SEANCE DU 11 OCTOBRE 2001


SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. ADRIEN GOUTEYRON

1. Procès-verbal (p. 0 ).

2. Convention internationale pour la répression du financement du terrorisme. - Adoption d'un projet de loi (p. 1 ).
Discussion générale : MM. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes ; André Rouvière, rapporteur de la commission des affaires étrangères ; Philippe Marini, Mme Danielle Bidard-Reydet, M. Aymeri de Montesquiou.
Clôture de la discussion générale.

Article unique (p. 2 )

MM. Guy Penne, Jean-Claude Carle, Michel Caldaguès.
Adoption de l'article unique.

Article additionnel après l'article unique (p. 3 )

Amendement n° 1 du Gouvernement. - M. le ministre délégué. - Retrait.
Adoption de l'ensemble du projet de loi.

3. Accord entre la Communauté européenne et la Suisse sur la libre circulation des personnes. - Adoption d'un projet de loi (p. 4 ).
Discussion générale : MM. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes ; Guy Penne, rapporteur de la commission des affaires étrangères ; Jean-Claude Carle, Jean-Paul Amoudry, Jean-Paul Emin.
Clôture de la discussion générale.
M. le ministre délégué.

Article unique (p. 5 )

MM. Jean-Paul Amoudry, Jean-Claude Carle.
Adoption, par scrutin public, de l'article unique du projet de loi.

Suspension et reprise de la séance
(p. 6 )

PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET

4. Questions d'actualité au Gouvernement (p. 7 ).

INCIDENTS AU STADE DE FRANCE (p. 8 )

MM. Christian Demuynck, Christian Paul, secrétaire d'Etat à l'outre-mer.

REPORT DES 35 HEURES POUR LES PME (p. 9 )

M. Francis Grignon, Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

CONSÉQUENCES DE LA SITUATION INTERNATIONALE SUR L'ÉCONOMIE FRANÇAISE (p. 10 )

Mmes Evelyne Didier, Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget.

NOCIVITÉ DES PESTICIDES (p. 11 )

M. Bernard Joly, Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

PROJET DE FUSION SCHNEIDER-LEGRAND (p. 12 )

MM. Gérard Longuet, Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes.

SUITES DE LA CATASTROPHE DE TOULOUSE (p. 13 )

MM. Jean-Pierre Plancade, le président, Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement.

SUITES DE LA CATASTROPHE DE TOULOUSE (p. 14 )

MM. Bernard Murat, Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement.

INDEMNITÉS KILOMÉTRIQUES
POUR LES DÉPLACEMENTS DES FONCTIONNAIRES (p. 15 )

MM. Jean-Jacques Hyest, Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement.

HOSPITALISATION PRIVÉE (p. 16 )

M. Jean-Claude Carle, Mme Marie-Noëlle Lienemann, secrétaire d'Etat au logement.

AVENIR DE MOULINEX (p. 17 )

M. Jean-Pierre Godefroy, Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget.

5. Modification de l'ordre du jour (p. 18 ).

6. Communication de l'adoption définitive de textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution (p. 19 ).

7. Transmission de projets de loi (p. 20 ).

8. Transmission d'une proposition de loi (p. 21 ).

9. Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution (p. 22 ).

10. Ordre du jour (p. 23 ).




COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. ADRIEN GOUTEYRON
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

