SEANCE DU 25 AVRIL 2001


SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE

1. Procès-verbal (p. 0 ).

2. Modernisation sociale. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 1 ).
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle ; M. Bernard Kouchner, ministre délégué à la santé.

Articles additionnels avant l'article 29 (p. 2 )

Amendements n°s 367 et 366 de Mme Nicole Borvo. - MM. Roland Muzeau, Alain Gournac, rapporteur de la commission des affaires sociales ; Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité ; M. Philippe Nogrix. - Rejet des deux amendements.
Amendement n° 368 de Mme Nicole Borvo. - Mme Nicole Borvo, M. Alain Gournac, rapporteur ; Mme le ministre, M. Philippe Nogrix. - Rejet.
Amendement n° 369 de Mme Nicole Borvo. - Mme Nicole Borvo, MM. Alain Gournac, rapporteur ; Roland Muzeau, Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales ; Mme le ministre, MM. Jean Chérioux, Bernard Murat, Charles Descours. - Rejet.
Amendement n° 370 rectifié de Mme Nicole Borvo. - Mme Hélène Luc, M. Alain Gournac, rapporteur ; Mme le ministre, MM. Charles Descours, Michel Esneu, Bernard Murat. - Rejet.
Amendement n° 371 de Mme Nicole Borvo. - MM. Roland Muzeau, Alain Gournac, rapporteur ; Mme le ministre. - Rejet.
Amendement n° 372 de Mme Nicole Borvo. - M. Roland Muzeau, Mme le ministre. - Rejet.
Amendement n° 373 rectifié de Mme Nicole Borvo. - MM. Roland Muzeau, Alain Gournac, rapporteur ; Mme le ministre. - Rejet.
Amendement n° 374 de Mme Nicole Borvo. - MM. Guy Fischer, Alain Gournac, rapporteur ; Mme le ministre. - Rejet.
Amendement n° 375 de M. Paul Loridant. - MM. Guy Fischer, Alain Gournac, rapporteur ; Mme le ministre, MM. Jean Chérioux, Bernard Murat, Mme Nicole Borvo. - Rejet.

Article 29 (p. 3 )

MM. Gérard Larcher, Alain Gournac, rapporteur ; Mme le ministre.
Amendement n° 104 de la commission. - M. Alain Gournac, rapporteur ; Mme le ministre, M. Jean Chérioux. - Adoption.
Amendement n° 105 de la commission. - M. Alain Gournac, rapporteur ; Mme le ministre. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

3. Communication du Médiateur de la République (p. 4 ).
MM. le président, Bernard Stasi, Médiateur de la République ; Jacques Larché, président de la commission des lois.

4. Modernisation sociale. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 5 ).

Article 30 (p. 6 )

Amendement n° 106 de la commission. - M. Alain Gournac, rapporteur de la commission des affaires sociales ; Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Article 31 (p. 7 )

Amendements n°s 107 de la commission et 376 de Mme Nicole Borvo. - MM. Alain Gournac, rapporteur ; Roland Muzeau, Mmes Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité ; Marie-Madeleine Dieulanguard. - Adoption de l'amendement n° 107 supprimant l'article, l'amendement n° 376 devenant sans objet.

Articles additionnels après l'article 31 (p. 8 )

Amendement n° 412 du Gouvernement. - Mme le ministre, M. Alain Gournac, rapporteur ; Mme Marie-Madeleine Dieulanguard, MM. Philippe Marini, Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales ; Gérard Delfau, Bernard Murat. - Rejet.
Amendement n° 377 de Mme Nicole Borvo. - MM. Roland Muzeau, Alain Gournac, rapporteur ; Mme le ministre, MM. Jean Chérioux, Bernard Murat. - Rejet.

Article additionnel avant l'article 32 (p. 9 )

Amendement n° 413 du Gouvernement. - Mme le ministre, MM. Alain Gournac, rapporteur ; Jean Chérioux, Guy Fischer. - Rejet.

Article additionnel avant ou après l'article 32 (p. 10 )

Amendement n° 414 du Gouvernement et sous-amendement n° 449 de Mme Nicole Borvo ; amendement n° 229 de M. Claude Estier. - Mme le ministre, MM. Roland Muzeau, Gilbert Chabroux, Alain Gournac, rapporteur ; Bernard Murat, Mme Marie-Madeleine Dieulanguard, M. le président de la commission des affaires sociales. - Retrait de l'amendement n° 229 ; rejet du sous-amendement n° 449 ; adoption de l'amendement n° 414 insérant un article additionnel après l'article 32.

Article 32 (p. 11 )

Amendement n° 108 de la commission. - M. AlainGournac, rapporteur ; Mme le ministre. - Adoption.
Amendement n° 109 de la commission. - M. AlainGournac, rapporteur ; Mmes le ministre, Marie-Madeleine Dieulanguard, MM. Gérard Delfau, Philippe Marini. - Adoption.

Suspension et reprise de la séance (p. 12 )

Amendement n° 110 de la commission. - MM. Alain Gournac, rapporteur ; Bernard Kouchner, ministre délégué à la santé. - Adoption par scrutin public.
Adoption de l'article modifié.

Article 33 (p. 13 )

Amendements n°s 378 de Mme Nicole Borvo, 230 de M. Claude Estier et 111 de la commission. - M. Guy Fischer, Mme Marie-Madeleine Dieulanguard, M. Alain Gournac, rapporteur ; Mme le ministre, MM. le président de la commission des affaires sociales, Roland Muzeau. - Rejet des amendements n°s 378 et 230 ; adoption de l'amendement n° 111.
Adoption de l'article modifié.

Article additionnel après l'article 33 (p. 14 )

Amendement n° 231 de M. Claude Estier. - MM. Gilbert Chabroux, Alain Gournac, rapporteur ; Mme le ministre. - Retrait.

Article 33 bis (p. 15 )

Amendement n° 112 de la commission. - M. Alain Gournac, rapporteur ; Mme le ministre. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.

Article 33 ter (p. 16 )

Amendement n° 113 de la commission. - M. Alain Gournac, rapporteur ; Mme le ministre. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.

Article additionnel après l'article 33 ter (p. 17 )

Amendement n° 379 de Mme Nicole Borvo. - MM. Roland Muzeau, Alain Gournac, rapporteur ; Mme le ministre. - Rejet.

Article 34 (p. 18 )

Amendement n° 114 de la commission. - M. Alain Gournac, rapporteur ; Mme le ministre, M. Guy Fischer. - Adoption.
Amendement n° 232 de M. Claude Estier. - Mme Marie-Madeleine Dieulanguard, M. Alain Gournac, rapporteur ; Mme le ministre. - Adoption.
Amendement n° 233 de M. Claude Estier. - MM. Gilbert Chabroux, Alain Gournac, rapporteur ; Mme le ministre. - Adoption.
Amendement n° 115 de la commission. - M. Alain Gournac, rapporteur ; Mme le ministre. - Adoption.
Amendements n°s 116 de la commission et 415 du Gouvernement. - M. Alain Gournac, rapporteur ; Mme le ministre, M. le président de la commission des affaires sociales, Mme Gisèle Printz. - Adoption de l'amendement n° 116, l'amendement n° 415 devenant sans objet.
Adoption de l'article modifié.

Articles additionnels après l'article 34 (p. 19 )

Amendement n° 416 du Gouvernement et sous-amendement n° 446 de la commission. - Mme le ministre, MM. Alain Gournac, rapporteur ; Gérard Delfau. - Adoption du sous-amendement et de l'amendement modifié insérant un article additionnel.
Amendement n° 417 du Gouvernement. - Mme le ministre, MM. Alain Gournac, rapporteur ; Roland Muzeau, Jean Chérioux, Hilaire Flandre. - Rejet.

Article additionnel avant l'article 35 A (p. 20 )

Amendement n° 332 rectifié quater de M. André Jourdain. - MM. André Jourdain, Alain Gournac, rapporteur ; Mme le ministre, M. Gérard Delfau. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Article 35 A (p. 21 )

Amendement n° 241 de M. Claude Estier. - Mme Marie-Madeleine Dieulanguard, M. Alain Gournac, rapporteur ; Mme le ministre. - Rejet.
Adoption de l'article.

Articles additionnels après l'article 35 A (p. 22 )

Amendement n° 242 de M. Claude Estier. - Mme Marie-Madeleine Dieulanguard, M. Alain Gournac, rapporteur ; Mme le ministre. - Retrait.
Amendement n° 243 de M. Claude Estier. - Retrait.

Article 35 B (p. 23 )

Amendement n° 117 de la commission. - M. AlainGournac, rapporteur ; Mme le ministre, MM. Roland Muzeau, Gilbert Chabroux. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.

Article 35 (p. 24 )

Amendement n° 118 de la commission. - M. Alain Gournac, rapporteur ; Mme le ministre, M. Jean Chérioux. - Adoption.
Amendement n° 119 de la commission. - M. Alain Gournac, rapporteur ; Mme le ministre, M. Jean Chérioux. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Article 36 (p. 25 )

Amendement n° 120 de la commission. - M. Alain Gournac, rapporteur ; Mme le ministre. - Adoption.
Amendement n° 380 de M. Guy Fischer. - M. Guy Fischer, Mme le ministre, M. Alain Gournac, rapporteur. - Rejet.
Adoption de l'article modifié.

Articles additionnels après l'article 36 (p. 26 )

Amendements n°s 381 et 382 de M. Guy Fischer. - MM. Guy Fischer, Alain Gournac, rapporteur ; Mme le ministre. - Retrait des deux amendements.
Amendement n° 418 du Gouvernement. - Mme le ministre, M. Alain Gournac, rapporteur ; Mme Marie-Madeleine Dieulanguard. - Rejet.

Article 37 (p. 27 )

Amendements n°s 121 de la commission, 313 de M. Bernard Murat et 383 de M. Guy Fischer. - MM. Alain Gournac, rapporteur ; Gérard Cornu, Guy Fischer, Mme le ministre, M. Jean Chérioux. - Retrait de l'amendement n° 313 ; adoption de l'amendement n° 121 supprimant l'article, l'amendement n° 383 devenant sans objet.

Article 38 (p. 28 )

Amendement n° 384 de M. Guy Fischer. - MM. Guy Fischer, Alain Gournac, rapporteur ; Mme le ministre. - Rejet.
Adoption de l'article.

Article 38 bis. - Adoption (p. 29 )

Division et articles additionnels après l'article 38 bis .
Amendement n° 122 de la commission. - Réserve.
Amendement n° 123 de la commission. - M. Alain Gournac, rapporteur ; Mme le ministre. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 124 de la commission. - MM. Alain Gournac, rapporteur ; Roland Muzeau. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 125 de la commission. - M. Alain Gournac, rapporteur ; Mme le ministre. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 126 de la commission. - M. Alain Gournac, rapporteur ; Mme le ministre. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 122 (précédemment réservé) de la commission. - Adoption de l'amendement insérant une division additionnelle et son intitulé.

Article 39 (p. 30 )

Amendement n° 127 de la commission. - M. Alain Gournac, rapporteur ; Mme le ministre. - Adoption.
Amendement n° 128 de la commission. - M. Alain Gournac, rapporteur ; Mme le ministre. - Adoption.
Amendements n°s 385 de M. Guy Fischer, 129 rectifié de la commission, 244 de Mme Marie-MadeleineDieulanguard, 214 rectifié de M. Jacques Machet et 453 du Gouvernement. - MM. Roland Muzeau, Alain Gournac, rapporteur ; Gilbert Chabroux, Jacques Machet, Mme le ministre. - Rejet de l'amendement n° 385 ; adoption de l'amendement n° 129 rectifié, les amendements n°s 244, 214 rectifié et 453 devenant sans objet.
Amendement n° 130 rectifié de la commission. - M. Alain Gournac, rapporteur ; Mme le ministre. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Renvoi de la suite de la discussion.

5. Dépôt de projets de loi (p. 31 ).

6. Transmission d'un projet de loi (p. 32 ).

7. Dépôt d'une proposition de loi (p. 33 ).

8. Transmission d'une proposition de loi (p. 34 ).

9. Renvoi pour avis (p. 35 ).

10. Dépôt de rapports (p. 36 ).

11. Dépôt d'un rapport d'information (p. 37 ).

12. Ordre du jour (p. 38 ).



COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures cinq.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

MODERNISATION SOCIALE

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi (n° 185, 2000-2001), adopté par l'Assemblée nationale, de modernisation sociale. [Rapport n° 275 (2000-2001), avis n° 276 (2000-2001) et rapport d'information n° 258 (2000-2001).]
Je rappelle que la discussion générale a été close.
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais d'abord plaider l'indulgence : Elisabeth Guigou tenait absolument à être présente dans cet hémicycle à quinze heures, pour répondre aux orateurs intervenus dans la discussion générale. Mais, à la dernière minute, elle a dû se rendre devant une autre assemblée.
M. Jean Chérioux. Laquelle ? (Sourires.)
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat. L'Assemblée nationale, monsieur le sénateur, où elle doit répondre à une question d'actualité particulièrement importante. Elle m'a donc demandé de bien vouloir apporter, en son nom, certaines précisions sur le titre II, concernant le travail, l'emploi et la formation professionnelle. Je vous rappelle d'ailleurs que, hier, elle avait déjà répondu aux interventions des rapporteurs.
Les premiers mots de Mme Guigou auraient été pour M. Delfau, dont elle a beaucoup apprécié la finesse des réflexions sur les solutions à apporter à la prévention des licencements. Si nous refusons la solution de l'entreprise « administrée », nous devons en contrepartie rendre possible la confrontation positive des logiques dans le débat interne à l'entreprise entre l'employeur, les salariés et leurs représentants.
Monsieur Delfau, le Gouvernement ne partage pas forcément votre pessimisme sur la culture de négociation dans notre pays. La négociation collective a progressé ces dernières années. Les 35 heures l'ont favorisée en enrichissant son contenu : durée du travail, salaires et organisation du travail.
M. Gérard Delfau. C'est exact !
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat. Passée une tendance à la résignation imposée par la longue crise économique, qui a affaibli le rapport de forces au détriment des salariés et des syndicats, les comités d'entreprise sont maintenant, si nous leur donnons plus de moyens d'intervention, en mesure de développer leur culture économique et de mener le débat sur les choix stratégiques de l'entreprise. D'autres pays voisins savent le faire, et le projet de loi de modernisation sociale, ainsi que les propositions nouvelles que fait le Gouvernement peuvent y aider.
Mme Guigou vous rejoint pleinement sur l'importance première du travail territorial de redynamisation économique à mener en partenariat avec tous les acteurs : élus locaux, pouvoirs publics, entreprises et syndicats. Il y a beaucoup à faire dans ce sens. Le Gouvernement abordera la question de la réindustrialisation des sites touchés par les disparitions d'entreprises, et Elisabeth Guigou a d'ailleurs évoqué ce sujet hier.
Monsieur Muzeau, Mme Guigou a apprécié l'esprit constructif avec lequel votre groupe aborde ce débat et, si nous pouvons avoir des différences d'appréciation sur la nature des réponses à apporter aux attentes des salariés menacés dans leur emploi, nous sommes d'accord sur un certain nombre de points.
M. André Jourdain. C'est heureux !
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat. Il faut en effet prévenir les licenciements et créer une obligation de reclassement lorsque ces derniers apparaissent inévitables.
Comme vous, le Gouvernement récuse la valeur des choix de l'entreprise quand ils sont fondés seulement sur des calculs de valorisation en bourse.
M. Jean Chérioux. Ce qui n'existe jamais !
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat. L'entreprise réussit et se développe grâce à ses salariés. Les choix stratégiques doivent en tenir compte et garantir l'emploi, les conditions de travail et de vie, l'avenir des salariés.
Lorsque l'entreprise ignore sa responsabilité sociale, l'Etat ne peut rester non interventionniste. Mais il n'a pas à dicter à l'entreprise ses choix de gestion. La loi ne peut tout faire - Mme Guigou l'a rappelé hier -, mais elle doit bien faire un certain nombre de choses : fixer un cadre d'obligations sociales à intégrer dans la gestion, fixer les règles du jeu interne en soumettant à la discussion contradictoire les projets de l'entreprise, avec les représentants des salariés.
Le Gouvernement n'est pas favorable au droit de veto des comités d'entreprise - direct ou avec l'appui du juge - parce que la confusion des rôles est source d'ambiguïté. On ne peut bloquer une décision ou un choix sans en assumer la responsabilité et les conséquences. Si l'on impose à une entreprise une orientation, il faut en prendre la responsabilité jusqu'au bout. Or, cela ne paraît pas opportun pour les comités d'entreprise. Mais il faut rééquilibrer les pouvoirs, et c'est ce que nous proposons.
Monsieur Murat, vous avez affirmé qu'une réglementation excessive dissuade les investissements étrangers en France.
Vous voudrez bien noter que le volume du code du travail a plus que doublé sous des gouvernements de droite... Mais quelques chiffres valent mieux qu'un long discours : selon la dernière étude de la Délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale sur les investissements étrangers en France en l'an 2000, plus de 35 000 emplois ont été créés en un an, 26 % de projets supplémentaires ont été enregistrés par rapport à 1999 et les créations d'emplois liées à de nouvelles implantations ont augmenté de 50 %. La France attire donc bien les investissements étrangers.
Madame Dieulangard, vous avez parlé des salariés, dont la sécurité de l'emploi n'est pas assurée et dont le droit à l'emploi reste théorique. Effectivement, pour faire aller de pair le progrès économique et le progrès social, c'est ce dernier qu'il faut soutenir. Le rôle premier de la loi est de contrebalancer le pouvoir des forts pour protéger les faibles. Si les entreprises ne sont pas incitées à assumer leurs responsabilités sociales et si celles-ci ne sont pas étendues, jamais les plus faibles n'y trouveront leur place, ou bien ils seront les premières victimes des licenciements. Je vous sais gré de l'avoir déclaré avec autant de conviction. Tel est bien l'objet du projet de loi que vous examinez aujourd'hui.
Je profite de ma présence à cette tribune pour répondre à M. Carle, qui m'a interrogée hier sur un autre thème de ce titre II : la formation professionnelle. J'essayerai d'être la plus précise possible.
Tout d'abord, j'ai noté que la plupart des orateurs ont souligné l'avancée que constituait la validation des acquis de l'expérience pour les salariés et, plus globalement, pour le chantier de la réforme de la formation professionnelle ; je les en remercie.
J'ai également constaté que les dispositions pour rendre plus transparent et plus équitable le financement de l'apprentissage recueillaient un large assentiment.
Certains d'entre vous ont émis plusieurs critiques qui, pour une large part, me semblent relever d'une incompréhension, ou peut-être d'une connaissance insuffisante des propositions du Gouvernement. Il faut savoir que certaines mesures relèvent du domaine législatif et que d'autres sont du domaine réglementaire : nous nous sommes conformés aux recommandations du Conseil d'Etat. Par conséquent, il serait souhaitable que ce débat apporte un complément d'informations sur un certain nombre de sujets.
En ce qui concerne la validation des acquis de l'expérience, vous nous reprochez de vouloir certifier des parcours de formation plutôt que des compétences. J'avoue ne pas comprendre cette critique : toutes les dispositions du texte adoptées en première lecture par l'Assemblée nationale vont dans le sens que vous souhaitez, à savoir celui d'une distinction nette entre les certifications professionnelles et les formations qui y conduisent. Ne figureront dans le répertoire national des certifications professionnelles que des diplômes, des titres ou des certificats de qualification paritaires décrivant les savoir-faire et les compétences attendus des candidats et non des programmes de formation.
S'agissant de l'apprentissage, vous nous reprochez de vouloir distendre le lien entre les entreprises et les centres de formation d'apprentis, les CFA, dans lesquels sont inscrits leurs apprentis. Or, actuellement, la contribution financière obligatoire liant directement l'entreprise au fonctionnement de ces CFA s'élève à 2 500 francs aux termes de la loi de 1996. Nous proposons que cette contribution soit désormais équivalente au prix global de la formation fixé conventionnellement avec la région. Nous savons, pour travailler avec les partenaires sociaux et avec les régions, que le niveau de financement minimal entraînera une contractualisation d'au moins 20 000 francs par apprenti. Vous voyez donc le saut que nous effectuons eu égard aux 2 500 francs aujourd'hui obligatoires.
Cependant, un tel dispositif est, selon le Conseil d'Etat, d'ordre réglementaire. Néanmoins, je ne serais pas hostile, personnellement, à ce que nous marquions plus clairement encore ce lien en inscrivant cette obligation dans la loi. En tout cas, nous avons travaillé dans l'esprit que vous souhaitez.
Vous avez également évoqué les barèmes nationaux. La loi de 1996 a effectivement mis en place de tels barèmes. L'application de ce texte est apparue si complexe que les décrets d'application n'ont jamais été pris. C'est pourquoi nous en proposons la suppression, contrairement à ce que vous affirmez, pour les remplacer par l'établissement d'un coût global qui fera l'objet, je l'ai déjà dit, d'un conventionnement avec les conseils régionaux.
M. Raymond Courrière. Très bien !
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat. En revanche, dans l'intérêt des jeunes, il est apparu nécessaire d'assurer à tous les CFA des ressources minimales, ce dans un esprit d'équité et afin d'assurer la continuité de leur fonctionnement et la qualité de l'apprentissage sur tout le territoire. En effet, dans un certain nombre de départements, notamment dans les zones rurales, la collecte de la taxe d'apprentissage est peu élevée. Je reçois régulièrement des lettres de citoyennes, de citoyens et d'élus qui se plaignent des difficultés rencontrées par les CFA, lesquelles conduisent parfois à de véritables faillites et à des fermetures de CFA. La réforme du financement de l'apprentissage proposée par le Gouvernement tend à instaurer une égalité des chances entre les jeunes, quel que soit leur lieu de vie sur notre territoire.
M. Gérard Delfau. Très bien !
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat. Enfin, vous craignez que les dispositions que nous vous présentons en matière de qualité de la formation n'aient pour effet de favoriser des organismes avant tout soucieux de profiter des ressources financières de la formation professionnelle. Nous savons que tel peut être le cas, même si ceux-ci sont extrêmement minoritaires. Les dispositions que nous avons prévues vont dans le sens d'un renforcement du contrôle de la formation professionnelle et d'une meilleure appréhension de l'activité de ces organismes.
Vous pouvez donc constater, monsieur Carle, que ce projet de loi de modernisation sociale constitue un réel progrès. Il répond au souhait exprimé aujourd'hui par tous les acteurs de la formation professionnelle. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Raymond Courrière. Très bonne réponse !
M. Bernard Kouchner, ministre délégué à la santé. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi qui vous est présenté est un vrai projet de modernisation sociale. D'ailleurs, la richesse des débats, l'importance des questions soulevées et le nombre des amendements qui ont été déposés témoignent de la réelle ambition du Sénat comme du Gouvernement de changer la vie de nos concitoyens.
Je répondrai d'abord aux interrogations qui portaient sur le titre Ier, « Santé, solidarité, sécurité sociale », en commençant, si vous le permettez, par la politique en faveur des personnes handicapées.
Monsieur Descours, je vous ai écouté avec attention. Vous avez regretté, avec talent, que nous ne procédions qu'à des révisions limitées - dérisoires dites-vous - de la loi d'orientation de 1975 en faveur des personnes handicapées.
M. Charles Descours. Ce sont les associations qui le disent !
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Parfois, elles se trompent !
M. Jacques Machet. Je ne crois pas !
M. Alain Gournac, rapporteur de la commission des affaires sociales. Il faut les écouter quand même !
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Je n'arrête pas ! Vous ne pouvez pas me reprocher de ne pas les écouter : j'en ai fondé cinquante-sept ! (Sourires.)
M. Jean Chérioux. Vous êtes sélectif dans votre écoute ! Vous en écoutez certaines et pas d'autres !
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Je vous écoute bien !
Tout d'abord, il ne me semble pas dérisoire de réviser le dispositif. Mais, surtout, je tiens à affirmer devant votre assemblée que le Gouvernement est décidé à engager la refonte de la loi d'orientation en faveur des personnes handicapées. L'ouverture de ce chantier a été annoncée très officiellement, à propos d'associations, au Comité national consultatif des personnes handicapées le 25 janvier dernier. Nous allons tenir nos promesses ! C'est dans ce cadre que l'on pourra traiter, comme il convient et comme vous le souhaitez, monsieur le sénateur, le droit à compensation, qui constitue un enjeu majeur de la politique du handicap, ou encore la question des ressources des handicapés.
Monsieur Machet, cette réponse s'adresse également à vous, qui vous êtes inquiété de la situation faite aux personnes handicapées et à leurs familles ; vous l'avez fait dans des termes qui montrent, s'il en était besoin, votre engagement personnel.
Quant à la mise en oeuvre du plan triennal annoncée par le Premier ministre le 25 janvier 2000, que M. Descours, une fois de plus, soit rassuré...
M. Charles Descours. En 2000 ?
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Oui, annoncée en 2000 !
M. Charles Descours. Voilà donc seize mois !
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Effectivement ! Mais ce n'est pas dans cette assemblée, où la vitesse est évidemment un modèle pour tous...
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. On va beaucoup plus vite que vous ne le croyez !
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. ... qu'il faut nous reprocher de n'avoir pu changer en seize mois un texte aussi important ! Nous y travaillons ! Soyez pleinement rassurés.
Ce plan porte sur la période 2001-2003 ; toutes les mesures prévues sont bien financées en ce qui concerne tant l'objectif national de dépenses d'assurance maladie, l'ONDAM, que le budget de l'Etat, et nous avons donné les instructions pour leur mise en oeuvre. Nous agissons au plus vite, même si je comprends votre regret que les résultats ne puissent intervenir plus tôt.
Pour ce qui est des retraites, Elisabeth Guigou vous a déjà répondu sur les raisons qui ont conduit le Gouvernement à abroger la « loi Thomas » ; je n'y reviendrai pas.
Monsieur Murat, vous avez critiqué la constitution du fonds de réserve des retraites. Ce fonds traduit notre volonté d'assurer la pérennité de nos régimes de retraite par répartition. Il atteindra en effet 1 000 milliards de francs en 2020...
M. Charles Descours. Chiche !
M. Louis de Broissia. Foi d'animal !
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Intérêt et principal ! (Sourires) Et vous serez tous là pour le voir ! (Nouveaux sourires.)
M. Charles Descours. Surtout pour en profiter !
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Les ressources prévues pour l'alimenter sont d'ores et déjà mobilisées, et elles le seront plus encore.
Vous mettez en doute la capacité du fonds de solidarité veillesse à alimenter le fonds de réserve, mais vous oubliez de dire que le fonds de solidarité vieillesse est en excédent structurel grâce au succès de certaines politiques : la politique de l'emploi, qui a réduit le nombre de chômeurs et la politique de répartition des retraites, qui a diminué le nombre de bénéficiaires du minimum vieillesse.
M. Bernard Murat. Et la croissance ?
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Je ne l'oublie pas ! Elle a été encouragée par l'enthousiasme d'un certain nombre de Français. Cela s'appelle la confiance : il n'y a pas de croissance sans confiance !
M. Bernard Murat. Nous reviendrons sur ce sujet !
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Nous en débattrons effectivement prochainement puisque le Gouvernement a décidé de constituer un fonds de réserve pour les retraites. Il s'agira d'un établissement autonome doté d'une structure de gestion originale associant un conseil de surveillance qui assure la représentation des assurés...
M. Charles Descours. Contre l'avis des partenaires sociaux !
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. ... et un directoire composé de personnalités à la compétence reconnue en matière de gestion de fonds.
Monsieur Cantegrit, vous avez insisté, dans votre intervention, sur l'article 8 du projet de loi qui porte réforme de la Caisse des Français de l'étranger. Je vous en remercie, car je crois qu'il s'agit d'une réforme importante qui bénéficiera à nos compatriotes établis hors de France, plus précisément à ceux qui disposent de revenus modestes. Je ne m'étonne pas de l'intérêt porté par le Sénat à cet article puisque il assure une représentation privilégiée des Français de l'étranger.
Cet article 8 du projet de loi comporte, parmi ses dispositions principales, la création d'un tarif préférentiel pour nos compatriotes expatriés ayant des revenus modestes. Ils pourront donc adhérer à la Caisse des Français de l'étranger et profiter ainsi d'une couverture maladie de qualité. Ce nouveau dispositif bénéficiera du concours financier du ministère des affaires sociales, auquel s'ajoutera une dotation initiale puisée dans la trésorerie de la Caisse des Français de l'étranger.
En ces temps où nombre de nos concitoyens redoutent les conséquences de la mondialisation, je trouve très significatif que le législateur s'apprête, en votant cette mesure, à exporter, au bénéfice des Français de l'étranger aux revenus modestes, les valeurs de fraternité et de solidarité de notre République.
Monsieur le sénateur, je crois que nous partageons sans réserve les objectifs affichés à l'article 8 du projet de loi. Je suis sûr que nous aurons une discussion constructive lors de l'examen de ce texte.
Des amendements ont été déposés tant par vous-même que par certains de vos collègues, au nombre desquels se trouve Mme Cerisier-ben Guiga, dont je connais l'intérêt pour la protection sociale des expatriés. Il me semble qu'il vont dans le sens à la fois d'une solidarité plus grande avec nos compatriotes expatriés et d'une rigueur accrue dans la gestion du risque maladie par la Caisse des Français de l'étranger, et qu'ils participent au développement de la couverture sociale solidaire des Français établis hors de France.
Par ailleurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je sais que vous auriez préféré que nous mettions en oeuvre une réforme globale des études médicales plutôt que la démarche par cycle que nous avons retenue et que vous avez critiquée. Moi aussi ! Cependant, il semble que, compte tenu de l'ampleur de la tâche et de la diversité des sujets à traiter, nous aurions alors été confrontés à d'importantes difficultés et à un risque de confusion. Comme nombre d'entre vous le savent, la réforme des études médicales est une entreprise de longue haleine, menée depuis longtemps mais pas toujours avec le même souffle ! Il a fallu des années et des années pour simplement convaincre qu'il convenait de réformer les études médicales, et pourtant le diagnostic négatif et la critique étaient unanimes. Mais, pour faire bouger les habitudes, les structures et les intérêts particuliers dans un domaine aussi important, il faut persuader et non pas brutaliser.
Ainsi, monsieur Descours, dix-huit mois de travail avaient été nécessaires, alors que j'étais déjà chargé de ce département ministériel, que j'ai ensuite quitté pour deux ans, pour convaincre la conférence des doyens de l'intérêt crucial de cette réforme. Celle-ci a elle-même ensuite convaincu presque tous les « protagonistes », mais, au bout de trois ans et demi, nous ne sommes pas parvenus, monsieur le sénateur, à adopter une position commune, ou presque commune, sur le premier cycle.
Dans ces conditions, le problème était simple : fallait-il attendre qu'un projet d'ensemble soit prêt ? Vous avez été assez aimable, monsieur Descours, pour parler de la « loi Kouchner »...
M. Charles Descours. C'est cela !
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Je dirai très immodestement que j'aurais préféré qu'une telle loi voie le jour !
M. Lucien Neuwirth. Nous déplorons son absence !
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Moi aussi, bien sûr. Mais notre manière de procéder, en mettant d'abord en oeuvre la réforme des troisième et deuxième cycles puis en travaillant à celle du premier cycle, était imposée par l'urgence. En effet, nous avons besoin de spécialistes, et il était donc nécessaire, je le répète, de mettre en place le nouvel internat, cet « internat pour tous » que j'ai évoqué.
A cet égard, j'ai bien entendu votre critique, monsieur Descours, et j'y suis sensible. Nous avons proposé et fait finalement accepter l'instauration de ce nouvel internat afin que la médecine générale ne soit pas choisie en cas d'échec pour accéder à d'autres spécialités. Vous avez émis hier des critiques sur ce point, et vous n'avez pas tort. Toutefois, je dois souligner ici que les décrets nous permettront de préciser comment, au moyen d'un classement dans chacune des spécialités, comme cela se pratique à l'Ecole polytechnique ou ailleurs, il sera possible de valoriser ceux qui auront choisi la médecine générale et qui pourront suivre cette voie, par exemple après s'être classés premier, cinquième ou cinq centième... que sais-je ? dans cette spécialité.
En tout état de cause, je vous présenterai les textes correspondants, et vous verrez qu'ils seront de nature à satisfaire tout le monde. En effet, si nous proposions un nouveau dispositif n'améliorant pas le précédent et laissant subsister la sélection par défaut des médecins généralistes, alors il s'agirait pour nous d'un échec. Certes, je crois véritablement que chaque étudiant doit pouvoir bénéficier des stages indispensables, mais encore faut-il disposer des services et des enseignants nécessaires.
Cela étant, monsieur Descours, je pense que vous avez raison : il eût été plus cohérent de présenter un projet de réforme de l'ensemble des études médicales. Cependant, le temps presse, et la réduction du temps de travail à l'hôpital, entre autres facteurs, nous oblige à faire vite. Certaines spécialités étaient d'ailleurs complètement sinistrées ! Je pense notamment ici à la pédiatrie ou à l'anesthésie...
M. Lucien Neuwirth. La radiothérapie !
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Lorsque je suis revenu au Gouvernement, j'ai compris la nécessité d'insérer, dans le projet de loi de modernisation sociale, des dispositions visant à réformer les deuxième et troisième cycles des études médicales. Nous n'étions alors pas sûrs, je vous le rappelle, de pouvoir présenter au Parlement un projet de loi de modernisation du système de santé, et il s'agissait de ne pas prendre des années de retard. Sur le fond, néanmoins, je reconnais qu'il eût été plus cohérent, plus « esthétique » et sans doute plus efficace de vous proposer une réforme d'ensemble.
Nous avons donc choisi, mesdames, messieurs les sénateurs, de réformer les études médicales de façon progressive, afin de poursuivre une concertation approfondie avec l'ensemble des partenaires. La réforme du deuxième cycle est achevée, celle du troisième cycle vous est soumise, et elle correspond, je le sais, à l'attente de l'immense majorité - reconnaissez au moins cela ! - des enseignants et des acteurs de l'hôpital et de l'université. Ces réformes recueillent leur approbation, et nous allons donc accélérer quelque peu le processus.
En ce qui concerne le premier cycle, je pense que nous touchons maintenant pratiquement au terme de nos efforts et que, d'ici à un ou deux mois, nous serons en mesure de présenter, en concertation avec vous, bien entendu, en mesure de présenter, un texte qui satisfasse tout le monde.
Nous avons d'ores et déjà consulté toutes les parties prenantes, qu'il s'agisse des étudiants, des doyens, des médecins ou des professionnels paramédicaux, lesquels seront eux aussi concernés par la réforme - tel est, en tout cas, mon souhait, et c'est le sens de notre travail.
Cette association d'autres catégories de professionnels de la santé que les médecins au débat sur la réforme du premier cycle d'ailleurs réclamée par les sages-femmes. Nous en avons accepté le principe, mais, là encore, il ne m'appartient pas de décider d'un claquement de doigt ; il revient au président d'unité d'enseignement et de recherche de recevoir ou non la demande des sages-femmes, et nous n'allons pas porter atteinte à l'autonomie des universités au prétexte que nous avons le sentiment que cette catégorie est fondée à vouloir participer à la première année du premier cycle, laquelle pourrait, à mon sens, proposer à tous un enseignement sur la santé publique et sur l'économie de la santé, ce qui permettera de placer chacun face à ses responsabilités et de faire partager une nécessaire connaissance de ces questions.
Cela dit, croyez-m'en, la réforme n'est pas renvoyée aux calendes grecques. Je pense au contraire que, dans quelques jours, nous pourrons vous annoncer la date précise de la présentation, en conseil des ministres, du projet de loi portant modernisation des études médicales.
En ce qui concerne maintenant notre système de soins, M. Murat a critiqué un prétendu rationnement des dépenses d'assurance maladie, mais il a rappelé, à juste titre, la mise en oeuvre du plan Juppé.
Non, monsieur le sénateur, le système français n'est pas comparable au système anglais ! Comment pouvez-vous affirmer une telle chose ? Vous savez qu'ils n'ont rien à voir et qu'il n'existe pas encore - et j'espère qu'il n'y en existera jamais - de listes d'attente chez les médecins généralistes, comme cela se pratique en Grande-Bretagne. En outre, le degré général de prise en charge est totalement différent de celui qui prévaut outre-Manche.
Vous savez par ailleurs que l'OMS, qui n'est pas suspecte de favoriser résolument la France, a classé notre système de soins au premier rang mondial et que le système français devance largement les autres en termes de prise en charge moyenne des soins, très loin devant les autres, même s'il doit être encore amélioré.
M. Bernard Murat. Il faut attendre trois mois en ophtalmologie !
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Les dépenses d'assurance maladie ont progressé, en l'an 2000, de 4,7 %. Aux côtés d'Elisabeth Guigou, j'ai ouvert, le 25 janvier dernier, un dialogue avec tous les professionnels de santé, et une mission de concertation chargée de me faire des propositions a été mise en place. Tous les acteurs doivent jouer leur rôle : l'Etat, bien entendu, la CNAM, les professionnels de santé et le Gouvernement.
En effet, nos concitoyens sont attachés à la fois à la qualité des soins et à la sécurité sociale, bref à ce système français que j'évoquais. A leurs yeux, ce système forme un tout et ils ne distinguent pas entre les professionnels de santé, l'Etat et les caisses. Les Français attendent de nous qu'ensemble nous garantissions, voire renforcions la pérennité du système de soins. Encore une fois, si le rapport de l'Organisation mondiale de la santé a classé le système français au premier rang, ce n'est pas un hasard, d'autant que les critères retenus étaient extrêmement nombreux et précis.
En conséquence, nous devons défendre notre système de soins mixte, qui permet à la fois la liberté de choix poour les patients, l'indépendance professionnelle des médecins et un haut niveau de solidarité nationale s'agissant de l'assurance maladie. L'objectif du Gouvernement est de moderniser notre système de soins afin de faire face aux nouveaux enjeux, qui sont nombreux. Je pense notamment ici à l'apparition de nouvelles pathologies et au vieillissement de la population. Celui-ci reflète une situation enviable, mais il rendra notamment nécessaire la prise en charge des maladies dégénératives.
Il faudra donc dégager beaucoup plus de moyens financiers, et les gâchis devront être réduits. Il conviendra en outre d'informer la population, afin qu'elle sache quand et dans quelles conditions il deviendra indispensable de consentir davantage de sacrifices.
Par ailleurs, les nouvelles molécules qui apparaissent, s'agissant par exemple des chimiothérapies anticancéreuses ou du traitement de la polyarthrite rhumatoïde, coûtent extrêmement cher et représenteront à elles seules des milliards de francs de dépenses supplémentaires. Devons-nous en priver nos concitoyens ? Non, cela me paraît complètement impossible ! De plus, avec la mise en oeuvre du « plan cancer », les femmes âgées de plus de cinquante ans se verront proposer, pour la première fois dans notre pays, un dépistage du cancer du sein une fois tous les deux ans, qui comportera deux clichés et une double lecture. Tout cela coûtera horriblement cher, et si nous dépistons plus précocement les cancers du sein, nous devrons mettre en place des traitements et des appareils de radiothérapie.
M. Lucien Neuwirth. Il faut le faire !
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. J'étais avec vous, monsieur Neuwirth, à Lyon lorsque les radiothérapeutes ont protesté parce que, si nous avons fait un gros effort pour les appareils de diagnostic, à hauteur de 1 milliard de francs, les appareils de radiothérapie se trouvent dans un état de décrépitude apparent dont il faut tenir compte. Cela représentera plusieurs milliards de francs de plus. Il faut le dire, le progrès coûte cher, et il est faux de prétendre que les économies pourront être réalisées immédiatement en matière de santé. J'ai moi-même essayé de m'en persuader pendant longtemps, mais, comme je n'ai pas envie de mourir idiot, je vous l'avoue très clairement : le progrès coûte cher !
M. Bernard Murat. On est d'accord !
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Par conséquent, il faut faire des choix,...
M. Lucien Neuwirth. Il faut un budget de la santé !
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. ... car nous devons, s'agissant du cancer du sein mais aussi de bien d'autres pathologies, tenir nos promesses, afin que la prise en charge de ces maladies lourdes soit assurée dans notre pays.
M. Bernard Murat. Très bien !
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Ensemble, nous devons donc déterminer ce qui est nécessaire, mais aussi ce qui est certainement superflu. En outre, il faut évoquer les inégalités régionales, aborder une certaine régionalisation, y compris à l'échelon des caisses et des prises en charge, que l'on mettrait en concurrence, en résonance ou que l'on rendrait complémentaires. Bref, il convient de raisonner de façon moins rigide, parce que des inégalités existent entre les régions en matière de pathologies.
Toutes ces questions nous amènent à renforcer la qualité du système de soins, et cette modernisation passe par le développement d'une politique de santé publique. Je vous en ai présenté les grandes lignes dans un petit opuscule que vous avez sans doute tous reçu. A ce propos, je regrette que ma photographie figure en première page. Je la trouve d'ailleurs assez moche, peut-être n'aurait-on pas dû la mettre ! (Sourires).
En ce qui concerne les cliniques privées, je vous confirme, monsieur Murat, que l'hospitalisation privée continuera à jouer un rôle important dans la réponse apportée aux besoins de la population. A ce propos, la diversification croissante des missions qui sont confiées aux établissements de santé privés par les agences régionales de l'hospitalisation en application des schémas régionaux d'organisation sanitaire est une réalité. (M. Gérard Larcher opine.)
Nous savons que les tâches dévolues à l'hôpital public demeurent essentielles, différentes, majeures. Il n'empêche que, pour l'heure, nous avons besoin d'une harmonisation entre le privé et le public. Cela signifie qu'il faut redéfinir les montants des enveloppes, afin qu'ils soient en général non pas réduits, mais augmentés.
Par conséquent, si nous voulons mettre en application les schémas régionaux d'organisation sanitaire, nous devons là aussi travailler ensemble et obtenir le soutien de l'opinion publique, c'est-à-dire des citoyens français. Pour cela, il faut leur exposer les problèmes et faire des choix, une fois encore.
A cet égard, l'extension aux établissements privés de la mission de prise en charge de l'urgence est symbolique de cette évolution, mais il faut ajouter, pour ne pas être partial, que les établissements publics ont dû accueillir les urgences que les médecins libéraux n'assurent plus. Cela contribue également à changer considérablement la donne, au sens concret du terme. A l'heure actuelle, en effet, les urgentistes sont à la peine, c'est le moins que l'on puisse dire. (M. Gérard Larcher approuve.)
Nous devons aussi faire face à cela !
L'évolution en matière de prise en charge des urgences témoigne non seulement de l'implication du secteur public et du secteur privé dans la prise en charge sanitaire quotidienne de nos concitoyens, mais aussi de la reconnaissance de la complémentarité de leurs rôles.
Dans ces circonstances, le Gouvernement prend en compte la situation économique des établissements de santé privés : un fonds pour la modernisation des cliniques privées a été mis en place et sa dotation est portée à 150 millions de francs en 2001.
Par ailleurs, pour la première fois, le taux d'augmentation pour 2001 de l'objectif quantifié national, l'OQN, a été fixé à un niveau équivalent dans le privé et dans le public et progresse de 3,3 %.
Sur cette base, nous avons signé, le 4 avril dernier, un accord avec les fédérations de cliniques privées, qui détermine les taux de progression pour 2001 des tarifs de ce secteur. Cet accord prévoit une enveloppe de 600 millions de francs pour les augmentations en général, soit une hausse moyenne des tarifs de 2,3 %, et une enveloppe de 600 millions de francs supplémentaires pour les augmentations ciblées sur certaines activités, ce qui porte l'augmentation à près de 4 %.
A ce titre, l'attention portée au secteur de l'obstétrique est renforcée et amplifiée, pour les raisons que vous connaissez, grâce à une enveloppe de 100 millions de francs, ce qui permet une hausse des tarifs de ce secteur, et une augmentation du salaire des sages-femmes de 8 %. Ces montants traduisent un effort marquant et renforcé par rapport aux accords précédents.
Cet accord vise à renforcer la complémentarité entre public et privé. En particulier, il assure la prise en charge des urgences dans certains établissements.
Mesdames, messieurs, je dirai maintenant quelques mots des sages-femmes.
M. Alain Gournac, rapporteur. Eh oui !
M. Lucien Neuwirth. Un grand mot !
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. J'observe une tendance, que je juge à la fois intéressante et surprenante, visant à l'égalisation des salaires entre le public et le privé. Il faudrait être singulièrement sectaire et quelque peu rigide pour considérer que cela va de soi.
Cela ne va pas de soi ! Il y a des salaires différents dans le public et dans le privé, et pas seulement dans le secteur médical !
Cela étant, je comprends que la différence est grande, s'agissant des sages-femmes, entre le salaire mensuel dans les établissements privés et dans les établissements publics : nous parlons de 3 000 francs ou 4 000 francs de différence.
M. Bernard Murat. Et sans la garantie de l'emploi !
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Effectivement, sans la garantie de l'emploi.
Est-ce que le Gouvernement est capable, quand bien même il en éprouverait le désir, d'harmoniser les salaires des deux secteurs ? Non ! c'est impossible. Enfin ! que me demande-t-on ?
Mais nous avons rencontré les responsables des deux grandes fédérations de cliniques. Et ils ne sont pas capables eux non plus d'harmoniser, du sommet, les salaires dans tous les établissements, en particulier les salaires des sages-femmes. Or, ils viennent de recevoir une enveloppe de 100 millions de francs.
J'espère que, désormais, dans les établissements et dans les cliniques, des négociations vont s'ouvrir - le mouvement a été amorcé mais il n'est pas suffisamment développé - pour que les salaires des sages-femmes du privé, qui travaillent en général plus que les sages-femmes du public et pour un salaire moins élevé, soient augmentés. Je ne peux pas faire plus !
Je veux bien recevoir toutes les coordinations de la terre, je ne pourrai pas faire plus ! Nous avons donné l'argent, c'est maintenant aux responsables des cliniques de négocier, dans les établissements, avec les représentants des sages-femmes.
A ce propos, je voudrais ajouter qu'Elisabeth Guigou et moi-même avons entendu les sages-femmes ; nous les avons reçues, nous les avons écoutées. Chaque fois que les représentants de cette coordination viennent me voir - ils ont d'ailleurs changé -, je les reçois.
Grâce au travail de plusieurs mois qu'a mené Elisabeth Guigou, nous avons signé un accord sur la fonction publique hospitalière paramédicale, qui concerne 800 000 personnes dont, notamment, les sages-femmes. Cinq syndicats sur huit l'ont signé et un comité de suivi a été constitué.
Ces syndicats représentent également les sages-femmes de la fonction publique. Mais, comme vous le savez, les coordinations et les syndicats s'entendent plutôt mal ; en tout cas, il est difficile de les faire dialoguer.
Quoi qu'il en soit, les sages-femmes du secteur public doivent absolument négocier avec les syndicats. C'est indispensable et nous les aidons à le faire.
Permettez-moi d'ajouter un dernier mot : nous avons proposé aux sages-femmes - et j'espère que, vendredi prochain, elles accepteront de participer aux groupes de travail que nous avons mis en place - que ces professions deviennent véritablement des professions médicales, comme cela devrait déjà être le cas. Nous avons en particulier proposé que, dans plus de la moitié des CHU de France, elles commencent, dès septembre prochain, à être intégrées dans le premier cycle, la première année des études médicales. Mais il leur appartient de préparer les dossiers.
Pour l'instant, ces propositions concernent trois villes seulement. Mais j'espère que, le 9 mai prochain, date de la réunion, il y aura dix villes supplémentaires.
Nous voulons aider les sages-femmes, mais il faut qu'elles viennent travailler avec nous.
J'ai examiné de très près le nombre des accouchements par sage-femme et leur répartition dans le pays. Dans le Sud et dans le Nord, on ne travaille pas de la même façon ; dans le secteur privé et dans le secteur public, les méthodes de travail sont différentes. Sachez cependant, mesdames, messieurs les sénateurs, que, en moyenne, chaque sage-femme de France aide à accoucher 53 femmes par an, ce qui représente quatre accouchements par mois.
M. Charles Descours. Il y a des sages-femmes qui ne font pas que des accouchements !
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Certes, monsieur le sénateur, mais très peu !
M. Charles Descours. Il y en a dans les départements, monsieur le ministre !
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Oui, elles sont 600 au total ! Je connais tout cela.
M. Charles Descours. C'est bien que vous le connaissiez !
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. La moyenne est donc de 53 accouchements par an, et elle sera, compte tenu de la natalité, de 43 dans dix ans, contre 100 à 110 en 1970. C'est ainsi.
Je ne demande pas mieux que la périnatalité soit mieux prise en charge, et sans doute faut-il augmenter le quota - le mot est détestable - des sages-femmes. Mais cela suppose qu'elles viennent travailler avec nous et qu'elles nous convainquent. Le chiffre de quatre accouchements par mois donne en effet lieu à réflexion.
M. Charles Descours. Et la grille indiciaire ?
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Elle fera l'objet, je l'espère, de la prochaine réunion, vendredi, entre les sages-femmes et le comité de suivi.
En conclusion sur ce thème, je dirai qu'on ne peut pas briser un accord essentiel au fonctionnement des établissements publics et qui concerne 800 000 personnes. On ne peut que s'efforcer de l'améliorer.
Restent bien entendu les sages-femmes en activité dans les départements - vous avez raison de le souligner, monsieur le sénateur - et les sages-femmes en exercice libéral. Mais j'en ai tenu compte.
Je sais ainsi qu'à l'hôpital de Lens - puisque nous avons travaillé dans le Nord à cause des événements de Vimy - le nombre d'accouchements par sage-femme est de 112 par an. Nous pouvons certes tenter de corriger cette mauvaise répartition, mais nous ne pouvons pas disposer des sages-femmes, car il faut respecter la liberté d'installation.
M. Hilaire Flandre. S'il y a 112 accouchements dans le Nord, la moyenne étant de 53, cela ne fait « pas bézef » à Marseille ! (Sourires.)
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Il est bien évident que l'on compte moins de 53 accouchements dans certaines zones.
Dans le secteur privé à but lucratif, l'accord tarifaire permet de financer des augmentations de salaires pour les différentes catégories de personnels. Le processus est, je crois, bien entamé. Une solution équilibrée doit être trouvée au niveau de chaque établissement. Les hausses de rémunération font l'objet de négociations entre les partenaires sociaux de ce secteur.
Pour les sages-femmes du secteur privé, je l'ai déjà dit, mais autant le préciser, les négociations entamées ont donné des résultats très positifs et les augmentations de salaire dans les cliniques privées ont été tout à fait significatives pour les quelques négociations qui ont jusqu'ici abouti.
Enfin, en ce qui concerne les sages-femmes en exercice libéral, les négociations avec la Caisse nationale d'assurance maladie doivent reprendre et, d'ores et déjà, les propositions faites par la commission de la nomenclature générale des actes professionnels sont retenues.
L'activité professionnelle des sages-femmes fait l'objet d'une attention particulière. Par exemple, des travaux sont menés sur l'organisation des soins périnatals. Nous lançons par ailleurs des expérimentations pour les « maisons de naissance ». J'espère en lancer trois avant la fin de l'année.
Ainsi, lorsque la grossesse a été bien suivie et que l'accouchement doit se dérouler normalement, des sages-femmes libérales pourront accoucher leurs parturientes dans des maisons attenantes à l'hôpital, ou situées à l'intérieur de celui-ci, dans des entités complètement autonomes. L'ensemble de ces mesures et propositions a pour objectif de redéfinir et de réaffirmer la place de cette profession médicale dans notre système de santé. (Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées de l'Union centriste et du RPR.)
M. le président. Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle au Sénat qu'a été ordonnée la réserve des articles du titre Ier.
Nous abordons donc l'examen du titre II.

