories de responsables - parlementaires, élus locaux, professionnels de la conservation, de la restauration et de la diffusion culturelle - mais aussi les usagers et les associations d'amis.
Enfin, la loi crée un label clairement identifiable par le public : il s'agit de l'appellation « Musées de France » qui sera réservée aux musées reconnus par l'Etat à la demande des propriétaires de leurs collections.
Après le rappel des objectifs qui inspirent ce texte, je voudrais maintenant évoquer les sujets qui font le plus débat.
A cet égard, je traiterai d'abord du statut des oeuvres d'artistes vivants et du principe d'inaliénabilité des collections des musées de France : c'est, à mes yeux, un problème grave. L'amendement de l'Assemblée nationale, voté contre l'avis du Gouvernement, me paraît présenter un double risque sur lequel je souhaite appeler l'attention de la Haute Assemblée.
C'est tout d'abord un risque pour les collections, mais aussi, en dernière analyse, pour le public : des aliénations contestables, dictées par la mode ou par des choix momentanés, conduiraient à peu près sûrement dans l'avenir à un appauvrissement des collections difficilement réparable.
L'amendement de l'Assemblée nationale me paraît également constituer un risque pour la création contemporaine comme pour la déontologie qui a jusqu'ici présidé aux acquisitions : les musées pourraient en effet se trouver entraînés dans une spirale spéculative radicalement étrangère à leurs missions et être instrumentalisés dans leur politique d'achats et de cessions par les acteurs du marché de l'art.
Le caractère inaliénable des collections des musées de France ne doit souffrir aucune exception. Pour une aliénation qui ne s'avérerait pas dommageable, combien d'erreurs et de manipulations possibles, quelle soumission à l'évolution des modes et du goût des décideurs, et quel risque pour la pérennité de l'ensemble des collections des musées de France !
Le principe de l'inaliénabilité des collections des musées a été, grâce notamment à l'action persuasive de la France, inscrit parmi les règles déontologiques édictées par le Conseil international des musées, organisation intergouvernementale créée auprès de l'UNESCO, qui joue un rôle déterminant dans la diffusion des principes communs de conservation dans tous les pays du monde. La France ne saurait introduire, elle-même, une brèche dans un principe fondateur de la politique des musées.
Pour toutes ces raisons, les musées de France doivent rester dans un système de propriété inaliénable, tout en se montrant extrêmement sélectifs dans leur choix d'acquisition, que ce soit à titre onéreux ou gratuit.
J'en viens aux dispositions fiscales de ce texte.
Je sais que la Haute Assemblée, en particulier Yann Gaillard, est très attentive à cet aspect du marché de l'art. Le Gouvernement considère lui aussi que la question du financement de l'acquisition des oeuvres est très importante.
A l'Assemblée nationale, je n'ai pas été en mesure d'accepter la plupart des amendements déposés sur le volet fiscal et le financement des acquisitions de trésors nationaux. Ce n'était pas un refus de principe du Gouvernement, mais il y avait nécessité d'approfondir davantage une question fort complexe.
Le Gouvernement a donc souhaité examiner les dispositifs mis en oeuvre pour favoriser l'acquisition des trésors nationaux : il a ainsi confié une mission à l'Inspection générale des finances, laquelle a rendu ses conclusions voilà seulement quelques jours.
Je rappelle que l'Etat a la possibilité de retenir des biens culturels sur notre territoire pendant trente mois, en leur refusant le certificat d'exportation ; pendant ce délai, il doit trouver les moyens de les acquérir.
Au vu du rapport de l'Inspection générale des finances, le Gouvernement propose, pour enrichir le patrimoine en procédant à l'achat de trésors nationaux, une mesure fiscale exceptionnelle à destination des entreprises ; celles-ci pourront effectuer des dons pour participer, en tout ou partie, à l'achat de trésors nationaux, en contrepartie d'une réduction de leur impôt sur les sociétés égale à 90 % de cette contribution, dans la limite de 10 % de l'impôt dû.
Cette mesure fiscale exceptionnelle sera accompagnée par le ministère de la culture dans le projet de loi de finances pour 2002 avec une augmentation des sommes inscrites pour les achats de biens culturels et une dotation de 14,8 millions d'euros du fonds du patrimoine consacré à l'achat des trésors nationaux.
J'ai également demandé que la Réunion des musées nationaux affecte, avec une priorité plus marquée que ce n'est aujourd'hui le cas, le produit du droit d'entrée au profit des acquisitions.
Nos échanges permettront, j'en suis certaine, d'améliorer encore ce texte afin qu'il puisse aboutir le plus rapidement possible. C'est, je le crois, notre volonté commune. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Madame le ministre, je voudrais tout d'abord vous remercier d'avoir accepté de reporter cette discussion à la date d'aujourd'hui. En effet, nous avions à mon avis tous intérêt à ne pas précipiter l'examen de ce projet de loi dans la mesure où nous manquions les uns et les autres d'un certain nombre d'éléments. Le rapport de l'Inspection générale des finances, signé par M. Cerutti et déposé très récemment, nous était indispensable, d'une part, pour avoir une meilleure vue des incidences des mesures que nous pouvions imaginer et, d'autre part, pour permettre au Gouvernement de réagir sur ces dispositions.
Merci donc de votre compréhension, madame le rapporteur, moi-même et l'ensemble de la commission avons apprécié de disposer de quelques jours supplémentaires, lesquels n'ont d'ailleurs pas été inutiles au Gouvernement et au ministère de la culture lui-même.
Ce texte est important, avez-vous dit, madame le ministre. En effet, nous l'attendions depuis longtemps. Le projet de loi relatif aux musées de France, qui organise les relations entre l'Etat, les musées nationaux et les musées de province publics ou privés est un texte indispensable, à condition que les mesures qu'il propose correspondent, comme vous l'avez rappelé dans votre propos initial, non à une volonté de recentralisation, mais, au contraire, à une volonté affirmée de décentralisation. M. le rapporteur reviendra très largement sur ce point.
Cette volonté de décentralisation n'est imaginable que dans la mesure où nous disposons de moyens supplémentaires. En effet, comme vous le disiez, le volet à la fois financier et fiscal du projet de loi nous préoccupe. Si quelques propositions ont déjà été faites - vous-même, madame le ministre, en avez présenté très récemment, en déposant des amendements -, nous souhaiterions cependant aller plus loin : M. le rappporteur vous fera donc part des réflexions récentes - nous avons en effet encore travaillé ce matin - de la commission, réflexions qui ont été largement adoptées.
C'est donc dans la sérénité, mais avec une volonté d'organisation et de progrès, que nous avons travaillé. J'espère que nous trouverons à l'issue de ce débat les mesures qui sont indispensables pour que ce concept de « musées de France » puisse entrer très rapidement en vigueur. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Richert, rapporteur de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd'hui procède à la réforme maintes fois annoncée de l'ordonnance du 13 juillet 1945 portant organisation provisoire des musées des beaux-arts. Je ne pourrai, madame la ministre, que vous féliciter d'avoir fait enfin aboutir un texte que nous attendions depuis près de dix ans.
Toutefois, il est vraiment paradoxal que, après une genèse si laborieuse, le Gouvernement contraigne le Parlement à examiner ce projet de loi selon la procédure d'urgence. Il est tout à fait regrettable que nous ne puissions bénéficier de la navette pour améliorer un texte à bien des égards encore décevant.
En effet, ignorant tant l'engagement des collectivités territoriales pour la mise en valeur de leur patrimoine muséographique que la nécessité d'encourager le mécénat dans un domaine où il est encore insuffisamment développé, le projet de loi dans sa version originale, dirai-je, n'ouvre guère la voie à une modernisation de la gestion de nos musées. A ce titre, il ne répond pas à nos attentes.
Certes, madame la ministre, vous souhaitez « placer le public au coeur de la vocation des musées ». Fort bien ! Nous pensons comme vous que la mission d'un musée ne se limite pas à la conservation des collections.
Cependant, cette ambition n'est pas nouvelle, puisqu'elle figurait déjà dans l'exposé des motifs de l'ordonnance de 1945. Et à l'aune des progrès accomplis grâce aux investissements considérables consentis par l'Etat et les collectivités locales, l'objectif de démocratisation se traduit bien modestement dans les dispositions du projet de loi !
L'analyse de la commission peut sembler sévère, mais elle a été en partie partagée par l'Assemblée nationale, qui a souligné les nombreuses lacunes de la réforme proposée et a commencé le travail d'amélioration que la commission des affaires culturelles du Sénat nous invite à poursuivre.
Au-delà de l'affirmation de la mission de diffusion culturelle des musées, le projet de loi poursuit deux objectifs que j'analyserai successivement : d'une part, la redéfinition des rapports entre l'Etat et les musées, d'autre part, la création d'un statut des collections muséographiques.
Le projet de loi a pour ambition d'établir de nouvelles relations entre l'Etat et les musées. Mais nous constatons que, au prétexte de fédérer et de rééquilibrer ces relations - vous parliez, madame la ministre, d'« acte de décentralisation » -, il procède en réalité, selon notre analyse, à une forme de recentralisation.
Le projet de loi substitue à l'ordonnance du 13 juillet 1945 - ce texte avait certes vieilli, mais il constituait un modèle d'organisation somme toute assez souple -, un dispositif qui a pour principal conséquence de renforcer les prérogatives de l'Etat. Cette tentation jacobine, qui n'est pas absente d'autres domaines de la politique culturelle, ne se justifie au regard ni des acquis de la décentralisation ni des mutations qu'ont connues les musées depuis les années 1970.
Abrogeant les dispositions de l'ordonnance de 1945, il substitue aux deux catégories, musées classés et musées contrôlés, une appellation unique : « musée de France ». Ce statut aura vocation à s'appliquer à l'ensemble des institutions muséographiques dont les collections présentent un intérêt public certain.
L'article 3 prévoit que l'appellation « musée de France » est attribuée, à la demande du propriétaire des collections, par le ministre de la culture après avis d'une instance consultative nouvelle, le Conseil des musées de France.
Ce régime différerait donc de la logique de l'ordonnance de 1945, selon laquelle l'Etat définissait lui-même le champ de son contrôle. Cependant - c'est là un point important - la procédure prévue à l'article 3 n'aura vocation à s'appliquer qu'aux institutions qui, aujourd'hui, ne sont ni classées ni contrôlées ou qui seront créées après l'entrée en vigueur de la loi.
C'est l'article 14 qui réglera le sort des musées existants. En vertu des dispositions transitoires qu'il prévoit, l'ensemble des musées actuellement soumis au contrôle de l'Etat deviendront automatiquement « musées de France », les possibilités d'opposition - qui n'existent que pour les musées contrôlés - étant strictement encadrées.
Faut-il pour autant en conclure que le texte ne modifie pas le droit existant ?
Telle n'est pas notre analyse. En effet, l'appellation « musée de France » soumet les institutions à qui elle est attribuée à un contrôle de l'Etat plus contraignant que celui qui est prévu par l'ordonnance de 1945 et qui avait été largement écorné par les lois de décentralisation. Par ailleurs - notons-le - ce contrôle sera le même pour tous, quels que soient la richesse et le rayonnement des collections, puisque la différence entre musées classés et musées contrôlés disparaît.
De technique, le contrôle de l'Etat devient « scientifique et technique ». Le projet de loi reprend les dispositions de l'ordonnance de 1945 encore en vigueur : les compétences exigées des responsables scientifiques des musées seront définies par décret ; les acquisitions seront précédées d'un avis des services de l'Etat et les musées seront soumis à l'inspection de ces mêmes services.
Le projet de loi va au-delà : il encadre la gestion des musées par des mesures réglementaires concernant les règles de dépôt et de prêt, les compétences des professionnels auxquels seront confiées leurs restaurations, restaurations qui devront être précédées de l'avis des services de l'Etat, ou encore par des sujétions administratives telles que l'obligation de transmission d'informations statistiques relatives à leur fréquentation.
La création d'une nouvelle instance consultative, le Conseil des musées de France, placé auprès du ministre de la culture, dont l'objet est de fédérer « l'ensemble des différentes familles de musées », ne constitue pas un moyen de se prémunir contre les risques d'un renforcement des prérogatives de l'Etat. Le Conseil ne dispose pas, en effet, des moyens nécessaires pour affirmer son indépendance et son autorité.
Cette inspiration « recentralisatrice » n'a guère été atténuée par l'Assemblée nationale, il faut bien l'avouer.
Si elle répond à la préoccupation légitime d'adapter le statut proposé par la loi à la spécificité de chaque musée, la disposition introduite par l'Assemblée nationale visant à prévoir que les musées signent, après l'attribution de l'appellation, une convention avec l'Etat, risque de produire des effets contraires à ceux qui sont escomptés.
Elle impose aux musées une obligation de contracter alors que le label est en fait imposé, du moins pour ceux qui sont déjà classés et contrôlés ; elle les place donc dans une situation peu favorable à l'établissement de relations conventionnelles équilibrées.
Par ailleurs, ces conventions ne pourront pas écarter l'application des dispositions de la loi relatives au contrôle exercé par l'Etat, dispositions que, je le répète, l'Assemblée nationale n'a pas assouplies, au contraire !
Aux modalités de contrôle prévues par le projet de loi initial cette dernière en a, en effet, ajouté d'autres, certes guidées par le souci louable de donner aux musées les moyens nécessaires pour assumer leur mission de diffusion culturelle, mais qui se traduisent en pratique pour les musées par de nouvelles contraintes administratives. C'est le cas de l'extension du champ d'application de l'article 5 aux responsables des activités culturelles des musées, qui devront, comme les conservateurs, présenter des qualifications définies par décret, ou encore de l'obligation faite à chaque musée de disposer d'un service des publics, mesures qui, en elles-mêmes, ne sont pas de nature à remédier au manque de personnels ni, au demeurant, à garantir un élargissement des publics.
Méconnaissant donc les acquis de la décentralisation, le projet de loi ne favorise pas non plus une évolution du mode de gestion des collections.
Dans le souci d'en assurer la pérennité, il précise le régime applicable aux collections des musées de France en renforçant les garanties existantes telles qu'elles résultent des textes, pour les musées appartenant à des collectivités publiques, ou de la pratique administrative, pour les musées privées.
Il pose un principe d'inaliénabilité absolue des collections publiques, qui jusque-là étaient régies par les règles de droit commun de la domanialité publique.
On rappellera qu'en vertu de ces règles, un bien n'est inaliénable que pour autant qu'il soit affecté à l'usage du public ou à un service public, ce qui permet donc des déclassements. Ceux-ci ne seront plus possibles. Les collections se trouvent donc figées pour l'éternité : rien ne pourra en sortir.
S'agissant des collections privées, le projet de loi enserre leur gestion dans un cadre très strict. L'article 8 prévoit que leurs propriétaires ne pourront les céder qu'aux personnes publiques ou aux personnes morales de droit privé à but non lucratif qui se seront engagées au préalable à maintenir leur affectation au public.
Ces dispositions traduisent une conception très « conservatrice » - il n'y a rien de péjoratif dans ce mot - qui ne tient pas compte de la diversification des musées et qui, de surcroît, ferme toute possibilité d'évolution du mode de gestion des collections.
Qu'il s'agisse de la définition des relations entre l'Etat et les musées ou du statut des collections, nous constatons que le texte semble principalement guidé par le souci des services de restaurer une autorité mise à mal par les lois de décentralisation. S'appuyant sur une conception dépassée selon laquelle l'Etat est le seul gardien du patrimoine national, la réforme n'ouvre guère de perspectives pour l'avenir de nos musées.
A cet égard, je me félicite que l'Assemblée nationale ait complété le projet de loi par un ensemble de dispositions financières et fiscales destinées à favoriser l'enrichissement des collections muséographiques, en relançant le mécénat et en dégageant de nouvelles recettes fiscales pour l'acquisition des trésors nationaux, ce qui correspond à une nécessité soulignée à de nombreuses reprises par le Sénat.
Toutefois, au-delà de ces mesures qui, bien que perfectibles, vont dans le bon sens, le projet de loi qui nous est transmis conserve encore nombre des défauts du texte initial.
Les modifications proposées par la commission répondent à plusieurs préoccupations.
Ainsi, dans le souci de limiter les effets centralisateurs du projet de loi, nous proposons d'assouplir les modalités du contrôle exercé par l'Etat sur les musées ayant reçu l'appellation « musée de France ».
Afin d'éviter que les textes d'application ne retiennent une conception extensive du contrôle scientifique et technique de l'Etat, il convient de préciser qu'il se limitera aux seules modalités prévues par la loi, modalités que je vous proposerai d'alléger en supprimant les sujétions qui apparaissent soit excessives au regard du principe de libre administration des collectivités territoriales ou de la liberté de gestion dont doivent bénéficier les collections privées soit sources de contraintes administratives superflues.
De manière à garantir le caractère librement consenti du statut « musée de France », ce qui correspond d'ailleurs, madame la ministre, à l'une de vos préoccupations, il est nécessaire d'éviter que le label ne puisse être imposé par l'administration aux musées ; nous proposerons donc de modifier le dispositif de l'article 14 afin de prévoir que les musées contrôlés demandent le label, mais également de préciser à l'article 3 les modalités de retrait de l'appellation afin de ne pas conférer à celui-ci un caractère irrévocable.
Enfin, pour donner tout leur sens aux procédures consultatives prévues par le projet de loi, je proposerai non seulement de renforcer l'indépendance et l'autorité du Conseil des musées de France, que nous pourrions rebaptiser Haut Conseil des musées de France, mais aussi de confier à des instances scientifiques plutôt qu'aux services de l'Etat le soin de se prononcer préalablement aux projet de restauration des musées de France.
Au bénéfice de l'affirmation d'un principe d'inaliénabilité, le projet de loi a écarté une conception plus moderne et plus dynamique de la gestion des collections ; il s'agit, vous l'avez souligné, madame la ministre, d'un point sensible du texte.
A cet égard, en prévoyant que les oeuvres d'artistes vivants ne deviennent inaliénables qu'à l'issue d'un délai de trente ans à compter de leur acquisition, disposition en elle-même contestable, l'Assemblée nationale a eu le mérite d'ouvrir un débat qui avait jusqu'à présent été esquivé. Je m'en félicite, car il convient de réfléchir à une solution alternative à l'inaliénabilité des collections.
Plusieurs arguments militent en ce sens. Si les nombreux exemples de relectures historiques incitent à faire preuve de circonspection, je suis convaincu qu'il est excessif de considérer qu'un conservateur qui achète a toujours raison et qu'un conservateur qui vend a toujours tort.
Par ailleurs, la diversification des collections muséographiques impose de ne pas réfléchir seulement par référence aux musées des beaux-arts.
Enfin, je me demande pourquoi l'Etat aurait le droit de perdre des oeuvres et non de les vendre. D'après le récolement opéré par la Cour des comptes en 1997, sur quelque 5 000 oeuvres placées en dépôt à l'extérieur des musées nationaux, près du cinquième n'était pas localisé. Une plus grande rigueur de gestion s'impose ; je proposerai d'ailleurs à cet égard d'inscrire dans la loi l'obligation pour les musées de France de tenir un inventaire et de procéder à son récolement.
Pour autant - et je rejoins la position de Mme la ministre -, la solution retenue par l'Assemblée nationale n'est pas satisfaisante, car c'est sans doute dans le domaine de l'art contemporain que le principe d'inaliénabilité trouve sa pleine justification.
Si l'on doit remettre en cause le principe d'absolue inaliénabilité des collections publiques, il importe de le faire de manière plus générale, afin que tous les types de musées, en particulier ceux qui ont une vocation scientifique ou technique, puissent échapper à une fossilisation contraire à l'intérêt du public, mais également de façon plus prudente, afin de garantir la pérennité des collections en évitant des cessions irrémédiables. Je proposerai donc, comme alternative à l'inaliénabilité absolue proposée par le projet de loi, de nous en tenir aux règles de droit commun de la domanialité publique en vigueur aujourd'hui, ce qui d'ailleurs, loin d'être iconoclaste, présente le mérite de ne pas clore le débat, laissant aux conservateurs le soin de le conduire. Retenir cette solution permet de ménager une certaine souplesse dans l'application du principe d'inaliénabilité en réservant la possibilité de procéder à des déclassements.
S'agissant des musées privés, on pourrait dire, en forçant à peine le trait, que le projet de loi condamne à terme leurs collections à être intégrées dans les collections publiques.
Le régime de quasi-inaliénabilité enserre leur gestion dans un cadre très strict, incompatible avec la liberté dont doivent bénéficier des structures privées. Si les musées privés existants et actuellement soumis au contrôle de l'Etat consentent à cette limitation de leur droit de propriété, je ne suis pas sûr que de telles perspectives inciteront pour l'avenir à la création de musées privés ni qu'elles encourageront ces derniers à collaborer avec l'Etat. Cela est à mon sens regrettable si l'on considère l'intérêt pour notre patrimoine national de voir se constituer des musées privés de grande envergure, comme c'est le cas dans d'autres pays.
On se heurte ici à l'une des limites de l'action en faveur de la relance du mécénat. Dans le domaine des musées, l'Etat ne conçoit la contribution de l'initiative privée que strictement encadrée. En encourageant ce tropisme, le projet de loi ne participe guère d'une volonté de rénover la politique des musées.
Afin d'éviter cet écueil et de ne pas perdre notre dernière chance de voir se développer en France des musées privés, je vous proposerai de limiter le statut protecteur prévu par le projet de loi aux seules oeuvres acquises avec le concours de l'Etat ou d'une collectivité territoriale. Il est légitime, en effet, que les subventions publiques ne soient pas utilisées par les musées privés pour réaliser des plus-values.
Toujours dans le souci de dynamiser la gestion des collections, il m'a semblé pertinent d'étendre aux musées relevant de l'Etat des dispositions du projet de loi qui ne visaient que les musées privés ou territoriaux, car c'est encore une lacune du texte que de n'avoir pas tenté de résoudre certaines des difficultés rencontrées par l'Etat dans la gestion de ses propres musées.
Ainsi, seront étendues à l'ensemble des musées de France la disposition introduite par l'Assemblée nationale à l'article 4 prévoyant l'établissement de conventions avec l'Etat et les dispositions de l'article 11 soumettant les projets de restauration à une procédure consultative et imposant aux musées de recourir à du personnel compétent.
Au-delà, il semblerait utile de refondre les procédures consultatives préalables aux acquisitions des musées de l'Etat afin de garantir la qualité scientifique des achats. La création d'un statut unique de « musée de France » impose, au demeurant, que soit engagé un effort d'harmonisation.
S'agissant des musées nationaux, le fonctionnement des commissions consultatives a été critiqué par la Cour des comptes puis, plus récemment, par l'inspection générale des finances : une réforme s'impose en ce domaine. Comme elle est de nature réglementaire, nous ne pourrons qu'en souligner la nécessité et laisser au ministère le soin de la conduire, mais nous l'appuierons dans toute la mesure de nos moyens.
La troisième et dernière préoccupation de notre commission a été de renforcer l'efficacité du volet fiscal et financier introduit par l'Assemblée nationale ; c'est un autre élément essentiel, central, du dispositif.
Ce volet est nécessaire, et je me félicite que le Gouvernement en ait pris conscience ; il a en effet confié à l'inspection générale des finances une mission d'analyse et de propositions « sur les moyens d'acquisition d'oeuvres d'art par l'Etat ». En ce domaine, nos préoccupations se rejoignent : il s'agit d'améliorer les dispositifs existants.
Dans cette perspective, il importe d'abord de clarifier les dispositions relatives au mécénat introduites par l'Assemblée nationale.
S'agissant des articles 15 bis , 15 ter et 15 sexies , destinés à encourager les dons faits aux musées, les modifications adoptées par l'Assemblée nationale, au mieux, ne modifient pas le droit existant et, au pis, le compliquent, ce qui pourrait avoir pour effet de décourager les donateurs.
Au-delà de la suppression de l'article 15 bis , déjà satisfait par la rédaction actuelle de l'article 200 du code général des impôts, je vous suggérerai de simplifier le régime de l'article 238 bis afin de prévoir une limite de déductibilité unique pour l'ensemble des dons versés par les entreprises aux musées, dons qui, pour l'heure, font l'objet de régimes distincts selon le statut juridique de l'institution qui en bénéficie.
Enfin, je vous proposerai de voter les mesures adoptées par l'Assemblée nationale visant à toiletter les articles 238 bis OA et 238 bis AB du code général des impôts, qui, je le rappelle, incitent les entreprises, respectivement, à acheter des objets d'art en vue de les donner à l'Etat et à constituer des collections d'art contemporain, mais je demeure dubitatif quant à l'efficacité réelle de ces mesures.
Notre commission ayant souligné à maintes reprises la nécessité d'accroître les crédits d'acquisition des musées, nous ne pouvons qu'approuver le principe d'un prélèvement nouveau destiné à renforcer les moyens dont dispose le ministère de la culture en ce domaine.
La solution fiscale a, certes, bien des inconvénients, mais c'est la seule dont nous disposons pour atteindre notre objectif : le maintien sur le territoire des trésors nationaux. Il eût été préférable de prévoir, au sein du budget du ministère, des redéploiements, mais de tels redéploiements ne relèvent pas de l'initiative parlementaire.
Au-delà, le dispositif adopté par l'Assemblée nationale trouve sa limite dans les dispositions de l'article 18 de l'ordonnance du 2 janvier 1959, qui réservent au Gouvernement l'initiative de l'affectation de recettes à certaines dépenses. Certes, l'article 15 octies prévoit que le Gouvernement déposera sur le bureau des assemblées un rapport étudiant la possibilité d'affecter une partie des recettes issues du produit brut des jeux dans les casinos à l'achat de trésors nationaux. Mais cette disposition, qui a été très discutée, ne permet que d'afficher dans la loi l'objet de ce prélèvement. Il faut admettre que, si l'accroissement du prélèvement sur les casinos est certain, l'augmentation à due concurrence des crédits d'acquisition demeure hypothétique.
Pour cette raison, je vous proposerai d'adopter deux dispositions fiscales visant à inciter les entreprises à acquérir ou à aider l'Etat à acquérir des trésors nationaux. Ces dispositions, simples dans leur rédaction et puissamment incitatives, devraient constituer un levier efficace, permettant de mobiliser rapidement les fonds nécessaires à l'achat de ces oeuvres et donc de garantir un bon fonctionnement du dispositif de protection du patrimoine national prévu par la loi du 31 décembre 1992.
Mes chers collègues, je tiens à le souligner, la commission des affaires culturelles a souhaité, à travers les amendements qu'elle vous présentera, faire prévaloir une approche pragmatique de la politique des musées. Soucieuse que ce texte attendu depuis longtemps fasse l'objet d'un accord entre les deux assemblées, elle a également eu la volonté, dès que cela était possible et ne remettait pas en cause les orientations fondamentales qu'elle avait adoptées, de privilégier des positions susceptibles de faire l'objet d'un consensus.
Je voudrais également, madame la ministre, me féliciter des échanges souvent très constructifs que nous avons pu avoir avec votre ministère, ainsi qu'avec le ministère des finances ; s'est ainsi manifestée la volonté d'aboutir à un texte équilibré, confortant le statut des musées de France. C'est bien un tel texte que nous souhaitons porter sur les fonts baptismaux. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 30 minutes ;
Groupe socialiste, 27 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 16 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 11 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 10 minutes.
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, 7 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, avant d'aborder les dispositions contenues dans le texte que nous examinons aujourd'hui, je tiens à dire combien on peut déplorer, comme l'a souligné M. le rapporteur, le recours à la procédure d'urgence. D'une façon générale, celle-ci dépossède partiellement le Parlement de ses prérogatives. En l'occurrence, la réforme étant attendue depuis plusieurs années, quelques jours de plus n'auraient pas changé grand-chose.
Cela étant, un nouveau cadre législatif s'imposait. Le concept de musée et la notion d'art ont considérablement évolué au cours des dernières décennies. Le carcan académique a été brisé, de nouvelles disciplines ont trouvé place dans des lieux d'expositions innovants. Par ailleurs, l'acte de création, dans sa manifestation, a été désacralisé en ce sens qu'il a cessé d'être confisqué au profit de quelques esthètes dits « éclairés ».
En conséquence, ainsi que l'indique notre collègue Philippe Richert dans son rapport, la fréquentation des musées, plus particulièrement par les jeunes, a augmenté de façon significative.
Toutefois - et je m'exprime ici en qualité de président national des comités départementaux de tourisme - il convient de poursuivre la démocratisation de la pratique en rendant les oeuvres exposées accessibles au plus grand nombre.
Qu'on me permette, au passage, de déplorer la grève des personnels de la culture, lesquels manifestent ainsi leur opposition à la mise en place de la réduction du temps de travail. (MM. Nogrix et Plasait applaudissent.) Depuis quatorze jours, ce sont plus de 30 000 visiteurs qui se sont heurtés aux portes fermées du Louvre, du musée d'Orsay, du centre Pompidou, du musée Guimet, de l'exposition Paris-Barcelone, au Grand Palais. Les pertes se chiffrent en millions de francs pour les dix premiers mois de l'année si l'on prend en compte les débrayages de février et de juillet.
M. Philippe Nogrix. C'est inadmissible !
M. Bernard Joly. La réalité des faits prouve l'inapplicabilité d'une mesure dogmatique qui, de surcroît, n'est pas génératrice d'embauches, contrairement à ce qui avait été proclamé. Il faudra pourtant bien trouver une issue à ce conflit.
Il était donc nécessaire de légiférer pour offrir un cadre aux musées. Cela dit, si l'ordonnance de 1945 connaît ses limites, elle n'a pas, pour autant, constitué un obstacle ni freiné les progrès de la décentralisation culturelle.
L'état des lieux met en lumière l'extrême hétérogénéité de statuts qui régissent les musées privés, en général constitués sous forme associative, et ceux qui sont gérés par les collectivités territoriales. Le cadre existant présentait l'avantage d'être souple face à une grande diversité.
L'article 3 du projet de loi précise les modalités d'attribution de l'appellation « musée de France », étant entendu que l'article 14 dispose que, à compter de la publication de ce texte, les musées nationaux, les musées classés et les musées de l'Etat se verront attribuer de plein droit ladite appellation.
Ainsi, ce « label » pourra être délivré à la demande de la personne morale propriétaire des collections. Or le texte adopté par l'Assemblée nationale prévoit que cette appellation « peut être retirée... lorsque les missions permanentes et les motifs d'intérêt public ayant motivé la décision d'attribution de l'appellation ne sont plus réalisés ». Cette même restriction a été introduite pour le cas où le propriétaire des collections demande le retrait dans un délai de douze mois après son obtention.
Les conséquences de ce retrait seront graves, car, le contrôle scientifique de l'Etat n'étant plus la contrepartie de l'appellation obtenue, les musées qui la perdront cesseront également d'être contrôlés, subventionnés et soumis aux textes qui les régissent. Les publics et les collections seront les premières victimes d'un tel dispositif.
On peut également craindre un effet négatif pour les finances publiques ; les musées ayant reçu l'aide financière de l'Etat auront la possibilité de se retirer du dispositif pour échapper aux obligations prévues par le texte.
Il me semble préférable d'encourager une relation de confiance et de respect des engagements mutuels plutôt que d'instaurer un système de sanction.
Dans sa rédaction actuelle, le dernier paragraphe de l'article 4 précise que, « pour les musées dont les collections n'appartiennent pas à l'Etat ou à un de ses établissements publics, l'attribution de l'appellation "musée de France" est suivie de la signature d'une convention entre l'Etat, le musée et la personne morale propriétaire des collections ». Que se passera-t-il en l'absence de convention, notamment si la personne morale ne veut pas s'engager ou si les négociations entre les contractants échouent ?
Par ailleurs, ce contrat est-il assimilable au projet scientifique et culturel prévu par l'article 1er bis ? Si l'on retient cette interprétation, on peut s'interroger également sur le caractère définitif de ce document alors que les projets se transforment en fonction des progrès de l'action et de l'évolution des besoins.
Notre excellent rapporteur nous proposera une formulation plus souple : ces conventions ne seraient plus une obligation mais une éventualité. Si celle-ci n'est pas utilisée, qu'adviendra-t-il ?
Une autre nouvelle disposition, concernant l'aliénabilité des oeuvres d'art, me préoccupe. L'Assemblée nationale a prévu que « les oeuvres des artistes vivants ne deviennent inaliénables qu'à l'issue d'un délai de trente ans à compter de l'acquisition ». Cette sorte de délai de viduité me paraît dangereuse pour le patrimoine culturel. Pour les collections et le public des musées, le risque existe de voir disperser des oeuvres qui ne pourront plus être ramenées dans ces lieux.
On peut imaginer ce qui serait advenu si une telle disposition avait été en vigueur à la fin du xixe siècle ou au début du xxe siècle, lorsque certains musées ont acquis, à des prix alors convenables, des toiles d'impressionnistes ou de Picasso. Que de richesses perdues pour le patrimoine national si des reventes avaient eu lieu !
L'introduction de ce « doute légal » est un danger pour l'art contemporain français et il jette la suspicion à la fois sur le talent des artistes et sur la compétence des comités d'acquisition des musées français.
Notre commission des affaires culturelles nous proposera une rédaction différente, qui supprime ce délai et entoure la décision de déclassement « d'avis conforme d'instances scientifiques ». Certes, une erreur est toujours possible. Toutefois, en matière de goût, quels critères vraiment objectifs peut-on opposer à une acquisition ? Il me semble plus opportun de laisser les générations futures opérer leur relecture de ces témoignages de notre histoire culturelle. C'est pourquoi j'ai déposé un amendement visant à conférer l'inaliénabilité des oeuvres dès leur acquisition.
Grâce au financement qui est prévu pour l'enrichissement des collections, les musées de France pourront se porter acquéreurs d'oeuvres qui risqueraient, faute de moyens, de quitter le territoire.
Des mesures d'encouragement au mécénat d'entreprise nous seront proposées en complément de cette démarche. L'initiative est à soutenir.
Toutefois, aucune disposition financière ne traite de la conservation préventive et de la restauration des collections publiques. Plusieurs voix autorisées estiment que leur état est loin d'être satisfaisant et que les crédits qui y sont consacrés sont infiniment inférieurs aux besoins. Il faut ajouter que la plupart des objets sont conservés dans des réserves qui, à l'origine, n'étaient pas destinées à cet usage, ce qui pose des problèmes.
En ce qui concerne la procédure d'acquisition des musées de France qui ne relèveront pas de l'Etat ou de l'un de ses établissements publics, je rejoins parfaitement la position de la commission des affaires culturelles. Les directions régionales des affaires culturelles ne sont pas systématiquement compétentes pour émettre un avis sur des oeuvres purement locales, alors que les conservateurs sont qualifiés pour le faire. De plus, il convient de laisser aux collectivités territoriales la responsabilité de disposer de leur patrimoine.
Je m'interroge sur la date retenue - avant le 7 octobre 1910 - pour le transfert des oeuvres des collections nationales mises en dépôt dans des musées territoriaux. En effet, c'est ignorer les importants dépôts ethnographiques auxquels il a été procédé après la Seconde Guerre mondiale et les apports archéologiques résultant des fouilles entreprises par l'Etat. Je souhaiterais, madame la ministre, être éclairé sur ce choix.
L'un des objectifs essentiels annoncés par les auteurs de ce projet de loi est de placer la relation avec le public au coeur de la vocation du musée. Mais, avant de pouvoir entrer en rapport avec les oeuvres exposées dans ces maisons de l'art, le chemin est long.
Il n'y a pas de créations majeures ou mineures, et c'est pourquoi j'ai lancé l'idée, en juin dernier, d'une journée nationale des métiers d'art, lesquels expriment une identité territoriale forte. Ces créateurs sont à la fois dépositaires d'une longue tradition et à la pointe de l'innovation. J'aimerais, madame la ministre, pouvoir compter sur l'appui de votre ministère pour que ce patrimoine vivant rayonne. (Applaudissements sur les travées du RDSE et de l'Union centriste. - M. le président de la commission et M. le rapporteur applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Gaillard.
M. Yann Gaillard. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, si j'interviens aujourd'hui au nom de mon groupe, je le fais aussi parce que je suis le rapporteur spécial du budget de la culture au nom de la commission des finances, qui ne s'est pas saisie pour avis sur le présent texte.
A cet égard, je n'ai pu qu'être sensible, madame la ministre, au coup de chapeau que vous avez donné à quelques-uns de mes travaux antérieurs, même si j'eusse préféré que le Gouvernement acceptât mes propositions à l'époque. Et, s'il existe un dénominateur commun entre les musées et les divers travaux que j'ai pu présenter alors, c'est bien la notion de patrimoine national, qu'il est de la responsabilité de l'Etat de mettre en valeur et de protéger.
Je ne m'étendrai pas sur les aspects juridiques du texte : ils ont été traités parfaitement par notre rapporteur, M. Richert, et, à l'instant même, par notre collègue Bernard Joly. Permettez-moi simplement de m'interroger sur l'inaliénabilité des collections et sur la pérennité d'un système qui fonctionne actuellement à sens unique : les oeuvres entrent dans les collections publiques sans jamais pouvoir en sortir, ce qui débouche fatalement sur un gonflement des réserves ou sur des fautes de gestion, voire les deux. Et, en disant cela, je ne pense pas seulement à l'art contemporain.
Je suis aussi sensible au risque de voir des institutions liquider tout ou partie de leurs collections, simplement parce qu'elles ont le malheur de déplaire à ceux qui en ont momentanément la garde. Je ne crois pas, en effet, que les conservateurs puissent être soupçonnés de céder à l'esprit de lucre, même s'ils ont peut-être quelquefois l'esprit de système.
Je suis persuadé que la proposition de l'Assemblée nationale visant à ne permettre l'aliénation que des seules oeuvres acquises depuis moins de trente ans ne constitue pas la bonne solution. Trop long et trop court à la fois, le délai de trente ans pourrait conduire à des décisions hâtives sans véritablement donner le recul qui permettrait de faire le tri.
En revanche, je suis séduit par les propositions de notre commission des affaires culturelles. L'inaliénabilité absolue que prévoit le texte du Gouvernement est trop rigide et la procédure de déclassement - dont on ne voit pas pourquoi elle ne s'appliquerait pas aux oeuvres muséales, d'autant qu'il ne s'agit pas simplement des oeuvres artistiques - offre en elle-même des garanties très solides.
J'en viens maintenant à ce qui constitue l'essentiel de mon propos, à savoir le volet fiscal du projet de loi, introduit pour l'essentiel par l'Assemblée nationale, en révolte - une fois n'est pas coutume ! - contre le Gouvernement. Cela ne signifie pas, au demeurant, qu'elle ait raison sur tout...
Les mesures proposées par l'Assemblée nationale, dont le dispositif est parfois très proche de celui que je proposais dans mes diverses propositions et que le Sénat avait bien voulu adopter au cours de sa séance du 9 mars 2000, rejoignent pleinement, comme celles que va nous soumettre notre commission des affaires culturelles, les préoccupations de tous ceux qui s'inquiètent de l'impuissance des pouvoirs publics face à l'exode des trésors nationaux.
Notre pays n'a pas, en l'état actuel, les moyens juridiques et financiers de retenir les trésors nationaux. N'oublions jamais que l'arrêt Walter a rendu le classement inopérant, puisqu'il est aujourd'hui aussi coûteux pour l'Etat de ne pas acquérir que d'acquérir.
A cet égard, les propositions de notre commission des affaires culturelles, qui s'appuient largement sur les réflexions d'un rapport remarquable - comment ne le serait-il pas, d'ailleurs ? (Sourires) - de l'inspection des finances, rédigé sous la direction de M. Guillaume Cerutti, me paraissent tout à fait novatrices et rendent effectivement inutiles la plupart des mesures préconisées par l'Assemblée nationale.
Je reviendrai simplement sur les trois premiers amendements fiscaux adoptés par l'Assemblée nationale.
Si je suis bien d'accord avec M. le rapporteur sur le caractère superfétatoire de la disposition prévoyant un crédit d'impôt en cas de souscription destinée à retenir un trésor national, je ne suis pas sûr, s'agissant de l'application de l'article 200 du code général des impôts, que l'on puisse s'en remettre au droit commun.
Sans doute la commission des affaires culturelles estime-t-elle à raison que le texte actuel de l'article 200 du code général des impôts permet déjà la déduction du revenu imposable des dons en nature. Mais je me demande si cette superposition ne risque pas d'être remise en cause dès lors que la fixation à 10 % du revenu imposable des dons susceptibles d'ouvrir droit à un crédit d'impôt prévue dans le projet de loi de finances pour 2002 modifie les équilibres.
Cependant, l'innovation majeure qu'introduirait ce texte, c'est un nouveau régime d'encouragement au mécénat d'entreprise, de nature à lui donner une impulsion décisive.
Le dispositif législatif des articles 238 bis OA et 238 bis AB est resté pratiquement lettre morte. Il n'était pas assez incitatif et comportait trop de contraintes pour inciter les entreprises françaises à jouer un rôle significatif dans la promotion des arts.
Alors que l'Assemblée nationale a adopté, sur ce point, des réformes assez proches de celles que j'avais moi-même préconisées - sans illusion excessive, d'ailleurs, sur leur efficacité -, la commission des affaires culturelles propose une véritable révolution : substituer au mécanisme de réduction des résultats un système de réduction d'impôt allant de 40 % à 75 % selon que l'oeuvre est propriété de l'entreprise ou acquise par l'Etat.
Très logiquement, un tel régime de faveur n'est destiné qu'à l'acquisition de trésors nationaux, c'est-à-dire de biens ayant fait l'objet d'un refus de certificat d'exportation ; on retrouve ainsi un esprit analogue à celui qui m'avait conduit, dans certaines propositions anciennes, à réserver certains avantages fiscaux aux seuls objets classés.
Dans son rapport, M. Guillaume Cerutti, avec l'enthousiasme de la jeunesse, suggère que la réduction d'impôt soit égale à 100 % de la dépense, au motif que, si l'on exige une participation des entreprises, celles-ci n'utiliseront pas la procédure. C'est peut-être aller un peu loin...
La commission des affaires culturelles avait, dans son rapport écrit, limité la réduction d'impôt à 75 % de la dépense, ce qui était soit insuffisant s'agissant d'oeuvres exceptionnelles dont le prix est de l'ordre de 10 millions à 30 millions d'euros, soit sans doute un peu généreux si cette réduction d'impôt pouvait se cumuler avec la déductibilité de droit commun, ce qui doit être vérifié.
M. Philippe Richert, rapporteur. C'était très généreux, en effet !
M. Yann Gaillard. Il est d'ailleurs probable que le mécanisme impliquera plusieurs entreprises agissant de concert et fonctionnera de facto comme une forme de souscription ouverte aux grandes entreprises.
Personnellement, j'avais pensé qu'une participation des entreprises de 10 %, tout compris, était plus réaliste - au fond, c'est un peu le prix de la gloire ! - et je ne peux donc que me rallier à l'amendement du Gouvernement, dont il convient de saluer ici l'initiative.
Je mapprêtais, je l'avoue, à déposer un amendement en ce sens, mais je suis heureux que la négociation entre la commission des affaires culturelles et le Gouvernement ait abouti à ce résultat remarquable.
Cette approbation n'est assortie que d'une seule réserve : il me semble excessivement restrictif et, par conséquent, de nature à affecter l'efficacité du dispositif de plafonner à 10 % la part de l'impôt sur les sociétés payable sous cette forme. Si l'on ne veut pas que ce nouveau mécanisme reste inutilisé comme ses devanciers, il faut que ce pourcentage soit porté à 50 %. C'est d'ailleurs, je crois, l'avis de notre commission des affaires culturelles et l'une des conditions qu'elle poserait pour accepter le texte du Gouvernement.
Avec ce nouveau régime, on introduit, en fait, un mécanisme de dation en paiement de l'impôt sur les sociétés, tirant les leçons du seul mécanisme qui ait vraiment permis l'enrichissement des collections nationales : la dation en paiement au titre de droit de mutation et de l'impôt sur la fortune.
Le système de la dépense fiscale paraît en effet plus adapté à des acquisitions exceptionnelles à décider au coup par coup - et pas forcément tous les ans - compte tenu de la tendance des procédures d'achats, soulignée dans le rapport Cerruti, à diluer les crédits. Mme la ministre vient de faire des promesses sur la part que la Réunion des musées nationaux donnera aux acquisitions et d'annoncer une augmentation des crédits du fonds du patrimoine. Nous verrons bien ! Mais, pour le moment, le résultat n'est pas probant.
Le système de la dépense fiscale est donc le plus adapté et, en définitive, comme le souligne la commission des affaires culturelles, l'adoption d'un tel mécanisme rendrait inutile la taxe sur les casinos proposée par l'Assemblée nationale.
Cette taxe pose de multiples problèmes - c'est un peu du bricolage fiscal -, sans pour autant être véritablement efficace par suite du risque d'émiettement des acquisitions.
Aussi ne puis-je qu'encourager la commission des affaires culturelles à tirer les conséquences de ses très sagaces analyses - soulignant notamment l'irrecevabilité des affectations de ressources - et à accepter l'amendement de suppression déposé par mon groupe, surtout si, comme je le souhaite, sont adoptés ses autres amendements et sous-amendements.
Mon adhésion enthousiaste à ce nouveau dispositif doit cependant être replacé dans son contexte.
Si les moyens que le nouveau mécanisme pourrait dégager nous avaient permis de retenir des oeuvres aussi essentielles que le Jardinier Vallier de Cézanne ou la Duchesse de Montejasi et ses filles de Degas, il ne faudrait pas que le souci légitime de stopper l'hémorragie de trésors nationaux nous conduise à pratiquer un mercantilisme à courte vue.
Des oeuvres doivent rester sur le territoire, certaines doivent sortir, d'autres encore doivent revenir. Il en va de la vitalité de notre marché de l'art et de l'existence d'un vivier de mécènes et de collectionneurs que des politiques trop autoritaires pourraient inquiéter, tout comme le psychodrame, désormais annuel pour ne pas dire rituel, d'inclusion des oeuvres d'art dans l'assiette de l'impôt sur la fortune.
En premier lieu, le marché de l'art va connaître un renouveau avec l'entrée en vigueur prochaine du nouveau régime des ventes aux enchères publiques maintenant que les décrets sont parus et que les membres du conseil des ventes aux enchères sont nommés.
Il ne faudrait pas que, sous prétexte d'enrayer des sorties d'oeuvre d'art, sachant que les exportations représentent environ 7,5 milliards de francs pour seulement 1,6 milliard de francs d'importations, on étouffe un processus de relance dont on sent, selon des sources anglo-saxonnes tel l' Index Art des Anglais, les premiers frémissements, si modestes soient-ils, avec l'augmentation de 5,5 % à 6 % de la part de la France dans le marché mondial des ventes aux enchères d'oeuvre d'art.
En second lieu, et ce sera la conclusion de mon propos, je voudtais insister sur le fait que le texte me paraît encore présenter l'inconvénient - pardonnez-moi, madame la ministre, si j'emploie une expression qui risque de vous choquer - de faire reposer excessivement la défense du patrimoine national sur l'Etat, sur les crédits publics et sur les musées. Cela revient à pratiquer ce que j'appelle du « muséocentrisme », de même que l'on a parlé d'« hospitalocentrisme » en matière de santé. Il faut en sortir.
Ce qui compte, avant tout, c'est de fixer les oeuvres importantes sur le territoire national.
De ce point de vue, je ne peux qu'approuver l'esprit qui anime l'article additionnel - très proche de l'une de mes propositions - tendant à favoriser les acquisitions d'oeuvres interdites à l'exportation par les entreprises. Je considère toutefois, comme certains de mes collègues de la commission des finances, que la réduction d'impôt de 40 % est assortie de conditions quelque peu rigoureuses.
Avec ce texte, même si nous sommes réduits à accepter l'amendement du Gouvernement, un grand pas sera franchi - espérons-le tout au moins - dans la défense du patrimoine national, et l'Etat sera doté d'une arme qui lui manque aujourd'hui.
Mais cette arme ne sera réelle à mon sens que si l'on poursuit dans la même voie en faisant adopter des mesures fiscales - notamment en matière de droit de mutation comme le Sénat a bien voulu en adopter le principe - incitant les particuliers personnes physiques à acquérir et à conserver des oeuvres majeures.
La bataille pour la défense du patrimoine national ne doit pas simplement se livrer aux frontières, au moment de la sortie des oeuvres. Souvenons-nous de l'exemple britannique qui, jusqu'ici, s'est révélé beaucoup plus efficace que le nôtre !
Elle doit être préparée en amont par des mesures invitant les personnes privées à conserver dans leur patrimoine les trésors nationaux qui, de ce point de vue, s'analysent, non comme de nouvelles niches fiscales, mais comme un investissement à long terme pour la collectivité nationale. Tôt ou tard, par le jeu des dations ou des donations, le patrimoine accessible au public sera enrichi pour le plus grand rayonnement de notre culture et la délectation de tous nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, notre débat se tient dans une période particulièrement difficile pour l'humanité, dans un moment où « l'effondrement de la raison produit des monstres », pour reprendre la belle expression de Georges Bernanos, où nous vivons des temps de barbarie ordinaire, où l'on a parfois l'impression de tâter l'avenir avec une canne blanche.
Il n'y aura jamais trop de pierres à ajouter à la construction du barrage contre l'obscurantisme. La culture en est un élément essentiel, elle qui donne du sens.
Un peuple sans racines, sans mémoire, est un peuple sans avenir. Dans le monde où nous vivons, « il ne va pas bien, mais il n'y en a pas d'autre et c'est le nôtre », disait Sartre, il y a besoin de repères, de la compréhension, de l'assurance que peut apporter la connaissance de notre passé collectif.
Les musées nous aident à assumer notre devoir de restitution de l'héritage, la mémoire artistique et scientifique aux hommes et aux femmes d'aujourd'hui ainsi qu'aux générations futures.
Ce devoir n'a rien de religieux, c'est l'une des façons de respecter l'être humain.
Comment ne pas relire avec émotion Van Gogh qui écrivait : « J'aime mieux peindre les yeux des hommes plutôt que les cathédrales, parce qu'il y a dans les yeux des hommes quelque chose qui n'est pas dans les cathédrales, si imposantes et si majestueuses soient-elles. »
Il faut se féliciter que les musées tiennent une place importante dans les pratiques culturelles des Français. Dans le même temps, si le musée est une institution culturelle très fréquentée, nous devons savoir que deux Français sur trois ne s'y rendent jamais, et ce, en dépit des efforts de l'Etat, des collectivités, et malgré le dévouement et le travail remarquables des conservatrices et des conservateurs.
Alors que, dans certains domaines, on légifère à tout propos, les musées « vivent » avec comme support législatif principal une ordonnance qui date du 13 juillet 1945 « portant organisation provisoire des musées des beaux-arts », un provisoire qui n'a que trop duré et qu'il était temps de dépoussiérer.
Dans ce contexte qui a fortement évolué, une réforme est donc nécessaire pour s'adapter à la réalité, mais aussi à la diversité de l'espace muséographique d'aujourd'hui.
En examinant ce projet de loi, nos collègues de l'Assemblée nationale ont procédé, en hâte, à un certain nombre d'aménagements qui m'inquiètent.
Je regrette que l'urgence dont est assorti le texte ne nous permette pas de disposer du temps de réflexion nécessaire à l'adoption d'un projet de loi dont l'ambition est de réformer l'ensemble des musées.
Le champ d'application de la loi sera extrêmement vaste, puisqu'il s'agit, ni plus ni moins, que d'accorder à l'ensemble des musées de l'Etat, à l'essentiel des musées des collectivités locales et aux musées privés qui le souhaiteraient, l'appellation « musée de France ».
La sagesse populaire nous dit « qui trop embrasse mal étreint ». Le projet de loi aurait mérité un accompagnement budgétaire, quasiment absent du texte, sinon sous la forme de crédits d'impôts pour les établissements privés ou sous la forme d'un prélèvement sur les recettes des casinos, conformément à un amendement gadget introduit par l'Assemblée nationale.
Nous connaissons les difficultés rencontrées par la direction des musées de France dans l'exercice de ses missions : insuffisance des personnels et des équipes scientifiques, notamment dans le champ de la restauration, manque singulier de moyens budgétaires pour la politique d'achat d'oeuvres. Sans compter que l'état de conservation des collections est loin d'être satisfaisant, les crédits étant infiniment inférieurs aux besoins. Cela concerne les beaux-arts, bien entendu, mais également l'archéologie, l'ethnologie, etc. Or, nous a-t-on dit, et je partage cette idée, un musée qui n'achète pas est un musée qui meurt.
Il faut donc consolider la politique d'achat des oeuvres, tout en mettant en place une conservation préventive digne de ce nom pour que les oeuvres elles-mêmes ne meurent pas.
Ces difficultés seront accrues puisque le champ des compétences sera élargi, comme le prévoit le texte que nous examinons.
Au regard de ces obstacles, était-il judicieux d'ajouter aux missions de la direction des musées de France des missions nouvelles qui, du fait de l'appellation « musée de France », risquent d'introduire auprès des publics, mais aussi des professionnels, bien des confusions quant au caractère privé ou public des musées concernés ?
En outre, le régime de la propriété des oeuvres au sein des établissements privés ayant passé une convention avec l'Etat est extrêmement équivoque.
Comme l'indique le rapport de notre collègue M. Philippe Richert, le terme d'« institution culturelle et scientifique » ne renvoie à aucune catégorie juridique précise, alors que la réforme de l'ordonnance de 1945 aurait pu être l'occasion d'un toilettage des différentes formes juridiques appliquées aux musées. J'ajoute que le concept d'établissement public culturel pouvait convenir.
J'évoquais, au début de cette intervention, la nécessité de démocratiser davantage encore l'accès aux musées, à l'ensemble des musées. A cet égard, je m'étonne du peu de place donné à la culture scientifique et technique dans l'économie générale de ce texte, qui semble viser pour l'essentiel - et on peut le comprendre - les « beaux-arts ».
On ne peut pas toutefois reléguer au second plan des pans entiers de notre civilisation, de notre histoire, de notre patrimoine. Je pense en particulier aux musées de société, qui ont pourtant fait la démonstration de leur pertinence scientifique et sociale, mais aussi aux musées d'histoire naturelle dont l'éducation nationale - dont ils relèvent - fait trop peu de cas.
L'article 6 du projet de loi que nous examinons prévoit que les droits d'entrée des musées sont « fixés de manière à favoriser leur accès au public le plus large ».
A cet égard, plutôt que de procéder à une inscription dans la loi, certes louable, ne conviendrait-il pas de laisser aux collectivités territoriales le soin de décider d'une telle politique tarifaire, en fonction de leur politique culturelle et de leur politique sociale ? S'agissant des musées nationaux, ceux qui ont mis en place la gratuité dominicale en ont répercuté l'incidence sur le prix d'entrée, faute d'accompagnement budgétaire.
L'engouement des publics, notamment du jeune public, ne se limite pas aux seules expositions permanentes. Pourquoi, de ce fait, ne pas élargir le principe de la gratuité aux expositions temporaires ?
J'en viens à présent à l'article 8, qui a provoqué une légitime émotion et un juste courroux non seulement au sein de la communauté des conservateurs, mais aussi, au-delà, chez tous ceux qui ont à coeur la préservation du patrimoine de notre pays.
Alors que le texte que vous proposiez, madame la ministre, fondait juridiquement le principe d'inaliénabilité des oeuvres, un amendement de l'Assemblée nationale prévoit que les oeuvres des artistes vivants ne deviendraient inaliénables qu'à l'issue d'un délai de trente ans.
Cette mesure pourrait avoir de multiples conséquences qui seraient gravement préjudiciables à la protection du patrimoine national ainsi qu'aux missions de service public auxquelles les musées doivent répondre.
Pour tous les professionnels, cette mesure d'exception remet en cause le fondement même de la notion de collection publique. Les musées sont chargés de conserver, d'étudier et de transmettre un patrimoine qui témoigne aussi du goût d'une époque à travers la globalité de ses choix. Une disposition comme celle qu'a prise l'Assemblée nationale ne peut qu'avoir des conséquences désastreuses sur les dons et les legs consentis aux musées, ainsi que sur les achats eux-mêmes.
Il est fréquent en effet que des vendeurs, soucieux de l'intérêt public, cèdent leurs oeuvres aux musées à un prix inférieur à celui du marché. Quelles raisons auraient les donateurs et les vendeurs à poursuivre ces pratiques s'ils n'étaient pas assurés que les oeuvres restent définitivement dans le patrimoine national ?
Doter l'oeuvre de musée de deux statuts différents et évoluer dans le temps cette disposition, si elle était adoptée, conduirait les responsables des collections à une relation malsaine et ambiguë avec le monde de l'art, en particulier avec le marché de l'art.
Une telle mesure ne peut que favoriser un phénomène de spéculation, avec un réel risque de dérive commerciale, voire financière, peu compatible avec le respect des missions de service public.
Alors que la reconnaissance de l'art français sur la scène internationale apparaît parfois comme problématique, ce serait un très mauvais coup porté aux artistes puisque la loi instituerait ainsi un « doute légal » sur leur talent, pour reprendre l'expression d'un conservateur.
N'oublions pas que Van Gogh est mort dans le dénuement et que les Pommes de Cézanne n'ont jamais nourri sa personne. N'encourageons pas la spéculation, qui appauvrit une majorité des artistes vivants, en faisant et défaisant arbitrairement les cotes ! Ne poussons pas les artistes un peu plus dans la précarité !
Si une telle mesure avait vu le jour il y a quelques années seulement, bien des oeuvres comtemporaines que nous admirons aujourd'hui auraient quitté les musées publics au profit des collections privées.
Dans son état actuel et compte tenu des amendements proposés par la majorité de notre commission des affaires culturelles, le texte relatif aux musées de France qui nous est soumis est loin des attentes des professionnels, du public et des besoins de notre pays.
Nous nous efforcerons d'amender sur des points essentiels le texte qui nous est soumis, bien des dispositions nous paraissant extrêmement préjudiciables au fonctionnement et au rayonnement des musées de notre pays.
Notre vote dépendra donc de l'issue de nos travaux.
Madame la ministre, samedi dernier, j'assistais à vos côtés, au milieu d'une foule de 3 000 personnes, à l'inauguration du nouveau musée de Roubaix, symbole du renouveau d'une ville. Après l'enthousiasme de ce week-end, ce projet de loi amendé de façon désastreuse par l'Assemblée nationale nous fait tomber du grenier à la cave.
Va-t-on devoir un jour dire à nos responsables de musées, reprenant ce que disait Flaubert aux bourgeois de Rouen : « Vous, les conservateurs qui ne conservez rien ! » ?
Avec vous, madame la ministre, prenons de vraies mesures qui mettent l'art à la portée de tous, dans le respect des oeuvres et de leurs auteurs, quels que soient leur âge ou leur époque ! C'est le plus sûr moyen de faire grandir le murmure culturel et artistique dans le vacarme marchand.
Sur le fond, on ne répétéra jamais assez ce que déclarait Degas, il y a plus d'un siècle : « La culture n'est pas un luxe, elle est de première nécessité. »
Un siècle plus tard, reconnaître le rôle irremplaçable de l'art et de la création dans la société reste un combat. Ce combat est celui du beau et de l'émotion partagés par le plus grand nombre. Là est la clé de l'à-venir. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Lagauche.
M. Serge Lagauche. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je suis heureux de pouvoir m'exprimer, cet après-midi, sur la réforme de l'ordonnance de 1945 portant organisation, en principe « provisoire », des musées. Cette réforme, on l'évoquait depuis environ une décennie et l'on finissait par se demander si le caractère provisoire de l'ordonnance n'était pas devenu définitif !
Le secteur du patrimoine et des arts plastiques, durant les quatre années de législature de la gauche plurielle, aura été profondément modifié. Préalablement au projet de loi sur les musées de France que vous nous soumettez, madame la ministre, nous avons procédé à une réforme de la réglementation des ventes publiques aux enchères et, par ce biais, à une remise à plat des règles régissant le marché de l'art en France, à l'édification d'un arsenal visant à protéger les trésors nationaux, proposition de loi dont j'ai eu le privilège d'être l'auteur et le rapporteur devant notre Haute Assemblée. Par ailleurs, deux textes ayant trait au patrimoine sont actuellement en navette : la proposition de loi relative à la protection du mobilier des monuments historiques et celle qui tend à instituer des commissions départementales du patrimoine.
A ces modifications législatives doivent être ajoutés les très nombreux rapports remis sur ces sujets, notamment sur la fiscalité du marché de l'art, dont celui qui a été présenté, l'an dernier, par M. Alfred Recours sur les bilans et perspectives pour les musées de France.
Les conclusions de ce rapport débouchaient sur de nombreuses propositions concrètes qui ont très largement inspiré le projet de loi dont nous débattons cet après-midi.
Ces différents débats nous ont souvent donné l'occasion de souligner la perte de vitesse et de prestige de la France sur la scène culturelle internationale : fuite du patrimoine à l'étranger, recul sur la place du marché de l'art de notre pays. Etaient alors montrés du doigt les prétendus manques de dynamisme des acteurs et investisseurs du monde culturel hexagonal ou l'absence de politique fiscale incitative.
Seuls nos musées connaissent toujours un essor formidable et une fréquentation accrue. La politique de diversification, d'élargissement des publics et la communication sans cesse renforcée de ces institutions, tout comme l'essor du tourisme constituent sans doute les principales raisons de ce succès ; il convenait donc de le préserver et de l'encourager en adaptant les structures aux réalités culturelles et économiques actuelles. Le projet de loi que vous nous soumettez, madame la ministre, va dans ce sens.
En autorisant l'ensemble des musées, quel que soit leur statut, à prétendre à l'appellation « musée de France », le projet de loi permettra à l'ensemble des établissements concernés de bénéficier d'une meilleure identification auprès du public, et donc, logiquement, d'enregistrer une hausse de fréquentation.
Je sais, madame la ministre, que vous vous êtes opposée, à l'Assemblée nationale, à l'insertion de l'article 1er bis, qui définit les missions communes de base de l'ensemble des « musées de France ». Je pense que cette disposition constitue une contrepartie essentielle à l'octroi de l'appellation. Cette appellation ouvre un nouveau droit pour les musées ; il me semble logique que des obligations découlent de ce droit.
Le fait de soumettre à un organe central, le « Conseil des musées de France », les demandes d'homologation, celles de transfert et les cas litigieux de conservation ou d'exposition d'une oeuvre traduit une volonté extrêmement positive quant à la qualité des collections présentées dans les musées de France. « Conseil » ou « Haut conseil », comme le souhaite notre rapporteur, composition élargie ou non aux parlementaires, ces questions ne me semblent pas de nature à modifier profondément l'esprit du texte dont nous discutons !
Le fait de tenter d'unifier le régime juridique de l'ensemble des collections des musées de France, en appliquant à leurs oeuvres, aussi loin que le respect de la propriété privée le permet, le principe de l'inaliénabilité et de l'imprescriptibilité, constitue une grande avancée.
Jusqu'à présent, seules les oeuvres des musées appartenant à l'Etat ou aux collectivités territoriales étaient soumises à cette protection. A présent, le principe d'imprescriptibilité s'appliquera à l'ensemble des collections des musées de France.
Quant au principe d'inaliénabilité, il s'appliquera aux collections appartenant non seulement à des personnes publiques, mais aussi à des personnes privées, la seule exception à ce droit étant constituée par une cession à une personne publique ou par une cession ayant pour objet le maintien de la collection dans un musée de France. Je m'oppose donc totalement aux aménagements à cette disposition. Je note que ceux-ci sont pourtant souhaités, de façon différente, par les rapporteurs des deux chambres.
Ainsi, notre rapporteur rend le régime d'inaliénabilité en quelque sorte optionnel, sans qu'il soit d'ailleurs précisé qui sera à l'origine d'une demande de déclassement. Son souci est de favoriser au maximum une décentralisation des procédures, afin de laisser une marge d'appréciation supérieure aux autorités locales.
Cette solution ne me convient pas. Elle procède d'ailleurs du même esprit que le souhait de créer des « instances scientifiques » appelées à se substituer aux directions régionales des affaires culturelles, les DRAC, et revient à créer un régime à deux vitesses, alors que l'objet du projet de loi est justement d'unifier au maximum la politique muséographique française.
Monsieur le rapporteur, vous justifiez votre position par rapport aux éléments constitutifs de collections « scientifiques », dont le caractère est plus éphémère que celui des oeuvres d'art. Je ne comprends pas, dès lors, pourquoi vous n'avez pas scindé le dispositif, en distinguant entre les collections « d'oeuvres d'art » et les collections scientifiques, qui auraient pu, à elles seules, faire l'objet d'un déclassement.
L'Assemblée nationale a prévu, quant à elle, une dérogation à la règle d'inaliénabilité pour les oeuvres d'artistes vivants, pendant les trente premières années d'existence de ces oeuvres. Je reviendrai tout à l'heure sur ce point en défendant l'amendement qui a été déposé par le groupe socialiste et qui vise un retour au texte initial du projet de loi. Mais je tiens à exprimer, dès à présent, mon désaccord avec le dispositif qui a été adopté par l'Assemblée nationale et qui, en instituant cette sorte de période probatoire, non seulement fait peser un doute sur l'ensemble de la création contemporaine, mais ne favorisera guère l'essor de nouveaux talents.
Un autre point me préoccupe : il s'agit des personnels qui seront appelés à encadrer les activités des musées de France - article 5 - ou à procéder à la restauration des oeuvres d'art - article 11.
Sur ce dernier point, nous avons déposé un amendement afin que de tels travaux puissent être confiés aux différents artisans, généralement reconnus - il s'agit souvent des « meilleurs ouvriers de France » - à qui les musées territoriaux font fréquemment appel ; ces artisans ne possèdent pas toujours de diplôme sanctionnant leur savoir-faire. Conformément aux termes de la loi de modernisation sociale, il suffirait de prévoir la validation des acquis professionnels. Cette validation aurait un caractère national et ne relèverait pas du seul bon vouloir des autorités territoriales. Je reviendrai ultérieurement sur ce point lors de la discussion des amendements.
Je souhaite néanmoins, madame la ministre, que vous me précisiez le contenu des décrets qui fixeront les qualifications ou les expériences professionnelles requises pour les différents emplois au sein des musées de France.
A l'heure actuelle, compte tenu de la disparité de situation entre les différentes catégories de musées, il n'existe pas d'unicité de statut des personnels. Quel sera le sort réservé à ces personnes par les futurs décrets ? Pouvez-vous nous donner des assurances sur l'avenir des nombreux contractuels qui oeuvrent actuellement dans de petits musées contrôlés qui deviendront bientôt des « musées de France » ?
Avant de conclure mon propos, je m'attarderai quelques instants sur les nombreuses dispositions fiscales qui sont proposées pour « accompagner » le projet de loi et dont aucune n'est due, pour le moment, à la volonté gouvernementale.
L'idée couramment répandue est que le marché de l'art en France et la cote des artistes français se portent mal, faute de dispositions fiscales incitatives. Afin de favoriser l'acquisition d'oeuvres d'art par les musées de France, l'Assemblée nationale a introduit toute une batterie d'amendements fiscaux, dispositions incitatives tant pour les particuliers que pour les sociétés, pour les dons ou la participation à l'achat d'oeuvres d'art destinées aux musées de France.
Je reviens rapidement sur le fameux « amendement casino », qui constitue, en fait, deux amendements.
Certains ont crié au scandale s'agissant de la possibilité de financer par de l'argent souvent considéré comme « sale » l'achat de trésors nationaux par les musées. Pour ma part, je suis très partagé sur cette question. En effet, dès lors que l'Etat ne peut pas, du fait de l'insuffisance de ses concours budgétaires, acquérir des trésors nationaux menacés de fuite vers l'étanger, ne faut-il pas remédier à cette carence coûte que coûte, afin de favoriser l'enrichissement des collections des musées et d'éviter la dispersion du patrimoine national ?
J'en étais à ce point de ma réflexion lorsque j'ai pris connaissance de l'amendement du Gouvernement, dont la portée est supérieure à celle des amendements proposés par M. le rapporteur. L'amendement du Gouvernement a en effet pour objet de permettre aux entreprises d'acquitter leur impôt sur les sociétés en octroyant la quasi-totalité du montant de celui-ci à l'achat d'un trésor national par l'Etat, ce dernier restant maître de la situation puisqu'il pourra refuser l'offre.
Cette disposition, qui reprend une solution préconisée par le rapport rendu en septembre dernier par l'inspection des finances, me semble raisonnable. En outre, elle constituera une nouvelle voie de mécénat, qui se développe trop lentement en France. Toutefois, si nous comptons sur les entreprises pour faire cette offre et jouer ainsi un rôle de mécène, nous comptons aussi sur Bercy pour en accepter un nombre qui soit incitatif et qui permette un enrichissement important de notre patrimoine national.
Voilà les principales réflexions que m'inspire le projet de loi que vous nous soumettez, madame la ministre. Je souhaite qu'il permette à la France de reconquérir sur la scène internationale le rôle prépondérant en matière culturelle qu'elle a tenu pendant des siècles et qu'elle doit conserver.
Sachez, madame la ministre, que vous bénéficiez du soutien total du groupe socialiste, que je représente. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Léonce Dupont.
M. Jean-Léonce Dupont. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en 1832, Lamartine écrivait : « Je suis las des musées, cimetières des arts. » Dirait-il la même chose aujourd'hui ? Probablement pas.
En effet, les Français ne sont pas las des musées : en quinze ans, le nombre de visiteurs dans les musées nationaux est passé de neuf millions à quinze millions, et les musées sont aujourd'hui des lieux de vie, d'échange et de création.
Depuis un demi-siècle, l'institution muséale a beaucoup changé. La loi, quant à elle, a peu évolué. Celle qui régit les musées remonte à 1945 ; sa réforme était à l'ordre du jour depuis une dizaine d'années. On comprend que ce projet de loi ait fait l'objet d'une déclaration d'urgence !
Une loi ancienne, des musées en mutation : la réforme se devait donc d'être profonde. Or le projet de loi dont nous discutons aujourd'hui est un texte a minima , manquant malheureusement d'ambition et d'audace, comme l'a d'ailleurs reconnu elle-même la majorité à l'Assemblée nationale.
Ce projet présente en effet deux défauts principaux : il est étatiste et lacunaire. D'un côté, il privilégie une approche administrative de la politique de l'Etat dans le domaine des musées ; de l'autre, il ne dit rien ni sur le statut des personnels, ni sur les conservateurs, ni sur la mobilité, notamment entre la fonction publique d'Etat et la fonction publique territoriale, rien non plus sur la mise en réseau des collections. Enfin et surtout, le projet de loi initial était muet sur le volet fiscal et financier.
Tout d'abord, ce texte traduit une logique administrative, uniformisante.
Le nouveau label « musée de France » est peu innovant en termes de statut, et il accroît encore les contrôles.
Il ne modifie pas le mode de gestion des musées. Il aurait été souhaitable, pourtant, d'accorder plus largement la personnalité juridique.
Seuls deux grands musées, le Louvre et Versailles, ont été érigés en établissements publics administratifs. Le musée d'Orsay, quant à lui, est encore géré en régie par la direction des musées de France !
La cogestion des grands musées par cette direction et par la Réunion des musées nationaux apparaît quelque peu dépassée aujourd'hui. Il faudrait doter les musées nationaux d'une responsabilité plus large s'agissant de leur gestion, ainsi que d'une certaine maîtrise de leurs ressources. Mais le projet de loi s'y refuse.
Je tiens néanmoins à signaler l'avancée que représente le transfert par l'Etat aux collectivités locales des oeuvres qu'il a mises en dépôt dans des musées territoriaux avant 1910. Je souhaiterais avoir une précision à ce propos, madame le ministre.
En effet, la création de certains musées étant récente, des dépôts de l'Etat ont été effectués, par exemple, auprès de bibliothèques municipales. Les oeuvres concernées entreront-elles également dans le champ du transfert de propriété ?
Je constate, par ailleurs, que le texte ignore les sociétés d'économie mixte. Cet oubli résulte, semble-t-il, d'une confusion entre le mode de gestion du musée et son propriétaire. La rédaction proposée par notre commission me paraît clarifier les choses. J'ai néanmoins déposé un amendement pour m'en assurer.
Non seulement le label s'inscrit dans une logique administrative classique, mais il la systématise aussi en étendant davantage le contrôle de l'Etat. Il va ainsi faire entrer dans le champ de la loi les musées de l'Etat ne relevant pas de la direction des musées de France ni du ministère de la culture, comme le Muséum d'histoire naturelle ou le musée de l'Armée, ainsi que l'ensemble des musées dépendant pour l'essentiel des collectivités locales.
De plus, la personne morale responsable du musée ne pourra pas s'opposer à l'appellation « musée de France ». C'est pourquoi, à ce propos, nous approuvons, là encore, les amendements de notre commission visant à renforcer le caractère contractuel du label.
Le contrôle de l'Etat s'étend également sur le fond, puisque, de technique, il devient « scientifique et technique ». Mais cette extension du contrôle de l'Etat pose un problème de moyens. Le volontarisme législatif ne peut, en effet, suppléer ni ignorer la réalité des moyens institutionnels et financiers ; une loi ne remplace pas un budget.
L'Etat pourra-t-il vraiment remplir sa mission de conseil, d'expertise et de soutien, alors même que la direction des musées de France ne dispose pas de services déconcentrés ?
Quoi qu'il en soit, tous les dossiers seront étudiés à Paris par l'Inspection générale des musées, au risque de subir de longs délais.
En outre, l'Inspection générale possède-t-elle toutes les compétences pour se prononcer à la fois sur l'acquisition d'un timbre pour le Musée postal, d'un léopard pour le zoo de Vincennes et sur la restauration d'une trieuse mécanographique du Conservatoire national des arts et métiers ?
Par ailleurs, la moitié des directions régionales d'art contemporain n'ont pas de conseiller musée, et ceux qui sont en poste n'ont pas d'infrastructure pour travailler. Les musées sont donc sous-représentés à un échelon décisif de la mise en oeuvre de la politique de l'Etat.
A ces carences en moyens humains et financiers s'ajoute le budget insuffisant alloué à l'acquisition d'oeuvres d'art.
J'en arrive au volet financier.
Le projet de loi initial ne comportait aucune mesure fiscale ou financière en ce sens. L'Assemblée nationale en a heureusement ajouté quelques-unes, afin de favoriser l'enrichissement des collections muséographiques.
La commission nous propose également de renforcer ce volet fiscal par plusieurs dispositions dont nous ne pouvons que nous féliciter.
Outre des exonérations fiscales, un prélèvement de 1 % a été institué par l'Assemblée nationale sur le produit brut des jeux dans les casinos.
Je me permets, à ce propos, d'attirer votre attention, mes chers collègues, sur la distinction qu'il convient de faire entre les casinos et le pari mutuel d'une part, et les jeux de loterie d'autre part.
Les premiers représentent un secteur économique à part entière ; les casinos, par exemple, ont créé de nombreux emplois ces dernières années. Ce secteur compterait aujourd'hui environ 13 000 emplois directs et 7 000 emplois induits. Il en va de même du monde du cheval.
En comparaison, La Française des jeux emploie 800 personnes, et son rôle est avant tout de faire rentrer de l'argent dans les caisses de l'Etat.
Par ailleurs, la rénovation des musées passe aussi par leur budget. Organiser une exposition, faire circuler les oeuvres d'un musée à l'autre, acquérir un tableau, une sculpture, tout cela coûte cher.
Pour permettre aux musées de disposer d'un budget plus important, un des moyens serait de leur accorder un droit à l'image pour les oeuvres qui appartiennent à une collectivité publique.
La jurisprudence a très clairement reconnu aux propriétaires privés un droit à l'image des biens qui leur appartiennent. Ce droit leur permet de s'opposer à toute reproduction de leurs biens, fût-elle à usage privé. Mais elle ne s'est pas encore prononcée sur le cas particulier de l'exploitation commerciale par un tiers qui n'y aurait pas été autorisé de l'image d'un bien mobilier appartenant à une collectivité publique.
Je souhaite, madame la ministre, que nous réfléchissions ensemble sur le droit à l'image qui pourrait aujourd'hui être accordé aux collectivités publiques.
Cette reconnaissance permettrait de soumettre à autorisation préalable l'utilisation à des fins commerciales de la représentation des objets figurant dans les collections des musées appartenant à ces collectivités publiques. Cela permettrait aussi à ces mêmes collectivités de s'assurer que la reproduction est conforme à l'intérêt général.
Sur quelle base percevoir une redevance de la part de l'utilisateur ?
Aujourd'hui, les prises de vues ou photographies réalisées à l'intérieur de musées appartenant à l'Etat donnent lieu à la perception d'une taxe spéciale. Mais cette redevance n'est pas la contrepartie de l'utilisation commerciale de l'image du patrimoine de l'Etat : elle est liée à l'occupation privative du domaine public.
Il conviendrait donc de généraliser la redevance perçue dans les monuments historiques et les musées appartenant à l'Etat en l'étendant à toutes les collectivités publiques et en fondant son versement non plus sur l'occupation privative du domaine public, mais sur l'utilisation à des fins commerciales de la représentation ou de la reproduction du patrimoine historique ou artistique des collectivités publiques.
Pour que cette question soit étudiée, je vous soumettrai, mes chers collègues, un amendement demandant au Gouvernement un rapport sur ce sujet.
Enfin, je tiens, au nom du groupe des Républicains et Indépendants, à féliciter la commission et son rapporteur pour l'excellent travail qu'ils ont accompli et à les assurer de notre soutien pour les amendements qu'ils vont proposer. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Plasait.

