SEANCE DU 17 AVRIL 2001


SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. GUY ALLOUCHE

1. Procès-verbal (p. 0 ).

2. Message aux victimes des inondations (p. 1 ).

3. Fin de mission d'un sénateur (p. 2 ).

4. Demande d'autorisation d'une mission d'information (p. 3 ).

5. Organismes extraparlementaires (p. 4 ).

6. Date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale. - Rejet d'une proposition de loi organique en nouvelle lecture (p. 5 ).

Rappel au règlement (p. 6 )

MM. Jacques Larché, président de la commission des lois ; le président.

Discussion générale (p. 7 )

MM. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement ; le président de la commission, ChristianBonnet, rapporteur de la commission des lois.

Rappel au règlement (p. 8 )

MM. Henri de Raincourt, le ministre.

Suspension et reprise de la séance (p. 9 )

Discussion générale (suite) (p. 10 )

MM. Guy Cabanel, Josselin de Rohan, Jean Arthuis, Henri de Raincourt, Robert Bret, Robert Badinter, le président de la commission.
Clôture de la discussion générale.

Question préalable (p. 11 )

Motion n° 1 de la commission. - MM. le rapporteur, Robert Badinter, le ministre. - Adoption, par scrutin public, de la motion entraînant le rejet de la proposition de loi organique.

7. Modification de l'ordre du jour (p. 12 ).

Suspension et reprise de la séance (p. 13 )

PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE

8. Agence française de sécurité sanitaire environnementale. - Adoption d'une proposition de loi en nouvelle lecture (p. 14 ).
Discussion générale : MM. Bernard Kouchner, ministre délégué à la santé ; Claude Huriet, rapporteur de la commission des affaires sociales ; Guy Fischer.
Clôture de la discussion générale.

Intitulé du titre II (p. 15 )

Amendement n° 1 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Adoption de l'amendement modifiant l'intitulé.

Article 2 (p. 16 )

Amendement n° 2 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Adoption.
Amendement n° 3 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Adoption.
Amendement n° 4 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Article 2 bis A (supprimé) (p. 17 )

Amendement n° 5 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Adoption de l'amendement rétablissant l'article.

Article 3. - Adoption (p. 18 )

Article 4 A (p. 19 )

M. Henri Revol.
Amendement n° 6 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Adoption.
Amendement n° 7 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Article 5. - Adoption (p. 20 )

Vote sur l'ensemble (p. 21 )

Mme Gisèle Printz, MM. Michel Doublet, le rapporteur, le ministre délégué.
Adoption de la proposition de loi.

9. Egalité professionnelle entre les femmes et les hommes. - Rejet d'une proposition de loi en nouvelle lecture (p. 22 ).
Discussion générale : Mmes Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle ; Annick Bocandé, rapporteur de la commission des affaires sociales ; M. Roland Muzeau.
Clôture de la discussion générale.

Question préalable (p. 23 )

Motion n° 1 de la commission. - Mmes le rapporteur, Gisèle Printz, M. Michel Doublet. - Adoption de la motion entraînant le rejet de la proposition de loi.

10. Texte soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution (p. 24 ).

11. Retrait d'un texte soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution (p. 25 ).

12. Dépôt de rapports (p. 26 ).

13. Dépôts rattachés pour ordre au procès-verbal de la séance du 5 avril 2001 (p. 27 ).

14. Ordre du jour (p. 28 ).



COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. GUY ALLOUCHE
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à seize heures.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le procès-verbal de la séance du jeudi 5 avril 2001 a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté.

2

MESSAGE AUX VICTIMES DES INONDATIONS

M. le président. Au nom du Sénat tout entier, et comme l'a souhaité notre président, je veux, mes chers collègues, exprimer notre profonde sympathie aux populations des régions durement touchées par les inondations.
Pour ne prendre que l'exemple de la vallée de la Somme, près de quatre-vingts communes sont sinistrées et plus de neuf cents personnes ont été évacuées grâce à la diligence et au dévouement des sapeurs-pompiers professionnels ou volontaires.
Saluons également le concours précieux des nombreux bénévoles, sans oublier le rôle essentiel des élus locaux, qui, une fois de plus, se trouvent en première ligne.
Pour les familles ainsi frappées, cette catastrophe naturelle apparaît comme un véritable drame qui, bien souvent, réduit à néant de nombreuses années de travail consacrées à la construction d'un « chez-soi ». A ceux qui ressentent la terrible injustice de cette catastrophe, c'est la nation tout entière qui doit manifester sa solidarité.
Aussi me paraît-il souhaitable, et même indispensable, que tout soit mis en oeuvre pour simplifier l'instruction des dossiers et accélerer les procédures d'indemnisation. La gravité de la situation est telle qu'elle appelle des réponses d'urgence.
Sur la proposition du président du Sénat, le conseil de questure a décidé ce matin même d'accorder aux collectivités sinistrées un secours financier.
M. Robert Badinter. Très bien !
M. le président. Si ce geste symbolique n'est pas à la mesure du préjudice humain causé par ces inondations, il apportera le témoignage sincère de la solidarité du Sénat envers les victimes. (Applaudissements sur l'ensemble des travées.)

3

FIN DE MISSION D'UN SÉNATEUR

M. le président. M. le président a reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :

« Paris, le 13 avril 2001.

« Monsieur le président,
« Par lettre du 16 février 2001, je vous avais fait part de ma décision de placer Mme Dinah Derycke, sénatrice, en mission temporaire auprès de la ministre de l'emploi et de la solidarité.
« Cette désignation, intervenue en application des dispositions de l'article LO 297 du code électoral, a fait l'objet d'un décret en date du 16 février 2001, publié au Journal officiel du 17 février.
« Par lettre en date du 28 mars 2001, Mme Derycke m'a fait savoir qu'elle ne pouvait, dans l'immédiat, mener à bien cette mission.
« Aussi, j'ai décidé de mettre fin à cette mission.
« Je vous prie, d'agréer, monsieur le président, l'assurance de ma haute considération.

« Signé : Lionel Jospin »

Acte est donné de cette communication.

4

DEMANDE D'AUTORISATION
D'UNE MISSION D'INFORMATION

M. le président. M. le président a été saisi par M. Jean François-Poncet, président de la commission des affaires économiques, d'une demande tendant à obtenir du Sénat l'autorisation de désigner une mission d'information sur la lutte contre l'épizootie de fièvre aphteuse.
Le Sénat sera appelé à statuer sur cette demande dans les formes fixées par l'article 21 du règlement.

5

ORGANISMES EXTRAPARLEMENTAIRES

M. le président. J'informe le Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation de sénateur appelés à siéger au sein du conseil d'orientation du comité interministériel de prévention des risques naturels majeurs.
Conformément à l'article 9 du règlement, j'invite la commission des affaires économiques, la commission des lois et la commission des affaires culturelles à présenter chacune une candidature.
J'informe également le Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation de sénateurs appelés à siéger au sein du comité des finances locales.
En conséquence, j'invite la commission des finances et la commission des lois à présenter chacune deux candidats appelés à siéger l'un en qualité de titulaire, l'autre en qualité de suppléant.
Les nominations au sein de ces organismes extraparlementaires auront lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l'article 9 du règlement.

6

DATE D'EXPIRATION DES POUVOIRS
DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Rejet d'une proposition de loi organique
en nouvelle lecture

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion, en nouvelle lecture, de la proposition de loi organique (n° 225, 2000-2001), adoptée par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, modifiant la date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale [Rapport n° 270 (2000-2001).]

Rappel au règlement



M. Jacques Larché,
président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois. M. Jacques Larché, président de la commission des lois. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je crois nécessaire de faire un rappel au règlement en cet instant, avant que s'engage la discussion de la proposition de loi organique.
Ce rappel au règlement se fonde sur les articles 70 et 71 du règlement, qui traitent de la convocation et de la réunion de la commission mixte paritaire, ainsi que sur l'article 29 du même règlement, qui est relatif à la fixation de l'ordre du jour du Sénat.
La conférence des présidents, qui s'est réunie normalement, le 27 mars dernier, a décidé, à la demande du Gouvernement, d'inscrire à l'ordre du jour prioritaire de la présente séance soit les conclusions de la commission mixte paritaire, soit la nouvelle lecture de la proposition de loi organique modifiant la date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale.
Cette procédure ayant suscité chez nous quelques doutes, nous aurions aimé pouvoir nous entourer des avis nécessaires. Mais nous constatons - cela a déjà été dit à plusieurs reprises - qu'il n'y a aucun organe que nous puissions consulter et qui serait en état de nous dire, de manière préalable en quelque sorte, ce qui lui paraît être le droit. Le Conseil constitutionnel, notamment, ne peut pas être consulté, alors que, nous le savons tous - toutes ses décisions le montrent - il porte une attention particulière aux lois organiques, il vérifie scrupuleusement ce qui constitue leur nature, qu'il s'agisse de la procédure ou du fond.
Lorsque nous avons adopté le texte dont nous débattons aujourd'hui en première lecture, j'ai déjà fait constater que nos collègues des différents groupes avaient usé du droit normal qui leur appartient de proposer des amendements, et ce d'autant plus que nous étions saisis d'une proposition de loi, mode d'initiative parlementaire à l'égard duquel on peut estimer que le droit d'amendement s'exerce avec une particulière vigueur.
Nous avions d'ailleurs noté que, puisqu'il s'agissait d'une proposition de loi, nous n'étions pas en état - nous aurions pu le faire s'il s'était agi d'un projet - de demander un référendum.
Les interrogations que j'ai formulées alors demeurent.
Selon le quatrième alinéa de l'article 46 de la Constitution, les lois organiques relatives au Sénat doivent être votées dans les mêmes termes par les deux assemblées. Or, c'est ce qu'est devenu le texte dont nous débattons aujourd'hui. Et lorsqu'il est saisi d'un texte de ce genre, le Gouvernement ne provoque pas la réunion d'une commission mixte paritaire, puisque celle-ci ne peut déboucher que sur le vote en dernière lecture par l'Assemblée nationale.
Néanmoins, le Gouvernement a demandé la réunion d'une commission mixte paritaire. Nous avons d'ailleurs désigné nos représentants et, par courtoisie envers le président Roman, dont les propos nous laissent penser parfois que nous ne sommes pas, en ce domaine, toujours payés en retour,...
Un sénateur du RPR. C'est le moins que l'on puisse dire !
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. ... nous nous sommes rendus à son invitation.
Le président Roman, dans le silence de la commission mixte paritaire, où il ne pouvait pas donner à ses propos le lustre qu'il leur a donné à certaines autres occasions, a reconnu que notre démarche était légitime, qu'il s'agissait en quelque sorte d'une « commission mixte paritaire virtuelle ».
Au cours de cette commission mixte paritaire, nous avons exposé nos points de vue. Nous avons donc dit, une fois de plus, qu'il n'y avait pas lieu de réunir une commission mixte paritaire, qu'il fallait s'orienter vers une deuxième lecture à l'Assemblée nationale.
Compte tenu je ne dirai pas de l'entêtement des députés, mais en quelque sorte du maintien de leur position, nous avons dû quitter la commission mixte paritaire. Nous n'avons donc pas participé à la discussion qui aurait pu s'engager, mais qui n'a pas eu lieu. Le président Roman a constaté que la commission mixte paritaire avait échoué sans se conformer aux termes mêmes de la Constitution, selon lesquels, avant de constater l'échec, la commission mixte paritaire doit au moins se livrer à un certain examen des dispositions qui restent en discussion.
Voilà, monsieur le président, les quelques observations que je tenais à faire. Nous maintenons notre point de vue. Nous verrons bien ce qu'il en sera. Nous n'avons aucune certitude, car cette situation devant laquelle nous sommes placés ne connaît pas de précédent. Nous ne pouvons, dans l'état actuel des choses, que continuer une discussion qui, en quelque sorte, nous est imposée dans des conditions que, avec un certain nombre de mes collègues, je considère comme anormales.
Je ne sais d'ailleurs pas en cet instant, monsieur le président, s'il s'agit d'une deuxième lecture ou d'une nouvelle lecture. Par la décision qu'il prendra, le Conseil constitutionnel précisera peut-être un jour ce point. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR ainsi que sur certaines travées de l'Union centriste et du RDSE.) M. le président. Monsieur le président de la commission des lois, le regretté président Dailly avait coutume de bien faire la distinction entre deuxième et nouvelle lecture.
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. Je suis incapable de la faire en cet instant !
M. le président. Quoi qu'il en soit, je vous donne acte de ce rappel au règlement. Le débat qui va suivre permettra peut-être d'éclaircir la situation, mais permettez-moi de vous faire remarquer - m'adressant à vous avec beaucoup de scrupule - que si le Gouvernement fixe les priorités de l'ordre du jour, c'est le président du Sénat qui convoque la conférence des présidents.
Voilà ce que je tenais, avec beaucoup de modestie, à vous dire, monsieur le président de la commission des lois.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre des relations avec le Parlement.

M. Jean-Pierre Raffarin. Où est le ministre de l'intérieur ?
M. Louis Moinard. A l'extérieur !
M. Jean-Pierre Raffarin. C'est une manoeuvre subalterne !
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le 3 avril dernier, l'Assemblée nationale a confirmé en nouvelle lecture son vote initial du 20 décembre 2000...
M. Hilaire Flandre. Sans surprise !
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. ... et a rétabli le texte de la proposition de loi organique modifiant la date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale qu'elle avait déjà adopté.
Je ne reviendrai pas sur les nombreuses interventions qui été prononcées en première lecture au Sénat.
M. Jean-Pierre Raffarin. C'est dommage !
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. Je voudrais simplement rappeler les principaux éléments qui, aux yeux du Gouvernement, doivent conduire à l'adoption de cette proposition de loi.
Quelle est la justification de ce texte ?
M. Jean-Pierre Raffarin. Il n'y en a aucune !
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. La proposition de loi organique est fondée, monsieur Raffarin, sur un principe clair : l'élection présidentielle est, depuis la réforme de 1962, l'acte politique essentiel. Elle est ressentie comme telle par les Français, ainsi que le montre d'ailleurs l'examen comparé des taux de participation aux différentes élections : c'est à cette occasion que nos compatriotes s'expriment le plus largement.
Les circonstances que vous connaissez, mesdames, messieurs les sénateurs, ont conduit à un calendrier étrange et inédit, où l'élection présidentielle serait précédée de quelques semaines par l'élection de l'Assemblée nationale.
Cette conjoncture ne sera d'ailleurs pas propre à 2002. En effet, l'instauration du mandat de cinq ans pour l'élection du Président de la République crée les conditions d'une situation où le calendrier de 2002 pourrait se reproduire à chaque échéance, en 2007, en 2012 et au-delà.
Cette situation comporte de graves inconvénients, du point de vue tant institutionnel que technique.
Tout d'abord, la clarté du choix des Français conduit à ce que ceux-ci élisent un Président et, par cette élection, choisissent les grandes options du quinquennat qui doit suivre, sans que les élections législatives servent, par accident, de primaires à l'élection présidentielle, puisqu'elles sont organisées dans le cadre de 577 circonscriptions.
Par ailleurs, la clarté du choix des Français peut-elle supporter la désignation d'un Premier ministre et la formation d'un gouvernement au mois d'avril, quelques jours avant l'élection présidentielle ? Quelle validité aurait le programme de ce gouvernement réduit à expédier les affaires courantes dans l'attente du résultat de l'élection présidentielle ?
M. Hilaire Flandre. Il serait en vacances !
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. La logique de nos institutions consiste donc à permettre aux Français d'effectuer un choix politique logique et clair, et non à maintenir leur expression dans un calendrier générateur de confusion.
C'est ce qu'ont compris les promoteurs de la proposition de loi organique, qui, je le rappelle, sont des personnalités connaissant bien la pratique de nos institutions au plus haut niveau et appartenant à des formations politiques diverses.
Ce n'est pas pour autant une vision présidentialiste de nos institutions qu'il s'agit de promouvoir.
M. Hilaire Flandre. Ah !
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. Le Gouvernement est, pour sa part, très attaché au respect des prérogatives du Parlement, et il en a fait la démonstration depuis le début de cette législature. (Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Henri de Richemont. L'urgence appelle l'urgence !
M. Jean-Pierre Raffarin. Une seule règle : l'urgence !
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. L'initiative parlementaire, mesdames, messieurs les sénateurs, n'a jamais été aussi forte, sous la Ve République, qu'au cours de ces dernières années ; les textes législatifs, pour un tiers d'entre eux, sont d'origine parlementaire, et quand ils sont d'origine gouvernementale, le droit d'amendement s'exerce pleinement,...
M. Jean-Pierre Raffarin. Heureusement !
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. ... ce qui est la règle constitutionnelle.
M. Jean-Pierre Raffarin. Merci !
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. Je rappellerai également que le Gouvernement n'a jamais recouru aux dispositions de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution pour imposer ses vues à l'Assemblée nationale. Cette lecture parlementaire de la Constitution ne conduit cependant pas à négliger une réalité, celle de la logique de nos institutions, qui impose de restituer au calendrier électoral une cohérence que les circonstances lui ont fait perdre.
Outre la question de l'équilibre et de la logique institutionnelle, il faut souligner que, si l'ordre rationnel du calendrier électoral n'était pas rétabli, les difficultés techniques du calendrier actuel, soulignées d'ailleurs par le Conseil constitutionnel,...
M. Henri de Richemont. Jospin disait le contraire !
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. ... seraient, en ce qui concerne l'organisation de l'élection présidentielle, pérennisées et aggravées, comme le Gouvernement l'a démontré en premièrelecture.
La solution à ces difficultés existe, puisque la proposition de loi organique votée par l'Assemblée nationale ouvre la possibilité de résoudre le problème posé par un calendrier électoral qui n'est pas viable.
Ce texte prévoit, dans la rédaction issue de l'amendement déposé par M. Blessig, député du groupe UDF, et votée en première lecture par l'Assemblée nationale, de fixer la date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale au troisième mardi de juin de la cinquième année qui suit son élection.
Cette formulation permet de séparer les opérations électorales des deux scrutins présidentiel et législatif, tout en respectant les impératifs de clarté politique qui veulent que, dans une telle configuration, les candidats aux élections législatives connaissent, au moment du dépôt des candidatures, le résultat de l'élection présidentielle.
Cette rédaction présente donc l'avantage de permettre que les dépôts de candidatures aux élections législatives s'effectuent non seulement après que seront connus les résultats officieux de l'élection présidentielle, mais également après la proclamation officielle du résultat par le Conseil constitutionnel. Elle offre donc, sur ce plan, toutes les garanties.
J'ajoute qu'il ne saurait être fait reproche à l'Assemblée nationale de reculer excessivement la date d'expiration de ses pouvoirs, puisque l'assemblée actuelle a été élue les 25 mai et 1er juin 1997 et que ses pouvoirs expireraient le 18 juin 2002 : il s'agirait donc d'une législature complète de cinq ans, de juin 1997 à juin 2002.
M. Hilaire Flandre. Cinq ans et trois semaines !
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. Nul ne sait bien sûr ce qui ce passera en 2002 lors de ces élections.
M. Gérard César. Eh oui !
M. Serge Vinçon. Vous serez battus !
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. Je voudrais reprendre ici les propos qu'a tenus M. Arthuis devant cette assemblée : « Seules comptent aujourd'hui la préservation, la consolidation même de nos institutions - le reste n'est qu'illusion. »
M. Jean Chérioux. Quel noble projet de votre part !
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. Cette appréciation, qui a été développée au Sénat mais qui n'a pas été retenue lors de la première lecture, est également celle du Gouvernement.
En première lecture, le Sénat a souhaité compléter cette proposition de loi organique par différentes dispositions qui, comme le président Jacques Larché vient de l'indiquer dans son rappel au règlement, modifiaient sa nature même et en faisaient un texte relatif au Sénat.
A cet égard, je voudrais simplement formuler quelques observations.
Tout d'abord, le recours à l'article 46 de la Constitution ne fait pas obstacle à l'article 45 de celle-ci, c'est-à-dire à la prérogative qu'a le Gouvernement de faire jouer la procédure de la commission mixte paritaire. Je l'avais rappelé à l'occasion des débats.
Par ailleurs, les dispositions que le Sénat a adoptées en première lecture sont incontestablement des « cavaliers » législatifs qui ne concernent pas directement la proposition de loi en question. Si l'on suivait le raisonnement qui a été présenté à cette occasion, le Sénat pourrait ainsi, en introduisant des dispositions qui le concerneraient, paralyser l'adoption de toute proposition organique et empêcher l'Assemblée nationale d'avoir le dernier mot. Ce serait là, en quelque sorte, l'exercice d'un droit de veto sur tout texte organique. Je ne crois pas que le constituant ait voulu, dans ce domaine, aller en ce sens.
M. Jacques Larché nous a dit que l'on ne pouvait avoir, à ce stade de la procédure, un avis sur cette question, puisque le Conseil constitutionnel ne sera saisi - s'il l'est - qu' a posteriori.
MM. Jacques Larché, président de la commission des lois et Guy Cabanel. Il le sera !
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. Dans le cours de la procédure, aucun avis ne peut donc être donné sur la qualification de loi organique relative au Sénat.
Faut-il alors se reporter à la doctrine ? De ce point de vue, je vous invite, mesdames, messieurs les sénateurs, à consulter un excellent article intitulé : « Le Conseil constitutionnel, organe du pouvoir d'Etat ». L'auteur de cet excellent article rejette justement « l'idée que serait une loi organique relative au Sénat toute loi qui concernerait entre autres sujets le Sénat ou les sénateurs, donc par exemple la loi relative aux incompatibilités parlementaires ». Il ne s'agit ici, de ma part, que d'une citation.
Cet excellent auteur...
M. Jean-Pierre Raffarin. Lequel ?
M. Jean Chérioux. Des noms ! (Sourires.)
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. ... poursuit ainsi son raisonnement : « Toute loi - organique, bien sûr - concernant le Sénat nous paraît donc devoir être soumise à l'interrogation suivante : le projet modifie-t-il la situation actuelle d'une assemblée par rapport à l'autre ? Etablit-il des prérogatives ou une organisation particulière pour l'une ou l'autre des deux assemblées ? Alors, elle doit être considérée comme relative au Sénat ».
Avouez, mesdames, messieurs les sénateurs, que nous ne sommes pas dans un tel cas. Le texte que nous examinons aujourd'hui ne prévoit en effet ni dispositions ni prérogatives particulières relatives au Sénat, puisque, si l'Assemblée nationale avait retenu les dispositions introduites par le Sénat, il se serait agi d'une proposition de loi organique relative à l'ensemble du Parlement.
C'est d'ailleurs l'interprétation qui a été retenue par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 11 juillet 1985, quand il estimait que l'augmentation du nombre des députés, qui minorait le poids du Sénat au Congrès, ne pouvait être considérée comme une disposition relative au Sénat, dans la mesure où elle ne privait d'aucun droit ou prérogative les sénateurs en tant que tels.
Quant à l'identité de l'excellent auteur que j'évoquais, je puis maintenant vous indiquer que cet article, paru en 1972 dans L'Actualité juridique, était signé par M. Jacques Larché, professeur associé de droit public à l'université de Paris - Val-de-Marne. (Sourires.)
M. Henri de Raincourt. Ah !
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. Démonstration est donc faite par la doctrine, monsieur Larché, que nous ne pouvons, en l'occurrence, retenir la qualification de « texte relatif au Sénat ».
M. Henri de Raincourt. Il a bien appris son cours !
M. Jean-Pierre Raffarin. Vous devriez lire les écrits de M. Jacques Larché plus souvent !
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. Puis-je vous interrompre, monsieur le ministre ?
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. Je vous en prie, monsieur Larché.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission, avec l'autorisation de M. le ministre.
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. Je vous remercie, monsieur le ministre, de m'avoir si abondamment cité et d'avoir, in fine, rappelé que cet article datait de 1972.
M. Gérard César. Trente ans après !
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. Permettez-moi de formuler une double remarque.
En premier lieu, j'ai été, mais d'une manière cinglante ! démenti par le Conseil constitutionnel en 1985. Je m'en suis relevé, mais enfin... (Sourires.)
En second lieu, en 1972, je n'étais pas sénateur !
M. Henri de Raincourt. Et voilà !
M. Jean Delaneau. Cela change tout !
M. Jean-Pierre Raffarin. Tout s'apprend !
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le ministre.
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. Après cette intervention du président Jacques Larché, après avoir rappelé les bons auteurs, comme nous disions à l'Université, je me permets de vous demander, au nom du Gouvernement, mesdames, messieurs les sénateurs, pour le bon fonctionnement de nos institutions mais aussi pour l'expression claire du suffrage des Français, c'est-à-dire du peuple souverain, de voter le texte qui a été adopté en nouvelle lecture par l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Jean Delaneau. Voilà un voeu pieu !
M. Jean-Pierre Raffarin. Jospin à la manoeuvre !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Bonnet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le ministre, nous sommes heureux de vous voir parmi nous tout en regrettant l'absence de M. le ministre de l'intérieur, paraît-il, occupé ailleurs.
M. Hilaire Flandre. La Somme !
M. René-Georges Laurin. C'est très bien !
M. Christian Bonnet, rapporteur. Nous en sommes d'autant plus heureux que vous avez suivi notre débat de première lecture presque de bout en bout.
Il m'avait été donné, en première lecture, de marquer ma surprise face aux propos tenus tant par M. le président de l'Assemblée nationale que par M. le ministre des relations avec le Parlement. Ils ont en effet l'un et l'autre constesté au Sénat le droit d'exercer ses prérogatives à propos d'un texte relatif à l'Assemblée nationale.
Le président de la commission des lois de l'Assemblée nationale s'est cru cette fois autorisé à porter, dans le rapport dont il a la charge, une appréciation plus globale sur notre assemblée en des termes que les diplomates, familiers de la litote, qualifieraient d'inamicaux. Je ne résiste pas au désir de livrer à votre appréciation ce morceau d'anthologie citoyen.
« On peut s'interroger, écrit M. Bernard Roman - car c'est bien d'un écrit qu'il s'agit et non d'un dérapage verbal sans conséquence - sur la légitimité d'une assemblée qui ne peut mettre en cause la responsabilité du Gouvernement ni davantage être dissoute, à défendre l'équilibre même du régime parlementaire dans lequel elle ne joue à l'évidence qu'un rôle second. On pourrait ajouter que son élection au suffrage universel, qui ne lui donne qu'une représentation relative, ne l'habilite guère à se draper dans le voile de la vertu républicaine outragée ni à revêtir les habits de défenseurs des institutions. »
M. Henri de Raincourt. C'est charmant !
M. Henri de Richemont. C'est scandaleux !
M. Jean-Pierre Raffarin. La stratégie est claire !
M. Christian Bonnet, rapporteur. Tant qu'à s'interroger, je me suis posé la question de savoir si notre estimé collègue n'avait pas puisé, au fil de ses lectures, son inspiration dans un propos tenu un jour à la Chambre des députés. Permettez-moi de vous citer ce propos ; « La Chambre Haute, qui est nommée au suffrage restreint par des électeurs sans mandat (Exclamations sur les travées du RPR), se trouve néanmoins investie du privilège de résister à la représentation directe du suffrage universel. Il y a, dans cette institution, une dérogation criante aux principes du droit démocratique qui est notre droit commun. »
Et de qui émanait cette philippique ? Je vous le donne en mille... du général Boulanger lui-même, le 4 juin 1888 très précisément ! (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Le président Mitterrand, Pierre Mendès-France, pour leur part, dépassant, en homme d'Etat qu'ils étaient, eux, le déplaisir que pouvaient leur causer parfois certaines des prises de position de notre institution, n'hésitaient pas à porter sur elle une tout autre appréciation, dont on pourra trouver trace dans mon rapport écrit.
Avant eux, Georges Clemenceau, grand pourfendeur de la Seconde Chambre lorsqu'il siégeait sur les rives de la Seine, avait tôt fait de réviser son jugement après avoir été élu sénateur du Var. « Les événements m'ont appris, écrivait-il, qu'il fallait donner au peuple le temps de la réflexion... Le temps de la réflexion, c'est le Sénat ! »
Et qui sait si, un jour, M. Roman ne trouvera pas, lui aussi, comme notre illustre prédécesseur, son chemin de Damas après avoir pris place dans cet hémicycle !
M. Hilaire Flandre. Dieu nous en préserve ! (Sourires.)
M. Christian Bonnet, rapporteur. A dire le vrai, venant d'une personnalité d'ordinaire courtoise, un tel manquement à la bienséance de règle entre nos deux assemblées ne saurait s'expliquer qu'en réaction à la pertinence de notre argumentation, développée ici même en première lecture. (Bravo ! et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR ainsi que sur certaines travées de l'Union centriste et du RDSE.)
Cette argumentation, balayée le 3 avril dernier sans avoir été réellement contredite, les trois mois écoulés depuis la première séance consacrée ici même à la proposition de loi organique ont permis à votre commission des lois de la conforter, mieux même, de la nourrir, à l'endroit d'un texte qui, trouvant sa source dans une considération de pure opportunité, se heurte à des difficultés pratiques et pose des problèmes juridiques d'importance.
Sans autres précédents que ceux de 1917 et de 1940, justifiés l'un et l'autre par des raisons de force majeure, l'initiative parlementaire d'inspiration gouvernementale aurait pour effet de prolonger l'existence de l'assemblée élue en 1997 de plus de deux mois, cette durée dépassant de quelques jours, nonobstant, sur ce point, les affirmations des membres du Gouvernement, la période de cinq ans prévue pour le mandat des députés.
M. Jean-Pierre Raffarin. De trois semaines !
M. Christian Bonnet, rapporteur. Appel est alors fait pour justifier une telle mesure d'exception, à l'esprit des institutions, à leur prétendue logique.
A en croire M. le ministre de l'intérieur, à en croire M. Roman, qui ont plaidé la thèse de la prééminence présidentielle avec l'ardeur propre aux néophytes, cet esprit, cette logique interdiraient que des élections législatives aient lieu avant le scrutin présidentiel. Or - maints orateurs l'ont souligné ici même voilà quelques semaines - il existe deux lectures de la Constitution.
A l'appréciation de M. Michel Debré, exégète contesté aujourd'hui par le pouvoir, bien que père fondateur, est venue s'ajouter, en février 1993, celle du comité consultatif pour la révision de la Constitution mis en place par le président Mitterrand et présidé par le doyen Vedel.
« De l'avis général - lit-on dès le début de ce rapport - la Constitution de 1958 est grammaticalement susceptible de plusieurs lectures. Le comité ne s'est pas cru investi de la mission de les trancher. Il n'a voulu ni réinterpréter ni réinventer la Constitution. Une interprétation aurait méconnu une donnée juridique fondamentale : les institutions politiques d'un pays ne se définissent pas seulement par la Constitution écrite et les lois qui la mettent en oeuvre, mais aussi par la pratique politique. »
Or, point n'est besoin d'être un constitutionnaliste distingué pour constater que, depuis 1986, l'une et l'autre lecture se sont équitablement partagées le temps. Au demeurant, et ce n'est pas là le moindre des paradoxes, M. le Premier ministre, arc-bouté sur l'article 20 de la Constitution, ne cesse de rappeler, par le verbe et le comportement, que la réalité des pouvoirs se trouve à l'hôtel Matignon, évidence difficilement contestable aujourd'hui.
Aussi bien le texte en discussion constitue-t-il une authentique réinterprétation, pour des raisons de pure opportunité, de la Constitution,...
M. Henri de Richemont. D'opportunité, en effet...
M. Christian Bonnet, rapporteur. ... une réinterprétation qui ne saurait en aucun cas répondre aux objectifs qui lui sont assignés.
L'organisation des élections législatives en juin ne permettrait pas d'éviter un nouveau bouleversement du calendrier en cas d'interruption prématurée du mandat d'un président de la République.
Mieux encore, comme je l'ai déjà souligné en première lecture, dès 2007, la concomitance d'élections municipales, cantonales, législatives, présidentielles viendra mettre à bas cette belle construction dont on voit bien qu'elle a pour seule et unique motivation l'échéance de 2002. (Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
Le président Badinter a démontré, lors du débat relatif au quinquennat, que seul le décès du président Georges Pompidou faisait que l'élection présidentielle avait lieu au mois de mai. Dès lors, si l'on veut que le scrutin présidentiel précède durablement les élections législatives, c'est pour l'expiration du mandat du Président de la République qu'il convient de prévoir une date fixe.
Cette solution, tous les constitutionnalistes - le doyen Vedel, le professeur Carcassonne, le président Maus - l'ont faite leur, les deux premiers allant jusqu'à proposer la date du 15 mars.
Mais une telle modification, de nature constitutionnelle, eût impliqué la recherche d'un consensus - authentique, celui-là ! - et n'aurait pu être appliquée dès l'an prochain, d'où la préférence donnée à une formule purement circonstancielle, génératrice de difficultés pratiques non négligeables.
Le choix du troisième mardi de juin comme date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale ne peut que compliquer l'élaboration du budget, déjà fort avancée, comme en témoigne un lumineux rapport de notre rapporteur général Philippe Marini, publié le 29 septembre dernier. Les lettres de cadrage n'ont-elles pas été adressées cette année aux différents ministères dès le vendredi 13 avril !
De surcroît, la très grande proximité de la date retenue avec celle de la clôture de la session ordinaire laisse augurer la convocation de l'une de ces sessions extraordinaires qu'une réforme constitutionnelle avait précisément eu pour ambition d'écarter.
La disposition proposée en première lecture par le Sénat avait, elle, le mérite de la simplicité. Lorsque des élections législatives sont organisées avant une élection présidentielle, le second tour ne peut précéder de moins de vingt-huit jours le premier tour de l'élection présidentielle. Cela permettait à la fois d'éviter tout bouleversement de nos règles institutionnelles et de tenir compte des recommandations faites, le 23 juillet 2000, par le Conseil constitutionnel à propos des parrainages.
Le plus piquant de l'affaire est que, sur ce point, contrairement aux certitudes affichées le 3 avril par M. le ministre de l'intérieur à la tribune de l'Assemblée nationale, la formule adoptée par cette dernière est de nature, précisément, à poser un problème sur ce point.
Les dernières élections municipales ont en effet mis en lumière que l'élection des maires n'intervenant qu'à la fin du mois de mars, il sera, dans ces conditions, matériellement impossible en 2007 aux maires nouvellement élus de renvoyer au Conseil constitutionnel dans les premiers jours d'avril un formulaire de parrainage qui ne pourra leur être adressé qu'après leur élection à la première magistrature.
Mais, de toute évidence, ni le Gouvernement ni l'Assemblée nationale n'étaient décidés à reculer devant les difficultés. (Exclamations sur les travées du RPR.)
Les difficultés sont de deux ordres car aux difficultés d'ordre pratique qui viennent d'être énoncées s'en ajoutent d'autres - et de poids ! - de nature juridique.
Elles tiennent tout à la fois à la procédure pour l'adoption de la proposition de loi organique, à l'absence de tout motif d'intérêt général et à des conséquences qui ne semblent pas avoir été perçues sur deux aspects non négligeables intéressant précisément les membres de l'Assemblée nationale.
Pour ce qui est, d'abord, de la procédure, le Sénat ayant adopté plusieurs amendements relatifs à ces inéligibilités applicables aux députés et donc aux sénateurs, en vertu de l'article LO 296 du code électoral, la proposition de loi relevait de l'article 46, alinéa 4, de la Constitution, comme l'a rappelé précédemment le président de la commission des lois.
Il a toujours été admis qu'en pareil cas l'article 45 de la Constitution, prévoyant notamment la tenue de commissions mixtes paritaires, n'est pas applicable et que la navette doit se poursuivre jusqu'à ce qu'intervienne un accord entre les deux assemblées.
Le Conseil constitutionnel, dans une décision datant du 11 janvier 1990, a bien marqué la distinction fondamentale entre les prescriptions des troisième et quatrième alinéas de l'article 46 de la Constitution, les dispositions de caractère organique non relatives au Sénat étant seules justiciables de la procédure prévue à l'article 45.
La convocation d'une commission mixte paritaire par le Gouvernement apparaît, dès lors, pour ce qu'elle est : une tentative de « passage en force », faute, pour lui - j'insite sur ce point - d'avoir songé, comme il en avait la possibilité, à recourir sur l'instant à la procédure dite du « vote bloqué » sur un texte excluant tous les amendements relatifs au Sénat.
M. Claude Estier. Qu'auriez-vous dit à ce moment-là !
M. Christian Bonnet, rapporteur. A ce vice de procédure s'ajoute l'absence de tout motif d'intérêt général.
Comme il avait été rappelé en première lecture, le Conseil constitutionnel a admis à trois reprises - en 1990, en 1994 et en 1996 - la prolongation de la durée d'un mandat électif. Mais, outre qu'il s'agissait d'assemblées locales, les décisions positives de cette haute instance prenaient appui sur des considérations d'intérêt général.
Ainsi en allait-il de la volonté de favoriser une plus forte participation au scrutin ou d'assurer la continuité de l'administration préfectorale, d'éviter des difficultés de mise en oeuvre d'une élection présidentielle, ou bien d'éviter la concomitance du recrutement des membres d'une assemblée territoriale et de l'examen, par le Parlement, d'une réforme du statut du territoire en cause.
Or, dans le cas présent, une lecture attentive des exposés des motifs des propositions de loi fait apparaître que l'unique justification de la réforme souhaitée est la « logique » des institutions, qui voudrait que l'élection présidentielle précédât les élections législatives. Vous en conviendrez, mes chers collègues, une interprétation de la Constitution ne saurait constituer un motif d'intérêt général justifiant une dérogation au principe d'égalité.
Certes, M. le ministre a tenté, au cours du débat, d'invoquer des difficultés pour le parrainage des candidats à l'élection présidentielle en se référant aux observations présentées en juillet 2000 par le Conseil constitutionnel.
Or, indépendamment du fait que, comme cela a été indiqué précédemment, la mise en oeuvre de cette recommandation ne soulève aucune difficulté, il est plaisant de noter que non seulement le projet de loi organique déposé en septembre dernier - dont nous avons débattu ici quelques mois plus tard - pour y donner suite ne prévoyait aucune mesure relative aux dates des élections, mais que, mieux encore, le Gouvernement s'est opposé, lors de la discussion de ce texte au Palais-Bourbon, à un amendement tendant à modifier le calendrier électoral de 2002 !
Quant à la justification de l'inversion par le souci de satisfaire une prétendue préférence du Conseil constitutionnel pour un parrainage par des députés nouvellement élus plutôt que par des sortants, elle prête à sourire car, en tout état de cause, seuls ces derniers pourront, à l'évidence, parrainer un candidat à l'élection présidentielle, que les élections législatives aient lieu avant ou après l'élection présidentielle.
Tout cela démontre à l'envi qu'en un tel domaine la précipitation est mauvaise conseillère et qu'à revêtir subitement du noble vêtement d'une préoccupation constitutionnelle une motivation de pure opportunité on s'expose à ce qu'il faut bien appeler des bévues.
L'examen, par le Conseil d'Etat, d'un projet de loi eût offert une garantie de sérieux et - qui sait ? - ouvert la voie, comme l'indiquait tout à l'heure le président de la commission, à la possibilité d'un référendum permettant au peuple souverain, que vous avez invoqué tout à l'heure, monsieur le ministre, seul mandataire des députés, de se prononcer sur la prolongation éventuelle de leur mandat.
Vice de procédure, absence de tout motif d'intérêt général ne sont pas les seules faiblesses d'ordre juridique de la proposition de loi organique.
S'y ajoutent, en effet, deux conséquences sérieuses que, dans sa hâte d'en finir avec cette méchante affaire, l'Assemblée nationale paraît n'avoir pas même perçues. Elles ont trait, l'une au financement des campagnes électorales, l'autre au remplacement des députés démissionnaires pour cause de cumul.
Aux termes de l'article L. 52-4 du code électoral, la période d'un an au cours de laquelle une association de financement ou un mandataire financier peuvent recueillir des fonds est d'ores et déjà ouverte, dans la perspective d'élections législatives devant se dérouler en mars 2002.
Si cette date devait être modifiée, les opérations déjà intervenues ou à intervenir entre mars et juin 2001 se trouveront frappées d'illégalité.
En 1990, en 1994, lors de la prolongation de la durée du mandat d'élus locaux, le législateur prenait, lui, le temps de la réflexion, et avait prolongé d'autant la période de collecte des fonds.
Rien de tel ici, si bien que l'adoption du texte pourrait placer bon nombre de candidats potentiels en situation d'illégalité.
Cette grave négligence n'est pas la seule.
Il en existe une autre, sur laquelle plusieurs démissions d'ores et déjà intervenues pour cause de cumul - celle de M. Santini, celle de M. Douste-Blazy pour le siège des Hautes-Pyrénées - jettent une lumière crue.
L'article LO 178 du code électoral emporte - on le sait - qu'aucune élection partielle ne peut avoir lieu dans les douze mois qui précèdent l'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale.
De valeur organique, cette disposition a pour origine cette idée que l'Assemblée nationale doit être au complet et que le Gouvernement ne doit avoir aucune influence sur sa composition. Elle se caractérise par son automaticité.
La date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale étant, en l'état, fixée au 1er mardi d'avril 2002, la dernière date possible pour l'organisation d'élections partielles était le 1er avril 2001, et, de fait, trois ont eu lieu à cette date.
Si la proposition dont nous dénonçons les failles entre en vigueur, le délai ne courra qu'à dater du 18 juin 2001. Or un délai de cinq semaines - délai minimal - est requis pour la convocation des électeurs.
En pratique, la date d'entrée en vigueur de la proposition de loi organique sera fonction de la demande, ou non, par le Premier ministre, de son examen en urgence par le Conseil constitutionnel comme de l'utilisation, ou non, par le Président de la République du délai de promulgation que lui octroie la Constitution.
La possibilité d'organiser ou non les élections dans les circonscriptions privées de représentants dépendra donc d'une décision du pouvoir exécutif.
En première lecture, la commission des lois vous avait, mes chers collègues, proposé des modifications à la proposition de loi organique.
Vous les aviez faites vôtres.
Or, non seulement elles n'ont pas été retenues par l'Assemblée nationale - ce qui était son droit le plus strict - mais elles n'ont pas même été examinées, et cette culture du mépris à l'endroit du Sénat est pour le moins fâcheuse.
Le dialogue entre les deux assemblées prévu par la Constitution s'étant trouvé, de ce fait, rompu, il vous est proposé cette fois de marquer qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération et d'adopter, de ce fait, une motion tendant à opposer la question préalable. (Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR, ainsi que sur certaines travées de l'Union centriste et du RDSE.)

