SEANCE DU 4 DECEMBRE 2000


SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET

1. Procès-verbal (p. 0 ).

2. Loi de finances pour 2001. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 1 ).

Emploi et solidarité

I. - EMPLOI (p. 2 )

MM. Gérard Braun, en remplacement de M. Joseph Ostermann, rapporteur spécial de la commission des finances ; Louis Souvet, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour le travail et l'emploi ; Mme Annick Bocandé, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour la formation professionnelle ; MM. Alain Gournac, Jean Boyer, Gérard Delfau, Roland Muzeau, Mme Marie-Madeleine Dieulangard, MM. André Jourdain, Jean-Claude Carle.
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité.

PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER

Crédits du titre III (p. 3 )

Amendement n° II-43 du Gouvernement. - MM. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat à l'économie solidaire ; le rapporteur spécial, Guy Fischer, Gérard Delfau, Claude Estier. - Adoption.
Rejet des crédits.

Crédits des titres IV à VI. - Rejet (p. 4 )

Article 57 (p. 5 )

Amendements identiques n°s II-23 de la commission, II-1 de Mme Annick Bocandé, rapporteur pour avis, et II-38 de M. Gérard Cornu. - M. le rapporteur spécial, Mme Annick Bocandé, rapporteur pour avis ; MM. Alain Gournac, le secrétaire d'Etat, Gérard Delfau. - Adoption des trois amendements supprimant l'article.

Article 58 (p. 6 )

Amendements identiques n°s II-24 de la commission et II-2 de M. Louis Souvet, rapporteur pour avis. - MM. le rapporteur spécial, Louis Souvet, rapporteur pour avis ; le secrétaire d'Etat. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.

Articles 59, 59 bis et 60. - Adoption (p. 7 )

Suspension et reprise de la séance
(p. 8 )

II. - SANTÉ ET SOLIDARITÉ (p. 9 )

MM. Jacques Oudin, rapporteur spécial de la commission des finances ; Jean Chérioux, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour la solidarité ; Louis Boyer, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour la santé ; Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Joly, Guy Fischer, Bernard Cazeau, Louis Souvet, Jacques Machet, Mme Claire-Lise Campion.
Mmes Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité ; Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Suspension et reprise de la séance (p. 10 )

Crédits du titre III (p. 11 )

Amendement n° II-42 du Gouvernement. - Mme le ministre, MM. le rapporteur spécial, Claude Huriet, Jean-Philippe Lachenaud. - Rejet.
Amendement n° II-44 du Gouvernement. - Mme le ministre, MM. le rapporteur spécial, Claude Huriet, Bernard Cazeau. - Adoption.
M. le rapporteur spécial.
Rejet des crédits modifiés.

Crédits du titre IV (p. 12 )

M. Guy Fischer.
Rejet des crédits.

Crédits du titre V. - Rejet (p. 13 )

Crédits du titre VI (p. 14 )

M. Guy Fischer.
Rejet des crédits.

Article 54. - Adoption (p. 15 )

Article 55 (p. 16 )

Amendement n° II-20 de la commission. - M. le rapporteur spécial, Mme le ministre. - Adoption.
Amendement n° II-21 de la commission. - M. le rapporteur spécial, Mme le ministre, MM. Claude Huriet, Bernard Cazeau. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Article additionnel après l'article 55 (p. 17 )

Amendement n° II-45 du Gouvernement. - Devenu sans objet.

Article 55 bis (p. 18 )

Amendements n°s II-39 de M. Philippe Adnot, II-34 de M. Claude Huriet, II-41 et II-22 de la commission. - MM. Hubert Durand-Chastel, Claude Huriet, le rapporteur spécial, Mme le ministre, M. Louis Boyer, rapporteur pour avis. - Retrait de l'amendement n° II-39 ; adoption des amendements n°s II-34, II-41 et II-22.
Adoption de l'article modifié.

Article 56. - Adoption (p. 19 )

Services du Premier ministre


I. - SERVICES GÉNÉRAUX (p. 20 )

M. Roland du Luart, rapporteur spécial de la commission des finances ; Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget.
Vote des crédits réservé.

II. - SECRÉTARIAT GÉNÉRAL
DE LA DÉFENSE NATIONALE (p. 21 )

MM. Michel Moreigne, rapporteur spécial de la commission des finances ; Gérard Delfau, Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget.
Adoption des crédits.

III. - CONSEIL ÉCONOMIQUE ET SOCIAL (p. 22 )

Mmes Maryse Bergé-Lavigne, en remplacement de M. Claude Lise, rapporteur spécial de la commission des finances ; Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget.
Adoption des crédits.

Suspension et reprise de la séance (p. 23 )

PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE

IV. - PLAN (p. 24 )

M. Claude Haut, rapporteur spécial de la commission des finances ; Mmes Janine Bardou, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques ; Marie-Claude Beaudeau, M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Adoption des crédits.

Budget annexe des Journaux officiels (p. 25 )

MM. Thierry Foucaud, rapporteur spécial de la commission des finances ; Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Adoption des crédits figurant aux articles 35 et 36.

Fonction publique et réforme de l'Etat (p. 26 )

MM. Gérard Braun, rapporteur spécial de la commission des finances ; Jean-Léonce Dupont, Aymeri de Montesquiou, Thierry Foucaud, Jacques Mahéas, Hilaire Flandre, Jean-Jacques Hyest.
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Article 63. - Adoption (p. 27 )

Services du Premier ministre
(suite)

I. - SERVICES GÉNÉRAUX (suite) (p. 28 )

Crédits du titre III (p. 29 )

Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Alain Lambert, président de la commission des finances ; le ministre, Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances.
Rejet des crédits.

Crédits des titres IV et V. - Rejet (p. 30 )

3. Ordre du jour (p. 31 ).



COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

LOI DE FINANCES POUR 2001

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2001 (n° 91, 2000-2001), adopté par l'Assemblée nationale. [Rapport n° 92 (2000-2001).]