CONVENTION INTERNATIONALE POUR LA RÉPRESSION DU FINANCEMENT DU TERRORISME

Adoption d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 259, 2000-2001) autorisant la ratification de la convention internationale pour la répression du financement du terrorisme. [Rapport n° 355 (2000-2001)].
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, c'est dans un contexte exceptionnel que je vous présente le projet de loi autorisant la ratification de la convention internationale pour la répression du financement du terrorisme. Il y a aujourd'hui un mois jour pour jour que les Etats-Unis ont été frappés. Ces attentats monstrueux illustrent - on ne peut plus tragiquement - l'actualité de la menace terroriste et la nécessité absolue pour la communauté internationale de la prévenir et de la combattre.
Comme l'a souligné le Premier ministre devant les députés le 3 octobre, et hier devant vous, l'ambition du Gouvernement est de donner à l'union contre le terrorisme un caractère universel.
La lutte contre le terrorisme est un impératif commun à toutes les démocraties et elle doit le devenir pour toutes les nations. La lutte contre le terrorisme doit non pas diviser, mais unir. Elle doit mobiliser la communauté internationale tout entière, non pas dresser les peuples les uns contre les autres.
Dans un climat d'interrogations et d'inquiétudes propice aux simplifications et aux amalgames de toutes sortes - je ne pense pas seulement aux opinions publiques européennes, mais je pense aussi aux réactions que suscitent chez nos amis arabes et musulmans le lancement des opérations en Afghanistan, sur lesquelles je reviendrai -, nous nous refusons à voir dans les événements du 11 septembre les prémices d'un conflit de civilisations, encore moins d'une guerre de religion.
L'islamisme radical est une réalité que nous devons analyser sans complaisance. Ses manifestations meurtrières sont un fléau qu'il faut combattre sans merci, mais nous ne tomberons pas dans le piège de ceux qui croient pouvoir invoquer l'islam, ou plutôt une vision dévoyée de l'islam, pour justifier l'injustifiable.
Rien - car, j'y insiste, face aux inégalités qui divisent le monde, aux conflits qui le traversent, à l'injustice et à la pauvreté que crée une mondialisation non maîtrisée, certains pourraient avoir la tentation d'y trouver ne serait-ce qu'un début d'explication aux attentats qui ont endeuillé le monde le 11 septembre - rien ne saurait justifier l'horreur absolue que constitue le terrorisme.
Il faut donc le combattre, avec détermination, avec discernement, avec obstination, tant la lutte contre le terrorisme est un combat complexe et de longue haleine qui se joue sur plusieurs fronts.
Un nouveau front a été ouvert dimanche dernier. Le refus du régime taliban de livrer les auteurs des attentats du 11 septembre a conduit les Etats-Unis et leurs alliés à engager des opérations militaires en Afghanistan. Ces opérations, dont le Conseil de sécurité des Nations unies a reconnu la légitimité, étaient devenues inévitables.
Elles sont ciblées - nous l'avions souhaité et les Etats-Unis semblaient d'ailleurs l'envisager depuis le début. Ce ne sont pas des opérations contre l'Afghanistan, encore moins contre le peuple afghan. Ce sont des actions contre les infrastructures terroristes en Afghanistan, ce qui n'est pas la même chose.
A cet égard, la convention internationale pour la répression du financement du terrorisme, que j'ai l'honneur de vous présenter, constitue un instrument précieux, voire indispensable.
A la différence des onze conventions internationales contre le terrorisme qui existent déjà, le texte qui vous est soumis aujourd'hui s'attaque directement, et pour la première fois, à la question centrale du financement du terrorisme. Commettre un acte terroriste suppose en effet, dans la plupart des cas, des moyens importants pour organiser des réseaux clandestins, entretenir des équipes, se procurer des armes, acheter des complicités.
S'attaquer au financement du terrorisme, c'est donc prévenir et combattre, « en amont », l'acte terroriste. Tel est l'objet de cette convention, qui permet d'incriminer directement tous ceux qui financent, et pas seulement ceux qui commettent les attentats.
C'est notre pays qui est à l'origine de ce texte à la fois novateur et nécessaire. Peu après les attentats qui avaient frappé les ambassades américaines à Nairobi et à Dar El Salam et qui avaient souligné, bien avant la tragédie de New York et de Washington, les menaces de la nébuleuse terroriste, la France avait proposé, en 1998, de négocier une convention spécifique sur le financement.
Cette convention a été élaborée très rapidement et a pu être adoptée par l'Assemblée générale des Nations unies, le 9 décembre 1999. La France a été l'un des premiers pays à la signer, le 10 janvier 2000.
Permettez-moi de vous rappeler brièvement ses principales dispositions.
L'infraction de financement est définie de manière très large puisqu'elle recouvre l'acte de fournir ou de collecter des fonds en vue d'un acte terroriste et que les fonds en question peuvent être de toute nature et avoir une origine légale.
En outre, si la convention vise d'abord les « donneurs d'ordre », elle concerne également les complices et les autres contributeurs, y compris les personnes morales comme les associations ou les entreprises.
La convention comporte des dispositions novatrices, aussi bien pour la prévention que pour la répression du financement du terrorisme. Elle prévoit un régime de sanctions efficace et oblige les Etats à adopter les mesures nécessaires à l'identification, au gel, à la saisie, voire à la confiscation des fonds utilisés, qui peuvent servir à indemniser les victimes des attentats et leur famille.
Les mécanismes de coopération judiciaire sont renforcés. Ni le secret bancaire ni le caractère fiscal d'une infraction ne pourront être invoqués par un Etat pour refuser une demande d'entraide ou d'extradition.
Enfin, pour lutter contre les circuits de financement du terrorisme, la convention prévoit un ensemble de dispositions directement inspirées des recommandations du groupe d'action financière internationale, le GAFI, créé, vous le savez, sur l'initiative de la France pour lutter contre le blanchiment de l'argent sale. Ces mesures reposent pour l'essentiel sur la coopération des institutions financières, incitées à surveiller plus étroitement et à signaler sans délai toute opération suspecte.
La convention donne aussi compétence aux Etats pour poursuivre toute infraction présentant un élément international, y compris celles qui ne sont pas commises sur leur territoire. Ce point très important permettra aux juridictions de bénéficier d'une compétence quasi universelle.
Toutes ces dispositions constituent un moyen efficace de combattre le terrorisme, en s'attaquant à ceux qui le soutiennent et le financent. La France, qui a joué un rôle moteur dans la genèse et la négociation de cette convention, se doit d'être parmi les premiers pays à la ratifier et à la transposer.
J'évoquais, en commençant mon intervention, le contexte singulier et tragique dans lequel se déroule cette procédure de ratification.
Ce sont les circonstances exceptionnelles que nous vivons depuis cette terrible journée du 11 septembre qui ont conduit le Gouvernement à proposer d'insérer, par voie d'amendement, dans le projet de loi autorisant la ratification de la convention, des dispositions modifiant divers textes de droit interne, en vue de renforcer la lutte contre le terrorisme.
Tout à l'heure, je vous présenterai en détail ces propositions qui visent, pour l'essentiel, à créer un délit spécifique de financement des actes de terrorisme et à prévoir un nouveau cas de compétence universelle.
Comme nous le souhaitions, toutes les précautions possibles ont été prises pour que les frappes atteignent des cibles militaires et épargnent les populations civiles et le peuple afghan, déjà durement éprouvés par de longues années de guerre civile.
La France est engagée, ainsi que le Président de la République et le Premier ministre l'ont indiqué, d'une façon qui pourra s'accroître selon les besoins des opérations. A chaque étape, notre pays décidera, souverainement, de son engagement.
Si nous souscrivons pleinement à l'objectif de détruire les bases terroristes nous refuserons tout engrenage. Nous entendons ne pas perdre de vue l'un des buts de l'action en cours, libérer l'Afghanistan de ce régime taleb qui l'opprime et l'affame.
Nous avons fait il y a quelques jours à nos partenaires de l'Union européenne des propositions en ce sens qui comportent, vous le savez, un important volet humanitaire. Tout en luttant contre le terrorisme, il nous faut penser au peuple afghan et lui donner les moyens d'engager la reconstruction de son pays, les moyens de reconstruire son avenir, librement et en paix, sans solution imposée de l'extérieur.
Comme le Premier ministre l'a indiqué mardi, le Gouvernement entend informer le Parlement de manière complète et régulière sur l'évolution de la situation internationale. Dès hier, les présidents des groupes de la majorité et de l'opposition, ainsi que les présidents des commissions ont été reçus à l'hôtel Matignon.
Au-delà de l'action militaire qui se révélera peut-être plus longue que prévu, la lutte contre le terrorisme se joue aussi - et j'aurais tendance à dire surtout - sur d'autres fronts.
Le monde du terrorisme international est, par définition, opaque et secret. Mais il a aussi pleinement intégré la logique de réseaux de notre monde globalisé. Transnational par nature, il sait tirer profit des failles juridiques résultant de la juxtaposition des systèmes nationaux.
A la suite des attaques du 11 septembre, l'enquête en cours - la plus vaste jamais lancée en matière de lutte antiterroriste - a d'ores et déjà montré que le terrorisme sait utiliser les techniques financières les plus sophistiquées.
L'éradication de ce fléau est une oeuvre de longue haleine, car il nous faut atteindre tout ce qui l'alimente, démanteler ses réseaux, dévoiler ses complicités et assécher ses circuits de financement.
Cette action ne peut, à l'évidence, être conduite à la seule échelle nationale. Seule une coopération internationale renforcée dans les domaines du renseignement, de la justice, de la police, des finances, sera en mesure de combattre le terrorisme.
Cette lutte est d'ores et déjà engagée. La réaction de l'Union européenne, vous le savez, a été, à cet égard, exemplaire : immédiate, concertée et empreinte d'une solidarité sans faille envers nos alliés et amis américains.
Surtout, elle s'est exprimée par une série de décisions très concrètes de la part des chefs d'Etat et de gouvernement des Quinze, lors de leur réunion extraordinaire du 21 septembre à Bruxelles, décisions qui couvrent tous le champ d'action de l'Union, en particulier, la coopération policière et judiciaire.
La lutte contre le terrorisme doit être universelle. C'est pourquoi les Nations unies demeurent l'enceinte en mesure de mobiliser l'ensemble de la communauté internationale, sur le plan politique et diplomatique, sur le plan humanitaire, bien sûr, mais aussi dans le domaine du droit international.
Le Gouvernement a pleinement conscience du caractère très inhabituel de la procédure qu'il propose, avec le dépôt de cet amendement ; nous aurons l'occasion d'en débattre.
Mais, serais-je tenté de dire - et c'est ce qui a fondé notre choix - à circonstances exceptionnelles, procédure exceptionnelle. Face à une menace terroriste d'une telle violence, le Gouvernement et la représentation nationale ont le devoir et la responsabilité d'agir vite, et même très vite.
La solution que préconise le Gouvernement est incontestablement la plus rapide pour intégrer de nouvelles incriminations dans l'ordre juridique interne et pour améliorer la procédure pénale de façon à accroître l'efficacité des services de l'Etat dans leur lutte contre le terrorisme.
Le recours à un projet de loi autonome aurait, en effet, pour conséquence de retarder considérablement ce travail de transposition. Une telle perspective ne serait pas convenable ; elle serait même difficilement admissible dans les circonstances actuelles.
Je rappelle qu'il s'agit non seulement de nous mettre en conformité avec les obligations découlant de la convention internationale pour la répression du financement du terrorisme, mais aussi d'appliquer la résolution adoptée le 28 septembre par le Conseil de sécurité, résolution obligatoire, car fondée sur le chapitre VII de la Charte des Nations unies. Cette résolution exige d'ailleurs une application très rapide.
Je suis convaincu, mesdames, messieurs les sénateurs, que vous saurez tenir compte de ce contexte d'urgence au moment où vous vous prononcerez le projet du Gouvernement. Il y va de la sécurité de nos concitoyens. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. André Rouvière, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les odieux attentats du 11 septembre n'ont pas fini de modifier nos comportements et notre vision du monde. Ils influencent également notre vision du terrorisme.
En effet, outil de déstabilisation et de destruction, le terrorisme était traditionnellement considéré comme « l'arme du pauvre ». Dans la lutte menée contre le terrorisme, le volet financier apparaissait comme de moindre importance par rapport aux moyens d'investigation et de répression des services judiciaires.
A ce titre, la liste des conventions internationales édictées depuis 1970, que vous avez rappelée, est édifiante. La communauté internationale ne s'est trouvée d'accord que pour condamner des actes de terrorisme bien déterminés, en réaction à des événements ayant eu un grand retentissement médiatique, par exemple, les détournements d'avions en 1970, 1971 et 1988, les infractions contre les agents diplomatiques en 1973, la prise d'otages en 1979, une éventuelle capture de matières nucléaires en 1980, les actions terroristes en mer à l'encontre de la navigation ou de plates-formes en 1988 et, enfin, les actes terroristes à l'explosif en 1997.
Ce n'est qu'à la suite des attentats perpétrés contre les ambassades américaines en Tanzanie et au Kenya en juillet 1998 que la communauté internationale a pris conscience, à l'instigation de la France, de la nécessité de lutter contre le financement du terrorisme, car, pour les terroristes aussi, l'argent est devenu indispensable, comme il l'est d'ailleurs dans tous les domaines.
En effet, à l'exemple de l'organisation d'Oussama Ben Laden, le terrorisme semble en passe de changer d'échelle et de devenir un « terrorisme de masse », faisant hélas ! des victimes en très grand nombre, sans commune mesure avec le passé, et s'appuyant, sans doute pour l'une des premières fois, sur des réseaux réellement internationaux recrutant, s'installant et levant des fonds dans de nombreux pays, et non plus seulement dans une zone géographique donnée, comme les mouvements terroristes d'inspiration nationaliste ou révolutionnaire. Il a également montré que des terroristes préalablement formés et prêts à agir au mépris de leur vie et, bien sûr, de celle des autres pouvaient causer des dommages bien supérieurs s'ils acquéraient la maîtrise d'armes de destruction massive, chimiques, biologiques ou mêmes nucléaires et, ce qui est nouveau, une arme à laquelle on n'avait pas pensé : la maîtrise du pilotage d'avions de ligne.
On comprend mieux, dans ces conditions, la nécessité de connaître les réseaux de financement du terrorisme et de les démanteler grâce à un outil juridique international adapté.
La connaissance des réseaux de financement du terrorisme paraît être une étape indispensable. Pour financer leurs actions, les terroristes utilisent plusieurs méthodes, des méthodes illégales mais aussi des méthodes légales.
Ils peuvent tout d'abord avoir recours à des moyens illégaux relativement classiques et bien rodés relevant du grand banditisme - la frontière entre terrorisme et grand banditisme paraît d'ailleurs difficile à préciser -, comme le braquage ou le trafic de drogue. Je rappellerai, pour mémoire, que celui-ci est évalué à près de 2 500 milliards de francs par an par le programme des Nations unies pour le contrôle international des drogues, soit presque autant que l'industrie automobile. Si, bien entendu, toutes ces sommes ne viennent pas financer des activités terroristes, elles donnent une idée de l'importance des « fonds gris » circulant dans l'économie.
Ces fonds, une fois rassemblés, sont soit directement utilisés par des groupes terroristes, soit réintroduits dans les circuits financiers légaux afin de pouvoir être transférés à d'autres groupes ou investis dans l'attente d'opérations futures. Il est alors nécessaire de le « blanchir », c'est-à-dire de faire disparaître son origine douteuse en le faisant transiter par des réseaux complexes de sociétés-écrans et de banques, le plus souvent installées dans des « paradis fiscaux offshore ».
Or cette activité de blanchiment, qui n'est pas uniquement liée au terrorisme, est extrêmement importante, les sommes « blanchies » chaque année dans le monde sont évaluées à 1 000 milliards de dollars. Par rapport au budget de la France qui représente l'équivalent de quelque 250 milliards de dollars, c'est quatre fois le montant de ce budget. Si l'on considère les sommes réservées à la défense aux Etats-Unis, qui s'élèvent à 300 milliards de dollars par an, c'est plus de trois fois ce montant qui est utilisé pour des actes terroristes. Dès lors, on comprend mieux qu'aucun pays, quel qu'il soit, même le plus puissant du monde, ne puisse, seul, entreprendre une lutte efficace contre le terrorisme. En effet, le terrorisme est international ; seule une mobilisation internationale peut l'affronter avec quelques chances de succès.
Les terroristes mobilisent également des fonds dont l'origine est parfaitement légale. Ce n'est que par leur utilisation, par leur finalité, qu'ils deviennent illégaux. C'est ainsi que les terroristes trouvent fréquemment des soutiens financiers volontaires ou parfois imposés, auprès d'expatriés dans le cas des groupes nationalistes ou auprès des sympathisants sous couvert d'organisations politiques ou humanitaires. Dans le cas d'Oussama Ben Laden, il semble établi qu'il finance son action grâce, d'une part, à sa fortune personnelle, dont il a hérité dans une large proportion et, d'autre part, à des soutiens provenant de pays ou de fidèles musulmans, dans certains cas par la voie d'associations d'entraide.
Or cet argent ne peut être directement et ouvertement employé à des fins terroristes. Il est nécessaire d'en cacher l'origine pour assurer la sécurité des donateurs et des groupes qui reçoivent et font fructifier ces financements. Pour cela, les groupes terroristes opèrent ce qu'on peut appeler un « blanchiment à l'envers » par les circuits classiques servant au blanchiment. Cette opération est particulièrement difficile à détecter puisque, contrairement au blanchiment, c'est l'intention qui la rend criminelle, et non l'origine des fonds. Ils utilisent par ailleurs des réseaux qui ne leur sont en rien spécifiques, que ce soit ceux de la finance internationale ou de la « hawala » traditionnelle des pays d'Asie du Sud. Ces transferts de fonds peuvent d'ailleurs s'effectuer sans que l'intermédiaire soit un complice des terroristes, ce qui complique les choses bien sûr, que ce soit dans le cas d'un courtage oral, selon la méthode de la hawala, ou par le mécanisme des banques correspondantes.
Face à cette menace, il est devenu indispensable pour la communauté internationale de disposer d'un outil juridique adapté pour lutter contre le terrorisme dès le stade du financement afin de s'assurer de la coopération des Etats et des établissements financiers. C'est à ce besoin que répond la convention adoptée le 9 décembre 1999 par l'Assemblée générale des Nations unies et dont nous devons aujourd'hui autoriser la ratification.
Sans revenir sur l'ensemble du dispositif de la convention, que vous avez excellemment exposé, monsieur le ministre, je souhaiterais insister sur deux éléments qui me semblent être les apports les plus importants.
Tout d'abord, ce n'est pas une nouvelle convention qui vient s'ajouter aux onze conventions adoptées précédemment à la suite d'attentats particulièrement sanglants. Pour la première fois, c'est une convention qui a une portée globale contre le terrorisme et permet non seulement d'agir après coup mais aussi de prévenir l'acte terroriste. En effet, première disposition importante, toute action visant à soutenir financièrement de quelque manière que ce soit le terrorisme pourra être réprimée. Donc il ne s'agit pas seulement de réprimer l'acte terroriste, il s'agit aussi de réprimer la préparation financière de l'acte terroriste. Surtout, cette convention vise non seulement les actes terroristes définis dans les précédentes conventions, mais également, et c'est à mon avis, l'élément essentiel et le plus novateur, toute une série d'actes permettant d'esquisser pour la première fois une définition internationale du terrorisme. Ainsi, un attentat comme celui qui a eu lieu à Louxor en 1997, commis à l'arme blanche ou à l'arme automatique, n'entrait dans aucune catégorie d'acte terroriste reconnue par les conventions internationales. Désormais, le financement de tels actes pourra donner lieu à des poursuites. A mes yeux, c'est l'élément le plus important de cette convention.
Ensuite, la convention engage les Etats à prendre toutes les mesures nationales nécessaires pour mettre en oeuvre la lutte contre le financement du terrorisme et devrait permettre de surmonter un certain nombre d'obstacles qui, jusqu'à présent, empêchaient une lutte efficace. Elle autorise les poursuites contre les personnes morales aussi bien que contre les personnes privées et elle permet ainsi d'agir juridiquement contre tous les acteurs de la chaîne du blanchiment de l'argent. Elle autorise toutes les mesures utiles à la détection, au gel et à la saisie, éventuellement au profit des victimes d'attentats, des fonds concernés.
La convention précise également que les Etats ne pourront plus invoquer le secret bancaire ou le caractère fiscal d'une infraction pour refuser de coopérer. Elle devrait enfin permettre d'interdire les comptes numérotés et d'obliger les différents Etats à se conformer aux recommandations du GAFI.
Toutefois, vous le savez, monsieur le ministre, cette convention ne constitue pas une panacée. Aucun outil de lutte contre le terrorisme ne sera suffisant. Seul un ensemble de moyens permettra d'agir efficacement. Cette convention n'est qu'un outil dans le cadre global de la lutte contre le terrorisme.
Tout d'abord, une convention internationale, comme une loi d'ailleurs, n'est réellement utile et efficace que lorsqu'elle est appliquée ; M. de la Palice n'aurait pas mieux dit ! Or, à ce jour, la convention pour la répression du financement du terrorisme n'a été ratifiée que par quatre Etats, dont la Grande-Bretagne - vous le constatez, il ne suffit pas de ratifier pour être efficace - alors que ce texte devra être ratifié par vingt-deux Etats pour entrer en vigueur. Il paraît donc indispensable que la France, qui a été à l'initiative de cette convention, incite ses partenaires, à commencer par les pays européens, à la signer et à la ratifier. Or, selon les informations qui m'ont été transmises, le Luxembourg, le Danemark, la Belgique et la Suède au sein de l'Union européenne, mais également la Pologne, la Hongrie, la Norvège, la Suisse, Monaco, Andorre, le Liechtenstein, la Slovénie et la Croatie ne l'auraient pas encore signée.
En revanche, Chypre qui avait été montré du doigt, l'a signée, et l'ambassadeur de Chypre à Paris, lors d'un déplacement récent d'une délégation de parlementaires chypriotes en France, m'a indiqué sans ambiguïté la volonté de son pays de ratifier rapidement la convention et de se conformer aux recommandations du GAFI.
Il en est de même des Etats-Unis. Cette semaine, j'ai posé la question à un secrétaire d'Etat américain qui m'a répondu que le Congrès allait très rapidement ratifier cette convention et que les Etats-Unis allaient inciter ses partenaires à la signer et à la ratifier.
Ces signatures et ratifications sont en effet indispensables, car l'entrée en vigueur de la convention, instrument juridique précis et détaillé, est nécessaire au-delà des mesures prises par le Conseil de sécurité dans le cadre de la résolution 1373 du 28 septembre.
Il faudra également prendre garde à ce que, une fois la convention ratifiée, les Etats parties en tiennent réellement compte dans leur législation et en fassent une application sincère. Pour n'en donner qu'un exemple, l'interdiction des comptes numérotés, prévue par l'article 18 de la convention, nécessite une adaptation des réglementations internes. Il faudra donc veiller à ce que cette disposition ne soit pas qu'un voeu pieux.
En outre, la lutte contre le terrorisme ne sera réellement efficace que si, en plus de la convention, la communauté internationale s'organise pour mieux connaître les réseaux de financement du terrorisme à travers la création ou le renforcement d'organes spécialisés comme le GAFI. D'ailleurs, on parle de plus en plus d'un « super GAFI ». Au niveau européen, la progression vers la construction d'un espace judiciaire commun et la récente décision d'instituer un mandat d'arrêt européen vont dans le bon sens.
La lutte contre le terrorisme gagnera en légitimité si la communauté internationale parvient enfin à s'entendre sur les dispositions d'une convention globale contre le terrorisme le mettant hors la loi à l'exemple de la piraterie ou des crimes contre l'humanité. L'adoption d'une telle convention, dont l'Inde a relancé le projet avec le soutien de la France, continue d'achopper sur le problème de la rédaction d'une définition du terrorisme qui serait reconnue par tous. Ainsi, les Etats arabes refusent qu'elle puisse englober la lutte du peuple palestinien pour la reconnaissance de ses droits. Il apparaît donc clairement que la lutte contre le terrorisme, si elle doit s'appuyer sur des outils juridiques et des moyens adaptés, doit prendre place dans une action diplomatique d'ensemble, concertée et non pas unilatérale, visant à résoudre les tensions internationales qui, nous le savons tous, sont le terreau sans cesse renouvelé du terrorisme.
Mes chers collègues, je vous invite donc, au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, à voter ce projet de loi qui constitue un outil juridique indispensable et une étape importante vers la condamnation globale et sans équivoque du terrorisme.
Il est important que la France, qui a été à l'origine de cette convention, soit l'un des premiers Etats à la ratifier et puisse ainsi encourager ses partenaires à faire de même.
Je me réjouis également que, sans attendre, le Gouvernement ait décidé le gel des avoirs des réseaux Ben Laden. J'espère aussi que, dans ce domaine, la France sera suivie par la totalité de ses partenaires. (Applaudissements sur les travées socialistes, sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées de l'Union centriste.)
M. Xavier de Villepin, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la lecture de l'excellent rapport qui vient d'être présenté au nom de la commission des affaires étrangères fait apparaître le caractère tout à fait prémonitoire, hélas ! de certains de ses paragraphes. Mais l'extrême actualité de ce texte et de la ratification à laquelle nous sommes conviés nous incitent bien sûr à un examen particulièrement attentif de cette convention.
Cette convention résulte d'une initiative française. Elle a été élaborée en un laps de temps exceptionnel pour un texte multilatéral. Il faut tout d'abord saluer les efforts réalisés pour convaincre de très nombreux gouvernements et diplomates de par le monde entier de la nécessité de ce texte. Si cette initiative française a pu ainsi aboutir aussi rapidement, c'est en particulier grâce à l'implication personnelle du Président de la République.
Monsieur le ministre, la commission des finances du Sénat ne peut évidemment être indifférente à une telle avancée. Ces dernières années, nous avons à plusieurs reprises exprimé notre souci d'une plus grande efficacité et d'un combat plus réel et plus actif contre les instruments financiers de la grande délinquance, du banditisme et naturellement du terrorisme organisé. La commission des finances a, en particulier, pris l'initiative, ces dernières années, de constituer en son sein un groupe de travail sur la régulation financière et monétaire internationale. Ce groupe, que j'avais l'honneur de présider, a rendu très récemment un rapport mettant précisément l'accent sur l'impérieuse nécessité pour nos pays de travailler en vue d'un renforcement de la régulation financière internationale et d'une réduction corrélative de ce que l'on appelle « les trous noirs » du système financier international. M. le rapporteur y a fait allusion, et j'y reviendrai dans quelques instants.
Par ailleurs, la commission des finances, saisie au fond du texte qui a abouti à la récente loi sur les nouvelles régulations économiques, a travaillé activement à mettre au point, avec les services du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, la partie de ce texte relative au blanchiment des capitaux.
Actuellement, nous voyons le terrorisme s'alimenter des outils de la globalisation et de la modernité. La globalisation des marchés financiers, l'usage de toutes les techniques les plus complexes qui ont permis le développement de ces marchés financiers, l'expansion remarquable de leur volume, la communication immédiate de place à place sont mis à profit par l'ensemble des opérateurs, et notamment par les opérateurs travaillant consciemment pour des intérêts terroristes.
Ce n'est nullement le fait du hasard si le régulateur boursier américain et d'autres régulateurs boursiers dans le monde ont déclenché des enquêtes au lendemain du 11 septembre. Des mouvements anormaux portant sur certaines catégories de titres avaient en effet été observés. Nous ne connaissons pas encore les conclusions des enquêtes qui ont été lancées, mais il est plus que vraisemblable que des informations ont été diffusées pour permettre à des personnes initiées de tirer le maximum de profits des actes de terrorisme et des discontinuités financières auxquelles ces actes devaient conduire.
C'est bien là, mes chers collègues, un fait susceptible de retenir notre attention : non seulement, cher collègue rapporteur, le terrorisme s'alimente de tous les canaux de la finance moderne et suppose, pour organiser des initiatives un peu partout simultanément dans le monde entier, des infrastructures, des investissements, des dépenses de toute nature visant à acquérir et à corrompre, et donc des budgets extrêmement importants, mais, de plus, les commandataires, avant toute intervention, pensent très probablement à laisser les bonnes instructions à ceux qui agissent pour leur compte, à la fois pour que les actes de terrorisme soient réalisés et pour que le profit maximum en soit tiré. Ce sont là des éléments qui nécessitent, de la part de la communauté internationale, une réaction efficace et à la mesure du danger.
Je voudrais tout d'abord rappeler, mes chers collègues, l'importance qui s'attache, en particulier aux yeux de la commission des finances, à une attitude active et coordonnée visant à identifier les trous noirs de la régulation financière internationale et à les réduire autant qu'il est possible.
Il est clair qu'existent des territoires conçus de manière à retirer le maximum de profit économique de l'absence de règles du jeu pour ce qui est des transactions financières, de l'implantation des banques et du développement de leurs activités. Ces territoires offshore sont des points de passage de nombre de transactions et de beaucoup de choses, même si un grand nombre de ces transactions n'ont pas, Dieu merci ! un caractère délictueux. Mais les facteurs de facilité qu'apportent ces territoires peuvent être utilisés, voire détournés pour toutes sortes d'objectifs extrêmement différents les uns des autres.
Je prendrai simplement un exemple qui est bien connu de l'Organisation mondiale du commerce, l'OMC, et du ministre délégué chargé des affaires européennes ici présent : la pratique américaine pour encourager financièrement les exportations des grandes sociétés a, jusqu'à une période très récente, utilisé de manière systématique les facturations intermédiaires grâce à l'existence de certains territoires offshore de la zone des Antilles en particulier. Ce système d'encouragement aux exportations américaines bénéficiant aux très grands groupes, aux très grandes corporations américaines, a été attaqué par l'Union européenne devant l'organe de règlement des différends de l'OMC qui l'a condamné, ce qui est un succès à la fois juridique, économique et diplomatique pour l'Union européenne. Nos excellents amis américains devront trouver d'autres procédures qui ne tomberont pas dans les mêmes travers tout en ayant les mêmes effets économiques et financiers. Il est clair que la communauté internationale doit avoir une attitude coordonnée vis-à-vis de ces centres offshore . Il ne faut pas les critiquer d'un côté et être heureux de s'en servir de l'autre.
Il importe que les principaux Etats de l'Union européenne - commençons à parler de ce qui nous concerne plus directement - aient une vision plus volontariste des objectifs à atteindre. Il faut naturellement, tout d'abord, que chacun balaie devant sa propre porte. Certes, monsieur le rapporteur, vous avez totalement raison, nos amis britanniques ont probablement beaucoup à balayer devant leur porte. Mais la France elle-même n'est pas complètement indemne, et peut-être y a-t-il lieu d'analyser les transactions qui se font du côté de Saint-Martin et Saint-Barthélemy...
Peut-être y a-t-il aussi lieu, toujours en ce qui nous concerne, d'examiner comment se sont déroulées certaines des opérations que la commission des finances a examinées récemment, et notamment celles qui mettent en cause la Russie.
Nous nous situions dans la période qui a juste précédé les mouvements financiers de 1998. Vous vous souvenez, monsieur le ministre, de l'affaire de la FIMACO : un établissement bancaire français, soumis au régulateur français, a sans doute servi de plaque tournante ou de donneur d'ordres pour des opérations qui ont ensuite transité par Guernesey avant de refluer vers le marché russe des titres d'Etat.
Nous avons décortiqué ces opérations et nous avons observé que, si chacun, à son niveau, faisait sans doute ce qu'il pouvait administrativement, il le faisait sans trop de coordination, si bien que les résultats pouvaient susciter beaucoup de questions.
Je n'en dirai pas plus sur ce thème. Il ne s'agit que d'un des exemples relevés par la commission des finances ; mais il montre, monsieur le ministre, qu'en ce domaine et sur des affaires de cette nature personne n'est jamais complètement indemne et personne n'est jamais ni complètement efficace ni complètement vertueux, il faut le reconnaître.
Rechercher dans les enceintes internationales le moyen de contrôler les activités des centres offshore et de réduire leur volume d'activité est donc un impératif pour les principaux gouvernements d'Europe et du monde occidental. Le chemin risque, bien entendu, d'être long et semé d'embûches.
Je voudrais enfin indiquer que tous les efforts doivent être poursuivis afin de lutter contre le couple blanchiment-terrorisme.
La convention qui nous est soumise traite du terrorisme, mais le blanchiment est un tronc commun à de nombreuses opérations à finalité délictueuse ou criminelle. Et nous ne devons pas oublier, parmi nos préoccupations, l'urgente nécessité de lutter contre le trafic international de stupéfiants, puisqu'il est à l'origine d'une très grande partie, probablement de la majorité en volume, des flux de nature délictueuse dans le monde et, en particulier, de ceux qui relèvent du terrorisme.
Dans la récente loi sur les nouvelles régulations économiques, différentes mesures ont été prises qui vont, de notre point de vue, dans le bon sens - nous les avons d'ailleurs soutenues - qu'il s'agisse de l'extension de la liste des professions soumises à l'obligation de déclaration ou de la définition des types d'opération qui doivent faire l'objet d'une déclaration systématique, à savoir les opérations dont le donneur d'ordre ou le bénéficiaire restent d'une identité douteuse, les opérations qui sont réalisées avec des personnes agissant à travers des fonds fiduciaires ou autres instruments de gestion dont l'identité des constituants ou des bénéficiaires n'est pas établie, les opérations mentionnées par décret et visant les flux touchant des personnes physiques ou morales installées dans un certain nombre d'Etats ou de territoires considérés comme ne respectant pas toutes les règles du jeu.
Je le répète, tout cela va dans le bon sens, étant précisé que, bien sûr, dans l'application juridique des intentions ainsi exprimées, il faut se référer aux principes généraux de notre droit et, en particulier, faire jouer leur rôle aux critères de l'intentionnalité. Je note d'ailleurs que l'amendement du Gouvernement au présent texte de ratification fait à ces notions d'intentionnalité une place logique, conforme à notre droit.
On y relève plusieurs expressions : « dans l'intention de », « en sachant que », « en connaissance de cause », ce qui est conforme, je le répète, au respect des principes de notre droit pénal et rendra ce texte plus efficace et plus équitable que ne le sont certaines des dispositions actuellement en vigueur en matière de lutte contre le blanchiment.
Je voudrais encore insister, monsieur le ministre, sur ce qui me semble être une lacune.
La loi sur les nouvelles régulations économiques a prévu un comité de liaison réunissant les autorités de contrôle, les services de l'Etat impliqués dans la lutte contre le blanchiment et les professionnels soumis à l'obligation de déclaration. A ma connaissance, ce comité ne s'est pas encore réuni, n'a pas été « activé », et le décret devant préciser ses conditions de fonctionnement n'est pas élaboré. Je me permets de le souligner afin que l'administration fasse diligence.
Il convient d'être particulièrement vigilant sur l'utilisation de tous les moyens dont nous disposons contre le blanchiment et contre le terrorisme. En particulier, monsieur le ministre, la commission des finances souhaiterait que vous transmettiez à votre collègue de Bercy notre souci de voir renforcer les équipes de TRACFIN, car les flux d'informations, pour être traités, demandent une certaine technicité. Il n'est pas certain que l'on soit en mesure aujourd'hui, avec les moyens existants, de prendre en compte toutes les informations susceptibles d'aboutir à ce service.
Je voudrais enfin, monsieur le ministre, mes chers collègues, insister sur une remarque que nous avions faite, lors de l'examen du projet de loi sur les nouvelles régulations économiques, à propos du groupe d'action financière internationale, le GAFI, instance informelle, instance diplomatique qui devait élaborer une liste des pays non coopératifs. Je ne crois pas que l'efficacité du système ait été parfaite ; M. le rapporteur y faisait allusion tout à l'heure. Je ne crois pas que le Gouvernement doive tout attendre d'organismes internationaux aussi informels que celui-ci. Il est des prudences diplomatiques bien compréhensibles, mais dont la lutte contre le terrorisme s'accommodent mal, comme, d'ailleurs, la lutte contre les opérations de blanchiment ou la lutte contre les flux issus du trafic de stupéfiants.
Le Gouvernement et les pouvoirs publics français, appliquant des mesures particulières à certaines catégories d'opérations, voire aux opérations menées avec certains territoires, doivent prendre la responsabilité de publier la liste qui, à leurs yeux, semble être la plus pertinente.
Peut-être est-ce une suggestion que les diplomates n'apprécieront pas, mais à chacun son rôle ! Il n'est pas possible, dans ce domaine, de se lier les mains en fonction des recommandations d'une instance internationale informelle. Si l'on veut aller plus loin, plus vite, plus efficacement, il ne faut pas en rester aux listes issues d'un consensus international qui forcément, sauf peut-être dans les périodes de crise, est un consensus mou.
La lutte contre le terrorisme s'accommode mal de la mollesse. Peut-être la période dramatique que nous vivons depuis un mois a-t-elle, paradoxalement, l'avantage et l'intérêt de susciter une prise de conscience et de permettre aux Etats qui en ont le souci, au premier rang desquels se situe la France, d'apporter aux menaces pesant sur nous la réponse ferme et volontariste qui s'impose.
La convention dont vous nous proposez ce matin la ratification, monsieur le ministre, va dans le bon sens, mais il serait évidemment excessif de penser qu'une fois cette convention ratifiée tout sera satisfaisant. Bien au contraire ! C'est une pièce du puzzle parmi d'autres. D'autres pièces devront s'y ajouter. Beaucoup de ténacité, beaucoup d'énergie sont nécessaires au quotidien pour gagner des points dans cette guerre mondiale. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste et du RDSE, ainsi que sur certaines travées socialistes.)
M. le président. La parole est à Mme Bidard-Reydet.
Mme Danielle Bidard-Reydet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lorsque le projet de loi portant ratification de la convention internationale pour la répression du financement du terrorisme a été examiné en juin dernier par la commission des affaires étrangères du Sénat, nul n'aurait pu imaginer que sa discussion en séance plénière se déroulerait dans des circonstances aussi dramatiques.
Je pense, bien sûr, aux six mille victimes des attentats perpétrés le 11 septembre sur le sol américain.
Je pense également au peuple afghan, victime d'un islamisme radical, aveugle, et principalement aux femmes, dont on sait le lourd tribut qu'elles payent au régime des talibans.
L'horreur de ces derniers mois était inconcevable, inimaginable, et pourtant...
Et pourtant, le rapport de notre collègue Rouvière nous le rappelle dès la première page, l'identification d'Oussama Ben Laden en tant que commanditaire et financier du terrorisme international était connue.
A-t-on sous-évalué la capacité d'action et la détermination des terroristes, négligé les menaces ? Nous aurions besoin d'explications et d'éclaircissements, mais là n'est pas l'objet du présent débat.
Pour l'heure, je rappellerai, après d'autres orateurs, que la convention signée en mai 2000, à la suite des attentats de 1998 contre les intérêts américains en Afrique, présente une réelle originalité par rapport aux onze autres conventions internationales signées en matière de terrorisme depuis trente ans. En effet elle se situe en amont de l'acte terroriste même, pour se concentrer sur les moyens financiers destinés à le rendre possible.
Et je crois que c'est bien là que se trouve l'apport de la France dans la lutte contre le terrorisme, car notre pays a très tôt oeuvré contre les circuits financiers de la grande criminalité. La France est notamment à l'origine de la création du groupe d'action financière internationale spécialisé dans la lutte contre le blanchiment d'argent, le GAFI. Elle a d'ailleurs, je le rappelle, d'ores et déjà intégré une large part de recommandations du GAFI dans son droit interne : je pense à la loi relative à la lutte contre la corruption et surtout aux dispositions antiblanchiment contenues dans la loi sur les nouvelles régulations économiques.
J'ajoute que, dès le mois d'avril 2001, le gouvernement français avait entamé le processus de ratification de la convention. Il a, en outre, été l'un des premiers à ordonner le gel des avoirs financiers des sociétés liées à Ben Laden.
Peut-être notre pays a-t-il en effet plus rapidement pris conscience des ramifications financières du terrorisme international. Nos concitoyens en ont été les victimes directes : souvenons-nous des attentats de la rue de Rennes et de la Défense en 1986 ou des attentats des stations Saint-Michel et Port-Royal en 1995.
Les liens intrinsèques qu'entretiennent les trafiquants de drogue, les réseaux mafieux et les réseaux terroristes - sans même parler des réseaux sectaires - ne sont un mystère pour personne. Nombreuses ont été les dispositions prises à l'échelon international ou européen pour contrer la grande criminalité, qu'il s'agisse de la convention de Vienne de 1985 ou de la directive européenne anti-blanchiment de 1991.
La question de l'application de cette législation reste cependant posée. Robert Hue avait souhaité insister, dans son intervention à l'Assemblée nationale, sur la nécessité de mettre hors d'état de nuire le terrorisme partout où il se trouve, y compris dans nos grandes métropoles. Je ne peux oublier, en effet, que les rapports parlementaires de la mission de l'Assemblée nationale sur le blanchiment soulignent que ces pratiques se déroulent à nos portes et que l'opacité n'est pas l'apanage des centres offshore. Qu'il s'agisse de la Suisse, de Monaco, du Lichtenstein ou de la Grande-Bretagne, tous ces pays ont été remarqués pour leur tolérance à l'égard de l'argent sale.
Notre propre système de lutte, le TRACFIN, cellule de coordination chargée du traitement du renseignement et de l'action contre les circuits financiers clandestins, doit être évalué afin de tester son efficacité et son adaptation aux problèmes qui nous sont posés : je pense notamment au rapport remis l'année dernière au ministre de l'intérieur qui pointait la perméabilité de notre système et montrait que la France présentait « toutes les caractéristiques d'un pays attrayant pour l'argent préblanchi ».
La création d'une nouvelle cellule FINTER, chargée de la lutte contre le financement du terrorisme, réunissant les différents acteurs de la lutte contre les grands trafics, pour la transparence des comptes et la lutte contre le blanchiment d'argent, est, de ce point de vue, une initiative intéressante.
Car nous savons aussi que le terrorisme emprunte des réseaux légaux pour son financement et que tous les « trous noirs du système financier international », pour reprendre l'expression employée par M. le Premier ministre, donnent la mesure de l'ampleur et de la complexité de la lutte.
C'est sur ce plan que la convention ouvre les perspectives les plus novatrices, en appréhendant la question du financement du terrorisme non sur l'origine - légale ou illégale - des fonds, mais exclusivement sur leur destination.
Cette « infraction de financement » est par ailleurs conçue de manière très large puisque la simple connaissance de l'utilisation potentielle des fonds à des fins terroristes suffit à la constituer, de même que la tentative. Le régime des sanctions est également particulièrement efficace dans la mesure où sont prévus la responsabilité des personnes morales ainsi que le gel et la confiscation des fonds utilisés.
Mais il est évident que le travail lent et minitieux contre le financement du terrorisme international devra nous mener plus loin. On ne pourra pas faire l'impasse d'une réflexion plus approfondie sur le fonctionnement du libéralisme, qui, loin de combler les fractures, accroît les inégalités tant économiques qu'humaines.
Il est clair que le monde a changé depuis le 11 septembre, et ce changement appelle de nouvelles réponses. J'en veux pour preuve l'évolution radicale du gouvernement américain en faveur de la transparence des transactions financières internationales : alors que celui-ci était, jusqu'à présent, particulièrement réticent à l'égard des initiatives tendant au contrôle des paradis fiscaux offshore et dubitatif sur le rôle du GAFI, nous entendons aujourd'hui George W. Bush se prononcer en faveur d'une coopération et d'une réglementation internationale renforcées.
La coopération internationale constitue, c'est l'évidence, une des clés de la lutte contre le financement du terrorisme. Il est clair, en particulier, que l'entraide doit être renforcée ; de ce point de vue, les textes élaborés doivent être discutés, ratifiés et appliqués.
Cependant, cette coopération ne sera productive qu'à condition que la détermination ne soit pas circonstancielle, qu'elle se maintienne dans tous les secteurs et qu'elle ne s'exerce pas à sens unique.
Plus encore, nous avons besoin d'une nouvelle réglementation économique. J'ai évidemment en tête quelques-unes des avancées de la loi sur les nouvelles régulations économiques, la loi NRE, notamment le placement sous surveillance des transactions réalisées avec des personnes utilisant des techniques opaques - sociétés écrans, voire fonds fiduciaires - ou des services offerts avec les centres offshore non coopératifs, ainsi que la restriction des opérations financières en direction comme en provenance des territoires non coopératifs désignés par le GAFI.
Je pense également aux procédures d'identification des actionnaires dont la loi NRE a renforcé le mécanisme en décidant la suppression du droit de vote et des dividendes pour les actionnaires préférant l'obscurité à la transparence.
D'autres mesures, plus radicales, doivent être engagées : malgré les résistances de certains, nous continuons de plaider pour la suppression pure et simple des paradis fiscaux et l'institution de la taxe Tobin. De telles mesures, en effet, en privilégiant la transparence, permettraient une « traçabilité » des capitaux financiers dont on mesure bien l'enjeu aujourd'hui.
M. Emmanuel Hamel. Très bien !
Mme Danielle Bidard-Reydet. La remise à plat du droit international des sociétés doit être mis à l'ordre du jour ; le travail sera long, il devra être minutieux et persévérant ; il dépendra avant tout d'une volonté politique forte ; mais il est nécessaire.
Cette volonté politique, le Gouvernement l'a : l'amendement qu'il a déposé le montre, car les dispositions qu'il contient vont dans le sens d'un renforcement de la réglementation, qui, outre le délit de financement du terrorisme, vise également le délit d'initié ou de blanchiment terroriste et prévoit de renforcer les moyens d'instruction des pôles spécialisés.
Notre approbation au fond ne doit pas cependant nous dispenser d'une réflexion sur la forme. Je crois que, symboliquement, il nous faut rester très strictement dans le cadre de l'état de droit. D'ailleurs, la navette parlementaire, avec un examen approfondi de l'Assemblée nationale, permettra probablement d'améliorer le texte.
C'est la force de la démocratie que de se soumettre au droit, de privilégier, en tous lieux et en toutes circonstances, le droit sur la force. C'est pourquoi je ne puis qu'être extrêmement réservée sur le recours à des procédures et des mesures d'exception.
C'est sous cette seule réserve que le groupe communiste républicain et citoyen approuvera le projet de loi de ratification qui va dans le sens d'une lutte efficace et réelle contre le terrorisme. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes. - M. Hamel applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'examen de ce projet de loi s'inscrit opportunément dans le contexte international actuel. Outre la riposte armée, la répression du financement du terrorisme est en effet une des réponses indispensables aux attentats effrayants et inacceptables perpétrés le 11 septembre dernier aux Etats-Unis. J'y ajouterai l'attentat du 9 septembre qui a coûté la vie au commandant Massoud, les commanditaires étant les mêmes. Ces derniers disposaient évidemment des moyens financiers nécessaires pour frapper les intérêts américains.
Cette convention internationale constituait à l'origine une réponse aux attentats de juillet 1998 contre les ambassades américaines de Dar es-Salam et Nairobi, dans lesquels Oussama Ben Laden était déjà directement impliqué.
Le calendrier démontre la forte mobilisation de la communauté internationale sur ce sujet. Les délais très courts - moins d'un an et demi s'est écoulé entre l'initiative française et la signature de la convention - témoignent de la volonté politique internationale de lutter contre le terrorisme.
La variété des sources de financement est indispensable pour cette forme de guerre ; la lutte contre le financement du terrorisme devra s'inscrire dans la durée.
Je ne développerai pas les dispositions contenues dans cette convention mais mentionnerai simplement qu'elles peuvent être efficaces pour deux raisons : elles sanctionnent les donneurs d'ordre comme les complices, à tous les niveaux, et mettent en place un mécanisme d'entraide judiciaire le plus large possible. En particulier, le secret bancaire ne pourra plus être invoqué.
L'Europe, parce qu'elle dispose de places boursières reconnues internationalement et de réseaux bancaires prestigieux, a une obligation d'exemplarité. En effet, ces établissements, qui ont une excellente réputation, peuvent tout à fait être instrumentalisés par les réseaux terroristes.
Un pays comme la Suisse, même s'il ne postule pas à l'Union européenne, doit être ouvert à toute demande d'informations bancaires.
L'Union, en cours d'élargissement, doit se montrer particulièrement vigilante. Il faut ainsi que Chypre, pays candidat qui compte de nombreux établissements bancaires, applique scrupuleusement l'acquis communautaire en matière de transparence financière.
En votant ce projet de loi, le Sénat permettra à la France d'être le quatrième Etat du monde à ratifier la présente convention, gardant ainsi sa position d'initiateur.
Les Etats-Unis, eux, ne l'ont pas encore ratifiée. Ils savent pourtant que c'est leur intérêt et leur devoir à l'égard des victimes du 11 septembre. Espérons qu'ils le feront dans les meilleurs délais.
Le choix, par un Etat, de ratifier ou non cette convention sera un test de sa volonté de travailler de manière effective, au-delà des mots, à l'éradication du terrorisme international.
En mémoire de toutes les victimes du terrorisme aux Etats-Unis, mais aussi en France, fixons-nous comme objectif la mise en oeuvre de cette convention au 1er janvier 2002. Et puisque, pour cela, la ratification par vingt-deux Etats signataires est nécessaire, la France pourrait utilement lancer une campagne d'adhésion et de ratification, afin que la lutte contre le terrorisme atteigne une dimension véritablement internationale. (Applaudissements.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.