M. Bernard Plasait. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en quinze ans, le nombre des visiteurs dans les musées nationaux est passé de neuf millions à quinze millions. L'Etat a consacré 8 milliards de francs à la création ou à la réhabilitation de ces établissements et plus de 250 chantiers répartis dans toute la France ont été dénombrés.
Fort de cela, le Gouvernement a décidé, par ce projet de loi, de donner une nouvelle assise juridique aux musées nationaux ou territoriaux. Très bien !
Cependant, ce projet de loi inscrit dans l'urgence - pour quelle raison ? - est décevant et incomplet. Il privilégie une approche administrative de la politique conduite par l'Etat dans le domaine des musées. Il substitue, en effet, à l'ordonnance du 13 juillet 1945, texte qui a vieilli mais qui constitue un modèle d'organisation très souple, un dispositif qui ne correspond ni aux mutations qu'ont connues les musées depuis les années soixante-dix ni aux acquis de la décentralisation.
Par ce texte, madame la ministre, vous cherchez à atteindre un triple objectif.
D'abord, vous voulez placer le public au coeur de la vocation du musée. A l'aune des progrès déjà accomplis en ce domaine, les dispositions du projet de loi ne sont guère novatrices : elles se contentent d'étendre à l'ensemble des musées relevant de l'Etat la gratuité pour les moins de dix-huit ans, déjà appliquée dans les musées nationaux.
Ensuite, vous entendez redéfinir les relations entre l'Etat et les musées. En agissant de la sorte, vous favorisez une uniformisation administrative qui ignore les acquis de la décentralisation. Le texte substitue aux deux catégories actuelles, musées classés et musées contrôlés, une appellation unique « musée de France », qui a vocation à s'appliquer à l'ensemble des institutions dont les collections présentent un intérêt public.
Par ce moyen, vous soumettez les « musées de France » à un contrôle de l'Etat plus strict que celui qui est prévu par l'ordonnance de 1945. De technique, le contrôle de l'Etat devient « scientifique et technique ». Mais le projet de loi va bien au-delà en confiant à un décret le soin de fixer les règles de dépôt et de prêt des collections des musées de France, de définir les qualifications exigées des professionnels auxquels seront confiées, après avis des services de l'Etat, leurs restaurations, ou encore en les obligeant à leur transmettre des statistiques relatives à leur fréquentation.
La création d'une nouvelle instance consultative, le Conseil des musées de France, placé auprès du ministre, ne constitue pas un moyen de se prémunir contre les risques d'un renforcement des prérogatives de l'Etat. En effet, ce conseil ne dispose pas des moyens nécessaires pour affirmer son indépendance et son autorité. D'ailleurs, je ne crois pas que le nombre de ses membres soit de nature à lui permettre d'atteindre ce double objectif, pourtant vivement souhaitable. Je constate également qu'aucun représentant des musées privés n'y figure - à moins que le décret en Conseil d'Etat n'y pourvoie - et que le choix des représentants dits qualifiés et de représentants des associations représentatives du public ouvre la porte aux passe-droits et à l'arbitraire.
M. René-Pierre Signé. Oh !
M. Bernard Plasait. Ce Haut Conseil devrait, au contraire, pouvoir affirmer sa légitimité et avoir à sa disposition les services de l'Etat, et non l'inverse.
Plus grave, rien n'est dit de son financement, et j'ai bien peur que pareille structure ne soit trop coûteuse pour des finances publiques bien dégradées.
Enfin, madame la ministre, ce texte tend à consolider le régime de protection des oeuvres puisqu'il renforce les garanties existantes.
L'article 8 affirme un principe d'inaliénabilité absolue des collections publiques, qui interdit tout déclassement.
La gestion des collections privées est également strictement encadrée : leurs propriétaires ne peuvent les céder qu'aux personnes publiques ou aux personnes morales de droit privé à but non lucratif qui se seront engagées au préalable à maintenir l'affectation de ces collections au public.
Nous ne pouvons que regretter, madame la ministre, que ces dispositions ne tiennent pas compte de la diversification des collections muséographiques et interdisent pour l'avenir toute évolution de leurs modes de gestion.
Derrière ces trois objectifs, la ligne du ministère est transparente : d'abord, se désengager du patrimoine muséographique ; ensuite, au moyen du label, se transformer en simple outil de communication ; enfin, assurer son pouvoir en étendant ceux de la direction des musées de France à l'ensemble des « musées de France ».
Madame la ministre, les non-dits et l'interventionnisme étatique que je discerne dans ce projet de loi pourraient conduire au pire dans son application.
Ce texte aboutit non seulement au désengagement de l'Etat quant aux moyens financiers, mais aussi à l'assujettissement des musées territoriaux et privés acceptant l'attribution du label à l'outil séculier : la direction des musées de France. (M. Signé s'exclame.)
Je ne prendrai qu'un exemple : un musée privé acceptant le label et devant entreprendre des travaux, sans intervention financière de l'Etat, se verra imposer un programmateur de la direction des musées de France avec des conséquences imprévisibles sur les coûts et une distorsion obligatoire sur le projet d'origine. En cas de refus, les possibilités sont un retrait des dépôts et le blocage des échanges. La direction des musées de France disposera sur ces deux points d'une grande capacité négative pour asseoir son pouvoir.
Comme à son habitude, le Gouvernement contraint là où il faudrait justement responsabiliser les acteurs. Assujettir un plus grand nombre de musées à une administration, qui fait chaque jour la preuve de ses carences, est-ce vraiment la solution ? Et je dis cela à l'heure où le ministère de la culture n'assure déjà plus la mission essentielle, madame la ministre : l'ouverture au public des musées en raison de la loi sur les 35 heures. (M. Signé s'exclame.) La pagaille du dernier week-end en témoigne !
M. René-Pierre Signé. Il critique tout !
M. Bernard Plasait. J'ajoute que l'échec total dans la gestion de la Réunion des musées nationaux qui vous a sans doute frappé, mon cher collègue, à la suite de diversifications hasardeuses, augure mal de ce que pourra être la gestion des « musées de France ».
Les grandes incertitudes actuelles sur le devenir du musée de l'Homme, du musée des Arts et Traditions populaires, du musée des Arts africains et océaniens et l'exclusion dans le futur musée des Arts premiers de tout objet d'origine européenne devraient mobiliser le ministère autrement.
En résumé, ce texte va à l'encontre du grand projet qui serait nécessaire : décentralisation à l'échelon régional ; autonomie et responsabilisation de chaque musée ; intégration dans un tissu local, associatif et culturel ; renforcement des compétences techniques et financières ; création de réseaux d'échanges européens et internationaux ; élaboration de projets scientifiques et artistiques de type ERASMUS ; enfin, réinvestissement de la cité en sortant le patrimoine des musées.
Voilà quelques orientations, madame la ministre, qui seraient de nature à favoriser l'augmentation du nombre des visiteurs.
Ouvrir les musées à un public nouveau suppose un environnement culturel qui aiguise l'appétit et l'esprit de découverte des plus jeunes. L'ouverture des musées dans la ville, la nécessité d'aller dans les lieux publics autres - les mairies, par exemple - à la rencontre du public doivent s'accompagner d'une ouverture sur l'Europe. Or ce texte ne mentionne pas l'Europe, alors qu'elle devrait être au coeur de nos réflexions. L'outil patrimonial et muséal devrait être l'un des principaux vecteurs de l'idée européenne auprès des nouvelles générations.
Enfin, je conclurai mon intervention en rendant hommage au remarquable travail effectué par le rapporteur de la commission, notre excellent collègue Philippe Richert. Les amendements qu'il nous proposera, et que j'approuve, ouvrent la voie de la responsabilité, notamment en matière fiscale et financière. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Je ne répondrai sans doute pas aux nombreuses questions soulevées par l'ensemble des intervenants, dont certaines ressurgiront d'ailleurs à l'occasion de l'examen des amendements. Quoi qu'il en soit, je voudrais lever tout de suite un double malentendu.
Le premier malentendu tient à ce que plusieurs intervenants ont semblé croire que ce texte ne s'adressait qu'à une catégorie de musées. Je rappelle que, quels que soient leurs ministères de tutelle et quelle que soit leur thématique, l'ensemble des musées entrent dans le champ de ce texte.
Le second malentendu, qui est évidemment plus lourd, porte sur la nature même de ce projet de loi et sur l'ambition qui le sous-tend en matière de décentralisation. Il s'agit d'une inquiétude qui a été exprimée notamment par M. le rapporteur, mais aussi par d'autres intervenants. Je voudrais simplement répéter ici que le choix opéré par le Gouvernement s'agissant de la création d'un label commun vise à l'harmonisation et non pas, comme je l'ai entendu dire, à l'uniformisation. Il est au contraire clairement dit que les musées, dans toute la diversité qui est la leur, doivent pouvoir trouver leur place à l'intérieur de cette nouvelle famille « musée de France ».
Pourquoi un seul label ? C'est de la sorte une stratégie d'ensemble de la politique culturelle que nous pouvons mener au travers des institutions muséales, dans toutes leurs diversités, je le répète. Ce label est à même de créeer un lien et de donner un repère au public.
Vous avez notamment redouté, monsieur le rapporteur, que ce texte ne suscite des tentations trop administratives. Je souhaite vous rassurer ; je ne prendrai que l'exemple des statistiques. Si nous voulons ensemble, au sein du Haut Conseil des musées de France, réfléchir à la politique globale de ces institutions, le fait pour chacune d'entre elles d'établir des statistiques sera vécu non pas comme une surcharge tatillonne et bureaucratique, mais au contraire comme la possibilité de mettre les réflexions en commun.
Je rappelle aussi que, en dehors des musées d'Etat, l'attribution de ce fameux label « musée de France » n'est nullement imposée : elle n'est pas arbitrairement décidée ; elle est proposée et librement consentie par l'ensemble des musées, quel que soit leur statut.
De même, vous avez exprimé la crainte que le principe d'inaliénabilité absolue des collections publiques ne fige ces collections. Nous en rediscuterons, bien sûr, lors de l'examen des amendements. Mais j'appelle votre attention sur un fait : certes, les collections entrent définitivement dans la famille des musées de France, mais, au travers des dépôts ou des échanges au sein de cette grande famille, elles peuvent mener des vies successives au fil des initiatives des conservateurs et des propriétaires des collections.
J'ajoute que l'Etat n'est pas seul gardien du patrimoine national : n'oublions pas la loi. C'est d'ailleurs pour cela que nous attachons tous, me semble-t-il, une importance à ce texte, quelles que soient les insuffisances relevées par tel ou tel.
Monsieur le rapporteur, vous avez fait de l'inaliénabilité l'un des thèmes les plus importants de votre analyse, tout comme d'autres orateurs.
Pour le Gouvernement, ce principe de l'inaliénabilité est vraiment l'expression même de l'intérêt général que présentent ces collections au regard du patrimoine national et, je le répète, nous ne voyons pas la possibilité d'y apporter des entorses.
Vous vous êtes préoccupé, notamment, des collections des musées privés. Vous nous présenterez, si j'ai bien entendu votre propos, une adaptation du dispositif sous la forme d'un régime à double vitesse selon que les oeuvres ont été acquises avec une aide publique ou qu'elles sont pleinement propriétés privées.
Nous y reviendrons, mais j'attire votre attention sur le fait qu'à travers ce texte ce sont aussi la qualité et la cohérence des collections que nous défendons. Si un musée privé regroupe à la fois des oeuvres qui lui appartiennent et des oeuvres acquises avec des aides publiques, c'est néanmoins la totalité de la collection qui présente un intérêt général. Je pense donc qu'il y a un risque à distinguer les régimes applicables à ces deux catégories d'oeuvres.
L'application des règles de la domanialité comme substitut à l'inaliénabilité totale ne me paraît pas être la bonne réponse. Certes, ce régime juridique existe d'ores et déjà et inclut en effet une faculté de déclassement, mais je rappelle, monsieur le sénateur, que, dans la pratique, cette faculté n'a jamais été mise en oeuvre au cours du xxe siècle.
M. Philippe Richert, rapporteur. Donc, cela marche ! Nous ne faisons que renforcer la protection.
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. C'est que le déclassement, comme l'aliénation qui peut s'ensuivre, porte atteinte à cet intérêt global et général de la collection, nous y reviendrons.
Mais je me tourne maintenant vers les différents orateurs.
Monsieur Joly, nous oeuvrons pour sortir d'une grève qui affecte lourdement et, depuis quatorze jours, les musées. Sachez que, dans ma position, je ressens très douloureusement la fermeture au public de ces institutions mais, dans tous les ministères, la réduction du temps de travail est une négociation difficile qui demande du temps. J'espère que nous parviendrons rapidement à une solution, dans l'intérêt non seulement, d'ailleurs, des publics aujourd'hui privés de cet accès aux ressources culturelles mais aussi de tous ceux qui travaillent dans les musées.
Vous avez souligné les difficultés de gestion des réserves qui sont parfois, en effet, insuffisamment équipées pour assumer le poids des collections. Cela fait partie de l'ensemble des projets d'investissements qui sont portés, souvent en commun, par l'Etat et par les collectivités territoriales.
M. Gaillard s'est évidemment surtout attardé sur le dispositif fiscal, qu'il connaît bien et auquel il s'est depuis longtemps beaucoup intéressé. J'ai noté avec plaisir qu'il approuvait les propositions contenues dans le rapport Cerruti, ce qui me fait espérer que les dispositions dont nous allons discuter tout à l'heure, au cours de la discussion des articles, recueilleront, au moins pour partie, son soutien.
Vous avez aussi, monsieur le sénateur, souligné la relance du marché de l'art, en particulier grâce à l'adoption de la loi sur les enchères publiques que le Gouvernement a eu l'honneur de défendre et de faire aboutir.
M. Renar a souligné à juste titre, au début de son intervention, l'importance du rôle de transmission des musées, de l'ensemble des musées, ainsi que la nécessité de placer le public, comme je l'ai souvent dit, au coeur du dispositif muséal, et donc au coeur du projet de loi que j'ai l'honneur de vous présenter aujourd'hui.
Ce texte vise toutes les catégories de musées et, dans la démarche de démocratisation qui est la nôtre et qui inspire ce projet de loi, la politique tarifaire occupe une place importante.
Vous avez souligné que l'Etat montrait la voie en ce qui concerne l'accès aux musées pour les jeunes de moins de dix-huit ans. Vous avez, à cette occasion, émis le voeu que la gratuité soit étendue aux expositions temporaires et non plus réservée aux seules collections permanentes. Intellectuellement, je ne peux que souscrire à ce voeu très légitime, monsieur le sénateur, mais sa réalisation implique simplement que l'économie de nos musées nous le permette. Je suis certaine que nous travaillerons en ce sens ensemble de budget en budget.
D'ailleurs, on constate déjà, dès avant le vote de ce texte, des avancées dans la politique muséale, notamment les heureux effets de la gratuité. En effet, là où elle est pratiquée, même lorsqu'elle se borne à cibler tel ou tel jour de la semaine ou du mois, cette gratuité a eu un effet extrêmement positif sur la fréquentation de l'ensemble des musées, qu'elle a permis de faire progresser de plus de 25 % en moyenne depuis son instauration.
Il était donc important de prendre acte de ces avancées et de réinscrire cet objectif dans la loi, tout en respectant l'autonomie de gestion des collectivités propriétaires auxquelles, bien entendu, l'Etat ne pouvait pas imposer ce recours à la gratuité, elles, qui comme l'Etat, connaissent des contraintes de gestion assez souvent difficiles à surmonter.
Je tiens à vous remercier, monsieur Lagauche, d'avoir rappelé l'intense activité de la législature en cours sur l'ensemble des problèmes du marché de l'art, de la protection du patrimoine et du soutien aux professions de l'art.
Vous avez souligné l'intérêt du label comme signal donné au public d'aujourd'hui, ainsi qu'au « non-public » d'ailleurs, de l'existence d'une proposition cohérente sur l'ensemble du territoire.
Je me réjouis aussi de la position que vous avez prise en ce qui concerne l'inaliénabilité et les risques que représente le déclassement.
Vous vous êtes interrogé sur une question dont nous avons peu eu l'occasion de parler mais qui a été évoquée par M. le rapporteur : les qualifications des professionnels des musées. Il n'y a pas, dans notre esprit, de distinction entre les professionnels de la conservation et de l'exposition, d'une part, et les professionnels de ce que l'on peut appeler l'action culturelle au sein des musées, d'autre part.
Bien entendu, des exigences de qualifications sont d'ores et déjà imposées à l'ensemble des professionnels de tous les musées. Les personnels contractuels ne seront pas lésés par la nouvelle loi car nous veillerons, dans l'élaboration des décrets d'application, à ce qu'il soit tenu compte largement de l'expérience professionnelle acquise et des qualifications liées à cette expérience, au-delà même des diplômes.
Je voulais également préciser, en réponse à l'une de vos questions, que j'ai confié une mission d'étude à M. Daniel Malingre afin qu'il considère les possibilités d'une reconnaissance des formations des restaurateurs d'art qui, je le sais, assument souvent, sur tout le territoire, une fonction très importante pour nos musées.
M. Jean-Léonce Dupont a rejoint M. le rapporteur dans la critique fondamentale de ce texte, dans lequel il voit une « centralisation uniformisatrice ». Je veux redire que le label « musée de France » est, au contraire, respectueux des différences, notamment de statuts, d'origines, de collections, et qu'il s'agit plus d'un cercle de travail en commun, de mise en commun des méthodes et des objectifs en direction des publics que, comme vous semblez le redouter ou le déceler dans le texte, d'un contrôle uniformisateur.
En réalité, je ne crois pas que l'on puisse dire que ce projet accroisse les contrôles, puisqu'il définit plus strictement le rôle de l'Etat, qui ne contrôle que pour protéger la pérennité et la qualité des collections.
Nous aurons d'ailleurs à reparler de la composition du Haut Conseil qui, je l'espère, contribuera à atténuer vos inquiétudes sur toute tentation de recentralisation.
Quant au musée d'Orsay, il s'agit non pas d'une régie, mais d'un service à compétence nationale.
Mesdames, messieurs les sénateurs, sachez qu'il y a aujourd'hui des « conseillers musée » dans presque toutes les directions régionales des affaires culturelles et que ces dernières participent pleinement, aux côtés de l'inspection générale des musées, dont la compétence est, je crois, reconnue par tous, à l'observation et à l'expertise du fonctionnement de nos musées. C'est donc là un échelon réellement déconcentré de l'administration des musées qui, auprès des collectivités locales, dialogue avec elles et est également à l'écoute de l'ensemble des responsables des musées.
L'idée d'un droit à l'image me semble mériter examen. Nous en reparlerons.
Je voudrais dire à M. Plasait - il ne s'en étonnera pas - que je ne partage pas l'analyse qu'il fait de l'esprit de ce texte. En effet, beaucoup plus que M. le rapporteur et d'autres intervenants, il y voit à la fois une tentation de désengagement de l'Etat et une prétention à un plus grand centralisme et à un plus grand interventionnisme. Je me suis efforcée de démontrer qu'il n'en était rien, mais il est parfois difficile de faire évoluer des convictions.
Mesdames, messieurs les sénateurs, tous ceux qui sillonnent la France et qui connaissent la grande palette de nos musées, qu'ils soient publics ou privés, peuvent constater l'extraordinaire vitalité de l'institution muséale. Je ne voudrais donc pas qu'à l'issue de ce débat nous ayons donné le sentiment que rien ne va dans les musées. Nous sommes tous, au contraire, confortés dans nos efforts sur le plan tant local que national par l'extraordinaire richesse de ce réseau. Soyez assurés de la volonté du Gouvernement non seulement de ne pas se désengager mais, surtout, d'accompagner, avec toutes les forces dont il dispose, les initiatives - et elles sont nombreuses - qui peuvent être prises, dans ce domaine, à un échelon décentralisé, voire par des personnes privées.
Le fait d'inscrire dans la loi, au-delà de la fonction patrimoniale, conservatrice et protectrice des musées, la fonction de relation au public, de démocratisation culturelle, n'est pas, à mon sens, un aspect anecdotique du texte que j'ai l'honneur de défendre devant vous. Cette légalisation de la fonction culturelle me semble être d'une portée symbolique forte pour appuyer le travail considérable qui est fait en ce sens par la quasi-totalité des responsables, quelle que soit la nature des musées qu'ils ont en charge. Cette tâche sera, à mon avis, encore mieux accomplie grâce à la création de services du public, appelé pédagogiques ou culturels, à l'intérieur de toutes ces institutions.
Je vous remercie encore de la grande attention que vous avez apportée, monsieur le rapporteur, monsieur le président, et vous tous, mesdames, messieurs les sénateurs, à ce texte. J'ai bien compris que l'urgence déclarée ne vous faisait pas plaisir ; elle ne fait jamais plaisir. Simplement, le réalisme que nous impose un calendrier parlementaire extrêmement difficile et le désir, je crois, partagé de faire aboutir ce texte dans les meilleurs délais est, sinon une excuse, du moins une explication pour le choix de cette procédure. Cela nous a d'ailleurs amenés à travailler ensemble très étroitement dès le début de la discussion. J'espère que nous en recueillerons les fruits.
M. Jacques Valade, président de la commission. Très bien !
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.

