SEANCE DU 24 AVRIL 2001


SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN

1. Procès-verbal (p. 0 ).

2. Questions orales (p. 1 ).

difficultés de gestion
de l'office public d'hlm de périgueux (p. 2 )

Question de M. Xavier Darcos. - Mme Marie-Noëlle Lienemann, secrétaire d'Etat au logement ; M. Xavier Darcos.

réparations en faveur des enfants
de déportés non juifs (p. 3 )

Question de M. Philippe Richert. - MM. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants ; Philippe Richert.

insécurité publique en guyane (p. 4 )

Question de M. Georges Othily. - MM. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants ; Georges Othily.

maintien du personnel de la police de l'air
et des frontières du port d'ouistreham (p. 5 )

Question de M. Ambroise Dupont. - MM. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants ; Ambroise Dupont.

conditions de détention en garde à vue (p. 6 )

Question de M. Jacques Pelletier. - MM. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants ; Jacques Pelletier.

organisation des secours (p. 7 )

Question de M. Jean-Jacques Hyest. - MM. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants ; Jean-Jacques Hyest.

statut des caisses d'épargne (p. 8 )

Question de M. Gérard Delfau. - MM. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie ; Gérard Delfau.

financement du service de l'enlèvement
et de l'élimination des ordures ménagères (p. 9 )

Question de M. Jean Besson. - MM. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie ; Jean Besson.

manque de personnel
dans les établissements scolaires (p. 10 )

Question de M. Jean-Claude Carle. - MM. Michel Duffour, secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle ; Jean-Claude Carle.

financement par les conseils généraux
des travaux de sécurité
des collèges de l'enseignement privé (p. 11 )

Question de M. Roland du Luart. - MM. Michel Duffour, secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle ; Roland du Luart, le président.

avenir des cinémas de proximité (p. 12 )

Question de Mme Gisèle Printz. - M. Michel Duffour, secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle ; Mme Gisèle Printz.

avenir de la production audiovisuelle publique (p. 13 )

Question de M. Ivan Renar. - MM. Michel Duffour, secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle ; Ivan Renar.

état d'avancement de l'autoroute a 28 (p. 14 )

Question de M. Dominique Leclerc. - Mme Michelle Demessine, secrétaire d'Etat au tourisme ; M. Dominique Leclerc.

réglementation du transport routier
de marchandises (p. 15 )

Question de M. Jean Chérioux. - Mme Michelle Demessine, secrétaire d'Etat au tourisme ; Jean Chérioux.

harcèlement moral au travail (p. 16 )

Question de M. Roland Courteau. - Mme Paulette Guinchard-Kunstler, secrétaire d'Etat aux personnes âgées ; M. Roland Courteau.

situation de l'association intercantonale
d'aide à domicile
pour personnes âgées à tulle (p. 17 )

Question de M. Georges Mouly. - Mme Paulette Guinchard-Kunstler, secrétaire d'Etat aux personnes âgées ; Georges Mouly.

devenir de l'hôpital de la réole (p. 18 )

Question de M. Bernard Dussaut. - Mme Paulette Guinchard-Kunstler, secrétaire d'Etat aux personnes âgées ; Bernard Dussaut.

vaccination contre la variole (p. 19 )

Question de M. Martial Taugourdeau. - Mme Paulette Guinchard-Kunstler, secrétaire d'Etat aux personnes âgées ; M. Martial Taugourdeau.

Suspension et reprise de la séance (p. 20 )

PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE

3. Modernisation sociale. - Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence (p. 21 ).

Discussion générale (p. 22 )

M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales.

Suspension et reprise de la séance (p. 23 )

Demande de réserve (p. 24 )

Demande de réserve du titre I{er. - MM. le président, le président de la commission. - La réserve est ordonnée.

Discussion générale (suite) (p. 25 )

Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité ; MM. Claude Huriet, rapporteur de la commission des affaires sociales ; Bernard Seillier, rapporteur de la commission des affaires sociales ; Alain Gournac, rapporteur de la commission des affaires sociales ; Mme Annick Bocandé, rapporteur de la commission des affaires sociales.
Mme le ministre.
MM. Jacques Legendre, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles ; Philippe Richert, au nom de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.
M. Jean-Claude Carle.

Suspension et reprise de la séance (p. 26 )

MM. Gérard Delfau, Roland Muzeau, Mme Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Bernard Murat, Jean-Pierre Cantegrit, Gilbert Chabroux, Charles Descours, Jacques Machet, Bernard Cazeau, André Jourdain.
Clôture de la discussion générale.

4. Transmission d'un projet de loi (p. 27 ).

5. Dépôt d'une proposition de loi (p. 28 ).

6. Dépôt rattaché pour ordre au procès-verbal de la séance du 19 avril 2001 (p. 29 ).

7. Ordre du jour (p. 30 ).



COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

QUESTIONS ORALES

M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

DIFFICULTÉS DE GESTION
DE L'OFFICE PUBLIC D'HLM DE PÉRIGUEUX

M. le président. La parole est à M. Darcos, auteur de la question n° 1052, adressée à Mme le secrétaire d'Etat au logement.
M. Xavier Darcos. Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ma question porte sur les difficultés de gestion auxquelles est sérieusement confronté l'office public d'HLM de Périgueux, que je préside ; j'imagine d'ailleurs que d'autres offices publics d'HLM se trouvent dans la même situation.
Les difficultés de gestion résultent de deux causes majeures.
D'une part, l'office doit faire face à des locataires indélicats qui quittent leur logement sans préavis, sans remettre les clefs qui leur ont été confiées et, bien entendu, sans payer de loyer.
Les actes d'incivisme sont de plus en plus fréquents, ce qui a un coût pour la collectivité. A cet égard, je citerai quelques exemples qui vous permettront de mesurer l'ampleur du problème : loyers non payés, défaut d'assurance, non-présentation du locataire aux convocations de l'office public d'HLM ; loyers non payés suivis d'abandon du domicile ; absence du locataire, forte consommation d'eau due à la non-fermeture des robinets, procédure d'expulsion interminable pour impayés en cours ; locataire quittant son logement en laissant le réfrigérateur débranché, ce qui entraîne un problème d'insalubrité dans tout l'immeuble sans que l'on puisse avoir accès à l'appartement ; locataire qui dépose les clefs de son logement dans la boîte aux lettres de l'office sans que l'on sache de quel appartement il s'agit ; procédures engagées par l'office d'HLM auprès du tribunal d'instance de Périgueux pour récupérer le logement, etc.
Plusieurs années sont parfois nécessaires pour récupérer un logement abandonné. Les procédures sont lentes et coûteuses ; elles encouragent les mauvais payeurs, qui savent que la loi les protège.
Ainsi, l'article 14 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 stipule qu'« en cas d'abandon du domicile, le contrat de location continue à bénéficier à un certain nombre d'ayants droit ».
Il convient donc de dissocier le locataire confronté à une difficulté passagère de paiement de loyers de celui qui, par son irresponsabilité, cause un préjudice à la collectivité.
C'est la raison pour laquelle il me paraît urgent de mieux définir la notion d'abandon de domicile et de prévoir que, en cas de relance de loyers impayés par lettre recommandée restée sans réponse, la cause résolutoire de résiliation doit s'appliquer en fixant un délai maximum de récupération des lieux.
En d'autres termes, je souhaiterais, madame le secrétaire d'Etat, que le juge puisse disposer d'outils juridiques adaptés afin de mettre un terme aux exemples sus-mentionnés, qui ne sont pas rares et qui font ressortir un blocage et un vide juridique. Quelles mesures envisagez-vous de prendre pour combler ces lacunes ?
D'autre part, l'office rencontre des difficultés de gestion dues à des logements laissés vacants après le décès d'un locataire ; voilà un autre casse-tête !
L'article 1324 du nouveau code de procédure civile dispose qu'un mois après le décès du locataire, lorsqu'il n'y a pas d'héritier connu, le juge du tribunal d'instance peut autoriser le propriétaire des locaux sur lesquels ont été apposés des scellés à procéder à ses frais à l'enlèvement des meubles.
Or il existe un décalage entre le droit et la pratique, et les juges sont confrontés à des difficultés d'interprétation de la loi dont les contours sont indécis.
Je voudrais vous soumettre, là encore, quelques exemples signalés par l'office public d'HLM de Périgueux : le fils d'un locataire a renoncé à la succession, mais le juge n'a pu appliquer l'article 1324 du nouveau code de procédure civile du fait de l'existence de deux soeurs et d'un frère ; l'office a dû entreprendre de difficiles démarches pour contacter les héritiers éventuels en vue d'une renonciation à succession.
Autre exemple : un locataire décédé a eu deux filles d'une union ; la mère, contactée par l'office public d'HLM, et le tribunal n'ont pas réagi, et une enquête du procureur est toujours en cours.
Dernier exemple : un locataire vivant seul et dont la soeur réside aux Etats-Unis est décédé, mais l'office d'HLM n'arrive ni à contacter cette soeur ni à récupérer le logement.
Autrement dit, en l'état actuel, la législation n'est pas applicable ; des biens vacants sont gelés parfois plus d'un an sans que l'office puisse pénétrer dans les lieux ou en reprendre possession, alors que la ville de Périgueux ne peut satisfaire les 1 200 demandes annuelles d'un logement social.
Ce constat est-il acceptable ?
Je souhaite donc, madame le secrétaire d'Etat, connaître votre position sur une amélioration de la rédaction actuelle de l'article 1324 du nouveau code de procédure civile, en vue de prévoir, d'une part, un délai maximum de six mois permettant au bailleur d'un bien locatif laissé vacant à la suite du décès du preneur de récupérer ce bien et, d'autre part, une clause stipulant que, en cas d'héritier connu, et après relance par lettre recommandée demeurée infructueuse, la clause résolutoire du bail s'applique efficacement en cas de non-paiement des loyers.
Je souhaiterais, enfin, connaître les conditions d'indemnisation d'un bailleur qui ne perçoit plus de loyer pour un bien sur lequel il a été apposé les scellés et que vous me confirmiez que les services des domaines chargés de la gestion de ce bien continuent à l'assurer après le décès du locataire. En effet, il paraît difficile d'exiger d'un bailleur de se substituer aux obligations locatives d'assurance qui sont imposées au preneur.
A l'ensemble de ces questions importantes, j'attends de votre part, madame le secrétaire d'Etat, des éléments de réponse précis, et je vous en remercie par avance.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Marie-Noëlle Lienemann, secrétaire d'Etat au logement. Monsieur le sénateur, vous appelez mon attention sur les difficultés de gestion de l'office public d'HLM de Périgueux - mais j'ai bien compris que, au-delà du cas de cet organisme, vous souhaitiez engager un débat un peu plus en profondeur et plus général - du fait de l'application des dispositions de l'article 14 de la loi du 6 juillet 1989, qui prévoient, en cas de décès du locataire ou d'abandon du domicile, le transfert du bail au profit de personnes déterminées.
Vous estimez que ces dispositions encourageraient les mauvais payeurs et seraient préjudiciables aux bailleurs, et qu'elles devraient donc être redéfinies ou modifiées.
Tout d'abord, je souhaite rappeler que les dispositions législatives relatives au transfert du bail visent avant tout à protéger les membres de la famille du locataire qui vivaient avec lui au moment du décès ou de l'abandon du domicile, et qu'il n'est pas envisagé, ni même de mon point de vue envisageable, de remettre en cause cette protection.
Cette protection ne s'applique que dans des cas précis.
En effet, la notion d'abandon de domicile a été précisée par la jurisprudence de manière constante comme un départ brusque et imprévisible, dont la réalité est appréciée par la justice en cas de contestation. Il me paraît d'ailleurs fondamental de laisser au juge le soin de se prononcer sur ce point.
Par ailleurs, en cas de décès du locataire, il résulte de l'application de la loi du 6 juillet 1989 que le contrat de location ne fait pas partie de la succession puisqu'il est transféré à des personnes déterminées et que, en l'absence de ces dernières, le contrat est résilié de plein droit.
Par conséquent, en cas de transfert du bail, le bénéficiaire de ce transfert se substitue de plein droit dans les droits et obligations du locataire défunt.
Si le bail ne peut être transféré - et c'est plutôt ce cas que visait votre propos, monsieur le sénateur -, le contrat est résilié, et il appartient au bailleur de demander aux héritiers une indemnité d'occupation pendant tout le temps où les meubles du défunt demeurent dans le logement.
S'il n'y a pas d'héritier connu, les dispositions de l'article 1324 du nouveau code de procédure civile s'appliquent : le bailleur peut être autorisé par le juge à faire enlever les meubles du défunt en faisant l'avance des frais correspondants.
Si j'ai bien entendu votre interpellation, monsieur Darcos, vous considérez que les mécanismes juridiques soit sont trop longs, soit mettent dans l'embarras les organismes d'HLM.
Je voudrais d'abord rappeler que les bailleurs disposent de nombreux moyens pour se prémunir contre un éventuel défaut de paiement soit du loyer, soit des travaux induits par une détérioration dans le logement : le versement du dépôt de garantie lors de l'entrée dans les lieux, qui peut être récupéré par le bailleur au moment où ce dernier constate les défauts dont vous avez fait état, la caution d'un tiers, le versement des aides personnelles au logement en tiers payant, ainsi que des dispositifs plus récents comme le LOCA-PASS, qui offre la garantie du 1 % logement pour le paiement des loyers et des charges en cas de défaillances telles que celles que vous avez indiquées.
Monsieur le sénateur, je serais très intéressé de disposer de chiffres un peu plus précis concernant l'office public d'HLM de Périgueux pour pouvoir, avec la fédération des offices ou l'ensemble de l'union des HLM, évaluer sur l'ensemble du territoire national l'éventuelle ampleur des problèmes que vous soulevez, et regarder avec ces organismes si des stratégies de gestion de proximité, voire quelques ajustements législatifs s'ils se révélaient indispensables, ne permettraient pas de régler la situation, tout en conservant les mêmes protections aux ayants droit et aux membres de la famille vivant sous le toit soit d'un locataire défunt, soit d'un locataire parti de façon anormale.
M. Xavier Darcos. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Darcos.
M. Xavier Darcos. Madame le secrétaire d'Etat, je vous remercie de votre réponse.
Ma question ne visait pas, bien entendu, à remettre en cause la protection apportée aux ayants droit, en particulier aux personnes de la même famille qui habitaient sous le toit du locataire. Mon propos portait, pour parler clair, sur les gens de mauvaise foi et sur les personnes qui ont littéralement disparu.
Vous avez évoqué le recours au juge ; nous le connaissons, et c'est précisément ce recours qui nous inquiète. En effet, je le répète, les délais sont si importants qu'il y a actuellement, à Périgueux, une quinzaine, voire une vingtaine, d'appartements inoccupés et inoccupables dans l'attente d'une décision de justice.
J'aurais donc souhaité que l'on puisse trouver un procédé plus rapide que celui qui consiste à avoir recours à une décision de justice lorsque, d'évidence, il y a soit mauvaise foi des payeurs, soit disparition pure et simple des héritiers supposés et inconnus.

RÉPARATIONS EN FAVEUR DES ENFANTS
DE DÉPORTÉS NON JUIFS

M. le président. La parole est à M. Richert auteur de la question n° 993, adressée à M. le Premier ministre.
M. Philippe Richert. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ma question vise à attirer l'attention de M. le Premier ministre sur le décret n° 2000-654 du 13 juillet 2000, qui institue une mesure de réparation au profit des orphelins de parents juifs qui ont été victimes des persécutions antisémites. C'est un geste important et, incontestablement, une avancée sur le chemin de la reconnaissance des souffrances endurées par les enfants de déportés juifs.
Personne ne doit plus ignorer le drame du peuple juif pendant la Shoah, cette tâche noire de l'histoire de l'humanité, ni les complicités que le régime nazi a trouvées, y compris en France, pour accomplir cet horrible forfait.
Le président du groupe d'amitié France-Israël que je suis est donc sensible à cette décision du Gouvernement qui va dans le bon sens.
Cependant, il est important de faire aussi un geste envers les milliers d'autres déportés, notamment les résistants, qui ont été victimes de graves atrocités. La Fédération nationale des fils des morts pour la France, les Fils des tués, mais aussi Serge Klarsfeld, président de l'Association des fils et filles de déportés juifs de France, ainsi que le Conseil représentatif des institutions juives de France, le CRIF, ont regretté que cette mesure n'ait pas été étendue aux enfants orphelins de résistants.
Aussi, je souhaiterais savoir ce que le Gouvernement envisage de faire en faveur des enfants de déportés non juifs.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants. Monsieur le sénateur, votre question fait écho à d'autres qui sont souvent posées au Premier ministre et au Gouvernement, auxquelles je réponds régulièrement, et qui traduisent ce sentiment qu'il y aurait une discrimination statutaire entre les orphelins selon qu'il s'agit d'orphelins de parents déportés de confession israélite, donc de parents juifs, ou d'orphelins de résistants.
Tout d'abord, à la sortie de la guerre, une législation générale a été mise en oeuvre qui ne faisait aucune distinction et n'établissait aucune discrimination, sauf peut-être à l'avantage des déportés résistants, qui étaient assimilés à des militaires, à comparer aux déportés politiques, victimes civiles.
Dans votre question, vous avez justifié la décision du Gouvernement, à savoir le décret du 13 juillet 2000. Il est clair que, durant cette période, les enfants juifs étaient recherchés en qualité de juif pour être exterminés, même s'il est vrai que l'on ne peut pas établir des degrés dans la douleur : le fait d'être orphelin est une tragédie en soi ; que l'on soit orphelin de parents juifs ou de parents non juifs, de déportés politiques ou de déportés résistants, les sentiments sont les mêmes, les drames sont identiques.
Donc la France a réparé, à la sortie de la guerre, et l'Allemagne a également contribué à la prise en compte de cette situation.
Puis, à partir des travaux de la commission Mattéoli, notamment, il y a eu aussi la reconnaissance par la France aussi de ses responsabilités dans cette période, et la grande déclaration du Président Jacques Chirac lors de la journée du Vél d'Hiv, en juillet 1995, qui a offert à notre pays la décision qui a été concrétisée le 13 juillet 2000. Il fallait tenir compte de cette situation très particulière où l'enfant juif était recherché pour être exterminé.
Vous demandez si cette décision, que vous ne contestez pas, est juste. Elle l'est ; le Conseil d'Etat a tranché sur ce sujet de droit.
Vous demandez également s'il est envisagé d'étendre cette mesure aux autres orphelins. Les raisons que j'ai évoquées, à savoir la différence de situation et le fait que la France ait mis en place une législation dès 1945 au bénéfice des orphelins, me conduisent à vous dire que tel n'est pas aujourd'hui le cas.
M. Philippe Richert. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Richert.
M. Philippe Richert. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie de cette réponse. Vous avez bien compris que je suis extrêmement sensible à la décision qui a été prise et qui permet à la France de se remettre en mémoire les responsabilités qui sont les siennes dans cette tragédie.
Néanmoins, il serait dommageable que l'on ne fasse pas davantage cas de ces orphelins dont les parents, certes, n'étaient pas juifs, mais qui, eux aussi, ont eu à subir cette triste loi.
Récemment, j'ai été contacté par un monsieur qui m'a expliqué que son père avait été déporté pour avoir hébergé et protégé des juifs et permis leur évasion. Ce père ne comprend pas que ce dispositif puisse s'appliquer à ceux qu'il a aidés et ne pas concerner ses propres enfants.
C'est la raison pour laquelle j'insiste pour que l'on prenne en compte la situation de ces familles qui ont été si tristement touchées.
Je sais, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous êtes sensible à cette question. Si vous pouviez soumettre ces demandes au Premier ministre, ces familles vous en seraient très reconnaissantes.

INSÉCURITÉ PUBLIQUE EN GUYANE

M. le président. La parole est à M. Othily, auteur de la question n° 1048, transmise à M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer.
M. Georges Othily. Je souhaite attirer l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur la situation extrêmement difficile que connaît la Guyane sur le plan de la sécurité publique.
Les personnes âgées de notre grande ville de Cayenne hésitent à se rendre en ville à partir d'une certaine heure, les jeunes se voient proposer en permanence des substances illicites et les phénomènes de prostitution se développent.
Les services de police, en particulier à Cayenne - je n'oublie pas, bien entendu, la délinquance qui est constatée à Kourou -, ont du mal à faire face à l'accroissement d'une délinquance de plus en plus violente, d'autant que les effectifs manquent ou ne sont pas adaptés aux tâches de police de proximité. En effet, le nombre actuel de policiers en service en Guyane se semble pas tenir compte de la densité réelle de population dans une région où la porosité des frontières favorise l'immigration clandestine.
Dans les zones urbanisées, la mise en place de la police de proximité nécessite - le ministre de l'intérieur l'a indiqué à plusieurs reprises - une fidélisation des personnels et une connaissance approfondie du terrain. En Guyane, cela suppose de limiter autant que faire se peut le recours à des personnels qui vivent leur affectation comme une expatriation ou une expérience exotique limitée dans le temps et qui ne restent en poste que deux ou trois ans avant de retourner en métropole, le retour se faisant au moment même où la maîtrise du terrain d'intervention commence.
Il me semblerait plus judicieux de faire appel à des fonctionnaires originaires de la Guyane, qui, pour la plupart, souhaitent retourner dans leur département d'origine. L'efficacité de la police de proximité en Guyane serait renforcée par la présence de femmes et d'hommes connaissant tout particulièrement le terrain.
La formation du personnel dans la pratique des langues guyanaises - le créole, le brésilien, le taki-taki et le sranatango - serait de nature à faciliter et à renforcer l'efficacité des actions sécuritaires.
Dans ma commune, qui se trouve à plus de 250 kilomètres de Cayenne, il m'arrive souvent d'être arrêté par des fonctionnaires de police qui ignorent qui est le sénateur ou le maire de telle ou telle commune.
M. Jean-Jacques Hyest. Il n'y a pas que chez vous ! (Sourires.)
M. Georges Othily. Cela commence à devenir un peu agaçant !
Quelles dispositions comptez-vous prendre pour que les fonctionnaires de police guyanais en affectation provisoire sur le territoire hexagonal puissent, au bénéfice d'une mutation, retourner chez eux dans les meilleurs délais, afin que la sécurité soit retrouvée et que la Guyane connaisse un climat beaucoup plus serein ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants. Monsieur le sénateur, M. Christian Paul, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, vous prie de l'excuser ; il est en déplacement au Antilles.
Mais avant de vous livrer la réponse qu'il m'a prié de vous communiquer, je veux vous dire que, les uns et les autres, il nous arrive de faire l'objet de contrôles dans nos départements et que les fonctionnaires de police ou les gendarmes ne connaissent pas forcément les députés ou les sénateurs. Aussi, le sort que vous avez évoqué vous concernant est largement partagé tant par l'ensemble de vos collègues que par les membres du Gouvernement.
S'agissant de l'insécurité publique en Guyane, vous le savez, monsieur le sénateur, la sécurité est une priorité de l'action gouvernementale. Le Premier ministre l'a réaffirmé à plusieurs reprises, notamment à l'occasion de ses déplacements outre-mer, rappelant la nécessité du respect des lois, ainsi que celle de la lutte contre la délinquance, à la fois par le renforcement des moyens de police, mais aussi par une action globale qui s'attaque aux causes du problème.
Il convient de souligner que, statistiquement, en Guyane, le total des infractions constatées par la police et la gendarmerie a chuté de près de 7 % en 2000, même si la délinquance de voie publique se caractérise par une poussée des vols à main armée et des vols avec violences. En outre, les infractions à la législation sur les stupéfiants ont diminué de plus de 20 %. C'est le trafic de stupéfiants qui enregistre le plus net recul : 52 %.
Ces résultats trouvent leur source dans les efforts engagés sur place.
En ce qui concerne les effectifs de la gendarmerie nationale, 382 militaires sont actuellement répartis en trois compagnies, auxquelles s'ajoutent trois escadrons de gendarmes mobiles, soit 270 hommes. Ces effectifs pourraient être renforcés dans le cadre de la future loi de programmation militaire, qui est actuellement en cours de finalisation.
Pour ce qui est des effectifs de police, des efforts importants ont été accomplis pour mieux maîtriser l'évolution de la délinquance et lutter contre l'immigration irrégulière. Ainsi, depuis 1997, les effectifs de police ont progressé de 25 % en Guyane, passant, tous corps confondus, de 368 à 459 fonctionnaires. Une section d'intervention a notamment été créée en 1998 et 62 adjoints de sécurité y ont été affectés.
Par ailleurs, le recrutement de 37 adjoints de sécurité supplémentaires préfigure la mise en place d'une véritable police de proximité sur laquelle la direction départementale de la sécurité publique travaille d'ores et déjà.
Il convient de noter, en réponse à vos interrogations, monsieur le sénateur, que 75 % des adjoints de sécurité sont originaires de Guyane. Cette volonté de favoriser la présence de forces de sécurité connaissant parfaitement le terrain trouvera également son expression dans le concours délocalisé pour le recrutement de 30 gardiens de la paix qui sera organisé dans le courant du second semestre 2001.
Résultat de ces efforts, la lutte contre l'immigration clandestine s'est intensifiée : le taux de reconduites à la frontière s'est accru de 12,35 %. Cette action s'organise autour de deux axes : le contrôle des frontières et la lutte contre l'emploi des clandestins, pour laquelle une antenne de l'Office des migrations internationales a été mise en place à Cayenne dès 1990.
L'Etat, les élus locaux et les socio-professionnels, notamment dans le secteur du bâtiment et des travaux publics, oeuvrent en étroite concertation pour un meilleur contrôle des flux migratoires. De plus, un projet de coopération avec le Surinam concernant la police, la justice et les douanes est à l'étude ; il devra permettre, à partir de 2002, de consolider les actions menées en matière de sécurité.
Il convient toutefois de noter que, en matière de contrats locaux de sécurité, le bilan dans le département n'est pas à la hauteur des attentes. En effet, seulement un contrat intercommunal - celui qui concerne Cayenne, Matoury et Rémiré-Montjoly - a été signé le 6 juin 1998 et un autre est au stade du diagnostic à Saint-Laurent-du-Maroni.
Aussi, au travers de cette réponse à votre question, monsieur le sénateur, le Gouvernement encourage les maires de Guyane à s'attacher, avec l'aide du préfet, qui a reçu toutes instructions en ce sens, à la mise en oeuvre de cet outil privilégié de définition des priorités locales et de l'action gouvernementale, afin de donner une nouvelle dynamique à la démarche contractuelle.
M. Georges Othily. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Othily.
M. Georges Othily. Monsieur le secrétaire d'Etat, je prends acte de votre réponse, qui, bien sûr, ne me donne pas entièrement satisfaction.
Je ne parlerai pas des forces de l'ordre qui constituent la gendarmerie : à la limite, on pourrait dire que, derrière chaque Guyanais, il y a un gendarme.
S'agissant des forces de sécurité, vous m'annoncez qu'un concours sera organisé durant le second semestre 2001. Je me permets d'attirer votre attention - vous voudrez bien transmettre mon propos à M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer - sur le fait que ma question concernait la possibilité d'intégrer dans la police de proximité des femmes et des hommes de Guyane qui parlent les langues guyanaises, et ce pour une meilleure efficacité des actions de sécurité.
Il serait souhaitable que, dans le concours régional qui sera organisé pour le recrutement de trente policiers, vous puissiez prévoir la langue pratiquée dans notre région, ce qui permettrait de consolider, sinon de fidéliser, cette fonction de policier in situ.
M. le président. En tout cas, il y a quelqu'un qui reconnaît M. Othily, c'est l'évêque de Cayenne. Comme il est de Marseille, il ne se trompe pas ! (Sourires.)

MAINTIEN DU PERSONNEL DE LA POLICE
DE L'AIR ET DES FRONTIÈRES DU PORT D'OUISTREHAM

M. le président. La parole est à M. Ambroise Dupont, auteur de la question n° 1024, adressée à M. le ministre de l'intérieur.
M. Ambroise Dupont. Je souhaite attirer l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur la récente décision de retirer du port de Ouistreham les dix-huit membres de la police de l'air et des frontières - la PAF - qui y travaillent actuellement. Cette décision nous préoccupe beaucoup et risque de porter un coup très dur au développement du trafic transmanche. Elle semble aussi incohérente puisque la PAF est maintenue au Havre, à Cherbourg ou à Saint-Malo et que seul le port de Ouistreham est touché.
Bien que nous ayons confiance en leurs qualités, il nous paraît fort improbable que les personnels de la douane et de la gendarmerie puissent, comme il nous l'a été dit, assurer le travail de la PAF. Deux entités ayant déjà leur propre travail et leurs responsabilités spécifiques à assumer peuvent-elles remplacer dix-huit personnes disposant de moyens plus importants ?
De plus, la douane n'a pas de compétences judiciaires pour interpeller les clandestins, dont le nombre, je le rappelle, est en augmentation constante : soixante ont été appréhendés en 1999, cent vingt-neuf en 2000 et cent vingt-quatre pour les trois premiers mois de 2001. Jeudi dernier, dix clandestins kosovars ont encore été arrêtés, dont quatre mineurs âgés de treize à quinze ans.
Et que se passera-t-il si la gendarmerie dépasse, pour arriver sur les lieux où auront été appréhendés des passagers clandestins, le délai de garde à vue, récemment réduit à une heure ?
Le port de Ouistreham accueille des cargos en provenance de tous les continents, notamment d'Afrique. Il enregistre un transit de plus d'un million de passagers et de 100 000 camions, et un nouveau car-ferry sera bientôt mis en service entre Ouistreham et Porstmouth.
Mais le développement du transport de passagers et de marchandises qui devrait s'ensuivre risque fort d'être empêché car les transporteurs routiers vont hésiter, voire renoncer, à passer par Ouistreham si la police de l'air et des frontières n'est plus présente. En effet, on le sait, les transporteurs britanniques doivent payer de fortes amendes si des passagers clandestins sont découverts dans leurs véhicules. Or, les contrôles se renforcent dans les autres ports de la Manche.
Pour toutes ces raisons, et dans un contexte d'augmentation continue du nombre de passagers clandestins, c'est, nous semble-t-il, moins que jamais le moment de relâcher le contrôle. C'est pourquoi je demande que tout soit fait pour maintenir le personnel de la police de l'air et des frontières actuellement affecté au port de Ouistreham.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants. Monsieur le sénateur, permettez-moi tout d'abord de vous présenter les excuses de M. le ministre de l'intérieur, qui est en déplacement, ce matin, au côté de M. le Premier ministre.
Il m'a prié de vous communiquer les éléments de réponse suivants.
Le conseil de sécurité intérieure du 6 décembre 1999 a pris la décision de procéder à une nouvelle répartition des tâches entre la direction centrale de la police aux frontières et la direction générale des douanes et des droits indirects, afin de permettre aux effectifs de police de se consacrer aux missions de sécurité et de proximité.
En conséquence, une impulsion nouvelle a été donnée au développement de la complémentarité entre les deux administrations, ce qui est une bonne chose. Ainsi, la mission de contrôle transfrontière sur quarante et un points de passage autorisés aériens, maritimes et terrestres, choisis en raison de la faiblesse des flux « hors Schengen » qu'ils connaissent, a été transférée de la police aux douanes.
Dans le Calvados, compte tenu de l'absence de bassin d'immigration irrégulière dans l'aire urbaine de Caen, le service départemental de la police aux frontières sera supprimé après la reprise de la mission de contrôle aux frontières par les douaniers. Cette prise en charge par la douane devrait intervenir à la fin du premier semestre de 2001.
En effet, les données statistiques relatives à l'activité de ce service confirment qu'il n'existe pas, dans le secteur de Caen-Ouistreham, de pression migratoire irrégulière en provenance ou à destination du Royaume-Uni.
De fait, s'agissant des contrôles transfrontière, il apparaît que le nombre des étrangers non admis par les fonctionnaires de la police aux frontières n'a cessé de diminuer depuis 1998. La tendance est identique pour le nombre de clandestins maritimes découverts : dix en 1998, huit en 1999 et cinq en 2000. A cet égard, aucun placement en zone d'attente n'a été effectué depuis 1998 et aucune demande d'asile n'a été présentée à la frontière.
Dans le domaine de la lutte contre l'immigration irrégulière, le nombre des procédures judiciaires diligentées par les fonctionnaires du service départemental de la police aux frontières du Calvados pour entrée ou séjour irrégulier a décru en 1998 et en 1999.
L'augmentation notée en 2000, et que vous avez soulignée, monsieur le sénateur, s'explique, d'une part, par la vigilance accrue des chauffeurs de camion, qui alertent les forces de l'ordre dès qu'ils soupçonnent la présence de clandestins dans leur attelage - cette vigilance étant elle-même liée à la mise en place de pénalités financières par les autorités britanniques en cas de découvertes d'immigrants irréguliers - et, d'autre part, par la mise en oeuvre des accords de complémentarité conduisant la sécurité publique et la gendarmerie du Calvados à remettre au service départemental de la PAF les étrangers en situation irrégulière interpellés, afin que ce dernier établisse les procédures judiciaires et administratives.
Ainsi, une grande partie de ces interpellations ne se produisent pas à la frontière, mais sont réalisées en amont, notamment par les services de gendarmerie et de sécurité publique compétents.
S'agissant du traitement des procédures judiciaires, les missions de sécurité et de paix publiques dans les ports ne sont pas, à de rares exceptions près, du ressort de la police aux frontières, mais relèvent du service de sécurité publique ou de gendarmerie territorialement compétent. A Caen-Ouistreham, cette mission était, est et restera dévolue à la brigade territoriale de la gendarmerie nationale.
En ce qui concerne la question du placement en zone d'attente d'un étranger non admis à la suite du contrôle opéré par la douane, il est exact qu'il ne peut être effectué que par un officier désigné par le chef de la police aux frontières territorialement compétent, en vertu des dispositions de l'ordonnance du 2 novembre 1945.
Aussi, afin non seulement de mettre en oeuvre ces mesures, mais également de gérer les escortes consécutives et de traiter le cas des clandestins maritimes, un service référent de la police aux frontières a-t-il été désigné. Pour le point de passage autorisé de Caen-Ouistreham, il s'agit de la direction départementale de la police aux frontières de la Seine-Maritime, sise au Havre.
En aucune façon le transfert à la douane des missions de contrôle transfrontière ne représente un désengagement de l'Etat de sa mission sur les frontières, puisqu'elle sera assurée, sans rupture de continuité, par cette administration. Cette meilleure complémentarité des services, décidée par le conseil de sécurité intérieure, permettra à la police aux frontières de renforcer la lutte contre l'immigration irrégulière et l'emploi dissimulé sur les aires urbaines et les aéroports où la pression migratoire est importante.
En conclusion, rien dans la situation actuelle de Caen-Ouistreham, ni même du département du Calvados, ne justifie le maintien d'un service de la police aux frontières. Toutefois, si la pression migratoire devait évoluer de façon significative, il y serait répondu par un mode d'organisation dynamique, performant et adapté.
Telle est, monsieur le sénateur, la réponse que M. Daniel Vaillant souhaitait apporter à vos interrogations.
M. Ambroise Dupont. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Ambroise Dupont.
M. Ambroise Dupont. La fin de la réponse transmise par M. le secrétaire d'Etat est plus encourageante que son début !
En effet, nous avons des doutes à propos des bases sur lesquelles s'est fondé le conseil de sécurité intérieure : il s'agissait de chiffres datant de 1998, que vous avez rappelés, monsieur le secrétaire d'Etat, mais on constate une aggravation pour l'année 2000, que vous avez bien voulu reconnaître.
Nous ne voudrions pas qu'une faiblesse dans le dispositif général, à l'échelon du port de Caen-Ouistreham, vienne justifier, à l'avenir, la prise de dispositions nouvelles.
Je demande donc au Gouvernement d'être attentif à cette question, qui inquiète tout le monde dans notre région, qu'il s'agisse de la chambre de commerce, des élus ou des transporteurs.

CONDITIONS DE DÉTENTION EN GARDE À VUE

M. le président. La parole est à M. Pelletier, auteur de la question n° 1045, adressée M. le ministre de l'intérieur.
M. Jacques Pelletier. Ma question s'adressait à M. le ministre de l'intérieur, dont je regrette l'absence. Néanmoins, je me réjouis que ce soit M. le secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combatants qui me réponde, car il est un fin connaisseur de notre assemblée !
Je souhaitais donc attirer l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les témoignages nombreux, transmis directement ou par voie de presse, relatifs aux conditions déplorables de détention en garde à vue. Certains de ces témoignages sont poignants et mériteraient d'être entendus, afin que les faits révélés ne se reproduisent plus.
En effet, les lieux dans lesquels des personnes sont placées pour de simples gardes à vue ne sont pas toujours conformes, loin de là, aux normes de détention imposées par le respect des droits de l'homme.
Ainsi, on parle de couchettes en dur, avec une couverture pour seule protection contre le froid, de toilettes qui ne sont pas souvent nettoyées, d'un simple sandwich qu'il faut attendre des heures et que l'on n'obtient qu'au beau milieu de la nuit...
Il arrive que les lieux de détention provisoire ne soient pas gardés pendant la nuit ; les personnes en garde à vue n'ont alors aucun moyen d'appeler à l'aide si jamais quelque chose survient, les fonctionnaires de police ne revenant bien souvent que le lendemain matin. Qu'adviendrait-il si un incident se produisait, si une personne cardiaque ou épileptique venait à avoir besoin de ses médicaments ?
Ces personnes sont retenues en garde à vue, elle n'ont pas à subir des traitements que l'on ne devrait même pas infliger aux pires criminels !
Selon l'article 803 du code de procédure pénale, « nul ne peut être soumis au port des menottes ou des entraves que s'il est considéré soit comme dangereux pour autrui ou pour lui-même, soit comme susceptible de prendre la fuite ».
La circulaire du 1er mars 1993 émanant de la Chancellerie laisse l'appréciation de la réalité des risques au seul fonctionnaire d'escorte. Or de nombreux témoignages font état de l'usage abusif des menottes par les fonctionnaires de police ou de gendarmerie lors des escortes d'un lieu à un autre, même dans les cas de garde à vue. Pour le moindre déplacement, on menotte l'individu, même lorsqu'il s'agit d'une personne ne présentant aucun caractère de dangerosité.
Lorsque ces mêmes fonctionnaires débarquent chez un individu pour l'emmener en garde à vue, l'usage des menottes est, là encore, bien trop souvent constaté. Qu'en est-il du respect de la dignité et de la présomption d'innocence de l'intéressé ? Comment s'en sortira une personne qui, relâchée de sa garde à vue, aura à subir les regards de ses voisins, de son entourage ? Comment réagira un enfant dont le père aura été emmené, même pour vingt-quatre heures, menotté comme le pire des bandits ?
Monsieur le secrétaire d'Etat, il est temps, dans notre pays des droits de l'homme, de faire en sorte d'éviter que des fonctionnaires de police ou de gendarmerie se comportent ainsi. Il ne leur appartient pas de juger avant la justice, et je souhaiterais connaître la position du Gouvernement sur ce sujet sensible.
M. Gérard Delfau. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants. Monsieur le sénateur, vous venez de vous faire l'écho de préoccupations éminemment humanistes qui touchent à l'application des grands principes universels des droits de l'homme et au respect de la personne et de sa dignité. Je vais vous faire part de quelques éléments de réponse que M. le ministre de l'intérieur m'a prié de vous communiquer.
Afin d'en assurer un déroulement régulier dans le respect des droits des personnes, la garde à vue est réglementée et placée sous le contrôle permanent de l'autorité judiciaire.
Les garanties accordées, qui ont été récemment discutées lors de la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes, sont ainsi expressément prévues par le code de procédure pénale.
Elles résultent principalement de l'exercice de droits, tels celui de demander un examen médical par un médecin et celui de s'entretenir avec un avocat dès la première heure dans les procédures de droit commun. La présence de ces deux intervenants extérieurs à la procédure est de nature à pallier tout risque d'atteinte à l'intégrité de la personne mise en cause. Les garanties prévues ressortissent également à des dispositions procédurales particulières concernant l'alimentation, les fouilles et la visite des locaux.
La menottage, pour sa part, est une mesure de sûreté reconnue dans les pouvoirs de coercition prévus par la loi en matière d'arrestation et de détention. Son application est déterminée par l'article 803 du code de procédure pénale, qui précise que la personne ne peut en être l'objet que si elle est considérée comme dangereuse pour autrui ou pour elle-même, ou susceptible de vouloir prendre la fuite.
Les directives en la matière, qui ont été diffusées après consultation de la Chancellerie, précisent que « sous réserve de circonstances particulières, l'appréciation du risque - disposition de l'article 803 du code de procédure pénale - mérite une attention particulière lorsqu'il s'agit de mineurs, de personnes qui se sont volontairement constituées prisonnières, de personnes dont l'âge ou l'état de santé réduisent la capacité de mouvement et de témoins en garde à vue ou retenus ».
En outre, plusieurs autres types de dispositions encadrent déjà l'action des policiers dans ce domaine.
Ainsi, l'article 10 du code de déontologie de la police nationale stipule, entre autres, que « toute personne appréhendée est placée sous la responsabilité et la protection de la police » et qu'« elle ne doit subir, de la part des fonctionnaires de police ou de tiers, aucune violence ni aucun traitement inhumain ou dégradant ».
Au-delà du rôle joué par l'autorité judiciaire, la hiérarchie policière et l'inspection générale de la police nationale, il est à noter la création, par la loi n° 2000-494 du 6 juin 2000, de la commission nationale de déontologie de la sécurité. Autorité administrative indépendante, elle est chargée de veiller au respect de la déontologie des organismes publics ou privés assurant des missions de sécurité.
Au plan matériel, il est à noter que l'ensemble des travaux de restructuration des locaux cellulaires des services de police, programmés par le gouvernement français à la suite des recommandations émises en 1996 par le comité européen de prévention de la torture et des peines et traitements inhumains et dégradants, ont été réalisés.
Soyez assuré, monsieur le sénateur, que le Gouvernement est très attentif aux préoccupations dont vous avez bien voulu lui faire part. Le Gouvernement se préoccupe tout particulièrement du respect des droits de l'homme et du respect de la dignité de la personne placée dans les conditions que vous avez bien voulu évoquer.
M. Jacques Pelletier. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Pelletier.
M. Jacques Pelletier. Je veux remercier M. le secrétaire d'Etat de sa réponse, qui prouve que le Gouvernement souhaite améliorer les conditions de détention en garde à vue.
Je souhaite vivement que des mesures concrètes soient prises et que des ordres précis soient donnés aux fonctionnaires de police et de gendarmerie.
Mes propos se référaient à des témoignages isolés. Ils ne reflètent heureusement pas les conditions de détention dans leur ensemble. Mais ils traduisent des excès qu'il nous appartient de condamner et de réprimer.
M. Gérard Delfau. Très bien !
M. Jacques Pelletier. Il s'agit là d'une question importante à laquelle je suis particulièrement attaché en tant que parlementaire, bien sûr, mais aussi et surtout en tant que président de l'intergroupe de défense des droits de l'homme de notre assemblée.
Selon moi, la France se doit d'être exemplaire dans sa lutte pour l'éradication des atteintes aux droits humains. Je compte donc sur M. le ministre de l'intérieur pour que les conditions de détention s'améliorent.

ORGANISATION DES SECOURS

M. le président. La parole est à M. Hyest, auteur de la question n° 1047, adressée à M. le ministre de l'intérieur.
M. Jean-Jacques Hyest. Ma question concerne l'organisation des secours.
On constate que les services départementaux d'incendie et de secours sont de plus en plus sollicités pour des interventions dites de « secours à personnes ».
Si le nombre d'interventions en matière de lutte contre l'incendie ou d'accidents divers, notamment les accidents de la circulation, est relativement stable, les « secours à personnes » connaissent une croissance non contrôlée dans l'activité opérationnelle des sapeurs-pompiers. C'est ainsi qu'en Seine-et-Marne, par exemple, ce type d'intervention a connu une augmentation de près de 50 % en cinq ans.
Il apparaît que nos concitoyens font de plus en plus appel aux sapeurs-pompiers pour des interventions ne relevant pas strictement de la notion de secours, en raison parfois de la faiblesse des moyens des services médicaux d'urgence et de leur indisponibilité, mais aussi de la gratuité des secours, cette pratique s'étendant au point de se substituer à un simple appel à un médecin.
La restructuration de certains centres hospitaliers risque d'aggraver cette situation, dans la mesure où les équipages seront amenés à transporter des victimes à des distances de plus en plus éloignées.
Pour l'an 2000, l'évaluation du surcoût de ces interventions a pu être établie, en Seine-et-Marne, à près de 30 millions de francs.
S'il est impossible aux sapeurs-pompiers de refuser d'intervenir, il serait normal que, comme pour les interventions des services médicaux d'urgence et de réanimation, les SMUR, ou des ambulanciers privés, les services départementaux d'incendie et de secours, les SDIS, soient remboursés au titre de l'assurance maladie du coût de ces interventions, d'autant qu'ils ont été amenés à se doter de services médicaux de plus en plus importants pour faire face à cette situation.
Monsieur le secrétaire d'Etat, on parle de nouveau beaucoup de la réorganisation de la sécurité civile et de nombreux projets qui seraient dans les cartons. Il conviendrait, à cette occasion, de résoudre le problème jamais réglé des secours médicaux, puisque certains en ont la charge et que d'autres l'assument.
Dans mon département, il y a eu la grève des ambulanciers privés pour les urgences et la grève du SAMU. Dans ce cas, qui intervient ? Ce sont les sapeurs-pompiers ! Pourtant, les SDIS ne sont pas payés pour ces missions qui ne relèvent pas de leur compétence.
Il est temps de prendre des mesures pour faire face à cette situation inquiétante pour l'équilibre des budgets des services départementaux d'incendie et de secours et des collectivités locales. J'aimerais donc connaître les intentions du Gouvernement dans ce domaine.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants. Aux termes de l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales : « les services d'incendie et de secours sont chargés de la prévention, de la protection et de la lutte contre les incendies. Ils concourent, avec les autres services et professionnels concernés, à la protection et à la lutte contre les autres accidents, sinistres et catastrophes, à l'évaluation et à la prévention des risques technologiques ou naturels ainsi qu'aux secours d'urgence. Dans le cadre de leurs compétences, ils exercent notamment les missions de secours d'urgence aux personnes victimes d'accidents, de sinistres ou de catastrophes ainsi qu'à leur évacuation. »
Les services d'incendie et de secours n'ont donc, en principe, pas pour mission d'assurer des transports sanitaires, qui sont du ressort des ambulanciers privés.
Toutefois, vous l'avez indiqué, et vous avez illustré vos propos d'exemples pris dans votre département, les sapeurs-pompiers sont amenés à effectuer des transports sanitaires, à la demande des SAMU, en raison d'une carence du secteur privé qui peut résulter soit de l'insuffisance du parc ambulancier privé, soit d'une indisponibilité temporaire.
En ce qui concerne le financement de ces transports sanitaires, régulés par le SAMU, effectués par les services d'incendie et de secours en cas de carence du secteur privé et n'entrant pas dans le cadre de leurs missions légales, la caisse nationale d'assurance maladie considère qu'elle n'a aucune possibilité de le prendre à sa charge dès lors qu'il ne relève pas du secteur libéral.
Des discussions sont néanmoins en cours entre les services de M. le ministre de l'intérieur et ceux de Mme la ministre de la santé pour tenter de trouver une solution satisfaisante à ce problème, qui sera d'ailleurs abordé dans le cadre du débat national relatif à la modernisation de la défense et de la sécurité civiles, en s'inspirant des conclusions du rapport du député Jacques Fleury sur le financement des services départementaux d'incendie et de secours.
Tels sont les termes de la brève réponse que M. le ministre de l'intérieur souhaitait apporter à votre question, monsieur le sénateur.
M. Jean-Jacques Hyest. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. Je remercie M. le ministre de sa réponse.
Il n'en demeure pas moins que les sapeurs-pompiers se doivent de répondre aux appels sur le 18 et de faire face aussi à la carence d'un certain nombre de services publics, des SMUR notamment, qui ne sont pas toujours disponibles, voire des médecins libéraux ou des ambulanciers privés.
Cette situation ne peut pas durer, du fait de l'augmentation des dépenses : 30 millions de francs par an pour un département comme la Seine-et-Marne, c'est insupportable !
Il me paraît donc urgent ou bien de réorganiser les services médicaux d'urgence pour répondre 24 heures sur 24 et 365 jours par an à la demande ou bien de dédommager les services d'incendie et de secours pour ces interventions qui ne relèvent pas de leur compétence.
Naguère, des conventions passées avec certains hôpitaux ont été dénoncées par la caisse nationale d'assurance maladie. C'est parfaitement regrettable ! Il est temps de trouver une solution. Souhaitons que le débat et, peut-être, des futurs textes permettent de résoudre ce problème qui se pose depuis trop longtemps.