TITRE II

TRAVAIL, EMPLOI ET FORMATION
PROFESSIONNELLE

Chapitre Ier

Protection et développement de l'emploi

Section 1

Prévention des licenciements

Articles additionnels avant l'article 29



M. le président.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 367, Mme Borvo, MM. Muzeau, Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer avant l'article 29, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 321-1 du code du travail est ainsi rédigé :
« Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié, résultant d'une suppression ou d'une transformation d'emploi ou d'une modification du contrat de travail, consécutives soit à des difficultés économiques sérieuses n'ayant pu être surmontées par tout autre moyen, soit à des mutations technologiques remettant en cause la pérennité de l'entreprise, soit à des nécessités de réorganisation indispensables à la préservation de l'activité de l'entreprise.
« Les dispositions du présent chapitre sont applicables à toute rupture du contrat de travail résultant de l'une des trois causes énoncées à l'alinéa précédent. »
Par amendement n° 366, Mme Borvo, MM. Muzeau, Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, avant l'article 29, d'insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article L. 321-1 du code du travail est complété par treize alinéas ainsi rédigés :
« Est interdit le licenciement économique effectué alors que la société ou le groupe a réalisé des profits ou distribué des dividendes au cours du dernier exercice.
« L'examen de la situation de l'entreprise est réalisé alors par une commission constituée :
« de représentants du personnel ;
« de représentants de l'employeur ;
« de l'inspection du travail ;
« du commissaire aux comptes de l'entreprise ;
« d'un magistrat de la juridiction commerciale du ressort ;
« d'un représentant de la Banque de France ;
« d'un membre de la commission décentralisée du contrôle de fonds publics ;
« d'élus locaux.
« Au terme d'un délai de six mois un avis détermine les propositions nécessaires à la préservation de l'emploi.
« Cet avis est transmis à l'employeur, à l'autorité administrative, aux salariés, à leurs représentants ou au comité d'entreprise.
« Sera puni d'une amende de 50 000 francs prononcée autant de fois qu'il y a de salariés concernés par l'infraction, l'employeur qui ne respecte pas cette interdiction. »
La parole est à M. Muzeau, pour défendre ces deux amendements.
M. Roland Muzeau. Notre amendement n° 367 vise à modifier l'article L. 321-1 du code du travail afin d'intégrer dans la loi des avancées jurisprudentielles récentes. Nous insistons donc sur le caractère d'ultime recours du licenciement économique, sur l'exigence qu'en cas de difficultés réelles la solution soit recherchée prioritairement par la réduction de coûts autres que les coûts salariaux et sur le fait que les mutations technologiques invoquées doivent être indispensables à la pérennité de l'entreprise.
La loi, dans son état actuel, ne permet pas - ou permet peu - de garantir ces principes. Le patronat français, irrité par les avancées législatives et jurisprudentielles évoquées ci-dessus, revendique avec force une plus grande sécurité juridique dans la conduite et la mise en oeuvre de ses plans de licenciement.
Notre choix est inverse : il part du constat que le licenciement économique ne sera jamais considéré par les employeurs comme un ultime recours aussi longtemps qu'il ne sera pas une activité à risque.
Le bilan des destructions d'emplois peut être tiré concernant le laisser-faire si souvent invoqué par le patronat.
Chacun s'accorde à reconnaître, et le plus souvent à déplorer, que la réduction des coûts salariaux constitue le premier acte des entreprises, non seulement en cas de difficultés économiques, mais même en l'absence de celles-ci, pour augmenter la rentabilité du capital.
Il importe aujourd'hui de mettre les actes en conformité avec les discours.
Le droit du licenciement existe. Le rôle de la loi n'est pas d'en accompagner les abus, mais de les rendre impossibles et de les sanctionner.
Nous sommes donc favorables à une nouvelle définition du licenciement pour motif économique qui intègre ces éléments et rende de fait impossibles et illégaux les dégraissages massifs que l'on observe depuis trop longtemps, dégraissages qui n'ont d'autre objet que d'augmenter le taux de rentabilité des capitaux pour le plus grand profit des actionnaires.
Il convient de contrer par des mesures législatives volontaristes, en un mot politiques, cette logique financière désastreuse pour l'emploi.
Tel est l'objet de notre amendement n° 367 ainsi que de ceux qui suivent. Nous vous demandons en conséquence, mes chers collègues, de bien vouloir l'adopter.
Je présenterai maintenant l'amendement n° 366.
Nous abordons le débat avec l'examen en priorité du titre II du projet de loi, relatif aux licenciements. C'est un bon choix car l'urgence est de mise pour répondre à l'inquiétude et à la colère des salariés confrontés aux plans sociaux qui déferlent depuis plusieurs semaines maintenant.
Le monde du travail est en état de choc face à la violence de la politique patronale. C'est bien de violence qu'il faut parler quand quelques personnes, les principaux actionnaires, décident de l'avenir de milliers de femmes, d'hommes et de leurs enfants.
C'est bien de violence qu'il faut parler quand ces quelques personnes décident de plonger des travailleurs dans le désarroi, dans la précarité, et des villes dans le ralentissement de toute l'activité économique.
Ces salariés lancent un appel à l'ensemble de la société, au pouvoir politique, à nous, à vous, au Gouvernement pour rompre leur isolement face à l'arbitraire patronal.
Les élections des 11 et 18 mars, la forte abstention, ont mis en évidence le doute croissant de nos concitoyens quant aux capacités du politique à influencer les choix économiques.
Lorsqu'il est systématiquement répondu aux salariés que la loi du marché s'impose, excluant toute remise en cause sur le fond des choix de l'employeur, c'est bien la confirmation pour beaucoup de l'impuissance de leurs représentants.
Il y a sans nul doute un défi à relever pour la gauche plurielle si elle veut réussir. Il faut franchir un pas significatif pour se dégager du carcan des critères libéraux. Bien entendu, les salariés ne peuvent pas compter sur la droite qui, elle, accepte par principe les motivations des actionnaires.
Sur ce point, je dois dire mon agacement devant les larmes de crocodile versées par des élus de droite sur le plan local lorsqu'un site ferme, alors que les mêmes élus, sur le plan national, adoptent une attitude de défense inconditionnelle des choix libéraux au Parlement. Chacun se reconnaîtra dans mon propos ! (Exclamations sur les travées du RPR.)
Franchir un pas significatif, c'est poser des bornes que ne devront pas dépasser les acteurs économiques. Une de ces bornes doit être l'interdiction faite à une entreprise qui fait des bénéfices de licencier économiquement. La notion même de motif économique perd en effet son sens dans ce cas. Le seul souci des actionnaires, dans ce cas de figure, est de s'enrichir toujours plus, en appauvrissant toujours plus aussi ceux qui produisent des richesses.
Cet amendement d'interdiction est un texte moral et efficace. Une société qui brise la vie de milliers de femmes et d'hommes au profit d'une minorité d'actionnaires est une société qui recule et qui fait passer l'intérêt particulier avant l'intérêt général.
L'efficacité, c'est le progrès social, l'épanouissement de tous ceux qui participent au développement du pays. Je réfute par avance les arguments d'irréalisme et de démagogie dont nous avons eu quelques exemples.
Mme Hélène Luc. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur de la commission des affaires sociales. La commission souhaiterait connaître l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. J'apprécie la priorité - c'est rare ! - qui est offerte au Gouvernement pour donner son avis, en l'occurrence sur les amendements n°s 367 et 366.
Monsieur Muzeau, je partage absolument votre indignation et votre analyse du caractère insupportable des décisions qui sont prises à l'égard des salariés qui en sont victimes, car elles sont toujours brutales, même si elles sont prises dans les formes, du fait qu'ils ne sont pas prévenus.
De surcroît, ce sont eux qui doivent en affronter les conséquences, à savoir la perspective de perdre leur emploi, de voir leur vie personnelle, familiale, bouleversée, parce que souvent il leur faut aller vivre ailleurs, et de voir leur communauté de travail dissoute. C'est d'autant plus difficile que tous les salariés sont attachés à leur entreprise, qu'ils ont, souvent, consenti beaucoup d'efforts pour que cette dernière améliore ses performances, dans certains cas survive. Or voilà qu'ils sont confrontés à des décisions qui les laissent souvent seuls face à eux-mêmes. C'est cela qu'il faut éviter.
Autant je vous suis totalement, monsieur Muzeau, sur l'analyse que vous venez de faire et sur le fait que nous ne pouvons pas nous résigner, bien sûr, à ces situations, autant je pense que les solutions que vous préconisez ne sont pas adaptées, en tout cas ne correspondent pas au choix du Gouvernement, celui de mettre les chefs d'entreprise face à leurs responsabilités économiques et sociales. Nous pensons en effet profondément - et je sais, vous l'avez d'ailleurs dit, que ce raisonnement nous est commun - qu'on ne peut pas faire de bonne économie sans progrès social, car c'est ce dernier qui conditionne, évidemment, le bon fonctionnement de l'économie. C'est bien sur ces bases que le Gouvernement a fait ses choix en 1997. Par conséquent, je ne pense pas qu'il soit judicieux de retenir la définition que vous préconisez du licenciement pour motif économique.
Tout d'abord la définition d'un tel licenciement figure aujourd'hui à l'article L. 321-1 du code du travail. Elle a été précisée par la jurisprudence et encadre, de manière stricte et équilibrée, je crois, les motifs du licenciement. De plus, la notion de difficulté économique n'ayant cessé d'être précisée par le juge, la jurisprudence écarte de façon constante les licenciements qui reposent, non pas sur des difficultés sérieuses, mais sur un simple souci de faire des économies ou sur des difficultés purement conjoncturelles. Cela est intégré aujourd'hui dans la jurisprudence de la Cour de cassation.
De la même façon, la Cour de cassation a été amenée à considérer qu'une réorganisation de l'entreprise peut conférer au licenciement prononcé un caractère économique si, et seulement si, une telle réorganisation est nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise.
Dans sa jurisprudence récente, la Cour de cassation a souligné que le licenciement destiné à privilégier le niveau de rentabilité de l'entreprise au détriment des salariés et de la stabilité de l'emploi est dépourvu de causes économiques. Aussi, l'amendement que vous proposez va plus loin que la jurisprudence en précisant qu'en cas de réorganisation le licenciement ne serait possible que pour préserver l'activité, c'est-à-dire l'existence même de l'entreprise. Une définition aussi restrictive conduirait à ce que le licenciement ne soit possible que lorsque l'entreprise se trouve de fait dans une situation équivalant à celle qui justifiait un redressement ou une liquidation judiciaire, et priverait l'employeur, en cas de difficultés économiques graves, de la possibilité de prendre des mesures propres à éviter cette situation.
Vous le savez, le Gouvernement souhaite non pas rendre tout licenciement économique impossible mais trouver un équilibre entre les marges d'appréciation dont doit disposer l'employeur pour assurer la pérennité de son entreprise et l'attention qui doit être accordée à la préservation de l'emploi.
Voilà pourquoi, monsieur le sénateur, je ne peux pas, au nom du Gouvernement, donner un avis favorable à votre amendement n° 367.
L'amendement n° 366 vise à interdire les licenciements dans les entreprises ou dans les groupes ayant réalisé des profits ou distribué des dividences, et met en place une commission chargée de rendre un avis et de formuler des propositions sur la situation économique de l'entreprise.
Le premier volet de cet amendement ne peut être accepté par le Gouvernement, car il remettrait en cause l'équilibre rendu aujourd'hui possible par la loi telle qu'elle est interprétée par la jurisprudence - je viens de le rappeler - entre la priorité qui doit être accordée au maintien de l'emploi et la marge d'appréciation dont doit disposer l'employeur pour assurer la pérennité de son entreprise.
Cet amendement étant de la même inspiration que le précédent - à ce titre, il est cohérent avec ce dernier - je ne répéterai pas les arguments que je viens de développer. Je préciserai simplement que nous privilégions le pouvoir d'analyse, de propositions, d'expertise des représentants du personnel en matière économique, parce que nous croyons que c'est à l'intérieur de l'entreprise, avec les représentants des salariés, qu'il faut organiser le débat contradictoire, légitime, sur le bien-fondé des restructurations.
Nous pensons que ce n'est pas à l'extérieur, avec des personnes dont ce n'est ni le rôle ni le métier, que nous pouvons être le plus efficace par rapport à ces projets de restructuration qui ont souvent, c'est vrai, des conséquences terriblement traumatisantes pour l'emploi et pour les territoires.
M. le président. Monsieur le rapporteur, la commission est-elle en mesure de nous donner maintenant son avis ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Monsieur le président, j'ai été totalement convaincu par les arguments avancés par Mme le ministre.
Je voudrais dire à mon collègue M. Muzeau que je souscris aux propos qu'il a tenus au début de sa présentation de l'amendement n° 367 concernant tous les drames qui entourent les licenciements dans les entreprises. En revanche, je ne peux pas le suivre sur la suite. Mais je ne reprendrai pas les arguments que Mme le ministre vient de développer et qui sont tout à fait valables.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 366.
M. Philippe Nogrix. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Nogrix.
M. Philippe Nogrix. Quel étonnement d'entendre les propos de M. Muzeau, en raison non pas du fond, mais de la date qu'il a choisie pour les tenir ! C'est en effet au moment où les plans sociaux sont les plus rares, où ils ont diminué de plus de 400 %, où le chômage est en baisse, où l'initiative privée permet le maximum de créations d'emploi que M. Muzeau intervient... tout cela parce qu'il s'est aperçu, les 11 et 18 mars, que le parti auquel il appartient avait été sanctionné ! (Vives protestations sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
Mme Marie-Claude Beaudeau. Cela ne va pas consoler les salariés de Danone !
M. Philippe Nogrix. Est-ce véritablement une telle réaction que les employés attendent ? (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
M. le président. Mes chers collègues, laissez parler M. Nogrix, et lui seul !
M. Philippe Nogrix. On ne peut pas, d'un côté, argumenter sans arrêt sur les résultats du Gouvernement en matière d'emploi et, de l'autre, rejeter totalement les résultats du libéralisme ! De temps en temps, il faut aussi essayer de voir l'intérêt général ! En l'occurrence, il s'agit du respect des partenaires sociaux.
Je suis étonné de le constater, on estime, à gauche, que les partenaires sociaux ne sont pas majeurs, qu'ils ne savent pas discuter, qu'ils sont incapables de négocier !
M. Guy Fischer. Les salariés sont mis devant le fait accompli !
M. Philippe Nogrix. Pour toutes ces raisons, monsieur le président, je suis en accord avec le rapporteur, avec le travail qui a été fait en commission et avec ce qu'a dit Mme la ministre. (M. Machet applaudit.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 367, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 366, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 368, Mme Borvo, MM. Muzeau, Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, avant l'article 29, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article L. 321-3 du code du travail, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. L. ... - A la suite des procédures de consultation prévues aux articles L. 321-3 et L. 432-1, les salariés directement, par l'intermédiaire de leurs représentants, du comité d'entreprise, peuvent saisir l'autorité administrative compétente aux fins de suspension des licenciements pour motif économique et de la fermeture de l'entreprise éventuellement décidée.
« Cette saisine ouvre un délai de six mois pendant lequel toute solution économique et sociale de préservation de l'emploi dans l'entreprise concernée est recherchée.
« A cet effet une commission composée de :
« - représentants du personnel,
« - représentants de l'employeur,
« - l'inspection du travail,
« - d'un magistrat de la juridiction commerciale du ressort,
« - d'un membre de la commission décentralisée du contrôle des fonds publics,
« - des élus locaux,
« - représentant de la Banque de France,
« - commissaire aux comptes de l'entreprise.
« La commission transmet son avis à l'autorité administrative compétente dans un délai de quatre mois. Copie en est transmise aux représentants du personnel, au comité d'entreprise et à l'employeur.
« L'autorité administrative dispose d'un délai de deux mois pour lever la suspension ou refuser les licenciements économiques et l'éventuelle fermeture du site. Elle peut également demander à l'employeur de présenter de nouvelles mesures sociales. Elle peut présenter elle-même toute proposition en tenant compte de la situation économique de l'entreprise. »
La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Monsieur Nogrix, je regrette que les salariés ne vous aient pas entendu tout à l'heure !
M. Philippe Nogrix. Ce que j'ai dit est vrai !
Mme Hélène Luc. Mais ils vont vous lire !
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Il y a le Journal officiel !
Mme Nicole Borvo. On le leur fera savoir, y compris dans votre département !
M. Jean Chérioux. Quelle menace !
M. Hilaire Flandre. Y compris aux salariés de l'Humanité ?
M. Charles Descours. L'Humanité licencie ?
Mme Nicole Borvo. L'amendement n° 368 a pour objectif de renforcer de manière significative le pouvoir des salariés confrontés à un licenciement économique, que l'entreprise soit bénéficiaire ou non.
Nous proposons de conférer aux salariés, à leurs représentants, au comité d'entreprise, un réel pouvoir de suspension des procédures de licenciement.
C'est la saisine d'une commission chargée d'examiner le bien-fondé des décisions de l'employeur qui déclenchera automatiquement cette suspension. Cette commission sera large.
Pour changer le rapport de force au profit des salariés, c'est votre souhait, madame la ministre, il est nécessaire de faire intervenir, à ce stade de la procédure, de multiples acteurs. Outre les représentants de l'employeur et des salariés, devront participer : l'inspection du travail, la juridiction commerciale, la commission décentralisée de contrôle des fonds publics issue de la loi dite Hue, les élus locaux, un représentant de la Banque de France, les commissaires aux comptes de l'entreprise.
L'avis élaboré sera transmis à l'autorité administrative qui, selon nous, devra trancher.
Cette question fait débat. Il faut pourtant poser les données du problème de manière sérieuse. Quel serait le sens d'une suspension si le dernier mot demeurait à l'employeur ? Comme nous l'indiquions à l'occasion de la présentation de l'amendement n° 366, le pouvoir politique doit être en capacité d'agir face au pouvoir aujourd'hui tout puissant des actionnaires.
A ceux qui protesteront - et il en est certainement ici - devant un rétablissement « en douce », en quelque sorte, de l'autorisation administrative de licenciement, nous répondrons que la présente proposition se distingue sur deux points qui sont essentiels.
Premièrement, notre amendement donne un rôle premier à l'intervention des salariés. Ce sont eux qui sont maîtres de la procédure. Il n'y a pas de contrôle préalable systématique comme avant 1986.
Deuxièmement, le travail de fond est effectué par une commission multipartite.
Ainsi, le tête-à-tête, trop souvent inefficace entre l'employeur et l'administration qui prévalait avec l'autorisation administrative de licenciement n'est pas rétabli.
Madame la ministre, nous apprécions vos propositions, notamment celle qui est comprise dans l'amendement n° 414, qui renforce le rôle du comité d'entreprise. Vous noterez que certaines des avancées que vous proposez rejoignent les nôtres. Mais nous pensons qu'il faut clarifier les différentes étapes. Le travail d'analyse du comité d'entreprise doit être clairement suspensif, et le temps de cette suspension doit être nettement rallongé, sous peine d'être illusoire.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Là encore, monsieur le président, j'ai besoin de l'avis du Gouvernement.
Mme Hélène Luc. Il faut prendre vos responsabilités, monsieur le rapporteur !
M. Alain Gournac, rapporteur. Mais je les prends !
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Madame Borvo, nous sommes en effet d'accord pour donner aux représentants des salariés plus de pouvoir et pour modifier le rapport de force entre les représentants des salariés et les dirigeants des entreprises afin d'éviter que des décisions ne soient prises unilatéralement, sans avoir été préalablement discutées. Une entreprise moderne, c'est une entreprise dans laquelle tous les acteurs - c'est-à-dire non seulement les dirigeants, mais aussi les salariés - peuvent s'exprimer sur les orientations stratégiques et les décisions qui sont prises en son sein.
Cette fois encore, nous sommes d'accord sur l'objectif. Vous avez vous-même, madame, fait référence aux amendements que je présenterai tout à l'heure, qui visent à renforcer le rôle des comités d'entreprise et prévoir, pendant la phase qui ne doit pas être escamotée de discussion en amont du projet de restructuration - ne parlons pas de licenciements -, la tenue de deux réunions séparées par un délai suffisant pour permettre aux représentants des salariés de pouvoir faire entendre leur voix.
Là où nous divergeons, c'est que la proposition que vous formulez ensuite de créer une commission, certes non pas seulement composée de représentants de l'administration, mais élargie, est en réalité une forme de rétablissement de l'autorisation administrative de licenciement. Or telle n'est pas l'orientation suivie par le Gouvernement. Vous le savez, celui-ci a plutôt choisi de renforcer les obligations sociales de l'employeur et donc les pouvoirs de contrôle, d'analyse et de proposition des représentants du personnel au sein de l'entreprise.
M. le président. Monsieur le rapporteur, pouvez-vous maintenant donner l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. En entendant Mme le ministre, je croyais entendre les propos qui ont été tenus ce matin en commission ! Aussi, bien sûr, j'émets un avis défavorable.
Mme Hélène Luc. Vous n'avez pas beaucoup d'arguments, tout de même !
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 368.
M. Philippe Nogrix. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Philippe Nogrix.
M. Philippe Nogrix. Je voudrais simplement rappeler que l'autorisation préalable de licenciement a fait suffisamment de ravages dans les entreprises à une époque pour que nous ne la rétablissions pas (Protestations sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.) Et puisque vous avez dit que vous vous rendriez dans mon département, je vous y invite. Vous pourrez constater que, dans ce département qui ne compte aucun élu communiste, le taux de chômage est de 6,5 % et que les entreprises se portent très bien, de même que les ouvriers. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 368, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 369, Mme Borvo, MM. Muzeau, Fischer et les membres du groupe communiste républicains et citoyen proposent, avant l'article 29, d'insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« L'employeur qui procède à un licenciement économique alors que la société ou le groupe a réalisé des profits ou distribué des dividendes au cours du dernier exercice devra rembourser dans un délai de trois mois les fonds publics reçus depuis cinq ans. »
La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Licencier alors que l'entreprise fait des bénéfices est grave : jusque-là, tout le monde est d'accord. Mais c'est d'autant plus grave que les entreprises ont reçu, et ce pendant des années, des fonds publics destinés à soutenir leur activité et leur développement. L'hebdomadaire L'Expansion citait lui-même il y a quelques mois ce chiffre révélateur : l'Etat verse 12 000 francs par an pour chaque salarié du secteur privé.
M. Jean Chérioux. Notamment pour les 35 heures !
M. Guy Fischer. Non, bien avant !
Mme Nicole Borvo. L'argent n'a pas été versé que pour les 35 heures !
L'interventionnisme d'Etat existe donc toujours bien ; nous ne sommes pas dans le libéralisme, n'en déplaise à ceux qui souhaiteraient qu'il en aille autrement mais qui, pourtant, sont pour que l'Etat verse de l'argent aux entreprises.
Près de 200 milliards de francs, et même beaucoup plus, si l'on y ajoute les fonds accordés pour les 35 heures, sont ainsi versés chaque année aux entreprises, soit l'équivalent du budget de la France tous les neuf ou dix ans. Ce n'est pas mince !
Il est donc urgent que la loi communément appelée « loi Hue » puisse s'appliquer. Cette loi, je le rappelle, vise à instaurer des procédures de contrôle strict du versement et de l'utilisation des fonds publics. C'est assez moral, tout compte fait !
Pouvez-vous, madame la ministre, nous préciser, à l'occasion de l'examen de cet amendement, les dates de promulgation des décrets d'application nécessaires ? Il serait, en effet, particulièrement préjudiciable, dans le contexte politique et social actuel, que ce texte demeure lettre morte du fait du blocage de tel ou tel. Nous serons très attentifs à votre réponse sur ce point.
Pour éclaircir le débat, je tiens à rappeler que la majorité sénatoriale avait déposé et voté la question préalable sur la proposition de loi de contrôle des fonds publics. Je serais curieuse de connaître la réaction des salariés de Moulinex de la Sarthe, de l'Indre ou du Calvados - mon raisonnement pourrait s'appliquer à bien d'autres entreprises et départements - apprenant ce vote des sénateurs de leurs départements.
Il faut le rappeler clairement aujourd'hui, les entreprises touchent pratiquement l'équivalent de ce qu'elles paient en impôt sur les bénéfices, sur les salaires et en taxe professionnelle.
Ces quelques éléments étant soulignés, nous considérons que l'entreprise bénéficiaire qui licencie doit être sanctionnée. La restitution des fonds publics versés sur cinq ans semble une mesure de justice efficace ; elle donnera à réfléchir aux entreprises tentées par la surenchère libérale.
Le principe même de la sanction - nous avons une série de propositions sur ce thème - mérite un débat. La collectivité peut-elle laisser commettre ces actes de violence sociale que sont les plans de licenciements sans réagir ? Voler est justement sanctionné, dépasser une limite de vitesse l'est également ; plonger certains dans l'inquiétude et le désespoir de manière totalement injustifiée pourrait l'être tout aussi bien, ce serait moral également.
Des sanctions touchant au coeur la logique financière des entreprises doivent être décidées.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Ma collègue Mme Borvo a interpellé Mme le ministre pour obtenir des informations. Je souhaite, moi aussi, obtenir ces informations et connaître l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Roland Muzeau. Madame la ministre, avant que vous ne vous exprimiez, me permettez-vous de prendre la parole ?
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je vous en prie !
M. le président. La parole est à M. Muzeau, avec l'autorisation de Mme le ministre.
M. Roland Muzeau. Je trouve assez extraordinaire l'attitude de M. le rapporteur après les débats que nous avons eus ce matin en commission des affaires sociales, au cours desquelles il a fait preuve de beaucoup d'à-propos et d'énergie,...
M. Gérard Larcher. Vous le reconnaissez !
M. Roland Muzeau. ... tentant de trouver un certain nombre d'arguments, certes peu convaincants, pour ne pas accepter les amendements que nous déposions.
Le petit jeu qui consiste à essayer de nous opposer au Gouvernement n'a aucun sens. S'il y a des divergences entre les dispositions que présente Mme le ministre, au nom du Gouvernement, et les propositions du groupe communiste républicain et citoyen du Sénat, elles s'inscrivent dans le débat. Nous, responsables politiques - et cela vaut aussi pour vous, messieurs - ne pouvons nous exonérer d'une réflexion approfondie sur les questions qui nous sont posées.
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Mais c'est un rappel au règlement !
M. Roland Muzeau. Dans aucun de nos départements, nous ne pouvons faire l'économie d'une réflexion poussée sur ce qui se passe dans les entreprises et sur les licenciements massifs.
M. Jean Chérioux. Seriez-vous gêné ?
Mme Hélène Luc. C'est un bon rappel au règlement sur nos travaux !
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Je ne peux pas laisser un membre de la commission tenir de tels propos à l'égard du rapporteur.
Il y a les discussions en commission et les discussions en séance publique. Le contexte n'est pas le même. En séance publique, nous sommes en présence du ministre. En revanche, Mme le ministre n'était pas présente en commission. Nous ne pouvions lui demander son avis. Il appartient au rapporteur - ce n'est pas la première fois que cela se produit - de demander avant de se pronconcer, s'il le souhaite, l'avis du ministre concerné.
Mme Nicole Borvo. Il doit donner l'avis de la commission.
M. le président. Veuillez terminer, monsieur le président de la commission.
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. En tout cas, je trouve anormal qu'un membre de notre assemblée interrompe la discussion entre le rapporteur et Mme le ministre. Ce n'est pas dans l'usage du Sénat. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 369 ?
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je dirai d'abord que « la » ministre que je suis se sent beaucoup plus proche de M. Muzeau et de l'ensemble des sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen que de la majorité sénatoriale, contrairement à ce que veut laisser croire M. Gournac à l'aide d'une grosse ficelle qui ne trompe personne. (Murmures sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
MM. Jean Chérioux et Charles Descours. Allons bon !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. En effet, pour le respect des salariés, dont nous devons avoir constamment la situation à l'esprit, nous devrions tâcher d'avoir une discussion de fond, et je sais gré aux représentants du groupe communiste républicain et citoyen, même si j'ai exprimé des désaccords avec eux - et j'en exprimerai d'autres - de l'apport qu'ils font au débat. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. Jean Chérioux. Sauvons les meubles !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Le sujet dont nous débattons est suffisamment complexe et difficile pour justifier une confrontation de nos différents points de vue. Je serais d'ailleurs assez curieuse de savoir si M. Gournac accueillera aussi favorablement les amendements que je déposerai tout à l'heure, au nom du Gouvernement. (Exclamations sur les travées du RPR.)
M. Alain Gournac, rapporteur. La commission n'est pas défavorable à tous !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. En ce qui concerne l'amendement n° 369, je comprends tout à fait la motivation qui le sous-tend, car il est en effet choquant que des entreprises qui ont reçu des aides publiques puissent licencier, alors que précisément ces aides publiques ont été accordées pour éviter que ce genre de drame ne se produise.
Je pense que les dispositions de la loi dite Hue, puisqu'elle résulte d'une proposition de loi déposée par Robert Hue à l'Assemblée nationale devront s'appliquer en l'occurrence. Elles sont pragmatiques et de nature à répondre à notre préoccupation commune.
Vous savez que cette loi renforce le pouvoir des représentants du personnel en matière de contrôle des aides octroyées aux entreprises et qu'elle comprend, en particulier, une disposition permettant à tout comité d'entreprise ou, à défaut, à tout délégué du personnel qui estime que l'employeur n'a pas respecté les engagements souscrits pour bénéficier des aides, de saisir l'organisme gestionnaire des aides - ou l'autorité compétente - lequel peut suspendre ou retirer l'aide accordée, voire en exiger le remboursement.
Vous nous demandez très justement, madame Borvo, quand seront pris les décrets d'application ? Leur rédaction exige - vous le savez - un travail interministériel, qui est actuellement en cours avec le ministère des finances. Je me suis engagée hier, au nom du Gouvernement, à ce qu'ils paraissent très rapidement. Normalement, ils devraient être publiés avant l'été.
M. le président. Quel est maintenant l'avis de la commission ?