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ÉLECTIONS DE MEMBRES REPRÉSENTANT
LA FRANCE AU CONSEIL DE L'EUROPE
ET À L'UNION DE L'EUROPE OCCIDENTALE

M. le président. Voici les résultats du scrutin pour l'élection de six délégués titulaires du Sénat représentant la France à l'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe et à l'assemblée de l'Union de l'Europe occidentale.

:
Nombre de votants

167Majorité absolue des votants 84
Bulletins blancs ou nuls 8
Suffrages exprimés 159

Ont obtenu : M. Marcel Debarge, 157 voix ; M. Jean-François Le Grand, 157 voix ; M. Jacques Legendre, 156 voix ; M. Francis Grignon, 156 voix ; Mme Josette Durrieu, 155 voix ; M. Philippe Nachbar, 155 voix...
En conséquence, MM. Marcel Debarge, Jean-François Le Grand, Jacques Legendre, Francis Grignon, Mme Josette Durrieu et M. Philippe Nachbar, ayant obtenu la majorité absolue des suffrages des votants, je les proclame délégués titulaires du Sénat représentant la France à l'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe et à l'assemblée de l'Union de l'Europe occidentale.
Voici les résultats du scrutin pour l'élection de six délégués suppléants du Sénat représentant la France à l'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe et à l'assemblée de l'Union de l'Europe occidentale.

:
Nombre de votants

167Majorité absolue des votants 84
Bulletins blancs ou nuls 4
Suffrages exprimés 163

Ont obtenu : M. Michel Dreyfus-Schmidt, 161 voix ; M. Jean-Guy Branger, 161 voix ; M. Jean-Pierre Masseret, 161 voix ; M. Daniel Goulet, 160 voix ; M. Xavier Pintat, 160 voix ; M. Jean-Louis Masson, 156 voix.
En conséquence, MM. Michel Dreyfus-Schmidt, Jean-Guy Branger, Jean-Pierre Masseret, Daniel Goulet, Xavier Pintat et Jean-Louis Masson ayant obtenu la majorité absolue des suffrages des votants, je les proclame délégués suppléants du Sénat représentant la France à l'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe et à l'assemblée de l'Union de l'Europe occidentale.

13

MUSÉES DE FRANCE

Suite de la discussion et adoption
d'un projet de loi déclaré d'urgence

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif aux musées de France. [n° 323 (2000-2001).]
J'informe le Sénat que la commission des affaires culturelles m'a fait connaître qu'elle a d'ores et déjà procédé à la désignation des candidats qu'elle présentera si le Gouvernement demande la réunion d'une commission mixte paritaire en vue de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion sur le projet de loi actuellement en cours d'examen.
Ces candidatures ont été affichées pour permettre le respect du délai réglementaire.
La discussion générale a été close.
Nous passons à la discussion des articles.

Article 1er



M. le président.
« Art. 1er. - L'appellation "musée de France" est réservée aux institutions culturelles et scientifiques relevant de l'Etat, d'une autre personne morale de droit public ou d'une personne morale de droit privé à but non lucratif, dont l'objet est de présenter au public, pour la connaissance, l'éducation et le plaisir, des ensembles permanents de biens mobiliers ou immobiliers réunis à cette fin et dont la conservation et l'exposition revêtent un intérêt public.
« Ces ensembles permanents, appelés collections, appartiennent à l'une des personnes mentionnées à l'alinéa précédent. »
La parole est à Mme Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Madame la ministre, je souhaitais que soit reconnue la place de la culture scientifique ; vous avez répondu à ce souhait.
En effet, l'article 1er - et lui seul - recouvre le champ de nos centres culturels en matière scientifique et technique. Qu'il s'agisse de l'aspect patrimonial, de la restauration ou du marché de l'art, le texte et les débats étaient par trop focalisés sur les beaux-arts Or, si ceux-ci épanouissent, la culture scientifique émancipe. Il semblait donc important que les centres de culture scientifique et technique ainsi que les écomusées soient expressément visés par le projet de loi. Ils le sont désormais et je vous en remercie.
M. le président. Sur l'article 1er, je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 1, présenté par M. Richert, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi l'article 1er :
« L'appellation "musée de France" peut être accordée aux musées appartenant à l'Etat, à une autre personne morale de droit public ou à une personne morale de droit privé à but non lucratif.
« Est considérée comme musée, au sens de la présente loi, toute collection permanente de biens ouverte au public dont la conservation et la présentation revêtent un intérêt public. »
L'amendement n° 63, présenté par M. Jean-Léonce Dupont, est ainsi libellé :
« Dans le premier alinéa de l'article 1er, après les mots : "ou d'une personne morale de droit privé à but non lucratif", insérer les mots : "ou d'une société d'économie mixte". »
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 1.
M. Philippe Richert, rapporteur. La nouvelle rédaction de l'article 1er que propose la commission est inspirée par un souci de précision.
Il s'agit ici non pas de définir les missions des musées puisque l'article 1er bis, introduit par l'Assemblée nationale, les énumère désormais, mais de préciser les conditions d'octroi du label « musée de France ».
Or, comme l'a signalé l'un des intervenants, le texte adopté par l'Assemblée nationale est, à plusieurs égards, ambigu : que désigne, juridiquement, l'expression « institutions culturelles et techniques » ? Le label « musée de France » est accordé non pas à des institutions mais bien à des collections.
Par ailleurs, le texte entretient une confusion entre la gestion des collections et leur propriété.
Enfin, la définition des collections tend à englober les biens immeubles. On risque ainsi de conduire à considérer que les immeubles les abritant font partie intégrante des collections.
En établissant une distinction aux articles 1er et 1er bis, d'une part, entre la définition des musées de France et, d'autre part, leurs missions, la rédaction proposée par la commission permet donc de clarifier les conditions qui doivent être réunies par une institution pour se voir attribuer le label.
M. le président. La parole est à M. Jean-Léonce Dupont, pour présenter l'amendement n° 63.
M. Jean-Léonce Dupont. Le label « musée de France » doit pouvoir être accordé aux musées gérés par une société d'économie mixte, et non pas seulement à ceux qui relèvent de l'Etat, d'une personne morale de droit public ou d'une personne morale de droit privé à but non lucratif.
Ainsi, les grottes de Lascaux, le mémorial de Caen, le centre de la mer Nausicaa, le château d'Auvers-sur-Oise sont gérés par des sociétés d'économie mixte.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 63 ?
M. Philippe Richert, rapporteur. On l'aura remarqué, cet amendement est incompatible avec l'amendement n° 1 puisqu'il vise en fait le gestionnaire des collections alors que la définition de la commission prend en compte le propriétaire. Selon notre conception, c'est le musée qui bénéficie du label, mais rien n'empêche qu'il soit géré par une société d'économie mixte. Il n'y a donc pas de problème et je suggère le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 1 et 63 ?
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. En ce qui concerne l'amendement n° 1, le Gouvernement émet un avis défavorable, tout en comprenant le souci de précision qui a animé ses auteurs. En effet, les musées de France sont bien des institutions, et pas seulement des collections. Un musée est, certes, constitué par sa collection, mais aussi par les services et activités organisés autour de cette collection et pour sa mise à la disposition du public. Par conséquent, le terme « collection » ne résume pas l'institution « musée ».
Le texte ne fait pas naître d'ambiguïté entre la tutelle et la propriété des collections. Il désigne clairement le propriétaire comme le sujet de droit auquel la loi est applicable, indépendamment des conditions de gestion des musées de France, qui relèvent de la libre décision de chacun des propriétaires. C'est ainsi que le texte ne fait pas obstacle à ce qu'un syndicat intercommunal puisse gérer un musée dont les collections appartiennent à une seule commune.
Enfin, le Gouvernement comprend le souci du Sénat de ne pas considérer systématiquement les immeubles abritant des musées comme éléments de la collection. La rédaction adoptée par l'Assemblée nationale permet cependant d'éviter cet écueil. Il suffit de préciser si l'immeuble est ou n'est pas un élément de la collection. Il ne faut pas oublier que certains musées sont en tout ou partie composés de biens immobiliers. A titre d'exemple, je cite le musée d'Ungersheim, en Alsace.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur l'amendement n° 1.
Quant à l'amendement n° 63, je partage l'avis défavorable de M. le rapporteur. L'appellation « musée de France » ne fait pas obstacle à ce que la gestion d'un musée puisse être déléguée à un gestionnaire de droit privé. Elle implique en revanche que le propriétaire de collections poursuive à travers l'exploitation du musée une mission de service public ou, du moins, d'intérêt général à caractère non commercial et que la responsabilité scientifique et culturelle du musée soit assurée par un personnel qualifié. On retrouve donc la distinction entre propriété et gestion.
M. le président. Monsieur Dupont, l'amendement n° 63 est-il maintenu ?
M. Jean-Léonce Dupont. Les explications sans ambiguïté de Mme la ministre et de M. le rapporteur m'amènent à le retirer, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 63 est retité.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 1.
M. Philippe Richert, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Richert, rapporteur. Mes chers collègues, contrairement à ce que dit Mme la ministre, il y a bien confusion. Selon le texte tel qu'il nous vient de l'Assemblée nationale, « l'objet est de présenter au public, pour la connaissance, l'éducation et le plaisir, des ensembles permanents de biens mobiliers ou immobiliers réunis à cette fin ».
Cette définition prend donc en considération à la fois les immeubles et les collections en même temps qu'elle évoque les objectifs fixés par les musées. Or, il serait préférable de distinguer les problèmes. L'article 1er traite de ce qui fait la base des musées, à savoir les collections.
Effectivement, madame la ministre, les immeubles peuvent, comme pour le magnifique écomusée de Ungersheim, faire partie de la collection exposée. Il serait néanmoins dommageable que le texte puisse donner lieu à plusieurs interprétations. Il me semble donc utile de rappeler que le coeur du dispositif des musées est constitué par les collections, lesquelles font l'objet de la labellisation, et de ne définir les modalités de gestion qu'à l'article 1er bis.
Je vous invite donc, mes chers collègues, à adopter l'amendement n° 1.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 1er est ainsi rédigé.

Article 1er bis



M. le président.
« Art. 1er bis. - Les musées de France ont pour missions permanentes de :
« a) Conserver, préserver, restaurer, étudier et enrichir leurs collections ;
« b) Rendre leurs collections accessibles au public le plus large et les exposer dans des espaces adaptés ;
« c) Concevoir et mettre en oeuvre des actions d'éducation et de diffusion visant à assurer l'égal accès de tous à la culture ;
« d) Contribuer aux progrès de la connaissance et de la recherche ainsi qu'à leur diffusion et, à cette fin, assurer aux personnes se livrant à des recherches scientifiques l'accès à leurs collections.
« Les modalités de réalisation de ces missions sont formalisées dans un document retraçant le projet scientifique et culturel du musée. »
L'amendement n° 2, présenté par M. Richert, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi le début du deuxième alinéa a de l'article 1er bis :
« a) conserver, étudier et »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Richert, rapporteur. Cet amendement tend à apporter une précision rédactionnelle. Dans le deuxième alinéa a de l'article 1er bis, nous supprimons les mots « préserver et restaurer » parce que la notion de conservation recouvre également la notion de préservation et de restauration.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, car la préservation et la restauration sont distinctes de la conservation.
Préserver, c'est assurer le maintien de l'intégrité matérielle des collections, notamment par des mesures préventives visant à assurer la survie des objets en intervenant sur leur environnement et en stabilisant leur état.
Restaurer, c'est intervenir sur les collections par des actes qui tendent à dégager l'état originel d'un objet, à améliorer sa présentation.
Conserver recouvre en France l'ensemble des missions des conservateurs, c'est-à-dire essentiellement acquérir, sauvegarder, étudier et transmettre.
Telles sont les missions distinctes et essentielles des musées de France, et c'est pourquoi le projet de loi les précise.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 68, présenté par MM. Renar et Ralite, Mme David, M. Autain et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Compléter le deuxième alinéa a de l'article 1er bis par les mots : "dans le respect des règles nationales et internationales ;". »
La parole est à Mme David.
Mme Annie David. Cet amendement vise à prévenir un certain nombre de conflits qui se produisent encore aujourd'hui en matière d'acquisition des oeuvres d'art ; je veux évoquer la manière dont notre pays s'est parfois illustré par le passé - un passé encore récent ! - s'agissant de l'acquisition d'oeuvres internationales.
S'il est louable, en effet, d'avoir pour souci d'enrichir nos collections nationales de l'ensemble du patrimoine culturel mondial, cet enrichissement ne doit pas se concevoir comme une spoliation des biens de pays ou de civilisations dont l'histoire ancienne ou contemporaine est moins assurément assise que la nôtre. Le désir de constituer des collections prestigieuses ne doit pas nourrir des formes d'acquisition assez peu scrupuleuses, qui se réalisent dans la plus grande ignorance des traités et des conventions internationales.
Il nous semblait important que le texte qui nous est soumis, dont la portée - à tout le moins l'ambition qui le sous-tend - est de refonder la politique des musées, mentionne l'existence de ces règles en matière de politique d'acquisition des oeuvres d'art.
Tel est le sens de cet amendement, qui manquait singulièrement au projet de loi que nous examinons.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Richert, rapporteur. La précision introduite par l'amendement semble aller de soi. Les textes que nous votons doivent respecter les lois nationales et les traités internationaux. La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. J'estime moi aussi qu'il va de soi que l'activité des musées, comme toute autre activité dans ce pays, doit respecter l'ordonnancement juridique résultant des lois et des traités internationaux. La précision contenue dans l'amendement n'est donc pas nécessaire.
Je crois comprendre que Mme la sénatrice doute, dans ce domaine particulier, du respect absolu des lois et des traités internationaux. C'est dans cette perspective que s'inscrit sa proposition.
Toutefois, dans la mesure où cette mention ne semble pas nécessaire, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 68.
M. Ivan Renar. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar. Il s'agit, non pas seulement d'écrire ce qui va de soi, mais d'éviter certaines polémiques.
A cet égard, Mme David a pris des précautions pour ne pas ouvrir de polémique gratuite. (M. le rapporteur fait un signe d'approbation.)
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. C'était sage !
M. Ivan Renar. Je pense au Louvre, à ce qui se passait quai Branly...
Nous avons eu ce souci parce que des pays d'Asie, d'Afrique ou d'Amérique latine ont effectivement été victimes de spoliations. Nous ne souhaitons pas que cela puisse être l'objet de polémiques au moment où un musée va s'ouvrir, où des collections sont en train de se constituer. Telle est notre volonté.
Nous ne mettons en cause ni le Gouvernement actuel ni ses prédécesseurs. Mais il faut éviter que des aventuriers n'essaient de faire certaines récupérations. Restons prudents et écrivons noir sur blanc que les normes nationales et internationales seront respectées.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 68, repoussé par la commission et pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 3, présenté par M. Richert, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« A la fin du troisième alinéa b de l'article 1er bis, supprimer les mots : "et les exposer dans des espaces adaptés". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Richert, rapporteur. Il me semble évident que, par principe, les objets de collection doivent être exposés dans des espaces adaptés. Nous proposons de supprimer cette mention qui va de soi.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Peut-être pourrons-nous, au terme de ce débat, faire un traité sur l'expression « qui va de soi ». (Sourires.)
Plus sérieusement, monsieur le rapporteur, je conçois que cette notion d'« espaces adaptés » puisse aller de soi aux yeux de tous ceux qui ont le souci du bon fonctionnement des musées.
Force est quand même de constater que ce souci n'est pas universellement partagé et respecté, puisque dans certains musées, y compris d'ailleurs dans des musées contrôlés, il arrive que les espaces soient peu adaptés en surface aux collections. Cette précision dans la loi me paraît utile, car elle vaut engagement des partenaires. Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 4, présenté par M. Richert, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« A la fin de l'avant-dernier alinéa d de l'article 1er bis, supprimer les mots : "et, à cette fin, assurer aux personnes se livrant à des recherches scientifiques l'accès à leurs collections". »
L'amendement n° 49, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Dans le cinquième alinéa d de l'article 1er bis, supprimer le mot : "scientifiques". »
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 4.
M. Philippe Richert, rapporteur. Comme je l'ai dit tout à l'heure, la commission des affaires culturelles et le Sénat sont soucieux de ne pas alourdir les projets de loi par des précisions réglementaires pour que la lecture en soit la plus directe possible.
Conformément à ce principe, l'amendement n° 4 tend à supprimer une partie de phrase dont la rédaction peut sembler maladroite à plusieurs égards. Si l'intention est tout à fait louable, il s'agit d'éviter que les musées ne soient organisés en vue de la seule satisfaction de leur conservateur.
L'ouverture des musées aux chercheurs n'est pas l'unique moyen dont disposent les musées pour « contribuer aux progrès de la connaissance et de la recherche ». Par ailleurs, on peut se demander pourquoi seules les recherches scientifiques sont visées.
Enfin, il importe de laisser les musées libres d'apprécier les modalités pour atteindre cet objectif. En effet, les conservateurs sont les plus aptes à fixer au cas par cas les conditions dans lesquelles les collections exposées sont ou non accessibles aux chercheurs.
Dès que l'on commence à établir une liste, le risque est toujours grand d'oublier une partie des mentions qu'elle devrait comporter. Tel est l'objet de cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme la ministre, pour présenter l'amendement n° 49 et donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 4.
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Je comprends le souci de M. le rapporteur de laisser les musées et leurs professionnels libres d'apprécier les modalités pour atteindre l'objectif de contribution aux progrès de la connaissance et de la recherche.
Cet objectif implique de ménager aux chercheurs l'accès réel aux collections. Il me semble vraiment important de le préciser dans la loi puisque, compte tenu des règles de fonctionnement et de sécurité, cet accès peut effectivement entraîner des sujétions particulières, notamment en ce qui concerne la consultation des documentations et des réserves.
Or, la communauté des chercheurs demande - aujourd'hui peut-être plus qu'hier - un accès plus aisé à ces collections. C'est l'une des formes du partage de ce patrimoine extraordinaire que possèdent nos musées.
J'ai noté qu'une des objections soulevées par M. le rapporteur concernait la qualification « scientifiques ». Nous ne sommes pas obligés d'aller jusqu'à ce degré de précision. Tel est d'ailleurs l'objet de l'amendement n° 49.
Je suis défavorable à l'amendement n° 4, car il me paraît important de donner une indication forte sur l'accueil des chercheurs et sur leur accès aux collections.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 49 ?
M. Philippe Richert, rapporteur. L'avis ne peut qu'être défavorable puisque nous proposons de supprimer l'alinéa sur lequel porte cet amendement.
Il faut en effet éviter la confusion à laquelle peuvent prêter les termes de « recherches scientifiques ».
Certes, la commission, je vous le confirme, ne peut que souscrire au souci de tout mettre en oeuvre pour encourager les recherches sur les collections des musées. Mais il est superflu de le préciser dans le texte de loi.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 49 n'a plus d'objet.
L'amendement n° 5, présenté par M. Richert, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Supprimer le dernier alinéa de cet article. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Richert, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer le dernier alinéa de l'article 1er bis selon lequel les modalités de réalisation de ces missions sont formalisées dans un document retraçant le projet scientifique et culturel du musée.
Là encore, cette précision ne relève pas du domaine de la loi. Dans la rédaction de l'Assemblée nationale, on voit mal ce qui distingue le projet scientifique et culturel visé par cet alinéa de la convention prévue à l'article 4.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Le Gouvernement, qui partage l'opinion de M. le rapporteur, émet un avis favorable. Le projet scientifique et culturel est un document important, riche d'orientations pour le musée. Il ne saurait être considéré par la loi comme un document obligatoire dont la nature juridique peut paraître insuffisamment déterminée. Comme l'a dit M. le rapporteur, nous examinerons la convention ultérieurement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 5, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er bis, modifié.

(L'article 1er bis est adopté.)

Article 2



M. le président.
« Art. 2. - Il est créé, auprès du ministre chargé de la culture, un Conseil des musées de France, comprenant des représentants de l'Etat et des collectivités territoriales, des professionnels des musées, et notamment des professionnels et des spécialistes mentionnés aux articles 5 et 11, ainsi que des personnalités qualifiées comprenant des représentants d'associations représentatives du public, qui peut être consulté ou formuler des recommandations sur toute question relative aux musées de France.
« Le Conseil des musées de France est obligatoirement consulté dans les cas prévus aux articles 3, 8, 9, 12 et 14.
« Un décret en Conseil d'Etat précise la composition et les règles de fonctionnement du Conseil des musées de France. »
L'amendement n° 6, présenté par M. Richert, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Remplacer le premier alinéa de l'article 2 par les dispositions suivantes :
« Il est créé, auprès du ministre chargé de la culture, un haut conseil des musées de France composé, outre son président :
« - d'un député et d'un sénateur désignés par leur assemblée respective ;
« - de quatre représentants de l'Etat ;
« - de quatre représentants des collectivités territoriales ;
« - de quatre représentants des personnels mentionnés aux articles 5 et 11 ;
« - de quatre personnalités qualifiées parmi lesquelles figure un représentant d'associations représentatives du public.
« Le haut conseil des musées de France peut être consulté ou formuler des recommandations sur toute question relative aux musées de France. »
Le sous-amendement n° 50, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi les quatrième à sixième alinéas du texte proposé par l'amendement n° 6 :
« - de six représentants des collectivités territoriales ;
« - de six représentants des personnels mentionnés à l'article 5 et des spécialistes mentionnés à l'article 11 ;
« - de six personnalités qualifiées parmi lesquelles figurent deux représentants de personnes morales de droit privé propriétaires d'un musée de France et un représentant d'associations représentatives du public. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 6.
M. Philippe Richert, rapporteur. L'amendement n° 6 précise la composition de l'instance consultative nationale afin de garantir sa représentativité et son bon fonctionnement. En restreignant le nombre de ses membres dans le souci de dynamiser son fonctionnement. Un effectif trop nombreux risquerait de donner un caractère trop formel à ses délibérations.
Par ailleurs, une telle composition, qui est de nature à la distinguer des commissions consultatives à vocation scientifique, permettra d'affirmer plus clairement l'autorité de l'instance que je vous proposerai de dénommer « haut conseil des musées de France ».
M. le président. La parole est à Mme le ministre, pour défendre le sous-amendement n° 50.
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Nous sommes favorables à la dénomination proposée par la commission.
Afin de refléter à la fois les préoccupations des représentants de l'Etat, des collectivités territoriales et des personnes privées propriétaires de musées de France, et de permettre l'expression des différents partenaires professionnels des musées de France, il est nécessaire d'élargir la composition du Haut Conseil des musées de France.
Toutefois, la composition proposée nous paraît légèrement insuffisante en nombre pour refléter à la fois toutes les préoccupations et toutes les compétences des partenaires de la communauté muséale. C'est pourquoi le Gouvernement présente un sous-amendement tendant à accroître le nombre des personnes appelées à siéger au sein du Haut Conseil des musées de France. Sous réserve de l'adoption de ce sous-amendement, j'émets un avis favorable sur l'amendement n° 6.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 50 ?
M. Philippe Richert, rapporteur. Comme le sous-amendement maintient les équilibres souhaités par la commission, j'émets un avis favorable. Cela permettra à la commission et au Gouvernement de se rejoindre.
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 50, accepté par la commission.

(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix, modifié, l'amendement n° 6, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 7, présenté par M. Richert, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Dans le deuxième alinéa de l'article 2, remplacer les mots : "Conseil des musées de France" par les mots : "Haut Conseil des musées de France". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Richert, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination terminologique.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 8, présenté par M. Richert, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Dans le deuxième alinéa de l'article 2, supprimer le mot : "obligatoirement". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Richert, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 9, présenté par M. Richert, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi le dernier alinéa de l'article 2 :
« Un décret en Conseil d'Etat fixe sa composition, ses modalités de désignation et de fonctionnement et les conditions de publication de ses avis. »
Le sous-amendement n° 51, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Dans le texte proposé par l'amendement n° 9, après les mots : "les conditions" insérer les mots : "de notification ou". »
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 9.
M. Philippe Richert, rapporteur. Il s'agit de prévoir la publicité des avis du Haut Conseil des musées de France, ce qui sera de nature à accroître l'autorité de celui-ci face aux services de l'Etat.
M. le président. La parole est à Mme le ministre, pour présenter le sous-amendement n° 51 et pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 9.
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Il s'agit d'assurer la transparence et la publicité des avis du Haut Conseil des musées de France. Il paraît toutefois préférable de laisser au règlement le soin de déterminer les catégories de situations dans lesquelles l'avis doit être publié. Il n'est pas certain qu'une pratique élargie de consultation du Haut Conseil des musées de France par le Gouvernement doive déboucher dans tous les cas sur une publication de celui-ci, notamment en ce qui concerne l'examen détaillé des conditions remplies ou non par les institutions pour lesquelles l'appellation « musées de France » est demandée. A l'égard de ces dernières, c'est plutôt une notification qu'il conviendrait d'organiser.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 51.
M. Philippe Richert, rapporteur. La commission souhaite maintenir sa rédaction. En effet, le sous-amendement proposé par le Gouvernement prévoit que, selon les cas, les avis du Haut Conseil seront publiés ou notifiés en fonction de leur sens. Tous les avis qui sont rendus par le Haut Conseil, et quels que soient ces avis, doivent être publiés. Cela renforce, bien sûr, l'autorité de ce dernier. La commission émet donc un avis défavorable sur ce sous-amendement.
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 51, repoussé par la commission.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 9, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 2, modifié.

(L'article 2 est adopté.)

Article 3



M. le président.
« Art. 3. - L'appellation "musée de France" est attribuée à la demande de la personne morale propriétaire des collections, par décision du ministre chargé de la culture et, le cas échéant, du ministre intéressé, après avis du Conseil des musées de France.
« Lorsque la demande émane d'une personne morale de droit privé à but non lucratif, l'attribution de cette appellation est subordonnée à la présentation d'un inventaire des biens composant les collections, à la justification de l'absence de sûretés réelles grevant ces biens et à la présence, dans les statuts de la personne en cause, d'une clause prévoyant l'affectation irrévocable de ces biens à la présentation au public conformément à la présente loi. La décision attribuant l'appellation ainsi que l'inventaire joint à la demande font l'objet de mesures de publicité définies par décret en Conseil d'Etat.
« L'appellation "musée de France" peut être retirée, dans les formes prévues au premier alinéa, lorsque les missions permanentes et les motifs d'intérêt public ayant fondé la décision d'attribution de l'appellation ne sont plus réalisés.
« La personne morale propriétaire des collections d'un musée ayant reçu l'appellation "musée de France" peut demander qu'il soit mis fin à cette appellation à compter d'un délai d'un an après son obtention. Le Conseil des musées de France donne obligatoirement un avis sur cette demande. »
L'amendement n° 10, présenté par M. Richert, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Dans le premier alinéa de l'article 3, remplacer les mots : "de la personne morale propriétaire" par les mots : "de la ou des personnes morales propriétaires". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Richert, rapporteur. Cet amendement prévoit que l'appellation peut être accordée à plusieurs musées relevant de propriétaires différents afin que les réseaux de musées puissent en bénéficier, en tant que tels. Je prends l'exemple d'un parc naturel dans lequel plusieurs musées sont regroupés sous la responsabilité d'un seul conservateur. En effet, dans de tels cas, il me paraît important que l'appellation « musée de France » puisse être atribuée à de tels réseaux.
Tel est l'objet du présent amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Le Gouvernement doute que, dans la pratique, des réseaux de musées appartenant à des propriétaires différents puissent constituer par eux-mêmes un musée unique sous l'appellation « musée de France », même s'il espère bien qu'ils pourront travailler ensemble.
Cela dit, soucieux de ne pas nuire au développement des réseaux et faisant confiance à la doctrine que saura élaborer le futur Haut Conseil des musées de France, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 10, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 11, présenté par M. Richer, au nom de la commission, est ainsi rédigé :
« Après les mots : "ministre intéressé,", rédiger ainsi la fin du premier alinéa de l'article 3 : "après avis conforme du Haut Conseil des musées de France". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Richert, rapporteur. Cet amendement concerne les avis donnés par le Haut Conseil des musées de France. Au-delà d'une coordination terminologique, il vise à renforcer l'autorité du Haut Conseil des musées de France en prévoyant que son avis lie l'autorité administrative dans la procédure d'attribution du label. Vous l'aurez compris, cet amendement n'est pas seulement formel et il conforte l'autorité de cette instance.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Le Gouvernement ne partage pas le souhait du rapporteur de voir le ministre chargé de la culture lié de manière systématique par l'avis du Haut Conseil des musées de France.
Pour cette partie de la loi qui organise l'entrée dans la catégorie « musée de France », il est possible qu'une personne morale propriétaire de collections demande l'appellation « musée de France » et que, malgré l'avis négatif du Haut Conseil des musées de France, le ministre chargé de la culture et, le cas échéant, le ministre intéressé estiment indispensable de conférer cette appellation compte tenu de l'intérêt public des collections.
Il s'agit là d'une responsabilité politique et administrative des ministres. Ce n'est pas amoindrir le rôle du Haut Conseil, c'est simplement maintenir la responsabilité de l'Etat en la matière. Le Gouvernement est donc défavorable au fait que le ministre intéressé soit systématiquement lié par l'avis du Haut Conseil.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 11.
M. Yann Gaillard. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Gaillard.
M. Yann Gaillard. Pour ce qui me concerne, je partage l'avis du Gouvernement : il faut maintenir la possibilité pour l'Etat d'arbitrer certaines choses.
M. Philippe Richert, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Richert, rapporteur. Je voudrais revenir un instant sur la composition du Haut Conseil et sur les raisons qui justifient sa création.
Nous avons beaucoup insisté pour que soit assurée a sein du Haut Conseil une représentation des différentes catégories de musées à travers une répartition équilibrée des différents collèges, notamment en assurant la présence au sein de ce conseil des collectivités territoriales et des experts indépendants.
Pour conférer au label tout son sens, et non pas pour qu'il soit la simple reprise de catégories existantes, amalgamées dans une nouvelle terminologie, il importe que cette autorité supérieure soit garante de l'examen impartial des demandes d'obtention du label. Aussi, je souhaite que le ministre soit lié par cet examen.
La composition du Haut Conseil est très équilibrée. En effet, siègent notamment six représentants des collectivités territoriales. Il s'agit d'un élément qu'il me semble important de prendre en compte.
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Nous nous sommes tout à fait rejoints sur la composition du Haut Conseil et sur la mission qui en est attendue. Cependant, notre appréciation diffère sur la nature même de sa mission. En effet, M. le rapporteur vient d'employer les termes d' « autorité supérieure ». Pour sa part, le Gouvernement reste dans l'optique d'un Haut Conseil qui, par ses avis, éclaire les décisions de l'Etat. Je crois sincèrement que, dans la très grande majorité des cas, la proposition du Haut Conseil sera suivie par le ministre concerné.
Il s'agit d'un Haut Conseil, et non d'une autorité supérieure au sens que nous donnons souvent à l'expression « autorité indépendante ». Prévoir que toutes les positions qu'il prendra s'imposeront au ministre, c'est aller au-delà du rôle d'un tel conseil.
Je le répète : le Gouvernement souhaite que l'Etat puisse, dans des cas exceptionnels, ne pas suivre l'avis du Haut Conseil.
M. Bernard Joly. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly. Mme le ministre a souhaité que l'Etat puisse être éclairé par les avis du Haut Conseil. Dans ces conditions, ne conviendrait-il pas de prévoir que l'appellation « musée de France » sera attribuée après avis consultatif du Haut Conseil ? Cela permettrait à la commission et au Gouvernement de se rejoindre.
M. Philippe Richert, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Richert, rapporteur. J'ai bien compris que Mme la ministre souhaitait avoir la possibilité, de façon exceptionnelle, de ne pas suivre l'avis du Haut Conseil.
Tout à l'heure, un certain nombre de sénateurs ont craint une mainmise des services de l'Etat. Nous avons voulu donner à ce haut conseil une plus grande autorité. Comme certains l'ont rappelé dans leur propos liminaire, c'est dans cet esprit que nous souhaitions prévoir un avis conforme du Haut Conseil lors de l'attribution du label.
Madame le ministre, vous avez dit - et cela figurera dans le compte rendu des débats - que l'Etat souhaitait avoir la possibilité, à titre exceptionnel, ne pas suivre l'avis du Haut Conseil. Je comprends cette préoccupation. Aussi, je maintiens cet amendement, mais je rends leur liberté de vote aux membres de la commission : la sagesse s'exprimera.
M. Ivan Renar. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar. Avec mes amis, j'allais me réfugier dans une abstention prudente, mais M. le rapporteur faisant appel à la sagesse de la Haute Assemblée et déliant ainsi les membres de la commission d'un serment... qu'ils n'ont d'ailleurs pas vraiment prêté (Sourires), je modifie mon point de vue.
Après le débat qui vient d'avoir lieu, après avoir écouté notre collègue Yann Gaillard et Mme la ministre, il me semble effectivement pertinent que le ministre puisse décider malgré le Haut Conseil des musées de France.
Nous voterons donc contre l'amendement n° 11 de la commission conformément au souhait du Gouvernement et de notre collègue Yann Gaillard ; comme quoi, mon cher collègue, il est des moments où, dans un débat, nous pouvons nous retrouver sur une même idée de l'art, des musées et de la France.
M. Philippe Richert, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Richert, rapporteur. Monsieur le président, pour que l'expression « Haut Conseil des musées de France » figure dans le projet de loi, je souhaite rectifier mon amendement en supprimant le mot « conforme ». Ainsi, il pourra être adopté sans difficulté.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 11 rectifié, présenté par M. Richert, au nom de la commission, et ainsi libellé :
« Après les mots : "ministre intéressé,", rédiger ainsi la fin du premier alinéa de l'article 3 : "après avis du Haut Conseil des musées de France". »
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 11 rectifié, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 12, présenté par M. Richert, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Après les mots : "d'une clause prévoyant l'affectation irrévocable", rédiger ainsi la fin de la première phrase du deuxième alinéa de l'article 3 : "des biens acquis avec le concours de l'Etat ou d'une collectivité territoriale à la présentation au public conformément à l'article 8 de la présente loi". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Richert rapporteur. Cet amendement anticipe la position que je proposerai au Sénat d'adopter à l'article 8, qui concerne le statut des collections des musées de France appartenant à des personnes privées.
En effet, le projet de loi prévoit pour ces collections un statut qui limite très significativement les droits de leur propriétaire. Le paragraphe III de l'article 8 dispose en effet que les biens constituant ces collections ne pourront être cédés, « à titre gratuit ou onéreux, qu'aux personnes publiques ou aux personnes morales de droit privé à but non lucratif qui se sont engagées, au préalable, à maintenir l'affectation de ces collections à un musée de France. »
Un tel dispositif institue une contrainte très lourde sur la gestion des collections, contrainte qui a d'ailleurs pour effet de dévaluer le patrimoine des musées privés. Certes, on peut arguer du fait que ces restrictions au droit de propriété sont librement consenties par le propriétaire lui-même lorsqu'il sollicite le label. Toutefois, il y a fort à craindre que cette conséquence du label ne dissuade les collections privées d'entrer dans le champ des musées de France et donc n'entrave le développement du partenariat entre les institutions publiques et les structures issues de l'initiative privée, qui sont pourtant, de l'aveu de tous, nécessaires.
Une telle disposition illustre la difficulté pour les services de l'Etat de concevoir l'existence de collections privées de grande ampleur à côté de celles des musées publics et donc d'imaginer un autre mode de gestion d'une collection muséographique.
Limiter trop strictement les possibilités de cession des oeuvres aboutit à figer les collections au détriment de leur enrichissement, voire de leur survie. Pourquoi interdire à un musée privé de se défaire d'une oeuvre pour en acheter une autre, ce qui permettrait d'accroître la cohérence des collections ? Il s'agit là d'un acte courant, voire nécessaire, pour tout collectionneur privé.
A mon sens, la disposition figurant au paragraphe III de l'article 8 compromet le développement des musées privés en les condamnant, à terme, à être englobés dans des collections publiques.
Je vous demanderai donc, mes chers collègues, de revenir sur cette proposition en prévoyant que cette semi-inaliénabilité ne s'applique qu'aux oeuvres acquises avec le concours de l'Etat ou des collectivités territoriales. Il semble en effet légitime d'éviter que les subventions publiques ne soient utilisées pour réaliser des plus-values sur les oeuvres à l'acquisition desquelles elles contribuent.
Cette modification met-elle en péril l'intégrité, la cohérence des collections privées labellisées, comme vous le prétendiez tout à l'heure, madame le ministre ? Ce n'est pas le cas lorsque les musées sont des fondations ou des associations reconnues d'utilité publique. En cas de liquidation ou de dissolution de ces organismes, les procédures de dévolution sont prévues par leurs statuts, statuts approuvés par l'autorité administrative, qui, dans ce cadre, peut veiller à ce que les collections soient intégrées dans celles d'un musée.
S'agissant des fondations, si les collections font partie de la dotation initiale, elles sont revêtues d'un caractère inaliénable.
Enfin, s'il s'agit de musées qui sont ni des fondations ni des associations reconnues d'utilité publique, rien n'interdit à l'Etat de conclure au cas par cas avec eux des conventions prévoyant l'inaliénabilité de telle ou telle oeuvre.
Si cette modification portant sur l'article 8 devait être adoptée, il conviendrait, par coordination, que soit modifiée la rédaction du deuxième alinéa de l'article que nous examinons afin de préciser que la clause d'inaliénabilité prévoyant l'affectation irrévocable à un musée de France figurant dans les statuts des musées privés ne concerne que les biens acquis avec le concours de l'Etat ou d'une collectivité territoiriale.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Avec cet amendement, nous abordons le grave sujet de la pérennité, dans leur ensemble, des collections constitutives des musées de France.
Le Gouvernement réaffirme que la constitution et la pérennité des musées privés résultant d'initiatives privées lui paraissent aussi importantes que la constitution et le développement des musées publics. A cet égard, il importe de reconnaître l'appartenance à une même catégorie de musées de France tant de musées relevant de personnes morales de droit public que de musées relevant de personnes morales de droit privé à but non lucratif. Ceux-ci ne sont en effet pas assimilables aux collectionneurs privés profitant de l'occasion, je tiens à rendre hommage pour leur passion et pour leur engagement souvent personnel dans la constitution de collections - et font partie d'un ensemble à vocation collective et pérenne, situé en dehors du champ de la spéculation.
On doit donc faire en sorte que leurs collections qui présentent un intérêt public soient assurées de pérennité. Aussi, dès lors qu'une personne privée souhaite que le musée dont elle est propriétaire entre dans la catégorie « musée de France », elle doit accepter cette contrainte de permanence et l'impossibilité de l'aliéner à un autre acquéreur qu'un autre musée de France.
Je rappelle que, sur ce point, le projet de loi ne fait que consacrer une longue pratique dont les résultats positifs sont incontestables puisque les personnes morales de droit privé propriétaires d'un musée inscrit ont prévu dans leur statut des clauses prévoyant l'affectation irrévocable des biens de celui-ci à la présentation au public. En cas de dissolution est prévue la dévolution des collections à un autre musée.
Il est important que la loi nouvelle n'aille pas à l'encontre d'un principe admis et respecté depuis des décennies puisqu'il n'y a guère eu d'entorse à cette pratique. Les propriétaires privés semblent eux-mêmes accepter cette règle.
Je rappelle que le principe de transmission d'un patrimoine aux générations futures est inhérent à cette notion de « musée de France ». La survie des collections n'est pas en jeu puisque la population des musées de France est suffisamment large pour accueillir les collections de tel ou tel musée privé qui rencontrerait des difficultés pour continuer à financer son fonctionnement.
Par conséquent, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 12, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 13, présenté par M. Richert, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi le troisième alinéa de l'article 3 :
« Lorsque la conservation et la présentation au public des collections cessent de revêtir un intérêt public, l'appellation "musée de France" peut être retirée par décision du ministre chargé de la culture et, le cas échéant, du ministre intéressé, après avis conforme du Haut Conseil des musées de France. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Richert, rapporteur. Par cet amendement, la commission propose un dispositif de retrait du label « musée de France » qui lui semble plus approprié.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Considérant comme opportun le recueil de l'avis conforme du Haut Conseil des musées de France préalablement au retrait de l'appellation « musée de France », le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 13, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je constate que cet amendement a été adopté à l'unanimité.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 14 rectifié, présenté par M. Richert, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi le dernier alinéa de l'article 3 :
« A l'expiration d'un délai de quatre ans à compter de la décision l'attribuant, l'appellation « musée de France » est retirée à la demande de la personne morale propriétaire des collections par le ministre chargé de la culture et, le cas échéant, par le ministre intéressé. Toutefois, lorsque le musée a bénéficié de concours financiers de l'Etat ou d'une collectivité territoriale, le ministre de la culture et, le cas échéant, le ministre intéressé ne peuvent retirer l'appellation qu'après avis conforme du Haut Conseil des musées de France. Dans ce cas, le retrait de l'appellation prend effet lorsque la personne morale propriétaire des collections a transféré à un autre musée de France la propriété des biens ayant fait l'objet d'un transfert de propriété en application des articles 8 et 9 ou acquis avec des concours publics ou après exercice du droit de préemption prévu par l'article 37 de la loi du 31 décembre 1921 portant fixation du budget général de l'exercice de 1922 ou à la suite d'une souscription publique. »
L'amendement n° 52, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Remplacer le dernier alinéa de l'article 3 par six alinéas ainsi rédigés :
« A l'expiration d'un délai de quatre ans à compter de la décision l'attribuant, la personne morale propriétaire des collections peut demander le retrait de l'appellation "musée de France". Le retrait est subordonné à l'avis conforme du Haut Conseil des musées de France.
« Le retrait de l'appellation "musée de France" prend effet lorsque la personne morale propriétaire des collections a transféré à un autre musée de France la propriété des biens acquis selon une ou plusieurs des modalités suivantes :
« - en application des articles 8 et 9 de la présente loi ;
« - après exercice du droit de préemption en application de l'article 37 de la loi du 31 décembre 1921 portant fixation du budget général de l'exercice 1922 ;
« - avec le concours financier de l'Etat ou d'une autre collectivité territoriale ;
« - à la suite d'une souscription publique en application de l'article 200 du code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 14 rectifié.
M. Philippe Richert, rapporteur. Cet amendement prévoit qu'à l'expiration d'un délai de quatre ans à compter de la décision qui a attribué l'appellation « musée de France », le propriétaire des collectivités peut demander le retrait de ce label. Il est fait droit automatiquement à cette demande lorsque la collection n'a bénéficié d'aucune aide de l'Etat ni des collectivités. En revanche, lorsque le musée a bénéficié de concours financiers de l'Etat ou de collectivités locales, la commission souhaite que le Haut Conseil se prononce sur les conditions de retrait du label.
Afin d'éviter qu'un propriétaire ayant obtenu des subventions et profité d'avantages fiscaux ne puisse de son propre chef se soustraire aux obligations de la loi, nous proposons d'imposer que la propriété des oeuvres ayant bénéficié de ces avantages ne puisse être transmise qu'à un autre musée classé « musée de France ».
M. le président. La parole est à Mme le ministre, pour défendre l'amendement n° 52 et donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 14 rectifié.
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Le délai requis pour obtenir le retrait du label « musée de France » figurant dans l'amendement n° 14 rectifié est préférable à celui qu'a prévu l'Assemblée nationale. Toutefois, le Gouvernement ne peut donner son accord à la rédaction de la commission dans la mesure où celle-ci prévoit que ce retrait est de droit.
Aussi, pour intégrer la préoccupation exprimée par la commission, le Gouvernement a déposé l'amendement n° 52, qui vise à soumettre le retrait du label à l'avis conforme du Haut Conseil des musées de France.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 52 ?
M. Philippe Richert, rapporteur. En fait, la différence entre les deux amendements ne concerne que les musées ayant reçu l'appellation « musée de France » qui n'ont obtenu aucune aide.
La commission propose que, après un délai de quatre ans, il soit systématiquement fait droit à la demande d'un tel musée qui souhaiterait renoncer à l'appellation, alors que, dans l'amendement du Gouvernement, le retrait de l'appellation est subordonné, y compris pour ces musées qui n'ont bénéficié d'aucune aide publique, à l'avis conforme du Haut Conseil des musées de France.
Selon nous, dans la mesure où le musée n'a reçu aucune aide, il doit avoir la liberté pleine et entière de renoncer à l'appellation.
C'est la raison pour laquelle je suis amené à émettre un avis défavorable sur l'amendement n° 52.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 14 rectifié.
M. Ivan Renar. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar. Monsieur le président, à la vérité, il s'agit plus d'une question que d'une explication de vote.
Il me semble que, dans les deux amendements, une précision fait défaut. Quel est, au juste, le statut juridique des oeuvres acquises avec le concours de l'Etat ? Qui en est, en fait, propriétaire ?
Cela me rappelle le problème des entreprises qui ont reçu des subventions publiques. Il est question de demander le remboursement des subventions lorsque l'entreprise n'a pas respecté ses engagements, notamment en décidant de procéder à des licenciements.
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Monsieur Renar, les oeuvres acquises sur fonds publics doivent rester dans l'ensemble « musées de France » ; elles doivent donc être transférées à un autre musée de France.
M. Ivan Renar. Ce n'était pas tout à fait le sens de ma question.
M. Philippe Richert, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Richert, rapporteur. Dans l'amendement de la commission, il est bien précisé que « le retrait de l'appellation prend effet lorsque la personne morale propriétaire des collections a transféré à un autre musée de France la propriété des biens » qui ont été acquis, notamment, avec des aides publiques.
Peut-être cette rédaction ne satisfait-elle pas totalement notre collègue, mais elle me paraît répondre à sa question.
M. Ivan Renar. Je crois que cela va donner du travail aux avocats !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 14 rectifié, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 52 n'a plus d'objet.
Je mets aux voix l'article 3, modifié.