Rappel au règlement



M. Henri de Raincourt.
Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président. La parole est à M. de Raincourt.
M. Henri de Raincourt. Monsieur le président, je souhaite faire un rappel au règlement après l'intervention en tous points remarquable, comme d'habitude, de notre rapporteur et ami Christian Bonnet.
M. René-Georges Laurin. Très bien !
M. Henri de Raincourt. Comme la plupart des sénateurs présents dans cette enceinte cet après-midi, j'ai écouté ce qu'il nous a dit, en particulier les propos tenus par le président de la commission des lois de l'Assemblée nationale qu'ils nous a rapportés.
Nous ne pouvons pas ne pas réagir une nouvelle fois à ce que le président de la commission des lois de l'Assemblée nationale s'est permis de dire s'agissant de la dignité, de la légitimité et de l'honorabilité du Sénat. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Je rappelle que le Sénat tire sa légitimité de la Constitution ratifiée par le peuple français et qu'à deux reprises, certes sous des régimes constitutionnels différents, en 1946 et en 1969, si ma mémoire ne me fait pas défaut, nos compatriotes, interrogés sur l'opinion qu'ils avaient du Sénat, ont manifesté leur attachement à cette assemblée. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants.) C'est sans doute qu'elle revêt à leurs yeux une certaine utilité pour la République !
Le fait que les propos du président de la commission des lois de l'Assemblée nationale aient été écrits ajoute, selon moi, à la gravité de ce dérapage verbal. On aurait pu imaginer que, dans le feu d'une discussion, il s'était quelque peu emporté et que ses propos avaient dépassé sa pensée. En l'occurrence, tel n'a pas été le cas, puisque ses propos ont été rédigés et prononcés délibérément. Je considère par conséquent que le Sénat est offensé ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Ce n'est pas la première fois que le président de la commission des lois de l'Assemblée nationale se livre à ce genre d'exercice. Je rappelle simplement pour mémoire, à l'attention de mes collègues sénateurs qu'il avait aussi tenu à l'égard de notre assemblée des propos qui n'étaients pas très amènes lorsque nous avions discuté de la réforme du cumul des mandats. Il se trouve d'ailleurs que, dans ce domaine, le Sénat n'avait pas si mal vu non plus puisque, à ma connaissance, le Conseil d'Etat vient de relever un certain nombre de faiblesses dans le dispositif qui a été voté par la majorité et qui a fait l'objet d'une circulaire d'ailleurs condamnée par cette juridiction. Mais je referme cette parenthèse.
Quoi qu'il en soit, monsieur le ministre, je ne souhaite pas prolonger les débats, mais il faut que les choses soient claires entre nous : soit le Gouvernement considère que les propos de M. Roman sont des propos personnels et qu'ils doivent, à ce titre, être condamnés ; soit le Gouvernement, au fond, n'a pas de commentaire particulier à faire, ce qui serait une marque de défiance tout à fait inacceptable à notre égard.
Je me permets par conséquent de vous demander, monsieur le ministre, quelle est l'interprétation que vous donnez de cette déclaration du président de la commission des lois de l'Assemblée nationale. En fonction de la réponse que vous aurez l'obligeance, compte tenu de votre courtoisie habituelle, de bien vouloir nous faire, je demanderai ou non une suspension de séance pour marquer d'une manière quelque peu solennelle le fait que nous n'avons aucune leçon de légitimité démocratique à recevoir d'un ancien candidat à la mairie de Lille ! (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. Monsieur le président, c'est bien volontiers que je vais répondre à l'invitation de M. de Raincourt.
Le Parlement, en l'occurrence chaque assemblée, est libre de ses propos comme de ses écrits, puisque c'est en effet à un rapport écrit que vous avez fait allusion, monsieur le sénateur. Chaque assemblée est libre de porter des jugements sur le Gouvernement et sur le fonctionnement des institutions. Cela fait partie de l'indépendance de jugement des parlementaires.
Par conséquent, le Gouvernement n'a pas, ici, à porter d'appréciation sur le document en cause. Il est présent et participe à la discussion. Il a notamment participé à la longue discussion qui a été organisée au sein du Sénat au cours des mois de janvier et de février. Il le fait dans le respect absolu des institutions. Voilà ce que je tenais à dire à M. de Raincourt. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen. - Exclamations sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. Jean-Pierre Raffarin. On peut recommencer !
M. Henri de Richemont. Nous sommes prêts !
M. Henri de Raincourt. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. de Raincourt.
M. Henri de Raincourt. Monsieur le ministre, je suis franchement très déçu de la réponse que vous venez de nous apporter. Elle justifie totalement la demande de suspension de séance que j'ai évoquée.
Monsieur le président, je demande une suspension de séance de dix minutes pour manifester notre hostilité à ces dérives verbales. (Bravo ! et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Nous allons donc interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures, est reprise à dix-sept heures dix.)

M. le président. La séance est reprise.

Discussion générale (suite)