M. Alain Gournac, rapporteur. J'ai été satisfait d'entendre Mme la ministre mais je ne vois pas les ficelles auxquelles elle a fait allusion bien que je les aie cherchées...
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Des cordes ! Des câbles !
M. Alain Gournac, rapporteur. Je ne les ai pas vus davantage. En tout cas, la possibilité d'interroger le ministre existe devant le Sénat et je l'utilise tout à fait normalement.
Quant à l'amendement, qui vise à prévoir un remboursement des aides publiques perçues par une entreprise qui licencie alors même qu'elle fait des bénéfices, la commission estime qu'il ne peut être retenu, puisqu'il aurait pour conséquence de pénaliser toute restructuration qui constitue un moyen de préserver la compétitivité et, donc, l'emploi à moyen et long termes.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 369.
M. Jean Chérioux. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux. Je voterai contre cet amendement. Mais je ne peux pas laisser Mme Borvo dire que la majorité sénatoriale, et plus particulièrement le groupe auquel j'appartiens, se complaisent à verser de l'argent aux entreprises.
Si, par moments, nous sommes amenés à le faire, c'est parce que les gouvernements que vous soutenez, madame, mettent en place des systèmes tellement aberrants sur le plan économique qu'il faut bien apporter des compensations. La plupart du temps, ce n'est d'ailleurs pas nous qui avons l'initiative de ces versements. En effet, qui a mis en place les 35 heures ? C'est vous. Qui a mis en place les emplois-jeunes ? C'est vous.
Croyez-moi, si vous laissiez agir davantage le libéralisme, certes en le corrigeant dans le domaine social parce que je ne suis pas pour le libéralisme pur, si notre économie n'était pas si administrée, on ne serait peut-être pas amené à verser de l'argent aux entreprises, ce qui n'est pas normal dans une économie libérale. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Bernard Murat. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Murat.
M. Bernard Murat. Mme la ministre, notre collègue Mme Borvo nous ayant appelé à engager une réflexion, je dirai que la véritable question est de savoir comment, par qui, après quelles études et quelles analyses sont effectivement versées des subventions à certaines entreprises dans chacune de nos collectivités.
Il est vrai que, en tant qu'élue, nous sommes bien contents quand cela se produit, surtout si nous savons qu'il s'agit d'une entreprise en difficulté. Mais, en fait, le vrai problème est que ces subventions sont parfois versées trop tard, parfois versées trop tôt.
Je ne voterai pas cet amendement, mais la question méritait d'être posée.
M. Charles Descours. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Descours.
M. Charles Descours. Madame « la » ministre,...
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je vous remercie, monsieur Descours ! (Sourires.)
M. Charles Descours. ... on le sait, particulièrement dans cette maison, Henri IV disait que Paris valait bien une messe. Je comprends donc que la majorité plurielle vaille bien quelques décrets ! (Nouveaux sourires.)
Cela étant, même dans les propositions que vous avez formulées hier afin de corriger les licenciements que l'on peut considérer comme abusifs, vous avez largement différencié les entreprises selon qu'elles emploient plus ou moins de mille salariés.
Quand de petites entreprises licencient, c'est qu'elles ne peuvent pas faire autrement : il ne s'agit pas pour elles de soutenir le cours de leurs actions en Bourse, puisque, en général, ces entreprises de plus de mille salariés ne sont pas cotées. Quant aux entreprises elles sont en fait des multinationales. Quand on regarde l'Europe depuis Phoenix ou Palo Alto, que l'on s'installe à Grenoble, à Barcelone ou à Dublin, c'est pareil ! Alors, si l'on voit que les contraintes administratives sont alourdies à Grenoble, eh bien, on va plutôt s'installer à Dublin !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Ce n'est pas si évident !
M. Charles Descours. Mais bien sûr que si ! Je connais bien les entreprises de micro-électronique, de semi-conducteurs de Grenoble. Je peux vous assurer que les dirigeants de Hewlett Packard prennent une carte et qu'ils tracent un cercle de 350 kilomètres autour de l'aéroport international de Genève. Qu'ils aillent à Milan ou à Grenoble, ils s'en fichent !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Mais les conditions ne sont pas forcément les mêmes !
M. Charles Descours. Ils vont là où...
Mme Marie-Claude Beaudeau. ... on leur en donne le plus !
M. Charles Descours. ... on n'impose pas des autorisations administratives de licenciement ou d'autres redoutables contraintes de ce genre.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Vous en voulez toujours plus !
M. le président. Mes chers collègues, M. Descours a seul la parole.
M. Charles Descours. Demandez aux dirigeants d'IBM, dans la banlieue parisienne, comment ils réagissent à ce genre de mesures ! Vous constaterez dans les prochains mois que, du fait des contraintes qu'on est en train d'instituer sous le coup de l'émotion, un certain nombre de grandes entreprises multinationales vont se hâter, avant que ces mesures ne soient mises en oeuvre, de licencier et d'investir hors de France. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
Mme Hélène Luc. Vous ne nous ferez pas croire que c'est à cause de ces mesures-là !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 369, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 370 rectifié, M. Loridant, Mme Borvo, MM. Muzeau, Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, avant l'article 29, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 158 bis du code général des impôts, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. ... - Les dividendes ne sont pas versés durant trois années aux actionnaires lorsque la société ou le groupe bénéficiaires ont procédé ou engagé un licenciement économique dans les deux années qui précèdent. »
La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc. Cet amendement n° 370 rectifié, comme d'autres parmi ceux que nous présentons sur le titre II du projet de loi, vise à compléter par un volet fiscal et financier les mesures de pénalisation des plans de licenciements économiques injustifiés.
Il s'agit de faire en sorte que la responsabilité sociale des actionnaires des entreprises mettant en oeuvre de tels plan sociaux soit clairement établie et matérialisée.
Un rappel de l'histoire récente s'impose.
Les dernières années ont été marquées à la fois par une relance de l'activité économique et par une progression significative de la part du résultat des entreprises consacrée à la rémunération des actionnaires. Année après année, nous avons pu constater l'élévation du montant des dividendes distribués, celui-ci ayant désormais dépassé les 500 milliards de francs pour l'ensemble des entreprises industrielles ou commerciales.
La presse nationale - je vous renvoie à la une du Monde du 1er mars 2000 - s'est fait l'écho de ce processus en annonçant, par exemple, que les douze plus grands groupes à base française avaient cumulé en 2000 plus de 126 milliards de francs de résultat net, tandis que les sociétés dont les actions figurent au CAC 40 étaient en situation de distribuer cette année plus de 100 milliards de francs de dividendes. La croissance n'est manifestement pas perdue pour tout le monde !
Cette exigence de rentabilité financière est, de notre point de vue, indissociable de la logique qui conduit certains à supprimer des emplois en masse et à fermer telle ou telle usine. C'est cela qui cause la révolte des salariés, une révolte que nous partageons totalement.
C'est cette logique de fuite en avant, cette logique tueuse des équilibres sociaux, des compétences acquises par les salariés, cette logique peu soucieuse de l'aménagement du territoire, de la situation des bassins d'emploi et irrespectueuses de besoins du plus grand nombre, que nous comptons combattre avec cet amendement et quelques autres.
On peut discuter la pertinence des choix de gestion de telle ou telle entreprise. Le débat que nous avons aujourd'hui permettra sans doute d'éclairer l'opinon publique sur les intentions et le contenu des idées de chacune des parties.
On peut aussi - et c'est le sens de cet amendement - créer les outils d'une mise en question sociale de ces choix.
C'est pourquoi nous proposons simplement de faire en sorte que les actionnaires des entreprises prospères qui mettent en oeuvre des plans de licenciements sans autre justification que celle de l'accroissement de la rémunération du capital soient privés de la perception des dividendes liés à la détention d'actions ou de titres de l'entreprise concernée.
Il s'agit donc clairement de pénaliser ces plans de licenciements en privant ces actionnaires du revenu qu'ils sont en droit d'attendre de leur placement originel.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Avant de donner l'avis de la commission, je souhaiterais, connaître la position du Gouvernement.
M. Roland Muzeau. Le rapporteur se défausse encore !
Mme Hélène Luc. Vous ne voulez pas discuter, monsieur le rapporteur ! Vous n'êtes pas à l'aise !
M. le président. Quel est, donc, l'avis du Gouvernement?
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Effectivement, vous ne semblez pas très à l'aise, monsieur le rapporteur.
Pour ma part, je voudrais d'abord rappeler à M. Descours que notre pays est, en Europe, l'un des plus attractifs pour les investissements étrangers.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Bien sûr !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Ces investissements étrangers se sont traduits par la création de 30 000 emplois. Dernièrement, 600 emplois ont encore été créés à Valenciennes par Toyota.
Je lisais d'ailleurs hier une déclaration d'un dirigeant japonais dans laquelle il affirmait ne pas voir en quoi les dispositions envisagées pourraient dissuader un chef d'entreprise d'investir chez nous.
Puisque vous avez, monsieur Descours, fait référence à l'autorisation administrative de licenciement, je rappellerai simplement que c'est M. Chirac qui l'a créée en 1975.
Sans doute n'étie-vous pas d'accord, à l'époque, avec M. Chirac. J'ai d'ailleurs, cru comprendre, en entendant l'intervention de M. Murat, qu'il était fidèle à certains de ses engagements...
J'ajoute que c'est par M. Seguin que cette autorisation administrative a été supprimée.
M. Charles Descours. Quand M. Chirac était Premier ministre !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Quant aux critères qui peuvent présider aux choix d'installation, permettez-moi de dire qu'ils sont un petit peu plus complexes. Je suppose que, si les investisseurs étrangers sont attentifs aux avantages de tel ou tel aéroport, ils veillent aussi à ce que leurs cadres ne risquent pas de subir des accidents de chemin de fer, que leurs installations ne risquent pas de subir des coupures d'électricité, comme il s'en est produit en Californie ou dans d'autres pays européens, de façon répétée.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Absolument !
M. Charles Descours. Et les grèves de la SNCF ?
M. Charles-Henri de Cossé-Brissac. Parlons-en !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Oui, parlons-en : la qualité de nos services publics, en particulier en matière de chemins de fer et de distribution d'électricité, est évidemment un élément favorable, sans parler de notre éducation nationale ou de notre système de santé, ni, bien entendu, de tous les attraits de notre beau pays,...
M. Guy Fischer. De notre savoir-faire !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. ... de notre savoir-faire, de la qualité, soulignée par tous les experts, des salariés en France. Voilà évidemment un ensemble d'atouts qui comptent énormément.
J'en viens à l'amendement n° 370 rectifié, qui tend à interdire pendant trois ans le versement de dividendes aux actionnaires des entreprises qui licencient de façon injustifiée.
Il faut faire très attention au choix des moyens utilisés pour responsabiliser les entreprises ; ils ne doivent pas être contre-productifs par rapport à l'objectif, c'est-à-dire la protection de l'emploi.
Or force m'est de dire, au nom du Gouvernement, qu'une solution comme celle qui est ici proposée peut engendrer quelques craintes à cet égard. C'est la raison pour laquelle nous avons écarté la voie des sanctions ou de la taxation et que nous avons privilégié celle de la prévention des licenciements par le renchérissement de leur coût ainsi que celle de la responsabilisation de l'employeur quant au reclassement de son salarié.
Par conséquent, je ne peux pas être favorable à cet amendement.
Mme Hélène Luc. C'est dommage !
M. Charles Descours. Vous voyez, nous pouvons être d'accord avec vous, madame le ministre !
M. le président. Quel est, maintenant, l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Madame le ministre, je vous ai entendu parler de Chirac, de Séguin. C'était il y a vingt ans et le contexte était différent. Parlons plutôt d'aujourd'hui ! (Vives protestations sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
Mme Marie-Claude Beaudeau. Entre-temps, il y a eu trois millions de chômeurs !
M. Alain Gournac, rapporteur. Par ailleurs, tout le monde est d'accord ici pour reconnaître que la France a des atouts. Je dis simplement : ne gâchons rien,...
Mme Marie-Claude Beaudeau. Sauf la vie des salariés !
M. Alain Gournac, rapporteur. ... car la compétition internationale est très dure. Or l'amendement n° 370 rectifié aurait pour conséquence d'empêcher toute restructuration, ce qui ne manquerait pas d'être fatal aux entreprises françaises.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 370 rectifié.
M. Charles Descours. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Descours.
M. Charles Descours. Je veux simplement rappeler que les actionnaires, notamment ceux des sociétés cotées au CAC 40, sont, à hauteur de 45 %, des fonds de pensions anglo-saxons, c'est-à-dire des retraités américains, anglais, écossais ou irlandais, et non pas de gros capitalistes, avec haut-de-forme et gros cigare, agitant le drapeau américain.
Mme Hélène Luc. C'est pourquoi il faut une taxte Tobin !
M. Charles Descours. L'actionnaire, c'est la veuve de Dublin, madame Luc ! Cessez donc de faire des caricatures ! En fait, 45 % de la Bourse française sont aux mains des fonds de pensions anglo-saxons, notamment pour les sociétés dont vous avez parlé.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Et c'est pour cela qu'on met nos salariés à la retraite !
M. Charles Descours. C'est pourquoi il faut créer des fonds de pension français !
Mme Hélène Luc. Le baron Seillière, ce n'est pas un fonds de pension anglo-saxon !
M. Michel Esneu. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Esneu.
M. Michel Esneu. Je ne peux pas non plus voter cet amendement. On souhaite que de plus en plus de salariés deviennent actionnaires et participent à la vie de l'entreprise. Ce n'est pas en bloquant des perspectives de rémunération que l'on incitera des salariés à « adhérer » ainsi à leur entreprise et donc à consolider notre économie. (M. Nogrix applaudit.)
Mme Hélène Luc. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc. Parfois le rappel de quelques faits vaut plus encore démonstration que l'exposé de principes. C'est donc à la lumière de deux situations particulières que je souhaite expliquer mon vote sur l'amendement n° 370 rectifié, et la même argumentation vaudra d'ailleurs pour l'amendement n° 371, qui porte sur l'avoir fiscal.
Les deux exemples que je mettrai ici en exergue sont ceux des sociétés de tête du groupe Danone, présidé par M. Frank Riboud, et de la CGIP, dirigée comme nul ne l'ignore, par le président du MEDEF, M. le baron Ernest-Antoine Seillière.
Les éléments en notre possession sont singulièrement instructifs.
S'agissant de la situation de la tête du groupe Danone, où la lisibilité financière est plus évidente, les quatre dernières années ont été marquées par l'accumulation spectaculaire de résultats financiers importants, frisant les 12 milliards de francs. Or ce sont plus de 7 milliards de francs qui ont, dans la même période, été distribués aux actionnaires. Dans l'absolu, on soulignera que ces dividendes ont permis le versement d'avoirs fiscaux égaux à la moitié de ces sommes. Voilà ce qui provoque l'indignation bien compréhensible - je tiens à le redire - des salariés.
M. Hilaire Flandre. Ils n'ont rien compris !
Mme Hélène Luc. Toutes proportions gardées, 3,5 milliards de francs, c'est, par exemple, le montant annuel du budget du ministère de la jeunesse et des sports.
S'agissant de la Compagnie générale d'industrie et de participation, dont le capital est proche du milliard de francs et dont la création repose, rappelons-le, sur le versement par l'Etat d'une forte indemnité de nationalisation aux anciens maîtres de forge de la famille de Wendel, la situation n'est pas moins florissante.
Ce groupe a en effet redistribué, ces quatre dernières années, plus de 4,5 milliards de francs de dividendes par an, significative rémunération du capital investi, vous en conviendrez !
Quant à M. Seillière, lui qui se veut le conseiller en bonne gestion des entreprises, il se voit obligé d'avouer que la gestion d'AOM - dont il est actionnaire principal avec de Wendel - d'Air Liberté et d'Air Littoral a été catastrophique.
Lui qui s'est lancé à corps perdu dans la déréglementation européenne aérienne, lui qui voulait faire une concurrence déloyale à Air France en pratiquant des prix qui ne pouvaient que se solder par la gestion catastrophique que nous connaissons, se voit aujourd'hui acculé par les salariés, les pilotes, les mécaniciens, les hôtesses de l'air, par tous les personnels, à prendre ses responsabilités, avec les cinq autres actionnaires.
Jean-Claude Gayssot, le ministre des transports, a fait de même avec beaucoup de force et les personnels l'apprécient. Il les a assurés qu'il ferait tout ce qui est en son pouvoir pour qu'aucun salarié ne se retrouve chômeur, alors qu'il est prévu que le trafic aérien continue d'augmenter de 7 % par an pendant les cinq prochaines années. Pour ma part, avec Colette Terrade en particulier, mais aussi avec tous les amis de mon groupe, nous avons accompagné les salariés, à leur demande, devant le MEDEF et nous continuerons à les soutenir.
Aujourd'hui même, le conseil d'administration se réunit à quinze heures, à Zurich, et il se refuse à recevoir les représentants des salariés. Nous avons demandé qu'il accepte de le faire pour examiner avec eux la situation.
M. Seillière a affirmé que la Swissair ajouterait 500 millions, ou 700 millions de francs au capital, après avoir dit, auparavant, qu'il n'en serait rien.
Grâce à cette somme, les salariés gagnent certes deux mois de sursis, mais c'est évidemment très insuffisant, car ils ne veulent pas se contenter d'une situation provisoire. AOM, Air Liberté et Air Littoral peuvent et doivent vivre, mais sans verser des salaires du niveau du SMIC.
Pour toutes ces raisons, et à la lumière de ces situations significatives, je vous invite à adopter cet amendement n° 370 et à soutenir en toute logique l'amendement n° 371 qui en découle.
Je regrette évidemment, madame la ministre, qu'en dépit des mêmes constats, vous n'approuviez pas ces deux amendements.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 370 rectifié.
M. Bernard Murat. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Murat.
M. Bernard Murat. Je voudrais revenir sur le débat que nous avons eu hier soir.
Charles Descours a raison : de toute façon, c'est une discussion complètement virtuelle, qui semble se dérouler en vase clos, derrière les murs de l'hexagone, alors que le problème est international, et même mondial. Si des représentants des actionnaires et des fonds de pension internationaux nous écoutaient, cela les ferait vraiment sourire...
Je réitère la proposition que j'ai faite hier soir par rapport à la loi Thomas : pourquoi ne pas favoriser des fonds de pension français, avec des retraités français ?
M. Jean Chérioux. Très bien !
M. Roland Muzeau. Ils pourraient ainsi rajouter à la casse des emplois !
M. le président. C'est une très bonne suggestion, monsieur Murat ! Personne ne demande plus la parole ?...
Mme Hélène Luc. Vous n'êtes pas bavards, chers collègues de la majorité sénatoriale !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 370 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 371, Mme Borvo, MM. Muzeau, Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, avant l'article 29, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après le troisième alinéa du I de l'article 158 bis du code général des impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le crédit d'impôt est supprimé lorsque les dividendes proviennent d'une société ou d'un groupe qui a procédé ou engagé une procédure de licenciement économique dans les deux années alors qu'ils réalisaient des profits ou distribué des dividendes. »
La parole est à M. Muzeau.
M. Roland Muzeau. Cet amendement n° 371 complète les dispositions défendues dans le cadre de l'amendement n° 370 rectifié, en donnant un contenu particulier au panel des mesures de caractère fiscal et financier que nous préconisons pour dissuader les entreprises de procéder, lorsque leur situation financière le permet, à la mise en oeuvre de plans sociaux de licenciements collectifs.
Il vise expressément, dans le corpus du code général des impôts, à faire perdre aux actionnaires des entreprises concernées le bénéfice de l'avoir fiscal attaché à la distribution de dividendes.
Cela nous ramène évidemment à certains débats que nous avons pu avoir dans le passé sur cette question.
Sans trop en dire et sans rappeler exhaustivement ces débats, permettez-moi tout de même de rappeler quelques éléments.
Premier point, malgré la baisse régulière du taux de l'impôt sur les sociétés constatée depuis quinze ans, baisse qui a été, rappelons-le, motivée autant par un souci d'harmonisation fiscale européenne ou internationale que par un objectif affiché de relance de l'emploi et de l'investissement, le taux de l'avoir fiscal est resté fixé à 50 %, c'est-à-dire le taux historique de l'impôt.
Même si des ajustements sensibles de ce taux ont été opérés pour les entreprises, vous ne pourrez nous empêcher de penser qu'une fois de plus, nous sommes en présence d'une exception ou d'une aberration de notre législation fiscale.
Cela est d'autant plus vrai que, dans les faits - et c'est là notre deuxième point -, la France est quasiment l'un des derniers pays d'Europe à maintenir un tel dispositif. Par exemple, si le MEDEF, par voie de presse ou par la voix de son président, s'est félicité de la baisse du taux de l'impôt sur les sociétés en Allemagne et a enjoint le gouvernement français d'en faire autant, il a juste oublié, sachons-le, de préciser que cette baisse était associée à la disparition de l'avoir fiscal.
Quant au fond, nous continuons à nous interroger - comme nous l'avons toujours fait - sur cette manière de rémunérer le capital qui consiste à ouvrir droit à un crédit d'impôt par la voie de l'avoir fiscal. La collectivité publique dans son ensemble doit-elle, dans tous les cas de figure, récompenser par un cadeau fiscal les actionnaires méritants ?
C'est bien parce que cette démarche est authentiquement discutable que nous proposons, avec l'amendement 371, de supprimer le crédit d'impôt lorsqu'un plan social de licenciement économique a été mis en oeuvre.
Par conséquent, il s'agit qu'à défaut de percevoir cet avoir fiscal, les actionnaires des entreprises bénéficiaires sachent qu'ils ont, au regard de la collectivité dans son ensemble, une responsabilité sociale qui dépasse la stricte application des principes de rémunération du capital.
Une décision de gestion qui se traduit par la fermeture d'établissements de production, la liquidation des emplois, la mise en cause de la qualité de vie des salariés, la déstabilisation d'un bassin d'emplois ou d'une région a des conséquences pour la collectivité. Les actionnaires qui ont pris cette décision doivent en assumer une partie.
C'est le sens de cet amendement que je vous encourage vivement à adopter.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Monsieur le président, je saisis cette occasion pour donner par anticipation l'avis de la commission sur l'amendement n° 372, car tous deux portent sur le code général des impôts.
Nous sommes défavorables à ces deux propositions, qu'il s'agisse de supprimer le crédit d'impôt des entreprises bénéficiaires qui licencient, car cela apparaît inapplicable, ou qu'il s'agisse de porter à 50 % le taux de la taxation des plus-values de ces mêmes entreprises.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 371 ?
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 371, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Le groupe socialiste s'abstient.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 372, Mme Borvo, MM. Muzeau, Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, avant l'article 29, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le 3 de l'article 200 A du code général des impôts est rétabli dans la rédaction suivante :
« 3. Le taux est de 50 % lorsque la société a procédé ou engagé dans les deux ans un licenciement économique alors qu'elle a réalisé ou distribué des dividendes. »
La parole est à M. Muzeau.
M. Roland Muzeau. Cet amendement n° 372 procède, pour une bonne part, de la philosophie qui animait les précédents.
Le monde de la finance est ainsi fait qu'il lui faut, de temps à autre, une bonne saignée d'emplois pour considérer plus « favorablement » la valorisation de telle ou telle entreprise à la cote des marchés.
On pourrait presque déjà dire que de telles saignées finissent par affaiblir tout l'organisme, mais là n'est pas le propos.
Nous avons, dans nos amendements précédents, mis en cause le dispositif dividende - avoir fiscal, lié à la détention effective de titres, droits ou parts de sociétés au moment de la « distribution des prix » autorisée par l'assemblée annuelle des actionnaires, sur la foi du rapport de gestion du conseil d'administration et des propositions en découlant.
Cet amendement n° 372 vise à pénaliser la cession de ces titres, droits ou parts de sociétés en relevant sensiblement le taux d'imposition des plus-values tirées de ces opérations.
Deux observations s'imposent.
La première, essentielle, tient évidemment au taux spécifique d'imposition des plus-values, qui est actuellement de 16 % pour les particuliers.
Ce taux particulier est sans commune mesure avec le taux marginal d'imposition sur le revenu, alors même que, pour l'essentiel, les contribuables bénéficiant le plus de ce mode de traitement de leurs revenus de capitaux sont assez souvent taxés à ce taux pour leurs autres revenus.
A revenu égal, aujourd'hui, sur 100 000 francs de plus-value de cession, le bonus fiscal est encore de plus de 35 000 francs vis-à-vis de l'imposition des salaires.
De grâce, que l'on n'ait pas l'impudeur, par ailleurs, de nous parler des prélèvements sociaux affectant ces revenus, ceux-ci demeurant de manière générale deux fois inférieurs à ceux qui sont apliqués aux revenus salariaux !
Nous payons cher, surtout quand il s'agit de montants importants de cessions, la récompense fiscale ainsi accordée aux actionnaires méritants.
La seconde observation tient, pour sa part, au fait qu'il est grand temps que notre législation fasse sentir à ceux qui vivent de leurs rentes et de l'optimisation de leurs placements qu'une certaine forme de responsabilité sociale leur incombe.
Licencier massivement des salariés, réduire l'activité d'une usine, d'un établissement de production, compromettre la situation économique et sociale de villes ou de régions entières doit avoir, pour tous ceux-là, un sens et un effet sur leur situation personnelle.
Ceux qui, sans attendre la distribution des dividendes, profitent de l'annonce de plans sociaux pour tirer pleinement profit de la valorisation de l'entreprise dont ils sont actionnaires pour céder leurs titres et encaisser une plus ou moins confortable plus-value doivent contribuer à la prise en compte des effets de ces plans.
Tel est le sens de cet amendement n° 372, par lequel nous proposons une majoration significative du taux d'imposition des plus-values de cessions de titres, et que je vous invite à adopter.
M. le président. La commission a déjà fait savoir qu'elle était défavorable à cet amendement.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement 372, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 373 rectifié, Mme Borvo, MM Muzeau, Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, avant l'article 29, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le troisième alinéa de l'article 219 du code général des impôts est ainsi rédigé :
« a. Le taux de l'impôt est fixé à 60 % pour les entreprises qui ont procédé ou engagé un licenciement économique alors qu'elles réalisaient des profits ou distribuaient des dividendes dans les deux années précédentes. »
La parole est à M. Muzeau.
M. Roland Muzeau. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, par cet amendement, nous proposons une nouvelle mesure fiscale à l'encontre des entreprises bénéficiaires qui licencient.
Alors que le taux normal de l'impôt sur les sociétés est fixé à 33 %, nous souhaitons le porter à 60 % pour les entreprises précitées.
A l'occasion de ce débat, je tiens à rappeler notre désapprobation concernant la réduction de la majoration exceptionnelle de 10 % proposée par le Gouvernement.
Ce n'est certainement pas en exonérant toujours plus les entreprises de leurs obligations fiscales, financières, économiques et sociales, que nous recréerons les liens de solidarité nécessaires.
Surimposer les entreprises bénéficiaires qui licencient correspond à une mesure de justice que nous vous proposons d'adopter maintenant.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Je souhaiterais connaître l'avis du Gouvernement avant de me prononcer sur cet amendement.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, comme aux précédents.
M. le président. Quel est, dans ces conditions, l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. La commission est, elle aussi, défavorable à cet amendement, car elle est hostile à l'augmentation du taux de l'impôt sur les sociétés.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 373 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 374, Mme Borvo, MM. Muzeau, Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, avant l'article 29, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article L. 351-3-1 du code du travail est complété in fine par trois alinéas ainsi rédigés :
« Les actionnaires des entreprises réalisant des bénéfices, cotées ou non en Bourse, qui procèdent à des licenciements font l'objet d'une restitution sociale. Son montant est calculé selon la formule suivante :
« Montant des salaires et des cotisations sociales pour chaque travailleur licencié × nombre d'années restant avant l'âge légal de départ à la retraite.
« Pour payer la restitution sociale, l'entreprise avance la somme et la verse, en une seule fois, un mois au plus après l'annonce des licenciements, à un fonds géré par la caisse des dépôts, dénommé fonds de gestion de la restitution sociale. Pour honorer son paiement, l'entreprise peut faire appel à ses fonds propres, procéder à une émission obligatoire ou contracter un emprunt bancaire. »
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Cet amendement porte sur une question que nous avons déjà soulevée à l'occasion de nos amendements précédents, celle de la responsabilité sociale des entreprises procédant à des licenciements économiques dans le cadre de plans sociaux.
Il est assez proche des amendements que nous avions déposés lors de la discussion du projet de loi relatif aux nouvelles régulations économiques, dans le volet de la réforme du droit des sociétés conduisant, notamment, à la codification de la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales.
Il s'agit, en effet, de défendre le principe de la création d'une forme de restitution sociale, représentative des conséquences des choix de gestion opérés en matière d'emplois par les entreprises bénéficiaires.
Nous avons déjà longuement indiqué que la bonne santé financière des entreprises passait parfois par de terribles ajustements en termes d'emplois qui laissaient des hommes, des femmes, salariés de ces entreprises, dans les plus grandes difficultés et qui pesaient lourdement sur la situation des villes et des régions où ils habitent.
Moulinex alimente ainsi l'actualité économique et sociale depuis maintenant plusieurs mois, voire plusieurs années.
Dira-t-on jamais assez que le Calaisis, dont le taux de chômage est déjà supérieur à la moyenne nationale, n'a pas besoin de la fermeture de l'usine Lu.
M. Jacques Legendre. C'est vrai !
M. Guy Fischer. Devons-nous rappeler que le Valenciennois, le Douaisis, le Cambrésis ont subi de plein fouet, dans l'équilibre même de leur situation sociale, les effets des suppressions massives d'emplois dans le textile, la sidérurgie, la construction mécanique ?
Devons-nous souligner encore que le pays de Longwy s'est fortement dépeuplé à la suite des plans acier successifs ?
Devons-nous rappeler qu'en Rhône-Alpes une ville comme Roanne, victime des choix des groupes du textile, a connu, en vingt ans, une saignée de population inégalée, le nombre d'habitants étant passé de 53 000 à 38 000 ?
M. Charles Descours. Et Giat-Industrie ?
M. Guy Fischer. Il ne faut pas oublier non plus Giat-Industrie.
M. Gérard Larcher. Vous ne voulez pas voter le budget de la défense !
M. Charles Descours. Vous faites diminuer le budget militaire !
M. Guy Fischer. Nous y reviendrons !
M. Charles Descours. Vous licenciez à Giat-Industrie !
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Fischer. Vos collègues n'ont aucune raison de vous interrompre...
M. Guy Fischer. Que dire encore, dans l'actualité plus récente, des effets de la fermeture de l'usine Cellatex à Givet, qui a contribué à aggraver la situation de l'emploi dans la « pointe » des Ardennes ?
Nombreuses sont les villes et les régions de notre pays qui ont subi et subissent encore les conséquences sociales, démographiques, économiques des choix de gestion des entreprises, y compris lorsque celles-ci réalisent pourtant des profits records.
De ce point de vue, n'est-il pas paradoxal de constater qu'au moment où Lu annonce la fermeture de ses usines de Calais et de Ris-Orangis, l'entreprise s'apprête aussi à verser à ses salariés, au titre de la participation, un niveau de prime jamais atteint ?
Avoir une bonne prime d'intéressement, la belle affaire, quand on est à deux doigts d'être remercié !
La mise en place de la restitution sociale vise donc, dans les faits, à faire porter aux actionnaires des entreprises mettant en oeuvre des plans sociaux leur part des conséquences des choix de gestion qu'ils acceptent, dès lors que l'assemblée générale des actionnaires a donné mandat aux dirigeants de l'entreprise.
Un plan social est en effet, de notre point de vue, devenu un acte trop naturel pour les entreprises de notre pays, et, malheureusement, de nouveaux plans sociaux seront sans doute annoncés prochainement.
Un plan social ayant des conséquences sur nombre d'équilibres, sur la vie d'un plus ou moins grand nombre de salariés, il doit naturellement être « pris en charge » par la collectivité des actionnaires.
Le fonds de gestion de la restitution sociale que nous préconisons est susceptible, dans les faits, de permettre le financement d'actions de relance et de développement économique dans les zones sinistrées par les plans sociaux.
Nous estimons en particulier qu'en dernier ressort il est sans doute préférable que la collectivité publique mette ainsi à contribution les actionnaires pour résoudre une part des difficultés créées, plutôt que de recourir aux artifices habituels en de telles circonstances, que nous connaissons bien et qui revêtent la forme d'allégements fiscaux et sociaux, lesquels, bien souvent, ne font qu'attirer les « chasseurs de primes »
J'ajouterai que la réindustrialisation des sites ou des bassins d'emploi qui seront touchés se traduira, comme l'expérience l'a, hélas ! montré, par un déficit d'emplois et par une diminution des rémunérations. C'est une des difficultés majeures auxquelles nous allons être confrontés.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Le code du travail est déjà bien assez compliqué. Il ne faut pas ajouter à cette complication en introduisant une disposition aux termes de laquelle le montant de la restitution sociale serait calculé à partir du « montant des salaires et des cotisations sociales pour chaque travailleur licencié multiplié par le nombre d'années restant avant l'âge légal de départ à la retraite ». Cet amendement vise encore à pénaliser l'entreprise. C'est pourquoi la commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur Fischer, vous l'avez compris, le Gouvernement n'est pas favorable à la taxation. Cependant, je voudrais attirer votre attention sur le fait que le mécanisme prévu dans cet amendement pourrait avoir aussi un effet contre-productif en rendant le licenciement d'autant moins onéreux que le salarié est proche de la retraite. Il faut être vigilant à cet égard. Autant il peut être légitime que des salariés partent plus tôt à la retraite parce qu'ils ont commencé à travailler très tôt, parce que les conditions de travail sont extrêmement pénibles, autant nous devons veiller à ne pas encourager les licenciements des travailleurs « âgés », c'est-à-dire à partir de cinquante ans. Un tel dispositif pourrait générer des stratégies de contournement dommageables aux salariés.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 374, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 375, M. Loridant, Mme Borvo, MM. Muzeau, Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, avant l'article 29, un article additionnel ainsi rédigé :
« Toute société ou groupe ayant réalisé des profits ou distribué des dividendes, qui procèdent à des licenciements ne peuvent pas être dans les trois ans qui suivent à l'initiative d'une offre publique d'achat ou d'une offre publique d'échange. »
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Avec cet amendement, nous terminons cette série de propositions qui traduisaient ...
M. Hilaire Flandre. ... la caricature !
M. Guy Fischer ... la réflexion ...
M. Charles Descours. Constructive !
M. Guy Fischer. ... du groupe communiste républicain et citoyen et représentaient un certain nombre de réponses, certes perfectibles, sur lesquelles nous souhaitons pouvoir débattre encore. La navette permettra sans doute de faire avancer le débat. Ce que nous avons proposé aujourd'hui est le fruit d'une longue réflexion, d'un travail collectif entamé en plein coeur de la crise. Notre groupe, très sensible à la détresse des travailleurs, devait présenter ces amendements.
Le présent amendement porte sur la question du devenir des opérations boursières menées par les entreprises qui mettent en oeuvre des plans sociaux.
Il n'est effectivement pas rare que la conception et la réalisation d'un plan social, ou d'une série de plans sociaux, précède de peu une opération boursière plus importante, visant, par exemple, à prendre pied dans la concurrence ou, selon un mot assez hermétique, à « rationaliser » la production.
On se souviendra à cet égard que l'une des affaires qui nous préoccupent, celle de Lu, fait suite à une série d'offres publiques d'achat menées par le groupe Danone, ex-BSN - Gervais - Danone dans le secteur de la biscuiterie, et qui a touché notamment les usines contrôlées en France par le groupe américain Nabisco Brands.
On peut penser que c'est, au regard de critères strictement financiers, l'insuffisante rentabilité de ces offres publiques qui motive aujourd'hui les plans sociaux dont l'actualité se fait l'écho.
C'est la même logique sans doute que celle qui amène Franck Riboud à restructurer sa filiale Glasspack, spécialisée dans l'emballage, en liquidant son usine de Givors, à quelques kilomètres de Vénissieux, en réduisant l'activité des Verreries mécaniques champenoises à Reims et en concentrant ses efforts d'investissement sur la seule unité de Puy-Guillaume, dans le Puy-de-Dôme.
M. Charles Descours. Vous n'allez pas critiquer M. Charasse !
M. Guy Fischer. Non ! je constate.
Une restructuration a donc parfois aussi des effets juridiques, en ce sens qu'elle consiste à mener un raid sur tel ou tel concurrent et que, dans les faits, cette opération n'est jamais sans dommages sur le niveau de l'activité et de l'emploi.
On notera aussi qu'un groupe comme Marks & Spencer est aujourd'hui prêt à vendre au plus offrant sa chaîne de magasins sur le continent, et notamment en France, pour restaurer sa marge et le montant de la rémunération versée aux détenteurs du capital du groupe.
Le seul problème est que la vie économique et sociale de notre pays n'est pas cette économie de « casino » où l'on joue des usines, des entreprises, des femmes et des hommes qui y travaillent comme des jetons juste bons à jeter sur le tapis vert.
Il nous semble donc important qu'une interdiction soit clairement indiquée en matière de mise en oeuvre d'offres publiques aux sociétés et groupes qui, nonobstant leur situation financière, procèdent à la mise en oeuvre de plans sociaux.
Cet amendement vise donc à exclure ces entreprises du droit de mettre en oeuvre des opérations d'offres publiques d'achat ou d'offres publiques d'échange pour une période de trois ans.
Il s'agit clairement, pour ce qui nous concerne, de permettre une mise en question de choix de gestion qui, on le sait, sont souvent eux-mêmes porteurs de nouvelles restructurations meurtrières pour l'emploi et l'activité.
Les exemples dans ce sens, nous l'avons déjà souligné, ne manquent pas, et il est temps que cela ne passe pas tout à fait inaperçu.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Nous ne pouvons qu'être défavorables à cette proposition, dont l'application serait préjudiciable tant à l'avenir de l'entreprise concernée qu'à l'emploi.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je ne suis pas favorable à cette proposition.
Cela étant dit, je voudrais profiter de l'occasion qui m'est donnée, puisque nous achevons l'examen d'une série d'amendements, pour remercier le groupe communiste républicain et citoyen de sa contribution au débat. Le sujet est suffisamment complexe et difficile pour que nous puissions avoir, entre nous, des réflexions et pour que des propositions soient formulées. Je suis d'ailleurs persuadée que, comme l'a souligné M. Fischer, la navette permettra d'enrichir encore ce texte. Je vous remercie donc de votre réflexion, qui, je le sais, part d'un sentiment de très grande sincérité par rapport à la révolte que vous ressentez et que j'éprouve avec vous devant la situation de détresse qui est faite aux salariés.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 374.
M. Jean Chérioux. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux. Comme Mme la ministre, je ne doute pas de la sincérité de nos collègues communistes et du fait qu'ils croient que les différentes propositions qu'ils formulent amélioreraient la situation et éviteraient les licenciements. Ils y mettent certainement tout leur coeur.
Mais nous aussi nous nous penchons sur le problème des salariés licenciés !
M. Jacques Machet. Très bien !
M. Jean Chérioux. Ce qui est grave, c'est que ces propositions que vous pensez justes sont autant de contresens économiques. En effet, si, par je ne sais quelle aberration, le Sénat votait tous vos amendements et si, ensuite, l'Assemblée nationale les retenait, l'économie française serait littéralement « fichue » dans les dix ans à venir, et ce sont des millions de personnes qui seraient licenciées !
Mme Nicole Borvo. On a eu trois millions de chômeurs grâce à vous !
M. Jean Chérioux. Ce que vous prônez représente un contresens sur le plan économique ! Je vous le dis : je suis choqué. Je vous pense de bonne foi mais, si vous ne l'étiez pas, ce serait grave. En effet, on n'a pas le droit de duper les travailleurs en leur faisant croire que leurs problèmes seront résolus par de tels non-sens et de tels contresens économiques.
Je pense cependant que les Français sont assez intelligents et assez cultivés sur le plan économique pour se rendre compte que tout cela ne tient pas ! (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. Bernard Murat. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Murat.
M. Bernard Murat. Je voudrais, comme notre collègue Jean Chérioux, dire combien je suis choqué d'entendre certains affirmer que, dans cet hémicycle, il y aurait de bons et de mauvais Français, d'un côté, ceux qui ont du coeur et, de l'autre, ceux qui n'en ont pas.
M. Roland Muzeau. Chacun se situe où il veut !
M. Bernard Murat. Je fais simplement le constat suivant : si on est au Gouvernement, on peut être contre vos amendements, mais si on est socialiste, on a du coeur ; en revanche, si on est de l'autre côté et si on est également contre vos amendements, pour les très bonnes raisons invoquées par M. Chérioux, on ne prendrait pas en considération la peine des travailleurs français. C'est inadmissible ! Nous, les gaullistes, nous n'avons pas de leçon à recevoir en matière de coeur ! (Applaudissements sur les travées du RPR.)
Mme Nicole Borvo. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Monsieur Murat, nous n'avons jamais dit que vos collègues et vous-même n'aviez pas de coeur. Le problème, c'est que, après le coeur, il faut des solutions.
Monsieur Chérioux, les salariés jugeront eux-mêmes !
M. Jean Chérioux. Ce sont de fausses solutions ! C'est cela qui est grave ! Vous leur proposez des choses qui ne tiennent pas !
Mme Nicole Borvo. Il y avait plus de trois millions de chômeurs en 1997, les Français ont pu le voir, et je crois qu'en la matière on ne peut pas faire mieux !
M. Bernard Murat. C'est exactement ce que nous sommes en train de dire, madame !
M. Jean Chérioux. C'est lamentable !
M. Alain Gournac, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Gournac, rapporteur.
M. Alain Gournac, rapporteur. On ne peut, dans cet hémicycle, classer les personnes en différentes catégories : celles qui ont un grand coeur, celles qui ont un petit coeur et celles qui n'ont pas de coeur du tout ! Nous sommes bien évidemment tous révoltés devant certaines situations ; les choses sont claires, mais je tenais à le réaffirmer. (Mme Dieulangard s'exclame.)
Mme le ministre parle de sincérité. Elle fait peut-être preuve de beaucoup de sincérité, mais elle n'accepte absolument aucun amendement de nos amis du groupe communiste républicain et citoyen !
M. Bernard Murat. Exactement !
M. Alain Gournac, rapporteur. On peut toujours être sincère. En tout cas, heureusement que nous sommes là pour éviter que ces amendements ne soient votés, car, comme l'a dit notre collègue Jean Chérioux, les conséquences de leur adoption seraient catastrophiques...
M. Jean Chérioux. Dramatiques !
M. Alain Gournac, rapporteur. ... non seulement pour l'économie française, mais aussi pour les employés des entreprises.
MM. Jean Chérioux et Jacques Machet. Bien sûr !
M. Alain Gournac, rapporteur. Par conséquent c'est beau de lancer des critiques, de faire des phrases et des discours. Mais on ne peut pas opérer de classification entre nous : nous nous comportons de façon tout à fait responsable et nous sommes tout à fait dans notre rôle en refusant les diverses propositions présentées depuis le début de cette séance. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du RPR.)
Mme Nicole Borvo. Quelles sont vos solutions ?
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 375, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 29



M. le président.
« Art. 29. - L'article L. 933-2 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La négociation sur les objectifs et les moyens de la formation professionnelle doit porter sur les actions de formation mises en oeuvre pour assurer l'adaptation des salariés à l'évolution de leurs emplois, le développement de leurs compétences ainsi que la gestion prévisionnelle des emplois des entreprises de la branche compte tenu de l'évolution prévisible de ses métiers. Elle doit également porter sur les conditions dans lesquelles les salariés peuvent bénéficier d'un entretien individuel sur leur évolution professionnelle ainsi que les suites données à celui-ci. »
Sur l'article, la parole est à M. Gérard Larcher.
M. Gérard Larcher. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, dans ce titre II, le Gouvernement nous propose d'adopter une série de mesures dont l'ambition affichée et écrite est de protéger et de développer l'emploi.
Le Gouvernement, une fois de plus, fait le choix de multiplier les mesures d'ordre public, s'inscrivant dans cette culture de gouvernement d'un autre âge qui voit dans l'Etat la source quasi exclusive du progrès économique et du progrès social, qui sont liés.
Cette vision, que je considère comme dépassée, conduit le Gouvernement à se comporter en prédicateur. Permettez-moi de dire, madame la ministre, avec tout le respect que je vous dois, que, depuis une demi-heure, j'ai noté dans vos réponses au groupe communiste républicain et citoyen des intonations de prédication, à défaut de vraie solution !
Le Gouvernement est persuadé ainsi de son omniscience, sans lien réel avec les autres acteurs du système économique et social, et il feint d'oublier les réalités financières et économiques : jamais le mot « actionnaire » n'a été prononcé, sinon pour être vilipendé.
M. Jacques Machet. Tout à fait !
M. Gérard Larcher. C'est cette même vision qui est retenue par le Gouvernement dans les orientations que vous nous avez présentées hier, madame la ministre, concernant les plans sociaux et les licenciements économiques : « d'abord procéder par la loi et, après, quand j'aurai imposé ma décision, je voudrai bien écouter les acteurs concernés pour que nous voyions ensemble quelles sont les meilleures solutions » !
Le Gouvernement propose de renforcer l'information des salariés et des représentants du personnel - c'est l'une des trop rares mesures intéressantes proposées -, mais, en fait, les partenaires sociaux n'ont pas été associés à la préparation de ces dispositifs, alors qu'ils les concernent au premier chef.
Légiférer sous le coup de l'émotion, cette émotion fût-elle compréhensible, légitime et fondée, légiférer sans aucune étude d'impact sur les conséquences qui peuvent résulter de ces choix autoritaires sur les embauches, les entreprises en difficulté, les stratégies des entreprises étrangères, oui, légiférer ainsi n'est pas de bonne procédure.
Cette émotion, ces difficultés doivent nous conduire à susciter un vrai dialogue avec les partenaires sociaux et non à élaborer une série de textes de circonstances : avant-hier, les amendements Vilvorde ; hier, le texte Michelin ; aujourd'hui, Danone ; demain, jeudi, ce sera Moulinex, puis Philips, dans quelques semaines, et Bull, malheureusement bientôt. Pourquoi pas un DMOS flottant, qui s'adapterait ainsi au rythme des restructurations ?
S'il est incontestable que l'Etat, le Gouvernement et le Parlement ont un rôle social déterminant à jouer et des objectifs essentiels de solidarité à fixer, en fait, un Etat moderne doit laisser place, me semble-t-il, à une large initiative des partenaires sociaux et faire confiance à leur capacité à s'adapter au monde du travail d'aujourd'hui. En fait, il faut fonder la société de contrat et de confiance.
D'ailleurs, déjà, les employeurs, dans un dialogue parfois tonique - il est naturel qu'il soit tonique et fait d'affrontements - avec les représentants des salariés et les organisations syndicales représentatives, n'ont pas eu besoin de l'injonction de l'Etat pour endosser leurs responsabilités sociales et proposer aux salariés des avantages sans commune mesure avec ce que l'Etat envisagerait de leur donner par la loi. L'exemple de Danone aujourd'hui est, à cet égard, symptomatique : les primes de licenciements comme les possibilités de reclassement sont très supérieures aux propositions présentées par le Gouvernement hier (M. Nogrix applaudit.)
En fait, madame la ministre, votre texte et les propositions que vous présentiez hier sont inadaptés à votre cible !
Il faut, en réalité, de véritables relations sociales refondées sur le contrat et dont la loi doit définir le cadre, mais non une lettre écrite dans les moindres détails.
Par la négociation contractuelle, nous devons impulser une dynamique sociale autonome. C'est cela, me semble-t-il, le rôle d'un Etat moderne.
L'Etat doit cesser d'encadrer autoritairement les relations sociales et faire en sorte, par exemple, que les conclusions des discussions sur l'UNEDIC, l'Union nationale interprofessionnelle pour l'emploi dans l'industrie et le commerce, ne se fassent pas sur un coup de téléphone entre le Premier ministre et le président du patronat !
M. Jean Chérioux. Eh oui !
M. Gérard Larcher. Un Etat moderne doit tendre à libérer de son propre carcan les partenaires sociaux, à élargir des espaces d'autonomie, d'innovations et de propositions sociales, y compris au Parlement, où l'on pourrait imaginer - pourquoi pas ? - des propositions de loi d'initiatives syndicales.
En fait, madame la ministre, les gages médiatiques et verbaux que vous avez choisi de donner à une partie de votre majorité plurielle vous empêchent de sortir des dogmes dépassés et de vous ouvrir à une autre vision de la société. Il y a trop de gouvernement et pas assez de partenaires sociaux dans votre conception de la vie sociale.
Ce sont les mots « innovation », « initiative », « expérimentation », « contrat » et « reconnaissance de la diversité » qui doivent entrer dans notre vocabulaire plutôt que les mots « sanction », « contrainte », « procédures administratives ».
M. Roland Muzeau. « Droit » !
M. Gérard Larcher. Sécuriser les parcours professionnels, réexplorer les congés de conversion, favoriser la formation professionnelle continue des salariés et leur polyvalence constituent de vraies pistes pour une meilleure garantie à l'emploi. Il faudrait enfin avoir le courage de proposer une conception française et européenne de l'actionnariat plutôt que subir la conception anglo-saxonne. Voilà un vrai débat que nous devrions avoir pour refonder les relations sociales et financières dans l'entreprise.
M. Jacques Machet. Très bien !
M. Gérard Larcher. Ma préférence va au dialogue et au contrat. Penser qu'il convient de légiférer pour pénaliser les entreprises est une erreur de casting , madame la ministre. Paradoxalement, les nouvelles contraintes que vous proposez ne pèseront que sur les PME fragiles et sur leurs salariés, et non sur les Danone, Philips ou Moulinex qui font et feront l'actualité des jours et des semaines à venir.
La modernité sociale est vraiment ailleurs que dans les propositions du Gouvernement. Vos propositions sont des choix du passé ou une « gesticulation », comme le disait hier l'un des rapporteurs. Il nous faut de nouvelles relations sociales fondées sur le contrat. Ces crises nous conduisent tous à réfléchir sur cette nécessaire rénovation sociale qui doit suivre la voie du dialogue, du contrat, pour inventer la société nouvelle dont nous avons besoin, société qui n'a rien à attendre des affrontements, des sanctions ou des interdictions. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Alain Gournac, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Gournac, rapporteur.
M. Alain Gournac, rapporteur. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, je souhaiterais remercier M. Gérard Larcher pour les propos qu'il vient de tenir à l'instant : ils constituent une réponse décisive aux critiques que vous formuliez hier, madame le ministre.
Vous avez estimé que « la position des rapporteurs » traduisait « le conservatisme bien connu de cette assemblée ». Vous avez également parlé de « comportement résolument immobile » du Sénat « sur la question des licenciements économiques ».
Je crois, madame le ministre, que vous pouvez être maintenant pleinement rassurée : le Sénat défend une conception autrement plus moderne des relations sociales que celle du Gouvernement.
Je reprendrai les termes mêmes des propos de notre collègue Gérard Larcher : « Un Etat moderne doit laisser place à une large initiative des partenaires sociaux et faire confiance à leur capacité à s'adapter au monde du travail d'aujourd'hui. Un Etat moderne est celui qui permettrait l'épanouissement d'un véritable dialogue social », a dit aussi notre collègue. Je relève aussi dans ses propos cet appel afin que les mots « innovation », « initiative », « expérimentation » entrent dans notre vocabulaire. Tout est dit.
Il aurait mieux valu laisser les partenaires sociaux explorer toutes les pistes permettant de lutter contre la fatalité des licenciements. Voilà la position du Sénat.
Concernant le procès d'intention intenté aux rapporteurs, je crois pouvoir dire qu'il n'est pas fondé.
Vous constaterez, madame le ministre, que, malgré le peu de temps que vous lui avez laissé, la commission des affaires sociales a examiné avec soin l'ensemble de vos amendements. Elle en a même regardé avec bienveillance plusieurs qui, il est vrai, s'inspiraient soit de ses propres propositions d'amendements, soit des avancées auxquelles a donné lieu la nouvelle convention relative à l'assurance chômage.
Je pense, en particulier, à l'amendement qui prévoit l'information et la consultation du comité d'entreprise sur les projets de restructuration, et qui prolonge et complète l'amendement de la commission relatif aux annonces au public.
Je pense aussi à l'amendement qui vise à instaurer au bénéfice du salarié un congé de reclassement et qui s'inspire sensiblement de la nouvelle convention UNEDIC, pourtant, mes chers collègues, tant décriée.
On le voit : le Sénat propose de faire confiance davantage aux partenaires sociaux, comme l'a rappelé M. Gérard Larcher. Il ne refuse pas pour autant d'améliorer les dispositions législatives lorsque cela est nécessaire. Vous me permettrez, dans ces conditions, madame le ministre, de considérer vos remarques d'hier, pour reprendre une expression que vous affectionnez, comme « nulles et non avenues ». (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je constate que mon appréciation sur le conservatisme et l'immobilisme de la majorité sénatoriale a fait mouche,...
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. C'est la mouche du coche !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. ... si j'en juge par le ton, à mon avis inutilement pontifiant, avec lequel M. le rapporteur vient d'intervenir.
Quant à M. Larcher, je lui dirai que la caricature ne suffit pas à faire de bons argumentaires.
M. Jean Chérioux. C'est vrai quand vous parlez !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. En vous écoutant, j'avais l'impression d'être revenue vingt ans en arrière, lors des débats sur les lois Auroux. Comment, avec de tels arguments, la majorité sénatoriale peut-elle prétendre être du côté de la modernité ? J'avoue ne pas bien comprendre.
M. Bernard Murat. Les Français, eux, ont compris !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je vois bien que vous vous sentez concernés !
Monsieur Larcher, vous prétendez que nous sommes obsédés par la loi.
M. Hilaire Flandre. La réglementation !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Là, nous légiférons ! Je m'étonne d'ailleurs de voir des parlementaires dénigrer le rôle de la loi et du législateur !
M. Claude Estier. Eh oui !
M. Gérard Larcher. Ce n'est pas le cas !
M. Alain Gournac, rapporteur. Ce n'est pas cela du tout !
M. Charles Descours. Vous savez très bien que nous légiférons trop !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Vous êtes élus pour légiférer. C'est votre responsabilité ! (Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Henri de Raincourt. Quelle caricature !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je vous ai écoutés avec patience. Faites de même ! Cela montrera à quel point vous aimez le débat démocratique !
M. Henri de Raincourt. Quelle amabilité !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur Larcher, nous avons fait le choix, avec les propositions que nous vous soumettons, de légiférer non pas pour substituer d'autres acteurs extérieurs, par exemple l'Etat, aux acteurs de l'entreprise, mais pour donner la capacité, d'une part, aux employeurs d'assumer leurs responsabilités sociales et, d'autre part, aux salariés, qui se trouvent dans un rapport de forces déséquilibré à leur détriment aujourd'hui, de peser sur les choix de l'entreprise.
M. Claude Estier. Absolument !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Il s'agit donc de légiférer non pas pour imposer je ne sais quelle norme de l'extérieur, mais pour donner aux acteurs sociaux dans l'entreprise la capacité d'assumer toutes leurs responsabilités. Tels sont les choix qui sont faits et telle est la philosophie du système que nous vous proposons.
Ma conception de la loi est claire, je l'ai rappelée hier : elle doit fixer les règles du jeu. A ce titre, elle est indispensable, car elle garantit que nous légiférons en fonction de certaines valeurs qui sont celles de la République et que les principes qui sont posés sont identiques sur l'ensemble du territoire.
Cependant, cela ne veut pas dire que nous négligeons le rôle du contrat social, au contraire ! Je crois profondément en la complémentarité entre la loi et le contrat social, à la condition que, lors des discussions concernant le contrat, les rapports de force soient égaux. Ensuite, il revient aux partenaires sociaux de préciser les points sur lesquels ils acceptent de se mettre d'accord. Mais, la Constitution est là pour le rappeler, c'est la loi qui fixe les règles du jeu !
S'agissant des partenaires sociaux, dans les fonctions qui sont les miennes depuis six mois maintenant, je les rencontre fréquemment ! Nous avons des entretiens téléphoniques ; je les reçois, de façon formelle ou informelle. Demain après-midi, je rencontre trois grandes centrales syndicales ; la semaine dernière, j'ai reçu M. Seillière en tête-à-tête. Nous avons des contacts ! En tant que ministre de l'emploi et de la solidarité, j'estime, en effet, qu'il est toujours intéressant - je suis d'accord ou je ne le suis pas - de recueillir la position des partenaires sociaux sur les multiples sujets qui relèvent de ma compétence. Je le fais en permanence !
Naturellement, puisqu'un processus législatif est engagé, les sujets dont nous discutons aujourd'hui seront particulièrement privilégiés lors des discussions que j'aurai dans les prochaines semaines. Mais, croyez-moi, ils n'ont pas été absents, bien au contraire, des contacts que j'ai eus récemment.
Dans ce débat, nous devrions tenter de confronter des points de vue, en évitant les caricatures outrancières. (Protestations sur les travées du RPR.)
M. Jean Chérioux. C'est vrai dans les deux sens !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Nous discutons d'un sujet difficile. Nous avons des divergences de vue. Disons très simplement sur quoi nous sommes d'accord et sur quoi nous ne le sommes pas.
Je veux voir dans le caractère excessif de vos propos l'expression d'un certain malaise.
(Rires sur les travées du RPR. - Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Alain Gournac, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Gournac, rapporteur.
M. Alain Gournac, rapporteur. Je ne souhaite pas polémiquer, mais je tiens à répondre d'un mot à ce que je viens d'entendre.
Je viens de recevoir un fax de la CFDT. J'en extrais simplement une phrase : « La CFDT regrette que ces mesures législatives n'aient fait l'objet d'aucune consultation avec les partenaires sociaux. » Je n'ai rien à ajouter ! (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Gérard Larcher. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Gérard Larcher.
M. Gérard Larcher. Madame la ministre, je n'avais pas l'impression d'avoir dessiné une caricature ; j'avais plutôt le sentiment de dire que nous avions deux conceptions différentes. C'est cela le débat !
Je pense que la loi garantit et protège, qu'elle doit être un cadre, mais que, si elle va dans les moindres détails, elle nous entraînera dans une course sans fin : il faudra un texte Bull... un texte Philips au Mans !
Nous avons à réinventer un espace pour le contrat, qui doit répondre à la diversité de la réalité économique et sociale. Voilà pourquoi je pense que vous êtes sur une voie du passé.
En ce qui concerne les partenaires sociaux, nous les rencontrons nous aussi. Peut-être sont-ils très souvent dans votre bureau, madame la ministre, mais vous aviez omis de leur parler de ces propositions d'amendement. Le débat démocratique que nous avons aujourd'hui se charge de rappeler qu'il est nécessaire de réintroduire les partenaires sociaux en préalable à toutes les discussions. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président. Par amendement n° 104, M. Gournac, au nom de la commission des affaires sociales, propose, dans la première phrase du texte présenté par l'article 29 pour compléter l'article L. 933-2 du code du travail, après les mots : « négociation sur », d'insérer les mots : « les priorités ».
La parole est à M. Gournac, rapporteur.
M. Alain Gournac, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de précision tendant simplement à mettre en cohérence l'appellation de la négociation de branche prévue à l'article 29 avec celle qui est mentionnée dans le code du travail.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je ne vois pas d'objection à l'adoption de cet amendement rédactionnel.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 104.
M. Jean Chérioux. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux. Je voterai cet amendement, mais je souhaite revenir sur les propos qui ont été tenus tout à l'heure.
Mme le ministre nous dit qu'elle pratique la concertation. Je constate qu'elle nous l'a refusée ! En effet, hier, au cours de la réunion de la commission, compte tenu de l'importance des amendements qui étaient présentés par le Gouvernement, j'ai demandé que nous puissions procéder à des auditions. La moindre des choses est de donner aussi au Parlement la possibilité de consulter l'ensemble des partenaires sociaux. Or, cela nous a été refusé !
M. Gérard Larcher. Très bien !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 104, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 105, M. Gournac, au nom de la commission des affaires sociales, propose, dans la première phrase du texte présenté par l'article 29 pour compléter l'article L. 933-2 du code du travail, après les mots : « de leurs compétences », d'insérer le mot : « professionnelles ».
La parole est à M. Gournac, rapporteur.
M. Alain Gournac, rapporteur. Il s'agit également d'un amendement rédactionnel, qui tend à préciser que les compétences ici visées sont bien les compétences professionnelles, et ce par coordination avec les nouvelles dispositions du projet de loi sur la validation des acquis de l'expérience.
M. Jacques Legendre. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je ne vois pas de raison de limiter par l'adjonction de l'adjectif « professionnelles » la plénitude de la négociation de branche sur le développement des compétences des salariés, que nous souhaitons favoriser.
Je pense, pour me référer au débat qui vient d'avoir lieu, que, si l'on est pour la négociation sociale, alors, il ne faut pas vouloir inutilement en restreindre le champ par la loi.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 105, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 29, modifié.

(L'article 29 est adopté.)