Emploi et solidarité

I. - EMPLOI

M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant l'emploi et la solidarité : I - Emploi.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Gérard Braun, en remplacement de M. Joseph Ostermann, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens à vous présenter les excuses de M. Ostermann, qui, à cause d'un empêchement majeur de dernière heure, n'a pu être présent aujourd'hui et m'a demandé de le remplacer, ce que je fais bien volontiers.
Les crédits de l'emploi et de la formation professionnelle sur lesquels nous sommes appelés à nous prononcer aujourd'hui s'élèvent à 111,83 milliards de francs, dont 90 % de crédits d'intervention, alors qu'ils s'établissaient à 122,07 milliards de francs en 2000. Cette diminution de 1,9 %, après une progression de 2,3 % l'année dernière, montre que le budget de l'emploi, en raison de l'amélioration conjoncturelle du marché du travail, ne constitue plus une priorité pour le Gouvernement.
Sans m'appesantir sur les données chiffrées, pour lesquelles je me permets de vous renvoyer au rapport écrit, je souhaiterais vous faire part des quatre observations que m'inspirent les dotations allouées à l'emploi pour 2001 et qui constituent autant de questions que j'adresse à Mme la ministre.
Première observation : le budget de l'emploi ne retrace plus l'ensemble des crédits alloués à la politique de l'emploi.
Alors que la réduction du temps de travail est présentée par le Gouvernement comme sa principale mesure en faveur de l'emploi, le coût des 35 heures, soit 85 milliards de francs en 2001 - c'est-à-dire plus que les investissements civils de l'Etat, qui s'établiront à 78 milliards de francs l'année prochaine - n'apparaît pas dans le budget de l'emploi.
Il est en effet supporté par le fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale, le FOREC, dont nous avions dénoncé l'année dernière la grande complexité en parlant d'« usine à gaz », ces propos étant du reste plus que jamais d'actualité. Il convient, en outre, de rappeler que le FOREC n'a pour l'instant qu'une existence virtuelle, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 qui l'a créé étant toujours, sur ce point comme sur beaucoup d'autres, privée de décrets d'application. Le Gouvernement rétorquera sans doute qu'il n'y est pour rien et que les décrets sont en cours d'examen au Conseil d'Etat. Quand cet examen sera-t-il terminé et quand les décrets seront-ils publiés ?
Je rappellerai que, l'année dernière, le budget de l'emploi versait une subvention au FOREC tandis que les crédits alloués à la loi Robien y étaient inscrits. Or, pour 2001, la subvention du budget de l'Etat est supprimée et les dotations de la loi Robien sont affectées au FOREC.
En fait, seuls 280 millions de francs seront inscrits en 2001 au budget de l'emploi au titre des aides au conseil dans le cadre des 35 heures, ces crédits devant notamment servir à aider les petites et moyennes entreprises à réduire le temps de travail de leurs salariés. Le budget de l'emploi supportera donc seulement 0,3 % du coût total des 35 heures !
Cette débudgétisation massive, dont l'objectif mal dissimulé est de limiter la progression des dépenses de l'Etat, se traduit par l'illisibilité du coût de la politique de l'emploi en France. En effet, le coût de la réduction du temps de travail comme celui des allégements du coût du travail n'ont plus aucune signification à la lecture du budget de l'emploi, alors que ce sont précisément ces mesures qui, au cours des dernières années, ont été à l'origine de la très forte croissance de ce budget, aujourd'hui le deuxième budget civil après celui de l'éducation nationale.
Ainsi, je considère que le budget de l'emploi n'est plus sincère et que le véritable coût de la politique de l'emploi doit prendre en compte non seulement les dotations du ministère, mais aussi celles du FOREC, soit un total de près de 200 milliards de francs.
Deuxième observation : l'amélioration de la situation de l'emploi connaît de réelles limites.
Il convient de se réjouir de la nette amélioration du marché du travail, le taux de chômage étant passé de 12,6 % de la population active au milieu de l'année 1997 à 9,6 % au milieu de cette année. Toutefois, le Gouvernement aurait bien tort de se vanter de cette embellie du marché de l'emploi et devrait faire preuve d'humilité quand il évoque la perspective du plein-emploi, sur laquelle il est, du reste, beaucoup moins disert depuis quelque temps.
Cette réelle amélioration de l'emploi est en effet fragile et tient uniquement à la bonne tenue de la conjoncture.
Sans entrer dans le détail, je rappellerai simplement que le chômage français reste à un niveau élevé : 9,6 % contre 9 % dans la zone euro, 8,3 % dans l'Union européenne, 2,5 % aux Pays-Bas, 4,1 % aux Etats-Unis. En outre, l'amélioration de la situation de l'emploi est inégale, les femmes, les jeunes, les non-diplômés ou peu diplômés, les salariés précaires, les chômeurs de longue durée continuant d'être touchés plus sévèrement que la moyenne nationale par le chômage.
Surtout, la possibilité d'enregistrer un recul important du chômage se heurte au niveau élevé du chômage structurel dans notre pays. La Caisse des dépôts et consignations a évalué à 8 % de la population active en France le taux de chômage structurel, alors qu'il est de 3 % aux Etats-Unis, si bien que la progression de l'emploi actuellement observée, au-delà de facteurs conjoncturels, ne pourrait guère faire baisser le chômage sous le taux de 8 %.
Les pénuries de main-d'oeuvre constatées dans certains secteurs confirmeraient cette analyse, ce phénomène étant du reste accentué par la loi sur les 35 heures, qui pénalise l'environnement économique des entreprises et réduit le nombre d'heures travaillées tout en rendant plus difficile le recours aux heures supplémentaires.
Enfin, l'incitation au travail reste trop faible et le coût du travail trop élevé. Il existe en effet un phénomène dit de « trappe à inactivité » qui dissuade certaines personnes de chercher du travail en raison de gains de revenus trop faibles, voire nuls, par rapport au montant des minima sociaux dont elles peuvent bénéficier : il est financièrement plus intéressant pour certains de rester au chômage.
Plutôt que de porter atteinte aux principes de la contribution sociale généralisée, il aurait été bien plus souhaitable que le Gouvernement accorde davantage d'attention aux propositions du Sénat, qu'il s'agisse de la proposition de loi présentée en son temps par le président Christian Poncelet ou de celle de nos collègues Alain Lambert et Philippe Marini, qui tend à instituer un revenu minimum d'activité, le RMA, permettant de rompre le cercle vicieux de l'assistance et de promouvoir l'insertion par l'activité dans le secteur marchand.
Madame la ministre, quelle est la position du Gouvernement sur cette proposition de loi ? Je vous interroge solennellement sur ce point, car vos services ont laissé cette question sans réponse dans le questionnaire budgétaire... Rompre avec la logique purement quantitative du RMI, qui a clairement montré qu'elle était un échec, est indispensable pour promouvoir l'emploi et en finir avec le cercle vicieux de l'exclusion.
Troisième observation : seule la conjoncture permet au Gouvernement de dégager des économies sur les crédits de l'emploi.
Le Gouvernement se targue de réaliser des économies sur les crédits de l'emploi, mais cette situation résulte en réalité de la seule amélioration de la conjoncture, comme le montre la forte baisse des flux d'entrée dans les dispositifs de la politique de l'emploi : ainsi, le nombre de contrats initiative-emploi a diminué de 41 % depuis 1997, celui des contrats emploi consolidé de 47 %, celui de contrats emploi-solidarité de plus de 48 %.
Dès lors, il est logique que des économies apparaissent, mais, faute de réformes structurelles susceptibles de faire reculer le montant du budget de l'emploi, ces crédits ne manqueraient pas de connaître une vive expansion en cas de retournement conjoncturel et de reprise du chômage.
Les députés de la majorité plurielle s'en sont d'ailleurs eux-mêmes émus lorsque votre projet de budget a été examiné à l'Assemblée nationale. La discussion a porté sur les flux d'entrée prévus dans les dispositifs de contrats aidés, trop faibles selon nos collègues députés. Leur inquiétude provient problablement de ce qu'il sont dubitatifs devant l'optimisme affiché par le Gouvernement sur les perspectives de croissance, et donc d'emploi !
Quatrième observation : les échéances se rapprochent pour les emplois-jeunes.
En 2001, le coût des emplois-jeunes s'accroît, une fois encore, de 3,1 %, mais à un rythme moins rapide qu'en 1999 et 2000 en raison du ralentissement de la montée en charge du dispositif : 22 milliards de francs sont inscrit au budget de l'emploi en 2001 pour les emplois-jeunes. Toutefois, il convient de garder à l'esprit que ce budget ne regroupe pas l'ensemble des crédits destinés au financement des emplois-jeunes, les budgets de l'éducation nationale, de l'intérieur, de la justice et de l'outre-mer étant également sollicités. Le coût total des emplois-jeunes en 2001 s'élèvera donc à 24,6 milliards de francs.
A la fin du mois d'août dernier, ils étaient 263 800, le Gouvernement escomptant le recrutement de 280 000 jeunes à la fin de cette année.
En réalité, pourtant, on ne connaît pas vraiment le nombre d'emplois-jeunes. Le Gouvernement, en effet, fausse la présentation des chiffres : il insiste sur les conventions signées, tout en expliquant que les jeunes occupant leur poste sont moins nombreux en raison du délai existant entre le moment de la signature et celui de la prise de fonction effective. Il peut ainsi afficher de nombreuses créations d'emplois, même si elles restent artificielles, tout en limitant le montant des crédits inscrits au budget.
C'est ainsi qu'il peut continuer d'afficher son objectif initial de porter le nombre de jeunes embauchés à 350 000 d'ici à la fin de l'année 2001, alors même que les crédits budgétés s'avéreront très insuffisants. En effet, le coût en année pleine de 350 000 emplois-jeunes s'établirait à environ 37 milliard de francs pour le seul budget de l'Etat, soit un montant bien supérieur aux dotations prévues.
Cela tient aussi au fait que le Gouvernement réalise de très importants reports de crédits sur le chapitre budgétaire concerné : 1,13 milliard de francs en 1997 2,57 milliards de francs en 1998, 1,21 milliard de francs en 1999. Par ailleurs, au 10 octobre 2000, ces crédits n'étaient consommés qu'à hauteur de 64 %, ce qui laisse présager de nouveaux reports sur 2001.
Or la question de l'avenir de ces jeunes est très préoccupante en raison des interrogations qu'il ne manque pas de susciter.
Notre collègue Alain Gournac, au sein d'un groupe de travail constitué par notre commission des affaires sociales, a récemment établi un rapport très intéressant qui dresse le bilan à mi-parcours des emplois-jeunes.
Ce rapport met parfaitement en lumière les limites d'un dispositif né d'un volontarisme gouvernemental consistant à créer, à marche forcée et de manière artificielle, autant d'emplois dans le secteur non marchand : inadéquation ou qualité médiocre de la formation proposée, incertitudes pesant sur le statut juridique, effets pervers pour l'économie, en particulier existence d'une concurrence déloyale à l'égard du secteur privé, ou encore ambiguïté des missions effectivement exercées.
Ces préoccupations semblent, du reste, partagées par le Gouvernement, qui a organisé une réunion interministérielle sur la pérennisation des emplois-jeunes.
Eu égard aux objections qu'elle formule sur ces sujets essentiels, qui me paraissent appeler des réponses de votre part, madame la ministre, la commission des finances a décidé de proposer au Sénat de rejeter les crédits de l'emploi pour 2001. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Souvet, rapporteur pour avis.
M. Louis Souvet, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales pour le travail et l'emploi. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, les crédits du ministère de l'emploi devraient s'élever à 111,8 milliards de francs en 2001.
Compte tenu des différents transferts de charges au fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale, le FOREC, seuls les crédits relatifs à l'aide au conseil, soit 280 millions de francs, devraient, en fait, comme une ombre, subsister dans le projet de loi de finances, pour rappeler le passage des crédits relatifs à la réduction du temps de travail dans un autre budget, celui de la sécurité sociale.
A structure constante, on observe un léger repli - de 1,9 % - des crédits du ministère de l'emploi : ils s'établisent à 119,7 milliards de francs en 2001, contre 122 milliards de francs en 2000.
Cette relative stabilité de l'enveloppe budgétaire ne doit pas dissimuler la poursuite de l'évolution du budget de l'emploi au bénéfice des priorités du Gouvernement, au premier rang desquelles on retrouve les emplois-jeunes. Par ailleurs, on observe de nombreuses diminutions de crédits qui tirent les conséquences de la baisse du chômage.
Cette baisse du chômage est importante et générale. La dernière enquête trimestrielle de la DARES, la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques, estime à 492 000 le nombre d'emplois créés entre le 1er octobre 1999 et le 30 septembre 2000, soit une hausse de 3,5 % en un an. Avec 119 000 emplois créés, le troisième trimestre semble confirmer la poursuite de la baisse du chômage. Le taux de chômage était revenu à 9,4 % de la population active à la fin du mois d'octobre.
Ce faisant, la France se rapproche du taux de chômage de la zone euro, qui était de 9 % en septembre dernier.
Cette comparaison avec nos voisins européens nous apporte au moins deux enseignements.
Premièrement, elle « tord le cou » à l'idée selon laquelle les 35 heures et les emplois-jeunes seraient à eux seuls à l'origine de la baisse du taux de chômage français. Si ces deux dispositifs ont créé des emplois - c'est surtout le cas des emplois-jeunes - ils ont aussi coûté très cher et tout laisse penser que, compte tenu des performances de nos partenaires européens, ces crédits budgétaires énormes auraient eu, en termes de créations d'emplois, un rendement tout aussi fort s'ils avaient été utilisés à d'autres fins.
Deuxièmement, la politique de l'emploi du Gouvernement apparaît comme fortement décalée par rapport au cycle conjoncturel. Les principales dispositions - 35 heures, emplois-jeunes - constituent des outils de gestion d'un déséquilibre défavorable à l'offre de travail - les chômeurs - alors que, de toute évidence, les tensions concernent aujourd'hui davantage la demande de travail - les entreprises - comme en témoigne un taux d'utilisation des capacités de production supérieur à 80 %.
L'urgence aurait dû conduire, depuis plusieurs mois, à relancer la formation professionnelle, à assouplir le dispositif de recours aux heures supplémentaires et à encourager véritablement la reprise d'entreprises.
L'inadaptation de notre politique de l'emploi aggrave les risques de pénurie de main-d'oeuvre. Le Sénat aura l'occasion d'examiner cette question la semaine prochaine, lors de la discussion de la proposition de loi déposée par notre collègue Alain Gournas à laquelle se sont associés les présidents de groupe de la majorité sénatoriale, et qui doit permettre de faire face aux pénuries de main-d'oeuvre et de lever les obstacles à la poursuite de la croissance économique.
Concernant les 35 heures, le récent débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale a été l'occasion d'examiner l'étendue des dépenses engagées dans ce dispositif.
Les dépenses du FOREC se sont élevées, en 2000, à 67 milliards de francs ; elles devraient atteindre 85 milliards de francs en 2001. Je ne peux que rappeler les conclusions de notre collègue Charles Descours, rapporteur du projet de loi de financement de la sécurité sociale au nom de la commission des affaires sociales, qui a dénoncé le « bricolage financier permanent » et le financement des 35 heures à travers la « vendange des excédents de la branche famille et du fonds de solidarité vieillesse ».
L'ensemble des accords de réduction du temps de travail signés depuis juin 1998 prévoit, au total, de créer ou préserver 218 000 emplois, dont 115 000 dans le cadre de conventions bénéficiant d'aides de l'Etat.
Comme le reconnaît la DARES, il convient de souligner que les créations ou les maintiens d'emplois ne peuvent être interprétés comme des créations nettes. Il faut, en effet, tenir compte de l'évolution des effectifs qui se serait produite en l'absence de réduction du temps de travail. Par ailleurs, des emplois créés peuvent s'avérer non pérennes si l'équilibre économique des entreprises n'est pas assuré. Enfin, la concurrence et la redistribution des activités entre les entreprises signataires et les autres peuvent conduire à des résultats nets globalement différents de ceux qui sont observés dans le seul champ des entreprises conventionnées.
Ces quelques éléments m'amènent à formuler la conclusion suivante : si l'on connaît à peu près le coût des 35 heures, le plus grand flou demeure quant aux résultats de cette mesure en termes de créations d'emplois. Tout donne à penser que le Gouvernement entretient la confusion en attribuant aux 35 heures des créations d'emplois qui relèvent plus du retour de la croissance générale en Europe et des allégements de charges sociales mis en place depuis 1993.
Le programme « nouveaux services - nouveaux emplois », qui constitue la deuxième priorité du Gouvernement, se présente sous un jour un peu différent. La loi du 16 octobre 1997 vise à aider à la création d'activités d'utilité sociale dans les domaines de la culture, du sport, du secteur social, de l'éducation ou de la police, à travers l'embauche de jeunes.
L'enveloppe consacrée au programme « emplois-jeunes » dans le projet de budget pour 2001 s'élève à 22 milliards de francs.
Vous considérez, madame le ministre, que, à la fin de 2001, 350 000 jeunes auront été recrutés dans le cadre de ce dispositif. C'est du moins ce que vous avez déclaré devant la commission des affaires sociales.
En fait, il convient de distinguer entre le nombre de jeunes qui seront passés dans le dispositif entre octobre 1997 et décembre 2001 et le nombre de jeunes effectivement en poste à la fin de 2001. Compte tenu de la dotation budgétaire et du montant des reports, le nombre de jeunes effectivement en fonction à la fin de l'an prochain ne devrait pas dépasser 250 000.
Le Gouvernement a donné peu d'indications sur l'avenir du dispositif. Les associations pourraient continuer à percevoir de manière temporaire et dégressive des aides, au terme des cinq ans de contrat, afin de favoriser la pérennisation des postes. En revanche, les collectivités locales ne devraient pas recevoir d'aides supplémentaires, sauf peut-être celles qui sont confrontées à des problèmes de quartiers difficiles.
La commission des affaires sociales a mené son propre travail de réflexion concernant le bilan et l'avenir du programme « emplois-jeunes ».
S'agissant de la sortie du dispositif, le rapporteur de cette mission d'information, notre collègue Alain Gournac, a suggéré de mieux associer les entreprises à la professionnalisation des emplois-jeunes et de favoriser leur insertion professionnelle par le développement du tutorat-référent. Il a préconisé une régionalisation du dispositif. Il a proposé le développement du multisalariat en temps partagé. Il a également insisté sur la nécessité de favoriser la création ou la reprise d'entreprises par les jeunes.
Ces propositions, qui ont été largement saluées, constituent une bonne illustration de l'attitude constructive du Sénat.
Elles n'en mettent pas moins en évidence les hésitations du Gouvernement, qui peine à définir de nouvelles frontières pour la politique de l'emploi hors des 35 heures et des emplois-jeunes.
Ce nouveau souffle est pourtant indispensable, car la baisse du chômage modifie les attentes. Certes, le budget pour 2001 tient compte, dans une certaine mesure, de cette nouvelle situation. On observe une baisse de 9,3 % des crédits consacrés à l'insertion de publics en difficulté, crédits qui s'établiront à 23 milliards de francs en 2001.
Ces baisses de crédits se retrouvent dans l'évolution du nombre d'entrées dans chaque dispositif.
Le nombre d'entrées en stages d'insertion et de formation à l'emploi, les SIFE, baissera de plus de 18 %, s'établissant à 90 000. Le nombre d'entrées en CES devrait baisser de 27 % pour revenir à 260 000 en 2001, contre 331 000 en 2000.
De même, on devrait assister à une baisse de 62 % du nombre des nouveaux bénéficiaires des allocations spéciales du Fonds national pour l'emploi, le FNE. En fait, seuls les contrats emplois consolidés devraient bénéficier de crédits en hausse de 4,7 %, pour un montant de 5,57 milliards de francs en 2001.
Le débat à l'Assemblée nationale a néanmoins montré l'inquiétude des rapporteurs de la majorité, MM. Gérard Bapt et Jean-Claude Boulard, devant cette évolution. M. Gérard Bapt, en particulier, a proposé la mise en place d'un « parcours individualisé, concrétisé par une convention individuelle d'engagement et utilisant les instruments disponibles », afin de permettre une prise en charge globale des personnes les plus éloignées de l'emploi.
Cette inquiétude des rapporteurs de l'Assemblée nationale est légitime. Elle traduit un sentiment partagé par votre rapporteur pour avis, selon lequel ce projet de budget ne va pas assez loin dans « l'activation des dépenses passives ».
Bien sûr, il comporte quelques dispositions en ce sens. Je pense en particulier à l'augmentation de 8,7 % des moyens affectés à l'ANPE, qui devraient passer de 6,4 milliards de francs en 2000 à 6,9 milliards de francs en 2001 et permettre la création de 433 nouveaux postes budgétaires. De même, les moyens de l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes, l'AFPA, devraient augmenter de près de 4 %, pour s'établir à 4,9 milliards de francs, et la collaboration renforcée entre ces deux acteurs essentiels du service public de l'emploi devrait se poursuivre.
Mais je constate que ce projet de budget ne prend pas véritablement la mesure des changements intervenus sur le marché du travail ni de ceux qui sont consécutifs à l'adoption d'une nouvelle convention d'assurance chômage.
Cette nouvelle convention d'assurance chômage constitue une avancée décisive dans la lutte contre le chômage structurel. Elle devrait se traduire, dès le 1er janvier 2001, par une baisse des cotisations sociales de 0,38 point.
Je rappellerai que la nouvelle convention d'assurance chômage prévoit, par ailleurs, d'affecter des moyens importants, près de 6 milliards de francs, à la mise en place de parcours individualisés définis dans le cadre du nouveau « projet d'action personnalisée », le PAP.
Ces moyens serviront à améliorer les formations des chômeurs indemnisés, à favoriser leur mobilité et à inciter les entreprises à les recruter.
Aujourd'hui, nous constatons que le Gouvernement n'a pas prévu de fournir un effort comparable en faveur des chômeurs non indemnisés.
Il y a, certes, le programme TRACE - trajet d'accès à l'emploi -, dont les crédits augmentent de 8,4 %, passant à plus de 501 millions de francs. Mais ce que je regrette, de concert avec le rapporteur spécial de la commission des finances de l'Assemblée nationale, c'est que le projet de budget ne présente pas un programme TRACE à destination des adultes qui, à partir d'outils existants comme le contrat de qualification adulte, ou à travers des dispositifs nouveaux, aurait pu constituer une vraie politique de lutte contre le chômage structurel.
Concernant la « clarification » des relations financières entre l'Etat et l'UNEDIC, vous savez que les partenaires sociaux ont accepté de rétrocéder à l'Etat 15 milliards de francs en deux ans : 7 milliards de francs en 2001 et 8 milliards de francs en 2002. Par ailleurs, le régime d'assurance chômage ne recevra pas en 2002 la subvention de 5 milliards de francs prévue pour financer une partie du remboursement de prêts contractés dans les « mauvaises années ». Enfin, l'Etat ne devrait plus, à terme, participer au financement de l'allocation de formation reclassement, ou AFR, ce qui devrait représenter un transfert de charges évalué à 10 milliards de francs.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Louis Souvet, rapporteur pour avis. J'ai presque terminé, monsieur le président.
Au total, la nouvelle convention d'assurance chômage se traduira donc par un effort financier du régime d'assurance chômage correspondant à 30 milliards de francs.
En conclusion, et après avoir à nouveau rappelé le caractère inadapté de la politique de l'emploi menée par le Gouvernement aux nouveaux enjeux de la croissance, la commission des affaires sociales vous proposera, mes chers collègues, de rejeter les crédits consacrés au travail et à l'emploi dans le projet de budget pour 2001. Concernant les quatre articles rattachés, elle vous proposera de supprimer l'article 58. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à Mme Bocandé, rapporteur pour avis.
Mme Annick Bocandé, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales pour la formation professionnelle. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les crédits budgétaires de la formation professionnelle pour 2001 atteindront 34,3 milliards de francs, en diminution de 0,3 % par rapport à cette année. Le projet de budget de la formation professionnelle doit, en première analyse, s'interpréter comme un budget de continuité.
Or le contexte dans lequel il intervient est résolument nouveau. La reprise importante de l'emploi se traduit en effet par l'apparition de réelles difficultés de recrutement dans certains secteurs, mais aussi par le maintien d'une exclusion durable de l'emploi pour de trop nombreuses personnes.
Dans ce nouveau contexte, la commission des affaires sociales en a la ferme conviction, la politique de formation professionnelle a un rôle important à jouer.
Ainsi, il importe prioritairement d'adapter l'offre de formation au marché du travail pour limiter les tensions que celui-ci connaît actuellement. En outre, dans cette conjoncture plus favorable, une réelle formation des personnes les plus éloignées de l'emploi, qu'elles soient jeunes ou moins jeunes, chômeurs ou entrant pour la première fois dans la vie active, pourrait sans conteste faciliter leur insertion durable dans le monde professionnel.
Mais cette dynamique vertueuse tarde à se mettre en place, en raison de trois obstacles principaux.
Premièrement, la reprise de l'emploi se fait parfois au détriment de la formation. De nombreuses personnes préfèrent en effet refuser des offres de formation ou arrêter des programmes en cours pour trouver directement un emploi. Ces démarches, bien compréhensibles, risquent néanmoins de se révéler à « courte vue » en cas de retournement de la conjoncture. La formation doit être en effet un investissement de long terme.
Deuxièmement, l'effort global de la nation en faveur de la formation tend aujourd'hui à marquer le pas. Les dépenses globales de formation ont, certes, augmenté de 2 % en 1998, pour atteindre 143 milliards de francs, mais celles-ci ne représentent plus que 1,67 % du PIB, en décroissance continue depuis 1993.
Troisièmement, la nécessaire réforme en profondeur de notre système de formation professionnelle, sans cesse annoncée, est toujours reportée. Le projet de loi de modernisation sociale, qui ne devrait pas pouvoir être adopté avant la fin de l'année prochaine ouvre certes quelques pistes intéressantes avec la réforme du financement de l'apprentissage et celle de la validation des acquis de l'expérience, mais le projet de loi visant à instituer un droit individuel à la formation tout au long de la vie reste dans les limbes. Seules interviennent ponctuellement, de manière désordonnée mais avec une constance remarquable, des mesures que j'avais qualifiées l'an passé de « malthusiennes », avec la réduction des aides à l'alternance et des ponctions opérés sur les fonds de la formation professionnelle, notamment.
Dans ces conditions, on ne peut que se féliciter de ce que les partenaires sociaux aient pris l'initiative d'engager une négociation nationale afin de réformer la formation professionnelle.
C'est donc dans ce contexte finalement en demi-teinte pour la formation qu'il nous faut replacer le projet de budget que nous examinons aujourd'hui.
Or, face à ces enjeux importants, le projet de budget proposé est un énième dispositif de transition avant une réforme dont la perspective se fait sans cesse plus lointaine. Plus grave, les mesures que votre commission avait dénoncées les années passées se retrouvent à nouveau dans ce projet de budget.
Ainsi, les formations en alternance sont fragilisées, les actions de l'Etat en faveur de la formation professionnelle manquent de cohérence d'ensemble et les fonds de la formation professionnelle sont encore mis à contribution.
J'articulerai mon propos sur ces trois points.
Le poste le plus lourd du budget reste celui du financement des formations par alternance. Les crédits consacrés à l'alternance s'élèvent à 13,1 milliards de francs, en progression de 7 %.
Cette progression est cependant en trompe-l'oeil et ne peut laisser croire que le Gouvernement fait du développement de l'alternance une réelle priorité.
L'apprentissage constitue quantitativement le principal volet des formations en alternance ; près de 10 milliards de francs y seront consacrés en 2001. Je rappelle que l'Etat assure un peu moins de la moitié du financement de l'apprentissage, le reste relevant des entreprises, des régions, mais aussi des crédits européens.
Le projet de budget est fondé sur la perspective de 230 000 entrées dans le dispositif, soit un simple retour au niveau constaté en 1999. Mais il prévoit surtout, dans son article 57, la suppression de la prime à l'embauche des apprentis dans les entreprises de plus de vingt salariés, afin d'économiser 83 millions de francs.
Une telle décision ne fait que s'inscrire dans le prolongement des mesures restrictives visant à limiter l'attractivité de l'apprentissage. Déjà, la loi de finances pour 1999 avait opéré un « recentrage » des primes sur les jeunes ayant les niveaux de qualification les plus faibles.
La commission des affaires sociales ne peut que déplorer ce nouveau mauvais coup porté à la prime d'apprentissage. Il risque, en effet, d'amoindrir considérablement l'attrait d'un dispositif pourtant très apprécié par les entreprises concernées, qui recrutent près de 30 % des effectifs d'apprentis.
La commission ne peut, bien évidemment, accepter une telle disposition, que l'Assemblée nationale avait d'ailleurs elle-même initialement rejetée, avant de l'accepter, légèrement modifiée, à l'occasion d'une seconde délibération demandée par le Gouvernement. Elle vous proposera donc un amendement de suppression de cet article.
S'agissant des autres formations en alternance, le projet de budget se révèle tout aussi restrictif.
Or, après deux années de hausse sensible des entrées en alternance, l'année 1999 a été marquée par un net ralentissement des embauches pour le contrat de qualification et par un recul sensible du contrat d'adaptation.
Le projet de budget risque d'accentuer cette tendance en prévoyant non seulement une diminution de 2 000 personnes pour les entrées en contrat de qualification, mais aussi et surtout la suppression de la prime des contrats de qualification en faveur des jeunes, pour réaliser une économie de 152 millions de francs.
La commission des affaires sociales estime qu'une telle mesure pourrait porter un coup fatal à un dispositif utile, mais encore fragile. Les dernières études sur le contrat de qualification montrent en effet que, après un démarrage relativement lent, celui-ci atteint son régime de croisière, avec 118 000 jeunes embauchés en 1999. Elles soulignent également que ces contrats permettent d'assurer non seulement une formation aux jeunes les plus en difficulté, mais aussi une qualification reconnue et une insertion durable dans le monde du travail.
Aussi, je persiste à croire que ce serait une erreur grave que de vouloir s'entêter dans la voie initialement envisagée.
M. Jean-Claude Carle. Très bien !
Mme Annick Bocandé, rapporteur pour avis. J'en viens maintenant aux « autres actions de formation à la charge de l'Etat », qui constituent le second volet de ce projet de budget.
Ces actions sont très diverses, mais témoignent, en définitive, d'un pilotage à très court terme des crédits de la formation professionnelle, sans réel souci de cohérence d'ensemble ou d'anticipation.
Je prendrai quatre exemples.
Premier exemple, le programme national de formation professionnelle, qui a pour vocation de mettre en oeuvre diverses mesures en faveur des publics les plus en difficulté - illettrés, détenus, réfugiés - mais aussi d'assurer la formation des militants syndicaux ou de subventionner certains organismes de formation. Au total, 1,3 milliard de francs y seront consacrés en 2001, soit une augmentation de 3,7 %.
J'insiste sur la nature pour le moins diversifiée de ce programme. Sa cohérence est loin d'être évidente. Aussi, je ne peux que souhaiter que le débat budgétaire puisse être chaque année l'occasion d'un réel examen de ce programme et d'une définition concertée de ses priorités.
Deuxième exemple, la politique contractuelle de formation des salariés. C'est un dispositif très intéressant, bien intégré dans le dialogue social, qui vise à anticiper les besoins de compétences et à développer l'effort de formation continue des entreprises. Or, malgré tout son intérêt, les crédits inscrits au titre de ce dispositif diminuent de 15 %. Le Gouvernement donne ici, une fois encore, la preuve du peu de cas qu'il fait du dialogue social.
Troisième exemple, le financement de l'allocation formation reclassement, l'AFR. Je vous rappelle que l'Etat verse chaque année à l'UNEDIC une contribution destinée à prendre en charge une partie de l'AFR, 41 % précisément, afin de participer à la rémunération des demandeurs d'emploi entrant en formation. En 1999, 180 000 chômeurs en ont ainsi bénéficié.
En 2001, la participation de l'Etat diminuera de 1 milliard de francs, pour atteindre 1,5 milliard de francs, l'Etat anticipant la suppression à compter du 1er juillet 2001 de la contribution prévue par la nouvelle convention UNEDIC.
Il reste que, à partir de cette date, la nature de la participation de l'Etat au financement de la formation des chômeurs n'est ni définie ni budgétisée. Il semble bien qu'il faille voir là l'amorce d'un désengagement de l'Etat au regard d'une responsabilité qui lui appartient pourtant directement au titre de la solidarité nationale. C'est regrettable.
Dernier et quatrième exemple, l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes, l'AFPA. La subvention de fonctionnement de l'Etat augmentera de 4,2 % en 2001, pour atteindre 4,5 milliards de francs. Cette augmentation s'inscrit dans le cadre du contrat de progrès 1999-2003, qui prévoit notamment, un recentrage de l'AFPA au bénéfice des personnes les plus en difficulté.
L'exécution du contrat de progrès apparaît aujourd'hui satisfaisante, même si l'on peut parfois constater un très léger décrochage par rapport aux objectifs fixés.
Cependant, l'AFPA est maintenant confrontée à un nouveau contexte, caractérisé par la reprise de l'emploi et par la nouvelle convention UNEDIC. Il va lui falloir s'adapter de nouveau.
Il est donc nécessaire de réviser le contrat de progrès, pour partie caduc, afin de prendre en compte ces deux évolutions. Ce serait aussi l'occasion de réfléchir à une meilleure décentralisation de l'Association, décentralisation qui reste encore le parent pauvre de la réforme de l'AFPA. Il serait ainsi utile d'étudier « une réorganisation territoriale de l'AFPA en agences régionales placées sous la responsabilité des régions », comme le proposait récemment la mission commune d'information du Sénat sur la décentralisation.
Je souhaiterais enfin revenir sur l'importante question des prélèvements opérés par l'Etat sur les fonds de la formation professionnelle.
De 1996 à 2000, plus de 4 milliards de francs auront été prélevés sur les fonds disponibles en matière de formation, qu'il s'agisse des fonds finançant l'alternance ou des fonds finançant le congé individuel de formation ou le capital de temps de formation.
Le projet de budget pour 2001 se situe, sur ce point, dans la continuité de ses prédécesseurs. Un nouveau prélèvement de 150 millions de francs est en effet prévu sur les disponibilités du comité paritaire du congé individuel de formation, le COPACIF, fonds national habilité à recueillir les excédents financiers des organismes collecteurs paritaires agréés, les OCPA, au titre du congé individuel de formation et du capital de temps de formation.
Cette année, cependant, un tel prélèvement n'a pas à être autorisé par une disposition législative spécifique, car la loi de finances pour 2000 a prévu, en son article 131, que les excédents du COPACIF peuvent « exceptionnellement concourir aux actions de l'Etat en matière de formation professionnelle ».
En ce domaine, l'exception est devenue la règle. Je le regrette très vivement, d'autant plus vivement que les conséquences de ces prélèvements successifs sont graves pour le développement de la formation professionnelle que prétend vouloir favoriser le Gouvernement.
Ainsi, la situation financière de l'association de gestion du fonds des formations en alternance, l'AGEFAL, et du COPACIF est très préoccupante. Selon les dernières projections, leurs trésoreries devraient être nulles, voire déficitaires à la fin de l'année 2001.
Dans ces conditions, il est à craindre que les flux d'entrées en formation par alternance ne se restreignent, car les OCPA ne seront plus en mesure de garantir leur financement, compte tenu de la situation de trésorerie de l'AGEFAL, qui est chargée de la mutualisation des fonds de l'alternance.
Il en va de même pour le congé individuel de formation. A l'heure actuelle, seule la moitié des demandes, soit 30 000 environ, peut être effectivement financée. Les prélèvements opérés sur le COPACIF ne font alors qu'amplifier cette contrainte. En 2000, 5 000 demandes ne pourront être satisfaites à cause de la ponction de 500 millions de francs sur les excédents du COPACIF. En 2001, ce seront encore 1 500 demandes supplémentaires qui ne pourront aboutir.
Ainsi, au moment où le Gouvernement clame haut et fort son souci de mettre en place un droit individuel à la formation tout au long de la vie, sa politique strictement comptable de la formation professionnelle se résume en réalité à l'érection de nouveaux obstacles au développement du congé individuel de formation.
M. le président. Il vous faut conclure, madame le rapporteur pour avis !
Mme Annick Bocandé, rapporteur pour avis. Au total, l'examen des crédits montre bien que la formation professionnelle n'est pas réellement une priorité du Gouvernement : les réformes sont retardées ; les aides en faveur du développement de l'alternance sont supprimées ; les fonds de la formation professionnelle sont siphonnés.
Aussi, la commission des affaires sociales a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits relatifs à la formation professionnelle. Elle vous proposera également d'adopter un amendement de suppression de l'article 57 qui leur est rattaché. (Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 20 minutes ;
Groupe socialiste, 16 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 20 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 12 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 11 minutes.
Je vous rappelle que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes, temps que je vous invite à respecter rigoureusement, mes chers collègues.
Par ailleurs, le temps programmé pour le Gouvernement est prévu au maximum pour quarante minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Gournac.
M. Alain Gournac. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur les observations et sur les analyses pertinentes de nos excellents rapporteurs. Comme eux, je constate l'illisibilité des coûts de la politique de l'emploi menée aujourd'hui par le Gouvernement, alors que je croyais qu'il avait fait de la transparence un de ses mots d'ordre.
La réduction du temps de travail est présentée par le Gouvernement lui-même comme sa principale mesure en faveur de l'emploi. Or son coût n'apparaît pas dans le budget de l'Etat. Pourquoi une débudgétisation de dotations aussi considérable ?
A cette illisibilité des coûts s'ajoute un grand flou.
Il suffit d'avoir entendu ces dernières semaines les déclarations quelque peu divergentes du Gouvernement pour comprendre sa difficulté à dessiner les contours d'une politique de l'emploi.
Les choses, bien entendu, ne sont jamais simples, ni les solutions assurées. Il faut toutefois sortir de l'attentisme et prendre des décisions.
Or le Gouvernement semble moins à l'aise aujourd'hui avec ses deux dispositifs phares que sont les 35 heures et les emplois-jeunes qu'il ne l'a été hier.
En 1997, il fallait coûte que coûte faire réduire le chômage, créer des emplois, tenir des promesses quelque peu intenables.
L'urgence était telle que quiconque s'interrogeait sur les moyens préconisés avait nécessairement tort. S'opposer aux 35 heures ou aux emplois-jeunes aurait été une erreur. S'interroger, comme l'a fait la majorité sénatoriale, sur la méthode utilisée était en revanche, et dans les deux cas, faire preuve d'esprit de responsabilité.
Le pays gagnerait beaucoup, madame le ministre, à ce que votre gouvernement dise la vérité aux Françaises et aux Français. Les 35 heures et les emplois-jeunes ont contribué à la baisse du chômage, c'est un fait.
M. Claude Estier. Quand même !
M. Alain Gournac. Mais, de grâce, présentez-les comme ils doivent l'être ! Donnez-les pour ce qu'ils sont, à savoir une simple contribution à cette baisse du chômage.
Que les Français sachent que le facteur déterminant, le facteur qui joue le rôle essentiel dans cette baisse du chômage, c'est le retour de la croissance.
M. Jean Delaneau. Eh oui !
M. Alain Gournac. Nos éminents collègues l'ont rappelé avec force dans leurs excellents rapports : avec un taux de chômage de 9,5 % de la population active, la France se rapproche du taux de chômage de la zone euro, qui était de 9 % en septembre dernier.
A moins de vouloir faire croire à nos concitoyens que nos 35 heures et nos emplois-jeunes sont à l'origine également des performances de nos voisins européens, je ne vois pas comment on pourrait continuer à aller chercher des explications là où elles ne se trouvent pas !
Près de 500 000 emplois ont été créés en un an entre le 1er septembre 1999 et le 30 septembre 2000. C'est, de toute évidence, au fort développement économique que nous devons ces milliers de créations d'emplois.
Ces deux dispositifs - les 35 heures et les emplois-jeunes - se concevaient hier, lorsque l'offre de travail était insuffisante. Il aurait fallu toutefois les concevoir mieux, c'est-à-dire avec souplesse pour les 35 heures et prudence pour les emplois-jeunes.
Si votre gouvernement, madame le ministre, avait écouté la majorité sénatoriale, il ne se trouverait pas aujourd'hui en porte-à-faux avec ces deux dispositifs.
Le contexte a, en effet, changé...
M. Guy Fischer. Ah, ça !
M. Alain Gournac. ... et les tensions, comme l'a rappelé le rapporteur de notre commission des affaires sociales, Louis Souvet,...
M. Gérard Delfau. Un peu de modestie !
M. Alain Gournac. ... concernent aujourd'hui davantage la demande de travail : 79 % des entreprises de moins de vingt salariés éprouvent des difficultés de recrutement de main-d'oeuvre qualifiée ; on est au-dessus de 85 % pour les autres entreprises.
M. Jean-Claude Carle. C'est tout à fait exact !
M. Alain Gournac. Ces difficultés touchent désormais tous les secteurs, c'est-à-dire non seulement les professions traditionnellement concernées, à savoir le bâtiment et les travaux publics, la restauration, la métallurgie, mais également les secteurs de l'agroalimentaire, du commerce, de l'informatique, de la chimie, de l'habillement, du textile, de l'immobilier, et je pourrais continuer l'énumération.
M. Gérard Delfau. Pas trop tout de même !
M. Alain Gournac. Tous les secteurs souffrent plus ou moins du manque de personnel compétent.
M. Guy Fischer. Parce que vous aviez taillé dans le vif !
M. Alain Gournac. Qu'après des années de récession économique nos entreprises aient du mal à recruter des secrétaires et des technico-commerciaux n'est pas très glorieux. Est-il acceptable qu'elles aient du mal à étoffer leurs forces de vente face à la concurrence ?
Même les bassins d'emploi où le niveau de chômage reste élevé connaissent des pénuries de main-d'oeuvre.
Les causes sont bien entendu multiples, depuis l'inadaptation du système de formation jusqu'à la croissance des nouveaux métiers, en passant par la mobilité transfrontalière.
Devant ces difficultés, il serait temps de mettre en place une politique pour l'emploi ambitieuse.
Il est tout d'abord impératif d'abaisser le coût du travail. C'est une nécessité pour les entreprises, pour la défense de leur compétitivité. C'est aussi, madame le ministre, une recommandation de la Commission européenne.
M. Guy Fischer. Toujours plus !
M. Alain Gournac. Il faut lever l'obstacle à la poursuite de la croissance que constitue, pour les entreprises, la limitation du recours aux heures supplémentaires mise en place par la loi du 19 janvier 2000 relative à la réduction du temps de travail. Nous y reviendrons plus longuement lors d'une prochaine discussion.
Il faut également relancer la formation professionnelle en insistant sur les métiers touchés par la pénurie de main-d'oeuvre.
Il faut généraliser le tutorat afin que les salariés en retraite ou en préretraite à cinquante-six ans et demi puissent transmettre aux plus jeunes leur savoir et les leçons de leur expérience.
M. Jean-Claude Carle. C'est vrai !
M. Alain Gournac. Il faut mettre en place un programme ambitieux d'aide à la création et à la reprise d'entreprises. Leur transmission est un problème crucial pour le devenir de notre tissu économique.
M. André Jourdain. Très juste !
M. Alain Gournac. Il faut également favoriser la professionnalisation des jeunes, notamment de ceux qui sortent, ou, plus exactement, qui sont appelés à sortir du programme emplois-jeunes.
Ce programme est le deuxième dispositif phare du Gouvernement. Il a rencontré un succès incontestable auprès de nos jeunes, mais l'objectif de 350 000 jeunes n'est pas encore atteint.
M. Jean-Claude Carle. Il s'agissait de 700 000 jeunes !
M. Alain Gournac. A ce jour, en effet, seuls 240 000 jeunes sont effectivement en poste.
M. Jean-Claude Carle. C'est vrai !
M. Alain Gournac. Le Gouvernement nous annonce cependant que l'objectif serait atteint à la fin de 2001.
Compte tenu de l'aide forfaitaire de l'Etat de 98 043 francs par an et par poste et de l'enveloppe de 22 milliards de francs inscrite au budget pour 2001, votre objectif est, en réalité, inférieur à 300 000 jeunes.
Comme vous l'avez reconnu devant notre commission des affaires sociales, madame le ministre, le nombre de 350 000 correspond au nombre des jeunes passés par le dispositif. Il ne s'agit pas d'un nombre de postes effectivement pourvus !
Les objectifs fixés par le Gouvernement ne seront donc pas atteints à la fin de 2001, ce qui n'enlève rien aux mérites de ce programme.
M. Claude Estier. Ah ! Tout de même !
M. Jean Chérioux. Voilà qui prouve que M. Gournac est objectif !
M. Alain Gournac. Oui, les jeunes sont généralement satisfaits.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Ils le disent !
M. Alain Gournac. Ils le sont, madame le ministre, mais ils aimeraient une satisfaction durable, et je les comprends. Nous les comprenons tous ici !
Or, s'agissant de leur avenir, ils sont très inquiets. Et ils ont tout lieu de l'être ! En effet, leur contrat est un contrat de cinq ans non renouvelable. Ils sont inquiets, mais nous le sommes tout autant car nous savons que le taux de sortie du dispositif et faible : 16,2 % en moyenne, hors éducation nationale et police nationale.
Si l'effet quantitatif de ce programme est indéniable, l'imprévoyance du Gouvernement l'est aussi. Pourtant, ce n'est pas faute de l'avoir mis en garde ! La majorité sénatoriale avait, lors de l'examen du projet de loi, souligné les écueils d'une réflexion enfermée, emmurée dans le quantitatif. Elle avait mis le doigt sur l'absence de réelle formation, sur les insuffisances du cadre juridique...
M. Jean Chérioux. C'est vrai !
M. Alain Gournac. ... sur le caractère surprenant, voire saugrenu, de certaines activités.
En 1999, M. Louis Souvet, rapporteur pour avis, s'était déjà inquiété, lors de l'examen des crédits du budget pour 2000, du manque d'intérêt du Gouvernement pour ces questions fort préoccupantes.
Le disposition phare de votre politique de l'emploi exprime une évidente générosité dans laquelle nous nous reconnaissons également, mais elle trahit, tout comme votre loi relative aux 35 heures, la méfiance du Gouvernement à l'égard du monde de l'entreprise.
Au fond, vous avez quelque réticence idéologique à admettre que les entreprises sont les forces vives de l'économie d'un pays et que c'est d'elles et de leur bonne santé qu'il faut attendre des améliorations significatives en matière d'emploi.
La baisse actuelle du chômage est de nature conjoncturelle. La croissance permet des créations d'emplois jusqu'au seuil de 8 % de chômage, mais notre pays a besoin de réformes profondes pour pouvoir faire baisser le niveau du chômage structurel.
Je ferme la parenthèse et je reviens sur le bilan des emplois-jeunes. Il ne pourra, bien entendu, être définitivement établi qu'à la fin du programme, mais ce n'est pas être rabat-joie que de constater que la voie est étroite pour réussir la sortie avec succès.
Avec succès, c'est-à-dire en tenant dans une main ferme les deux exigences suivantes : d'une part, assurer l'avenir professionnel des jeunes entrés dans le dispositif au-delà de la fin de leur contrat sans pour autant défavoriser les nouvelles générations entrant sur le marché du travail et, d'autre part, maîtriser la charge budgétaire. Or le coût de celle-ci est élevé.
Notre commission des affaires sociales, reprenant un souhait légitime, a demandé une évaluation par le CODEF, le comité départemental de la formation professionnelle, de la promotion sociale et de l'emploi.
J'ai beaucoup parlé de passerelles, madame le ministre, mais vous ne m'avez pas entendu. Nous devons revenir sur le multisalariat, sur l'approche avec les fédérations professionnelles...
M. le président. Monsieur Gournac, il faut conclure !
M. Alain Gournac. Je conclus, monsieur le président.
Je vous rappelle, madame le ministre, que le Gouvernement n'a pas souhaité inscrire à l'ordre du jour prioritaire de l'Assemblée nationale la proposition de loi de notre collègue André Jourdain, ici présent.
Notre commission suggérait aussi l'étude d'un système de prime dégressive à l'embauche des emplois-jeunes par les entreprises.
Ces propositions, madame le ministre, sont des propositions constructives, qui témoignent du souci du Sénat, d'une manière générale, pour l'emploi des jeunes et, d'une manière plus particulière, pour le devenir des emplois-jeunes.
Il faut une politique de l'emploi ambitieuse si nous voulons désormais nous attaquer au chômage structurel. A la lecture de votre budget, je ne vois pas la volonté du Gouvernement de s'y attaquer. C'est pourquoi, partageant les analyses et les observations de nos rapporteurs, je ne peux voter les crédits consacrés au travail et à l'emploi dans le projet de budget pour 2001. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. Claude Estier. On avait compris !
M. le président. La parole est à M. Jean Boyer.
M. Jean Boyer. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, je concentrerai mon intervention sur la formation professionnelle, et plus particulièrement sur l'apprentissage : je voudrais témoigner ici pour une voie de formation encore injustement traitée dans notre pays.
Première réflexion : la situation de l'apprentissage est dévalorisée.
L'apprentissage a longtemps été une voie de formation dénigrée, voire méprisée. Elle reste aujourd'hui dévalorisée. Le simple refus, par les transports scolaires, de véhiculer les jeunes en apprentissage témoigne de ce statut dévalué.
La comparaison avec l'enseignement professionnel est tout à fait révélatrice. On compte 804 000 élèves en lycée professionnel contre 363 000 apprentis, soit plus du double. Les sommes consacrées divergent également fortement. Les crédits de l'enseignement professionnel s'élèveront à plus de 40 milliards de francs en 2001. La dotation de l'Etat pour l'apprentissage sera, quant à elle, de 10 milliards de francs, soit quatre fois moins. L'ensemble des sommes consacrées à l'apprentissage par l'Etat, par les régions et par le fonds spécial atteint 15 milliards de francs, soit moins de 40 % des crédits consacrés à l'enseignement professionnel.
Autre constat : les difficultés de l'emploi ont conduit à relancer l'apprentissage.
La crise économique et la montée du chômage ont cependant montré les limites d'un système éducatif trop monolithique, souvent coupé des réalités du monde du travail, hélas ! Ces limites se traduisent aujourd'hui par la coexistence paradoxale d'un taux de chômage encore élevé et de pénuries de main-d'oeuvre croissantes.