Article unique



M. le président.
« Article unique. - Est autorisée la ratification de la convention internationale pour la répression du financement du terrorisme, signée à New York le 10 janvier 2000, et dont le texte est annexé à la présente loi. »
Je vais mettre aux voix l'article unique du projet de loi.
M. Guy Penne. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Penne.
M. Guy Penne. Ce projet de loi arrive à point nommé pour manifester la ferme volonté qu'a notre pays de combattre le fléau terroriste jusqu'aux sources financières qui lui permettent de proliférer.
Cette convention, notre rapporteur l'a signalé, est un texte qui, proposé par la France dès 1998, a été adopté par les Nations unies le 9 décembre 1999.
Elle s'inscrit dans le cadre de l'ensemble du droit international antiterroriste ; elle introduit un saut qualitatif dans la lutte contre le financement du terrorisme.
Elle doit permettre de réprimer la préparation des actes terroristes dès leur financement, de favoriser une entraide judiciaire renforcée, de condamner toutes les modalités de financement du terrorisme et de promouvoir la coopération internationale.
Nous allons donc adopter ce texte en espérant que d'autres nations vont rapidement faire de même, car ces dispositions deviennent urgentes.
A mon humble avis, la communauté internationale a trop tardé à comprendre la nécessité de combattre les sources de financement du terrorisme. De même que pour la lutte contre le blanchiment de l'argent du crime, la lenteur complice de certains pays sert les intérêts des criminels, qu'ils soient terroristes, trafiquants de drogue ou autres.
Plusieurs mesures ont été prises depuis le 11 septembre dernier. C'est bien, mais c'est insuffisant !
Il faut s'attaquer partout à l'opacité des circuits financiers internationaux qui permet aux terroristes de faire circuler leur argent. Nous savons que la difficulté est grande pour faire la transparence sur ces circuits, mais nous savons aussi que, sans transparence financière et sans les moyens de la contrôler, toutes les conventions resteront des voeux pieux !
Dans le cas du financement du terrorisme, il s'agit, dans la plupart des cas, de convertir de « l'argent propre » en argent utilisable pour commettre un crime terroriste. Dans le cas de « blanchiment traditionnel », il s'agit d'argent sale qui doit devenir propre. Ces deux processus peuvent d'ailleurs utiliser les mêmes circuits à un moment donné, mais le sens du flux n'est pas le même et peut être inversé.
Il faut donc des outils appropriés, adaptés à ce type de trafic. Il faut se donner les moyens d'aller enquêter là où l'argent suspect circule. Mais alors, quid du secret bancaire ?
La question des paradis fiscaux demeure entière. Si l'on veut faire avancer efficacement ce dossier, il faudra se pencher sur le statut criminogène des centres financiers offshore . Des Etats qui ne veulent pas contrôler les transactions existant dans ces centres financiers permettent que ceux-ci deviennent alors des « nids » acceptables pour l'argent sale.
Les entités économiques et financières qui tirent profit de ce système opaque n'ont aucun intérêt à le rendre transparent. En revanche, pour les Etats, cela devient une priorité, aussi bien pour combattre le terrorisme que pour traquer l'argent noir et pour récupérer une fiscalité qui leur échappe. Cependant, il faut constater que certains grands Etats contrôlent de manière directe ou indirecte l'existence de ces centres offshore .
L'ONU estime à 5 000 milliards de dollars le total des capitaux occultes domiciliés dans les centres offshore.
Voilà encore quelques semaines, les Etats-Unis refusaient toutes les contraintes sur la circulation financière. Les choses ont changé et les Américains savent maintenant qu'il est trop dangereux de laisser faire sans contrôle aucun.
Il convient donc de replacer cette convention dans le contexte des efforts nouveaux et récents qui sont réalisés pour combattre, détecter et prévenir l'utilisation du système financier mondial par les terroristes. Cela doit être fait dans le cadre des mesures déjà prises par la communauté internationale pour lutter contre le blanchiment de capitaux, en essayant d'aller au-delà.
Le groupe socialiste votera ce projet de loi avec la conviction que le Gouvernement a eu raison de proposer ce texte aux Nations unies. Notre vote est aussi un encouragement à poursuivre les efforts en la matière.
Le volet financier de la lutte contre le terrorisme est d'une grande importance : n'oublions pas que, si « l'argent est le nerf de la guerre », l'argent sale est le nerf d'une sale guerre ! (Applaudissements.)
M. Jean-Claude Carle. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Carle.
M. Jean-Claude Carle. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le présent débat, comme celui que nous avons eu hier, nous a permis de rappeler combien il était urgent de combattre le terrorisme par tous les moyens, en particulier au niveau du financement des organisations terroristes.
Les dispositions qui sont contenues dans ce texte complètent et affinent encore le cadre juridique de la lutte contre le terrorisme au moment où, plus que jamais, nous devons mener cette lutte avec ardeur et détermination.
C'est la raison pour laquelle notre groupe votera ce texte.
M. Michel Caldaguès. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Caldaguès.
M. Michel Caldaguès Le groupe du RPR approuve pleinement cette convention qui, c'est le moins que l'on puisse dire, répond à une actualité brûlante.
L'argent est le nerf de la guerre, et nous nous trouvons bien en présence d'une sorte de guerre. Par conséquent, il faut tenter d'éliminer tous les moyens par lesquels cette guerre peut s'alimenter pour semer le désordre et la terreur.
Mais il ne s'agit pas seulement d'une question de texte. Certes, il faut voter des textes, mais se pose également une question de comportement à l'égard de tous ceux qui alimentent le terrorisme, à l'égard de toutes les connivences sur lesquelles le terrorisme peut s'appuyer. C'est, je crois, une tâche de tous les jours. Nous serons vigilants à ce sujet ! (Applaudissements.)
M. le président. Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(L'article unique est adopté.)
M. le président. Je constate que l'article unique a été adopté à l'unanimité.

Article additionnel après l'article unique



M. le président.
L'amendement n° 1, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Après l'article unique, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article 421-1 du code pénal est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« 6° Les infractions de blanchiment prévues au chapitre IV du titre II du livre III du présent code ;
« 7° Les délits d'initié prévus à l'article L. 465-1 du code monétaire et financier. »
« II. - Il est inséré, après l'article 421-2-1 du même code, un article 421-2-2 ainsi rédigé :
« Art. 421-2-2. - Constitue également un acte de terrorisme le fait de financer une entreprise terroriste en fournissant, en réunissant ou en gérant des fonds, des valeurs ou des biens quelconques ou en donnant des conseils à cette fin, dans l'intention de voir ces fonds, valeurs ou biens utilisés ou en sachant qu'ils sont destinés à être utilisés, en tout ou partie, en vue de commettre l'un quelconque des actes de terrorisme prévus au présent chapitre, indépendamment de la survenance éventuelle d'un tel acte. »
« III. - L'article 421-5 du même code est ainsi modifié :
« 1° Au début du premier alinéa, les mots : "L'acte de terrorisme défini à l'article 421-2-1 est puni" sont remplacés par les mots : "Les actes de terrorisme définis aux articles 421-2-1 et 421-2-2 sont punis" ;
« 2° Il est inséré, dans le premier alinéa, un alinéa ainsi rédigé :
« La tentative du délit défini à l'article 421-2-2 est punie des mêmes peines. » ;
« 3° Dans le dernier alinéa, les mots : "au délit prévu" sont remplacés par les mots : "aux délits prévus".
« IV. - Il est inséré, après l'article 422-5 du code pénal, deux articles 422-6 et 422-7 ainsi rédigés :
« Art. 422-6 . - Les personnes physiques ou morales reconnues coupables d'actes de terrorisme encourent également la peine complémentaire de confiscation de tout ou partie de leurs biens quelle qu'en soit la nature, meubles ou immeubles, divis ou indivis.
« Art. 422-7 . - Le produit des sanctions financières ou patrimoniales prononcées à l'encontre des personnes reconnues coupables d'acte de terrorisme est affecté au fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions. »
« V. - L'article 706-15 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L'instruction des actes de terrorisme définis aux 5° à 7° de l'article 421-1 du code pénal et à l'article 421-2-2 de ce même code peut être confiée, le cas échéant dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 83, à un magistrat du tribunal de grande instance de Paris affecté aux formations d'instruction spécialisées en matière économique et financière en application des dispositions du dernier alinéa de l'article 704. »
« VI. - Il est inséré, après l'article 706-24-1 du même code, un article 706-24-2 ainsi rédigé :
« Art. 706-24-2 . - En cas d'information ouverte pour une infraction entrant dans le champ d'application de l'article 706-16, et afin de garantir le paiement des amendes encourues, ainsi que l'exécution de la confiscation prévue à l'article 422-6 du code pénal, le juge des libertés et de la détention peut, sur requête du procureur de la République, ordonner, aux frais avancés du Trésor et selon les modalités prévues par le code de procédure civile, des mesures conservatoires sur les biens de la personne mise en examen.
« La condamnation vaut validation des saisies conservatoires et permet l'inscription définitive des sûretés.
« La décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement emporte de plein droit, aux frais du Trésor, mainlevée des mesures ordonnées. Il en est de même en cas d'extinction de l'action publique.
« Pour l'application des dispositions du présent article, le juge des libertés et de la détention est compétent sur l'ensemble du territoire national. »
« VII. - Il est inséré, après l'article 689-9 du même code, un article 689-10 ainsi rédigé, qui sera applicable à la date d'entrée en vigueur de la convention internationale pour la répression du financement du terrorisme ouverte à la signature à New York, le 10 janvier 2000 :
« Art. 689-10 . - Pour l'application de la convention internationale pour la répression du financement du terrorisme, ouverte à la signature à New York, le 10 janvier 2000, peut être poursuivie et jugée dans les conditions prévues à l'article 689-1 toute personne coupable d'un crime ou d'un délit défini par les articles 421-1 à 421-2-2 du code pénal lorsque cette infraction constitue un financement d'actes de terrorisme au sens de l'article 2 de ladite convention. »
« VIII. - L'article L. 465-1 du code monétaire et financier est ainsi modifié :
« 1° Dans le deuxième alinéa, les mots : "de six mois d'emprisonnement et de 100 000 francs d'amende" sont remplacés par les mots : "d'un an d'emprisonnement et de 150 000 euros d'amende" ;
« 2° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Est puni d'un an d'emprisonnement et d'une amende de 150 000 euros dont le montant peut être porté au-delà de ce chiffre, jusqu'au décuple du montant du profit réalisé, sans que l'amende puisse être inférieure à ce même profit, le fait pour toute personne autre que celles visées aux deux alinéas précédents, possédant en connaissance de cause des informations privilégiées sur la situation ou les perspectives d'un émetteur dont les titres sont négociés sur un marché réglementé ou sur les perspectives d'évolution d'un instrument financier admis sur un marché réglementé, de réaliser ou de permettre de réaliser, directement ou indirectement, une opération ou de communiquer à un tiers ces informations, avant que le public en ait connaissance. Lorsque les informations en cause concernent la commission d'un crime ou d'un délit, les peines encourues sont portées à sept ans d'emprisonnement et à 1 500 000 euros si le montant des profits réalisés est inférieur à ce chiffre. »
« IX. - Les dispositions du présent article sont applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, dans les îles Wallis-et-Futuna et dans les Terres australes et antarctiques françaises.
« L'article 450-1 du code pénal, dans sa rédaction issue de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques, et l'article 450-2-1 du code pénal, créé par la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 précitée et modifié par le V ci-dessus, sont applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, dans les îles Wallis-et-Futuna, dans les Terres australes et antarctiques françaises et à Mayotte. »
La parole est à M. le ministre.
M. Pierre Moscovici, ministre délégué. Je veux tout d'abord remercier la Haute Assemblée de son vote unanime, qui marque bien l'importance qu'elle attache à la lutte contre le terrorisme.
J'ai bien noté votre insistance au sujet de la mise en oeuvre pratique de ces dispositions et de la détermination qui doit être la nôtre pour combattre ce fléau.
Je remercie le Sénat du travail accompli, en particulier par sa commission des affaires étrangères et par sa commission des lois, mais je n'aurai garde d'oublier sa commission des finances.
Je salue tout spécialement le travail de votre rapporteur, M. Rouvière, notamment sur cet amendement, puisque la commission des affaires étrangères a accepté d'y travailler en urgence compte tenu des circonstances.
Je constate, sur l'amendement n° 1, un large accord sur le fond. Cet amendement vise, je le rappelle, à transcrire en droit interne certaines obligations internationales en matière de lutte contre le terrorisme.
Le contenu de cet amendement est extrêmement important, mais le Gouvernement n'ignore pas qu'une discussion juridique a surgi sur le moyen le plus adapté pour inclure ces modifications dans notre code pénal. J'ai entendu, sur ce point, l'observation de Mme Bidard-Reydet, et je sais que cette observation est partagée par d'autres sénateurs, notamment par certains membres de la commission des lois.
Pourquoi le Gouvernement a-t-il déposé cet amendement ? Je le disais dans mon intervention liminaire, à circonstances exceptionnelles, procédures exceptionnelles. Et il nous semblait, en vérité, à l'analyse du droit, qu'il était possible de procéder ainsi. Si nous ne l'avions pas pensé, nous n'aurions pas déposé cet amendement !
En même temps, on nous opposait d'autres arguments sur le caractère pour le moins inhabituel, j'en conviens, d'une telle procédure et sur le risque de précédent qui aurait pu être fâcheux dans des circonstances différentes de celles qui, à l'évidence, nous rassemblent aujourd'hui.
Dans ces conditions, tout bien réfléchi et compte tenu des rapports que le Gouvernement souhaite entretenir avec le Parlement, non seulement dans cette période mais plus généralement, je ne ferai pas de cette question une question de principe.
Le Gouvernement se félicite de l'accord sur le fond du Sénat, mais il est prêt à retirer son amendement et en reprendre le contenu dans un amendement au projet de loi sur la sécurité quotidienne, qui sera examiné par le Sénat mardi prochain. Nous pourrons ainsi concilier la cohérence juridique et la rapidité.
Je retire donc l'amendement n° 1, et je fais tout à fait confiance à la sagesse et à la célérité du Sénat pour intégrer dans notre droit interne ces dispositions, que je considère tout à fait importantes. (Applaudissements.)
M. le président. L'amendement n° 1 est retiré.
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)
M. le président. Je constate que le projet de loi a été adopté à l'unanimité.