STATUT DES CAISSES D'ÉPARGNE

M. le président. La parole est à M. Delfau, auteur de la question n° 1007, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Gérard Delfau. Par votre entremise, monsieur le secrétaire d'Etat, je souhaite attirer l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur la mise en place du nouveau statut des caisses d'épargne auxquelles le Parlement accorde, comme vous le savez, une grande attention.
Je constate une inquiétude chez les personnels, à qui la nouvelle direction a fixé des critères de rentabilité dignes du secteur privé.
Ces salariés, soumis à une logique de productivité très forte, craignent de devoir se désengager de leur mission traditionnelle auprès de la clientèle populaire.
Ils se demandent si nombre de caisses locales ne risquent pas d'être regroupées, au détriment du service de proximité.
Ils comparent, enfin, le gel des salaires sur trois ans qui les frappe avec les augmentations importantes des revenus de leurs dirigeants, qu'il s'agisse de la partie fixe ou des rémunérations annexes, et ils s'en étonnent.
Je souhaiterais savoir si les grandes orientations fixées par la caisse centrale au sujet des « missions d'intérêt général » sont conformes à l'esprit de la loi n° 99-532 du 25 juin 1999 en termes d'engagements financiers et dans le choix des chantiers.
S'agissant de la synergie avec le Crédit foncier, je voudrais savoir si les objectifs fixés par le ministère de tutelle seront atteints.
Plus généralement, je voudrais connaître le sentiment de M. le ministre sur le rôle que la Caisse des dépôts et consignations peut jouer dans cet ensemble d'établissements financiers publics et semi-publics.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie. Monsieur le sénateur, M. Fabius m'a chargé de vous transmettre la réponse qu'il aurait aimé vous communiquer lui-même si ses obligations internationales ne l'avaient pas empêché d'être présent au Sénat ce matin, ce dont il vous prie de l'excuser.
M. Gérard Delfau. Je comprends tout à fait !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Vous attirez son attention, au fond, sur les objectifs du nouveau statut des caisses d'épargne après le vote de la loi de 1999. Deux ans après, la question se pose, en effet.
Il s'agissait, par ce statut, d'affirmer et de renforcer non seulement les missions d'intérêt général, sur lesquelles je reviendrai dans un instant, mais aussi le rôle fondamental que les caisses d'épargne jouent dans l'économie locale en matière de protection de l'épargne populaire, de développement local ou encore de logement social.
Il s'agissait également de permettre aux caisses d'épargne de sortir de leur isolement statutaire, tout en respectant la spécificité qui est la leur, ainsi que de renforcer la cohérence et l'efficacité de leur gestion.
Vous avez posé plusieurs questions précises, à cet égard.
La première porte sur les missions d'intérêt général. La loi de 1999 consacre ces missions. Il est prévu, à l'article 6, que les caisses d'épargne sont tenues d'affecter au financement des projets d'économie locale et sociale au minimum le tiers de leur résultat disponible, après la mise en réserve légale.
La Fédération nationale des caisses d'épargne et de prévoyance vient de définir, conformément à la loi, deux orientations majeures qui s'appuient sur l'expérience et la légitimité des caisses d'épargne : solidarité dans le domaine bancaire et la création d'entreprises pour exploiter les compétences des banquiers du groupe Caisse d'épargne ; solidarité par l'engagement civique et social pour amplifier les actions menées de longue date par le groupe dans ce domaine.
Monsieur Delfau, les caisses d'épargne devraient consacrer, en 2001, 20 millions d'euros au financement de ces projets, ce qui se situe quantitativement à l'intérieur de l'enveloppe fixée par l'article 6 de la loi de 1999.
Une autre de vos questions concerne le regroupement des caisses d'épargne et la crainte que le « local » et le « proche » ne disparaissent des préoccupations des caisses d'épargne.
Le directoire de la Caisse nationale des caisses d'épargne et de prévoyance indique qu'il n'envisage pas de réduction du réseau organisé sur le plan national, dans la mesure où il entend privilégier les aspects décentralisés du groupe. Les caisses d'épargne demeurent ainsi des établissements de proximité. Ces derniers, insérés dans le tissu économique et social local, doivent servir au mieux les objectifs et les missions assignés par les caisses d'épargne.
Un autre aspect de votre question concerne les critères de rentabilité que les caisses d'épargne auraient imposés à leurs salariés ; je partage avec vous la conviction que, si la rentabilité des fonds propres constitue un critère d'efficacité important, la qualité des hommes et leurs motivations à travailler ensemble contribuent largement à la réussite d'une entreprise, en particulier celle-ci.
A cet égard, les valeurs du secteur coopératif contribuent à donner un sens à l'action des établissements de crédit de ce secteur et à créer un lien particulier entre les salariés de ces établissements, ce qui fait leur force.
Le niveau des objectifs financiers du plan stratégique du groupe, qui a été fixé par ses dirigeants à l'horizon 2003, me paraît raisonnable par rapport aux références qui guident aujourd'hui l'ensemble des acteurs du secteur bancaire.
Enfin, concernant le Crédit foncier de France, la coopération et la concertation sont déjà effectives dans certains domaines : financement commun des collectivités locales, financement commun des grands projets. Des réflexions et des expériences se poursuivent actuellement, qui sont fondées sur l'articulation des compétences entre un grand réseau généraliste et un établissement spécialisé dans le crédit immobilier.
Toutes ces actions, qu'elles concernent les missions d'intérêt général, la place du Crédit foncier, le rôle central de la Caisse des dépôts et consignations, se situent dans le cadre d'un pôle financier public que le Gouvernement a entendu conforter dans son rôle pour qu'il soit fort et cohérent. La création de CDC IXIS et le rôle que les caisses d'épargne devront y jouer participent de cette même logique.
En se structurant plus efficacement, en poursuivant les réformes - vous avez appelé nombre d'entre elles de vos voeux - en associant une banque de réseau et une banque d'investissement, le pôle financier public a un rôle particulier à jouer dans le pôle bancaire français et, bien entendu, européen.
M. Gérard Delfau. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau. Je vous remercie de la qualité et de la précision de cette réponse, monsieur le secrétaire d'Etat. Je partage largement le bilan positif que vous dressez de la mise en place de la loi du 25 juin 1999. Je constate notamment, comme vous, que le contenu des missions d'intérêt général est en conformité avec l'esprit de cette loi.
En revanche, je ne suis pas tout à fait sûr que le montant de 20 millions d'euros destiné à financer ces actions - montant que vous annoncez et qui m'avait été communiqué - corresponde exactement à l'objectif d'un tiers qui avait été estimé.
S'agissant de la notion de proximité, vous me confirmez qu'il n'y a pas, sur le plan national, de programme de réduction du nombre des établissements. Je souhaite vivement que, sauf adaptation nécessaire du réseau, bien évidemment, il n'y en ait pas non plus pour les caisses régionales.
S'agissant des critères de rentabilité, il y a un alignement sur les habitudes des banques privées, à savoir une aggravation du coût des services pour les petits revenus - je l'ai constaté moi-même dans ma caisse locale - et le maintien de taux plus bas pour les gros revenus. Je ne pense pas que cette pratique soit conforme à l'esprit des caisses d'épargne. Si elle devait perdurer, elle nuirait sans doute à la crédibilité de ces dernières.
S'agissant du Crédit foncier de France, on constate effectivement des avancées, mais elles sont tardives. On peut le comprendre, puisque les deux établissements sortent d'une période compliquée. Je souhaite que l'on aille plus avant.
Enfin, je me réjouis, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous réaffirmiez la notion de pôle financier public, à laquelle, vous le savez, je suis, comme beaucoup de parlementaires, particulièrement attaché.
En tout cas, je vous remercie de ce bilan et je souhaite bon vent aux caisses d'épargne !
MM. Raymond Courrière et Roland Courteau. Très bien !

FINANCEMENT DU SERVICE DE L'ENLÈVEMENT
ET DE L'ÉLIMINATION DES ORDURES MÉNAGÈRES

M. le président. La parole est à M. Besson, auteur de la question n° 1044, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Jean Besson. Je souhaite attirer l'attention toute particulière de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur les modalités de financement du service public de l'enlèvement et de l'élimination des ordures ménagères.
Les collectivités en charge de cette compétence disposent de deux types de mécanismes fiscaux et financiers : la taxe d'enlèvement des ordures ménagères, la TEOM, et la redevance d'enlèvement des ordures ménagères, la REOM. Les assiettes et les montants de la REOM et de la TEOM sont fondamentalement différents. Le choix de l'une ou l'autre relève exclusivement des communes ou des communautés de communes.
Les modalités de recouvrement et de définition des assiettes de calcul sont différentes et parfois injustes pour les foyers.
La taxe est assise uniquement sur la valeur cadastrale. Quel que soit le nombre de personnes présentes au foyer, la période d'habitation, et donc le volume de déchets produits, le montant de la taxe est le même. Cette dernière bénéficie cependant du privilège, pour la collectivité, de relever du Trésor, et représente donc une assurance de recouvrer la totalité de la recette nécessaire au fonctionnement de la prestation.
La redevance, elle, offre une plus grande souplesse pour adapter le montant au service réellement rendu. Elle présente néanmoins des difficultés de recouvrement - recouvrement assuré par le trésorier-payeur de la communauté - dues notamment aux retards de paiement et aux impayés, ce qui peut rapidement mettre en difficulté le service. Il se peut même que ce dysfonctionnement oblige, par procédure mécanique, à augmenter la redevance de façon à en faire supporter la charge aux contribuables honnêtes.
Afin de mettre un frein à ce processus et d'assurer un coût juste pour un service important dans notre société, je propose, monsieur le secrétaire d'Etat, que des critères supplémentaires, comme le nombre de personnes au foyer, soient introduits dans le calcul de l'assiette de la taxe, et je souhaite connaître votre sentiment sur l'évolution de ce dispositif fiscal.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie. Monsieur le sénateur, il existe même une troisième possibilité de financement et d'exécution de l'enlèvement des déchets ménagers : faire peser le financement de ce service sur le budget général de la collectivité. Les dépenses relatives à ce service sont alors financées par les recettes provenant des quatre taxes directes locales.
Mais votre question concerne essentiellement les deux autres méthodes de financement du service de l'enlèvement et du traitement des déchets ménagers.
D'une part, les collectivités peuvent instituer la taxe d'enlèvement des ordures ménagères. Cette taxe porte sur tous les immeubles assujettis à la taxe foncière sur les propriétés bâties situées dans la zone de collecte des ordures ménagères et elle est calculée par les services fiscaux sur la même base que la taxe foncière sur les propriétés bâties. Ce système, qui est assez courant dans les communes et les communautés de communes, permet d'assurer une certaine solidarité entre les administrés et, en tout état de cause, une stabilité du produit collecté pour les collectivités, ce qui est un avantage non négligeable.
D'autre part, les collectivités peuvent opter pour un système plus proche de l'objectivité du service rendu, voire fondé sur le service effectivement rendu, et tel est le cas lorsqu'elles choisissent la redevance d'enlèvement des ordures ménagères. Cette redevance doit permettre de couvrir l'ensemble des charges d'investissement et de fonctionnement du service de collecte et de traitement. Cette redevance est gérée directement par la collectivité et présente l'avantage d'être déterminée en fonction du service effectivement rendu à l'usager, ce qui n'est pas exactement le cas dans l'hypothèse de la taxe foncière.
La législation en vigueur offre ainsi aux élus la possibilité de choisir le modèle de financement qui est le plus approprié, à leurs yeux, aux situations locales.
Le Gouvernement est conscient, monsieur Besson - votre question est tout à fait justifiée -, des difficultés soulevées par l'application tant de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères que de la redevance. La taxe d'enlèvement des ordures ménagères ne tient pas compte, comme vous l'indiquez, du service rendu. De ce point de vue, la redevance est plus équitable, mais elle est peu utilisée compte tenu, notamment, des difficultés de recouvrement. Là est le vrai problème.
C'est pourquoi, au cours des travaux parlementaires relatifs à l'adoption de la loi de finances rectificative pour 2000, le Gouvernement a suggéré la constitution d'un groupe de travail associant représentants de l'Etat et élus locaux pour étudier, dès cette année, les moyens d'avoir une meilleure adaptation de la taxe et de la redevance au financement du service rendu.
Ce groupe de travail va être constitué dans les toutes prochaines semaines ; mes collègues Mme Parly et M. Fabius auront certainement l'occasion de vous donner rapidement les précisions que vous attendez d'eux lorsque ce groupe aura réfléchi et fait un certain nombre d'études.
M. Jean Besson. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat.

MANQUE DE PERSONNEL
DANS LES ÉTABLISSEMENTS SCOLAIRES

M. le président. La parole est à M. Carle, auteur de la question n° 1033, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale.
M. Jean-Claude Carle. Je souhaite attirer l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale sur les difficultés que rencontrent un certain nombre d'établissements scolaires pour entretenir leur réseau informatique.
Bien évidemment, on ne peut que se réjouir des efforts entrepris par l'Etat et les collectivités locales pour doter les collèges et les lycées de matériel performant. Néanmoins, chacun sait que l'entretien de ce type d'équipement nécessite de réelles compétences en la matière. Or, force est de le constater, ce personnel qualifié fait actuellement défaut et cette carence nuit gravement à la bonne utilisation des matériels.
Cette situation n'est pas sans rappeler celle que connaissent de nombreux lycées et collèges en matière d'entretien et de maintenance des bâtiments.
Départements et régions, à la suite des lois de décentralisation, ont réalisé des investissements considérables pour construire, restructurer ou rénover les établissements dont ils sont responsables, chacun le reconnaît.
Parallèlement, l'Etat n'a pas toujours accompagné l'effort des collectivités locales et n'a pas créé les postes de personnels administratifs, techniciens, ouvriers et de service, ou ATOS, nécessaires au bon entretien et à la maintenance de ces bâtiments. J'ai déjà eu l'occasion de le souligner à maintes reprises. C'est d'autant plus regrettable que, dans le même temps, de nombreux postes d'enseignants ont été créés, alors que ces derniers sont déjà en surnombre.
Aussi, je souhaite savoir si le Gouvernement compte prendre des mesures pour faire face au problème spécifique de l'entretien des matériels et des réseaux informatiques. Plusieurs solutions s'offrent à lui : la création de postes d'agents spécialisés, la reconversion d'une partie du personnel au sein du ministère ou encore l'externalisation de cette activité, à l'instar de la restauration dans certains établissements.
Je m'interroge également sur l'action du Gouvernement face au manque de personnels ATOS dont souffrent nos collèges et nos lycées. Envisage-t-il de prendre des mesures de nature à remédier à cette situation ? Cela peut et doit se faire à moyens constants, grâce notamment à des redéploiements budgétaires, car - je le répète - il est un peu choquant qu'il y ait, d'un côté, des enseignants en surnombre et, de l'autre, un déficit aussi grand en personnels ATOS.
M. Roland du Luart. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Michel Duffour, secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle. Monsieur le sénateur, M. le ministre de l'éducation nationale, qui vous prie d'excuser son absence, m'a chargé de vous apporter les éléments de réponse suivants.
Il tient à vous rappeler que, entre 1998 et 2000, les effectifs de personnels ingénieurs, administratifs, techniciens, ouvriers, de service, de santé et sociaux ont été renforcés par 2 796 emplois et 1 050 équivalents temps plein.
Pour 2001, dans le cadre du plan pluriannuel voulu par le Gouvernement, 1 675 autres emplois ont été créés par la loi de finances. Cet effort budgétaire significatif sera poursuivi par la création de 3 000 emplois supplémentaires au titre des exercices 2002 et 2003.
Pour ce qui concerne la maintenance des équipements informatiques implantés dans les établissements scolaires, 54 emplois spécialisés dans les nouvelles technologies ont été mis à la disposition des recteurs à la rentrée 2000. Ces effectifs sont augmentés, en 2001, par la création d'un contingent de 160 emplois, à savoir 75 ingénieurs, 25 assistants-ingénieurs et 60 techniciens de recherche et formation.
Par ailleurs, le schéma stratégique des systèmes d'information et des télécommunications du ministère de l'éducation nationale pour 2000 à 2002 a retenu l'assistance aux utilisateurs des technologies de l'information et de la communication dans les établissements du second degré et les écoles parmi ses six projets prioritaires.
Dès cette année, quatre académies expérimentent de nouveaux dispositifs d'assistance à même de mieux répondre aux besoins des utilisateurs et d'accompagner le développement de l'usage des technologies de l'information et de la communication dans l'enseignement.
Après un bilan de ces expérimentations, ces dispositifs seront progressivement généralisés à l'ensemble des académies.
Enfin, pour accompagner l'effort des collectivités locales en matière de constructions scolaires, l'éducation nationale a décidé de renforcer les équipes d'entretien affectées dans les établissements par une politique de mutualisation académique des moyens en ouvriers experts de tous ordres.
Des équipes mobiles d'ouvriers spécialisés ont été créées et sont diligentées à la demande des chefs d'établissement, en concertation avec les services des collectivités territoriales concernées, pour répondre à la nécessité de tel ou tel chantier délicat.
Les crédits d'équipement et de formation consacrés à cette action permettent de confier l'entretien des bâtiments et la maintenance des matériels à des personnels hautement qualifiés, dont les prestations donnent toute satisfaction.
M. Jean-Claude Carle. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Carle.
M. Jean-Claude Carle. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, des précisions que vous avez bien voulu nous apporter. Je suis bien conscient de l'effort qui a déjà été réalisé entre 1998 et 2000. Pour ma part, je rappellerai celui qui a été accompli par M. Bayrou, puisque, alors, pour la première fois, 1 800 postes de personnel ATOS ont été créés. Je souhaite que cet effort soit poursuivi.
J'aurais cependant aimé, monsieur le secrétaire d'Etat, que le programme dont vous avez fait état soit plus ambitieux et peut-être plus innovant. Je voudrais surtout qu'il entre rapidement dans les faits, car les personnels ATOS sont indispensables au bon fonctionnement de la chaîne éducative. S'ils ont un rôle professionnel évident, ils assument également une fonction éducative, les enseignants dispensant le savoir, les personnels de ce type apportant le savoir-être, ce qui est tout aussi important.

financement par les conseils généraux
des travaux de sécurité des collèges
de l'enseignement privé

M. le président. La parole est M. du Luart, auteur de la question n° 1042, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale.
M. Roland du Luart. L'intervention des départements en faveur des établissements privés du second degré pour les opérations d'investissement s'inscrit, dans le cadre de la loi Falloux - c'est l'article L. 151-4 du code de l'éducation - dans la limite légale de 10 % des dépenses annuelles des établissements.
Je souhaite attirer solennellement l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale sur les graves problèmes de sécurité existant actuellement dans des établissements privés, problèmes dont font état les commissions départementales de sécurité et qu'il convient de juguler au plus tôt s'agissant de la protection des enfants et des adolescents.
Au regard des programmes lourds engagés depuis de nombreuses années par les conseils généraux dans les collèges publics, il m'apparaît indispensable que la collectivité départementale s'intéresse au problème posé dans les établissements privés et puisse intervenir largement au-delà du seuil de 10 % actuellement autorisé par la loi pour les seules opérations relevant de la sécurité, afin de permettre un accueil sans risque des élèves et de la communauté éducative. Il est en effet impensable de faire à cet égard une différence entre les collégiens selon qu'ils sont accueillis dans un établissement public ou dans un établissement privé.
Pour permettre aux associations de gestion des collèges privés d'entreprendre, dans les plus brefs délais, les travaux les plus urgents exigés par les commissions de sécurité et soulignés par les bureaux de contrôle technique, il conviendrait que les assemblées départementales soient le plus rapidement possible habilitées à intervenir de manière significative dans le financement des travaux de mise aux normes de sécurité des établissements privés, car il est insupportable d'imaginer qu'en France la sécurité soit assurée pour certains élèves et pas pour d'autres.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Michel Duffour, secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle. Monsieur le sénateur, je renouvelle à votre intention les excuses de M. Jack Lang, qui m'a chargé de vous communiquer la réponse suivante.
La question de la sécurité dans les établissements scolaires est une question d'intérêt majeur, y compris lorsqu'elle concerne les établissements d'enseignement privés. Ceux-ci sont d'ailleurs soumis aux mêmes normes de sécurité que les établissements publics. En effet, les élèves, qu'ils soient scolarisés dans le secteur public ou dans le secteur privé, ont le même droit à bénéficier des conditions de sécurité maximales. Ainsi, toute ouverture d'un établissement privé est soumise au contrôle préalable des inspecteurs d'hygiène et de sécurité. Par ailleurs, la mission conduite en 1994 par M. Schleret avait permis, comme dans l'enseignement public, d'établir un état du parc immobilier privé.
Enfin, l'Observatoire national de sécurité des établissements scolaires et d'enseignement supérieur conduit ses enquêtes sur les conditions d'application des règles de sécurité dans les établissements scolaires tant publics que privés.
Cependant, les travaux de mise aux normes de sécurité des établissements scolaires, notamment des collèges publics et privés sous contrat, sont des opérations d'investissement qui doivent s'inscrire dans le cadre de la législation existante. Cette législation diffère selon qu'il s'agit de l'enseignement public ou de l'enseignement privé.
Dans l'enseignement public, c'est le département qui a la charge des collèges et, en conséquence, en assure la construction, la reconstruction, l'extension, les grosses réparations et l'équipement, ainsi que le fonctionnement, à l'exception des dépenses pédagogiques à la charge de l'Etat.
Les collèges privés, fondés et entretenus par des particuliers ou des associations conformément à l'article L. 151-3 du code de l'éducation - ancien article 17 de la loi Falloux du 15 mars 1850 - appartiennent à des propriétaires privés à qui il revient de financer les travaux nécessaires à la mise aux normes de sécurité.
Cependant, l'article L. 151-4 du même code, ancien article 69 de la loi Falloux, permet aux collectivités locales d'intervenir sous différentes formes et sous certaines conditions.
Tout d'abord, le département a la faculté d'attribuer aux collèges privés des locaux et une subvention, sans que cette dernière puisse excéder le dixième des dépenses annuelles de l'établissement. Cette participation financière autorisée peut être affectée, entre autres, à la réalisation d'investissements, notamment dans le domaine de la sécurité. Elle est soumise à l'avis préalable du conseil académique de l'éducation nationale, qui apprécie l'opportunité des subventions proposées.
Par ailleurs, l'Etat et les collectivités territoriales peuvent garantir les emprunts auxquels recourent les établissements d'enseignement privés.
En effet, depuis 1964, l'Etat peut accorder sa garantie aux emprunts qui seraient émis par des groupements ou associations à caractère national pour financer la construction, l'acquisition et l'aménagement de locaux d'enseignement utilisés par les établissments privés. Plus précisément, les travaux financés au moyen d'emprunts garantis par l'Etat doivent avoir pour objet soit l'extension, le premier équipement ou les grosses réparations de locaux d'enseignement existants, soit la construction et l'aménagement de nouveaux locaux d'enseignement. Les demandes de garantie de l'Etat sont soumises à l'instruction d'une commission interministérielle, et la garantie de l'Etat est accordée par arrêté du ministre des finances.
Cette faculté de garantir les emprunts a été étendue, en 1986, aux communes pour les écoles, aux départements pour les collèges et aux régions pour les lycées, au profit des groupements ou associations à caractère local. Depuis 1986, les collectivités territoriales peuvent donc garantir les emprunts contractés par les organismes de gestion, notamment pour le financement de travaux de mise aux normes de sécurité. Les garanties d'emprunts qui sont allouées ne sont pas soumises à un plafond.
Cette forme d'aide présente des avantages incontestables : elle est autorisée sans ambiguïté par la loi et est dispensée selon une procédure simple, qui n'implique aucun décaissement pour la collectivité locale.
Pour conclure, il convient de préciser que la réglementation qui vient d'être rappelée s'applique aux classes de collèges et de lycées d'enseignement général. Pour ce qui concerne les classes d'enseignement technologique et professionnel des établissements privés qui sont régis par la loi du 25 juillet 1919, ou loi Astier, les collectivités locales sont libres de contribuer au financement d'investissements. En revanche, aucune aide en matière d'investissement, en dehors des garanties d'emprunt, ne peut être apportée par l'Etat et les collectivités territoriales aux écoles privées, la loi du 30 octobre 1886, dite loi Goblet, ainsi qu'une jurisprudence constante l'interdisant.
M. Roland du Luart. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. du Luart.
M. Roland du Luart. Monsieur le secrétaire d'Etat, je suis assez consterné par la réponse que vous venez de me faire, au nom de M. le ministre de l'éducation nationale, dans la mesure où elle ne traite pas du fond du problème.
En effet, il y a un problème lorsqu'une commission de sécurité saisie par le préfet, émanation de l'Etat, estime que la sécurité n'est pas suffisante dans tel établissement, qu'il est nécessaire d'y remédier et que les associations de gestion des établissements privés n'ont pas les moyens de faire face aux dépenses nécessaires.
Je demandais simplement que, pour les seules opérations de sécurité, il puisse être dérogé à la règle de ces fameux 10 %. Sinon, il faut carrément dire que l'on souhaite, par cette voie, aboutir à la fermeture d'un certain nombre d'établissements.
Monsieur le secrétaire d'Etat, actuellement, certains établissements demandent non pas une extension, mais une mise aux normes. Il me semble donc que la loi de 1850, dite loi Falloux, ou la loi de 1986 que vous avez évoquée ne correspondent plus à la réalité du terrain. Sont en jeu à la fois les droits de l'homme à la sécurité, mais aussi la libre administration des collectivités locales et la liberté de l'enseignement.
Je vous le dis solennellement, monsieur le secrétaire d'Etat, et je vous demande de transmettre ce propos à M. Jack Lang.
Il n'est absolument pas pour moi question de réveiller la querelle scolaire. (Murmures sur les travées socialistes.) Le problème concerne l'ensemble des présidents de conseils généraux. Ainsi, dans un département voisin du mien, le Maine-et-Loire, à l'unanimité, toutes tendances confondues, les conseillers généraux ont voté les crédits supplémentaires nécessaires pour remédier à l'insécurité, le préfet a déféré la décision au tribunal administratif en vertu des principes que vous avez évoqués.
Je voudrais, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous demandiez à M. le ministre de l'éducation de faire en sorte qu'une réflexion soit menée sur les dérogations qui pourraient être accordées pour répondre à une nécessité urgente et éviter ainsi la fermeture d'un certain nombre d'établissements.
En tout cas, je considère comme inconcevable qu'il y ait une différence de traitement entre les enfants de notre pays, ou alors nous ne sommes plus dans la République à laquelle je crois ! (Très bien ! sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Raymond Courrière. C'est la République laïque !
M. le président. Ce n'est peut-être pas la meilleure ! (Exclamations sur les travées socialistes.)
M. Roland du Luart. Ce n'est pas un problème de laïcité !
M. le président. Il s'agit d'égalité, de justice, tout simplement !
Si, un jour, se produit dans un établissement un drame terrible faisant un vingtaine de morts - ce qu'à Dieu ne plaise ! - à ce moment-là, monsieur Courrière, vous modifierez le ton de vos critiques et de votre défense de la laïcité ! On peut avoir une autre conception...
M. Raymond Courrière. Voilà la neutralité du président de séance ! Chapeau !
M. le président. Si vous n'aviez rien dit, monsieur Courrière, je n'aurais rien ajouté.
M. Raymond Courrière. Je suis un élu comme vous, j'ai le droit de parler.
M. le président. Et moi aussi !
M. Roland Courteau. En tant que président de séance, vous n'avez pas à prendre parti.

AVENIR DES CINÉMAS DE PROXIMITÉ

M. le président. La parole est à Mme Printz, auteur de la question n° 1037, adressée à Mme le ministre de la culture et de la communication.
Mme Gisèle Printz. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, si les multiplexes font aujourd'hui partie intégrante du paysage cinématographique et s'il est indéniable que leur arrivée a créé une dynamique rejaillissant sur l'ensemble du cinéma français, il ne faut pas oublier que leur implantation en périphérie des grandes villes a eu aussi, et pourra encore avoir,des conséquences fâcheuses pour nombre de petits exploitants.
En effet, bien des salles de proximité ont dû fermer, alors qu'elles étaient parfois le seul équipement culturel et constituaient l'unique pôle de sortie et d'animation sociale de la commune. Nombre d'exploitants privés, publics ou associatifs sont aujourd'hui très inquiets quant à leur avenir, au même titre que les élus et les citoyens des petites communes et des communes rurales, car, chaque fois qu'un cinéma ferme, c'est une page d'histoire, de souvenirs et d'émotions diverses qui se tourne dans la cité.
Il n'est, bien entendu, plus question de remettre en cause l'existence même des multiplexes, car nous connaissons toutes et tous le confort et la qualité de service qu'ils offrent aux spectateurs. Leur prolifération est toutefois inquiétante.
Dans mon département, par exemple, deux multiplexes se situaient à trente kilomètres l'un de l'autre. Un troisième a ouvert en juin dernier à mi-distance entre eux et un quatrième a récemment obtenu l'autorisation de construire.
A ce rythme, je comprends tout à fait les craintes des petits exploitants, dont l'imagination, les initiatives et les différents projets déployés pour attirer les spectateurs - souvent avec le soutien des municipalités - ne pourront bientôt plus rien face à des adversaires de plus en plus nombreux et aux armes disproportionnées.
Je ne souhaite pas - je sais, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous ne le souhaitez pas non plus - que d'ici à quelques années le mot cinéma n'évoque plus que « multiplexe » et « programmation commerciale ».
Je connais votre attachement au septième art et je profite de l'occasion qui m'est offerte pour vous féliciter du plan « éducation à l'image » que vous avez voulu mettre en oeuvre avec votre homologue de l'éducation nationale et qui donnera la priorité à l'image cinématographique.
Connaissant également votre attachement à une culture de proximité accessible à tous et respectueuse de la diversité des goûts du public, à l'animation des centres-villes en partenariat avec les associations, ainsi qu'au développement d'actions culturelles au coeur des quartiers et des villages, j'en appelle à votre vigilance, car le cinéma de proximité répond à ces différents enjeux.
Des avancées importantes, que vous nous rappellerez sans doute, figurent dans le projet de loi sur les nouvelles régulations économiques. Elles concernent notamment les commissions départementales d'équipements cinématographiques responsables, semble-t-il, de l'implantation abusive des multiplexes, sujet qui relève également de l'aménagement du territoire.
Par ailleurs, des pistes de réflexion m'ont été communiquées. Elles paraissent très intéressantes pour garantir la survie de nos cinémas de quartier et pour maintenir l'égalité d'accès à l'offre cinématographique sur l'ensemble du territoire.
Ces pistes consistent, tout d'abord, à recommander la création d'un fonds public pour maintenir et moderniser les salles de proximité.
Elles visent, ensuite, à encourager la diffusion des films d'art et d'essai au-delà des salles situées dans les grandes agglomérations, salles auxquelles vont, pour l'essentiel, les fonds de soutien.
Elles préconisent, enfin, la tenue d'assises régionales du cinéma, afin que tous les acteurs concernés se rencontrent et conviennent ensemble de solutions pour l'avenir.
Monsieur le secrétaire d'Etat, pouvez-vous me dire si le Gouvernement entend retenir l'une de ces alternatives ou s'il envisage d'autres mesures pour favoriser la survie des salles obscures, dont l'implantation en nombre a été favorisée par les pouvoirs publics depuis l'après-guerre et auxquelles nous restons aujourd'hui très attachés ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Michel Duffour, secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle. Madame la sénatrice, le parc cinématographique connaît une profonde transformation avec le développement des multiplexes.
Si la création de ces nouveaux équipements se traduit par une augmentation de la fréquentation, il est toutefois indispensable de veiller au maintien des autres formes d'exploitation cinématographique, et je partage, madame la sénatrice, votre point de vue.
A cet égard, je tiens à vous assurer que nous sommes, Mme Catherine Tasca et moi-même, très attentifs aux préoccupations des exploitants des salles de proximité.
Nous considérons, nous aussi, le maintien d'un parc de salles diversifié comme un enjeu primordial pour l'aménagement du territoire, la sauvegarde d'un tissu urbain vivant et l'équilibre de l'ensemble de l'industrie cinématographique. Le rôle des salles de cinéma de proximité, qui contribuent à la diversité de l'offre, doit en effet être préservé.
Des mesures de régulation des multiplexes ont été prises, vous l'avez souligné. Mme Catherine Tasca a fait adopter, dans le projet de loi sur les nouvelles régulations économiques, des dispositions destinées à renforcer la procédure d'autorisation des multiplexes.
En outre, les engagements de programmation souscrits en décembre 2000 par les principales entreprises du secteur de l'exploitation permettront de garantir la diversité de l'offre de films et de mieux préserver l'accès des salles indépendantes aux films.
La réforme du soutien automatique à l'exploitation a permis, en 1999, d'accentuer le caractère redistributif du soutien en faveur des exploitations de taille moyenne.
En outre, d'importants moyens financiers sont mis en oeuvre par le Centre national de la cinématographie, le CNC, pour soutenir les salles indépendantes et les salles consacrées à « l'art et essai », qui comptent parmi elles de nombreuses salles de proximité. C'est ainsi que 49 millions de francs de subvention ont été accordés en 2000 aux salles d'art et d'essai et que 70 millions de francs sont prévus dans le budget 2001 du CNC pour la création et la modernisation des salles dans les zones insuffisamment équipées.
Enfin, une réforme du soutien sélectif à l'exploitation a été entreprise pour simplifier les règles d'attribution des aides accordées aux salles d'art et d'essai et pour accroître l'efficacité des aides destinées à la modernisation et à la création des salles de cinéma indépendantes.
Mme Gisèle Printz. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Printz.
Mme Gisèle Printz. Je vous remercie de vos explications, monsieur le secrétaire d'Etat. J'aurais toutefois bien aimé savoir si des assises régionales du cinéma pouvaient se tenir sous la présidence du préfet. Vous ne m'avez pas répondu sur ce point.

AVENIR DE LA PRODUCTION AUDIOVISUELLE PUBLIQUE

M. le président. La parole est à M. Renar, auteur de la question n° 1038, adressée à Mme le ministre de la culture et de la communication.
M. Ivan Renar. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la situation du paysage audiovisuel public français apparaît pour le moins contrastée.
Une apparence de bonne santé financière : un milliard de francs de dotations exceptionnelles, un PDG nommé pour cinq ans, une dotation en capital étalée sur cinq ans, permettant à France Télévision d'investir pour son développement. Bien !
Mais en même temps, et plus au fond, le problème du financement de l'audiovisuel public reste posé. On le voit bien avec le débat récurrent sur la redevance et avec la perte de recettes publicitaires subie par le secteur public, tandis que ses concurrents privés bénéficient de l'explosion du marché. Cette insuffisance de financement ravive la rumeur de privatisation de France 2.
Or, voilà que, vendredi dernier, tombe le décret de privatisation de la Société française de production, sans qu'ait eu lieu le moindre débat devant le Parlement, ce qui est difficilement acceptable, monsieur le secrétaire d'Etat. En effet, la question essentielle concerne aujourd'hui l'audience et les missions de l'audiovisuel public.
Le service public, vous le savez, a des missions particulières qui vont bien au-delà du concept familier de télévision populaire de qualité. Il doit jouer son rôle, par exemple, pour l'émergence et la recherche de nouvelles formes d'écriture télévisuelles, sans oublier le maintien de la culture nationale et le respect de la diversité et du pluralisme.
Tout cela pose en permanence le problème de la création, de la production publique et d'une réflexion sur l'industrie des programmes, réflexion par trop absente lors de l'examen de la loi relative à la liberté de la communication.
L'excellente proposition de la direction de France Télévision de créer six nouvelles chaînes numériques hertziennes allait dans le sens d'une reconquête de notre audiovisuel public. Un tel objectif, conforme à l'esprit de la loi précitée se trouve cependant réduit à trois chaînes.
Avec seulement 13,4 % de ses investissements de programmes consacrés à des productions propres, France 2 est très en deçà de ce que réalisent la BBC ou encore la ZDF. Et maintenant, on offre la SFP au privé !
Les remises en cause des missions du service public de l'audiovisuel affaiblissent l'ensemble de l'industrie des programmes en France. A l'inverse, les pays ayant fait le choix d'un service public offensif ont une production intégrée forte, qui profite très largement à la quantité et à la qualité des programmes produits.
Il est plus que temps d'associer le Parlement à la réflexion sur le devenir de notre audiovisuel public et sur son corollaire, l'industrie des programmes. Il y a six ans, notre pays comptait six chaînes de télévision ; il en existe cent vingt-huit aujourd'hui. Quel sera leur nombre dans quelques années, avec le développement, notamment, de l'internet ?
Ces bouleversements doivent nous conduire tout naturellement à repenser la place de l'audiovisuel public, à repenser ses missions, à ne pas nous satisfaire d'une télévision publique obéissant à l'audimat, au détriment de la qualité des programmes, au détriment de la création, au détriment de la culture, de la musique, du théâtre, de l'éducation, de tout ce qui devrait faire la richesse de notre service public.
Les nouvelles chaînes thématiques et l'irruption du numérique dans le processus tant de diffusion que de fabrication, tout cela pose le problème de la création et de la production publique. A défaut, le service public est en situation de faiblesse.
D'aucuns ont calculé que le service public, qui occupe aujourd'hui la moitié du paysage audiovisuel français analogique, n'occuperait plus qu'un sixième du numérique.
Alors, développement, rétrécissement ou encore privatisation de France 2, dans quelque temps, après celle de la Société française de production ?
Les seules règles comptables ne doivent pas prendre le pas sur la création, sur la diversité, sur le respect dû à nos concitoyens.
Comment le Gouvernement compte-t-il répondre aux inquiétudes croissantes non seulement des professionnels de l'audiovisuel mais, au-delà, des professionnels de la culture face à la fragilité de notre industrie des programmes ?
Pourquoi, compte tenu de la faiblesse de la production propre de programmes de France Télévision, ne peut-on envisager l'intégration de la SFP au sein de la holding France Télévision ? Cela permettrait d'éviter une privatisation rendue possible par une loi votée en son temps, je le rappelle, par la droite.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Michel Duffour, secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle. Monsieur le sénateur, je vous prie d'excuser l'absence de Mme la ministre de la culture et de la communication, qui m'a chargé de vous faire la réponse que voici.
Le Gouvernement vient de prendre des décisions importantes concernant l'audiovisuel public, notamment France Télévision. La télévision publique bénéficie de moyens renforcés avec l'adoption de la loi du 2 août 2000 et l'effort budgétaire qui a été consenti en sa faveur en 2000 et en 2001.
En outre, France Télévision sera l'un des moteurs du numérique hertzien, grâce à la décision prise - elle se situe en deçà de la proposition que vous avez mentionnée - visant à créer trois chaînes gratuites et à diffuser toute la journée La Cinquième et Arte.
Comme prévu, France Télévision bénéficiera d'une dotation exceptionnelle de 1 milliard de francs, laquelle sera inscrite dans le contrat d'objectifs et de moyens qui sera signé avec l'Etat.
Pour répondre à l'une de vos interrogations, monsieur le sénateur, il y a bien là l'expression de la volonté d'assurer un équilibre entre le privé et le service public.
Concernant le développement de la production audiovisuelle, le décret, en cours d'examen par le CSA, le Conseil supérieur de l'audiovisuel, répond à la forte attente des professionnels en régulant à leur profit leurs relations avec les chaînes de télévision. Il vise, en particulier, à améliorer les conditions de financement du secteur en relevant la contribution des diffuseurs en faveur de la production originale française.
Mais en évoquant la production, je n'ignore pas, monsieur le sénateur, que vous manifestez votre préoccupation à propos de l'avenir de la SFP et de ses salariés. Mme la ministre se doutait bien que vous alliez élargir votre question à cet aspect.
Il s'agit d'une situation très douloureuse. Devant un déficit structurel auquel les recapitalisations successives versées par l'Etat n'ont pu remédier, le Gouvernement a décidé d'engager une procédure de cession de la SFP de nature à permettre la poursuite de l'activité.
Certes, les salariés de la SFP souhaitaient l'intégration de la société dans le service public audiovisuel. Mais celui-ci est déjà doté d'un appareil de production intégré important, et cette hypothèse n'a pas été retenue, pas plus qu'elle ne l'avait d'ailleurs été lors des débats sur la loi audiovisuelle.
Cependant, ainsi que cela a été indiqué aux représentants du personnel, le Gouvernement fera de la situation professionnelle et sociale des salariés une priorité. Ainsi, il veillera à la mise en oeuvre effective d'une solidarité renforcée au sein de l'ensemble des entreprises de l'audiovisuel public, et les représentants du personnel seront étroitement associés aux principales étapes de ce processus.
Telle est la réponse que Mme la ministre de la culture et de la communication m'a chargé de vous transmettre, monsieur Renar, et qui reprend l'essentiel des propos qu'elle avait tenus ici même à l'occasion d'une séance de questions d'actualité au Gouvernement.
M. Ivan Renar. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le secrétaire d'Etat, mais je vous avoue qu'elle ne me satisfait pas totalement.
Ce n'est pas pour le secteur privé que je m'inquiète. Celui-ci se porte bien ! Ce qui me préoccupe, c'est la part de la production publique dans ce pays.
Il est plus que temps de prendre la mesure réelle des difficultés de l'audiovisuel public et de la faiblesse de l'industrie française de programmes, désormais aggravée et par l'inacceptable vente de la SFP et par la révision à la baisse des investissements de France Télévision dans le numérique hertzien.
Lors de l'examen du projet de loi relatif à la liberté de communication, nous avions évoqué l'insuffisance de son volet relatif à la production.
Rien, en l'état actuel de la construction européenne, n'empêche que France Télévision soit dotée d'un pôle de production intégré. Dès lors, la SFP pouvait être sauvée en tant que telle.
Nous sommes, par rapport à la Grande-Bretagne et à l'Allemagne, en retard sur ces questions.
Développer les modes et les canaux de diffusion sans relancer la production, c'est, en tout état de cause, laisser le champ libre aux grands groupes américains spécialisés dans l'industrie du divertissement.
Selon moi, le Parlement doit absolument être saisi de ces enjeux. Il y va de la liberté de notre imaginaire, de l'inventivité de la télévision publique et de l'avenir de l'ensemble de la création, pour laquelle la télévision est un vecteur incontournable.

ÉTAT D'AVANCEMENT DE L'AUTOROUTE A 28

M. le président. La parole est à M. Leclerc, auteur de la question n° 1043, adressée à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.
M. Dominique Leclerc. Monsieur le président, je souhaitais ce matin attirer l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur l'état d'avancement des travaux intéressant le réseau autoroutier en Indre-et-Loire.
L'ouverture des autoroutes A 28 et A 85 dans notre département est attendue avec impatience par les acteurs économiques, les élus locaux et l'ensemble de la population. En effet, la section de l'autoroute A 28 qui concerne notre département n'est toujours pas achevée. Or la mise en service de cette section placerait l'Indre-et-Loire au coeur de l'arc atlantique.
De ce désenclavement autoroutier nous espérons un renforcement de notre attractivité économique et un regain d'activité. Cette autoroute de liaison par excellence est un élément majeur de la cohérence de l'aménagement du territoire à l'échelon national mais aussi départemental.
Cela étant, nous en attendons également beaucoup en termes de sécurité. Dois-je rappeler à quel point cette réalisation serait bénéfique aux automobilistes ? Nous connaissons tous les statistiques nationales, qui font apparaître un rapport de 1 à 4 quant au nombre de tués sur le réseau autoroutier et sur les routes nationales. D'ailleurs, hélas ! le nombre de morts sur la RN 138 ne cesse de croître à mesure que la circulation sur cette route nationale se densifie.
Pour ces différentes raisons, la réalisation de ces autoroutes, véritables maillons d'infrastructure, devient urgente.
Pour des raisons dites « écologiques et environnementales », les travaux sur l'A 28 sont bloqués depuis plus de trois ans, en attendant que soit trouvée une solution susceptible de satisfaire à la législation européenne en matière d'environnement.
Depuis peu, dans la Sarthe, la traversée de la forêt de Bercé semble en bonne voie. En Indre-et-Loire, sur la section Montabon-Parçay-Meslay, les acquisitions foncières ont commencé et devraient se terminer d'ici à la fin de cette année.
La décision de reprise des travaux appartient au préfet, représentant de l'Etat dans le département. Aussi, je souhaiterais que me soit donné un échéancier précis des engagements de l'Etat en la matière.
Je souhaite évoquer également l'A 85, autre élément essentiel de structuration et d'aménagement du territoire, entre l'Atlantique et le centre de l'Europe. Les travaux ont certes été entamés, mais ils se déroulent à un rythme d'une lenteur effrayante.
La déviation de Langeais fait l'objet d'un recours de la part d'une association au motif que Cofiroute ne serait pas concessionnaire de l'option « contournement nord », de telle sorte que les travaux sont une fois de plus arrêtés depuis de nombreux mois.
Pouvez-vous, madame le secrétaire d'Etat, nous faire savoir si la concession est bien confirmée ? Pouvez-vous nous assurer également de la prise des arrêtés qui sont nécessaires au redémarrage des travaux.
Plus généralement, je vous demande de peser de toute votre détermination, afin que l'ensemble du réseau autoroutier en Indre-et-Loire, toujours en cours de réalisation, puisse être mis en service dans les meilleurs délais.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Michelle Demessine, secrétaire d'Etat au tourisme. Monsieur le sénateur, M. Jean-Claude Gayssot, qui est actuellement à l'Assemblée nationale pour la discussion d'une proposition de loi portant sur les nuisances aéroportuaires, m'a demandé de vous communiquer sa réponse, qui porte essentiellement sur l'autoroute A 28.
L'autoroute A 28 permettra, à terme, d'assurer la liaison Rouen-Alençon-Le Mans-Tours.
Comme vous le savez, la section comprise entre Maresché et Ecommoy a été mise en service en octobre 2000 et la section comprise entre Alençon et Maresché le sera en juin prochain.
Au sud d'Ecommoy, les services de l'Etat finalisent actuellement l'évaluation appropriée des impacts de l'autoroute sur les habitats de l'osmoderma eremita, le scarabée pique-prune. Cette étude, réalisée par le Muséum national d'histoire naturelle, doit répondre aux objectifs de conservation des sites inventoriés dans le cadre de la directive européenne du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels de la faune sauvage.
La zone Natura 2000 correspondant à l'habitat du pique-prune a été définie par le ministère de l'environnement et a fait l'objet d'une consultation locale. Elle est en cours de transmission à la Commission européenne.
Immédiatement après, dans les toutes prochaines semaines, nous pourrons répondre aux demandes d'information de la Commission européenne, en lui présentant le dossier scientifique qui démontre le très faible impact du projet sur l'habitat du pique-prune, confirmé par l'avis du Conseil national de protection de la nature.
Les procédures d'acquisitions foncières, puis les travaux pourront alors reprendre, conformément à la déclaration d'utilité publique, dès que la Commission aura validé la démonstration que l'autoroute ne porte pas atteinte à l'intégrité des sites concernés, moyennant l'adoption de mesures spécifiques.
M. Gayssot m'a demandé de réaffirmer ainsi devant vous, comme il l'a d'ailleurs toujours fait, la nécessité de réaliser cette autoroute en respectant strictement les procédures liées à l'environnement.
A cet égard, la signature récente du contrat de concession entre l'Etat et le groupement ALYS pour la réalisation de l'A 28 entre Rouen et Alençon atteste la volonté du Gouvernement de voir s'achever aussi rapidement que possible cette liaison autoroutière favorable au développement et à l'aménagement du territoire.
M. Dominique Leclerc. Je demande la parole.
M. le président. La parole est M. Leclerc.
M. Dominique Leclerc. Madame la secrétaire d'Etat, je vous ai écoutée avec attention. Voilà trois ans que ce fameux coléoptère pique-prune bloque un chantier essentiel pour la réalisation de l'arc atlantique. C'est la route Calais-Bayonne qui est en cause ! Trois ans, dans ces conditions, c'est bien long !
Je demande donc que M. le préfet d'Indre-et-Loire prenne au plus tôt les arrêtés qui permettront de reprendre les travaux.
L'Indre-et-Loire se trouve au carrefour de l'A 28 et de l'A 85, qui doit, elle, relier l'Atlantique au centre de l'Europe. Cette liaison transversale est très attendue en Touraine mais aussi, bien sûr, dans les départements du coeur de la France.
Concernant l'A 85, les travaux sont bloqués du fait, paraît-il, d'incertitudes juridiques ; mais, là encore, l'Etat doit prendre ses responsabilités, afin que cette liaison autoroutière puisse enfin devenir une réalité et que nous disposions, à côté des autres moyens de transport, d'un réseau autoroutier digne de ce nom. Je le rappelle, c'est aussi la sécurité des automobilistes qui est en jeu.