M. le président.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Cabanel.
M. Guy Cabanel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je n'éprouve guère d'enthousiasme pour monter à la tribune après l'intervention de M. le ministre et l'exposé très clair de M. le rapporteur compte tenu de l'atmosphère dans laquelle se déroule ce débat.
A la fin de la discussion générale va nous être soumise une motion opposant la question préalable, et je tiens à dire d'emblée, sans faire attendre mes collègues, qu'avec la majorité du groupe du RDSE je voterai cette motion.
En effet, le débat auquel nous sommes conviés me paraît tout à fait surréaliste. Je ne vois guère les conséquences heureuses que pourrait avoir la réforme qui nous est proposée. D'un intérêt limité, elle se verra contredite par le hasard, comme le hasard a déjà plusieurs fois troublé le rythme électoral.
Au demeurant, je n'accepte pas - je l'ai déjà dit lors de la première lecture - que soit donnée une inflexion présidentielle à la Ve République au gré d'un aménagement très circonstanciel du calendrier électoral. Je ne l'accepte pas parce que je crois que l'originalité de la Ve République réside en sa dualité d'interprétation - d'autres l'ont dit avant moi - et cette dualité justifie l'existence d'une lecture parlementaire et d'une lecture présidentielle.
Comme beaucoup, j'ai vainement cherché dans les textes, dans les commentaires qui ont pu être faits de nos institutions dans les analyses mêmes qu'avait provoquées François Mitterrand en vue de la réforme de ces institutions, une indication selon laquelle priorité devait être donnée à l'élection présidentiellle. Sur ce point, mon désaccord est fondamental avec le texte proposé.
Pour ma part, je pense que, le peuple français ayant voté le quinquennat, même si ce fut à une majorité extrêmement limitée, avec une participation elle-même très limitée, nous devons nous décider à devenir une démocratie véritable. Et pour cela, il nous faut tourner le dos au Second Empire et aux candidats officiels, tourner le dos à la IIIe République et à certaines de ses astuces électorales, accepter que le peuple français vote simultanément pour le Président de la République et pour ses députés. Cela exige une réforme constitutionnelle importante, réforme qui est déjà souhaitée par un certain nombre. Le Gouvernement et l'opposition s'honoreraient de tirer les conséquences de la réduction du mandat présidentiel à cinq ans en s'engageant dans cette voie.
Pour l'heure, il ne me semble pas opportun de voter un texte qui sera démenti par le premier accident venu, qui sera démenti par la première dissolution, un texte qui ne me semble pas à la dimension du problème.
Il est temps de considérer les Français comme majeurs, c'est-à-dire soit de les interroger par référendum sur des modifications à discuter, soit tout simplement d'engager l'évolution des institutions de la Ve République vers leur accomplissement terminal en décidant la simultanéité de l'élection présidentielle et des élections législatives, puisque la durée des mandats est désormais la même, ce qui n'exclut pas, bien sûr, nombre d'aléas à surmonter et exigera l'inscription dans la Constitution de dispositions d'accompagnement.
Ne voyant donc aucun intérêt à allonger un débat dont nous connaissons tous les tenants et les aboutissants, je me prononcerai purement et simplement pour la notion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, de l'Union centriste, ainsi que sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. de Rohan. (Applaudissements sur les travées du RPR).
M. Josselin de Rohan. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d'abord à rendre hommage à M. le rapporteur de la commission des lois, notre collègue Christian Bonnet, pour sa jeunesse d'esprit, la pertinence et le caractère percutant de ses analyses, la justesse de ses propos et l'excellence de ses rapports. Nous aurions certes préféré le voir rapporter un autre texte que celui que nous discutons, un texte qui fût plus digne de ses grandes qualités. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste et sur certaines travées du RDSE.) Son talent nous a toutefois permis de mieux discerner les faiblesses et les artifices de celui-ci ; il aura dominé nos débats. Qu'il en soit remercié !
Les dernières consultations électorales comme les récents mouvements sociaux jettent une lumière plus crue sur la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui. Ils font bien ressortir la manoeuvre dont elle est le support.
Un échec de la gauche plurielle aux élections législatives n'était pas seulement plausible : il était probable. Que resterait-il des chances du candidat Jospin aux élections présidentielles si les urnes étaient défavorables au chef de la majorité sortante ? C'est pourquoi il devient urgent de changer le calendrier électoral. Elémentaire, dirait Sherlock Holmes !
A côté de cette considération, toutes les démonstrations, justifications ou explications ne sont que littérature.
Le Gouvernement s'étant assuré, au-delà de sa majorité, des soutiens nécessaires pour mener à bien son projet, la messe est dite.
Cette peu glorieuse entreprise nous aura tout de même ménagé quelques épisodes curieux et apporté certains enseignements.
Nous aurons entendu successivement le Premier ministre se refuser à modifier le calendrier électoral, toute initiative de sa part ne pouvant être interprétée que « de façon étroitement politique, voire politicienne », puis opérer une complète volte-face. Il avait entre-temps obtenu des soutiens extérieurs et même, comme aurait déjà pu dire à ce propos M. Vincent Peillon, « une contribution intéressante ». Nous aurons vu Lionel Jospin nous administrer des leçons de gaullisme et invoquer, pour nous confondre, l'esprit de ces mêmes institutions qui, selon ses propres termes, n'ont jamais constitué pour lui une référence.
Que dirait-on si le président d'une ligue de libre pensée en remontrait au pape sur le dogme de la Sainte Trinité, sinon que nous marchons la tête à l'envers ? Mais c'est justement la tête à l'endroit que d'anciens Premiers ministres entendent nous faire voter grâce à l'inversion du calendrier. Pouvons-nous demander « à ces grandes puissances que nous regardons de si bas » comment faire obstacle au décès, à la démission d'un chef de l'Etat ou aux conséquences d'une dissolution qui, de toute évidence, viendraient bouleverser le calendrier qu'on entend rétablir ? La proposition de loi organique n'apporte aucune réponse sur ce point et ne nous dit pas comment conjurer le hasard ou la malchance.
Des défenseurs patentés des prérogatives du Parlement nous ont sentencieusement expliqué que l'élection du Président de la République dominait toutes les autres consultations et qu'elle était la clef de voûte de notre édifice constitutionnel. En élisant en premier le chef de l'Etat, on serait presque assuré d'avance de la coïncidence entre la majorité législative et la majorité présidentielle : curieuse conception, qui consacre la subordination du législatif à l'exécutif, laquelle n'est absolument pas la caractéristique d'un régime parlementaire.
Mais, qu'en serait-il dans le cas où un mode de scrutin proportionnel empêcherait l'apparition d'une véritable majorité à l'Assemblée nationale ? Qu'en serait-il dans l'hypothèse d'une dissolution manquée ? Ce n'est plus le calendrier qui serait « dingo » mais la situation politique qui deviendrait « dingote » si, dès les premiers moments de la législature, le Président de la République entrait en conflit avec l'Assemblée. Que serait cette cohabitation qui durerait tout un quinquennat ?
M. Claude Estier. C'est déjà arrivé !
M. Josselin de Rohan. Aussi, quelques commentateurs chez qui l'exercice des responsabilités n'a pas étouffé toute franchise sont sortis du bois pour nous faire part de leurs arrière-pensées : M. Jack Lang, que l'éducation nationale n'occupe pas à plein temps, ou M. Bernard Roman, le très discourtois président de la commission des lois de l'Assemblée nationale.
M. Paul Blanc. Tout à fait !
M. Josselin de Rohan. Ces deux Saint-Jean Chrysostome de la gauche plurielle n'ont pas caché que le véritable but était le changement de la Constitution et même le changement de constitution.
M. René-Georges Laurin. Exactement !
M. Josselin de Rohan. Le Sénat figure en bonne place dans leurs projets et serait sans doute amené à redevenir une sorte de Conseil de la République, où de vieux hiérarques politiques achèveraient leur carrière dans l'aisance matérielle et financière. Mais il s'agit aussi de bien d'autres choses et, plus probablement, de nous préparer une VIe République qui ressemblerait comme une soeur à la IVe grâce à la partitocratie, la polysynodie et l'abaissement de l'exécutif.
Au fond, ce n'est pas ce que disent les ministres ou les auteurs de la proposition de loi qui nous importe, c'est ce qu'ils nous dissimulent et que laissent entendre leurs amis trop bavards. Qu'entendent-ils faire de nos institutions, quelles orientations veulent-ils leur donner, quelle est leur conception du pouvoir ? Quelle vision de la République partagent-ils avec leurs alliés Verts et communistes, qui appellent de leurs voeux un gouvernement d'assemblée, et leurs alliés « citoyens », qui demandent une République présidentielle ?
Nous avons bien compris, quant à nous, que le débat sur les institutions serait au centre de la prochaine élection présidentielle. L'auteur du Coup d'Etat permanent a respecté une constitution qu'il avait combattue mais, pour certains de ses disciples, cette constitution fait sans doute partie de l'inventaire...
On concevra que, devant le défi qui nous est lancé, nous ne nous attardions pas sur une proposition de loi qui n'apportera guère de gloire à ses auteurs. La peu reluisante manoeuvre sur laquelle on nous demande de nous prononcer n'est rien à l'égard de ce qu'on nous prépare et contre quoi nous devons nous mobiliser. Il appartiendra bientôt au peuple français, dans quelques mois à peine, de choisir entre les partisans d'une Constitution qui a su faire la preuve de son efficacité, de sa souplesse, de sa solidité et ceux qui lui ouvrent la voie de l'instabilité, de la fragilité et de l'aventure. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées de l'Union centriste et du RDSE.)
Vous voulez que l'élection du Président de la République précède celle de l'Assemblée nationale. Soit. Nous vous combattrons sur le terrain que vous avez choisi. Nous ne manquons ni d'arguments, ni de faits, ni de candidats à vous opposer. Notre détermination est sans faille. Nous avons confiance dans le bon sens et le jugement des Français. Ils savent bien que les petits moyens n'annoncent pas les grandes causes, les combinaissons de hasard les grandes politiques.
Pour cette raison, je serais presque tenté de donner raison à M. le ministre de l'intérieur quand il dit ne pas savoir, en définitive, à qui profitera cette combine. Si, comme nous l'entrevoyons désormais, nos concitoyens jugent qu'il ne faut pas confier la magistrature suprême pour cinq années à celui qui n'a pas pu ou pas su répondre à leurs attentes ces cinq dernières années, les expédients et les lois de circonstance n'auront servi à rien, sinon à retourner la manoeuvre contre son auteur.
Voilà pourquoi le groupe du RPR repoussera la proposition de loi sans hésitation et de toute la force de sa conviction en votant la notion tendant à opposer la question préalable. (Vifs applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et sur certaines travées de l'Union centriste et du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Arthuis.
M. Jean Arthuis. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le temps est à nouveau venu pour nous de débattre de la modification éventuelle du calendrier électoral.
A mon tour, je voudrais saluer la force de conviction et le talent de Christian Bonnet, alors même que je ne partage pas les conclusions qu'il a formulées au nom de la commission des lois.
Cette nouvelle lecture d'un texte, d'apparence simple mais de grande conséquence sur l'équilibre institutionnel de notre pays, nous fait mesurer l'ampleur du chemin à accomplir en France pour rénover notre vie politique.
Depuis plus d'un an maintenant, l'encre a coulé, les mots ont fusé et l'étonnement premier s'est mué chez nos concitoyens en une attente résignée d'un hypothétique arrêt de batailles politiques d'arrière-garde.
Des événements sont intervenus - je pense évidemment aux dernières élections municipales et cantonales, qui ont eu les résultats que l'on sait - et l'opposition nationale peut à juste titre, désormais, travailler solidairement, dans le respect des convictions de chacun, à organiser sa marche en avant.
Je sais donc que la discussion que nous reprenons au Sénat aujourd'hui s'inscrira dans la tradition parlementaire, celle qui exclut les anathèmes, les diatribes et les pensées politiciennes réductrices ; celle qui construit l'avenir sans en restreindre les chemins.
Je l'avais souligné en janvier dernier, en première lecture : débattre de cette proposition de loi représente pour nous un moment essentiel de la vie politique française. Elle s'inscrit en effet, doit-on le rappeler, dans le prolongement de la discussion menée en juin 2000 sur l'adoption du mandat de cinq ans pour le Président de la République. Le quinquennat est maintenant gravé dans notre Constitution, et le simple souci de la cohérence républicaine devrait nous conduire à y ajouter la prééminence, dans les dates, de l'élection du chef de l'Etat.
A cet égard, je ne peux que déplorer de nouveau l'absence de véritable grand débat, mené en toute clarté et ouvert à l'ensemble des citoyens, sur l'équilibre institutionnel de notre pays. L'occasion de présenter sereinement les enjeux du XXIe siècle politique pour la France, sans laisser place au dérisoire de vaines querelles politiciennes, sans encourager la tentation de retouches successives qui masquent trop souvent l'absence de vraies réformes, n'a décidément pas encore été saisie.
Peut-être est-ce manifester trop d'audace que de formuler un tel souhait ? Je ne le crois pas. Dessiner un horizon politique et institutionnel est une grande ambition que nous ne devons jamais abandonner. Il en va probablement de la place de notre pays dans le monde ouvert et rapide du troisième millénaire.
Aussi évoquerai-je brièvement, car je me suis déjà pleinement exprimé sur ce sujet en janvier dernier, dans cette enceinte, la position du groupe de l'union centriste. Elle n'a pas varié : elle s'appuie en effet sur une cohérence, des convictions et des principes. La survenue d'épisodes électoraux, aussi heureux soient-ils pour les familles de l'opposition, est indéniablement un élément de grande importance. Elle n'invite pas, cependant, à délaisser une réflexion institutionnelle s'appuyant sur la recherche d'un équilibre durable des pouvoirs.
Tout d'abord, nous avons de la cohérence.
Dès juin 2000, à cette tribune, j'avais expliqué le soutien du groupe de l'Union centriste à l'adoption du quinquennat. Cette modification de la Constitution nous apparaissait comme l'un des facteurs d'un réel progrès républicain et comme un moyen de réduire les risques de cohabitation.
Mais l'évolution qu'elle laissait présager se heurtait, dès l'année 2000, à l'incongruité du calendrier électoral. Dois-je souligner encore que ce dernier est né de hasards politiques - le décès du président Pompidou, la dissolution de 1997... - et n'est nullement le fruit d'une vision réfléchie de notre régime politique ? Mes chers collègues, la nature du régime doit-elle à ce point dépendre des circonstances ?
Dès juin 2000 donc, j'avais mentionné que nous soutiendrions une initiative visant à réaménager ce calendrier électoral « à l'envers » - comme certains l'ont parfois qualifié - afin que soit réaffirmée la primauté de la fonction présidentielle. C'est donc bien en toute cohérence que nous prenons position, aujourd'hui encore, en faveur d'un calendrier remis « à l'endroit ».
En plus de la cohérence, nous avons des convictions.
Depuis ce débat sur le quinquennat, vous le savez, plusieurs propositions de loi émanant de députés de l'UDF et déposées à l'Assemblée nationale ont brusquement bénéficié, de manière fort étonnante, du ralliement du Premier ministre et d'une partie de sa majorité. (Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.) Nous ne nous sommes pas laissé abuser par ce revirement ; il ne devait pas non plus nous amener à remettre en cause une réforme de cette envergure.
Il en va de même, pour des raisons opposées, du résulat des récentes élections des 11 et 18 mars 2001. Aller de l'avant, avec constance et cohérence, ne consiste certainement pas à obliquer dans ses convictions en fonction du sens du vent ou du temps qui passe...
Le débat doit évoluer entre le respect, la revitalisation même de nos institutions, et l'immobilisme, l'absence de perspectives pour les Français demain. Il porte sur la date d'une élection, pas sur sa forme. Il est ici question de l'esprit des institutions, et non d'hypothétiques manoeuvres. Ainsi, je voudrais, une dernière fois, dissiper les doutes : il ne peut y avoir matière à bataille au sein de notre propre camp, dans l'opposition nationale. Ne nous trompons pas de combat !
J'ai parlé de cohérence, de convictions : nous sommes aussi attachés à des principes.
Refuser d'examiner le calendrier de l'élection présidentielle, n'est-ce pas nier un peu la construction même, la solidité d'un régime toujours approuvé par les Français ? L'élément moteur, l'axe central en est bien le Président de la République. Je crois que, sur ce point, l'accord se forme spontanément.
Le Président définit les grandes orientations politiques qui vont déterminer le destin du pays pour les cinq années à venir. C'est sur ses propositions que les électeurs se prononcent, en confiant les rênes de la France à l'homme qui les a formulées. C'est un moment phare, très intense, de la vie politique ; c'est l'instant où la participation des citoyens y est la plus forte, la plus flagrante.
Il apparaît légitime, dans ces conditions, que le Président de la République, qui réunit sur sa fonction une telle manifestation de confiance, soit élu le premier, avant les députés.
C'est ainsi, nous le savons tous, que peut se nouer le pacte majoritaire, socle sur lequel repose notre démocratie parlementaire et condition du fonctionnement le plus harmonieux possible de nos institutions.
C'est ce pacte majoritaire qui garantit la stabilité politique du régime et qui donne la latitude d'action nécessaire au Gouvernement chargé de mettre en oeuvre les orientations préalablement fixées.
C'est enfin ainsi que l'on peut espérer voir s'estomper le redoutable dévoiement institutionnel que constitue la cohabitation.
Non, décidément non, il est difficile, voire dangereux, de prétendre retirer aux Français, même indirectement, ce pouvoir de décision éminemment républicain qui leur est attribué dans notre système actuel.
Comment les inciter à s'investir dans la vie publique, à réagir, à participer, si, parallèlement, on les dépouille d'une prérogative essentielle ?
Comment également imaginer élire des parlementaires qui ne pourront se rattacher à aucune grande orientation politique définie par le chef de l'Etat et rencontreront de grandes difficultés à se positionner vis-à-vis de leurs électeurs ?
Ce serait entraîner une fragilisation de nos institutions et un affaiblissement inutile de la fonction présidentielle, portant un coup rude au besoin indéniable de permanence et de responsabilité, si nécessaire à la valeur et à l'efficacité de l'action politique.
Revenir à l'esprit des institutions de la Ve République, en réaménageant rapidement le calendrier électoral et en redonnant au Président de la République la plénitude de sa fonction, n'implique pas pour autant d'évoluer vers un régime quasi autocratique, marqué par la forte concentration des pouvoirs entre les mains d'un seul homme. N'ayons aucune crainte à cet égard, nous en sommes loin ! Je le redis ici, moi qui suis - vous voudrez bien m'en donner acte - particulièrement attentif à l'équilibre des pouvoirs et à la bonne santé du Parlement.
Je tiens à le souligner, la réaffirmation du rôle du Président de la République n'a évidemment pas pour corollaire l'affaiblissement du Parlement, bien au contraire. Le renforcement de cette dynamique de contre-pouvoir et de contrôle que peut imprimer un Parlement actif y répond naturellement. Ce dernier est alors un contrepoids solide aux éventuels abus de la puissance publique.
J'ajouterai que dans ce rééquilibrage harmonieux de notre système politique, se glissent également le développement de la démocratie de proximité et la recherche d'une intégration la plus naturelle possible dans l'Europe politique de demain.
A nous, parlementaires, de travailler à enrayer le processus d'érosion de nos institutions. Et nous y parviendrons d'autant mieux que nous aurons su redonner au Parlement toutes ses forces qui nous ont paru parfois bien chancelantes. La reviviscence du Parlement dépend indéniablement de nos seuls efforts. C'est une question de volonté politique parlementaire.
En conclusion, je rappellerai simplement qu'il n'est pas trop tard pour consolider les institutions de la Ve République qui régissent notre vie publique. Un pas significatif peut être franchi dans cette voie, en procédant au réaménagement du calendrier életoral de 2002. C'est en tout cas le souhait manifesté, dans sa majorité, par le groupe de l'Union centriste. C'est pourquoi il ne pourra, à regret, suivre les propositions de la commission des lois. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. de Raincourt.
M. Henri de Raincourt. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, aujourd'hui, à l'occasion de la discussion en nouvelle lecture de cette proposition de loi organique, je réitère l'opposition de mon groupe à l'inversion du calendrier électoral.
L'excellent travail qui a été réalisé depuis déjà de nombreux mois par notre ami, Christian Bonnet, au nom de la commission des lois, nous y incite. L'argumentaire qu'il a développé voilà quelques instants avec talent est implacable et convaincant. Merci et bravo, cher Christian Bonnet !
Cette proposition de loi est un véritable poison pour notre démocratie. Pourtant, le 19 décembre dernier, le président du groupe socialiste à l'Assemblée nationale avait cru déceler dans ce poison-là un remède contre l'abstention !
Je l'invite aujourd'hui à méditer ce propos de Léon Blum : « Les poisons sont quelquefois des remèdes, mais certains poisons ne sont pourtant que des poisons ». (Sourires.) Et la proposition de loi organique appartient selon moi à la seconde catégorie.
Notre conviction - contrairement à celle du Premier ministre - n'a pas varié depuis le début. Et les problèmes que pose cette inversion demeurent, dans la mesure où le texte que le Sénat avait voté en première lecture a été rejeté par l'Assemblée nationale dans les conditions et avec l'élégance que l'on connaît...
C'est pourquoi je souhaiterais revenir sur les principales interrogations que cette proposition de loi organique ne manque pas de susciter.
L'initiative de ce texte est-elle convenable ? Evidemment non ! On habille du vêtement respectable de la Constitution ce qui n'est qu'une mesure d'opportunité politique.
M. Josselin de Rohan. C'est vrai !
M. Henri de Raincourt. Certains affirment que le Président de la République, au nom de son statut institutionnel, doit être élu le premier.
Rien dans la Constitution ne prévoit une telle disposition. De plus, comme l'a rappelé tout à l'heure Christian Bonnet, Michel Debré lui-même a précisé qu'il y avait en fait deux lectures possibles - l'une plus présidentielle, l'autre plus parlementaire - de notre Constitution, ce qui conférait une certaine souplesse à cette dernière.
Et il me semble que Michel Debré n'était sans doute pas le moins qualifié pour expliciter le texte constitutionnel !
Il est spécieux de se livrer à une séance de spiritisme institutionnel et d'invoquer l'esprit de notre Constitution en espérant que celui-ci parlera en faveur de l'inversion du calendrier électoral.
Une telle inversion résisterait-elle au moins à l'épreuve du temps ? Là encore, il n'est pas possible de répondre par l'affirmative. L'inversion du calendrier électoral, si elle est adoptée, entraînera dès 2007, cela a été démontré, un télescopage entre les élections locales couplées avec les élections législatives.
Je m'arrête un instant sur le sentiment que peuvent éprouver les Françaises et les Français à l'égard de cette inversion du calendrier.
Cette proposition de loi organique est-elle en effet de nature à rétablir, dans l'esprit public, le crédit de la classe politique ?
M. Josselin de Rohan. Sûrement pas !
M. Henri de Raincourt. Je ne le pense pas, car l'opinion publique rejette tout ce qui a l'aspect d'une manoeuvre politicienne.
M. Serge Vinçon. C'est vrai !
M. Jean-Pierre Schosteck. C'en était une au départ !
M. Henri de Raincourt. Elle le sent intuitivement.
Rappelons-nous les propos tenus sur l'inversion du calendrier par le Premier ministre au mois d'octobre 2000 et cités tout à l'heure par M. de Rohan : « Toute initiative de ma part serait interprétée de façon étroitement politique, voire politicienne. Moi, j'en resterai là, et il faudrait vraiment qu'un consensus s'exprime pour que des initiatives puissent être prises. »
Quelques semaines plus tard, les initiatives ont bien été prises, mais personne n'a vu venir le consensus !
Il n'y a donc pas lieu d'inverser un calendrier qui ne constitue nullement - lui ! - une anomalie, car aucun ordre chronologique n'a jamais été fixé, ni par la Constitution ni par la pratique des institutions.
La Constitution, d'ailleurs, en prévoyant à l'origine une durée différente pour le mandat de Président de la République et celui de député, disposait implicitement que les élections présidentielles pouvaient avoir lieu avant ou après les élections législatives. Je ne rappelle pas tous les événements qui ont eu lieu, tous les cas de figure qui se sont présentés.
Il ne faut donc pas chercher plus longemps de justification à cette proposition de loi organique. C'est une initiative des députés, initiative « téléphonée » à l'invitation du Premier ministre, qui pense avoir besoin de cette inversion de calendrier en vue des élections présidentielles.
Nous savons très bien, parce que nous sommes réalistes, qu'en lecture définitive, l'Assemblée nationale se prononcera sur un texte qui n'aura pas été adopté en termes identiques par le Sénat. Cette manière de procéder est regrettable.
De notre point de vue, elle n'a pas de fondement politique, au sens fort du terme. Tout au plus, on peut lui trouver un fondement politicien, ce qui est loin de constituer un motif valable pour l'approuver.
D'ailleurs, elle n'a même pas de fondement logique, car il n'y a pas lieu de modifier un ordre chronologique qui n'a jamais été institué (M. Paul Blanc sourit.)
Le but de cette proposition de loi est donc bien de servir les intérêts électoraux du Premier ministre.
En janvier dernier, le Sénat a développé les arguments démontrant que la proposition de loi visant à prolonger le mandat des députés en 2002 était une manoeuvre de bien basse politique, et nous avons eu bien raison de le faire sous la forme que nous avons choisie à l'époque.
M. Paul Blanc. Très bien !
M. Henri de Raincourt. Compte tenu de la position réaffirmée par l'Assemblée nationale, et sous réserve bien sûr de la décision du Conseil constitutionnel, on peut penser qu'elle sera définitivement adoptée. Le Gouvernement a le nombre et une majorité de circonstance pour un texte lui-même de circonstance.
On pourrait d'ailleurs reprendre, pour définir cette situation, une formulation qui avait été utilisée par un ancien Président de la République et l'appliquer à l'instant présent : il parlait de « la force injuste de la loi ». Eh bien, nous aurons, à la sortie, la « force injuste » de l'inversion du calendrier électoral par « tripatouillage » politicien ! (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR. - M. le président de la commission des lois applaudit également.)
Grâce au Sénat, cette discussion s'inscrit dans un tout autre contexte : les élections municipales et cantonales sont passées par là et la France donne manifestement des signes de fatigue économique et de crispation sociale. Si nous avions adopté cette proposition de loi au mois de janvier, si, aujourd'hui, tout était fini, l'environnement serait bien différent et on ne parlerait plus de ce texte. Or, à la lumière des événements qui se déroulent, on voit que l'inversion du calendrier est un paramètre, parmi d'autres, qui jalonne un chemin bien tracé, du moins son auteur le croyait-il.
Débattre d'un sujet qui concerne les ambitions présidentielles - légitimes ! - de tel ou tel alors que la SNCF est en crise,...
M. Alain Gournac. Eh oui !
M. Henri de Raincourt. ... que les agriculteurs sont dans une situation tragique, que les sages-femmes sont dans la rue, que les fonctionnaires grognent, que la Bourse patine, que la croissance ralentit, que la sécurité n'est pas suffisamment assurée, que la justice est malade, que l'éducation nationale parle d'avenir avec des mots fades par la voix d'une étoile déclinante (Sourires sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR), débattre de la prolongation du mandat des députés paraît dérisoire, hors du temps ; c'est même de la provocation au regard des difficultés que rencontrent un certain nombre de nos compatriotes, qui, semble-t-il, ont le plus grand mal à se faire entendre des pouvoirs publics. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
La tragédie arithmétique de l'avenir des retraites, du financement des 35 heures et du devenir des emplois-jeunes est devant nous. Le Gouvernement, qui est le plus mauvais employeur qui soit,...
M. Louis Althapé. C'est vrai !
M. Henri de Raincourt. ... est-il le mieux à même de donner des leçons de morale à des entreprises privées confrontées à la dure réalité de la compétition internationale ?
M. Alain Gournac. Bravo !
M. Louis Althapé. Très bien !
M. Henri de Raincourt. Le Gouvernement - nous le voyons bien de séminaire en séminaire - manifestement à bout d'idées, écartelé par les contradictions internes de sa majorité, n'a pu, de ce fait, apporter aucun début de solution à ces questions qui sont bien plus essentielles que l'inversion du calendrier électoral de 2002. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Le Premier ministre en vient à douter, non pas de lui-même - cela semble hors de sa portée (Sourires sur les travées du RPR) - mais de sa candidature à l'élection présidentielle. (M. François Marc s'exclame.) J'ai été mal élevé ? Non ! (Nouveaux sourires sur les mêmes travées.) Je ne m'appelle pas M. Roman ! Devant des journalistes de la presse régionale, M. le Premier ministre n'affirmait-il pas récemment qu'il n'avait pas décidé d'être candidat, et qu'il pouvait d'ailleurs très bien ne pas l'être ?
M. François Marc. Et alors ?
M. Henri de Raincourt. Ses interrogations sur ce sujet, comme sa fausse modestie, relèvent d'une stratégie pensée, qui se déroule jour après jour avec des hauts ou avec des bas. Il semblerait qu'on soit plutôt en ce moment dans la période basse.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Pas du tout !
M. Henri de Raincourt. En réalité, son chemin était bien tracé : l'inversion du calendrier électoral et les élections municipales devaient le baliser. Or le Sénat, en fin éclaireur, a déjoué la manoeuvre en janvier dernier.
De plus, l'onde de choc des élections municipales tarde à se dissiper.
Ces échéances devaient apporter l'oxygène nouveau permettant à la gauche de se mettre en ordre de bataille pour 2002. Patatras ! cette belle construction se révèle être en réalité un château de cartes.
Dans ce genre d'exercice, il ne faut donc pas être perfectionniste, il faut simplement accomplir son devoir. En la matière, la loi est toujours l'expression de la volonté générale. Pour nous, cette volonté générale ne saurait s'incliner devant la volonté particulière, et on ne saurait jouer avec les institutions de notre République. C'est pourquoi notre groupe suivra les conclusions de la commission des lois et votera tout naturellement la motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne surprendrai personne en estimant d'entrée que beaucoup, sinon tout, a été dit sur le sujet. Une chose est certaine : nous connaissons parfaitement le point de vue de la majorité sénatoriale, qui s'est exprimée seule durant de longues semaines, examinant sous toutes les coutures le thème de l'inversion du calendrier électoral.
D'emblée, je tiens à réaffirmer l'opposition des sénateurs communistes à cette proposition de loi de circonstance au caractère politicien marqué. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR et sur plusieurs travées des Républicains et Indépendants.) Mais cette opposition sans ambiguïté ne signifie pas approbation des contre-manoeuvres de la droite. (Sourires sur les mêmes travées.)
M. Jean-Patrick Courtois. Cela avait pourtant bien commencé !
M. Robert Bret. Nous avons regretté avec force non pas le droit normal d'intervention de tout parlementaire, mais le temps perdu au mois de janvier. En effet, il reste tant à faire pour améliorer les conditions de vie de nos concitoyens. (Eh oui ! sur plusieurs travées du RPR.)
Monsieur de Raincourt, n'aurait-il pas mieux valu, par exemple, prendre des mesures législatives pour empêcher les licenciements qui déferlent en ce moment ?
M. Serge Vinçon. Eh oui !
M. Robert Bret. N'aurait-il pas mieux valu débattre de la santé pour prendre en compte les justes revendications des sages-femmes et du personnel hospitalier ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.) N'aurait-il pas mieux valu que le Parlement national s'organise et prenne des décisions pour protéger et promouvoir le service public face à la déferlante libérale en Europe ?
M. Jean Delaneau. C'est le Gouvernement qui doit faire cela !
M. Robert Bret. N'aurait-il pas mieux valu, enfin, échanger sur les meilleurs moyens de répondre à la détresse d'un monde paysan frappé par des catastrophes successives ? (Applaudissements sur les mêmes travées.)
Malheureusement, le Gouvernement et la majorité sénatoriale ont préféré croiser le fer durant plus d'un mois à l'Assemblée nationale, puis au Sénat, sur un sujet éloigné au plus haut point des préoccupations de nos concitoyens.
Comment s'étonner, ensuite, de l'abstention massive qui a marqué les derniers scrutins locaux, notamment dans des quartiers populaires ?
M. Jean Delaneau. Vous avez payé cher !
M. Robert Bret. Lors de mon intervention au cours de la première lecture, le 17 janvier dernier, le déphasage entre le citoyen et la politique constituait le leitmotiv de mon propos. Les résultats des 11 et 18 mars derniers ne font que conforter ma conviction et la conviction de mes amis.
Comment s'étonner de l'approfondissement de la crise de la politique, qui relève, selon moi, de la crise entre le représentant et le représenté, et qui relève d'un éloignement constant des centres de décision ? Bien entendu, la proposition de loi sur l'inversion du calendrier électoral n'est pas responsable de tous ces maux, mais elle est symptomatique d'une déconnexion entre les préoccupations d'une certaine élite politique et les préoccupations du peuple.
Plusieurs sénateurs du RPR. Très bien !
M. Jean Delaneau. Qu'avez-vous fait depuis quatre ans ?
M. Robert Bret. La droite sénatoriale a changé de tactique à l'occasion de cette nouvelle lecture. Renonçant à l'opération escargot, elle a opté pour l'urgence en déposant une motion tendant à opposer la question préalable, par l'intermédiaire de la commission des lois. Cette utilisation diamétralement opposée du règlement du Sénat...
M. Jean Delaneau. Comment ?
M. Robert Bret. ... marque bien l'aspect procédurier de la méthode.
M. Jean Delaneau. Ce n'est pas contraire au règlement !
M. Robert Bret. Les sénateurs communistes ne participeront pas au vote sur cette motion, car ils entendent renvoyer dos à dos les parties de cette joute parlementaire qui, finalement, n'aura intéressé que les participants. Le vrai débat sur les institutions est ailleurs, comme je vais à nouveau, mais plus brièvement que lors de la première lecture, m'attacher à le démontrer.
M. Hilaire Flandre. Cela commençait pourtant bien !
M. Robert Bret. Les réformes à objectif politicien que sont l'adoption du quinquennat et l'inversion du calendrier électoral ne répondent en rien aux exigences populaires. (Applaudissements sur plusieurs travées du RPR.) Bien au contraire, elles auront pour conséquence principale de rétrécir l'exercice du pouvoir, de l'éloigner. (Très bien ! sur les mêmes travées.)
Après ces quelques propos que, selon moi, l'actualité exigeait, je rappellerai les quelques traits essentiels de notre opposition à l'inversion du calendrier électoral et le sens qui devrait être celui d'une réforme institutionnelle à la hauteur des enjeux politiques, économiques et sociaux de l'heure.
A la suite de la réforme sur le quinquennat, la présente proposition de loi tend à accentuer gravement le caractère présidentialiste de la Constitution.
Les partisans de cette réforme entendent placer l'ensemble de la vie politique sous la coupe de l'élection présidentielle. Je ne partage pas le point de vue de M. Raymond Barre...
Plusieurs sénateurs du RPR. Nous non plus !
M. Robert Bret. ... qui évoque « un choix éclairé des Français » par l'élection présidentielle à l'occasion des élections législatives. Je ne partage pas non plus le point de vue du rapporteur de l'Assemblée nationale...
Plusieurs sénateurs du RPR. Nous non plus !
M. Robert Bret. ... selon lequel « ceux qui font mine de croire que l'élection présidentielle n'est pas ce grand rendez-vous démocratique qui rythme notrre vie politique depuis trente ans » se trompent. Je pourrais partager le constat de notre collègue, M. Bernard Roman, si ce dernier ne s'en prévalait pour accentuer la présidentialisation de nos institutions.
Pourquoi redouter un régime plus présidentiel, me rétorquera-t-on ? Mes amis et moi-même considérons que cette voie tourne le dos à la démocratisation de nos institutions. C'est bien la personnalisation à outrance des choix politiques qui peu à peu vide la démocratie de sa substance. Le système politique américain en est l'exemple frappant. L'éventuelle élection d'un candidat dépend de sa capacité à mobiliser les fonds pour financer son image, et, ensuite, à vendre celle-ci par le biais de shows médiatiques d'une pauvreté inquiétante sur le plan intellectuel.
Oui, le système présidentiel pousse à la bipolarisation de la vie politique, une bipolarisation qui réduit le débat politique à la portion congrue.
Mes chers collègues, quel triste avenir pour la démocratie que celui d'une alternance éternelle entre deux forces tournées vers la seule conquête du pouvoir ! Ce modèle, c'est le modèle de la désillusion et, à terme, du désintérêt de la plus grande masse à l'égard de la vie politique.
La Constitution de 1958 porte en son sein cette dérive présidentialiste. Elle offre la possibilité de l'affirmation du pouvoir personnel. C'est pourquoi nous l'avons contestée et nous la contestons toujours. Mais elle conserve également des caractéristiques parlementaristes héritées de la tradition constitutionnelle française qui se sont révélées durant les périodes de cohabitation, notamment.
C'est à cette dualité que certains veulent s'attaquer en ne préservant que les racines présidentialistes de la Ve République. Pourtant, ce système accentue sans nul doute la délégation de pouvoir. Il tend à limiter les possibilités d'intervention du peuple qui se trouve privé des niveaux intermédiaires de pouvoir auprès desquels intervenir.
La crise de la politique est réelle dans notre pays, mais cela ne signifie en rien une perte d'intérêt pour la chose publique. Bien au contraire, la multiplication des conflits sociaux, la montée du sentiment anti-libéral montrent bien la volonté de notre peuple de participer aux décisions. C'est justement là que le bât blesse. Comment participer aux décisions ? Qui décide et où ?
La perte de confiance à l'égard des partis politiques, de leurs élus provient pour une bonne part de l'impuissance, parfois avouée - rappelons-nous les lendemains de l'affaire Michelin - de ceux-ci pour agir sur la réalité.
Comment les élus peuvent-ils convaincre de l'engagement politique lorsqu'ils se réfugient derrière la mondialisation ou l'indépendance de la Banque centrale européenne pour justifier leur absence de réponse forte à tel ou tel problème ?
Comme je l'ai rappelé le 17 janvier, la souveraineté est exercée par le peuple par l'intermédiaire de ses représentants. C'est le fondement même de l'idéal républicain. Mais que devient cet idéal lorsque la souveraineté du représentant est remise en cause ? L'exemple du débat budgétaire qui marque la toute-puissance des arbitrages bruxellois en référence constante aux critères incontournables de Maastricht nous le rappelle.
Que devient l'idéal républicain face à ces nouveaux dogmes qui n'ont qu'un but, affirmer que l'avenir de l'humanité se limite à cette seule logique financière, cette course au profit qui brise les femmes et les hommes ? L'actualité est édifiante sur ce point.
Comment convaincre les salariés de l'utilité du vote si les promesses en matière de contrôle des licenciements ne sont pas tenues par la gauche plurielle et quand nous assistons à un déplacement rapide du pouvoir politique vers le pouvoir économique ? L'intervention de plus en plus forte du baron Ernest-Antoine Seillière dans la vie politique en constitue un symptôme significatif !
C'est bien à ce niveau que se situe l'une des clefs de la réconciliation des Françaises et des Français avec la vie politique.
C'est la raison pour laquelle le renforcement du rôle du Parlement est une question centrale de la réforme institutionnelle si nécessaire à notre pays. Cette réforme doit intervenir dans deux directions, que je rappellerai brièvement : un pouvoir accru pour les représentants, sous le contrôle permanent des représentés.
Renforcer les pouvoirs du Parlement induit logiquement une réduction des prérogatives de l'exécutif. Cela nécessite également de donner des nouveaux droits au Parlement national dans le cadre du processus d'élaboration des normes européennes. Nous persistons à proposer la possibilité pour le Parlement national de conférer au ministre compétent un mandat impératif dans le cadre des négociations sur telle ou telle norme.
Renforcer le pouvoir du Parlement exige la révision de la procédure du contrôle de constitutionnalité. Il n'est pas possible de maintenir en l'état un Conseil constitutionnel dépourvu de légitimité démocratique, qui pourtant peut défaire ce que les représentants du peuple ont élaboré.
Enfin, pour renforcer les représentants du peuple, il faut que ces derniers le représentent réellement. La proportionnelle est une nécessité dans cette perspective. Nous regrettons le refus persistant du Gouvernement de mettre en oeuvre cette promesse électorale, facteur essentiel de vivification de la démocratie.
A ceux qui me rétorqueront : « Mais que faites-vous de l'efficacité, qui exige la constitution de majorités ? », je répondrai que la démocratie nécessite deux étapes : d'abord, les électeurs choisissent et, ensuite, les majorités se constituent. Nous ne pouvons maintenir une aberration qui a permis en 1995, rappelez-vous, la confiscation de 80 % des sièges de députés par une majorité ne recensant que 44 % des suffrages.
Il est malheureusement significatif que la priorité ait été donnée à la présidentialisation du régime, au détriment de sa démocratisation, dont la proportionnelle constitue une clef. Mais tout cela est logique car, si l'on veut présidentialiser, il ne faut surtout pas conforter le Parlement en le dotant d'un mode de scrutin qui le placerait en harmonie avec le peuple.
Lors de la première lecture, j'ai rappelé l'urgence pour le Sénat de se réformer en profondeur pour ne pas devenir un frein au développement de la démocratie. Les Français savent-ils qu'un sénateur élu en 2001 représentera en 2010 - oui, en 2010 ! - une France de 1975, une France vieille de trente-cinq ans, date de la dernière organisation de la répartition des sièges ?
Comment restaurer l'image du Parlement au vu de ces données ?
Renforcer les capacités d'intervention du représenté constitue le second axe de la véritable révolution qu'appellent nos institutions, comme je le développais le 17 janvier dernier.
La démocratie participative, dont il est souvent question ces temps-ci, ne doit surtout pas être conçue comme un gadget que l'on offre au peuple pendant que les choses importantes se décident ailleurs entre initiés. La démocratie participative ne mérite son appellation que s'il s'agit d'un moyen d'interaction permanent entre le « bas » et le « haut » et entre le « haut » et le « bas ». Ce doit être le moyen d'un bouillonnement permanent d'idées, d'expériences qui influent véritablement sur les choix. Pour cela, il faut réfléchir à de nouveaux modes d'intervention, comme la proposition d'initiative populaire. La politique de décentralisation doit être approfondie dans cet esprit, afin de mieux répartir les acquis de la République et, surtout, de ne pas les affaiblir.
Enfin, et je tiens à conclure sur ce point comme lors de mon intervention en première lecture, il ne peut y avoir de renouveau démocratique sans l'émergence de droits nouveaux d'intervention dans les entreprises. Il ne serait pas concevable que, là où les citoyens passsent l'essentiel de leur vie, la démocratie ne vive pas.
Cette aspiration est forte et se renforce à la découverte de nouveaux coups bas contre ceux qui vivent du fruit de leur travail. Danone, Marks & Spencer , AOM, Air Littoral...
Plusieurs sénateurs du RPR. Et l' Humanité !
M. Robert Bret... sont des noms qui donnent à réfléchir sur le sens de l'action politique aujourd'hui. Ils rendent bien dérisoire un projet de loi comme celui dont nous discutons aujourd'hui et ils renvoient bon nombre d'hommes et de femmes politiques à un questionnement sur le sens de leur action politique.
Je confirme donc l'opposition sans ambiguïté des sénateurs communistes à cette proposition de loi, qui confond transformation politique et manoeuvre politicienne. (Très bien ! Sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le moins que l'on puisse dire à l'issue de ce qui demeurera dans les annales comme l'un des grands marathons de l'éloquence parlementaire, c'est que tout a été dit et parfois même redit. Je porte d'ailleurs ma part de griefs. J'ai vérifié : trente heures de débat ont été consacrées à la discussion générale ; moi-même, j'ai dépassé de onze minutes le temps de parole qui m'était imparti, grâce à la bienveillance de M. le président du Sénat. Je dois dire que c'était rétablir faiblement l'équilibre, tous calculs effectués. Sur les soixante orateurs qui se sont succédé, cinquante-cinq sont intervenus contre le texte.
Alors, puisque tout a été dit et que nous en sommes arrivés au stade de la motion tendant à opposer la question préalable, je souhaite consacrer le temps de parole qui m'est imparti à ce qui demeure aujourd'hui l'essentiel : la question de la constitutionnalité de la proposition de loi. Chacun mesure qu'en vérité, pour le reste, il est vain de revenir sur nos propos antérieurs.
Les griefs, à ce stade, sont de deux ordres ; notre éminent rapporteur y a déjà fait allusion. Les uns concernent le contenu même de la proposition de loi organique ; certains ont déjà été évoqués et je n'y reviendrai donc que très brièvement. D'autres ont été singulièrement avancés à l'Assemblée nationale au cours de la nouvelle lecture ; j'aurai l'occasion de les analyser. Nous avons cependant vu apparaître un moyen, je dois dire plus original, qui touche à la procédure parlementaire. Il n'a pas été évoqué ici et je vais en priorité m'y attacher.
Chacun sait que le Sénat a adopté, à l'issue de la discussion en première lecture, divers amendements tendant à insérer des articles additionnels qui modifient le régime d'inéligibilité applicable aux conseillers municipaux, aux conseillers généraux et, à certains égards, aux députés. Chacun sait dans cet hémicycle que, selon l'article L.O. 296 du code électoral, les règles d'inéligibilité peuvent être ainsi étendues des députés aux sénateurs. Le Gouvernement s'est opposé à ces amendements qui constituaient des cavaliers législatifs et qui étaient donc, par nature, irrecevables. La majorité sénatoriale, ce qui était tout à fait son droit, les a néanmoins votés.
C'est dans ces conditions que le Gouvernement a convoqué une commission mixte paritaire le 29 mars dernier. Lors de sa réunion, notre éminent président de la commission des lois, M. Jacques Larché, a indiqué que les sénateurs n'étaient présents que par simple courtoisie. Je regrette de n'avoir pu être présent, mais je me trouvais à ce moment-là au Québec. Pour être sûr de ne pas trahir les propos de M. Jacques Larché, je me suis référé à un document indiscutable, à savoir le rapport rédigé en commun par M. Christian Bonnet et M. Bernard Roman. On peut donc dire qu'il fait foi ! Voici ce que déclarait M. Jacques Larché : « La proposition de loi telle qu'elle ressortait de la première lecture était à ce stade relative au Sénat compte tenu des modifications apportées au texte initial et elle devait en conséquence être votée dans les mêmes termes par les deux assemblées en application de l'article 46, alinéa 4, de la Constitution. »
M. Jacques Larché est trop fin juriste pour s'en être tenu à cette seule affirmation, car admettre que le Sénat pourrait transformer à son gré une proposition de loi organique qui ne le concernerait pas en une proposition de loi organique qui le concernerait, et qui serait donc soumise à son accord, par la simple adjonction d'amendements étrangers à l'objet du texte, serait tout simplement donner au Sénat un droit de veto sur tout projet ou toute proposition de loi organique. A l'évidence, une telle interprétation ou extension serait contraire à la Constitution.
Tout à l'heure, il a été fait allusion à d'excellents auteurs. Vous me permettrez d'en citer un, bien connu dans le Sénat et fort estimé, M. Bruno Baufumé, qui a évoqué cette hypothèse dans une thèse excellente intitulée Le droit d'amendement et la Constitution sous la cinquième République , publiée à la LGDJ 1993. Aux pages 223 et 224, on peut lire ceci : « Considérons l'hypothèse d'un projet de loi organique non relative au Sénat déposée sur le bureau de l'Assemblée nationale : » - c'est exactement notre cas - « celle-ci l'adopte mais le Sénat y introduit une disposition rendant le texte relatif au Sénat. Un processus identique se reproduit en deuxième lecture » - ici, chacun le comprend, la question ne se pose pas - « la réunion d'une commission mixte paritaire est-elle possible ?
Si la réponse est négative, il faut admettre que le Sénat dispose par amendement du pouvoir d'empêcher l'adoption de toute loi organique, ce qui excède manifestement l'esprit et la lettre de la Constitution. »
M. Claude Estier. Très bien !
M. Robert Badinter. Nul ne peut contredire cette analyse ! C'est l'élémentaire vérité des choses.
Aussi, le président Jacques Larché, trop fin juriste, je le répète, pour s'en tenir à cette première affirmation, a avancé une théorie plus subtile, plus fine, mais pour aboutir au même résultat : « Il n'y aurait pas de droit de veto conféré au Sénat dès lors que le Gouvernement peut s'opposer à l'adoption des amendements sénatoriaux transformant la portée du texte en une proposition de loi relative au Sénat en usant de la procédure du vote bloqué qui a été évoquée, prévue par l'article 44, troisième alinéa, de la Constitution ».
La situation serait donc la suivante : le Gouvernement dispose de la procédure du vote bloqué en vertu de l'article 44, troisième alinéa, de la Constitution. Il n'utilise pas cette faculté ! Il serait donc acquis que le texte en discussion concernerait dorénavant le Sénat, d'où la procédure habituelle : la réunion d'une commission mixte paritaire ne serait pas possible à ce stade de la discussion ; il faudrait procéder à une deuxième lecture du texte, au cours de laquelle, devant le Sénat, le Gouvernement pourrait alors utiliser l'article 44, troisième alinéa, pour s'opposer au vote des amendements sénatoriaux, une nouvelle commission mixte paritaire pourrait alors se réunir, dont l'échec serait évidemment prévisible ; en conséquence, il y aurait lieu de procéder à une troisième lecture à l'Assemblée nationale puis au Sénat et, enfin, à une lecture ultime à l'Assemblée nationale. C'est fort simple.
Fouette cocher ! D'autres auraient dit : « En voiture Simone ! » (Sourires.) Nous voilà repartis pour des semaines ou des mois de procédure parlementaire !
Monsieur le président de la commission des lois, au nom de notre vieille amitié et de l'habitude que nous avons de nos confrontations juridiques depuis bientôt - il m'en souvient - près de vingt ans, vous me permettrez d'avancer la critique de cette argumentation pour des motifs constitutionnels.
Je ferai d'abord une simple remarque préliminaire : il serait pour le moins paradoxal de reprocher au Gouvernement de ne pas recourir au vote bloqué, alors que chacun sait que son usage suscite - à mon avis, tout à fait avec raison - de la part des assemblées, et notamment du Sénat, les plus vives protestations. Rappelez-vous ce qu'il est advenu lorsque Mme Guigou en a fait usage. Donc je ne crois pas qu'à cet égard il faille recommander au Gouvernement de recourir à la procédure du vote bloqué.
En droit maintenant : le Premier ministre, car c'est bien de lui qu'il s'agit, tient de la Constitution, plus particulièrement de l'article 45, deuxième alinéa, le pouvoir de susciter la réunion d'une commission mixte paritaire. Comment peut-on imaginer qu'un pouvoir constitutionnel donné au Premier ministre serait implicitement - artificieusement serait, à mon avis, l'adverbe convenable - conditionné par un recours préalable à l'article 44, troisième alinéa, pour interdire au Sénat de voter des amendements qui changeraient la portée du texte ? Rien dans la Constitution, rien dans les articles 45 et 46 n'impose cette exigence ou cette condition pour la convocation d'une commission mixte paritaire.
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. Rien ne dit le contraire !
M. Robert Badinter. C'est une condition mise à l'exercice d'un pouvoir constitutionnel.
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. Me permettez-vous de vous interrompre, monsieur Badinter ?
M. Robert Badinter. Je vous en prie, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois, avec l'autorisation de l'orateur.
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. Je vous écoute, mon cher collègue, avec l'intérêt que je porte toujours à vos propos.
M. Robert Badinter. Et réciproquement !
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. Je constate qu'en l'espèce vous vous aventurez à donner une interprétation qui correspond à ce que vous souhaitez démontrer.
Rien n'interdit de faire ce qui est suggéré. Il est tout à fait possible pour le Gouvernement d'agir de telle sorte qu'il atteigne le but qu'il s'est fixé, à savoir mettre l'Assemblée nationale en situation de prendre la décision en dernier ressort.
Vous avez l'air d'oublier que notre Constitution est dominée par un principe fondamental, celui du parlementarisme rationalisé, qui veut que le Gouvernement, dans la lecture parlementaire du texte, ait à sa disposition un certain nombre de moyens pour obtenir ce qu'il estime souhaitable et conforme à l'interprétation qu'il se fait de la Constitution.
J'ajoute que votre théorie repose sur un principe qui, lui non plus, n'est pas inscrit dans la Constitution, celui d'une limitation a priori du droit d'amendement.
Nous avons le droit d'amendement. Ce droit, il n'est dit nulle part que nous n'avons pas le droit de lui donner la portée que nous entendons lui donner.
Bien sûr, vous tentez de vous réfugier derrière la théorie du cavalier législatif. Mais en quoi ces textes sont-ils des cavaliers législatifs ? Nous sommes en train de discuter de dispositions qui intéressent le fonctionnement du Parlement, puisqu'elles prévoient à quel moment tel ou tel peut se présenter, dans la mesure où, évidemment, des dispositions ont été prises en ce sens. Je ne vois donc vraiment pas comment vous pouvez justifier qu'il s'agit de cavaliers.
J'ai été cité. J'ai dit dans quelles conditions j'avais écrit ce texte en son temps. Mais les choses évoluent. En 1985, le Conseil constitutionnel a sévèrement condamné la théorie qui était la mienne, et je m'incline toujours devant les décisions du Conseil constitutionnel.
M. Robert Badinter. Vous aurez encore l'occasion de le faire ! (Sourires.)
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. Nous verrons bien ! Je ne préjuge jamais une décision du Conseil constitutionnel.
Puisque nous savons bien que nous ne pourrons pas présenter de recours - la Constitution ne nous le permet pas et le Conseil constitutionnel a dit que nous ne pourrions pas le faire - nous exposerons purement et simplement au Conseil constitutionnel les théories qui sont les nôtres.
Le droit d'amendement est un droit souverain du Parlement, à la condition qu'il ne contrevienne pas aux règles essentielles qui régissent les rapports entre les deux assemblées.
Après tout, le recours au vote bloqué est une procédure comme une autre. (M. Michel Dreyfus-Schmidt s'exclame.) Nous ne l'aimons pas. Mais si nous ne faisions que ce que nous aimons et si nous n'appliquions que ce que nous aimons dans la Constitution, nous serions peut-être, vous comme moi, parfois dans l'embarras.
Mieux vaut donc s'en tenir à une interprétation stricte du texte, une interprétation stricte du droit d'amendement et laisser le Conseil constitutionnel en tirer les conséquences.
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Badinter.
M. Robert Badinter. Au moment où, comme c'est votre droit, vous avez souhaité m'interrompre, monsieur le président de la commission des lois, je traitais de la convocation d'une commission mixte paritaire et non de la liberté du droit d'amendement. Je relevais que vous aviez ajouté une condition nouvelle à l'exercice par le Premier ministre du pouvoir qui lui est reconnu par la Constitution en vertu de l'article 45, deuxième alinéa, de convoquer une commission mixte paritaire.
Selon votre argumentation, que j'ai rappelée, dès l'instant où le Gouvernement ne s'était pas opposé au cours du débat par la procédure du vote bloqué à ces amendements, ceux-ci devenaient des amendements qui touchaient aux droits du Sénat.
Avant d'en venir à ces amendements je tenais donc à rappeler que la convocation d'une commission mixte paritaire est une prérogative du Premier ministre.
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. En matière constitutionnelle ?
M. Robert Badinter. Dès lors, on ne saurait ajouter des conditions à l'exercice de cette prérogative constitutionnelle, serait-ce par l'arguement selon lequel le texte changerait de nature par l'adoption d'amendements non repoussés par le Gouvernement au moyen du vote bloqué !
C'est au niveau de la réunion de la commission mixte paritaire qu'il faut se placer. L'échec de la commission mixte paritaire n'est plus, ensuite, bien évidemment, que le fait de ceux qui y siègent.
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. Me permettez-vous de vous interrompre de nouveau, monsieur Badinter ?
M. Robert Badinter. Je vous en prie, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois, avec l'autorisation de l'orateur.
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. Monsieur Badinter, si j'ai bien compris votre raisonnement, vous admettez que la commission mixte paritaire peut être réunie en matière constitutionnelle.
M. Robert Badinter. Dois-je vous rappeler qu'il s'agit ici d'une loi organique et non d'une loi constitutionnelle ?
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. Une loi organique relative au Sénat !
M. Robert Badinter. J'ai évoqué la prérogative constitutionnelle qu'a le Premier ministre de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire parlementaire, qu'il s'agisse de lois ordinaires ou de lois organiques. Nous sommes, je crois, d'accord sur ce point.
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. Mais la Constitution prévoit que la loi organique relative au Sénat et la révision constitutionnelle sont traitées de la même manière. Si donc vous admettez que la loi organique relative au Sénat peut faire l'objet d'une commission mixte paritaire, vous admettez par là-même qu'une commission mixte paritaire peut être réunie pour une loi constitutionnelle.
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Badinter.