(L'article 3 est adopté.)

Article 4



M. le président.
« Art. 4. - Les musées de France bénéficient, pour l'exercice de leurs activités, du conseil et de l'expertise des services de l'Etat et de ses établissements publics.
« Ils sont soumis au contrôle scientifique et technique de l'Etat, qui peut diligenter des missions d'étude et d'inspection afin de vérifier que ces musées exécutent les missions définies à l'article 1er bis.
« Pour les musées dont les collections n'appartiennent pas à l'Etat ou à un de ses établissements publics, l'attribution de l'appellation "musée de France" est suivie de la signature d'une convention entre l'Etat, le musée et la personne morale propriétaire des collections. Cette convention précise les conditions de réalisation des missions énoncées à l'article 1er bis et de mise en oeuvre des dispositions prévues dans la présente loi. »
L'amendement n° 15, présenté par M. Richert, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi le deuxième alinéa de l'article 4 :
« Ils sont soumis au contrôle scientifique et technique de l'Etat dans les conditions prévues par la présente loi. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Richert, rapporteur. En définissant de manière très large le champ du contrôle scientifique et technique de l'Etat, le projet de loi laisse craindre une extension des prérogatives de l'autorité administrative sur les musées de France. Il convient donc de limiter ce contrôle aux seules modalités explicitement prévues par la loi. C'est ce que nous proposons dans l'amendement n°15.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Cet avis est défavorable parce que le texte voté par l'Assemblée nationale définit de manière précise le champ du contrôle scientifique et technique de l'Etat. Le contrôle de l'Etat n'est que la contrepartie d'une appellation dont la personne qui la sollicite sait parfaitement qu'elle s'engage, ce faisant, à respecter un certain nombre de principes légaux. Il n'y a donc pas à craindre d'excès de pouvoir en la matière.
M. Philippe Richert, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Richert, rapporteur. Il est prévu, dans le projet de loi tel qu'il nous vient de l'Assemblée nationale, que les musées de France sont soumis au contrôle scientifique et technique de l'Etat. Cette formulation, nous la reprenons, mais en indiquant simplement que ce contrôle s'effectue dans les conditions prévues par la présente loi, de manière que le champ des prérogatives de l'Etat ne vienne pas limiter l'autonomie de gestion dont doivent bénéficier les musées ; celle-ci doit être préservée.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 15, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 16, présenté par M. Richert, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi le dernier alinéa de l'article 4 :
« Des conventions conclues entre l'Etat et les musées de France peuvent préciser les conditions de réalisation des missions énoncées à l'article 1er bis et de mise en oeuvre des dispositions de la présente loi. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Richert, rapporteur. Cet amendement se justifie par son texte même.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Le Gouvernement est favorable à cet amendement.
Il convient de rappeler que les statuts de plusieurs établissements publics nationaux prévoient la possibilité de conclure avec l'Etat des conventions d'objectifs. C'est donc une mesure tout à fait judicieuse qui est proposée là par la commission.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 16, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 4, modifié.

(L'article 4 est adopté.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux. Nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt-cinq, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Adrien Gouteyron.)

PRÉSIDENCE DE M. ADRIEN GOUTEYRON
vice-président

M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi relatif aux musées de France.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'article 5.

Article 5



M. le président.
« Art. 5. - Les activités scientifiques et culturelles des musées de France sont assurées sous la responsabilité de professionnels présentant des qualifications définies par décret en Conseil d'Etat. »
L'amendement n° 17, présenté par M. Richert, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Dans l'article 5, supprimer les mots : "et culturelles". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Richert, rapporteur. La commission propose de revenir au texte initial du projet de loi.
Il ne semble pas nécessaire de fixer dans la loi les compétences exigées des personnes auxquelles sera confiée la responsabilité de l'animation culturelle du musée.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. La responsabilité culturelle ne vise pas seulement l'animation : ainsi, les grandes orientations de l'action scientifique et culturelle d'un musée de France, par exemple la politique d'exposition, de publication ou toute autre action de diffusion, doivent être placées sous la responsabilité de personnels qualifiés.
On aurait pu penser que le terme « scientifiques » englobait cette responsabilité de diffusion culturelle, mais, pour éviter toute ambiguïté, le Gouvernement estime sage de conserver cette rédaction et est donc défavorable à l'amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 17, repoussé par le Gouvernement.
M. Ivan Renar. Le groupe communiste républicain et citoyen vote contre.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 69, présenté par MM. Renar et Ralite, Mme David, M. Autain et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Après les mots : "sont assurées sous", rédiger comme suit la fin de l'article 5 : "le contrôle de l'Etat". »
La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar. Monsieur le président, permettez-moi tout d'abord de vous saluer dans vos nouvelles fonctions : auparavant, nous exercions déjà sous votre houlette, mais dans une autre enceinte, à savoir celle de la commission des affaires culturelles. C'est donc la première fois que nous travaillons en séance publique sous votre autorité, que j'espère bienveillante. (Sourires.)
M. Hilaire Flandre. C'est à voir !
M. Ivan Renar. Quoi qu'il en soit, je vous souhaite beaucoup de succès dans ces nouvelles fonctions.
M. le président. Je vous remercie, mon cher collègue !
M. Ivan Renar. Le texte que nous examinons introduit un certain nombre d'ambiguïtés quant aux définitions des missions publiques et privées en matière de politique muséale.
Les missions de la direction des musées de France s'exécutent aujourd'hui dans d'extrêmes difficultés, liées pour l'essentiel au manque de moyens financiers quand, dans le même temps, se multiplient les structures muséales.
De multiples conflits ont conduit les acteurs qui ont en charge la politique culturelle à dénoncer, souvent avec conviction, les insuffisances de la politique publique. A quelques jours de l'examen budgétaire, il convient de rappeler que l'effort de l'Etat en matière culturelle, bien qu'important, reste dans bien des cas encore insuffisants au regard de la multiplication des missions. Cette insuffisance des crédits ne doit cependant pas conduire à l'abandon de missions qui relevaient jusqu'alors de la responsabilité de l'Etat et de ses agents publics.
De surcroît, nous n'avons pas l'assurance que le passage des missions de service public vers des missions externalisées aille dans le sens d'une économie. C'est encore moins vrai lorsqu'il s'agit de mettre en oeuvre des savoir-faire devant mobiliser une très haute technicité et une parfaite maîtrise : j'ai en tête tout ce qui relève, notamment, des missions de restauration des oeuvres.
Pour ne pas ajouter aux ambiguïtés que j'évoquais à l'instant, l'amendement que nous proposons vise à préciser que les missions scientifiques et culturelles des musées de France sont assurées sous le contrôle de l'Etat.
Tel est le sens de cet amendement, que nous vous demandons de bien vouloir adopter.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Richert, rapporteur. Tel qu'il est rédigé, cet amendement ne peut répondre à son objet. C'est pourquoi la commission y est défavorable.
M. Ivan Renar. C'est bien regrettable !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Le projet de loi ne tend évidemment pas à une externalisation !
Le contrôle de l'Etat sur les musées de France est précisé à l'article 4. Quant à l'article 5, il garantit la présence de professionnels qualifiés dans les fonctions de responsabilité scientifique et culturelle.
Au demeurant, la rédaction que vous proposez n'éviterait pas la sous-traitance de telle ou telle fonction.
Je crois donc que cet amendement est inutile et j'émets un avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 69, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 5, modifié.

(L'article 5 est adopté.)

Article 5 bis



M. le président.
« Art. 5 bis. - L'Etat favorise l'établissement des conventions de coopération entre les musées de France et les établissements publics de recherche ou d'enseignement supérieur. »
L'amendement n° 18, présenté par M. Richert, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Supprimer l'article 5 bis . »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Richert, rapporteur. L'article 5 bis , introduit par l'Assemblée nationale, vise à favoriser l'établissement de conventions de coopération entre les musées de France et les établissements publics de recherche ou d'enseignement supérieur.
Nous sommes tout à fait d'accord sur le principe, qui est tout à fait louable. Cependant, cette disposition est dépourvue de valeur normative et aurait davantage sa place, le cas échéant, à l'article 4, qui prévoit l'établissement de conventions.
Par ailleurs, nous proposerons, pour tenir compte de la suppression de cet article 5 bis , de modifier la rédaction de l'article 6 quater afin d'inclure les établissements de recherche et d'enseignement supérieur au sein des réseaux géographiques, scientifiques ou culturels constitués par les musées de France.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Le Gouvernement est favorable à cet amendement. Tout en affirmant sa ferme intention de favoriser l'établissement de conventions de coopération entre les musées de France et les établissements publics de recherche et d'enseignement supérieur, il se rallie à la rédaction préconisée par M. le rapporteur, dans la mesure où l'article 6 quater sera adopté dans les termes proposés par la commission.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 18, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 5 bis est supprimé.

Article 6



M. le président.
Art. 6. - Les droits d'entrée des musées de France sont fixés de manière à favoriser leur accès au public le plus large. Dans les musées de France relevant de l'Etat, les mineurs de dix-huit ans sont exonérés du droit d'entrée donnant accès aux espaces de présentation des collections permanentes.
« Chaque musée de France dispose d'un service ayant en charge les actions d'accueil des publics, de diffusion, d'animation et de médiation. Le cas échéant, ce service peut être commun à plusieurs musée.
« Les musées de France établissent et transmettent aux services de l'Etat des informations et des données statistiques relatives à leur fréquentation. »
L'amendement n° 70, présenté par MM. Renar et Ralite, Mme David, M. Autain et les menbres du groupe communiste, républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Compléter la seconde phrase du premier alinéa de l'article 6 par les mots : "et temporaires". »
La parole est à Mme David.
Mme Annie David. Si la fréquentation des musées a été une pratique culturelle en très nette progression chez nos compatriotes ces dernières années, un trop grand nombre d'entre eux sont aujourd'hui encore exclus de telles pratiques.
Le principe de la gratuité, pour lequel notre majorité de progrès se devrait d'oeuvrer en matière d'accès du plus grand nombre à la culture, est inscrit dans l'article 6.
Une chose est d'inscrire dans la loi un tel principe, mais une autre est de le faire vivre ! A cet égard, je m'inquiète que notre assemblée ait retiré du texte tout ce qui concerne la médiation culturelle parmi les missions à réaliser par les musées de France.
Pour donner corps à cette volonté politique, il est souhaitable de l'assortir des moyens financiers permettant sa mise en oeuvre et, de ce point de vue, le dispositif prévu n'est pas complètement satisfaisant.
Au-delà de l'accès aux collections permanentes dans l'ensemble des musées, nous pensons qu'il convient de permettre aux jeunes publics l'accès gratuit aux collections temporaires.
En effet, les expositions temporaires sont bien souvent l'occasion de rassembler en un même lieu un ensemble d'oeuvres autour de thématiques d'une réelle portée non seulement artistique, mais également didactique. Il convient d'ailleurs de noter que les tarifs pratiqués lors de telles manifestations ne permettent pas aux publics les plus économiquement fragiles d'accéder à de telles collections.
Aussi, l'amendement que nous vous proposons d'adopter prévoit-il d'élargir la gratuité aux expositions temporaires pour les jeunes publics.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Richert, rapporteur. Si la commission perçoit l'intérêt d'une telle disposition, elle craint que son adoption n'ait, le cas échéant, des répercussions sur la diminution des recettes des musées nationaux. Or nous connaissons la situation financière de la RMN !
C'est la raison pour laquelle nous proposons de consulter le Gouvernement sur ces modalités et de nous remettre à son avis, ce qui est légitime s'agissant de musées relevant de l'Etat.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Le projet de loi prend bien en compte l'impact de la gratuité sur la fréquentation des musées pour en assurer la démocratisation, mais l'organisation d'expositions temporaires nécessite la mise en oeuvre de moyens financiers très importants et leur résultat, en dépit de l'intérêt que suscitent ces manifestations exceptionnelles, est le plus souvent déficitaire.
L'extension de la gratuité à ces expositions, au-delà de la gratuité pour les collections permanentes, ne pourrait qu'aggraver leur déficit et conduire à leur limitation.
Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 70.
M. Ivan Renar. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar. Je me permets d'insister auprès de Mme la ministre, de M. le rapporteur et de l'ensemble de nos collègues, car il me paraît dommage de répondre à une demande qui n'est pourtant pas exorbitante par des arguments qui relèvent de la comptabilité. De surcroît, je ne crois pas qu'il s'agira d'une dépense supplémentaire, parce que les publics visés ne viendront pas, sans les mesures que nous préconisons, aux expositions. Nous proposons, en fait, une simple mesure sociale !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 70, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 19, présenté par M. Richert, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Supprimer le deuxième alinéa de l'article 6. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Richert, rapporteur. Le deuxième alinéa de l'article 6 prévoit que chaque musée de France disposera d'un service ayant en charge les actions d'accueil des publics, de diffusion, d'animation, de médiation.
Il n'est pas sûr que, pour des musées de taille modeste, il soit possible de mettre en place une telle infrastructure. Par ailleurs, il n'est pas évident qu'une telle contrainte administrative garantisse les résultats escomptés.
C'est la raison pour laquelle la commission propose de supprimer le deuxième alinéa de l'article 6.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. La disposition adoptée par l'Assemblée nationale ne rend pas obligatoire l'existence d'un service d'aide au public dans chaque musée de France : il est expressément prévu qu'un même service peut s'occuper des actions d'accueil, de diffusion et d'animation pour plusieurs musées.
Chaque musée devra remplir ses missions vis-à-vis du public, sans se doter obligatoirement pour autant d'un service propre. Cette obligation est importante et mérite d'être sanctionnée par la loi.
Par conséquent, le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 19.
M. le président. Je mets aux vois l'amendement n° 19, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 20, présenté par M. Richert, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Supprimer le dernier alinéa de l'article 6. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Richert, rapporteur. Cet amendement tend à supprimer le dernier alinéa de l'article 6, qui prévoit que les musées de France établissent et transmettent aux services de l'Etat des informations et des données statistiques relatives à la fréquentation de ces musées.
Si l'on ne peut que soutenir les efforts accomplis par les services du ministère de la culture pour surmonter les obstacles administratifs auxquels se heurte sa mise en oeuvre, on peut estimer que cela ne peut justifier l'insertion dans la loi d'une telle disposition qui aurait au mieux sa place - pardonnez-moi de vous le dire, madame la ministre - dans une circulaire.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le rapporteur, en réalité, l'obligation d'établir des statistiques relève nécessairement de la loi ; c'est pourquoi elle figure ici.
C'est une obligation qui paraît nécessaire au Gouvernement si l'on veut que soit vraiment mené un travail d'évaluation de la politique publique des musées afin de nourrir la réflexion et les propositions, je l'espère, du Haut Conseil des musées de France.
Je ne pense pas que cela représente une charge de travail excessive pour les musées, d'autant qu'une meilleure connaissance des publics est sans doute un élément important pour l'orientation future de leur activité.
Le Gouvernement est donc défavorable à l'amendement n° 20.
M. Philippe Richert, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Richert, rapporteur. Je voudrais apporter une précision, madame la ministre.
Nous sommes évidemment tout à fait favorables à ce que les échanges d'informations soient les plus nourries possibles afin que l'échelon national dispose de tous les éléments pour affiner la politique et prendre ses décisions dans les meilleures conditions. Néanmoins, il nous apparaît quelque peu délicat d'envisager que cette précision soit inscrite dans la loi.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 20.
M. Yann Gaillard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Gaillard.
M. Yann Gaillard. J'avoue être quelque peu partagé sur ce sujet.
Au départ, je pensais que cette disposition n'était pas de nature législative, auquel cas j'étais tout à fait d'accord avec la commission. Or Mme le ministre vient de nous dire que cette mention devait figurer dans la loi.
En tant que rapporteur spécial, sachez que j'ai le plus grand mal à obtenir les statistiques de fréquentation, même pour les grandes expositions. Le directeur de la RMN, qui du reste est vraiment très bien, m'avait promis de me les fournir. Je les attends toujours !
Après tout, une telle obligation, qui n'est pas excessive pour la gestion des musées, à la différence de celle qui concerne l'accueil du public, que je trouve très lourde, aurait quelque utilité.
M. Philippe Richert, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Richert, rapporteur. Mes chers collègues, le ministère dispose déjà d'un outil statistique, dénommé Muséostat.
Il serait très contraignant que la loi impose à tous les musées, quelle que soit leur taille, de fournir régulièrement au ministère l'ensemble des éléments concernant la fréquentation, notamment.
Faire figurer cette obligation dans la loi contribuerait à alourdir la lecture de celle-ci. Or nous devons, les uns et les autres, réserver la loi aux dispositions normatives pour en faciliter la lecture et la rendre la plus efficace possible.
C'est la raison pour laquelle je reste sur la position que la commission a exprimée lors de l'examen de cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 20, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 6 modifié.

(L'article 6 est adopté.)

Article 6 bis



M. le président.
« Art. 6 bis. - Pour l'accomplissement des missions qui leurs sont dévolues, les musées de France peuvent établir, sous forme de convention, des relations de partenariat avec les personnes morales de droit privé à but non lucratif qui se fixent pour objet de contribuer au soutien et au rayonnement des musées de France. » (Adopté.)

Article 6 ter



M. le président.
« Art. 6 ter. - Le Gouvernement présentera au Parlement, au plus tard un an après l'entrée en vigueur de la présente loi, un rapport sur les incidences financières de la gratuité d'accès des moins de dix-huit ans dans les musées nationaux et qui étudiera la possibilité de prévoir, une fois par mois, l'accès gratuit aux collections permanentes des musées de France ainsi que les problèmes de compensation financière pour les collectivités locales. »
L'amendement n° 21, présenté par M. Richert au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Supprimer l'article 6 ter . »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Richert, rapporteur. Il s'agit une fois encore d'un amendement de suppression de l'article car il importe de laisser les musées ne relevant pas de l'Etat libres de leur politique tarifaire.
L'équilibre entre le coût des mesures de gratuité et leurs effets sur l'élargissement du public varie selon les musées. A cet égard, une mesure générale et uniforme n'est pas souhaitable, même si la gratuité demeure, comme cela a déjà été dit, un objectif à atteindre.
Si une étude devait être conduite, elle ne devrait pas se limiter à évaluer le coût de l'extension des mesures de gratuité en vigueur dans les musées nationaux à l'ensemble des musées. Elle devrait avoir un objet plus étendu et apprécier l'impact de la gratuité sur la fréquentation et l'élargissement des publics.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Le Gouvernement a remis au rapporteur de votre assemblée un rapport relatif à la gratuité en faveur des jeunes de moins de dix-huit ans pour répondre à la demande de l'Assemblée nationale.
Ce rapport conclut que le coût de la gratuité pour les jeunes de moins de dix-huit ans fréquentant les musées de France qui n'appliquent pas aujourd'hui cette mesure tarifaire peut être estimé à 20 millions de francs environ pour les musées relevant de l'Etat et à 60 millions de francs environ pour les musées relevant des collectivités territoriales ou des personnes morales de droit privé.
Le rapport rappelle en outre que les politiques d'élargissement des publics sont loin de reposer exclusivement sur des mesures tarifaires.
Soucieux de respecter la libre administration des collectivités territoriales et la liberté de choix des personnes morales de droit privé, le Gouvernement ne souhaite pas imposer des obligations de gratuité aux musées de France ne relevant pas de l'Etat ou de ses établissements publics. Il émet donc un avis favorable sur l'amendement n° 21.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 21, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 6 ter est supprimé.

Article 6 quater



M. le président.
« Art. 6 quater. - L'Etat encourage et favorise la constitution de réseaux géographiques, scientifiques ou culturels entre les musées de France. »
L'amendement n° 22, présenté par M. Richert, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Compléter l'article 6 quater par les mots : ", auxquels peuvent participer des établissements publics de recherche et d'enseignement supérieur". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Richert, rapporteur. Cet amendement est le complément de ce que nous vous proposions tout à l'heure. Il permet aux établissements publics de recherche et d'enseignement supérieur de participer à la constitution de réseaux géographiques, scientifiques ou culturels entre les musées de France et les établissements publics de recherche et d'enseignement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 22, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 71, présenté par MM. Renar et Ralite, Mme David, M. Autain et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Compléter l'article 6 quater par un alinéa ainsi rédigé :
« La constitution en réseau entre les musées de France participe au maillage culturel du territoire. »
La parole est à Mme David.
Mme Annie David. Cet amendement précise la notion de mise en réseau géographique, scientifique et culturel des musées de France.
En dépit des efforts réalisés par les collectivités territoriales en matière culturelle au cours des trente dernières années, de nombreux efforts restent à faire pour réaliser le maillage de notre territoire. C'est particulièrement vrai pour les musées. On ne peut pas dire, par exemple, que l'art contemporain soit montré d'égale manière sur l'ensemble de notre territoire !
Pour le moins, une appellation commune à l'ensemble des musées de notre pays devrait permettre de procéder plus qu'aujourd'hui à un certain nombre d'échanges nécessaires pour assurer, sur l'ensemble de notre territoire, une offre culturelle de qualité.
Tel est le sens de cet amendement, que nous vous demandons de bien vouloir adopter.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Richert, rapporteur. La commission approuve l'objet de cet amendement. Néanmoins, elle constate avec regret qu'il ne prévoit qu'une affirmation, de principe, importante certes, mais sans valeur normative. Il est donc inutile que cette disposition figure dans la loi. Telles sont les raisons pour lesquelles la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. On ne peut qu'adhérer à la motivation de cet amendement et, malgré l'observation de forme de M. le rapporteur, le Gouvernement est favorable à ce texte.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 71, repoussé par la commission et accepté par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 6 quater modifié.

(L'article 6 quater est adopté.)

Article 7



M. le président.
« Art. 7. - Toute acquisition, à titre onéreux ou gratuit, d'un bien destiné à enrichir les collections d'un musée de France ne relevant pas de l'Etat ou de l'un de ses établissements publics est soumise à l'avis préalable des services de l'Etat, dans des conditions prévues par décret en Conseil d'Etat. »
L'amendement n° 23, présenté par M. Richert au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Supprimer l'article 7. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Richert, rapporteur. Il s'agit encore d'un amendement de suppression. En effet, la commission estime que toute acquisition à titre onéreux ou gratuit d'un bien destiné à enrichir les collections d'un musée de France ne relevant pas de l'Etat ou de l'un de ses établissements publics n'est pas nécessairement à soumettre au préalable à l'avis des services de l'Etat dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat.
En particulier, s'agissant de musées dépendant de collectivités, elle estime qu'il faut principalement faire confiance aux conservateurs, dont nous connaissons la valeur, et s'appuyer sur leurs compétences.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Votre commission s'interroge sur l'opportunité d'une consultation préalable aux acquisitions.
Le Gouvernement estime pour sa part qu'il est indispensable que les projets d'acquisitions des musées de France - y compris, bien sûr, ceux de l'Etat - fassent l'objet d'un examen préalable dans le cadre d'une procédure collégiale, en raison du statut protecteur exorbitant du droit commun applicable aux biens une fois qu'ils sont entrés dans les collections des musées de France. Ils acquièrent, de ce fait même, le statut de trésors nationaux.
Il ne s'agit évidemment pas de mettre en doute la compétence des conservateurs : il s'agit bien plutôt de les protéger dans la force de leur choix.
Le Gouvernement est donc défavorable à l'amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 23, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 7 est supprimé.