RÉGLEMENTATION DU TRANSPORT ROUTIER
DE MARCHANDISES

M. le président. La parole est à M. Chérioux, auteur de la question n° 1050, adressée à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.
M. Jean Chérioux. Je me réjouis que ce soit vous, madame le secrétaire d'Etat, qui représentiez ce matin M. Gayssot : vous avez suffisamment d'attaches avec cette maison pour me comprendre.
Je souhaitais appeler l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur les conséquences de l'application du décret n° 99-752 du 30 août 1999, qui a profondément modifié la réglementation du transport routier de marchandises.
Ce texte prévoit, notamment, l'inscription au registre des transporteurs et des loueurs de toutes les entreprises de transport routier de marchandises exerçant leur activité à l'aide de véhicules d'au moins deux essieux.
Cette inscription est soumise à trois conditions : l'honorabilité, la capacité financière et la capacité professionnelle.
Or cette dernière condition pose de graves problèmes d'application aux professionnels qui, dotés d'une longue expérience, doivent néanmoins passer un examen destiné à apprécier leur qualification.
En outre, il est demandé à la personne qui assure la direction permanente et effective de l'entreprise d'être titulaire d'une attestation de capacité professionnelle dès lors que l'entreprise en question utilise des véhicules excédant 3,5 tonnes de poids maximal autorisé.
Nul ne saurait contester l'intérêt qu'il y a à renforcer le niveau de qualification des dirigeants des entreprises de transport. Permettez-moi cependant de m'interroger sur la pertinence de cette réglementation lorsqu'elle s'applique, par exemple, à des transporteurs de matériaux dont l'aire d'activité ne dépasse pas le département et qui, au surplus, exercent paisiblement leur profession depuis des dizaines d'années. Cette réglementation les contraindra tout simplement à mettre la clé sous la porte !
C'est pourquoi il est souhaitable de n'appliquer le décret précité qu'aux nouveaux entrants du secteur du transport routier ou, tout au moins, de prévoir des assouplissements permettant de tenir compte de la réalité.
J'ajoute que l'Etat, qui s'avère incapable de faire respecter les dispositions relatives à la durée du travail dans ce secteur, avec les conséquences dramatiques que cette incurie emporte en termes d'accidents, serait bien inspiré de s'attacher à résoudre ce véritable problème au lieu d'empêcher les entrepreneurs locaux sérieux et travailleurs d'exercer leur métier en leur appliquant une réglementation destinée, en réalité, aux transports internationaux.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.

Mme Michelle Demessine, secrétaire d'Etat au tourisme. Monsieur le sénateur, M. Gayssot étant, comme je l'ai indiqué tout à l'heure, à l'Assemblée nationale, il m'a demandé de vous transmettre sa réponse.
Les dispositions du décret n° 99-752 du 30 août 1999 sont issues de la loi n° 98-69 du 6 février 1998, qui, je vous le rappelle, a été votée à l'unanimité par les deux chambres du Parlement. Ce texte prévoit que toutes les entreprises exerçant leur activité avec des véhicules d'au moins deux essieux doivent être inscrites au registre des transporteurs et donc satisfaire à des conditions d'honorabilité, de capacité financière et de capacité professionnelle. Les principes ainsi posés ont également recueilli, je tiens à le préciser, l'assentiment des organisations professionnelles et syndicales du secteur du transport routier.
Cette loi a, en fait, étendu à l'ensemble du secteur les règles d'accès à la profession antérieurement applicables aux seules entreprises utilisant des véhicules de plus de 3,5 tonnes de poids maximum autorisé.
Sont donc désormais exigées de toutes les entreprises de ce secteur d'activité les trois conditions suivantes : une condition d'honorabilité qui s'applique aux dirigeants de l'entreprise, une condition de capacité financière calculée en fonction du nombre de véhicules et une condition de capacité professionnelle qui vise la personne dirigeant effectivement l'entreprise.
Le décret n° 99-752 du 30 août 1999 a précisé les conditions d'application de ces nouvelles dispositions aux entreprises utilisant des véhicules n'excédant pas 3,5 tonnes de poids maximum autorisé.
Si la condition d'honorabilité s'applique à l'identique, les deux autres conditions ont été adaptées afin de tenir compte des spécificités du secteur.
Ainsi, la capacité financière est réduite à 6 000 francs par véhicule, au lieu de 60 000 francs pour le premier véhicule et 33 000 francs pour les véhicules suivants pour les entreprises utilisant des véhicules de plus de 3,5 tonnes.
Par ailleurs, la condition de capacité professionnelle peut être satisfaite au terme d'un simple stage de dix jours, cette même condition étant remplie, pour les entreprises utilisant des véhicules de plus de 3,5 tonnes, par le succès à un examen, par la possession d'un diplôme de niveau approprié ou par une expérience professionnelle confirmée.
Enfin - et cela devrait vous rassurer, monsieur le sénateur -, le décret du 30 août 1999 a prévu que la condition de capacité professionnelle pour ces entreprises n'est applicable qu'aux « entrants » dans la profession, soit à partir du 2 septembre 1999.
Le dispositif réglementaire est donc beaucoup plus souple pour les entreprises qui utilisent des véhicules n'excédant pas 3,5 tonnes.
M. Jean Chérioux. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux. Madame le secrétaire d'Etat, je vous remercie de votre réponse. Si j'ai bien compris la fin de votre propos, la condition de capacité professionnelle n'est applicable qu'aux « entrants ».
Mme Michelle Demessine, secrétaire d'Etat. C'est à partir du 2 septembre 1999 !
M. Jean Chérioux. Il y aura donc une condition de capacité professionnelle, à partir du 2 septembre 1999, pour les seuls « entrants » dans la profession. (Mme le secrétaire d'Etat fait un signe d'assentiment.)
Dans ces conditions, il ne serait peut-être pas mauvais que cette mesure soit connue des services délivrant les attestations sur le plan local, car j'ai l'impression que tel n'est pas le cas. J'espère vraiment que les dispositions dont vous nous avez fait part seront appliquées convenablement au niveau des départements.

HARCÈLEMENT MORAL AU TRAVAIL

M. le président. La parole est à M. Courteau, auteur de la question n° 1035, adressée à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité.
M. Roland Courteau. Madame la secrétaire d'Etat, le harcèlement moral au travail, ou harcèlement psychologique, est un phénomène qui prend, semble-t-il, beaucoup d'ampleur. Il se traduit, chacun le sait, de différentes manières et de façon répétitive : agressions verbales, humiliations, vexations, refus de communications ou encore pressions psychologiques diverses, telles que des mutations ou des changements de poste, dans le dessein de déstabiliser le salarié.
Si le harcèlement moral au travail peut être le fait de dérives perverses de supérieurs hiérarchiques et, plus rarement, de collègues, il peut aussi, dans certains cas, être un moyen de pousser le salarié à la démission pour échapper aux procédures légales de licenciement, qui peuvent être longues et coûteuses. Dans de très nombreux cas, la répétition de ces agressions pousse les victimes à la démission, parfois à la dépression, voire au suicide.
Le Conseil économique et social, qui propose l'interdiction du harcèlement moral, avance une définition : « Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés du harcèlement moral de l'employeur, de son représentant ou de quiconque visant à dégrader les conditions humaines, relationnelles, matérielles de son travail, de nature à porter atteinte à ses droits et à sa dignité, pouvant altérer gravement son état de santé et pouvant compromettre son avenir professionnel. » Dans de nombreux cas, on constate en effet, madame la secrétaire d'Etat, une détérioration intentionnelle des conditions de travail, ce qui constitue un abus de droit inacceptable.
Faut-il préciser, par ailleurs, que de tels agissements ne sont pas propres au secteur privé ? On les retrouve, en effet, plus nombreux encore dans le secteur public.
Or, si le harcèlement sexuel est puni depuis la loi du 2 novembre 1992, il apparaît que les dispositions du droit en vigueur concernant le harcèlement moral au travail sont mal connues et manquent en tout cas d'efficacité.
Je souhaiterais donc, madame la secrétaire d'Etat, connaître votre sentiment sur l'efficacité des dispositifs actuellement applicables à ce type de harcèlement.
Ne vous apparaît-il pas nécessaire et urgent de proposer le renforcement des mesures législatives existantes en vue de mieux prévenir, de mieux sanctionner de telles pratiques, et de faire apparaître clairement, pour les auteurs de tels actes comme pour les victimes, que le harcèlement moral au travail est un acte répréhensible ? En ce sens, la sanction ou la menace de sanction peut avoir des vertus pédagogiques.
Ne convient-il pas d'introduire l'interdiction du harcèlement moral au travail dans le code du travail et dans le titre Ier du statut général des fonctionnaires, et de prévoir des sanctions tant civiles que pénales ?
Je tiens également à insister sur la nécessaire protection dont les témoins doivent faire l'objet dans ce genre d'affaires, étant entendu que, faute de témoignages, il est parfois difficile de faire la preuve du harcèlement.
Il me paraît, enfin, tout aussi nécessaire que les plus graves conséquences médicales du harcèlement soient reconnues comme maladies professionnelles. La santé mentale doit être en effet prise en compte de la même manière que l'est la santé physique.
Je souhaiterais donc, madame la secrétaire d'Etat, connaître votre sentiment sur l'ensemble de ces questions.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Paulette Guinchard-Kunstler, secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie d'excuser l'absence de Mme Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité, qui est retenue à l'Assemblée nationale.
Monsieur le sénateur, comme vous l'avez bien expliqué, la société a pris la mesure de l'ampleur du phénomène du harcèlement moral au travail. C'est pourquoi M. le Premier ministre a saisi le Conseil économique et social, qui a rendu, le 11 avril 2001, un avis de très grande qualité.
Le 11 janvier 2001, l'Assemblée nationale a terminé l'examen, auquel j'ai largement participé en tant que député, du projet de loi de modernisation sociale. Au sein de ce texte, elle a adopté des articles présentant une définition du harcèlement moral et précisant les obligations de l'employeur pour en prévenir la réalisation et en annuler les effets pour les salariés, notamment quand le harcèlement moral aura été provoqué en vue d'aboutir à la rupture du contrat de travail.
Ainsi que l'affirme cette définition, le harcèlement moral se caractérise essentiellement comme une atteinte à la dignité du travailleur. C'est aussi un facteur de dégradation de santé non seulement au travail, mais aussi dans sa vie privée, comme vous l'avez souligné, monsieur le sénateur.
Aussi, dans la perspective d'un alignement avec les dispositions du droit communautaire, le Gouvernement entend créer un droit de la prévention et de la réparation du harcèlement moral qui passera par un allégement de la charge de la preuve pour le salarié, dans le cadre d'un recours facilité au juge.
Je crois - et j'y insiste, pour avoir constaté sur le terrain combien cela pouvait résorber toutes les difficultés pouvant être vécues dans le cadre du travail - qu'il sera nécessaire de réfléchir à toutes les actions de prévention, en particulier dans le cadre de la consultation de victimologie.
La Haute Assemblée va débattre, cet après-midi, du projet de loi de modernisation sociale. Je crois qu'un certain nombre de discussions permettront de répondre à l'ensemble des questions que vous venez de poser, monsieur le sénateur. Je vous souhaite très sincèrement un débat extrêmement fructueux, le point que vous avez soulevé correspondant à un vrai problème de société.
M. Roland Courteau. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Courteau.
M. Roland Courteau. Madame la secrétaire d'Etat, je tiens à vous remercier de votre réponse.
Comme un certain nombre de parlementaires, je souhaite qu'un regard nouveau soit porté sur les atteintes à la dignité, aux droits de la personne au travail et à la santé psychique. Il faut, en effet, mettre un terme à ces situations de violences interpersonnelles qui sont inadmissibles.
Nous ne manquerons pas de donner suite à l'échange de vues de ce matin.

SITUATION DE L'ASSOCIATION INTERCANTONALE
D'AIDE A` DOMICILE POUR PERSONNES A^GÉES A` TULLE

M. le président. La parole est à M. Mouly, auteur de la question n° 1040, adressée à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité.
M. Georges Mouly. Madame le secrétaire d'Etat, je profite de l'occasion qui m'est donnée aujourd'hui pour saluer votre arrivée au sein du Gouvernement. Vous êtes en charge d'un secteur important et sensible d'une politique gouvernementale qui se déroule le plus souvent en partenariat avec les collectivités territoriales.
Dans ce contexte, je souhaite aujourd'hui appeler votre attention sur le bilan, excellent à mes yeux - et mon avis est partagé par d'autres - du service de garde à domicile créé au début des années quatre-vingt-dix par l'association intercantonale d'aide à domicile pour les personnes âgées que je préside.
L'association, qui est une émanation des quatre instances de coordination gérontologique des quatre cantons de Tulle - cela représente tout de même vingt et une communes, dont le chef-lieu du département ! - a créé ce service en poursuivant un double objectif.
D'une part, conformément aux statuts de l'association, ce service contribue à soutenir le maintien à domicile des personnes âgées en intervenant seul ou en complément des services d'aide à domicile déjà existants, sans se substituer à eux. Il s'adresse en tout premier lieu à des personnes âgées de condition modeste - j'insiste sur ce point - les interventions étant facturées proportionnellement aux revenus, pour une assistance de jour comme de nuit.
D'autre part, ce service s'inscrit dans le plan départemental d'insertion adopté chaque année par les partenaires - Etat, conseil général - en recrutant le personnel d'intervention parmi les bénéficiaires du RMI et les chômeurs inscrits dans les catégories dites « prioritaires ».
En effet, en recrutant son personnel d'intervention par le biais de contrats « aidés » - contrats emploi-solidarité, ou CES, contrats emplois consolidés, ou CEC - l'association s'est engagée dans une véritable action de réinsertion en offrant une activité professionnelle, une qualification par la formation et en servant de passerelle entre l'insertion et le monde du travail. Le bilan fait état, notamment, de recrutements par les associations départementales d'aide à domicile et de complément d'heures dans le cadre des « emplois familiaux ».
Je citerai quelques chiffres qui illustrent bien ce bilan que j'ai qualifié d'excellent : depuis la création du service, soixante et onze personnes en difficulté ont travaillé dans le service, dont vingt et une ont obtenu le CAFAD, ou certificat d'aptitude aux fonctions d'aide à domicile, ce qui, en matière de formation, n'est pas négligeable : trente-six RMIstes, sept femmes isolées, sept jeunes de moins de 26 ans, trois personnes de plus de 50 ans et dix-huit chômeurs de longue durée. A la fin de leur contrat, vingt-quatre de ces personnes ont trouvé un emploi, dont dix-huit dans l'aide à domicile, deux sont en formation AMP, ou aide à la mobilité des personnes, une est aide-soignante et deux sont ASH, ou agent de services hospitaliers, en maison de retraite. Voilà pour le bilan !
Si je m'adresse à vous aujourd'hui, madame le secrétaire d'Etat, c'est pour signaler la menace qui pèse sur la pérennité du service. En effet, la direction départementale du travail et de l'emploi n'autorise plus de recrutement depuis le 1er janvier 2001, alors que, jusqu'ici, quinze contrats étaient autorisés. Au 31 janvier, onze salariés étaient encore sous contrat, dont deux en arrêt maladie : à leur échéance ces contrats ne seront, hélas ! pas renouvelés.
Ces mesures ont des conséquences importantes en termes d'emploi et de maintien à domicile. Elles entraînent d'abord l'annulation d'un type d'intervention auprès des personnes âgées les moins favorisées, celles qui ont les plus faibles ressources. Elles se traduisent ensuite par la remise en cause de sessions de formation, car la baisse du nombre de candidats suscite une certaine réticence de la part de l'organisme qui les assure, alors même que ces formations sont organisées avec d'autres employeurs du maintien à domicile.
Ces mesures provoquent aussi la baisse du montant de la subvention de fonctionnement accordée dans le cadre du programme départemental d'insertion, le PDI, au prorata bien évidemment du nombre de bénéficiaires du RMI employés.
Elles remettent enfin en cause, alors que nul ne contestera l'importance de l'accompagnement, de postes d'encadrement occupés par des salariés en contrat à durée indéterminée, qui ont été recrutés grâce au passage aux 35 heures et qui ont débuté dans le service par un contrat emploi-solidarité.
Ce service de garde à domicile s'inscrit, à l'évidence, parfaitement dans l'esprit du maintien à domicile des personnes âgées, en évitant l'hospitalisation, en permettant l'organisation des sorties d'hôpital, en soulageant aussi les familles. Il est, en outre, prioritairement destiné aux personnes âgées à faibles ressources - je l'ai dit, mais j'y insiste - et il constitue un élément fondamental de l'action globale menée par l'association en direction des personnes âgées, en assurant le portage de repas, la prévention du vieillissement, l'animation, l'aide aux aidants familiaux, la coordination gérontologique, avec candidature au label CLIC, les centres locaux d'information et de coordination - j'ai d'ailleurs adressé à ce sujet un courrier à votre secrétariat d'Etat - et en expérimentant un service vingt-quatre heures sur vingt-quatre. C'est dans ce contexte que se situe le travail de l'association en question.
J'ajoute que ces actions, qui correspondent bien, me semble-t-il, à l'esprit qui a présidé à la création des CES et des CEC, permettent l'intégration professionnelle de personnes qui ne disposaient pas d'un haut niveau de qualification. En effet, l'association est l'une des rares du secteur à offrir un emploi à un public féminin en difficulté, « public » qui est le moins concerné par la reprise économique.
Madame la secrétaire d'Etat, ne vous est-il vraiment pas possible de donner à ce service, validé en PDI chaque année depuis sa création, les moyens de continuer à fonctionner en lui délivrant toutes les autorisations nécessaires, à savoir, d'une part, le maintien des quinze contrats aidés - c'est la seule formule envisageable - et, d'autre part, la reconnaissance de la qualité de chantier d'insertion ?
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Paulette Guinchard-Kunstler, secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Monsieur le sénateur, vous avez attiré mon attention sur la situation de l'association intercantonale d'aide à domicile pour personne âgées à Tulle, dont vous êtes le président, et pour laquelle le conventionnement en tant que chantier d'insertion a été refusé par la direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle de Corrèze.
Je vous rappelle que, d'une manière générale, les associations de services aux personnes doivent bénéficier, dans les conditions prévues par l'article L. 129-1 du code du travail et de ses textes d'application, d'un agrément simple, délivré par le préfet de région, qui doit être obligatoirement assorti d'un agrément « qualité » lorsque l'organisme intervient pour la garde d'enfants de moins de trois ans ou l'assistance aux personnes âgées de plus de soixante-dix ans, dépendantes ou handicapées.
En outre, les associations de services aux personnes ne peuvent avoir recours aux contrats emploi-solidarité ou aux contrats emplois consolidés pour intervenir au domicile des particuliers.
Par ailleurs, les organismes mentionnés au paragraphe IV de l'article L. 322-4-16 du code du travail, produisant des biens et services en vue de leur commercialisation et développant des activités présentant un caractère d'utilité sociale, tels les chantiers d'insertion, ont vu leurs conditions de conventionnement définies par le décret du 7 juin 2000 et la circulaire du 20 juin de la même année. Ces structures ont vocation à accueillir en contrat emploi-solidarité et en contrat emploi consolidé des personnes en très grande difficulté sociale et professionnelle qui doivent bénéficier d'un accompagnement et d'un suivi renforcés.
La possibilité pour une association de services aux personnes d'être conventionnée comme chantier d'insertion, donc d'avoir recours aux CES et aux CEC pour l'intervention auprès de personnes âgées, n'est pas prévue par les textes en vigueur.
Mes services, conscients de ce problème et de ses enjeux pour avoir vu le travail qui est réalisé par votre association soucieux également de prévenir toute situation d'illégalité de l'activité de la structure, étudient, à l'échelon local, en liaison avec votre association, la meilleure façon de pérenniser cette structure : un statut adéquat permettrait d'assurer la consolidation et la continuité de ce type d'activité, particulièrement utile et nécessaire, exercée au bénéfice tant des chômeurs que des personnes âgées.
En effet, s'agissant des services aux particuliers, la volonté de promouvoir des prestations de qualité - ce qu'attendent les familles - n'est pas antinomique avec celle de susciter la création de nouveaux emplois et de lutter contre le chômage de longue durée et l'exclusion.
J'ai été très sensible à l'ensemble des actions que vous menez. Je peux vous assurer que tous les services locaux feront le maximum pour trouver une solution avec votre association.
M. Georges Mouly. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Mouly.
M. Georges Mouly. Je sais bien, madame le secrétaire d'Etat, que nombre de textes - code du travail, décrets, etc. - n'autorisent pas les associations de services aux personnes à mettre des personnels à disposition pour intervenir au domicile des particuliers. Cependant, j'avais noté dans la lettre que m'avait adressés le directeur du travail et de l'emploi que le profil des personnels que nous recrutions et le travail que nous leur demandions d'effectuer correspondaient bien à la possibilité qui était donnée d'avoir recours à des CES ou à des CEC. La révision de la loi de 1975 pourrait apporter une solution à ce type de problème.
Plus concrètement, je souhaite vous remercier, madame la secrétaire d'Etat, de l'espoir que vous nous donnez que cette association puisse continuer de travailler dans de bonnes conditions.

DEVENIR DE L'HÔPITAL DE LA RÉOLE

M. le président. La parole est à M. Dussaut, auteur de la question n° 1036, adressée à M. le ministre délégué à la santé.
M. Bernard Dussaut. Malgré une mobilisation exemplaire des usagers de l'hôpital de La Réole, des médecins libéraux, des personnels hospitaliers et des élus, la maternité a été fermée le 31 mars 2001, et nous le regrettons vivement.
Cette mobilisation n'est pas récente : dès le mois de juin 1994, je faisais part au ministre des affaires sociales d'alors des très vives inquiétudes suscitées par la circulaire incitant les préfets à conduire « en concertation étroite avec les élus et les représentants des personnels hospitaliers une opération exemplaire de restructuration par région ». J'avais également interpellé M. Bernard Kouchner, en décembre 1998. Ce dossier, il le connaît bien, et j'attends, vous vous en doutez, des engagements fermes de sa part.
Je reviens un instant sur la fermeture de la maternité pour rappeler qu'elle s'est faite contre l'avis du comité régional d'organisation sanitaire, le CROS, qui avait proposé un moratoire d'une année au moment où cette structure très fiable, très appréciée, était dans une phase de progression qui nous laissait penser que le seuil des troix cents accouchements était en passe d'être atteint.
La décision, prise sans concertation par le directeur de l'agence régionale, nous a, vous vous en doutez, d'autant plus choqués.
Il s'agit désormais de permettre la pérennité de cet hôpital de proximité en lui donnant les moyens de remplir les missions répondant aux besoins de la population.
Si la fermeture de la maternité a suscité tant de passion, c'est que nous craignions tous que la permanence médicale ne soit plus garantie, et nos craintes ne sont pas levées. En effet, nous redoutons que la chirurgie soit remise en cause, car le nombre d'actes ne manquera pas de baisser, la maternité étant fermée.
Par la suite, cela entraînera immanquablement la fermeture du service des urgences avec, comme conséquence, un délai beaucoup trop important pour accéder aux hôpitaux les plus proches de Langon ou de Marmande. Au délai qui est déjà de trente minutes pour certains secteurs de l'intérieur du pays - le canton de Monségur, par exemple, que j'ai l'honneur de représenter au conseil général de la Gironde - auquel il faudra ajouter alors vingt à trente minutes !
Pour les problèmes graves, pour les accidentés de toute nature, les pompiers de mon canton conduisent à La Réole entre cent trente et cent cinquante personnes par an. Pourra-t-on parler de prise en compte de l'urgence quand une minute gagnée peut être déterminante ?
Engagés dans la démarche « pays du Haut-Entre-Deux-Mers », cinq cantons, quatre-vingts communes autour de La Réole ont fait du maintien des services un axe majeur de leur charte de pays.
Les services de chirurgie et des urgences de La Réole doivent donc être assurés dans des conditions que nos populations, d'ailleurs en augmentation, sont en droit d'attendre de manière égale sur tout le territoire. Que je sache, notre secteur ne fait pas l'objet d'exonérations d'impôt particulières : ces impôts, nous les payons comme tout le monde !
Le refus de publier le deuxième poste de praticien hospitalier en chirurgie n'est pas un signe encourageant. Voilà plusieurs années déjà que nous demandons ce poste, qui est créé mais n'est pas publié. Nous fonctionnons donc aujourd'hui avec un seul chirurgien.
Nous avons besoin d'un engagement réel et ferme de votre part. Pouvez-vous, madame la secrétaire d'Etat, nous rassurer sur ce point ? (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Paulette Guinchard-Kunstler, secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser l'absence de Bernard Kouchner, qui m'a chargée de vous faire part de sa réponse.
Le centre hospitalier de La Réole fait partie, avec les établissements de Langon, Bazas et Monségur, du pôle hospitalier de Sud-Gironde.
La Réole est située, mais vous le savez mieux que moi, à 18 kilomètres de Langon et à 19 kilomètres de Marmande, villes auxquelles elle est reliée par une route nationale, une autoroute et la voie ferrée Bordeaux - Toulouse. Ces deux villes disposent chacune d'un centre hospitalier bien équipé avec service d'urgence, service médical d'urgence et de réanimation, chirurgie et maternité de niveau 1.
L'autorisation en vue de l'exercice de l'activité d'obstétrique a été refusée au centre hospitalier de La Réole, conformément aux préconisations du schéma régional d'organisation sanitaire 1999-2004. L'arrêt de l'activité, qui devait être effectif au 1er mars, a été reporté au 31 mars 2001 par décision du directeur de l'agence régionale de l'hospitalisation, pour permettre d'assurer sans discontinuité la prise en charge des femmes enceintes et des nouveau-nés dans les conditions requises de qualité et de sécurité, et de faire aboutir la mise en place d'un centre périnatal de proximité.
Les deux maternités proches de Langon et de Marmande sont tout à fait à même de prendre en charge les femmes de La Réole au moment de l'accouchement, alors que le centre périnatal de proximité de La Réole, auquel participe activement l'actuel médecin chef de service de La Réole, permettra, grâce à l'intervention de médecins obstétriciens, gynécologues, pédiatres, d'assurer un suivi pré et postnatal des femmes et nouveau-nés, des activités de planning familial, et de maintenir l'activité d'orthogénie, avec la possibilité de pratiquer des interruptions volontaires de grossesse.
S'agissant du devenir de l'hôpital de La Réole, l'agence régionale de l'hospitalisation est convaincue de la nécessité de maintenir sur ce site un établissement de proximité assurant des missions correspondant aux besoins de la population, en liaison avec les hôpitaux voisins de Langon et de Marmande.
Il s'agit, en priorité, de renforcer un pôle médical déjà performant, en lui permettant d'assurer l'ensemble des activités correspondant aux différentes spécialités actuelles - médecine interne, rhumatologie, cardiologie, gastro-entérologie, nutrition, prise en charge de la douleur, des soins palliatifs - et à venir, avec, bien sûr, la possibilité de recourir à des prestations d'anesthésie.
Il conviendra également de donner à l'établissement les moyens de développer des soins de suite et de réadaptation adaptés à la prise en charge de malades polypathologiques et pour lesquels il a obtenu récemment la création de huit lits supplémentaires. Je sais, pour l'avoir vu dans d'autres secteurs, combien c'est un point important actuellement.
Il faudra, de même, assurer le maintien de la permanence médicale et de l'accueil des urgences en liaison avec les unités de proximité d'accueil, de traitement et d'orientation des urgences, les UPATOU, et les services mobiles d'urgence et de réanimation, les SMUR.
Les médecins libéraux du secteur ont voulu conforter les urgentistes en démissionnant du corps des médecins sapeurs-pompiers, exprimant ainsi leur refus de participer aux gardes de nuit et de week-end, ce qui a nécessité une réquisition préfectorale afin que la continuité des soins soit assurée.
Monsieur le sénateur, pour les rassurer, je ne peux que réaffirmer l'engagement fort de l'agence régionale de l'hospitalisation de voir se maintenir et se renforcer un établissement de proximité assurant toutes les missions qui lui incombent, dans des conditions de sécurité et de qualité des soins optimales, par le biais de collaborations avec les hôpitaux voisins.
Le concours des médecins libéraux au maintien de l'accueil des urgences sur le site hospitalier de La Réole prendra notamment la forme de missions rémunérées de médecins régulateurs des SMUR de Langon et de Marmande ; le directeur de l'agence l'a confirmé récemment dans un courrier qu'il a adressé aux médecins généralistes et aux médecins sapeurs-pompiers de La Réole.
M. Bernard Dussaut. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Dussaut.
M. Bernard Dussaut. Je vous remercie, madame la secrétaire d'Etat, de cette réponse, qui ne me rassure qu'en partie.
Demander au directeur de l'agence régionale de l'hospitalisation la publication d'un deuxième poste de praticien hospitalier en chirurgie, ce qui permettrait son recrutement, serait un acte concret qui vaudrait toutes les explications que vous nous avez données.
Je sais bien que, vu de Paris, la distance entre La Réole, Marmande et Langon paraît faible : elle est de vingt kilomètres. Mais il y a un territoire à l'intérieur ! En tant que conseiller général, je représente un canton qui jouxte le Lot-et-Garonne. Certaines communes de ce secteur sont situées à vingt kilomètres de La Réole. La prise en compte de l'urgence est essentielle : les habitants de ces communes devront en effet parcourir vingt kilomètres de plus pour se rendre soit à Langon, soit à Marmande.
Ce que nous voulons, c'est, je le répète, un acte concret. Pourriez-vous, madame la secrétaire d'Etat, demander à M. le ministre délégué à la santé d'intervenir auprès du directeur de l'agence régionale de l'hospitalisation afin que soit publié le deuxième poste de praticien hospitalier en chirurgie ? Ce geste serait très apprécié.

VACCINATION CONTRE LA VARIOLE

M. le président. La parole est à M. Taugourdeau, auteur de la question n° 1046, adressée à M. le ministre délégué à la santé.
M. Martial Taugourdeau. En 1980, Mme Simone Veil, alors ministre de la santé, avait supprimé la vaccination antivariolique chez les enfants. Cette décision était intervenue après plusieurs accidents provoqués par des encéphalites varioliques. On avait jugé à l'époque que le risque causé par la vaccination était plus grand que celui d'être atteint par la maladie.
Cependant, la crise grave créée par l'épizootie de fièvre aphteuse ne devrait-elle pas nous amener à nous interroger sur notre attitude face à la variole chez l'homme ?
En effet, certains vétérinaires avaient très tôt prévu, dès 1990, une réapparition de la fièvre aphteuse vers 1998-2000, considérant qu'alors il n'y aurait plus d'animaux vaccinés, la durée de vie d'un animal non vacciné étant de cinq à six ans. Le nombre de sujets immunisés tend vers zéro assez rapidement et on en arrive à la situation actuelle !
De la même manière, s'agissant, pour l'homme, de la variole, on peut considérer qu'il y a peu de risques chez les adultes de plus de vingt-cinq ans, qui ont tous été vaccinés. Ne pensez-vous pas, en revanche, madame le secrétaire d'Etat, que d'ici à quinze ou vingt-cinq ans, s'il subsiste toujours des foyers endémiques, il existera alors un risque de réapparition de la variole chez l'homme, maladie qui est malheureusement mortelle dans un cas sur deux ?
Par ailleurs, Mme Veil avait indiqué, à l'époque, que quelques centaines de milliers de doses de vaccins seraient conservées à Genève. Pouvez-vous nous confirmer que ces stocks existent bien et sont renouvelés ?
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Paulette Guinchard-Kunstler, secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser mon collègue Bernard Kouchner, ministre délégué à la santé, qui, comme je l'ai déjà dit tout à l'heure, ne pouvait être présent ce matin.
S'agissant de la vaccination antivariolique chez l'homme, je souhaite vous apporter certaines précisions qu'il m'a communiquées.
La vaccination contre la variole a été, en France, tout d'abord interrompue en 1979, avant d'être supprimée en 1984. L'arrêt de la vaccination contre la variole n'a donc été décidé que longtemps après la survenue du dernier cas de variole dans le monde, en 1977, en Somalie, et surtout après que l'éradication totale de la variole eut été officiellement déclarée par la trente-troisième assemblée mondiale de la santé, en 1980.
Cette décision est intervenue en France alors que, hormis l'Albanie, tous les pays adhérant à l'Organisation mondiale de la santé, l'OMS, avaient également cessé de vacciner systématiquement contre la variole. L'arrêt de la vaccination contre la variole ne peut donc, sur ce plan, être comparé à l'arrêt de la vaccination contre la fièvre aphteuse, décidé alors que la maladie était encore endémique dans certains pays.
De fait, l'interruption de la vaccination contre la fièvre aphteuse a été mise en oeuvre dans les pays de l'Union européenne, dont la France, pour des raisons d'ordre essentiellement économique. En effet, la vaccination induit une séropositivité chez les animaux vaccinés qui ne peut être distinguée d'une séropositivité provoquée par la maladie elle-même.
Or, selon les règles de l'Organisation mondiale du commerce, les animaux séropositifs ne peuvent être exportés vers des pays indemnes de fièvre aphteuse. En conséquence, considérant qu'il n'y avait plus d'épidémie de fièvre aphteuse dans l'Union européenne, bien que des foyers persistent dans certains pays, il a été décidé de ne plus vacciner les animaux, afin de pouvoir accéder au marché des pays n'acceptant que des animaux séronégatifs vis-à-vis du virus de la fièvre aphteuse. Il est également important de prendre en compte le fait que le virus de la variole touche uniquement l'homme. Cette caractéristique est essentielle au regard de l'éradication de cette maladie, qui a pu être obtenue grâce notamment à la campagne mondiale de vaccination contre la variole. Le seul réservoir potentiel du virus de la variole étant l'homme, le risque de voir réapparaître cette maladie est extrêmement faible, voire inexistant. C'est à ce point vrai que l'OMS conduit périodiquement une réflexion afin de déterminer s'il ne serait pas opportun de détruire les seuls stocks de virus existant officiellement et qui se trouvent aux Etats-Unis et en Russie.
Compte tenu des modalités particulières de production du vaccin antivariolique, laquelle ne correspond plus aux exigences pharmaceutiques actuelles, il n'y a pas eu de renouvellement du stock de cinq millions de doses de vaccin antivariolique détenu sous la responsabilité de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé. Ces vaccins, qui sont régulièrement contrôlés, sont toujours actifs et efficaces. Par ailleurs, le laboratoire Aventis-Pasteur dispose d'un stock de semence et de préparation intermédiaire du vaccin.
M. Martial Taugourdeau. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Taugourdeau.
M. Martial Taugourdeau. S'agissant de la fièvre aphteuse, je relève qu'il existe désormais une méthode permettant de déterminer si la séropositivité est due au vaccin ou à la maladie.
Cela étant, je ne comprends pas pourquoi nous importons en France de la viande d'Argentine, alors que la vaccination contre la fièvre aphteuse a repris dans ce pays : les règles interdisant à l'Union européenne d'exporter de la viande provenant d'animaux vaccinés n'empêchent-elles donc pas, réciproquement, de telles importations ?
Par ailleurs, madame le secrétaire d'Etat, vous m'avez rassuré en m'indiquant que des stocks de vaccin antivariolique existent encore. Toutefois, personne ne peut jurer qu'il ne subsiste pas un foyer endémique dans le monde. Ainsi, voilà quelques années, j'avais lu dans une revue médicale qu'il restait encore un foyer de variole en Ethiopie et un autre en Corée du Nord. Comme ces pays ne sont pas très accessibles aux médecins étrangers, j'estime qu'il vaudrait mieux rester prudents : si une épidémie de variole d'une ampleur comparable à celle de la fièvre aphteuse se déclenchait, ce serait une catastrophe.
A cet égard, je me rappelle que, en 1956, le décès, dû à la variole, d'un médecin militaire rentrant de Guyane avait provoqué une campagne de vaccination, et il avait été très difficile de convaincre certaines personnes âgées de ne pas se faire vacciner. Ainsi, l'une de mes patientes, âgée de quatre-vingt-sept ans et diabétique, voulait absolument que je la vaccine. J'ai dû lui assurer que, le foyer d'infection étant éloigné de près de 1 000 kilomètres, elle ne courait vraiment aucun danger. Une épidémie susciterait donc un affolement général, même si je comprends que l'on ait cessé de pratiquer la vaccination, les accidents provoqués par celle-ci devenant plus graves que la maladie elle-même.
M. le président. Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.
La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures dix, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de M. Jean Faure.)



PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
vice-président

M. le président. La séance est reprise.

3

MODERNISATION SOCIALE

Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 185, 2000-2001), adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, de modernisation sociale. [Rapport n° 275 (2000-2001), avis n° 276 (200-2001) et rapport d'information n° 258 (2000-2001).]

Discussion générale



M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, afin de permettre à Mme le ministre d'exposer devant la commission des affaires sociales les nouveaux amendements qu'a déposés le Gouvernement, je sollicite, au nom de la commission, une suspension de séance d'environ une demi-heure.
M. le président. Le Sénat va, bien sûr, accéder à la demande de la commission.
La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures cinquante-cinq.)



M. le président.
La séance est reprise.

Demande de réserve



M. le président.
Mes chers collègues, je vous informe que le Gouvernement, pour des raisons d'organisation de la présence des différents ministres et secrétaires d'Etat concernés par la discussion de ce projet de loi de modernisation sociale, a exprimé auprès du président de la commission des affaires sociales le souhait que l'ordre d'examen des deux titres du texte soit interverti.
Pour ce faire, il a demandé la réserve de l'ensemble des articles formant le titre Ier jusqu'après l'examen du titre II.
Quel est l'avis de la commission des affaires sociales sur cette demande de réserve ?
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Après avoir consulté le rapporteur plus particulièrement concerné par cette inversion, M. Huriet, qui aura ainsi à intervenir en fin d'examen du projet de loi, la commission des affaires sociales a émis un avis favorable.
M. Claude Huriet, rapporteur de la commission des affaires sociales. C'est la moindre des courtoisies !
M. le président. Il n'y a pas d'opposition à la demande de réserve, acceptée par la commission ?...
La réserve est ordonnée.
En conséquence, la discussion des articles du projet de loi commencera par le titre II.

Discussion générale (suite)