3

ACCORD ENTRE LA COMMUNAUTÉ EUROPÉENNE ET LA SUISSE SUR LA LIBRE CIRCULATION DES PERSONNES

Adoption d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 380, 2000-2001) autorisant la ratification de l'accord entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la Confédération suisse, d'autre part, sur la libre circulation des personnes. [Rapport n° 439 (2000-2001).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le développement de la coopération entre l'Union européenne et la Confédération helvétique constitue une priorité et une nécessité, pour l'Union comme pour nos voisins suisses. Aussi ne pouvait-on concevoir qu'il puisse être durablement entravé par l'échec du référendum suisse de décembre 1992, c'est-à-dire par le rejet de la ratification du traité de Porto instituant l'Espace économique européen, et par le gel subséquent de la candidature de la Confédération à l'Union. Il y aurait, en effet, quelque paradoxe à ce que l'Union mette en oeuvre avec la Suisse des accords de coopération moins poussés qu'avec un certain nombre d'Etats extra-européens, alors qu'il s'agit d'un de ses voisins les plus proches - on pourrait même dire le plus proche - et d'un de ses principaux partenaires.
Voilà pourquoi l'Union européenne et la Confédération helvétique ont engagé des négociations bilatérales en décembre 1994 en vue de l'élargissement à la Suisse de l'acquis communautaire dans un nombre limité de domaines. Celles-ci ont abouti à la signature de sept accords, à Luxembourg, le 21 juin 1999.
Seul l'accord relatif à la libre circulation des personnes doit faire l'objet d'une procédure de ratification nationale. En effet, il est de nature « mixte » sur le plan juridique, dans la mesure où il relève à la fois de la compétence de l'Union et des Etats membres, alors que les six autres relèvent de la seule compétence communautaire. Toutefois, ces sept accords sont liés par une clause d'entrée en vigueur simultanée et forment donc un même ensemble.
Ces accords présentent un intérêt intrinsèque évident, et je vais y revenir plus en détail. Toutefois, je voudrais commencer par insister sur le fait qu'ils ont une portée globale.
D'abord, ils ouvrent la voie à de nouvelles avancées. Par exemple, comme vous le savez, le succès du projet de directive sur la fiscalité de l'épargne, qui devrait être adopté à la fin de l'année prochaine, dépend de l'issue de négociations avec un certain nombre de pays tiers. Plusieurs Etats membres de l'Union ont en effet explicitement soumis leur ralliement à ce projet, auquel la France est très attachée, à la condition que les discussions avec notre voisin helvétique sur ce chapitre fassent des progrès décisifs. Or il ne fait pas de doute que l'entrée en vigueur des accords entre l'Union européenne et la Suisse représente elle-même, en quelque sorte, un préalable à de tels progrès.
Ensuite, ces accords constituent, à l'évidence, une étape essentielle dans le rapprochement entre la Suisse et l'Union européenne. A terme, ils préparent le terrain à une éventuelle reprise - souhaitée, nous le savons, par le Conseil fédéral - de la procédure d'adhésion de la Suisse à l'Union. L'expérience prouve clairement que cette stratégie de rapprochement progressif est la meilleure.
J'en viens maintenant au contenu de ces accords.
L'accord sur la libre circulation des personnes vise principalement à étendre à la Suisse les règles en vigueur au sein de l'Union européenne - c'est-à-dire le principe d'égalité de traitement et de non-discrimination en fonction de la nationalité - dans l'exercice de toute une série de droits fondamentaux, notamment les droits d'entrer, de résider, d'étudier, de travailler et de s'établir comme indépendant.
Cet accord facilitera considérablement l'accès des travailleurs français au marché de l'emploi suisse en supprimant peu à peu tout contingentement. La proximité géographique et linguistique de nos deux pays leur donnera même, me semble-t-il, un avantage évident. Rappelons que le taux de chômage en Suisse est inférieur à 2 %. En outre, l'accord améliorera sensiblement la situation des Français travaillant en Suisse, qui sont aujourd'hui au nombre de 74 000 et représentent ainsi la moitié de tous les frontaliers ayant un emploi en Suisse. Ceux-ci pourront notamment changer librement d'emploi, de profession, de lieu de travail ou de séjour.
Un des progrès les plus notables par rapport au régime actuellement en vigueur entre nos deux pays a trait à la coordination des systèmes de sécurité sociale. L'accord permettra notamment le maintien des droits acquis et la totalisation des périodes de cotisation.
Je veux m'arrêter quelques instants sur la délicate question de l'assurance maladie des travailleurs frontaliers, qui a suscité beaucoup d'intérêt et, parfois, beaucoup d'inquiétudes chez les personnes concernées.
L'accord pose le principe, conformément à la règle communautaire, d'une affiliation au régime du pays d'emploi. Cependant, il a prévu la possibilité de dérogations afin de tenir compte des spécificités nationales.
Cette question est très sensible, le Gouvernement a donc pris l'initiative d'une concertation approfondie avec les associations représentant ces travailleurs frontaliers de même qu'avec les élus des départements concernés. Il a également demandé un rapport sur ce sujet à trois spécialistes du droit social : Mme Marie-Ange Moreau, M. Dominique Nazet-Allouche et Mme Rolande Ruellan qui lui a été remis en octobre 2000.
Sur la base de ces discussions et de cette réflexion, le Gouvernement a annoncé, en juin dernier, son intention de demander au comité mixte compétent l'exercice de ce droit d'option dès que possible, c'est-à-dire immédiatement après l'entrée en vigueur de l'accord. Cela signifie que la possibilité sera laissée aux frontaliers qui en feront la demande de ne pas adhérer au régime fédéral suisse d'assurance maladie.
Il restait à préciser le type d'assurance auquel les travailleurs frontaliers pourraient avoir recours en France. Il s'agira de la couverture maladie universelle dite de « résidence », créée par la loi du 27 juillet 1999, qui a vocation à accueillir tous les résidents français non couverts par un régime obligatoire, mais aussi, pendant une période transitoire de sept ans, d'une assurance auprès d'une compagnie privée. Le Gouvernement a donc entendu, une fois de plus, le souhait exprimé par de nombreux frontaliers et par leurs représentants.
La consultation des différentes associations de frontaliers réunies au début de la semaine par mes services et par ceux de Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité a d'ailleurs permis de montrer que cette formule devrait - je parle avec prudence, mais aussi avec confiance - recueillir un large consensus auprès des intéressés. Je crois donc que, conformément à ses engagements, le Gouvernement a trouvé, par la concertation, un compromis satisfaisant entre les règles communautaires, les principes qui fondent notre sécurité sociale nationale et les revendications légitimes des travailleurs concernés. En plus de la révision de l'accord, l'ensemble de ce dispositif exigera certaines adaptations législatives.
Comme je le disais, la ratification de l'accord de libre circulation des personnes permettra par ailleurs l'entrée en vigueur des six autres accords, relatifs, respectivement, aux échanges de produits agricoles, à la reconnaissance mutuelle en matière de conformité, aux marchés publics, aux transports terrestres, au transport aérien ainsi qu'à la coopération scientifique.
Au total, les accords bilatéraux Union européenne-Suisse se traduiront par une intensification de la coopération et des échanges entre la Suisse et l'Union, entre la Suisse et la France, dont les effets seront globalement bénéfiques pour toutes les parties, notamment dans les régions frontalières.
Nos partenaires de l'Union ont reconnu l'importance de ces accords. Le Parlement européen a donné son avis conforme le 4 mai 2000, et, à ce jour, douze Etats membres de l'Union européenne ont ratifié l'accord sur la libre circulation des personnes. En le faisant à son tour cet automne, la France devrait lui permettre d'entrer en vigueur au tout début de 2002.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les raisons pour lesquelles j'ai l'honneur, au nom du Gouvernement, de solliciter de la part de votre Haute Assemblée l'approbation de ce projet de loi, en application de l'article 53 de la Constitution. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Guy Penne, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la compréhension de cet accord entre l'Union européenne et la Suisse requiert quelques explications liminaires, que je me suis attaché à synthétiser le plus possible.
La première question qui se pose est de savoir pourquoi le Parlement est uniquement saisi de l'accord sur la libre circulation des personnes, alors que c'est un ensemble de sept accords sectoriels qui a été conclu entre l'Union européenne et la Suisse le 21 juin 1999.
L'accord sur la libre circulation des personnes est le seul à être soumis à la ratification des parlements nationaux, car il porte sur un domaine dit « mixte », c'est-à-dire dont la compétence relève, du fait des traités européens en vigueur, à la fois de l'Union et des Etats membres.
Les six autres accords sont de la seule compétence communautaire. Ils portent sur les transports terrestres et les transports aériens, sur la coopération scientifique et technologique, sur les marchés publics, sur les échanges de produits agricoles et sur la reconnaissance mutuelle de l'évaluation de la conformité de divers produits industriels.
L'entrée en vigueur de ces six accords sectoriels dépend de l'achèvement des procédures de ratification de l'accord sur la libre circulation des personnes. Cet ensemble d'accords a déjà été ratifié par la Suisse au mois d'octobre 2000. Pour les membres de l'Union européenne, les ratifications sont achevées dans douze pays, et en cours d'examen en France, en Belgique et en Irlande.
Nous nous situons donc en « queue de peloton », et c'est la raison pour laquelle nous examinons aujourd'hui ce texte, qui a été adopté par le Conseil des ministres du 13 juin dernier, soit deux ans après sa signature. Ce long délai entre la signature et l'adoption par le Gouvernement est, pour une large part, dû à la nécessité pour celui-ci de prendre en compte la spécificité des modalités de couverture sociale des travailleurs frontaliers, vous les avez évoquées, monsieur le ministre. Ceux-ci étaient, en effet, peu favorables à la perspective d'une affiliation obligatoire au régime suisse d'assurance maladie, qui découlait de l'accord.
A ce stade de mon intervention, je procéderai à un bref rappel historique des relations entre l'Union européenne et la Suisse, marquées par la défiance qu'a manifestée à plusieurs reprises la population suisse envers l'adhésion à l'Union européenne.
Il est vrai que la tradition ancestrale de neutralité de ce peuple le tient à l'écart de nombreuses organisations internationales, dont l'ONU. Sur ce point, cependant, une initiative populaire a reçu l'approbation, le 19 septembre dernier, du Parlement suisse.
La Suisse a cependant adhéré, en 1960, à l'Association européenne de libre échange, l'AELE, alors constituée par le Royaume-Uni pour regrouper les pays européens ne souhaitant pas se joindre au traité de Rome. Cette structure s'est progressivement vidée de ses membres au profit de l'Union européenne et ne compte plus, à l'heure actuelle, que quatre membres : la Suisse, l'Islande, le Liechtenstein et la Norvège.
L'AELE a conclu, en 1972, un accord de libre-échange avec la Communauté économique européenne pour améliorer les relations commerciales mutuelles. Vingt ans plus tard, la CEE devenant économiquement très attractive, l'AELE a conclu un nouvel accord avec elle, instituant l'Espace économique européen, l'EEE. Soumis à référendum en Suisse le 6 décembre 1992, cette adhésion à l'EEE a été rejetée par 50,3 % des voix contre 49,7 %. En conséquence de ce rejet, la Suisse devient le seul Etat membre de l'AELE non membre de l'EEE, l'accord entrant en vigueur pour les autres Etats de l'AELE en 1994. Ce rejet a également conduit à un gel de la demande d'adhésion à l'Union européenne que la Suisse avait déposée en mai 1992.
La conclusion d'accords sectoriels entre l'Union européenne et la Suisse apparaît donc comme un palliatif au relatif isolement économique de cette dernière consécutif à ce rejet de 1992.
Comme plusieurs Etats déjà membres de l'Union européenne, la Suisse est marquée par une certaine méfiance envers les modalités de construction de l'Union, jugée trop technocratique. Certes, la classe dirigeante, économique et politique, est consciente des dangers d'un isolement persistant de la Suisse, mais la population répugne à l'affaiblissement des spécificités de son pays.
La méthode choisie par les autorités helvétiques pour surmonter cette difficulté a été de négocier des accords sectoriels, facilitant l'ouverture économique réciproque, mais dépourvus de la forte charge symbolique qu'aurait immanquablement revêtu un accord plus large et plus global.
Ces négociations, ouvertes dès 1994, ont été longues et difficiles. Elles ont finalement été conclues le 21 juin 1999, sous l'impulsion de l'Autriche, qui présidait alors l'Union.
Le référendum organisé en Suisse le 21 mai 2000 sur l'ensemble des sept accords a recueilli une large majorité : 67 % de voix positives.
J'aborderai maintenant l'analyse des principales dispositions de l'accord de libre circulation des personnes soumis à notre ratification.
La mise en oeuvre de cet accord par la Suisse suppose, de sa part, un effort marqué de libéralisation ; ce pays applique en effet actuellement des restrictions à la circulation des ressortissants des autres pays, par le biais de permis d'emploi délivrés en fonction des disponibilités éventuelles constatées dans les différentes branches professionnelles.
L'objectif est d'accorder, à terme, aux ressortissants des Etats membres de l'Union, les mêmes conditions de vie, d'emploi et de travail que celles dont disposent les citoyens suisses, ce qui entraîne chez certains nationaux la crainte d'une baisse des salaires à la suite d'arrivée de main-d'oeuvre étrangère. Enfin, nous notons encore des appréhensions au regard de l'intrusion, par ce biais, dse « grands pays » dans la marche des affaires suisses, et également la « recentralisation » au niveau fédéral de compétences cantonales.
L'accord porte sur les droits d'entrer, de résider, de travailler comme salarié ou de s'établir comme travailleur indépendant, de suivre des études universitaires et de bénéficier de la sécurité sociale helvétique.
Ces droits s'exerceront non pas immédiatement après ratification de l'accord par tous les Etats membres de l'Union européenne, mais selon un long échéancier.
Deux ans après l'entrée en vigueur de l'accord, la préférence nationale pour l'emploi en Suisse sera abolie ; les Français, comme les autres citoyens de l'Union européenne, pourront alors librement accéder aux activités salariées en Suisse, sous réserve du respect de contingents globaux. Les minima de nouveaux titres de séjour accordés aux travailleurs salariés et indépendants de la Communauté européenne sont fixés à 15 000 par an pour les titres de séjour d'une durée égale ou supérieure à une année et à 115 500 pour ceux compris entre quatre mois et un an. De leur côté, les citoyens suisses disposeront d'une libre circulation dans les Etats membres de l'Union européenne.
Au terme d'une période de sept ans, la prorogation de ces dispositions est prévue pour une durée indéterminée, sauf décision contraire des parties à l'accord. Cette étape a été ménagée pour permettre un éventuel référendum en Suisse sur la prolongation des accords.
Enfin, après douze ans, la libre circulation des personnes est instaurée, avec une clause de sauvegarde générale qui sera gérée par le comité mixte prévu à l'article 14 de l'accord et composé de représentants de chacun des Etats membres de l'Union ainsi que de la Suisse.
Cet échéancier appelle quelques remarques. La libre circulation des personnes est soumise à une « période d'essai » située entre les années cinq à douze. Les travailleurs frontaliers français, quant à eux, ne seront plus soumis, dès l'application de l'accord, à l'obligation de regagner quotidiennement leur domicile en France et seul un retour hebdomadaire restera requis. Or, à l'heure actuelle, près de 74 000 frontaliers français se rendent quotidiennement en Suisse.
Cette liberté progressive de circulation s'accompagnera d'une égalité de traitement entre les Suisses et les ressortissants de l'Union européenne en matière d'emploi et de rémunération.
Quel bilan tirer de cet accord ? Les bénéfices qui en sont attendus par notre pays tiennent, en premier lieu, à l'application des six autres accords sectoriels, dont celui qui porte sur les transports terrestres et qui intéresse particulièrement les entreprises françaises du secteur. A l'heure actuelle, les liaisons entre la région lyonnaise et la Ruhr doivent en effet contourner la Suisse, ainsi que l'Autriche, qui ont adopté des dispositions restrictives à la circulation des poids lourds.
Il faut relever que les autorités fédérales helvétiques ont d'ores et déjà mis en place des mesures d'accompagnement pour limiter les conséquences négatives éventuelles des accords bilatéraux pour sa population. Ainsi, 280 millions de francs suisses seront investis entre 2001 et 2010 pour appuyer la mise en place du trafic combiné de marchandises entre la route et le rail.
En revanche, des interrogations ont surgi sur les possibilités d'appliquer les dispositions de l'accord sur les transports aériens, qui accordait de nouvelles possibilités de desserte, notamment en France et en Espagne, à la compagnie nationale helvétique. Du fait des difficultés que rencontre actuellement Swissair cet accord est-il encore applicable ?
Le deuxième atout pour notre pays tient à la liberté, à terme totale, d'accès des Français aux emplois situés en Suisse, ce qui sera profitable à notre marché du travail car le taux de chômage français est supérieur de 2 % à celui de la Suisse.
Ces accords permettent à ce pays de se rapprocher de l'Union européenne sur des points techniques ; outre les bénéfices matériels immédiats, comme une relative détente du marché de l'emploi, ces accords ont le mérite d'offrir à la Suisse une autre perspective qu'un durable enfermement entre l'approbation ou le rejet global de l'adhésion à l'Union européenne.
En conclusion - et vous l'avez également souligné, monsieur le ministre - cet ensemble de sept accords est mutuellement profitable en général à l'Union européenne et particulièrement à la France et à la Suisse.
C'est pourquoi je vous propose d'adopter l'accord sur la libre circulation des personnes, dont la ratification conditionne l'application des six autres accords, tout en vous informant que nos trois collègues de Haute-Savoie, qui redoutent que leur région ne devienne une sorte de « banlieue de Genève » - j'emploie cette formule qui, je l'espère, ne les choquera pas - avec notamment de fortes tensions sur les coûts fonciers, ont souhaité que le Gouvernement français prenne en compte l'effet spécifique de ces sept accords sur leur département et m'ont demandé d'annexer une lettre récapitulative de leurs requêtes à mon rapport. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Carle.
M. Jean-Claude Carle. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la tradition autant que l'habitude veulent que notre assemblée examine et vote sans trop s'attarder les textes communautaires soumis à ratification.
Le débat est, il est vrai, réduit à sa plus simple expression puisqu'il nous est demandé d'adopter ou de rejeter ces textes en l'état, sans en amender le contenu.
En l'occurrence, seul l'accord de libre circulation des personnes est aujourd'hui soumis à ratification, comme l'a rappelé M. le ministre.
Une fois n'est pas coutume, je voudrais commencer par dire quelques mots sur les sept accords bilatéraux signés par les Quinze en 1999.
En effet, si l'accord sur la libre circulation des personnes qui nous est soumis contient des avancées positives, il n'en est pas de même partout.
Je songe notamment aux difficultés que rencontre la Haute-Savoie, département frontalier de la Suisse, dans des domaines aussi divers que la régulation des prix fonciers et du logement, ou la formation et le recrutement des personnels soignants tels que les infirmières ; M. le rapporteur vient de le rappeler.
Dans un cas comme dans l'autre, il est nécessaire d'adapter les règles pour permettre un développement harmonieux de part et d'autre de la frontière franco-suisse. Or tel n'a pas été le cas et je regrette personnellement que les élus haut-savoyards, parlementaires, conseillers régionaux, conseillers généraux et maires concernés, n'aient pas été consultés pour la préparation des accords bilatéraux en question.
M. Xavier de Villepin. président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Très bien !
M. Jean-Claude Carle. Cette parenthèse étant refermée, je dirai quelques mots, si vous le voulez bien, au sujet de la libre circulation et de la protection sociale des travailleurs frontaliers.
La Haute-Savoie compte quelque 35 000 salariés qui, chaque jour, se rendent en Suisse pour travailler. Ceux-ci représentent une force importante. Par leur activité, ils contribuent à la création de richesses.
Il en est de même dans l'Ain - mon collègue Jean-Paul Emin en parlera sans doute dans quelques instants - et, bien sûr, monsieur le ministre, le président de la région Franche-Comté, Jean-François Humbert, le dirait mieux que moi.
C'est pourquoi, dès la conclusion et la signature des sept accords bilatéraux en juin 1999, j'ai suggéré que les sénateurs représentant les départements frontaliers constituent un groupe de travail pour examiner les conséquences futures de ces nouvelles dispositions en matière de protection sociale.
Parmi nos préoccupations, je citerai la libre circulation des travailleurs frontaliers et l'exercice par le Gouvernement du droit d'option prévu par l'accord entre l'Union européenne et la Suisse, les modifications législatives et réglementaires nécessaires pour permettre l'affiliation des frontaliers à un régime d'assurance maladie en France.
Depuis 1976, le système d'assurance privée mis en place pour pallier les carences de la convention franco-suisse de sécurité sociale et répondre aux besoins des frontaliers a fonctionné sans rien coûter aux Etats. Il fallait donc le préserver.
Dans cette perspective, nous avons bien noté que le nouvel accord bilatéral sur la libre circulation des personnes prévoit des possibilités d'exemption. D'ores et déjà, plusieurs pays ont opté pour cette solution : leurs résidents frontaliers qui travaillent en Suisse peuvent choisir entre le système suisse d'assurance maladie et celui de leur pays de résidence.
Restait le problème de la France, où la loi sur la couverture maladie universelle exclut du régime général les travailleurs frontaliers actifs.
En effet, comme l'avait fait ressortir un rapport confié à des experts par votre ministère, 75 % des travailleurs qui résident en France et travaillent en Suisse voient leur couverture maladie dispensée au premier franc par des opérateurs privés d'assurance. Leur souci, et le nôtre, était de conserver la liberté de choix de leur régime d'assurance et de soins, ce qui signifie, en clair, la possibilité de choisir entre le régime d'assurance suisse, le régime de base français et, surtout, les couvertures offertes par les compagnies d'assurances françaises.
La réponse que vous nous apportez ce matin semble aller, monsieur le ministre, dans la bonne voie.
Les travailleurs frontaliers en activité en Suisse et leur famille pourront bénéficier du libre choix entre l'assurance maladie fédérale, la couverture maladie universelle, sous critère de résidence, et les assurances privées.
C'est une bonne chose, d'autant que cette possibilité vise, si j'ai bien compris, aussi bien les frontaliers actifs à ce jour que les futurs travailleurs frontaliers.
Cependant, vous me permettrez de formuler trois réserves.
Première réserve : ce libre choix n'est pas offert à tout le monde. Les frontaliers retraités - ceux que l'on a l'habitude d'appeler les « rentiers » - ne sont pas inclus dans ce texte. Je fais référence à ceux qui ne bénéficient d'aucune retraite au titre du droit français, mais qui bénéficient d'une retraite au titre du droit suisse. Leur situation spécifique mérite que l'on y regarde de plus près. La majorité d'entre eux a prix l'habitude de se faire soigner en Suisse et d'être couverte par une assurance privée.
Qu'en sera-t-il demain si ces retraités frontaliers ne peuvent plus choisir librement leur couverture ? Seront-ils contraints de modifier leurs habitudes en matière de santé et de se faire soigner exclusivement en France ? Sur ce point précis, il faut apporter très vite des éclaircissements aux intéressés et au Groupement transfrontalier européen d'Annemasse, qui les représente avec beaucoup d'efficacité.
Deuxième réserve, monsieur le ministre : cette liberté de choix disparaîtra car, dans sept ans, les frontaliers devront opter pour la couverture maladie universelle, soit autant de recettes supplémentaires pour notre système de protection sociale et pour l'Etat qui, bien sûr, y trouve son compte.
Il est simplement dommage - et personne ne l'a souligné - que cette évolution se fasse au détriment de la liberté de choix des frontaliers qui, depuis le 1er janvier 2000 et la généralisation de la CMU, restaient les seuls à pouvoir bénéficier d'une assurance privée au premier franc.
Avec l'accord signé par votre Gouvernement, c'est très clairement l'extinction progressive des formules d'assurance maladie privée que vous avez programmée. Personnellement, je le regrette et je le dis, d'autant plus fort que - et ce sera ma troisième et dernière réserve - rien ne nous obligeait à agir ainsi.
Ne l'oublions pas, il était possible de conserver le libre choix d'assurance, y compris privée, jusqu'à l'adhésion de la Suisse à l'Union européenne, adhésion on le sait, repoussée sine die . Le Groupement transfrontalier européen vous avait fait des propositions que vous n'avez pas retenues. Résultat : dans sept ans, tout risque d'être fini.
Malgré tout, monsieur le ministre, notre groupe votera ce texte, qui marque une première étape vers une meilleure coordination des systèmes de sécurité sociale français et suisse, et qui devrait résoudre une grande partie des difficultés que rencontrent les travailleurs frontaliers pour leur couverture sociale en cas de maladie. Mais nous resterons vigilants sur le problème des retraites.
Par ailleurs, monsieur le ministre, nous espérons qu'à l'avenir, non seulement la représentation nationale, mais aussi les élus locaux seront associés plus en amont à l'élaboration des accords bilatéraux.
Ce texte est un pas supplémentaire dans la voie de l'Europe. C'est l'illustration de la nécessaire coopération transfrontalière. C'est la preuve, enfin, que la Suisse ne peut rester éternellement un petit point rouge au milieu de la carte de l'Europe et qu'elle a vocation, tôt ou tard, à adhérer à l'Union européenne. Mais, c'est, bien sûr, à nos amis suisses d'en décider.
M. le président. La parole est à M. M. Amoudry.
M. Jean-Paul Amoudry. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en saluant l'excellent rapport de notre collègue Guy Penne, je tiens à le remercier d'avoir bien voulu faire état des préoccupations exprimées à l'égard des accords conclus entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la Confédération suisse, d'autre part, par les trois sénateurs haut-savoyards - pardon d'être régionaliste ou départementaliste, mais je crois que l'enjeu de ce débat le mérite - dont je rappelle les noms : Jean-Claude Carle, qui vient de s'exprimer, Pierre Hérisson, qu'un empêchement de dernière heure a éloigné de notre assemblée, et moi-même.
J'exprimerai certainement un point de vue assez différent et, afin de dissiper tout malentendu sur mon propos, je voudrais, avant tout, rappeler que la Haute-Savoie partage avec la Suisse, tout particulièrement les cantons de Genève, de Vaud et du Valais, une très ancienne histoire commune.
Les Hauts-Savoyards, notamment au sein de la communauté lémanique, entretiennent avec leurs voisins helvétiques des liens d'amitié et d'échanges séculaires très étroits.
Sur le fondement de cette longue tradition, je souhaite naturellement, comme citoyen, comme conseiller général de la Haute-Savoie et comme parlementaire élu de ce département, le renforcement des liens entre la Confédération suisse, la France et l'Union européenne, dans le cadre d'un véritable partenariat culturel, institutionnel et économique.
Or quel est l'objet de l'accord dont la ratification est soumise aujourd'hui à notre autorisation ?
Portant sur la libre circulation des personnes - le seul des sept volets des négociations bilatérales qui soit soumis au débat du Parlement - cet accord, loin de nous unir, va contribuer à opposer Français et Suisses sur la zone frontalière.
Je ne veux pas de cette opposition mais, comme je vais vous le prouver, celle-ci est inéluctable en l'état.
En premier lieu, si la Confédération suisse vient de passer des accords à finalité économique, elle ne devient pas le partenaire d'une communauté au plein sens du terme. Je rappelle en effet que le peuple suisse, consulté par référendum, a dit non à l'entrée dans la Communauté européenne.
Ces accords, qui donneront à la Suisse la plupart des avantages de la Communauté, sans ses contraintes, loin d'inciter, me semble-t-il, la Confédération suisse à se rapprocher davantage de l'Union européenne, risquent bien de retarder, voire de repousser à une échéance fort lointaine, l'adhésion de la Suisse à l'Europe.
En deuxième lieu, restant hors de l'Union européenne, la Confédération suisse conserve sa monnaie : chacun connaît les conséquences, en zone frontalière notamment, des fluctuations à prévoir entre l'euro et le franc suisse. Je n'insiste pas sur le sujet.
En troisième lieu, certains effets négatifs des accords bilatéraux sont d'ores et déjà perceptibles sur le territoire frontalier. En effet, même si ces accords ne sont pas encore entrés en vigueur, leur application a été anticipée sur certains points par les autorités helvétiques. Ainsi en est-il de l'adoption de mesures d'accompagnement, contre le dumping salarial par exemple, ou de l'assouplissement des procédures administratives, les autorisations de travail en Suisse notamment.
Depuis quelque temps, la perspective des accords a aussi un impact psychologique, de part et d'autre de la frontière, sur des populations qui ont modifié leurs comportements. Collectivités locales, particuliers et entreprises ressentent déjà très nettement aujourd'hui les effets négatifs de ces accords, effets qui ne pourront à l'évidence que s'aggraver avec l'entrée en vigueur des dispositions bilatérales sans aucun dispositif d'accompagnement.
Le premier de ces impacts est une augmentation exceptionnelle de la population. Aux ressortissants suisses qui peuvent légalement s'établir sur le territoire français depuis 1998 viennent s'ajouter des centaines, voire des milliers de travailleurs frontaliers, autant de catégories sociales ayant un pouvoir d'achat bien supérieur à la moyenne et entraînant une hausse très forte du coût de la vie. Le marché de l'immobilier s'en trouve bouleversé, à tel point que l'accession à la propriété comme l'accès au logement social sont de plus en plus difficiles pour les classes moyennes et défavorisées de la population haut-savoyarde, qui connaissent une crise sans précédent.
Les prix du foncier s'enflamment et appellent de toute urgence des mesures énergiques pour préserver l'équilibre territorial et socio-économique de cette partie du territoire français.
Monsieur le ministre, le Gouvernement a-t-il apprécié les conséquences de la faculté donnée aux ressortissants des quatorze Etats partenaires de la France au sein de l'Union européenne de venir travailler en Suisse et de s'installer en zone frontalière pour favoriser leur niveau de vie ? Sur ce point particulier, j'attends, nous attendons, monsieur le ministre, votre réponse.
Les accords ont des effets négatifs dans d'autres domaines. Ainsi dans l'augmentation de la population engendre-t-elle des flux supplémentaires de circulation automobile aux lourdes conséquences, alors que les infrastructures de transport atteignent déjà la saturation sur les principaux axes routiers du département haut-savoyard.
Une situation très grave est à prévoir avec l'entrée en vigueur des accords et la perspective d'une augmentation du trafic des poids lourds en Haute-Savoie consécutive à l'introduction générale et progressive des véhicules de quarante tonnes sur le territoire suisse.
Enfin, la perspective de l'entrée en vigueur des accords bilatéraux a d'ores et déjà un effet préoccupant sur la disponibilité de main-d'oeuvre locale.
Dans le domaine de la santé, la pénurie d'infirmières oblige à procéder à la fermeture de lits d'hôpitaux ; j'avais signalé ce fait en juin dernier à M. le ministre délégué à la santé. On voit même des situations absurdes : telle maison d'accueil pour personnes âgées dépendantes nouvellement construite ne peut fonctionner faute de personnel nécessaire en aides-soignantes.
Le secteur du bâtiment n'échappe pas à cette situation, comme celui de l'hôtellerie et de la restauration, ni même celui de l'enseignement : nous ne pouvons plus remplacer les professeurs dans les collèges. C'est un état de fait !
Aujourd'hui, à peine formés en France dans ces secteurs d'activité, trop de jeunes partent travailler en Suisse.
Le département doit faire face à des problèmes de formation qui iront en s'aggravant avec l'entrée en vigueur des accords, en l'absence d'un dispositif d'accompagnement. Les mesures prises d'ores et déjà par le conseil général ne pouront, à son échelle, éviter la pénurie de personnel et l'augmentation du coût de la main-d'oeuvre à la disposition des entreprises locales, ce qui aura des conséquences sur leur politique d'implantation dans le département. Nous voyons là les prémices d'un retrait économique dans ce domaine.
Telle est, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la réalité d'une situation qui appelle de ma part les brefs commentaires suivants.
Cette situation révèle, en premier lieu, l'absence de toute étude française de l'effet des accords sur les zones frontalières, laquelle eût été nécessaire pour établir ensuite un dispositif d'accompagnement.
Alors que la Suisse, qui a manifestement bien négocié ces accords après en avoir débattu démocratiquement, a pris, elle, des mesures d'accompagnement, comme le rappelaient M. le rapporteur et mon collègue Jean-Claude Carle, la France a laissé ses parlementaires et élus locaux concernés non seulement hors de toute concertation, mais, fait plus consternant, dans l'ignorance même de ces « bilatérales ».
Nous découvrons aujourd'hui des accords négociés on ne sait comment ni par qui, que le Gouvernement a jusque-là laissés de côté et cachés au Parlement, puisqu'ils viennent pour ratification près de trois ans après leur conclusion.
Je dois personnellement à la presse helvétique de m'avoir appris la conclusion des accords à Vienne dans la nuit du 10 au 11 décembre 1998...
Aussitôt, par la voix de notre collègue Jean-Louis Lorrain, sénateur du Haut-Rhin, nous avons interrogé le Gouvernement lors de la séance de questions d'actualité du 17 décembre 1998. Votre réponse, monsieur le ministre, ne satisfit pas nos attentes.
Par une question écrite en date du 21 décembre 2000, restée sans réponse jusqu'à ce mardi 9 octobre, j'avais demandé au Gouvernement la prise de mesures d'accompagnement. Ma demande est restée sans résultat, sauf la promesse d'un « suivi attentif » par les ministères concernés, ce qui, vous en conviendrez, monsieur le ministre, est bien le minimum. Or, il s'agit non plus de suivre mais d'anticiper, comme le font nos voisins suisses et comme nous vous l'avons, en vain, demandé.
Vous nous proposez aujourd'hui de ratifier des accords profondément déséquilibrés tant dans leur contenu que par les conditions de leur application, et ce, je dois le souligner, au préjudice d'une partie du territoire national.
Vous nous suggérez de ratifier des accords qui consistent, pour l'essentiel, à donner à la Suisse les avantages reconnus aux membres de l'Union européenne sans les obligations, ce qui est contraire à mon idée de l'Europe et, surtout, à la philosophie de la construction européenne depuis cinquante ans.
Vous nous proposez d'autoriser la ratification d'un accord qui, à mes yeux, loin de faciliter et d'accélérer l'entrée de la Suisse comme membre à part entière de l'Union européenne en éloignera l'échéance, voire compromettra cette adhésion.
C'est pourquoi, comme Haut-Savoyard, comme voisin et ami de la Suisse, comme Européen convaincu, et après avoir profondément analysé le sujet, je ne pourrai pas, à titre tout à fait personnel, joindre ma voix à celles qui pourraient autoriser la ratification proposée. (M. Hamel applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Emin.
M. Jean-Paul Emin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à mon tour, je voudrais dire quelques mots sur l'accord relatif à la libre circulation des personnes qui nous est soumis.
Frontalier de la Suisse, le département de l'Ain, que je représente, est lui aussi directement concerné par cet accord.
M. Guy Penne, rapporteur. Je vous prie de m'excuser de ne pas avoir associé votre département à celui de la Haute-Savoie dans mon rapport !
M. Jean-Paul Emin. Je vous remercie, monsieur le rapporteur, d'envisager d'associer le département de l'Ain aux autres départements frontaliers quant à la décision d'inscrire sur une annexe leurs préoccupations plus spécifiques.
M. Xavier de Villepin, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Très bien !
M. Jean-Paul Emin. Ce département compte 18 500 travailleurs frontaliers, qui résident dans le bassin bellegardien et dans le pays de Gex, véritable vitrine de l'Ain sur Genève et son agglomération.
Certes, moins nombreux qu'en Haute-Savoie, ces travailleurs n'incarnent pas moins les forces vives de notre région en même temps qu'ils sont un trait d'union entre la France, la Suisse et l'Europe. Je rappellerai ici que l'aéroport de Cointrin a été pour partie construit sur le territoire français, sur la commune de Ferney-Voltaire.
La couverture maladie est, pour les frontaliers, une préoccupation essentielle. L'absence d'hôpital dans le pays de Gex les conduit en effet à se faire soigner très régulièrement en Suisse, voire à s'y faire hospitaliser. C'est à Genève que se trouve l'hôpital le plus proche. C'est un aspect concret à prendre en compte dans notre réflexion.
Dans son annexe II, l'accord sur la libre circulation des personnes prévoit des possibilités d'exemption à l'assurance maladie suisse. Certains Etats - cela a d'ailleurs été dit par les intervenants précédents et par vous-même, monsieur le ministre - notamment l'Allemagne, l'Autriche et l'Italie, ont déjà signé cette annexe de façon que leurs résidants frontaliers en Suisse puissent bénéficier d'un choix d'assurance de soins entre le régime fédéral d'assurance maladie - LAMAL - et celui de leur pays de résidence.
La question s'est posée pour la France lorsque le Parlement a adopté la loi portant création d'une couverture maladie universelle. En effet, l'article 8 de la loi exclut du régime général sur critère de résidence les travailleurs frontaliers actifs qui résident en France et qui ont la faculté d'être affiliés à un régime d'assurance maladie dans l'Etat où ils exercent leur activité, si cette affiliation leur permet d'obtenir la couverture des soins reçus en France.
Cette évolution a suscité l'inquiétude des frontaliers, notamment ceux de l'Ain, tout simplement parce que, pour les trois quarts d'entre eux, la couverture maladie est garantie par des assurances privées, situation héritée du temps où n'existait pas de régime d'assurance maladie en Suisse.
Là encore, on le constate, d'une situation concrète a découlé un besoin, puis une loi.
Le texte soumis à la ratification du Sénat va permettre à la France de faire jouer le droit d'option prévu à l'annexe II. Ainsi, les frontaliers actifs vont pouvoir choisir entre l'affiliation au régime suisse et l'affiliation en France. Fort bien ! Mais, car il y a un « mais », au bout de sept ans, si je comprends bien, les frontaliers actifs couverts par une assurance privée devront rejoindre le régime général des salariés par la CMU de résidence, ce qui revient à reculer pour mieux sauter. Autant le dire, c'est la disparition programmée des assurances privées au premier franc que vous nous proposez, ce que je regrette, comme l'a déploré mon collègue Jean-Claude Carle, dont je reprends l'argument au vol : la France était-elle obligée de devancer l'appel alors que la Suisse n'a toujours pas adhéré à l'Union européenne ? Tant que la Suisse reste en dehors de l'Union européenne, ne pouvait-on faire autrement ?
Il était difficile de ne pas s'en rendre compte et de ne pas le dire. Pour ma part, je le regrette.
C'est la liberté de choix qui est restreinte au détriment des frontaliers dont la situation, on l'oublie parfois, reste précaire au regard des aléas du marché de l'emploi en Suisse. Il suffit de se rappeler ce qui s'est passé lors du ralentissement économique des années quatre-vingt, où de nombreux travailleurs frontaliers se sont retrouvés au chômage, des frontaliers dont la situation n'a pas été épargnée par les problèmes juridiques et fiscaux. En témoignent les démarches longues et difficiles pour faire entendre raison - avec tout le respect voulu, mais pour faire entendre raison tout de même - à l'Etat à propos de la contribution sociale généralisée, la CSG, et la contribution pour le remboursement de la dette sociale, la CRDS.
C'est pourquoi je voterai ce texte, tout en restant vigilant et en espérant certaines améliorations. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
M. Pierre Moscovici, ministre délégué. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Pierre Moscovici, ministre délégué. Il s'agit d'un sujet à la fois important et sensible. Répondant, notamment, aux sénateurs des départements frontaliers qui sont intervenus, je rappellerai quelle a été la démarche politique suivie à la fois par l'Union européenne et par la Suisse dans cette affaire.
On se souvient de l'échec du référendum suisse de 1992, qui a eu des conséquences sur les rapports entre l'Union européenne et la Suisse. Le Conseil fédéral, instance gouvernementale suisse dans laquelle figurent tous les partis politiques - c'est la formule magique - est, on le sait, favorable à l'adhésion de la Suisse à l'Union européenne.
En même temps, il y a des difficultés à convaincre l'opinion publique suisse et nous ne pouvons pas annexer d'autorité la Suisse à l'Union européenne. Il faut un consentement démocratique ; c'est le cas pour tous nos peuples et plus particulièrement pour les Suisses, qui sont tellement attachés à leur système de votation.
Par conséquent, dans les relations bilatérales, c'est une démarche pragmatique, de rapprochement progressif. Acclimatation qui a été suivie. Eh bien ! à l'issue de ces accords importants, le Conseil fédéral s'estimera plus fort pour entreprendre une démarche de conviction qui doit rapprocher, dans un délai effectivement à déterminer mais qui n'est pas sine die , la Suisse de l'Union européenne.
C'est ce pari qui a été fait lors de ces négociations difficiles menées par la Commission et par la présidence du Conseil, mais je veux vous assurer qu'elles ont été suivies de très près par le Gouvernement français. Je garde le souvenir d'une visite d'Etat du Président de la République en Suisse, où nous avions abordé ces sujets de façon approfondie.
Pour le reste, je me bornerai à aborder le point sensible et la question importante posée par M. le rapporteur.
Le point sensible concerne l'assurance maladie des travailleurs frontaliers. J'ai entendu les réserves et les interrogations de MM. Carle et Emin, qui ont néanmoins noté que la position du Gouvernement allait dans le bon sens.
En ce qui concerne les retraités, des solutions doivent être trouvées, y compris avec la Suisse, pour qu'ils soient remboursés de façon satisfaisante.
D'une manière plus générale, j'ai annoncé les orientations du Gouvernement, qui sont favorables, me semble-t-il, aux revendications des frontaliers. Elles témoignent au moins de l'intérêt que le Gouvernement porte à cette question et du sérieux avec lequel il la traite.
Il y a des questions plus techniques qui ne portent pas réellement atteinte aux intérêts des frontaliers, et qui donneront lieu ultérieurement à des explications plus détaillées. Toutefois, je tiens à vous assurer qu'un important travail de concertation a été réalisé ; vous pouvez en témoigner. Il n'est pas achevé ; il se poursuivra avec les associations, les élus et les assurances.
Mais je souhaite revenir sur le fond du problème que vous posez au travers de la question de la durée des sept ans. Ce sujet a fait l'objet de discussions complexes ; vous le savez pour les avoir suivies comme moi, puisqu'il se trouve que je suis particulièrement sensible à ce problème. Il nous paraît justifié de ne pas obliger les frontaliers à s'assurer en Suisse tant que la situation ne sera pas stabilisée. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement, après un travail important, a finalement entendu les revendications des frontaliers, et il est allé, vous l'avez dit, dans le bon sens. En effet, on ne peut pas procéder ainsi tant que la situation de la Suisse à l'égard de l'Union européenne n'est pas fixée, tant qu'il y a une pérennité de l'assurance maladie suisse et dès lors qu'existe de l'autre côté un système de tarification plus favorable.
Dès lors, il fallait affirmer le droit d'accès des frontaliers à l'assurance maladie française au moins pour la durée de l'accord. C'est la position que j'ai personnellement défendue et que le Gouvernement a retenue.
En revanche, et il y a là un débat pour l'avenir, le maintien de la possibilité de souscrire une assurance privée a surtout pour justification de laisser aux sociétés d'assurances concernées, qui offrent parfois des formes particulières d'assurance, le temps de diversifier leurs activités puisque, tôt ou tard, on le sait et elles le savent aussi, leur activité d'assurance maladie devra évoluer.
En fixant la période du libre choix - c'est un peu le hasard, mais pas uniquement - à sept ans, soit la durée de l'accord, le Gouvernement a donc retenu la solution la plus généreuse.
Des mesures d'accompagnement pourront être étudiées si toutefois des données précises fournies par les assurances le justifient, données dont je précise que nous les attendons encore aujourd'hui.
Un très gros travail interministériel a été accompli, un très gros travail de concertation aussi. Poursuivons ensemble cet effort en étant à l'écoute des travailleurs frontaliers et des élus des départements concernés. Le département du Doubs, que connaît bien M. Humbert, compte, lui aussi, plus d'une dizaine de milliers de travailleurs frontaliers, et nous sommes très sensibles à leurs problèmes. Dans le même temps, cependant, sachons reconnaître, en hommes responsables, que ces accords, et vous avez bien voulu en convenir, sont, pour l'essentiel, positifs.
Tels sont les éléments de réponse que je voulais vous apporter, tout en vous assurant que nous serons, demain, comme nous le sommes aujourd'hui, très attentifs à la situation que nous décrivent les élus, des élus qui ont été écoutés à un stade peut-être tardif, mais qui ont été tout de même écoutés par le Gouvernement français.
M. le rapporteur m'a interrogé sur les conséquences de l'accord entre l'Union européenne et la Suisse relatif au transport aérien, ainsi que sur la situation de Swissair.
La faillite de Swissair a, bien sûr, des conséquences très dommageables, notamment pour les compagnies françaises telles que Air Liberté et Air Littoral. Pour autant, elle n'est pas de nature à remettre en cause l'accord entre la Communauté européenne et la Suisse relatif au transport aérien. Au contraire, l'entrée en vigueur de cet accord permettra de placer les opérateurs suisses dans un cadre juridique analogue à celui dans lequel exercent les transporteurs communautaires, notamment au regard, et c'est très important, du droit de la concurrence.
C'est même la perspective de l'entrée en vigueur de cet accord qui a motivé et justifié la demande d'explications de la Commision européenne formulée auprès du Gouvernement suisse au sujet du soutien que celui-ci compte apporter à Swissair.
La Commission, vous le savez, a convoqué l'ambassadeur suisse auprès de l'Union européenne, à Bruxelles, pour se plaindre d'un manque d'information et de concertation, alors qu'elle n'aurait eu aucun fondement juridique pour le faire sans cette perspective. L'ambassadeur a répondu qu'il s'agirait d'un crédit limité dans ses objectifs et dans le temps, en l'espèce un crédit-relais de 300 millions d'euros destiné à maintenir Swissair en vie jusqu'à la fin du mois, et le transfert des deux tiers de ses activités à Crossair.
En tout état de cause, on voit bien par là que cet accord, comme c'est notamment son objectif, garantit l'application de règles de concurrence équitables et transparentes entre les compagnies de l'Union européenne et de la Suisse.
La crise de Swissair ne remet nullement en cause cet accord, mais en illustre au contraire toute la pertinence.
En votant cet accord, le Sénat fera une bonne action pour la Suisse, pour l'Union européenne et pour la France.
M. le président. Nous passons à la discussion de l'article unique.