Article 8



M. le président.
« Art. 8. - I. - Les collections des musées de France sont imprescriptibles.
« II. - Les collections des musées de France appartenant à une personne publique sont inaliénables. Les oeuvres des artistes vivants ne deviennent inaliénables qu'à l'issue d'un délai de trente ans à compter de l'acquisition.
« Toutefois, une personne publique peut transférer, à titre gratuit, la propriété de tout ou partie de ses collections à une autre personne publique si cette dernière s'engage à en maintenir l'affectation à un musée de France. Le transfert de propriété est approuvé par le ministre chargé de la culture et, le cas échéant, par le ministre intéressé, après avis du Conseil des musées de France. Les dispositions du présent alinéa ne sont pas applicables aux biens remis à l'Etat en application des articles 1131 et 1716 bis du code général des impôts.
« III. - Les collections des musées de France appartenant aux personnes morales de droit privé à but non lucratif ne peuvent être cédées, en tout ou partie, à titre gratuit ou onéreux, qu'aux personnes publiques ou aux personnes morales de droit privé à but non lucratif qui se sont engagées, au préalable, à maintenir l'affectation de ces collections à un musée de France. La cession ne peut intervenir qu'après approbation du ministre chargé de la culture et, le cas échéant, du ministre intéressé, donnée sur avis du Conseil des musées de France.
« Les collections mentionnées à l'alinéa précédent sont insaisissables à compter de l'accomplissement des mesures de publicité prévues à l'article 3.
« IV. - Toute cession portant sur tout ou partie d'une collection d'un musée de France effectuée en violation des dispositions du présent article est nulle. Les actions en nullité ou en revendication peuvent être exercées à toute époque tant par l'Etat que par la personne morale propriétaire des collections. »
Sur l'article, la parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar. Monsieur le président, j'ai fait mon service militaire dans l'artillerie et je pense qu'elle est la reine des batailles. J'enfoncerai donc à nouveau le clou sur l'inaliénabilité des collections des musées, qui est révélatrice de problèmes très profonds, et je le ferai encore en défendant l'amendement.
M. le président. Nous voilà prévenus !
M. Ivan Renar. Je le ferai sans abuser du temps de nos collègues !
M. Hilaire Flandre. Et sans illusion !
M. Ivan Renar. L'article 8 du texte initial renforçait l'inaliénabilité des collections des musées de France. Mais l'Assemblée nationale a adopté un amendement qui crée une exception sans précédent dans le droit français pour les oeuvres d'artistes vivants : ces oeuvres ne deviendraient inaliénables que trente ans après leur acquisition, et ce pour les motifs peu convaincantes - problèmes de stockage et de restauration, caractère figé des collections - et s'apparentant plutôt à des prétextes.
Selon moi, cet amendement de l'Assemblée nationale est très dangereux, au moins pour trois raisons.
Il est dangereux, en premier lieu, pour les collections et le public des musées. Les risques de dispersion d'un patrimoine difficilement remplaçable seraient considérables.
Et je n'ose pas imaginer les effets qu'aurait pu avoir une telle mesure dans le passé. Les oeuvres achetées par un certain nombre de musées, qui pouvaient être très controversées à une certaine époque - je pense à celles d'artistes comme Picasso ou Dubuffet, des surréalistes ou des cubistes - auraient été revendues rapidement, ce qui aurait entraîné des pertes considérables sur le plan artistique et financier et impossibles à réparer compte tenu de l'envolée des prix qui a suivi.
Même s'il est difficile de prévoir l'évolution du jugement de la postérité, les achats d'oeuvres contemporaines resteront des témoignages de l'histoire du goût qu'il est important de préserver. L'histoire tranchera, c'est son rôle. En revanche, aliéner des oeuvres, c'est s'interdire leur transmission.
Pourquoi un délai de trente ans ? Pourquoi pas deux cents ans ? Cela permettrait de brader Delacroix dans les mêmes conditions !
Un tel délai présente un risque réel très grave - c'est la deuxième raison - en matière de sécurité et de déontologie des achats. Les musées, les artistes, les galeries d'art seraient entraînés dans une spirale spéculative contraire à l'esprit des interventions des musées de France sur le marché de l'art.
Les musées ou, par exemple, les fonds régionaux d'art contemporain, les FRAC, participent à l'activité du marché de l'art uniquement par leurs capacités financières et leurs choix d'achats, et non par leurs ventes ou leurs reventes. Mais tout le monde reconnaît qu'il n'y a aucun aspect mercantile.
Enfin - c'est la dernière raison - alors que la reconnaissance à sa juste valeur de l'art contemporain français au niveau international est souvent difficile, comme je l'ai dit dans mon intervention liminaire, l'amendement de l'Assemblée nationale porte, dans les faits, un mauvais coup aux artistes français en faisant peser un doute sur leur talent, sur la compétence et la professionnalisation des personnes qui composent les comités d'acquisition ainsi que sur le bien-fondé des avis rendus par l'Etat en application de la loi.
Si l'on peut regretter trop souvent, et je ne suis pas le dernier à le faire, sa pingrerie, l'Etat, surtout dans ce domaine, est servi par des hommes et des femmes dont la compétence et le dévouement, je peux en témoigner, sont remarquables.
Voilà ce que je voulais vous dire, madame la ministre, sur cette partie de l'article 8, mais je crois que nous sommes d'accord.
M. le président. La parole est à Mme Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. D'autres que moi se sont faits les avocats des conservateurs, des artistes et des donateurs pour dire la confiance sans faille que leur donnait l'inaliénabilité des oeuvres. L'orateur précédent vous a parlé des goûts, des choix artistiques du moment et des risques liés au phénomène de mode.
Le Sénat représentant les collectivités, je veux vous dire, moi, que les legs nordistes des grandes fortunes du textile et de leurs mécènes éclairés - ces tableaux de Léger, de Matisse, de Modigliani ou de Goya - ne seraient plus dans les musées des communes du Nord s'ils avaient été vendables ou négociables ! Voilà vingt ans, dix ans, au coeur de la crise, ces communes ne bouclaient plus leur budget et réduisaient leurs aides aux musées. Croyez-vous que la tentation n'aurait pas été grande de mettre en vente un tableau ? Seule l'inaliénabilité a protégé ces collections.
Je veux aussi vous dire l'émotion des ethnologues, qui savent que chaque objet mérite d'être sans cesse réétudié par les chercheurs en quête de nouvelles théories. Nous n'avons pas le droit de les en priver et de geler la connaissance au motif que l'un d'eux, autrefois, aurait déjà donné son interprétation d'une mâchoire ou d'un outil.
Et que signifierait l'actualisation des collections techniques ? Irait-on vendre l'imprimerie de Gutenberg au motif qu'on a maintenant des logiciels ? Faire rentrer dans l'espace marchand les collections, c'est renoncer à la mission de service public des musées, c'est prendre le risque qu'un Monet ne finance un périphérique. Monsieur Richert, vous avez tenté, par un amendement, de renvoyer cette inaliénabilité vers des lois domaniales qui s'appliquent à une autre forme de patrimoine. Dans mon département, les écoles, les communes les vendent aussi ! Ce n'est donc pas suffisant.
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 24, présenté par M. Richert, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi le premier alinéa du paragraphe II de cet article :
« Les biens constituant les collections des musées de France appartenant à une personne publique font partie de leur domaine public. Toute décision de déclassement d'un de ces biens ne peut être prise qu'après avis conforme d'instances scientifiques dont la composition et les modalités de fonctionnement sont fixées par décret. »
Les quatre amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 47 est présenté par MM. Lagauche, Vidal et Weber, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste.
L'amendement n° 53 est présenté par le Gouvernement.
L'amendement n° 67 est présenté par M. Joly.
L'amendement n° 72 est présenté par MM. Renard et Ralite, Mme David, M. Autain et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Tous quatre tendent à supprimer la seconde phrase du premier alinéa du II de l'article 8.
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 24.
M. Philippe Richert, rapporteur. Nous l'avons tous compris, nous abordons, avec cet article, un point particulièrement sensible.
Je reviendrai tout à l'heure sur les raisons pour lesquelles la commission a décidé à l'unanimité de rejeter les dispositions prévues par l'Assemblée nationale. Je veux d'abord clarifier un point.
Quand nous affirmons que nous voulons porter atteinte au principe d'inaliénabilité, nous proposons en fait le maintien des règles existantes en les assortissant d'un certain nombre de précautions.
Comme Mme la ministre l'a souligné cet après-midi dans son propos liminaire, ces règles, qui sont celles de la domanialité publique, ont permis, en un siècle, d'éviter des cessions dont nous aurions aujourd'hui à rougir.
En outre, nous demandons que toute décision de soustraire un objet de la collection de cette domanialité soit soumise à une instance scientifique, c'est-à-dire à des experts.
Les garanties supplémentaires que nous édictons ont pour objet d'éviter toute dérive, afin que les craintes des uns et des autres ne soient que des cauchemars.
Faut-il pour autant prévoir une clause d'inaliénabilité totale ? Je le pense d'autant moins que ces précautions sont suffisantes pour garantir l'absence de dérive. En outre, elles offrent une possibilité de respiration aux collections en permettant non pas de revendre des oeuvres contemporaines acquises au cours des trente dernières années, mais de donner suite, en cas de nécessité, en rendant possible un enrichissement ou un renforcement de la cohérence des collections, après avis d'un comité scientifique, à une demande de déclassement de telle pièce de collection.
Je propose donc un dispositif qui est plus restrictif tout en laissant un dialogue s'instaurer. Celui qui a été adopté par l'Assemblée nationale a le mérite d'avoir permis d'engager le débat. Alors, poursuivons-le en adoptant l'amendement n° 24 de la commission des affaires culturelles.
M. le président. La parole est à M. Lagauche, pour présenter l'amendement n° 47.
M. Serge Lagauche. La comparaison avec la proposition de la commission n'est pas facile puisque nous proposons, nous, de supprimer la seconde phrase du premier alinéa du II de l'article 8.
Cet article constitue l'un des apports majeurs du projet de loi. Il tend en effet à unifier le régime juridique de l'ensemble des collections des musées de France en appliquant à leurs oeuvres, autant que le permet le respect de la propriété privée, les principes de l'inaliénabilité et de l'imprescriptibilité.
Jusqu'à présent, seules les oeuvres des musées appartenant à l'Etat ou aux collectivités territoriales étaient soumises à une telle protection. Le projet de loi dispose que le principe d'imprescriptibilité s'appliquera désormais à l'ensemble des collections des musées de France, point que personne, d'ailleurs, ne semble contester.
C'est le principe d'inaliénabilité qui est mis en cause. Le projet de loi prévoit de l'appliquer aux collections appartenant notamment à des personnes publiques, mais aussi à des personnes privées, la seule exception à ce droit étant une cession à une personne publique ou une cession ayant pour objet le maintien de la collection dans un musée de France.
Ce renforcement de l'inaliénabilité des oeuvres est extrêmement positif au regard de la sauvegarde du patrimoine français ancien et de la promotion de l'art contemporain. C'est même le point essentiel.
Le groupe socialiste est donc opposé à l'aménagement de cette disposition, prévue par l'Assemblée nationale, pour les oeuvres d'artistes vivants. Les termes de l'amendement voté par les députés disposent en effet que ces oeuvres ne deviennent inaliénables qu'à l'issue d'un délai de trente ans.
En instituant cette période probatoire, sous prétexte de régler le problème du stockage des trop nombreuses oeuvres détenues par les musées, l'Assemblée nationale fait peser le doute sur l'ensemble de la création contemporaine.
Les artistes vivants connaissent fréquemment une période de purgatoire, après quelques années d'engouement pour leur travail, avant de connaître un retour en grâce plus ou moins rapide, souvent lié à l'aléa des diktats de la mode. Imaginons ce que serait l'état des musées si, au fil des siècles, des collections très controversées, lors de leurs acquisitions ou les années suivantes, avaient pu être dispersées.
Il en va ainsi de nombreuses oeuvres d'impressionnistes, ou, plus récemment, de Dubuffet ou de Picasso, dont la cote s'est envolée quelques années après leurs acquisitions par les musées. Les pertes financières auraient été non négligeables et les pertes artistiques considérables et irrémédiables !
La disposition est donc totalement contraire à l'esprit même d'une collection publique. Elle va également à l'encontre de la promotion de nouveaux talents. Elle risque de porter un fort préjudice à la carrière, souvent déjà fragile, de jeunes artistes. Nombreux sont, d'ailleurs, ceux qui ont fait connaître leur opposition totale à l'amendement adopté par l'Assemblée nationale.
Cette disposition constitue également une mesure extrêmement vicieuse et dangereuse pour les musées, en les faisant entrer dans la logique commerciale des marchands d'art qu'ils ne sont pas.
Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de cette disposition.
M. le président. La parole est à Mme le ministre, pour présenter l'amendement n° 53.
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Cet amendement se justifie par son texte même.
M. le président. La parole est à M. Joly, pour présenter l'amendement n° 67.
M. Bernard Joly. Comme je l'ai dit lors de la discussion générale, ce délai me paraît dangereux parce qu'il risque de provoquer la dispersion d'un patrimoine difficilement remplaçable.
De plus, l'introduction de ce doute légal est un danger pour l'art contemporain français, car il jette la suspicion à la fois sur le talent des artistes et sur la compétence des membres des comités d'acquisition des musées français.
M. le président. La parole est à M. Renar, pour présenter l'amendement n° 62.
M. Ivan Renar. Les amendements qui nous occupent à présent portent sur un des éléments les plus controversés du texte que nous examinons, à savoir cette disposition qui prévoit notamment l'aliénabilité des oeuvres d'un artiste vivant acquises dans un délai inférieur à trente ans. Une telle disposition est controversée non seulement par les conservateurs, mais aussi par la population de ce pays qui, on le voit chaque année, est attachée à son patrimoine.
Si une telle conception avait prévalu au cours des siècles - je pense plus particulièrement au tournant de la Révolution française - il y a fort à parier que le Louvre, pour citer un établissement prestigieux, n'offrirait pas à la curiosité de nos contemporains les collections amassées au cours des siècles. La Bastille aurait été prise, mais le Louvre aurait été vidé pour quelques poignées d'assignats ! Mes propos sont un peu caricaturaux, mais ils correspondent à la réalité.
L'aliénabilité des oeuvres, de toutes les oeuvres, va dans un sens diamétralement opposé à l'esprit de ceux qui animent, de ceux qui ont en charge la conservation des oeuvres.
Dans le fait de l'art, il y a ce qui reste et ce qui ne reste pas. La force de la structure publique, comme à d'autres époques, reconnaissons-le, des structures religieuses, réside dans la volonté farouche de conserver, au-delà des modes et des engouements des publics, les oeuvres acquises.
Il s'agit non pas d'ignorer les modes ou les engouements, mais au contraire de les inscrire comme autant de témoignages des hasards et des balbutiements de notre histoire, comme autant de croisements entre les artistes et leur époque.
Comme notre époque n'est pas avare de son présent, qu'elle dilapide, c'est le patrimoine contemporain qui est directement visé par une telle mesure.
Une conservatrice de ma région, pour ne parler que de bon sens, ne m'indiquait-elle pas que, si une telle mesure avait existé il y a seulement quelques années, nombre de toiles de la dernière période du peintre, qui est à la fois le sujet et l'objet de son musée, seraient aujourd'hui chez des collectionneurs privés.
J'évoquais, dans mon intervention générale, puis sur l'article, les dangers que pouvait revêtir une telle mesure sur le statut à la fois de l'oeuvre et de son auteur, mais également les risques d'une intervention directe de la puissance publique dans le marché de l'art.
oeJe ne veux pas jouer les prophètes de malheur, mais un certain nombre d'entre vous se souviennent de ce qui est arrivé dans une grande ville belge, Liège, voilà quelques années. Cette ville a voulu vendre une toile de Picasso pour l'aider à résoudre ses problèmes financiers municipaux. Il a fallu une réprobation de la population de la ville de Liège, des campagnes, des manifestations dans la rue, pour que la ville prenne conscience du scandale que cela pouvait représenter sur le fond et retire ce projet « articide. »
M. Philippe Richert, rapporteur. C'est un néologisme !
M. Patrick Lassourd. Tout à fait !
M. Ivan Renar. Par conséquent, le danger est réel.
Si la commission revient sur ce dispositif, au travers de son amendement, il faut effectivement lui en donner acte. Mais le parcours n'est, semble-t-il, qu'à moitié réalisé et il ne va pas assez dans le sens de la dénonciation d'un tel dispositif.
Aussi, pour marquer la réprobation de la Haute Assemblée à l'égard d'une mesure aussi peu conforme à l'intérêt des oeuvres, à l'intérêt de notre histoire et de ceux qui la nourrissent, je vous propose d'adopter l'un des amendements qui vous sont proposés.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 24 ?
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Pour les raisons d'ensemble qui ont été longuement rappelées en introduction à notre débat, il est indispensable de consolider le principe de non-aliénation des biens culturels composant les collections des musées de France, et ce sans aucune restriction.
Il faut savoir que l'inaliénabilité des collections est la règle dans tous les musées publics européens et qu'il en est de même dans la plupart des pays. On cite souvent l'exemple de certains musées étrangers dans lesquels des collections prestigieuses ont été constituées malgré la possibilité d'aliéner ; le cas des Etats-Unis est le plus fréquemment cité. Il faut souligner que, si quelques musées ont pu vendre certaines de leurs collections pour acheter des pièces plus prestigieuses, ces pratiques sont de plus en plus souvent remises en cause. Ainsi, voilà vingt ans que le Metropolitan Museum of Art de New York, qui est de statut privé, a renoncé à ces pratiques après diverses expériences malheureuses.
En outre, ce renversement de principe risquerait, en France, de décourager les donateurs dont la générosité repose sur la conviction que leurs dons, qui eux sont certes protégés, resteront agrégés au reste des collections perpétuellement affectées au musée bénéficiaire.
A l'heure actuelle, en ce qui concerne les collections publiques, c'est la règle classique de la domanialité publique qui protège le caractère inaliénable des collections et la doctrine refuse la possibilité de déclassement d'un bien culturel affecté à un musée pendant toute la durée d'existence de celui-ci.
Mais cette règle, dont le fondement est non pas patrimonial mais domanial, est à la fois renforcée et améliorée par le projet du Gouvernement. Je rappelle que ce texte est à la fois plus clair et plus souple : le principe est que les biens culturels constitutifs des collections des musées de France ne peuvent être cédés à des acquéreurs autres que les musées de France eux-mêmes. Il permet une mobilité des collections entre les musées de France, qui n'existe pas aujourd'hui. Je ne défends donc pas là une idée archaïque. Je cherche, au contraire, à indiquer à la Haute Assemblée qu'il est dangereux de tenter d'appliquer aux collections des musées un procédé qui pourrait être assimilé à une gestion active des stocks.
En revanche, vous me trouverez fermement attachée à une gestion des collections des musées de France qui les mette au maximum à la disposition du public et qui favorise les prêts et dépôts entre les musées de France avec une claire préoccupation de décentralisation et de couverture équitable du territoire.
Par conséquent, j'émets un avis défavorable sur l'amendement n° 24.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements identiques n°s 47, 53, 67 et 72 ?
M. Philippe Richert, rapporteur. En donnant l'avis de la commission sur ces amendements, je serai amené à reparler de l'amendement n° 24 de la commission.
Je suis tout de même surpris ! Vous vous êtes employés, les uns et les autres, y compris Mme la ministre, à donner deux explications.
Tout d'abord, pendant des décennies, voire des siècles - et je prends ici à témoin M. Renar - la France, notamment le Louvre, ne s'est pas séparée de ses biens les plus précieux et a conservé l'intégralité des collections grâce au principe de la domanialité publique. Le Sénat propose, non seulement le maintien de ce principe, mais leur renforcement. En effet, si une demande de déclassement d'un bien devait être formulée par tel conservateur qui aurait des idées « articides » (Sourires), cette demande serait soumise à un conseil scientifique dont la composition et les modalités de fonctionnement seraient fixées par décret.
Par conséquent, je le répète, non seulement nous gardons toutes les mesures de protection existantes, mais nous les renforçons.
Ensuite, vous avez dit, les uns et les autres, qu'il fallait faire attention, car le risque était grand. Mais vous vous référez aux dispositions que l'Assemblée nationale a votées ! Je n'ai entendu personne, ni en commission ni dans cet hémicycle, s'exprimer dans le sens des mesures retenues par l'Assemblée nationale. Cessons de débattre de ce que l'Assemblée nationale a voté et cherchons des solutions pour éviter ces dérives.
Il me semble utile qu'il puisse y avoir cette respiration, avec l'encadrement très strict que j'ai évoqué - plus strict qu'aujourd'hui - sachant que, jusqu'à présent, nous avons évité tous les périls que vous avez, les uns et les autres, brossés devant nos yeux.
La commission partage à l'unanimité cette volonté de protéger notre patrimoine. Nous rejetons les dispositions qui ont été adoptées par l'Assemblée nationale. Tout à l'heure, j'ai précisé que, à nos yeux, le seul mérite de ce dispositif était d'avoir permis d'engager le débat à la suite de la proposition que vous aviez faite, madame la ministre, d'introduire dans la loi le principe d'une inaliénabilité absolue.
C'est la raison pour laquelle je suis amené à émettre un avis défavorable sur ces quatre amendements identiques. La commission propose, je le rappelle, le maintien de la protection actuelle, renforcée par la nécessité d'obtenir l'aval d'un conseil scientifique, qui devra se prononcer au cas où un conservateur demanderait, pour tel ou tel objet, une exception à la règle de la domanialité publique.
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Pour dissiper tout malentendu, je voudrais dire à M. le rapporteur qu'il est bien clair, pour le Gouvernement, que la position ici défendue prend le contre-pied de la proposition du délai de trente ans, et que la commission manifeste un vrai souci de protection des collections, ce dont je la remercie. Je pense néanmoins que l'affirmation sans aucune concession du principe d'inaliénabilité est aujourd'hui une nécessité. Il est en effet un élément que nous n'avons pas mis en lumière, les uns et les autres, à savoir le poids actuel du marché de l'art, qui n'est pas comparable à ce qu'il était voilà seulement quelques décennies.
Certes, nous évoquons tous la sagesse qui a guidé les politiques des différents musées dans le cadre du dispositif antérieur. Il est vrai que la plupart d'entre eux, comme vous l'avez souligné, monsieur le rapporteur, n'ont pas pris le risque de se séparer d'un certain nombre d'oeuvres contemporaines. Cependant, je pense que ce risque est plus grand aujourd'hui, en raison tout simplement du dynamisme du marché de l'art, et qu'il est important de tenir nos collections à l'abri de cette menace.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 24.
M. Serge Lagauche. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Lagauche.
M. Serge Lagauche. A la suite des précisions apportées par Mme la ministre, je ne comprends pas pourquoi M. le rapporteur insiste tant sur cette question. A l'entendre, le cas de figure évoqué ne peut se présenter qu'exceptionnellement. Pour les oeuvres contemporaines, les fameuses trente années de délai constituent un risque direct, puisque l'Assemblée nationale, a introduit cette disposition. Vous mélangez les deux !
Vous nous dites qu'un comité scientifique devra donner son aval. A quoi cela servira-t-il et pourquoi tant insister sur cette affaire.
Ou vous êtes pour l'inaliénabilité totale ou vous êtes contre. Pour ma part, je suis pour l'inaliénabilité totale, rejoignant en cela Mme la ministre. Exusez-moi de vous le dire : votre position est quand même très ambiguë.
M. Yann Gaillard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Gaillard.
M. Yann Gaillard. Je ne vois pas de contradiction - mais je me trompe peut-être - entre l'amendement de la commission, que j'approuve, et la disposition tendant à supprimer la mesure introduite par l'Assemblée nationale : on peut très bien conserver le système proposé par la commission et supprimer la phrase selon laquelle les oeuvres des artistes vivants ne deviennent inaliénables qu'à l'issue d'un délai de trente ans à compter de l'acquisition.
M. Ivan Renar. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar. Monsieur le rapporteur, je vous ai donné acte, tout à l'heure, du pas que représentait la proposition de la commission par rapport au texte de l'Assemblée nationale. Mais la faiblesse de votre proposition est justement de ne pas prendre en compte le principe même de l'inaliénabilité. Pour ma part, je ne crains pas l'attitude de tel ou tel conservateur fou qui déciderait de brader brusquement son musée, et en cachette en plus. (Sourires.) Ce que je crains, c'est un marché sans conscience ni miséricorde. Si les pouvoirs publics reculent - en l'occurrence, c'est le principe même de l'inaliénabilité qui recule - c'est le marché qui s'avancera. Je crois même que les Etats-Unis commencent à se rendre compte d'un certain nombre de choses au travers des épreuves qu'ils traversent.
Ce texte va faire l'objet d'une commission mixte paritaire. La mesure proposée par l'Assemblée nationale devra alors être supprimée. (M. le rapporteur fait un signe d'approbation.)
Le siècle qui commence a montré qu'il serait difficile. Je considère donc que si, par grandeur d'âme, notre rapporteur acceptait, non pas de se faire hara-kiri...
M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Ce serait dommage !
M. Ivan Renar. ... mais de reconnaître la validité du principe dont nous discutons, peu de choses sépareraient sur ce point les membres de la Haute Assemblée.
M. Philippe Richert, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Richert, rapporteur. Au risque de lasser l'auditoire, je le répète, nous sommes tous d'accord sur le principe de la défense de nos oeuvres et de la richesse du patrimoine de notre pays et nous n'avons pas l'intention de brader cette richesse.
Je le disais dans mon propos liminaire, l'enquête réalisée par une institution dont personne ne saurait mettre en cause la capacité d'évaluation montre que, sur les cinq mille oeuvres prêtées dans les musées, on ne sait plus où sont passées un cinquième d'entre elles.
Des risques existent, nous devons les prévenir, y compris par rapport à ces oeuvres dont parfois la localisation actuelle pose problème. Nous vous proposerons d'introduire des garanties quant à leur contrôle, leur localisation, leur suivi et leur conservation.
De deux choses l'une : ou l'on décide de ne plus jamais toucher à une oeuvre parce qu'elle a été achetée à un moment donné, ou nous acceptons de reconnaître que, dans certaines circonstances, un conservateur peut légitimement, dans le cadre de la gestion d'une collection, s'interroger sur la pertinence d'une éventuelle vente d'oeuvres ou, le cas échéant, d'un éventuel échange, pour enrichir une collection, la moderniser, la diversifier ou la rendre plus homogène. Une telle demande serait, une nouvelle fois, adressée à une instance de contrôle et de garantie.
Nous avons mis en place tout ce dispositif pour permettre, comme l'a rappelé tout à l'heure notre collègue Ivan Renar, que le débat, qui a été faussé à l'Assemblée nationale, se poursuive sur des bases saines et sereines. Nous avons tous en tête les risques majeurs que ces amendements auraient pu faire courir à la fois à nos collections, à la création contemporaine et au marché de l'art en général.
C'est la raison pour laquelle je pense qu'il est aujourd'hui nécessaire que nous puissions avoir ce débat également avec les responsables scientifiques des collections. Notre amendement le permet, tout en prévoyant toutes les précautions nécessaires, soit plus de précautions que jamais.
Je ne m'exprime pas en mon nom mais au nom de la commission, après avoir entendu, il est vrai, beaucoup d'experts qui, les uns, concluaient à la nécessité d'une respiration plus grande, y compris d'éminents experts de grandes institutions culturelles de notre pays, les autres estimaient que seule valait une garantie absolue et intangible, une garantie qui interdirait tout débat puisque, à partir du moment où l'on a décidé l'achat, on ne peut plus le remettre en cause.
Entre les deux, j'ai essayé de trouver la solution qui permette de répondre à ce besoin de protection sans interdire de continuer le débat. Car ce débat doit continuer, notamment en commission mixte paritaire, et nous devons prendre le temps nécessaire pour parer à tous les risques qui ont été évoqués.
Mes chers collègues, la commission a pesé, soupesé et travaillé cet amendement pour essayer de prendre en compte l'ensemble de ces enjeux, parfois contradictoires, sans avoir, sans doute, réussi à trouver la solution idéale, mais, et je le regrette, ce n'était pas dans nos moyens !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 24, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, les amendements n°s 47, 53, 67 et 72 n'ont plus d'objet.
L'amendement n° 25, présenté par M. Richert, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« A la fin de la deuxième phrase du deuxième alinéa du paragraphe II de l'article 8, remplacer les mots : "Conseil des musées de France" par les mots : "Haut Conseil des musées de France". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Richert, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination terminologique.
S'agissant du sujet précédent, je tenais simplement à ajouter que nous reprendrons le débat en commission mixte paritaire.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 25, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 26, présenté par M. Richert, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi le premier alinéa du paragraphe III de l'article 8 :
« Les biens des collections des musées de France appartenant aux personnes morales de droit privé à but non lucratif acquis avec le concours de l'Etat ou d'une collectivité territoriale ne peuvent être cédés, à titre gratuit ou onéreux, qu'aux personnes publiques ou aux personnes morales de droit privé à but non lucratif qui se sont engagées, au préalable, à maintenir l'affectation de ces biens à un musée de France. La cession ne peut intervenir qu'après approbation du ministre chargé de la culture et, le cas échéant, du ministre intéressé, donnée après avis du Haut Conseil des musées de France. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Richert, rapporteur. Il s'agit d'un amendement dont j'ai déjà exposé, à l'occasion de l'examen de l'article 3, les motivations.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Je ne peux que rappeler la position du Gouvernement, qui tient fermement au principe de non-aliénabilité générale des collections des musées de France. Je me suis déjà longuement exprimée sur ce sujet.
De nombreux musées associatifs existants, de nombreux musées de sociétés notamment, ne sont pas absolument assurés de leur survie économique à long terme, alors qu'ils ont réussi à réunir, souvent sans l'aide de l'Etat, par des acquisitions avisées et grâce à la générosité des donateurs, des collections importantes.
Il est donc positif de garantir une protection d'ensemble aux collections et de prévoir qu'elles peuvent devenir la propriété d'autres musées de France plutôt que d'être dispersées, puis détruites, lors de la dissolution de l'association, et cela quelle que soit l'origine du financement des acquisitions.
Je rappelle qu'il n'y a pas là atteinte à un droit de propriété, dès lors que l'entrée d'un musée appartenant à une personne morale de droit privé dans le dispositif « musées de France » résulte d'une démarche volontaire.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 26, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 8, modifié.

(L'article 8 est adopté.)

Article additionnel après l'article 8



M. le président.
L'amendement n° 27, présenté par M. Richert, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Après l'article 8, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Les collections des musées de France font l'objet d'une inscription sur un inventaire. Il est procédé à leur récolement tous les dix ans. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Richert, rapporteur. J'évoquais tout à l'heure la nécessité d'un meilleur suivi de l'ensemble des richesses présentes dans les collections des musées. Il est proposé ici que les collections des musées de France fassent l'objet d'une inscription sur un inventaire et qu'il soit procédé à leur récolement tous les dix ans.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 27, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 8.

Article 9



M. le président.
« Art. 9. - Les biens des collections nationales confiés par l'Etat, sous quelque forme que ce soit, à une collectivité territoriale avant le 7 octobre 1910, et conservés, à la date de publication de la présente loi, dans un musée classé ou contrôlé en application de l'ordonnance n° 45-1546 du 13 juillet 1945 portant organisation provisoire des musées des Beaux-Arts, et relevant de cette collectivité deviennent, après récolement, la propriété de cette dernière et entrent dans les collections du musée, sauf si la collectivité territoriale s'y oppose ou si l'appellation "musée de France" n'est pas attribuée à ce musée.
« Toutefois, si, à la date de publication de la présente loi, le bien en cause est conservé dans un musée classé ou contrôle en application de l'ordonnance n° 45-1546 du 13 juillet 1945 précitée relevant d'une collectivité territoriale autre que celle initialement désignée par l'Etat, la collectivité territoriale à laquelle la propriété du bien est transférée est désignée après avis du Conseil des musées de France.
« Les dispositions des alinéas précédents ne s'appliquent pas aux biens donnés ou légués à l'Etat. »
Sur l'article, la parole est à M. Jean-Léonce Dupont.
M. Jean-Léonce Dupont. Madame la ministre, je souhaiterais simplement que vous puissiez préciser que le transfert par l'Etat aux collectivités locales des oeuvres qu'il a mises en dépôt dans les musées territoriaux avant 1910 comprend bien les oeuvres mises en dépôt notamment dans les bibliothèques municipales à la même époque. En effet, le problème vient de ce que tous les musées n'existaient pas à cette époque. Un certain nombre d'oeuvres ont donc pu être transmises avant d'être incorporées dans des collections muséographiques qui n'existaient pas encore.
Je ne voudrais pas que, pour un problème de texte, on puisse mal interpréter votre intention.
M. le président. L'amendement n° 28, présenté par M. Richert, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« A la fin du deuxième alinéa de l'article 9, remplacer les mots : "Conseil des musées de France" par les mots : "Haut Conseil des musées de France". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Richert, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination terminologique.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Le Gouvernement est favorable à cet amendement.
Pour répondre à M. Jean-Léonce Dupont, je précise que le texte ne vise que les dépôts dans les musées. Donc, pour traiter toutes les autres situations, il faudrait un autre dispositif.
M. le président. Etes-vous satisfait, monsieur Dupont ?
M. Jean-Léonce Dupont. Je suis satisfait d'avoir obtenu une réponse, mais je ne suis pas satisfait du contenu de cette réponse ! (Sourires.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 28, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 9, modifié.

(L'article 9 est adopté.)

Article 10



M. le président.
« Art. 10. - Les biens faisant partie des collections des musées de France peuvent faire l'objet d'un prêt ou d'un dépôt à des fins d'études, de recherche scientifique ou de présentation au public, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat.
« Le Conseil des musées de France étudie les conditions de circulation, d'échange et de prêt des oeuvres d'art entre musées bénéficiant de l'appellation "musée de France". »
L'amendement n° 29, présenté par M. Richert, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Supprimer l'article 10. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Richert, rapporteur. Nous proposons, par cet amendement, de supprimer l'article 10. Ce n'est, en effet, pas à l'Etat qu'il revient de déterminer les règles de dépôt des collections qui ne lui appartiennent pas. Par ailleurs, s'agissant de ses propres collections, il semble déjà que l'Etat soit confronté à des difficultés pour en déterminer la consistance et à en contrôler l'état et l'affectation.
S'agissant de la disposition introduite par l'Assemblée nationale afin de confier à l'instance créée à l'article 2 l'étude des conditions de circulation des oeuvres entre les musées de France, Mme la ministre avait exprimé ses réserves en ces termes : « Il paraît préférable, disait-elle, de laisser aux musées la responsabilité de l'organisation de la circulation des oeuvres, ne serait-ce que parce que les autorisations de circulation et de prêt demeurent de la compétence des institutions propriétaires. » Je me rallie à cet argumentaire !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. L'avis est défavorable.
Si la réglementation doit demeurer minimale, elle paraît néanmoins indispensable pour préciser l'objectif de protection des collections, qui est l'un des axes majeurs du projet de loi. Ces dépôts doivent tout de même être encadrés par un minimum de réglementation.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 29, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 10 est supprimé.

Article 11



M. le président.
« Art. 11. - Toute restauration d'un bien faisant partie d'une collection d'un musée de France ne relevant pas de l'Etat ou de l'un de ses établissements publics est soumise à l'avis préalable des services de l'Etat.
« Elle est opérée par des spécialistes présentant des qualifications définies par décret sous la direction des professionnels mentionnés à l'article 5. »
L'amendement n° 30, présenté par M. Richert, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi le premier alinéa de l'article 11 :
« Toute restauration d'un bien faisant partie d'une collection d'un musée de France est précédée de la consultation des instances scientifiques prévues à l'article 8. »
Le sous-amendement n° 54, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« A la fin du texte proposé par l'amendement n° 30, remplacer les mots : "des instances scientifiques prévues à l'article 8" par les mots : "d'instances scientifiques dont la composition et le fonctionnement sont fixés par un décret en conseil d'Etat". »
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 30.
M. Philippe Richert, rapporteur. Nous proposons une nouvelle rédaction du premier alinéa de cet article 11, car il nous paraît nécessaire de prendre toutes les garanties pour que la restauration des biens se fasse selon les règles de l'art.
M. le président. La parole est à Mme le ministre, pour présenter le sous-amendement n° 54.
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Les instances scientifiques compétentes pour les opérations de restauration ne peuvent être identiques dans leur composition à celles que le Gouvernement prévoit en matière d'acquisition ni à celles que la commission prévoit pour sa procédure de déclassement.
Le Gouvernement ne peut émettre un avis favorable sur l'amendement n° 30 qu'à la condition que le sous-amendement soit adopté. Dans le cas contraire, son avis serait défavorable.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 54 ?
M. Philippe Richert, rapporteur. Nous partageons les préoccupations de Mme la ministre.
La commission s'est trouvée devant un choix : ou bien une commission unique pouvant siéger en deux formations différentes ou bien deux commissions distinctes. Nous avons privilégié l'unicité de la commission, mais en prévoyant deux compositions, de façon à faire droit à votre demande, madame la ministre. Dans cet esprit, nous avions émis un avis défavorable sur votre sous-amendement.
Cependant, si vous ne pouviez nous rejoindre aujourd'hui, s'agissant d'une simple question d'organisation matérielle, nous pourrions élaborer une solution de compromis.
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendementn° 54, repoussé par la commission.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 30, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 48, présenté par MM. Lagauche, Vidal et Weber, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste, est ainsi libellé :
« Dans le deuxième alinéa de l'article 11, après les mots : "des qualifications", insérer les mots : "ou une expérience professionnelle". »
La parole est à M. Lagauche.
M. Serge Lagauche. Notre amendement tend à préciser que le décret qui définira les qualifications nécessaires pour procéder à la restauration des oeuvres d'art devra appréhender non seulement les qualifications - sanctionnées par un diplôme - mais aussi les acquis professionnels.
Il convient que la restauration puisse être confiée à des artisans spécialisés dans ce type de tâches et généralement tout à fait reconnus. Il s'agit souvent des « meilleurs ouvriers de France ». A l'heure actuelle, les musées territoriaux font fréquemment appel à ces artisans, qui ne disposent pas toujours d'un diplôme sanctionnant leur savoir-faire.
Il suffirait donc, et ce conformément aux termes de la loi relative à la modernisation sociale, de prévoir la validation des acquis professionnels pour les artisans oeuvrant au sein des musées de France. Cette validation aurait un caractère national et ne relèverait aucunement du seul bon vouloir des autorités territoriales.
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 54, repoussé par la commission.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 30, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Richert, rapporteur. Monsieur Lagauche, lors de l'examen de cet amendement en commission, j'ai déjà dit que nous avions reçu du ministère l'assurance que le Gouvernement était sensible à votre préoccupation.
Il serait néanmoins utile que Mme la ministre le confirme et vous donne des assurances sur ce point. S'il ne nous semble pas nécessaire que cette précision figure dans la loi, il est toutefois important, monsieur Lagauche, que vous ayez les garanties que vous attendez.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement. En matière de restauration, l'expérience professionnelle fait, bien entendu, partie des qualifications sur lesquelles le décret d'application apportera les précisions nécessaires.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 48.
M. Ivan Renar. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar. Je trouve cet amendement excellent et je voulais brièvement m'en expliquer.
Il va dans le sens de la loi de modernisation sociale qui a mis en avant, du point de vue de la formation professionnelle, une nouveauté formidable, la validation des acquis professionnels. En voici une première application dans le domaine de la restauration des oeuvres d'art. J'aurais aimé avoir pensé à déposer cet amendement et je suis très heureux que Mme la ministre y soit favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 48, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 11, modifié.

(L'article 11 est adopté.)

Article 12



M. le président.
« Art. 12. - Lorsque la conservation, la sécurité, l'exposition au public des biens faisant partie d'une collection d'un musée de France sont mises en péril et que le propriétaire de cette collection ne veut ou ne peut prendre immédiatement les mesures jugées nécessaires par l'Etat, celui-ci peut, par décision motivée, prise après avis du Conseil des musées de France, mettre en demeure le propriétaire de prendre toutes dispositions pour remédier à cette situation. Si le propriétaire s'abstient de donner suite à cette mise en demeure, l'Etat peut, dans les mêmes conditions, ordonner les mesures conservatoires utiles, et notamment le transfert provisoire du bien dans un lieu offrant les garanties voulues.
« En cas d'urgence, la mise en demeure et les mesures conservatoires peuvent être décidées sans l'avis du Conseil des musées de France. Celui-ci est informé sans délai des décisions prises.
« Lorsque le transfert provisoire d'un bien dans un lieu offrant les garanties voulues a été décidé, le propriétaire du bien peut, à tout moment, obtenir la réintégration de celui-ci dans le musée de France où celui-ci se trouvait, s'il justifie, après avis du Conseil des musées de France, que les conditions imposées sont remplies.
« Le propriétaire et l'Etat contribuent aux frais occasionnés par la mise en oeuvre des mesures prises en vertu du présent article, sans que la contribution de l'Etat puisse excéder 50 % de leur montant. »
L'amendement n° 31, présenté par M. Richert au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi le début du premier alinéa de cet article :
« Lorsque la conservation ou la sécurité d'un bien faisant partie d'une collection d'un musée de France est mise en péril... »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Richert, rapporteur. Cet amendement vise à revenir à la rédaction initiale du projet de loi.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. La rédaction proposée ne me paraissant pas poser de problème par rapport aux intentions du Gouvernement, je m'en remets à la sagesse du Sénat.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 31, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 32, présenté par M. Richert au nom de la commission, est ainsi libellé :
« I. - Dans la première phrase du premier alinéa de l'article 12, remplacer les mots : "Conseil des musées de France" par les mots : "Haut Conseil des musées de France".
« II. - Dans la première phrase du deuxième alinéa de l'article 12, remplacer les mots : "Conseil des musées de France" par les mots : "Haut Conseil des musées de France".
« III. - Dans le troisième alinéa de l'article 12, remplacer les mots : "Conseil des musées de France" par les mots : "Haut Conseil des musées de France".
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Richert, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination terminologique.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 32, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 12, modifié.

(L'article 12 est adopté.)

Article 13



M. le président.
« Art. 13. - Le fait pour le fondateur ou le dirigeant, de droit ou de fait, d'une institution ne bénéficiant pas de l'appellation de musée de France d'utiliser ou de laisser utiliser cette appellation dans l'intérêt de cette institution est puni d'une amende de 15 000 EUR.
« Les personnes morales peuvent être déclarées responsables pénalement du délit prévu à l'alinéa précédent dans les conditions prévues aux articles 121-2 et 131-38 du code pénal. » - (Adopté.)

Article 14



M. le président.
« Art. 14. - I. - A compter de la date de publication de la présente loi, les musées nationaux et les musées classés en application des lois et règlements en vigueur antérieurement à la présente loi, ainsi que les musées de l'Etat dont le statut est fixé par décret se voient attribuer, de plein droit, l'appellation "musée de France".
« II. - Les musées contrôlés en application des lois et règlements en vigueur antérieurement à la présente loi reçoivent l'appellation "musée de France" à compter du premier jour du treizième mois suivant la publication de la présente loi, sous réserve des dispositions qui suivent.
« Avant l'expiration du délai prévu au premier alinéa, la personne morale propriétaire des collections peut transmettre aux services de l'Etat une demande d'obtention immédiate de l'appellation. Celle ci est alors attribuée au musée concerné un mois après réception de la demande sauf si, dans l'intervalle, le ministre chargé de la culture a fait connaître son opposition, par décision motivée, à la collectivité demandeuse.
« Avant l'expiration du délai prévu au premier alinéa, la personne morale propriétaire des collections peut transmettre aux services de l'Etat son opposition à l'obtention de l'appellation. Si l'opposition émane d'une personne morale de droit privé, il y est fait droit. Si l'opposition émane d'une personne morale de droit public, le Conseil des musées de France est consulté et il peut être passé outre à l'opposition par décret en Conseil d'Etat pris après avis favorable de ce conseil.
« Avant l'expiration du délai prévu au premier alinéa, le Conseil des musées de France peut proposer au ministre chargé de la culture de s'opposer, par décision motivée, à ce qu'un musée contrôlé reçoive l'appellation "musée de France".
« Les musées contrôlés demeurent soumis aux lois et règlements en vigueur antérieurement à la présente loi jusqu'à l'expiration du délai prévu au premier alinéa ou, dans les cas prévus aux deuxième, troisième et quatrième alinéas, jusqu'à la notification par les services de l'Etat de l'acte attribuant ou refusant l'appellation "musée de France" ou de l'acte faisant droit à l'opposition de la personne morale propriétaire des collections. »
L'amendement n° 33, présenté par M. Richert, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi le paragraphe I de cet article :
« I. - A compter de la date de publication de la présente loi, l'appellation "musée de France" est attribuée aux musées nationaux, aux musées classés en application des lois et règlements en vigueur antérieurement à la présente loi et aux musées de l'Etat dont le statut est fixé par décret. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Richert, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 33, acccepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je suis maintenant saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 34, présenté par M. Richert, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi le paragraphe II de l'article 14 :
« II. - Dans un délai d'un an à compter de la publication de la présente loi, les musées contrôlés en application des lois et règlements en vigueur peuvent demander l'attribution de l'appellation "musées de France".
« Un décret fixe le délai à l'expiration duquel l'appellation est réputée attribuée.
« Les musées contrôlés demeurent soumis aux lois et règlements en vigueur antérieurement à la présente loi jusqu'à l'expiration du délai prévu au premier alinéa ou, s'ils ont demandé l'attribution de l'appellation "musées de France", jusqu'à l'expiration du délai prévu au deuxième alinéa ou de la notification de la décision la refusant. »
L'amendement n° 55, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Dans la seconde phrase du deuxième alinéa du II de l'article 14, remplacer le mot : "collectivité" par le mot : "personne". »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 34.
M. Philippe Richert, rapporteur. Cet amendement tend à proposer une nouvelle rédaction du paragraphe II de l'article 14, qui précise les conditions d'attribution de l'appellation « musées de France » aux musées contrôlés.
En fait, nous abordons la partie du texte relative aux musées contrôlés. Pour les musées nationaux et pour les musées classés, le texte, tel qu'il est rédigé, prévoit une attribution automatique du label et, à ce titre, convient parfaitement.
Pour les musées contrôlés, il nous semble, en revanche, nécessaire de le modifier en ce qui concerne la procédure d'attribution de l'appellation « musée de France ». Si la procédure d'octroi automatique était retenue, des musées contrôlés appartenant à une collectivité se verraient imposer cette appellation. Or, il nous paraît nécessaire de leur laisser la possibilité de ne pas demander l'attribution de ce label.
C'est la raison pour laquelle nous prévoyons la possibilité de demander le label à compter de la publication de la loi dans un délai d'un an. Un décret fixera le délai à l'expiration duquel l'appellation est réputée attribuée.
M. le président. La parole est à Mme le ministre, pour présenter l'amendement n° 55 et donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 34.
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. L'amendement n° 55 est d'ordre rédactionnel.
Quant à l'amendement n° 34, le Gouvernement y est défavorable.
La rédaction du II de l'article 14 est sans doute un peu lourde, mais le principe qu'il pose respecte la libre administration des collectivités territoriales et le libre choix des musées privés. Au fond, nous disons la même chose, mais l'un choisit l'acte positif et l'autre l'acte négatif.
Tout musée contrôlé peut exprimer son souhait d'être ou de ne pas être placé sous le label « musée de France ». Je sais d'expérience ce que peut être l'inertie administrative de nombre d'institutions, qui ne songent pas à remettre en cause leur fonctionnement.
Il paraît souhaitable que les musées contrôlés, qui ne manifestent pas de volonté particulière - mais dont, par définition, les collections présentent à l'heure actuelle un intérêt public - puissent se voir reconnaître, sauf cas exceptionnel, la qualité de « musée de France ». Souvenons-nous l'adage : « Qui ne dit mot consent »...
J'organiserai au début de l'année 2002, si le Parlement vote le présent projet de loi, un concours national pour un logotype « musée de France » que les musées de cette catégorie pourraient librement utiliser et qui devrait servir leur notoriété.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 55 ?
M. Philippe Richert, rapporteur. Cet amendement n'est pas compatible avec le nôtre. Notre rédaction prévoit expressément qu'un musée contrôlé a le droit de ne pas solliciter le label s'il ne le souhaite pas, sans que quiconque, y compris le Haut Conseil des musées de France, puisse le lui imposer.
Le texte actuel prévoit que le Haut Conseil peut prendre une position différente et imposer le label à un musée qui ne le souhaite pas.
C'est la raison pour laquelle je suis défavorable à l'amendement n° 55.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 34, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 55 n'a plus d'objet.
Je mets aux voix l'article 14, modifié.

(L'article 14 est adopté.)

Article 15



M. le président.
« Art. 15. - L'Etat peut maintenir à la disposition des musées de France relevant des collectivités territoriales, pendant un délai maximum de trois ans à compter de la date de publication de la présente loi, les personnels scientifiques mis à disposition en application de l'article 62 de la loi n° 83-663 du 22 juillet 1983 complétant la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l'Etat.
« A l'issue du délai prévu au précédent alinéa, l'article 62 de la loi n° 83-663 du 22 juillet 1983 précitée est abrogé. - (Adopté.)

Article additionnel avant l'article 15 bis



M. le président.
L'amendement n° 64, présenté par M. Jean-Léonce Dupont, est ainsi libellé :
« Avant l'article 15 bis , insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Le Gouvernement présentera au Parlement, avant la fin de l'année 2002, un rapport relatif au droit à l'image et aux moyens d'en faire bénéficier les collectivités publiques pour les oeuvres d'art dont elles ont la propriété ou la gestion. »
La parole est à M. Jean-Léonce Dupont.
M. Jean-Léonce Dupont. La jurisprudence a très clairement reconnu aux propriétaires privés un droit à l'image des biens leur appartenant, qui leur permet de s'opposer à toute reproduction de leurs biens, fût-elle à usage privé.
Mais elle ne s'est pas encore prononcée sur le cas particulier de l'exploitation commerciale par un tiers qui n'y aurait pas été autorisé de l'image d'un monument ou d'un bien appartenant à une collectivité publique.
Ce droit à l'image ne pourrait-il pas aujourd'hui leur être accordé ? Cette reconnaissance permettrait de soumettre à autorisation préalable l'utilisation à des fins commerciales de la représentation des monuments historiques et des objets dans les collections des musées appartenant aux collectivités publiques. Ces collectivités pourraient ainsi s'assurer que la reproduction est conforme à l'intérêt général et compatible avec l'affectation du domaine public considéré.
Cet amendement a pour objet de demander au Gouvernement un rapport d'étude sur cette question.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Richert, rapporteur. La question du droit à l'image des collectivités publiques sur les biens qui leur appartiennent est une question délicate. Elle mérite, nous en convenons tous, une étude approfondie.
Toutefois, il me semble nécessaire de dissiper une éventuelle confusion née de la rédaction de cet amendement.
L'affirmation d'un droit à l'image - si on peut employer ces termes quelque peu impropres - ne peut conduire à évincer de leurs droits les éventuels titulaires de droit de propriété intellectuelle et artistique sur les biens concernés.
Sous réserve de cette précision, la commission a émis un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Le Gouvernement est favorable à cette étude parce qu'il s'agit d'une question difficile, très débattue en doctrine à la faveur de décisions juridictionnelles récentes.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 64.
M. Yann Gaillard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Gaillard.
M. Yann Gaillard. Cette question est effectivement très difficile. Le droit à l'image, même en matière privée, est en train de tuer l'art photographique. Que serait devenue l'oeuvre des grands photographes du xixe siècle - Le Seq ou d'autres - s'ils avaient dû payer chaque fois qu'ils photographiaient un monument de Paris ?
Je vois dans cette disposition une très bonne intention pour apporter des ressources aux musées. Cependant, il s'agit d'une question délicate. C'est pourquoi je suis très réservé.
M. Jean-Léonce Dupont. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Jean-Léonce Dupont.
M. Jean-Léonce Dupont. Il faut effectivement traiter cette question avec beaucoup de délicatesse. En fait, c'est une étude qui est demandée. Je prendrai simplement pour exemple les musées dont certaines oeuvres sont aujourd'hui reproduites sur un certain nombre de sites internet dans le monde et sont vendues dans n'importe quelles conditions. Il serait judicieux de mener une réflexion sur ce type de problèmes.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 64, accepté par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 15 bis.

Article 15 bis



M. le président.
« Art. 15 bis . - I. - L'article 200 du code général des impôts est complété par un 6 ainsi rédigé :
« 6. Ouvrent droit à une réduction d'impôt sur le revenu égale à 50 % de leur montant dans la limite de 6 % du revenu imposable les dons à l'Etat effectués par les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B, sous forme d'oeuvres d'art, de livres, d'objets de collection ou de documents de haute valeur historique et artistique et agréés dans les conditions fixées à l'article 1716 bis. »
« II. - La perte de recettes pour l'Etat résultant du I est compensée, à due concurrence, par la création de taxes additionnelles aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
L'amendement n° 35, présenté par M. Richert, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Supprimer l'article 15 bis . »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Richert, rapporteur. Les dons visés par l'article 15 bis sont d'ores et déjà éligibles à la réduction d'impôt prévue par l'article 200 du code général des impôts relatif aux dons effectués par des particuliers au profit d'organismes d'intérêt général.
Au-delà de son caractère superfétatoire, ce dispositif, qui ne vise que les dons faits à l'Etat, introduit une confusion dans la rédaction de l'article 200, confusion qui risque d'aboutir à une application a contrario du texte, très défavorable pour les musées territoriaux et les musées privés.
Enfin, en conditionnant l'avantage fiscal à l'agrément prévu dans le cadre de la procédure des dations, il pose une condition nouvelle à l'octroi de la réduction d'impôt, bien plus restrictive que la procédure actuellement en vigueur, ce qui aura pour effet de décourager les mécènes et d'encadrer la liberté dont jouissent aujourd'hui les musées pour accepter ou refuser ces dons.
Il convient donc de supprimer cet article.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. La suppression proposée va dans le sens de la clarté. Aussi, le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 35, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 15 bis est supprimé.

Article 15 ter



M. le président.
« Art. 15 ter . - Au b du 1 de l'article 200 du code général des impôts, après les mots : "patrimoine artistique,", sont insérés les mots : "notamment à travers les souscriptions nationales ouvertes pour financer l'achat d'objets ou d'oeuvres d'art destinés à rejoindre les collections d'un musée de France accessibles au public,". »
L'amendement n° 36, présenté par M. Richert, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Dans le texte proposé par l'article 15 ter pour compléter le b du 1 de l'article 200 du code général des impôts, supprimer le mot : "nationales". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Richert, rapporteur. Cet amendement tend à supprimer le mot « nationales » afin que soient visées toutes les souscriptions, et non les seules souscriptions nationales.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. L'intention du Gouvernement, lors de la présentation de cette disposition à l'Assemblée nationale, n'était pas, bien évidemment, de limiter l'avantage fiscal aux seuls souscriptions nationales ouvertes pour l'acquisition d'objets ou d'oeuvres d'art destinés à rejoindre les collections d'un musée de France. Le mot « notamment » qui figure à l'article 15 ter reflète d'ailleurs cette intention.
L'amendement que vous proposez, monsieur le rapporteur, permet de lever définitivement cette imprécision. Le Gouvernement émet donc un avis favorable à cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 36, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 15 ter, modifié.
(L'article 15 ter est adopté.)

Article 15 quater



M. le président.
« Art. 15 quater. - I. - Le premier alinéa de l'article 238 bis AB du code général est impôts est ainsi rédigé :
« Les entreprises qui achètent, à compter du 1er janvier 2002, des oeuvres originales d'artistes vivants et les inscrivent à un compte d'actif immobilisé peuvent déduire du résultat de l'exercice d'acquisition et des quatre années suivantes, par fractions égales, une somme égale au prix d'acquisition.
« II. - La perte de recettes résultant du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
L'amendement n° 56, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Supprimer l'article 15 quater . »
La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Lors de la première lecture à l'Assemblée nationale, le Gouvernement avait souligné le caractère paradoxal des dispositions introduites par l'article 15 quater : en prévoyant une réduction de dix à cinq ans de la période d'amortissement des oeuvres, elles diminuent corrélativement la durée de l'obligation d'exposition au public de l'oeuvre. Ainsi, un avantage supplémentaire est offert à l'entreprise sans que la collectivité en retire - bien au contraire - un bénéfice plus grand.
Compte tenu de la mesure proposée par ailleurs par le Gouvernement, également destinée aux entreprises et centrée sur la priorité que constituent les trésors nationaux, et dans un souci de simplification du dispositif global tel qu'il est souhaitable qu'il résulte de la loi, il est proposé de supprimer l'article 15 quater.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Richert, rapporteur. Le dispositif visé a été très peu utilisé jusqu'à présent, ce qui prouve son manque d'attractivité. La décision de l'Assemblée nationale de réduire de dix ans à cinq ans la période d'amortissement des oeuvres devrait encourager les entreprises à recourir à ce dispositif. Aussi, nous souhaitons maintenir la disposition telle qu'elle a été votée par l'Assemblée nationale. Nous émettons donc un avis défavorable sur cet amendement de suppression.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 56, repoussé par la commission.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 15 quater.
(L'article 15 quater est adopté.)