On a ainsi redécouvert les vertus de l'apprentissage. Cette voie de formation épouse les besoins de l'économie. Elle permet d'adapter parfaitement l'offre à la demande d'emplois. Elle va directement à la racine de l'emploi : c'est chaque entreprise, en fonction de son métier et de ses besoins, qui forme le jeune à l'emploi et lui transmet son savoir-faire. Cette méthode permet de répondre à une demande que l'enseignement professionnel, déconnecté du monde de l'entreprise, n'est pas capable de satisfaire.
Les chambres de métiers ont ainsi créé 1,2 million d'emplois en dix ans, tandis que la grande industrie supprimait dans le même temps 800 000 postes.
Je reviens d'un stage très enrichissant que j'ai effectué, à votre demande, monsieur le président, à la chambre de métiers de Meurthe-et-Moselle à la fin du mois d'octobre dernier. Je tiens d'abord à témoigner, ici, du savoir-faire, du dévouement et de la qualité remarquable des actions menées par les chambres de métiers, qui sont pourtant injustement ignorées et délaissées.
Pour faire face à cette situation, nous avons pris depuis 1986 des mesures incitatives pour relancer l'apprentissage.
Le résultat ne s'est pas fait attendre : on comptait 363 000 jeunes en apprentissage au mois de septembre 1998, contre 220 000 en 1992, soit une croissance de près de 70 % en six ans. Cette envolée s'est, en outre, accompagnée d'une revalorisation notable de l'image de cette filière.
Mais cette évolution est récente et reste encore très fragile. Les effectifs d'apprentis atteignent à peine le quart des effectifs étudiants, alors qu'en Allemagne on comptait 1,5 million d'apprentis en 1990 : 45 % des dix-sept - dix-huit ans suivaient cette filière, contre 38 % celle de l'enseignement général. L'effort doit donc être poursuivi et approfondi.
Autre réflexion, le Gouvernement ne va guère dans ce sens et fragilise l'apprentissage.
Sa politique de l'apprentissage est marquée, depuis trois ans, par un relatif désengagement financier et par une action à courte vue, sans perspective.
Depuis trois ans, le nombre de nouveaux contrats d'apprentissage financés diminue. Il est passé de 240 000 en 1998 à 230 000 en 1999, soit une baisse de 4,2 %. Il a été ramené à 220 000 cette année, soit à nouveau une baisse de plus de 4 %.
Il augmentera l'année prochaine, mais de 10 000 seulement. En fait, il revient simplement au niveau de 1999. Roger Fauroux, lorsqu'il présidait la commission de réflexion sur l'école, estimait qu'il « fallait parvenir à un million d'apprentis d'ici à l'an 2000 ». On est encore bien loin du compte !
Voilà deux ans, la loi de finances pour 1999 a réservé le paiement de la prime à l'embauche aux seuls apprentis détenant un faible niveau de qualification. Cette mesure nuit doublement à l'apprentissage : elle en réduit l'attrait pour les entreprises et, en le concentrant sur les formations de faible niveau, elle porte par définition atteinte à son image.
Enfin, cette année, le Gouvernement s'en prend une nouvelle fois à l'apprentissage, en réservant l'aide à l'embauche aux employeurs occupant au plus dix salariés et en la supprimant pour les jeunes recrutés en contrat de qualification.
Le Gouvernement justifie cette mesure, inscrite à l'article 57 du projet de loi, par la baisse du chômage des jeunes. Mais cette diminution, dont je me réjouis par ailleurs, ne signifie en rien que les besoins de formation diminuent : l'apparition d'une pénurie de main-d'oeuvre dans certains secteurs en témoigne amplement.
Le Gouvernement n'a pas de politique de l'apprentissage. Il navigue à courte vue, il supprime telle aide par-ci, il en diminue telle autre par-là, au gré de la conjoncture économique et de l'emploi.
Or, il faut le savoir, l'Etat ne finance que la moitié des sommes consacrées à l'apprentissage. En effet, les régions et les entreprises contribuent pour plus de 8 milliards de francs à son financement. Or, que fait le Gouvernement ? Il alourdit encore leur contribution avec le passage aux 35 heures !
Les régions vont devoir débourser chacune plusieurs millions de francs pour financer la réduction du temps de travail dans les centres de formation d'apprentis, les CFA. Ce transfert de charges - permettez-moi de vous le dire respectueusement, madame le ministre - est inadmissible.
Quant aux entreprises, elles vont devoir payer des heures supplémentaires aux apprentis, et cela me conduit à formuler ma dernière réflexion.
Le Gouvernement a fait le choix idéologique d'un apprentissage a minima. Il préfère privilégier, encore et toujours, l'enseignement professionnel.
Les mesures récentes en témoignent. Un ministère délégué à l'enseignement a été créé en début d'année. Une réforme importante vient d'être mise en place et des moyens supplémentaires importants ont été débloqués : 2 485 emplois nouveaux de professeurs en lycées professionnels sont créés ; plus de 500 millions de francs supplémentaires viendront financer les innovations pédagogiques et revaloriser le traitement des professeurs.
Dans le même temps, rien - je dis bien « rien » - n'est fait pour améliorer la compensation du coût du temps passé par le maître d'apprentissage à la formation de l'apprenti.
Avec une telle politique, vous ne viendrez à bout ni des pénuries de main-d'oeuvre ni du chômage des jeunes. Il est temps de faire de l'apprentissage une voie de formation à part entière.
M. Jean-Claude Carle. Très bien !
M. Jean Boyer. Cela passe : premièrement, par la poursuite de la revalorisation culturelle de l'apprentissage ; deuxièmement, par une meilleure information et orientation des jeunes ; troisièmement, par l'aménagement de filières complètes permettant d'atteindre des qualifications de haut niveau et par la multiplication des passerelles - j'insiste sur ce point - entre les différentes formations ; quatrièmement, par une meilleure compensation du temps passé par le maître d'apprentissage à la formation de l'apprenti.
Puissiez-vous, madame le ministre - je vous le demande respectueusement - mettre ces réformes en oeuvre ! (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, avec un peu moins de 112 milliards de francs, le budget de l'emploi demeure l'un des trois budgets prioritaires de la nation, et il faut souligner d'entrée de jeu que la spectaculaire décrue du chômage n'a pas conduit le Gouvernement à baisser la garde. C'est un choix politique que je veux porter au crédit de M. le Premier ministre. En d'autres temps, d'autres chefs du gouvernement auraient agi autrement.
Si, en masse, le budget demeure à peu près l'équivalent de celui de l'an passé, l'affectation des sommes connaît, elle, de sensibles évolutions, et cela est de bonne méthode. Il aurait été curieux que la forte croissance des offres sur le marché du travail ne se traduise pas par une modification de l'investissement public. Evidemment, ces redéploiements peuvent poser problème et susciter des questions ; je les évoquerai chemin faisant.
Mais, avant d'entrer dans le détail, saluons votre politique de plein emploi et vos succès sur le front du chômage, madame le ministre. C'est à partir de ce constat que se développent mes interrogations, ou même mes inquiétudes.
Les moyens financiers attribués à vos services, à l'ANPE et à l'AFPA, s'accroissent de façon significative, et c'est heureux, dans la mesure où la mise en place des 35 heures a fortement mobilisé l'activité de votre ministère.
Les services déconcentrés du travail ont particulièrement souffert d'une gestion complexe et excessivement centralisée du dossier de l'aménagement et de la réduction du temps de travail, l'ARTT, depuis deux ans.
J'espère que la marge budgétaire retrouvée, prolongeant l'effet positif de votre arrivée, permettra aux directions départementales du travail de reprendre souffle.
Je sais bien que les 35 heures vont encore mobiliser vos services l'an prochain. Il faudrait pourtant, madame le ministre, permettez-moi de vous le dire, qu'un coup de frein soit donné à la « culture de guichetier », à la gestion par trop administrative du budget qui s'est développée dans les services déconcentrés, sous la pression du chômage et en raison des orientations nationales arrêtées depuis une quinzaine d'années.
Il faut retrouver l'esprit d'administration de « mission » qui fit les beaux jours du ministère au début des années quatre-vingt, alors que fleurissaient les initiatives décentralisées et que la mode était au développement endogène, au développement local.
Sans naïveté, à partir de ma double expérience de maire et de président des comités de bassin d'emploi pendant dix ans, permettez-moi de vous dire qu'il est temps de revenir à une conception moins « macro » des politiques de l'emploi.
Vous pourrez, pour cela, prendre appui sur l'ANPE, dont la mutation est remarquable. Ce service public de l'emploi a su s'adapter, et il méritait bien la confiance que lui a renouvelée Mme Aubry dans son bras de fer justifié avec le MEDEF et la CFDT.
Je voudrais dire, au passage, que les partenaires sociaux ne peuvent prétendre se substituer aux élus de la nation - à chacun son rôle ! - d'autant que leurs divisions et la faiblesse de leur représentativité affaiblissent leur légitimité.
En revanche, veillons, nous, Parlement, et veillez, vous, Gouvernement, à ne pas corseter par la loi, le règlement et les circulaires une activité économique qui échappe évidemment à des classifications rigides. A chacun son rôle, en somme, dirai-je une nouvelle fois !
Plus concrètement, qu'en sera-t-il de la mission de l'ANPE dans le contrat de retour à l'emploi appelé PARE - plan d'aide au retour à l'emploi - qui suscite encore bien des inquiétudes ?
Permettez-moi à présent d'en venir à l'un des rares points noirs de votre ministère : le fossé qui s'est creusé avec le corps des inspecteurs du travail.
Ces derniers éprouvent un sentiment d'abandon. Ils s'estiment mal soutenus dans leur mission de « magistrats du social », défavorisés dans le reprofilage de leur carrière, et le conflit malheureux en cours avec l'un de leurs leaders syndicaux achève de dégrader les relations.
J'avais, au printemps, vainement alerté Mme Aubry à ce sujet. Votre nomination, madame la ministre, a déjà détendu l'atmosphère, et je sais que vous faites tout pour restaurer un climat de dialogue. C'est nécessaire, car, reconnaissons-le, la tâche des inspecteurs du travail est ingrate dans un contexte de déréglementation du marché du travail et d'affaiblissement syndical. Ils sont les contrepoids indispensables de la puissance publique et les garants des droits des salariés face au vent du libéralisme économique. Ils méritent notre aide.
Précisément, ne serait-il pas temps, en extrapolant ce sujet, de réexaminer la question du temps partiel et de mieux encadrer les contrats à durée déterminée, qui prolifèrent dans la grande distribution, essentiellement au détriment des femmes ?
Voilà des firmes multinationales en position d'oligopole et qui en profitent pour exploiter leur personnel ! Jusqu'ici, le taux élevé de chômage décourageait de prendre des iniatives pour contrecarrer cette tendance, mais, à présent, le moment n'est-il pas venu de faire quelque chose ?
J'ai dit que j'approuvais les redéploiements de crédits, et pourtant un choix m'inquiète, celui qui consiste à baisser de presque 10 % le financement des actions en faveur des publics en difficulté - chômeurs de plus de cinquante ans, femmes seules, jeunes de moins de vingt-cinq ans.
Tous les élus locaux et toutes les assistantes sociales vous diront - vous le savez, d'ailleurs ! - l'importance des contrats initiative-emploi, CIE, emploi-solidarité, CES, ou emploi consolidé, CEC, sans oublier les stages dits de « remobilisation ». Ils sont un outil irremplaçable de cohésion sociale. Jusqu'ici, malgré la montée en puissance des 35 heures, leur financement avait été préservé. Qu'en sera-t-il demain ?
Venons-en maintenant au sujet le plus délicat, celui du passage aux 35 heures dans les entreprises de moins de vingt salariés en 2002. Je ferai mes observations, là encore, à partir de mon expérience de maire et de président d'une maison des entreprises fondée en 1986.
Le 1er janvier 2002 commence, pour ces TPE - il faut insister sur le « T » -, c'est-à-dire les très petites entreprises, une période de transition durant laquelle s'appliqueront diverses mesures alourdissant le coût du travail et imposant sa réorganisation au sein d'une unité dépourvue de toute souplesse en raison de sa petite taille. Certes, quelques entreprises ont sauté le pas, mais la grande masse hésite.
Paradoxalement, la croissance économique aggrave la situation, en créant des risques de pénurie de main-d'oeuvre - sans doute moins, d'ailleurs, qu'on ne le dit, et que ne le disait, voilà quelques instants, l'un de nos collègues.
Les obstacles sont redoutables. Le chef d'entreprise - artisan, petit commerçant, médecin - doit intégrer une diversité de paramètres qui bouleversent l'équilibre de sa structure et de ses coûts de production. Quant au personnel, en général peu enclin au changement, souvent dépourvu de culture syndicale, peu familier avec la formation professionnelle continue, il voit arriver cette échéance avec beaucoup d'appréhension.
Je n'en déduis pas, évidemment, qu'il faut interrompre l'application de la loi, mais simplement qu'il est urgent de prendre les précautions nécessaires pour franchir sans trop de mal ce cap.
S'agissant du contingent d'heures supplémentaires, du seuil d'obligation d'embauche et du lien entre recrutement et obtention des aides, envisagez-vous un régime assoupli pour les entreprises de moins de vingt salariés, ou pour celles de moins de dix - la barre n'est pas aisée à placer, mais le seuil psychologique existe en termes d'encadrement et de moyens financiers ?
Je voudrais souligner un point crucial : l'absence du syndicalisme à ce niveau d'entreprises.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Eh oui !
M. Gérard Delfau. Comment y suppléer dans le cadre de la négociation : par le recours au mandataire syndical, en faisant appel au délégué du personnel ? Mais encore faudrait-il qu'il existât.
Je suggère, pour ma part, que soit expérimentée une extension du délégué de site, procédure créée par les lois Auroux et qui pourrait retrouver vie sous forme d'un délégué de zone d'emploi, désigné par chaque organisation syndicale volontaire et s'inscrivant dans l'actuelle mise en place des pays. La rencontre entre la législation sur l'aménagement du territoire - la loi Voynet - et la territorialisation de l'effort en faveur de l'emploi serait une bonne nouvelle et représenterait une économie de moyens.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Delfau !
M. Gérard Delfau. Une dernière interrogation, puisque le temps presse ! Le passage aux 35 heures a une dimension technique nécessitant une pratique fine du code du travail. Faute de pouvoir attendre que ces connaissances se généralisent au sein des TPE, celles-ci ont besoin d'un professionnel, d'un spécialiste pour les accompagner dans cette démarche, et pas seulement pour élaborer la méthode et le calendrier de mise en oeuvre. Mais cela a un coût pour la collectivité.
J'aurais voulu parler encore de l'exceptionnelle réussite sur mon bassin d'emploi du programme communautaire ADAPT, consacré à la mise en réseau de jeunes chefs d'entreprise, copiloté par la direction départementale du travail et la DATAR, animé par ma Maison des entreprises, avec l'appui du conseil général, du conseil régional et de la chambre des métiers. Grâce à ce programme, j'ai vu émerger une nouvelle génération de chefs d'entreprise, en phase avec leur époque et capables d'échanges et d'entraide, à la façon des « districts » italiens. C'est une avancée considérable sur un territoire dont le taux de chômage est le double de la moyenne nationale.
Or l'on me dit que le programme qui lui succède, appelé « Equal », ne permettra pas la poursuite de ce type d'initiative. Ce serait consternant !
J'aurais eu d'autres sujets à traiter. Je ne le puis dans le cadre de cette discussion, mais nous trouverons d'autres occasions.
Il me reste, madame la ministre, à confirmer l'appui des sénateurs radicaux à votre projet de budget, à vous renouveler leur confiance et à souhaiter un grand succès au Gouvernement dans sa politique de plein emploi. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Muzeau.
M. Roland Muzeau. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, avant d'aborder les principales lignes budgétaires du projet de budget pour 2001 du ministère de l'emploi et de la solidarité, examinons le contexte social actuel.
Le taux de chômage a significativement diminué, passant, en un an, de 11,1 % à 9,5 %. Le nombre de demandeurs d'emploi continue à baisser. Cette baisse touche toutes les catégories, même les plus fragiles : les chômeurs de moins de vingt-cinq ans, les RMIstes et les chômeurs de longue durée.
Mais pour quels emplois ? La moitié des salariés du secteur privé, soit environ sept millions de personnes, perçoivent des salaires inférieurs à 1,3 SMIC ! L'emploi précaire explose : d'une année sur l'autre, on compte 103 000 postes d'intérim supplémentaires et 83 000 contrats à durée déterminée de plus.
Les résultats pour l'emploi sont très contrastés : on continue à dépenser beaucoup d'argent public pour aider à créer des emplois précaires, fragiles, qui tirent vers le bas les salaires et la demande de qualification.
Il convient donc de mener, d'une manière renouvelée, une politique de retour au plein emploi et de création de vrais emplois, et non de développer encore un peu plus la précarité, comme nous y incite la majorité sénatoriale. Nous avons le devoir de consolider la croissance et d'assurer une juste répartition de ses effets.
C'est au regard de cette situation et des obligations qu'elle entraîne qu'il faut, à mon sens, examiner le projet de budget.
Les crédits s'élèvent à 111,83 milliards de francs, soit une baisse de 1,9 % par rapport à l'exercice 2000, en ne tenant pas compte des 85 milliards de francs de crédits de compensation d'allégements de cotisations sociales désormais pris en charge par le fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale, le FOREC.
Je comprends, madame la ministre, qu'en raison d'une croissance soutenue les crédits d'accompagnement des restructurations économiques soient allégés à hauteur de 1,5 milliard de francs. Mais, lorsque l'on entend le groupe informatique Bull annoncer une « accélération » des restructurations, avec à la clé un nouveau plan de suppression de 1 800 postes, on prend conscience de ce que la croissance n'évite pas les licenciements massifs et on devine que l'argent public sera de nouveau mis à contribution. J'admets que l'on escompte réaliser des économies sur le financement des préretraites et des préretraites progressives, à condition que la contribution des entreprises au financement du retrait de l'activité soit accrue.
Je comprends le recentrage de la politique de l'emploi au profit des personnes les plus éloignées du marché du travail, afin de faire bénéficier les chômeurs de longue durée, les bénéficiaires des minima sociaux et les personnes handicapées de dispositifs spécifiques. Je note d'ailleurs avec intérêt que les crédits consacrés aux handicapés progressent de 4,6 %, ce qui devrait permettre de créer 500 places supplémentaires en ateliers protégés et 1 500 en centres d'aide par le travail.
Cependant, au-delà de la baisse programmée des crédits qui leur sont affectés pour 2001, je m'interroge très fortement sur l'efficacité des dispositifs existants, comme les CES, les CIE et les CEC.
C'est pourquoi je ne fais pas mienne l'idée de créer un dispositif semblable à celui des emplois-jeunes à l'intention des adultes. Pourtant, il y a grand besoin de dispositifs particuliers s'adressant à des publics particuliers qui cumulent souvent plusieurs handicaps, qu'il s'agisse de difficultés psychologiques ou de problèmes de formation, de santé, de logement, etc.
Plus le chômage recule, plus la situation des laissés-pour-compte de la reprise devient insupportable. Mais les dispositifs existants me semblent toujours frappés de la même tare, car la philosophie qui les sous-tend tient en un slogan : a baisser le coût du travail.
Consacrer quelque 130 milliards de francs en 2001 - combien d'argent a été dépensé depuis 1993, depuis que la précarité est subventionnée ? - aux allégements des cotisations sociales pesant sur le travail ou aux contrats d'aide à la création d'emplois non soumis aux normes du code du travail représente un effort financier considérable, mais à qui profite-t-il ? Les salariés ne reçoivent qu'une faible contrepartie, et les conséquences sur leur vie sont lourdes !
Les exonérations de charges au bénéfice des entreprises incitent, en fait, ces dernières à embaucher à temps partiel et à bas salaire. Comment, dans ces conditions, peut-on continuer à regretter, comme le fait notre collègue M. le rapporteur spécial de la commission des finances, « que l'incitation au travail en France reste trop faible, et le coût du travail trop élevé », alors que les interventions publiques au nom de l'emploi entraînent une baisse des charges supportées par l'employeur, qu'il soit privé ou public ?
Comment peut-on continuer à soutenir - je cite toujours le même auteur - que « ce phénomène, connu sous le nom de "trappe à inactivité", dissuade certaines personnes de chercher du travail en raison de gains de revenus trop faibles, voire nuls, par rapport aux montants des minima sociaux dont elles peuvent bénéficier » ? Les chômeurs vont-il devoir remercier nos collègues de la droite libérale de les mettre en garde contre le principal danger qui les guetterait, à savoir celui de tomber dans une « trappe à inactivité » ? C'est étonnant, et cela revient à ignorer la triste réalité.
En effet, travailler ne met pas automatiquement à l'abri de la pauvreté : en France, 1,3 million de salariés se trouvaient ainsi, en 1996, en dessous du seuil de pauvreté, selon les résultats d'une étude publiée ce mois-ci par l'INSEE, l'Institut national de la statistique et des études économiques. Il s'agit là de la pauvreté laborieuse, des « working poor », notion importée des Etats-Unis dans les années soixante-dix. Ce phénomène touche plus tardivement la France, où ces salariés représentent 6 % de la population active.
Ce seul pourcentage suffit à mettre à bas le mythe des chômeurs se contentant de calculer leur intérêt pécuniaire et préférant rester « payés à ne rien faire » plutôt que de retravailler pour un bas salaire. Le total des actifs vivant au-dessous du seuil de pauvreté, en comptant les 515 000 chômeurs pauvres non pris en compte par l'étude de l'INSEE, s'élève à 1 820 000. Avec les conjoints et les enfants, ce sont 3,5 millions de personnes en France qui sont concernées par la pauvreté laborieuse.
Ces actifs touchent des salaires inférieurs aux revenus d'assistance dont ils pourraient bénéficier s'ils ne travaillaient pas. Une minorité seulement de la population raisonne donc en fonction d'un gain immédiat.
La reprise d'un tel emploi à faible salaire, après une période de chômage ou de RMI, s'explique aussi, outre l'apport d'un statut social lié au travail, par le fait que le chômeur espère toujours qu'il débouchera sur un « vrai travail », un emploi stable et normalement rémunéré.
Nous sommes loin, mes chers collègues, de cette provocation que constitue l'information parue cette semaine dans la revue Capital , selon laquelle Liliane Bettencourt, tête de liste des grandes fortunes, s'enrichit de quelque 4 millions de francs par heure : à la fin de mon intervention, cette personne aura gagné 733 000 francs de plus !
M. Guy Fischer. Eh oui !
M. Roland Muzeau. En fait, sauf à vouloir les culpabiliser, le comportement des chômeurs face à l'emploi ne peut être envisagé indépendamment de l'état du marché du travail et de la nature des postes proposés. Nombre de jeunes n'ont jamais connu la stabilité, enchaînant les « petits boulots » avec l'espoir qu'ils se transforment en emploi fixe. Au lieu d'une « trappe à inactivité », ils se rendent compte, avec le temps, qu'ils sont tombés dans une « trappe à précarité ». Très révoltés contre les pratiques des employeurs, certains décident parfois de ne plus accepter de travail précaire, ne misant plus que sur d'hypothétiques contrats à durée indéterminée, seuls susceptibles de leur apporter une stabilité.
Je me félicite, madame la ministre, du renforcement des moyens de l'ANPE, notamment en termes de postes d'inspecteur et de contrôleur du travail. Mais il faudra faire plus encore. Cela permettra de s'attaquer aux abus mais ne réglera pas le fond du problème. Plutôt que de contribuer au développement d'emplois ne permettant pas à leurs titulaires de vivre, les pouvoirs publics doivent au contraire pénaliser ou rendre illégal le recours massif à la précarité. Sinon, l'objectif du plein emploi pourrait bien n'être qu'un miroir aux alouettes.
Il s'agit maintenant de mettre en oeuvre les priorités de la gauche plurielle : pénaliser financièrement le recours aux emplois précaires, développer la reconnaissance des droits des salariés, contrôler davantage l'utilisation des dotations publiques aux entreprises et mettre en place des fonds décentralisés, orientés en priorité vers le financement de la formation, de la création d'emplois et des investissements dans les PME-PMI.
J'ai bien pris note, madame la ministre, de vos engagements relatifs à la future loi de modernisation sociale et devant permettre le passage à un emploi stable. Nous aurons donc l'occasion d'aborder de nouveau ce sujet.
J'ai également relevé que vous nous avez donné l'assurance que sera menée à terme, dans le respect du calendrier prévu, la mise en oeuvre des 35 heures pour tous les salariés, je m'en félicite.
Reste la question de l'avenir des emplois-jeunes : je suis de ceux qui tiennent à ce que ce dispositif aboutisse à une réussite. Il a permis de répondre à une forte attente des jeunes et doit donc être mené à son terme. A chacun de ces jeunes, il s'agit de garantir un débouché professionnel qui ne soit pas « hors norme » au regard du code du travail. Cela vaut pour l'Etat, qui doit donner des signes forts.
Je terminerai mon intervention en évoquant la formation professionnelle, dont l'importance est unanimement reconnue. Pourtant, le montant de la dotation au financement de l'AFR, l'allocation de formation-reclassement, diminue, passant de 2,5 milliards de francs à 1,5 milliard de francs. Est-ce une façon d'anticiper l'application de la future convention relative à l'UNEDIC, que le groupe communiste républicain et citoyen conteste et qui semble devoir être agréée par le Gouvernement, malgré son caractère dangereux et pour le moins ambigu ?
Cette convention, si elle prévoit d'importantes baisses de cotisations patronales, ne permettra d'accroître que très peu la proportion de chômeurs indemnisés et ne débouchera pas sur une amélioration du montant des allocations. Je crains fort que nous ne demeurions enfermés dans la même logique libérale, se fondant sur l'idée fallacieuse qu'un chômeur ne veut pas retravailler et qu'il faut sans répit baisser le coût du travail. L'agrément ne risque-t-il pas d'être compris par le MEDEF comme la validation de sa démarche de « refondation sociale » ?
Il apparaît pourtant crucial d'élaborer des mesures reposant sur l'incitation et la promotion plutôt que sur la contrainte et la sanction, des mesures permettant d'assurer le retour à l'emploi en donnant à chacun le droit à la formation tout au long de sa vie. Face à des pénuries de main-d'oeuvre se manifestant dans certains secteurs comme l'informatique, le bâtiment et les services, une formation qualifiante permettrait d'anticiper les besoins.
Faire progresser le montant des dotations à l'AFPA est une bonne chose ; nous attendons néanmoins la réforme annoncée, qui tarde à venir. J'espère que cette attente sera compensée par un renforcement des investissements de l'Etat et des autres partenaires, les responsabilités de chacun étant clarifiées, afin que la formation professionnelle corresponde aux besoins de l'économie nationale et des salariés.
Ainsi, madame la ministre, mes chers collègues, sur le fondement des remarques que je viens de faire, le groupe communiste républicain et citoyen rejettera les amendements de la droite sénatoriale et s'abstiendra sur ce projet de budget contrasté. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à Mme Dieulangard.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de budget de l'emploi et du travail pour 2001 présente une originalité dont nous ne pouvons que nous réjouir et qu'il s'agit de bien mesurer : il accompagne l'emploi plutôt qu'il n'accompagne le chômage. Il faut mettre en perspective cette évolution et les réponses spécifiques et nouvelles qu'elle appelle.
La décrue du chômage est due à plusieurs facteurs : la croissance, l'action des dispositifs de lutte contre le chômage, une politique volontariste - que symbolisent notamment les emplois-jeunes - et des réformes structurelles visant le financement de la protection sociale, l'ensemble de ces paramètres étant conjugué par le Gouvernement.
Parmi les dispositifs de cette politique qui met la croissance au service de l'emploi, il faut citer les 35 heures. Je sais qu'il y a polémique sur ce sujet, mais les résultats sont là sur le plan de la création d'emplois. Le dialogue social a été relancé dans l'entreprise, ce qui a permis à ses acteurs d'acquérir une meilleure connaissance mutuelle et de mettre en oeuvre une réorganisation profonde et efficace.
Cette décrue du chômage, qui s'est déroulée de manière presque ininterrompue, profite à tous les demandeurs d'emploi, qu'il s'agisse des chômeurs de longue durée, des jeunes ou des femmes. Par ailleurs, en ce qui concerne les personnes âgées de plus de cinquante-cinq ans, l'INSEE a constaté un arrêt de la baisse d'activité.
Par la confiance qu'elle redonne aux ménages et par les ressources accrues qu'elle procure à ceux qui sortent du chômage, cette amélioration de la situation de l'emploi entretient la croissance.
Faut-il pour autant penser que nous sommes entrés dans un cercle vertueux ? Soyons prudents : c'est la perspective qui a changé et qui semble indiquer que nous allons vers le plein emploi.
Toutefois, nombre de nos concitoyens sont encore victimes du chômage ou ont peur de le devenir. Cette angoisse touche leurs proches, ainsi que les responsables politiques et socio-économiques, en particulier dans certains bassins d'emplois. De fait, ce sont les personnes les plus en difficulté et les plus fragiles qui ont le moins de chances de retrouver un emploi grâce à la seule croissance. C'est le noyau dur du chômage qui apparaît maintenant, de façon problématique.
Comment allons-nous nous y prendre pour nous attaquer à ce chômage-là ?
Chacun s'accorde à dire que les moyens de lutte de demain ne devront pas être les mêmes que ceux d'hier. Il faut, pour aider les chômeurs les plus en difficulté, prendre des mesures spécifiques d'accompagnement et d'insertion qui soient appliquées de manière de plus en plus individualisée ; il faut aller vers du « sur-mesure ». On peut, on doit réussir. En effet, les chances que les dispositifs d'insertion puissent maintenant remplir leur fonction sont réelles : le marché du travail est plus accueillant, ce qui est une condition nécessaire mais non suffisante. Il existe même des pénuries de main-d'oeuvre.
Ce budget doit permettre à chacun d'accéder aux emplois que créent l'économie et de nouveaux besoins. Il s'agit, en fait, d'« accrocher » les victimes du chômage à la croissance.
Si ce choix répond évidemment aux aspirations légitimes de nos concitoyens, je suis convaincue qu'il représente davantage : c'est la condition grâce à laquelle la croissance sera durable, parce qu'une économie solide au service de la société se fonde non pas sur l'exclusion, mais sur la participation de tous à la création des richesses, et ce avec un statut et dans des conditions de travail sécurisées, avec des salaires décents et des compétences professionnelles reconnues. J'y reviendrai.
Auparavant, je veux souligner que ce projet de budget comporte des redéploiements révélateurs de cette volonté d'accompagner l'emploi plutôt que le chômage.
La diminution de certaines dépenses nous est proposée. Ainsi, l'amélioration de la situation permet de poursuivre la baisse des dotations accompagnant les restructurations : nous voyons que le montant de l'aide publique au chômage partiel, par exemple, passe à 150 millions de francs, alors qu'il était encore de 686 millions en 1998.
Une baisse sensible des dotations apparaît également dans le domaine des préretraites progressives, dont le dispositif avait été profondément remanié en 1997.
Des moyens accrus sont donc dégagés. Avant de les évoquer, je voudrais marquer ma perplexité s'agissant du cas particulier des contrats emploi-solidarité, les CES.
On constate en effet une réduction de la dotation affectée au financement des CES, ce qui ne peut manquer de nous interpeller. Son montant régresse d'un peu plus de 9 milliards de francs à 6,5 milliards de francs. Cette diminution a été décidée parce que le nombre d'entrées prévues dans le dispositif est en diminution.
Parallèlement, madame la ministre, vous avez la volonté de restreindre le bénéfice de cette mesure aux publics qui en ont réellement besoin dans le cadre de leur parcours d'insertion dans le monde du travail. Cela est d'ailleurs conforme aux dispositions de 1998, qui exigent que, pour obtenir le renouvellement des CES, les employeurs mettent en oeuvre un dispositif d'accompagnement et de formation. Je souscris à cette démarche, qui tend à mieux accompagner les publics concernés, mais cette diminution des dotations inquiète les acteurs de l'insertion.
M. Gérard Delfau. Oui !
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Ils ne doivent pas se trouver dans l'embarras alors que l'on attend beaucoup d'eux. En fait, nous sommes face à une transition dans ce dispositif. Madame la ministre, pourriez-vous préciser comment vous entendez appréhender cette transition ?
Dans ce projet de loi de finances, plusieurs mesures seront déterminantes pour vaincre le noyau dur du chômage. Elles permettront de mener des actions plus individualisées qui prendront en charge, dans la durée, le parcours de chaque personne.
Les contrats emplois consolidés, les CEC, qui offrent une possibilité d'insertion sur cinq ans, concernent 69 % des chômeurs de longue durée. C'est le signe d'un resserrement sur les publics prioritaires. Il est bon que leur dotation soit en hausse.
L'attention aux publics prioritaires se lit également dans les crédits consacrés aux contrats initiative-emploi, les CIE. Ceux-ci sont stabilisés, alors qu'ils étaient en baisse depuis 1998.
Dans le cadre du programme TRACE, le projet de budget pour 2001 prévoit un effort important pour soutenir les missions locales et les permanences d'accueil, d'information et d'orientation, les PAIO. Le programme TRACE, institué par la loi de lutte contre les exclusions, est exemplaire par le parcours individualisé qu'il met en oeuvre. Maintenons donc ce dispositif et donnons-lui plus d'ampleur.
Concernant l'effort financier qui est fait pour les missions locales, auquel je souscris, je voudrais souligner que ces missions ont besoin d'indications stabilisées en ce qui concerne les dotations qu'elles attendent, en particulier pour le FSE. Certaines ont en effet des difficultés à établir leur budget par manque d'informations précises, et ce flou pèse sur la bonne mise en oeuvre de leur activité.
Pour les emplois-jeunes, la dotation est en légère hausse. L'effort de professionnalisation doit être renforcé. La question de la pérennisation lui est étroitement liée et devient aiguë.
Madame la ministre, vous avez déjà été interpellée sur ce sujet ; vous avez dressé un tableau de ceux qui sont déjà solvabilisés ou qui vont l'être. Mais vous avez reconnu que des problèmes se posaient, notamment pour les jeunes qui n'avaient pas le niveau bac + 3 et qui sont dans l'éducation nationale. Avez-vous progressé dans la recherche d'une solution ?
Sur un autre plan, on peut noter l'effort qui est fait pour améliorer les moyens en personnels du ministère de l'emploi. Les crédits sont en hausse de 8,4 %. Ils permettront une revalorisation indemnitaire et une régularisation d'agents précaires, ce qui correspond à des objectifs plus généraux de la part du Gouvernement. Des emplois sont créés, notamment d'inspecteur et de contrôleur du travail. Cela montre que le Gouvernement est conscient des besoins. Peut-être faut-il même aller plus loin !
La mise en oeuvre négociée de la réduction du temps de travail a débouché sur de nouvelles conditions de travail, qui nécessitent une vigilance accrue. C'est aussi le cas du travail de nuit, qu'il s'agisse de celui des hommes ou de celui des femmes. Il faut que les salariés soient et se sachent protégés dans leurs droits.
Parmi les efforts importants réalisés, soulignons l'augmentation de la subvention à l'ANPE. Depuis 1997, elle aura progressé de 30 %. Ce sont 4,7 millions de demandeurs qui ont fréquenté l'agence cette année et 3,3 millions d'offres d'emploi qui y ont transité, contre 700 000 il y a dix ans. Ces chiffres révèlent un effort d'efficacité qui est payant, puisqu'il recueille la confiance des entreprises.
L'effort en faveur de l'ANPE apparaît d'autant plus nécessaire que les personnes qui ne parviennent pas à retrouver un emploi sont précisément celles qui ont le plus besoin d'un accompagnement personnalisé et d'une formation. Cela souligne l'intérêt des nouveaux liens avec l'AFPA dont ont bénéficié, en 1999, 96 500 chômeurs.
Je dirai maintenant quelques mots de la formation professionnelle. J'ai conscience qu'il s'agit, dans ce domaine, d'un budget de transition. Pour autant, on ne peut négliger aucune des dimensions de cette grande question.
Dans la perspective qui nous intéresse, pour pérenniser une croissance riche en emplois, il est important de mettre en oeuvre l'ambition d'une formation tout au long de la vie.
Je pense qu'il faut accentuer notre action en ce sens. Il le faut d'autant plus que davantage de personnes auront besoin d'une prise en charge individuelle plus longue et poussée plus loin dans l'entreprise. Nous espérons qu'il en sera question dans le cadre de la future loi de modernisation sociale ! Il faudra permettre des cheminements et renforcer l'articulation des différents mécanismes d'insertion dans le travail. Il le faut d'autant plus que les évolutions rapides des technologies de l'information « casseront » professionnellement ceux qui n'auront pas bénéficié de cette formation continue.
Avec la croissance, d'une part, et un fort noyau dur du chômage, d'autre part, il est par ailleurs important de maintenir les structures d'insertion. Elles retrouvent leur rôle et elles permettent d'éviter l'écueil de l'enfermement sur des publics en difficulté. Comme l'écrivait récemment Jean-Michel Belorgey, « ce n'est pas le moment de lever le pied ». Il faut travailler sur les situations particulières et mettre en place des itinéraires transitionnels.
Ainsi, les plans locaux d'insertion par l'économique constituent un apport important dans cette démarche, en complément de ces structures d'insertion.
De plus, il paraît déterminant de développer significativement la gestion prévisionnelle de l'emploi, notamment dans les petites et très petites entreprises. Cela représente un véritable chantier.
Alors que la baisse du chômage se confirme, il faut, madame la ministre, franchir une troisième étape : il s'agit de rendre le travail plus attractif, à la fois plus valorisé et plus valorisant. Cela signifie concrètement préparer une amélioration du pouvoir d'achat individuel et une sécurisation des conditions de travail.
Il est important d'y penser dès maintenant, pour deux raisons essentielles. En effet, la crise a imposé des sacrifices mettant les salariés en position de faiblesse. Il serait malsain de pérenniser cette situation, alors même qu'il y a des tensions sur le marché de l'emploi et que celles-ci peuvent se résoudre par une amélioration des conditions de travail.
De plus, il faut porter loin la dynamique de la croissance. Cette dernière ne doit pas être seulement encouragée pour elle-même ou pour développer les seuls profits, mais elle doit l'être aussi en faveur des salariés, afin de leur fournir du pouvoir d'achat individuel. Il faut ici souligner que la diminution du chômage permet déjà une augmentation de la masse salariale, donc du pouvoir d'achat collectif.
Qu'il faille agir pour développer l'attractivité du travail, même les instances professionnelles en ont conscience. Si des secteurs tels que l'hôtellerie-restauration ou le bâtiment se heurtent à des difficultés pour trouver de la main-d'oeuvre, c'est parce que les salaires sont faibles pour des horaires qui, eux, ne le sont pas, avec des conditions de travail particulièrement pénibles.
Il faut, en particulier, lutter contre le travail précaire, encore trop important. On constatait, en mars dernier, une augmentation de 11 % des travailleurs précaires. Ils représentent 10 % de la population active.
Par ailleurs, le volume du travail intérimaire augmente, en particulier dans la construction et dans le tertiaire.
Bien qu'il ne soit pas très important chez les cadres, on note là aussi une augmentation de l'intérim. Ces progressions sont d'autant plus frappantes que, comme le notait la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques, la DARES, les tensions sur le marché du travail, d'une part, la souplesse introduite par de nombreux accords sur les 35 heures, d'autre part, devraient concurrencer le recours au travail temporaire. Cette tendance semble, en fait, correspondre à un processus d'externalisation sur lequel nous devons nous interroger.
Pour y faire face, je crois qu'il est nécessaire d'avancer, et je rejoins sur ce point notre collègue Gérard Delfau sur la notion du dialogue social organisé par site.
En effet, dans un bassin d'emploi, ce sont les entreprises pilotes qui sont privilégiées en termes de dialogue social et de syndicalisation. Sur ce plan, les salariés des entreprises sous-traitantes ou les intérimaires sont des laissés-pour-compte. Quelle est, madame la ministre, votre réflexion à ce sujet ?
M. Gérard Delfau. Très bien !
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Par ailleurs, il faut être vigilant pour que ne s'aggrave pas le phénomène des travailleurs pauvres. On nous cite souvent les pays anglo-saxons comme modèles. Mais, là-bas, à mesure que la courbe du chômage diminue, celle de la pauvreté augmente. Il serait tragique que cette tendance se développe en France et gagne toute l'Europe !
Fondamentalement, il faut veiller à mettre les travailleurs en situation de faire valoir leurs droits. C'est un aspect important de l'accès à l'emploi.
M. le président. Veuillez conclure, madame Dieulangard !
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Je conclus, monsieur le président.
L'amélioration des moyens de la médecine du travail doit participer de cette politique globale. Toute cette politique doit tendre à s'insérer dans les objectifs communautaires qui visent à améliorer qualitativement l'emploi. Nous touchons au coeur de l'Agenda social européen, qui sera proposé sous l'égide de la France, la semaine prochaine, au sommet européen de Nice.
La décrue du chômage est due, certes, à l'action du Gouvernement et à la croissance. Au moins, sur ce dernier aspect, il y a unanimité. L'objectif du Gouvernement est une croissance durable et riche en emplois.
Je crois que cette dernière résulte aussi de la qualité des emplois : il faut des emplois stables, offrant un pouvoir d'achat suffisant, permettant l'expression des salariés, faisant appel aux meilleures qualifications possibles.
Madame la ministre, votre budget pour l'emploi fait cheminer notre pays vers ces objectifs, et les sénateurs socialistes le soutiennent avec conviction. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Jourdain.
M. André Jourdain. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, si l'on ne peut que se féliciter de voir le budget de l'emploi en baisse de 1,9 % cette année, on peut également regretter que cette diminution ne soit pas plus importante. En effet, la croissance exceptionnelle que notre pays connaît actuellement a permis à elle seule de réduire considérablement le chômage, ce qui aurait dû, logiquement, vous conduire, madame le ministre, à réduire fortement votre budget.
Malheureusement, vous n'avez cherché à diminuer que les financements les plus justifiés, ceux de l'apprentissage et de la formation en alternance. En effet, la suppression des aides à l'embauche pour les contrats de qualification est totalement aberrante au regard du pourcentage du chômage des jeunes, hélas encore très élevé en France. En outre, cette mesure va encore affaiblir une filière déjà peu valorisée et accroître la pénurie de main-d'oeuvre dont souffrent certains secteurs d'activité.
Permettez-moi de vous le dire, madame le ministre, je ne comprends pas votre refus de donner un élan pourtant indispensable à ces filières d'apprentissage.
De même, vous diminuez considérablement les crédits du comité paritaire du congé individuel de formation, le COPACIF, destinés à financer le congé individuel de formation, alors que ce type de formation constitue pour beaucoup de salariés, notamment les autodidactes, le seul moyen de se reconvertir ou de faire valider des acquis professionnels lorsqu'ils n'ont pas de diplômes.
Enfin, il serait grand temps de privilégier l'insertion professionnelle des jeunes dans le secteur privé, car si le chômage diminue globalement, l'accès au premier emploi pour les jeunes, y compris pour les plus diplômés, reste encore difficile. Pourquoi ne pas mettre en place un contrat de première expérience professionnelle pour ces jeunes, afin de lever les freins à leur embauche ?
M. Jean Delaneau. Bonne idée !
M. André Jourdain. Vous préférez privilégier les emplois-jeunes et les coûteuses 35 heures, deux mesures à contre-courant de la croissance économique actuelle. Le coût de la réduction du temps de travail, que vous avez cherché à dissimuler au sein du FOREC, est en effet évalué à 85 milliards de francs et nous empêche à plus d'un titre de profiter pleinement de cette conjoncture économique favorable.
En effet, en dehors de son coût, l'application de cette loi entraîne un nombre considérable de problèmes d'organisation, et donc une perte de productivité pour certaines entreprises. Nous voyons bien, sur le terrain, que ce texte n'est pas adapté à la diversité des situations. En touchant aux horaires, vous touchez toute l'organisation de l'entreprise, notamment celle qui repose sur l'utilisation des machines, avec le système, par exemple, du travail par poste.
En effet, sur un cas bien précis - il ne s'agit pas d'une objection théorique, comme vous me l'avez reproché en commission des affaires sociales - je voudrais vous donner un exemple des difficultés techniques en dehors des difficultés financières, de l'application de la loi : une entreprise, que je connais très bien, emploie vingt-cinq salariés. Passer aux 35 heures signifie perdre vingt-cinq fois quatre heures, soit cent heures par semaine. Il faudrait trouver trois salariés supplémentaires pour faire ces cent heures perdues !
Or cette entreprise n'arrive pas à trouver ces trois salariés et, même si elle les trouvait, il lui serait impossible de les utiliser sur des postes liés aux machines de fabrication car, par synergie, ces machines doivent obligatoirement tourner en même temps. Alors, cette société envisage, contrainte et forcée, de faire deux équipes avec des horaires décalés, mais combien d'heures l'unique contremaître ou l'unique chef d'atelier sera-t-il obligé de faire ?
Cette loi a pour effet de renforcer les entreprises dont la taille permet d'absorber les 35 heures, mais elle fragilise les PME moyennes qui n'ont pas cette marge de manoeuvre. Pour celles-ci, la loi induit des rigidités supplémentaires, et donc, à terme, des destructions d'emplois. Parallèlement, elle creuse des inégalités en faisant apparaître deux catégories de salariés selon qu'ils travaillent ou non dans des entreprises qui tirent profit de la réduction du temps de travail.
De plus, l'application de la loi provoque des tensions salariales : les entreprises ont du mal à maintenir la politique de modération salariale qui devait accompagner la réduction du temps de travail. Cet exemple illustre bien les conséquences des 35 heures : baisse de la productivité, pénurie de main-d'oeuvre et augmentation du coût du travail constituent désormais le cercle vicieux auquel sont confrontés des pans entiers de l'économie.
Vous comprendrez, dès lors, qu'un assouplissement de la loi est indispensable. C'est d'ailleurs l'avis de M. Fabius. J'attends de connaître le vôtre sur cette question !
Au lieu de cette loi relative aux 35 heures, pourquoi ne pas avoir privilégié l'abaissement des charges, en particulier salariales ? Cela aurait permis une augmentation des salaires nets sans coût supplémentaire pour les entreprises. Les salariés souhaitaient et souhaitent toujours plus de salaire plutôt que plus de temps libre.
J'aimerais maintenant vous rappeler la question que je vous avais posée en commission des affaires sociales au sujet de ma proposition de loi, adoptée par le Sénat, sur le multisalariat.
Cette proposition a pour objet de permettre aux salariés qui le désirent de travailler à temps partagé dans plusieurs entreprises. Cette pratique existe dans les faits. Elle présente de nombreux avantages, tant pour les salariés que pour les employeurs : pour les premiers, il s'agit d'un rapport plus autonome au monde du travail, auquel s'ajoute une répartition des risques de perte de leur emploi ; pour les entreprises, le multisalariat offre un accès à des compétences indispensables, mais qui ne justifient pas un emploi à temps plein.
C'est donc à la fois un atout pour le développement des entreprises ainsi qu'un important vivier d'emplois pour les salariés, à condition qu'ils ne soient pas assimilés à un temps partiel multiple, forme totalement inadaptée à leur statut.
Il convient donc aujourd'hui d'apporter une reconnaissance juridique à ces « multisalariés » objet, je le souligne, de ma proposition de loi. C'est pourquoi je souhaite connaître vos intentions en la matière, madame le ministre, et savoir, notamment, si cette proposition de loi a une chance d'être inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale.
Enfin, je me permets de vous rappeler une suggestion présentée par le groupe de travail présidé par notre collègue Alain Gournac sur le bilan à mi-parcours des emplois-jeunes et reprise par la commission des affaires sociales. Il s'agirait de proposer à des jeunes dont on est certain que leurs emplois ne seront pas pérennisés dans le secteur public de travailler en temps partagé et en multisalariat, à la fois dans le secteur public où ils exercent actuellement et dans le secteur privé.
M. Alain Gournac. Très bien !
M. André Jourdain. Cela permettrait d'assurer une bonne insertion professionnelle dans ce secteur.
Ce que je vous propose, madame le ministre, s'inspire d'abord du terrain, d'une ancienne expérience de président de comité pour l'emploi.
M. Gérard Delfau. Excellente présidence !
M. le président. Quel compliment !
M. Gérard Delfau. Mérité !
M. André Jourdain. Ma proposition émane aussi d'une conception qui en appelle à l'esprit d'initiative et au sens des responsabilités, du côté aussi bien des employeurs que des salariés, et qui s'oppose à la philosophie du « tout Etat » et de l'assistance.
C'est pour cette raison, monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, que je ne voterai pas les crédits relatifs au budget du travail, de l'emploi et de la formation. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Carle.
M. Jean-Claude Carle. Madame le ministre, le budget de l'emploi que vous nous présentez pour 2001 est en légère diminution. Rien de plus normal, si c'était vrai, puisque la conjoncture va mieux. Malheureusement, c'est une fois de plus un trompe-l'oeil, car ce budget ne tient pas compte du gouffre financier des 35 heures.
En réalité, loin de diminuer, ce budget augmente considérablement, si l'on tient compte des sommes consacrées à la compensation du coût de la réduction du temps de travail qui sont camouflées dans les « tuyauteries » monstrueuses du FOREC.
Ces aides passent, d'une année sur l'autre, de 67 milliards de francs à 85 milliards de francs. Elles atteindront 105 milliards de francs en régime de croisière.
Par ailleurs, les frais de structure de votre ministère continuent d'augmenter, avec la création de 135 emplois supplémentaires après les 130 nouveaux de cette année.
Ce budget ne marque pas un tournant. Il s'inscrit, au contraire, dans la continuité de l'inflation budgétaire des années antérieures : les dépenses consacrées à l'emploi ont augmenté de plus de 50 % depuis cinq ans.
On se demande pour quel résultat, puisque l'amélioration de l'emploi n'est pas la conséquence des dispositifs Aubry I et Aubry II, et ne sera sans doute pas la conséquence des dispositifs de Mme Guigou : c'est la conséquence de la croissance économique et du dynamisme de nos entreprises.
Mme Maryse Bergé-Lavigne. Aussi !
M. Jean-Claude Carle. Les entreprises ont d'autant plus de mérite que les contraintes qui pèsent sur elles n'ont jamais été aussi fortes.
M. Guy Fischer. On ne leur a jamais autant donné !
M. Roland Muzeau. On ne leur a jamais fait autant de cadeaux !