Article unqiue

M. le président. « Article unique. - Est autorisée la ratification de l'accord entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la Confédération suisse, d'autre part, sur la libre circulation des personnes, fait à Luxembourg le 21 juin 1999, et dont le texte est annexé à la présente loi. »
Je vais mettre aux voix l'article unique du projet de loi.
M. Jean-Paul Amoudry. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Amoudry.
M. Jean-Paul Amoudry. J'ai pris acte des informations que M. le ministre a bien voulu nous communiquer sur la situation des frontaliers s'agissant tant d'aujourd'hui que de demain, et, de ce point de vue-là, nous pouvons exprimer notre satisfaction.
Toutefois, j'enregistre que, sur les points particuliers que je m'étais permis de soulever, je n'ai pas obtenu de réponse. Cela m'inspire deux réflexions.
Tout d'abord, je constate que, sur la philosophie que nous pouvons avoir de ces accords et sur la question de savoir s'ils faciliteront l'entrée de la Confédération helvétique dans l'Union européenne - mais nous savons bien que seul le peuple peut en décider - nous avons une divergence de vues. Personnellement, je ne partage pas votre sentiment et je pense, au contraire, que le confort, si vous me permettez le mot, qui peut être apporté à la Confédération sur le plan matériel comme sur le plan économique, n'incitera pas la Suisse à rejoindre l'Union. Mais c'est là une sorte de pari sur l'avenir ; chacun a sa conviction ; en tout cas, la mienne est radicalement différente de celle qui a été exprimée.
Pour le reste, n'ayant pas reçu de votre part, monsieur le ministre, les apaisements que j'escomptais, notamment l'annonce d'un plan d'accompagnement tel que la Suisse a eu l'intelligence et la prudence de mettre en place, je suis donc conduit à émettre un vote négatif, qui seul a un sens, après l'expression de ces divergences d'opinions.
M. Jean-Claude Carle. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Carle.
M. Jean-Claude Carle. J'ai pris acte des déclarations de M. le ministre et de ses engagements, notamment de sa volonté d'associer les élus à tous les débats qui ne manqueront pas d'avoir lieu.
A cet égard, je lui rappelle que nous avons constitué un groupe informel de sénateurs transfrontaliers et que nous souhaitons, bien sûr, être associés très étroitement à toutes ces négociations. (M. le ministre opine.)
M. le président. Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 4:

Nombre de votants 319
Nombre de suffrages exprimés 319
Majorité absolue des suffrages 160
Pour l'adoption 317
Contre 2

Le Sénat a adopté. (Applaudissements.)
Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures cinquante-cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Christian Poncelet.)

PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET

M. le président. La séance est reprise.

4

QUESTIONS D'ACTUALITÉ
AU GOUVERNEMENT

M. le président. L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.
J'indique au Sénat que M. le Premier ministre ainsi que plusieurs membres du Gouvernement ne peuvent être présents dans notre hémicycle cet après-midi, car ils participent au quatorzième sommet franco-espagnol, qui se tient à Perpignan.
Je voudrais profiter de cette occasion pour me féliciter de l'excellente tenue de notre débat d'hier sur la situation internationale et pour remercier M. le Premier ministre, qui a bien voulu répondre personnellement, comme je le lui avais demandé, à tous les intervenants, en restant parmi nous au-delà de l'horaire prévu. Le sujet le méritait, et tous les échos que j'ai pu recueillir indiquent que les téléspectateurs ont apprécié la grande qualité des interventions des membres de la Haute Assemblée et des réponses qui ont été apportées par le Gouvernement. Un tel débat a bien servi le Sénat, et je m'en réjouis !
M. Claude Estier. Pas une ligne dans Le Monde !
M. le président. Conformément à la règle posée par la conférence des présidents, je rappelle que l'auteur de la question et le membre du Gouvernement qui lui répond disposent chacun de deux minutes trente.
Chaque intervenant aura à coeur de respecter ce temps imparti de deux minutes trente, afin que toutes les questions et toutes les réponses puissent bénéficier de la retransmission télévisée.

INCIDENTS AU STADE DE FRANCE

M. le président. La parole est à M. Demuynck. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Christian Demuynck. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.
Le match France-Algérie du samedi 6 octobre dernier était très attendu. Il devait constituer un moment de liesse sportive et, jusqu'à la prise d'une photographie des deux équipes, on pouvait y croire ! Mais cela ne marchera jamais, pourrait-on dire, en paraphrasant une célèbre publicité...
En effet, malgré des renforts de police particulièrement importants - plus de 1 000 agents, prélevés d'ailleurs sur les effectifs des commissariats de quartier - le contrôle des accès n'a pu, compte tenu de la pression de la foule, être assuré sérieusement : certains spectateurs n'ont pas été contrôlés, d'autres n'ont pas payé leur place. En outre, les 1 200 stadiers, qui étaient pour la majorité d'entre eux des intérimaires mal formés et qui n'avaient pas mesuré l'importance des risques encourus, ont laissé circuler le public à l'intérieur des différentes tribunes. Certains spectateurs ont donc pu déborder l'encadrement de la rencontre et gâcher la fête avec une extrême facilité.
M. Jacques Mahéas. Vous n'y étiez même pas !
M. Alain Gournac. Qu'en savez-vous ?
M. Christian Demuynck. Si, mon cher collègue, j'y étais ! En revanche, je ne vous y ai pas vu ! (Rires.)
Que serait-il advenu si les énergumènes qui ont envahi la pelouse du stade avaient eu la volonté de blesser ou de tuer un membre du Gouvernement ? Que serait-il advenu si ces énergumènes avaient été des terroristes kamikazes entraînés ? (Exclamations sur les travées socialistes.) Ils auraient pu, sans être autrement inquiétés, agresser des joueurs ou mettre à exécution les menaces de mort proférées contre certains d'entre eux.
M. Roland Courteau. Vous exploitez n'importe quoi !
M. Claude Estier. Pas la peine d'en rajouter !
M. Christian Demuynck. Mes chers collègues, le Gouvernement n'a pas pris conscience du risque encouru le soir de cette manifestation et a fait preuve d'un angélisme déconcertant, voire d'inconscience. (Protestations sur les travées socialistes.)
Ma question sera double.
N'aurait-il pas été judicieux, compte tenu des circonstances, de contraindre les organisateurs à laisser entrer les forces de police à l'intérieur du stade avant le match ?
M. Jean-Pierre Plancade. Erreur totale !
M. Christian Demuynck. Au-delà de l'amertume des sportifs et de tous les amoureux du sport devant ce rendez-vous manqué, ces graves événements ne mettent-ils pas en évidence la faiblesse des mesures prévues par le plan Vigipirate renforcé et le risque que l'on fait courir à nos concitoyens ? (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. René-Pierre Signé. Il fallait lui confier l'organisation !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer. (Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Henri de Raincourt. Quel est le rapport avec l'outre-mer ?
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat à l'outre-mer. Mesdames, messieurs les sénateurs, je suis secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'intérieur, lequel, comme l'a rappelé M. le président, accompagne le Premier ministre au sommet franco-espagnol de Perpignan.
Nous devons en effet condamner avec force, monsieur Demuynck - le Gouvernement l'a fait hier à l'Assemblée nationale et je réitère cette condamnation aujourd'hui au Sénat - le comportement et l'intrusion sur la pelouse du Stade de France de plusieurs dizaines de spectateurs.
Ces actes ont gâché ce qui devait être non seulement une grande fête sportive, mais aussi un grand moment d'amitié entre les peuples algérien et français. Tout comme vous, monsieur le sénateur, je crois que, ce soir-là, de nombreux spectateurs ont marqué un but contre leur camp, celui de jeunes Français de toutes origines qui ont bien sûr leur place dans notre nation, mais qui doivent aussi savoir - point que vous n'avez pas évoqué - que La Marseillaise est un hymne d'égalité, de liberté et de fraternité. (Très bien ! et applaudissements.)
S'agissant de la sécurité, qui fait l'objet de votre question, il a été procédé à une vingtaine d'interpellations, tandis que plusieurs condamnations ont été prononcées par la justice et que d'autres interviendront certainement. Fallait-il pour autant interdire ce match ? Non, et personne ne l'a d'ailleurs proposé.
M. Christian Demuynck. Telle n'est pas la question !
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Les conditions de sécurité publique étaient-elles assurées ? Oui ! En effet, 950 policiers et gendarmes étaient présents. Je veux leur rendre hommage à cette occasion, parce qu'ils ont agi avec efficacité et discernement.
Mme Marie-Claude Beaudeau. C'est vrai !
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Contrairement à ce que l'on a pu lire ou entendre dire ici ou là, les fouilles ont été systématiques à l'entrée et à la sortie du stade. Cette dernière s'est effectuée sans que se produisent les troubles à l'ordre public que l'on aurait pu redouter.
M. Jacques Mahéas. Très bien !
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Je vous rappelle en outre, monsieur le sénateur, que la loi établit un partage de compétences en ce qui concerne la sécurité aux abords et à l'intérieur des stades. Il est vrai que les organisateurs devront tirer un certain nombre de leçons pratiques des événements qui sont survenus. Ils avaient certes augmenté considérablement le nombre des stadiers, mais sans doute faudra-t-il mieux former ceux-ci à l'exercice des responsabilités qui leur incombent. (Murmures sur les travées du RPR.)
Ceux d'entre vous mesdames, messieurs les sénateurs, qui ont assisté à la rencontre ou qui se trouvaient, comme moi, devant leur poste de télévision auront d'ailleurs pu constater que le calme est revenu dès que les forces de police, ayant été requises, ont pu pénétrer dans l'enceinte du stade. Fallait-il placer un CRS ou un gendarme mobile tous les mètres autour du terrain ? Personne ne le souhaitait, et quelle aurait alors été l'image de cette rencontre qui, je le rappelle une nouvelle fois, symbolisait l'amitié entre deux peuples ?
Je conclurai mon propos en évoquant la citoyenneté.
Chacun, à droite comme à gauche, s'accorde pour condamner les attitudes infantiles auxquelles nous avons assisté, mais aussi pour souligner qu'il ne faut pas relâcher notre effort en matière d'intégration. Je me réjouis de cette convergence, car l'intégration est indissociable de la politique du Gouvernement, qu'il s'agisse de l'école ou de l'emploi. Respecter les jeunes et donner à chacun d'entre eux sa chance, ce n'est pas les traiter en victimes ou en irresponsables, c'est leur donner les moyens et le goût d'exercer les droits et d'assumer les devoirs qui s'attachent à chaque citoyen. (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

REPORT DES 35 HEURES POUR LES PME

M. le président. La parole est à M. Grignon.
M. Francis Grignon. Je voudrais attirer une fois encore l'attention du Gouvernement sur les conséquences néfastes de l'application uniforme des 35 heures. (Exclamations sur les travées socialistes.)
L'application au 1er janvier 2002 de cette législation à l'ensemble des petites entreprises de moins de vingt salariés risque de mettre ces dernières en grande difficulté,...
M. Henri de Raincourt. Tout à fait !
M. Francis Grignon. ... voire de remettre en cause l'existence de certaines d'entre elles.
M. Henri de Raincourt. Bien sûr !
M. Francis Grignon. A l'heure où l'on parle de « patriotisme économique », ce serait véritablement un comble ! Etant donné les signes inquiétants laissant prévoir un retournement de conjoncture et le contexte de tension internationale grave que nous connaissons, le Gouvernement devrait comprendre qu'il n'est plus possible d'appliquer cette loi trop complexe et trop rigide aux petites entreprises.
Alors qu'il faudra assurer dans de bonnes conditions le passage à l'euro, même en mettant en oeuvre le principe du paiement des heures supplémentaires sous forme de salaire majoré, même en augmentant le contingent de ces heures supplémentaires, tout donne à croire que les petites entreprises ne seront pas en mesure de faire face. Il vaudrait mieux concentrer nos efforts sur les mesures à prendre pour former et qualifier les uns que réduire la capacité de travail des autres.
M. Alain Gournac. Très bien !
M. René-Pierre Signé. C'est toujours le même discours !
M. Francis Grignon. Nous n'avons jamais constaté, à quelque époque ou sous quelque latitude que ce soit, que le malthusianisme économique ait apporté bonheur et prospérité.
M. Jean Arthuis. C'est vrai !
M. Francis Grignon. Patriotisme et solidarité économiques : oui ; malthusianisme, démotivation et réduction arbitraire de nos capacités à réagir : non !
M. Alain Gournac. Très bien !
M. Francis Grignon. C'est la raison pour laquelle, madame la secrétaire d'Etat, je vous demande solennellement si le Gouvernement est prêt à envisager un report de l'application de cette loi pour les petites entreprises. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. René-Pierre Signé. C'est toujours le même discours !
M. le président. On vous l'enverra par La Poste ! (Rires.)
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle. Monsieur le sénateur, je vous ferai cette réponse au nom de Mme Elisabeth Guigou, dont je vous demande de bien vouloir excuser l'absence.
Vous affirmez que les lois de juin 1998 et de janvier 2000 sont trop rigides ou trop complexes. Le législateur a élaboré un cadre légal fixant les objectifs, garantissant les droits des salariés et prévoyant des compensations pour les entreprises sous forme d'allégements de charges. Vous n'ignorez pas que la définition des modalités d'application a été confiée aux représentants des salariés et aux employeurs. A l'évidence, le dispositif de réduction du temps de travail a été conçu non pas comme une loi « couperet » (M. de Raincourt s'esclaffe) , mais bien comme un texte incitant à la négociation et prévoyant les modalités d'une mise en oeuvre progressive (Protestations sur les travées du RPR), ...
M. Jean Chérioux. C'est une plaisanterie !
M. Gérard Cornu. C'est de la provocation !
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat. ... afin notamment de tenir compte des spécificités des entreprises de vingt salariés et moins.
A cet égard, je rappellerai très brièvement quelques aspects de la loi qui me semblent essentiels.
Tout d'abord, un calendrier progressif a été retenu, la réduction du temps de travail à trente-cinq heures n'entrant en vigueur qu'en 2002 pour les entreprises de vingt salariés et moins.
M. Bernard Murat. C'est demain !
M. Henri de Raincourt. C'est demain matin !
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat. Ensuite, un dispositif d'« appui-conseil » a été prévu, de même que le bénéfice des aides et des allégements de charges pour les PME.
Enfin, des règles spécifiques ont été définies en matière de repos compensateurs.
M. Jean Arthuis. Le contexte a changé !
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat. Au-delà, le Gouvernement a entendu les difficultés exprimées par les représentants de certaines branches (Enfin ! sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste) et a annoncé, à la fin du mois de septembre, la parution d'un décret visant à rendre un peu plus facilement accessible le recours aux heures supplémentaires, par le biais d'une réduction progressive du contingent sur trois ans.
Ainsi, je rappelle que, en 2002, on pourra travailler quarante et une heures par semaine en moyenne dans une entreprise de dix salariés, et quarante dans une entreprise comptant vingt salariés.
M. Henri de Richemont. C'est tout ?
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat. En outre, une circulaire aménagera les modalités de maintien des aides aux entreprises,...
M. Jean Arthuis. Et la loi ?
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat. ... les entreprises ayant réduit leur temps de travail, notamment pour prendre en compte leurs éventuelles difficultés de recrutement.
Enfin, je vous rappelle que les 35 heures bénéficient aujourd'hui à près de sept millions de salariés et qu'elles ont permis aux entreprises de s'engager à créer ou à préserver 374 000 emplois. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Henri de Richemont. Vous n'en savez rien ! C'est du baratin !

CONSÉQUENCES DE LA SITUATION INTERNATIONALE
SUR L'ÉCONOMIE FRANÇAISE

M. le président. La parole est à Mme Didier, nouvelle élue, qui intervient aujourd'hui pour la première fois. (Applaudissements.)
Mme Evelyne Didier. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Au-delà des dramatiques événements qui se déroulent depuis le 11 septembre, le danger d'une récession économique est souligné par nombre d'observateurs. Ces derniers reconnaissent cependant que ces événements et leur suite ont contribué à accélérer le ralentissement de la croissance économique mondiale et à servir de catalyseur à des plans sociaux massifs.
Certains secteurs économiques, au premier rang desquels les transports aériens, sont directement touchés par cette tragédie.
Ne négligeons pas non plus les tendances économiques de fond qui conduisent depuis plusieurs mois à des restructurations massives, en particulier dans les technologies nouvelles.
Ainsi, après avoir annoncé début juillet la suppression de 15 000 emplois, dont près de 5 000 en France dans la téléphonie mobile, Alcatel s'apprête à supprimer 3 000 nouveaux emplois dans ses filiales spécialisées dans l'optique.
M. Jean Arthuis. Merci les 35 heures !
Mme Evelyne Didier. En Lorraine, citons le cas de Flextronics, qui menace de délocaliser sa production.
La plupart des instituts de conjoncture révisent à la baisse leur prévision de croissance. Il devient urgent de s'interroger sur les facteurs internes qui expliquent ce ralentissement.
Depuis le milieu des années quatre-vingt-dix, les inégalités sociales n'ont cessé de s'aggraver sur fond d'exclusion sociale et de multiplication des formes précaires d'emploi. Cela compromet sans aucun doute une reprise durable et saine de la croissance.
Nous sommes conscients des efforts qui ont été consentis par le Gouvernement. Pour autant, la baisse des impôts, trop souvent couplée avec la réduction des dépenses publiques et la prime pour l'emploi, nous paraissent largement insuffisantes.
M. Henri de Raincourt. C'est la gauche !
Mme Evelyne Didier. Le combat pour la croissance nécessite deux axes d'action principaux qui orienteront ma question.
En premier lieu, ne pensez-vous pas urgent de desserrer le carcan du pacte de stabilité européen afin de mettre en place un plan de relance significatif ? Cette idée a d'ailleurs été reprise aux Etats-Unis afin de sauvegarder et de promouvoir l'activité économique.
En second lieu, comptez-vous relever de manière significative les mimima sociaux et le SMIC pour soutenir la consommation ?
J'attends, avec mes collègues du groupe communiste républicain et citoyen, des réponses concrètes à ces questions qui préoccupent gravement la population. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Jean Chérioux. Et les sénateurs ?
M. Eric Doligé. Il faudra attendre neuf mois !
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget. Madame la sénatrice, vous posez une question essentielle dont nous aurons l'occasion de débattre prochainement.
La conjoncture économique est certes incertaine ; elle l'était déjà avant les attentats odieux du 11 septembre dernier en raison du ralentissement de l'économie américaine. Il est tout à fait évident que ces attentats, ainsi que les opérations en Afghanistan, sont porteurs de risques et d'inquiétude.
Nous avons identifié trois risques majeurs.
Le premier était d'ordre financier. Force est de constater que les bourses ne se sont pas effondrées et que les autorités monétaires américaines ou européennes ont su apporter les réponses justes.
Le deuxième avait trait au pétrole. Là aussi, son cours est historiquement bas.
Le troisième concernait la consommation des ménages. Or les indicateurs actuels montrent qu'en France elle reste soutenue.
Face à cette situation, il ne faut pas ajouter de l'inquiétude à l'inquiétude...
Nous aurons un débat sur les prévisions de croissance, mais ne perdons pas de vue que les fondamentaux de notre économie sont solides.
M. Gérard Cornu. C'est évident ! (Sourires.)
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Pendant quatre ans, la croissance française a été à la fois plus vigoureuse et plus régulière que dans les autres pays de la zone euro.
M. Alain Gournac. Tout va bien !
M. René-Pierre Signé. Ce n'était pas le cas avant !
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. La politique économique de ce gouvernement paraît adaptée. Cet automne, en effet, 40 milliards de francs ont été distribués aux ménages à travers la baisse de l'impôt sur le revenu, la prime pour l'emploi et l'allocation de rentrée scolaire.
Le Gouvernement est vigilant, il le restera. Il est réactif, il le restera. Il est volontaire, il le restera, ô combien ! pendant cette période. Nous aurons l'occasion d'en reparler et vous pourrez le vérifier. (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)

NOCIVITÉ DES PESTICIDES

M. le président. La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly. Ma question impliquant plusieurs ministères, l'agriculture, la santé et l'environnement, je l'avais adressée à M. le Premier ministre.
Les craintes ressenties par la population devant ce qu'elle consomme s'accentuent. Après le redoutable risque, encore mal apprécié dans ses conséquences pour l'avenir, de voir le boeuf transmettre une variante de la maladie de Creutzfeld-Jacob et, à moindre mal pour les individus, la récente épizootie de fièvre aphteuse, après le poulet suspect à la dioxine et les fromages propagateurs de listeria,...
M. René-Pierre Signé. Et le charbon !
M. Bernard Joly. ... ce sont les fruits, les légumes et les céréales qui sont soupçonnés d'être vecteurs d'affections car traités aux pesticides.
Il semble qu'il y ait raison de s'inquiéter, car la France est le deuxième utilisateur mondial de ces produits après les Etats-Unis.
Une récente enquête de la Commission européenne fait apparaître que moins de la moitié des fruits, des légumes et des céréales examinés et prélevés en France il y a deux ans contenait des résidus de pesticides à des niveaux égaux ou inférieurs à la limite maximale.
Ce que n'aborde pas l'enquête européenne et qui n'est pas négligeable, c'est la présence de ces pesticides dans l'eau potable et dans les agglomérations.
Il ne s'agit pas d'adopter des positions maximalistes et de tout rejeter. Mais il convient, d'une part, d'encourager des techniques nouvelles comme le « désherbinage » qui, dans mon département, sur les surfaces traitées, a permis de réduire de 60 % l'utilisation des produits phytosanitaires. Il importe, d'autre part, d'écarter avec discernement les produits les plus dangereux.
Or, il est fait état d'une liste de quatre cents de ces produits, actuellement commercialisés et d'usage courant qualifiés de trop toxiques, mais qui ne seraient retirés du marché qu'en 2003.
Quand on connaît les effets de ces substances sur les organismes, on se demande : pourquoi attendre ? De plus en plus de jeunes meurent de cancers, les troubles du système endocrinien se développent... La liste n'est malheureusement pas limitative.
En mai dernier, nous avons voté un texte qui créait une Agence française de sécurité sanitaire environnementale. Cet organisme s'ajoutait à d'autres entités de veille, notamment en matière de sécurité sanitaire des aliments. Les instruments existent. Y a-t-il volonté de les utiliser ?
Chacun, aujourd'hui, qu'il soit producteur ou consommateur, est conscient que, si le risque zéro n'existe pas, plus de garanties et de transparence sont gages de sécurité accrue.
M. René-Pierre Signé. On finit toujours par mourir de quelque chose !
M. Bernard Joly. Ma question est simple : pourquoi laisser en vente pendant deux ans des produits jugés trop toxiques, sachant les dégâts qu'ils vont faire chez nos concitoyens ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RDSE, du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle. Monsieur le sénateur, votre question étant interministérielle, en l'absence du Premier ministre retenu, comme vous le savez, à Perpignan, je serai la voix du Gouvernement.
Vous évoquez l'échéance de 2003, qui concerne le programme européen de réévaluation du risque de l'ensemble des pesticides.
Vous avez également rappelé que ce sont plus de cinq cents substances qui doivent être retirées du marché d'ici juillet 2003.
Cependant, sans attendre cette échéance, le Gouvernement a déjà, en France, pris des décisions d'interdiction ou de limitation des usages lorsque l'évaluation de nos experts le justifie. C'est le cas des triazines dont Jean Glavany a annoncé le 28 septembre le retrait progressif. Cette famille de produits est en effet à l'origine de l'essentiel des dépassements des normes applicables à l'eau.
Ce sera le cas très prochainement de l'arsenite de soude. Les produits les plus dangereux doivent, bien entendu, être écartés aussi vite que possible, et le Gouvernement s'y emploie. C'est dans cet esprit que le ministère de l'agriculture s'est engagé dans une démarche de réévaluation des produits autorisés.
Comme Jean Glavany et Yves Cochet l'ont dit à plusieurs reprises, nous devons reconquérir la qualité de l'eau. Cette action passe par une utilisation raisonnée des produits phytosanitaires et va de pair avec la réorientation de la politique agricole encouragée par le Gouvernement. La loi d'orientation agricole de 1999 a pour objet de réconcilier l'agriculture avec la société, grâce à des modes de production moins intensifs.
En août 2000, les ministères de l'agriculture et de l'environnement ont lancé conjointement un « programme pluriannuel de réduction des pollutions par les produits phytosanitaires ».
La taxe sur les activités polluantes intègre, depuis le 1er janvier 2000, les produits phytosanitaires, selon des barèmes fixés en fonction de la toxicité des produits.
Enfin, n'oublions pas le projet de loi sur l'eau. Présenté au Parlement en janvier 2002, il permettra de franchir dans le domaine des pollutions une étape supplémentaire.
Je tiens enfin, monsieur le sénateur, à vous rassurer : le décret de création de l'Agence nationale de sécurité santé-environnement va être soumis prochainement au Conseil d'Etat. Notre objectif est d'installer son siège dans le Val-de-Marne, à Saint-Maurice. (Applaudissements sur les travées socialistes.)