Article 15 quinquies



M le président.
« Art. 15 quinquies. - Le début du onzième alinéa (6) de l'article 238 bis OA du code général des impôts est ainsi rédigé : "Pendant cette période, le bien peut être placé en dépôt...". (Le reste sans changement) »
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 57 est présenté par le Gouvernement. Il est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi l'article 15 quinquies :
« I. - L'article 238 bis OA du code général des impôts est ainsi rédigé :
« Art. 238 bis OA. - Les entreprises imposées à l'impôt sur les sociétés d'après leur bénéfice réel peuvent bénéficier d'une réduction d'impôt égale à 90 % des versements effectués avant le 31 décembre 2006 en faveur de l'achat de biens culturels présentant le caractère de trésors nationaux, ayant fait l'objet d'un refus de délivrance d'un certificat d'exportation par l'autorité administrative, dans les conditions prévues à l'article 7 de la loi n° 92-1477 du 31 décembre 1992 relative aux produits soumis à certaines restrictions de circulation et à la complémentarité entre les services de police, de gendarmerie et de douane et pour lesquels l'Etat a fait au propriétaire du bien une offre d'achat dans les conditions prévues par l'article 9-1 de la même loi.
« Les versements ne sont pas déductibles pour la détermination du bénéfice imposable.
« Les versements doivent faire l'objet d'une acceptation par les ministres chargés de la culture et du budget.
« La réduction d'impôt s'applique sur l'impôt sur les sociétés dû au titre de l'exercice au cours duquel les versements sont acceptés. Toutefois la réduction d'impôt ne peut être supérieure à 10 % du montant de l'impôt dû par l'entreprise au titre de cet exercice conformément au I de l'article 219. Pour les sociétés membres d'un groupe au sens de l'article 233 A, la limite de 10 % s'applique pour l'ensemble du groupe par référence à l'impôt dû par la société mère du groupe. ».
« II. - Dans l'article 238 bis AA du code général des impôts, les mots : ", de l'article 238 bis OA" sont supprimés. »
« III. - Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application du présent article. »
Le sous-amendement n° 73, présenté par M. Richert, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Dans la deuxième et dans la dernière phrase du dernier alinéa du texte proposé par le I de l'amendement n° 57 pour l'article 238 bis OA du code général des impôts, remplacer le pourcentage : "10 %" par le pourcentage : "50 %". »
L'amendement n° 37 est présenté par M. Richert, au nom de la commission. Il est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi l'article 15 quinquies .
« Le 6 de l'article 238 bis OA du code général des impôts est supprimé. »
La parole est à Mme le ministre, pour défendre l'amendement n° 57.
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. L'actuel dispositif destiné à favoriser, par une incitation fiscale, le don d'oeuvres d'art par des entreprises à l'Etat n'a pas fonctionné. Par ailleurs, les moyens de conserver les trésors nationaux dans le patrimoine de la nation sont insuffisants. Il est donc proposé de remplacer le dispositif actuel par un dispositif nouveau, plus simple et susceptible d'être plus efficace compte tenu de l'avantage fiscal très significatif qu'il prévoit. Un avantage d'une telle ampleur ne se conçoit qu'en faveur des trésors nationaux qui ont fait l'objet d'un refus de certificat d'exportation. Il permettrait en effet à une ou plusieurs entreprises de concourir à l'acquisition des ces oeuvres par l'Etat et d'obtenir, en contrepartie, une réduction de leur impôt sur les sociétés égale à 90 % de cette contribution dans la limite de 10 % de leur impôt dû.
Le dispositif proposé est expérimental. A son terme, soit à la fin de 2006, un bilan devra en être tiré afin d'examiner les conditions de son fonctionnement. Ce terme est cohérent avec l'effort de programmation budgétaire pluriannuelle qu'accompagne la mesure fiscale proposée.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter le sous-amendement n° 73 et l'amendement n° 37.
M. Philippe Richert, rapporteur. Il s'agit là encore d'un dispositif crucial de ce projet de loi.
Le Gouvernement nous présente un dispositif permettant aux entreprises d'apporter à l'Etat un concours financier substantiel en vue d'éviter cette fuite de nos trésors nationaux que nous n'avons pas réussi à endiguer jusqu'à présent.
Le dispositif, tel qu'il est présenté au Sénat, ouvre principalement la possibilité, pour une entreprise qui fait un don à l'Etat en vue d'acheter des trésors nationaux ayant été frappés d'un refus d'exportation, de déduire de l'impôt que celle-ci doit acquitter 90 % du montant du don.
La commission des affaires culturelles du Sénat avait prévu un autre dispositif qui aurait dû être examiné par le biais d'un amendement visant à insérer un article additionnel après l'article 15 octies. Aux termes de ce dispositif, le don fait à l'Etat aurait été déductible du résultat imposable mais aurait également ouvert droit à une réduction d'impôt, à hauteur de 75 % du montant de ce don.
Si nous comparons les deux mesures, nous pouvons constater que le dispositif prévu par notre commission était plus avantageux que celui qui est présenté par le Gouvernement. Nous allions pratiquement à une déduction totale du don. Il nous semble néanmoins que l'amendement qui est présenté par le Gouvernement comporte d'autres avantages, en particulier une plus grande lisibilité, puisqu'il comporte une réduction de 90 % au titre de l'impôt sur les sociétés.
Nous avons donc, en commission, décidé d'émettre un avis favorable sur l'amendement du Gouvernement et donc de retirer notre amendement n° 39
Néanmoins, nous sommes surpris que, par son amendement, et l'un de nos éminents collègues en a parlé tout à l'heure, le Gouvernement plafonne la déduction à 10 % du montant de l'impôt que l'entreprise doit acquitter.
Il nous semble nécessaire de fixer une limite bien plus élevée. C'est pourquoi nous proposons - c'est l'objet de notre sous-amendement - de retenir le taux de 50 %, afin que le montant de la déduction soit substantiel. En effet, si une entreprise entre dans ce dispositif, elle pourra soustraire 90 % du don de l'impôt sur les sociétés mais 10 % du don restera à sa charge. Par ailleurs, je rappellerai que le don n'est pas déductible du bénéfice imposable et, à ce titre, supportera l'impôt sur les sociétés.
Dans ce contexte, le plafond de 10 % retenu par le Gouvernement est trop limitatif. C'est pourquoi nous proposons de le porter à 50 % par le sous-amendement n° 73.
J'en viens à l'amendement n° 37. Il prévoit une nouvelle rédaction de l'article 15 quinquies aux termes de laquelle le 6 de l'article 238 bis OA du code général des impôts est supprimé. En effet, il autorise les entreprises ayant acquis des oeuvres d'art pour les donner à l'Etat à déduire du montant de leurs bénéfices la valeur d'acquisition de ces oeuvres.
Parmi les conditions posées par cet article pour l'octroi de l'avantage fiscal figurait l'obligation d'exposer l'oeuvre au public. L'article 238 bis OA prévoyait également comme alternative la possibilité de les placer en dépôt auprès d'une collectivité territoriale ou d'un établissement public à caractère scientifique, culturel ou professionnel. L'Assemblée nationale a supprimé l'obligation d'exposition au public sans pour autant abroger les dispositions encadrant ces modalités de dépôt. Nous proposons de supprimer également ces modalités
Cela étant dit, si le sous-amendement n° 73 et l'amendement n° 57 sont adoptés, l'amendement n° 37 n'aura plus d'objet et, par ailleurs, je retirerai l'amendement n° 39.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 73 ?
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Je ne puis accepter ce sous-amendement.
En effet, monsieur le rapporteur, l'objet du plafonnement que nous souhaitons instituer est de limiter pour chaque entreprise effectuant un versement l'effet de la réduction d'impôt ; il n'est pas de dénaturer le dispositif ni d'en restreindre la portée.
Je vous rappelle que 10 % de l'impôt sur les sociétés acquitté par les entreprises représentent plus de 3,5 milliards d'euros, soit plus de 23 milliards de francs.
Il a paru important au Gouvernement qu'une entreprise ne puisse pas être totalement ou en grande partie exonérée d'impôt sur les sociétés du fait de cette réduction d'impôt. Il nous a aussi paru nécessaire pour l'acquisition des trésors les plus onéreux qu'un ensemble d'entreprises se forme pour financer cette acquisition afin qu'elle acquière un caractère national.
M. le président. Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 73.
M. Ivan Renar. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar. J'étais déjà très réservé sur l'amendement du Gouvernement, que je m'apprêtais toutefois à voter. Mais jusqu'où va-t-on aller ?
Par conséquent, je suis résolument contre le sous-amendement et je souscris tout à fait à l'argumentation développée par Mme la ministre voilà un instant. Il me semble en effet que l'on va trop loin. En amour, ce ne sont pas les déclarations qui comptent, ce sont les manifestations ; je pense donc que les entreprises devraient manifester indépendamment leur amour pour les oeuvres d'art des exonérations qu'elles souhaitent obtenir.
M. Yann Gaillard Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Gaillard.
M. Yann Gaillard. Je regrette qu'après avoir fait un très grand pas, le Gouvernement n'accepte pas d'en faire un petit supplémentaire !
En fait, il n'a à craindre ni menace ni dérive parce qu'il détient les leviers. En outre, il s'agira d'opérations peu nombreuses et limitées dans le temps qui n'interviendront que tous les deux ou trois ans. Ce n'est pas tous les ans qu'un tableau tel que la Duchesse de Montejasi et ses filles part pour l'étranger ! Et ce sont les pouvoirs publics qui lancent les souscriptions. Ils seront donc maîtres de la situation.
Dans ces conditions, je ne comprends pas que, ayant fait les deux tiers du chemin, le Gouvernement n'aille pas jusqu'au bout de la logique.
En tout cas, je voterai avec enthousiasme et l'amendement du Gouvernement et le sous-amendement de la commission.
M. Philippe Richert, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Richert, rapporteur. Lorsqu'une entreprise accepte de faire un don à l'Etat, elle a le droit de déduire de l'impôt 90 % du montant de ce don. Elle est donc obligée de payer une deuxième fois les 10 % du montant du don qu'elle fait.
Prenons l'exemple d'une entreprise qui fait un don de 100 millions de francs à l'Etat pour acheter un Picasso. Elle ne pourra déduire que 90 millions sur ces 100 millions. Par conséquent, même si cette disposition permet à l'entreprise d'afficher sa vocation de mécène, le coût du don qu'elle consent représente en quelque sorte 110 p. 100 du montant de ce dernier.
Dès lors, si les entreprises acceptent cela pour sauver les trésors nationaux qui « filent » à l'étranger, il vaudrait mieux leur tirer le chapeau et les remercier de leur geste plutôt que de leur imposer un plafonnement de la réduction d'impôt à 10 % du montant de la charge fiscale à acquitter.
Vous évoquiez tout à l'heure, madame la ministre, les sommes concernées. Mais ce qui compte, c'est l'effort consenti par chaque entreprise individuellement. Nous avons des oeuvres d'une valeur de 100 millions de francs, voire 200 millions de francs, que nous n'arrivons pas à retenir chez nous. Si nous fixons ce seuil de 10 %, le nombre des entreprises susceptibles de consentir de tels dons va considérablement se restreindre. Celles qui seraient aptes à s'engager dans cette voie devraient plutôt y être encouragées.
Je pense, pour ma part, que le Sénat ferait oeuvre utile en manifestant sa volonté d'encourager les entreprises à mener le combat pour le maintien, sur notre territoire, de nos trésors nationaux et de notre patrimoine culturel.
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. J'ai noté avec plaisir que M. Gaillard admettait que nous avions déjà fait au moins les deux tiers du chemin. Je pense que le dispositif que nous proposons marque en effet une grande avancée dans la relation entre l'Etat et les entreprises au service du patrimoine.
Je souligne en outre que ce dispositif doit avoir un terme et qu'en 2006 nous serons conduits, représentation nationale et Gouvernement, à dresser le bilan de son efficacité. Il me semble sage, aujourd'hui, d'engager une démarche très nouvelle dans notre législation, qui marque un grand progrès, quitte à la réviser au terme de cette première expérience.
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 73, repoussé par le Gouvernement.

(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix, modifié, l'amendement n° 57, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 15 quinquies est ainsi rédigé et l'amendement n° 37 n'a plus d'objet.
M. Philippe Richert, rapporteur. De même que l'amendement n° 39.

Articles additionnels après l'article 15 octies (priorité)



M. Philippe Richert,
rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Richert, rapporteur. Monsieur le président, en application de l'article 44, alinéa 6 du règlement du Sénat, la commission demande que l'amendement n° 40, tendant à insérer un article additionnel après l'article 15 octies du projet de loi, soit examiné en priorité.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Favorable.
M. le président. La priorité est ordonnée.
L'amendement n° 40, présenté par M. Richert, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Après l'article 15 octies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après l'article 238 bis OA du code général des impôts, il est inséré un article 238 bis OAB nouveau ainsi rédigé :
« Art. 238 bis OAB. - Ouvrent droit, à compter de la date de publication de la loi n° du relative aux musées de France, à une réduction d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés dans la limite de 40 % de leur montant, les sommes consacrées par les entreprises à l'achat de biens culturels faisant l'objet, à la date d'acquisition, d'un refus de certificat en application de la loi n° 92-1477 du 31 décembre 1992 relative aux produits soumis à certaines restrictions de circulation et à la complémentarité entre les services de police, de gendarmerie ou de douane dans les conditions suivantes :
« - le bien ne doit pas avoir fait l'objet d'une offre d'achat de l'Etat dans les conditions fixées par l'article 9-1 de la loi n° 92-1477 du 31 décembre 1992 précitée ;
« - l'entreprise s'engage à consentir au classement du bien comme monument historique en application de l'article 16 de la loi du 31 décembre 1913 sur les monuments historiques ;
« - le bien ne doit pas être cédé avant l'expiration d'un délai de dix ans à compter de l'acquisition ;
« - durant la période visée à l'alinéa précédent, le bien doit être placé en dépôt auprès d'un musée de France.
« La réduction d'impôt est subordonnée à l'agrément du ministre de l'économie et des finances qui se prononce après avis de la commission prévue à l'article 7 de la loi n° 92-1477 du 31 décembre 1992 précitée.
« Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application du présent article. »
« II. - Les pertes de recettes résultant pour l'Etat du I ci-dessus sont compensées par une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Richert, rapporteur. Cet amendement était le complément de l'amendement n° 39 que nous venons de retirer à la faveur de l'adoption de l'amendement du Gouvernement. Il vise à permettre aux entreprises, cette fois-ci, non plus de faire un don à l'Etat pour lui permettre d'acquérir des trésors nationaux, mais d'acquérir elles-mêmes ces trésors nationaux et de pouvoir bénéficier, à ce titre, d'un avantage fiscal.
Nous proposons donc d'octroyer aux entreprises qui acceptent d'acheter ces trésors nationaux, frappés d'une interdiction d'exportation, une réduction d'impôt de 40 % du montant de la valeur d'acquisition de l'oeuvre. Une telle mesure serait bien sûr incitative, mais en outre elle constituerait une compensation à la baisse de la valeur de l'oeuvre d'art qui aurait subi une érosion conséquente du fait de son classement.
Pour éviter que cette mesure ne soit utilisée à des fins de spéculation, nous avons prévu par ailleurs un certain nombre de garanties.
Le bien ne doit pas avoir fait l'objet d'une offre d'achat de l'Etat dans les conditions fixées par l'article 9-1 de la loi n° 92-1477 du 31 décembre 1992 précitée.
L'entreprise s'engage à consentir au classement du bien comme monument historique en application de l'article 16 de la loi du 31 décembre 1913 sur les monuments historiques.
Le bien ne doit pas être cédé avant l'expiration d'un délai de dix ans à compter de l'acquisition.
Durant la période visée, le bien doit être placé en dépôt auprès d'un musée de France. C'est d'ailleurs une des raisons pour laquelle nous examinons cette disposition dans le cadre de la discussion de ce projet de loi.
La réduction d'impôt est subordonnée à l'agrément du ministère de l'économie et des finances, qui se prononce après avis de la commission prévue à l'article 7 de la loi n° 92-1477 du 31 décembre 1992.
Enfin, un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application du présent article.
Ainsi, mes chers collègues, les entreprises auraient le choix entre soit faire un don à l'Etat, soit acheter elles-mêmes. Dans ce dernier cas, bien sûr, les conditions fiscales seraient beaucoup moins intéressantes.
Il nous a semblé nécessaire de ne pas fonder l'ensemble de notre politique patrimoniale sur les seules initiatives de l'Etat et de l'ouvrir aux entreprises, afin que celles-ci s'engagent elles aussi pour que des éléments de notre patrimoine exceptionnel ne quittent pas notre pays. Nous devons favoriser le mécénat ; nous devons favoriser l'entreprise citoyenne, celle qui accepte de protéger notre patrimoine.
Si cet amendement était adopté, les articles 15 septies et 15 octies, qui concernent le prélèvement de 1 % envisagé sur le produit brut des jeux dans les casinos, pourraient être supprimés puisque, dès lors, la préservation de notre patrimoine, de nos trésors nationaux, serait assurée.
M. Ivan Renar. M. le rapporteur pousse son avantage !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 40 ?
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Cet amendement ayant un objet très proche de celui de l'amendement n° 39, il me semble opportun en effet de ne pas disperser nos efforts et de nous concentrer sur le mécanisme le plus efficace et le plus conforme à l'intérêt général.
Toutefois, le Gouvernement préférant le dispositif prévu par l'amendement n° 39, il émet un avis défavorable sur l'amendement n° 40.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 40, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 15 octies.

Article 15 sexies



M. le président.
« Art. 15 sexies. - I. - Le troisième alinéa (2) de l'article 238 bis du code général des impôts est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Cette déduction s'applique également pour les sommes versées au titre d'une participation à une souscription nationale ouverte pour financer l'achat d'objets ou d'oeuvres d'art destinés à rejoindre les collections d'un musée de France accessibles au public. »
« II. - Les pertes de recettes pour l'Etat résultant du I sont compensées, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
L'amendement n° 38 rectifié, présenté par M. Richert, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi le I de l'article 15 sexies :
« I. - Dans le premier alinéa du 2 de l'article 238 bis du code général des impôts, après les mots : "d'utilité publique", sont insérés les mots : "ou à des musées de France". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Richert, rapporteur. Nous proposons une limite de déductibilité unique de 3,25 pour l'ensemble des musées, quel qu'en soit le statut. A l'heure actuelle, la limite de déductibilité est, selon les cas, de 3,25 ou de 2,25 . Si nous sommes suivis, il n'y en aura plus qu'une seule.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Le Gouvernement est favorable à cette simplification du régime de déductibilité des dons faits à des musées de France par des entreprises, mesure qui va également dans le sens d'une plus forte incitation.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 38 rectifié, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 15 sexies, modifié.

(L'article 15 sexies est adopté.)

Article 15 septies



M. le président.
« Art. 15 septies. - Il est institué un prélèvement à hauteur de 1 % sur le produit brut des jeux dans les casinos. »
Sur l'article, la parole est à M. Emin.
M. Jean-Paul Emin. Je voudrais très brièvement intervenir sur cette disposition, introduite, contre l'avis du Gouvernement, par l'Assemblée nationale.
L'institution d'un prélèvement de 1 % sur le produit brut des jeux dans les casinos posent, à mes yeux, des problèmes de fond, de forme et de méthode.
Sur le fond, d'abord, de quoi s'agit-il ? D'alimenter les fonds destinés à l'acquisition des trésors nationaux. Personnellement, je ne suis pas convaincu de la validité de la solution retenue. Madame le ministre, vous le savez bien, l'affectation des recettes supplémentaires dégagées sur le produit brut des jeux sera aléatoire. Est-ce ainsi que l'on engage une politique de long terme en faveur du patrimoine culturel ?
En outre, est-ce bien le rôle des casinos de contribuer à l'acquisition d'oeuvres culturelles, là où l'Etat n'a manifestement plus, et depuis longtemps, les moyens de son discours ?
Ce n'est pas un hasard si, aujourd'hui, les musées parmi les plus prestigieux dans le monde sont ceux qui sont financés par des fondations. Je pense que c'est plutôt de ce côté que la France devrait se tourner, en adaptant le droit pour favoriser le développement de fondations culturelles, plus aptes à acquérir et à valoriser le patrimoine national, et en adaptant aussi le régime fiscal du mécénat d'entreprise.
S'agissant de la forme, comme le souligne fort justement le rapport de M. Richert, l'affectation de recettes à certaines dépenses ne pouvant résulter que d'une loi de finances, l'Assemblée nationale n'avait pas à affecter le produit du 1 % aux dépenses d'acquisition d'oeuvres d'art du ministère de la culture.
En l'état, la disposition visée ne garantit pas l'augmentation à due concurrence des crédits d'acquisition du ministère de la culture. En l'absence d'un compte d'affectation spéciale, cette augmentation dépendra des arbitrages budgétaires annuels rendus lors de la préparation du projet de loi de finances.
C'est, pour moi, une raison supplémentaire de douter de l'efficacité de cette disposition.
Pour ce qui est de la méthode, il paraît curieux d'instituer par la loi un prélèvement nouveau sur le produit brut des jeux dans les casinos alors que, dans le même temps, le Gouvernement réfléchit à une modification du décret du 22 décembre 1959 entraînant une substitution de l'assiette des prélèvements opérés au profit de l'Etat et des communes.
A l'évidence, c'est une refonte complète de la loi sur les jeux qui s'impose. Les professionnels y sont d'ailleurs ouverts dès lors que le Gouvernement les y associerait, ce qui n'a pas toujours été le cas. Rappelons-nous les diverses taxes et autres prélèvements institués ces dernières années sans que les casinos - ni les élus locaux, d'ailleurs - aient eu leur mot à dire.
Le département de l'Ain, que je représente, abrite le casino de Divonne-les-Bains. Je suis bien placé pour mesurer le rayonnement économique local, mais aussi national et européen, de cet établissement installé à proximité de Genève.
A travers les prélèvements opérés sur le produit des jeux, c'est la capacité des casinos à investir et à rester compétitifs qui est en question.
Le problème va d'ailleurs au-delà. Dans la refonte globale de la politique des jeux, il faudrait aussi associer la profession au débat sur les conditions d'accès aux casinos.
Pour toutes ces raisons, je voterai contre l'article 15 septies.
M. le président. La parole est à M. Trucy.
M. François Trucy. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cet article m'inquiète.
Il est certes louable de rechercher des ressources nouvelles pour abonder les crédits d'acquisition d'oeuvres, mais la solution retenue soulève plusieurs problèmes.
Je note d'abord, sur la forme, que le vote de cette taxe de 1 % sur le produit brut des jeux des casinos s'est effectué à l'Assemblée nationale dans des conditions un peu particulières. Non seulement il fut acquis contre l'avis de Mme la ministre, mais les données fournies au rapporteur de la commission des affaires culturelles étaient totalement erronées : méconnaissance du taux d'imposition des casinos, confusion entre le produit brut des jeux et la base théorique d'assujettissement au RDS, etc. L'Assemblée croyait trouver 600 milliards de francs alors que le produit de la taxe, maintenant précisé, ne serait que de 113 millions de francs.
Enfin, dans l'esprit de ceux qui ont pris l'initiative de cette disposition à l'Assemblée nationale, il s'agit d'une recette affectée, ce qui, sauf erreur de ma part, ne va pas de soi et nécessite un rapport favorable du Gouvernement sur le bureau des assemblées.
Sur le fond, il faut savoir - et, à l'évidence, l'Assemblée nationale ne pouvait le savoir - le ministre des finances et le ministre de l'intérieur préparent un décret tendant à modifier profondément le prélèvement progressif sur le produit brut des machines à sous.
Les conséquences financières de cette modification sont telles qu'elles suscitent, à l'heure où nous débattons, une négociation serrée entre les « casinotiers » et le Gouvernement. Il faut espérer que le résultat de cette négociation sera raisonnable et tiendra compte des réalités économiques de cette profession, qui représente 13 000 emplois, comme le soulignait tout à l'heure Jean-Léonce Dupont, et qui constitue un atout touristique majeur tant pour le pays que pour les communes.
Nous avons, en l'occurrence, affaire à une législation vétuste, à un véritable fouillis réglementaire, à une pression inégale de l'Etat sur les divers opérateurs : les disparités de traitement sont considérables. La constante, c'est l'avidité de l'Etat, qui, bon an mal an, perçoit par ce biais 20 milliards de francs, c'est-à-dire près de trois fois le budget de l'enseignement supérieur qui était examiné cet après-midi par la commission des finances.
On apprécierait que l'Etat se manifeste aussi pour harmoniser, simplifier et moderniser la réglementation, et surtout qu'il commence à apporter à cette profession comme aux joueurs une authentique politique des jeux. Une telle politique devrait, en particulier, fournir aux professionnels les moyens d'affronter les concurrences européennes, nord-américaines et cybernétiques, dont la pression augmente « à vitesse grand V ».
Une véritable politique des jeux aboutira peut-être à une fiscalité différente des jeux, mais cela suppose au préalable un travail cohérent. Ne mettons donc pas la charrue devant les boeufs. Ne votons pas cette taxe, d'autant que l'amendement n° 57 du Gouvernement apporte une bien meilleure solution.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 45 est présenté par MM. Dubrule, Besse, Cazalet, Oudin et Peyrat.
L'amendement n° 58 est déposé par le Gouvernement.
L'amendement n° 65 est présenté par M. Jean-Léonce Dupont.
Ces amendements sont ainsi libellés :
« Supprimer l'article 15 septies. »
La parole est à M. Dubrule, pour défendre l'amendement n° 46.
M. Paul Dubrule. Donner plus de moyens aux musées de France pour acquérir des oeuvres est une idée que je fais mienne, mais le moyen proposé n'est pas satisfaisant. Vous parvenez, madame la ministre, aux même conclusions, avec des motivations cependant différentes.
Notre amendement tend donc à supprimer le prélèvement de 1 % sur le produit brut des jeux dans les casinos, prélèvement censé dégager des recettes fiscales supplémentaires destinées à financer l'acquisition des trésors nationaux.
Cette mesure est critiquable à bien des égards.
Tout d'abord, elle ne ferait qu'aggraver la pression fiscale que subissent les casinos français, déjà parmi les plus taxés d'Europe. Il faut savoir que ce 1 % peut représenter jusqu'à 20 % des bénéfices d'un casino. Quant à ceux qui ne font pas de bénéfices, ils risqueraient fort, avec ce prélèvement, d'enregistrer des pertes !
Il faut savoir également que, sur les 170 casinos que compte la France, 150 sont situés dans des villes de moins de 20 000 habitants, où ils sont essentiels à la vie économique, sociale et culturelle. (M. Sueur s'esclaffe.)
Dès lors, il n'est pas opportun de créer une nouvelle taxe - la septième ! - concernant ces établissements, surtout quand le ministre de l'économie et des finances prépare la modification de leur régime de taxation, qui ferait passer de 52 % à 56 % le pourcentage du prélèvement sur les jeux.
Le pré-rapport de la Cour des comptes sur les casinos critique fortement, et à juste titre, la complexité du dispositif fiscal déjà existant, qu'une nouvelle taxe ne ferait qu'aggraver.
Les casinos jouent un rôle culturel, et toute nouvelle taxe réduirait leur marge de manoeuvre dans ce domaine. Les sommes consacrées aux activités culturelles locales seraient réduites, ce qui irait à l'inverse du but visé.
Cette mesure ne peut avoir que des conséquences négatives sur la vie économique locale de tous les départements bénéficiant de la présence de casinos. En effet, ces établissements représentent un produit d'appel non négligeable et génèrent des emplois ainsi que des recettes pour les collectivité locales.
C'est pourquoi nous proposons de supprimer l'article 15 septies du projet de loi.
M. le président. La parole est à Mme la ministre, pour présenter l'amendement n° 58.
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Plusieurs arguments conduisent à la suppression des articles 15 septies et 15 octies ; ils viennent d'être évoqués et je n'en citerai que deux.
Tout d'abord, la loi organique du 1er août 2001 prévoit l'extinction des comptes d'affectation spéciale avant 2006 : le dispositif proposé ne présenterait donc qu'un caractère transitoire, impropre à résoudre les difficultés d'acquisition des trésors nationaux.
J'ajoute que, comme on l'a déjà souligné, le rendement estimé de cette mesure serait en réalité de l'ordre de 113 millions de francs - 17 millions d'euros -, ce qui est très éloigné du montant de 600 millions de francs qui avait été évoqué.
Les deux articles concernant les casinos perdent de leur intérêt compte tenu du dispositif significatif que vous venez d'adopter, sur proposition de Gouvernement, et qui est destiné à atteindre le même objectif.
M. le président. La parole est à M. Jean-Léonce Dupont, pour présenter l'amendement n° 65.
M. Jean-Léonce Dupont. Je crois que se dégage un assez large accord sur la suppression de cet article.
Je dirai simplement que, si surgissait à nouveau l'idée d'une perception sur les jeux, la distinction devrait être faite entre, d'une part, les casinos et tout ce qui est lié au monde du cheval, qui sont effectivement des activités hautement créatrices d'emplois et de richesses, et, d'autre part, les simples jeux de loterie et de pari, derrière lesquels il n'y a que très peu d'emplois.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements identiques n°s 45, 58 et 65 ?
M. Philippe Richert, rapporteur. La commission fait siens les arguments développés et donne donc un avis favorable sur ces amendements de suppression du prélèvement de 1 % sur les casinos.
J'ajouterai une simple remarque. Nous avons tous entendu que ce prélèvement supplémentaire serait insupportable. Or je crois savoir que Bercy prévoit, pour un avenir proche, des prélèvements bien plus importants sur les jeux. Dès lors, les arguments qui ont été énoncés perdent quelque peu de leur pertinence.
Cela étant, sur le fond, il nous paraît tout à fait utile de supprimer ce prélèvement de 1 %.
M. Ivan Renar. A Bercy, on tend le poing tous les matins contre Mme Tasca ! (Sourires.)
M. le président. Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s 45, 58 et 65.
M. Roger Besse. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Besse.
M. Roger Besse. Je me réjouis de la position qui vient d'être affirmée par le Gouvernement.
Je voudrais appuyer l'argumentation de fond développée par mon collègue M. Dubrule, à laquelle je souscris pleinement, en ajoutant un argument qui n'a pas encore été invoqué et qui me semble mériter de l'être.
J'ignore l'impact des recettes produites par les casinos sur les budgets de grandes villes telles que Lyon ou Nice ou par des casinos très importants comme celui de Divonne-les-Bains.
En revanche, je sais que ces recettes représentent un élément majeur dans la fiscalité de petites communes qui bénéficient de la présence d'un casino sur leur territoire. Ces petites communes ont souvent investi et, partant, souscrit des engagements financiers en tenant compte de ces recettes réputées sûres. Les priver brutalement, aujourd'hui ou demain, d'une partie de ces ressources reviendrait à compromettre leur équilibre budgétaire ou, à tout le moins, à les contraindre à accentuer une pression fiscale qu'elles s'efforcent par ailleurs de contenir. Je donnerai un exemple pour illustrer mon propos.
La station thermale de Chaudes-Aigues, dans le Cantal, qui abrite la source d'eau la plus chaude d'Europe, a également, depuis peu, le privilège d'avoir un casino, lequel lui assure bon an mal an une recette de 1,3 million de francs, somme qui représente 23 % des recettes fiscales de cette commune de 1 000 habitants. Grâce à cet apport, Chaudes-Aigues a pu entreprendre la réhabilitation de son établissement thermal, menacé de fermeture par l'exigence des nouvelles normes.
Priver ces petites communes d'une partie de leurs recettes ne manquerait pas de rompre un équilibre budgétaire déjà très précaire. Je sais d'ailleurs qu'il en va ainsi pour toutes les petites communes thermales qui possèdent un casino. C'est notamment le cas, dans mon département, de la commune de Vic-sur-Cère, qui tire 17 % de ses recettes fiscales de son casino.
Je vous demande donc, mes chers collègues, de faire vôtres ces arguments, qui relèvent du bon sens. Ce faisant, nous dirons non à une aggravation de la fiscalité déjà très lourde qui pèse sur les casinos et nous prendrons en compte les impératifs liés à l'aménagement du territoire : nous ne devons pas compromettre des activités économiques considérées comme essentielles dans nos zones rurales, que nous savons tous vulnérables et fragiles.
Pour ces motifs, je souhaite l'adoption de l'amendement n° 45.
M. le président. Je mets aux voix les trois amendements identiques n°s 45, 58 et 65, acceptés par la commission.

(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'article 15 septies est supprimé.
Je constate que ces amendements ont été adoptés à l'unanimité.
M. Ivan Renar. A l'Assemblée nationale, rien ne va plus ; au Sénat, faites vos jeux ! (Sourires.)

Article 15 octies



M. le président.
« Art. 15 octies. - Le Gouvernement remettra au Parlement, avant le 31 décembre 2001, un rapport dans lequel il étudiera la possibilité d'affecter une partie des recettes issues du produit brut des jeux dans les casinos sur un compte d'affectation spéciale destiné à financer l'acquisition de trésors nationaux soumis à une interdiction provisoire d'exportation au profit des musées de France. »
Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 46 est présenté par MM. Dubrule, Besse, Cazalet, Oudin et Peyrat.
L'amendement n° 59 est déposé par le Gouvernement.
L'amendement n° 66 est présenté par M. Jean-Léonce Dupont.
Ces amendements sont ainsi libellés :
« Supprimer l'article 15 octies. »
Les auteurs de ces différents amendements se sont déjà exprimés.
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 46, 59 et 66.

(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'article 15 octies est supprimé.

Articles additionnels après l'article 15 octies (suite)



M. le président.
L'amendement n° 39, présenté par M. Richert, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Après l'article 15 octies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après l'article 238 bis OA du code général des impôts, il est inséré un article 238 bis OAA nouveau ainsi rédigé :
« Art. 238 bis 0AA. - Ouvrent droit à une réduction d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés, égale à 75 % de leur montant, les dons faits à l'Etat par les entreprises en vue de l'acquisition d'un bien culturel faisant l'objet d'un refus de certificat en application de la loi n° 92-1477 du 31 décembre 1992 relative aux produits soumis à certaines restrictions de circulation et à la complémentarité entre les services de police, de gendarmerie et de douane.
« L'offre de don ne peut être présentée par l'entreprise que si l'Etat a fait au propriétaire du bien une offre d'achat dans les conditions prévues par l'article 9-1 de la loi n° 92-1477 du 31 décembre 1992 précitée.
« L'offre de don est agréée par le ministre de l'économie et des finances après avis de la commission prévue à l'article 7 de la loi n° 92-1477 du 31 décembre 1992 précitée. Lorsqu'elle a été agréée, l'offre de don devient irrévocable.
« L'oeuvre ainsi acquise peut être mise en dépôt auprès d'un musée de France ne relevant pas de l'Etat.
« Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application du présent article. »
« II. - Les pertes de recettes résultant pour l'Etat du I ci-dessus sont compensées par une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Cet amendement a été retiré par son auteur.
L'amendement n° 41 rectifié, présenté par M. Richert, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Après l'article 15 octies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le début du premier alinéa du II de l'article 150 V bis du code général des impôts est ainsi rédigé :
« Le vendeur est exonéré de la taxe si la vente est faite au profit d'un musée de France, d'un musée d'une collectivité locale, à la Bibliothèque nationale de France, à une autre bibliothèque de l'Etat... (le reste sans changement). »
« II. - Les pertes de recettes résultant pour l'Etat du I ci-dessus sont compensées par une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Richert, rapporteur. Il s'agit d'étendre à l'ensemble des musées l'exonération de la taxe sur les objets d'art dont bénéficient actuellement les musées nationaux, les musées classés et contrôlés, en application de l'article 5 bis du code général des impôts.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 41 rectifié, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 15 octies.

Article 16



M. le président.
« Art. 16. - I. - Au premier alinéa de l'article 11 de la loi n° 87-571 du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat, les mots : "Les musées nationaux, ainsi que les musées classés définis par application de l'ordonnance n° 45-1546 du 13 juillet 1945 portant organisation provisoire des musées des Beaux-Arts, " sont remplacés par les mots : "Les musées de France".
« II. - L'article L. 1423-1 du code général des collectivités territoriales est ainsi rédigé :
« Art. L. 1423-1 . - Les musées des collectivités territoriales ou de leurs groupements sont organisés et financés par la collectivité dont ils relèvent.
« Les musées des collectivités territoriales ou de leurs groupements auxquels l'appellation "musée de France" a été attribuée sont régis par la loi n° du relative aux musées de France et soumis au contrôle scientifique et technique de l'Etat dans les conditions prévues par cette loi. »
« III. - Les articles L. 1423-3 et L. 1423-4 du même code sont abrogés.
« IV. - Au premier alinéa de l'article L. 2541-1 du même code, la référence aux articles L. 1423-4 et L. 1423-5 est supprimée.
« V. - L'ordonnance n° 45-1546 du 13 juillet 1945 précitée est abrogée à l'exception de l'article 3.
« VI. - A l'article 4 de la loi n° 92-1477 du 31 décembre 1992 relative aux produits soumis à certaines restrictions de circulation et à la complémentarité entre les services de police, de gendarmerie et de douane, les mots : "et aux collections des musées de France", sont insérés après les mots : "aux collections publiques".
« VII. - 1. Au deuxième alinéa du 2° de l'article 11 de la loi n° 95-877 du 3 août 1995 portant transposition de la directive 93/7 du 15 mars 1993 du Conseil des Communautés européennes relative à la restitution des biens culturels ayant quitté illicitement le territoire d'un Etat membre, les mots : "sur les inventaires des collections des musées", sont remplacés par les mots : "sur les inventaires des collections des musées de France et des autres musées".
« 2. Le même article 11 est complété par un 4° ainsi rédigé :
« 4° Les biens culturels figurant à l'inventaire des collections d'un musée de France relevant d'une personne morale de droit privé sans but lucratif. »
« VIII. - A l'article 322-2 du code pénal, il est inséré, après le 4°, un 5° ainsi rédigé :
« 5° Un objet faisant partie des collections d'un musée de France. »
L'amendement n° 42, présenté par M. Richert, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi le paragraphe VIII de l'article 16 :
« VIII. - Dans le quatrième alinéa (3°) de l'article 322-2 du code pénal, les mots : "ou un objet habituellement conservé ou déposé dans des musées" sont remplacés par les mots : "ou un objet conservé ou déposé dans un musée de France ou dans les musées". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Richert, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 42, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 43, présenté par M. Richert, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Compléter l'article 16 par un paragraphe IX ainsi rédigé :
« IX. - La dernière phrase du dernier alinéa de l'article 37 de la loi du 31 décembre 1921 portant fixation du budget général de l'exercice 1922 est complétée par les mots : "ou d'un musée de France relevant d'une personne morale de droit privé sans but lucratif". »
Le sous-amendement n° 61, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« A la fin du texte proposé par l'amendement n° 43, remplacer les mots : "ou d'un musée de France relevant d'une personne morale de droit privé sans but lucratif" par les mots : "ainsi que d'une personne morale de droit privé sans but lucratif propriétaire de collections affectées à un musée de France". »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 43.
M. Philippe Richert, rapporteur. Cet amendement vise à étendre aux musées privés le bénéfice du droit de préemption que l'Etat peut exercer sur toute vente publique d'oeuvres d'art. Je rappelle qu'un organisme de droit privé, la Fondation du patrimoine, bénéficie d'ores et déjà de ce droit, en application de l'article 8 de la loi du 2 juillet 1996.
Par ailleurs, monsieur le président, je vous indique d'ores et déjà que la commission est favorable au sous-amendement n° 61 du Gouvernement, sous réserve d'une modification rédactionnelle. Au lieu de : « ainsi que d'une personne... », il conviendrait de lire : « ou d'une personne... ».
M. le président. La parole est à Mme le ministre, pour défendre le sous-amendement n° 61.
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Le Gouvernement propose une amélioration rédactionnelle et accepte la rectification suggérée par M. le rapporteur.
M. le président. Je suis donc saisi d'un sous-amendement n° 61 rectifié, présenté par le Gouvernement, et qui est ainsi libellé :
« A la fin du texte proposé par l'amendement n° 43, remplacer les mots : "ou d'un musée de France relevant d'une personne morale de droit privé sans but lucratif" par les mots : "ou d'une personne morale de droit privé sans but lucratif propriétaire de collections affectées à un musée de France". »
Je mets aux voix le sous-amendement n° 61 rectifié, accepté par la commission.

(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix, modifié, l'amendement n° 43, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 60, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Compléter l'article 16 par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - A l'avant-dernier alinéa de l'article 9-1 de la loi n° 92-1477 du 31 décembre 1992 relative aux produits soumis à certaines restrictions de circulation et à la complémentarité entre les services de police, de gendarmerie et de douane, les mots : "procéder à l'acquisition des biens visés au deuxième alinéa de l'article 9" sont remplacés par les mots : "présenter une offre d'achat dans les conditions prévues au premier alinéa". »
La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Il s'agit d'un amendement rédactionnel destiné à écarter toute ambiguïté dans la désignation des trésors nationaux pouvant être acquis par une personne publique autre que l'Etat aux termes de la procédure prévue à l'article 9-1 de la loi modifiée n° 92-1477 du 31 décembre 1992.
En effet, le deuxième alinéa de l'article 9, dans sa rédaction issue de la loi n° 2000-643 du 10 juillet 2000 relative à la protection des trésors nationaux, ne permet plus, par simple renvoi à cette disposition, de désigner sans ambiguïté et avec certitude la catégorie des biens culturels, objets d'un refus de certificat, qui peuvent être concernés par la nouvelle procédure d'acquisition.
Pour remédier à des difficultés d'interprétation et éviter la survenance de contentieux, il est proposé une nouvelle rédaction de l'avant-dernier alinéa de l'article 9-1. La possibilité ouverte aux personnes publiques autres que l'Etat, notamment aux collectivités territoriales, d'acquérir des trésors nationaux est ouverte par référence aux conditions prévues au premier alinéa de l'article 9-1.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Richert, rapporteur. La commission accepte ces précisions qui lui semblent utiles.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 60, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 16, modifié.

(L'article 16 est adopté.)

Article 17



M. le président.
« Art. 17. - La présente loi est applicable à Mayotte. » - (Adopté.)

Article 18



M. le président.
« Art. 18. - La loi n° 87-571 du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat est ainsi modifiée :
« 1° Sont abrogés :
« a) A l'article 19, les mots : "apportent la dotation initiale mentionnée à l'article 19-6 et" ;
« b) Le deuxième alinéa de l'article 19-9 ;
« c) L'article 20-1 ;
« 2° La dernière phrase de l'article 19-1 est ainsi rédigée :
« La majoration du programme d'action pluriannuel est déclarée sous la forme d'un avenant aux statuts. » ;
« 3° Dans la troisième phrase de l'article 19-2, les mots : "cinq ans" sont remplacés par les mots : "trois ans et complètent, si besoin est, la dotation définie à l'article 19-6" ;
« 4° L'article 19-6 est ainsi rédigé :
« Art. 19-6 . - A compter de la date de publication de la loi n° du relative aux musées de France, les fondations d'entreprise créées antérieurement dont les fondateurs auront décidé la prorogation sont autorisées à consacrer les fonds de leur dotation initiale aux dépenses prévues par leur nouveau programme d'action pluriannuel. » ;
« 5° a. Au 1° et au 4° de l'article 19-8, après les mots : "dotation initiale", sont insérés les mots : "si celle-ci a été constituée et n'a pas fait l'objet de l'affectation prévue à l'article 19-6,".
« b. Il est procédé à la même insertion à l'article 19-12, après les mots : "et la dotation". »
L'amendement n° 44, présenté par M. Richert, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi le huitième alinéa (3°) de l'article 18 :
« 3° Dans la troisième phrase de l'article 19-2, les mots : "cinq ans" sont remplacés par les mots : "trois ans". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Richert, rapporteur. Cet amendement vise à éviter une rédaction redondante de l'article 19-2 de la loi du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 44, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article n° 18, modifié.

(L'article 18 est adopté.)

Article additionnel après l'article 18



M. le président.
L'amendement n° 62, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Après l'article 18, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Le Centre national de la chanson, des variétés et du jazz est un établissement public à caractère industriel et commercial placé sous la tutelle du ministre chargé de la culture. Il a pour mission de soutenir la création, la promotion et la diffusion des spectacles de variétés.
« Il est administré par un conseil d'administration et géré par un directeur.
« Le conseil d'administration est composé de représentants de l'Etat et des collectivités territoriales, de représentants des professionnels du spectacle vivant, de représentants élus du personnel et de personnalités qualifiées désignées par le ministre chargé de la culture.
« Le président du conseil d'administration et le directeur sont nommés par décret.
« L'établissement public bénéficie du produit de la taxe parafiscale sur les spectacles perçue au titre des spectacles de variétés. Ses ressources peuvent également comprendre, outre le produit de ses activités commerciales et toutes autres recettes autorisées par les lois et règlements en vigueur, les subventions et concours financiers de toute personne publique ou privée.
« Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'application du présent article. Ce décret définit également les conditions dans lesquelles sont dévolues à l'établissement public les biens, droits et obligations de l'association dénommée association pour le soutien de la chanson, des variétés et du jazz. »
La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Le fonds de soutien à la chanson, aux variétés et au jazz est un élément du dynamisme de ce secteur de notre vie artistique. Il intervient auprès des producteurs et des salles de spectacle en soutenant de nombreux programmes élaborés par les professionnels, avec le concours de l'Etat.
L'élargissement de l'assiette de la taxe parafiscale conduit à un accroissement notable du nombre de redevables, puisque l'on comptait 600 adhérents à la fin de 2000, contre 5 000 à la fin de 2001. Cet accroissement est difficilement compatible avec un maintien de la gestion associative, dans la mesure où il s'agit d'un outil de politique publique qui doit garder toute sa cohérence.
Les organisations représentatives des entrepreneurs de spectacles, d'une part, et des artistes-interprètes, d'autre part, regroupées au sein du fonds de soutien, souhaitent cette transformation.
Le caractère industriel et commercial du futur établissement est conforme à son rôle de gestionnaire d'une taxe parafiscale, et il répond aux missions confiées au fonds de soutien, particulièrement en matière de conseil aux collectivités territoriales, activité qu'il convient de développer.
C'est pourquoi le Gouvernement propose au Sénat de voter cet amendement, qui permettra la création d'un centre national de la chanson, des variétés et du jazz, établissement public à caractère industriel et commercial.
Je remercie la Haute Assemblée de bien vouloir considérer favorablement cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Richert, rapporteur. Lorsqu'elle a examiné ce matin cet amendement, elle a considéré qu'il s'agissait là, incontestablement, d'un cavalier.
Cet amendement vise à transformer en établissement public l'association pour le soutien de la chanson, des variétés et du jazz, laquelle est chargée de la gestion de la taxe parafiscale sur les spectacles dans le domaine de la variété.
Tout en comprenant et en partageant le souci de clarification qui a inspiré le dépôt de cet amendement, la commission estime qu'il aurait mieux sa place dans la proposition de loi relative à la création d'établissements publics de coopération culturelle - n'est-ce pas, monsieur Renar ? - qui est en instance de deuxième lecture au Sénat et qui devrait prochainement être inscrite à l'ordre du jour.
M. Alain Lambert. Of course ! (Sourires.)
M. Philippe Richert, rapporteur. Néanmoins, l'intérêt que nous portons aux artistes nous fait émettre un avis favorable sur le fond, même si nous émettons des réserves quant à la forme.
Je crois en tout cas qu'il est utile que le Sénat se prononce sur cet amendement, qui répondra à une attente de la part des artistes.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 62.
M. Ivan Renar. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar. Je préfère sourire face à un cavalier de la plus belle espèce. C'est la charge de la brigade légère ! (Sourires.)
M. Jacques Valade, président de la commission. Il y a aussi l'artillerie montée ! (Nouveaux sourires.)
M. Ivan Renar. Tout à l'heure, nous étions au musée de Munich avec le Blaue Reiter, et nous voici maintenant en présence d'un véritable cavalier législatif. Quoi qu'il en soit, nous savons tous que, d'ici à la fin de la session, nous ne serons saisis d'aucun texte, et nous devons avant tout penser aux artistes, qui sont les premiers intéressés en la matière.
Certes, si la proposition de loi à laquelle M. le rapporteur a fait allusion avait été votée plus tôt, l'établissement public culturel que nous appelions de nos voeux aurait pu répondre à cette attente.
M. Pierre Hérisson. Oh !
M. Jacques Valade, président de la commission. Nous en discuterons le 20 novembre prochain en deuxième lecture !
M. Ivan Renar. Certes ! Mais on ne nous propose pas ici un établissement public de coopération culturelle, mais un établissement public national. C'est un peu différent !
Compte tenu non pas de la méthode utilisée mais du fond qui sous-tend ce qui nous est proposé, nous voterons cet amendement. Au demeurant, la discussion sur les musées est maintenant close et je constate qu'elle n'a pas été perturbée par l'examen de cet amendement. Voilà qui montre bien la sagesse du Sénat !
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Je tiens à remercier M. le rapporteur ainsi que les différents intervenants d'avoir pris en considération l'intérêt et l'attente des artistes, qui sont très directement concernés par cette réforme. En de très rares occasions, la fin peut justifier les moyens et, à ce titre, je remercie la Haute Assemblée.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 62, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 18.
Je constate que cet amendement a été adopté à l'unanimité.