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COMMUNICATION DU MÉDIATEUR
DE LA RÉPUBLIQUE

M. le président. L'ordre du jour appelle la communication de M. Bernard Stasi, Médiateur de la République, sur son rapport annuel, en application de la loi n° 2000-23 du 12 avril 2000, relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations.
Huissiers, veuillez introduire M. le Médiateur de la République.
(M. le Médiateur de la République est introduit avec le cérémonial d'usage. - Applaudissements sur l'ensemble des travées.)
Monsieur le Médiateur de la République, vous avez remis hier votre rapport à M. le président du Sénat.
En raison d'un déplacement prévu de longue date à Alençon, M. le président du Sénat, qui s'en est déjà excusé auprès de vous, ne peut vous accueillir aujourd'hui dans cet hémicycle : il préside, en ce moment-même, l'association des maires de l'Orne, département particulièrement préoccupé par les problèmes que nous évoquons cet après-midi.
Il me revient dont l'honneur et le grand plaisir, monsieur le Médiateur, d'inaugurer la procédure instituée par la loi du 12 avril 2000, qui prévoit que, dorénavant, votre rapport annuel fait l'objet d'une communication de votre part devant chacune des deux assemblées.
Cette innovation parachève ainsi l'oeuvre entamée avec la loi de 1973, qui avait tissé d'emblée un lien organique fort entre le Médiateur et les membres du Parlement.
Le président Jacques Larché partagera sans doute cette appréciation.
Les assemblées ont voulu rappeler et renforcer ce lien en demandant au Médiateur de venir devant elles, à l'instar du Premier président de la Cour des comptes, présenter directement son bilan et les perspectives de son action, ainsi que les modifications législatives qui lui paraissent opportunes.
Votre présence parmi nous doit vous permettre de renforcer votre rôle indispensable « d'aiguillon » et nous donner la possibilité de mieux entendre la parole des citoyens.
Au nom du Sénat tout entier, et tout particulièrement de votre prédécesseur, M. Jacques Pelletier, je vous réitère, monsieur le Médiateur, nos souhaits de bienvenue.
La parole est à M. le Médiateur de la République.
M. Bernard Stasi, Médiateur de la République. Monsieur le président, je souhaite tout d'abord vous remercier de vos paroles de bienvenue, auxquelles je suis très sensible.
Comme vous l'avez rappelé, j'ai eu effectivement l'occasion, hier, de remettre le rapport du Médiateur au président de la République. Je comprends très bien que d'autres obligations l'empêchent d'être présent aujourd'hui, mais j'ai été très sensible à l'accueil qu'il a bien voulu me réserver hier.
Mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi tout d'abord de vous dire combien le Médiateur de la République est heureux de se trouver dans cette assemblée, haut lieu de la République, et combien, personnellement, je me sens honoré de pouvoir m'adresser à vous du haut de cette tribune, comme j'ai eu l'occasion de le faire à différentes reprises, voilà près de trente ans, en tant que ministre des départements et territoires d'outre-mer.
M. Jean Delaneau. Cela nous rajeunit !
M. Bernard Stasi, Médiateur de la République. Cette première présentation de son rapport en séance publique revêt, pour le Médiateur, une importance toute particulière.
Tout d'abord, il était normal que je vienne enfin rendre compte directement à la représentation nationale des activités et des perspectives d'une institution dans le fonctionnement de laquelle elle joue un rôle essentiel.
Ensuite, il m'est ainsi permis de vous exprimer, de vive voix, ma gratitude non seulement pour votre contribution à l'activité quotidienne du Médiateur, mais aussi pour votre volonté de préciser les fonctions de l'institution et de renforcer ses pouvoirs, ses moyens et son efficacité, volonté concrétisée notamment par l'adoption - vous y avez fait allusion, monsieur le président - de la loi relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations.
Je veux, en premier lieu, vous présenter les activités du Médiateur de la République pour l'année 2000, telles qu'elles sont exposées dans le rapport que j'ai eu l'honneur de remettre, en mains propres, au Président de la République, au Premier ministre et au président de votre assemblée.
Cette année 2000 aura tout d'abord été marquée par la poursuite de l'effort entrepris pour aider nos concitoyens à surmonter les difficultés qu'ils rencontrent dans leurs rapports avec l'administration ; elle aura été marquée ensuite par le renforcement des compétences du Médiateur et, enfin, par la mise en oeuvre tout à la fois d'une grande proximité et d'une plus grande ouverture sur l'extérieur.
Quelques chiffres, tout d'abord, vous confirmeront que les relations entre les citoyens et l'administration restent encore trop souvent, pour nos concitoyens, un sujet de préoccupation, un terrain propice à la méfiance, aux litiges et aux malentendus.
C'est ainsi qu'en l'an 2000, 53 706 réclamations ont été adressées au Médiateur de la République, soit une augmentation de 4,7 % par rapport à l'année précédente.
Cette augmentation témoigne du fait que notre institution est de mieux en mieux connue. Vous me permettrez d'y voir aussi une certaine reconnaissance de son efficacité et de son indépendance. Mais, en même temps, elle est significative de l'importance des difficultés rencontrées par beaucoup de nos concitoyens dans leur vie quotidienne et dans leurs relations avec les services publics.
Le domaine social proprement dit et les affaires fiscales restent les champs privilégiés d'intervention de l'institution. Ils concernent les difficultés récurrentes rencontrées par les citoyens et régulièrement évoquées dans les rapports annuels du Médiateur de la République, qu'il s'agisse de la lenteur ou de la complexité des procédures administratives, ou encore de l'incompréhension par les administrés de décisions ou d'agissements des services de l'Etat, des collectivités territoriales, des grands services publics et des organismes sociaux.
En dehors de ce « socle » permanent d'activité, le Médiateur de la République est de plus en plus sollicité pour rechercher des solutions à des différends d'un type nouveau résultant, par exemple, de l'intégration dans le droit français d'un nombre toujours croissant de normes législatives ou réglementaires d'origine communautaire.
M. Emmanuel Hamel. Hélas !
M. Bernard Stasi, Médiateur de la République. Par ailleurs, 36 % des réclamations adressées au Médiateur sont irrecevables, soit parce qu'elles n'ont pas été transmises par l'intermédiaire d'un parlementaire, soit parce qu'elles n'ont pas fait l'objet de démarches préalables auprès de l'administration concernée. Si le nombre de ces cas d'irrecevabilité peut paraître élevé, le développement des saisines directes par Internet - 10 % du total - contribue largement à cet état de fait.
Un chiffre est, néanmoins, satisfaisant : seulement 11,5 % des réclamations n'entrent pas dans notre champ de compétence. Il faut y voir, je pense, le signe que les Français connaissent de mieux en mieux la mission de l'institution, même si, et j'en suis tout à fait conscient, nous devons poursuivre nos efforts en matière de communication.
Si la médiature se fait un devoir de répondre toutes les réclamations, elle n'examine au fond, comme vous le savez, que celles qui, tout à la fois, sont recevables et relèvent de sa compétence.
Dans 28,2 % des cas, la réclamation est justifiée et conduit à la mise en oeuvre d'une médiation. Je dois dire, non sans une certaine satisfaction, que cette médiation aboutit favorablement dans la grande majorité des cas, puisque l'institution parvient à ses fins dans 86,6 % des dossiers qu'elle traite. Je mets ce taux de réussite tout à fait satisfaisant au crédit non seulement de la qualité du travail effectué par les collaborateurs du Médiateur, mais aussi de nos interlocuteurs dans les administrations et les organismes sociaux, qui, dans la très grande majorité des cas, acceptent de réparer l'erreur commise au détriment du citoyen et partagent la volonté du Médiateur de la République de privilégier, à chaque fois que cela est possible, l'équité par rapport à l'application stricte de la règle de droit.
C'est ainsi qu'en 2000, nous avons pu traiter près de 67 % des réclamations reçues dans l'année, ainsi qu'un certain nombre de réclamations datant de 1999, dont l'instruction complexe avait nécessité un délai plus long que pour la moyenne des dossiers.
A cet égard, le délai moyen de traitement des réclamations par la médiature est de cinq mois, avec bien sûr des variations considérables en fonction du degré de complexité des dossiers instruits. Je sais l'importance que revêt ce délai aux yeux de nos concitoyens, confrontés quelquefois à des difficultés considérables, et je sais aussi le prix que vous attachez, vous qui êtes les interlocuteurs les plus directs des demandeurs, à ce qu'il soit le plus court possible.
C'est pourquoi je tiens à vous assurer, mesdames, messieurs les sénateurs, de ma détermination et de celle de l'ensemble de mes services à faire en sorte que le traitement de ces dossiers soit effectué dans les meilleurs délais possibles.
L'année 2000 aura également été marquée par l'adoption, le 12 avril 2000, de la loi relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration, dite « loi DCRA », à laquelle je faisais allusion au début de mon propos. Cette loi, par son titre III notamment, confère au Médiateur de la République des pouvoirs nouveaux et clarifie les missions qui lui avaient été confiées par la loi fondatrice de 1973.
Il s'agit là, et je ne l'apprendrai pas au législateur, d'une avancée extrêmement importante dans le sens d'une plus grande efficacité de l'institution et d'un meilleur service rendu à nos concitoyens. C'est aussi un progrès en matière de transparence, puisque c'est cette loi DCRA qui me vaut le plaisir et l'honneur de faire aujourd'hui cette communication devant le Sénat.
J'ai parlé de clarification des missions, car les textes font désormais beaucoup mieux la distinction entre les différentes catégories d'intervention du Médiateur, particulièrement entre celles qui relèvent de sa mission de médiation proprement dite et celles qui concernent sa mission réformatrice.
Comme vous le savez, la loi étend aussi la saisine du Médiateur de la République aux médiateurs de l'Union européenne, ainsi qu'au Médiateur européen.
La loi élargit, enfin, le pouvoir donné au Médiateur de formuler des propositions de réforme. Alors que, auparavant, il ne pouvait faire de telles propositions, permettez-moi de le rappeler, qu'en s'appuyant sur les réclamations qui lui étaient adressées, désormais le Médiateur peut s'autosaisir, c'est-à-dire qu'il a pour vocation d'apporter une plus importante contribution à la réforme de l'administration ainsi qu'au renforcement de la citoyenneté.
Clarification, renforcement, élargissement du rôle de l'institution : c'est ce que vous avez voulu, mesdames, messieurs les sénateurs, et vous avez ainsi montré que vous étiez conscients du rôle fondamental qu'est appelée à jouer l'institution dans une société où le besoin de médiation s'accroît au fur et à mesure que ses règles deviennent plus complexes, au fur et à mesure aussi que les administrés, à juste titre, veulent être considérés comme des citoyens, c'est-à-dire être écoutés, entendus et respectés.
Le Médiateur de la République a, bien sûr, fait largement usage des nouvelles possibilités d'intervention qui lui sont ouvertes, en formulant, au cours de l'année 2000, vingt propositions de réforme dans les domaines les plus divers. Je citerai notamment une proposition visant à réformer en profondeur les procédures régissant le secret de la filiation, afin de parvenir à un meilleur équilibre entre les droits respectifs des parents et des enfants. Je pense aussi à des mesures simples, susceptibles de rendre plus efficaces les recherches d'emploi, telles que l'assouplissement du délai de déclaration à l'embauche pour profiter de l'exonération des cotisations lors du recrutement d'un premier salarié ou encore pour permettre aux personnes en situation d'arrêt pour maladie, mais aptes à l'exercice d'un emploi, de continuer à bénéficier du soutien actif de l'Agence nationale pour l'emploi. Je pense enfin à toutes ces dispositions qui ont pour objet de faciliter, au quotidien, les rapports entre l'administration et les plus démunis de nos concitoyens.
Ce pouvoir de proposition de réformes que vous m'avez confié, j'ai l'intention, mesdames, messieurs les sénateurs, de l'utiliser pleinement. En effet, je suis certain d'être ainsi en phase avec la volonté réformatrice des élus et des services de l'Etat, et je sais que je peux compter sur votre appui pour le mettre en oeuvre.
L'année 2000 a enfin été marquée, pour le Médiateur de la République, par une double ambition : la recherche d'une plus grande proximité et la volonté d'ouverture.
En premier lieu, la recherche de la proximité s'impose tout naturellement ; elle est inhérente à l'esprit dans lequel l'institution a été créée, aux finalités qui lui ont été assignées. Le Médiateur de la République a pour mission de servir tous les citoyens. Comment pourrait-il ne pas accorder une attention toute particulière à ceux d'entre eux qui ont le plus besoin d'être aidés, aux plus démunis et aux plus vulnérables de nos concitoyens ; à ceux qui, pour des raisons sociales, culturelles, ethniques, ou même eu égard au quartier dans lequel ils habitent, se sentent abandonnés, rejetés ; à ceux qui, trop souvent, ne savent pas à quelle porte frapper ; à ceux qui ne connaissent pas leurs droits, sont parfois incapables de lire une circulaire ou de formuler une requête.
Aussi ai-je accepté la proposition du ministre délégué à la ville d'établir un partenariat en vue d'installer en trois ans, à partir du début de l'année 2000, 300 délégués du Médiateur au sein de ce que l'on appelle les « quartiers difficiles ». Ainsi, au cours de l'année 2000, 103 délégués ont été recrutés et ont pris leurs fonctions : 60 % d'entre eux sont des femmes, plusieurs dizaines sont d'origine étrangère. Tous, de par leur formation et leur expérience sur le terrain, connaissent les difficultés rencontrées par le public qu'ils ont pour vocation de servir.
La réunion qui a eu lieu, le 10 avril dernier, en présence du Premier ministre et du ministre délégué à la ville et avec la participation de plusieurs dizaines de ces nouveaux délégués nous a permis de constater que la mise en place de ce dispositif s'est effectuée dans de bonnes conditions, qu'il répondait effectivement à un besoin et à une attente et que, en coordination et dans un esprit de complémentarité avec les délégués du Médiateur déjà installés dans les préfectures, ces nouveaux délégués participent activement à la lutte contre l'exclusion et au combat pour la citoyenneté.
A cet égard, je tiens à remercier les nombreux élus, nationaux et locaux, qui, en liaison avec les préfets, les sous-préfets chargés de la politique de la ville et des services publics tels que La Poste et EDF, ont contribué à ce que les délégués de proximité soient installés dans de bonnes conditions et disposent des moyens nécessaires à l'accomplissement de leur tâche.
En second lieu, l'ouverture sur l'extérieur est également inhérente à la nature même de l'institution.
En effet, la citoyenneté, que celle-ci a pour vocation d'instaurer et de consolider, ne saurait se borner aux frontières de notre pays.
Ainsi, au cours de ces dernières années, de très nombreuses instances nationales de médiation ont vu le jour à travers le monde. La mise en place d'une institution indépendante ayant pour vocation de régler amiablement les conflits entre l'administration et les citoyens est en effet devenue, chez les peuples qui ont longtemps subi l'arbitraire ou le totalitarisme, le signe fort de l'avènement des libertés individuelles et de la démocratie.
Ce phénomène, dont il convient, bien entendu, de se réjouir, permet de constater que, en matière d'Etat de droit et de droits des citoyens, la France reste toujours une référence pour de nombreux pays et que, dans le domaine de la médiation, en particulier, elle jouit d'une considération certaine, aux Nations unies aussi bien qu'au Conseil de l'Europe.
C'est ainsi que, à la suite de mon prédécesseur, votre collègue Jacques Pelletier, j'ai contribué à l'installation d'un médiateur dans de nombreux pays. Au cours de ces dernières années, le Médiateur de la République française a apporté un concours actif, dans ce domaine, à des pays aussi divers que le Gabon, Haïti, le Vanuatu, le Kosovo, la Bosnie-Herzégovine, le Bénin, le Liban, la Bulgarie, la République tchèque, le Maroc, le Mali ou encore Andorre.
Est-il besoin d'ajouter que ce mouvement est aussi bénéfique pour la vitalité de la francophonie ? Jacques Pelletier avait pris l'initiative, avec son collègue québécois, de créer une association des médiateurs francophones, qui regroupe aujourd'hui les médiateurs de vingt-cinq pays, dont le siège social se situe à Paris, à la médiature, et dont le Médiateur de la République française est le secrétaire général.
Ce phénomène a également une dimension européenne, dont vous mesurez, j'en suis sûr, mesdames, messieurs les sénateurs, toute l'importance.
Le développement de la coopération entre les médiateurs de l'Union européenne - seuls, au sein de l'Union, l'Allemagne, le Luxembourg et l'Italie ne disposent pas d'une instance nationale de médiation - est, tout d'abord, une nécessité juridique.
En effet, au fur et à mesure que se développe la circulation des personnes et des biens à travers le territoire de l'Union européenne, le nombre de dossiers relevant de la compétence de plusieurs institutions nationales de médiation augmente considérablement. Par conséquent, c'est un effort de réflexion en commun qui s'impose à nous tous, afin d'harmoniser l'interprétation des textes et, éventuellement, de proposer aux instances compétentes des modifications législatives ou réglementaires.
C'est à cette fin que, en liaison avec le Médiateur de l'Union européenne, j'ai pris l'initiative de réunir tous les médiateurs européens et de jeter les bases d'une coopération permanente entre nous tous. Le développement de cette coopération entre les médiateurs de l'Union européenne est également une contribution à la construction d'une Europe qui ne doit pas être seulement une puissance économique, mais doit constituer aussi une communauté fondée sur des valeurs partagées, sur une même conception de l'Etat de droit, sur une ambition commune de renforcer les droits des citoyens et de revitaliser la démocratie.
Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les réflexions que m'inspire l'activité de l'institution dont j'assume la responsabilité depuis maintenant trois ans.
Le développement engagé supposait que des moyens nouveaux me soient consentis pour exercer ma mission. En effet, le budget de l'institution n'avait pas été prévu en fonction d'un tel développement, et son montant se révélait donc insuffisant. J'ai fait part de ce problème à M. le Président de la République, qui m'a entendu, ainsi qu'à M. le Premier ministre, qui m'a écouté. (Sourires.) Le chef du Gouvernement m'attribue, dès cette année 2001, des dotations supplémentaires, et il a donné des directives pour que mon budget pour 2002 connaisse une augmentation très importante.
M. André Maman. Très bien !
M. Bernard Stasi, Médiateur de la République. Dès lors, les conditions seront remplies pour que le Médiateur de la République puisse assurer aux représentants de la nation et aussi, à travers eux, aux citoyens la qualité de service qu'ils sont en droit d'attendre d'une institution de cette nature.
Bien entendu, cet effort devra être poursuivi au-delà de 2002. Je sais pouvoir compter sur votre soutien, mesdames, messieurs les sénateurs, et je tiens à vous en exprimer à l'avance ma vive gratitude.
Permettez-moi, pour conclure, de vous dire combien j'ai été heureux de m'exprimer devant vous aujourd'hui, en présence de M. Jacques Larché, qui a joué, me semble-t-il, un certain rôle dans la genèse de cette institution (Sourires) et en présence, bien entendu, de mon prédécesseur, M. Jacques Pelletier. Je suis heureux et fier de servir une institution qui bénéficie de la confiance et du soutien de la représentation nationale dans son ensemble, parce qu'elle est au service de ce qui nous unit, c'est-à-dire les valeurs de la République. (Applaudissements.) M. le président. Le Sénat vous donne acte de cette communication, monsieur le Médiateur.
M. Jacques Larché, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. Monsieur le président, mes chers collègues, il convient tout d'abord de saluer la présentation du rapport annuel qui nous a été faite aujourd'hui, et pour la première fois, en des termes excellents par le Médiateur de la République, M. Bernard Stasi. Nous lui adressons bien évidemment un très cordial salut.
Puis-je rappeler, comme il l'a très aimablement fait, un souvenir personnel ? La rédaction de la loi de 1973 fut, à l'origine, quelque peu improvisée, en une nuit de 1972, à la demande du Premier ministre, Pierre Messmer, qui souhaitait adapter l' ombudsman institué en Suède en 1809.
Au-delà de la rapidité de l'élaboration de ce texte, le Président de la République et le Premier ministre avaient parfaitement compris qu'il existait une attente dans l'opinion publique. Nos concitoyens faisaient savoir, comme ils l'avaient fait, ô combien, en 1968, qu'ils n'acceptaient plus d'être confrontés à certaines situations, de se heurter à des refus justifiés, parfois, par la stricte application du droit, alors qu'ils avaient le sentiment qu'une interprétation plus souple et plus compréhensive des faits et des textes pouvait conduire à des solutions plus équitables.
Le premier médiateur qui eut à faire vivre l'institution, à la faire accepter, ce qui n'était pas évident, et à la doter de l'autorité nécessaire, fut Antoine Pinay.
Lorsque cet homme d'Etat fut sollicité pour accepter cette fonction, la petite histoire raconte qu'il mit à son acceptation une seule condition : conserver son mandat de maire. (Exclamations sur les travées du RPR.) N'était-ce pas la preuve avant la lettre qu'un certain cumul des mandats n'est pas obligatoirement incompatible avec l'exercice de responsabilités éminentes ?
La procédure, qui se déroule à cet instant s'inspire de celle qui est suivie pour la présentation du rapport annuel de la Cour des comptes. Elle permettra de renforcer l'impact de votre rapport, monsieur le Médiateur, en lui conférant une plus grande solennité.
Le Médiateur peut attirer l'attention des deux assemblées, nous le savons tous, sur les dysfonctionnements révélés et, le cas échéant, il peut proposer des modifications législatives qui lui paraissent opportunes. Il va de soi, néanmoins, que nous n'aurons pas attendu les uns et les autres la solennité de ce rapport public pour prendre connaissance des travaux, ô combien remarquables, accomplis année après année dans le cadre de la Médiature.
Le nombre de réclamations reçues chaque année est passé de 1 773 en 1973 à plus de 45 000 actuellement et plus de 80 % des tentatives de médiation sont couronnées de succés, ce qui montre l'utilité de ces interventions.
Dans le même temps, monsieur le Médiateur, votre institution a connu une mutation profonde. En effet, désormais, ce sont des citoyens qui s'adressent à vous, des citoyens qui sont en quelque sorte les témoins involontaires des défauts de notre société, défauts qu'ils entendent à leur manière combattre et que vous les aidez à combattre. Ces défauts, nous le savons, sont l'anonymat, l'indifférence et la précarité.
Pour mieux remplir cette difficile mission, l'institution est désormais décentralisée et vous êtes assisté de 120 délégués départementaux. Par ce mouvement qui vous rapproche des citoyens et de leurs problèmes, vous apportez la preuve qu'un Etat, ou une institution ne peut normalement accomplir sa mission que par un comportement qui le rapproche des hommes et de leurs problèmes quotidiens.
Cependant, au-delà du traitement des réclamations individuelles, vous vous êtes également affirmé, monsieur le médiateur, en développant une fonction de proposition. Ce pouvoir de proposition constitue le complément logique de cette fonction d'intercession, qui est la vôtre, entre les citoyens et l'administration. Il a d'ailleurs connu un développement significatif depuis la création de l'institution.
La faculté d'autosaisine qui vous a été récemment reconnue vous ouvre de nouvelles perspectives, et je ne doute pas que cette compétence connaisse très bientôt de très fructueuses applications. Le Sénat avait d'ailleurs fermement soutenu l'instauration de cette autosaisine lors de l'examen du projet de loi qui l'a établie.
On compte ainsi une trentaine de propositions de réformes par an dont plus de 80 % donnent lieu à des modifications de textes législatifs ou réglementaires, les autres étant rendues publiques après un délai fixé par vous-même.
Parmi ces propositions de réforme, je pense à l'indemnisation des atteintes corporelles pour les victimes d'attentats, à l'élargissement de la bourse nationale des collèges et de l'allocation de rentrée scolaire à toutes les familles n'ayant qu'un enfant et dont les ressources sont inférieures au plafond réglementaire, à l'obligation pour le parent divorcé ou séparé ayant la garde des enfants de notifier son changement d'adresse, ainsi qu'au droit reconnu par la loi de lutte contre les exclusions aux personnes sans domicile fixe d'être inscrites sur les listes électorales et d'ouvrir un compte bancaire, et à l'inclusion, sur l'initiative du Sénat, de l'administration pénitentiaire dans le champ de la Commission nationale de déontologie de la sécurité instaurée par la loi du 6 juin 2000.
S'agissant plus particulièrement des réformes introduites par le Sénat à votre demande, je pense en particulier à la disposition de la loi du 26 janvier 1984 sur l'enseignement supérieur relative aux chargés d'enseignement qui venaient de perdre leur emploi et à une disposition de la loi du 18 décembre 1998 relative à l'accès au droit et à la résolution amiable des conflits accordant de plein droit le bénéfice de l'aide juridictionnelle aux anciens combattants pour les instances portées devant les juridictions compétentes en matière de pension militaire.
Il y aurait sans doute encore bien d'autres exemples à relever, mais l'énumération que je viens de faire montre, à l'évidence, la diversité de vos interventions et le caractère à la fois ponctuel et utile de ces interventions qui permettent de corriger quelquefois des points de détail, de ces points de détail qui, tant qu'ils ne sont pas résolus, « empoisonnent » - excusez-moi d'employer ce terme - réellement la vie de nos concitoyens.
Nous comptons d'ailleurs sur nos bancs votre prédécesseur, notre excellent collègue et ami Jacques Pelletier. Vous savez bien que vous trouvez en lui un très ardent défenseur des propositions de la Médiature.
Je constate, en outre, que vous avez développé une activité internationale, une activité européenne et une activité dans le domaine de la francophonie, ce qui ne manquera pas de satisfaire les Français installés à l'étranger dont vous savez qu'ils sont représentés au Sénat.
Le Parlement et la Médiature en tant qu'institutions entretiennent des liens étroits qui ne peuvent que se renforcer et l'on peut s'interroger sur la signification qui s'attache à ce que chacun, dans notre domaine, nous sommes appelés, de par nos fonctions, à faire.
Les propositions de la Médiature constituent, en définitive, une nouvelle source d'initiative législative qui ne peut que se développer utilement.
Médiateur et parlementaires : il s'établit entre nous une sorte de connivence. Les uns et les autres, nous sommes au contact de nos concitoyens et dans la collaboration qui s'établit entre nous lorsque nous déclenchons votre intervention, nous agissons ensemble dans l'intérêt commun ?
En un peu plus d'un quart de siècle, grâce à l'action personnelle de tous ceux qui vous ont précédé et à la vôtre dans la haute fonction que vous exercez aujourd'hui, la Médiature et le Médiateur sont devenus des pièces essentielles de notre vie administrative et de notre vie sociale.
A l'origine, elle a été accueillie - je le dis d'autant plus volontiers que des progrès énormes ont été accomplis - avec un certain scepticisme, voire avec une certaine méfiance. Son action a démontré que, par les décisions prises, en sachant respecter, et c'était difficile, les prérogatives jalousement défendues de chacun et les équilibres nécessaires de notre organisation administrative, elle a permis, en définitive, à l'ensemble des citoyennes et des citoyens de mieux voir reconnaître leurs droits et de se défaire de ce sentiment d'isolement et de solitude qui est trop souvent le leur. C'est en cela, vous l'avez noté, monsieur le Médiateur, que l'on peut dire que la Médiature, quotidiennement, sert bien la République. (Applaudissements.)
M. le président. Huissiers, veuillez raccompagner M. le Médiateur de la République.

(M. le Médiateur quitte l'hémicycle.)

4

MODERNISATION SOCIALE

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi (n° 185, 2000-2001), adopté par l'Assemblée nationale, de modernisation sociale.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'article 30.

Article 30



M. le président.
« Art. 30. - L'article L. 322-7 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les entreprises, dont l'effectif maximal est fixé par décret, qui souhaitent élaborer un plan de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences comprenant notamment des actions de formation destinées à assurer l'adaptation des salariés à l'évolution de leurs emplois peuvent bénéficier d'un dispositif d'appui à la conception de ce plan. Ce dispositif d'appui permettra la prise en charge par l'Etat d'une partie des frais liés aux études préalables à la conception du plan dans des conditions définies par décret. »
Par amendement n° 106, M. Gournac, au nom de la commission des affaires sociales, propose, dans la première phrase du texte présenté par cet article pour compléter l'article L. 322-7 du code du travail, après les mots : « des emplois et des compétences », d'insérer le mot : « professionnelles ».
La parole est à M. Gournac, rapporteur.
M. Alain Gournac, rapporteur. L'amendement n° 106 est un amendement de précision et de coordination avec l'amendement n° 105.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle. Je reprendrai l'argumentation de Mme Guigou tout à l'heure.
Le Gouvernement ne voit pas, là encore, de raison particulière pour limiter par l'adjonction de l'épithète « professionnelles » le concept de compétences tel qu'il figure dans l'expression consacrée de « gestion prévisionnelle des emplois et des compétences ».
Même si les compétences visées dans les plans de gestion prévisionnelle doivent être identifiées, développées, reconnues dans un contexte professionnel, elles peuvent intégrer des éléments de connaissance, de savoir-faire, d'expérience et de comportement acquis dans un environnement extra-professionnel.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 106, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 30, ainsi modifié.

(L'article 30 est adopté.)

Article 31



M. le président.
« Art. 31. - I. - Après le premier alinéa de l'article L. 321-4-1 du même code, il est inséré trois alinéas ainsi rédigés :
« Dans les entreprises où la durée collective du travail des salariés est fixée à un niveau supérieur à trente-cinq heures hebdomadaires ou supérieur à 1 600 heures sur l'année, l'employeur, préalablement à l'établissement du plan social et à sa communication en application de l'article L. 321-4 aux représentants du personnel, doit avoir conclu un accord de réduction du temps de travail portant la durée collective du travail des salariés de l'entreprise à un niveau égal ou inférieur à trente-cinq heures hebdomadaires ou à 1 600 heures sur l'année.
« A défaut, il doit avoir engagé des négociations tendant à la conclusion d'un tel accord. A cet effet, il doit avoir convoqué à la négociation les organisations syndicales représentatives dans l'entreprise et fixé le lieu et le calendrier des réunions. Il doit également leur avoir communiqué les informations nécessaires pour leur permettre de négocier en toute connaissance de cause et avoir répondu aux éventuelles propositions des organisations syndicales.
« Lorsque le projet de plan social est présenté au comité d'entreprise, ou à défaut aux délégués du personnel, sans qu'aient été respectées les conditions prévues au deuxième ou troisième alinéa du présent article, le comité d'entreprise, ou à défaut les délégués du personnel, peuvent, jusqu'à l'achèvement de la procédure de consultation prévue par l'article L. 321-2, saisir le juge statuant en la forme des référés en vue de faire prononcer la suspension de la procédure. Lorsque le juge suspend la procédure, il fixe le délai de la suspension au vu des éléments qui lui sont communiqués. Dès qu'il constate que les conditions fixées par le deuxième ou le troisième alinéa du présent article sont remplies, le juge autorise la poursuite de la procédure. Dans le cas contraire, il prononce, à l'issue de ce délai, la nullité de la procédure de licenciement. »
« II. - A l'article L. 321-9 du même code, les mots : "L. 321-4-1, à l'exception du deuxième alinéa," sont remplacés par les mots : "L. 321-4-1, à l'exception des deuxième, troisième et quatrième alinéas,". »
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 107, M. Gournac, au nom de la commission des affaires sociales, propose de supprimer cet article.
Par amendement n° 376, Mme Borvo, MM. Muzeau, Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de compléter in fine la dernière phrase du dernier alinéa du I de cet article par les mots : « et à la demande du salarié sa réintégration. »
La parole est à M. Gournac, rapporteur, pour défendre l'amendement n° 107.
M. Alain Gournac, rapporteur. L'article 31 reprend, en les modifiant, les termes de l'« amendement Michelin », voté lors de la discussion de la loi « Aubry II » et déclaré non conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel.
Il instaure une obligation pour l'employeur de négocier préalablement à l'établissement d'un plan social un accord de réduction du temps de travail à 35 heures hebdomadaires ou à une durée équivalente sur l'année.
Vous vous en souvenez, le Sénat avait supprimé cette disposition lors du débat sur la loi Aubry II, marquant ainsi sa préférence pour le recours à une réduction du temps de travail librement négociée par les partenaires sociaux en lieu et place de l'abaissement de la durée légale.
Les objections sur cet article sont nombreuses.
Tout d'abord, la mise en place de la réduction du temps de travail nécessite du temps pour être négociée, temps dont ne dispose pas forcément une entreprise en difficulté. Par ailleurs, le texte comprend de nombreuses zones d'ombre concernant, par exemple, la portée de la nullité de la procédure de licenciement. Enfin, cet article traduit une grande méfiance envers les partenaires sociaux et les chefs d'entreprise, qui sont supposés incompétents pour définir les moyens de limiter les licenciements.
L'ensemble de ces arguments amène la commission à vous proposer d'adopter un amendement de suppression de l'article 31.
M. le président. La parole est à M. Muzeau, pour défendre l'amendement n° 376.
M. Roland Muzeau. L'article 31 du présent projet de loi prévoit qu'avant la présentation d'un plan social l'employeur est tenu d'avoir conclu ou engagé des négociations sur la réduction du temps de travail.
Nous connaissons tous l'origine de cette disposition introduite à l'Assemblée nationale, voilà deux ans, par le biais d'un amendement au projet de loi relatif à la réduction négociée du temps de travail, à la suite de ce qu'il est désormais convenu d'appeler « l'affaire Michelin ».
Je rappelle la concomitance des annonces, par le groupe, de 2 milliards de francs de bénéfices et de 7 500 suppressions d'emplois !
Considérant que la réduction du temps de travail pouvait, à juste titre, être un moyen de prévenir les licenciements, les parlementaires communistes avaient alors largement soutenu cette disposition, tentant même de transformer l'obligation de moyens mise à la charge de l'employeur - le recours à la négociation - en obligation de résultat - la conclusion d'un accord.
Vous vous étiez alors, messieurs de la majorité sénatoriale, farouchement opposés à cette mesure jugée inopérante, trop rigide pour les entreprises ; M. Gournac vient de le rappeler à l'instant même.
Retoquée par le Conseil constitutionnel en raison non pas de son caractère inopportun, mais de l'imprécision de sa rédaction, la disposition, complétée, est aujourd'hui en passe d'être réintroduite.
La droite sénatoriale fait preuve d'une réelle constance puisque M. le rapporteur propose à nouveau, au nom de la commission des affaires sociales, de supprimer cette disposition, qui est pourtant, selon nous, de nature à préserver des emplois, voire à en créer !
Dans ces conditions, vous le comprendrez, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen ne vous suivront pas et voteront, par conséquent, contre cet amendement de suppression.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 376 ?
M. Alain Gournac, rapporteur. La commission y est défavorable, car il est incompatible avec l'amendement n° 107 que je viens de défendre, monsieur le président.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 107 et 376 ?
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je considère d'abord que, bien qu'ils fassent l'objet d'une discussion commune, ils sont d'inspiration extrêmement différente ! ( Sourires.)
L'amendement n° 107 tend à supprimer l'article 31, qui a été voté par l'Assemblée nationale en première lecture et qui montre bien que nous avons anticipé les événements récents. En effet, nous avons déposé le texte à l'Assemblée nationale le 24 mars 2000 et cette dernière a adopté une disposition obligeant l'entreprise à négocier les 35 heures préalablement à tout projet de licenciements économiques. Cette démarche vise, bien évidemment, à prévenir ou à empêcher de tels licenciements.
Le Gouvernement ne peut donc être que très défavorable à la suppression de l'article 31, car, selon lui, la réduction de la durée du travail à 35 heures hebdomadaires ou à une durée réputée équivalente doit être considérée comme un moyen privilégié pour éviter les licenciements.
J'ajoute que nous avons adopté une rédaction équilibrée puisque, à défaut d'accord, nous avons prévu que des négociations devraient être engagées. Le moyen de prévenir, voire d'empêcher, les licenciements, doit donc impérativement être conservé dans la loi.
Bien que la philosophie de l'amendement n° 376 soit la même que la nôtre, nous ne pouvons pas envisager, pour notre part, de donner au tribunal de grande instance, saisi par le comité d'entreprise ou les délégués du personnel en application des dispositions de l'article amendé, le pouvoir d'ordonner la réintégration du salarié, alors qu'il s'agit d'une mesure à caractère individuel qui relève du conseil de prud'hommes. D'ailleurs, lorsque le tribunal de grande instance statue en la forme des référés sur la demande de suspension de la procédure prévue par l'article, cette procédure n'est en principe pas encore achevée et aucun licenciement n'a pu encore intervenir.
La demande de réintégration du salarié ne pourrait donc, à ce moment-là en tout cas, être prise en considération. Voilà pourquoi nous pensons que cet amendement n° 376 n'est pas opportun.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 107.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Dieulangard.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. La commission des affaires sociales propose de supprimer l'article issu de l'amendement « Michelin » déposé par notre collègue Odile Saugues à l'Assemblée nationale. Si notre rapporteur a parfaitement resitué la genèse de cet article sur le plan juridique, nous voudrions rappeler quelle fut sa genèse sociale.
C'est que, à l'image d'autres entreprises, Michelin, dont on connaît la tradition de dialogue social, procède depuis une dizaine d'années à des milliers de licenciements et à des fermetures d'usine sur notre territoire. Dans le même temps, l'entreprise procède à des créations d'unités de production dans les pays émergents.
Dans ce contexte, notre collègue n'a fait que proposer, durant la période qui nous sépare du premier janvier 2002, d'appliquer la loi mais, je vous l'accorde, au bénéfice des salariés.
Le code du travail prévoit que la réduction du temps de travail fait partie des mesures d'accompagnement du plan social. L'article 31 prévoit que la RTT doit être en cours de négociation, ou en application, avant la mise en oeuvre du plan social, c'est-à-dire en amont. Je rappelle que c'est d'ailleurs ce qu'a entrepris de faire Michelin après l'adoption de ce texte, ce qui devrait prouver, à vos yeux, la pertinence de cette disposition.
Dans le contexte particulier qui est celui de ce débat, nous tenons surtout à souligner deux points.
En premier lieu, les entreprises, singulièrement les plus importantes, qui ont davantage de moyens de pression sur les gouvernements bénéficient d'aides sous diverses formes.
En second lieu, les plan sociaux sont largement financés sur des fonds publics. Il est dans ces conditions normal que le Gouvernement et le Parlement veillent à la fois à ce que l'on ne déclenche pas sans raison cette procédure - nous y reviendrons - et à ce que des règles soient fixées pour mettre un peu de morale dans tout cela.
Au demeurant, dans quelques mois, la réduction du temps de travail sera devenue effective dans toutes ces entreprises. On aurait donc pu trouver l'article 31 presque superflu. L'actualité nous montre qu'il n'en est rien et que la défense des salariés ne tolère pas qu'on laisse passer la moindre faille. L'amendement d'Odile Saugues revêt, dans ce contexte, une particulière importance.
M. Roland Muzeau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Muzeau.
M. Roland Muzeau. Le quatrième alinéa du paragraphe I de l'article 31 reconnaît aux institutions représentatives du personnel le droit de saisir le juge statuant en référé en vue de faire prononcer la suspension de la procédure. Celle-ci peut être levée dès que l'employeur satisfait à ces obligations. A défaut, et à l'issue du délai fixé, le juge prononce la nullité de la procédure de licenciement.
Afin de lever toute ambiguïté quant à la réelle portée de la nullité de la procédure de licenciement, et conformément d'ailleurs à la jurisprudence « Samaritaine », nous proposons par cet amendement la réintégration des salariés, en lien d'ailleurs avec l'un de nos amendements posant de manière générale le principe de réintégration du salarié comme sanction du non-respect des règles de consultation, d'information en matière de licenciement économique.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 107, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 31 est supprimé et l'amendement n° 376 n'a plus d'objet.

Articles additionnels après l'article 31



M. le président.
Par amendement, n° 412, le Gouvernement propose d'insérer, après l'article 31, un article additionnel ainsi rédigé :
« Il est créé au titre III du livre deuxième du code de commerce un chapitre VIII ainsi rédigé :
« Chapitre VIII - Des licenciements.
« Art. L. 238-1. - Toute cessation d'activité d'un établissement ou d'une entité économique autonome employant plus de cent salariés doit être précédée, lorsque cette cessation n'est pas imputable à une liquidation de la société dont relève l'établissement, d'une décision des organes de direction et de surveillance dans les conditions définies ci-dessous.
« Cette décision est prise après les consultations du comité d'entreprise prévues par le second chapitre du troisième titre du livre IV du code du travail et avant celles prévues par le premier chapitre du second titre du livre III du même code. Les organes de direction et de surveillance de la société statuent sur présentation d'une étude d'impact social et territorial relative aux conséquences directes et indirectes qui s'attachent à la fermeture de l'établissement ou de l'entité économique autonome et aux suppressions d'emplois qui pourraient en résulter.
« Le contenu de cette étude d'impact social et territorial est défini par décret en Conseil d'Etat. »
La parole est à Mme le ministre.
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. C'est le premier amendement que j'ai l'honneur de vous présenter pour renforcer le texte adopté en première lecture par l'Assemblée nationale.
Il a pour objet - pour la première fois, et de façon novatrice, je le souligne - d'étendre la responsabilité sociale des organes dirigeants des entreprises aux conséquences de leurs décisions sur les salariés et sur les territoires où ils agissent.
Ainsi, avant de décider d'un projet de restructuration, les dirigeants devront donner une fiche d'impact social et territorial destinée à éclairer leurs choix. Ce n'est pas une disposition de pure forme, au contraire, puisque l'absence de cette fiche pourra entacher la décision d'irrégularité.
Cet amendement touche donc aux règles de gouvernance des entreprises. Il importe que tous les membres des conseils d'administration et des conseils de surveillance connaissent la portée de leurs décisions. Il n'y a pas de solution ou de voie unique. La contradiction entre les points de vue pourra ainsi s'exprimer.
L'impact social ne se réduira pas aux emplois. Il porte aussi sur l'image à l'égard des clients et des consommateurs. C'est donc l'ensemble de ces points de vue que la fiche d'impact social et territorial pourra apprécier.
En outre, il s'agit d'un élément fondamental qui permettra aux représentants des salariés de discuter précisément du bien-fondé des projets de restructuration envisagés par les dirigeants des entreprises.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. La commission a examiné avec attention cet amendement, qui instaure une étude d'impact social et territorial consécutive à un projet de cessation d'activité d'une entreprise employant plus de cent salariés.
Cette disposition présuppose que les dirigeants d'une entreprise ne prennent pas en compte les conséquences sociales et locales dans leurs décisions, ce qui reste encore à démontrer. On ne saurait faire un cas général des annonces récentes concernant plusieurs plans sociaux.
De plus, cette disposition, dont le contenu est assez flou, semble particulièrement difficile à appliquer et d'une utilité douteuse.
En outre, je n'ai pas bien compris quel était le délai imparti pour l'élaboration du rapport.
En conclusion, la commission est défavorable à l'amendement n° 412.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 412.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Dieulangard.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Cet amendement est particulièrement intéressant par la richesse de ses implications. On voit bien l'intention initiale, qui est double et qui fait qu'il trouve sa place dans la partie du projet de loi consacrée à la prévention des licenciements. Il s'agit à la fois de s'assurer que les organes dirigeants de l'entreprise ont bien pris toute la mesure des conséquences sociales de la cessation d'activité d'un établissement ou d'une entité économique autonome et de réduire les dégâts que provoque cette décision.
Au-delà de la démarche de protection des salariés, qu'il faut souligner, il s'agit de responsabiliser l'employeur aux conséquences extérieures à l'entreprise, l'exercice de cette responsabilité devant aboutir à soutenir non seulement les salariés, mais également leur univers social et territorial, ce qui est très important.
On ne peut pas admettre que soit prise de façon isolée une décision de cessation d'activité dès lors que celle-ci, de par la taille de l'établissement, peut avoir des effets désastreux, au-delà de la situation individuelle des salariés. Il faut que soit pris en compte un contexte économique plus large. Les mérites des entreprises ne viennent pas que d'elles-mêmes ; ils tiennent aussi à la qualité de leur environnement social et territorial, qu'elles ne doivent pas dégrader.
Concernant l'impact social et territorial, il faut veiller à ce que soient maintenues des compétences sur les sites et autour de ceux-ci afin qu'ils restent attractifs et soient réindustrialisés.
De même, il faut que soit prise en compte la nécessité de maintenir un marché de consommation afin que les licenciements de plus de 100 salariés ne se traduisent pas par une désertification qui entraînerait des fermetures d'autres activités et qui aggraverait les inégalités sociales et territoriales.
A cet égard, il faut non seulement prendre en compte l'échelle locale, mais aussi se projeter au niveau européen. L'Europe peut être forte et, pour être porteuse de croissance et de développement durable, elle doit pouvoir fonctionner sur des réseaux internes de compétences les plus complets possibles et sur une plus grande homogénéité de la répartition des richesses.
Cet amendement aura des effets très intéressants. Ainsi, les dirigeants qui voudront faire cesser une activité devront inverser l'analyse qui les a conduits lorsqu'ils ont pris la décision de la créer.
Autrement dit, les organes de direction et de surveillance devront travailler, à partir de la consultation du comité d'entreprise, à laisser le site aussi attractif qu'ils l'ont trouvé et apprécié. Ce n'est pas seulement à l'Etat et aux collectivités territoriales d'assumer cette exigence de valorisation de l'environnement social et économique : les entreprises doivent en prendre leur part, poussées et soutenues au niveau de l'Europe, laquelle tient là une occasion d'affirmer sa légitimité auprès de nos concitoyens. ( Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Philippe Marini. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini. Je suis très étonné du dépôt de cet amendement, car j'ai le souvenir que nous avons abordé des dispositions analogues ou de même portée lors de l'examen du projet de loi sur les nouvelles régulations économiques, que le Sénat a examiné en première lecture, puis en nouvelle lecture tout récemment.
De toute façon, les initiatives du Gouvernement en la matière me paraissent singulièrement erratiques : lors de la première lecture de ce projet de loi relatif aux nouvelles régulations économiques, le Gouvernement souhaitait - je tiens à le rappeler - que le comité d'entreprise reçoive une action de la société pour lui permettre d'exercer des droits nouveaux, lesquels, manifestement, posaient toute une série de problèmes juridiques, à telle enseigne que, lors de l'examen en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale, le Gouvernement a renoncé à ce qu'il avait suggéré en premier lieu.
Dans ce projet de loi relatif aux nouvelles régulations économiques, figure, si ma mémoire est bonne, le principe d'un rapport qui doit être soumis au comité d'entreprise, conférant à celui-ci des moyens supplémentaires d'information et d'investigation. J'ai donc le sentiment que l'amendement n° 412, présenté par Mme Guigou, qui était garde des sceaux il n'y a pas si longtemps, est redondant par rapport à un débat qui a déjà eu lieu dans les deux assemblées.
Je ne suis, bien évidemment, pas dupe de cette démarche, qui s'inscrit dans le cadre d'une gesticulation beaucoup plus générale, interne à la majorité plurielle et dont on a pu entendre une expression tout à l'heure, après d'autres qui ont été encore plus véhémentes d'ailleurs puisque, manifestement, cette majorité plurielle a, sur les problèmes d'adaptation de l'appareil productif et d'évolution de l'emploi, plusieurs façons de voir les choses ; permettez-moi de le dire avec beaucoup de modération.
En conséquence, mes chers collègues, la position de la commission me semble frappée au coin du bon sens. Elle me semble même assez conforme à certaines positions prises tout récemment par le Gouvernement lui-même.
Je terminerai en rappelant que tous les dispositifs qui ajoutent des prescriptions administratives nouvelles, des sanctions et des contrôles nouveaux, s'ils donnent dans l'immédiat l'illusion de pouvoir préserver des emplois, risquent, à la vérité, de dissuader des chefs d'entreprise, notamment de petites et moyennes entreprises, de créer de nouveaux emplois et risquent de nuire à l'implantation d'investissements sur notre territoire national.
Mes chers collègues, il est vraiment trop facile de faire des effets de manche avec des dispositions qui, dans l'immédiat, flattent l'opinion, dont les réactions sont bien naturelles, alors que notre devoir de législateur, comme celui du Gouvernement, est d'expliquer la réalité des choses et de ne pas vendre d'illusions à nos concitoyennes et à nos concitoyens.
Au demeurant, tant la commission que notre collègue Gérard Larcher ont insisté sur le fait qu'il existe une autre voie que celle de la contrainte, à savoir celle du contrat, de l'entente des partenaires sociaux qui, par le biais de commissions collectives, dans de nombreuses branches de notre économie, fonctionne bien et fonctionnera largement aussi bien que ce que le Gouvernement nous propose aujourd'hui.
Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, il nous faut rejeter avec force le dispositif de circonstance dont nous voyons ici le premier avatar... avant un certain nombre d'autres. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. On comprend bien l'objectif de cet amendement, mais M. le rapporteur a relevé un certain flou dans son application et je partage cette appréciation.
En effet, à la fin il est indiqué : « Le contenu de cette étude d'impact social et territorial est défini par décret en Conseil d'Etat. » Soit, mais quel organisme va procéder à cette étude ? Est-ce la direction de l'entreprise, ou est-ce un conseil extérieur ?
M. le rapporteur s'est également demandé dans quels délais cette étude devait être rendue. En effet, ne peut-on craindre que, cette étude n'étant pas rendue, la prise de décision soit retardée ?
M. Gérard Delfau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je ne pensais pas qu'un dispositif ausi simple, tel que celui que nous avons l'habitude d'appliquer dans chacune de nos municipalités, puissent justifier tant d'inquiétude et provoquer tant de discours. Mon cher collègue Marini, revoyons comment les choses se présentent.
Tout d'abord, il s'agit d'établissements en difficulté de plus de cent salariés. Cette disposition ne touche bien évidemment ni les très petites entreprises, ni même les moyennes entreprises, en tout cas pas l'essentiel des entreprises de ma région. Mais il est vrai que je n'habite pas l'Ile-de-France ni la région Rhône-Alpes.
Une entreprise de cent salariés est déjà une entreprise importante, qui a un capital, qui a un savoir-faire, qui a une histoire. Si elle connaît des difficultés - et là nous arrivons au coeur du problème - va-t-elle les reporter sur le contribuable par les fonds publics que les licenciements vont déclencher ou encore sur les collectivités locales ? Nous devons être sensibles à cet aspect du problème, nous, sénateurs, si attachés à l'équilibre budgétaire de nos communes.
Il n'est pas dit dans cet amendement que, une fois cette étude d'impact social et territorial réalisée, il n'y aura pas de licenciements. Il est simplement dit que, comme cela a lieu pour bien d'autres dispositifs de type urbanistique ou environnemental, avant toute décision devront être évalués très exactement les dommages qui en résulteront pour le contribuable par le biais du budget de la nation, mais aussi pour le contribuable local, car il se trouve que ces entreprises ne sont pas des entreprises hors-sol, elles sont territorialisées, elles peuvent provoquer de véritables séismes.
Je ne vois pas en quoi nos collègues de la majorité sénatoriale pourraient s'émouvoir de cet amendement. Il est de bon sens et, au fond, je me demande pourquoi ils ne l'ont pas eux-mêmes déjà proposé.
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je ne peux que m'associer à l'excellente analyse que vient de faire Gérard Delfau et dire à M. Marini, qui est d'ordinaire un censeur vigilant des obligations supplémentaires que l'on impose aux contribuables, en sa qualité de rapporteur général de la commission des finances du Sénat, que, précisément, par nos propositions, dont celle-ci, nous faisons en sorte que l'entreprise assume toutes ses responsabilités et ne se défausse pas simplement sur l'Etat du soin de réparer les dégâts. Cela suppose que soit établi un diagnostic et qu'une discussion s'instaure sur les conséquences prévisibles de toute décision.
Il est facile de restructurer, de fermer des sites, sans avoir à s'expliquer sur les conséquences sociales et territoriales qui en découleront, à charge ensuite pour l'Etat, les syndicats et les collectivités locales de réparer les effets des dégâts provoqués.
Cet amendement, comme bien des dispositions que nous allons proposer, procède donc aussi du souci de voir partager la responsabilité et les conséquences financières des décisions prises.
J'ajouterai, à l'intention de M. Marini, que les propositions contenues dans cet amendement ne font pas double emploi avec les dispositions de la loi sur les nouvelles régulations économiques puisque cette dernière, vous le savez très bien, traite des pouvoirs des comités d'entreprise en matière d'OPA - offre publique d'achat - et d'OPE - offre publique d'échange. Par conséquent, les deux textes sont tout à fait complémentaires.
M. Alain Gournac, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Gournac, rapporteur.
M. Alain Gournac, rapporteur. Monsieur le président, je voudrais demander à Mme le ministre de bien vouloir répondre à la question qu'a posée M. le président de la commission : qui réalise cette étude ?
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Le président du conseil d'administration fait réaliser cette enquête sous sa responsabilité. Vous qui êtes tellement soucieux, messieurs, d'éviter une trop grande réglementation, vous serez d'accord avec moi : ménageons une certaine souplesse, à charge pour les représentants des salariés de discuter.
Cela légitime, naturellement, les autres dispositions que nous prévoyons pour permettre aux représentants des salariés, sur la base d'expertises payées par l'entreprise, mais certainement réalisées par des experts indépendants, de pouvoir discuter. Avec cette mesure, ils disposeront déjà d'un premier document qui accompagnera l'annonce du projet par le chef d'entreprise.
M. Bernard Murat. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Murat.
M. Bernard Murat. Je trouve l'explication de Mme le ministre d'une clarté tout à fait biblique ! Dans la mesure où aucune nouvelle structure n'est créée on ne peut pas accuser le Gouvernement de « charger la barque ».
Mais - et, en l'occasion, on regrette qu'il n'y ait pas de chefs d'entreprise dans cet hémicycle - qui peut croire que le président d'un conseil d'administration prendra des décisions de cet ordre sans avoir tenu compte de tous les paramètres qui figurent dans le projet de loi ? Ce serait méconnaître totalement le fonctionnement d'une entreprise !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 412, repoussé par la commission.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 377, Mme Borvo, MM. Muzeau, Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 31, un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans le premier alinéa de l'article L. 321-11 du code du travail, le montant : "25 000 francs" est remplacé par le montant : "50 000 francs". »
La parole est à M. Muzeau.
M. Roland Muzeau. L'objectif de cet amendement est de rappeler que des sanctions pénales - contraventionnelles, en l'occurrence - peuvent être infligées à l'employeur qui ne respecte pas les règles du licenciement économique.
Ces amendes, qui s'élèvent actuellement à 25 000 francs par salarié concerné, ne sont pas souvent appliquées par les tribunaux. Ce taux, fixé en 1986, mérite d'être relevé à 50 000 francs pour conserver un caractère dissuasif.
L'intervention du législateur rappellera aux instances judiciaires l'existence de ces dispositions et permettra ainsi de rappeler à la raison un certain nombre d'employeurs tentés par une fuite en avant trop libérale.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Je souhaiterais entendre d'abord l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est, donc, l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je vais m'en remettre à la sagesse du Sénat, tout en indiquant que, d'une façon générale, je ne suis pas favorable à ce que l'on pénalise l'ensemble des relations dans notre pays. Pour avoir exercé les fonctions de garde des sceaux, je sais à quel point c'est souvent la solution de facilité.
M. Bernard Murat. Très bien !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je ne sais pas si une amende de 50 000 francs serait réellement plus dissuasive qu'une amende de 25 000 francs. La peine de prison, qui est possible, me semble plus dissuasive.
En vérité, je crois beaucoup plus à l'efficacité des réparations civiles - et c'est la raison pour laquelle je fais une distinction entre pénalisation et judiciarisation - qui sont constituées par des indemnités à verser aux salariés, par le risque de devoir les réintégrer, par l'obligation de recommencer la procédure, par les risques auxquels s'exposent les employeurs en cas de reconnaissance de l'irrégularité de la procédure suivie.
Sans aller jusqu'à estimer que des sanctions ne sont pas nécessaires, je pense que les réparations susceptibles d'être infligées au civil, même si elles sont moins symboliques, sont plus dissuasives que les sanctions qui peuvent être prononcées au pénal.
M. le président. Quel est, maintenant, l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Notre collègue Roland Muzeau nous a dit tout à l'heure que les entreprises étaient rarement condamnées. Dès lors, je ne vois pas la différence entre être rarement condamné à 25 000 francs et rarement condamné à 50 000 francs ! De toute façon, je suis, comme Mme le ministre, contre cette pénalisation.
La commission des affaires sociales a émis un avis défavorable.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 377.
M. Jean Chérioux. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux. Mme la ministre nous a dit d'emblée qu'elle s'en remettait à la sagesse du Sénat, mais, des explications qu'elle a ensuite fournies, je conclus qu'elle s'en remet davantage à la sagesse de la majorité de notre assemblée qu'à celle des auteurs de l'amendement ! (Sourires.) Je crois qu'il convient de suivre cette incitation et, en même temps l'avis de M. le rapporteur, c'est-à-dire de s'opposer à cet amendement.
M. Bernard Murat. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Murat.
M. Bernard Murat. Je crois qu'on pourrait résumer les propos que tiennent M. Muzeau et ses collègues du groupe communiste républicain et citoyen dans la formule suivante : « Les patrons en prison ! »
M. Jean Chérioux. C'est pour les titres de l'Huma !
M. Guy Fischer. Nous ne l'avons pas dit !
M. Bernard Murat. Je caricature, je vous l'accorde, et je sais que ce n'est pas ce que vous pensez. Mais je vous assure que c'est l'impression que vous pouvez donner à des observateurs extérieurs.
Cela étant précisé, permettez-moi, chers collègues, de vous poser une question : comment le journal l'Humanité a-t-il agi lorsqu'il a procédé à des licenciements ?
M. Philippe Marini. A-t-on fait une étude d'impact ? (Sourires.)
M. Roland Muzeau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Muzeau.
M. Roland Muzeau. Je fais, bien entendu, la part à la provocation sympathique qu'il y avait dans l'intervention de M. Murat. Mais celui-ci sait aussi bien que moi que le journal l'Humanité ne figure pas au nombre des groupes multinationaux qui engrangent des bénéfices...
M. Jean Chérioux. Ce n'est pas une réponse !
M. Philippe Marini. Il est certain que l'Humanité n'engrange pas de bénéfices !
M. Roland Muzeau. ... et qui procèdent à des licenciements. Sinon, il serait frappé par les mesures que nous proposons nous-mêmes !
M. Bernard Murat. Et qu'en pensent les journalistes qui ont été licenciés ?
M. Roland Muzeau. Le risque que le journal l'Humanité court aujourd'hui, c'est tout simplement de disparaître, et c'est la liberté de la presse qui en souffrirait. Je ne pense pas que quiconque dans cet hémicycle pourrait s'en trouver satisfait.
M. Bernard Murat. Répondez-nous sur la méthode ! Pour les journalistes, le résultat est le même !
M. Roland Muzeau. Plus sérieusement, et pour répondre à l'argumentation qu'a développée Mme la ministre, je reconnais que cette mesure n'a guère de caractère dissuasif dans la mesure où elle n'est quasiment jamais appliquée. Mais je pense aussi qu'il n'est pas inutile de déclencher quelques clignotants symboliques.
J'ajoute que la pénalité financière actuellement prévue date de près de dix-sept ans : il n'est tout de même pas scandaleux d'en réactualiser le montant !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 377, repoussé par la commission et pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Section 2