PROJET DE FUSION SCHNEIDER-LEGRAND

M. le président. Notre nouveau collègue, M. Longuet prend ici la parole pour la première fois. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
Il est connu et apprécié de la Haute Assemblée où nous l'avons accueilli à maintes reprises lorsqu'il était ministre.
M. Gérard Longuet. Ma question, d'une actualité brûlante, s'adresse à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes et porte sur le refus du projet de fusion de deux entreprises françaises d'électricité, Legrand et Schneider, par la Commission européenne.
Le Gouvernement a-t-il l'intention de prendre trois initiatives politiques fortes pour mettre fin à une situation incohérente ?
D'abord, il est incohérent que les positions dominantes soient évaluées sur les marchés nationaux et non pas sur le marché européen. Or le marché unique existe et il convient d'en tirer les conséquences.
Ensuite, il convient de faire en sorte que l'instruction des grandes fusions industrielles soit assurée parallèlement par la DG 4 et par les directions en charge de l'économie et de l'industrie.
Le libéral que je suis le dit avec conviction, l'Europe ne peut pas se borner à une politique de la concurrence et ne pas avoir de projets industriels. Autrement, l'aéronautique civile européenne, par exemple, n'aurait jamais existé. Il convient donc que les fusions soient examinées de pair, sous l'angle de la concurrence et des projets européens.
Enfin, il importe de mettre en conformité les exigences européennes et le droit intérieur français. Le Gouvernement ne doit-il pas faire en sorte qu'en bourse les offres publiques soient assorties de conditions telles que les actionnaires, notamment les plus petits, ne soient pas lésés par des annonces et des engagements démentis plusieurs mois après, dans des conditions qui peuvent, en effet, faire craindre pour la validité de leurs placements (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes. Monsieur le sénateur, la Commission européenne a en effet rendu hier un avis négatif sur le projet de fusion entre Schneider-Legrand. Elle a agi, vous l'avez dit, dans le cadre de la compétence exclusive qui lui a été attribuée en matière de concurrence par le traité de Rome.
Le Gouvernement, en particulier le ministre de l'économie et des finances et le secrétaire d'Etat à l'industrie, qui avait, à de nombreuses reprises, sensibilisé la Commission à l'importance de cette affaire, ne peut maintenant que prendre acte de l'avis rendu.
Je rappelle que cette fusion avait pour objet la création d'un « champion » européen de taille mondiale dans l'une de nos filières européennes d'excellence : le matériel électrique de basse tension. Cette opération était nécessaire pour affronter la concurrence, américaine et japonaise, ainsi que pour consolider l'emploi et de renforcer notre attractivité industrielle. Telle est la préoccupation fondamentale des élus des régions concernées. Je le sais bien pour m'être entretenu de façon approfondie, voilà quelques semaines, notamment avec les parlementaires du Limousin.
Le Gouvernement sera très attentif aux conséquences de cette décision, en particulier sur le plan social et industriel. Les entreprises devront notamment assurer la concertation nécessaire avec les représentants des salariés. Au demeurant, je note que la Commission est prête à examiner avec Schneider-Legrand « les modalités appropriées pour reconstituer les conditions de concurrence effective ».
Le Gouvernement souhaite en tout cas que les entreprises bénéficient d'une souplesse de calendrier suffisante pour pouvoir élaborer les solutions industrielles satisfaisantes. Pour nous, cela est clair et je veux le dire ici, le dossier n'est pas clos.
Il nous faudra naturellement tirer les enseignements de cette décision sur le plan national comme sur le plan communautaire. Croyez que j'ai bien écouté ce que vous avez dit ici. Il faudra sans doute un peu de temps pour instruire tout cela, mais je voudrais vous donner deux éléments.
D'abord, il faudra réfléchir, en particulier, à l'articulation entre notre droit boursier et les procédures de concurrence. Il y a là, manifestement, des harmonisations, des cohérences à rétablir.
Par ailleurs, sans doute faudrait-il apprécier ce type d'opération indépendamment de la nationalité des entreprises considérées, à l'échelle de l'ensemble du marché européen, et non sur la base d'une analyse par pays qui ne correspond plus, effectivement, aux réalités économiques d'aujourd'hui.
Voilà les éléments que je pouvais vous fournir aujourd'hui. Mais cela implique bien sûr des réflexions plus approfondies. (Applaudissements sur les travées socialistes.)

SUITES DE LA CATASTROPHE DE TOULOUSE

M. le président. La parole est à M. Plancade.
M. Jean-Pierre Plancade. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le Premier ministre, et je souhaite y associer bien sûr l'ensemble des sénateurs de la Haute-Garonne.
Depuis le 21 septembre, Toulouse panse les plaies d'une explosion tragique, d'une violence inouïe et sans précédent, qui a dévasté cette ville et profondément traumatisé ses habitants.
On a dénombré 29 morts, 2 242 blessés, 782 personnes hospitalisées, dont une trentaine sont encore dans un état grave.
A cela il faut ajouter les nombreuses familles qui n'ont plus de toit : 25 500 logements ont été touchés. Il reste encore plus de 300 familles à reloger.
De nombreuses entreprises de l'agglomération ont également été sinistrées. En particulier, les six entreprises de la plate-forme chimique laissent 1 100 salariés dans l'incertitude la plus complète quant à leur avenir professionnel.
Au-delà du site proprement dit, 294 entreprises sont menacées d'arrêt de leur activité, auxquelles doivent s'ajouter 720 autres entreprises, qui ont subi des dégâts importants : au total, plus de 16 000 salariés au total sont concernés par cette situation.
M. le Premier ministre a pu se rendre compte par lui-même de l'ampleur de la catastrophe. Nous le remercions de l'aide très importante apportée par le Gouvernement aux Toulousains, qui s'élève à 1,5 milliard de francs.
Je remercie également M. le Président de la République et les nombreux ministres qui ont manifesté leur solidarité.
Aujourd'hui, Toulouse relève la tête avec dignité et dans la solidarité grâce à la mobilisation exceptionnelle de l'ensemble des acteurs économiques, sociaux et politiques. Grâce aussi à ce formidable élan de solidarité nationale qui s'est immédiatement exprimé, y compris d'ailleurs au sein de cette assemblée, sur toutes les travées. Qu'ils en soient remerciés ! Je tiens, bien sûr, à remercier tout particulièrement M. le président du Sénat et le Bureau de l'aide qu'ils ont décidé d'apporter à la ville de Toulouse.
Mais, au-delà du drame humain, des inquiétudes légitimes des salariés de la plate-forme chimique quant à leur avenir, l'Etat et les collectivités locales doivent maintenant tirer les enseignements de cette douloureuse épreuve.
Nous sommes conscients que la France ne peut pas renoncer à son industrie chimique, que le déplacement de cette dernière en zone rurale ne donnerait aucune garantie supplémentaire de sécurité. Nous pensons donc que la priorité doit être donnée à la prévention et à la maîtrise du risque industriel.
Cependant, eu égard au profond traumatisme et aux blessures indélébiles qui continueront de marquer l'agglomération toulousaine pour de longues années encore, il paraît difficilement envisageable que ce site reprenne un jour son activité. Il est souhaitable que Toulouse fasse l'objet d'un traitement particulier.
Je souhaiterais donc que me soit indiquée la perspective dans laquelle le Gouvernement entend aujourd'hui s'engager face à cette situation complexe. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur plusieurs travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Monsieur Plancade, je vous remercie d'avoir mentionné qu'immédiatement après avoir eu connaissance de la catastrophe le Sénat avait attribué un concours financier à la ville de Toulouse. Je vous ai demandé de bien vouloir me préciser quelle serait éventuellement l'affectation de ce concours financier et d'interroger le maire à ce sujet, de manière que ces fonds disponibles puissent être rapidement versés.
M. Jean-Pierre Plancade. Monsieur le président, je me suis entretenu hier soir au téléphone avec M. Douste-Blazy, maire de Toulouse. Après m'avoir chargé de transmettre ses remerciements à vous-même et à l'ensemble du Sénat, il m'a précisé que ces fonds seront attribués aux deux écoles les plus sinistrées de la ville. (Applaudissements.)
M. le président. Monsieur Plancade, je vous remercie de ces précisions.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur, la solidarité nationale s'est exprimée, et le Sénat y a contribué fortement aussi, à l'occasion de cette catastrophe qui est la plus grave que notre pays ait eu à connaître, sur le plan industriel, depuis la Seconde Guerre mondiale. On mesure aujourd'hui encore l'effort qu'il reste à accomplir aux Toulousains pour restaurer un certain nombre de bâtiments ; nous pensons aussi plus particulièrement aux blessés et à tous ceux qui ont souffert dans ces circonstances.
Cette catastrophe nous contraint, Etat et collectivités locales, à réfléchir à la gestion des risques industriels, à la surveillance et au contrôle des installations à risque ainsi qu'à la politique d'urbanisation autour des sites concernés.
Vous l'avez évoqué, monsieur Plancade, il faut donner une priorité à la prévention et à la maîtrise du risque industriel pour protéger non seulement ceux qui travaillent dans les usines mais aussi toute la population environnante.
Plus particulièrement en ce qui concerne Toulouse, je voudrais réaffirmer devant vous, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, que la question d'un redémarrage de la plate-forme chimique de Toulouse n'est pas à l'ordre du jour. M. le Premier ministre l'a indiqué très clairement à plusieurs reprises. Il a, en outre, demandé au préfet de faire réaliser, en liaison avec la DRIRE, la direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement, un audit afin de mesurer l'effet de l'accident sur la plate-forme chimique et d'examiner notamment la situation au plan de la sécurité des usines SNPE, Tolochimie et Isochem.
Le cabinet indépendant hollandais TNO, dont l'expertise dans ce domaine est reconnue, a été mandaté le 4 octobre pour mener une contre-expertise des études qui seront remises par les entreprises. Les experts de ce cabinet seront à Toulouse dès demain pour une première réunion technique avec les représentants de la DRIRE. Ils devraient notamment rendre leur avis dans un délai d'un mois après la remise des études par les entreprises concernées. Leurs conclusions seront alors croisées avec celles que rendront les services de l'Etat.
En tout état de cause, aucune décision touchant à l'avenir du pôle chimique de Toulouse ne sera prise sans qu'un large débat public ait été organisé. Dans l'attente des résultats des expertises et des contre-expertises indépendantes ainsi que de la tenue de ce débat public, je le répète, monsieur le sénateur, le redémarrage de la plate-forme de Toulouse n'est pas à l'ordre du jour. Il faut, en effet, s'assurer que toutes les conditions de sécurité sont réunies, et c'est notre objectif commun. (Applaudissements sur les travées socialistes.)

SUITES DE LA CATASTROPHE DE TOULOUSE

M. le président. La parole est à M. Murat.
M. Bernard Murat. Ma question s'adressait en fait à M. le Premier ministre et rejoint celle qu'a posée notre collègue M. Jean-Pierre Plancade.
La ville de Toulouse a subi, le 21 septembre dernier, l'un des plus graves accidents industriels français, et nous nous sommes tous sentis Toulousains. Mais nous devons aussi en tirer quelques enseignements au-delà du problème particulier de Toulouse.
En effet, les 1 249 sites sur l'ensemble du territoire national représentent un risque tel qu'aucun élu des villes concernées ne peut se sentir à l'abri d'un tel drame. Brive-la-Gaillarde, ville dont je suis le maire, compte deux sites à risques, dont un site Seveso. Dix millions de citadins qui vivent aujourd'hui à proximité de zones industrielles chimiques sont concernés par d'éventuels accidents du type de celui qu'a connu Toulouse, quelles qu'en puissent être les causes.
Si, comme l'a souligné M. le Premier ministre, « nous n'allons ni renoncer à avoir une industrie chimique, ni déplacer des millions de personnes à la campagne », il faut savoir que les dispositions Seveso sur les usines à risques ne sont pas suffisamment appliquées en France, ce qui n'est pas de nature à rassurer les populations et les élus que nous sommes.
Il en est ainsi, d'abord, du point de vue des moyens. Le nombre des inspecteurs de la direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement, la DRIRE, chargés de faire respecter les lois et règlements en matière de sécurité industrielle est très notoirement insuffisant. Depuis 1997, le manque de recrutement n'a pas permis d'améliorer la sécurité des sites industriels.
Par ailleurs, le plan de prévention des risques industriels de Toulouse qui était en vigueur lors de l'explosion n'avait pas été révisé depuis douze ans. Il paraîtrait normal que le Gouvernement fasse le nécessaire pour que dans l'ensemble des communes concernées de France une réactualisation des plans de prévention des risques industriels, les PPRI, soit immédiatement mise en oeuvre.
Monsieur le ministre, avant de créer un hypothétique « plan de prévention des risques technologiques » qui viendra s'ajouter à bien d'autres plans, ne serait-il pas plus urgent que l'Etat se donne les moyens d'imposer sans délai le respect de la réglementation stricte et précise qui existent déjà, afin que soient appliquées fermement les dispositions en vigueur ?
Enfin, dans la période de troubles extrêmes que nous traversons, n'oublions pas que ces sites industriels constituent autant de cibles pour d'éventuelles attaques terroristes et un danger immédiat pour les populations. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur, vous avez évoqué les moyens de contrôle de l'administration. Je peux souligner que le Gouvernement a décidé la création de 150 postes d'inspecteur dès l'année prochaine, qui iront vérifier la sécurité des sites sur le terrain, et le renforcement de l'Institut national de l'environnement industriel et des risques.
La maîtrise des risques passe, vous l'avez indiqué, par une meilleure évaluation des risques d'accident. La directive Seveso II impose aux exploitants des 680 usines les plus exposées de réviser leurs études de danger pour prendre en compte des scénarios d'accident qui, jusqu'à présent, pouvaient être ignorés. Le ministre de l'environnement a rappelé cette obligation aux préfets le 20 septembre dernier et il a, par circulaire également, indiqué que ces études de danger devront être remises avant la fin de cette année.
J'indique aussi que, sur la question des sites industriels intégrés au tissu urbain, une table ronde nationale et des débats locaux seront organisés, sur l'initiative du Gouvernement, pour définir une méthode ainsi que des principes d'action et pour débattre au cas par cas des grands sites industriels. C'est M. Philippe Essig, ancien président du conseil d'administration de la SNCF, qui a été chargé de cette mission par M. le Premier ministre. Il devrait présenter des propositions rapidement pour que des décisions soient arrêtées au début de l'année 2002.
La représentation nationale et les élus locaux - vous avez ainsi évoqué plus particulièrement le cas de la ville de Brive-la-Gaillarde - seront bien sûr associés à la réflexion.
Quant aux plans de prévention des risques technologiques qui seront mis en place, ils seront utiles pour maîtriser l'urbanisation autour des sites et pour éviter que les erreurs du passé ne soient rééditées. Etablis sur le modèle des plans de prévention des risques naturels, ils auront donc, également leur utilité !
Enfin, je voudrais souligner que les ministres concernés - M. Cochet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, Mme Lienemann, secrétaire d'Etat au logement, et M. Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie - organiseront un débat sur la cohabitation des activités à risque et des populations, débat qui pourra associer tous les acteurs concernés - industriels, élus, organisations syndicales et du logement - afin de déboucher sur un ensemble de propositions.
Vous pouvez donc constater que la question, qui concerne toutes la collectivité nationale, est prise en compte sous ses différents aspects. (Applaudissements sur les travées socialistes. - M. Bret applaudit également.)

INDEMNITÉS KILOMÉTRIQUES
POUR LES DÉPLACEMENTS DES FONCTIONNAIRES

M. le président. La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. J'ai adressé ma question à M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, mais j'aurais pu également la poser à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, car elle concerne à certains égards l'euro.
Certes, après ceux qui viennent d'être évoqués, le problème que je soulève vous paraîtra quelque peu secondaire, mais il est révélateur du peu d'attention que les administrations centrales attachent aux complications générées par certaines décisions.
C'est ainsi qu'un arrêté du 20 septembre 2001, publié le 28 septembre, révise les taux des indemnités kilométriques et de déplacement des fonctionnaires, ce qui est normal puisque la dernière révision date du 1er juillet 1999. Hélas ! cette révision est fixée rétroactivement au 1er février 2001 ! Vous imaginez le surcroît de travail des services chargés du personnel de toutes les administrations de l'Etat ou des collectivités territoriales pour effectuer les rappels, qui seront de quelques francs parfois ou, plutôt, de quelques centièmes d'euros ! Les logiciels n'ont souvent pas prévu cette éventualité.
S'il est bon, monsieur le ministre, de supprimer les fiches d'état civil et la certification des copies, ce dont nos secrétaires de mairie se réjouissent - encore faudra-t-il évaluer si cela n'augmente pas la fraude -, ne pourriez-vous cependant donner des instructions précises pour éviter de telles situations préjudiciables à un bon fonctionnement des administrations ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser mon collègue M. Michel Sapin, retenu par un déplacement en Chine. (M. Hyest s'exclame.) Peut-être l'administration chinoise fait-elle preuve d'une célérité plus grande que l'administration française pour intégrer les nouvelles données financières ?
Vous conviendrez en tout cas, monsieur le sénateur, que les personnels des services publics attendaient une revalorisation des différentes indemnités. Cette dernière est intervenue par un arrêté du 21 septembre dernier et concerne l'indemnité de repas, revalorisée de 22 %, et l'indemnité kilométrique, revalorisée de 8,7 % au 1er février 2001, c'est-à-dire rétroactivement !
M. Jean Arthuis. Ridicule !
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. Si cette rétroactivité est une bonne mesure pour les fonctionnaires - ils enregistrent en effet une amélioration des conditions de remboursement -, elle n'est évidemment pas aisée à mettre en place pour les services gestionnaires. Mais le Gouvernement a souhaité tenir compte de la date à partir de laquelle les évolutions du prix du carburant nécessitait un relèvement de l'indemnité, notamment pour les personnels du ministère des finances qui sont amenés à se déplacer fréquemment, (Mme le secrétaire d'Etat au budget acquiesce) .
Il y a donc eu une amélioration des conditions de remboursement des agents publics.
M. Alain Gournac. Pourquoi ne l'a-t-on pas fait avant ?
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. Mais je ne doute pas que l'administration des finances, surtout inspirée par le ministre de la fonction publique après son voyage en Chine, saura faire preuve d'une plus grande rapidité dans la publication des arrêtés et des décrets concernant les régimes du personnel ! (Sourires. - Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Mme Parly veut-elle confirmer les derniers propos de M. Queyranne ? (Sourires. - Mme le secrétaire d'Etat au budget fait un signe de dénégation.)

HOSPITALISATION PRIVÉE

M. le président. La parole est à M. Carle.
M. Jean-Claude Carle. Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le ministre délégué à la santé.
En 1984, la gauche déclenchait la « guerre scolaire ». (Exclamations sur les travées socialistes.) Aujourd'hui, dix-sept ans plus tard, le Gouvernement voudrait-il déclencher la « guerre sanitaire » qu'il ne s'y prendrait pas autrement. (M. Signé s'exclame.) L'analogie entre ces deux situations est frappante : vous opposez, en ne les traitant pas avec équité, secteur public et secteur privé.
M. Kouchner ne semble d'ailleurs pas trop aimer l'hôpital privé,...
M. René-Pierre Signé. Oh !
M. Jean-Claude Carle. ... non plus que certains praticiens libéraux ; je ne reprendrai pas les termes dont il a qualifié les dentistes !
C'est à l'asphyxie lente et programmée de la médecine libérale que nous assistons. Et si telle n'est pas l'intention du Gouvernement, c'est pourtant bien à cela que nous risquons d'aboutir : l'hospitalisation privée ne serait alors plus qu'une force d'appoint de l'hospitalisation dans le secteur public.
Les enveloppes annuelles allouées par le Gouvernement à l'hospitalisation privée sont particulièrement faibles depuis plusieurs années. Aujourd'hui, plus de la moitié des 1 300 établissements privés sont dans une situation financière très difficile. Cette situation préoccupante est encore aggravée par la réduction du temps de travail, qui pèse très fortement sur les coûts du secteur privé, où elle s'applique depuis le 1er janvier 2000.
M. René-Pierre Signé. Rien ne lui plaît ! Rien ne lui va !
M. Jean-Claude Carle. En outre, le Gouvernement vient d'annoncer la création de 45 000 postes supplémentaires dans les hôpitaux publics pour faire face aux conséquences du passage aux 35 heures. Les établissements privés redoutent une fuite massive de leur personnel, en particulier des infirmières et des aides-soignantes qui, du fait de cette situation financière très difficile, sont payées 15 % à 20 % de moins que dans le secteur public.
Si la France bénéficie de l'un des systèmes de santé les plus performants au monde, elle le doit à la complémentarité stimulante entre secteur public et secteur privé. L'hospitalisation privée représente 40 % du total des établissements de santé et seulement 12 % des dépenses hospitalières ; elle prend en charge chaque année 30 % des patients, pour un coût inférieur. Dans mon département, 65 % des interventions chirurgicales se font dans le secteur privé.
M. René-Pierre Signé. Et lui, il dépasse son temps de parole !
M. Jean-Claude Carle. Madame la secrétaire d'Etat, il n'y a pas d'avenir pour l'hôpital public sans avenir pour l'hôpital privé. Les deux concourent à la même mission sanitaire auprès de nos concitoyens. C'est à l'ensemble de notre système de soins que vous êtes en train de porter atteinte. Les Français sont attachés à la liberté de choix, garante de la qualité des soins.
M. René-Pierre Signé. C'est un libéral mauvais teint !
M. Jean-Claude Carle. Ma question, madame la secrétaire d'Etat, est très simple : alles-vous prendre des mesures d'urgence en faveur d'une plus grande équité entre l'hôpital public et l'hôpital privé ? Allez-vous proposer l'enveloppe de rééquilibrage qui s'impose et que l'on peut estimer à 6 milliards de francs ? (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. René-Pierre Signé. Très mauvais !
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Marie-Noëlle Lienemann, secrétaire d'Etat au logement. Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser Bernard Kouchner, retenu en province par une réunion importante.
Le Gouvernement est conscient de la situation de l'hospitalisation privée. Ce secteur joue effectivement un rôle important dans la réponse aux besoins de la population, et la diversité croissante des missions qui lui sont confiées en tant qu'établissement de santé privé par les agence régionales de l'hospitalisation, en application d'ailleurs des schémas régionaux d'organisation sanitaire, le montre très clairement.
L'extension à ces établissements de la prise en charge de l'urgence est particulièrement symbolique, non seulement de l'implication de ces établissements dans la prise en charge sanitaire de nos concitoyens au quotidien, mais aussi de la reconnaissance de leur complémentarité par rapport au secteur public.
Dans ces circonstances, l'action du Gouvernement vise à prendre en compte la situation effective, sur un plan économique, des établissements de santé privés : un fonds de modernisation pour les cliniques privées a été mis en place et accompagne des opérations de modernisation de ce secteur. La dotation de ce fonds a été portée à 150 millions de francs en 2001 et sera maintenue à ce niveau pour 2002.
Par ailleurs, pour la première fois, le taux d'augmentation pour 2001 de l'objectif quantifié national, le fameux OQN, a été fixé à un niveau équivalent à celui des établissements publics, soit une progression de 3,3 %, ce qui montre bien, monsieur le sénateur, la complémentarité effective des secteurs public et privé, et l'attachement du Gouvernement à traiter ces derniers de façon égale.
Sur cette base, un accord a été signé le 4 avril dernier avec les fédérations de cliniques privées, accord qui détermine les taux de progression pour 2001 des tarifs de ce secteur. Il intègre une enveloppe de 600 millions de francs pour les augmentations générales, soit une hausse moyenne des tarifs de 2,30 %, et une autre enveloppe de 600 millions de francs pour des augmentations plus ciblées, ce qui va porter l'augmentation totale à près de 4 %. L'accord prend en compte le financement des augmentations de salaire des différentes catégories de personnels des établissements de santé privés et s'inscrit dans un cadre pluriannuel visant à assurer la cohérence entre les rémunérations des différents services des secteurs de l'offre hospitalière. Il n'est évidemment pas souhaitable qu'il y ait de grandes distorsions sociales entre les condition sociales des infirmières, des salariés et des médecins dans les différents secteurs. C'est donc tout l'objet de cet accord de permettre progressivement une harmonisation.
Cet accord vise donc à renforcer la complémentarité entre les secteurs public et privé. Il met en place le financement des activités d'urgence dans les établissements privés nouvellement autorisés - une centaine environ - en application des schémas régionaux d'organisation sanitaire.
Pour 2002, le taux de progression de l'OQN a été fixé à 3,5 %, confirmant la volonté du Gouvernement de poursuivre l'effort en faveur de ce secteur. De plus, comme vous le savez, le Gouvernement a annoncé au cours de l'été un certain nombre de mesures visant à renforcer les moyens des services d'obstétrique. S'agissant des cliniques privées, il a été décidé de créer un forfait naissance destiné à rémunérer la prise en charge des nouveau-nés au sein des établissements. Son montant initial sera de 660 francs et sera porté en trois ans à 1 320 francs.
Vous le voyez, monsieur le sénateur, le Gouvernement pense que la complémentarité entre le secteur public et le secteur privé est tout à fait importante pour notre service de santé. Je dois d'ailleurs dire que, à Toulouse, nous avons observé la mobilisation conjointe des établissements publics et privés qui ont su, dans des circonstances exceptionnelles, montrer une même compétence et une même solidarité à l'égard de nos concitoyens.