M. Robert Badinter. Je crains, monsieur le président Larché, qu'à cet égard vous ne fassiez une confusion. (M. Michel Dreyfus-Schmidt s'exclame.)
M. Jean Delaneau. Le troisième juriste s'en mêle ! (Sourires.)
M. Robert Badinter. Nous parlons ici de la réunion de la commission mixte paritaire ; nous en viendrons, dans un instant, au problème de la nature des amendements et de ses conséquences.
Je poursuis donc mon analyse concernant la commission mixte paritaire.
Quel est, mes chers collègues, l'objet d'une commission mixte paritaire ?
M. Hilaire Flandre. Et si on laissait au peuple le soin de choisir !
M. Robert Badinter. Pourquoi la réunit-on ?
Son objectif unique est de tenter une conciliation entre les deux assemblées à partir de textes divergents qu'elles ont adoptés. C'est sa raison d'être.
Je pose la question : au nom de quelle extraordinaire logique faudrait-il que le Gouvernement, avant de pouvoir susciter, dans le domaine dont nous parlons aujourd'hui, une conciliation entre les deux assemblées, use du vote bloqué pour contraindre l'une des chambres à adopter un texte conforme à ses désirs déjà satisfaits par le texte de l'autre ou à rejeter l'intégralité du texte ? Dans ces conditions, que resterait-il à concilier, et à quoi bon une commission mixte paritaire ?
A ce stade, étant rappelé que c'est une prérogative constitutionnelle reconnue au Premier ministre de convoquer une commission mixte paritaire lorsque les deux assemblées ne sont pas arrivées à un accord et qu'on essaie de le susciter, se pose alors, c'est vrai, la question de la nature des amendements.
Que ces amendements introduits par le Sénat constituent autant de cavaliers selon la jurisprudence du Conseil constitutionnel, je ne surprendrai personne en le disant. Qu'a fait le Sénat ? Il a instauré toute une série de nouveaux cas d'inéligibilité concernant d'ailleurs aussi bien les élections municipales que régionales et visant une série hétéroclite de personnalités, allant du « défenseur des enfants » - c'est l'article 3 - au « vétérinaire inspecteur chargé des fonctions de directeur des services vétérinaires » - c'est l'article 5.
Je suis le premier à dire que le sort de ces personnes, s'agissant de leur capacité à se présenter aux élections, est en effet tout à fait digne d'attention. Mais enfin, quel rapport ces inéligibilités peuvent-elles avoir avec l'objet même du texte, qui, à l'évidence, passionne la Haute Assemblée, à savoir la fixation de la date d'élection de l'Assemblée nationale ?
Entre le sort du défenseur des enfants et celui du vétérinaire inspecteur chargé des fonctions de directeur des services vétérinaires, je dirai qu'il n'y a pas adéquation. Et il en va de même pour les autres cas d'inéligibilité.
La vérité, c'est qu'en introduisant par la voie de ces amendements des dispositions aussi étrangères à l'objet du texte, dont on a débattu pendant des dizaines d'heures, le Sénat a tout simplement méconnu - c'est essentiel ! - la véritable portée de l'article 46, quatrième alinéa, de la Constitution.
Au travers de cet article, le constituant voulait, à juste titre - on ne saurait trop l'en féliciter ! - protéger les droits du Sénat contre un empiètement éventuel de la part de l'Assemblée nationale. C'est bien qu'il en soit ainsi.
L'article 46, en son quatrième alinéa, fait référence aux « lois organiques relatives au Sénat », et je veux rappeler ce que le Conseil constitutionnel a entendu par là dans sa décision de principe du 10 juillet 1985 : « ... les dispositions législatives qui ont pour objet, dans les domaines réservés aux lois organiques, de poser, de modifier ou d'abroger des règles concernant le Sénat. » Et d'ajouter : « ou qui sans se donner cet objet à titre principal n'en n'ont pas moins pour effet - même formule - de poser, de modifier ou d'abroger les règles le concernant ».
A partir de là, il n'a jamais été envisagé par le constituant que le Sénat, sous couvert de protéger ses droits, puisse transformer à son gré une proposition de loi organique concernant la seule Assemblée nationale en un texte de loi organique relatif au Sénat, simplement en adoptant des amendements de son initiative, véritables cavaliers législatifs irrecevables complètement étrangers au texte.
Cela n'a plus rien à voir avec le problème du pouvoir du Premier ministre de convoquer la commission mixte paritaire !
Il faut y prendre garde, car, si on se laissait aller, il y aurait là une véritable méconnaissance des principes constitutionnels qui régissent les pouvoirs respectifs et les rapports des deux assemblées. Je l'ai dit : les constituants - et ils ont bien fait - ont voulu protéger le Sénat contre toute atteinte portée à ses droits par l'Assemblée nationale à la faveur de la discussion d'un projet ou d'une proposition de loi organique où celle-ci aurait le dernier mot ; mais ils ne peuvent pas avoir voulu que le Sénat puisse bloquer le vote d'un tel texte concernant la seule Assemblée, parce que politiquement sa portée lui déplairait, en insérant, de sa propre initiative, des amendements relatifs au Sénat qui seraient sans rapport avec l'objet de la proposition ou du projet de loi organique en question.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce n'est pas une loi !
M. Robert Badinter. En outre, je rappellerai que, en recourant à ce procédé, on en arriverait à contredire jusqu'aux dispositions de l'article 46 de la Constitution. En effet, le deuxième alinéa de cet article prévoit, pour les projets ou propositions de loi organique, des exigences procédurales particulières : « Le projet ou la proposition n'est soumis à la délibération et au vote de la première assemblée saisie qu'à l'expiration d'un délai de quinze jours après son dépôt. »
Si donc la majorité de la Haute Assemblée désire inscrire dans une loi organique des cas d'inéligibilité concernant directement, ou même indirectement, le Sénat, il lui appartient - c'est son droit - de déposer une proposition de loi organique respectant bien évidemment les dispositions du deuxième alinéa de l'article 46. Or le procédé utilisé en l'espèce aboutit au contraire au contournement de cette exigence constitutionnelle par l'adoption d'amendements étrangers, de par leur nature et leur portée, à la proposition de loi organique issue de l'Assemblée nationale et qui ne concerne que cette dernière. Le Gouvernement, en s'opposant à ces amendements, a d'ailleurs invité leurs auteurs à déposer, s'ils le souhaitaient, une autre proposition de loi organique.
Par conséquent, dès l'instant où le Sénat avait voté un texte différent de celui de l'Assemblée nationale et contenant des amendements visant, à l'évidence, à modifier la portée du texte par des dispositions étrangères à celui-ci, le Premier ministre était parfaitement fondé à convoquer une commission mixte paritaire, eu égard à ce qui était un désaccord éclatant entre les deux assemblées, pour tenter de susciter la conciliation. Cela n'a rien à voir, encore une fois, avec une sorte de prétendue obligation de recourir à la procédure du vote bloqué pour pouvoir utiliser cette prérogative constitutionnelle !
Voilà comment les choses se sont passées.
Mais, en vérité, je pense que ce que les auteurs des amendements en question voulaient surtout, sachant quel sort serait réservé in fine à leurs propositions, c'était soulever une discussion procédurale sur la possibilité de réunir valablement une commission mixte paritaire à ce stade de la discussion, afin de nourrir un moyen de censure de la procédure parlementaire par le Conseil constitionnel.
Or ce moyen, je crois profondément qu'il ne prospérera pas : la commission mixte paritaire a bien été convoquée, conformément aux prérogatives du Premier ministre, l'échec de celle-ci a été patent et dûment constaté, hélas ! et dès lors il ne restait plus qu'à revenir devant l'Assemblée nationale, ce qui a été fait. Celle-ci a rétabli le texte initial, qui doit de nouveau être étudié par le Sénat.
Il ne reste donc plus, après ce détour procédural un peu long - mais reconnaissons que son originalité justifiait qu'on le fît ! - qu'à examiner les questions de constitutionnalité qui ont été soulevées, au fond, par la teneur de la proposition.
J'annonce tout de suite que je ne reprendrai pas encore une fois le long développement que j'avais eu l'honneur de consacrer devant vous, mes chers collègues, à la jurisprudence du Conseil constitutionnel en matière de prorogation du mandat d'une assemblée. Je redirai simplement que cette jurisprudence est claire, constante et peut se résumer en trois principes.
Le premier principe, c'est que le Conseil constutionnel ne s'est jamais reconnu le pouvoir d'apprécier ou de contrôler les finalités politiques qui conduisent le législateur, dès l'instant où celui-ci exerce le pouvoir que la Constitution lui accorde, et qu'il n'entend pas non plus lui suggérer d'autres moyens pour les atteindre. Il s'agit là de la souveraineté du Parlement agissant dans le cadre de ses pouvoirs, et il n'appartient pas au Conseil constitutionnel de se substituer à lui.
Dans la présente proposition de loi organique, la finalité visée par le législateur est très claire : il s'agit de faire en sorte que l'élection présidentielle précède l'élection législative. C'est là un choix politique ; à l'évidence, il n'est pas unanimement approuvé, mais c'est un choix politique, et il s'inscrit, je le rappelle, dans la conception originelle des institutions de la Ve République. Quoi qu'il en soit, si le Parlement en décide ainsi et si le dernier mot revient à l'Assemblée nationale, le Conseil constitutionnel ne peut pas censurer des motifs ou une finalité politiques. Il ne peut pas davantage imposer son appréciation sur ce que pourrait être, pour le Parlement, le meilleur choix politique. J'ajoute qu'il n'en a jamais eu, heureusement ! l'intention. Je rappelle à cet égard le considérant du Conseil constitutionnel, toujours énoncé depuis 1975, selon lequel « la Constitution ne confère pas au Conseil constitutionnel un pouvoir général d'appréciation identique à celui du Parlement ». Il est fort bien qu'il en soit ainsi !
Le deuxième principe, c'est que la fixation de la durée du mandat des assemblées relève du pouvoir des législateurs. Cela résulte d'ailleurs de la Constitution et s'inscrit dans le texte de loi organique, et quand il s'agit de la législature de l'Assemblée nationale, il revient in fine à cette dernière d'en déterminer elle-même la durée.
Le troisième principe, enfin, c'est que toute prorogation de l'Assemblée doit satisfaire à la double exigence posée par le Conseil constitutionnel, c'est-à-dire qu'elle doit être à la fois exceptionnelle - cette condition est remplie dans le cas qui nous occupe, puisqu'elle ne vise que la seule assemblée élue en juin 1997 - et transitoire - il en est bien ainsi en l'occurrence puisque, à compter de la promulgation de la loi, les pouvoirs de l'Assemblée nationale expireront régulièrement le troisième mardi de juin. Les conditions toujours posées par le Conseil constitutionnel s'agissant de la prorogation des mandats sont donc ici parfaitement satisfaites, et il est vain d'ajouter autre chose.
Je conclurai par deux observations relatives à des points qui ont été évoqués de manière inopinée à l'Assemblée nationale.
En premier lieu, un brillant orateur de l'opposition a soutenu que la proposition de loi organique serait inconstitutionnelle parce que contraire à l'article 12 de la Constitution. Selon cet intervenant, l'exercice du droit de dissolution de l'Assemblée nationale par le Président de la République ferait de ce dernier le « maître des horloges électorales ».
J'avoue mon étonnement ! Cette analyse a au moins le mérite de l'originalité : en effet, aucun constitutionnaliste n'a jamais soutenu, à ce jour, que le Président de la République aurait la prérogative de fixer la durée du mandat de l'Assemblée nationale. Cela tient à une raison évidente : il suffit de lire la Constitution pour constater que cela relève, comme chacun le sait maintenant, de la loi organique, donc du Parlement et plus précisément de l'Assemblée nationale elle-même en dernier ressort. Quant à la date des élections, je n'ai pas besoin de rappeler ici qu'elle est fixée par un simple décret, sans même que le concours du Chef de l'Etat soit requis.
En second lieu, un dernier motif d'inconstitutionnalité a été soulevé par l'opposition à l'Assemblée nationale, selon lequel modifier le code électoral à moins d'un an d'une échéance prévue serait contraire à un principe constitutionnel.
A ce propos, je ferai d'abord observer que, à ce jour, rien ne permet d'affirmer que la loi ne sera pas promulguée avant le troisième mardi du mois de juin de l'année 2001.
Cependant, même si c'était le cas, cela resterait sans conséquence constitutionnelle. Certes, on a avancé que la loi du 11 décembre 1990 aurait posé pour principe, en son article 7, que l'on ne pouvait opérer de changement de date électorale à moins d'un an des élections. J'ai lu cet argument, et j'ai repris le texte de la loi précitée pour procéder, comme toujours, à des vérifications. Or, bien entendu, il ne s'agissait nullement des dates électorales et de la durée des mandats : ce texte vise en fait le découpage des circonscriptions et, en effet, il n'est pas permis que celui-ci ait lieu moins d'un an avant les élections. On comprend aisément pourquoi, mais la prorogation des mandats est une autre question ! Quant à la décision du Conseil constitutionnel qui a été mentionnée, je n'ai pas besoin de vous dire, mes chers collègues, qu'elle n'invoque ni de près ni de loin un tel principe constitutionnel.
Voilà ce que je tenais in fine à rappeler. J'ajouterai, puisque nous parlons de délais, que si, pour une raison ou pour une autre, la loi n'était pas promulguée un an avant la date des élections, le Sénat, reconnaissons-le, n'y serait pas tout à fait étranger ! (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.

Question préalable



M. le président.
Je suis saisi par M. Bonnet, au nom de la commission, d'une motion n° 1 tendant à opposer la question préalable.
Cette motion est ainsi rédigée :
« Considérant que les conditions d'examen par le Parlement de la proposition de loi organique, marquées notamment par la brusque volte-face du Gouvernement, l'exclusion d'un éventuel référendum, l'usage de la procédure d'urgence et la convocation d'une commission mixte paritaire sur un texte organique relatif au Sénat, ne sont pas acceptables ;
« Considérant que le mandat des députés n'a été prorogé qu'à deux reprises au cours du xxe siècle, en 1918 et 1940, dans des circonstances historiques que contrastent avec les motifs invoqués à l'appui de la proposition de loi organique ;
« Considérant que le choix du troisième mardi de juin comme date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale pourrait conduire à la convocation systématique de sessions extraordinaires du Parlement les années d'élections législatives et perturber le processus d'élaboration du projet de budget ;
« Considérant que la proposition de loi organique, contrairement à l'objectif que semblait se fixer le législateur, n'est pas à même d'éviter de nouveaux bouleversements du calendrier électoral en cas de dissolution de l'Assemblée nationale ou d'interruption prématurée du mandat d'un Président de la République ;
« Considérant que l'adoption de la proposition de loi organique compromettrait l'application des règles du code électoral relatives au financement des campagnes électorales et à l'organisation d'élections partielles en cas de vacance d'un siège de député ;
« Considérant que la prolongation, par sa seule volonté, de la durée du mandat de l'Assemblée nationale élue en 1997 ne repose sur aucun motif d'intérêt général comparable à ceux qui ont pu justifier par le passé la prolongation de la durée du mandat d'assemblées locales ;
« Décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur la proposition de loi organique modifiant la date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale, adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture (n° 225, 2000-2001). »
Je rappelle que, en application du dernier alinéa de l'article 44 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. le rapporteur, auteur de la motion.
M. Christian Bonnet, rapporteur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte retourné - c'est le terme qui convient en l'occurrence, puisqu'il s'agit de la même rédaction que celle qui nous avait été soumise en première lecture - au Sénat par l'Assemblée nationale ne saurait être adopté par notre assemblée, en raison d'un certain nombre de difficultés d'ordre tant pratique que juridique qu'il m'a été donné de souligner tout à l'heure.
Ce retour ou ce renvoi, si vous préférez ce terme, du texte primitivement adopté par l'Assemblée nationale valait rupture de tout dialogue entre les deux assemblées. C'est pour cette raison que la commission des lois préconise l'adoption de la motion tendant à opposer la question préalable dont je vais maintenant vous donner lecture :
Considérant que les conditions d'examen par le Parlement de la proposition de loi organique, marquées notamment par la brusque volte-face du Gouvernement, l'exclusion d'un éventuel référendum, l'usage de la procédure d'urgence et la convocation d'une commission mixte paritaire sur un texte organique relatif au Sénat, ne sont pas acceptables ;
Considérant que le mandat des députés n'a été prorogé qu'à deux reprises au cours du XXe siècle, en 1918 et en 1940, dans des circonstances historiques qui contrastent avec les motifs invoqués à l'appui de la proposition de loi organique ;
Considérant que le choix du troisième mardi de juin comme date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale pourrait conduire à la convocation systématique de sessions extraordinaires du Parlement les années d'élections législatives et perturber le processus d'élaboration du projet de budget ;
Considérant que la proposition de loi organique, contrairement à l'objectif que semblait se fixer le législateur, n'est pas à même d'éviter de nouveaux bouleversements du calendrier électoral en cas de dissolution de l'Assemblée nationale ou d'interruption prématurée du mandat d'un Président de la République ;
Considérant que l'adoption de la proposition de loi organique compromettrait l'application des règles du code électoral relatives au financement des campagnes électorales et à l'organisation d'élections partielles en cas de vacance d'un siège de député ;
Considérant que la prolongation, par sa seule volonté, de la durée du mandat de l'Assemblée nationale élue en 1997 ne repose sur aucun motif d'intérêt général comparable à ceux qui ont pu justifier par le passé la prolongation de la durée du mandat d'assemblées locales ;
Décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur la proposition de loi organique modifiant la date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale, adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture. » (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, ainsi que du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Badinter, contre la motion.
M. Robert Badinter. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je serai d'une brièveté extrême, à l'image du rapporteur de la commission des lois. Tout a été dit en effet, et ce qu'il a à l'instant énoncé n'était que la reprise d'arguments déjà évoqués.
Il aurait peut-être été bienvenu que la question préalable fût déposée avec la même argumentation dès la première lecture, mais on a choisi le chemin long. Quoi qu'il en soit, nous sommes maintenant au terme de cette discussion.
J'indiquerai simplement, au nom du groupe socialiste que nul ne peut dire que, dès le départ, nous n'avons pas souhaité le changement du calendrier. Dès l'origine, en effet, avant même que cette question fût évoquée au plan gouvernemental, j'avais ici même, en juin 2000, lors de la discussion sur le quinquennat, au nom du groupe socialiste, rappelé que l'on devait absolument songer à remédier à la situation que créerait le quinquennat si on ne modifiait pas le calendrier des élections.
Je m'étais alors appuyé sur trois considérations.
Première considération, que l'élection présidentielle est, dans la Ve République, pour tous nos concitoyens, l'élection essentielle et il n'est pas possible de faire de l'élection législative le premier tour des présidentielles.
Deuxième considération également très importante : en faisant se succéder l'élection présidentielle puis l'élection législative, nous avons, au regard de ce que l'expérience a enseigné, infiniment moins de chance d'engendrer une cohabitation qui n'est pas considérée par le constituant comme un régime normal. Il s'agit d'une pathologie de nos institutions.
Troisième considération -, et non la moindre, dans le monde où nous vivons, dans les démocraties contemporaines, à l'exigence première de la séparation des pouvoirs et à l'exigence tout aussi importante de l'équilibre des pouvoirs ajoute une troisième exigence, mal perçue et, à mon avis, déterminante : l'harmonie des pouvoirs. C'est à la mesure de l'harmonie entre l'exécutif et le législatif qu'une démocratie est véritablement efficace à une époque difficile où les problèmes, notamment internationaux, sont complexes. Or, la cohabitation est la dissociation du pouvoir exécutif et, de ce fait, l'absence d'harmonie entre le législatif et l'exécutif.
Tout commande donc, sauf peut-être des intérêts politiques conjoncturels, qu'on remédie à la situation, créée d'ailleurs par des événements fortuits, c'est-à-dire les élections législatives précédant les élections présidentielles. Revenons à la logique de nos institutions, ou alors changeons-les. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, l'objet de cette proposition de loi est bien de rétablir le calendrier des élections à l'endroit et de respecter ainsi la logique de nos institutions.
Ce texte relève d'une appréciation souveraine du Parlement sur laquelle le Conseil constitutionnel ne peut porter qu'un contrôle réduit de l'erreur manifeste d'appréciation en vertu d'une jurisprudence constante depuis sa décision du 15 janvier 1975, M. Badinter l'a évoqué. Le choix de la proposition de loi et de la voie organique se justifient, compte tenu de la diversité des auteurs des propositions de loi déposées à l'Assemblée nationale. Pas moins de six propositions de loi ont été déposées, sur lesquelles la commission des lois de l'Assemblée nationale est parvenue à un texte de synthèse.
On ne peut déplorer le manque d'initiative parlementaire dans le domaine législatif et ne pas se réjouir qu'une proposition commune venant de la majorité à l'Assemblée nationale, ainsi que d'une partie de l'opposition, ait vu le jour après un travail approfondi.
Le choix du législateur, qui est souverain, ne peut être contesté dès lors qu'« il s'inscrit dans le cadre d'une réforme dont la finalité n'est contraire à aucun principe non plus qu'à aucune règle de valeur constitutionnelle ». Je cite ici une décision du Conseil constitutionnel, du 11 décembre 1990, lorsqu'a été soumise à son examen la concordance du renouvellement des conseils généraux et régionaux.
Personne ne peut donc sérieusement soutenir que le respect de la logique interne de la vie politique française depuis 1962, c'est-à-dire la primauté de l'élection présidentielle, aurait pour finalité la violation d'un principe constitutionnel.
Assurer par un calendrier cohérent des scrutins la prééminence de l'élection présidentielle me paraît conforme à l'intérêt général parce que cela correspond à la place donnée à cette élection par les citoyens eux-mêmes. C'est pour cela que j'invite le Sénat à repousser la notion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix la motion n° 1, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet de la proposition de loi organique.
En application de l'article 59 de notre règlement, le scrutin public est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 46 :

:
Nombre de votants 297
Nombre de suffrages exprimés 288
Majorité absolue des suffrages 145
Pour l'adoption 170
Contre 118

En conséquence, la proposition de loi organique est rejetée.