Droit à l'information
des représentants du personnel

Article additionnel avant l'article 32



M. le président.
Par amendement n° 413, le Gouvernement propose d'insérer, avant l'article 32, un article additionnel ainsi rédigé :
« Au second alinéa de l'article L. 321-3 du code du travail, les mots : "Sans préjudice des dispositions de l'article L. 432-1." sont remplacés par les mots suivants : "Après achèvement de la procédure de consultation prévue par le Livre IV du présent code, telle qu'elle résulte notamment de ses articles L. 431-5, L. 432-1 et L. 432-2, et, le cas échéant, après adoption par les organes de direction et de surveillance de la société, de la décision prévue par l'article L. 238-1 du code de commerce," »
La parole est à Mme le ministre.
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Il s'agit de mieux distinguer les deux phases d'intervention du comité d'entreprise : d'abord, sur le projet même du chef d'entreprise et son bien-fondé, donc antérieurement à la décision de restructuration pouvant entraîner des licenciements, ensuite, sur les conséquences de ce projet s'il est maintenu à l'issue de la première phase.
Je crois cet amendement important parce qu'il rompt avec une certaine confusion ou imprécision de la loi sur les procédures prévues au livre IV et au livre III du code du travail.
Paradoxalement, la procédure du livre IV concerne la phase antérieure à celle du livre III puisqu'elle vise à faire en sorte que les salariés puissent, en principe, être consultés et informés sur un projet de restructuration, la procédure du livre III concernant, elle, les conséquences de la décision.
Si cet amendement est adopté, nous pourrons voir se manifester plus clairement le droit des représentants du personnel de demander des comptes et de discuter de façon contradictoire de la stratégie même de l'entreprise. Trop d'employeurs pensent en effet pouvoir cantonner le rôle des délégués au traitement des conséquences sociales des actes de gestion.
Cet amendement est une manifestation de notre volonté de démocratie économique et sociale dans l'entreprise en ce qu'il permet de donner la parole aux représentants des salariés sur des sujets majeurs qui concernent des choix stratégiques pour l'entreprise.
L'amendement n° 414, je le précise tout de suite, complétera cette clarification des principes du droit par le renforcement des moyens du comité d'entreprise pour que la discussion sur la décision de l'entreprise se fasse dans le respect de l'équilibre des pouvoirs, un équilibre amélioré au bénéfice des salariés.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Cet amendement fait référence à l'article L. 238-1 du code de commerce que visait à créer l'amendement n° 412, lequel tendait à instaurer l'obligation de mener une étude d'impact social et territorial préalablement à la fermeture d'un site, mais qui n'a pas été adopté par le Sénat. Dès lors, l'amendement n° 413 est appelé à connaître le même sort, d'autant que les autres dispositions proposées ne constituent qu'une reprise de la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation. Cette jurisprudence ne se trouvera évidemment pas modifiée du fait de la non-adoption de cet amendement.
La commission des affaires sociales a donc émis un avis défavorable.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 413.
M. Jean Chérioux. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux. Je suivrai la commission, car les arguments de M. le rapporteur sont excellents.
Cela dit, j'ai eu plaisir à entendre Mme le ministre développer, en quelque sorte, la philosophie de la participation. Ce n'est pas si fréquent ! (Sourires.)
M. Guy Fischer. Mais vous allez tout de même voter contre l'amendement !
M. Jean Chérioux. Je voudrais ajouter un mot à l'attention de M. Muzeau, qui a en fait justifié les licenciements auxquels a procédé le journal l'Humanité. Il nous a expliqué que si l'Humanité disparaissait, ce serait terrible pour la liberté de la presse. Mais, mon cher collègue, croyez-vous que ce n'est pas grave, qu'une entreprise disparaisse, même s'il ne s'agit pas d'une entreprise de presse ? Croyez-vous que ce n'est pas grave lorsque non pas quatre-vingt-dix mais cent cinquante ou deux cents salariés sont licenciés parce que l'on n'a pas pris des bonnes mesures au bon moment ? (M. Legendre applaudit.)
Mme Nicole Borvo. Bien sûr que c'est grave !
M. Guy Fischer. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen voteront cet amendement, qui va dans le sens du renforcement de la procédure de contrôle du bien-fondé du plan de licenciements avant qu'il ne soit effectivement mis en oeuvre. Cet amendement est un pas dans le bon sens, même s'il est timide.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 413, repoussé par la commission.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article additionnel avant ou après l'article 32



M. le président.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 414, le Gouvernement propose d'inserer, après l'article 32, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le deuxième alinéa de l'article L. 432-1 du code du travail est remplacé par les dispositions suivantes :
« Le comité d'entreprise est obligatoirement informé et consulté sur les projets de restructuration et de compression des effectifs. Il émet un avis sur l'opération projetée et ses modalités d'application et peut formuler des propositions relatives à la situation et aux perspectives économiques de l'entreprise. Cet avis et ces propositions sont transmis à l'autorité administrative compétente.
« Le comité d'entreprise peut se faire assister d'un expert-comptable dans les conditions prévues au premier alinéa de l'article L. 434-6.
« L'employeur est tenu de fournir au comité d'entreprise une réponse motivée aux propositions émises au cours d'une seconde réunion qui se tient dans un délai minimal de quinze jours à compter de la date de la première réunion.
« Les dispositions de l'alinéa précédent ne sont pas applicables aux entreprises en redressement ou en liquidation judiciaire. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 449, présenté par Mme Borvo, MM. Muzeau, Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, et tendant :
I. - Dans la deuxième phrase du premier alinéa du texte présenté par l'amendement n° 414, après les mots : « émet un avis », à insérer le mot : « suspensif ».
II. - Après le deuxième alinéa du texte présenté par l'amendement n° 414, à insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le comité d'entreprise dispose d'un délai de quatre mois pour élaborer cet avis. »
Par amendement n° 229, M. Estier, Mme Dieulangard, MM. Cazeau, Chabroux, Mme Printz et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, avant l'article 32, un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans le deuxième alinéa de l'article L. 432-1 du code du travail, les mots : "en temps utile" sont remplacés par les mots : "deux mois avant la date de mise à exécution prévue". »
La parole est à Mme le ministre, pour défendre l'amendement n° 414.
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Cet amendement, comme je viens de l'indiquer, complète le précédent, n° 413.
Il prévoit, pour renforcer les attributions du comité d'entreprise en cas de projet de restructuration, la tenue de deux réunions séparées par un délai de quinze jours et l'attribution au comité d'entreprise d'un droit à expertise. Ces dispositions sont destinées à garantir que tous les moyens sont mis en oeuvre pour permettre au comité d'entreprise d'utiliser le plus efficacement possible son droit d'intervention sur le projet même de restructuration. Il pourra s'appuyer sur l'expertise externe qui devra être financée par l'employeur.
D'autre part, l'employeur sera tenu de donner une réponse motivée aux propositions du comité d'entreprise au cours de la seconde réunion, qui se tiendra également dans le cadre de la procédure prévue par le livre IV du code du travail.
Il s'agit, là encore, de bien distinguer la phase de discussion contradictoire sur le bien-fondé des mesures de restructuration de celle qui, dans le cadre du livre III, porte sur la procédure de licenciement elle-même.
M. le président. La parole est à M. Muzeau, pour défendre le sous-amendement n° 449.
M. Roland Muzeau. Nous estimons, d'une part, que, faute de préciser que l'avis du comité d'entreprise est suspensif, on ouvrirait la voie à de nombreux contentieux.
Nous proposons, d'autre part, de prévoir que le comité d'entreprise dispose d'un délai de quatre mois pour élaborer son avis. En effet, ce n'est pas en quelques jours qu'il peut sérieusement étudier le contenu du dossier.
M. le président. La parole est à M. Chabroux, pour présenter l'amendement n° 229.
M. Gilbert Chabroux. Cet amendement tend à lever toute ambiguïté dans le calendrier de mise en oeuvre de la procédure de licenciement économique.
Le flou qui règne actuellement dans le code du travail sur la question, pourtant capitale, des délais de prévenance du comité d'entreprise en cas de projet de compression d'effectifs a pu donner à certains patrons le sentiment qu'ils pouvaient aisément s'affranchir de ces règles. Je pense évidemment ici à Marks & Spencer puisqu'il a fallu que le juge, en dernier recours, demande la reprise de la procédure.
Il est nécessaire que les salariés, premiers concernés, soient avertis de ce projet dans un délai décent et selon les procédures prévues, et non par voie de presse dans les heures qui précèdent la mise en oeuvre du plan de licenciements, avec une désinvolture inacceptable à leur encontre.
Nous proposons donc que, de manière générale, le comité d'entreprise soit averti deux mois avant la date de mise à exécution prévue de tout projet de compression d'effectifs.
Il est, en effet, bien évident que les groupes multinationaux, mais aussi les entreprises moins importantes qui procèdent à la fermeture d'unités de production n'improvisent pas ces décisions. Elles doivent être prises et budgétisées à l'avance.
Même dans les entreprises de télécommunications, que l'on nous cite actuellement comme contraintes de réagir dans l'urgence aux fluctuations du marché, on ne nous fera pas croire que les décisions de fermetures d'usines et de licenciements par dizaines de milliers en comptant la sous-traitance, sont prises en cinq minutes, presque sur un coin de table !
Si tel était le cas, la situation serait encore plus grave que ce que l'on peut imaginer et la compétence des dirigeants, largement rémunérés et pourvus de stock-options , devrait être mise en cause. Les actionnaires semblent d'ailleurs s'en inquiéter de plus en plus, puisque ces revirements finissent, après un effet largement positif sur les cours de la Bourse, par faire peser un soupçon d'impéritie sur les dirigeants de l'entreprise. Ce n'est là qu'un juste retour des choses !
A propos des actionnaires, je précise aussi que l'argument selon lequel le droit boursier s'oppose à ce qu'une annonce de cette nature soit faite à l'avance, afin de préserver, en quelque sorte, la pureté du jeu spéculatif, n'est pas, à nos yeux, recevable.
Ce qui est en cause ici, c'est, non pas, en effet, le bénéfice plus ou moins important que des actionnaires vont réaliser, mais le salaire, le seul revenu de gens, de familles entières, dont la vie va se trouver saccagée.
Il n'est donc pas tolérable que ces licenciements, qui ont pour seul objet l'augmentation des profits boursiers, soient imposés dans l'urgence aux salariés. Le comité d'entreprise doit pouvoir se saisir dans un délai raisonnable et suffisant du projet de compression d'effectifs afin de débattre des alternatives et des possibilités offertes aux salariés. (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes. - M. Delfau applaudit également.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 414 et 229, ainsi que sur le sous-amendement n° 449 ?
M. Alain Gournac, rapporteur. La commission est défavorable au sous-amendement n° 449. L'insertion du mot « suspensif » ne reflète pas du tout notre état d'esprit.
M. Roland Muzeau. Ce n'est pas une question d'état d'esprit ! C'est une affaire de démarche !
M. Alain Gournac, rapporteur. Eh bien, nous ne sommes pas dans la même démarche !
En revanche, la commission est favorable à l'amendement n° 414, qui est très proche de l'amendement n° 109 qu'elle a déposé, à deux différences près.
Alors que l'amendement n° 109 traite des annonces au public ayant des conséquences sur l'emploi, l'amendement n° 414 concerne les projets de restructuration. Le comité d'entreprise est autorisé à formuler des propositions et à se faire assister d'un expert comptable. Nous approuvons cette disposition, que nous n'avions pas envisagée.
Ces deux amendements paraissent complémentaires puisqu'ils tendent l'un et l'autre à renforcer le dialogue dans l'entreprise et à rechercher une meilleure solution. Il est donc logique que la commission des affaires sociales émette un avis favorable sur l'amendement n° 414.
M. Gérard Delfau. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 449 et sur l'amendement n° 229 ?
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je ne suis pas favorable au sous-amendement n° 449.
Quant à l'amendement n° 229, je partage entièrement, monsieur Chabroux, votre souci de donner suffisamment de temps aux représentants des salariés pour pouvoir réaliser une analyse, puis exprimer leur position. Mais je pense que l'amendement n° 414 répond à ce souci en imposant la tenue de deux réunions séparées par un délai de quinze jours au minimum. Si les représentants des salariés estiment ne pas avoir suffisamment de temps, ils peuvent toujours demander que ce délai soit allongé. Cela se fait sous le contrôle du juge.
Puisque le code du travail ne fixe aucun délai en matière d'information et de consultation du comité d'entreprise, le juge a été amené à décider que le comité d'entreprise doit disposer d'un délai d'examen suffisant, qui varie selon la complexité du projet.
C'est pourquoi je n'approuve pas la proposition d'enfermer la consultation du comité d'entreprise dans un délai prédéfini. Dans l'amendement n° 229, le délai est de deux mois et, au fond, l'inspiration est à peu près la même dans le sous-amendement n° 449, où le délai est de quatre mois.
La précision n'est pas nécessaire à partir du moment où, sous le contrôle du juge, en arguant du fait que les obligations générales d'information et de consultation ne sont pas remplies, les représentants des salariés pourront toujours demander la prolongation du délai.
Par conséquent, il me semble nécessaire de laisser aux partenaires la souplesse d'apprécier, dans l'entreprise, la durée souhaitable du délai, qui peut varier infiniment.
Je serais plutôt tentée de demander le retrait de l'amendement n° 229.
D'ailleurs, je pourrais, pour les mêmes raisons, faire la même demande aux auteurs du sous-amendement n° 449.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Dieulangard.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Nous retirons l'amendement n° 229.
M. le président. L'amendement n° 229 est retiré.
Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 449.
M. Bernard Murat. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Murat.
M. Bernard Murat. Je voudrais quand même répondre à notre collègue, car il faut bien savoir qu'au-delà des multinationales et des problèmes posés par les délits d'initié - car c'est bien de cela qu'il s'agit - si l'on sort de la dimension hexagonale de cette discussion, on est dans un monde complètement virtuel. Comment, en effet, imaginer que les actionnaires internationaux vont tenir compte des dispositifs dont nous discutons aujourd'hui ?
M. Gérard Delfau. Alors, levons la séance !
M. Bernard Murat. Ils valent même pas au niveau de l'Europe.
J'ajouterai ceci pour illustrer la question : faisons abstraction des actionnaires et appliquons à une PME-PMI ce genre de mécanique. Que va-t-il se passer ? Les banques, immédiatement informées des difficultés de l'entreprise, vont, comme l'on dit, « fermer le robinet » pendant que se prolonge ce délai d'information et de consultation.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Vous vous rendez compte de ce que vous êtes en train de dire ?
M. Bernard Murat. Mais c'est comme ça que les choses se passent ! C'est la vie réelle, madame !
M. Philippe Marini. Oui, c'est la vie réelle ! Pas la vie virtuelle !
Mme Nicole Borvo. Heureusement que vous êtes là pour nous ramener à la vie réelle ? La World Company nous donne des leçons de vie réelle !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 449, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 414.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Dieulangard.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Cet amendement permet d'impliquer le comité d'entreprise, par l'information et la consultation, sur les projets de restructuration et de compression des effectifs.
C'est l'objectif que nous voulions atteindre lorsque nous proposions de préciser dans le code du travail que c'est deux mois avant, et pas seulement en temps utile, que le comité d'entreprise doit être saisi des projets de compression des effectifs.
Nous soutenons votre amendement, madame la ministre ; il apporte des précisions sur ce qui aurait dû avoir lieu durant ce délai de deux mois. Je crois que les démarches que vous définissez impliquent en elles-mêmes l'existence d'un délai significatif.
Nous n'abordons pas la question de la même façon, mais c'est bien à la même avancée que nous travaillons pour en faire un acquis important.
Je veux encore rappeler que notre ambition est d'empêcher que les annonces sauvages et humiliantes de licenciements seront d'abord faites au public. Il s'agit en particulier de contrecarrer, en permettant d'en discuter le bien-fondé, les licenciements absurdes effectués dans les entreprises qui font des bénéfices.
Nous voterons donc cet amendement n° 414.
M. Roland Muzeau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Muzeau.
M. Roland Muzeau. Nous voterons l'amendement du Gouvernement, en regrettant qu'un délai supplémentaire pour l'instruction des dossiers ne nous ait pas été accordé.
En effet, je crois qu'il serait dangereux de surestimer la capacité des organisations syndicales et des comités d'entreprise à gérer, dans un laps de temps très court, des dossiers extrêmement complexes. N'oublions pas que l'employeur, avec les organisations qui l'entourent, ont pu y consacrer des mois, voire un peu plus.
S'en remettre au seul juge pour déterminer les délais d'instruction accordés au comité d'entreprise pour élaborer des contre-propositions n'est pas de nature à faciliter la vie de l'entreprise.
Cela étant, nous considérons tout de même que l'amendement du Gouvernement va dans le bons sens, et nous le voterons.
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Je voudrais revenir sur la position de la commission à propos de l'amendement n° 414.
Vous voyez, madame la ministre, que nous n'avons pas tout passé à la tronçonneuse. Sur cet amendement - et sur un autre, d'ailleurs, que nous considérons comme important et sur lequel nous donnerons un avis de sagesse - nous n'avons pas voulu prendre d'attitude systématique. Tel n'était pas notre objectif, malgré ce qui a pu être dit.
M. Henri de Raincourt. Nous ne sommes pas conservateurs !
M. Gérard Delfau. Pas trop !
M. Henri de Raincourt. Ça dépend des moments !
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Je crois utile de rappeler que nous avons travaillé dans des conditions acrobatiques. Ces amendements nous ont été communiqués hier soir. Nous les avons examinés ce matin, pour pouvoir en débattre cet après-midi, après qu'a eu lieu, à la demande du Gouvernement, une modification de discussion des différents titres du projet de loi.
M. Philippe Marini. C'est vraiment du bon travail parlementaire !
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Et si nous avons préféré, sur un certain nombre d'amendements, donner soit un avis favorable, soit un avis de sagesse - je pense à l'amendement n° 416, que nous examinerons tout à l'heure et qui est extrêmement important - c'est parce que vous avez levé l'urgence, madame le ministre. Nous comptons sur la période qui séparera cette première lecture de la suivante pour consulter tous les partenaires et obtenir un avis circonstancié.
Je voudrais que l'on sache bien que la commission des affaires sociales du Sénat n'élague pas systématiquement tout ce qui vient d'un autre bord politique ; nous allons d'ailleurs voter un certain nombre d'amendements de nos collègues socialistes. Nous sommes simplement animés par la volonté de faire du bon travail !
M. Henri de Raincourt. Très bien !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 414, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 32.
M. Alain Gournac, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Gournac, rapporteur.
M. Alain Gournac, rapporteur. Si je demande la parole, c'est pour souligner qu'il est possible de parvenir à l'unanimité.
M. Guy Fischer. Il n'y a pas eu l'unanimité ! Certains membres de l'UREI ont voté contre !
M. Alain Gournac, rapporteur. Disons la quasi-unanimité... On pouvait en douter...
Malgré tout ce qu'on a entendu chez certains, il est donc possible de trouver la ... quasi-unanimité. Nous venons d'en avoir la preuve.

Article 32



M. le président.
« Art. 32. - Il est inséré, après l'article L. 431-5 du code du travail, un article L. 431-5-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 431-5-1 . - Lorsque le chef d'entreprise procède à une annonce publique portant exclusivement sur la stratégie économique de l'entreprise et dont les mesures de mise en oeuvre ne sont pas de nature à affecter de façon importante les conditions de travail ou d'emploi, le comité d'entreprise se réunit de plein droit sur sa demande dans les quarante-huit heures suivant ladite annonce. L'employeur est tenu de lui fournir toute explication utile.
« Le chef d'entreprise ne peut procéder à une annonce publique dont les mesures de mise en oeuvre sont de nature à affecter de façon importante les conditions de travail ou d'emploi des salariés, qu'après avoir informé le comité d'entreprise.
« Lorsque l'annonce publique affecte plusieurs entreprises appartenant à un groupe, les comités d'entreprise de chaque entreprise ainsi que le comité de groupe et, le cas échéant, le comité d'entreprise européen sont informés.
« Le chef d'entreprise qui méconnaît les dispositions qui précèdent est passible des peines prévues à l'article L. 483-1. »
Par amendement n° 108, M. Gournac, au nom de la commission des affaires sociale, propose de rédiger comme suit le premier alinéa du texte présenté pour cet article pour L. 431-5-1 du code du travail :
« Le chef d'entreprise est tenu de communiquer aux membres du comité d'entreprise dans les meilleurs délais et au plus tard à la réunion suivante du comité d'entreprise toutes les informations utiles, dès lors que l'entreprise a procédé à une annonce au public portant sur une modification substantielle de sa stratégie économique. »
La parole est à M. Gournac, rapporteur.
M. Alain Gournac, rapporteur. L'article 32 vise à étendre le droit d'information du comité d'entreprise aux annonces publiques du chef d'entreprise en distinguant celles qui concernent la stratégie de celles qui peuvent plus particulièrement avoir des conséquences sur l'emploi.
Notre amendement prévoit une nouvelle rédaction du texte proposé pour le premier alinéa de l'article L. 431-5-1 du code du travail, relatif aux annonces au public concernant la stratégie économique des entreprises.
Outre des précisions rédactionnelles indispensables, cet amendement substitue une procédure systématique de communication aux membres du comité d'entreprise des informations relatives auxdites annonces à la faculté reconnue au comité d'entreprise par le texte de l'Assemblée nationale de se réunir de plein droit dans les quarante-huit heures. Ce dernier dispositif apparaît en fait particulièrement difficile à appliquer alors même qu'il ne présente pas le caractère d'automaticité de l'information que prévoit en revanche l'amendement qui vous est proposé.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ? Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. J'émets un avis défavorable sur cet amendement qui a pour objet de limiter l'information du comité d'entreprise, qui ne donnerait plus lieu à une réunion particulière.
Aux termes de l'article 32, l'information des représentants du personnel doit suivre immédiatement toute annonce importante de l'employeur pour éviter de laisser les salariés dans une situation d'incertitude. Elle ne peut donc être reportée à une réunion habituelle du comité d'entreprise. Parce qu'ils sont indissociablement liés à l'entreprise, les salariés ont le droit d'être informés de la stratégie de l'entreprise, et non pas simplement des modifications de cette stratégie.
J'ajoute que l'amendement proposé par la commission pourrait être source de contentieux en ce qu'il vise les seules modifications substantielles qu'il appartiendra au juge de définir.
Je suis donc très défavorable à cet amendement.
J'en profite pour dire à M. Delaneau que j'ai été heureuse, voilà un instant, de l'entendre dire qu'il aurait le temps de procéder aux consultations nécessaires. Nous aurions pu, dès lors que l'urgence n'était pas prononcée, ne pas proposer au Sénat ces amendements du Gouvernement (M. le président de la commission des affaires sociales opine) et les présenter seulement à l'Assemblée nationale. Nous avons, par égard pour le Sénat, voulu vous proposer ces amendements pour que nous puissions avoir un débat, sachant que vous aurez de toute façon une deuxième lecture, ce qui vous laissera la possibilité de consulter les partenaires sociaux, qui pourront ainsi voir satisfaites leurs préoccupations que M. le rapporteur a lues tout à l'heure.
Le Gouvernement a voulu faire preuve de courtoisie. Cela montre bien que les reproches adressés voilà quelques instants n'étaient pas du tout à fait fondés.
Vous allez avoir tout le temps de discuter, de peaufiner vos réactions, peut-être même d'améliorer vos propres amendements. Vous allez pouvoir consulter toutes les personnes que vous souhaiterez entendre.
En tout cas, s'agissant de cet amendement, je n'y suis pas favorable car, en réalité, il est contraire à la philosophie qui est la nôtre, à savoir donner des vraies possibilités aux représentants des salariés et, dès qu'un projet est pensé par le chef d'entreprise, leur permettre de discuter de la stratégie proposée par ledit chef d'entreprise.
M. le président. Madame le ministre, le Sénat vous est reconnaissant de l'attention que vous portez à la contribution éventuelle qu'il peut apporter, à travers les travaux de la commission, à l'évolution de ce texte.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 108, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 109, M. Gournac, au nom de la commission des affaires sociales, propose de rédiger comme suit le deuxième alinéa du texte présenté par l'article 32 pour l'article L. 431-5-1 du code du travail :
« Le chef d'entreprise est tenu d'informer et de consulter le comité d'entreprise dès lors que l'entreprise a procédé à une annonce au public dont les mesures de mise en oeuvre sont de nature à affecter de façon importante les conditions de travail ou d'emploi des salariés. »
La parole est à M. Gournac, rapporteur.
M. Alain Gournac, rapporteur. Cet amendement vise à substituer une procédure d'information et de consultation du comité d'entreprise à l'issue d'une annonce au public concernant l'emploi à une procédure préalable d'information qui apparaît difficilement applicable. La rédaction proposée par cet amendement représente, par ailleurs, une réelle avancée de nature à moraliser les pratiques de certaines entreprises qui manquent manifestement de considération envers leurs salariés.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je ne suis évidemment pas favorable à cet amendement, puisque nous proposons que l'information et la consultation puissent se dérouler avant l'annonce publique.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Bien sûr !
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 109.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Dieulangard.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Cette explication de vote vaudra également pour l'amendement n° 108 - le débat est allé un peu vite - et pour l'amendement n° 110.
Le groupe socialiste votera évidemment contre les amendements présentés à l'article 32 par la commission et son rapporteur. Comme l'a dit à l'instant Mme la ministre, ils vont dans le sens exactement inverse de ce que nous souhaitons voir mettre en application.
A ce point du débat, nous voulons aussi souligner l'apparition, dans le droit du travail, d'un concept nouveau, celui d'« annonce au public » ou d'« annonce publique ». Cela nous paraît dangereux, dans la mesure où l'on semble prendre acte, à l'intérieur de la relation employeur-salarié, qui est en principe la raison d'être du code du travail, de l'irruption du « public ». Ne nous dissimulons pas que, derrière cette notion, se trouvent en réalité le marché, les actionnaires, et particulièrement les plus importants d'entre eux. (M. Bernard Murat s'exclame.)
Nous assistons à la mise en place d'un impérialisme boursier - qui est non pas un droit, même s'il s'en donne l'apparence, mais bien un commerce de nature purement spéculative - sur des notions aussi fondamentales, tout au moins pour des parlementaires socialistes, que le droit du travail, et l'ordre public social qui en fait partie. L'apparition de cette notion symbolise donc ce que nous devons absolument éviter.
Telle était d'ailleurs la motivation de notre amendement précédent. En l'espèce, particulièrement s'il s'agit de mesures de nature à affecter de manière importante les conditions d'emploi et de travail des salariés, le comité d'entreprise et les délégués du personnel dans les petites entreprises doivent avoir une priorité absolue d'information et de consultation.
Accepter que le marché soit prioritaire constituerait pour nous un abandon grave dans la protection que l'Etat, je dirai même la République, porteuse de valeurs, doit à ses citoyens, qu'ils soient ou non salariés. En toute hypothèse, nous ne pouvons accepter que l'on réduise ainsi des personnes à des entités économiques et que l'on fasse passer leur sort après la satisfaction du marché. A notre place de législateur, nous ne pouvons en aucun cas nous y résigner.
M. Gérard Delfau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau. Je ne reprendrai pas l'excellente et remarquable analyse que vient de faire Mme Dieulangard sur ce pas significatif que fait la majorité du Sénat, passant par-dessus bord un siècle de discussions, de dialogue social, d'élaboration du code du travail, pour se conformer aux nouvelles pratiques que veut nous imposer un certain capitalisme anglo-saxon.
Mes chers collègues, si vous votez ces deux amendements - et vous en avez déjà voté un ! - il faut alors avoir le courage de dire que vous approuvez la méthode de Marks & Spencer, car vous décrivez exactement ce qui s'est passé.
Mme Nicole Borvo. Absolument !
M. Gérard Delfau. Dès lors que vous l'approuvez, allez jusqu'au bout : interdisez au juge d'imposer le respect d'une norme législative et réglementaire.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Bien sûr !
M. Gérard Delfau. Je pense, mes chers collègues, que vous ne vous rendez même pas compte de l'énormité de ce que vous voulez faire passer par ces textes.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. C'est vraiment énorme !
M. Gérard Delfau. En tout cas, je vous mets au défi de trouver une tribune publique où vous pourriez le soutenir devant un parterre de citoyens. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Philippe Marini. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini. Mme Dieulangard a parlé tout à l'heure de l'ordre public social. Elle a raison. En effet, le code du travail comporte une série de dispositions qui garantissent l'équité aux partenaires sociaux. Toutefois, chère collègue, notre législation ne comporte pas que le code du travail.
Mme Nicole Borvo. Ah !
M. Philippe Marini. Il faut se référer à l'ensemble des lois en vigueur, en particulier à tous les textes qui constituent l'ordre public économique et financier. Ces textes existent. Il faut les prendre en compte au même titre que le droit du travail.
Lorsque la commission propose un dispositif de nature à permettre aux partenaires sociaux de s'exprimer dans le cadre des organes légaux en fonction de l'ensemble de l'ordre public, je crois qu'elle a raison.
Mes chers collègues, quels que soient vos sentiments ou les doctrines auxquelles vous affirmez votre fidélité, vous devez constater qu'il existe de très nombreuses sociétés dont le capital est en bourse, qui sont cotées et qui obéissent aux dispositions du droit boursier. Ces dispositions font bien partie de l'ordre public économique et financier que la République a adopté et, à leur place, elles garantissent également une certaine équité en ce qui concerne la bonne exécution des contrats et des transactions.
Les divulgations d'informations peuvent perturber la vie du marché et créer des risques, comme le disait très justement tout à l'heure notre collègue Bernard Murat, de délits d'initié, de manipulation des cours. (Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
Mme Odette Terrade. Les salariés sont responsables !
M. Philippe Marini. C'est bien une réalité. Si la commission se situe au-delà de l'annonce au public, c'est bien pour éviter, mes chers collègues, que ces risques ne se manifestent. Je me permets de vous rappeler que ces risques sont bien prévus dans notre code pénal, puisque les manquements d'initié ou délits d'initié sont passibles de peines très lourdes. Il ne faudrait pas qu'avec des dispositifs aventureux on place, le cas échéant, des élus des salariés dans la situation où ils pourraient être suspectés de violer des textes du droit boursier. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.) Croyez-moi, ce n'est pas une hypothèse théorique.
Tout à l'heure, nous évoquions le texte récent sur les nouvelles régulations économiques. Le souci de préciser la loi en matière d'information des salariés lorsque surviennent des offres publiques d'achat et des offres publiques d'échange a, en effet, figuré au coeur des préoccupations du texte du Gouvernement, et Mme le ministre avait tout à fait raison de le rappeler. Nous avons dû traiter un problème difficile qui était précisément de concilier ces deux ordres de législation : la législation boursière et financière, d'un côté, et la législation sociale, le droit des relations du travail, de l'autre.
Mme Nicole Borvo. Quel déséquilibre !
M. Philippe Marini. Ce fut un travail délicat, que l'on s'est efforcé de mener de manière à éviter les risques, d'un côté comme de l'autre. Nous avions dit - souvenez-vous-en - que l'on se situait quelque part entre le délit d'initié et le délit d'entrave aux compétences et aux prérogatives du comité d'entreprise.
Mes chers collègues, je crois que seule la proposition de la commission est de nature à bien concilier tous les éléments du droit économique et social. Pour ma part, je suis tout à fait surpris que plusieurs collègues qui siègent à gauche dans cet hémicycle s'étonnent de choses qui sont de véritables évidences et ne veuillent considérer qu'une partie de la législation au détriment de toute une autre qui, au même titre, forme le droit positif tel qu'il faut bien l'appliquer et tel que les tribunaux, en particulier les juridictions pénales, l'appliqueront.
Mme Nicole Borvo. Pour l'instant, le droit est bien déséquilibré !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 109, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heure trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt et une heures trente-cinq.)

M. le président. Nous poursuivons la discussion du projet de loi de modernisation sociale.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus, au sein de l'article 32, à l'amendement n° 110.
Par amendement n° 110, M. Gournac, au nom de la commission des affaires sociales, propose de rédiger comme suit le troisième alinéa du texte présenté par l'article 32 pour l'article L. 431-5-1 du code du travail :
« Lorsque l'annonce publique affecte plusieurs entreprises appartenant à un groupe au sein duquel a été constitué un comité de groupe, la procédure prévue au premier alinéa du présent article est mise en oeuvre au niveau de ce comité. »
La parole est à M. Gournac, rapporteur.
M. Alain Gournac, rapporteur. Cet amendement tend à revenir à la rédaction du projet de loi initial, qui prévoyait que l'information du comité de groupe, lorsque celui-ci existait, se substituait à celle des différents comités d'entreprise. Le comité de groupe n'étant pas compétent en matière de consultation, cet amendement vise à limiter le recours au comité de groupe à la procédure d'information concernant les annonces relatives à la modification substantielle de la stratégie.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner, ministre délégué à la santé. Le Gouvernement émet un avis défavorable. En effet, dans un souci de développement du dialogue social au sein de toutes les entreprises concernées par une annonce publique, il n'apparaît pas souhaitable de limiter l'information aux seuls comités de groupe. En outre, cela pourrait retarder cette information puisqu'elle devrait avoir lieu dans les meilleurs délais et au plus tard à l'occasion de la réunion suivante du comité de groupe. Or les réunions du comité de groupe sont nettement moins fréquentes que celles des comités d'entreprise, c'est-à-dire une à trois réunions par an, en moyenne.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 110, repoussé par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des affaires sociales.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 48:

Nombre de votants 312
Nombre de suffrages exprimés 312
Majorité absolue des suffrages 157
Pour l'adoption 213
Contre 99

M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 32, modifié.

(L'article 32 est adopté.)

Article additionnel après l'article 32

M. le président. Par amendement n° 355, M. Delfau propose d'insérer, après l'article 32, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article L. 442-1 du code du travail, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. L. ... - Dans les entreprises mentionnées à l'article L. 442-1, une réserve sociale du capital doit être constituée comme suit :
« 1° La réserve sociale du capital est égale à 5 % du bénéfice imposable annuel de l'entreprise si ce bénéfice est compris entre 2 500 000 et 3 000 000 de francs, 10 % si ce bénéfice est compris entre 3 000 000 et 3 500 000 francs et 15 % si ce bénéfice est supérieur à 3 500 000 francs.
« 2° Cette réserve sociale du capital s'effectue chaque année au profit du comité d'entreprise ou des délégués du personnel avant le 31 décembre de l'exercice en cours.
« 3° Cette réserve sociale du capital est affectée annuellement, après consultation préalable des salariés ou avant tout plan social prévu à l'article L. 321-4-1, à des actions favorisant le reclassement interne à niveau au moins égal des salariés, des actions de formation et des mesures d'aménagement du temps de travail. »
L'amendement est-il soutenu ?...

Section 3

Plan social et droit au reclassement

Article 33



M. le président.
« Art. 33. - L'article L. 321-1 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent ne peut être réalisé dans le cadre de l'entreprise ou, le cas échéant, dans les entreprises du groupe auxquelles l'entreprise appartient. »
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 378, Mme Borvo, MM. Muzeau, Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de rédiger ainsi cet article :
« L'article L. 321-1 du code du travail est complété par cinq alinéas ainsi rédigés :
« Dans toute entreprise ou dans tout établissement, tout projet de licenciement économique, individuel ou collectif, est subordonné à la présentation écrite par l'employeur aux salariés concernés d'une proposition concrète de reclassement à un niveau similaire de rémunération et de qualification, ou même supérieure si les salariés présentent la compétence et l'expérience professionnelle leur permettant de s'y adapter. Tous les efforts de formation et d'adaptation ont dû être réalisés.
« L'employeur doit à cet effet faire l'inventaire précis de toutes les possibilités de reclassement dans l'établissement, l'entreprise et le groupe, et les proposer aux salariés concernés.
« Les représentants du personnel sont consultés durant la procédure d'élaboration des mesures de reclassement individuelles et collectives.
« En cas de non-observation des dispositions précédentes, la procédure de licenciement est nulle et de nul effet, et le salarié est réintégré dans le poste de travail qu'il occupait.
« Lorsque le conseil des prud'hommes est saisi sur une affaire de licenciement, celle-ci est portée directement devant le bureau de jugement, qui doit statuer au fond dans un délai d'un mois suivant sa saisine. La décision du conseil des prud'hommes est exécutoire de droit à titre provisoire. »
Par amendement n° 230, M. Estier, Mmes Derycke et Dieulangard, MM. Cazeau, Chabroux, Mme Printz et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent de rédiger comme suit l'article 33 :
« L'article L. 321-1 du code du travail est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Revêt un caractère abusif le licenciement économique réalisé à la suite de l'organisation par l'employeur de sa propre insolvabilité, ou de l'organisation artificielle de ses difficultés financières.
« Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque toutes les actions de formation, d'adaptation, de validation des acquis professionnels et de l'expérience, de création d'activité nouvelle au sein de l'entreprise ou du groupe auquel celle-ci appartient ont été réalisées, et que le reclassement de l'intéressé sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent ne peut être effectué dans le cadre de l'entreprise ou du groupe. »
Par amendement n° 111, M. Gournac, au nom de la commission des affaires sociales, propose, dans le texte présenté par l'article 33 pour compléter l'article L. 321-1 du code du travail, après les mots : « sur un emploi équivalent », d'insérer les mots : « ou, à défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, sur un emploi d'une catégorie inférieure ».
La parole est à M. Fischer, pour défendre l'amendement n° 378.
M. Guy Fischer. A l'occasion de la présentation de cet amendement n° 378, qui concerne les mesures de reclassement, je ferai quelques remarques sur l'amendement n° 416 du Gouvernement, tendant à insérer un article additionnel après l'article 34.
L'amendement n° 378 vise à donner un contenu réel à la notion de proposition de reclassement.
Trop souvent, cette obligation ne débouche sur aucune mesure concrète. Nous suggérons que la validité du licenciement économique soit conditionnée par la présentation écrite d'une proposition concrète de reclassement.
Nous estimons que cet effort de reclassement doit s'effectuer au sein même de l'entreprise, lorsque le profil du salarié le permet.
Nous considérons que l'absence de proposition de reclassement par l'employeur doit annuler la procédure de licenciement et permettre la réintégration de droit dans l'entreprise.
Nous apprécions les propositions du Gouvernement concernant le reclassement, notamment le congé de reclassement à la charge de l'employeur, mais nous regrettons toutefois l'absence d'obligation de proposition concrète de la part de l'employeur, dont le non-respect serait sanctionné.
De toute manière, l'article 33 du projet de loi, qui comportait certaines avancées, demeurait, selon nous, insuffisant face aux situations difficiles, souvent dramatiques, que vivent des milliers de salariés.
M. le président. La parole est à Mme Dieulangard, pour défendre l'amendement n° 230.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Cet amendement est présenté sur l'initiative de notre collègue Dinah Derycke ; étant souffrante, elle ne peut être ce soir parmi nous, mais elle a tenu à apporter sa contribution à nos débats.
Le second alinéa du texte proposé par l'amendement n° 230 pour l'article L. 321-1 du code du travail vise à une plus grande précision rédactionnelle et à l'introduction incidente de la validation des acquis professionnels et de l'expérience dans les actions de formation et de reclassement des salariés.
Le premier alinéa tend à introduire une notion qui pourrait paraître a priori évidente : l'obligation de bonne foi qui régit l'ensemble du droit des contrats, fût-ce dans les circonstances de leur rupture.
En réalité, il nous paraît nécessaire, compte tenu des licenciements de commodité qui se développent depuis plusieurs années, de tendre vers une appréciation plus précise des difficultés économiques auxquelles l'entreprise dit se heurter. La jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation reconnaît le caractère économique des licenciements dans trois cas : les mutations technologiques, les difficultés économiques et la sauvegarde de la compétitivité. Dans les deux derniers cas, force est de s'en remettre à la présentation des documents comptables et aux déclarations du chef d'entreprise.
Face à ce problème, la chambre sociale de la Cour de cassation exige dans deux arrêts des 9 octobre 1991 et 12 janvier 1994 que l'employeur soit de bonne foi. C'est bien le moins, et le contexte qui s'est développé récemment redonne une nouvelle vigueur à cette notion.
La concentration industrielle a profondément modifié le tissu économique, notamment par la création de groupes multinationaux. Il en résulte qu'un groupe industriel à la santé florissante, qui ouvre des usines un peu partout dans les pays à faibles salaires et sans protection sociale, peut dans le même temps connaître, voire organiser de façon délibérée, une baisse d'activité, voire des pertes dans ses usines européennes.
On ne peut négliger le fait, qui parfois se surajoute à ce que je viens de décrire, que certaines entreprises dans cette situation bénéficient de commandes publiques. Elles perçoivent donc l'argent des contribuables dans un premier temps pour fabriquer, puis pour financer leur plan social.
Justifié par l'argument de la compétitivité sur le plan international, ce mode de gestion conduit non seulement à la fermeture des sites et au licenciement des personnels, mais aussi souvent à la mise en difficulté de bassins d'emploi tout entiers.
Par conséquent, avant de considérer tout processus de suppression d'emplois comme résultant de difficultés économiques, il faut mesurer la réalité et la sincérité de celles-ci. Cela ouvre peut-être aussi de nouvelles perspectives à la jurisprudence, puisque nous sommes ici à la fois devant un problème de bonne foi et devant l'appréciation du périmètre économique et géographique dans lequel se situent les difficultés invoquées.
Nous proposons donc que la mauvaise foi de l'employeur, par l'organisation de son insolvabilité, mais aussi, et surtout, par l'organisation artificielle de ses difficultés financières, rende tout licenciement économique abusif.
M. le président. La parole est à M. Gournac, rapporteur, pour présenter l'amendement n° 111 et pour donner l'avis de la commission sur les amendements n°s 378 et 230.
M. Alain Gournac, rapporteur. L'Assemblée nationale est revenue sur la possibilité prévue par le projet de loi de permettre le reclassement du salarié sur un emploi de catégorie inférieure lorsqu'un reclassement sur une même catégorie d'emploi s'avère impossible.
Cet amendement tend à rétablir cette possibilité comme un ultime recours, en mentionnant par ailleurs la nécessité pour l'employeur de recueillir l'accord, exprès du salarié.
J'observe que le Gouvernement avait défendu sans succès un amendement identique lors du débat à l'Assemblée nationale.
Pourquoi proposer un reclassement dans la catégorie inférieure ? Parce que cela peut constituer parfois, pour le salarié qui le souhaite, la possibilité d'être réintégré dans une autre branche de la société qui l'employait, sans que cela représente une obligation, bien sûr. Il faut vraiment donner cette faculté à celui qui risque de quitter complètement l'entreprise.
En ce qui concerne l'amendement n° 378, la nouvelle rédaction proposée par nos collègues du groupe communiste républicain et citoyen pour l'article 33 est incompatible avec l'amendement de la commission que je viens de présenter. L'avis est donc défavorable.
S'agissant de l'amendement n° 230, la nouvelle rédaction qu'il propose pour l'article 33 est également incompatible avec l'amendement n° 111 présenté par la commission.
Cet amendement n° 230 prévoit, en effet, une nouvelle rédaction composée de deux alinéas. Le premier ne semble pas s'imposer, puisqu'il déclare irrégulier un licenciement économique qui reposerait sur des manoeuvres elles-mêmes irrégulières. De tels licenciements sont toujours considérés comme irréguliers par le juge sans qu'il soit besoin de le préciser dans la loi. Quant au second alinéa, la commission lui préfère la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale telle qu'elle l'a amendée. L'avis de la commission est donc également défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 378, 230 et 111 ?
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Pour ce qui est de l'amendement n° 378, je partage évidemment la préoccupation de ses auteurs, qui est de donner toute sa dimension au droit de reclassement du salarié licencié. D'ailleurs, un certain nombre de nos propres amendements vont dans ce sens. La garantie de l'effectivité du droit au reclassement est une préoccupation forte du Gouvernement, qui avance plusieurs propositions à cet égard.
Cependant, cet amendement pose un problème, car il crée une nouvelle procédure judiciaire qui devrait permettre à tout salarié qui estime que son employeur n'a pas satisfait à son obligation de reclassement de saisir les conseils de prud'hommes. Une telle procédure ferait reposer une charge très lourde sur ceux-ci, d'autant qu'elle est enserrée dans des délais excessivement brefs.
Par ailleurs, je m'interroge sur l'intérêt qu'aurait le salarié de demander sa réintégration contre la volonté de l'employeur. On sait que la jurisprudence a reconnu que les salariés licenciés pour motif économique pouvaient se prévaloir d'un manquement de l'employeur à son obligation de reclassement. Si ce manquement est avéré, le juge doit proposer soit la réintégration du salarié, soit le versement d'une indemnité, parce qu'il faut aussi considérer ce que sera ensuite la vie quotidienne dans l'entreprise. Il est vrai qu'il y a un droit à réintégration pour les représentants du personnel. Mais ceux-ci bénéficient d'un soutien en raison de leur statut officiel.
Cette mesure pourrait engendrer pour le salarié des difficultés plus importantes que celles qu'il rencontre avec les dispositions législatives et la jurisprudence actuelles. C'est pourquoi je ne suis pas favorable à cet amendement.
S'agissant de l'amendement n° 230, évidemment, je suis tout à fait d'accord avec la préoccupation de ses auteurs qui vise à interdire les licenciements lorsque l'entreprise ne rencontre pas de difficultés sérieuses. C'est aussi un amendement qui clarifie et qui rend plus lisible le dispositif. En même temps, je me demande s'il apporte vraiment quelque chose de plus en dehors de la lisibilité et de la clarification, ce qui est déjà important, par rapport aux articles déjà votés en première lecture.
Je m'en remettrai donc à la sagesse du Sénat sur ce point.
L'amendement n° 111 de la commission tend à reprendre une disposition qu'avait soutenue le Gouvernement à l'Assemblée nationale. Je ne peux donc pas y être opposée. Toutefois, cette mesure n'a pas été adoptée par l'Assemblée nationale. Je m'en remets donc également à la sagesse du Sénat.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 378, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 230, repoussé par la commission et pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Je souhaite revenir sur le rejet par l'Assemblée nationale, malgré le soutien du Gouvernement, d'une mesure identique à celle que nous proposons dans notre amendement n° 111. Cela tient au fait, me semble-t-il, que cette disposition est imparfaite. Il paraît en effet difficile de demander à un salarié son accord pour occuper un emploi de catégorie inférieure : outre, bien sûr, la perte de salaire qu'il subit, le salarié a l'impression d'être déclassé.
Il s'agit d'un problème que j'ai étudié à l'époque où Robert Boulin était ministre du travail. Nous nous étions alors mis d'accord - malheureusement, il est décédé trois jours après - pour créer une indemnité différentielle destinée à couvrir, éventuellement pendant deux ans, la différence de rémunération. Cette indemnité aurait permis au salarié d'accepter plus facilement un emploi de catégorie inférieure, à condition que la rémunération proposée corresponde au moins au type d'emploi qu'il était amené à accepter.
La navette pourrait peut-être permettre d'aboutir à un accord sur ce point. Cela représenterait une chance pour le salarié - d'ailleurs, c'est dans ce sens que cette mesure avait été proposée et c'est pourquoi la commission l'a reprise - de rester dans l'entreprise ou de réintégrer très vite le monde du travail.
Une telle disposition serait acceptable, à condition de prévoir une rémunération différentielle. Celle-ci permettrait d'éviter que le salarié ne perçoive une rémunération inférieure aux allocations que lui verseraient les ASSEDIC, ce qui n'aurait aucun effet incitatif.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 111.
M. Roland Muzeau. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Muzeau.
M. Roland Muzeau. Nous tenons à marquer notre désapprobation face au contenu de cet amendement de la commission des affaires sociales, qui vise à permettre le reclassement d'un salarié licencié pour motif économique sur un emploi de catégorie inférieure à celui qu'il occupait.
Cette formulation, refusée par l'Assemblée nationale, comporte selon nous des risques de dérives pouvant entraîner des abus, ce même si elle assortie d'une mention faisant référence à l'accord exprès du salarié.
Ce genre de mesure n'est pas de nature à améliorer la qualité de l'emploi et apparaît complètement illusoire puisqu'un salarié confronté à un licenciement économique et n'ayant d'autre alternative qu'un reclassement sur un emploi de qualité inférieure ou le chômage - alternative qui ne constitue pas, vous en conviendrez, un véritable choix - acceptera forcément un travail de moindre qualité et donnera donc son « accord exprès ».
Ce genre de disposition s'inscrit dans une logique de régression sociale que nous ne pouvons cautionner. Nous vous appelons donc à rejeter cet amendement n° 111.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 111, repoussé par le Gouvernement. (L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 33, ainsi modifié.
(L'article 33 est adopté.)