M. le président.
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le ministre.
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, l'actualité sociale de ces dernières semaines est la preuve, s'il en était besoin, que le projet de loi de modernisation sociale que vous examinez aujourd'hui n'est pas, comme certains l'ont dit, un projet « fourre-tout ». En outre, la présence à mes côtés de Mme Nicole Péry et de M. Guy Hascoët montre l'importance que le Gouvernement attache à ce texte.
Nos concitoyens attendent des réponses non seulement sur les droits sociaux fondamentaux, la prévention des licenciements économiques, bien sûr - je vais y revenir plus en détail dans un instant - mais aussi sur l'accès à des emplois de qualité et à un système de santé qui les prémunisse mieux contre les risques de la vie et du travail.
Par-delà la diversité des dispositions qu'il comporte, ce projet vise bien, en premier lieu, à renforcer le besoin de sécurité dans le domaine de la santé en donnant un nouveau souffle à la modernisation hospitalière et en assurant une meilleure protection contre de nouveaux risques du travail, mais aussi dans le domaine de la solidarité en améliorant l'accueil des personnes âgées et handicapées.
Voilà pour les dispositions de la première partie du texte que, grâce à l'obligeance de M. le rapporteur et de M. le président de la commission des affaires sociales, nous avons décidé de reporter, compte tenu de l'actualité, en deuxième partie de notre discussion.
Le projet de loi vise aussi, en deuxième lieu, à donner au droit à l'emploi, et à un emploi de qualité, une vigueur nouvelle, en renforçant la protection des salariés contre le risque de licenciement et l'abus du travail précaire, et en créant une obligation d'adaptation permanente de l'emploi et des qualifications dans l'entreprise qui, jointe au droit de faire valider et reconnaître les acquis de l'expérience, offre à chacun de plus grandes chances de conserver son emploi, d'en changer et d'évoluer professionnellement.
Tel est l'objet du titre II du projet de loi que vous allez examiner.
Ce dernier est particulièrement attendu et le Gouvernement a annoncé, aujourd'hui même, comment il entend le compléter encore pour répondre au désarroi des milliers de salariés qui sont menacés dans leur emploi par l'annonce de plans sociaux importants. J'espère que la Haute Assemblée aura à coeur d'y veiller.
Permettez-moi d'illustrer rapidement les finalités ainsi définies du projet de loi de modernisation sociale en commentant ses dispositions essentielles et les apports au texte initial qui résultent de la discussion en première lecture à l'Assemblée nationale. J'apporterai également des précisions sur les nouveaux amendements que le Gouvernement a décidé de vous soumettre.
Le projet de loi qui vous est soumis contient des avancées sociales importantes pour l'ensemble de notre système de santé, concernant tant les professionnels de santé que les patients.
Je commencerai par les mesures concernant les établissements publics de santé, qui sont au coeur du système de soins et qui ont su s'adapter et évoluer pour toujours mieux répondre aux besoins de la population.
Depuis que ce gouvernement est en place, vous savez qu'une attention particulière a été portée à la situation des personnels hospitaliers. Des mesures sociales fortes ont notamment été décidées avec toutes les composantes de la fonction publique hospitalière ; elles se sont traduites par la signature de deux protocoles - l'un en mars 2000 et l'autre en mars 2001 - qui ont donné un nouvel élan à la prise en compte des sujets sociaux dans les hôpitaux. C'est précisément ce que ce projet de loi tend à mettre en oeuvre.
Depuis 1991, je le rappelle, chaque hôpital doit définir un projet d'établissement qui fixe ses objectifs dans le domaine des soins médicaux et infirmiers ou de la recherche. Certains établissements ont inclus dans leur projet des objectifs en matière de gestion et de formation des personnels, mais ce n'est pas la règle. Or il est très important que, dans tous les hôpitaux, cette réflexion sur l'évolution des personnels puisse être conduite. Ce sera l'objet principal de l'inscription systématique dans le projet d'établissement d'un volet social portant sur les conditions de travail, la formation et l'évolution des qualifications.
L'hôpital joue un rôle essentiel - tout le monde le sait - dans la formation des personnels de santé. Ces professionnels nous ont dit que le cursus des études médicales était inadapté : le Gouvernement les a entendus et vous propose de répondre à leurs demandes, qui lui paraissent tout à fait légitimes.
C'est ainsi que la réforme des études médicales que nous vous proposons redonne toute sa place à la médecine générale, qui doit être une discipline au même titre que l'ensemble des spécialités. L'internat concernera l'ensemble des étudiants en médecine, qui bénéficieront d'un cursus de même durée. Nous renforcerons donc la qualité de la formation des médecins ainsi que la qualité des soins.
Je soulignerai également les dispositions relatives à l'accueil familial des personnes âgées et des personnes handicapées. Cet accueil constitue une alternative précieuse à la fois au maintien à domicile, qui n'est pas toujours possible, et à l'hébergement en établissement, qui n'est pas toujours désiré par les personnes concernées.
C'est pourquoi il vous est proposé de renforcer considérablement les droits sociaux des familles accueillantes, notamment en garantissant le bénéfice des congés payés et en fixant au niveau du SMIC la rémunération minimale.
Le projet assure également aux personnes âgées ou handicapées les conditions d'un accueil de qualité en précisant les critères de l'agrément des familles et son renouvellement.
Enfin, vous me permettrez d'insister également sur l'article 8 de ce projet de loi, qui suscitera, j'en suis certaine, un vif intérêt dans votre Haute Assemblée puisqu'il concerne les Français établis hors de France, dont le Sénat assure une représentation privilégiée.
Ceux de nos compatriotes établis à l'étranger qui disposent de revenus modestes pourront adhérer à des conditions financières plus favorables à la caisse des Français de l'étranger et obtenir ainsi une couverture maladie de qualité.
Le dispositif créé sera financé sur les crédits du ministère des affaires étrangères et complété d'une dotation initiale puisée dans la trésorerie de la caisse des Français de l'étranger. Je crois qu'il s'agit d'une mesure de justice sociale attendue par nos compatriotes expatriés, qui ne sont pas tous, nous le savons, des diplomates, des travailleurs hautement qualifiés ou de grands artistes.
J'en viens maintenant au second volet, qui vise à donner au droit à l'emploi une extension nouvelle.
Le chemin parcouru depuis trois ans et demi a été considérable.
Avec 1 045 000 chômeurs en moins et un taux de chômage ramené de 12,6 % en juin 1997 à 8,8 % à la fin de février 2001, la France se situe en tête des pays européens pour l'effort accompli. L'année 2000 aura été une année record pour la création d'emplois, puisque, avec 500 000 emplois créés en un an, nous avons atteint le chiffre le plus élevé depuis le début du siècle. Au total, depuis juin 1997, nous aurons créé 1 500 000 emplois.
Mais, si nous pouvons nous féliciter de ces résultats, nous devons aussi constater que le droit à l'emploi n'est pas garanti à tous. Il ne l'est pas encore pour les 2 092 500 chômeurs qui restent ; il ne l'est pas non plus pleinement pour un grand nombre de salariés qui demeurent, dans l'emploi, en situation de grande précarité. C'est, bien entendu, le cas des victimes de licenciements économiques et des salariés qui, en dépit de la croissance retrouvée, ne se voient offrir que des emplois précaires de courte durée ou qui sont durablement écartés des emplois permanents.
Certes, l'amélioration de la situation de l'emploi a permis de réduire les licenciements économiques de plus de 40 % depuis juin 1997 et, en moyenne mensuelle, le nombre de plans sociaux est deux fois et demie moindre en ce début d'année qu'il ne l'était en juin 1997. Mais cela ne doit pas nous faire oublier le caractère absolument traumatisant de l'annonce des plans sociaux pour les salariés qui en sont victimes, salariés à qui ont été demandés des efforts très importants de productivité ces dernières années et qui, en raison même des efforts qu'ils ont consentis, auraient pu espérer une certaine sécurité de l'emploi.
Il ne faut pas oublier non plus le choc que peuvent causer à nos communes, nos départements et nos régions ces licenciements économiques, choc d'autant plus grave que ces collectivités connaissent un niveau de chômage plus élevé que la moyenne nationale ou que la création d'emplois y est plus difficile.
C'est la raison pour laquelle ce projet de loi prévoit de mieux prévenir les licenciements.
A cet effet, les employeurs seront désormais obligés de conclure, ou du moins de négocier, préalablement à tout plan social, un accord sur la réduction du temps de travail ; cette disposition importante a été votée en première lecture par l'Assemblée nationale. Si cette obligation n'est pas respectée, les représentants du personnel auront la faculté de saisir le juge des référés, qui pourra dès lors suspendre la procédure en cours.
Pour les cas où les licenciements sont devenus inévitables, les compétences des représentants du personnel, en vue de la garantie des droits du salarié, sont - toujours dans la rédaction du projet de loi adoptée en première lecture par l'Assemblée nationale - substantiellement renforcées.
D'une part, est améliorée l'implantation des institutions représentatives du personnel : il est prévu de reconnaître le caractère irrégulier d'un licenciement intervenu en l'absence de représentants du personnel, délégués du personnel ou du comité d'entreprise, dès lors que cette absence est imputable à l'employeur.
D'autre part, doit être favorisée, le plus en amont possible, l'information des représentants du personnel : ces derniers seront ainsi informés préalablement - j'y insiste - à toute annonce dont la mise en oeuvre est de nature à affecter de façon importante les conditions de travail ou d'emploi des salariés.
Enfin, le projet du Gouvernement inscrit dans la loi la nécessité de rechercher toutes les opportunités de reclassement préalable à tout licenciement économique. C'est la responsabilité de l'employeur de procéder à cette recherche de toutes les solutions de reclassement dans l'entreprise mais aussi, le cas échéant, dans l'unité économique et sociale ou le groupe dans lesquels elle est intégrée ; c'est aussi la responsabilité de l'employeur de mettre en place un plan social mobilisant tous les moyens qui sont à sa disposition.
Le texte tel qu'il est issu de la première lecture à l'Assemblée nationale contient donc des dispositions qui ne sont pas négligeables.
Mais, comme vous le savez, le Gouvernement souhaite voir compléter encore ce projet autour de trois axes principaux et il propose au Sénat d'y contribuer pour donner un signe à tous ceux qui tournent leur regard vers le législateur, même s'il est vrai que la loi ne peut évidemment pas répondre à toutes les questions que soulèvent ces projets de licenciement.
Le premier de ces trois axes de réforme est de prévenir les licenciements pour motifs économiques et de donner la possibilité aux représentants du personnel de discuter du bien-fondé des projets de restructuration des entreprises.
La deuxième orientation est d'améliorer l'efficacité et la qualité du plan social.
La troisième orientation est de faire contribuer les plus grandes entreprises à l'effort de réindustrialisation des bassins d'activité des sites qui sont totalement ou partiellement fermés.
Ce sont ces trois axes que je vais maintenant développer devant vous.
Premier axe donc, prévenir les licenciements pour motif économique et donner la possibilité aux représentants du personnel de discuter du bien-fondé du projet de restructuration des entreprises.
Les conflits de Danone et de Marks & Spencer ont montré que notre législation est encore insuffisante sur ce point essentiel de démocratie économique et sociale.
Nous prévoyons donc, d'abord, de renchérir le coût du licenciement.
Pour les licenciements économiques, une augmentation de l'indemnité légale de licenciement serait prévue. Vous savez que cette indemnité n'a pas été révisée depuis vingt-deux ans et qu'elle est actuellement fixée au taux d'un dixième de mois de salaire par année d'ancienneté, majoré d'un quinzième de mois au-delà de dix ans.
Nous envisageons de doubler cette indemnité légale, qui est, comme on le sait, un plancher que les entreprises peuvent toujours décider de majorer.
Par ailleurs, le Gouvernement souhaite qu'il soit procédé à une réflexion sur un possible relèvement de la contribution dite « Delalande », cette contribution qui pèse sur le licenciement des travailleurs les plus âgés. Certains proposent le relèvement de cette contribution, d'autres pensent que cela aurait un effet contre-productif sur l'emploi. En tout cas, si le relèvement de cette contribution devait être décidé, celle-ci serait remboursée à l'entreprise dès lors qu'un reclassement du salarié serait constaté.
Il s'agit, ensuite, de donner de nouveaux moyens aux représentants du personnel pour s'assurer que les organes de direction des entreprises, le conseil d'administration et le conseil de surveillance, ont bien mesuré l'ensemble des enjeux des décisions qu'ils s'apprêtent à prendre. Les conséquences sociales et territoriales des restructurations envisagées par le chef d'entreprise devront être obligatoirement présentées devant ces organes. Il faudra pour cela modifier le code du commerce. L'amélioration des conditions du dialogue social dans les entreprises est en effet indispensable.
Il convient, à ce titre, de mieux distinguer la phase de discussion contradictoire sur le bien-fondé des mesures de restructuration envisagées de celle qui porte sur la procédure de licenciement pour motif économique elle-même. Ainsi, la consultation prévue par le livre IV du code du travail se déroulerait avant l'ouverture de la procédure du livre III : un minimum de deux réunions serait prévu et un droit d'expertise à la charge de l'entreprise serait ouvert pour le comité d'entreprise afin que les représentants des salariés puissent discuter du bien-fondé du projet de restructuration avant même que ce projet, impliquant des licenciements, soit confirmé.
A l'issue de cette phase de débat, si le chef d'entreprise décide de maintenir son projet de restructuration, les exigences de qualité du plan social devront être renforcées.
J'en viens ainsi à la deuxième série de propositions, celles qui portent sur l'amélioration de l'efficacité et de la qualité du plan social.
Il s'agit, là aussi, de mesures qui concernent tous les salariés menacés de licenciement et qui tendent à améliorer leur protection dans toutes les entreprises. Elles constituent une avancée, y compris pour les entreprises dont les pratiques sociales sont les plus élaborées.
Il est d'abord proposé de créer un droit effectif au reclassement.
L'idée d'une adéquation entre les mesures de reclassement contenues dans ce plan social et les moyens de l'entreprise est déjà un principe jurisprudentiel, et celui-ci a été repris dans le texte voté en première lecture à l'Assemblée nationale. Mais nous pensons que ce principe pourrait être encore renforcé et développé par différentes dispositions.
En premier lieu, s'agissant des grandes entreprises, les obligations de formation et d'aide au reclassement effectif des salariés seraient accrues ; cela pourrait s'effectuer à travers la création du droit à un congé de reclassement qui maintiendrait le lien contractuel, c'est-à-dire le contrat de travail, tout en favorisant la formation pour un reclassement effectif du salarié.
En deuxième lieu, pour toutes les autres entreprises, au-delà des obligations actuelles, un dispositif de bilan de compétences, d'orientation et d'aide au reclassement serait organisé pendant le préavis, étant entendu que, dans les grandes entreprises, cette obligation pourrait excéder la période du préavis.
Les modalités du financement - lequel serait à la charge des entreprises - de ces deux dispositifs pourraient être précisées par les partenaires sociaux dans un accord interprofessionnel.
Dans tous les cas, la validation des acquis de l'expérience de chaque salarié qui l'aurait demandée avant son départ de l'entreprise - apport important du projet de loi initial - sera, bien sûr, rendue possible.
Nous prévoyons, en outre, des protections particulières pour les salariés âgés de plus de cinquante ans : le congé de reclassement serait encore plus long que celui qui est prévu pour les salariés de moins de cinquante ans.
L'offre de reclassement pourrait faire l'objet d'un encadrement protecteur pour le salarié en ce qui concerne sa nature et le délai de réponse.
Toujours au titre du renforcement de l'efficacité et de la qualité du plan social, le Gouvernement propose, par ailleurs, de renforcer le contrôle et le suivi des plans sociaux.
Le contrôle des plans sociaux par l'administration du travail sera amélioré de deux façons.
Il s'agit, premièrement, de l'allongement des délais impartis à l'administration pour constater la carence du plan social. Nous proposons, en effet, que l'intervention de l'administration du travail - concrétisée par le procès-verbal de carence - se produise avant la dernière réunion du comité d'entreprise, afin de lui permettre d'examiner de façon approfondie la qualité du plan social envisagé ; aujourd'hui, vous le savez, c'est en début de procédure que le constat de carence doit être formulé par l'administration du travail.
Il s'agit, deuxièmement, d'exiger du chef d'entreprise une réponse aux suggestions d'amélioration du plan social présentées par l'administration, en interdisant à l'employeur de notifier les licenciements dès lors qu'il n'a pas répondu à ces suggestions.
Nous prévoyons, en outre, de renforcer le suivi de l'application effective des plans sociaux par une publication rapide des décrets d'application de la loi du 4 janvier 2001 résultant de la proposition de loi, présentée par M. Robert Hue à l'Assemblée nationale, sur le contrôle des aides publiques et par la mise en place des structures locales et du droit d'intervention du comité d'entreprise prévus par ce texte.
Le suivi de l'application effective des plans sociaux suppose aussi le renforcement des droits du comité d'entreprise, qui sera désormais régulièrement consulté, et non plus seulement informé, sur l'exécution du plan social.
Nous prévoyons, de plus, la mise en place systématique de structures de suivi spécifiques dans le cadre des plans sociaux concernant les grandes entreprises ; au sein de ces structures, l'administration du travail serait représentée.
J'en arrive au troisième axe de nos propositions : faire contribuer les plus grandes entreprises à l'effort de réindustrialisation des bassins d'activité où se trouvent des sites totalement ou partiellement fermés.
C'est là une innovation essentielle qui, au-delà des obligations déjà inscrites dans le code du travail - mais, d'une façon laconique, sous l'expression : « création d'activités nouvelles » - vise à affirmer et à organiser la responsabilité des grandes entreprises à l'égard des territoires qu'elles délaissent en fermant totalement ou partiellement des établissements.
Les plus grandes entreprises et les groupes se verraient ainsi imposer des obligations nouvelles en matière de contribution à la réindustrialisation des bassins d'emploi affectés par les restructurations. Cette contribution figurerait parmi les mesures du plan social, soit sous forme de mesures engagées par l'entreprise, par exemple l'aide à la création d'activités, soit sous forme d'un mécanisme de participation financière, soit encore, le cas échéant, sous les deux formes à la fois.
Au-delà des différentes dispositions envisagées pour permettre de mieux respecter les droits des salariés, d'autres voies peuvent et doivent être explorées à plus long terme pour responsabiliser les entreprises sur la gestion de leur emploi. Il pourrait s'agir, notamment, d'un système d'assurance chômage à bonus-malus, si les partenaires sociaux s'y montraient favorables.
Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les nouvelles mesures que nous vous proposons d'examiner pour répondre aux attentes qu'expriment les salariés menacés dans leur emploi et, avec eux, l'opinion publique.
Je tiens à préciser ici que le Gouvernement, souhaitant voir le débat parlementaire prendre toute son ampleur, a voulu que ce texte fasse l'objet d'une deuxième lecture. Celle-ci doit se dérouler le 22 mai prochain à l'Assemblée nationale, ce qui permettrait au Sénat d'y procéder à son tour le 5 juin, avant la réunion de la commission mixte paritaire.
De la sorte, votre assemblée aura tout loisir de procéder aux consultations qu'elle jugera utiles et d'amender ou de compléter encore, je l'espère dans le sens souhaité par le Gouvernement, les propositions nouvelles que je viens de formuler devant vous.
Je prendrai encore quelques instants pour évoquer d'autres propositions figurant dans ce texte et qui me paraissent importantes au regard de l'emploi.
Il s'agit d'abord de la limitation de la précarité de l'emploi.
Comment faire croire que le droit à l'emploi est assuré aux centaines de milliers de salariés qui n'ont que des emplois temporaires, souvent de très courte durée, se succédant les uns aux autres parfois pendant des mois, voire des années ? Il est temps de donner un signal ferme aux entreprises en leur montrant que l'époque est révolue où l'incertitude des lendemains pouvait justifier la limitation des embauches à durée indéterminée et le refus de la stabilité de l'emploi.
C'est pourquoi le projet du Gouvernement réaffirme le principe, d'ailleurs déjà posé par la loi, de non-substitution d'emplois temporaires à des emplois permanents liés à l'activité normale de l'entreprise. Grâce à un certain nombre de dispositions nouvelles, adoptées par l'Assemblée nationale en première lecture, le recours abusif aux emplois précaires sera mieux combattu.
A cet égard, le calcul du délai de carence séparant deux contrats sur un même poste sera plus strict. Cette disposition mettra fin, par exemple, à la pratique répandue qui consiste à compter le week-end comme délai de carence pour faire se succéder des contrats de cinq jours occupant tous les jours ouvrables de la semaine.
De même, le non-respect de l'égalité de rémunération entre salariés temporaires et salariés permanents à qualification équivalente et fonctions identiques sera frappé de sanctions pénales.
Par ailleurs, tout salarié en contrat à durée déterminée pourra rompre son contrat avant terme pour répondre à une embauche en contrat à durée indéterminée.
Enfin, pour favoriser l'accès des titulaires de contrat à durée déterminée à des emplois stables, le texte rend obligatoire la diffusion des postes disponibles dans l'entreprise, conformément à la directive européenne du 28 juin 1999.
Parallèlement à ces mesures volontaristes pour lutter contre les licenciements abusifs et la précarité des emplois, le Gouvernement a voulu engager une réforme fondamentale, qui place le droit à l'emploi dans une perspective dynamique : la validation des acquis de l'expérience professionnelle.
Associée à quelques mesures fortes en matière de formation professionnelle - enrichissement de la négociation par branche professionnelle, dispositif d'appui-conseil, amélioration de la collecte de la taxe d'apprentissage - cette grande réforme favorisera la mobilité, la reconnaissance de la qualification et la progression professionnelle. Dans un univers professionnel fait de discontinuités et de ruptures, les individus et les entreprises disposeront ainsi, en dehors des diplômes, de repères stables, collectivement élaborés et reconnus, attestant les connaissances et le savoir-faire acquis par chacun.
Je replace bien évidemment ces avancées importantes dans le contexte de la négociation des partenaires sociaux sur la formation professionnelle. Trente ans après la conclusion des premiers accords sur la formation professionnelle, je me réjouis que nous engagions ensemble une nouvelle étape vers l'objectif ambitieux d'une formation tout au long de la vie.
J'insisterai, enfin, sur ce qui a été l'un des principaux apports de la discussion de ce texte en première lecture à l'Assemblée nationale : la reconnaissance - c'est une absolue nouveauté - dans le code du travail du phénomène de harcèlement moral au travail. Ce phénomène n'est pas propre à la France, et il défraie la chronique depuis de nombreux mois, à travers de nombreux exemples.
Le rapport du Conseil économique et social, que le Premier ministre avait demandé, et dont je partage les préconisations, nous conduit à compléter le texte adopté en première lecture à l'Assemblée nationale.
Je vous proposerai plusieurs amendements dans ce sens, s'agissant en particulier de la prévention du harcèlement dans l'entreprise, de son extension à la fonction publique, de la prise en compte du harcèlement « collatéral » - venant des collègues et non des supérieurs hiérarchiques - et du régime de la preuve.
Tels sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les objectifs et les dispositions essentiels du projet de loi de modernisation sociale que je voulais souligner en introduction à ce débat.
Ce projet de loi comporte aussi de nombreuses dispositions diverses que je n'ai pas commentées, non qu'elles soient dénuées d'intérêt et de portée, mais parce qu'il m'importe de bien relever la cohérence d'inspiration réformatrice qui constitue le coeur du présent projet de loi. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Hilaire Flandre. Ce sont des paroles !
M. le président. La parole est à M. Huriet, rapporteur.
M. Claude Huriet, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, étant, dans l'ordre des articles, le premier des rapporteurs à intervenir, il me revient d'évoquer le contexte dans lequel s'inscrit le présent projet de loi.
Je souhaite ainsi me faire l'interprète de mes excellents collègues Bernard Seillier, Alain Gournac et Annick Bocandé, ainsi que du président Jean Delaneau, qui n'a pas souhaité, avec la courtoisie qui lui est coutumière, prendre la parole dans la discussion générale avant les rapporteurs de la commission qu'il préside.
Le projet de loi dont notre assemblée est saisie compte cent six articles.
Ce total résulte d'une progression arithmétique très atypique. Qu'on en juge : annoncé dès octobre 1998, le présent projet de loi n'a été déposé que le 24 mai 2000. Il comportait alors soixante-dix articles. Le 12 décembre 2000, vous avez, madame la ministre, fait connaître à M. le président de l'Assemblée nationale une liste de vingt-deux articles dont - je vous cite - « l'examen n'était plus envisagé ». Mais cela n'a pas empêché le Gouvernement d'être l'auteur de vingt-trois des cinquante-huit articles additionnels introduits par l'Assemblée nationale en janvier dernier.
En d'autres temps, le Gouvernement aurait déposé une lettre rectificative, comme l'avaient fait, par exemple, Pierre Mauroy, en 1982, ou Michel Rocard en 1990.
M. Louis de Broissia. C'était le bon temps !
M. Claude Huriet, rapporteur. Soixante-dix moins vingt-deux plus cinquante-huit : voilà pourquoi, madame la ministre, votre projet de loi comprend désormais cent six articles !
Et vous venez de nous apprendre que le Gouvernement, réagissant à l'actualité, entend réserver au Sénat la primeur d'une nouvelle série d'articles additionnels.
On comprend que le Conseil d'Etat, dans son dernier rapport public, tienne des propos sévères sur la gestion par le Gouvernement des textes sociaux.
M. Hilaire Flandre. C'est du harcèlement !
M. Claude Huriet, rapporteur. En effet, si vingt-deux articles du projet de loi initial ont disparu, c'est qu'ils ont été introduits dans d'autres textes saisis au passage ou suscités pour les besoins de la cause.
J'en cite quelques-uns : proposition de loi relative à la lutte contre les discriminations ; proposition de loi relative à l'égalité entre les femmes et les hommes, et Mme Annick Bocandé se souvient certainement encore du volet « travail de nuit » introduit par le Gouvernement en cours de navette ; proposition de loi relative à la prolongation du mandat et à la date de renouvellement des conseils d'administration des services d'incendie et de secours ; projet de loi relatif à la résorption de l'emploi précaire et au recrutement dans la fonction publique ; naturellement, projet de loi de finances et projet de loi de financement de la sécurité sociale.
On constate toutefois que certains articles ont « sombré corps et biens » sans explication plausible. Ainsi en est-il de celui qui était relatif à l'établissement thermal d'Aix-les-Bains.
Certains articles retirés par le Gouvernement - je pense à l'article 4 - sont, en revanche, réapparus sous forme d'articles additionnels, en l'espèce l'article 2 ter. Le Conseil constitutionnel a en effet censuré la tentative de les introduire dans les deux textes financiers précités.
Enfin, l'article 11, portant abrogation de la loi Thomas, avait également été introduit dans la loi de financement avec votre approbation enthousiaste, madame la ministre. Mais son annulation par le Conseil apparaissait alors si certaine que vous aviez préféré ne pas le faire figurer parmi les vingt-deux articles retirés.
Comprenant diverses mesures d'ordre social, le présent projet de loi apparaît sous le titre quelque peu accrocheur de « projet de loi de modernisation sociale ».
Il est, à vrai dire, le deuxième du genre depuis 1997.
Le premier avait pour titre : « Projet de loi portant création d'une couverture maladie universelle ». Un titre additionnel, intitulé - déjà ! - « modernisation sanitaire et sociale » comportait trente-sept articles. Introduit en cours de navette, il complétait le dispositif des trente-cinq articles consacrés à la couverture maladie universelle.
On annonce pour le conseil des ministres de demain un troisième texte, intitulé cette fois plus modestement : « Projet de loi portant diverses dispositions d'ordre social ». Il comporte - excusez du peu ! - les dispositions législatives nécessaires à la mise en place de la nouvelle convention UNEDIC, l'Union nationale interprofessionnelle pour l'emploi dans l'industrie et le commerce, le statut du fonds de réserve, dont les mille milliards de francs doivent garantir l'avenir de nos retraites, et la ratification des 223 articles du code de la mutualité.
Ainsi, la réforme du code de la mutualité aura été l'objet d'un projet de loi d'habilitation déposé « à la hussarde », suivi d'un projet de loi de ratification examiné à la va-vite !
Telles étaient les quelques considérations que je tenais à vous livrer avant que nous abordions le contenu même du projet de loi.
Elles sont, en quelque sorte, résumées dans le dernier rapport public du Conseil d'Etat, auquel je me référais tout à l'heure.
Sa section sociale conclut un développement judicieux sur les « problèmes de méthodologie du travail législatif » en ces termes : « Le calendrier du travail gouvernemental et des débats parlementaires devrait à l'évidence être conçu de manière à éviter des enchevêtrements de procédures qui soit débouchent sur des incohérences législatives, soit requièrent des acteurs des prodiges d'imagination sur d'autres terrains que ceux où gagneraient à s'exercer à titre prioritaire leur rigueur et leur créativité ». Vos rapporteurs, mes chers collègues, ne sauraient mieux dire !
J'en viens maintenant à l'analyse du volet sanitaire du projet de loi de modernisation sociale, qui est constitué de quinze articles d'importance variable et généralement sans grand lien entre eux.
Le chapitre du titre Ier, intitulé « Etablissements et institutions de santé », comporte neuf articles après l'examen par l'Assemblée nationale.
Les articles 1er et 2 découlent de l'application du protocole d'accord du 14 mars 2000, conclu entre le Gouvernement et les organisations syndicales représentatives du personnel de la fonction publique hospitalière.
L'article 1er institue l'obligation, pour chaque établissement, de disposer d'un projet social inscrit dans le projet d'établissement.
L'article 2 ouvre le droit à un bilan de compétences à initiative individuelle, c'est-à-dire effectué à la demande de l'agent, pour les personnels de la fonction publique hospitalière.
L'article 2 bis fait bénéficier les personnes en rétention administrative du service public hospitalier pour les soins et la dispensation de médicaments.
Dans le même esprit, l'article 6 bis permet à toute personne gardée à vue sur le territoire français de bénéficier de l'aide médicale de l'Etat.
L'article 2 ter , relatif à l'Agence technique de l'information sur l'hospitalisation, est une « vieille connaissance », puisqu'il n'est autre que l'article 39 du projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui a été invalidé par le Conseil constitutionnel.
L'article 5 intègre l'Institution nationale des Invalides et les hôpitaux des armées au service public hospitalier.
L'article 6 dote le Laboratoire français du fractionnement et des biotechnologies, le LFB, d'un nouveau statut. Le statut actuel de cet établissement, celui d'un groupement d'intérêt public, devenant inadapté, le projet de loi prévoyait de transformer le LFB en une société anonyme dont l'Etat détiendrait plus de la moitié du capital social. L'Assemblée nationale a préféré le statut d'établissement public à caractère industriel ou commercial, EPIC.
La commission des affaires sociales propose d'accepter cette solution plus équilibrée, qui maintient le LFB sous une tutelle effective de l'Etat tout en lui offrant la possibilité de se développer, notamment au travers de ses filiales, qui pourront être des sociétés anonymes.
L'article 6 ter , introduit par l'Assemblée nationale, institue un examen médical et des tests psychotechniques lors de la journée d'appel de préparation à la défense, la JAPD.
Chacun comprend la préoccupation des auteurs de cet amendement. Ils ont souhaité que l'on profite d'une circonstance dans laquelle l'ensemble d'une classe d'âge est regroupée pour mettre en place un examen médical systématique comme il en existait un auparavant pour les hommes dans le cadre du service militaire.
J'avais, pour ma part, estimé que cet article soulevait cependant un certain nombre de difficultés, qui tenaient tant à la finalité de tels examens qu'aux moyens nécessaires à leur mise en oeuvre.
A l'issue d'un large débat, la commission des affaires sociales a souhaité le maintien de cette disposition, qu'elle a complétée par une information systématique des jeunes Français sur les questions de santé qui les concernent, notamment sur les pratiques addictives, les comportements à risque et la contraception.
L'article 6 quater reporte du 31 décembre 2002 au 31 décembre 2004 la date limite de vérification des compétences pour les aides-opératoires.
Vous vous souvenez, mes chers collègues, que l'article 38 de la loi du 27 juillet 1999 portant création d'une couverture maladie universelle a prévu que les aides-opératoires et les aides-instrumentistes peuvent accomplir des actes d'assistance auprès d'un praticien au cours d'une intervention chirurgicale lorsqu'ils ont exercé cette activité professionnelle depuis une durée au moins égale à six ans avant la publication de la loi et qu'ils ont satisfait, avant le 31 décembre 2002, à des épreuves de vérification des connaissances dans des conditions déterminées par décret en Conseil d'Etat.
Deux ans après le vote de la loi, force est de constater que le décret en Conseil d'Etat qui devait fixer le cadre de ces épreuves n'est encore pas paru. Les épreuves n'ont donc pas été organisées et la situation de ces personnels n'est toujours pas réglée.
L'article 6 quater introduit par l'Assemblée nationale, ne modifie en rien le dispositif prévu par la loi portant création de la couverture maladie universelle : les conditions de la régularisation et la population potentiellement concernée restent identiques. Il se borne à repousser au 31 décembre 2004 la date limite pour avoir satisfait aux épreuves de vérification des connaissances, ce qui n'a évidemment pas pour effet d'accroître la population concernée par cette mesure.
Aux yeux de la commission des affaires sociales, ce report de deux années supplémentaires n'apparaît pas justifié. Il reste en effet encore vingt mois avant l'échéance prévue par la loi, échéance fixée au 31 décembre 2002. Cela laisse un temps suffisant pour faire paraître le décret et organiser les épreuves, lesquelles ne requièrent pas de préparation particulière pour des professionnels qui exercent quotidiennement depuis au moins six ans.
En outre, la parution du décret n'a que trop tardé et risquerait d'être encore différée si l'échéance fixée par la loi était elle-même repoussée ! Il serait alors à craindre que cette régularisation ne voie jamais le jour, ce qui maintiendrait plusieurs milliers de personnes en situation d'exercice illégal de la profession d'infirmier.
La commission des affaires sociales proposera, par conséquent, de supprimer cet article.
Elle suggérera également d'insérer dans ce chapitre un article additionnel comportant des dispositions applicables aux syndicats interhospitaliers et ayant pour objet de procéder aux adaptations des textes législatifs rendues nécessaires par la mise en oeuvre des opérations de réorganisation de l'offre de soins.
J'en viens maintenant au chapitre IV du titre Ier, intitulé « Pratiques et études médicales », et constitué de six articles.
L'article 17, relatif à la réforme du troisième cycle des études médicales, constitue la disposition la plus importante du volet sanitaire de ce texte.
La réforme visée par cet article peut être résumée ainsi. L'accès au troisième cycle des études médicales sera désormais subordonné à la validation de la totalité des modules d'enseignement, c'est-à-dire à l'obtention du diplôme de fin de deuxième cycle.
Tous les étudiants voulant effectuer un troisième cycle d'études médicales devront se présenter aux épreuves de l'internat, désormais un examen national classant.
La médecine générale, qui devient une spécialité à part entière, sera donc soumise au même régime que les autres spécialités. La durée de la formation sera portée de deux ans et demi à trois ans. La médecine générale sera ainsi érigée au rang de discipline universitaire sanctionnée par un diplôme d'études spécialisées de médecine générale, ouvrant sur des postes de professeur d'université et de praticien hospitalier de médecine générale.
La commission des affaires sociales propose d'accepter le principe de cette réforme, qui comporte un double enjeu : donner à l'ensemble des médecins la meilleure formation possible et cesser de marginaliser les médecins généralistes en les sélectionnant par l'échec.
Le système actuel aboutit, qu'on le veuille ou non, à une dévalorisation de la médecine générale et à un amalgame, dans l'esprit de l'opinion publique, entre exercice spécialisé et compétence, voire qualité professionnelle.
Ce mécanisme pernicieux conduit, au sein du corps médical, à une sorte de schisme, dont nous mesurons quotidiennement les effets néfastes. Il n'est pas certain que la réforme proposée suffise à mettre fin à cette situation ; elle doit, cependant, pouvoir y contribuer.
L'article 16 institue un dispositif spécifique d'encadrement de certaines activités médicales à haut risque, telles la coelio-chirurgie ou le défibrillateur cardiaque implantable, afin d'en garantir la qualité et la sécurité.
L'article 17 bis intègre la pharmacie au sein des centres hospitaliers universitaires et l'article 17 quinquies permet aux chirurgiens-dentistes à diplôme étranger d'accéder au statut de praticien adjoint contractuel.
La commission des affaires sociales proposera d'insérer dans ce chapitre deux articles additionnels : l'un pour régler la situation des chirurgiens titulaires de l'ancien certificat d'université de chirurgie, l'autre pour instituer, dans le code de la santé publique, un volet relatif à la formation médicale continue des médecins.
J'évoquerai, pour conclure, l'article 28 sexies du projet de loi, introduit par l'Assemblée nationale, qui tend à protéger le médecin contre d'éventuelles sanctions disciplinaires qui résulteraient du simple fait du signalement des sévices qu'il a constatés sur un enfant.
La commission des affaires sociales souscrit naturellement au principe posé par cet article. Elle tient cependant à rappeler que, si le signalement de sévices ne peut en lui-même être reproché au médecin, les conditions dans lesquelles il l'a fait peuvent relever de la procédure disciplinaire, par exemple en cas d'affirmation non vérifiée sur l'auteur présumé ou de remise d'un certificat à l'un des parents plutôt qu'aux autorités mentionnées par le code pénal.
La rédaction adoptée par l'Assemblée nationale soulevant des difficultés juridiques, nous proposerons une rédaction plus précise qui se réfère explicitement aux signalements prévus par le code pénal.
Elle stipule que, lorsque des poursuites pénales sont engagées contre le médecin pour violation du secret professionnel ou pour toute autre infraction commise à l'occasion d'un signalement, l'instance disciplinaire, si elle est parallèlement saisie, doit surseoir à statuer jusqu'à la décision définitive de la juridiction pénale, et ce afin d'éviter toute contradiction dans l'appréciation des faits.
Telles sont, madame la ministre, madame, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les principales remarques que je souhaitais formuler au nom de la commission des affaires sociales. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE).
M. le président. La parole est à M. Seillier, rapporteur.
M. Bernard Seillier, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, madame, monsieur les secrétaires d'Etat, mes chers collègues, l'extrême diversité des dispositions de ce projet de loi rend difficile, sinon impossible, toute tentative de synthèse tendant à mettre en évidence des lignes directrices structurant l'ensemble du dispositif soumis à l'examen du Sénat.
Les dispositions des chapitres II, III et V du titre Ier, que j'ai aujourd'hui l'honneur de vous présenter, peuvent néanmoins être regroupées en trois catégories principales : premièrement, les dispositions concernant notre protection sociale, plus particulièrement certains de ses régimes, tel celui de la mutualité sociale agricole ; deuxièmement, les dispositions visant à améliorer la vie quotidienne et l'accueil familial des handicapés ; troisièmement, les dispositions relatives aux Français vivant hors de France.
S'agissant, tout d'abord, des dispositions du projet de loi relatives à notre protection sociale, l'article 10, qui modifie le mode d'élection des délégués et des administrateurs de la mutualité sociale agricole, soulève une polémique bien inutile dans un contexte rural particulièrement difficile actuellement.
Cet article prétend instaurer la « parité » dans le régime agricole. Or, la mutualité sociale agricole - et c'est l'une de ses richesses - est constituée de trois collèges : un collège d'exploitants indépendants, qui constitue la « colonne vertébrale » du régime, un collège de salariés agricoles et un collège d'employeurs de main-d'oeuvre.
La notion de parité n'aurait de sens qu'en comparant les deuxième et troisième collèges ; il serait alors aisé de se rendre compte que le régime est d'ores et déjà dans une situation « surparitaire », puisque le nombre d'administrateurs salariés est plus important que le nombre des administrateurs employeurs de main-d'oeuvre dans le conseil d'administration des caisses.
La commission des affaires sociales du Sénat ne souhaite pas contribuer à diviser le monde rural. Elle proposera donc d'augmenter le nombre d'administrateurs salariés et le nombre d'employeurs de main-d'oeuvre et d'aboutir à une « représentation » unique, que ce soit pour les caisses départementales, pour les caisses pluridépartementales et pour la caisse centrale, à raison de neuf administrateurs pour le premier collège, douze administrateurs pour le deuxième collège et six administrateurs pour le troisième collège.
Par ailleurs, la commission souhaite mettre fin à un mécanisme d'incompatibilités et d'inéligibilités qui n'est pas adapté au régime agricole.
Enfin, parce que le régime de protection sociale agricole a, lui aussi, besoin d'une « modernisation sociale », elle proposera une série d'amendements visant à insérer des articles additionnels.
Ces amendements sont, pour la plupart, des amendements de rectification ou de « toilettage » du code rural.
D'autres amendements tentent de répondre à des situation de crise : l'un d'entre eux, par exemple, aura pour objet l'étalement, sur sept ans, de la prise en compte de l'indemnité ESB - encéphalopathie spongiforme bovine - pour le calcul des cotisations sociales.
En ce qui concerne l'article 11, visant à abroger la loi du 25 mars 1997 créant des plans d'épargne retraite, la commission a déploré que le Gouvernement se soit laissé séduire par les sirènes de l'idéologie. Au-delà de l'abrogation de la loi Thomas - maintes fois annoncée, souvent repoussée, enfin proposée - le bilan de l'action du Gouvernement à la fois pour sauvegarder les régimes de retraite par répartition et pour mettre en place un troisième étage facultatif d'épargne retraite est, à proprement parler, depuis le vote de cette loi Thomas, proche de zéro.
En outre, la commission ne voit pas en quoi l'abrogation d'une loi restée virtuelle, faute de décrets d'application, permettra de « conforter les régimes de retraite par répartition ». Elle vous proposera donc, mes chers collègues, de supprimer cet article 11.
Il convient de rappeler, à ce sujet, que le fonds de réserve, qui en tout état de cause ne peut être la réponse unique au problème du financement des retraites, est « spolié » pour financer les 35 heures et l'allocation personnalisée d'autonomie.
L'article 11 bis , qui a pour objet de régler aux dépens du fonds de solidarité vieillesse le différend entre l'Etat et les régimes complémentaires vieillesse, contribue à brouiller encore davantage les finances sociales. Pour cette raison, la commission en proposera également la suppression.
En ce qui concerne les dispositions relatives aux handicapés, l'article 28 ter du projet de loi, qui vise à assouplir les règles régissant l'accès aux places de stationnement aménagées, risque de compliquer la tâche des maires : les places de stationnement seraient ainsi réservées non seulement aux personnes titulaires de la carte d'invalidité « invalides à plus de 80 % » et aux titulaires de la carte « station debout pénible », mais également, sur autorisation donnée par le maire, à toute personne produisant un certificat médical constatant une « limitation importante mais temporaire de mobilité ».
Cette dernière possibilité soulève diverses interrogations : d'abord, parce qu'elle risque de conduire à des pratiques difficilement contrôlables, comme le soulignent les associations de handicapés elles-mêmes ; mais aussi parce qu'elle tend à reporter sur les services municipaux les conséquences des carences observées dans la délivrance des cartes d'invalidité par les COTOREP, les commissions techniques d'orientation et de reclassement professionnel.
La commission proposera donc de supprimer cette charge nouvelle incombant aux maires.
L'innovation qui nous était ainsi proposée semblait, en tout état de cause, dérisoire par rapport à la préoccupation que ressentent les personnes handicapées à propos du caractère injuste des mesures qui leur sont appliquées en matière de récupération sur succession de l'aide sociale, notamment de l'allocation compensatrice pour tierce personne.
M. Bernard Murat. C'est un vrai scandale !
M. Bernard Seillier, rapporteur. Le dispositif actuel ne permet pas aux parents qui le souhaitent d'assurer l'avenir de leurs enfants handicapés et, de surcroît, il est inéquitable en matière de succession des personnes handicapées.
J'ai reçu, voilà une heure, une délégation qui conduisait une manifestation de près de deux cents personnes devant le Sénat. Ceux qui la composaient m'ont fait part de leur vive émotion et du sentiment d'injustice qu'ils ressentaient.
Cette injustice ne peut qu'être aggravée par le fait que le Gouvernement vient d'accepter à l'Assemblée nationale une disposition qui revient à supprimer toute forme de récupération sur l'allocation personnalisée d'autonomie. Il me semble d'ailleurs que le Gouvernement aurait été bien inspiré en traitant le problème général avant les questions particulières et en réformant le dispositif de récupération de l'aide sociale sur les personnes âgées et handicapées avant d'innover sur le dispositif de la future allocation personnalisée d'autonomie.
Des amendements émanant de divers groupes de notre assemblée prévoient de réelles avancées sur la question. Nous aurons donc l'occasion d'approfondir ensemble ce problème, madame le ministre.
Une autre difficulté est soulevée à l'article 14, qui modifie la loi du 10 juillet 1989 sur l'accueil familial par des personnes agréées de personnes âgées ou handicapées. Un amendement a supprimé la disposition introduite en 1989, aux termes de laquelle le contrat entre l'accueillant familial et la personne accueillie ne doit pas être considéré comme un contrat de travail. Les associations d'accueillants familiaux souhaitent, bien évidemment, une professionnalisation de leur activité. Il me semble que le projet de loi leur apporte, à ce sujet, des garanties nouvelles en ce qui concerne tant les congés annuels que leur niveau de rémunération.
La commission proposera de reconnaître les formules qui ont déjà été mises en place à titre expérimental et qui permettent à une institution sociale et médico-sociale de devenir, avec l'accord du département, l'employeur d'une ou de plusieurs familles accueillantes dans le cadre du code du travail.
J'évoquerai, enfin, les dispositions du projet de loi concernant les Français vivant hors de France.
L'article 8 apporte diverses précisions utiles aux règles de fonctionnement de la caisse des Français de l'étranger, qui gère la protection sociale volontaire de nos compatriotes expatriés. Outre la définition de règles de gestion plus rigoureuses, cet article prévoit un dispositif d'aide en faveur des Français expatriés disposant de ressources modestes, afin de leur permettre de s'affilier à la caisse des Français de l'étranger.
La commission souscrit totalement aux priorités définies dans cet article et, en plein accord avec notre éminent collègue M. Jean-Pierre Cantegrit, président de cette caisse, elle proposera plusieurs amendements destinés à donner à cette caisse les moyens d'exercer dans de meilleures conditions son importante mission.
Par ailleurs, l'article 8 bis met fin au caractère obligatoire de la double cotisation de retraite à laquelle étaient jusqu'alors astreints les fonctionnaires français détachés à l'étranger. En effet, ces fonctionnaires doivent actuellement cotiser, d'une part, auprès de leur régime français de retraite et, d'autre part, auprès du régime de retraite de leur pays d'accueil, et ce sans pouvoir cumuler les deux pensions correspondantes. L'article 8 bis dispose donc que, pendant leur période de détachement à l'étranger, les fonctionnaires concernés ne seront plus obligatoirement affiliés à leur régime français de retraite. Ils pourront toutefois demander à conserver cette affiliation, s'ils le souhaitent.
Le dispositif défini par l'article 8 bis du projet de loi représente ainsi un progrès certain par rapport au droit actuellement en vigueur, même s'il ne permet toujours pas aux intéressés de cumuler, sans plafond ni abattement, leurs pensions française et étrangère.
Telles sont, monsieur le président, madame la ministre, madame, monsieur les secrétaires d'Etat, mes chers collègues, les principales observations de la commission sur les chapitres II, III et V du titre Ier du projet de loi de modernisation sociale. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Gournac, rapporteur.
M. Alain Gournac, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, madame, monsieur les secrétaires d'Etat, mes chers collègues, l'intitulé du projet de loi que nous examinons aujourd'hui est trompeur. Contrairement à une idée de bon sens, « moderniser » notre législation sociale ne signifierait pas simplifier le code du travail, clarifier la loi, ou encore promouvoir le rôle des partenaires sociaux.
M. Jacques Legendre. Effectivement !
M. Alain Gournac, rapporteur. Car, en dépit de son intitulé, le projet de loi proposé par le Gouvernement et adopté par l'Assemblée nationale multiplie les dispositions d'ordre public, accroît les sanctions pénales et réduit le rôle des partenaires sociaux.
M. Xavier Darcos. En effet !
M. Alain Gournac, rapporteur. Comme si les amendements adoptés à l'Assemblée nationale, quelquefois contre l'avis du Gouvernement, ne suffisaient pas, ce dernier a cru bon de préparer une nouvelle salve de dispositions.
Lors de la discussion des articles, nous reviendrons, bien entendu, plus largement sur ces amendements présentés ce matin à l'Assemblée nationale. Cependant, la commission des affaires sociales souhaite d'ores et déjà exprimer sa plus vive préoccupation face à ce qu'elle considère comme une gesticulation législative. (Très bien ! sur plusieurs travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Claude Estier. Pour ce qui est de la gesticulation, vous êtes bien placé !
M. Guy Fischer. C'est une gesticulation verbale !
M. Alain Gournac, rapporteur. Alors que le projet de loi de modernisation sociale a été déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale le 24 mai 2000 et discuté le 11 janvier 2001 en première lecture, il aura en effet fallu attendre cet après-midi pour prendre connaissance de dispositions qui en bouleversent complètement la physionomie.
M. André Maman. Très bien !
M. Alain Gournac, rapporteur. Curieuse façon de légiférer que celle qui consiste à examiner dans l'urgence des textes préparés dans la précipitation pour répondre à une dégradation brutale du climat social !
M. Serge Vinçon. C'est vrai !
M. Alain Gournac, rapporteur. Notre commission ne pouvait accepter une telle situation sans réagir. C'est pourquoi nous avons souhaité vous auditionner cet après-midi dans l'urgence, madame le ministre.
Deux questions nous semblaient particulièrement importantes : comment se fait-il que le Gouvernement n'ait pas encore déposé les amendements tant annoncés alors que débute la discussion au Sénat et que signifie le fait qu'il ait renoncé à demander l'urgence ?
D'ailleurs, mes chers collègues, à cet instant, alors que je m'exprime devant vous, je ne connais toujours pas les amendements du Gouvernement. Nous devions les recevoir cet après-midi ; je n'ai toujours rien !
M. Louis de Broissia. On les recevra le 1er mai ! (Sourires.)
M. Alain Gournac, rapporteur. Vous venez, madame le ministre, de vous exprimer sur ces deux points devant la commission des affaires sociales.
Tout d'abord, vous nous avez expliqué que, compte tenu de l'importance de ces amendements, il convenait de laisser plus de temps à la discussion parlementaire. Vous avez également souligné la nécessité d'éviter tout problème constitutionnel. Vous avez aussi insisté sur votre souhait de consulter les partenaires sociaux.
Que penser de ces explications ? Elles paraissent pour le moins confuses. Certains amendements seront déposés au Sénat, d'autres à l'Assemblée nationale. Il devient évident que le Gouvernement n'est pas prêt et que certains arbitrages soulèvent sans doute des difficultés.
Je ne serais pas étonné d'apprendre que le ministre des finances ne regarde pas votre démarche d'un bon oeil.
Par ailleurs, votre souhait de consulter les partenaires sociaux est bien tardif et ne trompera personne.
M. Raymond Courrière. Vous dites n'importe quoi !
M. Alain Gournac, rapporteur. Il est évident que vous préférez informer les partenaires sociaux plutôt que de les consulter. Là encore, entre l'Etat et les entreprises, on constate qu'il y a deux poids deux mesures quand il s'agit des relations avec les partenaires sociaux.
M. Raymond Courrière. Et vous, que proposez-vous ?
M. Alain Gournac, rapporteur. En tout cas, ce nouveau revirement ne fait que confirmer l'impression de précipitation dans la rédaction de ces nouveaux amendements,...
M. Jacques Legendre. Eh oui !
M. Alain Gournac, rapporteur. ... et donc l'impréparation du Gouvernement.
Gouverner, c'est prévoir,...
M. Raymond Courrière. Comme Juppé !
M. Alain Gournac, rapporteur. ... a-t-on coutume de dire.
M. Claude Estier. Vous êtes bien placé pour le dire !
M. Alain Gournac, rapporteur. Or, force est de constater que le Gouvernement n'avait pas prévu cette cascade de plans sociaux.
M. Claude Estier. Et vous, vous n'aviez pas prévu la dissolution non plus !
M. Alain Gournac, rapporteur. Danone, Marks & Spencer aujourd'hui,...
M. Raymond Courrière. Faites-nous des propositions !
M. Alain Gournac, rapporteur. ... Moulinex et AOM-Air Liberté peut-être demain, le Gouvernement n'a pas pu et n'a pas su résister à la pression.
M. Henri Weber. Gouverner, c'est dissoudre !
M. Alain Gournac, rapporteur. Plus grave, il n'a pas désavoué les appels au boycott lancés contre les produits Danone, au risque de menacer un peu plus encore les emplois,...
M. Claude Estier. Vous, vous pédalez dans le yaourt !
M. Alain Gournac, rapporteur. ... ce qui ne constitue pas, vous en conviendrez, madame le ministre, une attitude très responsable.
Que fallait-il faire, pourriez-vous me demander ?
M. Raymond Courrière. On voudrait en effet savoir ce que, selon vous, il fallait faire !
M. Alain Gournac, rapporteur. Je réponds qu'il convenait tout d'abord de s'interroger sur les causes profondes de ces restructurations.
M. Claude Estier. Vous êtes ridicule !
M. Alain Gournac, rapporteur. La mondialisation, qui s'impose comme une réalité, le marché unique européen et l'introduction de l'euro modifient considérablement la donne pour les entreprises.
Comme si cela ne suffisait pas, nos entreprises, en particulier les plus petites, sont confrontées à des handicaps spécifiques comme la réduction autoritaire du temps de travail, une réglementation du droit du travail toujours plus complexe et source d'insécurité juridique, ainsi que des impôts sensiblement plus élevés que chez nos voisins européens.
M. Henri Weber. C'est pour ces raisons qu'elles embauchent !
M. Louis Souvet. Cela ne va pas durer !
M. Alain Gournac, rapporteur. Faut-il, dans ces conditions, reprocher aux entreprises de se réorganiser pour préparer l'avenir ?
N'est-il pas, au contraire, salutaire que les chefs d'entreprise cherchent à anticiper pour éviter des restructurations de la dernière chance, plus dramatiques encore, comme celles que nous avons connues dans la sidérurgie, le secteur textile ou les chantiers navals ?
Que reproche-t-on à Danone exactement ? Le plan social qui est en voie de préparation est, à maints égards, exemplaire. (Ah ! sur les travées socialistes.)
Il l'est tout d'abord sur la forme, puisque la direction de l'entreprise a respecté scrupuleusement toutes les étapes et les procédures prévues par le code du travail, notamment celles qui sont relatives à l'information des représentants du personnel.
Le plan social est également exemplaire sur le fond. Vous proposez aujourd'hui de porter de un dixième à deux dixièmes du salaire mensuel par année d'ancienneté l'indemnité minimale de licenciement. Mais savez-vous que Danone a prévu une indemnité quatre à cinq fois supérieure à celle que vous proposez ?
M. Henri Weber. Ce n'est pas une loi Danone !
M. Alain Gournac, rapporteur. Le projet de loi comprend par ailleurs des dispositions visant à favoriser le reclassement. Mais, là aussi, Danone va plus loin en prenant l'engagement de proposer à chaque salarié trois offres de reclassement, dont une à l'intérieur du groupe et deux autres dans le même bassin d'emplois.
M. Raymond Courrière. C'est le chargé des relations publiques de Riboud !
M. Alain Gournac, rapporteur. Nous le voyons, il existe un fort décalage entre vos propositions et la réalité. Vous donnez malheureusement l'impression de privilégier les demandes de votre majorité par rapport à vos responsabilités, lesquelles auraient dû vous inciter à tenir un discours plus constructif, insistant en particulier sur la nécessité de favoriser l'« employabilité » des salariés et la suppression des freins à l'embauche.
Au lieu de cela, vous nous proposez d'examiner aujourd'hui des dispositions qui, vous le savez, ne satisferont pas vos partenaires les plus radicaux, pour qui seule l'interdiction des licenciements ou, à défaut, un moratoire constituent une réponse acceptable.
Or, madame le ministre, comme vous l'avez plusieurs fois déclaré, notamment au Sénat, le Gouvernement se refuse à interdire les licenciements, ce qu'il serait bien en peine de mettre en oeuvre d'ailleurs.
Dans ces conditions, que signifient ces articles du projet de loi et ces nouveaux amendements qui prévoient un renchérissement du coût des licenciements et un accroissement supplémentaire des contrôles de l'administration ? Ils n'empêcheront pas les licenciements. Ils pourraient même les aggraver et porter le coup de grâce à des entreprises déjà en difficulté. Ce faisant, le Gouvernement aura substitué des faillites à des restructurations.
Vous proposez de renforcer l'information des salariés et des représentants du personnel, ce qui est souhaitable. Mais, là encore, comment expliquez-vous que les partenaires sociaux n'aient pas été associés à la préparation de ces amendements, alors qu'ils les concernent au premier chef ? Une nouvelle fois, vous nous donnez un exemple du peu de considération dans lequel vous tenez les partenaires sociaux.
En fait, votre démarche traduit votre impuissance. J'en veux pour preuve, par exemple, l'incapacité qui fut la vôtre pendant la présidence française de l'Union européenne à convaincre Tony Blair d'adopter le projet de directive relative à l'information et à la consultation des travailleurs. Manifestement, même un gouvernement qui vous est proche, comme le gouvernement britannique, nourrit de fortes réticences face à votre façon d'agir, qui fait toujours primer la brutalité législative sur la négociation et les effets d'annonce sur l'efficacité.
Néanmoins, et contrairement à ce que vous avez déclaré encore ce matin, le Sénat examinera avec la plus grande attention vos amendements, comme il l'a fait pour l'ensemble du texte.
La commission des affaires sociales a déjà donné son avis sur les dispositions du projet de loi. Bien sûr, il ne lui sera pas possible de vous suivre concernant l'obligation de conclure un accord sur les 35 heures avant d'envisager des licenciements, sur la multiplication des sanctions pénales ou encore sur l'examen du plan social au regard des moyens réels ou supposés de l'entreprise.
Pour autant, la commission des affaires sociales proposera au Sénat d'importants amendements tendant à renforcer le droit d'information des salariés lors des annonces au public, tout en tenant compte des contraintes que rencontrent les entreprises, notamment en matière de réglementation boursière.
Au-delà du volet consacré aux plans sociaux, la commission des affaires sociales a aussi souhaité proposer d'importants amendements consacrés à la lutte contre le harcèlement moral et à l'avenir des emplois-jeunes.
Concernant le premier point, qui est important, je rappellerai que l'Assemblée nationale, en première lecture, a introduit deux articles sur l'initiative du groupe communiste. C'est un sujet grave, qui touche à la dignité de la personne. Il importe donc de l'examiner avec la plus grande attention et la plus extrême vigilance.
Le harcèlement moral est, pour le moins, une réalité inquiétante. Il se manifeste par une dégradation délibérée des conditions de travail, qui peut prendre des formes très diverses, mais toujours répétées : brimades, vexations, pressions, mises à l'écart, menaces ou ignorance pure et simple. Ses conséquences peuvent être, dans certains cas, extrêmes : la dépression ou le suicide.
Mais le harcèlement reste un phénomène complexe. On ne peut l'assimiler au stress ou aux tensions relationnelles qui existent dans l'univers professionnel. Il est plutôt la manifestation d'un comportement délibéré et pervers, d'ailleurs souvent collectif, visant à briser un individu pour des motifs les plus divers. C'est sans doute pourquoi il est difficile à quantifier.
Aussi, ce phénomène, malgré toutes les incertitudes qui l'entourent, n'en demeure pas moins une réalité. Le législateur ne peut donc l'ignorer.
Faut-il pour autant légiférer en la matière ?
Le droit existant permet déjà, en effet, de prendre en compte, de manière relativement satisfaisante, les cas de harcèlement moral pour punir les coupables et pour indemniser les victimes, comme en témoigne une jurisprudence de plus en plus dense en la matière.
Il n'en reste pas moins qu'une réponse législative me paraît aujourd'hui indispensable. J'ai en effet la conviction que le législateur doit exprimer un signal fort contre ces agissements condamnables, sans toutefois verser dans l'amalgame. Il doit donc définir un cadre juridique strict, offrant une base légale solide à une jurisprudence encore peu homogène.
La commission des affaires sociales a, par conséquent, souhaité compléter le dispositif très lacunaire adopté par l'Assemblée nationale pour tenter de mettre en place une législation cohérente en la matière.
Pour ce faire, j'ai examiné avec beaucoup d'attention les différentes propositions déjà formulées, souvent très riches et extrêmement intéressantes. Je pense notamment à l'avis de la commission nationale consultative des droits de l'homme, à l'enquête de l'association nationale des directeurs et cadres de la fonction personnel, au récent avis du Conseil économique et social présenté par M. Michel Debout, ainsi qu'à la proposition de loi déposée par nos collègues du groupe communiste républicain et citoyen.
Il me semble en effet que, sur un sujet aussi grave, l'intervention du législateur doit reposer sur le consensus le plus large. C'est là le sens de la démarche de la commission des affaires sociales du Sénat.
Les propositions d'amendement de la commission s'articulent autour de quatre idées centrales.
Premièrement, il faut retenir une définition du harcèlement moral permettant de l'appréhender sous toutes ses formes. Cela doit recouvrir le harcèlement non seulement par la hiérarchie, mais aussi par les collègues, voire les subordonnés, car le harcèlement ne naît pas toujours d'un abus d'autorité.
Deuxièmement, le harcèlement moral concerne tous les univers professionnels. Le projet de loi doit donc également viser la fonction publique je viens d'ailleurs de constater, madame le ministre, en vous écoutant, que vous reprenez la proposition que j'avais présentée en commission des affaires sociales. J'en suis très heureux, car c'est, à mon avis, important.
Simplement, voilà quelques jours, vous avez indiqué devant le Conseil économique et social que le secteur public représente aujourd'hui environ un tiers des cas de harcèlement moral signalés. Pour ma part, je dispose des conclusions d'autres études, qui sont encore plus inquiétantes.
Troisièmement, la lutte contre le harcèlement moral exige avant tout un développement de la prévention. Il faut donc chercher à engager un réel dialogue, sur le terrain, avec tous les acteurs concernés : syndicats, comités d'entreprise, employeurs, médecins du travail, ainsi que comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail.
Enfin, les difficultés rencontrées par les victimes pour établir devant le juge l'existence du harcèlement appellent, selon moi, un aménagement de la charge de la preuve.
En revanche, une nouvelle législation sur le harcèlement moral doit éviter deux écueils.
Le premier est celui d'une médicalisation excessive. Le médecin du travail a certes son rôle à jouer. Il doit pouvoir détecter les situations pathogènes. Aux partenaires sociaux, ensuite, de prendre leurs responsabilités pour mettre en oeuvre les solutions préconisées. C'est pourquoi il ne me semble pas pertinent de reconnaître le harcèlement moral comme une maladie professionnelle. Le Conseil économique et social, tout en y étant favorable, a souligné avec justesse les difficultés pratiques d'une telle reconnaissance. En outre, celle-ci ne manquerait pas de soulever une importante question de principe. Cela contribuerait à faire du harcèlement une responsabilité collective de l'entreprise et conduirait alors à une exonération de fait de la responsabilité personnelle des auteurs. Ce n'est, à l'évidence, pas souhaitable.
Le second écueil est celui d'une judiciarisation poussée à l'extrême.
C'est pourquoi il ne me semble pas raisonnable d'envisager l'introduction d'une nouvelle sanction pénale spécifique. Il existe déjà, dans le nouveau code pénal, des incriminations qui peuvent utilement être retenues en matière de harcèlement moral. Je pense notamment aux dispositions relatives à l'intégrité physique ou psychique de la personne, à celles qui traitent de la mise en danger d'autrui ou à celles qui concernent les atteintes à la dignité de la personne.
La commission des affaires sociales a, enfin, souhaité introduire dans ce projet de loi un nouveau volet sur les emplois-jeunes.
En octobre dernier, la commission a publié un rapport d'information sur le bilan des emplois-jeunes. L'un des principaux enseignements de ce rapport est sans conteste l'inquiétude des jeunes concernés s'agissant de leur avenir professionnel. Aussi avions-nous tenu à formuler un certain nombre de propositions visant à assurer une réelle professionnalisation des jeunes et à mettre en oeuvre des pistes pour « une sortie en bon ordre ».
A la même époque, le Gouvernement annonçait l'imminence de décisions sur la pérennisation des emplois-jeunes. Pourtant, depuis lors, rien n'a été fait, malgré l'inquiétude grandissante des jeunes et de leurs employeurs.
Il me semble pourtant irresponsable d'attendre les échéances, c'est-à-dire la fin des aides publiques, pour se préoccuper de l'avenir professionnel des jeunes, et notamment de ceux pour lesquels les perspectives de pérennisation du poste sont les plus faibles.
Voilà pourquoi la commission des affaires sociales a tenu à faire ici des propositions.
Le dispositif d'amendements qui est proposé se veut simple et concret. Il vise à apporter des solutions pratiques à l'inquiétude des jeunes. Il repose sur quatre propositions.
Il s'agit, d'abord, d'instituer une « prime dégressive » à l'embauche d'emplois-jeunes par les entreprises.
Il s'agit, ensuite, de généraliser le tutorat. Hier, j'ai appris que l'on mettait à la retraite des personnes de 55 ans. Il y a là des possibilités formidables d'aider les jeunes à démarrer dans la vie professionnelle, car ces personnels ont acquis une longue expérience de la vie en entreprise. Ils pourraient apporter une aide précieuse. Le terme « tuteur » n'est peut-être pas le bon, parce que tout le monde ne peut pas être suivi par un tuteur, mais vous voyez très bien ce que je veux dire, madame la ministre. Il faut soutenir les jeunes non pas simplement en leur proposant des emplois aidés, mais en leur permettant de se frotter à la réalité de l'entreprise.
Il s'agit, en outre, de limiter les rotations abusives d'emplois-jeunes sur un même poste, pour assurer une réelle professionnalisation.
Il s'agit, enfin, de mettre en place une évaluation du dispositif au plus près du terrain pour étudier les perspectives de solvabilisation des postes créés.
Ces propositions très pragmatiques, si elles devaient être adoptées, permettraient sans conteste aux emplois-jeunes d'envisager l'avenir avec plus de sérénité. C'est bien là notre responsabilité.
Mes chers collègues, ce projet de loi de modernisation sociale doit retrouver sa vocation. C'est pourquoi, après vous avoir proposé de supprimer ou d'amender de façon significative les dispositions ayant pour objet de « rigidifier » inutilement le droit du travail, la commission des affaires sociales vous invitera à adopter le volet « droit du travail » du présent projet de loi, afin, en particulier, de faire progresser la législation sur trois points qui lui semblent importants : la réglementation des annonces au public, le harcèlement moral et les emplois-jeunes. Autant de sujets sur lesquels les apports de la commission devraient permettre d'enrichir le débat. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Annick Bocandé, rapporteur.
Mme Annick Bocandé, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, madame, monsieur les secrétaires d'Etat, mes chers collègues, le projet de loi de modernisation sociale comporte un important volet sur la formation professionnel.
Ce volet est important quantitativement puisque dix-huit articles y sont consacrés, dont douze ont été introduits à l'Assemblée nationale. Il est important qualitativement, car il apporte quelques aménagements significatifs à notre système de formation professionnelle.
Certes, il ne s'agit pas de la grande réforme, tant de fois annoncée, tant de fois reportée, d'un dispositif qui date pour l'essentiel de 1971. Le Gouvernement a ainsi renoncé à légiférer sur « le nouveau droit à la formation tout au long de la vie » que vous évoquez, madame la secrétaire d'état, depuis votre arrivée au Gouvernement.
A ce propos, je me félicite que le Gouvernement n'ait pas choisi d'empiéter sur le champ de compétences des partenaires sociaux, champ traditionnellement large en ce domaine. Les dispositions qui nous sont ici soumises sont donc largement déconnectées de l'actuelle et importante négociation nationale interprofessionnelle sur la formation professionnelle lancée en décembre dernier dans le cadre de la refondation sociale.
Je me félicite également qu'avec ce projet de loi le Gouvernement semble rompre enfin avec sa vision strictement gestionnaire de la formation professionnelle. Sa politique en la matière s'est, en quatre années, limitée à une succession de mesures que j'ai pu qualifier de « malthusiennes ». Depuis 1997 se succédent en effet, avec une régularité remarquable, des réductions des aides aux formations en alternance et des ponctions répétées sur les fonds de la formation professionnelle.
Le présent projet de loi, qui est plus constructif, aborde trois sujets : la validation des acquis de l'expérience ; le financement de l'apprentissage ; l'offre de la formation.
La commission des affaires sociales s'inscrira, à son tour, dans cette démarche constructive et cherchera à enrichir un texte, certes intéressant, mais encore largement virtuel et parfois ambigu.
La validation des acquis est incontestablement le volet le plus médiatisé. Ce n'est pas infondé. Je connais les difficultés que vous avez rencontrées, madame la secrétaire d'Etat, pour préparer ce projet de loi. Je tiens à rendre hommage à votre pugnacité, qui permet au Parlement d'examiner aujourd'hui ce volet.
Je rappellerai qu'aujourd'hui près d'un tiers de la population active a un niveau de formation inférieur au CAP. Cela ne signifie pas pour autant que ces personnes n'ont pas de compétences professionnelles. Cela signifie simplement que les compétences qu'elles ont pu acquérir tout au long de leur vie professionnelle n'ont pas été reconnues et ne se sont pas traduites par une élévation de leur niveau de qualification. Une meilleure reconnaissance des compétences professionnelles devient pourtant indispensable.
En ce qui concerne les salariés, ils sont confrontés à des carrières de moins en moins linéaires, mais ils sont aussi souvent demandeurs de mobilité professionnelle ou de parcours diversifiés. D'ores et déjà, 20 % des salariés changent d'entreprise tous les cinq ans. Il devient donc indispensable d'assurer une adaptation permanente de leurs qualifications et de leurs compétences aux évolutions du monde du travail.
Pour ce qui est des entreprises, dans un environnement marqué par l'irruption de nouvelles technologies et par la nécessité de « coller » en permanence aux demandes sans cesse mouvantes des marchés, l'homme tendra de plus en plus à devenir leur premier capital. Il leur appartient donc d'inventer de nouveaux modes de gestion fondés sur le développement et la mobilisation des compétences.