AVENIR DE MOULINEX

M. le président. La parole est maintenant à M. Godefroy, sénateur de la Manche, qui intervient pour la première fois dans cet hémicycle. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, depuis maintenant plus de dix ans, les salariés de Moulinex ont tout fait pour sauver leur entreprise. Rien ne leur a été épargné. Ils ont accepté de sacrifier leur pouvoir d'achat, ils ont fait face à de multiples plans sociaux et subi de plein fouet les erreurs de gestion répétées de leurs dirigeantes. Le 7 septembre dernier, le groupe Moulinex-Brandt a déposé le bilan, créant en Basse-Normandie, berceau historique de cette entreprise, un véritable traumatisme et menaçant des milliers d'emplois dans l'ensemble de notre pays.
Pour Brandt, un traitement dissocié est actuellement en cours.
Concernant Moulinex, Seb semble l'hypothèse privilégiée par le tribunal de commerce de Nanterre. Aussi industrielle soit-elle, cette offre de reprise supprime d'un trait quatre sites industriels et près de 3 000 emplois en Basse-Normandie, sans compter ceux de la sous-traitance.
Cette offre, si elle se confirmait, n'est évidemment pas acceptable en l'état. Elle doit être confortée. Toutes les autres propositions doivent être prise en compte, que ce soient celles de FIDEI ou d'Euroland, avec un point d'interrogation pour Euroland. Aujourd'hui, les banques - Société générale, Crédit lyonnais, BNP - sont beaucoup plus intéressées par les stocks de Moulinex que par le déblocage des 300 millions de francs nécessaires au redémarrage de l'outil industriel. Les réunions du comité central d'entreprise du 15 octobre et du tribunal de commerce du 16 octobre seront déterminantes pour l'avenir de milliers de salariés. Toutes les informations recueillies aujourd'hui sont alarmantes.
Pour sauver leur entreprise, les salariés de Moulinex occupent leurs usines. Qui pourrait leur en vouloir ? La première urgence est de sauver l'outil de travail. Si je me félicite des engagements que le Gouvernement a d'ores et déjà pris en termes de reconversions et de réindustrialisations, que chacun sait inévitables, je me dois en revanche de vous alerter sur la disparité existant en ce domaine, selon la localisation géographique de ces sites ; on observe en effet une différence à cet égard, selon l'origine géographique, notamment pour la prime à l'aménagement du territoire.
Il serait également souhaitable, madame la secrétaire d'Etat, que, devant la gravité de la situation et l'urgence sociale, vous puissiez donner des directives aux administrations concernées afin qu'elles soient à l'écoute et acceptent sans difficulté de différer le recouvrement des impôts et taxes auprès des entreprises sous-traitantes qui en feraient la demande. Cela peut également être valable pour certains salariés.
Il faut une mobilisation générale de l'Etat, des collectivités locales et des partenaires privés pour faire face à un tel défi. En tout état de cause, il restera un point à éclaircir, et non des moindres, sous la forme la plus appropriée : il faudra faire toute la lumière sur le chemin suivi par une telle entreprise pour arriver à un tel gâchis. (Oui ! sur certaines travées socialistes.) Les salariés, les sous-traitants et plus largement les citoyens doivent savoir ce qui s'est passé...
M. Jacques Mahéas. Tout à fait !
M. Jean-Pierre Godefroy. ... et comment ont été utilisés les fonds publics dont Moulinex a été destinataire au cours de son histoire.
M. Jacques Mahéas. Très bien !
M. Jean-Pierre Godefroy. Ce sinistre n'est pas sans responsables, puisque la dette de l'entreprise atteignait 7 milliards de francs au moment du dépôt de bilan !
Madame la secrétaire d'Etat, je connais la mobilisation du Gouvernement sur ce dossier. Pouvez-vous indiquer les actions entreprises par celui-ci afin de répondre à l'ensemble de ces inquiétudes ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget. Monsieur le sénateur, les actionnaires du groupe Moulinex-Brandt ont choisi de ne pas donner suite à la solution qui était pourtant proposée par les dirigeants du groupe. Cette attitude regrettable a conduit au dépôt de bilan du groupe Moulinex-Brandt le 7 septembre dernier.
En raison de la situation financière dramatique que vous venez de rappeler, les administrateurs judiciaires n'ont pas eu d'autre choix que de lancer un appel d'offre, dans des délais très courts, pour la reprise de Moulinex.
S'agissant de Brandt, dont la situation était meilleure, il a été possible, vous le savez, de trouver un accord financier pour permettre le redémarrage de la production.
M. Eric Doligé. C'est indécent !
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Depuis l'annonce de ce dépôt de bilan, le Gouvernement agit, vous l'avez rappelé, sans relâche pour écarter le risque de liquidation de la société, qui représenterait un gâchis industriel et surtout humain considérable. Mon collègue M. Christian Pierret a donné des instructions pour que tous les groupes industriels internationaux, dans le domaine de l'électroménager bien sûr, soient contactés et incités à examiner les possibilités de reprise de Moulinex.
Plusieurs offres, souvent très partielles, ont été remises aux admininistrateurs judiciaires, qui les ont présentées aux salariés le mardi 2 octobre.
Parmi les industriels contactés, seul SEB a déposé une offre de reprise qui exclut quatre sites et qui ne garantirait que le maintien de 2 300 salariés sur les 5 300 que comprend le groupe.
Le tribunal de commerce de Nanterre déterminera, dès mercredi prochain, le plan de reprise retenu, en appréciant la viabilité industrielle et économique des offres mais aussi leur dimension sociale.
Les représentants des salariés qui ont été reçus à Bercy ainsi qu'à Matignon ont été informés des actions menées par les pouvoir publics. Nous avons donné des instruction aux trésoriers-payeurs généraux pour que, dans chaque département concerné, ils s'efforcent, grâce à l'octroi de reports fiscaux d'éviter aux sous-traitant ainsi qu'à leur salariés de se trouver confrontés à des difficultés encore plus importantes.
Dès que le plan de reprise sera retenu, le Gouvernement arrêtera avec les partenaires sociaux et les collectivités locales concernées un plan de reconversion des sites qui ne seraient pas repris, afin de compenser les pertes d'emplois.
De son côté, Mme Elisabeth Guigou s'efforce de trouver des solutions pour tous les salariés qui ne seraient pas réembauchés afin de favoriser leur reclassement professionnel.
Enfin, le Premier ministre a affirmé l'engagement total de l'Etat en faveur des salariés de Moulinex, et cet engagement sera pleinement honoré. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
Mme Marie-Claude Beaudeau. Avec le concours des fonds publics !
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. La commission Hue !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Justement ! Alors, allons-y !
M. le président. Mes chers collègues, nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.

5

MODIFICATION
DE L'ORDRE DU JOUR

M. le président. J'informe le Sénat que la question orale n° 1112 de M. Jean-Pierre Vial est retirée de l'ordre du jour de la séance du mardi 16 octobre 2001, à la demande de son auteur.

6

COMMUNICATION
DE L'ADOPTION DEFINITIVE
DE TEXTES SOUMIS
EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4
DE LA CONSTITUTION

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre une communication, en date du 9 octobre 2001, l'informant de l'adoption définitive des cinq textes soumis en application de l'article 88-4 de la Constitution suivants :
N° E 1581 Proposition de règlement du Conseil établissant certaines mesures de contrôle applicables aux activités de pêche de certains stocks de poissons grands migrateurs. (Adopté le 27 septembre 2001.)
N° E 1673 Proposition de décision du Conseil relative à la signature, au nom de la Communauté, d'un accord de reconnaissance mutuelle en matière d'évaluation de la conformité entre la Communauté européenne et le Japon. (Adopté le 27 septembre 2001.)
N° E 1704 Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil relative à l'adaptation des perspectives financières aux conditions d'exécution présentée par la Commission au Parlement européen et au Conseil en application des points 16-18 de l'accord interinstitutionnel du 6 mai 1999. (Adopté le 27 septembre 2001.)
N° E 1716 Demande de dérogation présentée par le Danemark conformément à l'article 8, paragraphe 4, de la directive 92-81-CEE concernant l'harmonisation des structures des droits d'accises sur les huiles minérales (essence distribuée par des stations-service respectant les normes d'équipement et d'exploitation plus sévères arrêtées par le ministère danois de l'environnement et de l'énergie). (Adopté le 27 septembre 2001.)
N° E 1794 Proposition de décision du Conseil relative à la signature et à la conclusion au sein de la Communauté européenne de l'accord international sur le café de 2001. (Adopté le 24 septembre 2001.)

7

TRANSMISSION DE PROJETS DE LOI

M. le président. J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à la sécurité des infrastructures et systèmes de transport et aux enquêtes techniques après événement de mer, accident ou incident de transport terrestre.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 15, distribué et renvoyé à la commission des affaires économiques et du Plan, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, portant ratification de l'ordonnance n° 2001-273 du 28 mars 2001 transposant certaines dispositions de la directive 1999-62-CE du Parlement et du Conseil du 17 juin 1999 relative à la taxation des poids lourds pour l'utilisation de certaines infrastructures et réformant le régime d'exploitation de certaines sociétés concessionnaires d'autoroutes.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 16 distribué et renvoyé à la commission des affaires économiques et du Plan, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

8

TRANSMISSION
D'UNE PROPOSITION DE LOI

M. le président. J'ai reçu de M. le président de l'Assemblée nationale une proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, portant réforme du divorce.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 17, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

9

TEXTES SOUMIS AU SÉNAT
EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4
DE LA CONSTITUTION

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion d'un accord entre la Communauté européenne et la République de Malte concernant les poissons et les produits de la pêche sous forme d'un protocole additionnel à l'accord établissant une association entre la Communauté économique et Malte.
Ce texte sera imprimé sous le n° E 1824 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil modifiant la décision 1999/733/CEE du Conseil portant attribution d'une aide macrofinancière supplémentaire à l'ancienne République yougoslave de Macédoine.
Ce texte sera imprimé sous le n° E 1825 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 47-1999 relatif au régime d'importation pour certains produits textiles originaires de Taïwan.

Ce texte sera imprimé sous le n° E 1826 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
Lettre rectificative n° 1 à l'avant-projet de budget 2002 - section VIII B - Contrôleur européen de la protection des données - Section III - Commission.
Ce texte sera imprimé sous le n° E 1827 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision-cadre du Conseil relative à la lutte contre le terrorisme.

Ce texte sera imprimé sous le n° E 1828 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution.
- Proposition de décision-cadre du Conseil relative au mandat d'arrêt européen et aux procédures de remise entre Etats membres.
Ce texte sera imprimé sous le n° E 1829 et distribué.

10

ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 16 octobre 2001 :
A dix heures trente :
1. Questions orales suivantes :
I. - M. Gérard Cornu appelle l'attention de Mme le secrétaire d'Etat au logement sur les conséquences de l'article 75 de la loi n° 2001-3 du 18 janvier 2001 relative à la solidarité et au renouvellement urbains. Celui-ci autorise une reddition annuelle des comptes par les syndics de copropriété, alors même que les budgets sont financés par des appels provisionnels ou à des périodes fixées par les copropriétaires. Une reddition trimestrielle de comptes présente l'avantage d'une plus grande lisibilité et permet aux propriétaires bailleurs non gérés par des professionnels de régulariser plus facilement les charges de leurs locataires. D'autre part, la reddition annuelle aura pour effet d'entraîner une restitution des cautions plus d'un an après le départ du locataire, dans le cas où celui-ci viendrait à quitter son logement en début d'exercice de la copropriété. Il lui demande donc, afin d'éviter tout risque de contentieux, s'il ne serait pas plus simple de laisser les copropriétaires opter pour le mode de reddition des comptes qui leur convient, qu'il soit annuel ou trimestriel. (N° 1082.)
II. - M. Serge Franchis attire l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur les objectifs de desserte des territoires contenus dans les schémas multimodaux de services collectifs de transport, tels qu'ils ont été adoptés par le comité interministériel réuni en juillet dernier.
S'il est envisagé à bon escient de renforcer la capacité des liaisons ferroviaires entre l'agglomération parisienne et plusieurs villes du bassin, la liaison Paris-Auxerre est exclue de ce schéma.
Le chef-lieu du département de l'Yonne n'est desservi que par des automoteurs diesel. L'électrification du tronçon Auxerre-Laroche est reconnue comme une nécessité, tant par la SNCF que par la région de Bourgogne. En outre, la traction diesel est cause de nuisances pour les riverains de la gare d'Auxerre-Saint-Gervais. Le préchauffage est facteur de bruit et affecte la qualité de l'air.
Il lui demande, d'une part, s'il consent à proposer l'inscription de la liaison Paris-Auxerre comme liaison d'intérêt national afin de favoriser le projet d'électrification du tronçon Auxerre-Laroche et, d'autre part, de faire le point de l'application de la loi sur l'air n° 96-1236 du 30 décembre 1996 dont plusieurs décrets ne sont pas encore sortis. (N° 1125.)
III. - M. Francis Grignon appelle l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur le problème des frais bancaires pour les chèques émis entre pays membres de la zone euro. A titre d'exemple, les règlements par chèque en euros d'une facture provenant d'une entreprise allemande feront l'objet de frais bancaires. Ces chèques seront libellés en euros et les établissements financiers n'auront aucun travail de change à effectuer. Pourtant, ces derniers pourront encore réclamer et imputer des frais aux entreprises situées en France. Alors que, paradoxalement, l'arrivée de l'euro devait avoir pour conséquence la disparition des frais de change et la disparition des coûts de transaction. Il lui demande donc s'il ne serait pas possible de faire en sorte que les règlements par chèque provenant de la zone euro ne fassent l'objet d'aucun frais bancaire. (N° 1126.)
IV. - Mme Marie-Claude Beaudeau attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur l'avenir des services financiers de La Poste. Elle lui fait remarquer la montée des inquiétudes parmi les personnels et les usagers et le développement de luttes vigoureuses devant la détérioration des conditions de travail et d'emploi et la dégradation de la qualité des services rendus. Elle lui fait observer que les restructurations mises en oeuvre depuis plusieurs années font craindre une remise en cause de la mission de service public et d'intérêt général des services financiers de La Poste dans un contexte marqué par de profondes évolutions des structures et fonctions des entreprises du secteur public et semi-public de la finance et de l'épargne dont ils sont un acteur majeur. Elle note également qu'une modification de statut de La Poste et la perspective de création d'une « banque postale » sont de plus en plus souvent évoquées. Dans ce cadre, elle lui demande de préciser les intentions du Gouvernement concernant l'avenir de La Poste et de ses services financiers. Et elle lui demande ce qu'il compte faire pour inscrire leur développement dans le « grand service public du crédit et de l'épargne » au service du financement des besoins publics et sociaux comme « l'emploi et la formation » dont la constitution fait partie des engagements du Gouvernement. (N° 1130.)
V. - Mme Nicole Borvo attire l'attention de M. le secrétaire d'Etat à l'industrie sur la fermeture des foyers de La Poste en Ile-de-France et à Paris en particulier. Le 31 mai, la délégation Ile-de-France Poste a convoqué une commission régionale « hébergement » pour présenter aux organisations syndicales un projet sur trois ans de fermeture du tiers du parc actuel des places (lits) en foyer d'hébergement. Il a été confirmé les 5 et 6 juillet et prévoit de passer de 117 foyers à l'heure actuelle à 16 foyers fin 2003 et de liquider la quasi-totalité des foyers en deuxième couronne d'Ile-de-France (77, 78, 91, 95), où il ne serait maintenu que 13 places en foyer. En première couronne, on passerait de 1 027 places à 267 ou 460 au mieux. Quant à Paris, de 1 206 places actuellement, on passerait à 670 lits, soit près de deux fois moins. Les foyers vidés de leurs résidents seraient vendus à des promoteurs sur le marché immobilier.
Pourtant, chacun sait que les provinciaux « montent » encore très nombreux pour passer les concours à Paris. D'autre part, les milliers d'agents contractuels ou fonctionnaires originaires d'Ile-de-France n'ont pas forcément vocation à rester dans le cadre familial et ne trouveront plus de foyer en attendant de trouver un logement définitif.
Ce projet supprime de fait le droit à l'hébergement pour les agents venant en formation en Ile-de-France, ou les agents en déplacement professionnel pour d'autres raisons, ou encore pour les enfants de postiers poursuivant des études en Ile-de-France.
Enfin, ces fermetures ne feraient qu'accroître encore la détresse des agents en difficulté temporaire (séparation, divorce, problèmes sociaux...) qui pouvaient faire face momentanément à des problèmes de logement, en ayant accès aux foyers d'hébergement.
Il est à noter également qu'un des problèmes des postiers, et notamment de ceux avec les plus bas salaires, est de pouvoir se loger à proximité de leur travail. Par ailleurs, ce projet aurait pour conséquence de supprimer pour certains postiers la possibilité de rester au-delà du délai habituel d'un an.
En tout état de cause, il serait contraire à la mission publique de La Poste de brader le patrimoine public et d'en arriver à Paris comme ailleurs à des hébergements en hôtel comme les ont connus les postiers il y a trente ou quarante ans avant la création des foyers. Même s'il devait exister des structures qui ne servent plus à l'hébergement temporaire, elles devraient être reconverties et l'objet de partenariats publics, voire transformées en logements sociaux.
Pour toutes ces raisons, elle lui demande ce qu'il compte faire en vue d'une véritable relance du dialogue et du maintien d'un nombre de foyers de La Poste en nombre suffisant. (N° 1120.)
VI. - M. Thierry Foucaud attire l'attention de M. le secrétaire d'Etat à l'industrie sur le transfert du centre de tri postal de Sotteville-lès-Rouen en Seine-Maritime dans de nouveaux locaux implantés sur le territoire de Saint-Etienne-du-Rouvray.
En effet, si l'on se réfère au dossier présenté par la direction de cet établissement, ce déplacement ne serait pas sans générer des conséquences sociales graves pour le personnel. C'est ainsi que 150 emplois seraient supprimés. Un audit a d'ailleurs été commandé par la direction des ressources humaines afin de cibler l'effectif devant rester en place. Les employés sous contrat de droit privé se sentent plus particulièrement menacés.
Sous couvert de modernisation sans doute justifiée, des machines nouvelles, plus rapides, vont être utilisées. Cette décision pourrait être saluée positivement comme un élément visant à renforcer l'efficacité du service. Malheureusement, là où il fallait jusqu'alors l'emploi de quatre agents sur chacune d'entre elles, il est suggéré de ne plus en employer que trois. Il est évident que, s'il en était ainsi, ce ne serait pas sans incidence sur les conditions de travail du personnel concerné, ni sur les cadences d'activité demandées à chacun.
De plus, alors que la détermination des horaires faisait jusqu'ici l'objet de négociation, il semblerait qu'à partir de juin 2002, date probable du déménagement de ce centre de tri, les horaires seraient imposés. L'ensemble de ces annonces n'est pas sans justifier une légitime inquiétude parmi ces postiers. Celle-ci est relayée par les organisations syndicales SUD et CGT qui recueillent, à elles deux, 93 % des voix aux élections professionnelles. Les représentants élus du personnel ont reçu mandat de leurs collègues de s'opposer à la mise en oeuvre de ce plan. Pour autant, ils demeurent disponibles pour la négociation et formulent des propositions. Ils souhaitent ainsi discuter d'un plan social sur la base de mutations volontaires. Ils suggèrent des départs en retraite anticipée pour ceux des salariés qui n'auraient pas encore atteint soixante ans mais disposeraient de quarante annuités de cotisations. Le seul souci qui les anime est de s'opposer à tout licenciement ou déplacement d'office.
Le dialogue demeure donc toujours possible. Voilà pourquoi il lui demande quelles mesures il compte prendre pour lever les inquiétudes de ces fonctionnaires de La Poste, répondre à leurs préoccupations et créer ainsi les conditions de l'ouverture de négociations fructueuses pour le dialogue social dans l'entreprise. (N° 1122.)
VII. - M. Jean-Léonce Dupont attire l'attention de M. le secrétaire d'Etat à l'industrie sur la situation créée par le dépôt de bilan du groupe Moulinex-Brandt. Ce dépôt de bilan constitue un séisme industriel sans précédent pour la Basse-Normandie, et notamment pour le Calvados, dont les quatre usines de Bayeux, Carpiquet, Cormelles-le-Royal et Falaise emploient directement plus de 2 300 personnes. Ce drame fait suite à des erreurs stratégiques et industrielles qui se sont traduites par de multiples plans de restructuration intervenus au fil des années et qui ont déjà conduit à la suppression de 2 600 emplois. Les salariés du groupe et les sous-traitants subissent les conséquences de cette gestion désastreuse depuis plusieurs années. Aujourd'hui, cette crise atteint son paroxysme avec le dépôt de bilan intervenu le 7 septembre dernier.
Face à cette situation, le Gouvernement a décidé de soutenir les propositions du groupe SEB au motif qu'il préfère une solution française, industrielle et durable. M. le ministre de l'économie et des finances a même salué l'action patriotique de SEB ! Cette décision, qui a favorisé ce groupe dont les ambitions sont de devenir le leader mondial du petit équipement domestique, a de ce fait condamné la quasi-totalité des usines Moulinex de la Basse-Normandie, berceau historique de cette entreprise. Pour le Gouvernement, « le projet SEB paraît être le meilleur pour l'avenir de Moulinex, l'avenir définitif ». Mais quel est l'avenir des milliers de salariés condamnés par ce plan ? Le Gouvernement a déclaré qu'il mobiliserait tous les moyens financiers et humains nécessaires pour compenser tous les emplois perdus. Mais la mobilisation ne suffit pas. Car au-delà des paroles et des mots, il faut des propositions concrètes.
C'est pourquoi M. Jean-Léonce Dupont demande à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie de mettre en place une cellule de crise rassemblant toutes les parties concernées afin d'examiner dans la transparence l'ensemble des solutions de reprise. Il lui demande également de coordonner et de participer aux initiatives visant à la création d'un fonds social pour les salariés. Enfin, il lui rappelle que, dès février 2000, le conseil général du Calvados avait demandé au Gouvernement l'élaboration d'un plan de réindustrialisation de la Basse-Normandie et la mise en place d'un plan de conversion. Il lui rappelle également que l'assemblée départementale avait demandé au printemps 2000, d'une part, de rendre publics les résultats de l'étude sur l'ensemble de la filière du petit électroménager, commandée par le secrétariat d'Etat à l'industrie et, d'autre part, de garantir la transparence financière sur la gestion comptable de cette entreprise et notamment les modalités de sa fusion avec Brandt.
Enfin, M. Jean-Léonce Dupont attire tout particulièrement l'attention de M. le secrétaire d'Etat à l'industrie sur les sites Moulinex de Bayeux et de Falaise dans le Calvados, dont la perte de taxe professionnelle prévisible est respectivement d'environ 20 % et 25 %, ce qui est considérable pour ces villes et fragilise leur équilibre financier déjà délicat. Il lui demande quel effort particulier il compte proposer pour ces deux communes respectivement chefs-lieux du pays du Bessin et du pays de Falaise, sans pour autant négliger les communes de l'agglomération caennaise : Carpiquet et Cormelles-le-Royal, également durement touchées. (N° 1136.)
VIII. - M. Henri de Richemont attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur les conséquences de la suppression annoncée de l'aide au transport des bois chablis fixée pour le 31 octobre 2001.
En effet, mise en place dans le cadre du plan national pour la forêt après les tempêtes de décembre 1999, l'aide exceptionnelle au transport des bois chablis a contribué de manière déterminante à élargir le champ d'approvisionnement des entreprises pour utiliser le bois des régions sinistrées. Elle a notamment incité les acteurs de la filière à donner la priorité aux bois issus des coupes sinistrées en lieu et place des coupes indemnes.
En annonçant le 15 juillet dernier l'arrêt de cette aide exceptionnelle à la date du 31 octobre 2001, le ministre a suscité les plus vives inquiétudes des propriétaires et exploitants forestiers qui n'ont pas encore réussi à absorber les conséquences des tempêtes de 1999 et pour lesquels la suppression de cette aide va bouleverser toute la dynamique d'exploitation des parcelles encore restées en l'état depuis le 27 décembre 1999. En effet, plus de 60 % des bois sont toujours à terre et la reconstitution du massif forestier sera des plus difficiles sinon des plus aléatoires.
Dans le département de la Charente, notamment, certaines agences de coopération forestière ont multiplié par quatre leur activité d'exploitation depuis 1999, il reste cependant encore près de 50 % des bois chablis à débarrasser. Ces agences emploient un nombre important de salariés et font travailler de nombreuses entreprises de sous-traitance (abatteurs, débardeurs, transporteurs). La suppression de cette aide est une véritable menace pour l'ensemble de la filière qui a d'ores et déjà annoncé sa décision de cesser toute exploitation générant des produits dont la commercialisation est strictement dépendante de cette aide deux mois avant l'échéance fixée.
C'est pourquoi il le remercie de bien vouloir lui indiquer les raisons qui ont justifié cette décision, ainsi que la possibilité d'instaurer un moratoire pour la forêt française afin, soit de prolonger cette aide jusqu'à ce que les besoins ne se fassent plus sentir, soit d'envisager d'autres solutions alternatives comme l'étude d'une territorialisation pour les zones les plus touchées et l'appui à des projets précis qui pourraient être des pistes utilement envisageables. (N° 1123.)
IX. - M. Georges Mouly appelle l'attention de Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité sur la nécessité d'offrir aux CAP emploi-EPSR (équipe, préparation, suite et reclassement) des moyens identiques à ceux de l'ANPE pour assumer pleinement leurs missions de service public dans le cadre de la prise en charge des travailleurs handicapés qui sont susceptibles de bénéficier du dispositif PARE (plan d'aide au retour à l'emploi) par le biais des programmes d'actions personnalisés.
Il lui demande donc s'il est possible de connaître les mesures dont pourront bénéficier les CAP emploi-EPSR pour effectuer les prises en charge issues de ce dispositif, au demeurant bienvenu. (N° 1117.)
X. - M. Joseph Ostermann attire l'attention de Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité sur l'application des 35 heures.
La France est un pays de petites et moyennes entreprises. Or, le nouveau dispositif légal relatif aux 35 heures se caractérise par son application uniforme, sans tenir compte de la diversité des secteurs d'activité et de la grande variété des modes de fonctionnement et d'organisation des entreprises, notamment en fonction de la taille.
Ce dispositif risque ainsi de peser lourdement sur les entreprises, en particulier celles assujetties à la nouvelle durée légale hebdomadaire de 35 heures au 1er janvier 2002.
Dans ces conditions, un assouplissement du dispositif apparaît indispensable pour la survie d'un grand nombre de PME (petites et moyennes entreprises) françaises.
Il lui demande, par conséquent, s'il ne conviendrait pas d'apporter les aménagements suivants : l'augmentation du contingent d'heures supplémentaires de 130 à 200 heures ; la pérennisation de la rémunération limitée à 10 % des quatre premières heures supplémentaires au-delà de la 35e heure et jusqu'à la 39e heure comprise ; le paiement des heures supplémentaires sous forme de salaire majoré et non de repos compensateur ; l'accès direct, sur la base du volontariat des entreprises, à l'annualisation des horaires.
Ces aménagements, raisonnables, donneraient aux entreprises, notamment petites et moyennes, sans remettre en cause l'ensemble des dispositions légales, les moyens de fonctionner selon leurs caractéristiques et leur rythme propres. (N° 1118.)
XI. - M. Roland Courteau expose à M. le ministre délégué à la santé que, malgré l'augmentation de l'espérance de vie en France, plus de 180 000 personnes meurent toujours chaque année d'une maladie cardio-vasculaire, première cause de mortalité dans notre pays.
Or, dans le même temps, des pays comme les Etats-Unis ou la Finlande ont fait baisser de moitié le taux de mortalité due à l'infarctus du myocarde.
Selon certaines informations, il semblerait que l'absence d'évolution en France du taux de mortalité serait due, en partie, à l'insuffisance, notamment, d'actions de prévention intense.
Ainsi, des expériences menées à l'étranger, à travers des mesures simples, auraient montré leur efficacité et permis de sauver de nombreuses vies humaines.
Par ailleurs, il semble démontré que la chaîne de l'urgence, qui doit démarrer par l'appel immédiat du 18 (sapeurs-pompiers) ou du 15 (SAMU), doit être absolument renforcée par une intervention efficace du premier témoin... et ce d'autant que la majorité des accidents surviennent dans le cadre du cercle familial.
En effet, face à une détresse cardio-respiratoire, chaque minute compte.
Et s'il est vrai que les services d'intervention d'urgence assurent dans un temps record une assistance vitale, il n'en est pas moins vrai que les premières minutes sont fondamentales pour sauver la vie d'une victime, dans l'attente de l'utilisateur du défibrillateur.
Or, il semblerait qu'en France le déficit de personnes formées à agir immédiatement et efficacement soit flagrant ; moins de 6 % de Français connaissent les gestes à faire.
Face à un tel constat, des initiatives ont été prises, notamment par la Fédération française de cardiologie (FFC), incitant les Français à la formation aux « gestes qui sauvent ».
Ces initiatives, qui ont rencontré un réel succès, méritent d'être amplifiées et nécessitent donc le soutien indispensable des pouvoirs publics afin de faciliter l'accès du plus grand nombre à une formation dont la gratuité totale s'impose.
C'est pourquoi il lui demande s'il entend oeuvrer, plus particulièrement auprès de la FFC (et sous quelle forme), en faveur de cette mesure de santé publique majeure et si, d'autre part, il entend favoriser le développement, dans les écoles, collèges et lycées, de l'application d'une directive de l'éducation nationale de 1997 : « Education à la santé et à la citoyenneté : apprendre à porter secours ». (N° 1105.)
XII. - M. Jean-François Picheral attire l'attention de M. le ministre délégué à la santé sur les dernières données, publiées il y a peu, relatives à la démographie médicale en France.
Selon deux rapports, notamment celui préparé par la direction générale de la santé, la pénurie de médecins et les inégalités dans l'accès aux soins vont aller en s'accentuant, au cours des prochaines années.
Pour l'heure, la situation démographique semble encore être satisfaisante. Pour l'année 2000, 196 000 médecins, dont 51 % spécialisés, exerçaient en France. La densité médicale globale de notre pays est la plus importante jamais obtenue, avec 331 médecins pour 100 000 habitants.
Cependant, ce même rapport fait état d'une diminution notable dès 2008 de la densité de cette profession dans le maillage français. Les disparités semblent devoir se situer en ce qui concerne tant la répartition géographique qu'au niveau des différentes spécialités médicales. Des disparités régionales semblent ainsi portées sur la densité de spécialistes, alors que les déséquilibres de densité chez les généralistes apparaîtraient au niveau départemental.
Devant la complexité de ce problème structurel à venir, qu'il convient néanmoins d'appréhender dès aujourd'hui, il lui demande donc de lui indiquer quelles dispositions sont envisagées non seulement pour réguler à l'avenir le flux démographique et numérique de cette profession, mais aussi pour remédier aux difficultés ponctuelles rencontrées dès à présent dans les zones rurales et périurbaines. (N° 1115.)
XIII. - M. Francis Giraud souhaite appeler l'attention de M. le ministre délégué à la santé sur la lutte contre les maladies sexuellement transmissibles - MST - en France, et en particulier l'herpès.
Si une grande publicité a été accordée au sida, peu a été fait pour lutter contre les autres maladies sexuellement transmissibles. Ainsi, l'herpès, notamment, est en forte progression, touchant aujourd'hui près de 10 millions de personnes.
Il rappelle qu'un groupe de travail, censé dresser l'état des lieux de ces maladies dans notre pays et préconiser des mesures de prévention, a été mis en place à la direction générale de la santé début 1999. Ce groupe a remis son rapport à la fin de l'année 1999. Or, ses conclusions n'ont pas été encore rendues publiques.
Il lui demande donc quand seront publiées les conclusions du groupe de travail et quelles suites il entend leur donner, qu'il s'agisse de la prévention et de la prise en charge de ces maladies. (N° 1116.)