M. Jean-Claude Carle. L'OCDE et la Commission européenne ont pointé les graves problèmes structurels qui continuent de se poser dans notre pays : la pression fiscale confiscatoire, le poids exccessif de l'administration, la panne de la formation continue, les ratés dans la lutte contre le chômage de longue durée, l'avenir incertain des emplois-jeunes...
Or ce budget n'amorce aucune des réformes indispensables pour remédier à ces maux. Il privilégie les dépenses courantes à l'investissement matériel ou immatériel, comme c'est d'ailleurs le cas de cette loi de finances dont nous débattons.
Vous ne profitez pas de l'amélioration de la conjoncture pour engager les indispensables réformes de structure.
Vous augmentez encore et toujours ce qu'on appelle les « aides » à l'emploi.
On connaît leur efficacité contre le chômage : en 1989, l'Etat y consacrait environ 80 milliards de francs. En 1997, le rapport Novelli a évalué ces aides à environ 150 milliards de francs. Entre-temps, le chômage avait augmenté de un million de personnes ! Malgré cette inefficacité, vous avez continué sur cette voie. Vos deux mesures phares montrent aujourd'hui leurs limites. Les emplois-jeunes seront dans quelques mois la voie de garage que nous avons dénoncée depuis l'origine. Les aides aux 35 heures compensent à peine l'augmentation du coût du travail. Qui plus est, j'y reviendrai dans quelques instants, les entreprises ne trouvent pas aujourd'hui le personnel qualifié dont elles ont besoin.
M. Jean Boyer. C'est vrai !
M. Jean-Claude Carle. Aujourd'hui, vous êtes en train de gâcher la croissance. Notre pays ne profite pas comme il le devrait de la bonne conjoncture économique.
Les 35 heures augmentent les pénuries de main-d'oeuvre et gaspillent inutilement des sommes qui auraient pu être consacrées à la formation des chômeurs dans les domaines qui connaissent des difficultés croissantes de recrutement : je pense en particulier à l'informatique, aux métiers de bouche, au bâtiment et aux travaux publics, à l'industrie et aux transports.
Ces pénuries apparaissent alors que le taux de chômage reste encore élevé dans notre pays - 9,6 % - et dépasse d'un point et demi la moyenne de l'Union européenne.
Soyons clairs : nous n'avons jamais été opposés à l'aménagement du temps de travail. En revanche, nous sommes persuadés qu'il est absurde et contre-productif d'imposer un moule unique à des entreprises qui ont des métiers, des tailles et des modes d'organisation différents.
M. Alain Gournac. Très bien !
M. Jean-Claude Carle. Alors que les besoins de chaque entreprise nécessitent du sur-mesure, vous imposez le prêt-à-porter, le même modèle à tous.
M. Alain Gournac. Très bien !
M. Jean-Claude Carle. Vous faites la même erreur que vos collègues de l'éducation nationale, qui cherchent à tout prix à mettre les élèves sous la même toise. Le résultat n'est pas fameux là non plus : l'échec scolaire demeure élevé et le taux de chômage des jeunes reste bien supérieur à la moyenne nationale.
A l'heure de la société de l'information et de l'économie de services, la globalisation et l'instantanéité de l'information exigent des entreprises réactivité et souplesse. Vous imposez aux PME un carcan insurmontable, votre collègue Laurent Fabius en est bien conscient. Mais, malgré la multiplication des signaux d'alarme, vous ne faites rien pour leur faciliter la tâche.
Les emplois-jeunes sont une autre source d'inquiétude. Notre collègue Alain Gournac en a dressé le bilan à mi-parcours. Il a parfaitement montré les défauts du système : l'accès tardif et souvent inadapté des jeunes à la formation ; l'existence d'effets pervers et de concurrence déloyale avec le secteur marchand ; l'absence totale de contenu de ces « emplois » ; enfin, l'incertitude grandissante sur l'avenir du dispositif.
La concomitance d'un chômage des jeunes encore élevé et des pénuries de main-d'oeuvre s'explique également par un défaut propre à notre pays : la valorisation excessive de l'intelligence abstraite au détriment de l'intelligence de la main.
Notre système d'orientation, fondé sur une orientation par échecs successifs, est à repenser totalement. Notre système d'éducation donne encore trop la priorité à l'enseignement général de type scolaire et continue de dénigrer les formations en alternance.
Alors que nous avions relancé l'apprentissage en 1986, puis en 1996, depuis trois ans, vous remettez en cause ces acquis encore fragiles.
En 1999, vous avez limité la prime à l'embauche aux apprentis de niveau 5. Cette année, vous persistez dans cette voie en la réservant aux employeurs occupant au plus dix salariés et en la supprimant pour les jeunes recrutés en contrat de qualification.
Au moment où les formations en alternance devenaient la filière de la réussite, vous faites tout pour en refaire la voie de l'échec. Il est vrai que vous êtes sous la pression de certains corporatismes, qui constituent une grande partie de votre base électorale !
Depuis plusieurs mois, vous nous promettez une réforme de la formation professionnelle. Quand donc déposerez-vous le projet de loi ?
J'en viens aux aides proprement dites aux entreprises. Elles sont nombreuses, mais inadaptées et tout aussi inefficaces les unes que les autres.
En réalité, les entreprises ne demandent pas des aides en tant que telles. C'est toujours le parcours du combattant pour les obtenir et, quand elles sont accordées, il s'écoule plusieurs mois avant qu'elles ne soient versées. De deux choses l'une : ou l'entreprise a passé le cap, et l'aide n'était donc pas primordiale, ou elle ne l'a pas passé, et l'aide est alors totalement inopérante.
Ce qu'il faut, ce sont des mesures simples, bien ciblées, en petit nombre et faciles à mettre en oeuvre.
La première aide, c'est la baisse du coût du travail. Il faut baisser les charges qui pèsent sur les salaires (M. Gournac applaudit), en particulier sur la tranche des premiers 5 000 francs. Cela créera beaucoup plus d'emplois que les 35 heures, et ce sera infiniment moins cher et beaucoup plus pérenne !
Il faut, ensuite, alléger les contraintes administratives, juridiques et fiscales trop lourdes qui pèsent sur les entreprises, en particulier les PME.
Un chef d'entreprise passe plus de 30 % de son temps à essayer de s'y retrouver dans le maquis des aides, déclarations et autres impositions. Voulez-vous aussi que la France détienne des records dans ce domaine ?
Mais cela nécessite une autre approche, une autre vision de l'entreprise et de l'entrepreneur. Or vous n'avez toujours pas surmonté votre méfiance instinctive à l'égard des entreprises.
M. Alain Gournac. Très bien !
M. Jean-Claude Carle. Le Gouvernement vit encore sur la vision dépassée de l'entreprise comme champ d'affrontement social et de l'entrepreneur comme personnage suspect : s'il échoue, on le fustige ; s'il réussit, on le suspecte de s'être enrichi frauduleusement. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants.)
Mais peut-être est-ce aussi la conséquence de la représentation politique dans notre pays ! La majorité actuelle est largement issue de la fonction publique. Cette monoculture parlementaire contribue peut-être à cette inertie idéologique !
Vous devriez vous inspirer de l'initiative du président Poncelet, qui propose aux sénateurs des stages d'immersion en entreprise ; je vous assure que c'est infiniment profitable.
M. Guy Fischer. C'est suspect !
M. Alain Gournac. C'est très bien !
M. Jean-Claude Carle. Il est temps, aujourd'hui, de passer d'une attitude de méfiance à une attitude de confiance à l'égard de tous ceux qui contribuent à créer des richesses, et donc de l'emploi dans notre pays. Rien ne changera véritablement tant que cette étape culturelle ne sera pas franchie ! Ce que je dis, ce n'est pas de l'ultra-libéralisme, c'est tout simplement du bons sens.
Il est urgent également de transformer une indemnisation passive du chômage en une incitation active au retour à l'emploi. Ce n'est pas ce qu'a fait votre prédécesseur, Mme Aubry, qui, pendant plus de six mois, s'est opposée à la nouvelle convention d'assurance chômage, qui allait dans ce sens !
Toute votre politique, madame le ministre, est à l'opposé de ce qu'il faudrait faire.
Au lieu d'inciter les jeunes à faire des études longues qui débouchent très souvent sur une voie de garage ou de leur offrir des emplois sans avenir, proposons-leur des parcours plus interactifs entre l'école et l'entreprise afin de mieux les former et de mieux les aider à réussir à s'insérer sur le marché du travail.
Au lieu de maintenir des aides passives aux effets de seuil pervers, transformons ces aides en aides actives, propices au retour à l'emploi.
Au lieu de vouloir sans cesse s'immiscer dans la vie des entreprises et les mettre toutes sous la même toise, créons les conditions favorables à leur développement en réalisant les axes de communication structurants dont elles ont besoin, en formant le personnel qualifié qui leur fait défaut et en construisant les logements nécessaires à l'accueil des salariés.
Passons, en définitive, je le répète, d'une attitude de méfiance à une attitude de confiance envers celles et ceux qui créent des richesse et donc de l'emploi.
Votre politique de l'emploi est donc diamétralement opposée à celle que nous suggérons. En conséquence, le groupe des Républicains et Indépendants votera contre votre budget, madame le ministre. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai présenté à votre commission des affaires sociales le projet de budget du ministère de l'emploi et de la solidarité pour 2001. Je vais m'efforcer, aujourd'hui, de répondre aussi précisément que possible à vos questions. Celles-ci s'ordonnent autour de trois thèmes : l'évolution de la situation de l'emploi, en particulier les effets de la réduction du temps de travail ; les conditions d'utilisation des crédits du ministère pour les politiques en faveur de l'emploi, enfin, la formation professionnelle.
Je commencerai donc par répondre aux questions concernant l'évolution de la situation de l'emploi.
M. Braun et M. Souvet ont indiqué que la baisse du chômage était importante et générale. Ils ont toutefois relativisé la performance de l'économie française en la comparant aux résultats obtenus par les autres pays européens.
Je suis tout à fait d'accord pour comparer les résultats que nous obtenons à ceux de nos partenaires européens. Mais, s'il est vrai que la France bénéficie, comme les autres pays européens, d'une conjoncture économique plus favorable, il est également vrai que notre pays sait mieux utiliser cette conjoncture que les autres, puisque le taux de croissance est plus élevé en France que chez nos principaux partenaires et que, surtout, la diminution du chômage y est plus rapide.
Selon les dernières données statistiques européennes, en effet, en France, le taux de chômage a baissé de 1,6 point en un an, alors que, sur la même période, la baisse a été deux fois moins élevée en Grande-Bretagne et en Italie et trois fois moins élevée en Allemagne et aux Pays-Bas.
Ces chiffres montrent bien que, dans une conjoncture tout aussi favorable, nous avons mis en oeuvre une politique qui a engendré de meilleurs résultats.
Il faut noter également que cette année est une année record en matière de création d'emplois, avec la création de 500 000 emplois : on n'avait pas vu cela depuis cent ans !
En outre, la croissance en emplois est devenue beaucoup plus intensive depuis 1997 et elle est plus intensive en France que dans les autres pays comparables, en particulier l'Allemagne et l'Italie.
Je veux souligner aussi - cela a été peu noté - que, si la baisse touche toutes les catégories de chômeurs, elle concerne plus spécialement les jeunes, les chômeurs de longue durée et les chômeurs de très longue durée. Les dernières statistiques du mois d'octobre montrent en effet que, pour la catégorie des chômeurs depuis plus de deux ans, cette baisse a été de 27 % cette année et qu'elle ne cesse de s'accélérer depuis quelques mois.
Ajoutons que les licenciements économiques ont diminué de 40 % depuis 1997.
Bien sûr, nous avons bénéficié de la croissance, mais on ne peut nier que nous sommes pour quelque chose dans ces bons résultats. On se souvient que nous avons été élus contre une politique qui, justement, massacrait la croissance : je veux parler de la politique menée successivement par les gouvernements Balladur et Juppé. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
C'est parce que nous avons toujours mené notre politique que nous avons réussi à faire repartir la croissance.
M. André Jourdain. Vous le croyez vraiment ?
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Eh oui, et les Français le croient avec nous ! (Protestations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Jean Chérioux. On verra !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Vous persistez à nier l'évidence ! Mais ce sont bien vos politiques, faites de prélèvements fiscaux et de restrictions budgétaires, qui ont fait s'effondrer la croissance, déjà faible il faut le dire !
M. Alain Gournac. C'est faux en ce qui concerne la période 1986-1988 !
M. Jean Delaneau. Et Bérégovoy !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Si nous avons, en effet, bénéficié d'une bonne conjoncture - bonne conjoncture que nous avons contribué à renforcer, n'est-ce pas -, ce sont nos politiques qui ont contribué à la création d'emplois, puisque 261 000 emplois-jeunes ont été créés et que la réduction de la durée du travail qui, comme vous le savez, a donné lieu à 42 805 accords concernant 4 607 585 salariés, a permis la création de 251 915 emplois. Compte tenu des accès directs, on peut estimer à environ 270 000 les emplois créés.
En ce qui concerne la réduction de la durée du travail, je dirai d'abord à M. Jourdain que le Gouvernement, dans la mise en oeuvre de sa politique, entend respecter la loi en vigueur, et qu'aucun membre du Gouvernement n'a jamais pris position en faveur d'une révision de cette loi.
Le processus des 35 heures est maintenant suffisamment engagé pour que nous puissions y porter un regard objectif, quelles que soient les différences qui nous opposent : vous êtes contre les 35 heures, nous sommes pour, mais je crois que nous pouvons considérer objectivement ce qui s'est passé ces dernières années.
Le premier fait objectif est cette amélioration spectaculaire de la situation de l'emploi, qui n'a absolument pas été anticipée par les différents instituts de conjoncture. Une étude récente de la DARES, la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques, montre ainsi une corrélation certaine entre l'amélioration de la situation de l'emploi et la diffusion des 35 heures dans l'économie. Les 35 heures sont l'un des facteurs essentiels du niveau exceptionnel de créations d'emplois en 2000 !
J'observe, à cet égard, qu'il y a quelque contradiction à dénier toute responsabilité à la réduction de la durée du temps de travail dans la diminution du chômage et, dans le même souffle, à imputer aux 35 heures la cause exclusive des prétendues pénuries d'emplois ! (« Très bien ! » sur les travées socialistes.) Je dis bien « prétendues » pénuries d'emplois, parce que, quand l'on compte encore 2 215 000 chômeurs, je trouve indécent de parler de pénurie d'emplois !
M. André Jourdain. C'est pourtant la réalité !
M. Alain Gournac. Allez voir les chefs d'entreprise !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je vais vous répondre sur ce point, ne craignez rien !
Les 35 heures participent de façon importante à la réduction du chômage. Elles n'en sont pas la seule cause, mais elles se combinent avec des réductions de charges sociales qui diminuent considérablement le coût du travail pour les entreprises.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Eh oui !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Bien des craintes s'étaient exprimées quant aux effets néfastes que pourrait avoir la réduction du temps de travail. J'observe qu'ils ne se sont pas produits. Le taux de marge et le taux de profit des entreprises qui sont passées aux 35 heures n'ont pas été affectés, car elles se sont réorganisées. Les pressions inflationnistes restent très limitées et exclusivement liées aux variations des prix du pétrole et des matières premières. Les prétendues pénuries d'emploi sont sectorielles et liées soit aux conditions de travail et aux rémunérations, soit à des problèmes de formation dans des qualifications pointues et évolutives.
Je ne suis, quant à moi, pas choquée que l'amélioration de la situation de l'emploi conduise des branches et des entreprises à réfléchir sur les conditions de travail qu'elles offrent et sur la nécessité de les améliorer pour rester attractives auprès des salariés. L'amélioration de l'emploi doit être un moteur à la résorption de la précarité, à la remise en cause des discriminations et à l'amélioration des conditions de travail.
Nous disposons désormais, sur les tensions sectorielles, d'études de l'ANPE, de la DARES et de l'INSEE. Pour ses sondages, l'INSEE a interrogé les chefs d'entreprises. Ces sondages reflètent donc l'opinion de ces derniers, qui, comme toujours en période de croissance, craignent des difficultés de recrutement. Mais cette crainte n'est pas le fait des 35 heures : à chaque reprise de croissance et de diminution du chômage, les chefs d'entreprise l'éprouvent, et ce pour une raison bien simple. En effet, dès que le chômage diminue, les demandeurs d'emploi peuvent se permettre d'être un peu plus exigeants, notamment en matière de salaires et d'horaires. Et ce sont dans les secteurs où les horaires sont plus élevés et les salaires plus bas que se manifestent traditionnellement ces réactions.
Si l'étude de l'INSEE reflète bien les réactions des chefs d'entreprise, les études de la DARES et de l'ANPE montrent, quant à elles, que des tensions sectorielles en matière d'embauche existent - il ne s'agit pas, bien évidemment, de les nier -, mais qu'elles sont concentrées sur quelques métiers, l'informatique, par exemple, ou sur quelques secteurs, le bâtiment et les travaux publics, l'hôtellerie. On peut toutefois observer une détente pour les informaticiens puisque l'alerte ayant été donnée, des mesures ont été prises.
En tout cas, l'étude de la DARES a souligné l'absence de corrélation entre les tensions sur le recrutement et l'introduction des 35 heures dans ces secteurs ; elle a montré que ces tensions sont, en fait, liées au contexte des bassins d'emploi. Les mêmes professions peuvent d'ailleurs faire l'objet de tensions dans un bassin d'emploi et pas dans un autre, tout dépend de la mobilité professionnelle dans le bassin.
Il est inutile de vous dire, mesdames, messieurs les sénateurs, que j'ai bien évidemment demandé à mes services, mais aussi aux syndicats et aux organisations professionnelles, de m'indiquer très précisément les problèmes observées secteur par secteur, de façon que nous puissions aider les entreprises qui éprouvent des problèmes d'embauche à mieux faire face à leurs besoins de recrutement.
En tout cas, l'amélioration des conditions de l'emploi doit être l'occasion de résorber la précarité et de faire progresser les conditions de travail.
M. Muzeau a beaucoup insisté sur une nécessaire politique contre la précarité.
Monsieur le sénateur, la résorption de la précarité sera l'objet d'une action volontariste du Gouvernement. En effet, si le recours aux différentes formes de travail précaire peut être ligitime lorsqu'il y a surcroît occasionnel d'activité ou lorsqu'il faut remplacer un salarié absent, nous ne pouvons accepter, comme vous l'avez souligné, que des entreprises utilisent l'emploi précaire comme un mode de gestion normal d'emplois permanents. C'est encore moins acceptable dans un contexte de croissance retrouvée et d'amélioration de la situation de l'emploi.
C'est pourquoi le Gouvernement a fait, et fera encore plus, de la lutte contre la précarité une de ses priorités en renforçant le contrôle assuré par l'inspection du travail.
Comme vous le savez, le projet de loi de modernisation sociale permettra également de mieux protéger les salariés en situation précaire et de faciliter le passage vers un emploi stable.
J'en viens maintenant au financement des 35 heures, sur lequel M. Braun a axé une partie de son intervention, considérant que la création du FOREC portait atteinte à la sincérité des comptes publics. J'ai déjà eu l'occasion de m'expliquer longuement sur cette question, tant lors des débats sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale que devant la commission des affaires sociales. Mais, puisque M. Braun le souhaite, j'y reviens.
J'observe, tout d'abord, que la création de ce fonds permet d'avoir une idée précise et complète des exonérations de charges générales dont bénéficient les entreprises. C'est d'ailleurs pour cela que le Gouvernement propose de transférer au FOREC, l'an prochain, le financement des exonérations de charges générales qui restaient sur le budget « emploi » du ministère.
En ce qui concerne le reproche de défaut de sincérité, je dois dire que je ne le comprends pas. Les dépenses du FOREC compensent pour la sécurité sociale la perte de recettes liée aux exonérations de charges décidées au bénéfice des entreprises et des salariés. Il ne s'agit donc pas, à proprement parler, de dépenses de l'Etat au même titre que les crédits dont nous parlerons tout à l'heure : il s'agit de l'individualisation, dans un compte particulier, donc transparent, des modalités de compensation de pertes de recettes pour la sécurité sociale.
Je suis, en revanche, tout à fait prête à considérer avec M. Braun que la politique de l'emploi a une ampleur qui dépasse les seuls crédits ouverts au budget du ministère de l'emploi et de la solidarité et que son coût consolidé doit prendre en compte les allégements de charges décidés par les gouvernements Balladur, Juppé et Jospin. Je conviens également bien volontiers que les allégements de charges réalisés par le gouvernement actuel sont très supérieurs à ceux qui ont été consentis par ses prédécesseurs.
M. Guy Fischer. Eh oui !
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Tout le monde le reconnaît !
M. Gérard Braun, rapporteur spécial. La conjoncture est meilleure !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. En effet, l'allégement du coût du travail lié au nouveau barème applicable dans le cadre des 35 heures représente 21 500 francs par an, soit 26 % du salaire au niveau du SMIC, alors que la « ristourne Juppé » représente un allégement de 15 030 francs au niveau du SMIC, soit 18,2 % du salaire ; l'avantage supplémentaire lié aux 35 heures, soit 6 470 francs, équivaut ainsi à près d'un mois de salaire au niveau du SMIC.
Je précise à M. Jourdain que les accords de réduction du temps de travail s'accompagnent d'une annualisation de la durée du travail, ainsi que d'une modulation des horaires, ce qui signifie que les machines peuvent être utilisées plus longtemps.
M. André Jourdain. Pas pendant les périodes de congés !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. D'ailleurs, les entreprises passées aux 35 heures tendent à réaliser plus de gains de productivité. J'ajoute que, globalement, la productivité horaire restait, au début de l'année 2000, sur le rythme d'une croissance élevée, de l'ordre de 2,5 % par an.
M. André Jourdain. C'est de la théorie !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Non, les chiffres sont là : c'est une réalité, mais vous ne voulez pas la regarder en face !
Une étude de la DARES que j'ai mentionnée précédemment montre, en outre, qu'il n'existe pas de corrélation entre des entreprises passées aux 35 heures et les entreprises qui ont des difficultés de recrutement.
J'en arrive aux conditions d'utilisation des crédits du ministère pour les politiques en faveur de l'emploi.
Sur ce point, M. Delfau a mis l'accent sur la nécessité d'une approche « micro », et non plus « macro », pour le traitement de l'emploi et les actions de retour à l'emploi. Monsieur le sénateur, je partage entièrement votre analyse.
J'ai l'intention d'intégrer cette approche dans le dispositif opérationnel que je vais mettre en place afin de traiter les tensions sectorielles du marché du travail, les difficultés de recrutement dans certains bassins d'emploi - le travail avec les professionnels concernés a déjà commencé, notamment dans le BTP et dans le secteur des hôtels, cafés et restaurants - et afin de préparer l'ANPE à la lourde tâche qui va être la sienne du fait de la généralisation du suivi personnalisé pour tous les chômeurs.
C'est, me semble-t-il, l'efficacité de l'action du service public de l'Etat qu'il faut renforcer pour s'attaquer au noyau dur du chômage, comme le souhaite aussi Mme Dieulangard, qui a tenu tout à l'heure de forts propos à ce sujet.
Je souhaite, en outre, privilégier une approche des actions et des moyens de lutte contre les exclusions à partir du terrain. Il n'est pas nécessaire de multiplier encore les dispositifs en francs de l'emploi : il convient plutôt d'étendre les ressorts de l'action publique pour réussir le retour à l'emploi sans compter sur le seul effet spontané de la croissance.
Bien entendu, il nous faut également améliorer les dispositifs d'insertion. Mme Dieulangard a insisté sur ce point et j'y reviendrai tout à l'heure.
Plusieurs orateurs ont fait part de leurs préoccupations en ce qui concerne l'avenir des emplois-jeunes. M. Braun, en particulier, s'est appuyé sur le très bon rapport que M. Alain Gournac a établi récemment dans le cadre d'un groupe de travail.
M. Gournac, qui a d'abord eu le mérite de reconnaître le succès incontestable du programme des emplois-jeunes, a également insisté sur plusieurs points, notamment sur la régionalisation. C'est effectivement par son animation à l'échelon régional que le programme s'est développé, et c'est par une mobilisation de tous les acteurs à ce niveau qu'il se pérennisera le mieux.
De manière plus générale, c'est bien le développement d'activités qui doit être privilégié. De ce point de vue, je partage votre intérêt, monsieur Gournac, pour l'aide à la création d'entreprise par les jeunes.
Dans votre rapport, vous soulignez également que des accords ont déjà été passés avec plusieurs employeurs du secteur privé, par exemple avec le groupe Accor, dans l'hôtellerie, pour prolonger l'insertion des jeunes qui ont bénéficié d'une première expérience professionnelle grâce à ce programme.
Des programmes de tutorat, qui concernent les jeunes souhaitant postuler pour un nouvel emploi dans une entreprise privée, sont en cours. Je précise que ce dispositif intéressant existe déjà à travers le parrainage mis en place par les missions locales, avec l'appui du fonds d'action sociale. Je vois là une piste très prometteuse.
Le Gouvernement considère qu'il est indispensable de donner aux jeunes des perspectives à l'issue de leur contrat de cinq ans. Il faut également définir les conditions du maintien au-delà de cinq ans de l'aide de l'Etat pour les emplois créés, lorsqu'ils ont fait la preuve de leur utilité et qu'ils répondent à des besoins nouveaux.
Mais, je veux aussi vous livrer quelques éléments chiffrés sur les emplois-jeunes, puisque M. Braun m'a interrogée à ce sujet.
Vous avez dit tout à l'heure, monsieur le rapporteur spécial, qu'il faudrait 37 milliards de francs pour les emplois-jeunes, alors que nous leur avons « seulement » consacré 22 milliards de francs : une paille, n'est-ce pas ?
M. Gérard Braun, rapporteur spécial. Par rapport à 37 milliards, cela fait une grosse différence !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Pourquoi « seulement » 22 milliards de francs ? D'abord, ce chiffre de 37 milliards de francs correspond au coût de 350 000 emplois-jeunes occupés sur l'année complète.
Notre objectif est d'atteindre 350 000 jeunes embauchés dans le cadre de ce dispositif, je l'ai déjà dit devant la commission des affaires sociales, mais ce nombre comprend ceux qui sont déjà partis - comment ne pas s'en féliciter pour eux ? - vers des emplois offerts sur le marché du travail. Le dispositif n'a pas été conçu pour que la même personne conserve son emploi-jeune jusqu'à sa préretraite ! Les emplois-jeunes sont des sas de préparation à l'emploi tels que, le plus vite possible - et tant mieux si c'est avant l'échéance des cinq ans ! - les jeunes puissent entrer véritablement sur le marché du travail.
Vous devriez donc vous réjouir que, ayant pris l'engagement d'embaucher 350 000 emplois-jeunes - engagement que nous allons tenir - nous voyions une partie de ces jeunes déjà intégrés dans le marché du travail.
Où en sommes-nous aujourd'hui ? On dénombre 261 000 emplois-jeunes créés et 281 000 jeunes embauchés à ce titre, y compris, je le disais, ceux qui sont partis. Nous visons une soixantaine de milliers d'embauches supplémentaires pour atteindre ou approcher le chiffre de 350 000.
J'en viens à l'avenir des emplois-jeunes, sujet en effet extrêmement important et sur lequel le Gouvernement prendra très bientôt des décisions.
J'ai indiqué à votre commission des affaires sociales que le maintien de la participation de l'Etat au financement de postes occupés par des emplois-jeunes dépendrait du degré de solvabilisation de ces derniers.
D'ores et déjà, 55 % des emplois-jeunes créés dans les associations sont solvabilisés, et ce pourcentage devrait encore augmenter d'ici à la fin de l'année prochaine. Pour les emplois-jeunes non encore solvabilisés, le Gouvernement n'exclut pas de prolonger, de manière dégressive, l'aide qu'il verse aux associations.
Pour les collectivités locales, le problème se pose en termes différents : la plupart d'entre elles ont prévu des débouchés pour les jeunes qu'elles emploient. Des mécanismes spécifiques seront peut-être nécessaires pour certaines communes pauvres ou modestes ; nous y travaillons.
Pour ce qui est des ministères ayant créé des emplois-jeunes, nous menons actuellement un travail avec l'éducation nationale, où l'on compte environ 65 000 de ces emplois. Une partie de ces jeunes sont d'ailleurs déjà intégrés, ou sont en passe de l'être, dans des emplois qui ont été nouvellement identifiés, tels des emplois de documentaliste. Mais nous réfléchissons actuellement avec ce ministère à d'autres débouchés pour ces jeunes, qu'il s'agisse d'emplois publics ou d'embauche dans les entreprises.
S'agissant du ministère de l'intérieur, les emplois-jeunes - au nombre de 16 000 au total - s'intègrent très facilement dans les postes d'adjoint de sécurité.
Je pense qu'il en sera de même au ministère de la justice, où les effectifs sont d'ailleurs beaucoup moins importants : 2 000 jeunes sont concernés.
Le Gouvernement n'est pas en retard dans sa réflexion sur l'avenir des emplois-jeunes, d'autant que la majorité d'entre eux ont été recrutés au cours du deuxième semestre de 1998 et qu'ils peuvent demeurer dans le dispositif au moins jusqu'au milieu de 2003. Il faut cependant dès maintenant se préoccuper de prévoir les formations nécessaires.
Précisément, je ne partage pas la sévérité de votre appréciation, monsieur Braun, quant aux insuffisances de la formation, pas plus que je ne partage votre jugement sur l'utilité des emplois-jeunes.
Les emplois-jeunes permettent de répondre à des besoins nouveaux dans les associations, les collectivités et au sein de l'Etat.
Pour ce qui est de l'effort de professionnalisation, près de 2 milliards de francs sont mobilisés en faveur du financement des actions, comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire devant votre commission des affaires sociales. Par exemple, des filières universitaires spécifiques ont été ouvertes aux aides-éducateurs pour les préparer à des diplômes universitaires de technologie, où à des diplômes d'études universitaires scientifiques et techniques dans les secteurs de l'informatique et de la communication. Des accords-cadres ont, en outre, été passés avec mon ministère et celui de la jeunesse et des sports pour offrir des débouchés et des formations dans le secteur social et dans le secteur du sport et de l'animation.
De la même façon, les organismes paritaires collecteurs de fonds de la formation professionnelle ont signé des accords-cadres nationaux avec l'Etat pour le développement de la formation professionnelle des emplois-jeunes. Cet effort porte notamment sur l'accès à des bilans de compétences et à des modules spécifiques de formation visant à la professionnalisation de ces jeunes. Le Gouvernement va présenter à la Commission européenne une demande de financement à ce titre de 700 millions de francs dans le cadre de la programmation 2000-2006 du Fonds social européen, objectif 3.
A cela s'ajoutent les interventions des conseils régionaux, qui ont répondu positivement et selon des modalités diverses à l'invitation qui leur a été adressée de participer à la formation des jeunes. Certains conseils généraux et communes ont également dégagé, à cette fin, des crédits spécifiques.
Je crois, par conséquent, que le problème n'est pas tant celui du financement - les financements sont là ou seront là lorsque nous en aurons besoin - que celui de l'efficacité sur le terrain, de la coordination des efforts de l'Etat, des collectivités locales et, naturellement, de l'Europe. C'est ce problème-là que je vais dorénavant m'employer à résoudre.
Plusieurs d'entre vous ont évoqué l'évolution des sommes consacrées par le Gouvernement aux dispositifs aidés, en particulier aux contrats emploi-solidarité.
Permettez-moi de dire d'abord que j'ai observé, chez les orateurs de la majorité sénatoriale, une certaine contradiction.
Si M. Braun considère que les économies faites sur les crédits de l'emploi sont de simples économies de constatation liées à la bonne tenue de la conjoncture, M. Souvet, lui, s'inquiète de la diminution trop rapide des dispositifs aidés, et en particulier des contrats emploi-solidarité. Je note que la critique faite l'an dernier par la Haute Assemblée au budget du ministère était exactement inverse, puisque vous considériez, alors, que les crédits ne diminuaient pas malgré l'amélioration de la situation de l'emploi. Mesdames, messieurs les sénateurs, il faudrait savoir !
La position du Gouvernement, elle, est cohérente. Notre démarche constante a été de recentrer les dispositifs aidés en faveur de ceux qui en ont le plus besoin. Nous n'avons pas hésité à supprimer les outils qui créent des effets d'aubaine importants, comme les exonérations Madelin ou, en 2001, les aides au passage à temps partiel dans le cadre des restructurations d'entreprises. Nous n'avons pas hésité non plus à recadrer les dispositifs, notamment par la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions. L'objet de ces dispositions n'est pas de moins aider, c'est de mieux aider en concentrant les moyens sur les réelles nécessités.
MM. Muzeau et Delfau, ainsi que Mme Dieulangard, notamment, ont souligné la diminution du nombre de contrats emploi-solidarité pour s'inquiéter de la gestion de cette diminution. C'est là une vraie question.
Cette baisse, je l'ai dit, s'explique par la politique de recentrage sur les publics prioritaires, dont la proportion est d'ailleurs passée de 55 % en 1997 à 82 % en septembre 2000.
A cela s'ajoute, pour 2001, le fait que l'amélioration de la situation économique touche maintenant toutes les couches sociales de la population, y compris celles qui éprouvent les plus grandes difficultés. Bien sûr, ce recul de l'exclusion se traduit avec un décalage, en touchant d'abord seulement une partie des populations concernées.
Il se manifeste tout de même par une diminution, cette année, du nombre d'allocataires du revenu minimum d'insertion, le RMI. Pour la première fois depuis la création du RMI, nous enregistrons une diminution du nombre d'allocataires,...
MM. Gérard Delfau et Guy Fischer. C'est vrai !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. ... alors même que les mesures d'intéressement ont un effet mécanique sur l'augmentation des statistiques.
Mme Maryse Bergé-Lavigne. C'est vrai !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Ce résultat est d'autant plus remarquable.
Nous constatons aussi, depuis quelques mois, une baisse du chômage dans les quartiers qui concentrent toutes les difficultés.
Les 260 000 contrats emploi-solidarité prévus en 2001 constituent, du point de vue du Gouvernement, un volant suffisant qui pourra être adapté - j'insiste sur ce point - en fonction des besoins locaux par les services déconcentrés du ministère, monsieur Delfau, dans le cadre de la globalisation du programme de lutte contre le chômage de longue durée.
Ce volume doit également s'apprécier en prenant en compte la progression continue du nombre des bénéficiaires des contrats emplois consolidés, avec encore 50 000 entrées supplémentaires l'année prochaine.
Mme Dieulangard et M. Muzeau ont, à juste raison, insisté sur l'apport du programme TRACE à la lutte contre le chômage, notamment en direction des jeunes qui ont le plus de difficulté à accéder à l'emploi.
Ce programme d'accompagnement personnalisé vers l'emploi, d'une durée maximale de dix-huit mois, en faveur de jeunes qui sont spécialement confrontés à de graves difficultés sociales et familiales ou qui n'ont pas reçu, dans le système éducatif, une formation suffisante, me paraît extrêmement utile. La montée en charge du dispositif a été, il est vrai, moins rapide que ce qui avait été initialement prévu, en raison des délais nécessaires au recrutement des opérateurs externes ainsi qu'à la sensibilisation des jeunes.
Cela étant, je veux souligner que les crédits prévus pour ce dispositif sont en forte progression. En effet, une augmentation de 10,7 millions de francs est prévue pour la création de quarante postes dans le réseau des PAIO, les permanences d'accueil, d'information et d'orientation, et des missions locales. Nous avons également prévu 9 millions de francs pour les opérateurs externes.
Cette augmentation des moyens est évidemment le corollaire de la mise en oeuvre du protocole signé le 20 avril dernier avec M. Raffarin, président de l'Association des régions de France, et M. Destot, président du Conseil national des missions locales, lors des assises nationales des missions locales et des PAIO.
Sur les autres moyens de lutte contre le chômage, notamment les moyens du service public, je remercie les différents orateurs de la majorité sénatoriale comme de la gauche qui ont souligné la forte progression des moyens affectés à l'Agence nationale pour l'emploi : ils passeront de 6,4 milliards de francs en 2000 à 6,9 milliards de francs en 2001 et permettront ainsi la création de quatre cent dix nouveaux postes budgétaires.
Comme vous le savez, cette augmentation des moyens de l'ANPE vise essentiellement à permettre d'offrir un nouveau départ aux jeunes qui entrent dans leur sixième mois de chômage, aux adultes qui entrent dans leur douzième mois de chômage, ainsi qu'aux publics qui sont menacés d'exclusion.
Il n'est par conséquent pas exact de dire que le Gouvernement n'aurait pas prévu de fournir un effort en faveur des chômeurs non indemnisés comparable à celui que les partenaires sociaux souhaitent mettre en oeuvre pour les chômeurs indemnisés.
S'agissant de la nouvelle convention d'assurance chômage, vous savez que le Gouvernement a présenté jeudi dernier au Conseil supérieur de l'emploi le rapport prévu par la loi - c'est un document précis - en réponse aux observations et aux questions des partenaires sociaux.
Les projets d'actions personnalisés que les partenaires sociaux envisagent de créer dans le cadre de cette nouvelle convention visent à introduire, pour les nouveaux chômeurs, des prestations individualisées d'accompagnement pilotées par l'ANPE, et seulement par l'ANPE.
Il va de soi que les prestations offertes aux chômeurs du régime de solidarité seront toujours d'une qualité au moins équivalente à ces prestations financées par le régime d'assurance chômage.
Ainsi, depuis le lancement du programme Nouveaux départs, en octobre 1998, plus de 1,7 million de chômeurs du régime de solidarité ont reçu une offre adaptée à leur situation, après un diagnostic individualisé. Pour près de 1 million d'entre eux, cette offre a pris la forme d'un appui pour relancer la recherche d'emploi : 400 000 ont bénéficié d'un accompagnement personnalisé vers un emploi ; 200 000, d'un accès à la formation ; pour 140 000, enfin, l'accompagnement a été complété par un appui social.
Les résultats obtenus en matière de chômage de longue durée sont positifs, puisque, je le disais tout à l'heure, il a diminué de 27 % en un an.
Permettez-moi quelques remarques complémentaires sur le grave sujet des travailleurs pauvres. Le SMIC a progressé de 3,2 % en juillet dernier, ce qui le porte à 7 100 francs mensuels ; et, grâce à la réduction négociée du temps de travail, le pouvoir d'achat des salariés sera maintenu au SMIC.
Par ailleurs, la suppression de la contribution sociale généralisée jusqu'à 1,4 SMIC, mesure adoptée, en deuxième lecture, à l'Assemblée nationale dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, conduira en trois ans à revaloriser de près de 10 % le revenu net des salariés rémunérés au SMIC, leur donnant l'équivalent d'un treizième mois.
Indépendamment de ces dispositions, qui ont été décidées au mois de juillet ou dans le cadre de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale - donc récemment - je rappelle que, depuis juin 1997, le SMIC a progressé de 10,8 %, alors que les prix n'ont augmenté, au cours de la même période, que d'environ 3,5 %, et que le gain de pouvoir d'achat du SMIC a été presque deux fois plus élevé entre 1997 et 2000 qu'entre 1993 et 1996.
Je tiens également à répondre à la proposition du Sénat concernant le revenu minimum d'activité. Il est vrai que le Gouvernement l'a repoussée, lors de la première lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Il s'agissait de substituer au mécanisme de ristourne dégressive de CSG et de CRDS proposé par le Gouvernement un système de complément de revenu d'activité, s'inspirant des mécanismes d'impôt négatif en vigueur dans plusieurs pays anglo-saxons.
Ces deux propositions ont en commun de favoriser le retour à l'activité professionnelle des bénéficiaires de minima sociaux, mais le Gouvernement a estimé que la proposition du Sénat comportait trois inconvénients majeurs.
D'abord, elle se traduirait par un alourdissement des dépenses sociales, alors que le Gouvernement souhaitait intégrer une mesure en faveur des bas revenus d'activité dans son plan d'ensemble de baisse des impôts. Le Gouvernement va ainsi diminuer de 24 milliards de francs les impôts supportés par ceux qui perçoivent les plus faibles revenus, alors que la majorité sénatoriale proposait, curieusement, d'alourdir les dépenses sociales d'autant, mais je n'insiste pas.
Le deuxième inconvénient de la proposition sénatoriale réside dans le fait que les mécanismes d'impôt négatif créent de véritables trappes à bas salaires. Comment ne pas voir, en effet, que les employeurs seront incités à créer des emplois précaires à durée réduite s'ils sont assurés que l'Etat complétera les faibles revenus d'activité tirés de ces emplois ?
La proposition du Gouvernement ne s'expose pas à ce reproche, puisque la réduction dégressive de CSG et de CRDS est proratisée en fonction de la durée hebdomadaire du travail : à salaire horaire égal, elle sera pour un salarié à mi-temps deux fois moindre que pour un salarié à temps complet. Elle ne crée donc pas d'incitation à la multiplication des emplois à durée réduite.
Enfin, troisième inconvénient, le mécanisme d'impôt négatif a le défaut essentiel d'être « aveugle ». Il importe, au contraire, d'accompagner les personnes privées d'emploi, et d'abord les bénéficiaires de minima sociaux, dans des trajectoires personnalisées qui puissent inclure des bilans de compétences, des mesures d'accompagnement, afin qu'elles reviennent vers le marché du travail, toutes choses que les mécanismes du type impôt négatif ne permettent pas.
Tel est le sens des mesures d'intéressement, d'incitation et de retour à l'emploi prises pour les RMIstes que nous avons mises en oeuvre.
Le Gouvernement réfléchit à de nouvelles dispositions pour faciliter la réinsertion, sujet en effet très important.
Concernant la formation professionnelle, je concentrerai mes réponses sur quelques sujets évoqués par Mme Bocandé.
J'aborderai d'abord la formation en alternance et, en premier lieu, la professionnalisation des jeunes.
L'effort de l'Etat en matière de contrats d'apprentissage et de qualification se poursuit. Il est inexact de soutenir, comme le fait M. Jean Boyer, que les contrats d'apprentissage ont diminué. Ils ont, au contraire, augmenté de 3,25 % en 1998, de 4,4 % en 1999 et, sur les dix premiers mois de l'année 2000, de 3,6 %.
Afin d'accompagner la progression du nombre de ces contrats, qui s'est confirmée, j'ai souhaité que les cohortes d'entrées en contrats d'apprentissage et de qualification soient portées respectivement à 230 000 et 123 000, au lieu de 220 000 et 121 000 en 2000.
L'augmentation importante de cette ligne budgétaire m'a conduite à revoir, dans le contexte de croissance actuel, certaines des primes incitatives pour les entreprises. Je pense à celles qui sont liées à la signature des contrats.
Le Gouvernement a proposé que les aides forfaitaires à l'embauche introduites au plus fort de la crise, dans le cadre des mesures d'urgence, soient supprimées s'agissant de l'apprentissage, exception faite pour les très petites entreprises, de dix salariés et moins. D'ailleurs, à l'Assemblée nationale, ce seuil a été porté à vingt salariés. En conséquence, près de 80 % des entreprises accueillant des apprentis bénéficieront de primes à l'embauche.
J'ajoute que les aides à la formation relatives au contrat d'apprentissage et les exonérations de charges sociales liées à la fois aux contrats d'apprentissage et de qualification sont, bien sûr, maintenues, et 13 milliards de francs sont ainsi affectés aux formations professionnelles en alternance dans le budget, dont 8 milliards de francs d'exonérations de charges sociales.
S'agissant, ensuite, des prélèvements de trésorerie sur les organismes paritaires, il faut noter que les fonds du congé individuel de formation gérés par le FONGECIF, le fonds de gestion du congé individuel de formation, résultent d'un versement des entreprises correspondant à 0,2 % de la masse salariale. Ces prélèvements successifs opérés ces dernières années sur les fonds mutualisés par les entreprises résultent des excédents de trésorerie de ce fonds. Le prélèvement de 150 millions de francs sur le COPACIF, le comité paritaire du congé individuel de formation, prévu au budget pour 2001 correspond aux prévisions de trésorerie du fonds à la fin de l'année 2001.
Il faut également noter qu'en 1999 et 2000 le FONGECIF disposait d'une trésorerie confortable ; malgré cela, beaucoup de demandes de financement ont été refusées, parce que le comité paritaire a porté une appréciation négative sur les projets déposés.
Contrairement à ce qu'a affirmé Mme Bocandé, il ne devrait pas y avoir d'incidence sur la gestion du congé individuel, puisque le montant de ce prélèvement correspond aux perspectives de trésorerie de fin d'année 2001 du COPACIF. Je note que, malgré une trésorerie relativement abondante ces deux dernières années, les commissions paritaires du FONGECIF ont refusé de nombreux projets. Ces refus résultent non seulement de l'insuffisance de financement, mais aussi de la qualité des projets qui ont été présentés.
Mme Annick Bocandé, rapporteur pour avis. Nous en reparlerons !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je voudrais également rappeler que le projet relatif au financement de l'apprentissage sera débattu dans le cadre du projet de loi de modernisation sociale, au début de l'année prochaine. Ce projet permettra d'introduire plus de transparence et moins d'inégalités dans la répartition des moyens.
Par ailleurs, sur la formation des demandeurs d'emploi, Mme Bocandé a fait état de la baisse des crédits affectés à la formation des demandeurs d'emploi de longue durée. Cette orientation tient compte de la diminution très rapide du nombre de chômeurs de longue durée, que j'ai évoquée tout à l'heure.
Toutefois, l'Etat ne peut se désengager de ces formations. En effet, une rénovation du système de formation des demandeurs d'emploi apparaît aujourd'hui comme une composante essentielle du droit individuel à la formation tout au long de la vie. Des fonctions de conseil et de prescription ont commencé à se construire au sein du service public de l'emploi, par le rapprochement entre l'AFPA et l'ANPE. Il convient de consolider ce rapprochement.
Il est d'autant plus urgent de se saisir de ce dossier que les dispositifs de formation des demandeurs d'emploi sont toujours peu adaptés pour répondre aux besoins de recrutement que rencontrent les entreprises dans certains secteurs, nous en avons déjà parlé.
Le contrat de qualification adulte est, je crois, une excellente réponse à ces difficultés de recrutement. L'article 59 rattaché au présent budget en proroge la période d'expérimentation jusqu'au 30 juin 2002. J'espère que les partenaires sociaux se saisiront de cette opportunité pour négocier les modalités d'une pérennisation de ces contrats, comme les y invitait la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions !
J'en viens à la politique contractuelle. Les engagements de développement de la formation professionnelle et les contrats d'études prospectives constituent deux volets importants de la politique de contractualisation entre l'Etat, les branches professionnelles et les entreprises.
La réduction des crédits sera largement compensée par la contribution qu'apportent désormais les crédits du Fonds social européen dans la conduite de cette politique contractuelle. Les priorités définies dans le cadre de la programmation du FSE sont en effet largement concordantes avec celles que nous avons tracées, en lien avec les partenaires sociaux, pour la politique contractuelle.
L'action du Gouvernement a permis de construire les premières étapes de la réforme de la formation professionnelle autour de sujets dont il avait la maîtrise. Je viens d'en mentionner quelques-uns. Nous poursuivrons cette action avec le projet de loi de modernisation sociale, qui est déposé au Parlement.
Je dirai quelques mots sur l'insertion. Mme Dieulangard se demande comment nous allons nous y prendre s'agissant de la situation transitoire du dispositif. Nous devons nous attaquer, en effet, à un problème plus difficile qu'avant, dans le domaine de l'insertion professionnelle, car les exclus du marché du travail sont de plus en plus les chômeurs les plus en difficulté.
Avant de renforcer, de recentrer nos dispositifs pour les mois à venir - parce que nous aurons à établir le programme français dans le cadre du programme d'action communautaire -, j'ai le souci de faire tourner à plein les programmes en place avec le concours des professionnels de l'insertion, des grandes associations de lutte contre l'exclusion.
Le programme EDEN va pleinement se déployer en matière de création d'entreprises par les jeunes chômeurs. Les comités départementaux d'insertion par l'économique sont maintenant tous en place. Ce sont des lieux de synthèse et de coordination. Je vais m'employer à écouter et recevoir les grandes associations pour examiner comment adapter les instruments d'accompagnement de parcours d'insertion à la réalité d'aujourd'hui, qui est différente, en effet, de celle que nous connaissions voilà deux ou trois ans.
Je terminerai par quelques mots sur les personnels du ministère, et d'abord sur les inspecteurs du travail. M. Delfau les a mentionnés et je crois qu'il faut leur rendre hommage pour le travail qu'ils réalisent.
M. Gérard Delfau. Très bien !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Il faut souligner que, grâce à la réforme du corps, entrée en vigueur le 1er août dernier, ils bénéficient d'une revalorisation sensible et d'un déroulement de carrière beaucoup plus satisfaisant.
Les inspecteurs du travail jouent un rôle évidemment très particulier en matière de santé au travail pour lutter, notamment, contre les risques liés à l'ESB, l'encéphalopathie spongiforme bovine. C'est pourquoi, en application du plan annoncé le 14 novembre dernier par M. le Premier ministre, le Gouvernement a déposé un amendement afin de créer vingt-cinq postes d'inspecteur du travail et cinq postes de médecin-inspecteur.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard et M. Gérard Delfau. Très bien !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. En conclusion, je souhaite remercier vos rapporteurs, Mme Bocandé, M. Braun et M. Souvet, pour leurs rapports. Leurs analyses sont intéressantes, même si, chacun a pu s'en rendre compte ce matin, nous n'avons pas le même point de vue.
L'action conduite par le Gouvernement a permis, dans une conjoncture porteuse, de réduire fortement le chômage et de remettre sur le chemin de l'emploi des personnes qui se considéraient il y a encore peu comme définitivement exclues.
Le budget que je vous présente nous donne les moyens nécessaires à la poursuite de l'amélioration de la situation de l'emploi et à une plus grande solidarité avec les exclus. Je vous demande donc de le voter et je remercie les porte-parole du groupe socialiste, Mme Dieulangard, du groupe communiste républicain et citoyen, M. Muzeau, et du groupe du RDSE, M. Delfau, d'avoir apporté leur approbation à ce budget. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
(M. Gérard Larcher remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER
vice-président