7

MODIFICATION DE L'ORDRE DU JOUR

M. le président. M. le président a reçu de M. le ministre des relations avec le Parlement une lettre en date de ce jour par laquelle le Gouvernement retire de l'ordre du jour prioritaire de la séance du jeudi 19 avril la discussion, en deuxième lecture, de la proposition de loi tendant à la reconnaissance de la traite et de l'esclavage en tant que crimes contre l'humanité.
Acte est donné de cette communication.
L'ordre du jour de la séance du jeudi 19 avril est modifié en conséquence.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures, est reprise à vingt et une heures trente-cinq.)

PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE
vice-président

M. le président. La séance est reprise.

8

AGENCE FRANÇAISE
DE SÉCURITÉ SANITAIRE
ENVIRONNEMENTALE

Adoption d'une proposition de loi
en nouvelle lecture

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion, en nouvelle lecture, de la proposition de loi (n° 216, 2000-2001), adoptée par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, créant une Agence française de sécurité sanitaire environnementale. [Rapport n° 250 (2000-2001).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Bernard Kouchner, ministre délégué à la santé. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes réunis pour traiter de la création de l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale.
Les travaux menés par votre rapporteur, deux lectures dans votre enceinte et trois lectures à l'Assemblée nationale, ont permis à chacun de faire entendre son point de vue et de nourrir un débat fondamental sur cette agence.
Sa création s'inscrit dans une nouvelle étape de la sécurité sanitaire.
La politique de sécurité sanitaire constitue sans doute l'évolution la plus originale des politiques de santé. Les crises sanitaires des vingt dernières années ont en effet conduit notre pays à engager une réflexion sur la réduction des risques, puis à mettre en place des dispositifs d'évaluation, de surveillance et d'intervention.
En particulier, les lois du 4 janvier 1993 et du 1er juillet 1998 ont permis de constituer un dispositif institutionnel important avec la création des agences de sécurité sanitaire et de l'Institut de veille sanitaire. Le Conseil national de sécurité sanitaire, instance de coordination, se réunit désormais sous ma présidence pour examiner les grands enjeux de cette politique. Dans le même temps, des réglementations nouvelles fixent les conditions dans lesquelles chacun des acteurs du système de santé doit veiller à limiter les risques et intervenir en cas de besoin.
Cet apport considérable, auquel la Haute Assemblée a, je tiens à le souligner devant vous, mesdames, messieurs, fortement contribué, s'est réalisé dans un laps de temps relativement court.
Il est temps aujourd'hui de franchir une nouvelle étape dans la construction de la sécurité sanitaire.
Nous avons mis en place des institutions et des réglementations de sécurité sanitaire qui encadrent désormais strictement les produits de santé. Nous avons développé dans le même temps une politique de qualité des soins grâce notamment à l'instauration des procédures d'accréditation et au dispositif de lutte contre les infections nosocomiales dans le milieu hospitalier, bien que cette lutte ne soit jamais gagnée d'avance, les personnes lucides savent même que nous ne parviendrons pas, hélas ! à contrôler complètement les infections.
Les sécurités sanitaires alimentaire et environnementale se développent de manière concomitante. C'est le sens de la création en 1999 de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments ainsi que de nos débats de ce soir sur l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale. Tout le monde s'accorde, je crois, sur les principes qui doivent guider notre action dans ce domaine et sur l'objectif que nous poursuivons. Les principes sont clairs : qualité et indépendance de l'expertise, renforcement des missions d'évaluation et de gestion des risques, transparence des décisions et priorité donnée à la protection de la santé publique. L'objectif est de pouvoir compléter rapidement le dispositif mis en place en 1998. La création de l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale - l'AFSSE - doit permettre tout à la fois d'organiser et d'assurer l'indépendance de l'évaluation des risques dans ce domaine, et de donner en amont une vraie priorité à la recherche et à l'expertise sur ces sujets.
Le souci que nous avons tous de renforcer la sécurité sanitaire dans le domaine de l'environnement laissait espérer qu'un accord unanime pourrait se dégager sur ce texte. Tout comme votre rapporteur, je regrette dans ce contexte l'échec de la commission mixte paritaire. Je ne crois pas utile ici de détailler à nouveau les raisons qui ont conduit le Gouvernement à se prononcer contre certains amendements que vous proposez, notamment ceux qui sont relatifs à l'intégration dans l'AFSSE de l'Institut national de l'environnement industriel et des risques, l'INERIS. Tout a été dit sur le sujet par Mme Voynet.
Le premier constat qu'il faut dresser est un constat de carence. Nous ne disposons pas, en France, des équipes et des laboratoires nécessaires pour alimenter le travail d'expertise.
Le second constat est celui de la dispersion et du manque de cohérence.
C'est le souci du Gouvernement de répondre à ce double constat, dans cet ordre, qui a pu créer quelques différences d'approche.
Ce que nous souhaitons faire, c'est créer des moyens qui n'existent pas aujourd'hui, mettre en place un cadre qui accueille et développe de nouvelles équipes et s'appuie, en les fédérant, sur les efforts de prise en compte des impacts environnementaux sur la santé de multiples organismes de recherche et d'expertise.
La question de l'intégration de tel ou tel organisme devra de nouveau être envisagée et discutée sur la base du rapport prévu à l'article 3. Mais j'ai le sentiment qu'il est temps maintenant, après un an de débats parlementaires, de rassembler nos volontés pour oeuvrer de concert à combler les carences que nous avons tous constatées : il faut créer l'agence sans délai, la doter des moyens lui permettant de se mettre en place et procéder aux recrutements de qualité qui lui permettront de répondre aux questions qui, n'en doutons pas, lui seront posées très rapidement.
S'agissant des moyens du nouvel établissement public que nous vous proposons de créer, le Gouvernement a souhaité doter l'AFSSE dès cette année de 37 millions de francs et créer une quarantaine d'emplois nouveaux. Ce n'est, bien sûr, qu'un début et les moyens consacrés à l'agence devront croître rapidement à l'avenir, comme ce fut d'ailleurs le cas pour les autres agences que nous avons eu l'occasion et le plaisir de créer ensemble.
La proposition du Gouvernement approuvée par le Parlement de mette en place les crédits permettant de créer l'AFSSE avant même la fin du débat parlementaire témoigne de la volonté commune de l'exécutif et de la représentation nationale d'avancer rapidement sur ce sujet.
Mme Voynet et moi-même avons demandé à nos services de travailler, dès le vote de la loi, à l'élaboration des textes nécessaires pour que l'agence soit mise en place avant l'été et procède aux recrutements prévus dès cette année, car il y a effectivement urgence en la matière. On peut en effet rappeler non seulement les attentes fortes de l'opinion publique en matière de sécurité de l'environnement, mais aussi la nécessité de rattraper le retard pris en matière d'évaluation des risques liés aux substances chimiques, cela aussi bien en France que dans les autres pays de l'Union européenne.
Force est de constater que certains produits chimiques nuisent gravement à la santé humaine en entraînant des souffrances et des morts prématurées. Parmi les nombreux exemples bien connus, il faut citer l'amiante, notoirement responsable de cancers du poumon et de mésothéliomes, ou le benzène, qui provoque des leucémies. Bien que ces substances aient été totalement interdites ou aient fait l'objet d'autres restrictions, ces mesures sont trop souvent intervenues alors que leurs conséquences néfastes étaient malheureusement déjà apparues.
L'incidence de certaines maladies, comme le cancer testiculaire chez les jeunes hommes et les allergies, a considérablement augmenté au cours des dernières décennies, et les causes sous-jacentes n'ont pas encore été déterminées.
Le manque de connaissances concernant les effets de nombreux produits chimiques sur la santé humaine est une source de préoccupation. La population s'inquiète - et cela se conçoit aisément - lorsque l'on évoque l'exposition des enfants à certains phtalates libérés par les jouets, ou les concentrations de dioxines et furanes mesurées dans le lait maternel. Ces exemples trahissent l'insuffisance de nos connaissances actuelles en matière de substances chimiques existantes.
C'est pourquoi je considère, tout comme votre commission, que l'Agence de sécurité sanitaire environnementale aura un rôle fondamental à jouer sur l'évaluation du risque chimique.
En ce qui concerne le risque nucléaire, vous avez approuvé le principe de fusionner l'Office de protection contre les rayonnements ionisants, l'OPRI, et l'Institut de protection et de sûreté nucléaire, l'IPSN, dans le cadre d'un établissement public autonome chargé de la sûreté nucléaire et de la radioprotection, l'IRSN. Cette solution, suggérée par le rapport que M. Jean-Yves Le Déaut a remis au Premier ministre le 7 juillet 1998 - je m'en souviens - a été retenue après un long travail de concertation. Je dois dire que les choses n'ont pas évolué très vite depuis la remise de ce rapport !
Cette réforme doit être l'occasion, à mes yeux, d'accroître les moyens de la radioprotection, dans la continuité des importants efforts de remise à niveau mis en oeuvre depuis trois ans et dont l'OPRI avait principalement bénéficié.
Trop souvent, le débat sur les risques sanitaires radioactifs sert de prétexte pour introduire d'autres débats connexes sur l'avenir et sur les options techniques du nucléaire.
La radioprotection est une discipline de santé publique, ce qui sous-entend une doctrine et une éthique propres.
En ce qui concerne la tutelle du futur IRSN, le Gouvernement a décidé qu'elle sera assurée par les ministères chargés de la recherche, de l'industrie et, bien sûr, de l'environnement et de la santé.
M. Claude Huriet, rapporteur de la commission des affaires sociales. Pas de la défense ! (Sourires.)
M. Bernard Kouchner, ministre délégué à la santé. Ces tutelles seront précisées dans le décret pris en application de l'article 4 A.
Le Gouvernement a également décidé de maintenir en dehors du futur IRSN les activités de contrôle réglementaire qui sont actuellement exercées par l'IPSN et l'OPRI. Il s'agit là d'un souci de cohérence avec le principe de ne pas confier au même organisme les fonctions d'exploitation, d'évaluation et de contrôle. Les activités que mène actuellement l'IPSN dans les domaines relatifs à la défense et au contrôle du désarmement chimique seront maintenues au sein du Commissariat à l'énergie atomique. Le décret pris en application de l'article 4A permettra également de traduire ces décisions du Gouvernement.
Mais, au-delà des structures et de leur organisation, il importe aujourd'hui de mener une réflexion comparative sur ces différents domaines, sur les méthodologies retenues comme sur les risques pris en compte. Les actions de sécurité sanitaire méritent également une évaluation comparative avec les risques comportementaux majeurs, comme les accidents de la route, les conduites addictives ou les accidents de la vie domestique.
En effet, les décisions de sécurité sanitaire comportent toujours le risque de leur disproportion. Elles peuvent même s'avérer contraires aux objectifs recherchés si elles n'établissent pas une hiérarchie des risques et des moyens dont dispose la collectivité et qui sont par nature limités. Cette hiérarchie est nécessaire pour l'application stricte et intransigeante du principe de précaution - chaque fois qu'un risque est présent ou plausible et que les conséquences sont graves, durables ou irrémédiables - mais aussi pour l'affirmation du principe de responsabilité : responsabilité du politique pour les risques collectifs, responsabilité partagée pour les risques individuels.
Cette responsabilité partagée suppose un effort majeur de pédagogie du risque auquel je tiens particulièrement.
Il nous faut assurer l'information des citoyens et permettre l'exercice d'un droit de choisir : risque acceptable ou inacceptable, ressenti ou objectif. Il y a place pour une démarche de responsabilité des experts et des hommes politiques certes, mais aussi des citoyens.
Comment proportionner un danger alimentaire ou un risque sur l'environnement ? Comment comparer le coût de mesures destinées à réduire un risque hypothétique, mais potentiellement très grave, à celui de mesures qui viseraient à endiguer un risque moins grave mais plus probable ? Cela suppose des approches différenciées et adaptées à chaque secteur. Cette réflexion est d'autant plus nécessaire que le déploiement de moyens considérables sur certains risques peut conduire à négliger des risques éventuellement plus menaçants dans d'autres domaines.
Le Conseil national de sécurité alimentaire a mandaté plusieurs groupes de travail sur ces sujets. Il rendra plublic la synthèse de ces travaux. J'organiserai, dans ce cadre, une journée nationale de réflexion sur ce thème, et l'un des sujets majeurs que je retiendrai sera à l'évidence cette nécessaire pédagogie du risque. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Claude Huriet, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après l'échec de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi tendant à la création d'une agence française de sécurité sanitaire environnementale, l'Assemblée nationale a rétabli, le 6 février 2001, son texte en nouvelle lecture.
Les divergences de fond entre l'Assemblée nationale et notre assemblée portent principalement sur le contenu de la future agence de sécurité sanitaire. Les débats en commission mixte paritaire se sont cristallisés sur cette question et celle-ci a échoué sur l'article 2, relatif aux missions et aux moyens de cette agence.
Au cours de la première comme de la deuxième lecture, la commission a mis en évidence les défauts de conception et le manque de moyens de la nouvelle agence, qui jouerait « le rôle de tête de réseau » en « assurant une meilleure coordination entre les organismes existants » et en fédérant les compétences. Ce dispositif apparaît inadapté pour plusieurs raisons.
De même que pour la sécurité sanitaire des produits de santé et celle des aliments avant le vote de la loi du 1er juillet 1998, il manque en France, en matière de sécurité sanitaire de l'environnement, une véritable instance d'évaluation des risques susceptible d'éclairer les pouvoirs publics pour assurer la prévention et la gestion des crises.
Les interactions entre la santé et l'environnement, qu'il soit naturel ou transformé par l'homme, font intervenir encore plus de facteurs que dans le domaine alimentaire. Ce simple constat conduit déjà à plaider pour une structure forte.
En deuxième lieu, les attentes de l'opinion publique auxquelles vous venez de faire référence à l'instant, monsieur le ministre, sont aussi importantes dans le domaine des relations entre la santé et l'environnement qu'elles le sont dans celui de la sécurité sanitaire alimentaire et dans celui de la sécurité des produits de santé.
En troisième lieu, la future agence devrait avoir vocation à jouer un rôle majeur à l'échelon européen. Pensez-vous, monsieur le ministre, que la « tête de réseau » pourra imposer la France comme partenaire auprès des pays de l'Union européenne, dans un domaine si sensible ?
Le règlement du Conseil européen du 23 mars 1993 a prévu une procédure d'évaluation des risques sur la sécurité, l'environnement et la santé humaine pour près de 100 000 substances chimiques existantes et nouvelles commercialisées en Europe. La tâche est immense même s'il n'est pas nécessaire de « doublonner » les travaux d'expertise conduits par les industriels eux-mêmes. La France ne peut demeurer en retrait alors que certains de nos voisins sont déjà dotés d'organismes puissants et efficaces, tels que l'Institut national de la santé et de l'environnement hollandais, le RIVM, que j'ai eu l'occasion de visiter en tant que rapporteur. La visite était particulièrement instructive et je regrette que certains membres du Gouvernement n'aient pas pris le temps de se rendre aux Pays-Bas pour voir quelle pouvait être la dimension d'un organisme puissant susceptible de répondre aux attentes de l'opinion. On ne se contente pas là d'une simple tête de réseau !
Enfin, en quatrième lieu, il est essentiel de respecter la cohérence d'ensemble du dispositif de sécurité sanitaire mis en place par la loi du 1er juillet 1998, et je remercie M. le ministre d'avoir rappeler comment, dans un souci de collaboration, par une approche commune des problèmes posés et une recherche de solutions concertées, nous avons pu en commun apporter des réponses adéquates. Permettez-moi de déplorer qu'il n'en ait pas été de même cette fois-ci.
Les deux agences ont chacune été bâties autour d'un « noyau dur », même si cette démarche, en ce qui concerne l'AFSSA, a parfois rencontré des résistances, ce qui ne fut pas le fait du ministre délégué à la santé ou de son administration, je dois le dire.
Suivant la même démarche, le Sénat a proposé de bâtir la future AFSSE à partir de l'établissement public qui, par sa taille, par les compétences qui lui sont déjà attribuées et par son expérience, est le mieux à même de fournir un « socle » adéquat : l'Institut national de l'environnement industriel et des risques, l'INERIS.
Nous nous sommes efforcés de montrer, au cours de notre deuxième lecture, que les objections de certaines catégories de personnels de l'INERIS ne tenaient pas si l'on faisait preuve de volonté.
Le fait que l'INERIS soit doté d'attributions en matière de sécurité environnementale, et non pas seulement de sécurité sanitaire, apparaît en effet comme un atout plutôt que comme un handicap, dans la mesure où la bonne perception du risque sanitaire en matière d'environnement nécessite de prendre en compte sans restriction tous les facteurs susceptibles d'intervenir. En outre, comme on l'a vu, les directives européennes plaident pour une conception large de la mission de la nouvelle agence.
Par ailleurs, les prestations commerciales actuellement assurées par l'INERIS auprès des entreprises, et dont la Cour des comptes s'est émue, peuvent progressivement être reconverties ou adaptées, prolongeant ainsi le mouvement que vous avez vous-même amplifié.
Les questions relatives au statut de droit privé des personnels ne semblent pas constituer un obstacle dirimant dans la mesure où le législateur est parfaitement habilité à garantir, en tant que de besoin, le maintien des droits acquis et même à déroger aux règles traditionnellement imposées par la jurisprudence au pouvoir réglementaire pour définir le caractère d'un établissement public.
Le Sénat, au cours de la deuxième lecture, a donc recherché une possibilité de compromis.
La définition de la mission de la nouvelle agence, utilement précisée avec le concours précieux - irremplaçable allais-je dire - de notre collègue François Autain, a été encore complétée afin de recouvrir les risques « directs et indirects » que les facteurs environnementaux peuvent faire courir à la santé de l'homme.
Corollaire de cet élargissement d'approche, la dénomination de l'agence intègre, sans ambiguïté, la notion de « prévention des risques industriels et chimiques ».
Par ailleurs, il a été garanti au niveau de la loi que les moyens, droits et obligations de l'INERIS seraient intégralement transférés à la nouvelle agence afin d'éviter tout risque de découpage artificiel de l'organisme au détriment des compétences des personnels.
Enfin, le Sénat a explicitement autorisé la nouvelle agence à poursuivre, pendant trois ans, les activités de prestations aux entreprises actuellement assurées par l'INERIS, afin de ménager la période de transition nécessaire pour permettre l'élaboration du nouveau cadre déontologique d'exercice de ces activités.
La position du Sénat est apparue respectueuse des droits de chacun et je n'en veux pour preuve que la lettre adressée par le syndicat de l'encadrement de l'INERIS, le 3 avril, à M. Bernard Kouchner lui demandant son appui. Je cite quelques passages de cette lettre qui, certainement, vous est parvenue, monsieur le ministre.
« Nous ne pouvons que faire un constat d'échec sur la création d'une agence qui aurait dû apporter beaucoup à la population française dans la prévention de la santé liée à des phénomènes environnementaux.
« Nous ne comprenons pas que l'INERIS ne soit pas intégralement dans la nouvelle agence dont les objectifs seraient élargis. »
« Nous ne comprenons pas la volonté gouvernementale de créer une troisième agence aussi réduite sur un sujet aussi vaste. »
Il est donc faux de dire, monsieur le ministre, comme certains membres du Gouvernement l'ont fait, qu'une opposition des personnels de l'INERIS se manifestait à l'encontre de la proposition sénatoriale ; acte doit nous en être donné.
Notre démarche est sans doute celle qui protège le mieux les personnels de l'INERIS d'un risque de démantèlement, car la période dans laquelle nous entrons, période de préparation d'un nouveau rapport sur la rationalisation du système d'expertise dans le domaine de la sécurité environnementale, ne protège pas totalement l'INERIS d'un risque de « dépeçage ».
Enfin, la démarche suivie par le Gouvernement pour la création de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, l'IRSN, à partir de la fusion de deux organismes existants, suffirait à montrer que celui-ci n'hésite pas, à l'occasion, à restructurer en profondeur des établissements publics, quelles que soient les contraintes ou les inquiétudes qui en résultent pour les personnels.
Concernant l'IRSN, qui constitue en quelque sorte un deuxième volet à ce texte, volet qui n'était d'ailleurs pas prévu dans la proposition de loi, le Sénat a accepté le principe de la fusion entre l'Office de protection contre les rayonnements ionisants et l'Institut de protection et de sûreté nucléaire.
Comme l'ont souligné plusieurs de nos collègues membres de la commission des affaires économiques, la mesure aurait dû être examinée lors de la discussion du « projet de loi relatif à l'information en matière nucléaire, à la sûreté et à la protection contre les rayonnements ionisants ». D'ailleurs, l'intitulé même de ce projet de loi montre que c'est dans ce dernier, et non dans celui dont nous délibérons ce soir - vous avez dit tout à l'heure, monsieur le ministre, que cette restructuration faisait écho à certaines propositions du rapport Le Déaut, lequel date de 1998 -, qu'il eût été logique de faire figurer ces propositions.
Je précise que le secrétaire d'Etat à l'industrie a confirmé, le 29 mars dans cet hémicycle, le dépôt dans les prochains mois de ce texte autrement ambitieux.
Par ailleurs, le Sénat a procédé à l'adoption de deux amendements concernant deux problèmes particuliers, sur l'initiative de nos collègues membres du groupe d'études sur l'énergie, présidé par M. Henri Revol, ainsi que des membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Concernant les activités de recherche en sûreté sur les réacteurs, qui garantissent la fiabilité des futures centrales nucléaires, le Sénat a estimé qu'elles devaient continuer à ressortir aux activités de recherche conduites par le CEA.
S'agissant par ailleurs des ministères de tutelle, le Sénat a souhaité que lesdites activitées soient inscrites dans la loi de manière analogue à ce qui est prévu dans la proposition de loi pour l'AFSSE. Il a donc indiqué que le futur IRSN serait placé sous la tutelle conjointe de quatre ministères, à savoir ceux de l'industrie, de la défense, de l'environnement et de la santé.
L'Assemblée nationale, en nouvelle lecture, a tenu à revenir intégralement à son texte de deuxième lecture, y compris en rejetant les quelques amendements sénatoriaux qui avaient fait l'objet d'un avis favorable ou de sagesse, de la part du Gouvernement, concernant la définition des missions de l'agence et son rôle d'appui technique et scientifique.
S'agissant de l'IRSN, la situation apparaît particulièrement paradoxale en ce qui concerne la définition des tutelles puisqu'on nous affirme qu'elles ont été tranchées par arbitrage tout en refusant de transcrire cet arbitrage dans la loi, montrant ainsi que celui-ci est bien précaire.
La commission mixte paritaire a échoué, dans un climat qui contrastait, aux yeux de chacun d'entre nous, avec le climat consensuel de travail en commun - je l'ai évoqué après vous-même, monsieur le ministre - qui avait présidé à l'élaboration de la loi du 1er juillet 1998.
J'avais vu un signe positif dans le fait que, à l'issue de notre deuxième lecture, Mme la ministre ait dit espérer de tout coeur que l'on arrive à dégager une solution qui, quelle qu'elle soit, permettrait la mise en place de l'agence dans les meilleurs délais.
Cette proposition de loi nous offrait l'occasion de franchir une étape importante en érigeant une agence de sécurité sanitaire environnementale digne de ce nom et qui ne soit pas seulement une « coquille vide ».
Aussi, je ne peux que regretter que, à deux reprises, lorsque des voix soutenant la majorité gouvernementale exprimaient une divergence à propos d'un refus de compromis, des suspensions de séance aient été demandées, chacune aboutissant à un retour strict à la « discipline de groupe ».
J'ai ainsi proposé que l'appellation d'« institut » soit substituée dans un premier temps à celle d'« agence », et ce dans l'attente du rapport, déjà prévu dans la proposition de loi elle-même, qui doit déterminer de manière définitive le contour des futurs transferts d'organismes et de laboratoires. Il s'agit de l'article 3, selon lequel l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale remet au Gouvernement, dans un délai de deux ans à compter de l'entrée en vigueur de la loi, un rapport sur la rationalisation du système national d'expertise dans son domaine de compétence.
Monsieur le ministre, je vous fais confiance, à vous personnellement. Mais la démarche suivie actuellement en ce qui concerne la révision des lois dites de bioéthique de 1994 constitue un précédent qui me laisse pensif, voire dubitatif. En effet, le législateur avait exprimé sa volonté et le Premier ministre avait pris un engagement lors de la séance d'ouverture des journées publiques du Comité consultatif national d'éthique, engagement aux termes duquel le conseil des ministres devait être saisi, avant la fin du mois de mars, d'un projet de loi visant à modifier la loi de 1994, afin que le Parlement puisse commencer à en débattre au cours du deuxième trimestre 2001. Or nous sommes à la mi-avril et personne, pas plus M. le Premier ministre qu'un autre membre du Gouvernement, ne rappelle cet engagement. Je doute, dès lors, que celui-ci pourra être tenu.
Voilà pourquoi, monsieur le ministre, je suis de plus en plus sceptique quant à la capacité ou à la volonté du Gouvernement - sauf changement politique intervenant d'ici là - de tenir le rendez-vous que, deux ans auparavant, il aura lui-même proposé de faire figurer dans la loi.
En commission mixte paritaire, l'amendement lui-même a bien été adopté dans un premier temps ; toutefois, après une suspension de séance demandée par M. Jean Le Garrec, le vote définitif sur le texte modifié de l'article 2 n'a pas recueilli de majorité, ce qui témoigne de la volonté de faire échouer la commission mixte paritaire.
Le refus du compromis est d'autant plus flagrant que la proposition de loi inclut un nouvel organisme en matière de radioprotection et de sûreté nucléaire qualifié lui-même d'Institut ; M. Aschieri, rapporteur du texte à l'Assemblée nationale, admet au demeurant - il a répondu affirmativement à la question que je lui posais à ce sujet - que la création de l'IRSN préfigure bien celle d'une « quatrième agence » de sécurité sanitaire chargée du nucléaire. La démarche en deux étapes ne s'applique donc pas dans tous les cas.
Par ailleurs, on ne peut que regretter que nos collègues de l'Assemblée nationale aient confirmé que la future « Agence » de sécurité sanitaire environnementale ne prendrait pas en considération le risque lié aux ondes électromagnétiques, alors que l'on connaît l'importance que revêt ce risque pour nos concitoyens.
Ce comportement contraste donc bien avec ce que nous avons vécu voilà quelques années.
Il convient de rappeler qu'en septembre 1997 le Gouvernement de M. Lionel Jospin avait accepté l'inscription à l'ordre du jour prioritaire des deux assemblées de la proposition de loi relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l'homme, issue des travaux de notre commission menés par Charles Descours et moi-même, et déposée le 22 avril 1997, au moment où le gouvernement de M. Alain Juppé était en fonctions.
A l'époque, M. Hervé Gaymard, alors secrétaire d'Etat à la sécurité sociale, avait approuvé les propositions sénatoriales, ce qui ne devait pas vous empêcher, monsieur le ministre, alors que vous étiez devenu secrétaire d'Etat à la santé, de les reprendre pour en faire la base de discussion entre le Sénat et l'Assemblée nationale.
S'agissant de la discussion elle-même, malgré des divergences parfois fortes entre l'Assemblée nationale et le Sénat, notamment sur la nature des pouvoirs de contrôle et d'inspection qui devaient être attribués à l'AFSSA, la commission mixte paritaire réunie le 12 mai 1998 devait finalement réussir dans un esprit très constructif.
Autres temps, autres moeurs...
Trois ans après, force est de constater que le climat a changé. Le Gouvernement se montre plus soucieux d'afficher la création d'une nouvelle agence que de lui donner les moyens d'avoir une réelle autorité.
Je ne peux qu'être frappé par la modicité des moyens prévus pour la future agence : 38 millions de francs, avez-vous dit, avec création de quelques dizaines d'emplois. Incluez-vous, monsieur le ministre, dans les quarante emplois créés, les emplois qui seront détachés de l'INERIS, ce qui constitue, à l'évidence, le début d'un dépeçage. Votre réponse m'intéressera.
J'ajoute que, comme le souligne notre collègue Philippe Adnot, à la suite d'un récent contrôle, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, l'ADEME, dispose de près de 2 milliards de francs de trésorerie inutilisés par suite de défaut de prévision et d'un surdimensionnement volontaire des crédits. D'une part, cela montre bien qu'il existe déjà une agence qui a une vocation en matière d'environnement, même si ses attributions sont quelque peu différentes et, d'autre part, cela permet de rapprocher ces 2 milliards de francs de trésorerie des 37 millions de francs accordés « généreusement » par le Gouvernement dans la loi de finances pour 2001.
Faute d'une volonté de répondre en profondeur à la réalité des enjeux, le nouveau dispositif apparaît pour ce qu'il est : un collège d'experts supplémentaire qui alourdira les structures administratives sans les améliorer. En matière d'environnement, la réforme de la sécurité sanitaire sera une réforme en trompe-l'oeil !
Je vous proposerai donc, mes chers collègues, de rétablir les amendements adoptés par notre assemblée en deuxième lecture, laissant ainsi encore une chance à l'Assemblée nationale de choisir une meilleure solution. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis de nombreux mois, nous débattons, sans parvenir à un accord, de la création d'une Agence française de sécurité sanitaire environnementale. Quand tous les éléments semblaient réunis pour obtenir, dans des délais acceptables, l'adoption rapide d'un texte permettant la création de cette agence, de multiples obstacles sont apparus, notamment dans la définition du périmètre de compétence de cette dernière.
A présent, pour notre groupe, deux obstacles subsistent : d'une part, l'intégration au sein de l'AFSSE de l'Institut national de l'environnement industriel et des risques l'INERIS ; d'autre part, le débat sur le champ des compétences et des tutelles de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, qui résulterait de la fusion de l'Office de protection contre les rayonnements ionisants et de l'Institut de protection et de sûreté nucléaire ; sur ce dernier point, nous préférons la rédaction proposée par notre Haute Assemblée.
Les difficultés surgies de ce texte résultent d'une insuffisance de débat sur des enjeux extrêmements importants pour notre pays.
Ainsi, l'absence d'accord s'agissant du périmètre des compétences de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire révèle combien un débat est nécessaire sur le nuclèaire dans notre pays, notamment sur son utilisation énergétique.
Comme nous l'indiquions lors de la deuxième lecture de ce texte, il n'est pas acceptable que ce qui relève de la sûreté nucléaire ne fasse pas l'objet d'un débat associant l'ensemble des acteurs de la filière et le Parlement, mais aussi, plus largement, tous nos concitoyens. Les vides du texte concernant les tutelles de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire révèlent l'absence de transparence sur cette question.
Enfin, le transfert de l'Institut national de l'environnement industriel et des risques nous semble bien précipité et nous préférerions que cette décision intervienne à l'issue de la mise en place de la future Agence française de sécurité sanitaire environnementale.
Compte tenu des éléments qui précèdent, le groupe communiste républicain et citoyen s'abstiendra sur le texte qui nous est proposé en souhaitant qu'un accord intervienne dans les meilleurs délais, afin de doter notre pays d'un instrument que nous souhaitons efficace dans le domaine de la sécurité sanitaire environnementale.
L'actualité apporte chaque jour la preuve qu'il est plus que jamais nécessaire d'oeuvrer à une meilleure investigation en matière de risques, notamment de risques sanitaires liés à l'environnement. Aussi souhaitons-nous la mise en place de cette agence dans les meilleures délais.
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle que, aux termes de l'article 42, alinéa 10, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des projets ou propositions de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux chambres du Parlement n'ont pas encore adopté un texte identique.