Article additionnel après l'article 33



M. le président.
Par amendement n° 231, M. Estier, Mme Dieulangard, MM. Cazeau, Chabroux, Mme Printz et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent, après l'article 33, d'insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Avant le dernier alinéa de l'article L. 321-13 du code du travail, il est inséré un nouvel alinéa ainsi rédigé :
« Cette cotisation est due également, quel que soit l'âge du salarié, dans le cas de licenciement économique ayant pour objectif l'augmentation de la rentabilité financière d'une entreprise qui n'est pas en situation de difficulté économique ou d'importante mutation technologique. De même, elle est due dans le cas de licenciement provoqué par la seule baisse d'activité de l'entreprise, alors que le groupe dont elle dépend n'est affecté par aucune difficulté économique. Dans ces deux cas, son montant est égal à douze mois de salaire brut calculé sur la moyenne mensuelle des salaires versés au cours des douze derniers mois travaillés. »
La parole est à M. Chabroux.
M. Gilbert Chabroux. Cet amendement tend à obliger l'employeur qui procède à des licenciements économiques afin d'augmenter les profits de son entreprise ou de son groupe, alors que celui-ci dégage déjà une forte marge bénéficiaire, à s'acquitter de la cotisation dite « Delalande » à son taux maximal auprès de l'UNEDIC.
La cotisation « Delalande » a été créée afin de pénaliser le comportement de certains employeurs qui, à l'époque, procédaient au licenciement quasi systématique de salariés âgés de cinquante ans et plus. Il s'agissait de licenciements, souvent individuels, qui permettaient à ces employeurs de se débarrasser de salariés certes expérimenté, mais bénéficiant de rémunérations en adéquation avec leur expérience et leurs compétences, pour les remplacer par des salariés jeunes, inexpérimentés, et donc moins bien rémunérés.
Ce processus de reprofilage de la pyramide des âges fut d'un coût important pour l'UNEDIC, alors que la nécessité de ces licenciements n'apparaissait pas nettement pour la sauvegarde des entreprises. Cela justifia donc pleinement la création de cette cotisation pour toute rupture du contrat de travail d'un salarié de cinquante ans et plus, afin de protéger cette tranche d'âge et de préserver les finances de l'UNEDIC.
Un processus similaire de licenciements se dessine actuellement avec la mise en oeuvre des plans sociaux par de grandes entreprises qui ferment des unités de production et licencient les salariés, afin d'augmenter les marges bénéficiaires dégagées et de satisfaire leurs actionnaires les plus importants.
Cette situation affecte notamment les salariés travaillant dans des entreprises et des établissements situés en France et faisant l'objet de restructurations à l'échelon européen ou mondial. C'est ainsi que des groupes bénéficiaires procèdent à des fermetures d'unités de production et à des licenciements en France alors que leur situation globale ne le justifie pas. A l'inverse, des unités de production sont créées dans des pays où les conditions de travail, les salaires et le niveau de protection sociale sont nettement inférieurs à ce qu'ils sont dans l'Union européenne. Ces choix stratégiques sont clairement opérés en vue d'accroître les profits au détriment des salariés européens.
Il est donc justifié d'appliquer aux employeurs concernés une pénalité financière immédiate au bénéfice de l'UNEDIC, puisque c'est sur la collectivité des salariés et des autres employeurs français que va peser le coût de ces agissements.
Nous précisons que, dans notre esprit, il s'agit non pas d'une mesure devant se substituer à celle qui est proposée par le Gouvernement et qui vise à augmenter le montant de la prime de licenciement accordée au salarié ou à obliger les employeurs à réaliser de réels efforts de reclassement, mais d'une proposition cumulative applicable en cas de licenciement effectif. En choisissant d'agir par le biais de la cotisation « Delalande », nous voulons éviter la création d'une « usine à gaz » dont la mise en oeuvre serait difficile, incertaine et éloignée dans le temps. Nous proposons donc une mesure simple et d'application immédiate, puisque les modalités de versement sont déjà définies.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. L'adoption de cet amendement aurait, comme d'autres déjà votés, pour conséquence d'empêcher les entreprises de procéder à des restructurations, ce qui, à terme, pénaliserait l'emploi.
Le dispositif proposé apparaît par ailleurs particulièrement complexe, comme en témoigne la référence à des licenciements ayant pour objet l'augmentation de la rentabilité financière. En effet, il n'est pas précisé qui serait juge de cette qualification, laquelle semble tout à fait subjective.
En conséquence, la commission a émis un avis défavorable sur l'amendement n° 231.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je voudrais tout d'abord dire à M. Chabroux que, naturellement, je partage tout à fait la volonté des auteurs de l'amendement de renchérir le coût des licenciements opérés en vue d'augmenter les profits d'une entreprise ou d'un groupe dégageant déjà une forte marge bénéficiaire.
Toutefois, j'attire l'attention de M. Chabroux sur le fait que sa proposition, telle qu'elle est formulée, ma paraît difficile à mettre en oeuvre. Au fond, il s'agit de généraliser l'application de la cotisation « Delalande » à l'ensemble des licenciements. Certes, j'ai souhaité qu'un débat s'instaure sur ce sujet et je n'exclus pas que l'on puisse augmenter le taux de cette cotisation, mais, en même temps - je l'ai dit devant la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale et je le répète ici -, il faut veiller à ce que cette mesure n'entraîne pas des effets contre-productifs.
En effet, l'application de la cotisation « Delalande » visant à favoriser l'emploi des travailleurs âgés comporte le risque de dissuader d'embaucher des travailleurs proches de la cinquantaine. Compte tenu du niveau de la pénalisation financière envisagée, nous devons être très prudents, car nous sommes en quelque sorte sur une ligne de crête : il faut taxer les licenciements visant à accroître les profits d'entreprises réalisant déjà des bénéfices, sans pour autant encourager le développement de l'emploi précaire. C'est toujours un risque, et il nous faut donc trouver la juste mesure.
C'est la raison pour laquelle il me semble que l'objectif que vous visez, monsieur le sénateur, pourrait sans doute être atteint grâce à d'autres mesures que nous proposons. En particulier, si nous parvenons à privilégier la responsabilisation financière des employeurs en matière de reclassement des salariés et celle des représentants du personnel, qui peuvent, pour leur part, donner leur point de vue, je pense que nous pourrions peut-être obtenir le même résultat, sans encourir le risque de déclencher des effets contre-productifs, à propos desquels nous devons toujours nous interroger.
C'est pourquoi je préfèrerais que l'amendement n° 231 soit retiré, au bénéfice d'autres amendements qui ont été déposés par le Gouvernement ou par les membres du groupe auquel vous appartenez, monsieur le sénateur.
M. le président. Monsieur Chabroux, l'amendement est-il maintenu ?
M. Gilbert Chabroux. Compte tenu des explications de Mme la ministre, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 231 est retiré.

Article 33 bis



M. le président.
« Art. 33 bis . - Après le mot : "âgés", la fin du premier alinéa de l'article L. 321-1-1 du même code est ainsi rédigée : ". Les critères retenus s'apprécient par catégorie professionnelle". »
Par amendement n° 112, M. Gournac, au nom de la commission des affaires sociales, propose de supprimer cet article.
La parole est à M. Gournac, rapporteur.
M. Alain Gournac, rapporteur. Il s'agit de supprimer l'article 33 bis , introduit sur l'initiative de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale et qui prévoit de retirer la notion de qualité professionnelle de la liste des critères pouvant être retenus pour déterminer l'ordre des licenciements économiques.
Cette modification ne semble pas fondée. De plus, la notion en cause constitue un élément assez objectif, ce qui représente une garantie pour les salariés. La commission des affaires sociales propose donc la suppression de l'article 33 bis .
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. L'article 33 bis prévoit de supprimer la notion de qualité professionnelle de la liste des critères légaux pouvant, à défaut de convention ou d'accord collectif applicable dans l'entreprise, être retenus pour fixer l'ordre des licenciements, après consultation des représentants du personnel.
Je ne suis pas favorable à la suppression de cet article qui vise à ce que la compétence relative d'un salarié par rapport à un autre ne soit justement pas le critère déterminant de l'ordre des licenciements, d'autant que le code du travail précise que les critères légaux présentent un caractère supplétif par rapport aux critères conventionnels lorsque ces derniers existent.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Oui !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Les conventions collectives peuvent donc donner de l'importance au critère de la qualité professionnelle si les parties en conviennent.
Monsieur Gournac, puisque vous disiez tout à l'heure que vous souhaitiez privilégier la volonté des partenaires sociaux par rapport à la réglementation, vous avez là une excellente occasion de le faire en renonçant à proposer la suppression de cet article et en ne substituant pas des dispositions législatives à la négociation entre partenaires sociaux.
Par conséquent, je suis défavorable à l'amendement n° 112.
M. Alain Gournac, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Gournac, rapporteur.
M. Alain Gournac, rapporteur. Il s'agit non pas de modifier la loi, mais au contraire de la laisser en son état actuel.
En outre, adopter une approche valorisant la qualité professionnelle est quelque chose d'extrêmement important, et je confirme donc, madame la ministre, que nous souhaitons la suppression de l'article 34 bis .
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 112, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 33 bis est supprimé.

Article 33 ter



M. le président.
« Art. 33 ter . - Après l'article L. 321-2 du même code, il est inséré un article L. 321-2-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 321-2-1 . - Dans les entreprises employant au moins cinquante salariés où le comité d'entreprise n'a pas été mis en place alors qu'aucun procès-verbal de carence n'a été établi et dans les entreprises employant plus de dix salariés où aucun délégué du personnel n'a été mis en place alors qu'aucun procès-verbal de carence n'a été établi, tout licenciement pour motif économique s'effectuant sans que, de ce fait, les obligations d'information, de réunion et de consultation du comité d'entreprise ou des délégués du personnel soient respectées est irrégulier. Le salarié ainsi licencié a droit à une indemnité qui ne peut être inférieure à un mois de salaire brut, sans préjudice des indemnités de licenciement et de préavis qui lui sont par ailleurs dues. »
Par amendement n° 113, M. Gournac, au nom de la commission des affaires sociales, propose de supprimer cet article.
La parole est à M. Gournac, rapporteur.
M. Alain Gournac, rapporteur. Cet article, introduit sur l'initiative de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale, prévoit de considérer comme irrégulier tout licenciement pour motif économique effectué dans une entreprise au sein de laquelle les institutions représentatives du personnel n'ont pas été mises en place.
Or le code du travail prévoit déjà des sanctions lorsque le chef d'entreprise ne satisfait pas à l'obligation d'organiser l'élection des représentants du personnel. Cette nouvelle disposition n'apparaît donc pas nécessaire.
Elle présente par ailleurs l'inconvénient de présumer le chef d'entreprise responsable de l'absence de désignation des institutions représentatives du personnel, alors que celle-ci peut tenir à d'autres causes, telles que l'absence de candidats.
En conséquence, la commission des affaires sociales propose au Sénat de supprimer l'article 33 ter .
M. Jacques Machet. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je suis défavorable à cet amendement, car je pense que les mesures prévues à l'article 33 ter sont tout à fait utiles.
En effet, aucune disposition ne permet à l'heure actuelle de sanctionner au civil le défaut de mise en place des institutions représentatives du personnel dû à la carence de l'employeur.
M. Hilaire Flandre. Comment ça, « la carence » ?
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Oui, la carence de l'employeur !
L'information et la consultation des représentants du personnel en matière de licenciements économiques constituent une garantie essentielle pour les salariés qui font l'objet d'une telle mesure, et l'article 33 ter , introduit à l'Assemblée nationale, permet de donner leur plein effet aux dispositions du code du travail et de garantir la participation effective des représentants du personnel dans ce domaine.
Dès lors que l'employeur n'aura pas justifié l'absence de représentants du personnel par un procès-verbal de carence, la procédure de licenciement économique sera considérée comme irrégulière.
L'article 33 ter est donc à mon sens très utile pour rendre effectif le respect de l'obligation d'information et de consultation des représentants des salariés, et je ne souhaite pas qu'il soit supprimé.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 113, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 33 ter est supprimé.

Article additionnel après l'article 33 ter

M. le président. Par amendement n° 379, Mme Borvo, MM. Muzeau, Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 33 ter , un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article L. 321-10 du code du travail est ainsi rédigé :
« Art. L. 321-10. - En cas de non-observation par l'employeur des obligations prévues au présent chapitre, la procédure de licenciement est nulle et de nul effet et le salarié est réintégré dans le poste de travail qu'il occupait. »
La parole est à M. Muzeau.
M. Roland Muzeau. Comme nous avons pu le constater au cours de la discussion, le code du travail et la jurisprudence établissent qu'il est de la responsabilité de l'employeur, avant que ce dernier n'envisage un licenciement, de rechercher les possibilités de reclassement du salarié concerné si la suppression de l'emploi ne peut être évitée.
Le juge vérifie, mais a posteriori , la pertinence des mesures contenues dans le plan social.
Depuis le vote de la loi du 27 janvier 1993, et grâce à l'adoption d'un amendement déposé par les députés communistes, l'insuffisance du plan social entraîne la nullité de la procédure.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. La jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation limite à des cas très précis la réintégration du salarié victime d'un licenciement irrégulier. Il n'apparaît pas souhaitable de généraliser cette disposition, qui ne constitue d'ailleurs pas forcément la meilleure solution pour le salarié, qui a pu bénéficier d'un reclassement et de dommages et intérêts.
La commission émet donc un avis défavorable sur l'amendement n° 379.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. J'ai dit dout à l'heure, à propos d'un amendement comparable, pourquoi il n'était pas souhaitable, à mon sens, de rendre obligatoire la réintégration dans ces conditions. J'émets donc le même avis défavorable que précédemment.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 379, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 34



M. le président.
« Art. 34. - I. - Les quatrième à septième alinéas de l'article L. 321-4-1 du même code sont remplacés par six alinéas ainsi rédigés :
« - des actions en vue du reclassement interne des salariés sur des emplois relevant de la même catégorie d'emplois ou équivalents à ceux qu'ils occupent ;
« - des créations d'activité nouvelle par l'entreprise ;
« - des actions favorisant le reclassement externe à l'entreprise ;
« - des actions de soutien à la création d'activités nouvelles ou à la reprise d'activités existantes par les salariés ;
« - des actions de formation ou de reconversion de nature à faciliter le reclassement interne ou externe des salariés sur des emplois équivalents ;
« - des mesures de réduction ou d'aménagement du temps de travail ainsi que des mesures de réduction du volume des heures supplémentaires effectuées de manière régulière lorsque ce volume montre que l'organisation du travail de l'entreprise est établie sur la base d'une durée collective manifestement supérieure à trente-cinq heures hebdomadaires ou 1 600 heures par an et que sa réduction pourrait préserver tout ou partie des emplois dont la suppression est envisagée. »
« II. - L'article L. 321-4-1 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La validité du plan social est appréciée au regard des moyens dont dispose l'entreprise ou, le cas échéant, l'unité économique et sociale ou le groupe. »
Par amendement n° 114, M. Gournac, au nom de la commission des affaires sociales, propose de compléter le premier alinéa du texte présenté par le I de cet article pour remplacer les quatrième et septième alinéas de l'article L. 321-4-1 du code du travail par les mots : « ou, sous réserve de l'accord exprès des salariés concernés, sur des emplois de catégorie inférieure ; ».
La parole est à M. Gournac, rapporteur.
M. Alain Gournac, rapporteur. Par coordination avec ce que nous avons proposé à l'article 33, nous prévoyons ici de permettre le reclassement dans un emploi de catégorie inférieure lorsque le reclassement dans un emploi de même catégorie n'est pas possible, sous réserve de l'accord exprès du salarié.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Ma position sera la même que celle que j'ai adoptée, à l'article 33, à propos de l'amendement n° 111.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 114.
M. Guy Fischer. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Cet amendement reprend, dans la lignée de la position adoptée par la commission des affaires sociales à l'article 33, la disposition permettant le reclassement des salariés, lors de la mise en oeuvre d'un plan social, sur un emploi de catégorie inférieure à celui qu'ils occupent.
Nous avons déjà dénoncé cette disposition lors d'une précédente intervention, nous ne développerons donc pas davantage notre point de vue, si ce n'est pour dire que, sur l'ensemble de l'article 34, la commission vide le texte de sa substance en supprimant, notamment par un amendement que nous examinerons ultérieurement, le paragraphe II de cet article qui prévoit d'inscrire dans la loi le principe selon lequel le juge apprécie la validité du plan social au regard des moyens dont dispose l'entreprise. Cette disposition, la commission des affaires sociales la juge en effet trop subjective.
En outre, la commission propose de revenir sur la rédaction adoptée à l'Assemblée nationale qui mentionne la réduction du volume des heures supplémentaires comme une condition nécessaire au plan social, arguant du fait que cette disposition ne correspond pas aux réalités de l'entreprise. Les réalités de l'entreprise, cela voudrait dire, en clair, le recours structurel aux heures supplémentaires.
Le moins que l'on puisse dire, c'est que cette attitude s'inscrit dans une démarche visant à déresponsabiliser les entreprises en termes d'obligations sociales, alors que certaines disposent de réels moyens pour améliorer un plan social.
En agissant ainsi, la majorité sénatoriale refuse de consolider par un texte de loi la jurisprudence récente, qui tend à moduler les exigences sur la qualité d'un plan social selon la situation de l'entreprise. Cette approche pragmatique nous paraît pourtant de nature à prendre en compte la réalité au plus près du terrain, méthode dont se réclame d'ailleurs souvent la majorité sénatoriale.
Nous ne partageons bien évidemment pas la position de la commission des affaires sociales, c'est pourquoi nous voterons contre tous ses amendements à l'article 34.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 114, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 232, M. Estier, Mme Dieulangard, MM. Cazeau, Chabroux, Mme Printz et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent de compléter le quatrième alinéa du I de l'article 34 par les mots : « notamment par le soutien à la réindustrialisation du bassin d'emploi ; ».
La parole est à Mme Dieulangard.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Cet amendement tend à responsabiliser les employeurs à l'égard des bassins d'emploi que la fermeture inopinée des entreprises plonge dans de grandes difficultés.
En effet, les actions de reclassement et de formation, si elles ne s'accompagnent pas de la création d'activités nouvelles dans les régions où vivent les salariés et leur famille, ne produisent pas leur maximum d'effet. Il est donc nécessaire, plutôt que de laisser reposer la charge de cette réindustrialisation sur les collectivités territoriales, comme c'est trop souvent le cas, d'y faire participer, autant qu'il est possible, les entreprises.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Une entreprise qui est amenée à se restructurer ne peut se désintéresser des conséquences de la fermeture d'un site. La plupart des entreprises, notamment les plus grandes, ont déjà cette attitude. Il n'est cependant peut-être pas inutile de le rappeler dans la liste des mesures qui doivent figurer dans le plan social.
Par conséquent, la commission est favorable à cet amendement n° 232.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je partage absolument cette préoccupation qui vise à responsabiliser les employeurs à l'égard non seulement des salariés licenciés, mais également des bassins d'emploi touché par les licenciements.
Les auteurs de l'amendement soulignent à très juste titre que les actions de formation et de reclassement des salariés n'auront, en l'absence d'une implication de l'entreprise au niveau même du bassin d'emploi, qu'un impact évidemment limité.
Vous savez d'ailleurs que le Gouvernement propose la mise en place d'un dispositif d'implication obligatoire des entreprises ayant une assise financière suffisante. Cette implication pourra être soit directe pour la réindustrialisation, soit réalisée au travers d'organisations spécialisées, répondant à des critères de qualité d'intervention et devant remplir un cahier des charges spécifiques.
Peut-être est-ce une redite par rapport à ce que nous proposons, mais cela ne me paraît pas présenter un inconvénient. J'émets donc un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 232.
M. Gérard Delfau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau. Je partage évidemment l'accord général sur cette mesure.
Lors de la discussion générale, j'avais demandé à Mme le ministre, et je souhaite obtenir une réponse à cette question, si toutes les entreprises ayant la taille requise étaient concernées. Plus précisément, les entreprises publiques à capitaux d'Etat sont-elles concernées ?
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Toutes les entreprises qui sont soumises au code du travail sont concernées par cette disposition. Tout dépend de l'entreprise publique : Air France est concernée, la SNCF, non.
M. Jean Chérioux. Il n'y pas intérêt à être fonctionnaire !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 232, accepté par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Cet amendement a été adopté à l'unanimité. C'est suffisamment rare pour être souligné.
M. Jean Chérioux. Quand les amendements sont bons nous les votons !
M. le président. Par amendement n° 233, M. Estier, Mme Dieulangard, MM. Cazeau, Chabroux, Mme Printz et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent, dans l'avant-dernier alinéa du I de l'article 34, après les mots : « des actions de formation », d'insérer les mots : «, de validation des acquis professionnels et de l'expérience ».
La parole est à M. Chabroux.
M. Gilbert Chabroux. Cet amendement tend à inscrire dans la loi l'obligation pour tout employeur de plus de cinquante salariés qui envisage le licenciement de dix salariés ou plus dans une période de trente jours, d'insérer dans le plan social, parmi les autres mesures qui lui incombent, le soutien à la validation des acquis professionnels et de l'expérience des salariés dont le licenciement est envisagé.
Le présent projet de loi prévoit la mise en place de la validation des acquis professionnels. Ce nouveau dispositif est très important, puisqu'il concernera de très nombreux salariés. Il convient de rappeler en effet que de nombreux adultes en activité ont un faible niveau de formation initiale : 27 % d'entre eux ont un niveau inférieur au certificat d'aptitude professionnelle, le CAP, et 40 % ne dépassent pas le niveau V. De plus, les entreprises n'investissent pratiquement pas dans la formation continue de ces catégories de salariés, qui se trouvent en première ligne en cas de vagues de licenciements.
Parmi les mesures de reconversion et de reclassement obligatoires dans le cadre d'un plan social, nous proposons, par cet amendement, l'insertion de la validation des acquis de l'expérience, avec le soutien et la prise en charge du coût du dossier par l'entreprise. A défaut d'une telle validation, à l'égal des autres mesures citées par le projet de loi - notamment celles relatives à la réduction des heures supplémentaires ou à la mise en place des 35 heures - la procédure de licenciement serait nulle et de nul effet.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Avec cet amendement, monsieur le sénateur, vous souhaitez que le contenu du plan social soit enrichi de mesures de soutien à la validation des acquis de l'expérience des salariés dont le licenciement est envisagé.
Naturellement, le Gouvernement ne peut être que très favorable à une telle disposition, puisque votre volonté d'enrichir le contenu du plan social rejoint, vous le savez, une préoccupation forte du Gouvernement, comme le montrent d'ailleurs les dispositions de ce projet de loi concernant le reclassement des salariés, notamment par les actions de formation et d'adaptation mises à la charge des entreprises.
En particulier, le Gouvernement partage tout à fait l'idée de permettre aux salariés de réunir les informations nécessaires sur leurs compétences dans la perspective de la mise en oeuvre d'une démarche de validation des acquis professionnels et de l'expérience.
Voilà pourquoi je suis tout à fait favorable à votre amendement. Peut-être pourrons-nous préciser sa rédaction au cours de la navette, mais cela me paraît secondaire par rapport à l'intention que vous manifestez et au soutien que vous apportez au Gouvernement dans sa volonté de promouvoir la validation des acquis professionnels.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 233, accepté par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. Jean Chérioux. Encore un bon amendement !
M. le président. Par amendement n° 115, M. Gournac, au nom de la commission des affaires sociales, propose de rédiger comme suit le dernier alinéa du texte présenté par le I de l'article 34 pour remplacer les quatrième à septième alinéas de l'article L. 321-4-1 du code du travail :
« - des mesures de réduction ou d'aménagement du temps de travail. »
La parole est à M. Gournac, rapporteur.
M. Alain Gournac, rapporteur. Par cet amendement, il est proposé de revenir à la rédaction prévue par le droit en vigueur, aux termes duquel le plan social peut notamment être assorti de mesures de réduction ou d'aménagement du temps de travail. Ce faisant, cet amendement vise à supprimer des dispositions introduites par l'Assemblée nationale qui mentionnait la réduction du volume des heures supplémentaires comme une condition du plan social.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Vous ne serez pas supris de m'entendre dire que je suis très défavorable à cet amendement, comme je l'ai été à celui qui, précédemment, visait à enlever du projet de loi la condition de négociation des 35 heures avant d'envisager une procédure de licenciement. L'article L. 321-4-1 du code du travail relatif au contenu des plans sociaux prévoit en effet que les entreprises peuvent inclure, dans un plan de reclassement, des mesures de réduction ou d'aménagement de la durée du travail.
En première lecture, à l'Assemblée nationale, les députés de la majorité ont souhaité que le plan de reclassement comporte, outre des dispositions relatives à la réduction du temps de travail, des mesures de réduction des heures supplémentaires effectuées de façon régulière lorsque cette réduction peut permettre de préserver tout ou partie des emplois dont la suppression est envisagée.
Voilà pourquoi le Gouvernement ne peut en aucun cas être favorable à cet amendement.
M. Hilaire Flandre. Il faut un référendum !
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 115, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. Jean Chérioux. C'est tout de même un bon amendement !
M. le président. Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 116, M. Gournac, au nom de la commission des affaires sociales, propose de supprimer le II de l'article 34.
Par amendement n° 415, le Gouvernement propose de compléter le II de l'article 34 par les dispositions suivantes :
« Les entreprises occupant au moins 1 000 salariés, ainsi que les entreprises visées à l'article L. 439-6 du code du travail et celles visées à l'article L. 439-1 du code du travail, dès lors qu'elles occupent ensemble au moins 1 000 salariés, sont tenues d'apporter une contribution à la création d'activités et au développement des emplois dans le bassin affecté par la fermeture partielle ou totale de sites. Cette contribution s'apprécie au regard du volume d'emplois supprimés par l'entreprise et de la situation économique du bassin et tient compte des moyens de l'entreprise. Elle prend la forme d'actions propres de l'entreprise ou d'une participation financière auprès d'organismes, d'établissements ou sociétés s'engageant à respecter un cahier des charges défini par arrêté. Les conditions de mise en oeuvre de cet article sont fixées par décret en Conseil d'Etat. »
La parole est à M. Gournac, rapporteur, pour défendre l'amendement n° 116.
M. Alain Gournac, rapporteur. La commission propose de supprimer le paragraphe II de l'article 34, qui prévoit d'inscrire dans la loi le principe selon lequel le juge apprécie la validité du plan social au regard des moyens de l'entreprise. Cette disposition introduit un critère très subjectif d'appréciation du plan social, qui revient à « discriminer » les entreprises selon leurs « moyens », supposés ou réels.
M. le président. La parole est à Mme le ministre, pour présenter l'amendement n° 415 et donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 116.
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Cet amendement tend à créer, à la charge des grandes entreprises, l'obligation de contribuer à la réindustrialisation des sites touchés par les fermetures partielles ou totales.
Cet amendement très important est nouveau, comme je l'ai indiqué dans mon discours introductif, car les licenciements économiques affectent non seulement les salariés, qui sont certes les plus durement touchés, mais aussi l'ensemble des territoires et du bassin d'emploi dans lesquels sont implantés les sites totalement ou partiellement fermés.
Cet amendement tend à mettre à la charge des grandes entreprises une obligation de participation à la réindustrialisation du bassin d'emploi et à traduire ainsi très concrètement le principe de solidarité qui unit l'entreprise qui procède à des licenciements au territoire dans lequel elle a développé son activité.
Toute grande entreprise fermant totalement ou partiellement un site devra ainsi contribuer à la création d'activités et au développement des emplois dans le bassin affecté. Elle pourra s'acquitter elle-même de cette obligation si elle dispose des compétences et de l'ingénierie nécessaires, ou avoir recours aux services d'organismes ou de sociétés spécialisés dans ce type d'opération, sur la base d'un cahier des charges.
Dans sa rédaction actuelle, ce texte est incomplet. Outre le renvoi à un décret d'application, il me semble essentiel, d'ici au vote définitif de la loi, de développer cette obligation. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 116, qui tend à supprimer le II de l'article 34 du projet de loi selon lequel la validité d'un plan social doit être appréciée en fonction des moyens dont disposent l'entreprise et le groupe auquel elle est intégrée.
J'avoue que je comprends mal l'opposition de la commission à ce principe de bon sens, d'ailleurs déjà posé par la Cour de cassation. Je la comprends d'autant moins que M. Gournac faisait précédemment référence au niveau bien proportionné des engagements du groupe Danone en matière de reclassement des salariés de Calais et d'Evry. Si vous approuvez la proportionnalité dans le cas de Danone, monsieur Gournac, vous ne devez pas la désapprouvez ici ! C'est un problème de cohérence.
On ne peut pas être favorable à la suppression de cette précision, qui est essentielle, car elle vise à introduire dans la loi ce que la Cour de cassation a consacré. Or c'est toujours un progrès quand ce qui relève de la jurisprudence devient la loi !
Voilà pourquoi nous avons toutes les raisons de ne pas accepter de supprimer le II de l'article 34 du projet de loi.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 415 ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Mme le ministre est défavorable à l'amendement n° 116 ; je lui annonce que la commission est défavorable à l'amendement n° 415.
Il n'est en effet pas possible, sur la forme, de donner un avis favorable à cette disposition, qui tend à compléter le II de l'article 34, que la commission propose de supprimer.
Quant au fond, la commission a déjà exprimé son soutien à l'idée de renforcer l'obligation de réindustrialisation du bassin d'emploi pour les entreprises qui licencient. Il ne lui semble pas pertinent de déterminer une nouvelle contribution, dont je voudrais bien que l'on m'expliquât - peut-être Mme la ministre pourra-t-elle le faire ? - l'assiette et le taux. S'agit-il d'un impôt, d'une taxe, ou d'autre chose ?
En outre, le fait de tenir compte des moyens de l'entreprise est une idée qui me paraît particulièrement subjective.
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Comme je le disais tout à l'heure, la commission n'est pas contre le principe d'une participation des entreprises qui suppriment des emplois à la réindustrialisation du bassin d'emploi...
M. Hilaire Flandre. Elles le font d'ailleurs déjà !
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Effectivement, elles le font déjà, ce qui ne profite d'ailleurs pas toujours à la commune qui a perdu un emploi, car elles peuvent utiliser un espace beaucoup plus grand pour recréer d'autres emplois.
Si nous adoptons cet article et que l'Assemblée nationale le vote conforme, nous n'aurons pas l'occasion d'en débattre à nouveau. Or c'est ce que nous voulons car, comme vous l'avez dit vous-même tout à l'heure, il convient de rechercher davantage de précisions, voire de transformer un certain nombre de termes, afin de le rendre plus compréhensible.
En effet, comme l'a dit le rapporteur, quelle est la définition de cette contribution ? Où va-t-elle ? A qui ? Par quel moyen ? Rien de tout cela ne figure dans le texte.
Certes, les conditions de mise en oeuvre de cet article seront fixées par décret en Conseil d'Etat, avez-vous dit, mais vous avez certainement déjà une idée.
Si, d'ici à la deuxième lecture, vous nous donniez des précisions, la commission pourrait revoir sa position.
Mme Gisèle Printz. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à Mme Printz.
Mme Gisèle Printz. La disposition selon laquelle la validité du plan social est appréciée au regard des moyens dont dispose l'entreprise ou le groupe est une disposition indispensable dans le contexte de la mondialisation. Il est bien évident qu'un plan social ne peut présenter les mêmes dispositions et être élaboré avec les mêmes moyens, selon qu'il est présenté par une PME ou par un groupe multinational.
Cette disposition n'est en rien subjective ; elle est au contraire d'un élémentaire bon sens. Il est vrai qu'elle peut permettre un examen, fût-ce a posteriori , des moyens dont dispose réellement l'entreprise, qui peut s'avérer particulièrement délicat dans l'hypothèse, évoquée tout à l'heure, de difficultés plus ou moins simulées ou d'une compétitivité particulièrement dynamique.
Il est vrai aussi que les sommes qui devront être consacrées au plan social, et donc au sort des salariés licenciés, viendront s'imputer sur les bénéfices et les sommes destinées à la rétribution du capital, ce que le marché peut considérer comme négatif.
En toute hypothèse, dans le contexte de mondialisation dont beaucoup de salariés sont aujourd'hui victimes, il est indispensable que l'entreprise ou le groupe qui licencie, particulièrement pour maintenir ou développer sa compétitivité, consacre au plan social des moyens suffisants.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 116, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 415 n'a plus d'objet.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 34, modifié.

(L'article 34 est adopté.)

Articles additionnels après l'article 34



M. le président.
Par amendement n° 416, le Gouvernement propose d'insérer, après l'article 34, un article additionnel ainsi rédigé :
« Il est inséré dans le même code un article L. 321-4-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 321-4-3 . - I. - L'employeur qui envisage de prononcer un licenciement pour motif économique est tenu de proposer à chaque salarié concerné le bénéfice d'un bilan d'évaluation des compétences et d'orientation réalisé par l'organisme mentionné à l'article L. 311-1. Ce bilan peut être mis en oeuvre dès la notification du licenciement et est réalisé pendant la période du préavis. Ce bilan doit permettre notamment au salarié de réunir les informations sur ses compétences qu'il pourra mobiliser ultérieurement dans une démarche de validation des acquis de l'expérience.
« La proposition intervient au plus tôt lors de l'entretien prévu à l'article L. 122-14 ou à l'issue de la dernière réunion du comité d'entreprise ou d'établissement ou des délégués du personnel tenue en application de l'article L. 321-3 ou de l'article L. 321-7-1.
« Ce bilan est financé par l'employeur.
« Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret. Ce décret prévoit le montant de la contribution de l'employeur. Ce montant peut varier en fonction de la taille de l'entreprise et de sa situation économique.
« II. - Dans les entreprises d'au moins mille salariés, celles visées à l'article L. 439-1 dès lors qu'elles occupent ensemble au moins mille salariés et celles visées à l'article L. 439-6, l'employeur qui envisage de prononcer un licenciement pour motif économique est tenu de proposer à chaque salarié concerné un congé de reclassement.
« Pendant le préavis, puis le congé, le salarié bénéficie d'actions de formation nécessaires à son reclassement, notamment celles définies dans le bilan mentionné au I ci-dessus et des prestations d'une cellule d'accompagnement des démarches de recherche d'emploi. L'employeur assure le financement de l'ensemble de ces actions dans des conditons fixées par décret en Conseil d'Etat.
« La durée totale du préavis et du congé ne peut excéder six mois, ou neuf mois pour les salariés âgés de cinquante ans et plus.
« Pendant la durée du congé de reclassement, le contrat de travail de l'intéressé est suspendu.
« Le salarié en congé de reclassement bénéficie d'une rémunération mensuelle à la charge de l'employeur dont le montant est fixé par le décret précité.
« Les dispositions du 4° et du dernier alinéa de l'article L. 322-4 sont applicables à cette rémunération.
« Les partenaires sociaux peuvent dans le cadre d'un accord national interprofessionnel prévoir une contribution aux actions mentionnées au I et II du présent article. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 446, présenté par M. Gournac, au nom de la commission des affaires sociales, et tendant à supprimer les deux dernières phrases du dernier alinéa du I du texte présenté par l'amendement n° 416 pour l'article L. 321-4-3 du code du travail.
La parole est à Mme le ministre, pour présenter l'amendement n° 416.
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Cet article additionnel vise à renforcer les obligations de l'employeur en matière de reclassement, et ce préalablement à la rupture du contrat de travail du salarié. C'est évidemment l'une des dispositions les plus importantes que nous proposons d'introduire dans le projet de loi car elle vise à responsabiliser les employeurs en les impliquant financièrement dans le reclassement de leurs salariés, tout en augmentant les sécurités dont bénéficient ces derniers lorsque leur entreprise est contrainte de se restructurer.
Nous proposons la mise en place d'un dispositif à deux niveaux.
D'une part, nous créons un droit de tous les salariés, quelle que soit la taille de l'entreprise, à bénéficier d'un bilan d'évaluation des compétences et d'orientation financé par l'employeur, bilan qui comprendra des éléments d'information susceptibles d'être mobilisés dans le cadre d'une démarche de validation des acquis de l'expérience.
D'autre part, nous prévoyons que les entreprises les plus importantes auront l'obligation d'organiser et de financer un congé de reclassement pour les salariés qui en feront la demande.
Pendant ce congé, qui pourra durer de six à neuf mois pour les salariés les plus âgés, le contrat de travail sera suspendu, mais non rompu, et le financement de ces actions sera à la charge des employeurs.
C'est évidemment une amélioration considérable par rapport à ce qui a pu exister dans le passé, sous forme de congé de conversion par exemple, à la fois en termes de durée, d'obligation et de financement.
M. Hilaire Flandre. Et si l'employeur est insolvable ?
M. le président. La parole est à M. Gournac, rapporteur, pour présenter le sous-amendement n° 446 et pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 416.
M. Alain Gournac, rapporteur. Cet important amendement du Gouvernement s'inspire largement de la nouvelle convention d'assurance chômage, qui prévoit le financement d'actions d'évaluation des compétences professionnelles et celui des actions d'accompagnement ou de reclassement au profit des demandeurs d'emploi. Il vise à créer un droit pour les salariés à bénéficier d'un bilan d'évaluation des compétences financé par l'employeur, ainsi que d'un congé de reclassement, dont le financement sera également à la charge de l'employeur.
Point important, cet amendement prévoit que les partenaires sociaux pourront, dans le cadre d'un accord national interprofessionnel, prévoir une contribution à ces actions.
Compte tenu du peu de temps dont nous disposions pour examiner cet amendement, qui aurait nécessité de nombreuses consultations et auditions, il est malaisé de se prononcer. Cependant, afin de tenir compte des pistes intéressantes qu'il ouvre, et de la nouvelle assurance chômage, je m'en remets à la sagesse du Sénat, sous réserve de l'adoption du sous-amendement n° 446 supprimant les deux dispositions qui prévoient que le montant de la contribution de l'employeur peut varier en fonction de la taille de l'entreprise et de sa situation économique, et qui ne semblent pas correspondre à un dispositif propre à chaque entreprise.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 446 ? Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Le Gouvernement est défavorable au sous-amendement n° 446, qui remet en cause la logique même du dispositif visant à responsabiliser l'employeur qui licencie et à faire profiter le salarié d'un bilan d'évaluation de compétences destiné à lui permettre d'engager une démarche de formation et de reclassement.
Le Gouvernement a souhaité faire varier le coût de ce bilan en fonction de la taille de l'entreprise. Il est en effet légitime, tout en assurant la même prestation de bilan à tous les salariés, quelle que soit la taille de l'entreprise - c'est en quelque sorte un tronc commun - que les entreprises contribuent de manière différenciée au financement de ce bilan en fonction de leur taille et de leurs moyens.
Le Gouvernement ne peut donc pas être favorable à la proposition de M. le rapporteur.
M. le président. Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 446.
M. Gérard Delfau. Je demande la parole contre le sous-amendement.
M. le président. La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau. Dans cette affaire, je n'arrive pas à comprendre la logique du rapporteur, selon laquelle, si je comprends bien, l'entreprise de trois salariés devrait verser la même somme que celle qui en compte plus de mille !
M. Jean Chérioux. Dans les mêmes proportions ! Ce n'est pas pareil !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 446, repoussé par le Gouvernement.

(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, l'amendement n° 416, pour lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 34.
Par amendement n° 417, le Gouvernement propose, après l'article 34, d'insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article L. 122-9 du code du travail est ainsi rédigé :
« Art. L. 122-9 . - Le salarié lié par contrat de travail à durée indéterminée et qui est licencié alors qu'il compte deux ans d'ancienneté ininterrompue au service du même employeur a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité minimum de licenciement. Le taux de cette indemnité, différent suivant que le motif du licenciement est le motif prévu à l'article L. 321-1 du présent code ou un motif inhérent à la personne du salarié, et ses modalités de calcul, en fonction de la rémunération brute dont il bénéficiait antérieurement à la rupture du contrat de travail, sont fixés par voie réglementaire. »
La parole est à Mme le ministre.
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Cet amendement vise à introduire une distinction entre les motifs de licenciement personnel ou économique à l'article L. 122-9 sur le montant de l'indemnité légale de licenciement. Cette distinction permettra de différencier les taux des indemnités de licenciement et de renchérir le coût des licenciements pour motif économique.
Pour cette catégorie de licenciements, le Gouvernement prévoit de doubler l'indemnité par voie réglementaire, en la faisant passer de un dixième à un cinquième de mois de salaire par année d'ancienneté.
Un tel renchérissement du coût des licenciements est d'abord une mesure de justice sociale pour les salariés qui perdent leur emploi. C'est aussi une mesure raisonnable en ce que le montant envisagé ne pénalisera pas dangereusement les entreprises, notamment les plus petites d'entre elles.
Je tiens à souligner ici que cette mesure n'est pas réservée aux seules grandes entreprises. On dit souvent que les mesures que nous proposons sont toutes réservées aux grandes entreprises ; c'est faux, et je l'ai déjà montré il y a un instant à propos du droit à la formation.
En ne réservant pas l'application de cette disposition aux salariés des seules grandes entreprises, le Gouvernement marque clairement sa volonté de prendre en compte la situation de tous les salariés qui perdent leur emploi pour des motifs économiques, et notamment de ceux qui sont d'autant moins protégés que, précisément, ils ne travaillent pas dans une grande entreprise.
Certes, les indemnités de licenciement peuvent être plus élevées, mais la loi doit fixer un plancher en dessous duquel on ne peut pas descendre, et le Gouvernement propose de doubler ce plancher.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Cet amendement présente une nouvelle rédaction pour l'article L. 122-9, afin de pouvoir différencier le montant de l'indemnité légale de licenciement selon que le licenciement est personnel ou économique.
Par ailleurs, le Gouvernement a annoncé son intention de doubler, par voie réglementaire, le montant de cette indemnité de licenciement.
Cet amendement ne semble pas à la mesure des enjeux. En renchérissant le coût des licenciements, on risque de mettre en difficulté des entreprises déjà fragilisées, alors même que la plupart des grands groupes ont antérieurement adopté, par la voie conventionnelle, des dispositions plus favorables. Toutes les entreprises n'ont, à l'évidence, pas nécessairement les moyens de présenter un plan social aussi développé que Danone, par exemple.
M. Jacques Machet. Bien sûr !
M. Alain Gournac, rapporteur. La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 417.
M. Roland Muzeau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Muzeau.
M. Roland Muzeau. Nous voterons cet amendement bien qu'il nous semble avant tout symbolique. Il reste que le doublement de l'indemnité peut effectivement marquer les esprits.
M. Hilaire Flandre. Et où voyez-vous cela ?
M. Roland Muzeau. Cela étant, un salarié rémunéré au SMIC - il y en a tout de même quelques millions dans notre pays ! - et qui a dix ans d'ancienneté verra son indemnité de licenciement passer de 6 000 à 12 000 francs, environ, ce qui n'a rien d'extraordinaire. Dès lors, les craintes exprimées par M. le rapporteur quant au coût d'une telle mesure pour l'entreprise doivent être relativisées.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Très bien !
M. Jean Chérioux. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux. Mme la ministre nous a dit tout à l'heure que cette mesure n'était pas réservée aux grandes entreprises. Pour ma part, je crois qu'elle vise surtout les petites entreprises puisque, nous le savons, la plupart des grandes entreprises ont prévu, par la voix conventionnelle, des indemnités beaucoup plus importantes.
Dans ces conditions, le présent amendement n'est pas adapté à la situation actuelle, où les entreprises qui licencient sont de grandes entreprises qui ont des moyens, qui font des bénéfices et qui veulent rationaliser leur fonctionnement. Or ces grandes entreprises-là ne seront pas touchées puisqu'elles font en général déjà beaucoup plus que ce que prévoit le projet de loi.
Je ne suivrai donc pas Mme la ministre.
M. Hilaire Flandre. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Flandre.
M. Hilaire Flandre. Je ne peux pas être en accord avec la position de Mme le ministre. Il faut cesser une fois pour toutes, dans cette assemblée et ailleurs, de considérer le monde de façon manichéenne en pensant qu'il y a, d'un côté, les pauves travailleurs et, de l'autre côté, les méchants patrons,...
M. Roland Muzeau. Mais beaucoup de travailleurs sont effectivement pauvres !
M. Hilaire Flandre. ... qui ne penseraient qu'à maximiser leurs profits et qui seraient toujours des « sans coeur » quand leur entreprise connaît des difficultés.
J'ai été moi-même responsable d'entreprise, en tant que président du conseil d'administration, membre du directoire ou membre du conseil de surveillance d'un certain nombre d'entreprises. Chaque fois qu'il m'est arrivé de devoir licencier ou me séparer d'un collaborateur, ce fut toujours pour moi une décision déchirante. Une telle décision est toujours précédée de discussions qui mettent en cause le plus profond de soi-même. Vous pouvez interroger les gens avec qui j'ai travaillé : vous verrez qu'ils conservent de moi le souvenir d'un responsable d'entreprise et non pas celui d'un « méchant ».
M. Jacques Machet. C'est vrai !
M. Hilaire Flandre. Par ailleurs, je ne pense pas qu'il soit sain de confier au pouvoir réglementaire le soin de fixer les indemnités. La presse a effectivement évoqué un doublement du plancher légal des indemnités de licenciement. Mais, lorsque je lis le texte de l'amendement, je ne vois rien de tout cela. Autrement dit, voter cet amendement, c'est laisser au pouvoir réglementaire la liberté de doubler, quintupler ou décupler le plancher, sans que le Parlement puisse en discuter.
Pour toutes ces raisons, bien entendu, je voterai contre cet amendement.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 417, repoussé par la commission.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Section 4

Lutte contre la précarité des emplois

Article additionnel avant l'article 35 A



M. le président.
Par amendement n° 332 rectifié quater , M. Jourdain, Mme Bardou, MM. Faure, Descours, Blanc, Machet, Ferrand, Ginésy, Neuwirth, Natali, Mme Heinis et M. Besse proposent d'insérer, avant l'article 35 A, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Dans la section II du chapitre II du titre Ier du livre II du code du travail, le paragraphe 4 et l'article L. 212-4-16 deviennent respectivement le paragraphe 5, et l'article L. 212-4-17.
« Il est inséré un nouveau paragraphe 4 ainsi rédigé :

« § 4 - Travail à temps partagé

« Art. L. 212-4-16. - Le travail à temps partagé est l'exercice par un salarié pour le compte de plusieurs employeurs de ses compétences professionnelles dans le respect des dispositions applicables à la réglementation de la durée du travail.
« Le contrat de travail du salarié à temps partagé est un contrat écrit à durée déterminée ou indéterminée. Il mentionne notamment :
« - la qualification du salarié ;
« - les éléments de la rémunération ; le contrat peut prévoir les modalités de calcul de la rémunération mensualisée indépendamment du temps accompli au cours du mois lorsque le salarié à temps partagé est occupé sur une base annuelle ;
« - la convention collective éventuellement appliquée par l'employeur et, le cas échéant, les autres dispositions conventionnelles applicables ;
« - la durée du travail hebdomadaire ou, le cas échéant, mensuelle ou annuelle ;
« - la répartition de cette durée entre les jours de la semaine ou entre les semaines du mois ou de l'année ; quand cette répartition ne peut être préalablement établie, un avenant au contrat de travail la définit ultérieurement ;
« - la possibilité de modifier cette répartition ou la durée du travail par accord entre les parties ;
« - la procédure selon laquelle le salarié à temps partagé pourra exercer son droit à congés annuels ;
« - la liste des autres contrats de travail dont le salarié est titulaire ; toute modification de cette liste est portée à la connaissance de chacun des employeurs par lettre recommandée avec accusé de réception ; il en est de même de toute modification d'un contrat de travail portant sur la durée du travail ou sa répartition ou sur tout élément de nature à entraver l'exécution d'un autre contrat de travail ; le salarié à temps partagé doit obtenir l'accord de ses autres employeurs préalablement à la conclusion d'un nouveau contrat de travail avec un employeur concurrent d'un précédent ;
« - l'engagement de l'employeur de ne prendre aucune mesure qui serait de nature à entraver l'exécution par le salarié de ses obligations à l'égard de ses autres employeurs ;
« - l'engagement du salarié de respecter, pendant la durée du contrat comme après sa rupture, une obligation de discrétion sur toutes informations concernant chaque employeur ;
« - l'engagement du salarié à temps partagé de respecter les limites fixées par l'article L. 212-7.
« Art. L. 212-4-16-1. - Les organismes gestionnaires du régime d'assurance chômage, les organismes de sécurité sociale et les institutions de retraite complémentaire adaptent ou modifient, en tant que de besoin, les dispositifs en vigueur afin de faciliter l'exercice des emplois à temps partagé. »
« II. - Le 12° de l'article L. 133-5 du code du travail est complété par un g ainsi rédigé :
« g) Pour les salariés à temps partagé, l'adaptation, en tant que de besoin, des dispositions de la convention collective à cette catégorie de salariés. »
« III. - Le deuxième alinéa (1°) de l'article L. 411-2 du code de la sécurité sociale est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Il en est de même de l'accident survenu sur le parcours effectué entre les différents lieux de travail fréquentés par un salaire répondant aux conditions de l'article L. 212-4-7-1 du code du travail. »
« IV. - Le troisième alinéa (1°) de l'article L. 751-6 du code rural est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Il en est de même de l'accident survenu sur le parcours effectué entre les différents lieux de travail fréquentés par un salarié répondant aux conditions de l'article L. 212-4-16 du code du travail. »
La parole est à M. Jourdain.
M. André Jourdain. Si je me permets de relancer le débat sur le travail à temps partagé à l'occasion de l'examen du présent projet de loi, c'est pour deux raisons.
Tout d'abord, lors de la discussion de ma proposition de loi, le 11 mars 1999, Mme le secrétaire d'Etat s'y était opposée en invoquant en particulier le fait qu'à l'automne 1999 un projet de loi sur les nouvelles formes de travail serait soumis au Parlement. Elle avait précisé que ce projet de loi porterait sur les groupements d'employeurs, le multisalariat et la pluriactivité. Or, deux ans après, nous n'avons toujours rien vu venir.
Par ailleurs, j'ai été sensibilisé, tout comme ceux de mes collègues qui ont cosigné cet amendement, au problème de la précarité de l'emploi des travailleurs saisonniers.
Nous avons considéré que la forme de contrat que j'avais présentée dans ma proposition de loi pouvait convenir, sous réserve de quelques adaptations, aux saisonniers. Tel est l'objet de cet amendement.
Ainsi, un salarié pourrait, par exemple, travailler l'hiver dans un hôtel des Alpes avec un contrat à durée indéterminée, puis, le reste de l'année, dans une entreprise de bûcheronnage du Jura, également avec un contrat à durée indéterminée.
M. Jacques Machet. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. La commission avait encouragé notre collègue M. Jourdain à déposer cet amendement relatif au multisalariat à temps partagé. C'est une initiative heureuse puisqu'il s'agit de réglementer de nouvelles formes de travail qui favorisent l'emploi dans la durée.
On peut rappeler que cet amendement reprend la proposition déposée par notre collègue et adoptée par le Sénat en 1999.
J'émets donc un avis très favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Cette proposition sur le travail à temps partagé me paraît très intéressante. Nous avons eu, monsieur Jourdain, des échanges à ce sujet à l'occasion de débats au Sénat et vous avez, me semble-t-il, travaillé avec mes collaborateurs sur les propositions qui sont aujourd'hui soumises à la discussion. Celles-ci rejoignent d'ailleurs les conclusions des travaux du Conseil national de la montagne, et plusieurs des éléments de cet amendement sont positifs.
Toutefois, il en est plusieurs autres qui ne sont pas absolument nécessaires au regard des textes actuels ; je pense notamment à ce qui concerne les contrats écrits, la durée du travail, les congés annuels.
Il faut prendre encore le temps de travailler pour améliorer la rédaction.
Je vous indique d'ores et déjà que j'ai l'intention de faire préparer, à destination de mes services, une circulaire rappelant les textes actuels. Les précisions qui sont nécessaires, notamment en matière de sécurité sociale, pourront en outre être apportées.
Voilà pourquoi je ne suis pas favorable à cet amendement, tout en approuvant les objectifs visés, qui me paraissent pouvoir être atteints par d'autres moyens.
M. Jean Chérioux. Et si l'auteur était différent ?
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 332 rectifié quater.
M. André Jourdain. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Jourdain.
M. André Jourdain. Je remercie la commission des affaires sociales et son rapporteur de leur soutien.
Je remercie aussi Mme le ministre d'avoir reconnu que notre amendement comportait des éléments positifs. Que quelques adaptations soient encore nécessaires, j'en conviens parfaitement, mais la navette permettra d'y procéder.
Cela dit, la circulaire dont vous venez de nous annoncer la préparation, madame le ministre, sera aussi un élément très positif, car une telle initiative est attendue avec impatience par les intéressés.
M. Gérard Delfau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau. Je partage l'intérêt de nombre de nos collègues et de Mme la ministre pour ce contrat de travail si joliment dénommé « contrat de travail du salarié à temps partagé ». C'est une idée que notre collègue M. André Jourdain soutient depuis de longues années, qu'il a mûrie, notamment dans l'exercice de son activité de président d'un comité de bassin d'emploi.
Il est effectivement nécessaire de répondre à une multiplicité de situations, d'assurer un encadrement et une mise en cohérence.
Ce dispositif présente sans doute des risques et suscite assurément des réticences, pour ne pas dire plus, de la part de certaines institutions, mais je joins ma voix à quelques autres pour souhaiter que ce dossier avance et que la législature ne se termine pas sans qu'il soit mené à bonne fin.
M. André Jourdain. Merci !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 332 rectifié quater , accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Le groupe socialiste s'abstient.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Le groupe communiste républicain et citoyen également.
M. Jean Chérioux. C'est une abstention positive ?