M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et C et concernant l'emploi et la solidarité : I. - Emploi.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : 874 384 357 francs. »

Par amendement n° II-43, le Gouvernement propose de majorer ces crédits de 11 900 000 francs.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat à l'économie solidaire. Cet amendement, qui sera complété, lors de l'examen du projet de budget de la solidarité, par d'autres mesures, correspond à la traduction immédiate des décisions qui ont été prises en matière de lutte contre les risques liés à l'encéphalopathie spongiforme bovine, annoncées le 14 novembre dernier.
Vous le savez, face à une situation aussi grave et aussi importante, des décisions ont été prises et un plan a été adopté, qui se traduit par la création d'un certain nombre de postes, notamment, en ce qui concerne le présent budget, de vingt-cinq postes d'inspecteur et de cinq postes de médecin-inspecteur, indispensables pour encadrer l'ensemble de la filière, permettre le contrôle des pratiques professionnelles, s'assurer que les salariés de ces différentes branches sont effectivement suivis et que les risques auxquels ils seraient exposés du fait de cette maladie sont réduits le plus possible.
Il était nécessaire d'agir vite. Il faut, sur le plan budgétaire, tirer les conséquences de ces décisions, et donc modifier les chapitres concernés, afin d'être immédiatement à pied d'oeuvre pour appliquer lesdites décisions.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard Braun, rapporteur spécial. Je l'avoue, cet amendement, dont j'ai eu connaissance en arrivant ce matin, pose beaucoup de problèmes et je m'interroge sur la finalité exacte de ces créations d'emploi.
On nous propose de créer une trentaine de postes au titre du ministère de l'emploi. S'agissant d'emplois pérennes, cela signifie-t-il que ces trente fonctionnaires travailleront sur l'ESB durant toute leur carrière, c'est-à-dire pendant une quarantaine d'années ? C'est là, déjà, une véritable interrogation.
Je tiens à préciser que, sur ces trente emplois, cinq seulement sont des emplois de médecin. Les autres sont des emplois d'inspecteur du travail, et je vois mal ce qu'ils pourraient faire s'agissant de l'ESB.
Par ailleurs, mon collègue, Joseph Ostermann, et moi-même avons publié un rapport d'information sur la gestion des personnels du ministère de l'emploi. A la suite de notre mission, il nous était apparu qu'il était inutile de créer des emplois supplémentaires dans ce ministère.
Les difficultés des services étaient essentiellement dues, nous avait-on dit, à des pressions venant de l'administration centrale. Il fallait, en effet, faire du chiffre sur les emplois-jeunes et sur la mise en place des 35 heures. Un chef de service nous a ainsi dit que la mise en place des 35 heures était « la pire mesure que l'on ait jamais vue ».
Cela étant, je m'interroge sur la finalité de cet amendement, d'autant que je viens d'apprendre, monsieur le secrétaire d'Etat, que, s'agissant d'un autre ministère, dont nous examinerons les crédits cet après-midi - le ministère de la santé - le Gouvernement use du même subterfuge pour, sous le prétexte de la lutte contre l'ESB, nous proposer la création de quatre-vingt-quinze emplois, dont trente emplois de contractuels rémunérés à l'échelle lettre C. (M. Gournac s'exclame.)
Cette manière de procéder est tout de même un peu étonnante ! A mes yeux, elle participe d'un manque de clarté, de logique et de confiance dans le Sénat. On veut nous faire créer des postes importants en nombre, certainement à la suite de mesures de post-arbitrage, sous le prétexte de l'ESB. Cela n'est pas très sérieux !
M. Jean Boyer. Quelle belle démonstration !
M. Gérard Braun, rapporteur spécial. Dans ces conditions, je me prononcerai sur cet amendement après vous avoir entendu, monsieur le secrétaire d'Etat, car je souhaite que vous répondiez à nos interrogations.
M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat. Compte tenu de la gravité du dossier, je suis un peu surpris par votre propos. Le nombre total d'emplois créés s'élève à 175 : cet après-midi, vous serez en effet amenés à vous prononcer, lors de l'examen d'un autre budget, sur la création d'emplois de médecin.
S'agissant de contractuels dont le niveau de rémunération est important, il s'agit de pouvoir très rapidement mettre en place un dispositif pour accompagner l'ensemble des décisions prises.
Vous vous demandez ce que vont faire les inspecteurs du travail. Combien y a-t-il de salariés dans la filière ? Combien y a-t-il d'usines de découpage, d'abattoirs, de centres d'équarrissage, et quels sont les risques pour les personnes qui y travaillent ?
Sans vouloir polémiquer, je dirai qu'il y a quelque chose de désinvolte dans la manière dont vous analysez de telles décisions.
Par ailleurs, vous vous demandez si les personnes qui seront recrutées feront toute leur carrière sur les questions liées à l'ESB. J'espère bien que non !
M. Gérard Braun, rapporteur spécial. Mais elles seront là !
M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat. Si vous examinez l'évolution des carrières sur les dix ans à venir, compte tenu du vieillissement de l'ensemble des fonctionnaires de notre pays, vous constaterez que des millions d'entre eux partiront à la retraite. Il sera toujours temps d'examiner si des priorités existent ailleurs !
En matière médicale, en revanche, l'idée de faire appel à des contractuels répond au souci de mobiliser rapidement des compétences élevées et, éventuellement, de ne pas renouveler les contrats si, la crise étant passée et les choses rentrant dans l'ordre, nous n'avons plus besoin de ce type de personnels.
M. le président. Quel est maintenant l'avis de la commission ?
M. Gérard Braun, rapporteur spécial. Monsieur le secrétaire d'Etat, vos arguments ne m'ont vraiment pas convaincu. Je suis sûr que ces créations d'emploi ont pour objet, à nouveau, de conforter, de renforcer les effectifs.
Le sujet traité est en effet trop grave. Vous vous abritez derrière l'ESB - et ce n'est pas sérieux - pour faire passer en force ces créations d'emploi, dans l'urgence et sans réflexion.
Afin que la majorité sénatoriale ne soit encore accusée des pires maux, nous ne pouvons nous opposer à cet amendement, en émettant un avis défavorable. En effet, si nous le faisions, on dirait que la majorité sénatoriale s'oppose à la lutte contre l'ESB.
M. Roland Muzeau. Il faut assumer !
M. Louis Boyer. On nous accuserait de vouloir empoisonner les Français !
M. Gérard Braun, rapporteur spécial. Aussi, je m'en remets à la sagesse de notre assemblée, étant précisé que la commission émettra un avis défavorable sur l'ensemble des crédits du ministère.
M. Alain Gournac. Oh oui !
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-43.
M. Guy Fischer. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Pour notre part, nous nous réjouissons des propositions que vient de confirmer M. le secrétaire d'Etat, lesquelles font l'objet de deux amendements qui nous sont soumis aujourd'hui.
A la suite des séances de questions d'actualité au Gouvernement, au cours desquelles cette question a été évoquée, je suis surpris par les arguments de M. le rapporteur, même si, finalement, il s'en est remis à la sagesse de notre assemblée.
Face au traumatisme créé par l'ESB, devant les appels au secours lancés à travers toute la France par l'agriculture, notamment par la filière bovine, qui a besoin de moyens pour satisfaire des besoins incompressibles, face, dans le même temps, à la nécessité de régler un problème de santé publique, nous devons, aujourd'hui, prendre nos responsabilités,
Je note d'ailleurs que plusieurs de nos collègues de la majorité sénatoriale sont intervenus, dans le cadre des questions d'actualité au Gouvernement, pour obtenir que des moyens supplémentaires soient affectés à la gestion de la crise provoquée par l'ESB.
Pour notre part, nous voterons cet amendement, car c'est une réponse apportée dans l'urgence à un problème qui, aujourd'hui, traumatise la France et qui - c'est le bon sens même - justifie la mise en oeuvre de moyens nouveaux. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Gérard Delfau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau. Tout d'abord, je m'étonne, moi aussi, de l'étonnement de M. le rapporteur. Il a, comme nous, apprécié que les plus hautes autorités politiques de ce pays - je dis bien « les plus hautes » et non pas « la plus haute » - préconisent et prennent, pour celles qui étaient directement concernées, des mesures drastiques pour assurer la santé publique et pour rassurer la population.
Ces décisions ont un impact considérable sur une filière qui est frappée de plein fouet par un bouleversement considérable et qui n'a pu - et pour cause ! - s'y préparer.
Au travers de cette proposition, le Gouvernement montre qu'il a la volonté de tirer toutes les conséquences de l'annonce faite - heureusement faite ! - par le Premier ministre, c'est-à-dire de faire en sorte que les modalités pratiques liées à cette décision soient assurées.
La position du Sénat serait donc intenable, s'il ne votait pas cet amendement, et je pense que nos collègues le comprendront.
Je profite de l'occasion qui m'est offerte pour me féliciter des propos tenus par Mme la ministre concernant le corps des inspecteurs du travail. Il fallait que ce message soit adressé et que cet hommage - je reprends son propre terme - soit rendu. Dans une période où l'on va les solliciter plus encore qu'auparavant, ces fonctionnaires, qui effectuent une tâche difficile et indispensable, doivent être soutenus, aidés et encouragés.
M. Claude Estier. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Estier.
M. Claude Estier. Le groupe socialiste fait siens tant les arguments qu'a développés M. le secrétaire d'Etat que les propos qu'ont tenus MM. Fischer et Delfau. Il votera donc l'amendement.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-43, pour lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifiés, les crédits figurant au titre III.
M. Guy Fischer. Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.

(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président. « Titre IV : moins 10 857 141 062 francs. »

Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.
M. Guy Fischer. Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.

(Ces crédits ne sont pas adoptés.)

ÉTAT C

M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 65 000 000 francs ;
« Crédits de paiement : 32 500 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.
M. Guy Fischer. Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.

(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président. « Titre VI. - Autorisations de programme : 440 210 000 francs ;
« Crédits de paiement : 194 450 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.
M. Guy Fischer. Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.

(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président. J'appelle en discussion les articles 57 à 59, 59 bis et 60, qui sont rattachés pour leur examen aux crédits affectés à l'emploi.