TITRE Ier

SÉCURITÉ, VEILLE
ET ALERTE SANITAIRES ENVIRONNEMENTALES


TITRE II

AGENCE FRANÇAISE
DE SÉCURITÉ SANITAIRE ENVIRONNEMENTALE

M. le président. Par amendement n° 1, M. Huriet, au nom de la commission, propose :
I. - Dans l'intitulé de cette division, de remplacer le mot : « environnementale », par les mots : « de l'environnement et de prévention des risques industriels et chimiques ».
II. - En conséquence, dans l'ensemble des autres dispositions de la proposition de loi, de remplacer les mots : « Agence française de sécurité sanitaire environnementale » par les mots : « Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et de prévention des risques industriels et chimiques ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Claude Huriet, rapporteur. En nouvelle lecture, l'Assemblée nationale a rétabli la dénomination de l'agence adoptée par elle en première lecture.
La commission propose de rétablir, dans cet intitulé et dans l'ensemble de la proposition de loi, la dénomination adoptée par le Sénat en deuxième lecture : « Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et de prévention des risques industriels et chimiques » ; elle permet de mettre l'accent sur toutes les composantes de l'action de la future agence, en cohérence avec les missions actuelles de l'INERIS.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. La création de cette agence vise à combler un vide du dispositif de veille sanitaire. En matière de risques liés à l'environnement la dénomination retenue jusqu'ici pour cette agence renvoie explicitement aux missions générales qui découlent de ce constat : assurer la sécurité sanitaire dans le domaine de l'environnement. Ajouter la prévention des risques industriels et chimiques brouille le message concernant les fonctions de cette nouvelle agence, d'autant plus que je ne suis pas d'accord pour intégrer ces fonctions dans les missions de la nouvelle agence ; j'y reviendrai lors de la discussion des amendements portant sur les missions. C'est pourquoi je suis défavorable à cet amendement.
M. Claude Huriet, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Claude Huriet, rapporteur. Monsieur le ministre, j'ai bien entendu votre réponse, qui ne me surprend pas. Toutefois, je souhaiterais que vous précisiez les intentions ou les contre-propositions du Gouvernement permettant de répondre à un objectif qui, à nos yeux, n'est pas sur le point d'être atteint, à savoir la prévention des risques industriels et chimiques. Qui a ou va avoir en charge la prévention des risques industriels et chimiques, puisque vous avez confirmé à l'instant qu'elle n'entrait pas dans les attributions de la future agence ?
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Je réponds avec plaisir à M. le rapporteur : pour le moment, le rôle de prévention est dévolu à l'INERIS. Cela paraît clair. (M. le rapporteur sourit.)
M. le président. Monsieur le rapporteur, êtes-vous satisfait par la réponse de M. le ministre ?
M. Claude Huriet, rapporteur. Je suis moyennement satisfait. En effet, la réponse de M. le ministre apporte, à l'évidence, de l'eau à mon moulin. Si l'INERIS a bien cette attribution, M. le ministre devrait reconnaître, en son for intérieur tout au moins, qu'en toute logique l'INERIS doit entrer dans l'agence.
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Je reconnais que mon for intérieur tremble. (Sourires.)
M. le président. Mais le for est solide ! (Nouveaux sourires.)
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 1, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'intitulé du titre II est ainsi modifié.

Article 2



M. le président.
« Art. 2. - I. - Non modifié .
« II. - Dans le titre III du livre III de la première partie du code de la santé publique, après le chapitre V, il est inséré un chapitre V-1 ainsi rédigé :

« Chapitre V-1

« Agence française
de sécurité sanitaire environnementale

« Art. L. 1335-3-1 . - L'Agence française de sécurité sanitaire environnementale est un établissement public de l'Etat placé sous la tutelle des ministres chargés de l'environnement et de la santé.
« Dans le but d'assurer la protection de la santé humaine, l'agence a pour mission de contribuer à assurer la sécurité sanitaire dans le domaine de l'environnement et d'évaluer les risques sanitaires liés à l'environnement.
« Elle a pour vocation de fournir au Gouvernement, par tout moyen, l'expertise et l'appui scientifique et technique nécessaires à l'élaboration et à la mise en oeuvre des dispositions législatives et réglementaires, y compris les mesures d'adaptation au droit applicable dans les départements d'outre-mer, des règles communautaires et des accords internationaux relevant de son domaine de compétence, et instruit, pour son compte et sous l'autorité du directeur général, les dossiers que le Gouvernement lui confie.
« Elle procède ou fait procéder à toute expertise, analyse ou étude nécessaires, en prenant appui sur les services et établissements publics compétents, avec lesquels elle noue des relations contractuelles de partenariat durable.
« Un décret en Conseil d'Etat fixe la liste des établissements publics de l'Etat qui apportent leur concours permanent à l'agence. Dans un délai d'un an au plus tard après la publication de la loi n° du créant une Agence française de sécurité sanitaire environnementale, chacun de ces établissements négocie avec l'agence la mise à la disposition de celle-ci de ses compétences et moyens d'action.
« Le rapport prévu à l'article 3 de la loi n° du précitée rend compte en particulier de la mise en place de ces conventions de concours permanent.
« Ce décret en Conseil d'Etat fixe également les modalités selon lesquelles l'agence coordonne et organise les missions d'évaluation conduites par les autres organismes intervenant dans son champ de compétence.
« Pour l'accomplissement de ses missions, l'agence s'assure du concours d'organismes publics ou privés de recherche ou de développement, d'universités ou d'autres établissements d'enseignement supérieur, de collectivités territoriales ou de personnes physiques. De même, elle s'assure de tout concours nécessaire pour définir et financer des programmes de recherche scientifique et technique ou inciter à leur développement.
« Art. L. 1335-3-2 à L. 1335-3-5 . - Non modifiés. »
Par amendement n° 2, M. Huriet, au nom de la commission, propose, après les mots : « les risques sanitaires », de rédiger comme suit la fin du deuxième alinéa du texte présenté par le II de cet article pour l'article L. 1335-3-1 du code de la santé publique : « directs et indirects de nature physique, chimique ou biologique relatifs à l'environnement naturel, professionnel et domestique. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Claude Huriet, rapporteur. Cet amendement vise à rétablir la définition précise et exhaustive des missions de l'agence que le Sénat a élaborée au cours des deuxprécédentes lectures à partir d'un amendement de M. François Autain et des membres du groupe socialiste. Cet amendement avait d'ailleurs reçu un avis de sagesse du Gouvernement. On ne peut qu'être surpris qu'il ait fait l'objet de la « commission de la hache » qu'a constituée la commission mixte paritaire, qui a finalement échoué.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Je considère que la formulation adoptée par l'Assemblée nationale est pleinement satisfaisante, car elle est suffisamment générale pour ne pas exclure a priori un domaine auquel nous n'aurions pas pensé. Mme Dominique Voynet avait cependant émis un avis favorable sur l'amendement proposé par M. Autain, le 4 octobre dernier, car la liste proposée présentait un caractère suffisamment large pour permettre d'éviter cet écueil. Ce qui importe, en effet, c'est que le champ d'intervention de l'agence ne soit pas défini de façon trop restrictive. L'amendement que vous me proposez me semble, lui aussi, suffisamment large. Je m'en remets donc à la sagesse du Sénat.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 2, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du sénat.
Mme Gisèle Printz. Le groupe socialiste s'abstient.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 3, M. Huriet, au nom de la commission, propose de compléter le troisiène alinéa du texte présenté par le II de l'article 2 pour l'article L. 1335-3-1 du code de la santé publique par la phrase suivante : « L'agence peut également fournir une expertise et un appui technique et scientifique pour la mise en oeuvre des mesures prévues notamment par les livres II et V du code de l'environnement. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Claude Huriet, rapporteur. Cet amendement vise à réablir la précision introduite pour permettre à la nouvelle agence, en cohérence avec la mission impartie actuellement à l'INERIS, de fournir une aide et un appui techniques au Gouvernement pour l'application de diverses dispositions du code de l'environnement. Cet amendement avait donné lieu à un avis de sagesse du Gouvernement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Persister dans la sagesse ne peut pas m'être reproché ! Bien que cet amendement me paraisse un peu redondant, je reste sage.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 3, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
Mme Gisèle Printz. Le groupe socialiste vote contre.
M. Guy Fischer. Le groupe communiste républicain et citoyen également.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 4, M. Huriet, au nom de la commission, propose, après le quatrième alinéa du texte présenté par le II de l'article 2 pour l'article L. 1335-3-1 du code de la santé publique, d'insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« Un décret en Conseil d'Etat prévoit les conditions dans lesquelles les moyens, droits et obligations de l'Institut national de l'environnement industriel et des risques sont transférés intégralement à l'agence.
« Il garantit le maintien des droits des personnels de cet établissement tels qu'ils résultent du code du travail. Ces personnels conservent le bénéfice de leur contrat de travail de droit privé ainsi que leur régime de retraite complémentaire et de prévoyance. Une commission paritaire consultative assure le suivi des droits des personnels transférés. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Claude Huriet, rapporteur. Cet amendement vise à garantir le transfert intégral de l'INERIS à la future agence, en protégeant les salariés en poste, qui conserveront leur statut de droit privé et leurs avantages complémentaires. Cet amendement avait traduit le souci du Sénat, d'un bout à l'autre de son apport à ce texte, de préserver les droits acquis des personnels afin d'éviter la critique, qui, pourtant, ne lui a pas été épargnée, de faire totalement abstraction de l'intérêt des personnels de l'INERIS.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Comme vous le savez, le Gouvernement n'est pas favorable à l'intégration totale de l'INERIS dans l'agence. L'expertise de l'INERIS est, en effet, indispensable au Gouvernement quand il s'agit d'évaluer des risques qui ne sont pas de la compétence de la future agence.
Cette intégration ne serait pas non plus une solution satisfaisante pour l'agence française de sécurité sanitaire environnementale elle-même, qui doit disposer a priori de moyens lui permettant d'aborder tous les milieux sans en privilégier aucun.
Dans cette perspective, le législateur doit avoir le souci d'ouvrir au maximum le champ d'investigation de l'agence, en anticipant sur les sujets nouveaux dont elle pourrait être amenée à se saisir. Seule une agence jouant le rôle de tête de réseau peut drainer l'ensemble des capacités d'expertise qui interviennent déjà dans la décision publique. Cette tâche de coordination entre les organismes existants qui doit être pleinement efffective nécessite un décret d'application. Celui-ci mettra en évidence le premier cercle d'organismes qui, de par leur activité, auront vocation à apporter une expertise permanente. Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
Je rappelle cependant les conditions dans lesquelles Mme Voynet a été amenée à préciser les moyens qui, aujourd'hui, à l'INERIS, sont d'ores et déjà affectés à des sujets relevant de la compétence de la future agence. Deux laboratoires de l'INERIS travaillent actuellement sur ces questions, ce qui représente vingt-cinq personnes et vingt-deux millions de francs de crédit. Ces vingt-cinq personnes que j'évoquais et les budgets correspondants pourront être engagés de façon plus claire aux côtés de l'agence par le biais d'une convention. On peut imaginer aussi que des laboratoires de l'Institut national de la recherche agronomique, l'INRA, de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale, l'INSERM, et de l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer, l'IFREMER, puissent connaître le même sort. Il est nécessaire que l'agence puisse disposer de moyens importants et mobiliser, en tant que de besoin, des experts qui ne devront pas considérer que la commande de l'agence en est une parmi d'autres traitée en fonction des desiderata des uns et des autres. Il devrait s'agir d'une mission privilégiée, prioritaire, définie sur la base d'un contrat.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 4, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 2, modifié.

(L'article 2 est adopté.)

Article 2 bis A



M. le président.
L'article 2 bis A a été supprimé par l'Assemblée nationale.
Mais, par amendement n° 5, M. Huriet, au nom de la commission, propose de le rétablir dans la rédaction suivante :
« Par dérogation à l'article L. 1335-3-5 du code de la santé publique, pendant une durée de trois ans à compter de la publication de la présente loi, l'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et de prévention des risques industriels et chimiques peut bénéficier au titre de ses ressources du produit des rémunérations pour services rendus d'expertise et d'essais en matière de risques industriels et chimiques. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Claude Huriet, rapporteur. C'est à la suite de la suppression intervenue à l'Assemblée nationale que nous proposons, par cet amendement, de permettre à la future agence, constituée à partir de l'INERIS, de continuer à percevoir pendant une durée de trois ans des rémunérations au titre des expertises et essais effectués pour le compte des entreprises.
Nous ne doutons pas de la position du Gouvernement. Si, comme on peut s'y attendre, elle est négative, quelle suite le Gouvernement envisage-t-il de réserver aux observations, à nos yeux tout à fait pertinentes, de la Cour des comptes concernant l'INERIS ?
M. Emmanuel Hamel. Elles sont toujours pertinentes !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement.
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. S'agissant de la pertinence des avis de la Cour des comptes, je ne me prononcerai pas, sauf à dire que je respecte infiniment cette institution. Nous tiendrons bien sûr largement compte de ses observations.
M. le président. M. Emmanuel Hamel a satisfaction !
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Cela étant dit, n'oubliez pas que je suis défavorable au retour de l'intégration de l'INERIS dans l'agence.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 5.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 2 bis A est rétabli dans cette rédaction.

Article 3



M. le président.
« Art. 3. - L'Agence française de sécurité sanitaire environnementale remet au Gouvernement, dans un délai de deux ans à compter de l'entrée en vigueur de la présente loi, un rapport sur la rationalisation du système national d'expertise dans son domaine de compétence. » - (Adopté.)

TITRE III

DISPOSITIONS DIVERSES

Article 4 A



M. le président.
« Art. 4 A. - L'Office de protection contre les rayonnements ionisants et l'Institut de protection et de sûreté nucléaire sont réunis au sein d'un établissement public industriel et commercial dont le personnel est régi par les dispositions du code du travail, dénommé Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire.
« Un décret en Conseil d'Etat détermine les modalités du transfert de ces organismes et le statut du nouvel établissement public. Il précise quelles sont, parmi les missions exercées par les deux organismes réunis, celles qui doivent revenir à l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire.
« Dans un délai de trois ans à compter de la date d'entrée en vigueur du décret prévu à l'alinéa précédent, les agents contractuels de droit public de l'Office de protection contre les rayonnements ionisants transférés à l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire optent entre le maintien de leur contrat de droit public ou l'établissement d'un contrat de droit privé.
« Les personnels transférés à l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire sont électeurs et éligibles au conseil d'administration et aux instances représentatives du personnel prévues au code du travail.
« Les personnels, collaborateurs occasionnels et membres des conseils et commissions de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire sont tenus, sous peine des sanctions prévues à l'article 226-13 du code pénal, de ne pas divulguer les informations liées aux données dosimétriques individuelles auxquelles ils ont accès.
« Les personnels, collaborateurs occasionnels et membres des conseils et commissions de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire adressent au directeur général de l'institut, à l'occasion de leur nomination ou de leur entrée en fonction, une déclaration mentionnant leurs liens, directs ou indirects, avec les entreprises ou organismes dont l'activité entre dans le champ de compétence de l'institut. Cette déclaration est actualisée à leur initiative. »
Sur l'article, la parole est à M. Revol.
M. Henri Revol. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'ai tenu à prendre brièvement la parole sur l'article 4 A de la présente proposition de loi afin d'insister sur toute l'importance que mes collègues et moi-même, membres du groupe d'études de l'énergie, que j'ai l'honneur de présider, attachons à ce texte, qui, selon moi, ne méritait pas de figurer comme simple cavalier législatif dans une proposition de loi consacrée à l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale.
Comme l'a fort justement souligné notre excellent rapporteur, M. Huriet, on nous avait en effet annoncé un projet de loi sur la transparence dans le domaine nucléaire, puisant, comme vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, dans le rapport de M. Jean-Yves Le Déaut, en date du 7 juillet 1998. Le sort de l'IPSN et de l'OPRI devait y être largement traité et débattu. Monsieur le ministre, votre collègue M. Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie, annonce inlassablement depuis trois ans la sortie imminente de ce texte en disant : dans deux mois vous l'aurez, il va sortir. Or, on ne voit rien venir, sauf ce cavalier.
Mais puisque ce cavalier est là, comme le cheval à côté de l'alouette - c'est à peu près la proportion entre le budget de l'AFSSE et les budgets de l'IPSN et de l'OPRI - je souhaite, en particulier, souligner notre double souci de donner au Commissariat à l'énergie atomique les moyens de poursuivre dans de bonnes conditions ses recherches en matière de sûreté des réacteurs nucléaires et de définir dans la loi les modalités de la tutelle qui s'exercera sur le nouvel organisme : l'IRSN.
C'est pourquoi je me réjouis que notre commission des affaires sociales ait, sur la proposition de son rapporteur, adopté un amendement visant à rétablir cet article dans la rédaction votée par le Sénat en deuxième lecture. Je souhaite que notre assemblée adopte cet amendement dans quelques instants.
M. le président. Par amendement n° 6, M. Huriet, au nom de la commission, propose, dans le premier alinéa de l'article 4 A, après les mots : « protection et de sûreté nucléaire », d'insérer les mots : « , à l'exception de ses activités de recherche en sûreté sur les réacteurs, ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Claude Huriet, rapporteur. Cet amendement vise à exclure du champ d'intervention du futur IRSN la recherche en sûreté sur les réacteurs nucléaires, qui demeurerait donc sous la responsabilité du Commissariat à l'énergie atomique. Cela va dans le sens de l'intervention que vient de faire notre collègue M. Revol.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Monsieur Revol, j'ai bien entendu ce que vous avez dit, concernant cette loi de transparence, nécessaire.
S'agissant de l'amendement n° 6, la recherche de l'IPSN porte non pas sur les réacteurs, mais sur la sûreté, la radioécologie et la radioprotection. L'individualisation, décidée en 1976 et confirmée par tous les gouvernements successifs, d'un institut spécifique à l'intérieur du CEA visait à rendre autonome un ensemble cohérent allant de la recherche à l'expertise. Le rapport de M. Le Déaut confirme la justesse de cette approche et propose de la compléter par le rapprochement de l'OPRI et de l'IPSN en un établissement indépendant du CEA.
Vouloir revenir en partie sur ces orientations serait, à notre avis, un retour en arrière en ce qui concerne la maîtrise du risque et la qualité de l'expertise française en ces domaines. Bien entendu, la responsabilité d'exploitant nucléaire des réacteurs de recherche dédiés à la sûreté restera au CEA, comme c'est le cas des installations de Technicatom.
Par ailleurs, des conventions seront établies entre le CEA et l'IRSN pour la conduite en commun de certains programmes de recherche.
Aussi, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 6, repoussé par le Gouvernement.
Mme Gisèle Printz. Le groupe socialiste vote contre.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 7, M. Huriet, au nom de la commission, propose de compléter in fine le premier alinéa de l'article 4 A par une phrase ainsi rédigée : « L'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire est placé sous la tutelle conjointe des ministères de l'industrie, de la défense, de l'environnement et de la santé. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Claude Huriet, rapporteur. Cet amendement détermine une liste de quatre ministères de tutelle pour le futur IRSN : les ministères de l'industrie, de la défense, de l'environnement et de la santé.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 7, repoussé par le Gouvernement.
Mme Gisèle Printz. Le groupe socialiste vote contre.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 4 A, modifié.

(L'article 4 A est adopté.)

Article 5



M. le président.
« Art. 5. - Aux articles L. 221-1, L. 221-6 et L. 222-7 du code de l'environnement, les mots : "du Conseil supérieur d'hygiène publique de France" sont remplacés par les mots : "de l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale". » - (Adopté.)
Les autres dispositions de la proposition de loi ne font pas l'objet de la nouvelle lecture.

Vote sur l'ensemble



M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Printz pour explication de vote.
Mme Gisèle Printz. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, améliorer notre dispositif de sécurité sanitaire par la création d'une nouvelle agence chargée de la sécurité sanitaire environnementale apparaît aujourd'hui comme un impératif incontournable.
En effet, les interactions entre la santé de l'homme et l'environnement ne sont plus à démontrer. Tout concourt désormais à une prise de conscience collective des risques environnementaux et à une inquiétude bien légitime de la population.
L'actualité récente, avec son lot de crises environnementales, et nos lacunes évidentes en matière de connaissance et d'évaluation de ces risques rendent chaque jour plus pressante la mise en place d'un dispositif adéquat afin de prévenir comme de prémunir.
Cependant, bien que nous nous accordions tous sur la nécessité de compléter dans le champ de l'environnement notre dispositif de sécurité sanitaire, nous en sommes encore, après deux lectures et l'échec d'une commission mixte paritaire, à tergiverser sur les meilleurs moyens d'y parvenir.
Certes, je ne peux nier sans mauvaise foi les conciliations nées des divergences ni l'apport des navettes successives, la création de l'IRSN en est d'ailleurs l'exemple le plus significatif. Mais je crois qu'il convient maintenant de raisonner en termes d'urgence et d'efficacité.
En ce qui concerne le contenu de la future agence, il peut sembler à première vue extrêmement séduisant d'y intégrer l'INERIS en tant que noyau dur, comme le CNEVA l'avait été pour l'AFSSA. Mais si nous ne voulons pas que notre agence santé-environnement devienne une agence environnement-santé, il faudra nécessairement orienter petit à petit les compétences de ce modeste organisme, presque exclusivement centré sur la sécurité environnementale et limité aux seuls risques industriels, afin de développer la partie sanitaire. Cela signifie également qu'il faudra procéder à un aménagement statutaire de la structure et de son personnel.
Non seulement tout cela prendra du temps, mais il n'est pas dit pour autant que, par cette intégration, l'agence gagnera en efficacité. En effet, si nous voulons une agence dotée d'un champ de compétence le plus large possible, afin de répondre à des facteurs multiples touchant à une variété de milieux, nous devons absolument éviter d'orienter dès le départ l'agence vers des risques spécifiques au détriment de tous les autres.
En outre, compte tenu du caractère hétérogène et incohérent des organismes qui interviennent à différents niveaux dans le domaine de l'environnement, notre priorité doit être d'ordonner et d'organiser l'existant en vue d'une efficacité optimale.
C'est pourquoi il est essentiel que le rôle premier de la nouvelle agence soit celui de coordinateur en matière de sécurité sanitaire environnementale. Elle doit donc être un moteur pour le renforcement de la recherche en ce domaine. Cela n'exclut pas qu'une fois le système national d'expertise rationalisé, elle puisse intégrer en son sein plusieurs de ces organismes.
Enfin, s'agissant des compétences de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, à un moment où il apparaît de plus en plus inopportun de distinguer le contrôle de la sûreté des installations nucléaires et celui de leur incidence sur la santé, il semble nécessaire de privilégier des domaines de recherche plus larges et indépendants, afin de doter cet institut d'une capacité d'expertise la plus grande possible.
Il convient donc de ne pas exclure la recherche en sûreté sur les réacteurs, étant entendu que celle-ci porterait non pas sur les réacteurs eux-mêmes, mais bien sur la sûreté de ceux-ci, la radioprotection et la radioécologie.
Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste sera contraint d'émettre un vote négatif.
M. le président. La parole est à M. Doublet.
M. Michel Doublet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe du Rassemblement pour la République avait, lors des deux premières lectures, suivi le raisonnement de notre excellent rapporteur qui avait l'ambition de donner davantage de poids à la nouvelle agence française de sécurité sanitaire environnementale en la dotant d'un noyau dur constitué à partir de deux établissements publics existant, l'INERIS et l'OPRI.
En effet, les insuffisances de la conception et le manque de moyens du nouvel organisme ne pouvaient pas lui permettre de mener à bien les missions qui lui étaient confiées par cette proposition de loi.
Nous pensons au contraire que, à l'heure où les Français sont de plus en plus sensibles à la qualité de leur environnement, qu'il soit naturel, professionnel ou domestique, au moment où les législations européennes ont vocation à se rapprocher, il est essentiel de créer une structure forte. Ainsi que l'a souligné M. le rapporteur, la France ne peut rester en retrait sur un sujet aussi majeur. Or la majorité plurielle de l'Assemblée nationale a de nouveau repoussé les dispositions que le Sénat avait adoptées et a opté, en nouvelle lecture, pour une agence d'objectifs aussi privée de moyens que de financements.
Notre groupe partage la volonté de M. le rapporteur de s'opposer à la création d'un énième collège d'experts, dont nous ne dénigrons pas la qualité, mais qui risque d'alourdir les structures existantes, sans pour autant améliorer la sécurité sanitaire en matière d'environnement.
Notre groupe approuve donc les propositions du rapporteur de la commission des affaires sociales de garantir de nouveau l'intégration de l'INERIS dans l'agence tout en préservant le statut des personnels, de préciser l'intitulé de l'agence concernant ses compétences en matière de prévention des risques industriels et chimiques et de lui donner des compétences d'évaluation et d'expertise.
Quant à la création de l'institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, résultat de la fusion de l'OPRI et de l'IPSN, introduite en deuxième lecture à l'Assemblée nationale, nous ne pouvons que réitérer nos regrets quant à la procédure employée.
Le Gouvernement met ainsi en place la première étape du projet de réforme du système français de radioprotection, de contrôle et de sécurité sanitaire annoncé il y a quelques mois dans un texte qui concernait un tout autre débat. Notre groupe renouvelle sa désapprobation à l'égard de cette méthode tout à fait contestable sur la forme.
Quant au fond, la précipitation du Gouvernement a engendré une grande confusion dans la rédaction du dispositif. Si nous approuvons cette fusion, nous ne pouvons accepter un texte imprécis et ambigu. Notre groupe approuve donc la volonté de la commission de rétablir le texte adopté en deuxième lecture, qui améliore considérablement la proposition de loi, en excluant notamment les activités de recherche en sûreté sur les réacteurs nucléaires du nouvel établissement et en précisant la nature des tutelles qui auront vocation à s'exercer sur ce nouvel organisme.
Pour toutes ces raisons, notre groupe votera ce texte de loi tel qu'il ressort des travaux de notre Haute Assemblée. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. Claude Huriet, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Claude Huriet, rapporteur. Je veux d'abord remercier notre collègue Michel Doublet et ceux qui ont voté les amendements de la commission des affaires sociales.
Je veux aussi dire à Mme Printz qu'elle m'a donné un moment de satisfaction, hélas ! très fugitif. En effet, je ne sais pas à quoi elle faisait référence lorsqu'elle a souligné l'apport des navettes successives. Peut-être s'agissait-il de l'introduction, au travers d'un cavalier, de l'institut de radioprotection et de sûreté nucléaire.
Il faut se souvenir que cette volonté tardive du Gouvernement de répondre partiellement aux propositions du rapport Le Déaut procédait d'une initiative du Sénat. C'est bien parce que nous avons introduit en première lecture l'OPRI comme l'une des structures porteuses de la future agence que le Gouvernement, au travers de différents amendements de l'Assemblée nationale, est parvenu à l'IRSN. Il est d'ailleurs assez curieux de voir que l'objectif premier n'a pas été atteint et que, en revanche, un objectif fixé ultérieurement a, lui, été atteint, montrant par là même certaines incohérences dans l'attitude et la volonté politique du Gouvernement et de la majorité qui le soutient.
Permettez-moi de vous dire, madame Printz, que j'ai regretté que vous n'ayez pas été membre de la commission mixte paritaire lorsque vous avez dit que la situation actuelle était caractérisée par un manque de cohérence. Vous avez parlé d'organismes hétérogènes et incohérents. Je vous applaudis !
Vous avez également dit que les propositions du Sénat, dans sa majorité, tendaient à mettre en place une structure extrêmement séduisante eu égard à l'organisme voulu par le Gouvernement, que vous avez qualifié de « modeste ». Je ne doute pas que si vous aviez été présente en commission mixte paritaire vous auriez pu exprimer la voix qui nous a manqué pour parvenir à un accord.
C'est donc sur cette satisfaction mitigée et sur ce regret que je termine mon intervention, non sans vous remercier, monsieur le ministre, d'avoir bien voulu participer au débat que vous avez pris, hélas ! en cours de route. En effet, si vous aviez pu exercer les fonctions et les responsabilités qui sont désormais les vôtres, peut-être auriez-vous été plus écouté que la majorité sénatoriale et peut-être aurions-nous eu davantage de chances de parvenir au résultat dont chacun de nous s'est prévalu ce soir au travers de la création des agences qui ont doté la France de dispositifs enviables. Il est dommage que ces dispositifs n'aient pas pu être complétés, ce soir, par une véritable Agence de sécurité sanitaire environnementale.
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Je souhaite tous vous remercier. Les compliments de M. le rapporteur me sont allés droit au coeur, même si les suppositions sont faciles.
En réalité, tout cela me paraît très positif, parce que nous menons ce combat ici, ensemble, depuis dix ans...
M. Claude Huriet, rapporteur. Depuis l'Agence du médicament !
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Effectivement, depuis l'Agence du médicament, qui a été créée, vous vous en souvenez, dans des circonstances un peu rapides, et qui est très efficace. Des centaines de personnes y travaillent, à la satisfaction générale et pour le plus grand bien de l'idée de santé publique.
Ensuite, a été créée l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, puis, maintenant, cette agence française de sécurité sanitaire environnementale.
Sans votre travail, sans votre obstination, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, notre pays serait moins bien doté en matière de sécurité et de santé publique. Je tiens à vous en remercier.
Rien n'est terminé ! Nous allons faire évoluer ces agences à partir d'un effectif que vous jugez, pour le moment, trop réduit. Quarante postes sont prévus. Il y en aura d'autres ! Vous verrez que, dans les années, voire les mois à venir, nous développerons ce travail pour le bien de tous.
M. le président. Monsieur le ministre, nous apprécions les paroles d'espoir que vous venez de prononcer.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.