C'est dans ce contexte qu'il importe de replacer la validation des acquis professionnels. C'est pourquoi la commission des affaires sociales ne peut que souscrire à la démarche générale du Gouvernement en ce domaine. Elle y souscrit d'autant plus facilement que les auteurs du projet de loi se contentent de reprendre largement les propositions du rapport rédigé par Michel de Virville, en 1996, à la demande de Jacques Barrot, alors ministre des affaires sociales.
Certes, il existe déjà des possibilités de validation, mais celles-ci restent très restrictives, ce qui explique leur bilan pour le moins décevant. Le dispositif proposé est plus ambitieux ; il repose sur une double logique.
Tout d'abord, il institue un droit à la validation des acquis professionnels pour toute personne engagée dans la vie active depuis au moins trois ans, lui permettant d'obtenir, en tout ou partie, un diplôme ou un titre. La décision d'attribuer ou non le titre, en totalité ou seulement en partie, sera prise par un jury constitué à cet effet. Dès lors, il est posé clairement dans le projet de loi que l'obtention d'un titre peut passer par deux voies différentes : soit par la formation initiale, soit par la reconnaissance des compétences professionnelles. C'est une innovation importante. En ce sens, la validation est donc moins un dispositif de formation qu'un moyen de certification des compétences.
Mais le projet de loi prévoit également une refonte de notre système de certification professionnelle. Celui-ci se caractérise en effet par un foisonnement de titres très divers. On estime aujourd'hui qu'il existe environ 4 600 diplômes, titres ou certifications à finalité professionnelle, dont 1 600 seraient « actifs ». Or la durée de vie moyenne d'un titre est courte : elle serait d'environ dix ans.
On comprend bien cette tendance à la prolifération et à la volatilité des titres. Elle s'inscrit dans notre tradition bien française de valorisation, voire de survalorisation, des diplômes. Elle vise aussi à s'adapter aux évolutions du monde du travail. Mais la lisibilité du système devient alors très faible, notamment pour les candidats à la validation.
Le projet de loi prévoit donc de créer un répertoire national des certifications professionnelles qui serait géré par une commission au sein de laquelle siègeraient les partenaires sociaux. Il s'agit, selon votre propre expression, madame la secrétaire d'Etat, d'« ordonner le maquis » des certifications.
Je partage largement le souci qui préside à cette réforme de la validation et de la certification. J'estime cependant nécessaire de la préciser et de l'encadrer sur certains points pour en affermir la portée. Je rejoins là l'excellente analyse de notre collègue Jacques Legendre, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles.
Il importe, d'abord, que la possibilité de validation soit réellement ouverte à tous. Aussi est-il nécessaire de lever certaines ambiguïtés de la rédaction actuelle. Je pense notamment aux conjoints d'artisans et de commerçants, voire d'agriculteurs, qui doivent être l'un des « coeurs de cible » de la validation. Toutefois, cette large ouverture doit avoir pour corollaire une indispensable rigueur. La validation ne doit, en effet, pouvoir sanctionner que de véritables acquis : l'expérience professionnelle du candidat doit être réelle et ses compétences doivent être avérées.
Il importe, ensuite, et surtout, d'assurer la proximité de ces dispositifs de validation et de certification avec les exigences du monde professionnel.
S'agissant de la validation, cela suppose que les jurys de validation soient largement composés de professionnels. Cela suppose également que les épreuves de validation soient adaptées en conséquence. Il convient ainsi de favoriser le plus possible les mises en situation de travail, réelles ou reconstituées. Ce sont autant de conditions nécessaires à la qualité de la validation, qui ne doit en aucun cas devenir une délivrance de diplômes « au rabais ».
Pour ce qui est de la certification, il ne faut pas que le souci de rationalisation d'un système désormais très opaque débouche sur une « étatisation » de la certification professionnelle. Il importe que les titres créés par les branches professionnelles, les organismes consulaires et les organismes privés conservent leur souplesse et leur spécificité. C'est pourquoi il faut accorder une extrême vigilance à la procédure d'enregistrement des titres dans le répertoire national et à la composition de la commission de certification.
Sous réserve de ces observations, ce volet du texte me paraît, en définitive, constructif. Mais il faut garder à l'esprit que le projet de loi se contente de fixer un cadre. Il reviendra donc aux acteurs sociaux de se l'approprier.
Le second volet concerne le financement de l'apprentissage. Sur ce point, il convient d'emblée de lever un doute : ce n'est pas, loin s'en faut, la réforme d'ensemble de la taxe d'apprentissage. La plupart des personnes que j'ai auditionnées l'ont d'ailleurs qualifié de « réformette ». En fait, ce volet s'inscrit largement dans la continuité des lois précédentes : la loi quinquennale relative au travail, à l'emploi et à la formation professionnelle de 1993 et la loi de 1996 portant réforme du financement de l'apprentissage.
Le projet de loi aborde à cet égard deux sujets distincts mais pourtant liés.
Le premier concerne le financement des quelque 1 000 centres de formation d'apprentis, les CFA, qui forment actuellement près de 400 000 apprentis. Vous connaissez tous les difficultés de financement que rencontrent de nombreux CFA, notamment en zone rurale. Vous connaissez également les grandes disparités qui existent dans l'affectation des ressources selon les régions et selon les CFA.
Certes, la loi du 6 mai 1996 a permis d'apporter quelques améliorations. Je pense notamment au doublement du quota de la taxe d'apprentissage, à l'obligation pour les employeurs d'apprentis de verser une partie de leur taxe d'apprentissage aux CFA ou à la mise en place d'un système de péréquation nationale de la taxe. Mais les effets de cette loi se révèlent aujourd'hui soit transitoires, soit modestes.
Dans ce cadre, le projet de loi prévoit d'accroître la transparence sur le financement des CFA par l'affichage des coûts et la fixation d'un niveau minimal de ressources. Il prévoit aussi de renforcer la péréquation de la taxe d'apprentissage vers les CFA n'atteignant pas ce minimum de ressources.
Le second sujet abordé par le projet de loi concerne la collecte de la taxe d'apprentissage.
Là encore, la situation actuelle frappe par son opacité. On connaît mal le nombre d'organismes collecteurs : environ six cents ! On connaît encore moins bien les conditions de collecte et surtout de répartition de la taxe.
Le projet de loi vise à clarifier le système en tentant de jeter les bases d'une régionalisation de la collecte. Il tend à modifier en ce sens les conditions d'habilitation ou d'agrément des organismes collecteurs et à renforcer les conditions de leur contrôle.
Ces dispositions appellent deux séries d'observations de la part de la commission des affaires sociales.
D'une part, le projet de loi ne s'attaque pas au coeur du problème. Le système de financement de l'apprentissage a, en effet, progressivement été dévoyé de son objet, car la taxe d'apprentissage ne finance plus l'apprentissage que de façon marginale : elle assure moins d'un tiers des ressources des CFA ; les deux tiers de son produit finançant autre chose que l'apprentissage. A ce problème, le projet de loi n'apporte pas de réponse.
D'autre part, il est très difficile, en l'état actuel des choses, d'apprécier la portée prévisible du projet de loi. Celui-ci se caractérise en effet par sa très faible lisibilité, encore amplifiée par les modifications apportées par le Gouvernement à l'Assemblée nationale. En clair, ce texte apparaît largement inabouti et son effet dépendra, en définitive, de la teneur des décrets d'application. On ne peut que le regretter.
C'est pourquoi la commission des affaires sociales proposera principalement de simplifier et de clarifier le dispositif proposé.
S'agissant du financement des CFA, il semble nécessaire de renforcer la contractualisation plutôt que de s'engager dans une démarche autoritaire et administrative fondée sur des barèmes nationaux. On a vu par le passé que cela ne fonctionnait pas. Il importe également, par des mesures simples, d'achever la mise en place du dispositif de péréquation nationale et régionale des ressources en taxe d'apprentissage.
En ce qui concerne la collecte et la répartition de la taxe, il est indispensable non seulement de renforcer la transparence, mais également de limiter les disparités régionales. C'est une exigence de formation. C'est aussi une exigence en termes d'aménagement du territoire. Il est donc souhaitable de favoriser une plus grande régionalisation en ce domaine.
Le dernier volet de ce texte relatif à la formation concerne l'offre de formation. Quatre articles ont en effet été introduits en première lecture à l'Assemblée nationale, principalement sur initiative du Gouvernement.
Deux dispositions principales doivent être soulignées : une réforme des comités régionaux de la formation professionnelle, de la promotion sociale et de l'emploi, les COREF, et une modification du régime de déclaration des organismes de formation.
Il est clair qu'un volet relatif à l'offre de formation devait être ajouté à ce texte, et ce pour deux raisons principales.
D'une part, le pilotage de notre politique de formation est très imparfait. Les partenariats restent aujourd'hui insuffisamment structurés, tandis que les organes de coordination sont très nombreux, peu efficaces et souvent en sommeil.
D'autre part, il importe de veiller avec une extrême vigilance à la qualité de la formation. C'est là une condition essentielle du développement d'une réelle politique de formation continue. Or cette condition n'est actuellement pas remplie. On estime en effet qu'il existe environ 60 000 organismes de formation déclarés, dont seulement la moitié, voire moins, auraient une réelle activité : on comprend dès lors que la qualité ne soit pas toujours au rendez-vous, même s'il faut se garder de tout anathème contre une profession qui tend à se structurer.
Cependant, il est désormais nécessaire d'aller plus loin dans une double direction : simplifier le dispositif de pilotage de la politique de formation en supprimant les instances devenues inutiles et revoir en profondeur les procédures d'habilitation des organismes de formation.
Là encore, la commission des affaires sociales proposera des amendements en ce sens.
Au total, en matière de formation, le projet de loi apporte bien quelques aménagements significatifs, s'agissant principalement du volet relatif à la validation des acquis, mais il reste une marge d'amélioration évidente qui permettrait de renforcer la portée pratique de ce texte. Les amendements que la commission des affaires sociales proposera au Sénat d'adopter permettront d'atteindre cet objectif. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je souhaite, en cet instant, formuler quelques brèves remarques pour faire suite aux propos que viennent de tenir les quatre rapporteurs de la commission des affaires sociales.
Tout d'abord, monsieur Huriet, j'ai pris note avec satisfaction de l'appréciation que vous avez portée sur la réforme de l'internat telle que celle-ci est définie à l'article 17 du projet de loi. Il s'agit en effet d'une réforme fondamentale qui, comme vous l'avez souligné, permettra d'assurer un fonctionnement plus harmonieux de notre système de santé et de donner à l'ensemble des médecins la meilleure formation possible.
J'ai également relevé que la commission des affaires sociales approuvait la transformation du Laboratoire français de fractionnement et des biotechnologies en établissement public à caractère industriel ou commercial. Cette transformation est en effet indispensable pour garantir la pérennité de cet établissement, dont le rôle est essentiel pour la bonne prise en charge des patients dépendant des produits issus du sang, tout en maintenant un fort contrôle de l'Etat, évidemment nécessaire en raison même de la nature de la matière première considérée.
Enfin, le Gouvernement est tout à fait d'accord avec la rédaction que vous préconisez pour l'article 28 sexies , monsieur Huriet, s'agissant de la protection des médecins qui signalent des sévices à enfants. Il s'agit en effet d'un sujet douloureux et difficile, et il importe de faciliter les signalements à l'autorité judiciaire, tout en protégeant les médecins d'éventuelles sanctions disciplinaires qui seraient prises trop rapidement et en garantissant le respect du secret professionnel, tel qu'il est prévu à la fois par le code pénal et par le code de déontologie. La rédaction proposée permet, me semble-t-il, cet équilibre.
Je voudrais maintenant apporter quelques précisions à la suite des remarques faites par M. Seillier en ce qui concerne les handicapés.
M. Seillier a tout d'abord insisté sur la différence existant, en matière de procédure de récupération des prestations d'aide sociale, selon qu'il s'agit de personnes âgées ou de personnes handicapées.
Je voudrais indiquer que cette différence apparaît surtout en ce qui concerne l'allocation compensatrice pour tierce personne. La loi écarte la récupération lorsque les héritiers sont les enfants, les conjoints ou la personne ayant pris en charge la personne handicapée, ce qui n'est pas le cas s'agissant d'une personne âgée dans l'optique de la prestation spécifique dépendance, la PSD.
La situation qui prévaut actuellement est donc plus favorable aux personnes handicapées. Le projet de loi relatif à l'allocation personnalisée à l'autonomie, l'APA, adopté en première lecture à l'Assemblée nationale, prévoit de supprimer toute récupération pour les personnes âgées devant bénéficier de cette prestation. De ce fait, la différence de traitement entre personnes âgées et personnes handicapées se trouvera réduite, et cette dynamique de convergence instaurée par la mise en place de l'APA devra être renforcée par le biais de la révision de la loi en faveur des personnes handicapées, sur laquelle le Gouvernement s'est engagé.
Par ailleurs, j'ai entendu les critiques que soulève l'intention du Gouvernement d'abroger la loi créant les plans d'épargne retraite, dite « loi Thomas ». Pour bien comprendre ce débat, je crois qu'il faut être très clair sur les choix politiques différents qu'il recouvre et qui, en effet, nous opposent.
Le premier objectif du Gouvernement, en matière de retraites, est d'assurer la pérennité des régimes de retraite par répartition, qui ont fait la preuve, depuis cinquante ans, de leur efficacité. Or, il est vrai qu'un certain nombre de dispositions de la loi Thomas étaient susceptibles de porter gravement atteinte à ces régimes, du fait des exonérations de cotisations sociales importantes qu'elles prévoyaient en faveur des souscripteurs et des employeurs, ce qui favorisait les salariés aux revenus les plus élevés.
Par conséquent, si l'on ne veut pas que les fonds de pension remettent en cause les régimes par répartition et qu'ils profitent à tous, il faut qu'ils soient rendus obligatoires. Toutefois, les primes versées constituent alors des prélèvements obligatoires supplémentaires et, dans ce cas, on peut se demander pourquoi on accepterait une augmentation des prélèvements pour financer la capitalisation plutôt que la répartition.
La seule façon d'éviter cet écueil est d'instaurer une déduction fiscale importante, sur le modèle allemand. Cependant, le Gouvernement a déjà décidé un très important plan de baisse des impôts.
D'autres arguments sont souvent avancés en faveur des fonds de pension, selon lesquels ceux-ci seraient nécessaires à la constitution d'une épargne longue nationale permettant de faire contrepoids aux fonds de pension américains et d'augmenter les fonds propres des entreprises ou offriraient un rendement supérieur à leur répartition.
S'agissant du manque à gagner constaté au titre de la vente des licences UMTS, je profite de cette occasion pour dire que ce dernier n'est sans doute que transitoire, puisque le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie lancera sans aucun doute un nouvel appel d'offres.
Surtout, il faut considérer que le produit de la vente des licences UMTS ne constitue qu'une recette parmi d'autres affectées aux fonds de réserve des retraites et qu'il ne remet donc pas en cause, à lui seul, l'objectif que nous nous sommes fixé.
Je veux également souligner, monsieur Seillier, que la commission des affaires sociales du Sénat a en effet préparé un certain nombre d'amendements visant à améliorer considérablement les dispositions du texte relatives à la Caisse des Français de l'étranger.
Je l'en remercie, et je voudrais de même remercier Mme Bocandé pour les appréciations positives qu'elle a bien voulu porter sur les propositions faites par le Gouvernement en matière de formation professionnelle, auxquelles Mme Nicole Péry a consacré un long travail.
Vous avez compris, madame le rapporteur, que nous souhaitons, bien entendu, ne pas entraver la discussion qui s'est engagée entre partenaires sociaux : même si nous ne sommes pas d'accord avec toutes les propositions qui ont été avancées, il demeure intéressant que les partenaires sociaux débattent des projets de réforme de la formation professionnelle.
En tout état de cause, nous avons voulu indiquer quelle était notre volonté en introduisant dans ce projet de loi quelques premières mesures à cet égard.
Nous avons naturellement l'intention - Mme Nicole Péry y reviendra au cours du débat - de poursuivre cette importante réforme, car nous savons bien que, en matière d'emploi, nous devons tenir les deux bouts d'une même chaîne : d'une part, il faut permettre aux personnes les plus éloignées de l'emploi de revenir vers le monde du travail, et c'est tout le sens de l'effort que nous consentons pour mettre en place des aides personnalisées, en faveur aussi bien des chômeurs de longue durée que des jeunes se trouvant aujourd'hui éloignés de l'emploi ; d'autre part, nous devons permettre à tous ceux qui sont déjà insérés dans le monde du travail ou qui n'en sont pas éloignés d'accéder à la formation tout au long de leur vie professionnelle et de s'adapter ainsi à l'évolution des techniques et, tout simplement, de la situation économique. Cette importante réforme est donc nécessaire.
J'en viens maintenant aux remarques formulées tout à l'heure par M. Gournac.
S'agissant de la méthode, monsieur Gournac, je voudrais vous rassurer : au moment où vous parliez, les amendements du Gouvernement étaient déjà déposés. (M. Gournac, rapporteur, s'étonne.)
Vous n'en disposez pas encore, c'est vrai, mais ils étaient prêts. Comme je vous l'avais indiqué lors de mon audition par la commission des affaires sociales, monsieur Gournac, la raison pour laquelle nous n'avons pas distribué tous nos amendements ne tenait pas à un retard ni à une divergence au sein du Gouvernement. Vous m'aviez interrogée sur ce point et je vous avais répondu, mais vous n'avez pas tenu compte de ma réponse dans vos propos, ce qui est dommage ! En tout cas, ces amendements étaient prêts, car le Gouvernement a fait ses choix et les a finalisés durant le week-end.
Compte tenu de la décision prise par le Gouvernement de ne plus déclarer l'urgence sur ce texte, c'est-à-dire de permettre qu'il soit procédé à une deuxième lecture à l'Assemblée nationale et au Sénat avant que la commission mixte paritaire ne se réunisse, tout en maintenant l'objectif d'en terminer l'examen avant l'été, nous avons pensé qu'il serait souhaitable que le Sénat puisse disposer d'une partie de ces amendements, tandis que les autres, même si j'ai décrit l'ensemble du dispositif tout à l'heure, seraient déposés à l'Assemblée nationale.
Quant aux partenaires sociaux, je puis vous dire qu'ils ont été - ils le sont d'ailleurs en permanence - consultés par le Gouvernement sur l'ensemble de ses projets ; la procédure que nous avons choisi d'adopter vous permettra d'ailleurs de les rencontrer aussi, ce qui me paraît être une bonne chose.
Avant d'en venir aux remarques de la commission portant sur le fond, je souhaite donner la liste des amendements que nous avons déposés tout à l'heure.
Tout d'abord, un certain nombre d'amendements concernent le harcèlement moral. Ils prévoient notamment une obligation de prévention du harcèlement, l'introduction de sanctions dans le règlement intérieur, l'aménagement de la charge de la preuve, une définition, plus large, du harcèlement entre collègues, une prévention assurée par les comités d'hygiène et de sécurité et le médecin du travail, ainsi que l'extension du dispositif à la fonction publique.
J'ai pu noter que nos propositions, qui ont été nourries essentiellement par l'excellent rapport remis au Conseil économique et social par M. Michel Debout, rejoignaient assez largement vos points de vue, madame, messieurs les rapporteurs.
Ensuite, six amendements ont trait aux licenciements économiques : le premier d'entre eux vise le renforcement des obligations de reclassement, à savoir, dans les grandes entreprises, le congé de reclassement, et, dans toutes les entreprises, le bilan de compétences ; le deuxième concerne les aides à la réindustrialisation ; le troisième porte sur les fiches d'impact social et territorial demandées aux organes dirigeants lorsqu'ils annoncent un projet de restructuration ; le quatrième a pour objet les indemnités de licenciement ; le cinquième traite du contrôle du comité d'entreprise sur le bien-fondé de la restructuration et le sixième de l'assistance de l'expert-comptable.
Enfin, un autre amendement vise le droit d'alerte, pour le comité d'entreprise, en cas d'abus de recours au travail précaire et prévoit que l'employeur devra alors établir un plan de résorption de celui-ci.
Telle est la liste des principaux amendements du Gouvernement, que nous aurons tout loisir de discuter et, peut-être, d'enrichir.
Sur le fond, vous avez déclaré tout à l'heure, monsieur Gournac, que nous nous situions dans une économie de marché ouverte sur l'Europe et qu'il vous semblait que certaines des propositions formulées par le Gouvernement allaient à l'encontre de cette réalité.
Pour ma part, je me permettrai de vous objecter que, s'il avait fallu attendre la majorité sénatoriale pour faire le marché unique et l'euro, nous y serions sans doute encore ! (Exclamations sur les travées du RPR.)
Mmes Marie-Madeleine Dieulangard et Gisèle Printz. Très bien !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. C'est la réalité ! Je me souviens très bien des débats qui avaient lieu dans cette assemblée au début des années quatre-vingt-dix, et si nous vous avions écoutés à l'époque, eh bien nous n'aurions rien fait !
M. Henri de Raincourt. Ben voyons !
M. Emmanuel Hamel. C'eût été bien mieux ! (Rires.)
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. La vérité sort de la bouche des enfants. C'est le cri du coeur !
On ne pouvait pas mieux illustrer mon propos ; je n'insiste donc pas.
Monsieur Gournac, vous avez fait une deuxième remarque concernant l'Europe et, plus particulièrement, la directive relative à l'information et à la consultation des travailleurs. Sur ce point, vous m'avez interpellée avec véhémence - ce n'est pas votre habitude, mais, là, chacun a bien senti que vous étiez particulièrement motivé - en parlant de « brutalité législative ».
Cette directive, dite aussi « Renault Vilvoorde », a été proposée il y a deux ans par la Commission européenne, dont tout le monde reconnaît qu'elle n'est pas vraiment une fanatique de la législation à outrance. C'est notre gouvernement qui a décidé de l'inscrire à l'ordre du jour du Conseil, sous présidence française, parce que les autres gouvernements n'avaient pas voulu le faire. Mme Martine Aubry a fait commencer les discussions et, lorsque j'ai pris mes fonctions, je me suis rendu compte qu'il existait une minorité de blocage. Celle-ci était constituée par quatre pays : l'Angleterre, l'Irlande, l'Allemagne et le Danemark.
Pourtant, le 17 novembre, lors d'un Conseil marathon, non seulement nous avons adopté l'agenda social, trois directives, deux programmes européens, mais nous avons également voté cette fameuse directive « Renault Vilvoorde ». Nous avons en effet réussi à faire fléchir les réticences danoises et allemandes, sous réserve que la directive sur la société européenne dont on discutait depuis trente ans soit adoptée lors du Conseil européen de Nice.
Dès lors que la présidence française avait obtenu au cours de ce Conseil réunissant les chefs d'Etat et de gouvernement que la directive sur la société européenne soit adoptée, nous savions qu'il ne restait plus que l'opposition britannique et irlandaise, c'est-à-dire qu'il n'existait plus de minorité de blocage.
J'ai donc convoqué un Conseil le 20 décembre, à la fois pour formaliser l'accord du Conseil européen sur la société européenne et pour obtenir un vote sur la directive « Renault Vilvoorde ».
Mais le gouvernement britannique a exhumé un règlement oublié du Conseil, un règlement qui n'avait jamais été utilisé et, par un artifice de procédure, du fait que le délai de quatorze jours séparant la décision de convocation - forcément, nous ne pouvions le faire avant le Conseil européen de Nice - et la tenue du Conseil du 20 décembre n'était pas respecté, il s'est opposé à ce qu'un vote formel intervienne sur ce texte.
Par conséquent, la question n'est pas de savoir si l'on a pu convaincre M. Tony Blair ou pas ! (Exclamations sur le banc de la commission et sur les travées du RPR.)
Dans l'Union européenne, il existe des règles. Quand émerge une majorité qualifiée, un ou deux pays peuvent être opposés au texte, mais, comme ils ne constituent pas une minorité de blocage, le Conseil passe outre.
J'ai l'honneur de vous rappeler, monsieur Gournac, que, dans l'Union européenne, ce n'est pas la règle du consensus qui joue, ni celle du veto opposé par un pays. Par conséquent, votre remarque sur M. Tony Blair et le fait que nous n'avons pas pu réussir à le convaincre est nulle et non avenue.
M. Tony Blair a le droit d'avoir ses opinions et, pour répondre à des contraintes politiques, d'avoir un jugement différent sur les textes. Il n'empêche que l'Europe, telle que nous la faisons et telle que nous la voulons, permet de passer outre le veto d'un seul pays. (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
S'agissant maintenant des licenciements économiques, il est clair, monsieur le rapporteur, que vous ne voulez rien faire. D'abord, vous ne voulez pas des dispositions qui ont été votées en première lecture par l'Assemblée nationale. Cela montre, soit dit en passant, que ces dispositions ne sont pas aussi anodines que ce que certains le prétendent.
Il s'agit notamment, de l'obligation, avant tout licenciement, de négocier les 35 heures et de l'obligation de réserver la primeur de l'annonce au comité d'entreprise.
Ces dispositions sont excellentes parce qu'elles renforcent les obligations des entreprises et qu'elles donnent la possibilité aux salariés de s'exprimer. Or, ces dispositions, déjà, vous n'en voulez pas !
M. Hilaire Flandre. On les examinera !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Quant à celles que nous proposons aujourd'hui et qui consistent à renforcer encore les obligations à la charge des entreprises pour donner les moyens aux salariés de s'exprimer dans l'entreprise dans un rapport de forces qui leur soit plus favorable, tout en intégrant la logique humaine face à la logique financière et économique, on comprend que vous n'en vouliez pas non plus ! (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Gérard Delfau. Très bien !
M. Hilaire Flandre. Caricature !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Et pourtant, monsieur Gournac, vous avez cité vous-même l'exemple de Danone, qui montre que des entreprises sont effectivement prêtes à faire des efforts.
Par conséquent, comme cela se passe dans beaucoup de pays européens et comme je vous l'ai dit tout à l'heure en commission, nous avons le devoir de faire en sorte que, dans un rapport adulte, équilibré, il puisse y avoir des discussions sur le bien-fondé même des projets de restructuration et, éventuellement, de licenciements au sein de l'entreprise.
Or ce rapport équilibré découlera de la possibilité donnée aux salariés et à leurs représentants de s'exprimer et des obligations que nous voulons imposer aux employeurs, sans remettre en cause, en effet, les conditions générales de l'équilibre que nous avons voulu, c'est-à-dire sans créer d'effet contre-productif sur l'emploi.
Il me semble que votre position, en réalité, ne fait que traduire le conservatisme bien connu de votre assemblée,... (Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Henri de Raincourt. Enfin, on l'attendait !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. ... conservatisme que, bien évidemment, je dénonce au nom du Gouvernement, comme le fera, j'en suis sûre, la minorité sénatoriale tout à l'heure.
Sur le harcèlement moral, je pense que nous serons plus volontiers d'accord.
M. Alain Gournac, rapporteur. Là, nous ne sommes donc plus conservateurs !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Sur les emplois-jeunes, monsieur Gournac, vous n'attendrez pas longtemps pour apprendre ce que le Gouvernement souhaite et propose afin d'en assurer la pérennisation.
M. Alain Gournac, rapporteur. Cela fait six mois !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. En tout cas, il est clair que nous n'attendrons pas, comme vous soupçonniez que nous voulions le faire, les échéances des emplois-jeunes en cours. Nous savons que les premiers emplois-jeunes ont commencé à être signés au deuxième semestre de 1998 et que leur échéance est le deuxième semestre de 2003.
Comme M. le Premier ministre l'a indiqué après le dernier séminaire du Gouvernement, au début du mois de mai prochain, vous saurez ce que le Gouvernement préconise pour la pérennisation de ces emplois.
M. Hilaire Flandre. Attendons-nous au pire !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Permettez-moi de vous dire maintenant que j'ai trouvé intéressantes vos propositions sur le tutorat. Je pense que nous pourrons avoir sur ce sujet une discussion constructive.
On le voit, je porte des appréciations contrastées sur les positions qu'ont exprimées, au nom de la Haute Assemblée, les quatre rapporteurs de la commission des affaires sociales. J'attends évidemment avec intérêt les positions des deux autres rapporteurs qui vont s'exprimer maintenant.
Je note un contraste évident - mais je ne le soulignerai pas davantage - entre l'attitude constructive du Sénat sur un certain nombre de sujets et son attitude résolument immobile, conservatrice, sur la question des licenciements économiques. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE - Exclamations sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, madame le ministre, madame le secrétaire d'Etat, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la commission des affaires culturelles du Sénat a souhaité à bon droit se saisir pour avis de quelques articles du projet de loi dit de « modernisation sociale », qui a été adopté par l'Assemblée nationale en janvier dernier.
Au-delà de cet intitulé un peu solennel, ce projet de loi n'est en réalité qu'un classique DMOS ou DDOS, qui se caractérise par l'extrême hétérogénéité de ses dispositions.
La commission des affaires culturelles laissera, bien entendu, à la commission des affaires sociales le soin de se prononcer sur le bien-fondé et la cohérence d'un dispositif particulièremnet hétéroclite qui va, par exemple, de la prise en charge médicale des personnes en garde à vue à l'application du code du travail maritime aux personnels non marins embarqués sur des navires de recherche océanographique, halieutique ou câbliers, du stationnement réservé pour les titulaires de la carte « station debout pénible », à la validation des acquis dans la coiffure. Bref, autant de dispositions susceptibles de concourir très inégalement à l'objectif annoncé de modernisation de notre société.
S'agissant de la compétence de notre commission, celle-ci avait naturellement vocation à émettre un avis sur deux volets du projet de loi - la réforme des études médicales, même si elle n'est que très partielle, et la réforme de la validation des acquis de l'expérience - qui auraient d'ailleurs, à mon sens, justifié le dépôt de deux projets de loi spécifiques, au lieu d'être noyés dans la centaine d'articles de ce méli-mélo législatif.
J'ajouterai que, en accord avec la commission des affaires sociales, notre commission se prononcera au fond sur quatre articles qui lui ont été délégués. Ils visent respectivement la régularisation de la situation de certains agents contractuels de la Bibliothèque nationale de France, l'avance par l'Etat des frais de construction de certains établissements d'enseignement, le dépistage de la dyslexie et certaines dispositions du code de la santé relatives à la lutte contre le dopage.
Je ne dirai que quelques mots de la réforme des études médicales, et, plus spécifiquement, de celle du troisième cycle, seul visé par le projet de loi et qui intéresse plus particulièrement la commission des affaires sociales.
Comme vous le savez, notre système d'études médicales est de plus en plus inadapté : tout d'abord, le numerus clausus institué en fin de première année conduit trop de bacheliers à l'échec ; ensuite, l'enseignement de deuxième cycle est surchargé par trop de notions spécialisées et déstabilisé par le concours de l'internat ; enfin, le troisème cycle souffre de deux exigences contradictoires, la continuité des soins dans les services hospitaliers et la nécessité d'assurer la meilleure formation théorique possible des internes et des résidents.
Prenant acte de cette situation, le Gouvernement précédent a chargé, en 1996, les professeurs Mattéi et Etienne d'une mission portant sur l'accès aux études médicales, les différents cycles de formation, la sélection, l'orientation vers les spécialités, les enseignements dispensés, la place des généralistes et l'équilibre entre les spécialités.
Dans le rapport sans complaisance remis en 1997 aux ministres concernés, ces auteurs formulaient plusieurs propositions intéressantes, à savoir la création d'un DEUG santé et d'universités de santé, l'ouverture du deuxième cycle à des formations pluridisciplinaires et la réforme du concours de l'internat, avec un classement dans trois filières : médecine spécialisée, chirurgie et médecine générale.
Pour des raisons où l'alternance a joué son rôle, ces propositions sont restées lettre morte, notamment la réforme du premier cycle à qui apparaissait pourtant la commission des affaires culturelles comme la plus importante et la plus urgente. Le libre accès des bacheliers aux études médicales, conjugé à un nécessaire numerus clausus, se traduit, en effet, vous le savez, par le fait que, sur 27 000 étudiants s'inscrivant chaque année en PCEM 1, 12 % seulement passent en deuxième année, alors que 60 % redoublent et recourent souvent à des préparations privées coûteuses, les autres s'orientant vers d'autres filières sans avoir la possibilité de valider leurs acquis.
Je note que l'idée d'un DEUG santé, prônée aussi en son temps par M. Claude Allègre dans son projet de réforme destiné à mettre fin à ce gâchis humain, s'est enlisée dans les sables de la concertation et que la réforme du premier cycle a été renvoyée aux calendes grecques par son successeur, celui-ci indiquant à l'automne dernier que « tout serait remis à plat ».
Quant au deuxième cycle des études médicales, il a été remanié à l'automne dernier par voie réglementaire, afin d'aménager les programmes autour de modules traitant des grands processus pathologiques et de modifier le système de validation des enseignements.
S'agissant, enfin, du projet de loi qui nous est soumis, il ne vise que la seule réforme du troisième cycle des études médicales, assortie de mesures en faveur des étudiants étrangers. Son article 17 tend, notamment, à remplacer le concours de l'internat de droit commun par un concours national classant et anonyme, ouvrant un poste d'interne à tous les candidats, et à élargir la définition de l'internat aux actuels résidents poursuivant un troisième cycle des études de médecine générale, qui est désormais traitée comme une spécialité.
Je laisserai, bien entendu, à la commission des affaires sociales le soin de se prononcer sur les modalités de cette réforme de troisième cycle. Je me bornerai, quant à la méthode retenue, à déplorer l'éclatement d'une réforme générale des études médicales qui ne se réalise qu'avec une extrême lenteur et son découpage qui n'autorise pas une vision globale de l'ensemble.
S'agissant du second volet du projet de loi, qui concerne plus directement la commission des affaires culturelles, force est de constater que le nouvel élan donné au système de validation des acquis de l'expérience s'inscrit dans une nécessaire réforme de notre dispositif de formation professionnelle, qui, lui aussi, depuis la loi d'orientation de 1971, a vieilli et n'est plus adapté aux réalités du monde du travail et de l'emploi.
Vous voyez, madame le ministre, madame le secrétaire d'Etat, que le Sénat peut reconnaître la nécessité de réforme du système de formation professionnelle !
Une réforme du système de formation professionnelle, que j'ai quelques raisons de connaître, s'impose aujourd'hui à l'évidence, compte tenu des dépenses en cause, de la multiplicité et de l'opacité de la centaine d'organismes collecteurs, d'un marché de la formation éclaté entre de trop nombreux prestataires - et de ce fait mal contrôlé - et, surtout, des très fortes inégalités d'accès des différentes catégories socioprofessionnelles à cette formation : 43 % pour les cadres, 14 % pour les ouvriers non qualifiés, 2,5 % pour ceux qui sont employés dans des entreprises de moins de cinquante salariés.
Comme vous le savez, le Gouvernement a engagé, en 1999, une réflexion sur cette réforme autour de cinq orientations : le développement d'un droit individuel à la formation, la prise en compte des acquis de l'expérience, une meilleure qualité de l'offre de formation, un développement des formations en alternance et une clarification du rôle des divers acteurs de la formation professionnelle.
En proposant une nouvelle logique pour la validation des acquis de l'expérience, le projet de loi amorce une réforme timide de la formation professionnelle, laissant aux partenaires sociaux le soin de définir les grandes lignes d'une réforme globale dans le cadre dit du « cinquième chantier de la refondation sociale ».
Le projet de loi a pour objet de permettre aux actifs de faire valider les acquis de leur expérience sans avoir à les compléter par une formation, et ainsi d'acquérir un diplôme de l'éducation nationale ou un titre homologué par un ministère, par une chambre consulaire ou une branche professionnelle.
Cette extension du droit à la validation est justifiée par le fait que plus du tiers de la population active ne bénéficie que d'une formation initiale très insuffisante, que cette formation initiale n'est plus en mesure aujourd'hui de répondre aux mutations de plus en plus rapides de l'emploi et que les compétences acquises au titre de l'expérience ne sont pas suffisamment prises en compte ni reconnues par un titre ou un diplôme.
En ce domaine, nous ne partons pas de rien : le dispositif actuel de validation des acquis professionnels repose sur deux textes qui ont été, en fait, très sous-utilisés.
Le premier est le décret du 23 août 1985, qui autorise ainsi des candidats à s'inscrire dans des formations universitaires sans posséder les titres ou diplômes requis pour y accéder, après dispenses accordées par des commissions pédagogiques prenant en compte les études antérieures et l'expérience professionnelle des candidats, celle-ci ne pouvant être à elle seule reconnue.
Plus ambitieuse, la loi du 20 juillet 1992 institue un régime de validation des acquis professionnels en vue de la délivrance d'une partie d'un diplôme de l'enseignement supérieur ou d'une partie d'un titre ou diplôme de l'enseignement technologique en accordant aux candidats une possibilité de dispense d'une partie des épreuves, cette dispense étant accordée par un jury prenant en compte l'expérience professionnelle du candidat, qui doit être d'au moins cinq ans.
Comme je l'ai dit, ces mesures ont été peu utilisées, pour l'essentiel sans doute parce qu'elles maintenaient la nécessité d'une formation initiale minimale. Ainsi, en 1998, seuls 3 000 candidats auraient bénéficié de dispenses d'épreuves d'examen pour des diplômes professionnels, tandis que seulement 11 000 salariés auraient obtenu, en 1999, un diplôme de l'enseignement supérieur ou professionnel par validation, après avoir suivi une formation supplémentaire.
Dans la pratique, ces dispositifs ont été principalement utilisés pour l'obtention d'un baccalauréat professionnel ou d'un diplôme d'études supérieures court - DUT, BTS - alors que la validation des expériences à bas niveau de qualification, qui suppose, pour les candidats, une difficile formalisation de leur expérience professionnelle, n'a été que peu utilisée : une réactivation de la validation des acquis s'imposait à l'évidence pour cette population active peu ou pas diplômée.
Quelles sont les innovations proposées, à cet égard, dans le projet de loi, dont l'objet est d'élargir et d'assouplir le droit à validation ?
Ses articles 40 à 42 autorisent désormais l'acquisition de la totalité d'un diplôme ou d'un titre par la validation des acquis de l'expérience, et plus seulement professionnelle, à condition que les candidats justifient d'une expérience minimale de trois ans, au lieu de cinq actuellement ; cette expérience peut consister en un travail salarié ou non, mais aussi en une participation régulière à une activité bénévole. Au-delà des quelque 1 700 diplômes et titres délivrés par l'Etat, sont également visés les quelque 900 titres délivrés par les chambres consulaires et les quelques centaines de certificats de qualification professionnelle délivrés par les branches professionnelles.
Ce projet de loi tend, par ailleurs, à créer un répertoire national des titres et diplômes, et une commission nationale de la certification professionnelle qui est appelée à remplacer l'actuelle commission d'homologation des titres ; les diplômes et titres délivrés par l'Etat figureront de droit au répertoire, alors que les autres devront faire l'objet d'un avis de la commission précitée.
Quelle appréciation pouvons-nous porter sur un tel dispositif, qui a été présenté par le Gouvernement comme faisant l'objet d'un assez large consensus ?
Il convient, d'abord, de souligner le caractère très novateur - j'allais dire révolutionnaire - du nouveau dispositif.
Alors que, dans notre tradition, l'école délivre un savoir, officialisé par un diplôme, celui-ci donnant accès à un métier, le projet de loi tend à inverser ce dispositif en reconnaissant que les métiers et l'expérience professionnelle sont également sources de savoirs qui peuvent être sanctionnés par des titres et des diplômes. Il s'agit désormais de valider non pas des capacités professionnelles, mais des connaissances à partir de la seule expérience en répondant aux besoins de l'individu et de l'entreprise.
Si cet objectif sympathique ne peut qu'être partagé, force est de constater qu'il suscite des interrogations. J'ai pu noter des divergences d'interprétation, y compris entre les ministères concernés, s'agissant notamment de la durée requise pour la validation. J'ai constaté que les représentants des métiers y étaient franchement hostiles, craignant que ce dispositif ne se substitue à leurs propres filières de formation, que certaines unions patronales ayant développé un système efficace de certification, négocié entre partenaires sociaux, répugnaient à passer sous les fourches caudines de la lourde procédure d'homologation et que les représentants de l'enseignement professionnel envisageaient avec quelque méfiance la validation des acquis de l'expérience.
S'agissant des contours même de l'expérience susceptible d'être validée, la commission des affaires culturelles estime que l'expérience professionnelle devrait rester le noyau dur du dispositif, même s'il apparaît légitime de reconnaître des compétences acquises dans le cadre d'activités bénévoles, sociales et associatives, notamment par les femmes. Un tel objectif suppose cependant nécessairement que ces activités bénévoles aient un lien direct avec les référentiels des titres et diplômes postulés, et ne recouvrent pas des tâches de type hobby ou bricolage, dont l'évaluation serait, par ailleurs, particulièrement malaisée.
S'agissant de la durée de l'expérience susceptible d'être validée, la période minimale de trois ans retenue, qui résulte sans doute d'arbitrages entre les ministères concernés, est à l'évidence trop courte, notamment au regard de la durée des formations initiales requises pour acquérir les diplômes correspondants, et pour apprécier véritablement des expériences non professionnelles.
Par ailleurs, nous pouvons craindre que le nouveau dispositif de validation de l'expérience, surtout pour une période courte, ne favorise encore plus un phénomène d'évaporation des jeunes en cours de formation vers les entreprises qui leur proposent aujourd'hui, dans un contexte de pénurie de main-d'oeuvre, une « formation maison ». La validation pourrait ainsi contribuer encore davantage au phénomène d'ores et déjà observé de désaffection des élèves à l'égard de l'enseignement professionnel, au détriment notamment d'une formation générale minimale, qui reste indispensable pour s'adapter à l'évolution des métiers.
Mes chers collègues, l'expérience que j'ai retenue de mes années passées au secrétariat d'Etat chargé de la formation professionnelle est qu'il faut toujours redouter les dérives perverses d'excellentes intuitions. Je crains la remise en cause de cette idée selon laquelle, pour bien entrer dans la vie professionnelle, il faut acquérir une formation générale suffisante, nécessaire dans le monde complexe dans lequel nous vivons, et assortie d'un début de qualification professionnelle attestée, acquise en même temps qu'un début d'expérience professionnelle.
Là, nous partons de l'expérience professionnelle pour décréter la validation d'acquis. Si la durée est la même, c'est-à-dire trois ans, tant pour préparer un BEP dans l'enseignement professionnel, un CAP ou encore un BEP dans l'apprentissage, que pour acquérir une expérience professionnelle débouchant sur un emploi, il y a un risque ! C'est celui d'inciter les jeunes à se diriger trop vite vers un contrat à durée indéterminée - Dieu sait que cette formule est attractive ! - avec un salaire, au détriment de la formation initiale, qui restera toujours nécessaire pour les reconversions inévitables dans une vie professionnelle.
Nous pouvons donc craindre que le nouveau dispositif de validation de l'expérience, surtout pour une période courte, ne favorise ce phénomène d'évaporation des jeunes en cours de formation vers les entreprises.
La commission des affaires culturelles estime que ce risque d'évaporation n'est pas négligeable et que la perspective de validation d'une trop courte expérience professionnelle est de nature à démobiliser certains jeunes lycéens professionnels comme des jeunes en apprentissage, qui estimeront que leur diplôme peut être obtenu avec de moindre efforts par une voie non scolaire. Elle vous proposera, en conséquence, de revenir à une période minimale de cinq ans.
Par ailleurs, certains acteurs de la formation ont exprimé la crainte qu'un développement trop libéral de la validation ne conduise à des diplômes au rabais : la rigueur des jurys sera nécessaire pour reconnaître la valeur incontestable de l'expérience et la rattacher à des titres, diplômes ou certifications à valeur nationale existants.
En outre, la commission des affaires culturelles ne peut pas exclure que la validation des acquis de l'expérience soit largement utilisée pour consolider la situation et faciliter la sortie des emplois-jeunes, notamment les quelque 65 000 aides-éducateurs de l'éducation nationale dont le contrat est de cinq ans. Cette validation a d'ailleurs été récemment expérimentée pour une centaine d'entre eux dans plusieurs régions. En tout état de cause, il ne saurait être question que l'utilisation de la validation de l'expérience des emplois-jeunes porte atteinte à la règle du recrutement par concours et se traduise par un gonflement des effectifs de la fonction publique alors que nombre de secteurs du privé souffrent de difficultés de recrutement.
J'évoquerai ensuite rapidement les risques d'émergence d'un marché privé de la validation, alors que le service public de l'éducation a vocation, à titre principal, à répondre à la demande à toutes les étapes de la validation, comme il le fait depuis 1993.
Ces risques ne sont pas négligeables puisque nous avons appris que des organismes privés démarchent d'ores et déjà les candidats potentiels à la validation pour leur proposer un accompagnement, voire des dossiers « clés en mains » : sauf à assister à une multiplication de ces organismes, comme en matière de formation continue, leur accréditation nous semble, madame la secrétaire d'Etat, particulièrement nécessaire.
J'en terminerai en soulignant la nécessité d'une expérimentation générale du nouveau dispositif de validation.
Une telle expérimentation s'impose en raison des incertitudes subsistant quant à la portée du dispositif, aux populations susceptibles d'en bénéficier, à la nécessité de préserver le caractère des titres et diplômes nationaux, aux risques de création d'un marché privé de la validation, aux conséquences qui pourront en résulter pour les formations professionnelles initiales.
La commission souhaiterait qu'un bilan de la réforme soit effectué après une période d'expérimentation de cinq ans et que ce bilan soit communiqué en temps utile au Conseil économique et social et au Parlement, lequel sera alors en mesure de pérenniser le dispositif ou de le modifier en tirant les conséquences de ce bilan.
Sous réserve de ces observations et de l'adoption des amendements qu'elle a déposés, la commission des affaires culturelles s'est déclarée favorable à l'adoption de ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste et du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Richert. M. Philippe Richert, au nom de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes Monsieur le président, madame, monsieur les secrétaires d'Etat, mes chers collègues, ce projet de loi de modernisation sociale rassemble maintenant 106 articles qui adaptent notre législation dans presque autant de domaines, qui vont de l'organisation des études médicales à l'avenir des emplois-jeunes en passant par la réduction du temps de travail en agriculture ou encore le harcèlement moral. Il ne faudra pas moins de quatre rapporteurs chevronnés de la commission des affaires sociales pour couvrir ce champ particulièrement vaste et dont la cohérence globale n'est pas la plus évidente des qualités.
M. Henri de Raincourt. C'est un euphémisme !
M. Philippe Richert, au nom de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes. Force est néanmoins de constater la pertinence de nombre des chantiers ainsi ouverts et des avancées proposées.
Si j'ai bien compris, la liste n'est pas encore close et des amendements symboliques, peut-être même conjoncturels, aux conséquences multiples et parfois imprévisibles, devraient s'ajouter encore à une liste pourtant déjà bien longue.
La délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes a examiné attentivement ce projet de loi avec le souci de limiter sa saisine aux articles les plus significatifs quant aux répercussions sur l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.
C'est ainsi qu'elle a concentré son examen sur deux dispositions majeures au regard de la situation du travail féminin en France, qui se caractérise, premièrement, par la précarisation du cadre dans lequel de nombreuses femmes exercent leurs activités professionnelles et, deuxièmement, par l'insuffisance de formation initiale et continue qui frappe encore plus les femmes que les hommes et qui pénalise celles-ci lourdement. Cette constatation est corroborée par une étude de l'INSEE publiée au début du mois d'avril qui confirme que le diplôme est un atout contre le chômage.
En mars 2000, 82 % des adultes titulaires du baccalauréat avaient un emploi stable ; 74 % des diplômés de moindre niveau avaient un emploi stable, mais seulement 56 % des non-diplômés en avaient un, ce qui prouve bien la relation entre le niveau de diplôme et la nature de l'emploi exercé.
Afin de compléter ces propos, je voudrais apporter quelques précisions chiffrées dans trois domaines.
Tout d'abord, il faut relever une différence très sensible entre les hommes et les femmes pour ce qui est de la répartition des emplois.
D'après une enquête de l'INSEE de 1996, 55 % des emplois féminins sont concentrés dans la catégorie des employés, chiffre qui tombe à 14 % pour les hommes. Parallèlement, 16 % des hommes exercent en tant que cadres ou membres de professions intellectuelles supérieures, contre seulement 10 % des femmes.
Ces données ne manquent pas de faire réfléchir, d'autant qu'elles sont aggravées par un deuxième constat : les femmes sont plus souvent que les hommes employées à temps partiel.
Cela peut correspondre, pour une fraction d'entre elles, à un choix librement consenti, mais l'écart entre hommes et femmes est tel que cette interprétation ne peut être acceptée qu'à la marge. Qu'on en juge : toujours en 1996, année de la dernière enquête exhaustive, 5 % d'hommes, mais 30 % de femmes travaillaient à temps partiel, avec le cortège de conséquences sociales qui en découlent ; et personne ne nous fera croire que 30 % des femmes étaient volontaires pour occuper un emploi à temps partiel !
Ma troisième remarque concerne la précarisation accentuée du travail des femmes.
Pour les contrats à durée déterminée, la répartition est de 47 % pour les hommes et de 53 % pour les femmes. S'agissant des stages et des contrats aidés, la répartition est encore plus déséquilibrée : 41 % pour les hommes et 59 % pour les femmes.
Pour toutes ces raisons, la délégation estime que l'emploi féminin sera sans doute le premier bénéficiaire du dispositif de « validation des acquis de l'expérience », l'un des volets innovants et emblématiques en matière de formation continue, car il est établi que, non seulement les femmes bénéficient d'une formation initiale moindre, mais encore que les contraintes familiales les obligent souvent à interrompre leurs activités professionnelles ou à opter pour des responsabilités moins prenantes.
Le tableau serait incomplet si je n'ajoutais que les femmes bénéficient en moindre proportion que les hommes de la formation continue.
Il nous semble donc que le mécanisme de validation des acquis de l'expérience pourra plus particulièrement profiter aux femmes, à condition que, dans les entreprises et dans les branches professionnelles, il soit tenu compte de l'objectif de rééquilibrage et de rattrapage au bénéfice des femmes.
Dans ces conditions, à propos des articles dont elle est saisie, la délégation a adopté quatre recommandations.
Premièrement, les inégalités de formation et d'exercice professionnel ne peuvent être aplanies que par un effort durable, continu et général.
Une action à long terme doit donc être entreprise par tous les acteurs impliqués, c'est-à-dire l'éducation nationale, les fédérations professionnelles, les syndicats de salariés, pour favoriser l'accès des femmes à l'ensemble des filières de travail, particulièrement aux filières, techniques et scientifiques, où elles sont présentes en petite minorité. Ces branches sont encore nombreuses : il suffit d'aller dans certains DUT ou certaines formations supérieures pour constater que les femmes y sont encore particulièrement minoritaires.
A cet égard, la charte signée en 2000 entre le ministère de l'éducation nationale et le secrétariat d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle en faveur d'une offre de formation plus diversifiée pour les jeunes filles devrait servir de support à une démarche analogue entre les partenaires sociaux.
Deuxième recommandation : une réflexion doit être menée sur l'absence d'effets de l'actuelle reprise économique à l'égard de la précarisation des tâches non qualifiées, qui incombent en majorité aux femmes.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Absolument !
M. Philippe Richert, au nom de la délégation aux droits des femmes. On se rend compte que, malgré l'embellie économique, le retard qu'accusent les femmes en matière de précarité de l'emploi ne va pas en diminuant, et cela doit nous interpeller. Nous devons voir comment, ensemble, nous pouvons faire en sorte que ce retard soit grignoté.
Troisième recommandation : la mécanisation de nombreux métiers - métiers industriels, travaux publics, entreposage, conduite d'engins - qui réduit considérablement les efforts physiques requis, doit s'accompagner d'une nette ouverture aux salariées. Pour nombre d'emplois, l'argument de la pénibilité du travail n'est plus d'actualité. Or, on n'a pas vu plus de femmes accéder à ces emplois. Il faudra examiner comment nous pouvons accompagner une évolution.
Quatrième et dernière recommandation : il conviendra d'être particulièrement attentif à l'application du dispositif permettant la validation des acquis de l'expérience dans les branches professionnelles particulièrement féminisées ; cette validation devra profiter équitablement à l'ensemble des salariés, quel que soit leur sexe.
C'est à ces conditions que le projet de loi constituera une avancée en faveur de la parité, avancée que souhaite la délégation au nom de laquelle je me suis exprimé. (Applaudissements sur l'ensemble des travées.)
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite répondre, de façon extrêmement synthétique, aux deux derniers orateurs, et d'abord à M. le rapporteur pour avis.
Monsieur Legendre, j'ai bien noté que vous aviez, comme Mme Bocandé, une lecture critique, certes, mais positive du texte.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Absolument !
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat. Vous soulevez certaines questions que nous aurons l'occasion de traiter plus en détail lors de la discussion des amendement. Pour l'heure, je m'en tiendrai aux généralités.
Vous avez souligné que l'effort doit avant tout être dirigé vers le public en difficulté,...
M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis. Tout à fait !
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat. ... vers ce tiers d'hommes et de femmes de la population active dont le diplôme, à l'issue de la formation initiale ou professionnelle, est inférieur ou égal au niveau 5. Un tiers de notre population active, c'est énorme ! Je crois que la validation des acquis de l'expérience constituera une formidable chance, un outil d'égalité qui permettra à ces hommes et ces femmes de construire des parcours individualisés de progression personnelle et professionnelle.
La négociation que j'ai menée à ce propos m'a demandé - mais vous le savez bien, vous avez éprouvé vous-même ces difficultés - deux années. Il a fallu une volonté fortement ancrée pour faire avancer la négociation avec les partenaires sociaux, qui réclament la réduction à trois ans de l'expérience professionnelle pour disposer d'un outil plus dynamique, mais aussi avec les autres ministères valideurs, et parvenir, au bout de quarante-sept réunions interministérielles, à ce que les uns et les autres engagent la révolution culturelle qui était nécessaire.
Etant moi-même issue de la grande maison de l'éducation nationale et discutant beaucoup avec les universitaires, je sais qu'il n'est pas facile d'admettre qu'une vie d'adulte permet d'acquérir des savoirs et des savoir-faire qui méritent d'être reconnus par le même titre, la même certification, le même diplôme que les savoirs acquis par ceux qui ont eu la chance de poursuivre des études plus longues.
Je suis tout à fait d'accord avec vous, si ces diplômes étaient ressentis comme des diplômes au rabais, nous manquerions notre but : ce sont de véritables savoirs, savoir-faire et compétences professionnelles qu'il faudra valider. Nous serons donc très exigeants sur les jurys, composés de manière équilibrée d'enseignants et de professionnels, qui devront mesurer la capacité de la personne par rapport à son expérience professionnelle.
Monsieur Richert, vous avez brossé un tableau du rapport entre les femmes et le monde du travail qui est malheureusement fidèle. Il y a encore bien des inégalités, que nous devons les uns et les autres essayer de diminuer.
J'ai déjà eu l'occasion d'évoquer devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs, les divers éléments généraux de l'égalité professionnelle : l'orientation scolaire, le choix des filières, la différence d'accès à la formation tout au long de la vie, la construction des carrières, la place des femmes dans les lieux de décision économiques et sociaux, sans parler des salaires, qui présentent encore, vous le savez, un écart de 25 %.
Sur l'ensemble de ces sujets, la volonté d'agir m'anime. Légiférer est nécessaire, même si l'on peut nous reprocher ici ou là de vouloir encore intervenir par la loi. Mais force est de constater que les choses n'évoluent pas spontanément, en la matière.
Vous préconisez, monsieur Richert, une diversification des filières suivies par les jeunes filles. J'en suis tout à fait d'accord : il faut qu'elles se tournent résolument vers les filières scientifiques et technologiques.
Vous observez aussi que, malgré la reprise économique, le chômage des femmes est encore important. En effet, si les femmes ont bénéficié, comme les hommes, du recul du chômage, force est de constater que le taux de chômage des femmes reste supérieur de trois points au taux de chômage des hommes. Nous devons en tenir compte dans la définition de toutes les actions que nous avons à mener, afin que les femmes profitent mieux de la reprise économique.
Vous recommandez que les jeunes filles s'orientent vers des métiers traditionnellement considérés comme masculins ou réputés durs. Vous avez tout à fait raison. Cela nécessite une action déterminée en matière d'orientation. C'est pourquoi j'ai signé une convention avec le ministre de l'éduction nationale, afin que l'ensemble des personnels aient un regard réellement novateur sur l'orientation des jeunes filles.
De même, s'agissant des femmes à la recherche d'un emploi, j'ai, par exemple, demandé à l'AFPA - Association nationale pour la formation professionnelle des adultes - de doubler l'accueil des femmes dans des stages qualifiants pour des métiers dits « masculins ».
C'est en usant d'une telle panoplie de mesures que nous pourrons peu à peu réduire ces inégalités et aller vers la véritable égalité des chances entre les hommes et les femmes. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 60 minutes ;
Groupe socialiste, 50 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 38 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 36 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 25 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 23 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Carle.
M. Jean-Claude Carle. Monsieur le président, madame, monsieur les secrétaires d'Etat, mes chers collègues, nous voici, une fois de plus, devant un texte fourre-tout - notre collègue Claude Huriet a dénombré, avec les articles additionnels, un total de cent six articles ! - traitant des sujets les plus divers, depuis le régime des personnels du haras de Pompadour, cher à M. Hollande, jusqu'au harcèlement moral, en passant par la réforme des études médicales, la prévention des licenciements, le code du travail maritime, les agents de la Bibliothèque nationale de France, la domiciliation des gens du voyage, les élections aux conseils d'administration des caisses de mutualité sociale agricole, le financement de l'apprentissage, et j'en passe.
Depuis un certains temps, le Gouvernement a pris la fâcheuse habitude de nous présenter des textes fleuves, sans unité ni cohérence. C'était le cas, par exemple, avec le projet de loi de solidarité et de renouvellement urbain, ou encore, plus récemment, avec le projet de loi sur les nouvelles régulations économiques.
Certes, on ne peut dénier au Gouvernement une certaine inventivité sémantique pour donner à ce texte un affichage séduisant. Par la magie des mots, ce qui n'est qu'un DMOS sans grande envergure devient ainsi un projet de loi de modernisation sociale !
Je ne vois pas très bien, cependant, où se trouve la modernisation sociale lorsque vous niez les réalités économiques, qui exigent, non pas des carcans supplémentaires, mais une meilleure respiration des acteurs socio-économiques, au premier rang desquels les salariés.
Pour vous, la modernité sociale, c'est le carcan des 35 heures, c'est le collège unique, c'est un Etat premier employeur de France incapable de négocier avec ses fonctionnaires pour fixer le niveau des salaires. C'est aussi, comme le montrent les mesures annoncées aujourd'hui, le refus de voir la réalité économique en face, le refuge facile dans les effets de manche ou les annonces illusoires et l'affirmation fallacieuse selon laquelle l'Etat est créateur de richesses et d'emplois.
Non, ce sont nos entreprises, grandes ou petites, qui créent les richesses et l'emploi. Il nous faut donc aujourd'hui passer d'une relation de méfiance vis-à-vis de l'entreprise ou de l'« entreprenant » à une véritable relation de confiance.
M. Jacques Machet. Très bien !
M. Jean-Claude Carle. Si la modernité ne consiste certainement pas dans les licenciements arbitraires, décidés au mépris des salariés, elle ne réside sûrement pas non plus dans la création de contraintes tous azimuts.
La modernité, en l'occurrence, consiste à accroître l'employabilité des salariés afin de leur permettre, le cas échéant, de retrouver au plus vite un emploi.
Pour cela, il faudrait une grande réforme de la formation professionnelle. Vous l'avez enterrée !
L'augmentation du nombre des textes fourre-tout a un sens politique manifeste : elle marque le déclin de l'imagination et de la volonté politiques du gouvernement, un Gouvernement de plus en plus réduit à faire les fonds de tiroir des bureaux ministériels pour agréger, vaille que vaille, des mesures hétéroclites.
Ces mesures peuvent être légitimes sur le plan administratif, je ne le nie pas, mais aucune vision politique ne vient leur donner sens et force, aucune volonté politique ne vient les inscrire dans un projet mobilisateur.
Que l'on ne se méprenne pas sur mon propos. Je ne suis pas contre les textes vastes, embrassant de larges domaines, au contraire. Mais de tels textes ne valent que s'ils empruntent la forme de la loi cadre, qui se borne à fixer les grands principes, loin des catalogues insipides qui se perdent dans une multitude de mesures microscopiques et tatillonnes. Le projet de loi sur les nouvelles régulations économiques, par exemple, va ainsi jusqu'à réglementer la taille des étiquettes des produits. Il prévoit même que « la mention relative à l'origine est inscrite en caractère de même taille que celle de l'indication du prix pour les produits alimentaires périssables ». Fallait-il vraiment préciser cela dans la loi ?
Comme une mauvaise habitude ne vient jamais seule, le Gouvernement a demandé l'urgence sur ces textes fourre-tout. Ce fut le cas pour la solidarité et le renouvellement urbains ; c'est encore le cas pour les nouvelles régulations économiques ; c'était également le cas, jusqu'à aujourd'hui, pour le présent projet de loi ; ce sera le cas pour l'allocation personnalisée à l'autonomie. C'est devenu quasiment systématique !
Or rien n'est plus contraire au bon travail du Parlement que la précipitation. Cette procédure d'urgence témoigne, au mieux, d'une ignorance complète des principes et des méthodes de travail de nos assemblées, au pire, d'un certain mépris pour le Parlement.
Cette urgence est d'autant plus artificielle, s'agissant du projet de loi qui nous intéresse aujourd'hui, que celui-ci a été déposé sur le bureau de nos assemblées le 24 mai 2000, soit il y a maintenant près d'un an. Où est donc l'urgence ?
Le Gouvernement s'est permis de laisser passer plus de six mois avant d'entamer la discussion de ce texte, mais une fois celle-ci commencée, il ne peut plus attendre, il ne peut laisser celle-ci se dérouler normalement : il faut aller vite ! On voit bien que la raison essentielle de l'urgence, c'est à tout le moins de court-circuiter le Parlement ; mais c'est aussi, et peut-être surtout, de permettre de trouver un créneau pour le texte sur l'inversion du calendrier, préoccupation première, comme chacun sait, des Françaises et des Français !
Quant au fond même de ce texte, il est impossible d'en avoir une vue d'ensemble et illusoire d'essayer d'y trouver un fil conducteur. C'est pourquoi je n'entrerai pas dans le détail du projet de loi et me contenterai d'aborder la partie relative au développement de la formation professionnelle.
Auparavant, je dirai quelques mots de la réforme des élections au conseil d'administration des caisses de mutualité sociale agricole. Cette réforme que vous nous proposez est triplement dommageable.
En premier lieu, la parité, introduite sur l'initiative d'une députée communiste de Nanterre, représente une menace pour l'avenir du régime agricole. Elle témoigne d'une méconnaissance absolue du mode de représentation au sein des caisses de MSA. Surtout, elle aboutit à diviser le monde agricole en deux camps, celui des salariés et celui des non-salariés.
En second lieu, les inéligibilités et incompatibilités pour âge, prévues par le texte du Gouvernement, vont fragiliser le régime agricole et porter atteinte à la participation des bénéficiaires à la gestion de leur régime. Ces mécanismes d'incompatibilité conduiraient à empêcher l'élection de la majorité des administrateurs actuels.
En troisième lieu, la suppression de l'échelon communal risque de porter atteinte à l'un des principaux atouts du régime : la proximité des élus par rapport aux affiliés.
C'est pourquoi je me rallierai aux amendements de notre commission, qui remédient à tous ces travers, comme l'a très bien montré Bernard Seillier.
J'en viens à la formation professionnelle.
Celle-ci aurait mérité un texte à elle toute seule. M. Jospin nous l'avait promis, il y a quatre ans. Vous nous l'aviez également promis, madame la secrétaire d'Etat. Des rapports ont été commandés, un livre blanc a même été rédigé. Le Gouvernement a mutliplié les déclarations d'intention. Rien n'a vu le jour ... Après quatre ans de réflexion, la montagne promise a accouché d'une souris.
Il est vrai que la gauche ne fait là que respecter une coutume qui lui est familière : lorsqu'un livre blanc commandé par un ministre socialiste conclut à un besoin de réforme, il a toutes les chances d'être mis au placard ! Voyez le livre blanc sur les retraites commandé par M. Rocard ou le rapport Charpin commandé par M. Jospin !
La validation des acquis professionnels et le financement de l'apprentissage auraient mérité d'être mis en perspective dans un cadre plus large. Au lieu de cela, vous avez préféré noyer ces sujets essentiels dans un texte multiforme, qui masque leur importance et empêche leur juste appréciation.
Or c'est peu dire que la formation professionnelle est aujourd'hui un enjeu essentiel. La croissance économique, si elle se maintient, ne viendra pas seule à bout des deux millions de chômeurs qui subsistent dans notre pays. Les pénuries de main-d'oeuvre qui se font jour depuis plusieurs mois témoignent d'une inadaptation foncière des formations par rapport aux besoins des entreprises. Au regard de cet enjeu crucial, votre texte, aussi acceptable soit-il sur certains points, fait malheureusement pâle figure.
Sur l'apprentissage, on était en droit d'attendre une réforme plus profonde que le simple toilettage de la collecte de la taxe d'apprentissage.
L'apprentissage est, en effet, la voie par excellence pour accéder à l'emploi puisque les trois quarts des apprentis sont employés dès la fin de leur formation.
L'apprentissage est économe en deniers publics, irremplaçable pour la transmission du savoir-faire, de l'expérience, pour pallier le déficit en main-d'oeuvre qualifiée.
Il conduit une fois sur deux l'apprenti à devenir son propre patron. Il est le premier facteur de création d'entreprises.
Malheureusement, je l'ai dit, ce n'est pas ce projet qui réformera et qui développera l'apprentissage en France, où il est pourtant particulièrement insuffisant.
La gauche n'a pas encore pris la mesure de ses préjugés, et en particulier de celui qui l'a conduite à l'illusoire slogan : « 80 % d'une classe d'âge au baccalauréat. » En France, 28 % seulement des jeunes de quinze à vingt-quatre ans ont une activité dans le milieu professionnel, contre près de 50 % dans le reste de l'Europe.
En modifiant les circuits et l'affectation de la taxe d'apprentissage, le Gouvernement va même déstabiliser cette filière vitale pour l'emploi des jeunes et pour les entreprises.
Pourquoi vouloir distendre, jusqu'à le rompre, le lien de proximité existant entre les entreprises et les établissements de formation ?
Pourquoi vouloir éloigner, en effaçant le lien financier, l'entreprise de l'établissement, c'est-à-dire le maître de stage du jeune en formation ?
Vous reconnaissez que la région est le bon niveau pour la concertation entre les acteurs de la formation professionnelle, et je partage votre point de vue. Mais, dans le même temps, vous imposez un barème national déterminant le financement des centres de formation d'apprentis, alors qu'ils connaissent des situations très contrastées en fonction de leurs structures de rattachement et de la diversité des formations qu'ils dispensent.
Ce n'est pas en étatisant, en éloignant les acteurs les uns des autres par je ne sais quelle péréquation nationale que vous développerez des formations qui exigent un engagement volontaire, réciproque et raisonné.
Ce projet de loi révèle une tendance à limiter les libertés des régions et à leur imposer des règles souvent archaïques et contradictoires.
Enfin, nous espérions que cette refonte du système de collecte serait plus ambitieuse, pour donner à ces structures de véritables missions d'orientation et de développement de la relation école-entreprise, par exemple.
Les dispositions relatives à la validation des acquis constituent une réelle avancée, je tiens à le souligner, dans la mesure où près d'un actif sur deux occupe un emploi sans lien avec sa formation initiale. Ces dispositions reprennent d'ailleurs largement les propositions du rapport rédigé par M. de Virville, en 1996, à la demande de Jacques Barrot, alors ministre des affaires sociales.
Cette réforme de la validation des acquis professionnels était nécessaire, mais j'éprouve quelques craintes devant la méthode envisagée.
Votre système prévoit en effet une certification des titres reconnaissant ces acquis et son instruction par une future commission nationale de la certification professionnelle. C'est donc un cursus que vous voulez valider, plutôt qu'une compétence réelle.
Une fois de plus, la qualité de la formation risque d'échapper à l'évaluation. N'allez-vous pas encourager par là les « marchands de soupe » qui distribuent des certificats en tout genre, au détriment des organisme de formation sérieux ?
N'oubliez pas que, sur 40 000 organismes de formation recensés, 26 000 seulement exercent une activité, et que seuls 5 000 ont un chiffre d'affaires qui excède 1 million de francs ; et ce sont ceux-ci qui assurent 85 % de l'activité sur ce marché.
La vérification des acquis professionnels doit se faire en situation de travail réelle ou au moins reconstituée.
Pour conclure, je dirai qu'il est grand temps que le débat sur la formation, que vous avez souvent annoncé mais jamais engagé, soit enfin ouvert. Ce « DMOS » n'est qu'un alibi pour ne pas faire grand-chose, une fois de plus !
C'est pourquoi je tiens à rendre hommage aux quatre rapporteurs et au président Jean Delaneau, ainsi qu'aux deux rapporteurs pour avis, pour le travail qu'ils ont accompli : les cent quatre-vingts amendements qu'ils nous proposeront doivent permettre d'améliorer ce texte de manière sensible. Le groupe des Républicains et Indépendants soutiendra donc les amendements adoptés par la commission des affaires sociales et la commission des affaires culturelles. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante-cinq, est reprise à vingt et une heures cinquante.)