Emploi et solidarité

Article 57



M. le président.
« Art. 57. - I. - Le 1° de l'article L. 118-7 du code du travail est ainsi rédigé :
« 1° D'une aide à l'embauche lorsque l'entreprise emploie au plus dix salariés et que l'apprenti dispose d'un niveau de formation inférieur à un minimum défini par décret ; ».
« II. - Le troisième alinéa de l'article 19 de la loi n° 92-675 du 17 juillet 1992 portant diverses dispositions relatives à l'apprentissage, à la formation professionnelle et modifiant le code du travail est supprimé.
« III. - Les dispositions du présent article s'appliquent à compter du 1er janvier 2001. »
Je suis saisi de quatre amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les trois premiers sont identiques.
L'amendement II-23 est présenté par M. Ostermann, au nom de la commission des finances.
L'amendement n° II-1 est déposé par Mme Bocandé, au nom de la commission des affaires sociales.
L'amendement n° II-38 est présenté par MM. Cornu, Gournac, Murat, Mme Olin, M. Martin et les membres du groupe du Rassemblement pour la République.
Tous trois ont pour objet de supprimer cet article.
Par amendement n° II-4 rectifié, MM. Joly et Othily proposent :
I. - Dans le texte présenté par le I de l'article 57 pour le 1° de l'article L. 118-7 du code du travail, de remplacer les mots : « dix salariés » par les mots : « deux cent cinquante salariés ».
II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, de compléter cet article par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« .. - La perte de recettes résultant du relèvement du seuil de l'aide à l'embauche est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur spécial, pour défendre l'amendement n° II-23.
M. Gérard Braun, rapporteur spécial. Le présent article vise, une fois encore, à s'en prendre au financement de l'apprentissage, en réservant l'aide à l'embauche aux employeurs occupant au plus dix salariés. Cette mesure, comme celle qui a été votée en 1999, n'a pas pour objet la réforme de la formation professionnelle, souvent annoncée. Elle est motivée par la recherche d'économies d'un montant assez modique, en l'occurrence 117 millions de francs en 2001.
Le Gouvernement estime que « cette aide ne paraît plus nécessaire, sauf pour les très petites entreprises », arguant de la diminution du chômage des jeunes résultant de la bonne tenue de la conjoncture économique.
Cet argument paraît un peu court, d'autant qu'il n'existe pas de lien automatique entre la diminution du chômage des jeunes, qui reste, par ailleurs, plus élevé que la moyenne, et les besoins de formation, comme le montre l'apparition de pénuries de main-d'oeuvre dans certains secteurs.
L'Assemblée nationale, dans un premier temps, avait supprimé l'article 57. Le vote de l'Assemblée nationale, quasi unanime, reposait sur les arguments développés par la commission des finances du Sénat : atteinte au financement de l'apprentissage et message négatif envoyé aux petites entreprises, qui seront confrontées à des difficultés suffisamment grandes lorsqu'elles devront passer aux 35 heures.
Mais, au cours de la deuxième délibération, l'Assemblée nationale a finalement adopté un amendement du Gouvernement rétablissant cet article, en prévoyant que l'aide à l'embauche d'apprentis serait réservée aux entreprises employant au plus vingt salariés.
La commission des finances, pour les raisons qu'elle a déjà développées quant à l'atteinte portée au financement de l'apprentissage, propose de supprimer cet article, même dans sa nouvelle rédaction.
M. le président. La parole est à Mme Bocandé, rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement n° II-1.
Mme Annick Bocandé, rapporteur pour avis. Cet amendement va dans le même sens que celui qui vient d'être développé par notre collègue Gérard Braun, au nom de la commission des finances.
En effet, la commission des affaires sociales ne comprend pas l'insistance du Gouvernement à vouloir fragiliser, année après année, l'ensemble du dispositif de l'apprentissage pour réaliser - pardonnez-moi cette expression - quelques économies de bouts de chandelle.
Ces atteintes successives apparaissent en définitive comme autant de signaux indiquant que les formations en alternance ne sont plus des priorités, alors que, depuis quinze ans, tous les gouvernements avaient cherché à promouvoir l'image de marque de l'apprentissage. Le bilan coût-avantage de cette nouvelle mesure nous paraît donc très déséquilibré.
M. le président. La parole est à M. Gournac, pour défendre l'amendement n° II-38.
M. Alain Gournac. A mon tour, je veux défendre l'apprentissage.
Toute mesure budgétaire prise à l'encontre de l'apprentissage va encore l'affaiblir, ce qu'il faut absolument éviter. Voilà pourquoi nous proprosons, nous aussi, de supprimer l'article 57.
Ce n'est pas prendre en compte la réalité que de s'attaquer à l'apprentissage, monsieur le secrétaire d'Etat. Allez sur le terrain, regardez ce qui s'y passe, comme nous le faisons chaque jour ! Vous verrez que, dans quantité de secteurs, il y a pénurie d'emplois.
Tout à l'heure, Mme le ministre a dit que cette pénurie affectait les métiers de bouche et le BTP. Pas du tout ! Vous savez bien que l'on ne peut plus faire installer une porte de garage, une porte blindée, faire réparer un ascenseur, que, dans le commerce, dans l'habillement, on ne trouve pas de personnel ! Je pourrais citer au moins vingt-sept ou vingt-huit secteurs qui sont ainsi concernés.
Nous devons, aujourd'hui encore, adresser un message fort en faveur de l'apprentissage, que nous voulons défendre, et c'est pourquoi il faut, je le répète, supprimer l'article 57. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. L'amendement n° II-4 rectifié est-il soutenu ? ...
Quel est l'avis du Gouvernement sur les trois amendements identiques n°s II-23, II-1 et II-38 ?
M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat. A l'Assemblée nationale, on l'a dit, il y a eu débat sur ce sujet, et le Gouvernement, par amendement, a rétabli la barre de vingt salariés. Or je note que 80 % des jeunes qui sont en apprentissage le sont dans des entreprises de moins de vingt salariés.
On me dit ici que rétablir ce seuil, c'est ne pas tenir compte de la réalité. Qu'il y ait des tensions dans certaines branches, c'est certain, mais ces tensions sont peut-être parfois dues aussi aux conditions de salaire et de travail que les branches en question offrent aux jeunes, et cela peut expliquer également pour partie la pénurie.
Néanmoins, le nombre de jeunes en formation en alternance continue d'augmenter dans ce pays. La mesure proposée, dès lors que, je l'ai dit, 80 % des jeunes en apprentissage le sont dans des entreprises de moins de vingt salariés, permet tout de même, pour l'essentiel, d'accompagner les démarches qui favorisent l'intégration des jeunes.
Par ailleurs, si le chômage des jeunes est très élevé, il diminue beaucoup plus vite que les autres.
M. Alain Gournac. Il reste beaucoup de jeunes au chômage !
M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat. Certes, mais leur nombre a baissé de 20 % en un an.
Par ailleurs, compte tenu de la situation économique, qui fait que les publics les plus « employables », comme le sont les jeunes, vont être appelés très vite, on peut penser qu'il fallait opérer un repli en ce domaine pour pouvoir accompagner d'autres démarches.
Alors, je sais bien que certains voudraient que tout baisse, la dette, les impôts, étant entendu qu'à leurs yeux aucun résultat n'est dû à la politique du Gouvernement, que c'est le fait du hasard ou de phénomènes extérieurs !
Nous, nous essayons d'agir de manière raisonnée en recalant, année après année, les dispositifs et les sommes qui y sont consacrées pour accompagner un mouvement que nous voulons, par là même, continuer de nourrir afin que le cercle vertueux ne s'arrête pas.
M. Alain Gournac. Ne touchez pas à l'apprentissage !
M. le président. Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s II-23, II-1 et II-38.
M. Gérard Delfau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau. Monsieur le secrétaire d'Etat, j'avoue que cet article me rend perplexe, même si je ne partage pas, pour l'essentiel, l'argumentation de mes collègues de la majorité sénatoriale.
Vous nous dites que 80 % des contrats d'apprentissage sont signés dans les entreprises de moins de vingt salariés, et que l'essentiel est donc préservé. Dont acte ! Voilà en effet qui est de nature à nous rassurer.
Il n'empêche que l'apprentissage est la voie qui permet aux fils et aux filles - essentiellement aux fils, d'ailleurs ! - des classes populaires d'accéder à un emploi.
M. Jean Chérioux. Eh oui !
M. Gérard Delfau. C'est une formule qui mérite d'être améliorée - j'y reviendrai dans un instant - mais qui a une efficacité certaine. C'est un élément non négligeable de l'élévation de la qualité du monde du travail.
Je ne ferai donc pas miennes les prophéties alarmistes de M. Gournac, selon lequel il ne sera bientôt plus possible d'avoir la moindre intervention d'une entreprise dans nombre de secteurs.
M. Alain Gournac. C'est une constatation !
M. Gérard Delfau. J'ajoute que, si certaines branches accordaient des rémunérations suffisantes et des conditions de travail décentes, elles attireraient davantage de jeunes ! (M. Fischer applaudit.)
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Bien sûr !
M. Jean Boyer. Et la fiscalité !
M. Gérard Delfau. Ayant fait cette mise au point que j'estimais nécessaire, je veux vous dire, monsieur le secrétaire d'Etat, que, malgré le soutien enthousiaste, je l'ai dit précédemment, que j'apporte au Gouvernement sur ce budget et sur les résultats de sa politique, je m'abstiendrai (Exclamations sur les travées du RPR), parce que je pense que l'article 57 constitue un signal négatif et qu'il convient, au contraire, de revoir la répartition entre l'apprentissage et les contrats de qualification et le cursus de la formation des apprentis, pour essayer de faire baisser le taux d'échec actuel, qui est considérable.
Je préférerais que le Gouvernement opte pour une politique beaucoup plus offensive, comme il l'a fait dans les autres domaines, plutôt que de nous proposer cette mesure d'équilibre budgétaire qui ne me paraît pas vraiment opportune. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s II-23, II-1 et II-38, repoussés par le Gouvernement.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Le groupe socialiste s'abstient.
M. Guy Fischer. Le groupe communiste républicain et citoyen également.
M. Gérard Delfau. Le groupe du RDSE s'abstient lui aussi.

(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'article 57 est supprimé.

Article 58



M. le président.
« Art. 58. - I. - Au premier alinéa de l'article L. 241-6-2 du code de la sécurité sociale, la référence : " des 1° et 3° " est remplacée par la référence : " du 3° ". La fin du troisième alinéa du même article, à partir du mot : " employeurs ", est ainsi rédigée : " employeurs visés aux 2°, 3°, 4° et 6° de l'article L. 722-1 du code rural. "
« II. - L'article 7 de la loi n° 93-1313 du 20 décembre 1993 quinquennale relative au travail, à l'emploi et à la formation professionnelle est abrogé.
« III. - Les dispositions du présent article sont applicables aux gains et rémunérations versés à compter du 1er janvier 2001 par les entreprises et unités économiques et sociales de plus de vingt salariés visées à la première phrase du II de l'article 1er de la loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps du travail. »
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° II-24 est présenté par M. Ostermann, au nom de la commission des finances.
L'amendement n° II-2 est déposé par M. Souvet, au nom de la commission des affaires sociales.
Tous deux tendent à supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur spécial, pour défendre l'amendement n° II-24.
M. Gérard Braun, rapporteur spécial. Actuellement, le chapitre 44-77, article 81, du budget de l'emploi, doté de 460 millions de francs en 2000, permet d'assurer la compensation aux régimes de sécurité sociale de l'exonération de cotisations d'allocations familiales, dans certains cas particuliers où elle reste en vigueur en dépit de la fusion du dispositif général de la « ristourne dégressive ».
Le présent article prévoit de supprimer ces dispositifs pour les entreprises non agricoles uniquement, pour les entreprises situées en zone de revitalisation rurale et pour les entreprises nouvelles implantées en zone rurale ou en zone urbaine défavorisée et exonérées d'impôt.
La commission des finances de l'Assemblée nationale, sur l'initiative de son rapporteur spécial, et la commission des affaires culturelles, familiales et sociales avaient proposé de supprimer cet article, estimant la mesure gouvernementale « pour le moins prématurée ».
L'Assemblée nationale a toutefois adopté un amendement du Gouvernement tendant à restreindre l'application des dispositions de l'article 58, à partir du 1er janvier prochain, aux entreprises de plus de vingt salariés, et, par conséquent, à reporter d'une année l'application de ces dispositions aux autres entreprises.
La commission des finances du Sénat considère cependant que les préoccupations relatives à l'aménagement du territoire ne sont pas prises en considération par cette nouvelle rédaction de l'article 58 et propose donc de supprimer celui-ci.
M. le président. La parole est à M. Souvet, rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement n° II-2.
M. Louis Souvet, rapporteur pour avis. Bien entendu, nos motivations ne sont pas différentes de celles de la commission des finances.
L'article 58 vise à supprimer l'exonération de cotisations d'allocations familiales accordée aux entreprises implantées dans une zone de revitalisation rurale et aux entreprises nouvelles exonérées d'impôt.
Selon le Gouvernement, cet article « tire les conséquences de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale induite par la création des allégements de cotisations sociales réservés aux entreprises ayant réduit leur temps de travail ».
La commission des affaires sociales, saisie pour avis, n'a pu se satisfaire de cette nouvelle rédaction qui réaffirme, implicitement, le principe selon lequel, à partir du moment où la durée légale du travail est abaissée, il devient obligatoire de réduire la durée collective du travail dans l'entreprise pour que celle-ci puisse bénéficier des allégements de charges sociales. Depuis l'origine, la commission des affaires sociales s'est déclarée hostile à l'idée de lier accès aux allégements de charges et réduction du temps de travail.
En conséquence, la commission des affaires sociales propose au Sénat de supprimer l'article 58.
M. Alain Gournac. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements identiques n°s II-24 et II-2 ?
M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat. La suppression de l'exonération de cotisations familiales dont bénéficient les entreprises situées en zone de revitalisation rurale et les entreprises nouvelles exonérées d'impôts prévue par l'article 58 répond à la nécessité de rationaliser et de simplifier les dispositifs spécifiques d'exonérations de charges sociales, dont la complexité a été souvent dénoncée.
C'est ainsi que la prise en compte de situations spécifiques telles que l'implantation dans des zones économiquement fragiles doit désormais donner lieu à des majorations spécifiques s'intégrant au dispositif général plutôt qu'à des dispositifs particuliers rendant peu lisible le système d'exonérations.
La loi du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail instaure une majoration spécifique s'ajoutant au nouveau barème pour les entreprises situées en zone de revitalisation rurale lorsqu'elles passent aux 35 heures. L'exonération spécifique de cotisations sociales familiales ne pouvant être cumulée avec l'allégement lié aux 35 heures, elle devient sans objet. Il en est de même pour les entreprises nouvelles, puisque celles qui ont été créées à partir du 1er janvier 2000, si elles appliquent les 35 heures, bénéficient de l'aide incitative en plus de l'allégement structurel.
Cependant, et pour tenir compte des débats qui ont eu lieu ici même ou qui se sont tenus à l'Assemblée nationale en première lecture, le Gouvernement a déposé un amendement visant à ce que l'article 58 ne s'applique pas aux entreprises de moins de vingt salariés, de manière qu'un équilibre puisse s'instaurer.
Nous essayons d'être cohérents et de faire en sorte que les mesures incitatives soient au service d'un mouvement d'ensemble que nous considérons - et nous en avons tous les jours la preuve - être source de créations d'emplois. Il s'agit, par ces mesures, d'accompagner une évolution et une adaptation du monde des entreprises.
Les entreprises de moins de vingt salariés n'ayant pas d'obligation immédiate, l'amendement du Gouvernement permet donc à la fois de prendre en considération les spécificités des zones de redynamisation rurale et celles des entreprises qui, comptant moins de vingt salariés, ne pouvaient pas encore être concernées par le dispositif. Il s'agit, à nos yeux, d'accompagner le passage aux 35 heures et de favoriser l'aménagement du territoire, au regard de la situation des zones économiquement fragiles.
M. le président. Personne ne demande la parole ?
Je mets aux voix les amendements identiques n°s II-24 et II-2, repoussés par le Gouvernement.

(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'article 58 est supprimé.

Articles 59, 59 bis et 60



M. le président.
« Art. 59. - I. - Au I de l'article 25 de la loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 d'orientation relative à la lutte contre les exclusions, la date : " 31 décembre 2000 " est remplacée par la date : " 30 juin 2002 ".
« II. - Au II du même article, la date : " 31 décembre 1999 " est remplacée par la date : " 30 juin 2001 ". » - (Adopté.)
« Art. 59 bis . - Dans le IV bis de l'article 30 de la loi de finances pour 1985 (n° 84-1208 du 29 décembre 1984), après les mots : " des jeunes ", sont insérés les mots : " ou un accord de branche conclu en application du dernier alinéa du IV ". » - (Adopté.)
« Art. 60. - Au deuxième alinéa de l'article L. 351-24 du code du travail, la date : " 31 décembre 2000 ", est remplacée par la date : " 31 décembre 2002 ". » - (Adopté.)
Je constate que ces trois articles ont été adoptés à l'unanimité.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant l'emploi.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinquante-cinq, est reprise à quinze heures cinq.)

M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi de finances pour 2001, adopté par l'Assemblée nationale.