(La proposition de loi est adoptée.)

9

ÉGALITE PROFESSIONNELLE
ENTRE LES FEMMES ET LES HOMMES

Rejet d'une proposition de loi
en nouvelle lecture

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion, en nouvelle lecture, de la proposition de loi (n° 208, 2000-2001), adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relative à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. [Rapport n° 251 (2000-2001).]
M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de loi relative à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes vient en discussion en nouvelle lecture devant votre assemblée.
Le texte, dans son état actuel, reflète l'importance du travail accompli par les deux chambres, et je me réjouis que des compromis aient pu être trouvés en ce qui concerne les conjoints collaborateurs, la protection de la maternité des femmes travaillant la nuit, la représentation équilibrée des femmes et des hommes aux élections prud'homales.
Malheureusement, de nombreux points de désaccord demeurent, et un accord global n'a pu être dégagé.
En déposant une question préalable aujourd'hui, la commission des affaires sociales marque l'arrêt du débat sur un texte qui traite à l'évidence d'un sujet majeur de société.
Je souhaite réaffirmer ici la position du Gouvernement, en revenant, de façon évidemment synthétique, sur les axes essentiels de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, à savoir la négociation collective sur l'égalité professionnelle, la représentation des femmes et des hommes dans les élections professionelles et l'encadrement du travail de nuit, après quoi, au nom de Michel Sapin, j'évoquerai brièvement les dispositions relatives à la fonction publique.
En ce qui concerne, tout d'abord, la négociation, la proposition de loi vise à renforcer les dispositions de la loi du 13 juillet 1983, en développant le dialogue social sur l'égalité professionnelle dans la branche et dans l'entreprise. Je tiens d'ailleurs à rappeler que ce texte a fait l'objet d'une large concertation avec les partenaires sociaux au sein du conseil supérieur de l'égalité professionnelle.
II s'agit de donner aux syndicats les moyens de négocier véritablement l'égalité professionnelle au sein de la branche et de l'entreprise de la façon la plus adaptée.
C'est ce rôle déterminant qui est conféré au rapport annuel de situation comparée sur les conditions générales d'emploi et de formation des femmes et des hommes dans l'entreprise. Grâce à des indicateurs pertinents, définis par décret, l'ensemble des négociateurs disposeront d'une plus grande lisibilité des informations, qu'il s'agisse de l'embauche, de la formation ou de la rémunération. Une large information des salariés sera assurée par voie d'affichage.
Il m'apparaît important de maintenir, dans cette nouvelle lecture, une périodicité triennale en la matière, et ce aussi bien dans la branche professionnelle que dans l'entreprise. Je reste convaincue que cette négociation, pour être effective, doit être assortie de sanctions en cas de manquement.
De plus, l'assouplissement des conditions de conclusion des contrats d'égalité de la loi de 1983, qui a reçu un accueil favorable des deux assemblées, complète l'ensemble de ces dispositions et permet de conforter l'action des négociateurs en matière d'égalité professionnelle.
J'évoquerai maintenant, de façon tout aussi synthétique, la représentation équilibrée des hommes et des femmes dans les élections professionnelles.
Les travaux du Conseil supérieur de l'égalité professionnelle, dont je veux ici, une fois encore, souligner l'excellence, ont permis d'avancer vers une représentation équilibrée des femmes et des hommes dans les instances prud'homales. Lors du prochain scrutin de 2002, les listes présentées par les organisations professionnelles vont réduire d'un tiers le déficit actuel du nombre de femmes.
A cet égard, le Gouvernement s'engage à remettre au Parlement un rapport évaluant la mise en oeuvre effective de ces dispositions et proposant, le cas échéant, de nouvelles mesures pour une représentation véritablement équilibrée en 2007.
J'évoquerai d'un mot la situation des conjoints collaborateurs, ou plutôt, devrais-je dire, des conjointes collaboratrices des artisans, des commerçants et des agriculteurs, qui pourront dorénavant devenir électrices et éligibles aux élections prud'homales en lieu et place du titulaire, si celui-ci le souhaite.
Le troisième chapitre de cette proposition de loi a introduit un volet relatif au travail de nuit, qui fait dorénavant l'objet d'un chapitre spécifique dans le code du travail.
L'objectif du Gouvernement est d'améliorer les conditions de travail de tous les salariés, hommes et femmes, qui exercent leur activité professionnelle la nuit.
Comme l'a souligné l'Assemblée nationale, le travail de nuit doit rester exceptionnel. L'accord collectif qui conditionne sa mise en place doit être justifié par la nécessaire continuité de l'activité économique ou par des services d'utilité sociale.
Je me réjouis que ce texte permette une définition du travail de nuit et intègre des dispositions qui confèrent des garanties et des contreparties à l'ensemble des salariés travaillant de nuit.
Ce texte apporte aussi de nouvelles garanties aux femmes enceintes. Elles pourront être affectées à un poste de jour, à leur demande ou à la demande du médecin du travail, à n'importe quel moment de leur grossesse. En cas d'impossibilité pour l'employeur de reclasser la salariée, celle-ci bénéficiera d'une allocation maternité, versée par la sécurité sociale et complétée par l'employeur. Je me félicite que votre proposition visant à instaurer une indemnité journalière au titre de la maternité, proposition soutenue par le Gouvernement, ait recueilli une très large approbation à l'Assemblée nationale.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite réaffirmer devant vous les aspects novateurs de ce texte sur l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. J'ai présidé toutes les séances du conseil supérieur de l'égalité professionnelle. Comme je m'y étais engagée, nous avons su allier des propositions issues du dialogue social avec des dispositions législatives issues de la volonté politique. La démarche mérite, me semble-t-il, d'être soulignée.
Vous me permettrez, au nom de Michel Sapin, d'évoquer brièvement l'égalité professionnelle dans la fonction publique.
Je rappelle l'objectif du Gouvernement : faire évoluer les pratiques dans les administrations et favoriser les conditions d'une égalité en marche entre les hommes et les femmes.
Je note avec satisfaction la réelle convergence de vues entre le Sénat et l'Assemblée nationale sur ces objectifs. Nombre d'articles ont ainsi été adoptés conformes par les deux assemblées. Quelques articles reviennent devant vous.
L'Assemblée nationale est revenue à son texte concernant le contenu du rapport évaluatif biannuel remis par le Gouvernement au Parlement.
Pour moderniser le recrutement et la gestion de la fonction publique et permettre aux femmes d'y trouver leur juste place, il est nécessaire de diversifier la composition des jurys pour assurer la prise en compte de points de vue et de profils différents.
De même, le Parlement doit pouvoir disposer de l'information la plus complète sur la situation professionnelle comparée des hommes et des femmes.
L'ensemble de ces mesures doit permettre de rééquilibrer la structure hiérarchique des administrations afin qu'elle reflète davantage la composition de la société.
Je l'avais déjà dit devant nous en deuxième lecture : l'Etat employeur doit, à cet effet, montrer l'exemple. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Annick Bocandé, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le Sénat est amené à se prononcer aujourd'hui, en nouvelle lecture, sur la proposition de loi relative à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. La commission mixte paritaire, réunie le 16 janvier dernier, n'a en effet pas pu se mettre d'accord sur un texte commun.
Cet échec témoigne de l'ampleur des divergences entre nos deux assemblées. Il ne doit pas masquer, pour autant, l'importance du travail déjà accompli.
La navette a progressivement permis d'enrichir une proposition de loi initialement modeste et, somme toute de portée très restreinte, pour en faire aujourd'hui, grâce aux apports des deux assemblées, un texte plus dense, passant de vingt-deux à quarante-deux articles.
Cet exemple illustre, a contrario, les risques que fait peser l'urgence sur la qualité des travaux parlementaires. La navette a, dans le cas présent, permis d'instaurer un réel dialogue entre les deux chambres et de trouver des compromis satisfaisants sur certains points, même si un accord global n'a pu se dégager. Je me félicite donc qu'une véritable discussion se soit engagée sans avoir été escamotée par une déclaration d'urgence, qui n'aurait, à l'évidence, pas permis d'aboutir aux mêmes avancées.
Il semble pourtant que ce dialogue touche aujourd'hui à son terme. Ainsi, vingt articles restaient en discussion à l'issue de la deuxième lecture au Sénat. L'Assemblée nationale, en nouvelle lecture, est revenue, pour l'essentiel, à son texte de deuxième lecture. Nous sommes donc saisis, en nouvelle lecture, de vingt et un articles restant en discussion.
Quantitativement, le bilan de la navette apparaît donc, pour la nouvelle lecture, on ne peut plus mince. L'Assemblée nationale n'a voté conforme aucun article adopté par le Sénat. Elle est revenue mot pour mot à son texte de deuxième lecture pour dix-huit articles. Elle a modifié deux articles et a adopté un nouvel article additionnel.
Qualitativement, cependant, le bilan de la navette est plus nuancé. Certes, les principaux compromis avaient déjà eu lieu avant la réunion de la commission mixte paritaire. Je pense, notamment, aux mesures en faveur d'une meilleure représentation des conjoints collaborateurs ou d'une meilleure représentation des femmes dans les élections prud'homales.
J'observe toutefois que cette nouvelle lecture n'a pas été totalement stérile. Je constate en effet avec satisfaction que deux importantes dispositions votées par le Sénat en deuxième lecture ont été adoptées par l'Assemblée nationale.
Il s'agit d'abord - vous l'avez rappelé, madame le secrétaire d'Etat - de la nouvelle allocation d'assurance maternité versée à la salariée enceinte ou venant d'accoucher, médicalement inapte à occuper un poste de nuit et ne pouvant être affectée à un poste de jour.
Il s'agit également de la prolongation, pendant un mois si le médecin du travail le juge nécessaire, de la période d'affectation de la salariée travaillant généralement la nuit à un poste de jour ou de la période de suspension du contrat de travail à l'issue du congé de maternité.
Ces mesures, très concrètes, permettront d'assurer une réelle protection de la maternité des femmes travaillant la nuit. Je me félicite que le Sénat soit à l'origine de ces dispositions, et je tenais à rendre hommage à votre soutien constructif sur ce point, madame le secrétaire d'Etat.
M. Emmanuel Hamel. Très bien !
Mme Annick Bocandé, rapporteur. Pour autant, ces convergences ne peuvent occulter l'ampleur des désaccords qui séparent les deux assemblées.
Ces désaccords sont au nombre de cinq.
Le premier touche au coeur du contenu initial de la proposition de loi, à savoir la négociation collective sur l'égalité professionnelle. Sur ce point, il est clair que les deux assemblées ne partagent pas la même conception du rôle de la négociation collective. Le Sénat estime en effet que la mise en place d'obligations de négocier doit rester compatible avec la nécessaire autonomie des partenaires sociaux. Nous considérons ainsi que la loi n'a pas à fixer le socle, le rythme et le déroulement de ces négociations. Nous estimons surtout que l'introduction d'une sanction pénale directe et immédiate n'est pas un moyen approprié pour ouvrir un dialogue social serein et constructif en matière d'égalité professionnelle.
Le deuxième désaccord concerne la question cruciale de l'articulation entre vie familiale et vie professionnelle, qui n'est pas abordée par la présente proposition de loi. Or, ce sont pourtant bien souvent les difficultés que rencontrent les femmes à concilier vie familiale et vie active qui alimentent les inégalités professionnelles.
Les femmes restent encore trop fréquemment dans l'obligation d'interrompre leur carrière pour élever leurs enfants et se heurtent à d'importantes difficultés pour revenir sur le marché du travail. Aussi, le Sénat a fait sur ces points, sur l'initiative de la commission, deux propositions concrètes et raisonnables. L'Assemblée nationale les a supprimées, et je le déplore.
Le troisième désaccord concerne la représentation des femmes dans le monde professionnel. Le Sénat, sur proposition de notre collègue, Gérard Cornu, avait pris de fortes initiatives en la matière. S'inscrivant dans cette perspective, la commission avait souhaité affirmer le principe d'une représentation équilibrée des femmes et des hommes dans la constitution des listes de candidature pour les élections des délégués du personnel et aux comités d'entreprise. L'Assemblée nationale a choisi une autre voie, dénuée de portée normative, se contentant d'affirmer ce principe sans pour autant en préciser les moyens d'application. Cette démarche, preuve d'un évident embarras, me semble insuffisante.
Le quatrième désaccord, sans doute celui qui sépare le plus profondément les deux assemblées, tient à la question du travail de nuit. Si l'Assemblée nationale et le Sénat se rejoignent sur la nécessité d'une modernisation du cadre juridique actuel, d'ailleurs largement inexistant, ils s'opposent, en revanche, sur le contenu de ce nouveau régime légal.
La rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale est en effet loin d'être satisfaisante, car elle se révèle paradoxalement à la fois inutilement contraignante pour les entreprises et insuffisamment protectrice pour les salariés.
Certes, l'Assemblée nationale a repris, lors de la nouvelle lecture, les propositions du Sénat pour une meilleure protection des femmes enceintes ou venant d'accoucher et travaillant la nuit, mais elle n'a pas suivi le Sénat dans sa volonté de garantir une plus grande autonomie aux partenaires sociaux. Or il me semble indispensable de renforcer ce qui relève du dialogue social par rapport à ce qui est fixé trop uniformément par la loi. Il me semble également nécessaire de privilégier la négociation d'entreprise, qui a le mérite d'être plus proche des réalités du terrain et plus respectueuse des intérêts des salariés.
Sur ce point, un exemple me paraît très significatif de la rigidité de la position de l'Assemblée nationale et des conséquences dommageables que cela ne manquera pas d'entraîner : je veux parler de la question des contreparties au travail de nuit.
L'Assemblée nationale a rendu obligatoire l'octroi, au titre de ces contreparties, d'un repos supplémentaire, la majoration de rémunération n'étant qu'optionnelle. L'intention est certes louable, mais la mesure apparaît pourtant peu appropriée. En effet, elle ne prend pas en compte le mouvement actuel de réduction du temps de travail, qui permet déjà aux salariés de bénéficier de temps de repos supplémentaires, et elle ne répond pas aux aspirations de ces derniers, qui souhaitent généralement des majorations de rémunération. Mais, surtout, elle oblige à renégocier la grande majorité des accords sur la réduction du temps de travail signés ces derniers mois et qui abordent, pour la plupart d'entre eux, la question du travail de nuit.
Dès lors, une telle disposition devient une grande source d'insécurité juridique pour les entreprises et oblige celles-ci à reprendre les négociations dans un contexte difficile. Elle ne prend pas non plus en compte les efforts réalisés par de nombreuses entreprises pour organiser le travail de nuit. C'est pourquoi j'estime plus pertinent de laisser aux partenaires sociaux le soin de déterminer eux-mêmes la nature des contreparties au travail de nuit.
Le dernier point de désaccord, peut-être le moins important d'entre eux, concerne le volet du texte relatif à la fonction publique. Le Sénat est favorable à l'inscription dans la loi de la « clause de sauvegarde » qui permettrait d'assurer exceptionnellement la mixité, dans les jurys, par la présence d'un seul membre de l'un ou l'autre sexe. L'Assemblée nationale y est opposée, alors que la démarche du Sénat se veut très pragmatique : il s'agit simplement de prendre en compte les difficultés d'application qui pourraient survenir dans certains corps dont la composition par sexes est très déséquilibrée.
Au total, les désaccords restent profonds. Les chances d'aboutir à un compromis sur l'un ou l'autre de ces points semblent aujourd'hui, en l'état actuel du débat, inexistantes. En effet, en nouvelle lecture, l'Assemblée nationale a confirmé la quasi-totalité des positions qu'elle avait adoptées en deuxième lecture. Elle a donc ainsi clairement signifié qu'elle avait d'ores et déjà dit son dernier mot.
Dans ces conditions, la commission considère qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération. Elle propose en conséquence au Sénat d'adopter une motion tendant à opposer la question préalable à la présente proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Muzeau.
M. Roland Muzeau. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, cette nouvelle lecture au Sénat de la proposition de la loi relative à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ne va certes pas faire progresser la condition des femmes dans le monde du travail, mais elle aura au moins le mérite de mettre en lumière les profondes divergences qui nous opposent à nos collègues de la majorité sénatoriale.
D'une façon générale, ceux-ci se sont attachés, et les débats l'ont montré, à supprimer tout droit nouveau accordé aux salariés et toute contrainte imposée aux entreprises, afin de ne pas entraver la recherche effrénée du profit maximal.
Le leitmotiv d'une loi du marché déterminant toutes les relations économiques et sociales n'a cessé de résonner dans cette enceinte. Il a été considéré une nouvelle fois que toute intervention de l'Etat dans l'économie serait une hérésie et toute référence à un cadre légal général dans le domaine de la négociation collective une aberration.
Dans cette optique, nos collègues de la majorité sénatoriale estiment que le texte issu des débats à l'Assemblée nationale induit trop de rigidité dans la négociation entre partenaires sociaux et trop de contraintes pour les employeurs ayant recours au travail de nuit. Ils préfèrent que ces questions se règlent à l'échelon de l'entreprise, sans référence à un quelconque cadre général inscrit dans la loi.
C'est une vision de la société que nous ne partageons pas.
Nous pensons au contraire qu'il est urgent de s'engager dans une tout autre démarche visant à réguler par la loi les effets dévastateurs, sur le plan social, de la recherche d'une rentabilité de plus en plus élevée des capitaux.
Les derniers exemples en date, à cet égard, qu'il s'agisse de Philips, de Moulinex, de Danone, de Marks & Spencer ou de Delphi General Motors, montrent, avec la plus grande acuité, que nous ne pouvons plus nous contenter de tenir un discours compatissant à l'adresse de salariés qui perdent leur emploi pour que des actionnaires touchent des dividendes encore plus forts, et qu'il nous faut désormais imposer par la loi que des pratiques aussi nocives ne puissent plus avoir cours.
Vous vous placez, chers collègues de la majorité sénatoriale, sur une ligne bien différente, puisque le dépôt de votre motion tendant à opposer la question préalable a pour objet de signifier que, à vos yeux, le texte ne va pas assez loin dans la libéralisation du travail de nuit et engendrera des contraintes trop importantes pour les entreprises.
Au nom de l'égalité entre les femmes et les hommes, ce qui est recherché, c'est la banalisation du travail de nuit pour les hommes comme pour les femmes, et ce afin de satisfaire aux impératifs économiques fixés par le patronat.
Or on ne dira jamais assez que le travail de nuit est nocif pour la santé des salariés qui sont contraints de l'exercer. Et que l'on ne nous parle pas de liberté pour les femmes de choisir de travailler la nuit ! Lorsque des femmes émettent le souhait d'effectuer un travail de nuit, il s'agit uniquement pour elles de tenter d'augmenter un peu leurs rémunérations et, en aucun cas, d'opérer un choix de vie pouvant déboucher sur un épanouissement personnel ou professionnel.
La généralisation du travail de nuit témoigne de la volonté du patronat d'utiliser au mieux la main-d'oeuvre disponible pour faire tourner à plein régime l'appareil de production et dégager une meilleure rentabilité. Elle s'inscrit dans une démarche qui vise à introduire davantage de flexibilité dans le monde du travail.
A cet égard, la référence aux « contraintes économiques de l'entreprise » dans le texte issu de la deuxième lecture au Sénat ou à « la nécessité d'assurer la continuité de l'activité économique » dans la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture pour justifier le recours au travail de nuit montre bien que, sur le fond, le danger est réel pour tous les salariés, hommes et femmes, de devoir subir « l'économique ».
Telle n'est pas notre façon de voir les choses. Nous sommes favorables à une interdiction du travail de nuit pour les femmes et pour les hommes et nous pensons qu'il ne faudrait accorder des dérogations à cette règle qu'en raison d'impératifs sociaux ou techniques.
Il est donc très regrettable que la majorité sénatoriale ait décidé de refuser la discussion et déposé une motion tendant à opposer la question préalable, d'autant que le texte aurait pu être encore amélioré sur de nombreux points.
En ce qui nous concerne, nous nous opposerons bien sûr à l'adoption de cette motion. Si le débat n'a plus lieu dans notre hémicycle, il émergera de toute façon tôt ou tard grâce aux luttes sociales, et les salariés, hommes et femmes, pourront alors, comme toujours, compter sur notre soutien dans leur combat pour leur dignité. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen) .
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.

Question préalable



M. le président.
Je suis saisi par Mme Bocandé, au nom de la commission, d'une motion n° 1 tendant à opposer la question préalable.
Cette motion est ainsi rédigée :
« En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat,
« Considérant que la présente proposition de loi n'apporte que des réponses partielles et inadaptées au souci légitime de promouvoir et de renforcer l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ;
« Considérant que le texte adopté en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale témoigne d'une conception archaïque et autoritaire de la place de la négociation collective dans les relations sociales ; que l'instauration de nouvelles obligations de négocier strictement encadrées apparaît difficilement compatible avec la nécessaire autonomie des partenaires sociaux ; que l'introduction d'une nouvelle sanction pénale ne constitue pas, à l'évidence, le moyen approprié pour ouvrir un dialogue social serein et constructif en matière d'égalité professionnelle ;
« Considérant que la présente proposition de loi n'aborde pas l'importante question de l'articulation entre vie familiale et vie professionnelle qui apparaît pourtant comme l'un des principaux vecteurs des inégalités entre les femmes et les hommes dans le monde du travail ; que l'Assemblée nationale a, par deux fois, repoussé les propositions concrètes et raisonnables du Sénat en faveur d'une meilleure conciliation entre vie familiale et vie professionnelle ;
« Considérant que la présente proposition de loi, dans la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, ne prévoit pas de dispositions réellement susceptibles d'améliorer la représentation des femmes lors des élections professionnelles ; qu'elle se contente d'énoncer de simples déclarations de principe ;
« Considérant que le nouveau régime légal pour le travail de nuit se révèle paradoxalement à la fois inutilement contraignant pour les entreprises et insuffisamment protecteur pour les salariés ; qu'il n'accorde qu'une place trop restreinte au dialogue social ; que les propositions constructives du Sénat en la matière ont pour la plupart été ignorées par l'Assemblée nationale ;
« Considérant que le Sénat, en première et deuxième lecture, a tenu à améliorer, à enrichir et à compléter la proposition de loi ; que les améliorations, enrichissements et compléments du Sénat ont été pour l'essentiel écartés par l'Assemblée nationale ;
« Considérant que l'Assemblée nationale, en nouvelle lecture, a ainsi entendu signifier qu'elle avait d'ores et déjà dit son dernier mot ;
« Décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relative à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (n° 208, 2000-2001). »
Je rappelle que, en application du dernier alinéa de l'article 44 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
La parole est à Mme le rapporteur, auteur de la motion.
Mme Annick Bocandé, rapporteur. Je crois m'être déjà largement exprimée sur les raisons du dépôt de cette motion. Je n'en dirai donc pas davantage. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Emmanuel Hamel. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Printz, contre la motion.
Mme Gisèle Printz. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le dépôt d'une motion tendant à opposer la question préalable à l'occasion de la nouvelle lecture d'un texte sur lequel il n'y a manifestement pas d'accord possible entre les deux assemblées du Parlement apparaît comme une solution technique d'une efficacité incontestable, permettant de ne pas prolonger inutilement le débat. Voilà qui peut se comprendre aisément !
Il est néanmoins dommage que cette procédure soit utilisée dans le cas présent, s'agissant d'un texte qui traite à la fois de l'égalité professionnelle et de la protection des salariés qui travaillent la nuit.
En effet, il est fondamental que le travail de nuit soit strictement encadré et, surtout, qu'il ne puisse y être recouru qu'à la condition qu'un accord collectif ait été conclu. Il serait tout à fait choquant que l'on puisse se passer de l'aval des représentants du personnel pour mettre en oeuvre une forme de travail portant durablement atteinte, on le sait, à la santé des salariés qui y sont soumis.
En cette matière, il est indispensable qu'une contrainte pèse sur l'employeur pour protéger a minima la santé et la sécurité des travailleurs. La limitation de la durée maximale du travail de nuit, l'instauration d'une surveillance médicale renforcée, particulièrement en direction des femmes enceintes, sont tout aussi nécessaires.
Il est également évident que, en l'absence d'association des représentants du personnel, la mise en oeuvre de contreparties en termes de temps de repos et, éventuellement, de salaire risquerait fort de rester lettre morte.
Ces garanties n'ont pu être inscrites lors du débat parlementaire que grâce à la réflexion et à la contribution de chacun d'entre nous. Par conséquent, il est toujours regrettable d'abréger, fût-ce pour des raisons de commodité, un débat qui peut se révéler fructueux, même s'il est fondé sur la confrontation d'idées nettement différentes.
En ce qui concerne l'égalité professionnelle, nous défendons en effet des idées, voire des projets de société, tout à fait opposés. Il ne s'agit plus ici de préciser les modalités du dialogue social, comme nous pouvons en débattre de manière toujours intéressante avec Mme le rapporteur ; il s'agit, en définitive, du rôle et de la place de la femme dans la société et, le cas échéant, au sein de la famille qu'elle aura créée.
Nous estimons, en particulier, que la question de l'articulation entre la vie professionnelle et la vie familiale, qui est fondamentale, ne doit pas être traitée au détour d'un texte relatif à l'égalité professionnelle. Ce n'est pas le même sujet : il convient d'assurer aux femmes, d'une part, l'égalité professionnelle avec les hommes, et, d'autre part, un déroulement correct des deux aspects, professionnel et familial, de leur vie.
En effet, de notre point de vue, si l'on mêle les deux éléments, les femmes seront perdantes, et ce pour une raison simple : on nous dira, ou pis on ne nous dira rien mais c'est ainsi que les choses se passeront, que, en raison de la nécessité de mieux articuler vie professionnelle et vie familiale, nous les femmes ne pourrons jamais prétendre à l'égalité professionnelle. Seules les femmes de condition aisée, qui auront les moyens de faire accomplir par d'autres qu'elles-mêmes les tâches ménagères, y parviendront peut-être. Cette dichotomie ne ferait que renforcer les inégalité sociales, et ce n'est évidemment pas ce que nous voulons.
Si la question de l'égalité professionnelle stricto sensu doit donc faire l'objet d'une intervention législative, c'est un risque de vouloir agir en même temps sur le second aspect que j'évoquais, sauf peut-être lors de l'élaboration de la loi de finances, pour obtenir que des moyens suffisants soient dégagés afin de favoriser le renforcement et la diversification des modes de garde des enfants dont les deux parents travaillent.
Il est maintenant important d'inciter à une vraie prise de conscience au sein de notre société. Les hommes sont, comme les femmes, responsables de l'éducation des très jeunes enfants : c'est l'affaire autant du père que de la mère. Ce que nous revendiquons, et que les pouvoirs publics doivent mettre en place, c'est non pas seulement l'égalité professionnelle, mais aussi l'égalité familiale.
Cette notion est en effet beaucoup plus juste et moins pernicieuse pour les femmes que celle d'« articulation », qui ne sera jamais satisfaisante, car, pas plus que les hommes, nous les femmes ne pouvons faire tenir deux vies en une seule.
Il convient donc d'instaurer une égalité de droits mais aussi de devoirs et, s'il le faut, rendre obligatoire la prise d'une partie du congé parental par le père, comme cela se pratique déjà dans d'autres pays. Certes, et cela est rassurant, les mentalités des jeunes parents évoluent, mais le poids des traditions et la pression sociale, poussant notamment les pères à ne prendre aucune fraction du congé parental, restent forts.
De même, les statistiques montrent que, en général, une femme qui est en congé ou qui travaille à temps partiel accomplit la totalité des tâches ménagères. Elle revient alors à son rôle traditionnel, dans lequel elle risque d'ailleurs de s'enliser si elle reste trop longtemps éloignée du versant professionnel de sa vie.
Sans doute aurions-nous pu poursuivre ce débat. Malheureusement, la motion tendant à opposer la question préalable que la majorité du Sénat s'apprête à voter va y mettre un terme. Nous le regrettons et nous voterons donc contre, ce qui ne nous empêche pas d'exprimer notre accord, sur le fond, avec la proposition de loi qui nous est soumise.
M. le président. Je rappelle qu'en application du dernier alinéa de l'article 44 du règlement la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Doublet.
M. Michel Doublet. Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ainsi que madame le rapporteur l'a souligné ce soir, le Sénat a une haute conception du rôle des partenaires sociaux qu'à l'évidence la majorité de l'Assemblée nationale ne partage pas.
Il aurait sans nul doute été plus judicieux de laisser les partenaires sociaux entamer des négociations sur le thème de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, ainsi qu'ils s'y sont engagés, plutôt que de mettre en place une lourde procédure de négociation punie par une nouvelle sanction pénale, ce qui n'est pas le moyen le plus approprié pour ouvrir un dialogue social serein et constructif en matière d'égalité professionnelle.
Néanmoins, ce texte aborde un sujet essentiel, même s'il ne semble pas apporter les réponses adéquates. Si les femmes sont de plus en plus prises en considération dans de nombreux secteurs d'activité, les terrains à conquérir restent très importants.
Concernant notamment les salaires, si l'écart de rémunération entre les deux sexes à poste équivalent se réduit dans le privé, il demeure cependant élevé : 17 %.
Dans la fonction publique, il est frappant de constater que de telles disparités sont au moins aussi importantes que celles qui existent dans le privé, les femmes occupant bien souvent les emplois où les carrières sont bloquées.
Notre groupe regrette que l'Assemblée nationale n'ait pas considéré que l'égalité des femmes dans le monde du travail passait tout d'abord par la recherche de l'égalité en dehors de l'entreprise, là où naissent les difficultés pour concilier harmonieusement vie familiale et vie professionnelle.
Nous déplorons donc que les amendements défendus par la commission des affaires sociales et adoptés par le Sénat lors des deux premières lectures, qui allaient dans le bon sens en ouvrant de nouvelles pistes pour améliorer véritablement la situation des femmes, aient été écartés trop rapidement.
Quant aux articles concernant le secteur public, il est également regrettable que les dispositions tendant à améliorer le texte afin de tenir compte des éventuelles difficultés d'application du principe de mixité dans certains corps dont la représentation par sexe est très déséquilibrée aient été repoussées par pur dogmatisme.
S'agissant de l'examen des dispositions portant sur le travail de nuit des femmes, nous avons été plusieurs sur ces travées à dénoncer les méthodes employées par le Gouvernement, qui ont été bien désinvoltes à l'égard de la Haute Assemblée.
S'il est effectivement nécessaire de moderniser le cadre juridique actuel, il est regrettable que la rédaction de l'Assemblée nationale aboutisse à mettre en place des contreparties du travail de nuit qui contraignent les entreprises à renégocier l'ensemble des accords conclus sur le temps de travail. Remettre en cause des accords signés par les partenaires sociaux ne nous paraît pas de nature à favoriser la paix sociale au sein d'une entreprise.
Pour toutes ces raisons, le groupe du Rassemblement pour la République votera la question préalable présentée par Mme le rapporteur de la commission des affaires sociales.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix la motion n° 1, repoussée par le Gouvernement.
Je rappelle que son adoption entraînerait le rejet du projet de loi.

(La motion est adoptée.)
M. le président. En conséquence, la proposition de loi est rejetée.