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 35 A.

Article 35 A



M. le président.
« Art. 35 A. - I. - Dans le premier alinéa de l'article L. 122-1 du code du travail, après le mot : "déterminée", sont insérés les mots : ", quel que soit son motif, ". »
« II. - Dans le premier alinéa de l'article L. 124-2 du même code, après le mot : "temporaire", sont insérés les mots : ", quel que soit son motif, ". »
Par amendement n° 241, M. Estier, Mmes Derycke, Dieulangard, MM. Cazeau, Chabroux, Mme Printz et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent de rédiger comme suit cet article :
« I. - Le premier alinéa de l'article L. 122-1 du code du travail est rédigé comme suit :
« Le contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise. Un employeur ne peut s'exonérer de cette obligation en pourvoyant durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise à l'aide de contrats à durée déterminée successifs conclus avec différents salariés. »
« II. - Le premier alinéa de l'article L. 124-2 du code du travail est rédigé comme suit :
« Le contrat de travail temporaire, quel que soit son motif, ne peut avoir pour objet ni pour effet de pourvoir durablement à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice. Un employeur ne peut s'exonérer de cette obligation en pourvoyant durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice à l'aide de contrats de mission successifs conclus avec une ou plusieurs entreprises de travail temporaire. »
La parole est à Mme Dieulangard.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Cet amendement a pour objet d'interdire cette pratique très répandue qui consiste à faire se succéder sur un même poste différents salariés en contrat à durée déterminée ou en mission d'intérim. Une telle pratique constitue, à l'évidence, un détournement caractérisé du contenu des articles L. 122-1 et L. 124-2 du code du travail, qui énumèrent limitativement les conditions de recours aux contrats à durée déterminée et à l'intérim.
Dans le cas qui nous préoccupe, ces types de contrats sont utilisés de manière frauduleuse pour pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise, ce qui est explicitement interdit.
Ne pas intervenir pour mettre un terme à cette pratique scandaleuse pourrait être interprété au mieux comme de l'inertie fondée sur de l'indifférence, au pis comme un encouragement silencieux au développement de la précarité.
Nous tenons à rappeler que, depuis dix ans, la précarité a augmenté dans des proportions inquiétantes : de 130 % pour les contrats à durée déterminée et de 60 % pour l'intérim, contre une croissance de seulement 2 % pour les contrats à durée indéterminée.
Il est vrai qu'un million d'emplois ont été créés depuis 1997, ce qui ne s'était pas vu depuis fort longtemps et constitue le résultat des remarquables efforts du Gouvernement.
Toutefois, nous devons aussi nous préoccuper de la qualité des emplois créés. Nous savons fort bien que les emplois précaires ne débouchent que très rarement sur des emplois stables.
Certes, la loi Aubry sur la réduction du temps de travail a permis de stabiliser nombre de ces emplois, dans un premier temps. Mais les entreprises - et ce ne sont pas obligatoirement les plus petites - ont monté leur propre bureau d'intérim, où l'on met toujours en oeuvre l'organisation des emplois précaires tournants.
Cette situation ne saurait perdurer. La modernisation sociale que le Gouvernement ambitionne de réaliser à travers ce projet de loi doit être accompagnée d'une moralisation, qu'il s'agisse des plans sociaux ou de la précarité. Des instruments législatifs ont été mis en place depuis de nombreuses années, principalement la gestion prévisionnelle des emplois. Aussi, utiliser systématiquement la précarité constitue soit une carence de la gestion des ressources humaines, soit une volonté délibérée de fragiliser les personnels, qui sont alors beaucoup moins revendicatifs.
Au demeurant, je rappelle que les personnes victimes de la précarité sont le plus souvent des jeunes et des femmes en situation familiale elle-même précaire, ce qui accentue encore leurs difficultés quotidiennes. Il est donc indispensable de prendre des mesures simples et claires pour que les emplois durables des entreprises soient pourvus par des salariés eux-mêmes « durables ».
Si vous me permettez cette expression, je dirai que si des conditions de vie acceptables ne passent pas nécessairement par la sécurité de l'emploi, tous les travailleurs ont le droit de se sentir sécurisés dans leur emploi.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. La rédaction adoptée par l'Assemblée nationale, et que notre commission n'a pas souhaité modifier, apparaît plus claire que celle de l'amendement n° 241. C'est pourquoi la commission est défavorable à ce dernier.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Eh bien, moi, je suis favorable à l'amendement n° 241.
Il tend en effet à faire préciser par les articles L. 122-1 et L. 124-2 du code du travail l'interdiction explicite de la pratique qui consiste à pourvoir un même poste par des salariés différents par le biais d'une succession de contrats à durée déterminée, de missions d'intérim, voire le jeu conjugué de ces deux dispositifs.
Pour cette raison, cet amendement me paraît bienvenu.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 241, repoussé par la commission et accepté par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 35 A.

(L'article 35 A est adopté.)

Articles additionnels après l'article 35 A



M. le président.
Par amendement n° 242, M. Estier, Mmes Derycke, Dieulangard, MM. Cazeau, Chabroux, Mme Printz et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 35 A, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le sixième alinéa de l'article L. 122-3-1 du code du travail est complété par les mots : "la mention suivante : « Tout salarié employé pour une durée déterminée qui estime que son contrat de travail a pour objet ou pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise peut saisir l'inspection du travail ou le conseil de prud'hommes afin de demander la requalification de son contrat en contrat à durée indéterminée » ;". »
La parole est à Mme Dieulangard.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. L'article L. 122-3-1 du code du travail énumère les mentions qui doivent obligatoirement figurer sur le contrat de travail écrit qui doit être remis au salarié embauché pour une durée déterminée.
Nous proposons de faire figurer de manière expresse sur ce contrat une phrase indiquant que le salarié employé pour une durée déterminée, qui estime que son contrat de travail a pour objet ou pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise, peut saisir l'inspection du travail ou le conseil des prud'hommes afin de demander la requalification de son contrat en contrat à durée indéterminée.
Bien entendu, tout salarié peut à tout moment saisir l'inspecteur du travail. Nous le savons. Mais combien de salariés le savent, même parmi les plus anciens ? Et combien de dénis de justice se commettent au nom du principe selon lequel « Nul n'est censé ignorer la loi » ?
A fortiori , les salariés précaires et fragilisés par leur situation doivent bénéficier d'une information renforcée sur leurs droits et les possibilités qui leur sont offertes.
Au-delà des cas individuels, l'introduction de cette mention peut permettre de lutter depuis la base contre le développement malsain de la précarité.
Toutes les entreprises ne sont pas pourvues, nous l'avons déjà dit, de représentants du personnel. Lorsque c'est néanmoins le cas, le salarié précaire hésitera, par peur de ne pas voir son contrat renouvelé, à prendre contact avec le délégué du personnel. Il lui sera paradoxalement plus facile d'informer l'inspecteur du travail des faits dont il s'estime victime.
C'est pourquoi nous proposons de porter cette mention nouvelle de façon obligatoire sur tous les contrats à durée déterminée.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Cet amendement apparaît inopportun à deux égards.
Tout d'abord, il inscrit dans la loi des dispositions dont les salariés bénéficient déjà aujourd'hui.
Ensuite, l'article L. 122-3-1 du code du travail ne semble pas le meilleur support pour une telle disposition. Je rappelle en effet que cet article détermine les dispositions qui doivent figurer nécessairement dans le contrat de travail à durée déterminée. Or ce n'est manifestement pas le cas des mentions prévues par le présent amendement.
Dans ces conditions, la commission des affaires sociales donne un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Le Gouvernement adhère bien sûr à la volonté de combattre le recours abusif aux contrats précaires que vient de souligner Mme Dieulangard.
Je dois toutefois faire remarquer que le pouvoir de requalification d'un contrat est conféré au juge en application de l'article 12 du nouveau code de procédure civile. L'article L. 122-3-13 du code du travail prévoit, par ailleurs, une procédure d'urgence devant le conseil des prud'hommes, sans conciliation préalable.
En accordant un pouvoir de requalification à l'autorité administrative, l'amendement n° 242 apparaît, en outre, contraire au principe de la séparation des pouvoirs. Il en va d'ailleurs de même du recours qu'il institue puisqu'il ferait du conseil de prud'hommes le juge d'une décision administrative. De ce point de vue, je crains qu'il subisse la censure du Conseil constitutionnel.
L'autorité administrative a vocation à prendre des décisions en application de la loi après avoir, bien sûr, entendu les observations des parties. Mais elle ne saurait se voir assigner, à l'instar du juge, une mission de conciliation préalable à la prise de décision.
L'arrêt rendu le 6 mai 1996 par le Conseil d'Etat rappelle que l'administration doit apprécier l'apparence d'un contrat au titre de l'examen du champ d'application de la loi avant de déterminer sa propre compétence. Cet arrêt ne remet pas en cause la compétence exclusive du juge en matière de requalification du contrat de travail.
Vous savez, par ailleurs, que le Gouvernement a déposé un amendement qui a le même objet. Il s'agit, en effet, de donner des pouvoirs nouveaux au comité d'entreprise et aux délégués du personnel en créant un véritable droit d'alerte. Il fait intervenir l'inspecteur du travail, comme vous le souhaitez. Il contraint l'entreprise à mettre en place un plan de résorption de la précarité dès lors qu'un recours abusif serait constaté.
Je crois que cet amendement va tout à fait dans le sens de vos propositions. Je me permets donc, au bénéfice de ces explications, de vous suggérer de retirer le vôtre.
M. le président. Madame Dieulangard, l'amendement n° 242 est-il maintenu ?
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Nous le retirons, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 242 est retiré.
Par amendement n° 243, M. Estier, Mmes Derycke, Dieulangard, MM. Cazeau, Chabroux, Mme Printz et les membres du groupe socialiste et apparentés, proposent d'insérer, après l'article 35 A, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article L. 122-3-13 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Sans préjudice des dispositions de l'alinéa ci-dessus, l'inspecteur du travail, saisi par le salarié intéressé, peut requalifier son contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée. La décision de l'inspecteur du travail intervient à l'issue d'une procédure de conciliation et dans le délai de deux semaines suivant la saisine. Elle est susceptible d'appel dans le délai d'un mois auprès du conseil de prud'hommes qui statue selon la procédure prévue au deuxième alinéa du présent article. »
La parole est à M. Chabroux.
M. Gilbert Chabroux. Pour les raisons qui nous ont conduits à retirer l'amendement n° 242, nous retirons également l'amendement n° 243.
M. le président. L'amendement n° 243 est retiré.

Article 35 B



M. le président.
« Art. 35 B. - Le deuxième alinéa de l'article L. 122-3-4 et le deuxième alinéa de l'article L. 124-4-4 du même code sont ainsi rédigés :
« Cette indemnité est égale à 10 % de la rémunération totale brute due au salarié. Une convention ou un accord collectif de travail peut déterminer un taux plus élevé. »
Par amendement n° 117, M. Gournac, au nom de la commission des affaires sociales, propose de supprimer cet article.
La parole est à M. Gournac, rapporteur.
M. Alain Gournac, rapporteur. La fixation du taux de l'indemnité de précarité était jusqu'à présent déterminée par les partenaires sociaux qui se trouvent ainsi dessaisis de leurs compétences.
Par ailleurs, cet article pourrait avoir un effet pervers puisqu'il renforce l'attractivité des CDD pour les salariés en augmentant le taux de l'indemnité de précarité.
Dans ces conditions, nous vous proposons de supprimer cet article.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Le Gouvernement émet un avis défavorable.
A l'heure actuelle, les salariés sous contrat à durée déterminée peuvent être défavorisés par rapport aux salariés intérimaires, qui, au-delà de la protection légale, bénéficient de tout un tissu d'accords collectifs de branche ou d'entreprise portant notamment sur la formation, la protection sociale complémentaire et l'accès au crédit.
Une augmentation générale de quatre points de l'indemnité de fin de contrat, portant celle-ci au niveau de l'indemnité de fin de mission des travailleurs intérimaires, est donc une mesure d'équité, même si une forme de contribution équivalente des employeurs offrant aux salariés concernés l'occasion de consacrer une partie du temps de leur contrat à une période de formation me paraît préférable.
Je sais que les partenaires sociaux travaillent par ailleurs sur cette piste qui, à mon avis, devrait être explorée plus avant au cours de la navette.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 117.
M. Roland Muzeau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Muzeau.
M. Roland Muzeau. Dans un souci d'équité, cet article introduit par l'Assemblée nationale sur l'initiative du rapporteur et des députés communistes, harmonise à 10 % de la rémunération brute les indemnités de précarité versées aux salariés, qu'ils soient titulaires d'un CDD ou d'un contrat d'intérim.
Préférant laisser aux seuls partenaires sociaux - et nous savons actuellement ce qu'il en est des négociations... - le soin de déterminer le taux de ces indemnités qui compensent, en quelque sorte, le préjudice subi par le salarié victime de la précarité tout en pénalisant l'employeur, la commission des affaires sociales nous propose, non pas de revenir au taux actuellement en vigueur - 10 % en intérim, 6 % en CDD - mais de supprimer dans l'article toute référence législative à un taux.
C'est pourquoi nous voterons contre l'amendement n° 117.
M. Gilbert Chabroux. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Chabroux.
M. Gilbert Chabroux. Monsieur le président, le groupe socialiste est également contre cet amendement, pour au moins deux raisons : l'exigence d'équité, qui conduit à harmoniser les indemnités de fin de contrat pour l'intérim et les CDD, et la satisfaction de voir que l'harmonisation proposée se fera par le haut, au niveau de 10 %.
A cet égard, la remarque de M. le rapporteur selon laquelle cette augmentation renforcerait l'attractivité de ce type de contrat, nous semble témoigner d'une certaine méconnaissance des conditions de vie et de travail des personnes concernées qui souhaitent avant tout un emploi stable.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 117, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 35 B est supprimé.

Article 35



M. le président.
« Art. 35. - I. - Le premier alinéa de l'article L. 122-3-11 du même code est complété par les mots : "si la durée de ce contrat, renouvellement inclus, est au moins égale à quatorze jours et avant l'expiration d'une période égale à la moitié de la durée du contrat, renouvellement inclus, si la durée de ce contrat, renouvellement inclus, est inférieure à quatorze jours". »
« II. - Le troisième alinéa de l'article L. 124-7 du même code est complété par les mots : "si la durée de ce contrat, renouvellement inclus, est au moins égale à quatorze jours et avant l'expiration d'une période égale à la moitié de la durée du contrat, renouvellement inclus, si la durée de ce contrat, renouvellement inclus, est inférieure à quatorze jours". »
« III. - Le premier alinéa de l'article L. 122-3-11 et le troisième alinéa de l'article L. 124-7 du même code sont complétés par une phrase ainsi rédigée :
« Pour l'appréciation du délai devant séparer les deux contrats, il est fait référence aux jours d'ouverture de l'entreprise concernée. »
M. le président. Par amendement n° 118, M. Gournac, au nom de la commission des affaires sociales, propose de supprimer les I et II de cet article.
La parole est à M. Gournac, rapporteur.
M. Alain Gournac, rapporteur. La rédaction adoptée par l'Assemblée nationale, qui distingue entre les contrats de plus ou moins quatorze jours, est à la fois compliquée et incohérente.
Il apparaît en effet que, dans certains cas, le délai de carence applicable après un premier contrat de treize jours serait de sept jours, alors qu'il ne serait que de cinq jour, après un premier contrat de quatorze jours.
La commission des affaires sociales vous propose donc de supprimer les I et II de l'article 35.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Evidemment, je suis défavorable à cet amendement.
Monsieur le rapporteur, vous supprimez tout ce qui a été introduit d'intéressant par l'Assemblée nationale ! Je ne peux donc pas être pour !
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 118.
M. Jean Chérioux. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux. Je suis étonné des propos que Mme le ministre vient de tenir : que le ministre qui a présenté le texte constate que tout ce qui est intéressant vient de l'Assemblée nationale, c'est assez affligeant !
M. Gérard Delfau. Comment ça ? Et le Parlement ?
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 118, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 119, M. Gournac, au nom de la commission des affaires sociales, propose, à la fin du second alinéa du III de l'article 35, de remplacer les mots : « de l'entreprise concernée », par les mots : « de l'entreprise ou de l'établissement concernés ».
La parole est à M. Gournac, rapporteur.
M. Alain Gournac, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de précision, qui prévoit la possibilité de calculer le délai de carence en faisant référence aux jours d'ouverture du seul établissement concerné.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Eh bien, voilà un amendement intéressant, constructif et positif, sur lequel je suis d'accord ! (Sourires.)
Vous voyez bien, monsieur Chérioux, que je n'ai pas la conception patrimoniale que vous semblez avoir des textes, ni votre souci du droit d'auteur ! Quand les amendements sont intéressants, je dis oui !
M. Alain Gournac, rapporteur. Nous aussi !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Quand ils sont contraires aux principes que je défends, je dis non !
M. le président. Madame le ministre, c'est ce que dit aussi M. Chérioux en reconnaissant que, lorsqu'un amendement fait l'unanimité, c'est parce qu'il est bon.
Vous allez donc tous les deux dans le même sens !
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 119.
M. Jean Chérioux. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux. Mme le ministre ne m'a pas compris. (Exclamations sur les travées socialistes.) Je n'ai pas du tout dit qu'il n'était pas normal qu'elle trouve intéressant ce qui est proposé par l'Assemblée nationale.
Ce qui m'a étonné, c'est de l'entendre dire qu'il s'agissait des éléments les plus intéressants du texte. En effet, le texte a tout de même été rédigé par le Gouvernement ! Mais peut-être n'est-ce pas ce qu'elle voulait dire et s'est-il d'un lapsus.
M. Hilaire Flandre. Elle n'a pas de fierté d'auteur !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 119, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je constate que cet amendement a été adopté à l'unanimité.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 35, modifié.

(L'article 35 est adopté.)

Article 36



M. le président.
« Art. 36. - I. - A l'article L. 152-1-4 du même code, les mots : "et L. 122-3-11" sont remplacés par les mots : ", des premier et dernier alinéas de l'article L. 122-3-1, du deuxième alinéa de l'article L. 122-3-3 et de l'article L. 122-3-11". »
« II. - L'article L. 152-2 du même code est ainsi modifié :
« 1° Supprimé ;
« 2° Le b du 2° est ainsi rédigé :
« b) Recouru à un salarié temporaire sans avoir conclu avec un entrepreneur de travail temporaire, dans le délai prévu à l'article L. 124-3, un contrat écrit de mise à disposition ou ayant omis de communiquer, dans le contrat de mise à disposition, l'ensemble des éléments de rémunération conformément aux dispositions du 6° de l'article L. 124-3. » ;
« 3° Le 1° est complété par un e ainsi rédigé :
« e) Méconnu en connaissance de cause les dispositions du premier alinéa de l'article L. 124-4-2 ; ».
Par amendement n° 120, M. Gournac, au nom de la commission des affaires sociales, propose de supprimer le I de cet article.
La parole est à M. Gournac, rapporteur.
M. Alain Gournac, rapporteur. Cet amendement va faire plaisir à Mme le ministre, puisqu'il vise à éviter le développement des sanctions pénales. Tout à l'heure, madame le ministre a en effet dit, à plusieurs reprises, combien elle était opposée à un tel développement. Je propose donc de supprimer le I de l'article 36.
Le développement des sanctions pénales pour des manquements à des règles de forme, absence de contrat écrit par exemple, alors même qu'il existe déjà des sanctions civiles prévoyant la requalification du CDD en CDI, ou le versement de dommages et intérêts ne paraissent pas souhaitables.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Malheureusement, je ne suis pas d'accord avec vous.
En matière de contrat à durée déterminée, le code du travail pose en effet le principe de l'égalité de rémunération entre salariés précaires et salariés permanents, ainsi que le principe du caractère écrit du contrat de travail. Compte tenu des dérives qui ont été constatées, l'efficacité du contrôle exercé par les services de l'inspection du travail sur ces deux points suppose la mise en place de sanctions pénales.
Je n'ai jamais dit qu'il ne fallait pas de sanctions pénales. J'ai dit qu'il ne fallait pas en abuser et que, lorsqu'elles existent, il n'est pas obligatoirement nécessaire de les augmenter. En l'occurrence, elles sont indispensables, car elles instituent une sanction suite au contrôle exercé par les services de l'inspection du travail.
A mes yeux, il n'est donc pas souhaitable de retenir cet amendement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 120, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 380, MM. Fischer, Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de compléter l'article 36 par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - Il est inséré, après l'article L. 152-1-4 du code du travail, un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. L. ... - Dans une entreprise de plus de cent salariés, constitue un recours abusif au travail précaire le fait que, au cours d'une période de six mois, le nombre d'emplois occupés par des salariés sous contrat à durée déterminée ou sous contrat de travail temporaire, excède un dixième du total des emplois.
« L'inspection du travail constate la réalité du recours abusif au travail précaire qui donne lieu, au-delà de la proportion définie ci-dessus, au versement d'une amende de 25 000 francs par salarié concerné.
« A cette fin, le comité d'entreprise peut saisir l'inspection du travail et est tenu informé par l'employeur du nombre de salariés sous contrat à durée déterminée ou sous contrat de travail temporaire.
« Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret en Conseil d'Etat. »
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Nous approuvons l'économie générale de l'article 36, qui vise à renforcer le dispositif législatif sanctionnant l'utilisation illégale des contrats précaires.
Nous souhaitons, dans le même esprit, instaurer le principe d'une pénalité dissuasive pour les entreprises ayant recours de manière exclusive au travail précaire, qu'il s'agisse de contrats à durée déterminée ou de contrats d'intérim.
Avec cet amendement, nous souhaitons mettre un terme aux pratiques de certains employeurs qui multiplient les embauches sous contrat précaire, alors qu'ils auraient la possibilité de réaliser des embauches en contrats à durée indéterminée.
Nous pensons donc que, pour les entreprises employant plus de cent salariés, si, au cours d'une période de six mois, le nombre de salariés travaillant avec un statut précaire est supérieur à 10 % de l'effectif total de l'entreprise, il y aurait moyen de réaliser des embauches en contrats à durée indéterminée.
Nous souhaitons que ce type de situations soit sanctionné par la loi comme recours abusif au travail précaire. En effet, malgré la relative amélioration de la situation de l'emploi, nous considérons qu'il faut être particulièrement attentifs à la qualité des emplois créés. Vous le savez fort bien, mes chers collègues, une grande partie des embauches réalisées concerne des emplois précaires et relativement mal payés. A notre avis, le retour au plein-emploi, que nous pouvons considérer comme un objectif de moyen terme, ne doit pas passer par une augmentation de la précarité et du nombre de bas salaires, ce qui ne serait en fait qu'une généralisation du chômage partiel et conduirait à une paupérisation des salariés. Pour éviter cela, il convient de rendre dissuasif pour les employeurs le recours excessif à l'emploi précaire.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. La commission souhaiterait entendre le Gouvernement avant de se prononcer.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Nous sommes d'accord sur l'objectif. Cependant, je crains que le fait de prévoir une sanction pécuniaire automatique en cas de dépassement d'un seuil de 10 % d'emplois précaires n'aboutisse paradoxalement à légitimer le recours à l'emploi précaire en deçà de ce seuil de 10 %.
Par ailleurs, le principe même d'une amende à titre de sanction purement administrative, sans intervention du juge, et même sans possibilité d'appréciation en opportunité de la part de l'inspecteur du travail, ne me semble pas opportun.
J'émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est maintenant l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Nous venons d'entendre les arguments de Mme la ministre.
J'ajouterai qu'il s'agit également de prendre en compte les entreprises qui sont confrontées à de fortes variations d'activité, et c'est un point que nous avons évoqué en commission. Là aussi, il y a parfois des nécessités en certains domaines. Aussi, nous émettons un avis défavorable sur cet amendement.
Tout à l'heure, notre collègue Guy Fischer réclamait toujours et encore des sanctions. Non ! Dans ce domaine, il faut arrêter toutes les sanctions, sinon on bloquera le système.
M. Jacques Machet. Tout à fait !
M. Guy Fischer. Et l'on ne fera rien du tout !
M. Jacques Machet. C'est la France qui ne fera plus rien !
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 380, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
M. Gilbert Chabroux. Le groupe socialiste s'abstient.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 36, modifié.

(L'article 36 est adopté.)

Articles additionnels après l'article 36



M. le président.
Par amendement n° 381, MM. Fischer, Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 36, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article L. 122-3-13 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Toute rupture du contrat de travail prononcée ou constatée à raison du terme initialement fixé dans le contrat requalifié est nulle et de nul effet. La réintégration est de droit si le salarié en fait la demande. Celui-ci est regardé comme n'ayant jamais cessé d'occuper son emploi. »
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Si vous le voulez bien, monsieur le président, je défendrai en même temps l'amendement n° 382.
M. le président. J'appelle donc l'amendement n° 382, présenté par MM. Fischer, Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, et tendant à insérer, après l'article 36, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après le deuxième alinéa de l'article L. 124-7 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Toute rupture du contrat de travail prononcée ou constatée à raison du terme initialement fixé dans le contrat requalifié est nulle et de nul effet. La réintégration est de droit si le salarié en fait la demande. Celui-ci est regardé comme n'ayant jamais cessé d'occuper son emploi. »
Veuillez poursuivre, monsieur Fischer.
M. Guy Fischer. La loi du 12 juillet 1990 favorisant la stabilité de l'emploi par l'adaptation du régime des contrats précaires pose le principe selon lequel le « contrat de travail à durée indéterminée est la forme normale du contrat de travail ».
Au nombre des mesures protectrices instituées au profit des salariés et déclinées dans le code du travail aux articles L. 122-3-13 et L. 124-7, relatifs, respectivement, aux contrats à durée déterminée et aux contrats de travail temporaires, figure la garantie, pour ces salariés, de requalification de leur contrat, faussement qualifié par l'employeur de « contrat à durée déterminée ».
Au terme d'une procédure dérogatoire au droit commun, le salarié peut faire constater par la juridiction prud'homale qu'occupant un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise il est titulaire d'un contrat à durée indéterminée.
Par conséquent, le terme fixé par un contrat à durée déterminée requalifié est privé d'effet ; les relations contractuelles se poursuivent.
Dans un arrêt récent du 13 mars 2001, Hugues/société France-Télécom, la Cour de cassation a décidé que la poursuite du contrat de travail requalifié n'était pas de droit lorsque la relation contractuelle a été rompue en raison d'un licenciement fondé sur la caducité du terme, en l'absence d'une disposition prévoyant l'annulation du licenciement à défaut d'une violation d'une liberté fondamentale.
Les amendements que je vous propose d'adopter sont de nature à combler ce vide juridique, en prévoyant expressément dans ces cas précis la nullité du licenciement et la réintégration du salarié à sa demande.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 381 et 382 ?
M. Alain Gournac, rapporteur. L'amendement n° 381 vise à inscrire dans la loi des dispositions que le juge applique déjà, en particulier en ce qui concerne la nullité de la rupture d'un contrat de travail qui serait prononcée ou constatée à raison du terme fixé dans le contrat requalifié. La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Elle est également défavorable à l'amendement n° 382, relatif au travail temporaire.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Ces deux amendements ne se justifient pas vraiment. En effet, la requalification du contrat à durée déterminée a déjà pour conséquence de rendre sans objet le terme initialement fixé dans le contrat. Vous affirmez qu'une jurisprudence s'est prononcée en sens inverse. Je n'ai pas la même appréciation que vous sur la portée de la jurisprudence. Je suggère donc que, pendant la navette, nous examinions cette question et que nous puissions voir si, comme vous le proposez, il est effectivement nécessaire de préciser ce point.
M. Jean Chérioux. D'où l'utilité de la navette !
M. le président. Monsieur Fischer, les amendements n°s 381 et 382 sont-ils maintenus ?
M. Guy Fischer. Puisque j'ai l'assurance de Mme la ministre que ce point fera l'objet d'une étude attentive et que nous pourrons y revenir, je retire les amendements.
M. Hilaire Flandre. C'est un effort méritoire !
M. Jean Chérioux. Beau succès pour le Gouvernement !
M. le président. Les amendements n°s 381 et 382 sont retirés.
Par amendement n° 418, le Gouvernement propose d'insérer, après l'article 36, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article L. 432-4-1 du code du travail est complété par les trois alinéas suivants :
« Lorsque le comité d'entreprise a connaissance de faits susceptibles de caractériser un recours non conforme aux dispositions des articles L. 122-1 et L. 124-2 du présent code, il peut décider de saisir l'inspecteur du travail afin que celui-ci effectue les constatations qu'il estime utiles. L'inspecteur du travail adresse à l'employeur le rapport de ses constatations. L'employeur communique ce rapport au comité d'entreprise en même temps que sa réponse motivée aux constatations de l'inspecteur du travail dans laquelle il précise, en tant que de besoin, les moyens qu'il met en oeuvre dans le cadre d'un plan de résorption de la précarité destiné à limiter le recours à ces formes de contrats de travail et, le cas échéant, faire disparaître les irrégularités constatées.
« A défaut de comité d'entreprise, les délégués du personnel peuvent exercer les attributions conférées au comité d'entreprise pour l'application de l'alinéa précédent.
« Les conditions d'application du présent article sont fixées par décret. »
La parole est à Mme le ministre.
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Pour renforcer la maîtrise du recours au travail précaire, il est souhaitable de faire appel à la vigilance des représentants du personnel,...
M. Hilaire Flandre. ... à la délation !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. ... qui sont les mieux à même de déceler l'existence de pratiques contestables au sein de leur entreprise. La mise en oeuvre par les représentants du personnel d'un dispositif d'alerte permettrait aux services de l'inspection du travail de constater les faits et d'inviter l'employeur à leur faire connaître les mesures qu'il compte mettre en oeuvre pour assurer un retour à la normale.
L'objectif de cette proposition, qui rejoint celles qui sont faites par le groupe communiste républicain et citoyen et par le groupe socialiste, est bien de s'attaquer au recours structurel abusif aux contrats précaires que l'on constate dans certains secteurs d'activité ou entreprises.
L'amendement confère au comité d'entreprise et, à défaut, aux délégués du personnel la possibilité d'alerter l'inspecteur du travail sur toutes les pratiques de recours aux contrats précaires non conformes aux cas prévus par la loi. Il appartient alors à l'inspecteur du travail d'effectuer les constatations, qu'il consigne dans un rapport à l'employeur. Celui-ci doit alors répondre à l'inspecteur du travail et, au besoin, présenter un plan de résorption du travail précaire.
La présentation par l'employeur d'un plan de résorption des emplois précaires dans l'entreprise - j'y faisais allusion tout à l'heure, madame Dieulangard - ne l'exonère pas des sanctions qui lui sont éventuellement applicables si des infractions ont été commises.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. La commission ne pense pas beaucoup de bien de cet amendement. En effet, il vise à mettre en place une procédure compliquée, qui ne semble pas indispensable compte tenu du droit en vigueur et des possibilités actuelles de saisine de l'inspecteur du travail. Il s'agit, selon moi, d'un amendement d'affichage. La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 418.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Dieulangard.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Le groupe socialiste pense au contraire beaucoup de bien de cet amendement, qui répond parfaitement et probablement de façon plus complète aux objectifs qu'il souhaitait atteindre par un amendement précédent, qui a été retiré. Il le votera donc.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 418, repoussé par la commission.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 37



M. le président.
« Art. 37. - I. - L'article L. 122-3-8 du même code est ainsi modifié :
« 1° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Il peut toutefois, par dérogation aux dispositions du précédent alinéa, être rompu à l'initiative du salarié lorsque celui-ci justifie d'une embauche pour une durée indéterminée. Sauf accord des parties, le salarié est alors tenu de respecter une période de préavis dont la durée est calculée à raison d'un jour par semaine compte tenu de la durée totale du contrat, renouvellement inclus, si celui-ci comporte un terme précis, ou de la durée effectuée lorsque le contrat ne comporte pas un terme précis et, dans les deux cas, dans une limite maximale de deux semaines. » ;
« 2° Au quatrième alinéa, les mots : "à l'alinéa précédent" sont remplacés par les mots : "à l'alinéa premier" ;
« 3° Au dernier alinéa, les mots : "de ces dispositions" sont remplacés par les mots : "des dispositions prévues aux premier et deuxième alinéas". »
« II. - L'article L. 124-5 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les dispositions de l'alinéa précédent ne sont pas applicables lorsque le contrat est rompu par le salarié qui justifie d'une embauche pour une durée indéterminée. Sauf accord des parties, le salarié est alors tenu de respecter une période de préavis dont la durée est calculée à raison d'un jour par semaine compte tenu de la durée totale du contrat, renouvellement inclus, si celui-ci comporte un terme précis, ou de la durée effectuée lorsque le contrat ne comporte pas un terme précis, sans que cette période puisse être inférieure à un jour ni supérieure à deux semaines dans les deux cas. »
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 121, M. Gournac, au nom de la commission des affaires sociales, propose de supprimer cet article.
Par amendement n° 313, MM. Murat, Marini, de Montesquiou, Karoutchi et Cornu proposent, au début du texte présenté par le 1° du I de l'article 37 pour modifier l'article L. 122-3-8 du code du travail, d'ajouter les mots : « Sauf s'il est conclu, pour un sportif professionnel, en vertu du 3° de l'article L. 112-1-1. »
Par amendement n° 383, MM. Fischer, Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de compléter in fine la première phrase du texte présenté par le I de l'article 37 pour être inséré à l'article L. 122-3-8 du code du travail par les mots : « ou d'une admission pour une formation qualifiante. »
La parole est à M. Gournac, rapporteur, pour défendre l'amendement n° 121.
M. Alain Gournac, rapporteur. Le texte adopté par l'Assemblée nationale revient à mettre le droit en conformité avec les faits, puisque le salarié qui rompt prématurément son engagement contractuel sous statut précaire afin d'accepter un contrat à durée indéterminée n'est quasiment jamais inquiété.
Si je comprends parfaitement la motivation de l'article 37, qui vise à lutter contre la précarité et à permettre au salarié de s'inscrire dans une relation contractuelle plus stable, j'observe cependant que la rédaction retenue a également pour conséquence d'exonérer le salarié de sa responsabilité, et donc d'affaiblir la notion même du contrat comme engagement réciproque.
Par ailleurs, on ne peut exclure que de telles dispositions, par les effets qu'elles pourraient avoir sur l'organisation des entreprises amenées à devoir gérer des défaillances de certains salariés, pourraient, en fait, accroître la sélectivité lors de l'embauche sur un contrat à durée déterminée ou un contrat de travail temporaire.
En définitive, on peut craindre que cet article ne complique l'accès à l'emploi des salariés. Dans ces conditions, mes chers collègues, je vous propose d'adopter l'amendement n° 121, qui tend à sa suppression.
M. le président. La parole est à M. Cornu, pour défendre l'amendement n° 313.
M. Gérard Cornu. Je tiens à saluer le travail de simplification opéré par la commission.
M. Guy Fischer. C'est le moins que l'on puisse dire !
M. Gérard Cornu. En effet, là encore, M. le rapporteur nous propose la suppression d'un article. Et moins une loi est compliquée, plus elle est lisible.
Comme M. Gournac l'a dit très justement, l'article 37 n'apporte rien de nouveau puisque, dans les faits, le salarié qui rompt son contrat à durée déterminée de façon anticipée afin d'accepter un contrat à durée indéterminée n'est quasiment jamais inquiété.
Plus grave, cet article n'opère pas de distinction entre les différents types de contrat à durée déterminée. Il faut dès lors en déduire que les contrats d'usage seraient concernés. Seraient ainsi touchés les secteurs d'activité dans lesquels, en raison du caractère temporaire des emplois, on ne recourt pas aux contrats à durée indéterminée : je pense particulièrement au théâtre, à l'audiovisuel ou au sport professionnel.
Par exemple, cette possibilité, si elle concernait les clubs professionnels, serait susceptible de remettre en cause la nécessaire équité sportive, sans laquelle une compétition n'a pas de sens. Des équipes pourraient en effet être destabilisées par le départ de joueurs, en cours de saison, pour d'autres clubs. En effet, le joueur pourrait se dégager à tout moment de son engagement contractuel sous respect d'un préavis maximum de deux semaines, c'est-à-dire quasi immédiatement.
Enfin, si l'on maintenait l'application de ce dispositif au sport professionnel, aucune règle ne pourrait plus être respectée en matière de transfert : si le transfert de joueurs ne doit pas être entravé au nom de la libre circulation des travailleurs en Europe, rien n'interdit que le salarié respecte l'engagement contractuel d'une durée déterminée. L'application de cette réforme sur le territoire national mettrait les clubs français dans une situation défavorable par rapport à leurs concurrents européens.
Néanmoins, compte tenu du dépôt par la commission d'un amendement n° 121, que je voterai, je retire l'amendement n° 313.
J'attire toutefois votre attention sur le point suivant, madame la ministre, j'attire votre attention : si votre intention est de faire rétablir l'article 37 par l'Assemblée nationale, veillez alors surtout à sortir de son champ d'application les contrats d'usage !
M. le président. L'amendement n° 313 est retiré.
La parole est à M. Fischer, pour défendre l'amendement n° 383.
M. Guy Fischer. Même si, aujourd'hui, une tendance semble se dessiner concernant la transformation plus fréquente des contrats à durée déterminée en contrats à durée indéterminée, il n'en demeure pas moins que la forme normale du contrat de travail n'est plus le contrat de travail à durée indéterminée, avec toutes les conséquences que cela induit d'un point de vue personnel et familial, sans parler des incidences professionnelles.
Afin de faciliter l'insertion professionnelle des salariés sous contrat précaire, l'article 37 du projet de loi, que la commission des affaires sociales propose d'ailleurs de supprimer, ouvre aux salariés la possibilité de rompre leur contrat de travail à durée déterminée ou contrat de travail temporaire avant le terme prévu lorsqu'ils accèdent à un contrat de travail à durée indéterminée.
Cette disposition, de nature à contribuer au recul des emplois précaires en facilitant leur transformation en emploi stable, reçoit notre soutien. Nous proposons par cet amendement d'étendre cette possibilité de mettre fin à tout moment à un contrat de travail à durée déterminée, ou contrat intérim, sur l'initiative du salarié, lorsque ce dernier trouve une formation, un stage qualifiant, dans une autre entreprise notamment.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 383 ?
M. Alain Gournac, rapporteur. La commission émet un avis défavorable. De toute façon, si, comme je le propose, le Sénat adopte l'amendement n° 121, l'amendement n° 383 n'aura plus d'objet !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 121 et 383 ?
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° 121. Je pense en effet qu'il faut permettre aux salariés de saisir l'opportunité qui s'offre à eux de mettre fin à leur situation précaire, en rompant leur contrat de travail sans être redevables de dommages et intérêts.
S'agissant de l'amendement n° 383, je suis quelque peu réservée, car je considère que la rédaction de cet amendement pourrait être améliorée. Les contrats à durée déterminée sont, le plus souvent, de courte durée. Il ne m'apparaît donc pas nécessaire de permettre aux salariés de les interrompre par une formation qui peut être prévue de toute façon au cours des périodes intermédiaires entre deux contrats. Aux termes de l'article L. 122-2 du code du travail, les contrats à durée déterminée peuvent être conclus dans un but de formation professionnelle. Il me semble aussi qu'il faudrait préciser la notion de formation qualifiante.
Je crois donc que nous pourrions réaliser un travail de précision sur cette proposition.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 121.
M. Jean Chérioux. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux. Si je suis d'accord sur le principe avec la proposition de la commission, je considère cependant cette dernière comme un peu brutale. En effet, j'ai connu des personnes ayant rompu leur contrat à durée déterminée deux ou trois jours avant le terme de ce dernier pour pouvoir bénéficier d'un contrat à durée indéterminée et qui ont alors été sanctionnées. Je comprends donc très bien le point de vue de la commission, et je voterai son amendement ; mais je crois que nous pourrions réfléchir, à l'occasion de la navette, à ces cas limites, qui sont des cas humainement intéressants.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Il ne faut pas voter l'amendement, monsieur Chérioux ! (Sourires.)
M. Alain Gournac, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Gournac, rapporteur.
M. Alain Gournac, rapporteur. Monsieur le président, j'ai bien entendu notre collègue Jean Chérioux. Bien évidemment, il nous faudra réfléchir à ce cas bien précis, où le contrat à durée déterminé est rompu simplement quelques jours avant son terme.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 121, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 37 est supprimé et l'amendement n° 383 n'a plus d'objet.

Article 38



M. le président.
« Art. 38. - La section 1 du chapitre II du titre II du livre Ier du même code est complétée par un article L. 122-3-17 ainsi rédigé :
« Art. L. 122-3-17 . - L'employeur doit porter à la connaissance des salariés liés par un contrat à durée déterminée la liste des postes à pourvoir dans l'entreprise sous contrat à durée indéterminée lorsqu'un tel dispositif d'information existe déjà dans l'entreprise pour les salariés liés par un contrat de travail à durée indéterminée. »
Par amendement n° 384, MM. Fischer, Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de rédiger comme suit le texte présenté par cet article pour l'article L. 122-3-17 du code du travail :
« Art. L. 122-3-17. - Les salariés sous contrat à durée déterminée et les salariés temporaires qui souhaitent occuper un emploi sous contrat à durée indéterminée dans l'établissement ou dans l'entreprise ont priorité pour l'attribution d'un emploi ressortissant de leur catégorie professionnelle ou d'un emploi équivalent.
« L'employeur porte à la connaissance de ces salariés la liste des emplois disponibles correspondants. »
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Cet amendement vise à instaurer une priorité d'embauche dans l'entreprise au bénéfice des salariés sous contrat précaire qui y travaillent, qu'il s'agisse de contrats à durée déterminée ou de missions d'intérim, et qui désirent occuper un emploi équivalent en contrat à durée indéterminée.
En cela, les dispositions que nous préconisons sont similaires à celles de l'article L. 212-4-5 du code du travail, qui instaure une priorité pour les salariés à temps partiel souhaitant occuper un emploi à temps plein et inversement.
Il nous semble, en effet, qu'une telle mesure ne serait que justice puisque, de fait, l'entreprise reconnaît les compétences des personnes qu'elle emploie au titre d'un statut précaire. Il nous apparaît donc tout à fait légitime que ces salariés soient informés de l'existence, au sein de l'entreprise, de postes en contrat à durée indéterminée, correspondant à leur qualification et qu'ils en soient les premiers bénéficiaires.
Notre amendement s'inscrit dans une démarche volontariste de résorption de la précarité en s'attachant à mener ce combat au plus près du terrain, c'est-à-dire au sein même de l'entreprise, avec pragmatisme.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. La commission souhaiterait entendre l'avis du Gouvernement avant de se prononcer.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je suis réservée sur cet amendement. Je pense en effet que l'instauration d'une priorité d'embauche des salariés précaires pourrait jouer au détriment des salariés de l'entreprise sous contrat à durée indéterminée, qui, après tout, ont également vocation à postuler aux emplois disponibles en son sein.
M. le président. Quel est, en définitive, l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. La commission émet un avis défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 384, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 38.

(L'article 38 est adopté.)

Article 38 bis



M. le président.
« Art. 38 bis . - La section 4 du chapitre IV du titre II du livre Ier du même code est complétée par un article L. 124-22 ainsi rédigé :
« Art. L. 124-22 . - L'entreprise utilisatrice doit porter à la connaissance des salariés liés par un contrat de mise à disposition la liste des postes à pourvoir dans l'entreprise sous contrat à durée indéterminée lorsqu'un tel dispositif d'information existe déjà dans l'entreprise pour les salariés liés par un contrat de travail à durée indéterminée. » - (Adopté.)