II. - SANTÉ ET SOLIDARITÉ

M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant l'emploi et la solidarité : II. - Santé et solidarité.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, le budget de la santé et de la solidarité est celui qui permet de venir au secours des plus pauvres et des exclus, celui qui permet de gérer le système d'offre de soins, de préserver les Français des principaux risques de santé publique, celui qui symbolise le mieux la solidarité nationale. Il s'agit donc d'un budget essentiel pour la vie quotidienne de nos concitoyens.
Comment apprécier les crédits dévolus à ces deux missions, la santé et la solidarité ?
Peut-être par naïveté, le rapporteur spécial que je suis a fait un rêve. Il s'est forgé un budget idéal : celui dont les crédits se stabiliseraient pour contribuer à l'effort global de maîtrise de la dépense publique, celui où les dépenses liées à la solidarité nationale diminueraient grâce à la bonne conjoncture économique, celui où les économies générées seraient en partie réutilisées pour mieux encadrer une réforme du système d'assurance maladie, pour protéger les Français contre la progression des fléaux sanitaires, qui suscite une légitime inquiétude, pour apurer enfin des situations de fonctionnement parfois un peu douteuses, notamment en ce qui concerne les mises à disposition.
Un tel budget aurait mérité des éloges et un vote positif. Or le projet de budget pour 2001 est en recul, malheureusement, sur presque tous ces points.
Il faut maîtriser les dépenses publiques, mais le budget s'accroît de 3,9 milliards de francs.
La croissance économique est vive et dynamique, mais les dépenses de minima sociaux augmentent toujours, « ponctionnant » ainsi la presque totalité des moyens nouveaux.
Les Français sont inquiets vis-à-vis des risques sanitaires, mais les moyens affectés aux dépenses de santé publique diminuent.
Les dépenses d'assurance maladie dérivent et des inégalités injustifiées, notamment régionales, persistent, mais les crédits de réorganisation de l'offre de soins régressent.
Il y a des efforts en matière de fonctionnement et de personnel, c'est vrai, mais trop de lacunes, pourtant dénoncées chaque année par la commission des finances, subsistent.
La réalité est donc bien éloignée de ce rêve qui, pourtant, conviendrait bien mieux aux attentes des Français et aux besoins des professionnels. Nous vous proposerons, en conséquence, de rejeter les crédits de la santé et de la solidarité pour 2001.
Analysons quelques données globales.
Avec 94,7 milliards de francs, le budget de la santé et de la solidarité constitue le sixième budget civil de l'Etat. Il se compose du budget de la solidarité, pour 85 milliards de francs, et de celui de la santé, pour 9,7 milliards de francs. Les trois quarts des crédits supplémentaires, hors transferts, de votre projet de budget, madame le ministre, servent à couvrir la hausse des minima sociaux. Le solde servira à augmenter les moyens humains du ministère et à augmenter les moyens en faveur de l'action sociale.
Je ne détaillerai pas les grandes masses des crédits du ministère - ces détails figurent dans mon rapport écrit - sinon pour souligner qu'il s'agit essentiellement d'un budget d'interventions sociales. Je me contenterai de dire quelques mots sur chaque agrégat.
Les crédits en faveur des politiques de santé publique diminuent en raison du transfert de certaines responsabilités à l'assurance maladie. Les différentes agences sanitaires voient leur subvention réduite. Quant au reste, les moyens sont globalement préservés. En tout, 2,4 % du budget du ministère vont à la santé publique.
Les dépenses en faveur de l'offre de soins diminuent et ne représentent plus que 1,6 % du budget du ministère. D'un côté, les formations des professions paramédicales voient leurs moyens renforcés, de l'autre, les crédits de paiement affectés aux opérations de modernisation et de rénovation hospitalières se réduisent fortement, et c'est un sujet d'interrogation pour la commission des finances.
A l'inverse, les crédits du développement social augmenteront. Cette hausse résulte principalement de la progression des dépenses liées à l'allocation adultes handicapés. Il est à noter, cependant, une forte hausse des crédits de l'économie solidaire et une diminution de ceux qui sont consacrés aux rapatriés et à la modernisation des établissements pour personnes âgées.
En outre, les dépenses liées à l'intégration et à la lutte contre les exclusions augmentent, elles aussi, et représenteront la moitié du budget de la santé et de la solidarité. Il s'agit de la nouvelle subvention au Fonds d'action sociale des travailleurs immigrés et de leurs familles, le FASTIF, en contrepartie du transfert à la branche famille de la majorration de l'allocation de rentrée scolaire, du revenu minimum d'insertion, pour un montant de 30 milliards de francs, de l'allocation de parent isolé, pour 4,7 milliards de francs, et de la couverture maladie universelle, dont les crédits baissent par rapport à la loi de finances initiale mais augmentent fortement par rapport aux ouvertures effectives de l'année 2000 et devraient encore croître pour financer les mesures que vous avez annoncées à l'Assemblée nationale.
Les premières études montrent que, comme je l'avais dit à votre prédécesseur lors de la discussion du projet de loi relatif à la couverture maladie universelle, les dépenses par bénéficiaire sont supérieures aux 1 500 francs prévus à l'origine par le Gouvernement.
Enfin, les crédits pour l'administration centrale et les services communs, rebaptisés « crédits de la gestion des politiques de santé et de solidarité » - vous apprécierez le progrès sémanique - bénéficieront, à structure constante, de moyens supplémentaires pour financer la création de 216 emplois - j'y reviendrai - dont un bon nombre serviront à résorber les mises à disposition.
Je formulerai maintenant cinq observations.
La première concerne l'augmentation des dépenses de minima sociaux.
En 2000, comme les années précédentes, les augmentations de crédits les plus importantes en volume du projet de budget de la santé et de la solidarité résultaient de la croissance non maîtrisée de dépenses sociales obligatoires. Cela n'a pas changé en 2001.
Le total des crédits consacrés à la couverture maladie universelle, à l'allocation de parent isolé, à l'allocation aux adultes handicapés et au revenu minimum d'insertion s'élèvera, en 2001, à près de 68 milliards de francs, soit - je l'ai dit - près des trois quarts du budget de la santé et de la solidarité.
Les crédits des minima sociaux augmentent plus vite que la revalorisation des prestations - 2,85 % contre 0,9 % - ce qui signifie que le contexte de forte croissance économique n'est probablement pas partagé par tous.
Cette hausse n'a pas cessé. Les crédits alloués au RMI sont passés de 25 milliards de francs à 30 milliards de francs depuis 1997 ; ceux qui sont destinés à l'allocation aux adultes handicapés, l'AAH, de 22 milliards de francs à 26,5 milliards de francs sur la même période.
Ainsi, les trois quarts de la hausse des crédits du ministère sont absorbés par celle, que je considère comme non maîtrisée, des minima sociaux. Comme, en même temps, les moyens humains et le fonctionnement augmentent, ce projet de budget fait donc deux victimes.
Ma deuxième remarque porte sur ces victimes, qui se nomment santé publique et offre de soins.
Ces deux agrégats sont le pendant étatique des 700 milliards de francs qui seront dépensés pour l'assurance maladie en 2001, soit 100 milliards de francs supplémentaires depuis quatre ans.
Pour financer les prestations sociales, aux dépenses croissantes en dépit d'une conjoncture qui aurait permis de mener une autre politique, le ministère coupe dans les crédits consacrés à la politique de santé publique, à la conception et à la maîtrise du système de santé.
Alors que les crédits d'ensemble du ministère augmentent, ceux de ces deux agrégats, essentiels pour l'avenir de notre système de santé et le bien-être de nos concitoyens, diminuent. Ils représenteront seulement 4 % du budget de la santé et de la solidarité, contre 4,4 % en 2000.
Or comment prétendre que les besoins et les attentes n'existent pas ? Qu'il s'agisse de la sécurité sanitaire, du cancer, du sida ou du retour des fléaux sanitaires, ces questions ne sont pas uniquement formelles !
De même, le travail de réforme du système de santé, les progrès à réaliser en matière de clarté des comptes et de statistiques apparaissent de manière évidente. Or, malheureusement, vous en diminuez les moyens.
Pis, le Gouvernement transfère 119 millions de francs de dépenses de santé publique à l'assurance maladie et ne trouve même pas le moyen d'utiliser les économies ainsi réalisées pour améliorer tel ou tel programme de santé publique. Il y a de quoi se sentir quelque peu lésé dans ces transferts !
Pis encore, les crédits de paiement pour la modernisation des hôpitaux diminueront de moitié en 2001 malgré le plan « hôpital » annoncé par le Gouvernement. Vous affichez des centaines de millions de francs dans le fonds de modernisation, mais cette somme vient s'ajouter à toutes les autorisations de programme dormantes que vous n'arrivez pas à utiliser. Seuls les crédits de paiement nous importent, et ils diminuent.
Ma troisième remarque porte sur la persistance de problèmes non réglés malgré leur dénonciation année après année à cette tribune.
Le premier d'entre eux concerne, bien évidemment, les mises à disposition. J'en parle depuis longtemps aux titulaires successifs des postes ministériels que vous occupez, madame le ministre, madame le secrétaire d'Etat. Les données du problème, vous les connaissez : le ministère jouissait, en 2000, de plus de 600 mises à disposition, si bien que les personnels des hôpitaux faisaient fonctionner la direction des hôpitaux chargée de les contrôler, que les personnels des caisses de sécurité sociale faisaient fonctionner la direction de la sécurité sociale chargée de les contrôler, etc.
Je ne reviens pas sur l'anomalie de cette situation qui aboutit à faire rémunérer les agents de l'Etat par la sécurité sociale, donc par les cotisations des citoyens, le tout dans des conditions réglementaires, déontologiques et financières qui peuvent apparaître contestables.
Je suis heureux de constater l'effort que vous réalisez en 2001 pour résoudre cette question, puisque près de 25 millions de francs viendront rembourser certains organismes mettant à disposition des personnels. De surcroît, est engagée une démarche de conventionnement systématique au cas par cas et de suppression des situations illégales. Je me félicite d'avoir été un peu écouté, mais je dois reconnaître qu'il reste beaucoup de chemin à accomplir.
Par ailleurs, ces 25 millions de francs donnent une idée de ce qui a été pris sur la sécurité sociale depuis des années et qui doit dépasser, dans chaque budget, les 120 millions de francs.
Je tiens à vous poser à ce sujet deux autres questions : pourquoi augmenter emplois et moyens de fonctionnement alors que l'Etat délègue de plus en plus de pouvoirs, en matière sanitaire, à des agences autonomes - dix en 2001 - aux moyens, eux aussi, croissants ? Pourquoi doter de 42,5 millions de francs supplémentaires - soit un triplement - les crédits de l'économie solidaire quand presque tous les postes autres que personnels et minima sociaux diminuent ?
Ma quatrième remarque porte sur la chute libre des crédits de paiement.
Le ministère essaie de nous bercer d'illusions - et ce n'est pas un cas isolé, puisqu'on retrouve la même démarche dans l'ensemble du budget de l'Etat - par une hausse des autorisations de programme de 500 millions de francs. Or chacun sait qu'une autorisation de programme est utilisable comme on le veut, et qu'il est d'ailleurs possible de ne pas l'utiliser, ce que vous faites madame le ministre, madame le secrétaire d'Etat, dans beaucoup de chapitres. La réalité, ce sont des crédits de paiement en baisse de 44 % en 2001 après des baisses de 20,6 % en 2000 et de 26,7 % en 1999.
La réalité est donc très cruelle : il n'y a plus d'investissement dans le domaine sanitaire et social. Et, si mon analyse est inexacte, madame le ministre, nous serions très heureux d'entendre votre version !
Ma cinquième et dernière remarque porte sur le grand absent de ce budget : où sont les 500 millions de francs promis par l'Etat pour doter le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante ? Pour ma part, en dépit des recherches, peut-être insuffisantes, que j'ai effectuées dans votre budget, je ne les ai pas trouvés.
En conséquence, le rapporteur spécial que je suis vous invite à émettre un vote négatif sur les crédits de la santé et de la solidarité pour 2001. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. Chérioux, rapporteur pour avis.
M. Jean Chérioux, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour la solidarité. Monsieur le président, madame le ministre, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, pour juger les crédits relatifs à la solidarité, qui s'élèvent à 85 milliards de francs, la commision des affaires sociales, comme les années précédentes, a estimé que les évolutions quantitatives ne pouvaient constituer le seul critère d'appréciation de ce projet de budget : il ressort des nombreuses auditions que j'ai effectuées à l'occasion de l'examen de ce budget que les acteurs et les intervenants du secteur social demandent en priorité des progrès qualitatifs s'agissant de l'action de l'Etat dans le domaine de la solidarité.
Cet effort qualitatif est devenu d'autant plus indispensable que les dépenses liées aux minima sociaux que sont le RMI, l'allocation aux adultes handicapés et l'allocation de parent isolé absorbent près de 90 %, c'est-à-dire la quasi-totalité, de la marge de manoeuvre nouvelle du ministère en matière de lutte contre les exclusions et de développement social.
Certes, l'amélioration de la conjoncture économique commence à avoir un effet positif sur le nombre d'allocataires du RMI, tout au moins en métropole, mais celui-ci est plus tardif et moins rapide que prévu : une étude de vos services statistiques montre bien que, pour des raisons démographiques, au cours des prochaines années, il faudra créer au minimum 400 000 emplois par an pour stabiliser le nombre de bénéficiaires du RMI. Par ailleurs, ceux qui sortent du dispositif sont les plus jeunes et ceux qui sont le plus récemment entrés. La croissance retrouvée ne permet pas, spontanément, de réinsérer dans la vie active la majorité des allocataires, qui sont pénalisés par leur âge ou par leur trop faible potentiel professionnel.
Il faut être vigilant pour ne pas gaspiller les chances offertes par le retour de la croissance et, d'abord, éviter les mesures de revalorisation automatique qui font que le RMI est compris comme un simple revenu minimum et non plus comme un « sas » temporaire avant une insertion.
Dans l'explication de la hausse des effectifs du RMI en 1999, les mesures de revalorisation des seuils de ressources décidées en 1999 ont eu deux fois plus d'effet que les mesures d'intéressement. C'est une solution de facilité dangereuse que de relever les plafonds sans renforcer substantiellement les moyens de réinsertion.
Concernant la lutte contre les exclusions, le droit à l'accueil familial groupé prévu par la loi du 29 juillet 1998 ne doit pas rester une formule creuse : les centres d'hébergement et de réadaptation sociale, les CHRS, ont besoin d'une aide à l'investissement plus forte pour pouvoir accueillir décemment les parents et leurs enfants ailleurs que dans des dortoirs collectifs : ne pas disloquer une famille en détresse, c'est prendre une assurance sur sa possibilité de réinsertion future et rapide.
Au cours de nos auditions, nous avons reçu également un signal d'alerte inquiétant : nombre de CHRS ou de centres d'accueil tels que le SAMU social font face à un afflux d'étrangers en situation irrégulière ou de demandeurs d'asile pour lesquels ne peuvent être mis en oeuvre les moyens réglementaires de réinsertion. Il faut éviter les phénomènes de saturation, et faire en sorte que les structures puissent jouer un rôle : il faut accueillir et réinsérer sans discrimination.
S'agissant des travailleurs sociaux, dont nous saluons le rôle pivot dans la lutte quotidienne contre les exclusions, nous regrettons le retard pris dans la mise en oeuvre du schéma national des formations sociales, dont le principe avait été arrêté par le Parlement en juillet 1998. Signe de ce retard, le présent projet de budget ne prévoit pas tous les moyens que nécessiterait l'application du schéma, au risque de faire peser de nouvelles pressions financières sur les étudiants ou sur les établissements.
Enfin, comment ne pas regretter que le Sénat n'ait pas été mieux entendu au moment de la discussion de la loi sur la couverture maladie universelle, la CMU ? Le curseur du plafond de ressources a été placé bien trop bas : la preuve en est que les 4,7 millions de titulaires de la couverture complémentaire recensés aujourd'hui sont bien en deçà des 6 millions annoncés ! Les excédents de crédits sont soit reportés, soit annulés par Bercy.
Proposer, comme le fait le Gouvernement, de prolonger de six mois les droits des bénéficiaires de l'ancienne aide médicale qui, demain, n'auront plus droit légalement à la CMU, est révélateur des lacunes du système. Mais retarder les échéances ne résout pas la question ! Il est vrai que, pendant ce temps, l'Etat ponctionne largement sur la dotation générale de décentralisation les sommes que les départements consacraient à l'aide médicale gratuite en application de la loi, mais aussi, il faut le souligner, à la mise en oeuvre de régimes de protection complémentaire novateurs qui allaient au-delà de l'aide légale.
Concernant la politique en faveur des personnes handicapées, nous avons pris acte de l'effort que représente le nouveau plan triennal annoncé par le Premier ministre le 25 janvier dernier. De même, nous avons accueilli avec satisfaction les bons résultats du plan exceptionnel en faveur de l'emploi, financé par une mobilisation des fonds de l'association de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des handicapés, l'AGEFIPH.
En revanche, vous ne pouvez plus faire l'économie, madame la ministre, d'une réforme en profondeur des commissions techniques d'orientation et de reclassement professionnel, les COTOREP, qui sont de plus en plus fortement décriées. Un rapport du Conseil économique et social leur reprochait, en janvier 2000, d'aggraver l'incapacité en privilégiant l'assistance plutôt que d'inciter à l'intégration de ceux qui en seraient capables, avec un accompagnement ad hoc. Les COTOREP n'appellent ni une modernisation ni des retouches, mais une réforme profonde qui les recentre sur leur mission médico-sociale et les insère dans une logique de réseau, comme nous le demandions déjà l'année dernière.
Un autre dossier urgent, nous l'avons dit en commission, est celui de la reconnaissance des spécificités des personnes handicapées vieillissantes : elles ne peuvent plus longtemps demeurer dans un flou juridique qui persiste souvent à leur détriment. Il faut reconnaître le statut médico-social spécifique des services expérimentaux qui prennent en charge les handicapés au-delà de soixante ans et qui leur permettent de vieillir sans rompre avec les lieux où ils ont vécu, où ils ont leurs attaches et leur mémoire.
Par ailleurs, le problème de l'accessibilité du domaine public aux personnes physiquement handicapées impose une prise de conscience plus ferme : il est inadmissible de constater, comme l'a fait le Conseil économique et social, que près de 40 % des constructions des logements collectifs aidés par l'Etat présentent des irrégularités en matière d'accessibilité.
Il faut accélérer l'effort pour l'accueil en établissement des enfants polyhandicapés : ils seraient près de 750 à attendre une place, si possible ailleurs qu'en Belgique ! Le plan triennal doit donc être appliqué sans retard.
La commission des finances s'est fait l'écho des inquiétudes sur le risque d'une forte reprise à la hausse des dépenses du secteur social et médico-social à partir de 2001.
Comme nous le pressentions, la mise en oeuvre de la réduction du temps de travail ne va pas sans poser de problèmes du point de vue de la qualité du service auprès des bénéficiaires.
Les réorganisations d'horaires, particulièrement complexes dans les secteurs du service à la personne, ont parfois donné lieu à des ajustements au détriment des usagers, en particulier pendant les périodes de congés annuels.
Des réactions en chaîne se produisent : la diminution des horaires de travail en CAT, les centres d'aide par le travail, est compréhensible, mais elle entraîne une présence plus longue de ces personnes handicapées dans les foyers dont les personnels doivent eux-mêmes bénéficier de la réduction du temps de travail.
Du point de vue salarial, l'année 2001 va être lourde. D'abord, certaines des mesures de modération des salaires prévues par les conventions collectives pour financer les 35 heures prendront fin en 2000. Or les salariés commencent à manifester leur désappointement devant les conséquences sur leur pouvoir d'achat du passage aux 35 heures. Ensuite, il faudra mettre en oeuvre l'avenant relatif aux cadres de la convention collective de 1996.
Même si cet avenant traduit un rattrapage trop longtemps différé, les conditions dans lesquelles il a été adopté montrent bien que la procédure d'agrément est archaïque : pour l'avenir, il faut prévoir une concertation sur la marge annuelle allouée au financement des avenants salariaux dans le cadre de l'enveloppe de financement globale, et s'y tenir. A défaut, le mécanisme du taux directeur opposable serait vidé de son sens.
En outre, les problèmes juridiques que soulève une jurisprudence de 1999 concernant les foyers à double tarification et la mise en oeuvre de l'amendement Creton - dispositions qui peuvent, l'une et l'autre, alourdir sensiblement les charges des départements -, ne sont toujours pas résolus.
Enfin, la remise en cause par certaines cours d'appel de la validation législative par l'article 29 de la loi du 19 janvier 2000, des heures de permanence nocturne en chambre de veille fait de nouveau courir le risque d'un étranglement financier de certaines associations.
Au cours de l'année 2000, le projet de loi de modernisation sociale et la réforme de la loi de 1975 ont été, en quelque sorte, artificiellement mis en sommeil. Mais les problèmes demeurent, et ils s'aggravent.
Parce que ce budget laisse subsister des risques d'augmentation des coûts, parce que l'attentisme en matière d'action sociale et médico-sociale semble porteur de dérapages dangereux, parce que des questions, concernant notamment certaines catégories de personnes handicapées, sont toujours sans réponse, la commission des affaires sociales a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits relatifs à la solidarité dans le projet de budget pour 2001. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Louis Boyer, rapporteur pour avis.
M. Louis Boyer, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales pour la santé. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, au sein du budget de l'emploi et de la solidarité, le budget de la santé s'élève, pour 2001, à 3,8 milliards de francs, en diminution de 200 millions de francs, soit 5 %, par rapport à 2000.
Ces crédits se répartissent en deux agrégats : l'agrégat « politique de santé publique », qui reçoit 2,307 milliards de francs, et l'agrégat « offre de soins », auquel est affecté 1,484 milliard de francs.
J'évoquerai tout d'abord un sujet cher à la commission des affaires sociales : la veille et la sécurité sanitaires.
Dans son intervention devant notre commission, le 21 novembre dernier, Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité a mis l'accent sur la priorité que constituaient pour le Gouvernement la sécurité et la veille sanitaires. Cette priorité ne se retrouve malheureusement pas dans ce budget, qui témoigne d'un net relâchement de l'effort poursuivi depuis plusieurs années pour doter les agences des moyens nécessaires à l'accomplissement de leurs missions.
Ce budget prévoit en effet, pour les agences et l'institut, soit des diminutions de subventions, soit des augmentations symboliques.
Ainsi, l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, l'AFSSAPS, recevra en 2001 une subvention de l'Etat de 171 millions de francs, soit 3 millions de francs de moins que celle qui avait été accordée en 2000.
Le Gouvernement justifie cette diminution de subvention par l'affectation de nouvelles ressources propres : l'article 55 du projet de loi crée ainsi une redevance au profit de l'AFSSAPS au titre des dispositifs médicaux.
En outre, l'Assemblée nationale a adopté un article additionnel, l'article 55 bis, instituant une taxe annuelle sur les dispositifs médicaux, assise sur le chiffre d'affaires.
La commission des affaires sociales a toujours été favorable à ce que de nouvelles ressources soient affectées à l'AFSSAPS, qui est désormais en charge de tous les produits de santé et produits cosmétiques.
Toutefois, la commission des affaires sociales a toujours considéré que ces ressources propres ne pouvaient servir de prétexte à un désengagement financier de l'Etat.
Les subventions de l'Etat sont désormais très minotaires dans le financement de l'agence : ainsi, en 2000, sur un budget de 506 millions de francs, elles ne représentent plus que 36 % des ressources de l'agence, cette part devant encore diminuer en 2001 compte tenu des nouvelles recettes affectées et de la diminution de la subvention budgétaire.
Le financement de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, l'AFSSA, gagnerait également à être complété.
Force est de constater qu'aucune nouvelle taxe n'a été prévue au bénéfice de cette agence et qu'aucune taxe existante n'y a été affectée, même en partie, à l'exception des redevances liées à l'activité de l'Agence nationale du médicament vétérinaire.
L'agence, pour ses activités non vétérinaires, doit donc négocier l'intégralité de ses ressources avec les administrations centrales de la santé, de l'agriculture et de l'économie et des finances, dont la première préoccupation n'est pas toujours de favoriser son développement.
En 2001, 70 % des ressources de l'agence proviendraient de subventions émanant principalement du ministère de l'agriculture. Pour sa part, la subvention du ministère de la santé augmenterait, certes, de 4,2 millions de francs, mais ne représenterait que 6 % du budget de l'agence.
Chacun conviendra qu'il s'agit là d'un effort modeste eu égard aux enjeux et à une actualité brûlante...
La commission des affaires sociales souhaite à cette occasion souligner l'application encore très insuffisante de la loi du 1er juillet 1998.
Si les mesures nécessaires à l'installation des institutions de veille et de sécurité sanitaires ont bien été prises, la plupart des textes réglementaires relatifs aux règles de sécurité sanitaire applicables aux produits de santé ne sont toujours pas publiés deux ans après la promulgation de la loi. A ce jour, trente-cinq dispositions ne sont toujours pas applicables faute de décret.
J'en viens à la prévention et à la lutte contre les pratiques addictives et le sida.
Les crédits inscrits aux différents chapitres pour ces programmes de santé publique diminuent de 121,8 millions de francs pour s'établir à 1,83 milliard de francs, soit une baisse de 6,5 %. Cette évolution provient pour l'essentiel - 164 millions de francs - de nouvelles débudgétisations aux dépens de l'assurance maladie.
Ainsi les dépenses relatives aux programmes et dispositifs de lutte contre les pratiques addictives diminuent fortement, de 82,1 millions de francs, en raison du transfert de la prise en charge des consultations d'alcoologie menées dans les centres d'hébergement et de réadaptation sociale à l'assurance maladie.
De même, les crédits relatifs à la lutte contre le sida et les maladies transmissibles diminuent de 89 millions de francs en raison du transfert à l'assurance maladie de la prise en charge des appartements de coordination thérapeutiques, les ACT.
La commission des affaires sociales a eu, au moment de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, l'occasion de dénoncer ces transferts de charges injustifiés aux dépens de la sécurité sociale.
Les dépenses consacrées à l'offre de soins diminuent, quant à elles, de 56,3 millions de francs, soit une baisse de 3,6 % par rapport à 2000.
La commission des affaires sociales regrette, à cet égard, le retard pris dans le démarrage des procédures d'accréditation des établissements de santé par l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé, l'ANAES.
L'ordonnance de 1996 avait prévu que tous les établissements de santé devraient être entrés dans la procédure d'accréditation avant la fin de l'année 2000. Ce calendrier ne pourra pas être respecté.
Au total, seuls 400 établissements de santé devraient s'être engagés dans la procédure d'accréditation à la fin de l'année 2000. A ce jour, dix comptes rendus d'accréditation ont été transmis aux établissements concernés. Il reste donc 3 700 établissements de santé à accréditer...
Cet aspect ne semble cependant pas véritablement préoccuper le Gouvernement, qui a choisi de consacrer son énergie à une autre priorité : le désengagement de l'Etat du financement de l'ANAES.
Le paragraphe II de l'article 55 du projet de loi de finances pour 2001 institue une contribution financière des établissements de santé pour la procédure d'accréditation à l'ANAES qui devait rapporter 50 millions de francs en 2001.
La création de cette taxe a pour conséquence une diminution de 15,5 millions de francs de la subvention inscrite au budget de l'Etat et de 31 millions de francs de celle qui est versée par l'assurance maladie.
Toutefois, dans la mesure où c'est l'assurance maladie qui finance l'essentiel des budgets hospitaliers, la création de cette taxe permet à l'Etat de diminuer sa contribution, tout en faisant augmenter, finalement les sommes versées par l'assurance maladie à l'ANAES.
La commission des affaires sociales considère, compte tenu du très lent démarrage de l'agence, que l'affectation d'une nouvelle taxe paraît pour le moins prématurée.
J'en viens maintenant au Fonds d'aide à l'adaptation des établissements hospitaliers, qui doit remplacer le Fonds d'investissement pour la modernisation des hôpitaux, le FIMHO, créé en 1998 afin de subventionner les investissements restructurants. L'impact de ce remplacement serait neutre pour les finances sociales.
La dotation du FIMHO pour 2000 s'élevait à 200 millions de francs en autorisations de programme et à 265 millions de francs en crédits de paiement. En 2001, le FIMHO, rebaptisé Fonds d'aide à l'adaptation des établissements hospitaliers, se voit doté de 500 millions de francs en autorisations de programme, soit une augmentation de 150 %, et de 100 millions de francs en crédits de paiement, soit une diminution de 62 %.
Cette forte diminution des crédits de paiement illustre les grandes difficultés rencontrées par le FIMHO pour utiliser les crédits mis à sa disposition.
Dans son rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale, en septembre 1999, la Cour des comptes avait établi un bilan très critique du fonctionnement de ce fonds. Elle notait que l'instruction des dossiers avait pris un grand retard, qui s'était traduit par un faible taux de consommation des crédits. Elle soulignait qu'une forte proportion des dossiers sélectionnés par les agences régionales de l'hospitalisation n'étaient pas éligibles au FIMHO.
Ce budget est ainsi à l'image des retards que connaît la politique d'accréditation et de restructuration de l'offre hospitalière.
S'agissant de l'hôpital, la commission des affaires sociales a souhaité vous faire part de son inquiétude quant au financement des remplacements de personnels hospitaliers. Le protocole signé le 14 mars dernier prévoyait, au titre des années 2000, 2001 et 2002, des crédits à hauteur de 2 milliards de francs chaque année pour financer les remplacements de ces personnels. Or nous constatons que, si la somme de 2 milliards de francs a bien été intégrée dans le collectif de printemps, rien de tel n'a été prévu dans le projet de loi de finances pour 2001, le chapitre concerné n'étant même pas mentionné dans les documents budgétaires.
Lors de son audition par notre commission, Mme le ministre nous a indiqué que les 2 milliards de francs au titre de l'année 2001 seraient « ouverts en gestion 2001 », c'est-à-dire dans le collectif de l'année prochaine.
Nous sommes, par conséquent, inquiets, car l'expérience de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire nous a montré, en dépit des assurances réitérées, ce que pouvaient parfois devenir les promesses différées.
Les hôpitaux ont aujourd'hui besoin de ces crédits, et nous aurions préféré qu'ils figurent d'ores et déjà dans le projet de loi de finances pour 2001.
Alors que les dépenses de santé publique et d'offre de soins devraient constituer une priorité pour le Gouvernement, ce projet de budget témoigne, à l'évidence, d'une absence totale d'ambition.
Pour cette raison, la commission des affaires sociales a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits de la santé pour 2001. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR, et de l'Union centriste.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 33 minutes ;
Groupe socialiste, 29 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 23 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 16 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 14 minutes.
Je vous rappelle que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Par ailleurs, le temps programmé pour le Gouvernement est prévu au maximum pour quarante-cinq minutes.
Dans la suite de la discusion, la parole est à M. Cantegrit.
M. Jean-Pierre Cantegrit. L'examen des crédits consacrés à la santé et à la solidarité me donne l'opportunité, madame le ministre, de vous entretenir de la protection sociale des Français à l'étranger, notamment de l'aspect budgétaire de cette couverture.
Mes brefs propos porteront sur leur système de sécurité sociale, géré par la Caisse des Français de l'étranger, la CFE, et leur système de retraite ; en outre, je dirai un mot sur les conventions bilatérales en matière de sécurité sociale.
La CFE, que j'ai l'honneur de présider depuis sa création, est issue de la loi du 31 décembre 1976, qui faisait suite à la commission Bettencourt, et de la loi Bérégovoy de 1984, dont j'ai été le rapporteur au Sénat.
Cette caisse d'assurances volontaires gère près de 120 000 personnes dans le monde. Un large débat a eu lieu en son sein pour déterminer quelles étaient les possibilités d'extension de ce système de couverture sociale aux plus modestes.
La CFE a fait l'objet de trois audits et vérifications : d'abord, en 1998, un contrôle de l'Inspection générale des affaires sociales a eu lieu, puis, en 1999, il a été procédé à une inspection approfondie des services financiers et de sécurité sociale du Comité départemental d'examen des comptes des organismes de sécurité sociale, le CODEC, enfin, en janvier 2000, un audit des réserves de la caisse a été réalisé.
A la suite de ces audits et contrôles, qui ont été favorables à la gestion de la CFE, le Gouvernement a décidé d'inclure dans le projet de loi de modernisation sociale un certain nombre d'articles intéressant la caisse. Ce projet a été soumis au conseil d'administration de cette dernière et un large consensus s'est établi tendant à la prise en charge du tiers de la cotisation d'assurance maladie pour les expatriés résidant hors de l'Union européenne dont les revenus sont au plus égaux à la moitié du plafond de la sécurité sociale, et à la prise en charge gouvernementale du déficit ainsi généré au sein de la caisse par les seuls nouveaux adhérents.
Un financement annuel s'inscrirait dans une enveloppe limitative de 95 millions de francs et serait assuré par le fonds d'action sociale du ministère des affaires étrangères, qui disposerait d'une ligne budgétaire spécifique. Toutefois, l'initialisation financière serait à la charge de la CFE, dans la limite de 50 millions de francs, par une contribution unique.
De nombreuses mesures complémentaires sont prévues dans les textes ; elles émanent principalement de propositions du conseil d'administration de la CFE.
Rares sont les points - et ils ne sont pas considérables - qui séparent les sensibilités au sein de la CFE. Ils feront l'objet d'amendements au moment de l'examen du texte présenté par le Gouvernement.
La question que je souhaite vous poser, madame le ministre, est la suivante : quand ce texte va-t-il être présenté devant le Parlement, car nous constatons avec regret que le projet de loi de modernisation sociale, que nous devions examiner au printemps dernier, n'a toujours pas été soumis aux assemblées, et nous avons des inquiétudes en ce qui concerne les mesures spécifiques.
Le prochain conseil d'administration de la caisse, qui aura lieu dans quelques jours, va être amené à débattre sur des propositions novatrices que souhaite présenter le bureau du conseil d'administration et qui intéressent les emplois-jeunes.
Déjà, des mesures avaient été prises par la caisse de sécurité sociale des Français de l'étranger pour faciliter la couverture sociale de jeunes expatriés qui partaient à l'étranger dans le cadre d'un emploi nouveau créé par l'entreprise, la caisse prenant en charge la totalité des cotisations en matière d'assurance maladie pendant une durée d'une année.
Les mesures nouvelles que nous allons soumettre au conseil d'administration et dont, madame, je vous annonce la primeur, consisteraient à diminuer sensiblement les cotisations pour les jeunes de moins de trente ans s'installant à l'étranger : cette baisse pourrait être de l'ordre de 20 % pour ces derniers et de 10 % pour ceux qui s'installent entre trente ans et trente-cinq ans.
Nous constatons, en effet, une expatriation importante parmi les jeunes Français. Toutes les catégories sont concernées : personnes hautement qualifiées, commerciaux, cuisiniers français appréciés à l'étranger, ouvriers qualifiés... Il nous paraît donc souhaitable d'offrir à ces derniers une couverture sociale qui ne soit pas dissuasive par son coût et qui soit compétitive par rapport aux propositions des caisses privées, notamment des compagnies d'assurance qui sont nos concurrents.
Nous espérons que ces jeunes Français, peu utilisateurs de soins, resteront fidèles, après trente-cinq ans, à la caisse de sécurité sociale des Français de l'étranger.
Depuis son origine, la CFE poursuit une activité novatrice, originale, s'est forgé une réputation qui lui est enviée, a surtout su équilibrer ses comptes et n'a jamais demandé la moindre subvention à sa tutelle. Elle le doit à un encadrement et à un personnel exemplaires, ainsi qu'à une excellente liaison entre le conseil d'administration et ces derniers.
En matière de retraite, nos compatriotes français de l'étranger peuvent être dans la même situation que nos compatriotes de métropole puisque, depuis la loi Armengaud de 1968, ils peuvent adhérer à la retraite de base de la sécurité sociale en payant des cotisations et en rachetant des trimestres de retraite. En revanche, ils ont les mêmes inquiétudes que nos compatriotes de métropole en ce qui concerne les capacités de notre système de retraite à assumer ses obligations à partir de 2010, et ce pour des raisons que vous connaissez bien.
Ne disposant pas, comme en métropole, de caisses de retraite complémentaire - hormis celles qu'offrent les compagnies d'assurances privées - ils sont particulièrement intéressés par un système tel que celui qui figure dans la loi d'épargne retraite et que j'avais inclus, par voie d'amendement, dans la loi Thomas de 1997.
Ils attendent les mesures prises dans ce domaine par le gouvernement auquel vous appartenez, madame, pour pouvoir, lors de leur retour en France, bénéficier d'une retraite décente.
Non soumis - s'ils sont fiscalement domiciliés à l'étranger - à la CSG et à la CRDS, leurs retraites sont toutefois soumises aux prélèvements de la loi Boulin, ce qui ne paraît pas acceptable pour ceux qui ne reviennent jamais en France et ne sont donc pas consommateurs de soins vis-à-vis de notre sécurité sociale.
C'est avec sagesse que l'on a dispensé les Français domiciliés hors de France de la CSG et de la CRDS, et je souhaiterais, madame le ministre, qu'il en soit de même pour les prélèvements qui sont faits sur leur retraite depuis 1980, pénalisant souvent ainsi des personnes à revenus modestes.
Permettez-moi un mot sur les conventions bilatérales en matière de protection sociale.
Avec sagesse, madame, votre ministère a décidé de reprendre les négociations avec un certain nombre de pays, de façon à améliorer la situation de nos compatriotes, notamment en matière de retraite. Le principal problème posé par les conventions signées avec un certain nombre de pays africains - je pense au Cameroun, au Congo notamment, mais aussi à bien d'autres pays - concerne le paiement des retraites à nos compatriotes, lequel n'est toujours pas assuré de façon satisfaisante. Aussi, je serais heureux que vos services veillent à l'application des accords signés.
Je terminerai en vous indiquant que l'année 2001 va permettre une amélioration de la couverture sociale de nos compatriotes expatriés.
Il est bien clair que, si nous souhaitons une expatriation forte - et ce pour servir notre économie, notre présence et notre culture - encore devons-nous assurer à nos compatriotes l'équivalent de la couverture sociale dont ils bénéficient en France. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, au sein du budget de l'emploi et de la solidarité, les crédits alloués au budget de la santé s'élèvent à 3,8 milliards de francs, soit une diminution de 200 millions de francs par rapport à l'année dernière. La santé n'est visiblement pas la priorité du Gouvernement !
Pourtant, les professionnels de la santé manifestent régulièrement leur mécontentement et donnent l'alerte sur les problèmes qui frappent le système. La situation est particulièrement inquiétante dans le milieu hospitalier, mais, à tous les niveaux, des carences sont dénoncées.
Récemment, les cadres hospitaliers, réunis tant en province que sous vos fenêtres, madame la secrétaire d'Etat, disaient l'impossibilité d'assumer leur mission et leur démotivation par rapport à une modeste revalorisation salariale qui écrase l'échelle des salaires. Ainsi, la responsabilité n'apparaît-elle plus que comme un risque sans contrepartie. Qui songerait à s'engager dans de telles conditions ?
Aux salaires peu attractifs s'ajoutent l'application des 35 heures, l'alourdissement des contraintes et les fréquentes mises en cause. L'arrêt Perruche, retenant une absence de diagnostic de rubéole lors d'une grossesse ayant entraîné des lésions irreversibles du foetus, accentue le malaise. Cet ensemble d'éléments, qui n'est pas limitatif, conduit à une désaffection pour la pratique hospitalière.
Les conséquences sont lourdes : il n'est plus possible de maintenir la qualité des soins et des services. Ne pouvant combler les manques en personnels qualifiés, les directeurs d'hôpitaux sont contraints soit de réduire la capacité d'accueil, soit de maintenir les lits au détriment de la sécurité des malades.
Ces cadres ne sont pas une catégorie isolée, quasiment toutes les spécialités médicales pâtissent d'une politique irréaliste. Depuis 1984, le numerus clausus n'a pas été révisé, même si une petite variation a été introduite il y a peu. Si l'ajustement avait été réel, nous n'aurions pas besoin de faire appel à des médecins étrangers qui, pour certains, ont des qualifications inférieures à celles que l'on exige de nos propres praticiens.
L'illustration de ces carences se manifeste par les temps d'attente de consultation, qui sont révélateurs dans bien des disciplines.
En ophtalmologie, il n'est pas possible d'obtenir de rendez-vous avant douze ou dix-huit mois, faute d'internes qualifiés. Il y a à la fois un problème de recrutement et de budget.
En radiologie, nos équipements en IRM - imagerie par résonance magnétique - nous placent derrière l'Espagne et certains pays d'Europe de l'Est. La procédure, dépendant de décisions de commissions, est longue et compliquée. C'est un délai de quatre à six semaines qui est demandé pour que soit effectué un diagnostic de sclérose en plaques, pour lequel un examen en urgence réclame les services d'une IRM. Pour qu'une vraie politique de prévention soit soutenue, la multiplication des équipements est indispensable. Au-delà de la réduction des coûts, les objectifs pourraient alors être valablement atteints, faute de quoi on ne ferait que se limiter à des déclarations rassurantes.
On est également saisi devant le fonctionnement de certains blocs opératoires, qui n'ont pas le nombre suffisant d'anesthésistes. La même carence est constatée chez les neurologues, à qui l'on demande de plus en plus d'intervenir dans le dépistage d'affections, telles que la maladie d'Alzheimer. Il n'existe pas de remplaçants qualifiés en néonatalité, où les exigences de sécurité se conjuguent avec celles de rapidité d'intervention en cas de réanimation.
Le constat est identique en psychiatrie : il n'est pas possible d'obtenir de rendez-vous avant quinze jours ou trois semaines. Une suspicion à l'égard du nombre de consultants est à l'origine de directives qui ont restreint leur activité. Chaque jour, l'inquiétude grandit devant la tendance à la dépression, voire devant la tendance suicidaire qui se manifestent dans toutes les couches de la population, surtout chez les adolescents.
M. Jacques Machet. Très bien !
M. Bernard Joly. Or, en cas de crise, aucune procédure n'est prévue pour prendre en compte ce type de renvoi, faute de disponibilité. Et pourtant, la responsabilité serait lourde si des évènements dramatiques survenaient.
La médecine scolaire n'est pas mieux lotie. En Haute-Saône, par exemple, il y a un médecin pour 9 000 élèves. A la prévention, au dépistage de certaines maltraitances, à l'écoute psychologique de troubles ou de détresse, s'ajoute dorénavant l'encadrement de la pilule du lendemain.
On attend beaucoup de la médecine du travail, puisque l'Etat s'est doté d'une approche préventive. Or il faut deux ans avec internat qualifiant pour exercer dans cette spécialité. Actuellement, 6 000 postes sont pourvus. La moitié vont être libérés par les départs en retraite, et 20 % ne seront pas remplacés. Comment allez-vous faire face, Madame la secrétaire d'Etat, à la demande de protection qui s'est accrue depuis la mise en lumière des affections lourdes qui peuvent survenir après l'exercice de certaines activités professionnelles ?
M. Jacques Machet. Très bien !
M. Bernard Joly. Par ailleurs, l'activité des hôpitaux non universitaires décroît. La raréfaction des chirurgiens généraux a rendu quasiment nulles les intégrations, entraînant un risque d'extinction compte tenu des départs en retraite.
La création des agences régionales d'hospitalisation n'a pas été sans conséquences sur les établissements privés, qu'il s'agisse de cliniques ou d'hôpitaux. Nombre de structures de proximité ont du mal à se mettre aux normes.
Ne croyez pas, madame la secrétaire d'Etat, qu'il s'agit là d'un parti pris de ma part ! Aux exemples bien réels que je vous ai cités, je voudrais ajouter l'évocation de deux situations qui sont exemplaires de la dégradation de notre système de soins.
L'hôpital Cochin a perdu l'un de ses praticiens les plus appréciés, le professeur Kerboul, à qui l'on a refusé la prolongation d'un an de son activité, laissant ainsi de nombreux malades en attente d'opération.
Le 28 juillet dernier, madame la secrétaire d'Etat, je vous avais alertée par un courrier qui décrivait la situation et qui précisait l'urgence qu'il y avait à traiter ce dossier, la date butoir étant le 1er septembre. J'attends toujours ne serait-ce qu'un accusé de réception ! Après quatre mois, puis-je espérer une réponse et être assuré que cette demande a fait l'objet d'un examen au-delà de la simple application des dispositions réglementaires ? Celles-ci appellent en effet une interprétation lorsqu'il s'agit de la santé de patients en état de souffrance.
Autre illustration de la pénurie de praticiens spécialistes, à propos de laquelle vous avez pourtant affirmé, lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, que les mesures mises en place amélioraient les effectifs : à l'hôpital de Vesoul, depuis des mois et des mois, un seul néphrologue assure la totalité des dialyses. Bien évidemment, ni vacances ni récupérations ne sont possibles. Mieux, lorsqu'il s'adresse à son administration, il lui est conseillé de ralentir le rythme des dialyses. Or chacun sait qu'il ne s'agit pas d'actes de confort, qu'il s'agit bien de vie ou de mort pour ceux qui en ont besoin !
MM. Jean Chérioux et Jacques Machet. Très bien !