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TEXTE SOUMIS AU SÉNAT EN APPLICATION
DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
Deux projets d'instruments juridiques prévoyant d'éventuelles modifications de la convention Europol ainsi qu'une extension du mandat d'Europol :
- Initiative du Royaume de Suède en vue de l'adoption d'un acte du Conseil établissant, sur la base de l'article 43, paragraphe 1, de la convention Europol, le protocole modifiant l'article 2 de ladite convention ;
- Initiative du Royaume de Suède en vue de l'adoption d'une décision du Conseil étendant le mandat Europol à la lutte contre les formes graves de criminalité internationale énumérées à l'annexe de la convention Europol et ajoutant des définitions de ces formes de criminalité à ladite annexe : note de la présidence au groupe « Europol ».
Ce texte sera imprimé sous le numéro E-1719 et distribué.

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RETRAIT D'UN TEXTE SOUMIS AU SÉNAT
EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4
DE LA CONSTITUTION

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre une communication, en date du 17 avril 2001, l'informant du retrait du texte soumis en application de l'article 88-4 de la Constitution suivant :
E 1710. Lettre de la Commission européenne du 2 février 2001 relative à une demande de dérogation présentée par l'Allemagne en application de l'article 30 de la sixième directive du Conseil du 17 mai 1977 en matière de la TVA (construction d'un pont frontalier).

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DÉPÔT DE RAPPORTS

M. le président. J'ai reçu de M. Christian Bonnet un rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale sur la propositon de loi organique, adoptée par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, modifiant la date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale (n° 255, 2000-2001).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 270 et distribué.
J'ai reçu de M. Georges Othily, un rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale sur la proposition de loi de MM. Jean-Jacques Hyest et Guy-Cabanel relative aux conditions de détention dans les établissements pénitentiaires et au contrôle général des prisons (n° 115, 2000-2001).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 271 et distribué.

13

DÉPÔTS RATTACHÉS POUR ORDRE
AU PROCÈS-VERBAL DE LA SÉANCE
DU 5 AVRIL 2001

DÉPÔT D'UN PROJET DE LOI

M. le président. M. le président du Sénat a reçu, le 11 avril 2001, de M. le Premier ministre un projet de loi portant habilitation du Gouvernement à prendre, par ordonnances, les mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer.
Ce projet de loi sera imprimé sous le numéro 269, distribué et renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE

M. le président du Sénat a reçu, le 11 avril 2001, de MM. Charles Descours, Jean Delaneau, Jacques Bimbenet, Jean Chérioux, Dominique Leclerc, Jean-Louis Lorrain, Jacques Machet, Lucien Neuwirth, Philippe Nogrix, Bernard Seillier et Alain Vasselle une proposition de loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale.
Cette proposition de loi organique sera imprimée sous le numéro 268, distribuée et renvoyée à la commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

DÉPÔT DE PROPOSITIONS DE LOI

M. le président du Sénat a reçu, le 6 avril 2001, de M. André Vallet une proposition de loi modifiant les articles L. 162, L. 210-1 et L. 264 du code électoral concernant les conditions de maintien des candidatures au second tour d'une élection.
Cette proposition de loi sera imprimée sous le n° 263, ditribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
M. le président du Sénat a reçu, le 6 avril 2001, de MM. Georges Mouly, Bernard Murat, Louis Althapé, Pierre André, Georges Berchet, Jean Bernard, Roger Besse, Laurent Beteille, Jacques Bimbenet, Jean Bizet, Mme Paulette Brisepierre, MM. Louis de Broissia, Michel Caldaguès, Robert Calmejane, Auguste Cazalet, Jacques Chaumont, Jean Chérioux, Gérard Cornu, Xavier Darcos, Désiré Debavelaere, Jacques-Richard Delong, Fernand Demilly, Christian Demuynck, Charles Descours, Michel Doublet, Paul Dubrule, Daniel Eckenspieller, Michel Esneu, Jean François-Poncet, Bernard Fournier, Alfred Foy, Alain Gérard, François Gerbaud, Francis Giraud, Paul Girod, Georges Gruillot, Hubert Haenel, Bernard Joly, André Jourdain, Roger Karoutchi, Lucien Lanier, Patrick Lassourd, Robert Laufoaulu, René-Georges Laurin, Dominique Leclerc, Jacques Legendre, Jean-François Le Grand, Aymeri de Montesquiou, Paul Natali, Lucien Neuwirth, Mme Nelly Olin, MM. Joseph Ostermann, Jacques Pelletier, Martial Taugourdeau, René Trégouët et André Vallet une proposition de loi relative à la réforme de l'atelier protégé et au statut d'entreprise adaptée.
Cette proposition de loi sera imprimée sous le numéro 266, distribuée et renvoyée à la commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

TEXTES SOUMIS AU SÉNAT EN APPLICATION
DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION

M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1267/1999 établissant un instrument structurel de préadhésion.
Ce texte sera imprimé sous le numéro E 1712 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement du Conseil autorisant l'offre et la livraison à la consommation humaine directe de certains vins importés susceptibles d'avoir fait l'objet de pratiques oenologiques non prévues par le règlement (CE) n° 1493/1999.
Ce texte sera imprimé sous le numéro E 1713 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du conseil portant attribution d'une nouvelle aide financière exceptionnelle au Kosovo.
Ce texte sera imprimé sous le numéro E 1714 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif au relevé statistique des transports par chemin de fer.
Ce texte sera imprimé sous le numéro E 1715 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Lettre de la Commission européenne du 16 mars 2001 relative à une demande de dérogation présentée par le Danemark conformément à l'article 8, paragraphe 4 de la directive 92/81/CEE du Conseil, du 19 octobre 1992, concernant l'harmonisation des structures des droits d'accises sur les huiles minérales.
Ce texte sera imprimé sous le numéro E 1716 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de directive du Conseil modifiant la directive 92/79/CEE, la directive 92/80/CEE et la directive 95/59/CE en ce qui concerne la structure et les taux d'accises applicables aux tabacs manufacturés.
Ce texte sera imprimé sous le numéro E 1717 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant les contrats de garantie financière.
Ce texte sera imprimé sous le numéro E 1718 et distribué.

DÉPÔT D'UN RAPPORT

M. le président du Sénat a reçu le 6 avril 2001 un rapport déposé par M. Henri Revol, président de l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques sur le contrôle de la sûreté et de la sécurité des installations nucléaires, deuxième partie : la reconversion des stocks de plutonium militaire, l'utilisation des aides accordées aux pays d'Europe centrale et orientale et aux nouveaux Etats indépendants, établi par M. Claude Birraux, député au nom de l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques.
Ce rapport sera imprimé sous le numéro 264 et distribué.

DÉPÔT DE RAPPORTS D'INFORMATION

M. le président du Sénat a reçu le 6 avril 2001 de MM. Jean Delaneau, Jacques Bimbenet, Louis Boyer, Mme Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Claude Domeizel, Guy Fischer, Alain Gournac, Jean-Louis Lorrain et Alain Vasselle un rapport d'information fait au nom de la commission des affaires sociales à la suite d'une mission effectuée du 5 au 13 septembre 2000 par une délégation chargée d'étudier la réforme des systèmes de retraite en Suède et en Italie.
Ce rapport d'information sera imprimé sous le numéro 265 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu le 7 avril 2001 de M. Claude Huriet un rapport d'information fait au nom de la commission des affaires sociales sur le fonctionnement des comités consultatifs de protection des personnes dans la recherche biomédicale.
Ce rapport d'information sera imprimé sous le numéro 267 et distribué.

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ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mercredi 18 avril 2001.
A quinze heure :
- Discussion en nouvelle lecture du projet de loi (n° 201, 2000-2001), adopté avec modifications par l'Assemblée nationale, en nouvelle lecture, relatif aux nouvelles régulations économiques.
Rapport (n° 257, 2000-2001) de M. Philippe Marini, fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
Aucune inscription de parole dans la discussion générale n'est plus recevable.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.
En outre, le soir :
- Examen de la demande présentée par la commission des affaires économiques, tendant à obtenir du Sénat l'autorisation de désigner une mission d'information sur la lutte contre l'épizootie de fièvre aphteuse.

Délai limite pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements

- Deuxième lecture de la proposition de loi, adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, relative à la répression des rejets polluants des navires (n° 207, 2000-2001).
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 18 avril 2001, à dix-sept heures.
- Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, de modernisation sociale (n° 185, 2000-2001).
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 23 avril 2001, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : ouverture de la discussion générale.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.

(La séance est levée, à vingt-trois heures vingt.)

Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON





ORDRE DU JOUR PRÉVISIONNEL
(Application de l'article 29, alinéa 3 bis, du règlement)

En application de l'article 29, alinéa 3 bis, du règlement du Sénat, M. le ministre des relations avec le Parlement a communiqué à M. le président du Sénat, le 13 avril 2001, la lettre suivante :
Monsieur le président,
J'ai l'honneur de vous communiquer, en application de l'article 29, alinéa 3 bis, du règlement du Sénat, le calendrier prévisionnel de travail du Sénat jusqu'à la fin de la présente session.
Comme il est d'usage, et conformément à la décision du Conseil constitutionnel du 15 décembre 1995, j'assortirai ce calendrier des réserves relatives au caractère indicatif de cette programmation, qui ne saurait lier le Gouvernement dans l'exercice de ses prérogatives mentionnées à l'article 48, alinéa premier, de la Constitution.
Outre diverses navettes et projets de loi autorisant l'approbation de conventions internationales, le Sénat sera saisi des sujets suivants :

Deuxième quinzaine d'avril

Nouvelle lecture de la proposition de loi organique modifiant la date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale.
Nouvelle lecture de la proposition de loi tendant à la création d'une Agence française de sécurité sanitaire environnementale.
Nouvelle lecture de la proposition de loi relative à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.
Nouvelle lecture du projet de loi relatif aux nouvelles régulations économiques.
Deuxième lecture de la proposition de loi modifiant les dispositions du code de l'environnement relatives à la répression des rejets polluants des navires.
Projet de loi de modernisation sociale.

Première quinzaine de mai

Suite du projet de loi de modernisation sociale.
Conclusions de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture du projet de loi portant création d'une prime pour l'emploi.
Projet de loi portant règlement définitif du budget de 1999.
Deuxième lecture du projet de loi organique relatif au statut des magistrats et au Conseil supérieur de la magistrature.
Nouvelle lecture du projet de loi relatif à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception.
Projet de loi relatif à la réalisation d'un itinéraire à très grand gabarit entre le port de Bordeaux et Toulouse.
Projet de loi portant diverses dispositions statutaires relatives aux magistrats de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes et modifiant le code des juridictions financières.
Deuxième lecture de la proposition de loi tendant à renforcer la prévention et la répression à l'encontre des groupements à caractère sectaire.
Deuxième lecture de la proposition de loi tendant à la reconnaissance de la traite et de l'esclavage en tant que crime contre l'humanité.
Projet de loi portant habilitation du Gouvernement à prendre par ordonnances les mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer.

Deuxième quinzaine de mai

Projet de loi relatif à la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées et à l'allocation personnalisée d'autonomie.
Deuxième lecture de la proposition de loi relative à la lutte contre les discriminations.
Proposition de loi organique relative aux lois de finances.
Projet de loi relatif à la sécurité quotidienne.
Projet de loi portant diverses mesures d'ordre social.
Projet de loi portant diverses mesures urgentes à caractère économique et financier.

Première quinzaine de juin

Conclusions de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture du projet de loi de modernisation sociale.
Projet de loi relatif au statut de Mayotte.
Conclusions de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture du projet de loi relatif à la réalisation d'un itinéraire à très grand gabarit entre le port de Bordeaux et Toulouse.
Deuxième lecture du projet de loi d'orientation sur la forêt.
Conclusions de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture du projet de loi relatif à la sécurité quotidienne.
Proposition de loi relative aux droits du conjoint survivant.
Proposition de loi relative à la mise en place d'une allocation d'autonomie pour les jeunes de seize à vingt-cinq ans.
Proposition de loi relative à l'assurance des non-salariés agricoles contre les accidents du travail et les maladies professionnelles.

Deuxième quinzaine de juin

Conclusions de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture du projet de loi relatif à la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées et à l'allocation personnalisée d'autonomie.
Déclaration du Gouvernement suivie d'un débat sur la coopération internationale.
Déclaration du Gouvernement suivie d'un débat sur les orientations budgétaires.
Conclusions de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture du projet de loi portant diverses mesures d'ordre social.
Conclusions de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture du projet de loi organique relatif au statut des magistrats et au Conseil supérieur de la magistrature.
Conclusions de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture du projet de loi d'orientation sur la forêt.
Conclusions de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture de la proposition de loi relative à la lutte contre les discriminations.
Deuxième lecture de la proposition de loi tendant à moderniser le statut des sociétés d'économie mixte locales.
Conclusions de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture du projet de loi relatif au statut de Mayotte.
Projet de loi tendant à autoriser la ratification du traité de Nice.
Deuxième lecture de la proposition de loi organique relative aux lois de finances.
Je vous prie d'agréer, Monsieur le président, l'expression de ma haute considération.

Signé : Jean-Jack Queyranne



Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)

Mise en place du contrat local
de sécurité à Rambouillet

1049. - 9 avril 2001. - M. Gérard Larcher attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les difficultés rencontrées pour la mise en oeuvre du contrat local de sécurité signé entre l'Etat et la ville de Rambouillet, le 13 juillet 1999, et la mise en place de la police de proximité telle que prévue par le Gouvernement. Malgré les engagements pris en juillet 1999 par le préfet des Yvelines et lors de la réunion d'évaluation de la mise en oeuvre du contrat local de sécurité en juillet 2000, la circonscription de police de Rambouillet est toujours en attente des effectifs nécessaires pour la mise en oeuvre du contrat local de sécurité, on y constate même un déficit croissant en effectifs de policiers. En conséquence, il lui demande quelles dispositions il compte prendre pour mettre réellement en place les moyens nécessaires à la sécurité publique qui se dégrade depuis trois ans de manière significative, tant au plan de la circonscription de police de Rambouillet que sur la voie ferrée (ligne Montparnasse-Rambouillet-Chartres).

Réglementation du transport routier de marchandises

1050. - 9 avril 2001. - M. Jean Chérioux souhaite appeler l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur les conséquences de l'application du décret n° 99-752 du 30 août 1999 qui a profondément modifié la réglementation du transport routier de marchandises. Ce texte prévoit, notamment, l'inscription au registre des transporteurs et des loueurs de toutes les entreprises de transport public routier de marchandises exerçant leur activité à l'aide de véhicules d'au moins deux essieux. Cette inscription est soumise à trois conditions : l'honorabilité, la capacité financière et la capacité professionnelle. Or cette dernière condition pose de graves problèmes d'application aux professionnels qui, dotés d'une longue expérience, doivent passer un examen destiné à apprécier leur qualification, alors même qu'ils exercent leur métier depuis plusieurs dizaines d'années. Nul ne saurait contester l'intérêt de renforcer le niveau de qualification des dirigeants d'entreprises de transport. Cependant, la réglementation actuelle contraindra certains dirigeants, en exercice depuis de nombreuses années, à mettre la clé sous la porte. C'est pourquoi il serait souhaitable de n'appliquer le décret précité qu'aux « nouveaux entrants » du secteur du transport.

Rôle des services régionaux de l'archéologie

1051. - 10 avril 2001. - M. Philippe Richert attire l'attention de Mme le ministre de la culture et de la communication sur le rôle des services régionaux de l'archéologie et s'étonne qu'en application des circulaires des 2 et 9 avril 1999 des services régionaux de l'archéologie attribuent un monopole aussi bien pour les études archéologiques du sol que pour les élévations. Certains services régionaux de l'archéologie vont jusqu'à affirmer qu'« une étude des élévations, non réalisée par l'Association pour les fouilles archéologiques nationales (AFAN) aujourd'hui (et demain par le futur établissement public) ou réalisée sans autorisation expresse du SRA à partir d'un dossier de demande d'opération archéologique ou de repérage, constitue une infraction à la loi validée du 27 septembre 1941 modifiée et peut l'objet d'un procès-verbal transmis au procureur de la République » ! Des « refus conservatoires » sur des demandes de permis de construire ont été été notifiés pour réaffirmer ces principes. En conséquences, il lui demande de lui indiquer s'il y aura monopole (sauf dérogation) de l'établissement public, malgré les assurances fournies par le sous-directeur de l'archéologie, le 14 septembre 1999, lors des entretiens juridiques du patrimoine qui se sont tenus au Sénat, entretiens au cours desquels il a été assuré que le décret en cours de préparation ouvrirait une concertation avec les universités, les archéologues territoriaux, le centre national de la recherche scientifique (CNRS) et les associations. Il aimerait savoir si le nouvel établissement public aura également un monopole pour le relevé des élévations dans le cadre des études préalables aux travaux et, enfin, quels sont les textes qui autorisent les services de l'Etat à notifier des « refus conservatoires » à l'occasion d'instruction des demandes d'autorisation de travaux pour la restauration des éléments en élévation des immeubles non classés au titre de la loi du 31 décembre 1913 sur les monuments historiques.

Difficultés de gestion
de l'office public d'HLM de Périgueux

1052. - 12 avril 2001. - M. Xavier Darcos appelle l'attention de Mme le secrétaire d'Etat au logement sur les difficultés de gestion auxquelles est sérieusement confronté l'office public d'HLM de Périgueux, et qui résultent de deux causes majeures. D'une part, cet office doit faire face à des locataires indélicats qui quittent leur logement sans préavis, sans remettre les clefs qui leur ont été confiées et, bien entendu, sans payer leur loyer. Plusieurs années sont parfois nécessaires pour que l'office soit en mesure de récupérer matériellement le logement abandonné. L'article 14 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 stipulant qu'« en cas d'abandon de domicile, tout contrat de location continue à bénéficier à un certain nombre d'ayants droit », ce qui encourage les mauvais payeurs, il lui demande de bien vouloir lui faire connaître les dispositions susceptibles d'être prises afin de mieux définir cette notion d'abandon, et de prévoir qu'en cas de relance de loyers impayés par lettre recommandée restée sans réponse, la clause résolutoire du bail s'applique aussitôt. D'autre part, l'office rencontre des difficultés de gestion dues à des logements laissés vacants après le décès d'un locataire. L'article 1324 du nouveau code de procédure civile dispose qu'« un mois après le décès d'un locataire, lorsqu'il n'y a pas de successible connu, le juge d'instance peut autoriser le propriétaire des locaux sur lesquels ont été apposés les scellés à procéder à ses frais à l'enlèvement des meubles ». Or, en l'état, cet article est inapplicable : des biens vacants sont gelés parfois plus d'un an sans que l'office puisse pénétrer dans les lieux ou les récupérer, alors même que les demandes de logements sociaux déposées auprès de l'office public d'HLM de Périgueux et non satisfaites s'élèvent à plus de mille par an. Il souhaite donc connaître sa position sur une amélioration de la rédaction de l'article 1324 précité tendant ainsi à prévoir : un délai maximum de six mois permettant au bailleur d'un bien locatif laissé vacant à la suite du décès du preneur de récupérer ce bien ; une clause stipulant qu'en cas d'héritier connu et après relance par lettre recommandée demeurée infructueuse, la clause résolutoire du bail s'applique également aussitôt en cas de non-paiement des loyers. Il lui demande enfin de lui faire connaître les conditions d'indemnisation d'un bailleur qui ne perçoit plus de loyer pour un bien sur lequel ont été apposés les scellés, et de lui confirmer que les services des domaines chargés de la gestion de ce bien continuent à l'assurer après le décès du locataire. En effet, il paraît difficile d'exiger d'un bailleur de se substituer aux obligations locatives d'assurance qui sont imposées au preneur.

Indemnisation des réparations des dégâts causés
par les tempêtes de décembre 1999

1053. - 13 avril 2001. - M. Jean-Claude Peyronnet attire l'attention de M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation sur l'application des articles L. 114-1 et L. 114-2 du code des assurances aux sinistres consécutifs à la tempête de décembre 1999. L'article L. 114-1 du code des assurances prévoit que les actions dérivant d'un contrat d'assurances sont prescrites au terme de deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance. La difficulté réside dans certaines polices d'assurance, qui prévoient que le versement de l'indemnité ne sera dû qu'une fois les travaux réalisés. Ainsi, en application de cet article combiné à ces dispositions contractuelles, les personnes sinistrées ne pourront se voir indemniser des travaux consécutifs à la tempête si ces derniers ne sont pas réalisés avant fin décembre 2001. Certes, l'article L. 114-2 dispose que la prescription est interrompue par lettre recommandée avec accusé de réception adressée par l'une des parties au contrat à l'autre. Là encore, des difficultés apparaissent, puisque les personnes sinistrées ont le plus grand mal à trouver des entrepreneurs pouvant réaliser rapidement les travaux. En effet, cette tempête, qui a touché notre pays les 26 et 27 décembre 1999, a provoqué de nombreux et conséquents dégâts. L'importance et l'ampleur des travaux à réaliser ne permettront pas aux artisans, malgré des efforts indéniables, de mener à bien l'ensemble des chantiers qui leur sont confiés avant cette date butoir. Dans ces conditions, la lettre recommandée avec accusé de réception pourra-t-elle, malgré les efforts de l'assuré, produire ses pleins effets ? En conséquence, il aimerait connaître dans quelles conditions l'article L. 114-2 est applicable aux hypothèses envisagées ci-dessus. Dans le cas où cet article serait applicable, il souhaiterait savoir si le Gouvernement entend mener une campagne d'information en direction des assurés. Dans le cas contraire, quelles dispositions le Gouvernement entend-il prendre afin que la prescription biennale ne puisse être opposée aux sinistrés n'ayant pu s'assurer le concours d'un entrepreneur avant la fin de décembre 2000 ?

Internat scolaire pour les enfants
des Français expatriés

1054. - 14 avril 2001. - M. André Ferrand attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale sur la situation de l'internat scolaire dans notre pays et, plus spécialement, des facilités d'accueil réservées aux enfants de Français expatriés. En effet, nombre de ces enfants ne peuvent suivre leurs parents, soit parce qu'ils sont appelés à l'étranger pour des missions de courte durée, soit lorsqu'aucune école française n'existe sur place ou qu'elle n'offre pas la section correspondant au choix de l'élève. A la suite de l'annonce gouvernementale d'un plan sur cinq ans de création d'un internat par département, il lui demande de bien vouloir lui préciser quelles mesures seront prises pour favoriser l'accueil dans ces lieux des enfants de Français expatriés et faciliter leur prise en charge lors des congés de courte durée et de fin de semaine quand ils seront éloignés de toute famille capable de les accueillir.

Réhabilitation du parc naturel régional
du Lubéron

1055. - 17 avril 2001. - M. Claude Haut attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur deux événements aux conséquences particulièrement dramatiques pour l'environnement et l'écosystème du département de Vaucluse. Les 27 et 28 août 2001, 187 hectares au coeur du parc naturel régional du Lubéron étaient ravagés par un incendie. Aujourd'hui, des travaux sont nécessaires pour permettre la réhabilitation et la sécurisation du site. Le conseil régional Provence - Alpes - Côte d'Azur a déjà signifié son engagement dans ce dossier, le conseil général de Vaucluse participera au montage financier de cette opération. M. le préfet de Vaucluse a sollicité une enveloppe exceptionnelle auprès de ses services pour que cette opération de réhabilitation soit menée à son terme dans les meilleurs délais. Ce soutien financier est également destiné à faire face aux dégâts exceptionnels occasionnés sur l'ensemble du département par les fortes chutes de neige que nous avons connues en Provence - Alpes - Côte d'Azur et particulièrement dans le Vaucluse, au début du mois de mars. A l'approche de la période estivale, la situation est explosive, nos bois et nos forêts étant jonchés d'arbres cassés, déracinés par le poids de la neige. Il lui demande si des moyens supplémentaires seront dégagées pour permettre de traiter au mieux et dans l'urgence les sites concernés.

Baisse de la TVA dans le secteur de la restauration

1056. - 17 avril 2001. - M. Daniel Goulet interroge M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur les problèmes qui se posent aux restaurateurs, en particulier ceux liés au taux de TVA (taxe sur la valeur ajoutée). En effet, un arrêt récent a entraîné l'application du taux de 5,5 % de TVA à la restauration collective. Il y a donc une inégalité devant l'impôt qu'il faut corriger en ramenant à 5,5 % le taux de la TVA pour les restaurateurs, et ce d'autant qu'ils sont contraints de financer les 35 heures. Bien que la question ait été posée à de multiples reprises, le problème demeure. C'est pourquoi il lui demande pour quelles raisons il n'abaisse pas le taux de TVA applicable à la restauration.



ANNEXE AU PROCÈS-VERBAL
de la séance
du mardi 17 avril 2001


SCRUTIN (n° 46)



sur la motion n° 1, présentée par M. Christian Bonnet au nom de la commission des lois, tendant à opposer la question préalable à la proposition de loi organique, adoptée par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, modifiant la date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale.


Nombre de votants : 295
Nombre de suffrages exprimés : 287
Pour : 170
Contre : 117

Le Sénat a adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN


GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (17) :
Contre : 2. _ MM. Jean-Yves Autexier et Paul Loridant.
N'ont pas pris part au vote : 15.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (23) :
Pour : 14.
Contre : 6. _ MM. Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin, Gérard Delfau, François Fortassin et Jean-Pierre Fourcade.

N'ont pas pris part au vote : 3. _ MM. Jacques Bimbenet, Pierre Laffitte et Georges Mouly.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (99) :

Pour : 96.
N'ont pas pris part au vote : 3. _ M. Christian Poncelet, président du Sénat, et MM. André Jourdain et Paul d'Ornano.

GROUPE SOCIALISTE (77) :

Contre : 76.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Guy Allouche, qui présidait la séance.

GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (51) :

Pour : 8. _ MM. Jacques Baudot, Daniel Bernardet, André Dulait, Jean Faure, Pierre Hérisson, Jean-Jacques Hyest, Jean-Marie Poirier et Xavier de Villepin.

Contre : 33.
Abstentions : 8. _ MM. Maurice Blin, Jean-Guy Branger, Serge Franchis, Daniel Hoeffel, Jean Huchon, Henri Le Breton, Louis Moinard et Philippe Richert.

N'ont pas pris part au vote : 2. _ MM. Jean-Paul Amoudry et Jean-Pierre Cantegrit.

GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (46) :

Pour : 46.

Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (7) :

Pour : 6.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Philippe Adnot.

Ont voté pour


Nicolas About
Louis Althapé
Pierre André
José Balarello
Janine Bardou
Jacques Baudot
Georges Berchet
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Laurent Béteille
Jean Bizet
Paul Blanc
Christian Bonnet
James Bordas
Joël Bourdin
Jean Boyer
Louis Boyer
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Guy-Pierre Cabanel
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
CharlesCeccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Gérard Cornu
Charles-Henride Cossé-Brissac
Jean-Patrick Courtois
Charles de Cuttoli
Xavier Darcos
Philippe Darniche
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Robert Del Picchia
Jean Delaneau
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Charles Descours
Jacques Dominati
Jacques Donnay
Michel Doublet
Paul Dubrule
Alain Dufaut
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Hubert Durand-Chastel
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Hubert Falco
Jean Faure
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Bernard Fournier
Alfred Foy
Philippe François
Jean François-Poncet
Yann Gaillard
René Garrec
Jean-Claude Gaudin
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Louis Grillot
Georges Gruillot
Pierre Guichard
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Anne Heinis
Pierre Hérisson
Alain Hethener
Jean-Paul Hugot
Jean-François Humbert
Jean-Jacques Hyest
Charles Jolibois
Bernard Joly
Alain Joyandet
Roger Karoutchi
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Jean-FrançoisLe Grand
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lemaire
Serge Lepeltier
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Max Marest
Philippe Marini
Pierre Martin
Paul Masson
Serge Mathieu
LucetteMichaux-Chevry
Jean-Luc Miraux
Aymeri de Montesquiou
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Lucien Neuwirth
Nelly Olin
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Lylian Payet
Michel Pelchat
Jacques Pelletier
Jean Pépin
Jacques Peyrat
Xavier Pintat
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Jean-Marie Rausch
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Yves Rispat
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Michel Rufin
Jean-Pierre Schosteck
Bernard Seillier


Raymond Soucaret
Louis Souvet
Martial Taugourdeau
Henri Torre

René Trégouët
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Alain Vasselle
Jean-Pierre Vial
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Guy Vissac

Ont voté contre


Bernard Angels
Philippe Arnaud
Jean Arthuis

Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Jean-Yves Autexier
Robert Badinter
Denis Badré
Bernard Barraux
Jean-Michel Baylet
Michel Bécot
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Claude Belot
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Bernadaux
Jean Besson
Pierre Biarnès
Annick Bocandé
André Bohl
Marcel Bony
Didier Borotra
André Boyer
Yolande Boyer
Claire-Lise Campion
Jean-Louis Carrère
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Yvon Collin
Gérard Collomb
Raymond Courrière
Roland Courteau
Marcel Debarge
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Marcel Deneux
Gérard Deriot
Dinah Derycke
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
André Diligent
Claude Domeizel
Michel Dreyfus-Schmidt
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Claude Estier
Léon Fatous
Pierre Fauchon
François Fortassin
Jean-Pierre Fourcade
Yves Fréville
Serge Godard
Francis Grignon
Jean-Noël Guérini
Claude Haut
Marcel Henry
Rémi Herment
Roger Hesling
Roland Huguet
Claude Huriet
Pierre Jarlier
Alain Journet
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Alain Lambert
Dominique Larifla
Louis Le Pensec
André Lejeune
Marcel Lesbros
Claude Lise
Paul Loridant
Jean-Louis Lorrain
Jacques Machet
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Kléber Malécot
André Maman
Jean-Yves Mano
François Marc
René Marquès
Marc Massion
Pierre Mauroy
Louis Mercier
Michel Mercier
Gérard Miquel
René Monory
Michel Moreigne
Philippe Nogrix
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Paul Raoult
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Claude Saunier
Michel Sergent
René-Pierre Signé
Michel Souplet
Simon Sutour
Michel Teston
Pierre-Yvon Tremel
Albert Vecten
André Vezinhet
Marcel Vidal
Henri Weber

Abstentions


MM. Maurice Blin, Jean-Guy Branger, Serge Franchis, Daniel Hoeffel, Jean Huchon, Henri Le Breton, Louis Moinard et Philippe Richert.

N'ont pas pris part au vote


Philippe Adnot
Jean-Paul Amoudry
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Danielle Bidard-Reydet
Jacques Bimbenet
Nicole Borvo
Robert Bret


Jean-Pierre Cantegrit
Guy Fischer
Thierry Foucaud
André Jourdain
Pierre Laffitte
Gérard Le Cam
Pierre Lefebvre
Hélène Luc

Georges Mouly
Roland Muzeau
Paul d'Ornano
Jack Ralite
Ivan Renar
Odette Terrade
Paul Vergès

N'ont pas pris part au vote


M. Christian Poncelet, président du Sénat, et M. Guy Allouche, qui présidait la séance.



Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : 297
Nombre des suffrages exprimés 288
Majorité absolue des suffrages exprimés 145
Pour : 170
Contre : 118

Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés conformément à la liste ci-dessus.