Division et articles additionnels après l'article 38 bis



M. le président.
Mes chers collègues, il y a lieu de réserver l'amendement n° 122 jusqu'après l'examen des amendements tendant à insérer des articles additionnels après l'article 38 bis.
Par amendement n° 123, M. Gournac, au nom de la commission des affaires sociales, propose, après l'article 38 bis, d'insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans l'avant-dernier alinéa de l'article L. 322-4-18 du code du travail, les mots : ", selon les besoins," sont supprimés. »
La parole est à M. Gournac, rapporteur.
M. Alain Gournac, rapporteur. La commission des affaires sociales a souhaité introduire dans ce projet de loi un nouveau volet sur les emplois-jeunes. Ce dernier s'inscrit dans le prolongement des propositions que nous avions formulées en octobre dernier, car, depuis lors, et en dépit de l'inquiétude grandissante des jeunes, aucune mesure n'est intervenue.
Il me semble pourtant indispensable de se préoccuper au plus vite de l'avenir professionnel des jeunes, notamment de ceux pour lesquels les perspectives de pérennisation du poste sont les plus faibles. Les premières échéances arriveront en effet en octobre 2002, soit dans moins d'un an et demi.
Voilà pourquoi la commission des affaires sociales a tenu à faire ici des propositions simples, très pragmatiques et qui, si elles étaient adoptées, permettraient aux jeunes d'envisager l'avenir avec plus de sérénité.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je vais redire ici ce que j'ai déjà indiqué lors de mon audition par la commission. Le Gouvernement se préoccupe évidemment de l'avenir des emplois-jeunes. M. Gournac n'aura plus longtemps à attendre puisque le Gouvernement annoncera prochainement ses intentions à cet égard.
Il est en effet indispensable, d'une part, que les jeunes titulaires d'un emploi-jeune sachent comment ils pourront sortir de ce système qui, je le rappelle, est destiné à leur mettre le pied à l'étrier et, d'autre part, que leur employeur, c'est-à-dire les collectivités locales, les associations, voire les administrations, sachent comment elles pourront, le cas échéant, proposer à d'autres jeunes le même type d'emploi.
Nous ne sommes pas à quelques semaines près ! Les premiers contrats emplois-jeunes ayant été signés en 1998, ils viendront à échéance au cours du second le second semestre 2003, et non pas en 2002. Il faut le faire, certes, mais ce n'est pas d'une urgence absolue.
Le Gouvernement fera connaître ses intentions très rapidement. C'est la raison pour laquelle je suis opposée aux amendements n°s 123, 124, 125 et 126 présentés par la commission et qui concernent ce sujet.
M. Alain Gournac, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Gournac, rapporteur.
M. Alain Gournac, rapporteur. Madame le ministre, on vous a donné des renseignements erronés ! Je suis ce dossier depuis le début. Les premiers emplois-jeunes ont été créés à la fin de l'année 1997. Faites le calcul : cela nous conduit à la fin de l'année 2002. Nous devons nous préoccuper de l'avenir de ces jeunes, en particulier de leur sortie du dispositif.
Comme vous le savez, madame le ministre, j'avais ouvert un site au Sénat et j'étais en contact permanent avec un nombre important de titulaires d'emplois-jeunes à travers le pays : ils manifestaient une réelle inquiétude quant à leur devenir. D'ailleurs, lorsque le site a été fermé, ils ont continué de m'écrire, pensant que je pourrais les aider.
Vous me dites, madame le ministre, que ce n'est pas urgent. Permettez-moi de m'étonner : lorsque nous faisons des propositions, soit elles ne sont pas judicieuses, soit c'est trop tôt, soit c'est trop tard. Ce n'est jamais le bon moment !
S'occuper des emplois-jeunes, c'est donner une réponse à une inquiétude qui est aujourd'hui bien réelle. C'est pourquoi la commission propose ces amendements.
Pour en revenir plus précisément à l'amendement n° 123, celui-ci contient une disposition que Mme le ministre a estimée hier intéressante : elle vise à mettre en place le tutorat pour les emplois-jeunes. Je l'ai déjà dit, mais j'insiste, le mot « tuteur » n'est peut-être pas bien adapté. Mais, lors de la préparation du rapport d'information, nous avons pu formuler un double constat : d'une part, et alors même que le tutorat était prévu par la loi, il s'est peu développé ; d'autre part, c'est au sein des organismes qui ont mis en place un tutorat systématique et effectif que les emplois-jeunes ont donné le meilleur résultat. J'ai pu le vérifier ! C'est dans ce cas que les jeunes se sont le mieux insérés, le plus « professionnalisés » et qu'ils ont pu rejoindre le secteur marchand dans les meilleures conditions. Il convient donc de rendre le tutorat obligatoire pour les emplois-jeunes : c'est le meilleur moyen d'assurer leur professionnalisation !
Madame le ministre, j'ajouterai un commentaire, que j'ai déjà fait lors de la discussion générale. Des professionnels sont mis à la retraite à cinquante ans. J'ai été étonné d'apprendre que cela se faisait dans une société de Cergy-Pontoise. Pourquoi pas quarante-neuf, ou quarante-huit ans ? Un jour, on ne pourra plus avoir une carrière professionnelle !
Il y a là un potentiel tout à fait remarquable, disponible, de personnes qui pourraient aider les jeunes à entrer dans le monde du travail, qui pourraient les suivre. Elles pourraient aider non pas simplement un emploi-jeune - c'est du reste ce qu'a fait EDF dans mon département, où ce sont non pas des retraités, mais des employés qui sont volontaires pour les aider - mais deux ou trois, peut-être quatre emplois-jeunes. Elles pourraient les assister dans la rédaction de leur curriculum vitae, les interroger sur les contacts ils ont eus, leur demander comment les choses se passent et quelles sont les difficultés qu'ils rencontrent. Je crois sincèrement, madame le ministre, qu'il faut aller dans cette direction.
Je sais que Mme Aubry, à l'époque de la loi Aubry I, avait expliqué, ici même, qu'elle était contre. Dans la loi Aubry II, elle avait dit qu'elle était pour. Peut-être pourrions-nous aujourd'hui, avec vous, madame le ministre, faire progresser cette idée. L'attente des emplois-jeunes en ce domaine est grande !
MM. Jacques Machet et Jacques Legendre. Très bien !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je ne trouve pas très élégant, monsieur Gournac, de vous adresser à Mme Aubry alors qu'elle n'est plus là pour vous répondre...
M. Alain Gournac, rapporteur. Il y a continuité !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. ... et que je suis incapable de vérifier dans l'instant si ce que vous dites est vrai. C'est un procédé que vous pourriez éviter, surtout à cette heure-ci.
S'agissant des emplois-jeunes, je suis ravie de votre engouement soudain pour l'une des mesures phares que le Gouvernement a proposées au cours de cette législature. Je suis très heureuse de voir que, tout d'un coup, la politique du Gouvernement rallie les suffrages enthousiastes de la Haute Assemblée ! Tant mieux ! Evitez cependant d'en profiter pour faire la leçon à Mme Aubry, qui a eu beaucoup de courage en proposant les emplois-jeunes - au départ, ils n'étaient pas si bien vu que cela ! - les 35 heures, et beaucoup d'autres mesures sur lesquelles vous avez plutôt fait la fine bouche au départ.
M. Hilaire Flandre. On n'a pas fini de les payer !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Les emplois-jeunes, c'est nous qui les avons créés : 275 000 jeunes ont trouvé un emploi grâce à ce dispositif ! Croyez-moi, nous saurons faire en sorte que ces jeunes puissent trouver des débouchés et, que d'autres jeunes se voient proposer des emplois-jeunes.
Nous n'avons pas attendu le site Internet que vous avez mis en place - d'ailleurs provisoirement - pour nous apercevoir qu'en effet les emplois-jeunes avaient rencontré un grand succès auprès des jeunes ! Alors, ne faites pas comme si c'était vous qui aviez inventé ce dispositif ! Il ne faut pas renverser la situation et reprocher à Mme Aubry de vous avoir refusé je ne sais quoi.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 123, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 38 bis .
Par amendement n° 124, M. Gournac, au nom de la commission des affaires sociales, propose d'insérer, après l'article 38 bis , un article additionnel ainsi rédigé :
« Après le cinquième alinéa de l'article L. 322-4-19 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Si, trois ans après la signature de la convention mentionnée à l'article L. 322-4-18, les modalités de pérennisation du poste de travail ne sont pas assurées ou si le jeune occupant ledit poste n'a bénéficié d'aucune action de formation professionnelle, l'aide forfaitaire visée au présent article peut être versée à tout employeur qui s'engage à recruter, en contrat à durée indéterminée, le jeune. L'aide est alors versée de manière dégressive pour la durée restant à courir dans des conditions définies par décret. Toutefois, le reversement de l'aide n'est autorisé que si le jeune dispose d'un niveau de formation inférieur à un minimum défini par ledit décret. »
La parole est à M. Gournac, rapporteur.
M. Alain Gournac, rapporteur. Cet amendement vise à instituer une prime dégressive à l'embauche des emplois-jeunes par un nouvel employeur.
Je m'explique rapidement.
L'emploi-jeune a une durée de cinq ans. Si le jeune quitte l'entreprise au bout de trois ans, une prime dégressive pourrait être versée pendant deux ans à tout employeur qui s'engagerait à le recruter en contrat à durée indéterminée. Ce dispositif créerait une passerelle pour permettre au jeune de s'insérer durablement dans le monde professionnel grâce à un basculement partiel de l'aide publique.
Il apparaît en effet irresponsable d'attendre la fin de l'aide pour se préoccuper de l'avenir professionnel des jeunes. Il faut aborder le sujet en amont et proposer des solutions avant l'échéance des cinq ans.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Défavorable.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 124.
M. Roland Muzeau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Muzeau.
M. Roland Muzeau. Au mois de février dernier, nous examinions une proposition de loi de MM. Marini et Lambert intitulée : « Revenu minimum d'activité ». Le principe était on ne peut plus simple - c'était d'ailleurs l'un des arguments des promoteurs de l'initiative : une entreprise qui embauchait une personne titulaire d'un minimum social, le RMI par exemple, percevait pendant trois ans, de manière dégressive, le montant de l'allocation versée au bénéficiaire et n'avait à payer que la différence entre le montant du revenu minimum d'activité, qui ne pouvait être inférieur au SMIC, et l'aide dégressive. En résumé, cette proposition avait pour objet de fournir aux entreprises des personnels dont une bonne partie du salaire serait financée par la collectivité publique.
Evidemment, on peut comprendre que les défenseurs acharnés du dogme de la baisse des coûts salariaux, ou de la modération salariale - pour employer un euphémisme à la mode ! - aient pu être séduits par cette formule.
Subventionner les salaires, notamment les plus bas, par des fonds publics est la meilleure façon de créer des millions de travailleurs pauvres et dédouane les entreprises de leur responsabilité en termes de politique salariale.
MM. Marini et Lambert avaient limité leur proposition aux seuls allocataires des minima sociaux.
La commission des affaires sociales, toujours à l'affût d'une bonne idée lorsqu'il s'agit de régression sociale, a sauté sur l'occasion et nous propose, ni plus ni moins, que d'étendre le dispositif du revenu minimum d'activité aux bénéficiaires d'un emploi-jeune, en versant aux entreprises qui embaucheraient une de ces personnes les aides de l'Etat prévues dans le cadre du dispositif emploi-jeune.
A entendre les membres de la majorité sénatoriale, tout se passe en fait comme si les entreprises de notre pays n'avaient plus aucun moyen pour verser elles-mêmes, sans l'aide de l'Etat, un salaire égal au SMIC à leurs employés.
Les moyens existent pour augmenter de façon substantielle l'ensemble des salaires. Que je sache, la richesse produite par notre pays n'a jamais cessé d'augmenter. Or la part des salaires dans le PIB ne cesse de baisser depuis des années ! Je vous pose une question simple : où passe la différence ?
Eh bien ! mes chers collègues, la différence est directement empochée par des actionnaires qui, pour obtenir des taux de rémunération de leurs capitaux supérieurs à 15 %, ce qui est complètement délirant, n'ont qu'une seule solution : faire pression sur les salaires.
Cette situation devient de plus en plus insupportable, notamment pour les salariés qui voient que leur entreprise fait des profits, par milliards de francs pour certaines, et licencie en masse, avec un mépris pour la vie des personnes ouvertement affiché.
Nous vous appelons donc à rejeter cet amendement, qui n'est qu'une énième déclinaison des politiques libérales qui ont provoqué tant de dégâts ailleurs !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 124, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 38 bis .
Par amendement n° 125, M. Gournac, au nom de la commission, propose d'insérer, après l'article 38 bis , un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article L. 322-4-19 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le versement de l'aide est suspendu si le contrat de travail mentionné à l'article L. 322-4-20 est conclu lorsque la durée de l'aide visée au présent article restant à courir est inférieure ou égale à un an. »
La parole est à M. Gournac, rapporteur.
M. Alain Gournac, rapporteur. Cet amendement vise à limiter les possibilités de rotation des jeunes sur un même emploi-jeune pour des durées trop courtes. Il prévoit la suspension automatique de l'aide si un nouveau contrat est conclu alors qu'il reste moins d'un an d'aide à courir.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 125, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 38 bis .
Par amendement n° 126, M. Gournac, au nom de la commission des affaires sociales, propose, après l'article 38 bis , d'insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article L. 322-4-20 du code du travail, il est inséré un article L. 322-4-21 ainsi rédigé :
« Art. L. 322-4-21 . - Les comités départementaux de la formation professionnelle, de la promotion sociale et de l'emploi visés à l'article L. 910-1 procèdent chaque année à une évaluation des emplois créés dans le cadre des conventions mentionnées à l'article L. 322-4-18 et de leurs perspectives de pérennisation. »
La parole est à M. Gournac, rapporteur.
M. Alain Gournac, rapporteur. Cet amendement tend à garantir au plus près du terrain une évaluation des emplois-jeunes créés dans chaque département. Cette évaluation serait confiée au comité départemental de la formation professionnelle, de la promotion sociale et de l'emploi, le CODEF, qui regroupe l'ensemble des acteurs de la politique de l'emploi et qui, de ce fait, paraît être l'instance la plus adaptée. Cette évaluation est très demandée sur le terrain.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 126, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 38 bis .
Nous en revenons à l'amendement n° 122, qui a été précédemment réservé.
Par amendement n° 122, M. Gournac, au nom de la commission des affaires sociales, propose d'insérer, après l'article 38 bis , une division additionnelle ainsi rédigée :

« Section 4 bis »

« Avenir des emplois-jeunes »

La parole est à M. Gournac, rapporteur.
M. Alain Gournac, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 122, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, une division additionnelle ainsi rédigée est insérée dans le projet de loi, après l'article 38 bis .

Section 5

Accès à l'emploi des travailleurs handicapés

Article 39



M. le président.
« Art. 39. - I. - Le premier alinéa du II de l'article L. 323-4 du code du travail est complété par les mots : "et des bénéficiaires des contrats d'insertion en alternance prévus aux articles L. 981-1, L. 981-6 et L. 981-7".
« II. - Supprimé .
« III. - Les premier à cinquième alinéas de l'article L. 323-8-1 du même code sont remplacés par quatre alinéas ainsi rédigés :
« Les employeurs mentionnés à l'article L. 323-1 peuvent s'acquitter de l'obligation d'emploi instituée par cet article en faisant application d'un accord de branche, d'un accord d'entreprise ou d'établissement qui prévoit la mise en oeuvre d'un programme annuel ou pluriannuel en faveur des travailleurs handicapés comportant obligatoirement un plan d'embauche en milieu ordinaire et deux au moins des actions suivantes :
« - plan d'insertion et de formation ;
« - plan d'adaptation aux mutations technologiques ;
« - plan de maintien dans l'entreprise en cas de licenciement. »
« IV. - Supprimé .
« V. - L'article L. 323-33 du même code est abrogé.
« VI. - Les personnes ou les organismes qui, à la date de publication de la présente loi, sont titulaires de labels délivrés en application de l'article L. 323-33 du code du travail pourront continuer à se prévaloir, pendant six mois à compter de cette date, de ce que leurs produits sont fabriqués par des travailleurs handicapés.
« VII. - L'article L. 362-2 du même code est abrogé.
« VIII. - L'article 175 du code de la famille et de l'aide sociale est abrogé. »
Par amendement n° 127, M. Gournac, au nom de la commission des affaires sociales, propose de rétablir le paragraphe II de cet article dans la rédaction suivante :
« II. - L'article L. 323-8 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les employeurs mentionnés à l'article L. 323-1 peuvent s'acquitter partiellement de l'obligation instituée par cet article en accueillant en stage des personnes handicapées au titre de la formation professionnelle visée à l'article L. 961-3 ou des personnes handicapées bénéficiaires d'une rémunération au titre du deuxième alinéa de l'article L. 961-1. »
La parole est à M. Gournac, rapporteur.
M. Alain Gournac, rapporteur. Afin de diversifier la possibilité d'accès des personnes handicapées au monde de l'entreprise, le paragraphe II de l'article 39 précisait que les employeurs privés pouvaient s'acquitter partiellement de l'obligation d'emploi en accueillant en stage des travailleurs handicapés au titre de la formation professionnelle.
L'Assemblée nationale a supprimé cette disposition malgré l'avis défavorable du Gouvernement.
Le présent amendement tend à rétablir le principe de l'intégration des stagiaires handicapés dans l'effectif des travailleurs handicapés de l'entreprise au titre de la formation professionnelle.
Un stage représente souvent l'occasion de démontrer ses compétences professionnelles tout en faisant évoluer les représentations liées aux handicaps. Ce serait donc procéder d'un a priori quasi idéologique à l'encontre des entreprises en général que de ne pas reconnaître le caractère positif de la démarche d'intégration de personnels handicapés par la voie de stages de formation.
L'objectif premier de la loi de juillet 1987 est non pas de pénaliser les entreprises mais, concrètement, de faciliter l'accès de la personne handicapée à des postes de travail ordinaire.
Il s'agit non pas de créer une incitation, mais de tenir compte de la volonté d'intégration des handicapés que démontre une entreprise qui organise des stages à leur intention.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 127, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Le groupe communiste républicain et citoyen vote contre.
M. Gilbert Chabroux. Le groupe socialiste s'abstient.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 128, M. Gournac, au nom de la commission des affaires sociales, propose d'insérer après le III de cet article, un paragraphe ainsi rédigé :
« III bis. - Au début de la seconde phrase du second alinéa de l'article L. 323-31 du même code, après le mot : "ils", sont insérés les mots : "relèvent d'une mission d'intérêt général et". »
La parole est à M. Gournac, rapporteur.
M. Alain Gournac, rapporteur. Je propose au Sénat d'adopter cet amendement, qui vise à faire reconnaître, sur le plan législatif, la mission d'intérêt général assumée par les ateliers protégés.
Ceux-ci ont incontestablement une double nature, liée à leur rôle en matière d'intégration des travailleurs handicapés et à leur vocation à agir comme des unités de production sur le marché économique.
J'ai appris que les ateliers protégés et les centres de distribution de travail à domicile sont actuellement sous la menace de recours auprès de la Cour de justice des communautés européennes pour distorsion de concurrence, formés par des fédérations professionnelles au motif qu'ils perçoivent des subventions de l'Etat, de collectivités territoriales ou d'organismes de sécurité sociale.
Si l'utilité sociale des ateliers protégés est incontestable, il est particulièrement important que le législateur français reconnaisse la mission d'intérêt général qu'ils remplissent. Le présent projet de loi nous en donne l'occasion.
M. Jacques Machet. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je crois que cette disposition n'ajoute rien à ce qui existe déjà dans notre droit positif.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur l'amendement n° 128.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 128, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je suis maintenant saisi de cinq amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 385, MM. Fischer, Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après le paragraphe III de l'article 39, un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... - Le deuxième alinéa de l'article L. 323-32 du code du travail est complété par deux phrases ainsi rédigées :
« Les accessoires de salaire résultant de dispositions conventionnelles applicables dans la branche d'activité dont relève l'atelier protégé sont déterminés en prenant pour assiette la garantie de ressources définie dans les articles 32 et suivants de la loi n° 75-534 du 30 juin 1975. La charge liée à cette rémunération est répartie entre l'atelier protégé et l'Etat proportionnellement au montant du salaire direct et du complément de rémunération. »
Par amendement n° 129 rectifié, M. Gournac, au nom de la commission des affaires sociales, propose de rétablir le IV de l'article 39 dans la rédaction suivante :
« IV. - Le deuxième alinéa de l'article L. 332-32 du même code est complété par trois phases ainsi rédigées :
« Les accessoires de salaire résultant de dispositions législatives, réglementaires ou conventionnelles sont déterminés en prenant pour assiette la garantie de ressources définie dans les articles 32 et suivants de la loi n° 75-534 du 30 juin 1975. La charge liée à cette rémunération est répartie entre l'atelier protégé et l'Etat proportionnellement au montant du salaire direct et du complément de rémunération. La participation de l'Etat est plafonnée dans des conditions fixées par décret. »
Par amendement n° 244, Mme Dieulangard, MM. Cazeau et Chabroux, Mme Printz et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent de rétablir le IV de l'article 39 dans la rédaction suivante :
« IV. - Le deuxième alinéa de l'article L. 323-32 du code du travail est complété par trois phases ainsi rédigées :
« Les accessoires de salaire résultant des dispositions conventionnelles applicables dans la branche d'activité dont relève l'atelier protégé sont déterminés en prenant pour assiette la garantie de ressources définie dans les articles 32 et suivants de la loi n° 75-534 du 30 juin 1975 d'orientation en faveur des personnes handicapées. La charge liée à cette rémunération est répartie entre l'atelier protégé et l'Etat proportionnellement au montant du salaire direct et du complément de rémunération. La participation de l'Etat est plafonnée dans des conditions fixées par décret. »
Par amendement n° 214 rectifié, MM. Machet, Jean-Louis Lorrain, Franchis et Nogrix proposent de rétablir le IV de l'article 39 dans la rédaction suivante :
« IV. - Le deuxième alinéa de l'article L. 323-32 du même code est complété par deux phrases ainsi rédigées : "Les accessoires de salaire résultant des dispositions conventionnelles applicables sont dus dans la même proportion que ce dernier. L'Etat ayant la charge du versement du complément de salaire, il assume également la charge des accessoires de salaire calculés sur ce complément". »
Par amendement n° 453, le Gouvernement propose de rétablir le IV de l'article 39 dans la rédaction suivante :
« IV. - Dans l'attente de la fixation par les partenaires sociaux du régime applicable aux travailleurs handicapés d'ateliers protégés en cette matière et au plus tard jusqu'au 31 décembre 2003, les accessoires de salaire, résultant des dispositions conventionnelles applicables, sont dus dans la même proportion que le salaire, tel qu'il résulte de l'article L. 323-32 du code du travail. »
La parole est à M. Muzeau, pour défendre l'amendement n° 385.
M. Roland Muzeau. Cet amendement vise à rétablir et à compléter le paragraphe IV de l'article 39, relatif à la base de calcul des accessoires de salaire auxquels peuvent prétendre les travailleurs handicapés employés en ateliers protégés.
Ces derniers bénéficient d'un salaire directement versé par l'atelier protégé employeur et d'un complément de rémunération pris en charge par l'Etat. Convaincus que les travailleurs handicapés doivent continuer à percevoir des indemnités, primes et accessoires de salaire sur l'intégralité du salaire versé, y compris par conséquent sur la part assurée par l'Etat et non, comme le prévoyait initialement le texte, sur le seul salaire direct, nous tenions à soutenir cet amendement.
Pour autant, s'il est plus que légitime de garantir à chacun le maintien de son pouvoir d'achat, nous n'avons pu rester sourds aux inquiétudes financières des responsables des ateliers protégés, qui, après la suppression des dispositions incriminées par l'Assemblée nationale, se trouvaient dans l'obligation, conformément à ce qu'indique la jurisprudence, notamment l'arrêt de la Cour de cassation en date du 29 juin 1999, d'honorer le paiement des accessoires de salaire sur l'ensemble de ce dernier.
Ce secteur, dont le cadre juridique, inadapté aux réalités d'aujourd'hui, appelle par ailleurs une refonte, compte 550 ateliers gérés majoritairement par des associations et emploie 20 000 salariés lourdement handicapés. Considérant qu'il doit être en mesure de continuer à accomplir sa mission d'insertion, nous avons prévu que la charge financière devrait être répartie entre l'atelier protégé et l'Etat.
Je souhaite vivement, madame la ministre, que, sur ce point notamment, le groupe communiste républicain et citoyen soit entendu et qu'une solution socialement satisfaisante pour les handicapés et financièrement satisfaisante pour les ateliers protégés puisse être trouvée. Tel est l'objet de l'amendement que je propose au Sénat d'adopter.
Par ailleurs, je serai très attentif à l'exposé par le Gouvernement de l'amendement n° 453, qui comporte une définition manquant quelque peu de précision.
M. le président. La parole est à M. Gournac, rapporteur, pour défendre l'amendement n° 129 rectifié.
M. Alain Gournac, rapporteur. Le paragraphe IV de l'article 39 avait pour objet de préciser la base de calcul des accessoires de salaire dus aux travailleurs handicapés employés en ateliers protégés, à la suite de l'inquiétude suscitée, pour les employeurs, par les conséquences financières d'un arrêt du 29 juin 1999 de la Cour de cassation.
Les salariés employés en ateliers protégés sont rémunérés par un salaire versé par l'entreprise en fonction de leur rendement. Ce salaire peut correspondre, au minimum, à 35 % du SMIC. Ils bénéficient en outre d'un complément de salaire.
Comme tous les salariés, les travailleurs handicapés peuvent également percevoir des accessoires de salaires, constitué, le plus souvent, par des primes d'ancienneté ou d'autres avantages conventionnels, tels que des primes de vacances ou de fin d'année, des indemnités de transport ou des primes de panier.
Des litiges sont survenus entre employeurs et salariés à propos du mode de calcul de ces accessoires. Dans son arrêt du 29 juin 1999, la Cour de cassation a mis les ateliers protégés en situation de devoir payer les accessoires de salaire sur l'intégralité de la garantie de ressources, sans possibilité d'espérer un remboursement par l'Etat de la part correspondant au complément de rémunération.
L'Assemblée nationale a supprimé le paragraphe IV de l'article 39 relatif au mode de calcul des accessoires de salaire en milieu protégé, au motif que l'application de la disposition proposée par le Gouvernement, qui revient en fait à calculer les accessoires de salaire sur la base du seul salaire direct versé par les entreprises, aurait pour conséquence de réduire le pouvoir d'achat des travailleurs handicapés.
Par cet amendement, je vous propose, mes chers collègues, d'inviter l'Etat à faire face à ses responsabilités.
En effet, nos collègues députés ne sont pas allés au bout de leur raisonnement : si les travailleurs handicapés doivent bénéficier des avantages conventionnels calculés sur l'ensemble de la garantie de ressources, c'est à l'Etat qu'il appartient logiquement de financer la part de ces accesssoires de salaire liée au complément de rémunération qu'il assume seul. En l'état actuel des choses, le vote de l'Assemblée nationale fait supporter aux ateliers protégés l'intégralité de la charge représentée par ces accessoires, au risque de déséquilibrer fortement la situation financière de ces organismes, déjà fragile, et d'entraîner mécaniquement la fermeture de certains d'entre eux, au détriment définif des travailleurs handicapés ainsi insérés.
C'est pourquoi je vous présente, mes chers collègues, cet amendement visant à préciser que les accessoires de salaire ont pour assiette l'intégralité de la garantie de ressources, la part de l'Etat étant calculée proportionnellement au complément de rémunération, dans la limite du plafond fixé par décret. Cela permettra de réduire le risque de dérapage lié aux avantages conventionnels, dont l'Etat ne maîtrise pas l'évolution, sachant que la part assumée par l'employeur lui-même jouera, en tout état de cause, le rôle d'un ticket modérateur.
Enfin, j'indique que cet amendement a été rectifié pour tenir compte des accessoires de salaire résultant des dispositifs législatifs, réglementaires ou conventionnels.
M. le président. La parole est à M. Chabroux, pour défendre l'amendement n° 244.
M. Gilbert Chabroux. L'amendement n° 244 a le même objet que ceux qui ont été déposés par la commission et par les membres du groupe communiste républicain et citoyen ; mon intervention sera donc brève.
Il importe avant tout que les personnes handicapées travaillant en ateliers protégés bénéficient pleinement des accessoires de salaire qui leur sont dus à la fois sur le salaire net et sur le complément de rémunération. Cette mesure doit être prise rapidement, et c'est pourquoi nous avons déposé cet amendement qui, je le répète, est pratiquement identique à ceux de la commission et du groupe communiste républicain et citoyen.
Il s'agit d'une mesure de justice à l'égard des personnes handicapées, mais aussi de protection à l'égard des associations, qui voient aujourd'hui leur trésorerie mise en péril.
M. le président. La parole est à M. Machet, pour présenter l'amendement n° 214 rectifié.
M. Jacques Machet. Parmi les mesures initialement prévues à l'article 39 du projet de loi figurait, au paragraphe IV, une disposition visant à préciser la base sur laquelle doivent être déterminés les accessoires de salaire versés aux travailleurs handicapés employés en ateliers protégés.
L'article L. 323-32 du code du travail dispose que les travailleurs handicapés des ateliers protégés sont soumis aux dispositions de la convention collective applicable à la branche d'activité à laquelle se rattache l'établissement, compte tenu de la nature de sa production.
Néanmoins, un régime dérogatoire, dénommé « garantie de ressources des travailleurs handicapés », ou GRTH, est prévu en matière de rémunération. La GRTH est composée, pour les employés des ateliers protégés, d'un salaire direct versé par l'employeur et d'un complément de rémunération remboursé à celui-ci par l'Etat.
En application de ces dispositions, le salaire d'un travailleur handicapé, déterminé en fonction du rendement de la personne, ne peut être inférieur à 35 % du SMIC. Le montant des ressources garanties est au minimum de 90 % du SMIC, l'écart étant compensé par le complément de rémunération, à hauteur de 55 % du SMIC au maximum.
Aujourd'hui, le salaire direct à la charge de l'employeur est déterminé en fonction du rendement du salarié, tandis que le complément de rémunération remboursé par l'Etat a pour objet de garantir à ce dernier un montant minimal de ressources.
En vertu de l'article 33 de la loi n° 75-534 du 30 juin 1975 d'orientation en faveur des personnes handicapées, le complément de rémunération n'est inclus dans l'assiette que pour certaines cotisations sociales limitativement énumérées : maladie, maternité, invalidité, décès, vieillesse, accident du travail, allocations familiales, retraite complémentaire, assurance chômage.
Une difficulté s'est posée s'agissant de la base de calcul des accessoires de salaire dus aux travailleurs handicapés en application des conventions collectives. Cette question a fait l'objet de contestations entre employeurs et salariés.
Ainsi, par un arrêt du 29 juin 1999, la Cour de cassation a mis à la charge des employeurs - ateliers protégés et entreprises de travail adapté - le paiement aux travailleurs handicapés d'une partie des accessoires de salaire jusque-là versés par l'Etat.
C'est pour remédier à cette surcharge financière mettant en péril les finances des ateliers protégés que la disposition a été insérée par le Gouvernement à l'article 39 du projet de loi de modernisation sociale, après avoir été soumise pour avis, le 11 janvier 2000, au Conseil supérieur pour le reclassement professionnel et social des travailleurs handicapés.
Néanmoins, une telle disposition ne saurait être satisfaisante, dans la mesure où les accessoires sont calculés en fonction de la totalité de la rémunération perçue par ces travailleurs, c'est-à-dire en prenant en compte à la fois le salaire versé directement par l'atelier et le complément acquitté par l'Etat, à charge pour ce dernier d'assumer la part des accessoires de salaire calculés en fonction du complément qu'il verse.
L'Etat assurant la charge du complément de salaire, il doit également financer les accessoires de salaire calculés sur ce complément.
M. le président. La parole est à Mme le ministre, pour défendre l'amendement n° 453 et pour donner l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 385, 129 rectifié, 244 et 214 rectifié.
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. L'amendement n° 453 vise à répondre aux difficultés financières immédiates rencontrées par les ateliers protégés, qui viennent d'être soulignées et qui sont liées à la prise en compte de la jurisprudence la plus récente de la Cour de cassation.
Dans son arrêt « Bretagne Ateliers » du 29 juin 1999, celle-ci a en effet jugé, à l'encontre de la doctrine et des pratiques en vigueur, que la prime d'ancienneté versée aux travailleurs handicapés des ateliers protégés en vertu des conventions collectives applicables devait être calculée non pas sur le seul salaire versé par l'employeur, mais sur l'intégralité des sommes dont bénéficient les travailleurs handicapés en vertu du mécanisme de la garantie de ressources.
Il s'agit là d'une disposition transitoire. Il convient en effet que les partenaires sociaux se saisissent désormais de cette question et ouvrent des négociations visant à clarifier et à unifier le régime applicable aux travailleurs handicapés des ateliers protégés en matière de calcul des accessoires de salaire.
S'agissant des amendements n°s 385, 129 rectifié, 244 et 214 rectifié, ils ont pour point commun de prévoir que l'Etat devra assumer la charge des accessoires de salaire versés aux travailleurs handicapés dans les ateliers protégés, proportionnellement au montant de la garantie de rémunération qu'il verse à chaque travailleur handicapé.
Outre le fait que ces propositions sont irrecevables, car elles font peser sur le budget de l'Etat de nouvelles charges, elles ne sont pas acceptables sur le fond.
Il n'est pas possible que l'Etat finance des avantages qui sont librement négociés par les partenaires sociaux.
C'est pourquoi le Gouvernement propose de figer la situation qui prévalait avant l'arrêt de la Cour de cassation du 29 juin 1999 pendant le temps nécessaire pour que les partenaires sociaux négocient un niveau d'avantages conventionnels compatible avec la situation des ateliers protégés et avec leurs ressources.
Dans ces conditions, j'invite les auteurs de l'ensemble de ces amendements à voter le texte du Gouvernement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 385, 244, 214 rectifié et 453 ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Avec l'amendement n° 385, le groupe communiste républicain et citoyen reprend le contenu de la proposition de la commission sur la question des accessoires de salaire dans les ateliers protégés. Toutefois, et je pense que c'est volontaire, les auteurs de l'amendement n'ont pas repris la mention aux termes de laquelle « la participation de l'Etat est plafonnée dans des conditions fixées par décret. » Ce plafonnement est pourtant indispensable, dans la mesure où des accords conventionnels peuvent décider de créer ou d'augmenter des accessoires de salaire. Il est donc essentiel qu'une limite soit fixée aux dépenses de l'Etat.
En conséquence, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
L'amendement n° 244 du groupe socialiste reprend quasiment l'amendement n° 129 rectifié de la commission des affaires sociales sur le calcul et la prise en charge des accessoires de salaire dus aux salariés handicapés des ateliers protégés. Je ne peux que me féliciter de l'appui du groupe socialiste, en espérant qu'il nous aidera à convaincre le Gouvernement de participer financièrement au coût du versement intégral des accessoires de salaire.
Cet amendement sera satisfait par l'amendement de la commission.
Il en sera de même pour l'amendement n° 214 rectifié de M. Machet.
Enfin, la commission n'a pas examiné l'amendement n° 453 du Gouvernement en raison de son dépôt tardif.
Cet amendement vise à rétablir le principe selon lequel les accessoires de salaire dus aux travailleurs handicapés des ateliers protégés sont calculés selon la même proportion que le salaire direct qui leur est versé, salaire qui peut être égal à 35 % ou 40 % du SMIC.
L'apport de cet amendement, c'est d'indiquer que ce mode de calcul sera applicable dans l'attente de la fixation par les partenaires sociaux du « régime applicable aux travailleurs handicapés d'ateliers protégés en cette matière. » J'avoue que je m'interroge sur ce qui pourra être négocié, car les partenaires sociaux ne pourront discuter que sur ce qui est versé par l'entreprise, c'est-à-dire - je reprends les termes mêmes de l'article L. 323-32 du code du travail qui est cité dans l'amendement - « sur le salaire direct calculé compte tenu de l'emploi, de la qualification et du rendement ». Ce qui pose un problème, madame le ministre, ce n'est pas la part des accessoires de salaire qui est due par l'entreprise, mais la part qui est due par l'Etat au titre du complément permettant d'atteindre le niveau de la garantie de ressources.
Cette négociation n'aurait de sens que si l'Etat était également partie prenante et s'il s'engageait à assumer ses responsabilités dans un cadre plus clair.
Cet amendement signifie peut-être que l'Etat serait prêt à assumer sa part après que le montant des engagements potentiels aura été clarifié et unifié. Mais il faudrait que le texte soit plus clair sur ce point. Pour l'instant, je ne vois qu'un rétablissement du paragraphe IV, dont l'Assemblée nationale a souligné qu'il portait atteinte au pouvoir d'achat des salariés des ateliers protégés, assorti d'une négociation qui n'est qu'un trompe-l'oeil. La date du 31 décembre 2003 n'engagera malheureusement que ceux qui la liront et pas ceux qui l'auront votée.
Dans ces conditions, je ne crois pas que la commission m'aurait autorisé à retirer mon amendement au profit de celui du Gouvernement, ni même à voter celui-ci en dernière instance.
Il est donc préférable de s'en tenir à l'amendement de la commission.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 385, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 129 rectifié, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, les amendements n°s 244, 214 rectifié et 453 n'ont plus d'objet.
Par amendement n° 130 rectifié, M. Gournac, au nom de la commission des affaires sociales, propose d'insérer, après le IV de l'article 39 un paragraphe additionnel IV bis ainsi rédigé :
« IV bis . - Le quatrième alinéa de l'article L. 323-32 du code du travail est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« Par dérogation à l'article L. 125-3 du code du travail, un ou plusieurs travailleurs handicapés employés dans un atelier protégé peuvent être mis à la disposition provisoire d'un autre employeur en vue de favoriser l'adaptation au travail en milieu ordinaire ou une éventuelle embauche dans des conditions fixées par décret.
« Ce décret fixe notamment la durée maximale de mise à disposition auprès d'un ou plusieurs employeurs. »
La parole est à M. Gournac, rapporteur.
M. Alain Gournac, rapporteur. Cet amendement tend à insérer un paragraphe supplémentaire après le paragraphe IV afin d'éviter que les mises à disposition provisoire de travailleurs handicapés effectuées par les ateliers protégés en vue de favoriser l'adaptation en milieu ordinaire ou une éventuelle embauche ne soient considérées automatiquement comme un prêt illicite de main-d'oeuvre.
Selon les termes de la loi, la réinsertion des personnes handicapées en milieu ordinaire de travail fait partie des missions incombant aux ateliers protégés.
Il semblerait que divers services de l'inspection du travail aient considéré que les ateliers protégés, nonobstant leur rôle de réinsertion des travailleurs handicapés, effectuaient ainsi une opération ayant pour objet exclusif le prêt de main-d'oeuvre, lequel ne peut être régulièrement opéré que par des entreprises de travail temporaire.
Cet amendement vise donc à écarter, s'agissant des ateliers protégés, les dispositions relatives au prêt illicite de main-d'oeuvre, étant entendu toutefois que les conditions de cette mise à disposition seront rigoureusement encadrées par décret afin d'éviter tout abus.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 130 rectifié, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 39, modifié.

(L'article 39 est adopté.)
M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à une séance ultérieure.

5

DÉPÔT DE PROJETS DE LOI

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre un projet de loi autorisant la ratification du traité entre la République française et la République fédérale d'Allemagne portant délimitation de la frontière dans les zones aménagées du Rhin.
Le projet de loi sera imprimé sous le numéro 288, distribué et renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu de M. le Premier minsitre un projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant à la convention d'assistance administrative mutuelle internationale du 10 septembre 1985 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire, visant la prévention, la recherche et la répression des fraudes douanières par les administrations douanières des deux pays.
Le projet de loi sera imprimé sous le numéro 289, distribué et renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu de M. le Premier ministre un projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg portant rectification de la frontière franco-luxembourgeoise.
Le projet de loi sera imprimé sous le numéro 290, distribué et renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

6

TRANSMISSION D'UN PROJET DE LOI

M. le président. J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, portant création d'une prime pour l'emploi.
Le projet de loi sera imprimé sous le numéro 285, distribué et renvoyé à la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

7

DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI

M. le président. J'ai reçu de M. Jean-François Le Grand une proposition de loi relative à l'implantation des éoliennes et à la protection de l'environnement.
La proposition de loi sera imprimée sour le numéro 287, distribuée et renvoyée à la commission des affaires économiques et du Plan, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

8

TRANSMISSION D'UNE PROPOSITION DE LOI

M. le président. J'ai reçu de M. le président de l'Assemblée nationale une proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, tendant à inscrire dans la loi le principe de la gratuité des formules de chèques.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 282, distribuée et renvoyée à la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

9

RENVOI POUR AVIS

M. le président. J'informe le Sénat que le projet de loi relatif à la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées et à l'allocation personnalisée d'autonomie, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence (n° 279, 2000-2001), dont la commission des affaires sociales est saisie au fond, est renvoyé pour avis à sa demande à la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.

10

DÉPÔT DE RAPPORTS

M. le président. J'ai reçu de M. Pierre Fauchon un rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale sur le projet de loi organique modifié par l'Assemblée nationale, relatif au statut des magistrats et au Conseil supérieur de la magistrature (n° 196, 2000-2001).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 281 et distribué.
J'ai reçu de M. Xavier Pintat un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi autorisant l'approbation du protocole à l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Fédération de Russie relatif à la coopération dans le domaine de l'exploration et de l'utilisation de l'espace à des fins pacifiques en date du 26 novembre 1996 (n° 127, 2000-2001).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 283 et distribué.
J'ai reçu de M. Guy Penne un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi autorisant l'approbation du protocole portant amendement à la convention européenne sur la télévision transfrontière (n° 100, 2000-2001).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 284 et distribué.
J'ai reçu de M. Philippe Marini un rapport fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, sur le projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, portant création d'une prime pour l'emploi (n° 285, 2000-2001).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 286 et distribué.

11

DÉPÔT D'UN RAPPORT D'INFORMATION

M. le président. J'ai reçu de M. Paul Masson un rapport d'information fait au nom de la délégation du Sénat pour l'Union européenne sur l'accès au marché du travail de l'Union européenne des ressortissants des pays d'Europe centrale et orientale après leur adhésion.
Le rapport d'information sera imprimé sous le numéro 291 et distribué.

12

ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, jeudi 26 avril 2001 :
A neuf heures trente :
1. Discussion des conclusions du rapport (n° 271, 2000-2001) de M. Georges Othily, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sur la proposition de loi de MM. Jean-Jacques Hyest et Guy-Pierre Cabanel relative aux conditions de détention dans les établissements pénitentiaires et au contrôle général des prisons (n° 115, 2000-2001).
Aucune inscription de parole dans la discussion générale n'est plus recevable.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.
A quinze heures :
2. Discussion des conclusions du rapport (n° 277, 2000-2001) de M. Claude Huriet, fait au nom de la commission des affaires sociales, sur la proposition de loi (n° 221, 2000-2001) de MM. Claude Huriet, Xavier Darcos, Louis Althapé, Pierre André, Denis Badré, Michel Bécot, Jean Bernard, Daniel Bernardet, Roger Besse, Jacques Bimbenet, Mme Annick Bocandé, MM. Jean Boyer, Louis Boyer, Louis de Brossia, Robert Calmejane, Jean-Claude Carle, Auguste Cazalet, Charles Ceccaldi-Raynaud, Jacques Chaumont, Gérard Cornu, Philippe Darniche, Jean Delaneau, Fernand Demilly, Marcel Deneux, Gérard Deriot, Charles Descours, André Diligent, Jacques Donnay, Jean-Léonce Dupont, Daniel Eckenspieller, Michel Esneu, André Ferrand, Alfred Foy, Serge Franchis, Alain Gérard, François Gerbaud, Charles Ginésy, Francis Giraud, Paul Girod, Daniel Goulet, Alain Gournac, Adrien Gouteyron, Francis Grignon, Georges Gruillot, Pierre Hérisson, Rémy Herment, André Jourdain, Pierre Laffitte, Lucien Lanier, Gérard Larcher, Robert Laufoaulu, René-Georges Laurin, Dominique Leclerc, Jacques Legendre, Marcel Lesbros, Roland du Luart, Jacques Machet, Kléber Malécot, René Marquès, Serge Mathieu, Michel Mercier, René Monory, Georges Mouly, Bernard Murat, Paul Natali, Lucien Neuwirth, Mme Nelly Olin, MM. Jacques Oudin, Michel Pelchat, Jacques Pelletier, Jean-Pierre Raffarin, Jean-Marie Rausch, Victor Reux, Philippe Richert, Jean-Pierre Schosteck, Bernard Seillier, Michel Souplet, Louis Souvet, Martial Taugourdeau, René Trégouët, Alain Vasselle et Xavier de Villepin relative à l'indemnisation de l'aléa médical et à la responsabilité médicale.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.

Délai limite pour le dépôt des amendements

Nouvelle lecture du projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, portant création d'une prime pour l'emploi (n° 285, 2000-2001) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 2 mai 2001, à dix-sept heures.
Deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, tendant à renforcer la prévention et la répression à l'encontre des groupements à caractère sectaire (n° 431, 1999-2000) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 2 mai 2001, à dix-sept heures.
Deuxième lecture du projet de loi organique, modifié par l'Assemblée nationale, relatif au statut des magistrats et au Conseil supérieur de la magistrature (n° 196, 2000-2001) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 2 mai 2001, à dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.

(La séance est levée le jeudi 26 avril 2001, à zéro heure vingt.)

Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON





ANNEXE AU PROCÈS-VERBAL
de la séance
du mercredi 25 avril 2001


SCRUTIN (n° 48)



sur l'amendement n° 110, présenté par M. Alain Gournac au nom de la commission des affaires sociales, à l'article 32 du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, de modernisation sociale


Nombre de votants : 311
Nombre de suffrages exprimés : 311
Pour : 212
Contre : 99

Le Sénat a adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN


GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (17) :
Contre : 17.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (23) :

Pour : 18.
Contre : 5. _ MM. Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin, Gérard Delfau et François Fortassin.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (99) :
Pour : 97.
N'ont pas pris part au vote : 2. _ M. Christian Poncelet, président du Sénat, et M. Jacques Valade, qui présidait la séance.

GROUPE SOCIALISTE (77) :

Contre : 77.

GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (51) :

Pour : 51.

GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (46) :

Pour : 46.

Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (7) :

N'ont pas pris part au vote : 7.

Ont voté pour


Nicolas About
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Denis Badré
José Balarello
Janine Bardou
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Claude Belot
Georges Berchet
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Laurent Béteille
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
Jean Boyer
Louis Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Guy-Pierre Cabanel
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Gérard Cornu
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Jean-Patrick Courtois
Charles de Cuttoli
Xavier Darcos
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Robert Del Picchia
Jean Delaneau
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Deriot
Charles Descours
André Diligent
Jacques Dominati
Michel Doublet
Paul Dubrule
Alain Dufaut
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Hubert Falco
Pierre Fauchon
Jean Faure
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Jean-Claude Gaudin
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Pierre Guichard
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Alain Hethener
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Jean-Paul Hugot
Jean-François Humbert
Claude Huriet
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Joyandet
Roger Karoutchi
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lemaire
Serge Lepeltier
Marcel Lesbros
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Jacques Machet
Kléber Malécot
André Maman
Max Marest
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Paul Masson
Serge Mathieu
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Georges Mouly
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Lucien Neuwirth
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Lylian Payet
Michel Pelchat
Jacques Pelletier
Jean Pépin
Jacques Peyrat
Xavier Pintat
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Jean-Marie Rausch
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Yves Rispat
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Michel Rufin
Jean-Pierre Schosteck
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet


Martial Taugourdeau
Henri Torre
René Trégouët
François Trucy

Maurice Ulrich
André Vallet
Alain Vasselle
Albert Vecten
Jean-Pierre Vial
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Guy Vissac

Ont voté contre


Guy Allouche
Bernard Angels
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Jean-Yves Autexier
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marcel Bony
Nicole Borvo
André Boyer
Yolande Boyer
Robert Bret
Claire-Lise Campion
Jean-Louis Carrère
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Yvon Collin
Gérard Collomb
Raymond Courrière
Roland Courteau
Marcel Debarge
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Dinah Derycke
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
Claude Domeizel
Michel Dreyfus-Schmidt
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Claude Estier
Léon Fatous
Guy Fischer
François Fortassin
Thierry Foucaud
Serge Godard
Jean-Noël Guérini
Claude Haut
Roger Hesling
Roland Huguet
Alain Journet
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Dominique Larifla
Gérard Le Cam
Louis Le Pensec
Pierre Lefebvre
André Lejeune
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Jean-Yves Mano
François Marc
Marc Massion
Pierre Mauroy
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Roland Muzeau
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jack Ralite
Paul Raoult
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Claude Saunier
Michel Sergent
René-Pierre Signé
Simon Sutour
Odette Terrade
Michel Teston
Pierre-Yvon Tremel
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Henri Weber

N'ont pas pris part au vote


MM. Philippe Adnot, Philippe Darniche, Jacques Donnay, Hubert Durand-Chastel, Alfred Foy, Bernard Seillier et Alex Türk.

N'ont pas pris part au vote


MM. Christian Poncelet, président du Sénat, et Jacques Valade, qui présidait la séance.



Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : 312
Nombre des suffrages exprimés 312
Majorité absolue des suffrages exprimés 157
Pour : 213
Contre : 99

Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés conformément à la liste ci-dessus.