A seize heures :
2. Discours du président du Sénat.

3. Scrutin pour l'élection de douze juges titulaires et de six juges suppléants de la Haute Cour de justice.
4. Scrutin pour l'élection de six juges titulaires de la Cour de justice de la République et de leurs six suppléants.
5. Discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi (n° 420, 2000-2001), adopté avec modifications par l'Assemblée nationale, en nouvelle lecture, relatif à la sécurité quotidienne.
Rapport (n° 7, 2001-2002) de M. Jean-Pierre Schosteck, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 15 octobre 2001, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 15 octobre 2001, à seize heures.

Délais limites pour le dépôt des amendements

Deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, tendant à moderniser le statut des sociétés d'économie mixte locales (n° 423, 2000-2001).
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 16 octobre 2001, à dix-sept heures.
Nouvelle lecture de la proposition de loi portant amélioration de la couverture des non-salariés agricoles contre les accidents du travail et les maladies professionnelles.
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 17 octobre 2001, à dix-sept heures.
Nouvelle lecture de la proposition de loi relative à la lutte contre les discriminations à l'embauche et dans l'emploi.
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 17 octobre 2001, à dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.

(La séance est levée à seize heures cinq.)

Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD





NOMINATION DE RAPPORTEURS

COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LÉGISLATION, DU SUFFRAGE UNIVERSEL, DU RÈGLEMENT ET D'ADMINISTRATION GÉNÉRALE
M. Daniel Hoeffel a été nommé rapporteur :
- de la proposition de loi n° 41 (1999-2000) visant à la contribution des compagnies d'assurances à l'investissement et au financement des services départementaux d'incendie et de secours ;

- de la proposition de loi n° 368 (2000-2001) tendant à conférer au comité des finances locales le caractère d'autorité administrative indépendante ;

- et de la proposition de loi n° 418 (2000-2001) relative au financement des services d'incendie et de secours.

M. Laurent Béteille a été nommé rapporteur de la proposition de loi n° 387 (2000-2001), adoptée par l'Assemblée nationale, portant réforme de diverses dispositions relatives à l'autorité parentale.

NOMINATION DU BUREAU D'UNE DÉLÉGATION

Dans sa séance du jeudi 11 octobre 2001, la délégation du Sénat aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes a procédé à la nomination de son bureau qui est ainsi constitué :
Présidente : Dinah Derycke.
Vice-présidents : Paulette Brisepierre, Gisèle Gautier, Françoise Henneron, André Vallet, Hélène Luc.
Secrétaires : Patrice Gélard, Jean-Guy Branger, André Ferrand.



Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)


Devenir de l'usine Mélox de Bagnols-sur-Cèze

1144. - 11 octobre 2001. - M. Simon Sutour attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur le devenir de l'usine Mélox, filiale de la Cogema, implantée près de Bagnols-sur-Cèze dans le Gard rhodanien. Un projet de décret concernant l'autorisation d'extension de production de l'usine Mélox du site nucléaire de Marcoule est actuellement en attente de signature. L'autorité de sécurité nucléaire a relevé que l'usine de fabrication de combustible au plutonium (Mélox) de Cadarache ne répond plus aux normes de sécurité en matière sismique. La Cogema a donc, dans un souci évident de sécurité, demandé la fermeture de l'usine de production de combustible Mélox en s'engageant à un transfert rapide de la production sur l'usine Mélox de Marcoule. Ce regroupement des capacités de production est conditionné à la révision du décret de production de Mélox limité actuellement à 115 tonnes de combustibles afin de le porter à 195 tonnes et de prendre le relais des usines de Cadarache mais aussi de celles de Dessel en Belgique, plus anciennes et dont la mise aux normes pourrait s'avérer antiéconomique. La signature de ce décret est aujourd'hui nécessaire pour que l'usine Mélox puisse à la fois honorer ses engagements commerciaux en matière de livraison de combustible, mais également pour résoudre au plus vite et dans les meilleures conditions la situation des personnels concernés du site de Cadarache. Par ailleurs, il apparaît qu'au-delà des aspects commerciaux et sociaux, l'utilisation optimale de la capacité de production constitue, selon le secrétaire d'Etat à l'industrie, « un moyen de réacheminer vers les pays clients le plutonium issu du retraitement du combustible usé dans les meilleures conditions ». Aussi, face à l'urgence économique et sociale, il lui demande de lui préciser ses intentions concernant la demande de signature du décret évoqué précédemment.

Conditions de recrutement des agents des structures publiques
de coopération intercommunale

1145. - 11 octobre 2001. - M. Michel Teston appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les problèmes liés à l'évolution des structures publiques de coopération intercommunale et aux conditions d'embauche de leurs agents. En effet, au cours des dernières années, de nombreux établissements publics ont vu le jour pour structurer des projets de développement local à l'échelle de nouveaux territoires. Ainsi, de la forme souvent associative, ces organismes ont été amenés à se structurer sous la forme d'établissement public de coopération intercommunale, et notamment de syndicats intercommunaux. Cette évolution est souhaitable et elle a été d'ailleurs favorisée par la loi n° 99-856 du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale. Cependant, ce changement de nature juridique a des conséquences très importantes en matière de recrutement de personnels. En effet, la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 impose aux collectivités territoriales de recruter leurs agents selon un cadre statutaire très précis, qui fait l'objet d'un contrôle de légalité très strict par les autorités préfectorales. Or, les structures intercommunales étant très souvent issues de structures associatives, leurs personnels ne remplissent pas les conditions prévues par la loi. Des professionnels expérimentés, souvent eux-mêmes à l'origine de l'aboutissement des projets, se retrouvent par conséquent exclus de toute possibilité de pérennisation de leur emploi, au motif qu'ils ne sont pas des agents de la fonction publique territoriale. Par ailleurs, il est pour le moins paradoxal de priver les EPCI concernés de ces personnels et de leur expérience. Il lui rappelle que le rapport Schwartz recommande de mettre en oeuvre une évolution nécessaire des modes de recrutement des agents de la fonction publique territoriale, notamment pour prendre en compte l'évolution des métiers et des spécialités professionnelles. Par ailleurs, la loi n° 2001-2 du 3 janvier 2001, dans son article 9, a également prévu un certain nombre de dispositions, mais elles ne permettent pas de résoudre toutes les difficultés rencontrées par les élus locaux, en particulier dans les structures nées avant cette date. De nombreuses institutions de développement local telles que les parc naturels régionaux ou les contrats globaux de développement se heurtant actuellement à de telles difficultés juridiques, il lui demande de bien vouloir lui préciser : d'une part, quel est exactement le cadre juridique applicable dans ce dossier ; et, d'autre part, quelles sont les mesures qu'il entend prendre pour remédier aux difficultés citées.

Politique de dépistage du cancer colorectal

1146. - 11 octobre 2001. - M. Jean-François Picheral appelle l'attention de M. le ministre délégué à la santé sur les conséquences du cancer colorectal et la situation en France de sa prise en charge. Les cliniciens, comme les chercheurs, portent un intérêt croissant au cancer colorectal. Ceci tient non seulement à la fréquence et à la gravité de ce cancer, mais aussi aux progrès obtenus récemment dans les domaines de la recherche fondamentale et épidémiologique, permettant ainsi d'envisager une évolution à court terme, favorable du traitement d'une telle pathologie. A l'heure actuelle, deuxième cause de mortalité par cancer tous sexes confondus, le cancer colorectal, par sa fréquence élevée, doit faire l'objet d'un dépistage efficace. Son pronostic s'est certes amélioré au cours des vingt dernières années, les deux facteurs déterminants étant la baisse de la mortalité opératoire et, pour une part plus faible, un diagnostic plus précoce. Il semble donc que ce soit sur ce dernier point que les efforts doivent désormais se porter. A la différence d'autres cancers, celui touchant le côlon et le rectum est habituellement précédé pendant de nombreuses années d'une tumeur bénigne, l'adénome. Ces lésions bénignes précancéreuses aisément identifiables permettent donc d'envisager une stratégie de préventions primaire et secondaire rapides. Par ailleurs, ces traitements efficaces au stade initial offrent des conditions parfaites à son dépistage sur la population à risque. Recommandé par l'Organisation mondiale de la santé, l'hémoccult, seul test à avoir été pour l'heure largement évalué sur des échantillons de population, est un test de dépistage, s'adressant aux personnes de cinquante à soixante-quatorze ans. Test caractérisé non seulement par la facilité de sa réalisation, son coût peu élevé, mais aussi par l'absence de risque pour les personnes dépistées, son efficacité semble ne plus faire de doute dons les milieux médicaux. De nombreux tests de recherche d'un saignement occulte dans les selles sont par ailleurs à l'étude. Bien évidemment, les cancers colorectaux, comme les autres cancers, nécessitent en outre une prise en charge pluridisciplinaire, seul moyen de garantir ainsi un traitement adapté. Aussi, la mise en place progressive de réseaux de soins, qui seule pourra permettre d'atteindre cet objectif, se devra-t-elle d'inclure des unités de concertation pluridisciplinaire. L'implication active, et donc une formulation adaptée, des médecins traitants mais aussi des médecins du travail apparaît donc désormais comme une nécessité. Devant ce constat encourageant, seule une politique de dépistage de masse paraît pouvoir faire évoluer ce grave problème que représente le cancer colorectal. Devant la pertinence des données médicales actuelles, il lui demande donc de lui indiquer quelles dispositions seront envisagées dans un bref délai, afin de donner une pleine efficacité à un programme de dépistage dont la validité scientifique a été, depuis longtemps, largement observée.

Reconnaissance du Morvan comme massif de montagne

1147. - 11 octobre 2001. - M. René-Pierre Signé souhaiterait attirer l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur la possibilité de la reconnaissance des communes de montagne du Morvan comme massif aux termes de l'article 5 de la loi montagne n° 85-30 du 9 janvier 1985. La politique nationale de la montagne est loin d'avoir épuisé ses vertus malgré les efforts continus du Gouvernement. La nécessaire prise en compte de la spécifité et des difficultés de la montagne demeure tout à fait d'actualité. Dans cette perspective, la politique du massif constitue de plus en plus le bon cadre de définition et de mise en oeuvre de la politique de la montagne dans lequel les dispositifs contractuels doivent s'inscrire. La question se pose alors de savoir pourquoi le Morvan ne pourrait-il pas bénéficier du classement « Massif ». Il ne s'agit pas de bénéficier uniquement d'une étiquette mais bel et bien des avantages en termes de politiques que constituerait cette reconnaissance. La politique de massif s'appuie en effet sur les schémas interrégionaux de développement et d'aménagement prévus par la loi n° 99-533 du 25 juin 1999 d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire. Cette reconnaissance permettrait d'assurer le renforcement d'une logique de développement durable. Il s'agit ici de ne pas considérer l'avenir de ces communes comme celui de zones à handicap mais comme celui de zones encore en manque de développement. La difficulté n'est pas de mettre à disposition des outils adaptés, même innovants, mais de faire émerger des projets dans ces zones. Il lui demande donc tout simplement s'il ne serait pas possible de saisir l'occasion du passage au Sénat en janvier prochain du projet de loi sur la démocratie de proximité et de son article 12 bis pour assurer la reconnaissance des communes de montagne du Morvan comme massif.

Situation des enseignants SEGPA-EREA

1148. - 11 octobre 2001. - Mme Hélène Luc appelle l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale sur la situation préoccupante des enseignants des SEGPA/EREA (Section d'enseignement général et professionnel adapté/Ecole régionale d'enseignement adapté.) En effet, depuis de longs mois ces personnels spécialisés se mobilisent pour alerter les pouvoirs publics sur la dégradation de leurs conditions de travail. Alors que la mission de ces personnels nécessite d'indispensables moyens, tant matériels qu'humains, elle lui demande d'apporter une réponse aux revendications de ces enseignants - notamment en ce qui concerne la revalorisation de la fonction d'enseignant spécialisé, et l'obtention des 18 heures devant élèves. Par ailleurs, elle lui demande de créer les conditions pour qu'un débat sur le devenir des SEGPA/EREA s'engage dans les meilleurs délais.

Restitution à l'Afrique du Sud des restes de Sara Baartman

1149. - 11 octobre 2001. - M. Nicolas About attire l'attention Mme le ministre de la culture et de la communication sur la nécessaire restitution par la France des restes de Sara Baartman, dite « Vénus Hottentote », actuellement détenus par le musée de l'Homme, à Paris. Il lui rappelle le destin pathétique de cette femme. Originaire de l'ethnie sud-africaine Khoikhoi, elle fut convaincue un jour par un Anglais de quitter son pays natal, pour rejoindre l'Europe, au début du xixe siècle. A son arrivée à Londres, le rêve se transforma rapidement en cauchemar : elle fut exhibée comme une bête de foire, puis servit d'objet sexuel lors de soirées privées, avant de sombrer finalement dans la prostitution. Elle termina sa courte existence à Paris, où elle devint un objet de curiosité scientifique. Son corps fut disséqué, son cerveau et ses organes plongés dans le formol et son squelette exposé au musée de l'Homme, tel un vulgaire trophée ramené d'Afrique. Il est stupéfiant de penser que cette sordide exhibition a duré en France jusqu'en 1974. Aujourd'hui, les restes de cette femme doivent sommeiller quelque part, dans une remise du musée. Longtemps présentée en Europe comme un exemple de l'infériorité africaine, Sara Baartman est devenue, dans son pays, le symbole de l'exploitation et de l'humiliation vécues par les ethnies sud-africaines pendant la douloureuse période de la colonisation. Depuis plusieurs années, le gouvernement sud-africain réclame à la France la restitution des restes de cette femme, afin qu'elle puisse recevoir les honneurs de son peuple et reposer en paix, dans une sépulture décente. Le retour de la « Vénus hottentote » en Afrique du Sud serait vécu comme le symbole de la dignité retrouvée d'un peuple. C'est pourquoi, il lui demande quand elle compte mettre fin aux tergiversations de la France sur cette légitime restitution.



ANNEXE AU PROCÈS-VERBAL
de la séance
du jeudi 11 octobre 2001


SCRUTIN (n° 4)



sur l'article unique du projet de loi autorisant la ratification de l'accord entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la Confédération suisse, d'autre part, sur la libre circulation des personnes.


Nombre de votants : 317
Nombre de suffrages exprimés : 317
Pour : 315
Contre : 2

Le Sénat a adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN


GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (23) :
Pour : 22.
N'a pas pris part au vote : 1. _ Mme Michelle Demessine (Membre du Gouvernement).

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (19) :

Pour : 19.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (96) :

Pour : 93.
Contre : 1. _ M. Emmanuel Hamel.
N'ont pas pris part au vote : 2. _ M. Christian Poncelet, président du Sénat, et M. Adrien Gouteyron, qui présidait la séance.

GROUPE SOCIALISTE (83) :

Pour : 83.

GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (53) :

Pour : 52.
Contre : 1. _ M. Jean-Paul Amoudry.

GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (40) :

Pour : 40.

Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (6) :

Pour : 6.

Ont voté pour


Nicolas About
Philippe Adnot
Jean-Pierre Alduy
Michèle André
Pierre André
Bernard Angels
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Jean-Yves Autexier
Robert Badinter
Denis Badré
Gérard Bailly
José Balarello
Gilbert Barbier
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Marie-France Beaufils
Michel Bécot
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Claude Belot
Maryse Bergé-Lavigne
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jean Besson
Laurent Béteille
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Claude Biwer
Jean Bizet
Jacques Blanc
Paul Blanc
Marie-Christine Blandin
Maurice Blin
Annick Bocandé
Didier Borotra
Nicole Borvo
Didier Boulaud
Joël Bourdin
André Boyer
Jean Boyer
Yolande Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Robert Bret
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Claire-Lise Campion
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Jean-Louis Carrère
Auguste Cazalet
Bernard Cazeau
Charles
Ceccaldi-Raynaud
Monique
Cerisier-ben Guiga
Gérard César
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Christian Cointat
Yvon Collin
Gérard Collomb
Yves Coquelle
Gérard Cornu
Raymond Courrière
Roland Courteau
Jean-Patrick Courtois
Xavier Darcos
Philippe Darniche
Yves Dauge
Annie David
Marcel Debarge
Robert Del Picchia
Jean-Paul Delevoye
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Dériot
Dinah Derycke
Rodolphe Désiré
Sylvie Desmarescaux
Yves Detraigne
Evelyne Didier
Eric Doligé
Claude Domeizel
Jacques Dominati
Michel Doublet
Michel
Dreyfus-Schmidt
Paul Dubrule
Alain Dufaut
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Hubert Durand-Chastel
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Louis Duvernois
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Claude Estier
Jean-Claude Etienne
Hubert Falco
Pierre Fauchon
Jean Faure
Françoise Férat
André Ferrand
Guy Fischer
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
François Fortassin
Thierry Foucaud
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Jean-Pierre Frécon
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Christian Gaudin
Jean-Claude Gaudin
Philippe de Gaulle
Charles Gautier
Gisèle Gautier
Patrice Gélard
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Jean-Pierre Godefroy
Daniel Goulet
Jacqueline Gourault
Alain Gournac
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Charles Guené
Jean-Noël Guérini
Michel Guerry
Hubert Haenel
Claude Haut
Françoise Henneron
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Odette Herviaux
Daniel Hoeffel
Jean-François Humbert
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Bernard Joly
Alain Journet
Alain Joyandet
Jean-Marc Juilhard
Roger Karoutchi
Joseph Kerguéris
Christian
de La Malène
André Labarrère
Philippe Labeyrie
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
André Lardeux
Dominique Larifla
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
René-Georges Laurin
Gérard Le Cam
Jean-René Lecerf
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Jean-François
Le Grand
André Lejeune
Serge Lepeltier
Louis Le Pensec
Philippe Leroy
Marcel Lesbros
Valérie Létard
Claude Lise
Gérard Longuet
Paul Loridant
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Jean-Yves Mano
François Marc
Max Marest
Philippe Marini
Pierre Martin
Jean-Pierre Masseret
Marc Massion
Jean Louis Masson
Serge Mathieu
Josiane Mathon
Pierre Mauroy
Michel Mercier
Louis Mermaz
Lucette
Michaux-Chevry
Gérard Miquel
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri
de Montesquiou
Michel Moreigne
Georges Mouly
Bernard Murat
Roland Muzeau
Philippe Nachbar
Paul Natali
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Monique Papon
Jean-Marc Pastor
Anne-Marie Payet
Michel Pelchat
Jacques Pelletier
Guy Penne
Jean Pépin
Daniel Percheron
Jacques Peyrat
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Xavier Pintat
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Jack Ralite
Daniel Raoul
Paul Raoult
Daniel Reiner
Ivan Renar
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Roger Rinchet
Yves Rispat
Josselin de Rohan
Gérard Roujas
André Rouvière
Janine Rozier
Michèle San Vicente
Bernard Saugey
Claude Saunier
Jean-Pierre Schosteck
Bernard Seillier
Michel Sergent
Bruno Sido
René-Pierre Signé
Daniel Soulage
Louis Souvet
Jean-Pierre Sueur
Simon Sutour
Martial Taugourdeau
Odette Terrade
Michel Teston
Michel Thiollière
Jean-Marc Todeschini
Henri Torre
René Trégouët
Pierre-Yvon Tremel
André Trillard
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Jean-Marie Vanlerenberghe
André Vantomme
Alain Vasselle

Paul Vergès
André Vezinhet
Jean-Pierre Vial
Marcel Vidal
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Jean-Paul Virapoullé
Henri Weber
François Zocchetto

Ont voté contre


MM. Jean-Paul Amoudry et Emmanuel Hamel.

N'ont pas pris part au vote


MM. Christian Poncelet, président du Sénat, et Adrien Gouteyron, qui présidait la séance.

Ne peut prendre part au vote (en application de l'article 1er de l'ordonnance n° 58-1099 du 17 novembre 1958 portant loi organique pour l'application de l'article 23 de la Constitution) : Mme Michelle Demessine.



Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : 319
Nombre des suffrages exprimés : 319
Majorité absolue des suffrages exprimés 160
Pour l'adoption : 317
Contre l'adoption : 2

Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés conformément à la liste ci-dessus.