M. le président.
La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, de modernisation sociale.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la modernisation sociale n'est pas une spécificité de ce texte. En effet, elle a été largement engagée depuis 1997, et c'est même l'une des constantes de la politique de ce Gouvernement. Je citerai ainsi, pour l'illustrer, les 35 heures, les emplois-jeunes, les mesures contre l'exclusion, la création de la couverture maladie universelle - avancée considérable - et les dispositions contenues dans les lois de financement de la sécurité sociale.
Le projet de loi qui nous est présenté aujourd'hui apporte une nouvelle contribution à cet effort pour concilier la compétitivité de l'entreprise « France » et le progrès social, qui est une caractéristique de notre civilisation.
Il s'agit d'une histoire déjà ancienne, puisque la discussion de ce texte était prévue pour l'an passé. Or le Sénat en est saisi au moment où l'actualité économique lui donne - malheureusement -, une résonance particulière. Le Premier ministre l'a d'ailleurs perçu puisqu'il a lui-même proposé d'inclure dans le texte, sous forme d'amendements, une série de dispositions dont vous nous avez donné la primeur, madame la ministre.
Bien sûr, d'aucuns ont dit, ou diront, qu'il est regrettable de légiférer à chaud, et donc à la hâte, sur un sujet aussi important que le licenciement économique. Mais les plus réalistes leur rétorqueront qu'il en est ainsi depuis que le Parlement existe. L'essentiel, au fond, c'est de légiférer à bon escient, ce qui donne tout son sens au débat que nous entamons.
Et puis, il s'agit seulement, selon vos propres dires, madame la ministre, des mesures les plus urgentes. D'autres viendront plus tard, après consultation des partenaires sociaux.
Le premier volet de ce projet de loi concerne le droit à l'information des salariés et la prévention des plans sociaux. Domaine sensible ! Matière complexe, aussi !
Il tend à renchérir l'indemnité de licenciement, à allonger lesprocédures d'information avant toute restructuration, à évaluer puis à compenser les dommages économiques sur le territoire d'une entreprise procédant à un plan de licenciement.
Je suivrai le Gouvernement dans cette voie, car je trouve proprement inacceptable la désinvolture dont témoignent à l'égard de leurs salariés un certain nombre de firmes, pour lesquelles l'idée qu'une restructuration drastique des effectifs fait monter les cours de la Bourse est quasiment devenue un lieu commun.
Pour autant, vous voyez bien, comme moi, la difficulté de trouver le bon équilibre.
Il faut commencer par légiférer en distinguant, comme le fait le projet de loi, entre les grands groupes - au-delà de 1 000 salariés - et le reste des entreprises, dont 90 % sont composées de toutes petites structures. Le choix du seuil lui-même prête à discussion ; il fournira, à n'en pas douter, matière à de subtils découpages d'entreprises afin d'échapper à ces nouvelles contraintes.
Plus fondamentalement, ces dispositions, qui entendent frapper d'abord les groupes dont la santé financière est florissante, s'appliqueront, bien entendu, comme le veut la loi, à toutes les entreprises. Qu'adviendra-t-il, dès lors, pour les établissements en grande difficulté économique ? C'est un point sur lequel, madame la ministre, j'aimerais avoir davantage d'explications.
Il manque, dans la relation sociale - mais le Gouvernement n'en est pas responsable - le contrepoids nécessaire d'un syndicalisme puissant et d'une culture de négociation chez les partenaires sociaux.
A l'heure où le MEDEF de M. Seillière réinvente le patronat de choc, nous reculons sur ce point sensible. Nous devons donc légiférer. A ceux de mes collègues qui ne le souhaitent pas, je dirai que j'ai conscience qu'il s'agit, en un sens, d'un pis-aller. Mais je pense qu'il faut le faire pour donner un signal à un certain patronat et pour apporter un appui à un certain nombre de salariés.
A ce propos, je défendrai un amendement sur la participation des salariés au capital social. Je connais par avance les objections soulevées, y compris par une partie du syndicalisme représentatif, mais je considère qu'il faut bien ouvrir ce type de débat.
Novatrice, en revanche, est l'obligation pour les très grandes entreprises qui licencient de participer à la réindustrialisation du bassin d'emplois. Cette formule a déjà été expérimentée, avec des fortunes diverses, d'ailleurs. Ce qui m'intéresse dans ce dispositif, c'est qu'il territorialise la responsabilité de l'entreprise et lui impose d'entrer en négociation avec les élus, avec les acteurs sociaux et économiques, syndicats compris, pour faire d'un échec l'occasion d'un nouveau départ.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Très bien !
M. Gérard Delfau. Nous retrouvons là la logique des comités des bassins d'emplois et du développement local ; je m'en réjouis.
Une question demeure pourtant : les grandes entreprises publiques seront-elles assujetties à cette obligation ? Il le faudrait, évidemment. Me réservant pour la discussion des articles, je m'en tiendrai là sur ce thème, inépuisable, de la modernisation du droit du travail.
Le projet de loi comporte, par ailleurs, un si grand nombre de dispositions - je comprends mal pourquoi certains de nos collègues le regrettent - qu'il est impossible de vouloir seulement en énumérer la liste, du moins dans le temps qui m'est imparti.
J'ai été particulièrement frappé par quatre séries de mesures.
D'abord, par celles qui tendent à réorganiser les études médicales pour donner aux médecins généralistes le même type de formation qu'aux spécialistes. Il est nécessaire de revaloriser le rôle des généralistes, de réinventer le rôle du médecin de famille et de diminuer la part des spécialistes dans notre système de santé, sans, bien sûr, en affaiblir le niveau. Tout ce qui concours à cette évolution est positif.
Ensuite, comme nombre de mes collègues, j'ai été très intéressé par la mesure qui réécrit l'article 1er de la loi d'orientation du 30 juin 1975 en faveur des personnes handicapées. Mieux définir les droits fondamentaux des personnes handicapées, c'est, en effet, répondre à un problème de justice sociale et c'est, surtout, reconnaître la dignité de ces hommes et de ces femmes. La commission des affaires sociales a jugé nécessaire de retravailler le texte. Pourquoi pas ! En tout cas, le Parlement s'honore quand il légifère sur de tels sujets.
Par ailleurs, je me suis intéressé à une troisième série de mesures qui apporte une vraie « révolution ». Elle consacre le droit à la validation des acquis de l'expérience, en énonçant que toute personne peut faire reconnaître son savoir-faire dans un métier en vue d'une certification professionnelle.
Ainsi, le diplôme de formation initiale, le plus souvent fondé sur des études abstraites, ne sera plus le seul élément de la rémunération et de l'avancement dans une carrière. Mieux, ce diplôme pourra être obtenu en formation continue à partir d'une pratique reconnue par une procédure de validation. Tel est l'horizon de cette longue marche que, comme on l'imagine, bien des préjugés qui se ligueront voudront entraver.
J'ai bien entendu les craintes justifiées de notre collègue M. Legendre, dont chacun ici respecte l'expertise en ce domaine. Il faut l'écouter, mais, quitte à revenir sur ce dossier si des dérives se manifestaient, il faut aussi avancer.
Reste une dernière disposition dont je veux saluer l'intérêt, celle qui rapproche le statut des accueillants familiaux de celui des salariés. Il s'agit d'améliorer le dispositif de rémunération et le statut des familles accueillant à titre onéreux des personnes âgées ou handicapées. Cette possibilité, encore peu utilisée, est une vraie alternative, dans nombre de cas, à l'accueil en établissement spécialisé. Il est judicieux de la rendre plus attrayante, à condition qu'elle soit correctement encadrée pour éviter les dérapages.
Ce survol rapide, schématique, j'en ai bien conscience, a montré la richesse de ce projet multiforme. Comme toujours, la presse n'en a retenu que l'aspect le plus controversé, celui qui réaménage la procédure de licenciement économique.
La majorité sénatoriale aborde cette discussion d'une façon frileuse, et c'est dommage ! Il importe, au contraire, que ces mesures fassent l'objet d'un examen minutieux et, pour l'essentiel - c'est du moins ce que je pense - qu'elles soient adoptées dans un souci de nécessaire modernisation sociale.
Pour ce qui me concerne, c'est dans cet esprit positif, favorable pour tout dire, que j'entre dans ce débat. (Applaudissements sur les travées socialistes. - M. Robert Bret applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Muzeau.
M. Roland Muzeau. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, durant deux semaines, nous allons examiner le projet de loi de modernisation sociale adopté en janvier dernier par l'Assemblée nationale.
Ce texte, qualifié, de manière excessive, de texte « fourre-tout », en raison du nombre important d'articles qu'il contient - plus d'une centaine - mais surtout en considération de la diversité des sujets traités, ne doit pas nous faire oublier qu'il a pour ambition non seulement d'actualiser la législation sociale existante, mais également - et je reprends vos propos, madame la ministre - d'« apporter des éléments extrêmement forts à la modernisation sociale ».
Considérant que le présent projet de loi pouvait être effectivement le support d'avancées significatives voulues par la grande majorité de nos concitoyens, qui sont aujourd'hui demandeurs de réelles garanties concernant notamment le droit à l'emploi, à la sécurité de l'emploi, les députés communistes ont usé de leur droit d'amendement pour tenter de renforcer les dispositions contenues dans les volets « licenciement », « précarité » et « formation professionnelle » du titre II, mais également pour enrichir le titre Ier relatif à la santé, à la solidarité et à l'action sociale.
Nous abordons le débat au Sénat, débat largement engagé dans tout le pays par la force de l'actualité sociale, avec des intentions plus combatives, des exigences plus fortes en matière de prévention des licenciements économiques.
Durant les dernières semaines, les annonces abruptes de plans de restructuration, de fermetures de sites et de suppressions d'emplois se sont multipliées.
Marks & Spencer ferme ses dix-huit magasins en France et prétend licencier 1 700 salariés : l'action en Bourse à Londres gagne 7,25 points et les actionnaires reçoivent 21 milliards de francs !
Le groupe Danone, fort de 9 milliards de francs de bénéfices consolidés pour l'année 2000, restructure son pôle biscuits. Six fermetures d'usines sont annoncées en Europe, dont deux en France, à Calais et à Ris-Orangis ; d'ici à 2004, 1 816 emplois seront supprimés. La sauvegarde de la compétitivité est invoquée : les lignes de production seraient sous-utilisées, insuffisamment spécialisées. Pour autant - et personne ne le conteste - ces deux usines réalisent des bénéfices.
En fait, la motivation est uniquement boursière, les actionnaires exigeant des normes moyennes de rendement supérieures à celles qui sont actuellement réalisées ! La seule solution qu'ils défendent, ce sont alors les licenciements et les délocalisations.
Il faut d'ailleurs remarquer que, pour l'essentiel, toutes ces annonces de suppressions d'emplois ont été soigneusement tenues confidentielles tant que les élections municipales n'avaient pas encore eu lieu.
Des dizaines de milliers de salariés d'autres grands groupes sont touchés par le retour des plans sociaux, les dégraissages massifs. Ils vivent au quotidien la crainte de délocalisations, voire de fermetures de sites : Moulinex, Bull, Delphi, Usinor, Giat-Industrie, AOM-Air Liberté, Philips, Aventis et bien d'autres encore, sans compter les licenciements qui interviennent chez les sous-traitants et dans les petites entreprises, sans renfort médiatique cette fois, dans le secteur textile-cuir-habillement notamment.
Malgré la croissance, les menaces sur l'emploi sont grandes. Peu de plans sociaux émanent d'entreprises vraiment en difficulté.
Dès lors, si les restructurations d'entreprises ne sont pas liées aux difficultés du marché, elles n'ont d'autre objectif que de satisfaire les marchés financiers, dans une sorte de marche forcée des actionnaires toujours en attente de plus de dividendes. Cela conduit un journaliste du Monde économique à indiquer : « C'est un signe des temps. Hier, en France, les chefs d'entreprise s'appliquaient à couper les "branches mortes" ; aujourd'hui la mode est à élaguer les branches les moins rentables. »
Marqués, voilà deux ans, par l'affaire Michelin, les Français réagissent à nouveau. Ils s'indignent de la façon dont certains dirigeants procèdent, passant outre le respect des règles minimales du code du travail organisant l'information et la consultation des salariés par le biais du comité d'entreprise.
Au-delà des simples questions de forme, les solidarités qui s'expriment à l'égard des salariés en grève, le boycott des produits Danone, traduisent un rejet de tels plans de licenciements mais aussi, ce qui est intéressant, un refus du fatalisme. Tout cela fait dire à l'éditorialiste d'un grand quotidien du soir que « l'affaire Danone marque un tournant non seulement parce qu'elle retentit profondément dans toute la société, mais surtout parce que l'opinion publique, très largement concernée, en a perçu la dimension scandaleuse à la fois sociale, économique, politique et morale ».
Des questions de fond sont posées quant aux pratiques et aux responsabilités des entreprises, qui apparaissent comme étant seules juges de l'opportunité des licenciements, et quant à la capacité et au degré d'intervention du politique dans la sphère économique. Ces questions ne visent aucunement à diaboliser l'entreprise, contrairement à ce que certains commentaires laissent entendre.
La concentration des événements est telle que le Gouvernement et nous, les politiques, ne pouvons et ne devons nous dispenser d'en tenir compte.
Nous verrons au cours de la discussion si les réponses législatives fortes attendues par des salariés méprisés, considérés comme de simples variables d'ajustement, s'avèrent assez volontaristes et à la hauteur des enjeux.
Les dizaines de milliers de Françaises et de Français mobilisés samedi dernier à Calais attendent que le Gouvernement renforce les exigences actuelles du code du travail en matière de prévention des licenciements économiques, d'information et de consultation des salariés, ainsi que de reclassement.
Mais, au-delà de ces indispensables mesures d'« accompagnement » des licenciements telles qu'elles ont été rappelées cet après-midi par Mme la ministre, des mesures propres à réellement les empêcher sont unanimement souhaitées par le monde du travail.
Je renvoie tous ceux qui, ici ou ailleurs, s'abritent derrière les dogmes du libéralisme et de la mondialisation pour justifier la non-intervention de l'Etat face à la décision unilatérale du chef d'entreprise à un article de M. Andreu Solé, sociologue et professeur à HEC, paru dans le Figaro le 7 avril dernier et intitulé Pour le droit de dire non à l'actionnaire : « Lorsque des intérêts particuliers menacent l'intérêt général, l'Etat doit intervenir pour défendre ce dernier. C'est sa mission, sa raison d'être. Exiger "moins d'Etat", n'est-ce pas préférer un monde se référant à un intérêt général réduit ?
« Tout se passe, poursuit-il, comme si l'appétit de l'actionnaire n'avait pas de limites, comme si l'intérêt d'une catégorie de citoyens était supérieur à l'intérêt général.
« Faut-il rappeler que les lois économiques sont des croyances, qu'il n'y a pas de réalité économique à proprement parler, qu'il y a seulement les conventions, les "règles de jeu" que nous nous donnons, les possibles et impossibles que nous nous créons ? L'incapacité de l'Etat à protéger l'intérêt général finit par apparaître pour ce qu'elle est : une décision. »
Dans la panoplie d'amendements que nous avons déposés sur les articles traitant du licenciement économique, deux sont de nature, s'ils étaient adoptés, à rétablir au profit des salariés un minimum de justice sociale. Je pense à l'amendement visant à interdire les licenciements boursiers, à les pénaliser fiscalement et pénalement. Je pense également à notre proposition conférant aux salariés un réel droit d'intervention, de regard sur le bien-fondé, la légitimité des restructurations envisagées, et j'ai cru comprendre, dans le propos de Mme la ministre, que de telles questions seraient abordées.
Conscients des dangers qu'il y a de passer de l'annonce de licenciements à l'accord ou au refus du politique qui conduit à dédouaner l'entreprise de ses responsabilités, sans rétablir telle qu'elle était l'autorisation administrative de licenciement, nous envisageons d'ouvrir aux salariés, par le biais du comité d'entreprise ou des délégués du personnel, la possibilité d'émettre un droit de veto suspensif.
Ainsi, pour leur saisine un délai de six mois serait ouvert, pendant lequel toute solution économique et sociale de préservation de l'emploi dans l'entreprise concernée serait recherchée.
Une commission composée de représentants du personnel, de l'employeur, de la direction départementale du travail, de la juridiction commerciale, de la commission décentralisée de contrôle des fonds publics, de la Banque de France et d'élus locaux travaillerait dans un délai de quatre mois pour formuler des propositions et des avis. Au terme de ce délai, l'autorité administrative compétente disposerait d'un délai de deux mois pour formuler une proposition sur tous les aspects du dossier.
A cette exigence de discussion des choix de gestion des entreprises, de construction de solutions alternatives favorisant l'emploi et la formation s'ajoute une autre exigence : la transparence des aides de toute nature allouées aux entreprises.
Pour ce faire, madame la ministre, nous renouvelons notre demande de publication des décrets d'application de la loi Hue, relative au contrôle des fonds publics, car il y a urgence. J'ai bien noté que vous avez annoncé, lors de votre audition devant la commission des affaires sociales, qu'ils seront bientôt publiés.
Des acquis de l'Assemblée nationale sont remis en cause par la majorité sénatoriale, qu'il s'agisse de la réintégration de l'amendement Michelin, de l'élargissement de l'information du comité d'entreprise en cas d'annonce publique, de la transposition législative de la notion jurisprudentielle d'obligation de reclassement sur un emploi de même catégorie incombant à l'employeur avant de procéder à un licenciement, de l'élimination de la liste des critères déterminant l'ordre des licenciements du critère des qualités professionnelles, de la réduction du volume des heures supplémentaires comme condition du plan social ou encore de l'impossibilité pour l'employeur de se prévaloir de l'absence d'institution représentative du personnel pour échapper à ces obligations de consultation prévues dans la procédure de licenciement.
Sans surprise d'ailleurs, tout dispositif législatif tendant à parfaire le droit social existant est mis à mal d'avance par notre collègue M. Gournac, rapporteur de la commission des affaires sociales sur le volet travail-emploi.
Les arguments avancés pour justifier les coupes franches dans le texte sont identiques à ceux qui sont développés par M. Kessler. Commentant le boycott, qu'il juge irresponsable, ce dernier a déploré qu' « à chaque fois qu'il y a réduction d'effectifs on voit apparaître des demandes d'un durcissement de la législation totalement irréalistes - ben voyons ! - durcissement dont, la plupart du temps, l'effet pervers est, au contraire, de limiter l'emploi ! ». C'est là une resucée de la formulation selon laquelle « les licenciements d'aujourd'hui sont les emplois de demain », devenue aujourd'hui, dans la bouche de Franck Riboud, la notion de « destruction créatrice ».
Les salariés concernés apprécieront sûrement qu'une fois de plus le seul message qui leur soit adressé par la droite sénatoriale soit le message « progressiste » du MEDEF de tout laisser à la négociation entre les partenaires sociaux, sur la base d'un code du travail a minima !
Les recommandations de la commission des affaires sociales concernant les articles relatifs à la lutte contre la précarité des emplois nous obligeront encore à avoir une attitude défensive. Nous ne pouvons nous accommoder du fait que la diminution des chiffres du chômage, le retour de la croissance ne s'accompagnent pas d'un reflux massif des contrats à durée déterminée, des contrats d'intérim, du nombre de travailleurs pauvres et d'un regain de qualité de l'emploi.
Pour éviter, notamment, que des entreprises ne recourent de manière structurelle et permanente à l'intérim, nous ferons des propositions.
Lors de l'examen en première lecture du projet de loi de modernisation sociale, sur l'initiative des députés communistes signataires d'une proposition de loi relative au harcèlement moral au travail, un large débat a pu s'ouvrir sur les violences au travail, débouchant sur l'adoption de plusieurs dispositions importantes.
Un chapitre spécifique au harcèlement moral a été introduit dans le code du travail ; le principe d'« exécution de bonne foi » du code du travail a été affirmé, une définition a été ébauchée ; la protection du salarié victime ou témoin a été envisagée.
Madame la ministre, conformément à vos engagements, nous espérons que cette ébauche législative saura s'enrichir des réflexions du Conseil économique et social pour que, demain, la France se dote d'un dispositif complet permettant de mieux protéger les salariés.
D'une part, nous serons attentifs à ce que la définition retenue par l'Assemblée nationale, qui, selon nous, ne rend pas compte de l'ensemble des situations de harcèlement moral au travail, évolue. La notion de dignité humaine au sein même de l'entreprise doit apparaître.
Notre proposition initiale recouvrant à la fois les atteintes à la dignité, à l'intégrité psychique et les pressions psychologiques, définissant le harcèlement moral au travail comme « une dégradation délibérée des conditions de travail », sans référence aucune au lien hiérarchique, est proche de la définition proposée par M. Michel Debout, rapporteur de l'avis adopté par le Conseil économique et social.
D'autre part, nous veillerons à la mise en oeuvre d'une réelle prévention utilisant à cet effet tous les acteurs concernés : le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, le médecin du travail, le comité d'entreprise et le chef d'entreprise.
Enfin, nous attendons du Gouvernement des réponses quant au champ d'application - je pense au secteur public - de ces dispositions jusqu'alors circonscrit au secteur privé, quant à la reconnaissance du harcèlement moral comme un risque professionnel, quant à votre refus d'assortir le harcèlement moral d'une sanction pénale spécifique, à l'instar de ce qui existe en matière de harcèlement sexuel.
Concernant un autre sujet d'envergure traité dans le titre II, la formation professionnelle, outil indispensable d'insertion, de promotion de l'individu confronté aux réalités des mutations de l'emploi, nous saluons la démarche retenue par Mme la secrétaire d'Etat, qui a préféré à la simple reconnaissance des acquis professionnels le concept plus large de validation des acquis de l'expérience, c'est-à-dire des savoirs et savoir-faire emmagasinés en tous lieux : l'entreprise, bien sûr, mais aussi le milieu associatif, syndical, etc.
J'en viens maintenant au titre Ier du projet de loi, relatif à la santé, la solidarité et à la sécurité sociale. Faute de pouvoir entrer dans le détail des nombreux articles, je centrerai mon propos sur les points qui nous paraissent devoir être complétés, éclaircis ou maintenus.
Nous profiterons de l'examen des articles transcrivant législativement une partie du protocole d'accord du 14 mars dernier dans la fonction publique hospitalière pour faire le bilan des revendications des sages-femmes, notamment.
Nous demeurons préoccupés par le changement de statut de l'Etablissement français de fractionnement et des biotechnologies. Nous avons pris acte de la solution d' « équilibre », proposée par le rapporteur de l'Assemblée nationale, du maintien du principe des prix administrés pour les dérivés de produits sanguins ainsi que de la présence, au sein des conseils d'administration, des représentants du personnel et des donneurs de sang. Pour autant, d'un point de vue strictement éthique, la classification même des dérivés sanguins, produits issus du corps humain, dans la catégorie des médicaments nous pose problème.
Concernant la réforme des élections aux conseils d'administration des caisses de mutualité sociale agricole, la commission s'apprête à revenir sur la parité de représentation des salariés et des non-salariés au sein des conseils d'administration des caisses départementales du conseil central de la mutualité sociale agricole introduite à l'Assemblée nationale et justifiée par les évolutions démographiques. Nous notons que des discussions ont eu lieu avec les représentants des différents collèges qui, tous, souhaitent garantir l'avenir de la mutualité sociale agricole.
Toujours sur l'article 10, nous proposons d'amender le texte afin de répartir les délégués du deuxième collège à l'assemblée générale centrale au prorata des résultats nationaux du scrutin local.
Enfin, je tiens à préciser que les sénateurs communistes soutiennent la démarche des associations membres du comité d'entente des personnes handicapées rassemblées devant le Sénat pour dénoncer le caractère amoral et profondément inégalitaire des règles de récupération sur succession au premier franc des prestations. Pour ce faire, nous défendrons avec force un amendement visant à mettre un terme à cette injustice criante.
Madame la ministre, même si l'appréciation du texte dans son ensemble s'avère difficile, et bien que la droite sénatoriale ait décidé de s'attaquer à certaines dispositions que nous jugeons au contraire fondamentales, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen abordent ce débat dans un esprit résolument constructif. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, sur les travées socialistes ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Dieulangard.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la diversité des thèmes abordés par ce projet de loi de modernisation sociale ne doit pas masquer les avancées majeures qu'il contient, notamment dans sa partie sur le travail, l'emploi et la formation professionnelle.
Les récentes annonces de licenciements dans de grandes entreprises européennes, aux enseignes prestigieuses, exacerbent les attentes qui entourent l'examen de ce texte. Le débat qui agite l'opinion sur ce qu'il faut faire pour éviter les licenciements et la précarité est le nôtre aujourd'hui. Il est d'ailleurs le plus souvent à l'arrière-plan de nos travaux. Nous nous trouvons face à une vive émotion des salariés.
Le texte que nous examinons est le fruit d'un travail de réflexion et de raison. Il prévoit des mesures tendant à protéger les personnes contre les licenciements et dont le défaut majeur serait de ne pas être appliquées. Il faut donc les proposer et s'en saisir pour qu'elles réussissent.
Chacun doit bien mesurer sa responsabilité, à partir du moment où les mesures sont justes et porteuses de progrès. Point n'est besoin de spectaculaire. Il faut seulement réussir. C'est possible, car il s'agit de s'appuyer sur le développement des relations sociales dans l'entreprise.
Tout d'abord, je veux souligner que la volonté du Gouvernement à agir dans ce domaine est légitime sur le fond.
Quand il s'agit de légiférer contre les licenciements, on nous oppose que la réussite économique ne se décrète pas et qu'une entreprise en difficulté doit pouvoir s'adapter, y compris par des licenciements, si elle veut sauver d'autres emplois. Faut-il rester alors les bras croisés, ne rien faire et abandonner les salariés aux seules initiatives des chefs d'entreprise ? Assurément non !
Notre économie fonctionne plutôt bien. Le progrès économique et les conquêtes sociales doivent aller de pair. Seulement, dans le domaine économique, on sait - ce sont les libéraux qui le disent, et cela s'observe - que les forces avancent d'elles-mêmes. Elles avancent, mais où vont-elles ? La question vaut parce qu'elles ne rejoignent pas naturellement le sens du progrès social et que leur puissance est telle - c'est bien ce qui inquiète avec la mondialisation - que, si elles entrent en contradiction avec le social, le risque est réel d'avoir une régression. Pour que le progrès économique aille de pair avec le progrès social, c'est le progrès social que notre politique doit encourager prioritairement : il a sans cesse besoin d'être soutenu.
Une autre raison d'intervenir tient au fait que le chômage, qui a baissé très significativement depuis quatre ans, touche encore beaucoup trop de nos concitoyens et que notre énergie doit se porter vers eux.
Nous voulons ici saluer le travail du Gouvernement dans la lutte contre le chômage. La réussite est incontestable. Bien sûr, la croissance économique y est pour beaucoup. Mais le Gouvernement, par son action, a contribué largement à ce niveau élevé de croissance, et il l'a mis à profit pour faire baisser le nombre de chômeurs.
Je le disais à l'instant, il y a encore trop de chômeurs. Au-delà de leur nombre, il y a toutes celles et tous ceux qui sont à la frontière du chômage : les éventuelles futures victimes des licenciements et les personnes qui ont des emplois précaires. Malheureusement, il faut aussi ajouter à l'angoisse particulièrement tragique de ces femmes et de ces hommes celle de leurs proches et de leur famille. L'interpellation est donc forte.
Avec la décrue du chômage, c'est au noyau dur de ce dernier que nous devons consacrer nos efforts. Or, celui-ci risque d'être alimenté par les licenciements actuels, qui rendent plus vulnérables les salariés ayant atteint un certain âge et les jeunes en situation précaire.
Ce que je veux dire, c'est que nous ne pouvons pas nous contenter de penser que notre économie créatrice d'emplois saura d'elle-même réintégrer tous les salariés licenciés. Les plus fragiles de ces derniers savent bien qu'ils risquent d'être écartés définitivement ou durablement de l'emploi. Lutter contre les licenciements, c'est donc lutter non pas seulement contre le chômage, mais aussi contre l'injustice et contre l'exclusion.
L'injustice a aussi un autre visage, odieux moralement : elle transparaît dans les licenciements des salariés qui travaillent dans des entreprises faisant des bénéfices. Le seul énoncé de cette réalité est réellement ahurissant.
D'une part, ces licenciements insultent des salariés qui se sont impliqués dans leur entreprise. Comment ne pas comprendre que ces salariés soient révoltés et que toute la population le soit avec eux ? Si beaucoup de monde est menacé dans une économie ou une entreprise en difficulté, faut-il accepter que personne ne soit à l'abri dans une économie ou une entreprise en expansion ? C'est scandaleux et décourageant !
D'autre part, comment ne pas être révolté par le fait que les entreprises qui licencient aient bénéficié, pour leur réussite, d'efforts réalisés par des populations entières ? Je pense notamment à la construction européenne, puisque les licenciements que nous avons à l'esprit sont le fait de groupes européens. Nos concitoyens savent bien ce que leur coûte la réalisation des critères de l'Union européenne. Ils savent aussi ce que la construction européenne apporte aux entreprises. L'Europe est un espace de croissance et de stabilité dans lequel il est possible de prévoir et de développer. Nous avons donc raison de la soutenir. Encore faut-il que chacun joue le jeu, et ce n'est pas manquer de pudeur que de le rappeler. Notre entité économique européenne a mis à l'abri de nombreuses entreprises contre les crises qui, depuis quelques années, ont dégradé des régions entières du monde, l'Asie et la Russie notamment.
Un autre scandale doit être dénoncé : la manière dont sont organisés les licenciements. Non seulement des salariés apprennent qu'ils vont être licenciés, mais, de plus, la manière dont l'annonce leur est faite n'est pas anodine. On a l'impression que, au-delà des gains que permettra la restructuration, des chefs d'entreprise cherchent à faire des coups boursiers à travers des effets d'annonce : ils veulent absolument impressionner l'actionnaire, lui signifier leur détermination. Celle-ci se traduit trop souvent par de la brutalité envers le salarié.
Forts de ces éléments d'analyse, nous nous retrouvons confrontés à deux réalités antagonistes dès lors qu'il s'agit de proposer une solution.
Le mouvement naturel est d'interdire les licenciements. Nous savons que cela est impossible. La raison en est simple : elle réside non pas seulement dans le chantage à la délocalisation, mais aussi dans l'évolution de notre système de production et des métiers. Certains secteurs requièrent moins de travailleurs. On ne peut pas arrêter l'histoire. Le Gouvernement l'a compris en mettant en oeuvre la loi sur les 35 heures qui, avec la réduction du chômage, représente un véritable projet de société.
Et pourtant, face à la révolte des salariés, comment ne pas être tenté d'interdire les licenciements ? Une des préoccupations qui s'expriment à l'heure actuelle a trait à un sentiment général d'insécurité.
Mes chers collègues, posons-nous la question suivante : une personne se faisant voler est-elle plus victime de la délinquance qu'une personne se faisant licencier ? Au-delà de la perte matérielle, souvent plus grave d'ailleurs dans le second cas, n'y a-t-il pas dans les deux circonstances la même souffrance psychologique due à la violence d'une volonté individuelle extérieure qui viole la tranquillité de la sphère privée et engendre l'angoisse et la précarité ?
Ajoutons ici que la précarité d'un statut de travail, de même que la crainte du licenciement et l'inquiétude de voir ce dernier frapper aveuglément, même si l'entreprise se porte bien, participent de ce sentiment d'insécurité.
Enfin, n'oublions pas que les personnes en situation sociale fragilisée sont les premières victimes de l'insécurité.
Je crois qu'il fallait mettre les choses au point afin de bien mesurer les enjeux précis auxquels nous sommes confrontés et de comprendre la portée des propositions que le Gouvernement a formulées dans ce texte et que nos collègues de l'Assemblée nationale ont enrichies. Depuis que les députés ont examiné le présent projet de loi, nous avons pu constater que l'affaire des licenciements chez Michelin n'était pas un fait isolé. Ce texte mérite donc d'être encore renforcé.
Les objectifs du projet de loi sont clairs et tentent de concilier les deux impératifs suivants : protéger les personnes contre les licenciements et ne pas bloquer nos entreprises face à leurs nécessaires évolutions dans un monde ouvert.
Pour parvenir à ce résultat, la démarche proposée invite à faire le lien entre plusieurs dispositions du droit existant, notamment avec les mesures liées au dispositif des 35 heures et aux négociations qui l'accompagnent. Le dialogue social a été relancé dans les entreprises. Utilisons-le. Ne craignons pas de permettre aux acteurs de terrain, aux représentants des salariés, de jouer leur rôle. Ils connaissent bien la situation économique et sociale de l'entreprise. Il faut qu'ils aient leur mot à dire dans l'entreprise sur le bien-fondé ou non des licenciements. Il faut donc qu'ils soient prévenus suffisamment tôt et qu'ils puissent en discuter.
Le Gouvernement n'a pas voulu une mécanique rigide et centralisée de contrôle des licenciements, mécanique qui se serait mal adaptée aux réalités diverses des entreprises. Il a préféré valoriser l'expérience de la maîtrise de cette diversité, acquise notamment par la mise en place de la réduction du temps de travail.
Remarquons que le texte prévoit, par ailleurs, d'améliorer la représentation des salariés actionnaires au conseil d'administration et de surveillance. Ce qui fera débat, ce sera de savoir jusqu'où les salariés auront le pouvoir de discuter les licenciements et de les contester. Il y a là un enjeu politique majeur qui correspond à un véritable clivage.
En tout cas, en étendant la liste des thèmes de négociations quinquennales sur la formation professionnelle, en favorisant la gestion prévisionnelle de l'emploi, le texte donne aux représentants du personnel des moyens nouveaux de s'imposer comme des acteurs responsables dans la stratégie de l'entreprise.
Le contrôle des plans sociaux va dans ce sens. L'entreprise aura intérêt à avoir bien négocié au préalable, donc à associer en amont les représentants des salariés. L'obligation, issue de l' « amendement Michelin », d'avoir engagé une négociation d'accord sur les 35 heures permet déjà de poser la relance du dialogue social comme préalable, de mieux préciser auprès de chacun de ses acteurs l'état de l'entreprise.
Une obligation de résultat, en s'inspirant de la jurisprudence « Samaritaine », doit être exigée. L'entreprise doit prendre ses responsabilités. L'Etat et les collectivités locales assument les leurs à travers leurs investissements et le soutien aux services publics, ce qui séduit d'ailleurs les investissements étrangers. Cette politique peut faciliter la réindustrialisation des sites et est, de ce fait, un instrument important de protection de l'emploi.
En même temps qu'il renforce le pouvoir d'intervention des institutions représentant les personnels, le texte vise à leur assurer individuellement une plus grande sécurité face au risque de licenciement. Je pense en particulier au très important volet sur la validation des acquis professionnels et de l'expérience. Là encore, plusieurs dispositifs se complètent et acquièrent tout leur sens lorsqu'ils sont articulés. La validation des acquis est une mesure qui fonctionne bien avec les obligations d'assurer l'adaptation des salariés et avec le droit au reclassement, dans la lignée de la jurisprudence « Samaritaine ».
La validation des acquis représente une avancée considérable. Cette ambition avait été lancée en 1992 par Lionel Jospin, alors ministre de l'éducation nationale. Elle a été reprise en 1997 et bien préparée. Elle vient maintenant devant nous. Elle ouvre un nouveau droit, celui de voir clairement reconnues et identifiées, selon des qualités dûment répertoriées, les compétences que chacun acquiert tout au long de sa vie, et ce non seulement par son activité professionnelle, mais aussi par toute autre occupation ayant permis de renforcer son expérience, par exemple la gestion d'une association.
Le progrès que cela représente est évident. Il s'agit d'une véritable modernisation du regard que nous allons porter les uns sur les autres. Tout l'enjeu sera d'assurer une véritable reconnaissance des diplômes. C'est une question de rigueur et de volonté. Les nombreuses réunions préparatoires et de concertation ont contribué à lever des doutes en précisant les contours du dispositif.
Un autre volet de cette politique tendant à renforcer la sécurité de la personne est la lutte contre le travail précaire, qui concerne nombre de nos concitoyens. Pour certains, cela est préférable au chômage, mais il est temps de passer à l'étape suivante.
Des dispositions nouvelles concernent le délai de carence, afin d'en exclure le week-end.
Le droit du travail limitant le recours aux contrats à durée déterminée, les CDD, et encadrant ceux-ci est renforcé : quel que soit le motif mentionné dans le contrat, un CDD ou une mission d'intérim ne peut avoir pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise ; le taux des indemnités de précarité versées en fin de CDD est relevé à hauteur de celles qui sont allouées à la fin d'une mission d'intérim.
Les cas d'application des sanctions pénales liées à l'utilisation illégale de contrats précaires seront étendus.
Le contrat de travail temporaire ou à durée déterminée pourra être rompu sur l'initiative du salarié lorsque celui-ci justifiera d'une embauche pour une durée indéterminée : les pénalités visant le salarié sont supprimées.
Par ailleurs, l'offre d'apprentissage et de formation professionnelle est modernisée. Les sénateurs socialistes proposeront un renforcement des moyens des centres de formation d'apprentis, les CFA, intervenant dans la formation des jeunes en difficulté.
La lutte contre le harcèlement moral au travail, outre son enjeu propre, est aussi un élément concourant à la sécurité du salarié. Elle vient consolider des dispositions contre les discriminations, contre le harcèlement sexuel et en faveur de l'égalité professionnelle.
C'est donc un projet de loi à la fois riche et cohérent que nous examinons. Loin du saupoudrage de mesures que certains voudraient y voir, il s'agit de faire le lien entre des dispositifs existants, de les renforcer et de les compléter. Ce texte est donc porteur d'une réelle ambition qui s'appuie sur des mesures déjà en vigueur, avec la prétention de les valoriser davantage.
Derrière ces mesures, ce qui me paraît important, c'est la possibilité de renforcer la culture de l'entreprise, lieu privilégié des relations sociales.
Le salarié représente la mémoire de l'entreprise. Il en est un élément indispensable, et non un élément imposé ou subi : il lui est lié. Au contraire, certains actionnaires, qui recherchent des profits immédiats, butinent. Ils n'ont pas le même rapport identitaire à l'entreprise que le salarié.
Je crois que les débats sur les politiques sociales et économiques à venir devraient davantage porter sur l'importance de la culture d'entreprise et le rôle qu'y jouent les salariés. Il faut sortir des clichés du patronat qui présente la culture d'entreprise comme la religion de la réussite de la marque. Celle qu'il faut promouvoir se construit autour de l'histoire d'un groupe humain, entre ses différents acteurs ; elle s'enrichit de l'expérience de leurs relations, qui doivent tendre à une meilleure efficacité vers l'extérieur et à un plus grand respect mutuel à l'intérieur.
Ce qui peut contribuer à expliquer, dans le cas de Marks & Spencer, mais plus particulièrement dans celui de Danone, l'émotion populaire, c'est le sentiment qu'ont eu nos concitoyens d'être trahis dans la confiance qu'ils avaient été invités à placer dans l'image de ces groupes.
Il y a eu appel au boycott dans le cas de Danone. Mais si cette entreprise avait dû licencier dans une situation de réelles difficultés économiques, il y aurait certainement eu un appel à acheter les produits de consommation courante de cette entreprise, au lieu de les boycotter, et cet appel serait peut-être venu des salariés eux-mêmes et aurait eu de l'écho. Au contraire, les gens ont été meurtris par le sentiment de trahison qu'ont éprouvé les salariés, à qui l'on a demandé de s'investir psychologiquement dans l'image du groupe et à qui, finalement, on indique la sortie.
Ce souci de sincérité dans les relations sociales concerne aussi les PME. Le texte prévoit une extension du dispositif d'aide pour les actions de formation, pour l'élaboration d'un plan de gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences. Là encore, le Gouvernement veut, au travers de la prévention des licenciements, encourager la qualité du climat dans l'entreprise. La taille des PME fait que les relations personnelles y jouent un grand rôle. Pour qu'elles soient fructueuses, il faut qu'elles puissent se développer dans un climat de confiance. Tant mieux si la loi joue son rôle pour garantir ce climat !
Derrière cette préoccupation, il y a un enjeu démocratique. Au moment où de grands groupes sont plus puissants que certains Etats ou sont en mesure de faire du chantage à l'emploi, au moment où l'on nous explique qu'il ne faut pas légiférer dans le domaine des entreprises sous prétexte que cela ne sert à rien, car on ne peut plus déterminer clairement leur périmètre, nous voulons savoir qui fait quoi.
On parle beaucoup de transparence en politique. Il en faut plus aussi dans le monde de l'entreprise. C'est un long combat, et nous devons le mener. Nombre de dispositions de ce texte, comme celles qui concernent les élections aux prud'hommes, vont dans le sens d'une obligation de sincérité entre les acteurs de l'entreprise.
Après la loi relative aux nouvelles régulations économiques, ce texte met au service de nos relations sociales des outils très concrets. Il permet d'affirmer l'importance du salarié dans l'entreprise comme étant sa vraie richesse et sa vraie justification. C'est un combat permanent. Il réussira grâce aux principaux intéressés dès qu'ils pourront se saisir avec raison des outils qu'ils réclament avec passion. (Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Murat.
M. Bernard Murat. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, nous sommes appelés à examiner, en première lecture, ce projet de loi dit de « modernisation sociale. »
Sur la forme, je note que ce projet de loi risque d'être l'exemple type d'une gestion approximative des textes sociaux. Je vous rappelle, mes chers collègues, que le Gouvernement a déposé ce texte à la fin du mois de mai 2000 et qu'il n'a été examiné par l'Assemblée nationale que sept mois plus tard.
De même, je n'insisterai pas sur le fait que vingt-trois articles de ce projet de loi ont été retirés pour être progressivement éparpillés dans diverses propositions de loi.
En réalité, derrière ce titre de « modernisation sociale » se cache un texte portant diverses mesures d'ordre social dont la modernité n'est pas apparente. D'ailleurs, comme les 35 heures, et ces mesures ne sont pas financées. Encore une fois, le Gouvernement préfère la loi au dialogue social, à la concertation, c'est-à-dire au contrat. On veut imposer aux PME-PMI, créatrices d'emplois, des contraintes dont le Gouvernement s'est affranchi dans ses négociations avec la fonction publique.
M. Charles Descours. Très bien !
M. Bernard Murat. Sur le fond, où sont les avancées sociales qui devraient améliorer les conditions de vie quotidiennes de nos concitoyens ? Elles sont bien limitées !
J'estime que ce projet de loi comporte de nombreux écueils ; j'en citerai deux pour illustrer mes inquiétudes.
Tout d'abord, l'article 11 abroge la loi « Thomas », qui a créé les « plans d'épargne retraite », appelés aussi « fonds de pension ». La loi Thomas a au moins un avantage, celui de généraliser aux salariés du secteur privé les mécanismes de retraite complémentaire par capitalisation qui ont été mis en place dans le secteur public.
En effet, il existe un système de fonds de pension assez généreux pour les agents du secteur public, et ce depuis 1967. Certes, la loi Thomas était perfectible. Mais, madame la ministre, plutôt que de l'améliorer, vous demandez sa suppression pure et simple. En effet, cette suppression ne s'accompagne d'aucun mécanisme alternatif.
Mes chers collègues, il me semble que, sur ce sujet essentiel pour nos concitoyens, l'analyse dogmatique devrait laisser place à une approche pragmatique.
Nous savons tous que, dans un système de marché, on ne peut empêcher des entreprises françaises d'avoir des fonds de pension étrangers comme actionnaires. Alors, pourquoi ne pas constituer des fonds de pension français, au lieu de laisser le champ libre aux retraités américains ou suisses ? Je fais le pari que nos retraités feraient preuve d'un esprit patriotique vis-à-vis de notre économie.
Par ailleurs, pourquoi refusez-vous au secteur privé ce qui existe pour le secteur public depuis plus de vingt ans ?
Comme l'ensemble de mes collègues du groupe RPR, j'estime que la préservation d'un régime de retraite par répartition pour tous les Français est une priorité intangible. Or personne ne peut nier que les perspectives du régime par répartition sont catastrophiques. Le rapport Charpin a expliqué très clairement que le régime par répartition était gravement menacé par la détérioration du rapport actifs/retraités à partir de 2007. Dès lors, les revenus des retraités ne pourront que décroître, ces derniers ne disposant même plus des ressources nécessaires pour vivre.
Aussi, plutôt que de supprimer ce dispositif théorique, puisque les décrets d'application ne sont jamais sortis, il serait plus cohérent de proposer des réformes concrètes aux Français, sans tenir compte des échéances électorales.
Alors, me direz-vous, le Gouvernement a mis en place un fonds de réserve visant à assurer la pérennité de notre système de retraite ! Certes, mais à quoi sert un fonds de réserve si l'on ne prévoit pas les moyens nécessaires à son financement ?
Tout d'abord, je note que, fin 2001, il manquera 15 milliards de francs en raison des incertitudes qui pèsent sur l'attribution des licences UMTS.
M. Gérard Larcher. Eh oui !
M. Bernard Murat. Ensuite, et surtout, je relève que l'alimentation du fonds de réserve repose très largement sur les excédents du fonds de solidarité vieillesse, le FSV. Or, comme le souligne mon ami Alain Vasselle dans son rapport sur le fonds de réserve, ces excédents sont détournés systématiquement par le Gouvernement. En effet, dès mars 2000, le Gouvernement s'est employé à assécher la première ressource du fonds de réserve. Les excédents du fonds de solidarité vieillesse serviront au financement ponctuel des trente-cinq heures, à la prise en charge de la dette de l'Etat à l'égard de l'Association générale des institutions de retraites des cadres, l'AGIRC, et de l'Association des régimes de retraites complémentaires, l'ARRCO, ainsi qu'au financement de l'allocation personnalisée d'autonomie.
Au total, il faut le savoir, d'ici à 2020, ce sont 540 milliards de francs en cumulé qui seront prélevés sur le FSV, ressource qui aurait engendré par ailleurs 250 milliards de francs de produits financiers.
Ainsi, en l'état actuel des choses, ce fonds de réserve reste dans le domaine des idées. Il ne représente rien de concret qui constituerait une alternative au maintien de notre système de retraite par répartition.
Aussi, avec l'ensemble des membres du groupe RPR, nous suggérons de maintenir les plans d'épargne retraite, puisque le Gouvernement ne propose aucune mesure de substitutions réaliste.
J'en viens à un autre volet de ce projet de loi : le durcissement du droit du travail. Les articles 31 à 34 du projet de loi et les amendements du Gouvernement qui nous sont soumis tendent à donner plus de garanties aux salariés des entreprises privées en matière d'emploi.
Je m'en félicite, et je dois dire, madame le ministre, que j'ai été assez choqué, à cet égard, par les propos que vous avez tenus en fin d'après-midi. En effet, même au Sénat, la générosité n'est pas l'apanage de la gauche ! Ayant été moi-même salarié et licencié, je sais de quoi je parle et je pense que peu nombreux sont ceux qui, dans cet hémicycle, peuvent en dire autant ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR. - Protestations sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.) Il faut y être passé pour le savoir !
Dès à présent, je souhaite exprimer notre compassion à toutes celles et à tous ceux qui, aujourd'hui comme hier, sont confrontés à ce drame humain qu'est le licenciement. L'émotion des femmes et des hommes qui sont licenciés est légitime. Les licenciements sont un grave traumatisme, voire un drame personnel, pour tous les salariés d'une entreprise et leurs familles. La mobilité professionnelle n'est pas encore entrée dans notre culture comme un atout de reconversion, voire d'amélioration sociale. Il faut avoir connu cette situation pour pouvoir en parler avec émotion, mais aussi avec objectivité, sans tomber dans la démogagie électoraliste.
Comme vous, madame le ministre, j'estime que les entreprises ont une responsabilité sociale vis-à-vis de leurs salariés. Mais, au-delà de ce drame, les élus de la nation devraient être en mesure, d'une part, de prendre du recul par rapport à la situation et, d'autre part, de ne pas légiférer sous la pression des événements actuels.
Il faut aussi que nos dispositifs soient acceptés par la Communauté européenne, afin de ne pas défavoriser les entreprises française face à leurs concurrents européens, sans parler des concurrents américains ou autres. Sans cette prise en compte par l'Europe, cet objectif serait des plus utopiques.
N'oublions pas que suppression de poste ne signifie pas licenciement. Du reste, Danone s'est engagé à proposer trois contrats à durée indéterminée à chacun des 570 salariés perdant leur emploi, allant ainsi bien au-delà des dispositions de la loi actuellement en vigueur, comme vous l'avez d'ailleurs reconnu, madame le ministre.
Par ailleurs, n'oublions pas que l'économie de marché impose aux entreprises de se remettre en question en permanence. A cet égard, je rappelle que, si le chômage diminue en France, c'est grâce, d'abord et avant tout, à la croissance mondiale, certes, mais aussi au dynamisme des chefs d'entreprise et des investisseurs, en particulier celui des dirigeants de nos PME et de nos PMI, lesquelles n'ont rien à voir avec les problèmes que rencontrent de grands groupes comme Renault, Michelin, Danone, etc.
A ce propos, madame le ministre, j'insiste pour que vous veilliez particulièrement à ce que votre projet de loi prenne en compte la dimension des entreprises et la structure de leur capital, afin de ne pas décourager les petites et moyennes entreprises françaises.
Nous savons aussi que l'équilibre économique d'une entreprise est fragile. Son maintien nécessite une surveillance continue du marché, ainsi qu'une adaptabilité permanente des moyens de production, en particulier des ressources humaines. Combien d'entreprises ferment chaque jour parce qu'elles n'ont pas su rester compétitives face à leurs concurrents, tant nationaux qu'internationaux ? La seule vraie question est donc de savoir quand et comment les restructurations doivent être effectuées.
Madame le ministre, j'aimerais vous rappeler que la France n'est guère attractive, sur les plans fiscal et social, pour les chefs d'entreprise, ce qui nuit fortement à la progression des investissements étrangers dans notre pays ; des charges sociales très fortes, une imposition plus lourde que chez nos partenaires européens, une législation sociale, très rigide, l'instauration des 35 heures n'incitent pas à la création ou au développement d'entreprises sur notre territoire et expliquent les nombreuses délocalisations constatées vers des pays plus accueillants, ainsi que le départ de nombreux jeunes diplômés disposant de la formation et des capacités nécessaires pour créer des entreprises.
Gardez en mémoire que l'embauche et le licenciement sont des prérogatives du chef d'entreprise : c'est l'un des piliers de notre droit du travail. La loi doit, bien entendu, définir les conditions dans lesquelles s'opèrent les licenciements, mais elle ne doit en aucun cas porter atteinte à la liberté d'entreprendre ; seuls la négociation et le contrat peuvent régler durablement les relations dans l'entreprise.
Or le surcroît de rigidité proposé par le Gouvernement, tout en donnant l'impression de protéger les salariés, pourrait, dans certains cas, être fatal aux entreprises et aboutir ainsi à l'augmentation du nombre des licenciements.
Madame le ministre, les chefs d'entreprise connaissent les incidences des plans sociaux. S'ils y ont recours, c'est, dans la plupart des cas, parce qu'ils n'ont pas d'autres moyens à leur disposition pour préserver l'existence de leurs entreprises dans un climat de concurrence mondialisée.
J'ajoute qu'une loi de modernisation sociale dans le domaine de l'entreprise ne peut faire l'impasse, comme c'est apparemment le cas ici, sur ce qui fait la modernité de celle-ci, c'est-à-dire les nouveaux métiers et les nouvelles technologies, informatiques et de communication, qui changent radicalement les fonctions dans l'entreprise. C'est cela, la modernité du xxie siècle, mais, sauf erreur de ma part, votre projet de loi s'adresse au monde du travail du xxe siècle ! Nous sommes d'accord avec vous pour dénoncer les méthodes employées par Marks & Spencer, mais, sans une certaine flexibilité, il n'y a plus de gestion possible.
Dans le même ordre d'idées, je ne peux approuver l'article 36 de ce projet de loi. En effet, il prévoit de durcir les sanctions pénales liées à l'utilisation des contrats à durée déterminée : dorénavant, le fait de ne pas conclure par écrit un CDD serait puni d'une amende de 25 000 francs.
Comprenez mon étonnement, car il existe déjà une sanction civile lorsqu'un CDD n'est pas établi par écrit, à savoir la requalification en CDI. Il faut laisser au droit pénal le rôle qui est le sien, c'est-à-dire réprimer un acte délictueux qui porterait atteinte à l'intégrité de notre société. Or, tel n'est pas le cas ici, et les dispositions proposées reflètent une idée très péjorative des qualités humaines des chefs de PME et de PMI, que nous, les élus, nous sollicitons en permanence, je tiens à le rappeler, pour qu'ils emploient des jeunes et des moins jeunes sans formation dans nos villes.
A mes yeux, il aurait été préférable d'améliorer l'« employabilité » des salariés. Aujourd'hui, nous constatons que les crédits dégagés pour la formation professionnelle des adultes sont très insuffisants et que les Français, en particulier les femmes, sont inégaux face à la formation.
Aussi, plutôt que de « corseter » le droit du travail, à mon sens il serait, plus opportun d'améliorer la formation professionnelle continue, afin qu'elle prenne place tout au long de la vie professionnelle et, surtout, plus en amont des reclassements.
De même, il aurait été plus urgent que vous cherchiez des solutions pour combattre la pénurie de main-d'oeuvre, à l'exemple de celles que la majorité sénatoriale vous a proposées.
M. Alain Gournac, rapporteur. Oui !
M. Bernard Murat. Ainsi, dans les secteurs des métiers de bouche et de l'hôtellerie-restauration, du bâtiment ou du tertiaire, les offres d'emploi sont deux fois plus nombreuses que les demandes.
Pour en terminer sur ce chapitre, je voudrais également, madame le ministre, attirer votre attention sur le risque à court terme que fait courir votre projet de loi aux employés salariés, puisque l'effet d'annonce va obligatoirement inciter les groupes multinationaux qui prévoyaient d'opérer des licenciements économiques à accélérer le mouvement et à durcir leur position s'agissant des reclassements.
Par ailleurs, de nombreux investissements étrangers vont être ou sont déjà gelés. Avez-vous évalué combien d'emplois cela représente et déterminé dans quels pays concurrents de la France ces emplois seront créés ?
Je souhaite maintenant évoquer quelques silences de ce projet de loi.