Vote sur l'ensemble



M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Gaillard pour explication de vote.
M. Yann Gaillard. Au terme de ce débat fouillé, intéressant, toujours passionné, le groupe du RPR votera ce texte qui a été profondément amélioré dans sa partie juridique par le travail essentiel et subtil de notre commission des affaires culturelles dans sa partie juridique ainsi que dans sa partie fiscale par la disparition d'un certain nombre d'improvisations hasardeuses de l'Assemblée nationale pour arriver à une véritable percée conceptuelle en ce qui concerne les trésors nationaux.
Nous sommes dans la ligne de la grande Convention nationale qui, en l'an II de la République française, dans son décret du 27 juillet 1793, relatif à l'ouverture du musée du Louvre, décidait : « Il sera mis à la disposition du ministre par la trésorerie nationale, provisoirement, une somme de 100 000 livres par an pour faire acheter dans les ventes particulières les tableaux ou statues qu'il importera à la République de ne pas laisser passer en pays étranger et qui seront déposés au musée sur la demande de la commission des monuments. »
M. le président. La parole est à M. Lagauche.
M. Serge Lagauche. Bien entendu, nous sommes encore en désaccord sur un certain nombre de points avec la commission qui, pourtant, a réalisé un excellent travail et fait preuve d'esprit d'ouverture.
Pour cette raison et afin de donner toutes ses chances à la commission mixte paritaire, nous nous abstiendrons lors du vote sur l'ensemble de ce projet de loi.
M. le président. La parole est à M. Nogrix.
M. Philippe Nogrix. Madame la ministre, le groupe de l'Union centriste adoptera, bien sûr, ce texte enrichi par les amendements de la commission, qui a fait ressortir l'importance de l'engagement des collectivités territoriales dans la politique des musées.
Nous regrettons de ne pas avoir pu aller jusqu'au bout de la déduction fiscale et de l'accompagnement du mécénat par les entreprises. Une déduction à 100 % aurait été un signe fort.
La commission a fait un travail très intéressant, comme l'a souligné M. Lagauche. M. le rapporteur a très bien argumenté les amendements.
Voilà pourquoi nous sommes très heureux de voter ce texte.
M. le président. La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar. Moi aussi, je pense que ce fut un débat intéressant, même si le résultat est insatisfaisant. Sans l'urgence, nous aurions pu appronfondir davantage plusieurs aspects du texte.
En cet instant, je dois remercier M. le rapporteur de sa patience parce que, bien que le Gouvernement ait accepté de différer le débat, nous n'avons pas toujours pu travailler dans les conditions les meilleures.
Parmi les points que nous aurions pu appronfondir dans les aller et retour entre les deux assemblées, avec la vigilance du Gouvernement, je relève les aspects financiers, qui restent faibles, voire quelque peu « bricolés ».
Certains disent que la culture coûte cher. Mais ils ne calculent jamais le prix du mètre linéaire d'autoroute en agglomération !
Des experts, des comptables, arrogants nous disent toujours que la culture coûte cher, mais ils n'ont jamais calculé que l'absence de culture coûte encore beaucoup plus cher.
Recevant François Jacob sous la Coupole, Maurice Schumann, qui fut notre doyen, avait déclaré que la seule faute que le destin ne pardonne pas au peuple est l'imprudence de mépriser les rêves. Nous avons un peu abordé ce thème ce soir.
Dans cet ordre d'idées, nous aurions pu travailler davantage à tout ce qui touche la médiation culturelle et les musées.
On sait qu'un peintre ne vit que par le regard qui est porté sur ses oeuvres. Une oeuvre existe-t-elle si elle ne rencontre pas le public ? Le débat est éternel ! En tout cas, plus il y aura de « regardeurs », mieux ce sera !
Enfin, j'ai remarqué que, sur l'article 8, nous avons eu un débat tout autant sur la création et sur l'art que sur les musées eux-mêmes. C'est très intéressant.
L'avenir de la société se nourrit du présent et de la création, mais aussi de l'assimilation critique de l'héritage du passé. Comment vivre avec son temps sans penser au futur et sans pour autant insulter le passé ? Etre un héritier, au sens fort du terme, ne suppose-t-il pas de préserver et de faire fructifier l'acquis en faisant pour cela hardiment appel aux innovations ? N'est-ce pas en quelque sorte « se souvenir de l'avenir », comme le dit le poète ?
J'espère que la commission mixte paritaire permettra d'aller dans cette voie : pour ce soir, nous nous abstiendrons.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
M. Serge Lagauche. Le groupe socialiste s'abstient.
M. Ivan Renar. Le groupe communiste républicain et citoyen également.

(Le projet de loi est adopté.)
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Je voudrais souligner que, si ce texte a été examiné dans l'urgence, il a néanmoins bénéficié d'un travail parlementaire d'une exceptionnelle qualité.
Je rappelle à cet égard qu'une commission de l'Assemblée nationale avait longtemps exploré ce sujet et que M. Yann Gaillard avait rédigé un rapport qui a largement contribué à éclairer notre réflexion. Je tiens par ailleurs à souligner l'excellence du travail de la commission des affaires culturelles et de son rapporteur.
Je souhaite maintenant que la commission mixte paritaire, dont vous avez permis la réunion dans les meilleurs délais, puisse se poursuivre, comme vous l'avez d'ailleurs vous-même suggéré, monsieur le rapporteur, dans le sens des approfondissements et, je l'espère, des rapprochements que nous souhaitons, bien évidemment, sur ce texte.
M. le président. Merci, madame la ministre : ce voeu est une bonne conclusion pour notre débat de ce soir.

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ORDONNANCE RELATIVE À LA TAXATION
DES POIDS LOURDS POUR L'UTILISATION
DE CERTAINES INFRASTRUCTURES

Adoption d'un projet de loi déclaré d'urgence

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, portant ratification de l'ordonnance n° 2001-273 du 28 mars 2001 transposant certaines dispositions de la directive 1999/62/CE du Parlement et du Conseil du 17 juin 1999 relative à la taxation des poids lourds pour l'utilisation de certaines infrastructures et réformant le régime d'exploitation de certaines sociétés concessionnaires d'autoroutes (n° 16, 2001-2002). [Rapport n° 26 (2001-2002).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Monsieur le président, monsieur le rapporteur de la commission des affaires économiques, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi que le Gouvernement vous demande de bien vouloir examiner a pour objet de ratifier l'ordonnance du 28 mars 2001 prise sur le fondement de l'article 5 de la loi du 3 janvier 2001 habilitant le Gouvernement à transposer par ordonnances plusieurs directives européennes et à mettre en oeuvre certaines dispositions du droit communautaire.
Comme vous le savez, la venue de ce genre de texte devant le Parlement est facultative, puisque la Constitution de 1958 n'évoque que l'obligation du dépôt des projets de loi de ratification des ordonnances.
Si j'ai voulu que ce texte soit soumis à la discussion des députés et des sénateurs, c'est avant tout pour respecter des engagements que j'avais pris devant la représentation nationale. Selon moi, il est en effet tout à fait normal et légitime que vous ayez le dernier mot sur les dispositions que le Gouvernement a élaborées avec votre autorisation.
Il est vrai que la procédure des ordonnances est souvent considérée comme un peu frustrante pour les parlementaires, qui délèguent ainsi au Gouvernement le pouvoir de faire la loi qu'ils tiennent de la volonté populaire. Elle correspond dans la plupart des cas à des situations d'urgence, même si plusieurs gouvernements en ont quelque peu abusé depuis 1958.
En fait, elle a toujours suscité des critiques, notamment celle qui a été adressée au Gouvernement de vouloir escamoter les débats parlementaires sur des sujets trop sensibles.
En soumettant au début du mois ce texte à l'Assemblée nationale et, aujourd'hui, au Sénat, j'ai voulu vous montrer que tel n'était pas mon état d'esprit et qu'au contraire ce recours à la technique de l'ordonnance n'était à mon sens dicté que par des considérations de délais.
J'ai affirmé ici même, à la fin de l'année dernière - vous vous en souvenez sûrement - mon souhait de débattre avec vous en profondeur de la réforme des autoroutes, que, depuis, le Gouvernement a inscrite dans l'ordonnance du 28 mars 2001.
Après notre débat sur le projet de loi d'habilitation, nous en avons eu un deuxième au printemps, à l'occasion de deux questions orales avec débat de MM. Pierre Lefebvre et Jacques Oudin. Nous avons aujourd'hui un troisième débat avec ce projet de loi de ratification, et nous en aurons un autre encore lors de l'examen du budget de mon ministère, que je vous présenterai au début du mois de décembre.
J'ai donc le sentiment d'avoir tenu l'engagement de débattre que j'avais pris, et je dois dire que les idées avancées par chacun d'entre vous ont beaucoup apporté à ma réflexion et à celle du Gouvernement.
Il s'agit donc aujourd'hui pour la Haute Assemblée de confirmer le principe de non-discrimination dans l'application des péages aux poids lourds, mais aussi, et surtout, de réformer le système des concessions autoroutières, qui est en fait le principal sujet de ce projet de loi de ratification.
Chacun le sait, la réforme que le Gouvernement vous propose de ratifier a été rendue nécessaire par l'évolution de la législation européenne en matière de marchés publics, qui a conduit à ne plus pouvoir utiliser le système dit de l'adossement pour la construction d'autoroutes. Ce système avait pourtant fonctionné durant de nombreuses années dans notre pays.
Comme votre rapporteur le rappellera sans doute dans quelques instants, le Gouvernement a tenu un deuxième engagement : celui de s'en tenir au texte de la loi d'habilitation votée par le Sénat, qui avait, par voie d'amendements, supprimé certaines dispositions du texte initial lors d'un débat intéressant, vous vous en souvenez.
L'Assemblée nationale ayant toujours le « dernier mot » dans les débats parlementaires, nous aurions pu passer outre à la volonté exprimée par votre assemblée. Je ne l'ai pas voulu, respectant ainsi l'engagement pris devant vous d'en rester à votre texte, qui permet néanmoins de réaliser l'essentiel des réformes qu'en l'occurrence nous avons souhaitées.
Avec l'ordonnance du 28 mars 2001, le Gouvernement a cherché à prendre deux types de mesures, tout en restant dans les limites tracées par le Parlement.
Dans un premier chapitre, il s'est agi de transposer la directive 1999/62/CE du Parlement et du Conseil européen du 17 juin 1999 relative à la taxation des poids lourds pour l'utilisation de certaines infrastructures. L'objectif est d'insérer dans le code de la voirie routière les dispositions de la directive relative « au principe de non-discrimination dans l'application des péages aux poids lourds d'un poids total en charge autorisé égal ou supérieur à 12 tonnes, en raison de la nationalité du transporteur ou de l'origine ou de la destination du transport ».
Le second chapitre, qui est le plus important, jette les bases de la réforme des sociétés d'économie mixte concessionnaires d'autoroutes, les SEMCA, dont l'environnement, vous le savez, est en pleine évolution.
L'influence des règles nationales et communautaires a conduit, je le disais il y a quelques instants, à mettre un terme au mécanisme de l'adossement. S'il a permis à la France de se doter d'un réseau autoroutier moderne et performant, ce mécanisme, indolore pour le budget de l'Etat, avait toutefois montré ses limites depuis quelques années. Il tendait, en effet, à privilégier mécaniquement la construction d'autoroutes concédées, sous-estimant ainsi l'intérêt qu'il y avait, du point de vue tant économique qu'environnemental, à réaliser des aménagements différents, voire, dans certains cas, plus limités.
Il était ainsi devenu source de dysfonctionnements en introduisant une sorte de présupposé dans le choix des investissements à réaliser.
Par son arrêt de 1997 relatif à la mise en concession de l'autoroute A 86 ouest, le Conseil d'Etat nous a indiqué qu'en vertu de la législation communautaire toute attribution de concession nouvelle devait faire l'objet d'un contrat séparé, ce qui invalidait - d'ailleurs les travaux avaient été interrompus - l'usage de la technique de l'adossement. Il a précisé que l'opération devait trouver son équilibre propre, le cas échéant par l'apport d'une contribution publique cofinancée par l'Etat et les collectivités territoriales intéressées.
C'est ce dispositif que nous avons commencé à mettre en oeuvre à l'occasion de deux opérations dont le contrat de concession sera très prochainement publié : la section de l'autoroute A 28 entre Rouen et Alençon et le viaduc de Millau.
C'est donc aussi le même dispositif qui sera appliqué pour la prochaine attribution, qui concernera la section de l'autoroute A 19 entre Artenay et Courtenay, conformément aux engagements que j'avais pris ici en 1999.
Les apports de cette nouvelle section autoroutière seront importants. L'A 19 contribuera, en effet, non seulement à l'aménagement du Bassin parisien, en permettant à une partie du trafic d'éviter la traversée de l'Ile-de-France, mais aussi à l'amélioration de la sécurité routière dans la région Centre par le doublement de la RN 60, qui relie Orléans à Courtenay.
Pour répondre à ces nouvelles exigences juridiques, et pour permettre aux sociétés d'autoroutes de connaître, elles aussi, des conditions de concurrence équitables avec d'autres opérateurs, l'ordonnance que je vous propose de ratifier procède à une réforme des sociétés d'économie mixte concessionnaires d'autoroute, les SEMCA.
Il s'agit de supprimer la garantie de reprise de passif accordée par l'Etat aux SEMCA, de prolonger les durées actuelles des concessions desdites sociétés et de prévoir les conditions dans lesquelles ces modifications devraient être appliquées dans les comptes des sociétés au titre de l'exercice ouvert au 1er janvier 2000.
Ces changements de régime juridique et comptable des SEMCA, applicables aux comptes de l'exercice 2000, leur permettent désormais de dégager des résultats d'exploitation et de verser des dividendes à leurs actionnaires. Ces ressources nouvelles pour l'Etat seront affectées au financement du développement de la politique intermodale, c'est-à-dire tout à la fois à la politique ferroviaire et autoroutière, ce qui est une nouveauté très attendue.
Les pouvoirs publics pourront ainsi, par la politique d'infrastructures qu'ils mettront en oeuvre, travailler à la cohérence d'ensemble de la politique des transports. Un milliard de francs en faveur de la politique intermodale viendra, dès la loi de finances rectificative pour 2001, abonder le budget de mon ministère.
Dans le même esprit, l'ouverture du capital de la société des autoroutes du sud de la France, ASF, décidée par le Gouvernement, permettra de venir alimenter un fonds de développement de l'intermodalité qui servira à financer, à partir du système autoroutier, la réalisation de grandes infrastructures ferroviaires, telles que les TGV - notamment les liaisons Perpignan-Figueras, Rhin-Rhône -, et autoroutières comme, par exemple, l'A 19.
Cette réforme se traduira également pour les SEMCA par une plus grande autonomie d'action, qui ne peut aller sans une responsabilisation accrue dans un cadre rénové.
Des contrats de plan fixeront des objectifs de gestion dans le cadre d'une stratégie d'ensemble. Ces contrats de plan seront des contrats de transition, car il conviendra que les SEMCA veillent à consolider leur structure financière tout en assurant la réalisation de leur programme d'investissement afin de ne pas pénaliser l'avancement des programmes de travaux en cours.
Des comités d'engagement par SEMCA ou par groupe devront se prononcer sur les grands choix d'investissement, en termes d'opportunité et de compatibilité avec la stratégie d'ensemble, mais également en termes de risque, de coût et de rentabilité.
Au-delà de la seule ratification, le projet de loi complète également, par un alinéa 7°, l'article 2 de l'ordonnance du 28 mars 2001. Par cette mesure, la durée de la concession de l'autoroute A 43, appelée aussi l'autoroute de la Maurienne, sera prolongée jusqu'en 2050, ensuite, nous verrons ensemble ce que l'on peut faire. Je rappelle qu'elle a été attribuée à la Société française du tunnel routier du Fréjus, la SFTRF, qui est également concessionnaire du tunnel franco-italien du Fréjus.
Ce complément à l'ordonnance du 28 mars 2001 qui figure dans le projet de loi de ratification s'est imposé au Gouvernement en raison du calendrier des discussions engagées avec la Commission européenne sur le cas particulier de la SFTRF.
La situation de cette société différait de celle des autres SEMCA, ce qui a nécessité de mener de façon séparée les discussions avec la Commission européenne.
Si la concession de l'A 43 nécessitait les mêmes aménagements que pour les six autres SEMCA, à savoir la suppression de la garantie de passif, l'abandon du mécanisme des charges différées et l'allongement corrélatif de la durée de concession, la fragilité de son équilibre financier et la situation particulière de la SFTRF exigeaient là un plan de redressement plus large pour remédier à sa situation financière. Ce plan a été présenté à la Comission européenne, qui n'a pas émis d'objection.
Les discussions avec la Commission européenne n'ont abouti qu'à la fin du mois de juin 2001, soit postérieurement à la date de publication de l'ordonnance dont la ratification vous est demandée.
L'allongement de trente-deux ans de la durée de la concession de l'autoroute de la Maurienne, l'A 43, est l'un des aspects d'un plan à la fois exceptionnel et spécifique de remise à plat de la situation financière de la SFTRF L'objectif est d'assurer la pérennité de cette société et de lui permettre d'assumer dans de bonnes conditions ses missions de service public.
La SFTRF étant gestionnaire d'un axe essentiel entre la France et l'Italie, ce plan est également indispensable pour réaliser le pôle alpin multimodal annoncé le 19 janvier par le Premier ministre, à Chambéry. La création de ce pôle alpin est concrétisée, comme vous le savez, par une disposition que le Gouvernement a introduite à l'Assemblée nationale dans le projet de loi relatif à la sécurité des infrastructures et systèmes de transports et aux enquêtes techniques après événement de mer, accident ou incident de transport terrestre, dont nous débattrons demain.
Par cette disposition, le Gouvernement propose de constituer un établissement public capable de coordonner et de financer les différents modes de transport à travers les Alpes.
Elément de la politique du Gouvernement en faveur de l'intermodalité dans les transports, ce pôle alpin trouve une première traduction dans l'engagement de la Société des autoroutes Rhône-Alpes, AREA, dans le transport transalpin de marchandises avec, dès 2002, le lancement de l'autoroute ferroviaire et la poursuite du programme Lyon-Turin, qui nécessitera des ressources importantes.
Ce pôle alpin multimodal est en cours de constitution autour des sociétés autoroutières alpines, AREA, SFTRF et la Société concessionnaire pour la construction et l'exploitation du tunnel routier sous le Mont-Blanc, l'ATMB, dont la présidence sera unifiée.
Comme vous pouvez le voir, avec ce projet de loi le Gouvernement n'a pas seulement une politique ambitieuse pour un développement des transports ; il se donne aussi les moyens de la mettre en oeuvre afin de concourir au développement durable de notre pays. Bien évidemment, cette politique s'inscrit plus largement dans celle qui commence à s'esquisser au niveau européen et que le livre blanc viendra compléter et mettre en cohérence.
Tels sont donc les objectifs et la teneur des dispositions de l'ordonnance du 28 mars 2001 et de l'ajout d'un alinéa 7° à l'article 2 de cette ordonnance qui vous est soumis aujourd'hui, conformément à l'article 6 de la loi d'habilitation du 3 janvier 2001. Mesdames et messieurs les sénateurs, je vous demande de bien vouloir approuver ce présent projet de loi de ratification.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, adopté sans modification par l'Assemblée nationale, le présent projet de loi de ratification porte sur une ordonnance du 28 mars 2001 transposant certaines dispositions d'une directive relative à la taxation des poids lourds et réformant le régime d'exploitation de certaines sociétés concessionnaires d'autoroutes.
Je rappelle au Sénat que le projet de loi tendant à transposer par ordonnances des directives communautaires et à mettre en oeuvre certaines dispositions du droit communautaire comportait cinquante et une directives, auxquelles il convient d'ajouter une quinzaine d'autres textes - règlements, décisions ou articles du traité - dont il était demandé l'adoption par ordonnance.
La commission mixte paritaire a finalement réduit à quarante-six le nombre des directives dont la transposition législative pourrait être prise par voie d'ordonnance. Sur ce nombre, dix-neuf ordonnances ont d'ores et déjà été prises par le Gouvernement.
Nous sommes aujourd'hui en présence du premier projet de loi de ratification en débat devant le Parlement. Il concerne une directive dont la commission des affaires économiques avait souhaité se saisir pour avis : la directive du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 1999 relative à la taxation des poids lourds pour l'utilisation de certaines infrastructures.
Relevons d'emblée que les auteurs de l'ordonnance ont largement pris en considération les observations du Sénat lors du débat sur l'article 4 du projet de loi d'habilitation qui allait devenir la loi n° 2000-1 du 3 janvier 2001.
De fait, l'ordonnance en question est très « allégée » par rapport à l'avant-projet qui avait été communiqué pour information à votre rapporteur au moment de la discussion du texte.
Cet avant-projet d'ordonnance comportait, rappelons-le, essentiellement cinq points.
Il prolongeait la durée de concession de six sociétés d'autoroutes, en précisant que cette prolongation serait prise en considération dans l'établissement des comptes des sociétés dès le 1er janvier 2000.
Il supprimait la garantie de reprise du passif des sociétés.
Il inscrivait, dans le code de la voirie routière, un principe de non-discrimination et de modulation des péages applicable à tous les usagers, et non aux seuls poids lourds, ainsi que le faisait la directive 1999/62.
Il supprimait le principe de gratuité de l'usage des autoroutes.
Enfin, il modifiait le régime juridique des ouvrages d'art à péage sur la voirie nationale, départementale et communale.
Si je rappelle ces cinq points, monsieur le ministre, c'est parce qu'en tant que rapporteur de la commission des affaires économiques j'avais, pour l'essentiel, porté ma critique sur deux aspects.
J'avais d'abord contesté l'« urgence » invoquée par le Gouvernement en faisant observer que l'attribution récente d'une nouvelle concession, celle de l'A 28, avait pu s'effectuer dans le cadre du droit existant.
J'avais surtout fait valoir que de nombreuses mesures - dont l'adoption par ordonnance était demandée - ne découlaient d'aucune contrainte communautaire, relevaient de choix « franco-français » - choix auxquels je n'étais pas opposé - et méritaient d'autant plus de faire l'objet d'une discussion parlementaire.
S'agissant du principe de non-discrimination en matière de péages, j'avais rappelé que la directive européenne ne concernait que les poids lourds, alors que l'avant-projet d'ordonnance appliquait la règle à tous les usagers de la route.
La suppression du principe de gratuité n'était pas non plus la conséquence d'une obligation communautaire.
Enfin, le nouveau dispositif concernant l'autorisation de mise à péage des ouvrages d'art nationaux, départementaux et communaux relevait, lui aussi, de choix purement nationaux.
Tout en approuvant le principe des dispositions - longtemps réclamées par le Sénat et, je crois, par vous-même, monsieur le président de la commission - sur la prolongation des concessions et le retour des SEMCA au droit commun, j'avais jugé indispensable un débat parlementaire sur des sujets tels que la suppression du principe de gratuité, la non-discrimination appliquée à tous les usagers en matière de péages ou encore la possibilité pour les collectivités locales d'instaurer, en toute liberté, un péage sur leurs ouvrages d'art.
Saisi en premier lieu du projet de loi, le Sénat, dans sa séance du 7 novembre 2000, adoptait l'amendement de sa commission des affaires économiques - que vous avez accepté, monsieur le ministre - qui autorisait le Gouvernement à mettre en place, outre les mesures transposant la directive « poids lourds », un dispositif exclusivement relatif à la prolongation de la durée des concessions des sociétés d'économie mixte concessionnaires d'autoroute, ainsi qu'au retour au droit commun comptable de celles-ci. Dans sa séance du 5 décembre 2000, l'Assemblée nationale confirmait cette solution.
En conséquence, l'ordonnance définitive ne comporte que quatre points : l'application du principe de non-discrimination des péages aux seuls poids lourds ; la prolongation de la durée de concession des six SEMCA ; la suppression de la garantie de reprise du passif des sociétés d'autoroutes ; enfin, la prise en compte dans les comptes de ces sociétés de la nouvelle durée des concessions.
Le projet de loi de ratification propose aussi une disposition nouvelle sur la prolongation jusqu'en 2050 de la concession accordée à la Société française du tunnel routier de Fréjus, la SFRTRF, en vue de la construction et de l'exploitation de l'autoroute A 43.
Pourquoi cette mesure n'a-t-elle pas figuré dans l'ordonnance du 28 mars 2001 ? Vous en avez rappelé les principales raisons, monsieur le ministre.
Si l'allongement des durées de concession des six SEMCA a pu être notifié à la Commission européenne dès le mois d'août 2000, ce n'est qu'en mai 2001, soit après le délai autorisé par la loi d'habilitation pour légiférer par ordonnances, que le Gouvernement a pu notifier l'allongement de durée de concession concernant la SFRTRF.
Cette situation a résulté des difficultés d'appréciation du coût précis des travaux à effectuer sur le tunnel. Monsieur le ministre, il aurait été souhaitable que vous puissiez expliquer au Parlement en quoi consistent ces travaux, quel sera leur montant et sur quelle durée ils se réaliseront. Quelle sera la situation financière de la société après 2002, c'est-à-dire après la réouverture du tunnel du Mont-Blanc, donc après un retour à la normale du trafic poids lourds du tunnel de Fréjus ?
Par ailleurs, cette société fait parallèlement l'objet de mesures spécifiques telles qu'un plan de recapitalisation.
Il est en effet apparu que la concession de l'autoroute - qui est de vingt-cinq ans - a été accordée pour une durée beaucoup trop courte compte tenu du coût du projet : initialement évalué à 6,5 milliards de francs, ce coût a finalement atteint, en fin de travaux, 8,8 milliards de francs, ce pour des raisons tout à fait justifiées puisqu'il s'agit d'une autoroute de montagne. A titre de comparaison, on relèvera que la concession de l'autoroute d'accès au tunnel du Mont-Blanc a été accordée pour une durée proche de quarante ans.
La nouvelle durée de concession de l'autoroute A 43 a été fixée en mesurant ce qu'il en aurait coûté à la SFTRF si elle avait dû, dans le cadre de la durée actuelle de la concession, supporter des ratios de fonds propres et un taux de rentabilité des capitaux investis conformes aux capitaux habituels et aux exigences des prêteurs et des actionnaires.
C'est ce calcul qui a abouti aux trente-deux années supplémentaires de concession auxquelles vous avez fait allusion, monsieur le ministre. Qu'il soit permis à votre rapporteur, pour l'information du Sénat, de rappeler, en guise de conclusion, un certain nombre de données.
La Société française du tunnel de Fréjus est titulaire de deux concessions : depuis 1980, la concession du tunnel franco-italien de Fréjus, long d'environ 13 kilomètres, et dont la Société italienne du tunnel autoroutier de Fréjus, la SITAF, est également concessionnaire ; depuis 1993, la concession de la section de l'autoroute A 43, longue de 63 kilomètres, comprise entre Aiton et Le Freney, c'est-à-dire jusqu'à la route d'accès au tunnel.
La concession du tunnel routier expire le 31 décembre 2050 - sa durée est de soixante-dix ans - tandis que la concession portant sur l'autoroute A 43 devait expirer le 31 décembre 2018.
La première section de l'autoroute A 43 a été ouverte en 1997 ; la dernière section a été mise en service - je crois que vous l'avez vous-même inaugurée, monsieur le ministre - pendant l'été 2000.
Contrairement aux autres SEMCA, la SFTRF n'a pas disposé d'un réseau lui permettant d'assurer une péréquation financière entre les différentes sections. Le tunnel de Fréjus est en effet soumis à un régime international dont la politique tarifaire, décidée par une commission intergouvernementale franco-italienne, reflète les préoccupations de deux concessionnaires tout en étant dépendante de la politique tarifaire du Mont-Blanc.
On relèvera, enfin, que le trafic poids lourds atteignait, en 1998, 776 000 véhicules/an sous le tunnel du Mont-Blanc et 784 000 véhicules/an sous le tunnel de Fréjus. La fermeture à tout trafic du tunnel du Mont-Blanc depuis le 24 mars 1999 a généré un quasi-doublement du trafic sous le tunnel de Fréjus : plus 75 % sur l'exercice 1998-1999 et plus 13,31 % sur l'exercice 1999-2000.
On ne peut nier que la décision de réouverture du tunnel du Mont-Blanc, annoncée notamment à l'issue de la table ronde organisée par vous-même, monsieur le ministre, le 2 octobre 2001, a provoqué une véritable « levée de boucliers » de la part des populations, tant dans la vallée de Chamonix, où la population ne souhaite évidemment pas un retour au trafic poids lourds, que dans la vallée de la Maurienne, où les habitants considèrent qu'ayant joué le jeu de la solidarité pendant la période des travaux sous le Mont-Blanc ils ont droit maintenant, eux aussi, à un retour à la normale, c'est-à-dire à une diminution du trafic, estimant que chacun doit avoir sa part des inconvénients du trafic poids lourds.
Même si l'objet de ce projet de loi, dans son article 2, reste circonscrit à l'allongement de la durée de concession de l'autoroute A 43, la commission n'en perçoit pas moins la nécessité d'appeler de ses voeux un débat sur un sujet qu'il ne faut certainement pas traiter à la légère : le trafic des poids lourds dans ces sites que je qualifierai de « chauds ».
Dans cette attente, la commission des affaires économiques et du Plan a adopté sans modification le présent projet de loi. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Lambert.
M. Alain Lambert. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Gouvernement est aujourd'hui dans une phase de redéfinition complète de ses relations contractuelles, financières et fiscales avec les sociétés d'autoroutes, dont les modalités et les objectifs sont quasiment soustraites au débat parlementaire, mais dont les enjeux apparaissent, par bribes, à l'occasion des textes législatifs qui nous sont soumis.
Le premier élément visible est aujourd'hui la ratification de l'ordonnance du 28 mars 2001. Sous une apparence technique - mais le rapporteur nous a bien expliqué les enjeux - cette ordonnance consacre l'abandon du mécanisme de l'adossement qui avait permis le développement de notre réseau autoroutier par une réforme dont je rappelle - mais je sais que, sur ce sujet, nous ne sommes pas d'accord, monsieur le ministre - que la Commission européenne n'a pas du tout sollicité sa suppression, contrairement à ce qui a été dit : elle a simplement donné son accord au mécanisme nouveau que vous avez proposé.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. C'est le Conseil d'Etat !
M. Alain Lambert. La Commission européenne n'a jamais demandé la suppression du mécanisme de l'adossement !
Le Sénat avait adopté la loi d'habilitation en croyant aux engagements que vous avez pris en annonçant que le nouveau dispositif était nécessaire pour poursuivre les constructions autoroutières.
On peut rappeler les propos que vous avez tenus lors de la séance du 7 novembre 2000 : « Les dispositions de l'ordonnance [...] devraient d'abord servir [...] au financement des subventions publiques d'équilibre pour les autoroutes A 28 en Normandie, A 19 dans le Loiret et A 41 en Savoie notamment. Nous savons tous que les élus locaux attendent, souvent avec impatience, la construction de ces nouvelles sections d'autoroutes. Il faut être clair : le budget de l'Etat n'est pas doté de crédits suffisants pour financer les dépenses nouvelles correspondant à ces subventions d'équilibre ».
Votre annonce, monsieur le ministre, était pourtant claire : la réforme devait d'abord permettre la poursuite du programme autoroutier grâce aux dividendes des sociétés d'autoroutes réformées.
Mais, aujourd'hui, vos déclarations et vos actes contredisent totalement cette affirmation, à moins que vous ne nous donniez des explications. En effet, lors du débat sur le présent projet de loi de ratification à l'Assemblée nationale, vous avez annoncé que le changement de statut des sociétés d'autoroutes permettra de disposer d'un milliard de francs supplémentaires pour l'intermodalité dès la loi de finances rectificative pour 2001, sans faire aucune mention de versement à la ligne budgétaire consacrée aux « subventions pour la construction d'autoroutes concédées », qui est aujourd'hui non dotée. Vous avez même affirmé que, pour les nouvelles liaisons autoroutières, « il n'y aura pas obligatoirement de financement public », en prenant l'exemple du viaduc de Millau, qui peut atteindre sans subvention la rentabilité. (M. le ministre confirme.)
A l'heure actuelle, il n'y a que le viaduc de Millau dans les « tuyaux ».
On est bien loin en tout cas du discours rassurant sur la nécessité de satisfaire l'impatience des élus à voir construire leurs nouvelles sections autoroutières.
Par ailleurs, deux autres éléments viennent conforter l'idée que la réforme autoroutière n'a aucunement pour objet de financer les routes, bien au contraire. En effet, le Gouvernement a fait adopter par voie d'amendement au projet de loi sur la sécurité des infrastructures un article 2 bis créant un pôle multimodal alpin. Il s'agit de favoriser le développement du ferroutage dans les Alpes et, éventuellement, la poursuite du programme de réalisation du Lyon-Turin, ce qui est un objectif louable. Mais on voit déjà que les dividendes de trois sociétés, s'ils existent, ne seront pas consacrés au nouveau financement autoroutier.
Ensuite, le Gouvernement, par la voix de Laurent Fabius, vient d'annoncer l'ouverture du capital d'Autoroutes du sud de la France. Cela devrait rapporter environ 10 milliards de francs, qui seront versés pour l'essentiel au fonds de réserve des retraites, le reste allant à égalité au secteur aérien, pour 150 millions d'euros, et à la Banque du développement des petites et moyennes entreprises, la BDPME, pour 150 millions d'euros.
Là encore, on voit que le capital des autoroutes ne servira pas à financer des infrastructures routières, ni ferroviaires d'ailleurs. Les dividendes que Autoroutes du sud de la France versera à l'Etat seront mécaniquement réduits du fait de l'ouverture du capital et ne pourront donc servir comme annoncé au financement des liaisons autoroutières.
Par touches successives, le Gouvernement cherche donc à transformer des sociétés autoroutières, encore davantage qu'aujourd'hui, en « vaches à lait », prioritairement pour les besoins généraux de l'Etat, et très accessoirement pour les liaisons ferroviaires, grâce à la rente résultant de la chute des investissements autoroutiers et des augmentations autoritaires de péages.
Le Gouvernement ne dispose pas, en effet, de moyens pour financer les projets d'investissements ferroviaires actuellement bloqués par l'ampleur de la dette ferroviaire - 253 milliards de francs - et l'interdiction pour Réseau ferré de France d'engager des investissements sans rentabilité. Il essaie donc de récupérer de l'argent sur les sociétés d'autoroutes, ce qui, de toute manière, ne sera pas suffisant s'il consacre l'essentiel à d'autres objets, comme le fonds de réserve des retraites ou la BDPME.
Dans le même temps, rien n'est prévu pour les nouvelles autoroutes ni pour le volet routier des contrats de plan, qui prend déjà du retard, comme l'a souligné Augustin Bonrepaux, rapporteur de ces crédits à l'Assemblée nationale.
En conclusion, monsieur le ministre, je souhaite que vous nous donniez une réponse claire sur deux questions.
Tout d'abord, quel sera le montant des dividendes versés sur la ligne budgétaire destinée à équilibrer les nouvelles concessions autoroutières en 2001 et en 2002 ?
Ensuite, quels sont les objectifs du Gouvernement dans les négociations en cours des contrats de plan avec les sociétés d'autoroutes et ces contrats de plan seront-ils signés avant le 31 décembre 2001 ?
J'aurais pu vous interpeller sur les modalités de changement du régime de la TVA, mais j'imagine que vous laisserez à votre collègue du budget le plaisir de répondre sur ce point. C'est bien naturel ! Nous nous reverrons dans les semaines à venir, étant entendu que cette question fiscale est elle-même de nature à réduire les moyens financiers des sociétés autoroutières.
Monsieur le ministre, la politique que vous menez en matière autoroutière nécessite, ce soir, de votre part, des clarifications que nous espérons entendre. D'avance, je vous remercie. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Lassourd.
M. Patrick Lassourd. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd'hui a un double objet. Il s'agit, d'une part, de ratifier l'ordonnance du 28 mars 2001 transposant certaines dispositions de la directive 1999/62/CE du 17 juin 2001 relative à la taxation des poids lourds pour l'utilisation de certaines infrastructures et réformant le régime d'exploitation de certaines sociétés concessionnaires d'autoroutes. Il s'agit, d'autre part, d'allonger la durée de la concession autoroutière de la société française du tunnel routier de Fréjus.
Ce projet de loi, adopté sans modification par l'Assemblée nationale en première lecture, porte sur l'une des ordonnances prévues par la loi du 3 janvier 2001 portant habilitation du Gouvernement à transposer certaines directives. Cette ordonnance tend à faciliter la mise en oeuvre des dispositions du droit communautaire relatives aux marchés publics de travaux.
Je souhaiterais faire quelques remarques préalables.
Tout d'abord, je rappelle, comme nous l'avions fait lors du débat sur l'article 4 de l'ordonnance qui habilitait le Gouvernement à prendre certaines mesures législatives concernant les autoroutes et les péages, que ce sujet important, qui porte sur l'évolution du réseau autoroutier, intéresse au premier chef la représentation nationale, notamment le Sénat, représentant des collectivités territoriales.
Je souligne ensuite, comme l'avait fait le chef de l'Etat dans le projet de rapport qui accompagnait le projet d'ordonnance, que la politique autoroutière « doit cependant évoluer pour mieux tenir compte des préoccupations environnementales de nos concitoyens, qui acceptent de moins en moins le "tout-routier" comme le "tout-autoroutier" ». L'urgence invoquée prive de facto le Parlement de se saisir de ce sujet primordial et d'avoir un réel débat.
Ensuite, et de manière plus générale, je regrette l'absence constante de réactivité dans la transposition du droit communautaire. En effet, la France fait partie des Etats membres de l'Union européenne connaissant les plus grands retards dans l'application du droit communautaire. Cette situation, qui s'est dégradée au cours des dernières années, est entièrement imputable au comportement des gouvernements successifs.
Aujourd'hui, la France se situe en douzième position, au sein de l'Union européenne, en ce qui concerne le taux de transposition des directives communautaires. Cette situation problématique, source d'insécurité juridique, donne une image déplorable de notre pays, lui qui prétend pourtant être un moteur de la construction européenne.
Enfin, je voulais signaler que l'avant-projet de cette ordonnance plus vaste et qui comportait des ajouts substantiels tels que la suppression du principe de gratuité de l'usage des autoroutes ou encore la modification du régime juridique des ouvrages d'art à péage sur les voiries nationale, départementale et communale, a vu son champ d'application modifié à la suite de la volonté émise par le Sénat, notamment de la commission des affaires économiques et du Plan.
La commission avait en effet fait valoir que de nombreuses mesures dont l'adoption par ordonnance était demandée ne découlaient d'aucune contrainte communautaire et méritaient de faire l'objet d'une vraie discussion parlementaire.
Ce texte est donc aujourd'hui circonscrit aux dispositions contenue dans la directive européenne, et je m'en félicite.
Ainsi, en premier lieu, ce texte prévoit l'application du principe de non-discrimination en matière de péages aux seuls poids lourds, conformément à la directive européenne. Sur ce point précis, je rappellerai simplement que notre droit interne applique déjà ce principe, notamment au nom de l'égalité entre les usagers.
Il prévoit également la modernisation du régime d'exploitation des autoroutes pour faciliter la mise en oeuvre des dispositions communautaires concernant les marchés publics de travaux.
Il faut simplement rappeler qu'en France c'est la loi du 18 avril 1955 qui porte statut des autoroutes. Depuis cette loi, le réseau autoroutier est principalement fondé sur le système de la concession d'autoroutes au profit des sociétés d'économie mixte concessionnaires d'autoroutes.
Déjà, en 1997, le tournant politique et l'actualisation des exigences communautaires remettaient largement en cause le modèle autoroutier français.
Cette situation préoccupante a incité le Sénat, dès 1997, à constituer une commission d'enquête chargée « d'examiner les conditions dans lesquelles semblaient remis en cause certains choix stratégiques concernant les infrastructures de communication et les incidences qu'une telle remise en cause pouvait avoir sur l'aménagement et le développement du territoire français, notamment du point de vue de son insertion dans l'Union européenne ».
Cette commission d'enquête, dont le rapporteur, notre collègue Gérard Larcher, est aujourd'hui président de la commission des affaires économiques et du Plan, avait présenté, au mois de juin 1998, un certain nombre de conclusions.
S'agissant de la rénovation du système de financement, la commission avait souhaité rechercher des outils de financement adaptés. A cet égard, elle avait recommandé en particulier de prolonger les concessions actuelles pour garantir l'équilibre du système par des durées correspondant à l'amortissement des ouvrages. En outre, cette commission d'enquête avait réclamé une bonne application des directives européennes et avait appelé de ses voeux un alignement du statut juridique, financier et comptable des sociétés d'économie mixte concessionnaires d'autoroutes, ou SEMCA, sur le droit commun.
Les orientations proposées par ce texte vont, pour l'essentiel, dans le sens préconisé par le Sénat depuis un certain nombre d'années. Nous nous en félicitons.
Aujourd'hui, on nous propose par ce texte, dans son article 1er, de prolonger les concessions et de revenir au droit commun comptable des sociétés pour ces sociétés d'économie mixte.
En effet, la Commission européenne considérait que le système français de financement des nouvelles concessions d'autoroutes n'était pas conforme au principe de non-discrimination et d'égalité de traitement des candidats à l'attribution des nouvelles concessions d'autoroutes.
En particulier, le système dit « de l'adossement » permettait de financer la construction des nouvelles autoroutes par une prolongation de la durée des concessions attribuées à certaines sociétés.
La prolongation des concessions est donc calculée de manière à compenser les désagréments résultant de la suppression des avantages dont bénéficiaient ces sociétés, la suppression de la garantie de reprise du passif et des charges différées.
Ces dispositions, depuis longtemps voulues par le Sénat, semblent en effet primordiales si l'on veut améliorer la situation financière de ces sociétés.
Enfin, l'article 2 de ce projet de loi prévoit une disposition nouvelle sur la prolongation jusqu'en 2050 de la concession accordée à la société française du tunnel routier de Fréjus en vue de la construction et de l'exploitation de l'autoroute A 43.
Cette société est titulaire de deux concessions, celle du tunnel franco-italien de Fréjus, depuis 1980, et celle de la section de l'autoroute A 43, depuis 1993.
Eu égard non seulement à sa situation financière particulièrement dégradée - cette société ne disposait pas d'un réseau susceptible de lui assurer une péréquation financière - eu égard aux coûts importants d'exploitation de l'autoroute A 43, mais aussi eu égard aux nouvelles exigences de sécurité qui se sont accrues après le terrible accident du tunnel du Mont-Blanc, il est nécessaire d'allonger la durée de la concession, à l'origine trop courte, puisqu'elle n'était que de vingt-cinq ans. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la réforme des sociétés d'économie mixte concessionnaires d'autoroutes était devenue une nécessité. En effet, contrevenant aux règles de la concurrence du traité sur l'Union européenne, leur mode de gestion devait évoluer vers celui des sociétés privées de droit commun.
La contrepartie de cette évolution est de mettre fin au système de l'adossement, système qui, pourtant, a fait preuve d'une certaine efficacité en permettant de financer des sections d'autoroutes qui, en raison de leur faible rentabilité, n'auraient pu être construites. La technique est particulièrement ingénieuse lorsque les capitaux privés, attirés par des perspectives alléchantes de profit, font défaut, mais elle est contraire au droit européen de la concurrence !
Nous sommes les premiers à le regretter, mais nous nous félicitons que cette réforme obligée soit l'occasion de la mise en place d'une technique non moins ingénieuse qui permettra de financer en partie la politique de développement du transport intermodal et du fret ferroviaire par les ressources que ces nouvelles sociétés dégageront.
Dans un contexte de restriction budgétaire et face aux énormes besoins en ce domaine, une telle complémentarité financière de la route et du rail est la bienvenue.
Cette technique ingénieuse est aussi la marque, monsieur le ministre, de votre ferme volonté de rééquilibrer le rail par rapport à la route, de donner la priorité à la croissance du ferroutage et du transport combiné afin de mettre un terme à la dérive du tout-routier, ou du « tout-autoroutier », pour reprendre l'expression de M. le rapporteur, dont chacun reconnaît les dégâts qu'elle a induits sur le plan tant de l'environnement que de la sécurité routière.
Mais ne nous voilons pas la face, monsieur le ministre. L'ampleur des travaux à entreprendre pour mettre un terme à des années de régression du rail, pour mener une politique active en faveur de l'intermodalité, une politique qui se veut délibérément soucieuse de l'environnement, nécessite d'énormes capitaux.
Le rail, malheureusement, continue de perdre des parts de marché par rapport à la route. Nous connaissons les principales raisons de cette évolution.
L'avantage concurrentiel de la route continue de résider dans la faiblesse de ses coûts, résultat, d'un côté, de la pression sur les coûts salariaux et sociaux et, de l'autre, de la non-intégration des externalités négatives qui demeurent à la charge de la collectivité.
Il semble néanmoins qu'une prise de conscience de la nécessité de prendre en compte les coûts externes de la route émerge au niveau européen. Le nouveau Livre blanc adopté en septembre dernier par la Commission, y fait référence et, dans le même temps, se prononce en faveur d'infrastructures européennes réservées au fret ferroviaire.
Je vous serais reconnaissante, monsieur le ministre, de nous donner quelques informations sur ce point, car ce nouveau volontarisme européen ne semble guère se concrétiser par un programme approprié de financement.
Qu'en raison de la prégnance actuelle des logiques de court terme, de l'exigence de retours sur investissement élevés et rapides, les capitaux privés ne soient pas incités à s'investir dans ce type de secteur, dont la rentabilité est lointaine, se comprend dans la logique du capitalisme.
Ce qui se comprend moins, c'est que l'Union européenne, en dépit de ses déclarations en faveur du développement de l'intermodalité et de modes de transports plus soucieux de l'environnement et s'inscrivant dans la problématique du développement durable, ne consente toujours pas à dégager les ressources substantielles nécessaires ou à lancer un grand emprunt européen à la hauteur de ses ambitions. Nous ne pouvons que le regretter.
Le contexte actuel de faiblesse des taux d'intérêt inciterait pourtant à se lancer dans ce type de grands travaux à une échelle qui dépasse les cadres nationaux et qui permettrait d'assurer une meilleure fluidité du trafic de marchandises, de désengorger les grands axes autoroutiers autour des grandes métropoles nationales, de mettre un terme à la saturation des principaux noeuds ferroviaires et, peut-être, de diminuer les exigences actuelles quant au kilométrage d'autoroutes.
A cela s'ajouterait un effet de relance de l'activité à travers la mobilisation des industries d'équipement, qui, comme chacun le sait, sont génératrices d'effets d'entraînement.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, la discussion de ce projet de loi de ratification de l'ordonnance du 28 mars 2001 relative à la taxation des poids lourds pour l'utilisation de certaines infrastructures m'a permis de soulever certaines questions concernant la politique française et européenne des transports. Nous n'avons pas toujours l'occasion de débattre des transpositions de directives européennes dans le droit français et j'ai saisi cette opportunité pour le faire. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi de réagir tout de suite aux derniers propos de votre collègue Mme Beaufils.
Madame la sénatrice, vous avez posé la question de l'évolution de l'Europe dans le domaine des transports. Il est vrai que le Livre blanc, en tout cas pour une grande part de son contenu et des projets qu'il formule, marque une évolution dans la politique des transports à l'échelle européenne en proposant qu'elle ne soit pas orientée suivant les seules tendances que l'on a connues dans le passé, où le « tout-routier » prenait le pas sur les autres modes de transport comme on l'a constaté partout, notamment en France, pays de transit. Le Livre blanc marque la volonté d'un nouvel effort en faveur des autres modes de transport.
La France peut se féliciter de cette évolution, elle qui, à plusieurs reprises, s'y est déclarée favorable, notamment à l'occasion du mémorandum que le Gouvernement français a déposé auprès de la Commission européenne et qui traitait, entre autres sujets, de la traversée des zones sensibles, vous vous en souvenez.
Le Livre blanc reprend l'idée, maintenant mieux perçue, qui sous-tend la politique que nous essayons de mener depuis plusieurs années maintenant, d'une certaine internalisation des coûts externes par rapport à la route. Elle tend à confirmer, en quelque sorte, la pertinence d'une politique favorisant l'intermodalité, comme nous proposons de le faire avec l'utilisation des dividendes que peuvent dégager par les actuelles SEMCA. Je reviendrai sur ce point pour répondre à M. Lambert.
Le Livre blanc affirme aussi notre volonté de doubler le trafic ferroviaire d'ici à 2010. C'est non pas un objectif final, mais une étape.
Dans les Alpes du Nord, l'objectif annoncé est de passer de 10 millions de tonnes actuellement transportées par le rail via la ligne classique à 40 millions de tonnes, lorsque seront achevés les travaux d'amélioration de la ligne historique et la construction de la ligne nouvelle reliant Lyon à Turin, avec une partie en tunnel. Il s'agit, dans cette zone sensible, de multiplier par quatre le trafic de fret acheminé par le rail.
Dans les Pyrénées, 96 % du transport terrestre se font actuellement par la route, 4 % par le rail, et, à l'horizon 2015-2020, le volume des transports ferroviaires sera multiplié par deux. Il est absolument impossible de laisser les choses continuer ainsi. Il faut aller au-delà d'une multiplication par quatre du trafic ferroviaire.
Il importe, en outre, d'envisager le développement du trafic maritime. Le Livre blanc de la Commission européenne pose justement le problème de l'essor du cabotage maritime. Nous avons une chance à saisir puisque la Méditerranée, la façade Atlantique, la Manche, la mer du Nord offrent de larges perspectives de développement.
Je pense que l'Europe devrait être plus active, à la fois sur la traduction concrète de ses orientations et sur la question du financement que Mme Beaufils a évoquée. Il faut gagner la partie dans le domaine de l'intervention communautaire pour aider à la réalisation des projets. Mais ce domaine n'est pas exclusif.
Le Livre blanc, en fixant comme objectif le maintien des équilibres actuels, marque une avancée, puisqu'on ne continuera pas à se résoudre à voir la part du ferroviaire et de la voie d'eau diminuer par rapport à la route.
Mais, je l'ai dit officiellement en réunion du conseil des ministres des transports il y a maintenant quelques semaines, cette avancée me paraît tout à fait insuffisante. Il s'agit là de questions majeures qui touchent des problèmes de société. C'est le cas avec la réouverture du tunnel du Mont-Blanc, dont votre rapporteur a parlé.
Je vous remercie d'abord, monsieur le rapporteur, de votre soutien au projet de loi puisque vous proposez de l'adopter conforme au texte voté par l'Assemblée nationale.
Mais vous avez également soulevé plusieurs questions auxquelles je veux répondre. Je sais bien que la procédure des ordonnances pose toujours problème. C'est pourquoi je me suis engagé à ce qu'on ne limite pas les débats sur la réforme autoroutière à celui sur la loi d'habilitation. Je crois qu'on n'a jamais autant parlé des routes et des autoroutes que depuis que je suis ministre.
M. Alain Lambert. On ne doit pas seulement en parler. On voudrait rouler dessus !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. J'ai tenu mon engagement de débattre avec le Sénat et de m'en tenir au texte du projet de loi d'habilitation tel que vous l'avez voté, alors qu'il est vrai qu'on aurait pu aller plus loin comme c'était initialement prévu. C'est donc devant votre insistance que nous avons maintenu ce texte dans certaines limites. Je me suis tenu à cet engagement et j'ai défendu cette opinion, y compris à l'Assemblée nationale.
Vous m'avez également interrogé, monsieur le rapporteur, sur la nature et le coût des travaux du tunnel du Fréjus. Je ne puis vous donner d'informations trop précises pour la simple raison que la CIG se réunira le 29 octobre. C'est elle qui décidera des travaux à réaliser et j'ignore ce qu'elle va décider !
La décision sera prise en accord avec nos partenaires italiens. Sans préjuger des résultats de la CIG, je souhaite que soit décidée la construction d'une galerie de sécurité qui sera extérieure au périmètre du tunnel actuel. Les travaux pourront être réalisés sans interrompre la circulation, c'est-à-dire sans renvoyer les véhicules vers le tunnel du Mont-Blanc. C'est d'ailleurs pourquoi ils s'étaleront sur plusieurs années et leurs coûts peuvent être évalués à 1 milliard de francs environ.
Selon vous, monsieur le rapporteur, tous les habitants de la Maurienne seraient mécontents, ce qui n'est pas vrai, je vous l'assure, car je me suis rendu à Chambéry. Les chiffres cités par plusieurs d'entre vous sont exacts. Le nombre de véhicules qui était de l'ordre de 800 000 pour chaque tunnel a doublé dans le tunnel du Fréjus puisque c'est sur lui que s'est pratiquement reporté tout le trafic. Lorsque 1 600 000 camions passent annuellement à Chambéry, à côté de chez vous, je vous assure qu'on attend avec impatience que cela cesse.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. C'est ce que j'ai dit, monsieur le ministre !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Le trafic du tunnel du Fréjus devra diminuer immédiatement de 40 % lors de la réouverture de celui du Mont-Blanc. Et grâce aux politiques intermodales que nous menons, le trafic du tunnel du Mont-Blanc sera bien moins important qu'avant la catastrophe. Voilà notre démarche. Lorsque nous disposerons de ce fameux wagon Modhalor, on pourra faire circuler des camions sur 80 % du réseau et notamment sous les tunnels au gabarit B 1. Dès l'an prochain, il y aura le ferroutage pour les camions-citernes.
Ensuite, il faudra engager des travaux qui dureront plusieurs années. En effet, on ne peut pas arrêter le trafic sur la ligne historique, sauf à renvoyer sur la route les 10 millions de tonnes de marchandises en transit par le rail.
Quand ils seront terminés, l'équivalent de 300 000 camions par an passera par le rail. Après l'achèvement des travaux de la ligne Lyon - Turin et la réalisation du tunnel de base, c'est l'équivalent d'un million de camions qui passera par le rail et qui ne passera donc plus par la route. Telle est la politique que nous avons engagée.
M. Alain Lambert. Dans vingt ans !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Mais non ! Vous dites cela parce que vous êtes pessimiste ! D'abord, pour les 300 000 camions, c'est à l'horizon 2005-2006, ce n'est pas dans vingt ans !
La date qui a été fixée pour un million de camions au cours du sommet franco-italien, c'est 2015. Avec mon collègue italien, nous travaillons sur ces questions et nous souhaitons aller plus vite. Nous mettons tout en oeuvre pour avancer cette date à 2013, voire 2012.
M. Philippe Nogrix. Et il n'y aura plus de grèves !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. J'en viens à l'intervention de M. Lambert. Je pourrais me contenter de vous renvoyer au discours de M. Lassourd, qui répond à un certain nombre des questions que vous m'avez posées.
M. Alain Lambert. Il n'est pas au Gouvernement !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Mais je ne peux que confirmer ce qu'il a dit ! Il a expliqué, et il a eu raison, pourquoi on ne pouvait pas faire autrement.
Monsieur Lambert, vous connaissez le droit et les textes de loi aussi bien que moi. Je ne vous ferai pas l'affront de sous-estimer votre connaissance du dossier.
Pourquoi le Conseil d'Etat a-t-il pris cet arrêt sur l'autoroute A 86 ? Peut-être considérez-vous que je ne dois pas tenir compte de l'avis du Conseil d'Etat. Mais je ne peux pas faire cela, monsieur le sénateur ! Je suis obligé de tenir compte de l'avis de la section du contentieux du Conseil d'Etat.
Moi, je n'ai jamais accusé mon prédécesseur, Bernard Pons. Je savais que, pour réaliser les travaux de l'A 86 ouest, il avait l'aval de la section des travaux publics du Conseil d'Etat.
M. Alain Lambert. Me permettez-vous de vous interrompre, monsieur le ministre ?
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Je l'accepte volontiers, monsieur le sénateur.
M. le président. La parole est à M. Lambert, avec l'autorisation de M. le ministre.
M. Alain Lambert. Monsieur le ministre, rassurez-vous, je n'engagerai pas un débat juridique à cette heure. Je voulais simplement vous dire que, depuis que je rapporte des lois de finances, j'ai vu de très nombreuses validations législatives à la suite de décisions du Conseil d'Etat qui ne convenaient pas au Gouvernement.
Par conséquent, je suis heureux d'apprendre qu'il renonce à ce procédé.
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. J'étais sûr que vous ne souhaitiez pas que je ne tienne pas compte de l'avis du Conseil d'Etat.
Mais pourquoi, selon vous, le Conseil d'Etat a-t-il rendu cet avis ? A-t-il été saisi d'une inspiration novatrice ? Non ! Le Conseil d'Etat a appuyé sa réflexion sur l'évolution du droit communautaire. Quand il a fallu obtenir entre autres des allongements de concession, il y a eu des discussions avec la Commission. Cela a duré plus longtemps que je ne l'aurais souhaité. C'est d'ailleurs pourquoi les choses ont tardé. Il y a désormais le droit communautaire et le droit national, aux termes desquels toute nouvelle section d'autoroute à construire sous le régime de la concession doit faire l'objet d'une mise en concurrence particulière.
Je n'ai jamais dit que l'adossement était un système pervers, même si, à la fin, et je l'ai précisé dans mon intervention liminaire, des problèmes particuliers se posaient. En tout cas, ce système nous a permis de réaliser 7 000 à 8 000 kilomètres d'autoroutes dont la qualité nous est enviée par de nombreux pays. Cependant, il s'avère que l'on ne pouvait plus procéder de cette manière.
L'adossement s'apparentait à un système de mutualisation, de péréquation entre des autoroutes rentables et d'autres qui l'étaient moins ou qui ne l'étaient pas. Aujourd'hui, nous sommes obligés de prévoir une mise en concurrence pour la construction de chaque nouvelle section. Cela n'empêche d'ailleurs pas la société qui a construit la section jouxtant la nouvelle section d'être retenue pour réaliser les travaux de cette dernière.
Dans son arrêt, le Conseil d'Etat reconnaît la supériorité des normes communautaires sur le droit interne et il s'est appuyé sur l'obligation faite par la directive « travaux » transposée dans notre droit par la loi Sapin. Si, et vous avez eu raison de le dire, la Commission européenne ne s'était pas prononcée explicitement pour la suppression de l'adossement, le Conseil d'Etat nous y a contraints. M. Lassourd vous a parfaitement répondu et je ne peux que le soutenir au moins sur ce sujet.
En tout cas, une chose est sûre : l'adossement n'est plus possible aujourd'hui et, à l'avenir, aucun gouvernement ne pourra y recourir sans encourir les foudres du Conseil d'Etat s'appuyant sur le droit communautaire.
J'en viens aux dividendes. C'est la grande question que M. le rapporteur a également évoquée. Les dividendes des sociétés autoroutières ont vocation à financer l'ensemble des projets intermodaux. Quand je dis « ferroutage », je vous demande d'entendre les mots « fer » et « route », c'est-à-dire que des camions sont transportés par la voie ferrée et, lorsqu'ils ne le sont plus, ils empruntent la route. C'est cela le ferroutage. (Sourires.)
M. Pierre Hérisson. On l'avait compris !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Vous l'aviez effectivement compris. Je le répète : les dividendes ont vocation à financer l'ensemble des projets intermodaux, rail comme route. Ils ont donc vocation à financer tous les projets, le TGV Perpignan-Figueras, comme je l'ai dit, mais aussi les projets routiers. Ainsi, l'A 28 sera financée grâce aux dividendes que les sociétés publiques de concession d'autoroutes produiront. Je vais d'ailleurs signer prochainement la convention de financement pour près d'un milliard de francs pour cette autoroute.
Mais les dividendes, comme les produits de l'ouverture du capital, de la société des autoroutes du sud de la France, ASF, serviront aussi à financer les projets ferroviaires. Je ne surprendrai personne en disant que le Gouvernement n'est pas favorable au tout-routier et au tout-autoroutier. Contrairement à ce que vous avez dit, monsieur le sénateur, une partie, non négligeable, je l'espère, pour ne pas dire importante, du produit résultant de l'ouverture du capital, servira également aux projets intermodaux.
Concernant les contrats de plan, que vous avez évoqués, à la fin du printemps, les sociétés d'autoroute ont reçu une lettre de commande pour élaborer des projets de contrats de plan. Les négociations sont en cours, l'objectif étant d'aboutir avant la fin de l'année. Je réponds ainsi à votre question. Mon objectif est donc que cela aboutisse avant la fin de l'année. L'intérêt majeur de ces contrats est d'assurer la visibilité et la stabilité des contrats à un horizon de cinq ans. Les dispositions essentielles sont, d'une part, un volet tarifaire avec une évaluation des tarifs en fonction de l'inflation et, d'autre part, un volet investissement précisant les travaux d'amélioration des autoroutes déjà en service. Enfin, sont abordées les questions de politique commerciale, de service aux usagers et d'environnement.
Comme vous le savez, monsieur le sénateur, il faut être deux pour signer un contrat. Pour ma part, je suis déterminé à aboutir à la signature de ces contrats avant la fin de la présente législature.
Je vous remercie de nouveau, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, de bien vouloir adopter ce projet de loi. Le Gouvernement s'efforce de mettre en oeuvre une politique des transports plus conforme à l'intérêt général.
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.