Je constate que, si l'article 17 du texte prévoit la réforme des études médicales, il ne règle pas le problème de la démographie médicale : deux à trois mois d'attente, c'est le délai moyen que les patients se voient proposer pour consulter un médecin spécialiste en Corrèze. Ces délais d'attente sont particulièrement observables en ophtalmologie ou en gynécologie. Ils résultent de l'inadéquation entre la démographie des médecins spécialistes et les besoins en matière de santé, et cette pénurie a des conséquences désastreuses pour la prise en charge de ceux-ci. Par exemple, faute d'un nombre suffisant d'ophtalmologues, la moitié des glaucomes ne sont pas traités, parce que non dépistés.
Par conséquent, madame le ministre, ma question est simple : avez-vous l'intention d'augmenter le nombre des postes aux concours de l'internat afin de limiter les effets de cette pénurie ?
Par ailleurs, annoncée en novembre dernier, la réforme du mécanisme des lettres-clés flottantes semble aujourd'hui « enterrée ».
Comme je l'ai déjà dit, ce système, mis en place par le gouvernement auquel vous appartenez, madame le ministre, me semble dangereux pour les malades et abusif pour les médecins. En effet, il sanctionne de manière collective, sans tenir compte des pratiques individuelles, de l'expérience des praticiens et des particularismes locaux. Depuis sa mise en place, je me suis toujours opposé à un mécanisme qui contribue à détériorer les relations entre les professionnels de santé et les pouvoirs publics.
A cet égard, il me paraît irréaliste de vouloir maîtriser les dépenses de santé en fondant sa politique uniquement sur des éléments budgétaires, sans tenir compte de la réalité des besoins sanitaires légitimes de la population, sauf à vouloir rapprocher nos services de santé du modèle britannique, qui, comme vous le savez, est catastrophique.
Bien entendu, comme l'ensemble de mes collègues de la majorité sénatoriale, je souhaite une maîtrise de l'évolution des dépenses médicales. Mais, pour cela, il convient de faire appel à la responsabilité individuelle des médecins et de contribuer à l'amélioration des pratiques médicales, qui doivent toutes être codifiées.
Aussi, lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, avions-nous adopté un amendement visant à remplacer ce mécanisme par un système de responsabilité individuelle. Vous aviez alors, madame le ministre, émis un avis défavorable sur les propositions de la majorité du Sénat, tout en précisant que vous aviez entamé les consultations avec les professionnels de santé, pour - je vous cite - « modifier, améliorer, parfaire le système ».
Aujourd'hui, nous constatons que même la CNAMTS, la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés, n'a pas voté l'objectif de dépenses déléguées fixé par vous, madame le ministre, à 150 milliards de francs, le président de cette caisse allant même jusqu'à préciser que « la régulation fondée uniquement sur un système de lettres-clés flottantes ne peut pas être un outil de restructuration du système de soins ». A ses yeux, « ce système a aussi comme conséquence qu'il casse toute dynamique contractuelle avec les professionnels de santé ».
Encore une fois, nous devons constater que la logique du Gouvernement est une logique de contrainte, à rebours d'une incitation à un dialogue toujours plus approfondi visant à privilégier le contrat comme système de travail et de négociation.
Ma question est simple, madame le ministre : où en est le Gouvernement, s'agissant du renoncement aux sanctions collectives et du retour à une politique contractuelle à laquelle les Français sont attachés ?
Enfin, j'évoquerai un autre silence de ce projet de loi qui concerne l'hospitalisation privée.
Les trois premiers articles du texte ont trait au protocole de mars 2000 relatif à l'hôpital public. En clair, Mme Aubry, pour répondre aux mouvements sociaux de l'an dernier, avait décidé d'octroyer 17 milliards de francs supplémentaires à celui-ci. Ces moyens nouveaux ont notamment permis d'augmenter les salaires des personnels infirmiers des hôpitaux, et je m'en réjouis. En effet, présidant le conseil d'administration de l'hôpital de Brive, je me félicite de ce que le Gouvernement consente enfin à donner des moyens supplémentaires à l'hôpital public.
Toutefois, j'estime que l'attitude du Gouvernement vis-à-vis des cliniques privées remet complètement en cause le système hospitalier français, lequel est à la fois public et privé. Je rappelle à cet égard que le secteur privé assure plus de 60 % des actes de chirurgie : c'est la spécificité française, et les Français veulent pouvoir choisir librement entre le public et le privé. Déjà étranglées par des tarifs qui n'ont pas bougé ou qui ont même parfois diminué du fait d'exigences de sécurité sanitaire sans cesse plus coûteuses, les cliniques n'arrivent pas à recruter des infirmières, alors qu'elles sont obligées d'accroître leur masse salariale pour appliquer les 35 heures. Aussi souhaiterais-je, madame le ministre, que le Gouvernement mette à la disposition de l'hospitalisation privée les moyens nécessaires à son bon fonctionnement. Les grèves des sages-femmes et des infirmières sur l'ensemble du territoire ont d'ailleurs mis en exergue les attentes des professionnels de santé en matière de statut et d'effectifs.
Permettez-moi, madame le ministre, puisque j'ai l'honneur et le plaisir de parler devant vous, de profiter de cette occasion pour attirer votre attention sur la nécessité de créer deux postes de sage-femme supplémentaires à l'hôpital de Brive-la-Gaillarde. (Exclamations amusées sur les travées du RPR.) En effet, les décrets de 1998 relatifs à la périnatalité imposent aux sages-femmes un surcroît de contraintes, qu'elles ne peuvent assumer à effectif constant sans risque d'engagement de leur responsabilité. L'agence régionale de l'hospitalisation a annoncé la création de postes de sage-femme dans le Limousin, mais aucun ne sera ouvert à la maternité du centre hospitalier de Brive. Je suis persuadé que vous pourrez donner une réponse positive à cette demande.
Pour conclure, j'indiquerai que ce projet de loi, à la portée certes étendue, ne doit pas faire oublier les trop nombreux dossiers qui restent toujours en suspens, comme celui de la réforme des retraites. Cependant, je considère que ce texte comporte de nombreux aspects positifs.
Si le Gouvernement auquel vous appartenez souhaite véritablement assurer une modernisation sociale, prenez en compte les propositions du groupe du RPR. Il serait heureux qu'elles ne soient pas rejetées d'un simple revers de la main par la majorité de l'Assemblée nationale, car elles viennent de gaullistes, qui ont à la fois une vision libérale de l'économie et une très forte conscience sociale. (Applaudissement sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Cantegrit.
M. Jean-Pierre Cantegrit. Madame le ministre, lors de la présentation de votre budget, le 4 décembre dernier, je vous avais entretenue de la Caisse des Français de l'étranger, la CFE, en vous rappelant qu'elle est issue d'un certain nombre de textes votés par le Parlement, dans la quasi-totalité des cas à l'unanimité, et qu'elle est l'expression d'une volonté exemplaire de la majorité et de l'opposition d'offrir à nos compatriotes expatriés un système de couverture sociale proche de celui que nous avons en métropole.
L'article 8 du projet de loi de modernisation sociale que vous nous présentez va tout à fait dans ce sens. Les dispositions sur lesquelles nous allons revenir émanent, pour une grande partie, du conseil d'administration de la CFE, et la concertaion préalable, entre vos services et la direction de la caisse et moi-même, a été tout à fait satisfaisante.
Je tiens à remercier le rapporteur de la commission des affaires sociales, M. Bernard Seillier, qui a accepté de retenir, au nom de ladite commission, après examen et concertation, un certain nombre d'amendements que j'avais préparés avec les services de la CFE. Cela montre, une fois de plus, l'intérêt que la commission des affaires sociales porte à la couverture sociale de nos compatriotes expatriés.
J'en viens au projet de loi de modernisation sociale et à son article 8, qui apporte un certain nombre de modifications pour nos compatriotes établis hors de France.
D'abord, on relève un ensemble de dispositions destinées à rationaliser diverses prestations, à clarifier ou à améliorer la réglementation afin qu'elle soit davantage en harmonie avec la réalité des situations rencontrées à l'étranger.
Ensuite, on remarque un dispositif d'aide à l'accès à l'assurance maladie, géré par la CFE, qui permettra l'adhésion de certains de nos compatriotes de l'étranger dont les moyens financiers sont limités.
Enfin, une incitation sera donnée aux jeunes Français qui s'expatrient pour adhérer au système de la CFE.
Premièrement, ce texte permettra dorénavant de traiter de façon égalitaire les ex-invalides qui arrivent à l'âge de la retraite, quels que soient leurs droits antérieurs à pension. Ainsi, à soixante ans, l'assuré percevra soit une pension proportionnelle à la durée de cotisation à l'assurance vieillesse, soit une pension proportionnelle à sa durée d'affiliation à la CFE s'il n'a jamais ou s'il n'a pas assez cotisé à l'assurance vieillesse.
Pour les non-salariés, on prendra en compte une assiette de cotisations plus conforme à la réalité de leurs revenus, en la fixant sur la totalité de leurs ressources.
Pour les inactifs, une assiette de cotisations mieux adaptée, plus conforme aux revenus réels du foyer, tout en tenant compte de la composition de la cellule familiale, pourra également être fixée.
Pour l'ensemble des adhérents, les dispositions relatives aux conditions d'adhésion et d'ouverture des droits aux prestations pourront être reprises de manière à les unifier, et une notion d'âge de l'adhérent au moment de l'adhésion pourra être intégrée afin de favoriser une inscription plus rapide auprès de la CFE.
Les différentes catégories d'ayants droit couverts au titre d'un assuré pourront aussi être redéfinies et déterminées, permettant ainsi d'adapter le texte aux situations rencontrées à l'étranger.
Pour l'ensemble des adhérents pourront être confirmées les dispositions relatives au niveau du remboursement des soins dispensés à l'étranger et le principe d'un paiement de cotisations préalable au remboursement des frais engagés.
Le texte permettra, enfin, de fixer les conséquences pour l'adhérent d'une fausse déclaration de rémunération ou de ressources en assujettissant notamment l'intéressé à une pénalité et en introduisant une possibilité de radiation à défaut de versement de la dite pénalité.
Deuxièmement, et c'est certainement l'un des points les plus importants pour la CFE, l'article 8 fixe les conditions dans lesquelles certains Français résidant hors de l'Espace économique européen pourront bénéficier d'une aide à l'adhésion auprès de la CFE, par le biais d'une prise en charge partielle de leurs cotisations lorsque leurs revenus sont insuffisants.
Pour ce faire, il a été défini comment et par qui cette aide pourrait être mise en oeuvre. Il a été nécessaire d'identifier et de limiter les conséquences des différents risques financiers auxquels peut être exposée la CFE.
L'ensemble de ce texte est conforme à ce qu'a toujours préconisé et mis en oeuvre le conseil d'administration de la CFE : permettre l'accès à l'assurance maladie d'un plus grand nombre tout en respectant l'obligation d'équilibre des comptes.
J'en viens maintenant aux amendements proposés par la commission des affaires sociales et son rapporteur, avec qui j'ai eu l'honneur de collaborer.
Ces amendements sont dictés par le souci de rigueur et de responsabilité de la CFE envers ses adhérents, l'obligation lui étant faite de leur garantir que tout est mis en oeuvre afin que les prises en charge des bénéficiaires et des soins soient effectuées à bon droit.
Ces propositions d'amendement permettront donc de clarifier les conditions dans lesquelles un ascendant peut être pris en charge sur le compte de l'assuré en intégrant des critères d'accès simples et vérifiables.
Les remboursements pourront être ajustés en fonction d'un tarif moyen local et non plus sur la base du tarif français lorsqu'il apparaîtra que les factures sont anormalement nombreuses, alors que médicalement rien ne semble le justifier, et manifestement surévaluées par rapports aux coûts locaux.
L'assuré pourra être radié en cas de fraude avérée ou de fausse déclaration visant à obtenir des prestations non dues.
Enfin, en accord avec un expert désigné, il sera possible de définir un traitement adapté à l'état du malade, lorsque la procédure spécifique aux affections de longue durée n'est pas applicable et que l'importance des soins et des dépenses présentées justifie cette expertise.
Troisièmement, un amendement particulièrement important pour la CFE vise à faire bénéficier les jeunes adhérents d'une ristourne sur les cotisations d'assurance maladie-maternité-invalidité ou maladie-maternité. Les étudiants bénéficient déjà d'une cotisation limitée, mais les jeunes, bénéficiaires par ailleurs de la prise en charge partielle de leurs cotisations, n'étaient pas concernés jusqu'à présent par une telle mesure.
Selon nos informations, en effet, beaucoup de jeunes Français diplômés ou non, qualifiés ou non s'expatrient notamment dans les pays anglo-saxons, où ils poursuivent leur vie professionnelle soit sans couverture sociale, soit avec une couverture d'organismes privés étrangers souvent aléatoire. Cette proposition vise donc à favoriser les adhésions des jeunes Français et à permettre leur entrée dans les régimes gérés par la CFE plus tôt dans le temps, en diminuant le coût de leur protection sociale.
Cette disposition se justifie par le faible risque que présentent ces jeunes Français. Elle permettra de les inciter à rester adhérents de la CFE. Ce texte, madame la ministre, est indubitablement une avancée pour la couverture sociale de nos compatriotes.
Je regrette que ceux qui dépendent d'entreprises - notamment des petites et moyennes entreprises disposant de faibles ressources - soient exclus du présent texte, mais je reconnais que les difficultés étaient grandes pour à la fois respecter l'esprit du texte et cerner de façon statistique nos compatriotes concernés.
Ces améliorations sont destinées à permettre à la CFE de poursuivre son action, qui, je le sais, est appréciée par nos compatriotes. Il en résultera une augmentation sensible du nombre de ses adhérents, notamment ceux qui n'avaient pas la possibilité matérielle de le faire.
Je dirai quelques mots sur l'article 8 bis , qui a fait l'objet de multiples interventions de fonctionnaires français détachés principalement au Canada et aux Etats-Unis.
L'article 8 bis du projet de loi de modernisation sociale soulève, en sa rédaction actuelle, certaines questions quant aux modalités concrètes de son application, qui seront définies par un décret en Conseil d'Etat.
Premièrement, à partir de quand et dans quels délais les fonctionnaires concernés devront-ils faire connaître leur souhait de demeurer, ou non, affiliés à leur régime de retraite français ? Un vaste effort d'information des intéressés est-il prévu en ce domaine ?
Deuxièmement, à la liquidation de la pension française, celle-ci sera réduite, à due concurrence, du montant de la pension étrangère. Que se passera-t-il si, à la date de la liquidation de la pension française, le fonctionnaire ne remplit pas encore, par ailleurs, les conditions nécessaires à l'obtention d'une pension auprès du régime de retraite étranger ?
Troisièmement, pour les fonctionnaires actuellement en cours de détachement ou les fonctionnaires retraités demandant le remboursement des cotisations déjà acquittées à leur régime français de retraite, ce remboursement sera-t-il effectué en francs courants ou en francs constants ? Cette dernière solution, qui prend en compte l'inflation, est la seule à leur garantir un remboursement « au franc près ».
Quatrièmement, un dispositif particulier ne devrait-il pas être prévu en faveur des fonctionnaires détachés qui, après avoir choisi de ne pas demeurer affiliés à leur régime français de retraite, et compte tenu d'une modification ultérieure - et imprévisible à la date de leur départ en détachement - de la législation de leur pays d'accueil, se trouvent finalement dépourvus de tout droit à pension au titre de leur période de détachement ?
Ces interrogations portent donc principalement sur la disparité qui va être créée entre ceux qui ont pris leur retraite, ceux qui vont prendre leur retraite avant les décrets d'application et les nouveaux détachés qui vont se trouver dans une situation tout à fait différente, disparité qui ne manquera pas de susciter des controverses et des recours. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Chabroux.
M. Gilbert Chabroux. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, lors du débat à l'Assemblée nationale, le texte qui nous est présenté a été qualifié par dérision de fourre-tout, de millefeuille ou encore de garde-manger par des députés de l'opposition.
Les rapporteurs de notre commission des affaires sociales n'ont pas employé ces termes. M. Alain Gournac a simplement considéré que l'intitulé du projet de loi est trompeur parce qu'il ne correspond pas à ses orientations politiques. Cela ne nous surprend pas et prouve que le projet de loi va dans le bon sens !
(Sourires.)
M. Gérard Larcher. C'est ce que l'on appelle un syllogisme !
M. Louis Moinard. C'est une interprétation !
M. Gilbert Chabroux. Le texte que nous avons à examiner est, sans aucun doute, complexe et disparate : il comprend, tel qu'il nous vient de l'Assemblée nationale, 106 articles d'inspiration très diverses, mais aucun n'est insignifiant ; nombre d'entre eux revêtent même une très grande importance.
Les débats à l'Assemblée nationale, ont été très longs. Ils ont permis d'approfondir et d'enrichir un texte dont l'objectif n'échappe à personne : actualiser des lois existantes pour leur donner vitalité et efficacité, et mieux répondre à de nouvelles situations ou à de nouveaux besoins.
L'actualité est, d'ailleurs, bien présente pour nous faire comprendre qu'il y a urgence à revoir certains textes législatifs et à les moderniser, particulièrement dans les domaines de la santé et du droit à l'emploi.
Cet objectif de modernisation sociale doit aller de pair avec les réformes qui ont été entreprises par le Gouvernement et qui, depuis 1997, ont été particulièrement nombreuses et importantes. Il suffit de citer la loi sur les emplois-jeunes, la loi portant création d'une couverture maladie universelle et les lois sur les 35 heures.
D'autres réformes vont être mises en oeuvre, dont nous débattrons prochainement, qu'il s'agisse de l'allocation personnalisée d'autonomie, du projet de loi sur les droits des malades ou de la révision des lois sur la bioéthique.
Toutes ces lois, tous ces projets de loi montrent bien que la modernisation sociale est au coeur de l'action du Gouvernement.
Les résultats obtenus sont là pour témoigner de la pertinence et de l'efficacité des choix qui ont été faits. Il faut rappeler ces résultats. C'est ainsi que le chômage a reculé au-dessous de 9 %, que 1 045 000 personnes ont retrouvé un emploi depuis juin 1997, que 1 500 000 emplois ont été créés, que la croissance s'est maintenue à un niveau élevé et que la consommation des ménages s'est encore accrue.
Toutefois, il est vrai qu'il y a encore des progrès à accomplir et que la croissance pourrait être mieux partagée ; elle ne pénètre pas assez dans les quartiers difficiles et il reste un peu plus de deux millions de chômeurs.
Il faut aussi reconnaître que les plans sociaux, qui se succèdent, créent un profond malaise, d'autant qu'ils sont souvent marqués par beaucoup de brutalité et de mépris, je pense à celui de Marks & Spencer.
Ce débat doit donc nous permettre de rappeler que la priorité est l'emploi et la justice sociale et que nous devons aider le Gouvernement à tenir ce cap, en élaborant des moyens législatifs mieux adaptés pour faire en sorte que les entreprises assument aussi leurs responsabilités sociale et citoyenne.
Mme Dieulangard est intervenue pour le groupe socialiste d'une façon toute particulière sur ces problèmes et plus généralement sur les articles du titre II relatif au travail, à l'emploi et à la formation professionnelle.
Même si l'actualité donne à cette partie du texte une importance particulière, nous ne devons pas négliger pour autant le titre Ier, qui contient aussi des dispositions très intéressantes sur lesquelles nous serons amenés à intervenir lors de la discussion des articles.
Ce titre Ier comporte des avancées significatives dans le domaine de la santé, de la solidarité et de l'action sociale.
Il faut tout d'abord se réjouir des dispositions concernant les hôpitaux. Elles permettent de valider les protocoles d'accord qui ont été signés après de longues et difficiles négociations entre le Gouvernement et les organisations représentatives des personnels hospitaliers, ainsi qu'avec les représentants des praticiens hospitaliers. Ces deux protocoles d'accord marquent une nouvelle étape dans « la consolidation et la modernisation du service public hospitalier ».
Il faut ainsi souligner ce que représente, comme avancée, le volet social du projet d'établissement, avec une réflexion sur l'évolution des personnels, les conditions de travail, la formation, l'évolution des qualifications, les bilans de compétences, une concertation interne.
Ce sont autant de conditions qu'il fallait satisfaire pour atteindre les objectifs qui ont été fixés en matière de politique hospitalière, à savoir mieux répondre aux besoins de la population, améliorer la qualité et la sécurité, réduire les inégalités.
Mais il faudra aussi que les moyens financiers soient à la mesure de ces objectifs. Autrement dit, pour reprendre les propos qui ont été tenus récemment par M. le ministre délégué à la santé, « il faut avoir l'argent de la politique de la santé et non faire la politique de l'argent de la santé ».
Il faut aussi se réjouir qu'avec la revalorisation du statut des praticiens hospitaliers, et donc une plus grande attractivité des carrières hospitalières, des solutions aient pu être trouvées pour les praticiens adjoints contractuels et les médecins à diplôme étranger, d'une façon générale, les médecins à statut précaire, qui bénéficieront d'une intégration renforcée.
M. Bernard Cazeau interviendra sur la réforme des études médicales. Il est important que la médecine générale soit reconnue au même titre que l'ensemble des spécialités et que les praticiens puissent s'inscrire dans des démarches de qualité.
Il reste sans doute quelques problèmes particuliers à résoudre, comme ceux qui sont relatifs aux modalités d'intégration des chirurgiens-dentistes hospitaliers à diplôme étranger. Il faudrait pouvoir régler des problèmes de dates et de délais pour faire preuve d'équité à leur égard.
Il faut aussi s'interroger sur la situation des médecins titulaires du « diplôme d'Etat français de docteur en médecine » avec une qualification première en « médecine générale » nouveau régime, qui ont suivi, par la suite, une spécialisation dans une filière médicale ou chirurgicale et obtenu un diplôme inter-universitaire de spécialisation en France ou un diplôme équivalent dans un pays extérieur à la Communauté européenne. Etrangers à l'origine, devenus français par la suite, ces praticiens se voient refuser le titre de spécialiste et la possibilité d'exercer leur spécialité en milieu libéral ou hospitalier.
Nous devons également évoquer la situation des sages-femmes, qui, après plus d'un mois de grève, sont dans l'impasse. Il y a là un malaise qui s'aggrave. Il faut trouver les mesures à prendre, pas seulement en termes de salaire, mais aussi en termes de statut pour que la place de cette profession soit mieux reconnue. Il s'agit d'une profession médicale à part entière. Nous savons que le ministre de la santé ne ménage pas ses efforts pour établir une concertation, mais nous souhaiterions que ces efforts puissent aboutir.
Toujours dans le domaine de la santé, des questions se posent sur les conditions dans lesquelles pourrait être organisé l'examen médical auquel seraient soumis les jeunes Français et les jeunes Françaises lors de la journée d'appel de préparation à la défense et sur les enseignements que l'on pourrait en tirer. Ce n'est pas un problème de principe - un large accord existe sans doute sur l'intérêt d'un tel examen - mais plutôt sur un problème de moyens à mettre en oeuvre pour pouvoir apprécier, dans de bonnes conditions, l'état de santé de la population jeune et, surtout, assurer un suivi.
Des questions se posent également au sujet d'un autre examen dans un autre domaine, celui de la médecine scolaire. Il s'agit du dépistage, à leur entrée au cours préparatoire, des enfants atteints de dyslexie ou de dysorthographie. Les médecins et les personnels du service de santé scolaire sont-ils en nombre suffisant pour effectuer ce dépistage et surtout pour assurer un suivi, voire une rééducation, si besoin est ?
Toujours dans le domaine de la santé et de la prévention, il faut souligner l'importance de l'article 64, qui vise à renforcer la protection de la santé des salariés exposés à des substances dangereuses. Le pouvoir donné à l'inspecteur du travail de lancer une procédure d'arrêt de chantier en cas de danger grave et imminent serait étendu aux situations dangereuses « résultant d'une exposition à une substance chimique cancérigène, mutagène ou toxique pour la reproduction, à un niveau supérieur à une valeur limite de concentration ».
On mesure toute l'importance de cet article quand on sait que l'on estime à un million le nombre de salariés exposés à de telles substances. Quand on évoque ces risques, on pense tout particulièrement à certains éthers de glycol dont les effets néfastes commencent à être bien connus, suffisamment en tout cas pour que des mesures d'interdiction ou de substitution par des produits moins nocifs soient prises sans attendre.
D'autres dispositions méritent également toute notre attention ; je pense plus particulièrement à celles qui sont relatives à l'accueil familial des personnes âgées et des handicapés.
Ainsi, il n'y aura plus de distinction entre l'accueil des personnes âgées et celui des handicapés. C'est une avancée appréciable.
L'accueil familial représente une excellente solution entre le maintien à domicile et le placement en établissement. Il faudrait cependant faire évoluer le statut des accueillants familiaux vers le salariat et prévoir pour eux une formation. Les aides-ménagères bénéficient le plus souvent d'une formation. Cette formation est à plus forte raison nécessaire pour les familles d'accueil qui hébergent des personnes dépendantes.
Comme l'a suggéré Bernard Seillier, rapporteur, des institutions sociales et médico-sociales ou des associations pourraient prendre toute leur place dans le développement d'un tel dispositif.
Une question se pose au sujet des bénéficiaires de l'aide sociale, dans l'hypothèse d'un retour à meilleure fortune ou par rapport à leur succession.
Actuellement, l'Etat ou les départements peuvent exercer un recours en application de l'article 132-8 du code de l'action sociale et des familles.
Pour les personnes handicapées, la récupération concerne essentiellement l'allocation compensatrice pour tierce personne et la prise en charge des frais d'hébergement et d'entretien dans des foyers.
Nous allons prochainement examiner le projet de loi relatif à l'allocation personnalisée d'autonomie. Il faut qu'il y ait cohérence entre les textes et les différents dispositifs, qu'il s'agisse des personnes âgées dépendantes ou des handicapés.
Il faut respecter la dignité des personnes et supprimer ou limiter le plus possible l'aspect d'aide sociale que pourraient comporter ces dispositifs. Il faut donc insister sur la prise en charge collective de ce risque commun qu'est la dépendance, au même titre que la maladie ou l'accident.
D'autres questions se posent au sujet des handicapés qui ne pourront pas être traitées sans une réforme globale de la loi d'orientation du 30 juin 1975.
Cette réforme devrait s'opérer sur la base du droit à compensation, la compensation concernant tous les domaines de la vie et profitant à tous, quels que soient l'origine du handicap et sa nature, l'âge de la personne, son lieu de vie et l'implantation de celui-ci.
Bien d'autres dispositions que celles qui sont relatives à la santé ou aux handicapés mériteraient d'être soulignées.
Au titre Ier, il faut citer avec une mention particulière l'article 11 visant à abroger, enfin, la loi Thomas, qui avait pour objet d'instaurer des fonds de pension à l'anglo-saxonne. Elle favorisait clairement les salariés aux revenus les plus élevés, permettant à certains, dans une entreprise, de bénéficier d'avantages fiscaux et sociaux alors que d'autres n'y avaient pas droit. Elle privilégiait une approche individuelle et fragilisait les comptes de la sécurité sociale.
Le Gouvernement manifeste son attachement au système de retraite par répartition ; il faut tout faire pour préserver ce système et le moderniser. Le Gouvernement tient l'engagement qu'il avait pris. Il faut simplement regretter qu'il ait fallu autant de temps pour abroger cette loi votée en 1996, une loi qui n'avait fait l'objet d'aucun décret d'application.
D'une façon générale, le texte qui nous est présenté correspond à une vraie nécessité, qu'il s'agisse de la santé, de la solidarité ou du droit à l'emploi et des garanties permettant de renforcer la protection des salariés contre le risque de licenciement et l'abus du travail précaire, qu'il s'agisse aussi de la réforme de la formation professionnelle à travers les acquis de l'expérience.
Ainsi que vous l'avez dit, madame la ministre, il y a, au bout du compte, dans ce projet de loi de modernisation sociale qui paraît disparate, une cohérence d'inspiration réformatrice qui en constitue le coeur.
A ce titre, il fera date, comme d'autres lois présentées par le Gouvernement de Lionel Jospin.
Les sénateurs socialistes vous apporteront, madame la ministre, leur soutien le plus chaleureux pour faire aboutir ce projet et l'améliorer encore au cours des débats qui vont intervenir. (Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Descours.
M. Charles Descours. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, j'ai compris que, pour être politiquement correct, il ne fallait pas parler d'un texte « fourre-tout ». (Sourires.) Vous voyez que je vous écoute, madame la ministre !
Je me contenterai donc de dire que le titre qui lui est attribué de « modernisation sociale » me semble tout de même un peu pompeux.
Je ne pense pas faire injure à M. Gilbert Chabroux, qui vient de parler d'un texte « complexe et disparate », en traitant le projet de loi de texte portant diverses mesures d'ordre social ou DMOS.
Déjà, la deuxième partie du projet de loi relatif à la couverture maladie universelle ressemblait tant à un DMOS que nous avions été contraints de désigner deux rapporteurs ; là, nous sommes passés à quatre ! Et on nous annonce pour le mois de juin un nouveau DMOS particulièrement fourni !
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. C'est une habitude !
M. Charles Descours. Traditionnellement, madame la ministre, mes chers collègues, vous le savez, le Parlement proteste quand on lui soumet un DMOS. Il serait donc anormal que je ne proteste pas contre ce que je considère comme un DMOS !
Au demeurant, et pour être un peu plus sérieux, j'insisterai sur deux points du texte qui, me semble-t-il, auraient dû faire l'objet de textes de loi autonomes. Je veux parler des handicapés et de la réforme des études médicales. En tout cas, je n'évoquerai pas le défoulement idéologique de certains groupes de la majorité plurielle à propos de l'abrogation de la loi Thomas !
J'en viens donc au problème des handicapés, auquel nous sommes évidemment tous sensibles. (M. le ministre délégué à la santé rejoint le banc du Gouvernement.)
Je suis bien aise de saluer M. le ministre délégué à la santé, puisque je vais parler des études médicales.
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Je ne voulais pas manquer votre discours !
M. Charles Descours. Merci de venir à cette heure tardive, monsieur le ministre. (Sourires.)
M. Bernard Kouchner, ministre délégué à la santé. Je savais que vous alliez parler, monsieur le sénateur. (Nouveaux sourires.)
M. Charles Descours. Je suis très honoré !
Considérant que les personnes handicapées relevaient d'une catégorie spécifique de population ayant des besoins particuliers qui appelaient des réponses particulières, c'est tout naturellement que, en 1975, le Gouvernement de l'époque - le coeur n'est pas exclusivement à gauche ! - conforté par la majorité du mouvement associatif des parents de handicapés et des professionnels, a élaboré une loi-cadre particulière proclamant l'intégration des personnes handicapées, loi que le législateur a ensuite complétée par une seconde loi organisant l'accueil de ces personnes dans des maisons spécialisées.
Depuis, la société a changé : les nouveaux besoins de cette population, évaluée à trois millions de personnes, exigent de nouvelles réponses.
Ainsi, notre cadre de vie ordinaire se révèle peu adapté à leurs difficultés, difficultés que la vie moderne urbaine accentue. Moi qui ai eu l'honneur de faire réaliser le premier tramway au monde accessible aux handicapés, et ce sous la pression des associations de handicapés, je sais bien quelle est leur souffrance dans les villes modernes !
Si la seconde loi concernant les institutions a été révisée, pour le moment, les personnes handicapées sont toujours dans l'attente d'une révision de la loi-cadre de 1975, révision promise par l'actuel gouvernement.
Devant l'immense et légitime attente de cette population, les quelques dispositions inscrites dans ce projet de loi apparaissent bien dérisoires et soulèvent, en outre, des difficultés juridiques et pratiques que notre rapporteur a tout à l'heure justement soulignées.
Si l'accueil familial est une formule souple qu'il convient de développer, encore faut-il être très vigilant sur le choix de la nature du contrat liant la famille et la personne accueillie.
De même, si l'assouplissement des règles d'accès aux parcs de stationnement aménagés part d'une intention généreuse, encore faut-il ne pas obtenir l'inverse de l'effet désiré, à savoir l'exclusion des personnes les plus lourdement handicapées.
En revanche, nous ne pouvons qu'approuver la réaffirmation des droits fondamentaux des handicapés, l'institution de conseils départementaux consultatifs des personnes handicapées et les dispositions sur l'accès à l'emploi, heureusement toilettées par l'Assemblée nationale.
Mais cela est loin de constituer une réforme globale et de répondre aux attentes concernant la garantie des ressources des travailleurs handicapés, l'obligation d'emploi dans les entreprises, les difficultés rencontrées par les indispensables ateliers protégés, l'intégration scolaire des jeunes handicapés, l'accès à la vie autonome à domicile et la réforme toujours différée des COTOREP.
M. le ministre délégué à la santé, qui occupe ce poste pour la troisième fois, sait combien est récurrente la question des COTOREP. Celles-ci fonctionnent très mal et tout le monde en est mécontent. Mais le problème n'est pas nouveau ! Cela fait dix ou douze ans que l'on entend parler de la réforme des COTOREP. Pourtant, mais rien ne vient !
M. Lionel Jospin lui-même, devant le conseil national consultatif des personnes handicapées, le 25 janvier 2000, avait annoncé un plan triennal. Cette intention mérite d'être saluée, mais sa mise en oeuvre a pris beaucoup de retard sur de nombreux points.
D'ailleurs, les deux principales associations françaises concernées, l'AFM et l'APF, dénoncent les retards accumulés dans la mise en oeuvre de ce plan en faveur de l'intégration des personnes handicapées. Elles observent que l'accompagnement du dispositif par l'Etat fait cruellement défaut. En effet, les concours financiers promis n'ont pas été engagés, tandis que des textes réglementaires se font toujours attendre.
Pourtant, des réformes sont urgentes et indispensables, telle celle du système d'appui à l'insertion professionnelle des handicapés, notamment dans le secteur public. En effet, l'AGEFIPH, l'association pour la gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des handicapés, constate que l'amélioration de la situation de l'emploi profite dans une moindre mesure aux travailleurs handicapés.
Paradoxalement, le secteur privé est, dans ce domaine, meilleur élève que le secteur public, où l'intégration des personnes handicapées est pratiquement au point mort. Cela étant, il faut aussi reconnaître que, malheureusement, plus du tiers des entreprises du secteur privé préfèrent acquitter une taxe plutôt que d'employer un travailleur handicapé.
Selon l'AGEFIPH, ce sont 150 000 postes de la fonction publique qui devraient être attribués à des personnes handicapées. Il est vrai que cette opération nécessiterait 600 millions de francs.
Il semble bien que, plus d'un an après l'annonce par Lionel Jospin de ce plan prétendument exceptionnel en faveur de l'intégration des personnes handicapées, l'Etat n'ait pas tenu sa parole. C'est pourquoi il aurait été vraiment préférable qu'un texte spécifique - et M. Gilbert Chabroux s'est exprimé dans le même sens - réformant la loi de 1975 nous soit soumis.
M. Jacques Machet. Très bien !
M. Charles Descours. J'en viens au deuxième point de mon intervention : le problème des études médicales, sur lequel j'aurais également souhaité qu'un projet de loi spécifique nous soit présenté.
Il est ici proposé de supprimer l'internat. Ayant été, en 1968 et 1969, président de l'intersyndicale nationale des internes, puis vice-président du syndicat des chefs de clinique, je suis bien placé pour savoir que cette suppression est un vieux serpent de mer. Je sais aussi que notre internat n'est pas reconnu par nos partenaires européens. Mais il s'agit tout de même d'un concours qui existe depuis 1802, année prestigieuse ! C'est surtout un concours hospitalier que l'on veut remplacer par un examen universitaire validant. Mais je ne veux pas jouer les anciens combattants! (Sourires.)
Je comprends très bien que l'on souhaite une revalorisation de la médecine générale. Toutefois, je ne crois pas qu'un examen médical classant réglera la question. Dans une profession qui se féminise, dans une profession où les contraintes sont plutôt moins fortes qu'autrefois, ce sont sans doute les derniers reçus à l'examen classant qui choisiront la médecine générale.
M. Gérard Larcher. C'est le risque !
M. Charles Descours. Bref, je crains que ce ne soit une forme de sélection qui tende à se rapprocher d'une sélection par l'échec.
Quoi qu'il en soit, je voterai cette réforme tout en considérant que ce n'est pas avec des consultations à 115 francs qu'on attirera les étudiants vers la médecine générale.
En tout cas, l'ensemble de la formation médicale méritait un vrai débat, et d'abord en ce qui concerne le deuxième cycle.
Quelle formation les étudiants en médecine reçoivent-ils aujourd'hui sur le coût de la santé, dont on ne cesse de dire qu'on n'arrive pas à la maîtriser ? Quid de la sensibilisation aux dangers des rayonnements ionisants ? Quid de la formation clinique ?
Monsieur le ministre, vous nous expliquez vous-même que l'on consomme trop d'antibiotiques et trop de tranquillisants. A l'heure où l'on voit des médecins généralistes prescrire des antibiotiques à des enfants sans avoir fait prendre leur températuer, on perçoit combien il est aujourd'hui difficile de revenir sur un certain nombre d'habitudes. On fait trop confiance aux examens spécialisés, aux examens de laboratoire, à l'imagerie médicale sophistiquée, au lieu de procéder à un examen clinique, tout simplement parce que l'examen clinique n'est plus suffisamment enseigné.
Voilà pourquoi une réflexion sur le deuxième cycle aurait été utile.
Et il en va de même pour le premier cycle.
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. On va la faire !
M. Charles Descours. Monsieur le ministre, lors de la dernière séance des questions d'actualité, vous nous avez expliqué que les sages-femmes allaient pouvoir suivre le premier cycle d'études médicales. J'ai reçu les sages-femmes grenobloises cette semaine, elles m'ont montré la lettre qu'elles avaient reçue de vous, et je peux vous dire qu'elle ne les a pas totalement calmées.
A Grenoble, les futures sages-femmes suivent le premier cycle depuis 1991. Mais cela pourrait concerner aussi d'autres professions. En son temps, Claude Allègre avait envisagé la création d'un DEUG des professions paramédicales. Nous aurions pu avoir aussi un vrai débat sur la manière dont doivent être formés les infirmières, les kinésithérapeutes. Faut-il vraiment que le choix de ces professions résulte de l'échec à l'issue du premier cycle ? Un débat spécifique aurait mieux valu que cet article pris au milieu d'une centaine d'autres, au détour de ce qui n'est, en fait, qu'un DMOS.
J'ai cru comprendre que, depuis cet après-midi, ce texte n'était plus frappé de l'urgence, mais ce ne semble pas être tant à cause de la question des études médicales que du fait des amendements dont, madame la ministre, vous voulez l'« enrichir ». On « enrichit » toujours les projets quand on les alourdit !
En tout cas, sur ces deux problèmes des handicapés et des études médicales, j'aurais été heureux que l'on nous soumette plusieurs projets de loi isolés qui nous auraient permis de discuter plus longuement de problèmes qui intéressent des millions de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Machet.
M. Jacques Machet. Mes chers collègues, notre Haute Assemblée examine donc aujourd'hui le projet de loi sur la modernisation sociale.
Plus de quarante ans de vie politique m'ont appris à ne pas m'enfermer dans une démarche de critique systématique. C'est pourquoi, madame le ministre, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, je ne ferai pas l'examen exhaustif de toutes les dispositions qui me laissent perplexe. Laissez-moi simplement réagir devant les aspects hétérogènes de ce projet de loi et dire que son absence de profondeur l'empêche, d'emblée, de moderniser véritablement le champ social.
Ce texte aborde de nombreux thèmes qui s'articulent essentiellement autour de la santé, de la protection sociale et de la solidarité. Pour ma part, je souhaiterais insister sur les thèmes de la solidarité à l'égard des personnes handicapées.
Les handicapés constituent une réalité sociale incontournable. En effet, la France compte 3,5 millions de personnes atteintes d'un handicap moteur, mental ou sensoriel ; parmi elles, on en dénombre environ 700 000 qui sont hébergées dans des institutions spécialisées. Si je soustrais 700 000 de 3,5 millions, j'obtiens 2,8 millions de handicapés qui sont donc soit dans leur famille, soit dans des familles d'accueil.
Celui qui n'est pas lui-même concerné ne sait rien de ce que cela représente. Que de patience, d'amour aussi, et surtout de force physique pour leurs parents, leurs proches ! Un petit signe d'amélioration, et c'est une joie immense ! Un grand signe de nouvelle difficulté, et ce sont encore plus de souffrances !
Notons que le milieu ouvrier déclare une déficience 1,6 fois plus fréquente que celui des cadres, ce qui rend l'exercice de la solidarité doublement nécessaire : à titre humain et à titre social.
Ces chiffres ont fait l'objet d'une réflexion approfondie lors du colloque organisé le 28 mars dernier par le groupe centriste, auquel j'ai l'honneur d'appartenir, et consacré à « l'intégration du handicap ». Ils nourrissent les craintes mais aussi les attentes de nos partenaires sociaux. Les associations, notamment l'Association des paralysés de France, le GAP ou l'UNAPEL, espèrent - que dis-je -, exigent que le Sénat rétablisse certaines dispositions.
Rappelons que la majorité plurielle, talonnée par la procédure d'urgence, à laquelle on a heureusement renoncé à la dernière minute - merci, madame le ministre ! - a rapidement examiné certaines mesures contraires à l'intérêt des handicapés.
Le problème majeur du handicapé est de percevoir un sentiment de pitié passive de la part des autres. C'est pourquoi, à titre personnel et au nom du groupe centriste, je souhaite intégrer les handicapés dans notre société, à tous les échelons, et d'abord au quotidien.
A ce sujet, l'article 28 ter relatif au stationnement payant reprend notre souci d'accroître l'autonomie et les déplacements motorisés des personnes handicapées.
Soyons attentifs aussi aux entrées des bâtiments publics et privés, qui ne sont pas toujours bien agencées, ainsi qu'aux bordures de trottoir que le fauteuil roulant ne peut pas gravir.
Par ailleurs, il nous faut réaffirmer le droit des handicapés à la compensation, afin qu'ils bénéficient d'une vraie qualité de vie à leur propre domicile. Ce point a été abordé à l'Assemblée nationale par mes collègues M. Goulard et Mme Bachelot-Narquin.
S'agissant de leur intégration dans les entreprises, je rappelle l'importance de l'article 39, relatif à l'insertion professionnelle des travailleurs handicapés. Alain Gournac a formulé à ce sujet des remarques fort intéressantes.
J'éspère également que les chefs d'entreprise pourront continuer à les accueillir en stage en respectant le quota de 6 %. C'est certainement très difficile, et je ne porte aucun jugement !
La loi leur en donnant la possibilité, certains chefs d'entreprise choisissent de s'acquitter de leur contribution légale et financière auprès de l'AGEFIPH, car ils ne peuvent assumer la présence physique des handicapés sur le lieu de travail. Il faut avoir le courage d'affirmer que, loin de faciliter leur insertion, cette situation aggrave la discrimination dont ils sont victimes.
Si cette intégration ne peut se faire en milieu ordinaire, il nous revient, à nous élus, de réunir les meilleures conditions d'accueil, et d'abord dans les ateliers protégés. Il faut trouver pour cela une solution aux compléments de rémunération et aux accessoires de salaires. Compte tenu de la gravité de ce problème, je tiens à souligner qu'il fait l'objet de l'un de mes amendements.
Il faut également favoriser leur accueil dans les familles ; ce n'est pas si simple. Je rappelle que l'Assemblée nationale a adopté l'amendement du groupe centriste relatif à la nécessité d'une formation initiale et continue pour les accueillants familiaux - c'est l'objet de l'article 14. Cette démarche est fondamentale, à mes yeux.
Pour conclure, je souhaite réaffirmer mon engagement personnel, ainsi que celui des membres du groupe de l'Union centriste, à l'égard des handicapés. Je rappelle, si besoin est, l'immense respect que nous devons leur porter. C'est pourquoi nous réaffirmons, dans l'article 14 ter , les droits fondamentaux et souhaitons - c'est l'objet de l'article 14 quater - les faire participer, au niveau départemental, au Conseil consultatif national des personnes handicapées. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Cazeau.
M. Bernard Cazeau. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, à ses détracteurs qui lui reprochent de manquer de cohérence, je rétorquerai que le projet de loi de modernisation sociale me paraît plutôt agréger des secteurs parfois distincts, certes, mais cohérents de l'action publique. Cette cohérence, il la résume d'ailleurs sous la notion de « modernisation ».
Le présent projet de loi peut en effet se prévaloir de comporter des dispositions qui vont renforcer la protection sociale d'un certain nombre de nos concitoyens résidant en France ou hors de France, améliorer la vie de certains de nos compatriotes, notamment les personnes âgées et handicapées, réformer, par la mise en place d'un nouveau cursus universitaire, un certain nombre de professions de santé, ouvrir de nouveaux droits en faveur des salariés, valider un certain nombre d'acquis professionnels.
Enfin, et ce n'est pas le moindre des sujets, ce texte donne les moyens de lutter contre toutes les formes de cette dérive psychosociale qu'est le harcèlement moral.
Ces thèmes ont, d'ailleurs, pour bon nombre d'entre eux, fait l'objet de la part des élus, des associations, voire de la société civile, de demandes réitérées ces dernières années. Et il me paraît bienvenu que le Gouvernement nous en saisisse aujourd'hui pour légiférer.
A ce stade de la discussion, je me contenterai d'évoquer deux des actions qui me paraissent de première importance dans ce projet de loi. Il s'agit, d'abord, de réformer le cursus universitaire des médecins. Il s'agit, ensuite, d'instituer une nouvelle relation entre l'entreprise et le monde salarial, qui est particulièrement urgente dans la période de mondialisation que nous vivons.
Concernant la réforme des études médicales, je tiens à saluer la volonté du Gouvernement d'avoir véritablement donné une nouvelle dimension à la pratique de la médecine générale en l'intégrant dans un nouveau cursus de troisième cycle des études de médecine.
En instituant l'obligation d'un internat unique, validé par un examen national classant, on rompt avec un cursus médical à deux vitesses. On se donne, outre les moyens d'une véritable revalorisation de la médecine générale, une réelle possibilité d'apprécier d'emblée des compétences que beaucoup, il faut bien le dire, affinaient autrefois dès les premières années de pratique.
Contrairement à l'un des orateurs précédents, je souscris complètement aux dispositions relatives aux premier et deuxième cycles, sous réserve d'une valorisation rigoureuse du deuxième.
J'en viens aux mesures nouvelles régissant les relations entre le monde de l'entreprise et celui des salariés. Nous constatons, à travers les événements récents, à travers leur médiatisation et leur impact sur le terrain, que les Français sont prêts à s'impliquer dans les conflits sociaux et qu'ils réclament le droit d'être entendus.
L'alliance citoyenne qui s'est spontanément réalisée entre les consommateurs et les salariés sous la forme du boycott des produits de l'entreprise Danone doit nous aider à prendre la mesure de la lassitude de nos compatriotes face à des situations d'injustice, notamment face à cette logique qui considère les travailleurs comme de simples facteurs ajustables dans la course effrénée à la rentabilité financière.
Cette pratique de boycott présentait l'avantage d'exprimer symboliquement un refus, notamment sur les sites destinés à fermer leurs portes. Mais elle comportait aussi en retour le risque de pénaliser les salariés et l'emploi sur d'autres sites jusqu'ici préservés. Déshabiller Pierre pour habiller Paul n'a jamais été une stragégie de progrès !
En portant la volonté du Gouvernement de trouver des solutions législatives, vous démontrez, madame la ministre, que nous ne sommes pas désarmés face à la situation actuelle et qu'il importe aux élus, notamment aux parlementaires, de ne pas en rester à un constat d'impuissance.
Dans cette perspective, nous sommes conduits à nous demander comment mieux protéger les salariés en cas de plans sociaux ou de licenciements sans appliquer une réglementation trop dissuasive pour des entreprises qui, en situation de mobilité des capitaux, peuvent à tout moment effectuer des choix d'implantation défavorables à notre pays.
Il paraît donc, en premier lieu, souhaitable de responsabiliser certains groupes de grande taille quant à leur impact sur la structuration des territoires, Cela a été dit par M. Delfau. La friche industrielle doit être combattue pour préserver nos équilibres territoriaux. Cela suppose de la part des grandes entreprises - puisqu'elles en ont souvent la possibilité - des efforts de réindustrialisation des sites restructurés.
En deuxième lieu, il est indispensable que soit intégrée à l'élaboration des plans sociaux, dans des délais décents, l'intégralité des acteurs de l'entreprise et non pas seulement sa direction et ses actionnaires.
La brutalité avec laquelle l'entreprise Marks & Spencer a annoncé à ses salariés leur licenciement et la détresse dans laquelle cette annonce les a plongés ne peuvent que plaider en faveur d'une meilleure association des représentants des salariés aux processus décisionnels. Plus fondamentalement, ce sont les relations de pouvoir au sein de l'entreprise qui doivent être rénovées.
En troisième lieu, il est possible de préconiser le renchérissement du coût des licenciements, notamment de l'indemnité légale de licenciement.
Il est en effet difficilement acceptable que la collectivité nationale paie l'indemnisation d'individus licenciés pour favoriser des gains privés, parfois non nationaux. L'entreprise doit donc assumer une partie du coût social de son action.
En quatrième et dernier lieu, il est nécessaire de mieux armer les salariés licenciés pour la recherche d'emploi en validant leurs acquis professionnels. Souvent premières victimes des plans sociaux, les salariés les moins qualifiés sont aussi ceux qui bénéficient le moins des formations offertes et qui ont donc le plus de difficultés à se reclasser.
En ce domaine, vous nous proposez, à travers une série d'amendements, de compléter des dispositions déjà prises en première lecture par l'Assemblée nationale, ce dont nous nous réjouissons, car elles allient à un fort volontarisme politique une démarche réfléchie vis-à-vis d'un environnement économique mondialisé.
Il est en effet intolérable que l'emploi demeure, en permanence, la seule variable d'ajustement du système productif.
Espérons que la proposition que vous nous faites nous permettra d'avancer d'un pas dans le sens de la modernisation sociale, qui est l'objet de ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jourdain.
M. André Jourdain. Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, à la lecture d'un texte fourre-tout qui rend impossible tout examen sérieux par un parlementaire de base, il faut rendre hommage aux mérites des différents rapporteurs chargés de nous éclairer sur le projet de loi dit de « modernisation sociale ».
Grâce à la reconnaissance de la validation des acquis de l'expérience professionnelle, je concède que, sur le volet « formation professionnelle », le projet mérite le titre qui lui a été donné. Mais cela n'est plus du tout le cas sur le volet « travail et emploi », que je veux aborder.
En effet, sur ce sujet, je ne vois pas comment on peut parler de modernisation. Ce qui nous est présenté est un catalogue de menaces, de sanctions, de « complexifications », qui traduit une méconnaissance totale de la vie dans les entreprises, sauf peut-être pour les plus grandes d'entre elles - multinationales ou autres - aux pratiques éventuellement douteuses.
Mais je ne reconnais pas, dans les entreprises visées par les articles du chapitre « protection et développement de l'emploi », celles que je côtoie chaque jour sur le terrain, qui créent richesses et emplois et qui seront soumises quasiment aux mêmes contraintes que les autres.
La complication des textes, la négation des partenaires sociaux ou l'accentuation de sanctions pénales vont-elles mieux protéger l'emploi ? J'en doute. Mais ce dont je suis certain, c'est qu'elles ne le développeront pas !
Je partage tout à fait l'analyse d'Alain Gournac, excellent rapporteur - comme, d'ailleurs, ses trois collègues - de la partie du projet de loi que j'évoque ici. Je ne reviendrai donc pas sur ce qu'il a dit.
Je voudrais simplement apporter un éclairage sur des propositions que je m'attendais à trouver dans ce projet de loi et qui auraient vraiment donné un sens au mot « modernisation ». Elles auraient été parfaitement bien placées dans le chapitre consacré à la protection et au développement de l'emploi.
En effet, chacun reconnaît qu'occuper un emploi dans la même entreprise, dans le même lieu, durant toute sa carrière, c'est terminé ! Faut-il le regretter ? Je ne le pense pas. D'ailleurs, la validation des acquis de l'expérience professionnelle que vous proposez montre bien qu'il faut accepter une certaine mobilité.
Chacun constate à la fois la nécessité du travail à temps partiel, mais aussi ses limites, ses difficultés et sa précarité. Chacun commence donc à considérer qu'il faut reconnaître ces nouvelles formes du travail qui apportent de la souplesse dans la vie des salariés, des garanties et de la compétence aux entreprises au moment ou elles en ont besoin.
Une formule qui permet d'apporter ces conditions existe et est reconnue officiellement. Il s'agit du groupement d'employeurs. Mais lui aussi a ses limites, et il n'est pas toujours possible de le mettre en place. D'autres formules sont pratiquées par des salariés qui juxtaposent plusieurs temps partiels dans plusieurs entreprises.
M. Alain Gournac, rapporteur. Très bien !
M. André Jourdain. Mais là, l'absence de garanties pose problème, autant au salarié qu'à l'employeur.
M. Alain Gournac, rapporteur. Eh oui !
M. André Jourdain. Certes, par des approches timides, dans différents textes, par exemple la « loi Aubry II » pour les congés, la « loi Sapin » pour le travail en secteur public et en secteur privé, la reconnaissance de cette forme de travail à temps partagé en multisalariat se dessine peu à peu.
Toutefois, désigné par le Sénat comme membre du Conseil national de la montagne, j'ai eu l'occasion, le 5 février dernier, à Clermont-Ferrand, de constater que l'on était toujours à la recherche d'une solution pour une catégorie de salariés à plusieurs employeurs : les saisonniers.
Or, la forme de contrat que j'avais élaborée pour les salariés à temps partagé en multisalariat peut s'appliquer aux saisonniers.
Lorsque ma proposition de loi a été adoptée par le Sénat, le 11 mars 1999, Mme Nicole Péry avait déclaré à cette tribune que notre texte, auquel elle s'opposait, était prématuré, car le Gouvernement allait, à l'automne - donc l'automne 1999 - déposer un projet de loi sur ces nouvelles formes de travail, en particulier sur la pluriactivité, à la suite de la remise du rapport de M. Praderie.
Or rien n'a été fait. J'espérais que cela serait fait dans le présent texte. Constatant que ce n'est pas le cas, j'ai donc déposé un amendement qui reprend une partie de ma proposition de loi pour répondre aux questions posées lors de la réunion du Conseil national de la montagne.
Permettre le développement de nouvelles formes de travail, favoriser l'idée du contrat, et non celle de sanction, telles auraient pu être les ambitions d'un véritable projet de modernisation sociale avec - encore un exemple ! - au lieu du maintien dépassé de la forme des emplois-jeunes, l'instauration du contrat de première expérience professionnelle préconisé par notre commission des affaires sociales.
M. Alain Gournac, rapporteur. Eh oui !
M. André Jourdain. Devant un tel manque d'innovation, je ne pourrai, monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, voter en l'état le texte qui nous est proposé. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants).
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