Article 1er



M. le président.
« Art. 1er. - Est ratifiée, telle qu'elle est modifiée par la présente loi, l'ordonnance n° 2001-273 du 28 mars 2001 transposant certaines dispositions de la directive 1999/62/CE du Parlement et du Conseil du 17 juin 1999 relative à la taxation des poids lourds pour l'utilisation de certaines infrastructures et réformant le régime d'exploitation de certaines sociétés concessionnaires d'autoroutes. »
Sur l'article, la parole est à M. Doligé.
M. Eric Doligé. Monsieur le ministre, je me permets d'abord de me réjouir de votre présence.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. J'arrive de Moscou !
M. Eric Doligé. Tout à l'heure vous avez évoqué les voies maritimes. Il y a une fenêtre de tir pour réfléchir éventuellement à des voies d'eaux. Le moment serait propice pour envisager de nouveau la réalisation du canal Rhin-Rhône. Cela pourrait être une bonne piste de réflexion dans les mois à venir.
Revenons-en aux autoroutes. Je voudrais profiter de l'occasion pour vous parler de l'A 19, puisque vous l'avez évoquée et, incidemment, vous avez parlé de la RN 60.
S'agissant de l'A 19, cela fait quatre ans au moins que M. Masson et moi-même vous interrogeons pour tenter d'obtenir des informations. Nous sommes quelque peu inquiets de voir les années passer et de constater que le dossier, au fil de réglementations nouvelles - maintenant on en est à l'adossement - recule année après année, alors que le dossier était déjà prêt à l'époque et qu'il aurait pu aboutir si la volonté avait existé.
Aujourd'hui, soit quatre ou cinq ans plus tard, on nous annonce un certain nombre de critères nouveaux pour le financement d'une autoroute, qu'il s'agisse de l'A19 ou d'une autre liaison. Parmi ces critères figure la durée de concession. Celle-ci est-elle inscrite dans les appels d'offres ? Fait-elle partie des clauses précises ou la laisse-t-on ouverte ? Je pose la même question s'agissant des trafics et d'une règle nouvelle qui serait le financement par les pouvoirs publics.
Je m'interroge à propos de ce dernier point, car j'ai appris que le préfet devait me rencontrer pour me demander si le département est prêt à contribuer au financement de l'autoroute. J'avoue être surpris que, dans le cadre d'un appel d'offres, on annonce que l'on demandera une participation à des collectivités pour compléter éventuellement un financement, sachant que cette participation serait assurée, semble-t-il, à 50 % par l'Etat et 50 % par les collectivités. Des chiffres sont même annoncés, ce qui signifie que, bien entendu, les soumissionnaires sont informés de l'importance des sommes que nous serions en mesure d'apporter. Je ne vois donc pas pourquoi ils amèneraient ces sommes-là s'ils ont la capacité de faire dans une concurrence tout à fait normale, surtout pour une autoroute qui, a priori, est l'une des moins chères à réaliser compte tenu de sa localisation en plaine.
Le fait d'annoncer que l'on va demander aux collectivités d'apporter une certaine somme, dont on annonce également le montant éventuel, me semble poser question dans le cadre de la concurrence saine et loyale qui doit prévaloir en matière d'appels d'offres.
J'ai appris ensuite, et vous l'avez confirmé, monsieur le ministre, que des dividendes seraient éventuellement distribués aux actionnaires des voies autoroutières. Cela sous-entend que les subventions que le département pourrait accorder seraient susceptibles de déboucher sur le versement de dividendes. Cela m'inquiète aussi quelque peu, parce que, à la limite, on pourrait me dire que la réalisation de l'autoroute coûte 4 milliards de francs et me demander si le département est prêt à verser un, deux, trois ou quatre milliards de francs. Il faut annoncer la couleur, mais cela paraît quand même quelque peu gênant dans le cadre de la concurrence nationale, voire internationale.
Serait-il possible, si les collectivités sont obligées d'apporter des financements - sous réserve encore que vous en inscriviez au budget de l'Etat, monsieur le ministre, car, d'après ce que j'ai compris des propos de notre collègue M. Alain Lambert, ce n'est pas le cas, ce qui m'inquiète quelque peu dans l'optique de la réalisation de l'autoroute - que celles-ci deviennent actionnaires ? Il n'y a pas de raison qu'elles contribuent à fonds perdus et que d'autres touchent les dividendes.
Serait-il éventuellement possible d'apporter une garantie, plutôt qu'un financement, puisqu'il ne peut plus y avoir de garantie de l'Etat ? Les collectivités pourraient-elles se substituer à celui-ci en cette matière ?
Enfin, ne pourrions-nous pas éventuellement faire des avances remboursables, de manière que, si l'autoroute est bénéficiaire, comme cela est souhaitable, nous puissions les récupérer selon des clauses particulières ?
Voilà un certain nombre de questions que je souhaitais vous poser, monsieur le ministre, alors que l'on est susceptible de demander à des collectivités de financer à hauteur de 1 milliard de francs - excusez du peu par rapport à nos budgets ! Ce n'est pas tous les jours que l'on peut trouver facilement 1 milliard de francs dans une collectivité !
J'en viens à ma dernière question. Selon vous, quand l'appel d'offres pourra-t-il enfin être lancé ? En effet, tous les concessionnaires potentiels sont, semble-t-il, dans les starting-blocks et prêts à partir ; ils attendent simplement que l'on m'ait demandé combien je suis prêt à mettre pour la réalisation de cette opération. Mais la question qui m'est annoncée sous huit jours depuis quatre mois, je l'attends toujours. Voilà la problématique dans laquelle nous sommes.
En matière routière, on a tout de même quelques difficultés à y voir clair, monsieur le ministre. En effet, le partenaire que nous avons en face de nous ne nous donne pas la règle du jeu. Lorsque nous souhaitons réaliser localement une route, une voie communale, une voie départementale, tout le monde peut consulter les dossiers et connaître les modalités du financement, l'impôt qui est concerné et le coût réel de l'opération. En revanche, chaque fois qu'on demande à vous-même ou à vos services où en est un dossier, on n'arrive jamais à obtenir la réponse. Je souhaiterais non seulement de la clarté mais également des informations afin que nous puissions, si possible, établir nos budgets pour les vingt ans à venir, puisque les chiffres que vous nous avez annoncés concernent des périodes assez longues.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. M. Doligé a posé plusieurs questions.
L'A 19 Artenay-Courtenay est un élément important de la politique de l'aménagement du Bassin parisien. Cela permettra à une partie du trafic est-ouest d'éviter la traversée de l'Ile-de-France. Cette autoroute permettra également d'améliorer la sécurité routière dans la région Centre en déchargeant la RN 60 qui relie Orléans à Courtenay d'une partie de son trafic. Cet objectif a été réaffirmé dans le cadre des schémas de services collectifs de transport qui ont été adoptés par le Gouvernement lors du comité interministériel de juillet 2001, voilà trois mois. La réalisation de l'A 19 dans le cadre des règles de financement désormais applicables implique de procéder à une concession nouvelle dans le cadre d'un contrat séparé. C'est clair et désormais chacun sait que c'est ainsi qu'il faut procéder.
Les nouvelles sections doivent trouver leur équilibre financier, par une subvention publique lorsque cette dernière s'avère indispensable. Cela se fera désormais partout, monsieur Doligé, et la subvention publique devra effectivement être cofinancée par l'Etat et les collectivités locales concernées.
Ce dispositif a été mis en oeuvre sur l'A 75 à Millau, mais il n'a pas été nécessaire de recourir à une subvention publique. En effet, le coût des travaux, d'une part, et la récupération à partir des péages des sommes investies pour la construction et l'entretien de l'ouvrage, d'autre part, ont permis un financement sans recourir à une subvention publique. En revanche, s'agissant de l'A 28, entre Rouen et Alençon, comme je l'ai dit voilà quelques instants, 1 milliard de francs a été nécessaire.
La prochaine attribution concernera l'A 19 entreArtenay et Courtenay, conformément aux engagements que j'ai pris en 1999.
L'appel à la concurrence pour la concession sera possible dès 2002, dès qu'un accord sur le financement aura été trouvé.
En tout cas, permettez-moi de vous dire, monsieur le sénateur, qu'il ne faut pas tourner en rond sur cette affaire. Vous voulez que les choses aillent vite, mais attention de ne pas risquer justement de les retarder en hésitant à participer.
M. Eric Doligé. IL va nous dire que c'est notre faute !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Je sais bien qu'il est difficile de participer, mais c'est ainsi que tout cela se passe maintenant, vous le savez.
Vous m'avez posé d'autres questions, qui sont d'ailleurs intéressantes. Ainsi, vous m'avez demandé si les collectivités pouvaient être actionnaires. Théoriquement, oui. Mais elles devront apporter des montants importants si elles veulent avoir des participations qui soient susceptibles de les amener à jouer un rôle actif dans les sociétés publiques concessionnaires. Avec 1 % du capital, leur influence dans ces sociétés serait bien moins importante qu'avec 20 % ou 30 %.
Vous m'avez interrogé sur les avances remboursables. En fait, elles sont contraires au droit communautaire. Certes, on peut faire changer les choses. Mais alors là, il faudra se battre, il faudra que nous nous y mettions tous. Pour l'instant, c'est interdit.
Quant aux garanties d'emprunt, c'est autre chose : on peut y penser. En tout cas, je ne puis vous répondre ainsi sur le champ à cette question.
J'en viens aux concessionnaires.
Ce n'est pas l'appel d'offres qui fixe la durée de la concession, c'est la réponse à l'appel d'offres, si je puis dire.
Comment cela se passe-t-il ? Deux, trois, quatre ou cinq sociétés répondent à l'appel d'offres en proposant une durée de concession, en précisant le montant de la subvention publique qui leur paraît nécessaire, le montant des péages qui doit permettre d'atteindre l'équilibre, en décrivant bien sûr les travaux et leur déroulement. Le tout s'inscrit dans le cadre de la concurence et ce n'est qu'ensuite que le choix est fait.
Pour m'aider à effectuer ce choix, j'ai mis en place une commission chargée d'examiner tous les appels d'offres, de dresser un bilan faisant ressortir les aspects positifs et les aspects négatifs des différentes propositions. Jusqu'à présent, je me suis toujours rallié à son opinion.
Comprenez bien, monsieur le sénateur : une subvention publique n'est pas toujours nécessaire.
M. Eric Doligé. Mais comment le sait-on ?
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Lorsque vous voulez réaliser une section d'autoroute, vous avez a priori un ordre d'idées - même s'il est vague - sur son niveau de rentabilité, mais vous n'en avez pas sur la subvention d'équilibre. En effet, ceux qui répondent aux appels d'offres n'annoncent jamais exactement les mêmes montants : certains vous diront qu'ils réaliseront l'opération avec 20 milliards de francs de subvention d'équilibre et d'autres avec beaucoup moins.
En tout état de cause, pour lancer les projets, il est important que les collectivités territoriales concernées s'engagent à prendre leur part dans la mesure où une subvention d'équilibre sera nécessaire. Aussi, je vous dis : n'hésitez pas ! Vous verrez que cela accélérera le processus.
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.

(L'article 1er est adopté.)

Article 2



M. le président.
« Art. 2. - L'article 2 de l'ordonnance n° 2001-273 du 28 mars 2001 précitée est complété par un 7° ainsi rédigé :
« 7° La convention de concession passée entre l'Etat et la Société française du tunnel routier du Fréjus en vue de la construction, de l'entretien et de l'exploitation de l'autoroute A 43 entre Aiton et Le Freney, et en vue de l'entretien et de l'exploitation de la section entre Le Freney et la plate-forme d'entrée au tunnel du Fréjus, et approuvée par le décret du 31 décembre 1993, est prolongée jusqu'au 31 décembre 2050. » - (Adopté.)

Vote sur l'ensemble



M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Je voulais d'abord vous remercier, monsieur le ministre, de tout le travail accompli, qui a permis d'aboutir à ce texte devant clarifier, enfin, une situation juridique devenue obsolète et qui mettait un frein à la réalisation de l'ensemble du projet autoroutier. Désormais, nous disposerons de règles sûres, et nous allons pouvoir avancer en connaisance de cause.
Je veux, à mon tour, me réjouir de l'effet positif que ce dispositif va avoir sur certaines autoroutes, et notamment sur l'A 19, dont il a beaucoup été question.
Néanmoins, monsieur le ministre, j'insisterai sur le fait que les projets autoroutiers ne doivent pas nuire aux projets routiers, et qu'il est des cas où les deux doivent aller de pair.
Tout à l'heure, vous avez dit que la future autoroute allait permettre le doublement de la RN 60. J'ai alors essayé de comprendre si l'autoroute allait s'ajouter à la RN 60 ou si cela signifiait que vous alliez soutenir fortement la mise à deux fois deux voies de cette dernière.
Il est certain que l'autoroute est nécessaire pour absorber le trafic est-ouest à l'échelle européenne : il est clair que c'est là le chaînon manquant.
Mais, voyez-vous, les campagnes pour les élections sénatoriales ont cela de bon qu'elles permettent aux candidats de se rendre dans les communes. Aussi, ayant visité bien des communes du département du Loiret, j'ai pu constater que, si un très grand nombre d'élus étaient favorables à l'A 19 et se déclaraient contents de voir ce projet aboutir, ils n'en étaient pas moins soucieux que l'on n'abandonne pas les projets d'amélioration de la RN 60, qui n'a pas la même fonction et qui reste un axe extrêmement dangereux sur lequel, en dépit des efforts de l'Etat et des collectivités, surviennent de nombreux accidents mortels.
Ainsi, monsieur le ministre, j'espère que les discussions dont vous avez parlé vont déboucher très vite sur l'appel d'offres relatif à l'A 19. Mais un grand nombre d'élus du département souhaitent, je le répète, que la construction de cette autoroute ne porte pas préjudice aux nécessaires aménagements à apporter à la RN 60.
En effet, si l'on demande aux collectivités une contribution pour l'A 19 et qu'on laisse stagner le dossier de la RN 60, on se trouvera dans une situation extrêmement difficile.
Monsieur le ministre, c'est donc de tout coeur que nous voterons ce texte, tout en souhaitant qu'une véritable complémentarité s'instaure entre le projet autoroutier et le projet routier, dont la RN 60 est une excellente illustration, de façon à régler les problèmes d'infrastructures routières qui se posent dans le département du Loiret.
M. Eric Doligé. Je m'associe aux propos de notre collègue Sueur.
M. le président. La parole est à M. Hérisson.
M. Pierre Hérisson. Le groupe de l'Union centriste votera le texte qui nous est proposé. Toutefois, auparavant, je souhaiterais formuler quelques observations.
Monsieur le ministre, vous avez évoqué le probème des tunnels sur lequel nous aurons l'occasion de revenir, demain, à propos du texte sur la sécurité des transports. Vous comprendrez qu'en tant qu'élu de Haute-Savoie je manifeste une sensibilité particulière à propos du tunnel sous le mont Blanc. Vous avez parlé tout à l'heure de la galerie de sécurité du tunnel sous le Fréjus. Je voudrais simplement vous faire remarquer que, selon le rapport Kert, l'urgence en matière de galerie de sécurité est beaucoup plus forte s'agissant du tunnel sous le mont Blanc qu'en ce qui concerne le tunnel sous le Fréjus.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)
M. le président. Je constate que le projet de loi a été adopté à l'unanimité.

15

DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI

M. le président. J'ai reçu de M. Nicolas About, une proposition de loi tendant à renforcer la responsabilité pénale des personnes qui exercent l'autorité parentale sur un mineur délinquant.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 36, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

16

RETRAIT D'UNE PROPOSITION DE LOI

M. le président. J'ai reçu une lettre par laquelle M. Nicolas About déclare retirer la proposition de loi tendant à renforcer la responsabilité pénale des personnes qui exercent l'autorité parentale sur un mineur délinquant (n° 223, 1999-2000) qu'il avait déposée le 11 février 2000.
Acte est donné de ce retrait.

17

DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE RÉSOLUTION

M. le président. J'ai reçu de M. Jean Arthuis et des membres du groupe de l'Union centriste une proposition de résolution tendant à créer une commission d'enquête chargée d'examiner les actions et moyens mis en oeuvre par le Gouvernement dans la lutte contre l'insécurité et le terrorisme.
La proposition de résolution sera imprimée sous le n° 35, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.

18

TEXTES SOUMIS AU SÉNAT EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil établissant la position de la Communauté dans la conférence ministérielle, établie par l'accord instituant l'Organisation mondiale du commerce, concernant l'adhésion de la République populaire de Chine à l'Organisation mondiale du commerce.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1837 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion de l'accord Interbus relatif au transport international occasionnel de voyageurs par autocar ou par autobus.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1839 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil modifiant la décision n° 1719/1999/CE définissant un ensemble d'orientations, ainsi que des projets d'intérêt commun, en matière de réseaux transeuropéens pour l'échange électronique de données entre administrations (IDA). Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil modifiant la décision n° 1720/1999/CE du Parlement européen et du Conseil adoptant un ensemble d'actions et de mesures visant à assurer l'interopérabilité de réseaux transeuropéens pour l'échange électronique des données entre administration (IDA) et l'accès à ces réseaux : communication de la Commission au Parlement et au Conseil : évaluation d'IDA II.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1838 et distribué.

19

DÉPÔT D'UN RAPPORT

M. le président. J'ai reçu de M. Paul Blanc un rapport, fait au nom de la commission des affaires sociales, sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, rénovant l'action sociale et médico-sociale (n° 214 rect., 2000-2001).
Le rapport sera imprimé sous le n° 37 et distribué.

20

ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédement fixée à aujourd'hui, mercredi 24 octobre 2001, à quinze heures et, éventuellement, le soir :
1. Désignation des membres, autres que les membres de droit, de la délégation du Sénat à l'Office parlementaire d'évaluation de la législation.
2. Discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à la sécurité des infrastructures et systèmes de transport et aux enquêtes techniques après événement de mer, accident ou incident de transport terrestre (n° 15, 2001-2002).
Rapport (n° 29, 2001-2002) de M. Jean-François Le Grand, fait au nom de la commission des affaires économiques et du Plan.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.

Délai limite pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements

Question orale avec débat n° 37 de M. Yves Coquelle à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie sur le renforcement des mesures de sécurité autour des sites Seveso.
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 24 octobre 2001, à dix-sept heures.
Deuxième lecture de la proposition de loi, adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, relative aux droits du conjoint survivant et des enfants adultérins (n° 422, 2000-2001).
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 29 octobre 2001, à seize heures.
Deuxième lecture du projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, relatif aux chambres régionales des comptes et à la Cour des comptes (n° 14, 2001-2002).
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 29 octobre 2001, à dix-sept heures.
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, rénovant l'action sociale et médico-sociale (n° 214 rect., 2000-2001).
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 30 octobre 2001, à douze heures ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 29 octobre 2001, à dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.

(La séance est levée le mercredi 24 octobre 2001, à une heure quarante.)

Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD





MODIFICATION AUX LISTES
DES MEMBRES DES GROUPES
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE
(84 membres au lieu de 83)

Ajouter le nom de M. Christian Demuynck.

RATTACHÉS ADMINISTRATIVEMENT
AUX TERMES DE L'ARTICLE 6 DU RÈGLEMENT
(7 membres au lieu de 8)

Supprimer le nom de M. Christian Demuynck.

ASSEMBLÉE PARLEMENTAIRE DU CONSEIL DEL'EUROPE ET ASSEMBLÉE DE L'UNION DE L'EUROPE OCCIDENTALE

Lors de sa séance du mardi 23 octobre 2001, le Sénat a élu MM. Marcel Debarge, Jean-François Le Grand, Jacques Legendre, Francis Grignon, Mme Josette Durrieu et M. Philippe Nachbar délégués titulaires du Sénat représentant la France à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe et à l'Assemblée de l'Union de l'Europe occidentale ; MM. Michel Dreyfus-Schmidt, Jean-Guy Branger, Jean-Pierre Masseret, Daniel Goulet, Xavier Pintat et Jean-Louis Masson délégués suppléants du Sénat représentant la France à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe et à l'Assemblée de l'Union de l'Europe occidentale.

ORGANISMES EXTRAPARLEMENTAIRES

COMITÉ DE GESTION (PLATES-FORMES AÉROPORTUAIRES) DU FONDS D'INTERVENTION POUR LES AÉROPORTS ET LE TRANSPORT AÉRIEN (FIATA)
Lors de sa séance du 23 octobre 2001, le Sénat a désigné M. Francis Gerbaud pour siéger au sein du comité de gestion (plates-formes aéroportuaires) du Fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien (FIATA), en remplacement de M. Jean François-Poncet.

COMMISSION CONSULTATIVE
POUR LA PRODUCTION DE CARBURANTS DE SUBSTITUTION

Lors de sa séance du 23 octobre 2001, le Sénat a désigné M. Yves Detraigne pour siéger au sein de la commission consultative pour la production de carburants de substitution, en remplacement de M. Rémi Herment.

COMMISSION NATIONALE
DES AIDES PUBLIQUES AUX ENTREPRISES

Lors de sa séance du 23 octobre 2001, le Sénat a reconduit M. Paul Raoult dans ses fonctions de membre suppléant de la Commission nationale des aides publiques aux entreprises.

COMMISSION SUPÉRIEURE
DU CRÉDIT MARITIME MUTUEL

Lors de sa séance du 23 octobre 2001, le Sénat a désigné MM. André Trillard et Charles Revet pour siéger au sein de la Commission supérieure du Crédit maritime mutuel, en remplacement de M. Josselin de Rohan et de Mme Anne Heinis.

CONSEIL D'ADMINISTRATION DE L'AGENCE
DE L'ENVIRONNEMENT ET DE LA MAÎTRISE DE L'ÉNERGIE

Lors de sa séance du 23 octobre 2001, le Sénat a désigné M. Christian Gaudin pour siéger au sein du conseil d'administration de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, en remplacement de M. Michel Souplet.

CONSEIL D'ORIENTATION DU COMITÉ INTERMINISTÉRIEL
DE PRÉVENTION DES RISQUES NATURELS MAJEURS

Lors de sa séance du 23 octobre 2001, le Sénat a désigné M. Bruno Sido pour siéger au sein du conseil d'orientation du comité interministériel de prévention des risques naturels majeurs, en remplacement de M. Jean Bizet.

CONSEIL SUPÉRIEUR DE L'ÉTABLISSEMENT NATIONAL
DES INVALIDES DE LA MARINE

Lors de sa séance du 23 octobre 2001, le Sénat a désigné M. Charles Revet pour siéger au sein du Conseil supérieur de l'Etablissement national des invalides de la marine, en remplacement de Mme Anne Heinis.

COMMISSION SUPÉRIEURE
DU SERVICE PUBLIC DES POSTES ET TÉLÉCOMMUNICATIONS

Lors de sa séance du 23 octobre 2001, le Sénat a désigné MM. Georges Gruillot et Pierre-Yvon Trémel pour siéger au sein de la Commission supérieure du service public des postes et télécommunications, en remplacement de MM. Gérard Larcher et Jean-Marie Rausch.
Il a en outre reconduit MM. Gérard Delfau, Pierre Hérisson, Pierre Laffitte, René Trégouët et François Trucy dans leurs fonctions de membres de cet organisme extraparlementaire.

ERRATA
Au compte rendu intégral de la séance du 10 octobre 2001
MESURES URGENTES DE RÉFORMES
À CARACTÈRE ÉCONOMIQUE ET FINANCIER

Page 3969, 2e colonne, 5e alinéa (9°), avant dernière ligne :
Au lieu de : « article 185 du code de la famille et de l'aide sociale ».
Lire : « article L. 345-1 du code de l'action sociale et des familles ».
Page 3978, 1re colonne, dernier alinéa, 9e ligne :
Au lieu de : « articles 25 et 26 de la loi n° 99-533 du 25 juin 1999 d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire ».
Lire : « articles 22 et 23 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire ».



Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)


Entraînement des policiers

1160. - 22 octobre 2001. - M. Alain Gournac attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur au sujet de l'entraînement des policiers. En effet, certains membres de la brigade anti-criminalité qu'il a rencontrés en province récemment lui ont fait savoir qu'ils déploraient n'avoir eu qu'une séance d'entraînement au tir depuis le début de l'année. Aussi, il lui demande de bien vouloir lui exposer tout d'abord en quoi consiste l'entraînement de ces brigades, de lui préciser ensuite le nombre de séances de tir nécessaires pour que ces policiers puissent conserver une bonne maîtrise d'eux-mêmes et de leur arme. Il lui demande enfin comment ces conditions sont remplies sur l'ensemble du territoire français.

Valeurs limites d'exposition professionnelle

1161. - 23 octobre 2001. - Mme Marie-Claude Beaudeau attire l'attention de Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité sur la question des valeurs limites d'exposition professionnelle. Le respect des VLE (valeurs limites d'exposition), qui visent à prévenir la survenue de manifestations aiguës à court terme et sont établies sur une durée de quinze minutes, et des VME (valeurs moyennes d'exposition), établies sur une période de huit heures de travail, est censé garantir le bon état de santé des salariés. Elle lui fait cependant observer que, concernant par exemple les nuisances cancérogènes, les VME telles qu'elles sont actuellement établies, ne peuvent que très partiellement satisfaire à leur mission de protection des salariés. Elle lui demande donc de lui préciser les mesures qu'elle envisage de prendre afin de mettre en place de nouvelles VME et de réviser régulièrement celles existantes, en tenant notamment compte des jugements de la cour administrative d'appel de Marseille du 18 octobre 2001, condamnant l'Etat pour ses carences en matière de prévention des risques liés à l'exposition professionnelle aux poussières d'amiante, du fait de seuils d'exposition pas de nature à protéger les salariés. Elle lui demande également de lui faire savoir si elle entend faire entrer dans les VME d'autres critères que le contact avec un produit toxique par voie d'inhalation, et si elle entend renforcer le caractère réglementaire et contraignant des VMED.

Déneigement des routes communales ou rurales

1162. - 23 octobre 2001. - M. Jean Faure appelle l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur l'article 10 de la loi n° 99-574 du 9 juillet 1999 d'orientation agricole qui donne la possibilité aux exploitants agricoles d'assurer le déneigement des routes communales ou rurales. Il lui rappelle sa question au Gouvernement du 17 novembre 2000 par laquelle il avait demandé un report de la date de mise en conformité des tracteurs appartenant aux agriculteurs concernés, report qui avait été accordé jusqu'au 1er juin 2001. Cette date est aujourd'hui passée et le problème n'est malheureusement pas réglé pour un certain nombre d'agriculteurs qui ne peuvent, pour des raisons de sécurité, se déplacer avec leur tracteur jusqu'aux services des mines car devant emprunter les routes, notamment nationales, sur une distance qui peut aller jusqu'à une centaine de kilomètres aller-retour. Il lui demande, en conséquence, dans le but de régler ce problème une foie pour toutes, et avec toute la compréhension qui se doit, s'il envisage de repousser une ultime fois la date de mise en conformité au 1er juin 2002, ou de demander aux préfets d'obtenir que les ingénieurs des mines se déplacent dans certains cas sur les sites, par exemple jusqu'aux chefs-lieux de cantons ? Il lui rappelle que les agriuclteurs concernés assurent ce service de déneigement bénévolement, pas plus de trois fois par an, uniquement lorsque les entreprises de déneigement n'existent pas ou bien parce que celles-ci ne sont pas intéressées.

Code des marchés publics et conditions
d'établissement des plans de sauvegarde

1163. - 23 octobre 2001. - M. Yves Dauge attire l'attention de Mme le ministre de la culture et de la communication sur les conséquences, pour les professionnels chargés de l'établissement des plans de sauvegarde, de l'application, par le ministère de la culture, du code des marchés publics. L'élaboration et le suivi de ces plans dans les villes possédant un secteur sauvegardé sont assurés par des professionnels spécialisés. Ils réalisent un travail qui est, par définition, très long. Or, sous prétexte d'une application rétroactive du code des marchés, 10,5 MF d'études déjà effectuées ne sont toujours pas réglés à ces professionnels. Ce blocage des crédits de la part des services financiers met en péril l'existence même des équipes chargées des plans de sauvegarde, comme le travail accompli dans chaque ville. Faute d'une solution urgente, la situation risque, en outre, de faire perdre tout crédit à une politique d'Etat, d'autant que pour la poursuite des missions dès 2002, aucun cadre contractuel n'est fixé et que l'ensemble des travaux engagés risque de se trouver suspendu. En conséquence, il lui demande quelles mesures sont prévues pour remédier à cette situation regrettable.