4

TRANSMISSION D'UN PROJET DE LOI

M. le président. J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relatif à la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées et à l'allocation personnalisée d'autonomie.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 279, distribué et renvoyé à la commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

5

DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI

M. le président. J'ai reçu de MM. Alain Dufaut et Patrice Gélard une proposition de loi tendant à permettre à des élus se trouvant dans une situation d'incompatibilité, en raison de l'acquisition d'un mandat en remplacement d'un autre élu, de la faire cesser en démissionnant du mandat de leur choix.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 280, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

6

DÉPÔT RATTACHÉ POUR ORDRE
AU PROCÈS-VERBAL DE LA SÉANCE
DU 19 AVRIL 2001

M. le président. M. le président du Sénat a reçu le 20 avril 2001 de MM. Pierre Martin, Fernand Demilly et Marcel Deneux une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur les inondations de la Somme afin d'établir les causes et les responsabilités de ces crues, d'évaluer les coûts et de prévenir les risques d'inondations.
Cette proposition de résolution sera imprimée sous le n° 278, distribuée et renvoyée à la commission des affaires économiques et du Plan et, pour avis, à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, en application de l'article 11, alinéa 1, du règlement.

7

ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, mercredi 25 avril 2001, à quinze heures et le soir :
Suite de la discussion du projet de loi (n° 185, 2000-2001), adopté par l'Assemblée nationale, de modernisation sociale.
Rapport (n° 275, 2000-2001) de MM. Claude Huriet, Bernard Seillier, Alain Gournac et Mme Annick Bocandé, fait au nom de la commission des affaires sociales.
Avis (n° 276, 2000-2001) de M. Jacques Legendre, fait au nom de la commission des affaires culturelles.
Rapport d'information (n° 258, 2000-2001) de M. Philippe Richert, fait au nom de la délégation du Sénat aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.
A dix-sept heures trente, communication de M. Bernard Stasi, Médiateur de la République, sur son rapport annuel, en application de la loi n° 2000-23 du 12 avril 2000, relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations.

Délais limites pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements

Conclusions de la commission des lois (n° 271, 2000-2001) sur la proposition de loi de MM. Jean-Jacques Hyest et Guy-Pierre Cabanel, relative aux conditions de détention dans les établissements pénitentiaires et au contrôle général des prisons (n° 115, 2000-2001) :
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 25 avril 2001, à dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 25 avril 2001, à dix-sept heures.
Conclusions de la commission des affaires sociales (n° 277, 2000-2001) sur la proposition de loi de M. Claude Huriet et plusieurs de ses collègues, relative à l'indemnisation de l'aléa médical et à la responsabilité médicale (n° 221, 2000-2001) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 25 avril 2001, à dix-sept heures.
Nouvelle lecture, sous réserve de sa transmission, du projet de loi portant création d'une prime pour l'emploi (A.N., n° 2972) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 2 mai 2001, à dix-sept heures.
Deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, tendant à renforcer la prévention et la répression à l'encontre des groupements à caractère sectaire (n° 431, 1999-2000) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 2 mai 2001, à dix-sept heures.
Deuxième lecture du projet de loi organique, modifié par l'Assemblée nationale, relatif au statut des magistrats et au Conseil supérieur de la magistrature (n° 196, 2000-2001) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 2 mai 2001, à dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.

(La séance est levée le mercredi 25 avril 2001, à zéro heure cinq.)

Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON





ERRATUM
Au compte rendu intégral de la séance
du 17 avril 2001
DATE D'EXPIRATION DES POUVOIRS
DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Page 1226, 2e colonne, dans le texte de la question préalable, avant le 1er considérant (11e alinéa de cette colonne), ajouter un alinéa ainsi rédigé :
« "En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat," ».



Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)


Aménagement de la RN 165

1060. - 24 avril 2001. - M. Josselin de Rohan interroge M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur les aménagements envisagés dans le cadre de la mise en voie autoroutière de la route nationale 165 sur la section Lorient-Landaul.

Dédoublement de l'A 4 par l'A 86 dans le Val-de-Marne

1061. - 24 avril 2001. - M. Serge Lagauche rappelle à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement que, lors de la discussion d'une précédente question orale, en mai 2000, il avait eu, par la voix de M. le ministre de la défense, une réponse plutôt rassurante concernant le dédoublement de l'A 4 par l'A 86 dans le Val-de-Marne. Il avait alors annoncé : « Une nouvelle expertise de l'opération va être menée afin de rechercher à nouveau une solution financière acceptable par les partenaires... Le Gouvernement partage votre appréciation selon laquelle la situation actuelle ne peut être maintenue sans réponse pendant toute la durée du contrat du plan. » Mais récemment, l'équipe d'ingénieurs et de techniciens chargée de l'étude de ce projet a été dissoute. Et aujourd'hui les élus locaux craignent un abandon pur et simple de ce projet, d'autant que la déclaration d'utilité publique sera forclose dès 2003. Dans ces conditions, il souhaiterait savoir quelles perspectives claires le Gouvernement entend fixer pour le bouclage de l'A 86, à Joinville-le-Pont.

Subventions au éleveurs de zone montagne

1062. - 24 avril 2001. - M. René-Pierre Signé appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur les retards apportés au versement des subventions allouées aux éleveurs de zone montagne. Ces aides sont de différentes natures : les indemnités compensatrices de handicap naturel (ICHN), la majoration de la dotation jeune agriculteur (DJA), une subvention sur les bâtiments et certains matériels spécifiques à la zone montagne. Concernant l'obtention de ces aides apparaît une difficulté : les dossiers instruits par la direction départementale de l'agriculture (DDA) restent en souffrance, tout au moins dans la Nièvre, sous le prétexte qu'il n'y a pas de crédits disponibles. Parce que cette ligne budgétaire se confond avec la ligne budgétaire des mises aux normes des bâtiments agricoles et comme il y a beaucoup plus de dossiers concernant la mise aux normes des bâtiments (environ dix fois plus), les dossiers de subvention pour les bâtiments de la zone de montagne sont relégués au deuxième rang, et certains éleveurs attendent une réponse depuis un an. Le département de la Nièvre, pour la zone Piémont 1, s'est substitué à l'Etat et avait assimilé cette zone à la montagne. Il apportait une aide immédiate. Alors que grâce à l'initiative de M. le ministre et à la suite de la demande des parlementaires la zone montagne a pu être élargie, les aides de l'Etat se faisant attendre, les agriculteurs sont plutôt pénalisés par le nouveau classement. Il semblerait que l'obtention de ces aides est bien due à un mode d'attribution particulier qui mêle, dans le même chapitre, mise aux normes et subventions à la zone montagne. Il y a une source de disparité dans les attributions. Il souhaiterait donc qu'il lui soit apporté quelques apaisements à ce sujet.