M. Bernard Joly. Ce constat de carence est d'autant plus significatif s'agissant des grossesses. Les professionnels de la naissance, madame la secrétaire d'Etat, alertent les pouvoirs publics depuis des années sur la véritable dégradation de la situation, sans jamais être entendus.
Il y a chaque année, en France, plus d'un million de grossesses donnant lieu à 744 000 naissances, 150 000 fausses couches et 214 000 IVG. Or le nombre de spécialistes ne cesse de diminuer : les jeunes ne choisissent plus cette spécialité parce qu'elle est difficile, peu rémunérée et à risque ; les anciens, découragés, veulent s'arrêter.
Selon un récent sondage, les souhaits des femmes se portent sur la proximité de la maternité, le libre choix du médecin et la sécurité. Malheureusement, il est de plus en plus délicat de répondre à ces attentes.
S'agissant, tout d'abord, de la proximité, on assiste à la fermeture de maternités publiques ou privées sans que les besoins de la population soient pris en considération.
S'agissant, ensuite, du choix du médecin, il va devenir impossible aux femmes d'être accouchées par le médecin qui aura suivi leur grossesse.
S'agissant, enfin, de la sécurité, les maternités subissent de graves dysfonctionnements parce qu'elles manquent d'accoucheurs, de sages-femmes, d'infirmières, parce que les anesthésistes fuient les salles de naissance et parce que les pédiatres et les spécialistes du nouveau-né sont trop peu nombreux.
Progressivement, les femmes perdent donc le droit d'accoucher dans la sécurité, près de chez elles, avec le médecin de leur choix. Cette situation est inconcevable !
Les femmes s'inquiètent également de la disparition de la spécialité de gynécologie médicale. Depuis 1984, seule la gynécologie obstétrique est enseignée et sanctionnée par un diplôme. Or il s'agit d'une discipline qui s'occupe des accouchements et de la chirurgie gynécologique. La spécialité médicale, quant à elle, traite les problèmes hormonaux féminins depuis la puberté jusqu'à la ménopause, les problèmes de fécondité, prescrit des moyens de contraception, intervient dans la prévention des cancers gynécologiques. C'est d'ailleurs cette spécialité qui a permis de voir diminuer de façon significative le nombre des cancers gynécologiques et des hystérectomies.
Certes, vous avez mis en place pour la rentrée 2000 un diplôme d'études spécialisées de gynécologie médicale et de gynécologie obstétrique. Même s'il marque une avancée incontestable, ce nouveau diplôme n'est toutefois pas satisfaisant, car la gynécologie médicale devient une simple option, ce qui risque, à mon sens, de remettre en cause la pérennité de la spécialité. Il est indispensable que la gynécologie médicale fasse l'objet d'un diplôme spécifique et autonome !
Pourquoi ne pas prévoir, comme pour toutes les autres spécialités médicales, une formation de spécialisation de quatre ans, comprenant un cursus d'un an et demi au maximum en obstétrique et chirurgie gynécologique ?
C'était le sens de l'adoption par le Sénat, lors de la première lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, d'un amendement rétablissant un diplôme d'études spécialisées de gynécologie médicale distinct du diplôme de gynécologie obstétrique et garantissant à chaque femme le libre accès au gynécologue médical de son choix. Malheureusement, cette mesure a été supprimée à l'Assemblée nationale au motif qu'elle constituait un cavalier législatif, ce dont je veux bien convenir ; d'ailleurs, notre collègue Charles Descours avait attiré notre attention sur ce fait.
Toutefois, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, les débats qui se sont déroulés dans cet hémicycle le 17 novembre dernier doivent vous alerter. Ils traduisent l'inquiétude des gynécologues médicaux quant à l'avenir de leur spécialité, et leur crainte est partagée par l'ensemble de nos concitoyennes : la manifestation organisée à Paris le 25 mars dernier en témoigne.
C'est pour toutes ces raisons que je ne pourrai voter le présent projet de budget de la santé. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le projet de budget de la santé et de la solidarité qui nous est présenté cette année peut être qualifié de contrasté et souffre, selon nous, d'un manque de lisibilité.
Manque de lisibilité : les crédits de la santé baissent de 5 % par rapport à l'an dernier, mais ils augmentent en réalité de 2,4 % si l'on tient compte du transfert à la CNAM des centres destinés à la prévention de l'alcoolisme et des appartements de coordination thérapeutique.
Il en va de même pour les crédits de la solidarité, qui enregistrent une progression de 4,47 % mais dont il faut soustraire l'effet du transfert, de la Caisse d'allocations familiales à l'Etat, des crédits du fonds d'action sociale des immigrés et de leurs familles, ce qui aboutit à une progression réelle de 3,1 %.
Ce projet de budget est également contrasté : si des efforts incontestables y apparaissent, il est aussi marqué par des reculs préoccupants, notamment en matière de prévention.
Compte tenu du temps qui m'est imparti, je ne m'attarderai guère sur les points positifs. Au demeurant, l'intérêt d'un débat budgétaire réside plutôt dans les interrogations que peuvent susciter ses insuffisances et dans la mise en relief des progrès à accomplir.
S'agissant du volet « politique de santé publique » de ce budget, on peut certes se féliciter, par exemple, de la hausse des subventions aux agences de sécurité sanitaire - l'actualité confirme malheureusement chaque jour l'urgence de cette hausse - ainsi que de l'augmentation des crédits consacrés à la prévention de l'usage des drogues.
Cela étant, dans de nombreux domaines, le décalage est grand par rapport aux besoins immenses qui se font jour.
Je n'évoquerai pas, faute de temps, les efforts supplémentaires qui seraient nécessaires en matière de lutte contre la tuberculose ou le saturnisme, de médecine scolaire et de médecine du travail. Je me bornerai à mettre l'accent sur trois domaines dans lesquels la situation me paraît préoccupante.
S'agissant, tout d'abord, de la couverture maladie universelle, je rappellerai que la loi de financement de la sécurité sociale augmente le plafond de ressources de 100 francs, mais que cela ne résout pas pour autant le problème des titulaires de l'allocation adulte handicapé et du minimum vieillesse. Si je reviens sur ce dispositif, c'est pour témoigner de l'inquiétude qu'engendre la baisse de 400 millions de francs décidée cette année, bien peu cohérente avec la priorité que le Gouvernement affirme accorder à la poursuite de la lutte contre les exclusions.
Quant au milliard de francs non consommé sur les crédits de 2000, n'aurait-il pas pu permettre de relever, ne serait-ce que progressivement, le plafond de ressources afin d'en faire bénéficier les titulaires de l'AAH et du minimum vieillesse ?
Le deuxième point que je souhaite évoquer a trait à la prévention et au suivi des malades du sida.
Comment comprendre que, dans ce projet de budget, les crédits alloués à la lutte contre le sida et les maladies sexuellement transmissibles soient réduits de 89 millions de francs ? Car le transfert vers l'assurance maladie n'explique cette réduction que partiellement.
Au moment où toutes les études font apparaître le retour de certaines pratiques à risque, un relâchement de la vigilance, et donc de la prévention, la journée mondiale de lutte contre le sida, organisée le 1er décembre dernier, a largement mis en évidence l'urgente nécessité d'affecter des moyens durables à la prévention et au suivi à long terme des malades. En Rhône-Alpes, troisième région la plus touchée par ce fléau, nous sommes bien placés pour le savoir.
S'agissant de l'hépatite C, je tiens à vous faire part brièvement des conclusions que j'ai tirées d'une rencontre avec l'association « Hépatites, Ecoute, Soutien », dont le siège se trouve dans mon département.
Alors que cette affection de longue durée touche plus de 1,5 % de la population, nous assistons à une véritable ségrégation, à une exclusion sociale de ces malades. En effet, malgré les propositions faites par les associations, malgré les recommandations de la commission Belorgey, il n'a toujours pas été possible de parvenir à une convention avec les assureurs. Ainsi, des milliers de personnes se voient refuser certains prêts ou assurances indispensables pour assurer la vie quotidienne.
Il semble que la seule solution réside dans la création d'un fonds de garantie. Il conviendrait de réfléchir à un tel dispositif, qui pourrait être inclus dans le projet de loi de modernisation du système de santé.
S'agissant du volet « offre de soins » de ce budget, permettez-moi, tout d'abord, de m'interroger sur l'opportunité de l'augmentation des crédits destinés aux agences régionales de l'hospitalisation, et ce dans des proportions importantes : 9,8 %, soit beaucoup plus que les budgets hospitaliers. Je souhaite vous entendre, madame la ministre, sur les raisons qui ont motivé ce choix.
En ce qui concerne la formation des professionnels de santé, l'effort consenti dans ce budget est loin d'être négligeable.
Pourtant, les élèves sages-femmes, représentant la quasi-totalité des trente-trois écoles françaises, étaient dans les rues jeudi dernier pour réclamer la reconnaissance de leurs études comme équivalant à une maîtrise, un statut étudiant et la rémunération de leur travail en milieu hospitalier.
De même, les surveillants et les surveillants-chefs des services de soins et des services médico-techniques, les cadres administratifs et techniques hospitaliers réclament la reconnaissance de leurs compétences et de leurs responsabilités par le biais d'une grille indiciaire plus motivante.
Des efforts méritent donc d'être accomplis dans certains secteurs.
Je souhaite également vous interroger sur le projet de loi de modernisation du système de santé, qui doit permettre, notamment, de renforcer les droits des malades et d'indemniser les victimes des aléas thérapeutiques. Quand comptez-vous le soumettre au Parlement ?
J'en viens au budget de la solidarité.
S'agissant de lutte contre l'exclusion, je voudrais formuler une remarque concernant le RMI. Certes, il est positif qu'il y ait moins d'allocataires ; c'est la preuve que la reprise économique porte ses fruits. Comment ne pas s'en réjouir ? Cependant, un budget à la hausse de 900 millions de francs aurait pu permettre de revaloriser le montant de l'allocation.
Par ailleurs, j'attire votre attention sur le fait que sont sorties du RMI les personnes les plus aptes à revenir dans le monde du travail. Nous aurions tort d'imaginer que cette baisse du nombre des allocataires va être constante ! Bien au contraire, je pense que le plus dur sera de remettre en activité les RMIstes les plus fragiles, les moins aptes à réintégrer une vie sociale et professionnelle.
Les besoins en suivi et en accompagnement sont encore tels, qu'il s'agisse des titulaires des minima sociaux ou des jeunes en situation d'échec, que je ne comprends pas que ce projet de budget réduise la dotation aux établissements de formation des travailleurs sociaux.
En ce qui concerne les personnes handicapées, la création de 1 500 places en CAT et de 500 places en atelier protégé est, bien sûr, positive, mais elle est bien loin de combler le manque criant de places en établissements sociaux et médico-sociaux pour les jeunes, ainsi que pour les adultes, notamment les adultes de plus de soixante ans.
De plus, des efforts demeurent nécessaires pour l'insertion en milieu scolaire normal des enfants et pour l'accessibilité des équipements et des transports publics.
Enfin, je me dois de souligner une fois encore l'urgence de la révision des lois de 1975.
La politique de maintien et de soutien à domicile des personnes âgées est une priorité déclarée du Gouvernement. Afin d'accorder les promesses et les actes, celui-ci doit s'engager en termes de date sur la révision, de plus en plus urgente, de la trop inégalitaire prestation spécifique dépendance et sur la réforme de la tarification des établissements accueillant les personnes âgées dépendantes.
Il est également urgent de promouvoir réellement le maintien à domicile des personnes âgées ; comment y parvenir sans donner des moyens supplémentaires aux associations d'aide à domicile, étranglées par la TVA et les charges sociales ?
Aujourd'hui, la situation économique n'a jamais été aussi favorable : reprise économique, décrue du chômage, excédent de 3,4 milliards de francs - une première ! - des comptes de la sécurité sociale. Pourtant, paradoxalement, comme le prouve le rapport de l'INSERM, les inégalités en matière de santé s'accentuent, et ce budget, à notre sens, n'est pas assez ambitieux pour renforcer significativement les politiques de solidarité, de prévention et d'accès aux soins.
Dans l'attente d'un geste que nous voudrions plus significatif de la part du Gouvernement, nous nous abstiendrons sur ce projet de budget. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Cazeau.
M. Bernard Cazeau. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cette année encore, les budgets de la santé et de la solidarité augmentent tous les deux. Je dis « encore », car, depuis 1998, la progression de ces deux chapitres budgétaires est une donnée constante de ce Gouvernement.
Cette année, même si le périmètre de ces budgets est modifié, la progression demeure puisqu'ils s'élèvent, au total, à 94,6 milliards de francs, soit une augmentation de 4 %, contre 90,8 milliards de francs en 2000 et 76,7 milliards de francs pour l'année 1999. Le budget de la santé et de la solidarité constitue ainsi le quatrième budget de l'Etat.
Les crédits relatifs à la santé et aux services communs s'élèvent à 9,774 milliards de francs, bénéficiant ainsi d'une hausse de 2,4 %.
D'aucuns ne retiendront de la part strictement réservée à la santé que la diminution de 5 % par rapport à l'année dernière. La baisse, de l'ordre de 202,4 millions de francs, s'explique non pas par un désengagement de l'Etat stricto sensu à l'égard des objectifs définis en matière de politique de santé, mais par un transfert à l'assurance maladie du financement des appartements de coordination thérapeutique et des consultations d'alcoologie, ce qui nous paraît tout à fait orthodoxe en ce domaine.
En outre, pour ce qui est de l'offre de soins, la baisse est liée à une régulation des crédits de paiement destinés au Fonds d'investissement pour la modernisation des hôpitaux, le FIMHO, crédits qui sont en rapport avec ses nouveaux besoins.
Il convient enfin de replacer ces crédits du budget de la santé dans le contexte général des crédits importants de l'ONDAM qui, vous le savez, s'élèvent cette année, pour cette branche, à 769,2 milliards de francs.
S'agissant de la solidarité, le budget augmente de 4,5 % et, en réalité, à structure constante, de 3,1 %. Comme l'avait annoncé le Premier ministre lors de la conférence de la famille en juin 1999, l'Etat reprend à sa charge, en 2001, les dépenses de fonctionnement et d'intervention du Fonds d'action sociale des travailleurs immigrés et de leurs familles, le FASTIF, dégageant ainsi pour la branche famille un peu plus de 1 milliard de francs.
Cette progression illustre encore et toujours les priorités affirmées par le Gouvernement depuis maintenant trois ans.
Le présent budget se développe autour de trois grands axes prioritaires : santé publique, solidarité, développement et innovation sociale, en particulier droit des femmes.
Pour ce qui est des priorités en matière de santé publique, la première est le fait des politiques de renforcement sanitaire.
Le domaine de la sécurité sanitaire reste une priorité affichée par ce budget, plus prégnante encore avec, chacun le sait, l'inquiétude que provoque la crise de l'encéphalopathie spongiforme bovine, l'ESB.
Nous pouvons d'ores et déjà nous réjouir de ce que le Gouvernement poursuive le renforcement et le développement du dispositif de veille et de contrôle sanitaire, grâce, notamment, au plan pluriannuel de cent cinquante postes de médecins et pharmaciens-inspecteurs, inspecteurs et contrôleurs du travail supplémentaires, venant renforcer les dispositifs de contrôle existants. On peut se réjouir aussi des vingt-cinq postes d'ingénieurs sanitaires qui s'ajoutent au cent seize emplois créés par le projet de loi de financement de la sécurité sociale. En outre, le champ de compétences des agences créées par la loi relative à la sécurité sanitaire de 1998 est étendu, en 2001, par l'augmentation des moyens budgétaires.
Ainsi, la dotation budgétaire consacrée à l'ensemble des établissements nationaux à caractère sanitaire et social s'élève à 471 millions de francs. Ces crédits concernent tant les agences de sécurité sanitaire que les autres organismes préexistants. Non seulement le budget de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, l'AFSSA, continue de progresser, mais le Gouvernement a privilégié l'attribution de ressources propres à l'augmentation des subventions. Il a, de plus, prévu de garantir ces ressources. Prenant en compte l'équilibre global des ressources de ces établissements, le projet de loi de finances pour 2001 prévoit une évolution différenciée de leurs moyens financiers.
La deuxième priorité est l'amélioration de la promotion et de la prévention en matière de santé publique.
Nous évoquerons successivement les politiques régionales, les politiques régaliennes et l'offre de soins.
En ce qui concerne, tout d'abord, les politiques régionales de santé publique, celles-ci bénéficient d'une enveloppe de 275,3 millions de francs, en augmentation de 24,7 millions de francs cette année.
A l'heure de l'acte II de la décentralisation, l'accroissement des crédits déconcentrés consacrés à la promotion de la santé comme de ceux des observatoires régionaux de la santé permet de souligner l'importance donnée à la dimension régionale.
Félicitons-nous ici de la volonté du Gouvernement d'améliorer l'information et l'éducation sanitaires de la population en diffusant des informations auprès des acteurs institutionnels et des associations, et de l'encouragement qu'il apporte par ces moyens aux partenaires locaux en vue de sensibiliser le public.
En matière de politique régalienne de santé publique, la promotion et la prévention mises en oeuvre par le Gouvernement concernent, d'abord, les pratiques addictives. En la matière, le Gouvernement poursuit sa démarche plus globale, s'attachant d'ailleurs davantage aux comportements qu'aux produits consommés, ce qui l'a conduit à l'adoption d'un nouveau plan gouvernemental pour la période 1999-2001, de nouveau abondé cette année. Ainsi, les crédits consacrés à la lutte contre la toxicomanie, le tabagisme et l'alcoolisme s'élèvent, au total, à 748,8 millions de francs pour 2001.
Ces crédits connaissent une diminution de 82 millions de francs par rapport à 2000, mais celle-ci résulte du transfert effectué, lequel prévoit la prise en charge par l'assurance maladie des dépenses de l'Etat en faveur des centres départementaux de prévention de l'alcoolisme, à hauteur de 89 millions de francs.
Par ailleurs, les moyens destinés à la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie, la MILDT, s'élèvent à 298,2 millions de francs.
La politique de promotion et de prévention concerne, d'autre part, les mesures destinées à la lutte contre le sida et les maladies transmissibles.
La troisième action en matière de santé publique porte sur l'offre de soins. L'évolution des crédits qui y sont consacrés doit être liée à la signature du protocole d'accord des personnels hospitaliers le 14 mars dernier et à la loi de finances rectificative de ce printemps. Je rappelle, s'il en est besoin, que ce protocole prévoit d'amplifier le soutien financier de l'Etat aux opérations d'investissement hospitalier accompagnant la recomposition de l'offre de soins. Son application a entraîné l'ouverture de différents crédits consacrés à la politique hospitalière.
Le protocole prévoit, notamment, que des crédits d'Etat soient ouverts dans les hôpitaux en vue d'améliorer les conditions de travail. A cet égard, rappelons que 2 milliards de francs ont été crédités pour le remplacement des agents absents. Vous vous plaigniez, mes chers collègues, de ne pas les voir apparaître dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Les voilà !
Le protocole prévoit également le soutien des investissements hospitaliers, 600 millions de francs d'autorisations de programme et 100 millions de francs de crédits de paiement étant destinés au FIMHO. Pour 2001, le niveau des autorisations de programme progresse encore par rapport aux crédits ouverts dans la loi de finances initiale de 2000, passant de 200 millions à 500 millions de francs.
Des moyens nouveaux sont aussi prévus pour le renforcement des agences régionales de l'hospitalisation, à hauteur de 112,7 millions de francs. Pour la formation des professions médicales et paramédicales, sont prévus 866 millions de francs au total.
Je soulignerai également que la dotation aux écoles de formation des sages-femmes et des professionnels paramédicaux, à laquelle a fait allusion Guy Fischer, ainsi que les crédits de bourses des formations paramédicales s'élèvent, respectivement, à 291 millions de francs et 289 millions de francs.
En ce qui concerne les priorités en matière de solidarité, je limiterai mon analyse aux actions menées en faveur de la lutte contre les exclusions et en faveur des personnes âgées, laissant à ma collègue Claire-Lise Campion le soin de parler des handicapés.
S'agissant de la luttre contre les exclusions, je ne reviens pas sur le progrès social qu'a représenté l'instauration de la couverture maladie universelle, la CMU, en 2000. J'insiste simplement sur le fait que les crédits ouverts en 2001, à hauteur de 6,6 milliards de francs, devraient permettre de financer la montée en charge du dispositif et les mesures nouvelles décidées dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale, c'est-à-dire l'augmentation du plafond de 3 500 francs à 3 600 francs et la prolongation des droits à la CMU complémentaire jusqu'au 30 juin 2001 pour toutes les personnes qui bénéficiaient auparavant de l'aide médicale.
A ce sujet, permettez-moi, madame la ministre, de m'inquiéter du devenir d'un certain nombre de personnes bénéficiaires de l'ex-aide médicale départementale du fait de l'effet de seuil. Leur nombre est loin d'être négligeable ! En Dordogne, par exemple, le taux de rejet atteint 22 %, ce qui représente près de 700 personnes avec les ayants droit. Je doute que les fonds sociaux des caisses soient suffisants, et il est probable que les départements seront sollicités.
Indépendamment de cette sollicitation des départements, cela pose, me semble-t-il, un problème d'égalité devant la loi : au-delà des débats financiers entre les participations nationales et locales, comment peut-on envisager que ce droit redevienne, parfois pour un peu plus ou un peu moins de 50 francs par mois, une aide sociale variant du simple au double selon le département et le régime de sécurité sociale ?
Une réflexion sur ce problème me paraît tout à fait nécessaire.
J'en viens à la politique d'insertion et à l'évolution, intéressante, du RMI. Pour la première fois depuis sa création, le nombre d'allocataires a diminué de 1,4 % en métropole. Cette évolution des effectifs du RMI permet d'apporter une preuve irréfutable à l'encontre d'une idée reçue tenace selon laquelle l'installation dans le RMI serait délibérée et définitive : 780 000 contrats d'insertion ont été signés en 1999 et leur croissance se poursuit - plus 4 % - à un rythme plus rapide que celui des effectifs des allocataires.
En outre, le nombre d'allocataires qui, grâce au mécanisme de l'intéressement, travaillent tout en conservant tout ou partie du RMI est en forte progression.
En matière d'hébergement d'urgence et d'hébergement social, 500 nouvelles places seront créées afin de permettre aux personnes hébergées d'entrer dans un véritable processus d'insertion.
Enfin, pour ce qui est des Fonds d'aide aux jeunes, les FAJ, l'objectif 2001 représente une progression de 10 %. Ces crédits permettent d'accorder une aide financière ou de financer l'accompagnement d'un projet individuel d'insertion.
En ce qui concerne l'action en faveur des personnes âgées, le Gouvernement mène une politique de maintien et de soutien à domicile des personnes âgées. Il s'efforce donc de mettre en cohérence les dispositifs existants et de recomposer l'offre de services avec une démarche d'approche globale et personnalisée du besoin d'aide des personnes âgées.
C'est dans ce contexte que la création d'un réseau de coordination gérontologique organisant le maillage du territoire national à partir des échelons de proximité fait figure de priorité. Les centres locaux d'information et de coordination, les CLIC, seront les supports de ce réseau territorialisé. Après la mise en place de vingt-cinq centres pilotes en 2000, le Premier ministre a annoncé la création de mille CLIC supplémentaires à l'horizon des cinq prochaines années, ce dont nous ne pouvons que nous réjouir.
N'oublions pas, enfin, les contrats de plan 2000-2006, qui permettront d'achever l'humanisation des hospices et d'accélérer la modernisation des maisons de retraites, 1,3 milliard de francs y étant consacrés sur sept ans.
Je sais, madame la ministre, que vous êtes consciente des lacunes de la prestation spécifique dépendance, la PSD, et que vous entendez réformer rapidement les conditions de prise en charge de la dépendance. Je ne vous cache pas que nous attendons avec impatience le projet de loi que vous préparez.
En conclusion, j'évoquerai l'action qui est menée en matière de droits des femmes. Là encore, de nombreuses avancées ont été réalisées : parité politique, égalité professionnelle, modernisation de la loi sur la contraception, avec la pilule du lendemain et les nouvelles dispositions relatives à l'interruption volontaire de grossesse.
Par ailleurs, les mesures engagées par le Gouvernement de façon transversale et interministérielle en faveur des femmes traduisent une démarche de renouveau social et politique qui s'inscrit dans une approche de la politique globale pour l'égalité.
Il nous reste maintenant à faire progresser l'égalité dans les faits. C'est la volonté, j'en suis convaincu, du Gouvernement, qui attribue 110 millions de francs à ce secteur, soit une hausse de 10 %. Ces crédits s'ajoutent à ceux du fonds structurel européen et soutiennent les objectifs majeurs de l'action : l'égalité professionnelle, pour 40 % du budget ; la lutte contre les violences, qui sont en augmentation, avec une mesure nouvelle de 5 millions de francs contre 900 000 francs l'an passé ; enfin, l'accès au droit et à l'information.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Cazeau !
M. Bernard Cazeau. Je conclus, monsieur le président !
A l'issue de cet exposé, vous l'avez compris, madame la ministre, le groupe socialiste souscrit tout à fait au projet de budget tel que vous nous le présentez. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Souvet.
M. Louis Souvet. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, avant toute chose, je voudrais dire qu'en tant que président du conseil d'administration d'un hôpital j'adhère sans réserve à ce qui a été dit par M. Joly, notre collègue de Haute-Saône, sur les hôpitaux.
Nous venons de débattre du financement de la sécurité sociale. Cette discussion a permis, notamment, de mettre en évidence l'absence d'une grande politique de prévention en matière de santé en France : le budget que nous examinons aujourd'hui le confirme.
Notre système de soins est plutôt performant : les innovations médicales sont fréquentes ; les personnes âgées vieillissent en meilleure santé ; les chiffres de la mortalité baissent. Néanmoins, trop de décès précoces et de handicaps évitables demeurent, en raison du déficit de prévention des pathologies qui en sont à l'origine.
Notre politique de prévention, qui devrait constituer un volet essentiel de la loi de financement, demeure le parent pauvre du système.
Les crédits consacrés chaque année à ces actions n'augmentent pas ou augmentent peu, ou parfois même disparaissent.
Pour illustrer mon propos, je traiterai, d'abord, de la prévention de l'alcoolisme.
Les crédits consacrés à la prévention de l'alcoolisme - soit 64 millions de francs -, affectés aux actions décentralisées et, jusqu'alors, inscrits au chapitre 47-15-40, ont été supprimés purement et simplement cette année. La direction générale de la santé a précisé que la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés allait prendre le relais de l'Etat dans le cadre du fonds national de prévention, d'éducation et d'intervention sanitaires. Cette débudgétisation est, à mon avis, regrettable.
Au-delà de la menace qui pèse ainsi sur l'avenir du dispositif spécialisé des comités départementaux de prévention de l'alcoolisme, comités dont l'efficacité est reconnue, le transfert de ces crédits ressemble fort à un renoncement de l'Etat sur une question majeure de santé publique. Je considère qu'il appartient à l'Etat, et à lui seul, d'assurer une mission générale d'organisation et de coordination de la prévention et du traitement de l'alcoolisme.
C'est la raison pour laquelle il est indispensable de continuer à consacrer, sur le budget de l'Etat, les moyens nécessaires aux actions décentralisées de prévention de l'alcoolisme, mais également d'accroître ces budgets en faveur des missions de proximité.
Je prendrai pour deuxième exemple la lutte contre les cancers et en faveur de leur dépistage précoce, qui devrait être une autre priorité nationale, sinon la première.
Vous avez annoncé un certain nombre de mesures, notamment la généralisation du dépistage du cancer du sein. Qu'en est-il aujourd'hui ? Les textes d'application ne sont pas sortis, et les crédits n'ont pas été débloqués.
Ces pathologies ne sont à l'évidence pas suffisament prises en compte par les pouvoirs publics. Les paroles ne sont pas suivies des actes, et je le regrette, car l'urgence est criante. Les traitements anticancéreux sont de plus en plus onéreux. Ce coût doit être anticipé et non pas subi chaque année.
Troisième exemple, le sida, qui, devenu bien moins médiatique que la maladie de Creutzfeldt-Jakob, continue pourtant de tuer tous les jours.
Là encore, les crédits sont en diminution, car ils sont de nouveau débudgétisés. Ces débudgétisations ne font que confirmer le désengagement de l'Etat en matière de santé publique. La multiplication des transferts à l'assurance maladie d'actions sanitaires et sociales le prouve.
Ce désengagement de l'Etat dans de nombreux domaines est particulièrement préoccupant, compte tenu des thèmes les plus fréquemment évoqués dans les conférences régionales de santé : alcool, sida, cancer, dépressions et suicides.
La lutte contre ces fléaux relève fondamentalement de missions de prévention et d'éducation qui incombaient jusqu'à maintenant au Gouvernement. Les pouvoirs publics doivent se réapproprier la politique de santé des Français.
Madame la ministre, le combat contre ces fléaux passe non seulement par une stratégie curative, mais aussi par une politique de prévention et d'éducation que nous vous demandons de mettre en place, évidemment le plus rapidement possible.
Je voudrais aussi aborder un sujet qui est cher à la Haute Assemblée, le plan de développement des soins palliatifs. Aujourd'hui, 150 000 personnes pourraient en bénéficier, mais seules quelques centaines de lits sont disponibles.
La recherche de la prise en charge globale du patient n'a pas avancé, et ce ne sont pas quelques ressources complémentaires qui répondront à cette nécessité. Sans une approche globale et systématique, les soins resteront parcellaires, coûteux, et n'auront pas l'efficacité que les progrès techniques permettraient d'espérer.
Le cloisonnement des soins palliatifs, l'absence de suivi psychologique par manque de moyens et de personnels, l'asphyxie de nombreux centres anticancéreux sont autant d'obstacles à un véritable essor des soins palliatifs.
S'agissant des crédits consacrés à la solidarité, je voudrais me faire l'écho des remarques de certains sur le fonctionnement des services chargés d'accueillir les plus démunis.
Que font, effectivement, les travailleurs sociaux au contact des plus déshérités et des exclus ? Du « dépannage » ! Ils gèrent malheureusement des situations d'urgence au jour le jour, en accordant des aides, surtout financières, et en remplissant des dossiers.
La plupart font un travail administratif consistant soit à orienter les demandeurs d'aides vers d'autres services, soit à décider de l'attribution d'une aide en fonction de critères formels, mais sans avoir le temps de se déplacer, d'enquêter sur place et d'appréhender la situation des personnes dans son ensemble.
Il n'y a aucune politique à long terme, aucune obligation de résultat, d'où une certaine amertume des personnes démunies, qui se plaignent d'avoir en face d'elles un système totalement déshumanisé.
Notons aussi la rancoeur des travailleurs sociaux ; ils se plaignent de cette bureaucratisation qui ne leur permet pas d'accomplir la tâche pour laquelle ils ont été recrutés et, bien souvent, formés.
Ainsi, par exemple, la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions, adoptée le 28 juillet 1998, ne contient pas moins de cent cinquante-neuf articles. Elle est d'application urgente et était supposée intervenir de manière rapide, à l'échelon local. Cependant, de juillet 1998 à juin 1999, plus de soixante décrets et arrêtés d'application ont paru. Permettez-moi de vous faire remarquer que les personnels des services sociaux, perdus dans des circulaires complexes et multiples, se désespèrent de la lourdeur des formalités à accomplir, qui ne leur permet pas de se consacrer à leurs missions dans les meilleures conditions et de soulager comme ils le souhaiteraient la détresse des exclus.
Par ailleurs, ce projet de budget traduit les hésitations du Gouvernement et les difficultés de mise en oeuvre de la loi relative à la CMU.
La loi du 27 juillet 1999, qui a institué la couverture maladie universelle, comporte deux volets : la couverture de base et la couverture complémentaire. La première réforme était nécessaire et rejoignait la volonté du gouvernement d'Alain Juppé de créer une assurance maladie universelle. Il faut souligner qu'il s'agissait plus d'un problème d'accès au droit que d'un problème de droit.
Quant à la seconde réforme, la couverture complémentaire devait concerner 6 millions de personnes, dont 3,1 millions qui devaient basculer directement de l'aide médicale gratuite dans le régime de la CMU. Elles devront cependant se soumettre à un contrôle a posteriori de leurs ressources.
Dans cette réforme, il était pourtant prévu d'accorder gratuitement une couverture maladie complémentaire à 100 %, avec tiers payant, à toutes les personnes aux revenus inférieurs à un plafond de ressources.
L'amélioration de la couverture maladie complémentaire promise ne concerne pas encore, loin s'en faut, les 3 millions de personnes annoncées par le Gouvernement ! En avril dernier, 600 000 personnes se sont effectivement vu attribuer le bénéfice de la CMU. Très peu ont fait le choix de s'adresser aux organismes de protection complémentaire, pourtant financeurs de la réforme et se sont plutôt tournées vers leur organisme de base.
Concernant les bénéficiaires de l'aide médicale gratuite, beaucoup pourront douter de l'amélioration de leur couverture complémentaire promise, puisque leur ancien statut leur offrait une couverture sensiblement meilleure en comparaison de celle que leur procure la CMU.
Dans leur majorité, les prestations fournies aux bénéficiaires concernent les soins de première nécessité, ce qui laisse largement de coté les soins d'optique et les soins dentaires, puisque le plafond des frais pris en charge ne peut excéder, sur deux ans, un total de 2 600 francs par bénéficiaire. Un grand décalage existe entre les prestations promises et la réalité.
En outre, le contrôle a posteriori des ressources des personnes bénéficiant de l'aide médicale gratuite qui ont basculé automatiquement vers la CMU va leur occassionner de très mauvaises surprises, notamment dans la vingtaine de départements qui pratiquaient des barèmes d'admission plus favorables. L'augmentation de 100 francs annoncée par le Gouvernement n'est évidemment pas à la hauteur des enjeux et fera encore de nombreux laissés-pour-compte.
Il est rare, dans notre pays, que des réformes de la protection sociale se traduisent par une régression des droits, surtout lorsque ces réformes ont l'ambition affichée d'une plus grande générosité. Au guichet des caisses, il sera d'autant plus difficile d'expliquer les décisions de rejet que ces ex-bénéficiaires de l'aide médicale gratuite auront, pendant près d'un an, bénéficié de la CMU, dont ils seront non pas écartés mais radiés.
Pour toutes ces raisons ainsi que pour celles qui ont été brillamment exposées par nos rapporteurs, le groupe du RPR ne votera pas les crédits consacrés à la santé et à la solidarité. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Machet.
M. Jacques Machet. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je consacrerai mon propos aux aides au maintien à domicile des personnes âgées.
A ce jour, 700 000 Français de plus de soixante-cinq ans - plus de femmes que d'hommes, car nous partons avant elles ! - ont besoin d'une assistance, et près des deux tiers d'entre eux doivent recourir à une aide à domicile, pour un coût annuel moyen de 144 000 francs par personne.
Vous savez combien les Françaises et les Français souhaitent pouvoir rester dans leur maison le plus longtemps possible. En 2020 - c'est demain ! - un Français sur quatre aura plus de soixante ans et 2 millions de Français auront plus de quatre-vingt-cinq ans. Il faudra ainsi 15 milliards de francs pour financer la prise en charge des personnes dépendantes. Or les projets du Gouvernement en la matière n'ont toujours pas été rendus publics.
Si les crédits destinés aux personnes âgées augmentent au fil des budgets, les problèmes demeurent, sur le terrain. Je ne citerai qu'un exemple, celui du financement des heures d'aides à domicile.
On sait l'importance de cette activité en termes d'emploi, mais aussi pour les personnes âgées, ne serait-ce que pour leur donner l'occasion, une fois dans la journée, voire une fois dans la semaine, de parler à quelqu'un.
Dans ma région, la caisse régionale d'assurance maladie, en plus des critères individuels appliqués pour chaque retraité du régime général, affecte à chaque association gestionnaire une dotation globale d'heures, ce qui limite les interventions possibles et, de ce fait, les restreint. Les statistiques donnent un état figé du nombre des personnes concernées. Mais, depuis, combien d'autres n'auront pas été comptées ?
Il se trouve que la dotation octroyée aux différentes associations pour l'exercice 2000 et, demain, 2001, est loin de couvrir les besoins individuels reconnus et acceptés par la CRAM dans le département de la Marne. C'est une situation inacceptable.
A ce jour, la dotation pour 2000 est épuisée. Les prestataires ne sont évidemment pas en mesure de régler les salaires des aides à domicile, et donc de poursuivre de façon pleine et entière le service aux personnes âgées. Ainsi, on voit des présidentes et des présidents d'association, des bénévoles, dans l'impossibilité de payer des aides à domicile qui ont pourtant travaillé pour les personnes âgées. Une telle situation est très préoccupante et ne peut perdurer.
A titre d'exemple, les responsables de la fédération des familles rurales de ma région ont dû, dès à présent, prendre des mesures conservatoires. Cette fédération a ainsi décidé, dans un premier temps, de ne plus répondre jusqu'au 31 décembre 2000 à de nouvelles demandes, quand bien même le besoin serait évident, et il l'est. Je pense ici à l'un des constats que nous avons faits en commission des affaires sociales, à l'occasion d'une enquête menée auprès des caisses d'allocations familiales : si les appels téléphoniques se font trop nombreux, on ne répond plus.
La même fédération a dû également, dès le tout début de ce mois, réduire de manière drastique ses interventions chez les personnes âgées, qu'elle aide, pour certaines, depuis fort longtemps et à un niveau justifié par leurs conditions de vie et de santé.
Madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, je souhaiterais donc qu'à l'occasion de ce débat vous puissiez nous apporter, ainsi qu'aux associations d'aide à domicile, des éléments de réponse sur ce problème de financement et, par ailleurs, livrer à la Haute Assemblée quelques informations sur l'état d'avancement de la réflexion de votre gouvernement quant à la future prestation d'autonomie.
« Prestation d'autonomie », mots lourds de signification, ô combien !
Notre collègue Jean Chérioux vous l'a indiqué tout à l'heure, compte tenu de tous ces desiderata , la commission à laquelle j'appartiens n'a pas accepté votre budget.
Toutefois, je vous remercie d'ores et déjà, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, de votre attention.
Je tiens par ailleurs à féliciter la commission des affaires sociales et la commission des finances, toutes deux réunies dans cette discussion, ainsi que mes collègues et leurs collaborateurs, de tout le travail qui a été fait pour rendre possible la discussion de ce budget. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Campion.
Mme Claire-Lise Campion. Monsieur le président, madame le ministre, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur l'ensemble des propos de mon collègue Bernard Cazeau. Toutefois, avant d'aborder les mesures relatives aux personnes handicapées, je tiens à renouveler notre soutien au Gouvernement dans sa politique en faveur des droits des femmes et l'égalité professionnelle.
L'année 1999 a été marquée par la volonté du Gouvernement d'oeuvrer pour une politique active de l'égalité entre les hommes et les femmes. En effet, si l'égalité en droit est un principe proclamé, il devait être reconnu de façon plus précise dans les textes, afin d'être ancré dans les faits.
Je salue donc l'introduction en annexe du projet de loi de finances pour 2001 des efforts financiers consacrés à la promotion de cet objectif gouvernemental, même s'il est à regretter qu'un rapporteur spécifique n'ait pas été désigné pour ce budget. Cela aurait permis d'ouvrir une véritable discussion budgétaire sur le sujet.
Ce budget consacré aux droits des femmes, d'un montant de 110 millions de francs, connaît une augmentation de 10 %. Nous nous félicitons de cette progression sans précédent, d'autant plus que ce chiffre ne représente pas, à lui seul, l'engagement et l'effort du Gouvernement dans ce domaine.
En effet, nombre de mesures adoptées ou envisagées pour réduire les inégalités n'ont pas toujours directement une traduction budgétaire.
De plus, pour mesurer la réalité de l'avancée du droit des femmes, il nous faut opérer une approche plus globale de l'action gouvernementale et prendre en compte le considérable travail interministériel.
En trois ans, nous avons légiféré sur la parité, l'égalité professionnelle, la contraception d'urgence, et nous légiférerons bientôt sur l'interruption volontaire de grossesse. Des mesures ont été prises afin de permettre aux femmes de mieux concilier vie professionnelle et vie familiale. Je pense en particulier à l'augmentation des capacités d'accueil dans les crèches et aux 30 000 jeunes enfants qui pourront ainsi bénéficier d'une place supplémentaire dans des structures rénovées ou créées en 2001.
Je pense aussi à la possibilité pour les allocataires de l'APE, l'allocation parentale d'éducation, de cumuler le bénéfice de celle-ci avec un retour à l'emploi. Cette disposition, contenue dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, est plus qu'un simple intéressement à la reprise d'activité : elle aura, en outre, l'avantage de permettre aux femmes de choisir le moment de leur retour dans le milieu professionnel.
Nous saluons donc toutes les mesures qui ont déjà été prises, mais aussi les mesures à venir, car il reste malgré tout encore beaucoup à faire.
De nouvelles initiatives ont déjà été engagées afin de lutter contre les violences à l'encontre des femmes - les crédits augmentent de 5 millions de francs, auxquels s'ajoutent 6 millions de francs en dépenses déconcentrées, de combattre la traite des êtres humains et de favoriser l'accès au droit et à la formation, dans tous les domaines de la vie sociale.
Les avancées sur le terrain de ces priorités gouvernementales ne sont rendues possibles, il faut le souligner, qu'avec l'aide essentielle de l'ensemble des associations, soutenues à plus de 67 % grâce aux crédits déconcentrés de ce budget.
Je profite de l'occasion qui m'est donnée pour alerter le Gouvernement sur les difficultés financières rencontrées par certaines d'entre elles. Je pense, en particulier, au Centre national d'information sur le droit des femmes, le CNIDF, et aux CIDF, les centres d'information sur le droit des femmes, qui relaient auprès du public la démarche d'égalité des chances entre les hommes et les femmes entreprise par le Gouvernement.
Mais, depuis 1999, à la demande de l'Etat, le centre national a entrepris une restructuration qui conduira, au terme de l'année 2001, à une séparation juridique avec le CIDF 75. Dans ce contexte, le CNIDF, déjà fragilisé financièrement par les diminutions, jusqu'en 1998, de la subvention accordée dans le cadre de la mission « santé famille », se verra amputé de la souplesse financière que lui conféraient les conventions relatives à l'activité d'information, désormais exclusivement affectée au CIDF 75.
Ces centres reçoivent chaque année 470 000 demandes d'information, de formation ou d'accompagnement. Leur présence est essentielle en tant qu'élément de cohésion et de justice sociale.
Il devient donc urgent, pour le bon fonctionnement de ces centres et afin que leur fonction de relais du Gouvernement dans ce domaine n'en pâtisse pas, de leur octroyer les moyens financiers nécessaires et suffisants à cette fin. Cependant, il est tout aussi important, nous semble-t-il, de mettre en place des garanties de fonctionnement de ces centres, afin d'en faire de véritables instruments de justice et de progrès en faveur du droit des femmes. Je tenais donc à souligner l'importance, à nos yeux, des actions qui seront menées dans ce domaine.
J'en viens, dans ce budget relatif à la santé et à la solidarité, aux personnes handicapées.
Le développement des équipements d'accueil des personnes handicapées et la poursuite de la lutte contre les exclusions sont les deux priorités affichées de ce budget. Nous nous associons à ce choix, car elles répondent à une attente forte.
La politique en faveur des personnes handicapées menée depuis trois ans par le Gouvernement repose sur la reconnaissance de la personne handicapée en tant que citoyen à part entière. Il ne s'agit pas uniquement de faire pour les handicapés, il s'agit aussi de faire avec les handicapés.
Arrêté par le Gouvernement le 8 avril 1998, le plan pluriannuel 1999-2003 s'est fixé trois objectifs.
Le premier consiste à renforcer les capacités d'accueil pour les personnes les plus lourdement handicapées et, ainsi, à tenter de résoudre les problèmes liées au maintien de jeunes adultes dans les établissements pour enfants. Cela devrait permettre une meilleure répartition géographique des équipements, tout en augmentant leur capacité globale sur le territoire.
Le deuxième objectif vise à renforcer l'intégration des jeunes handicapés en donnant une réalité au droit à la scolarisation de ces enfants et de ces adolescents en milieu ordinaire, chaque fois que cela est possible.
Le troisième objectif tend à favoriser le maintien à domicile, à proposer des réponses individualisées et, enfin, à dynamiser le fonctionnement des commissions techniques d'orientation et de reclassement professionnel, les COTOREP.
Les dépenses consacrées aux personnes handicapées passeront donc de 38 481 910 000 francs à 39 978 670 000 francs pour ce budget 2001. Cet effort financier s'inscrit pleinement dans la lignée tant du plan pluriannuel que des mesures annoncées par M. le Premier ministre devant le Conseil national consultatif des handicapés, le 25 janvier dernier.
Ce plan a l'ambition d'améliorer le quotidien de cinq millions de personnes handicapées, en y consacrant 1,5 milliard de francs sur trois ans. Ces fonds seront en priorité affectés à l'augmentation du nombre d'établissements adaptés aux adultes handicapés, au remboursement des matériels coûteux, au renforcement de l'aide à domicile, à l'augmentation du nombre de places dans les instituts médico-éducatifs, pour les enfants lourdement atteints.
Ainsi, pour la mise en oeuvre du plan pluriannuel 1999-2003, le plan d'accès à la vie autonome des personnes handicapées du 25 janvier 2000 entérine la poursuite de créations de places dans les établissements spécialisés. Dans ce cadre, le budget pour 2001 prévoit la création de 1 500 places sur les 8 500 prévues d'ici à 2003, qui permettront d'augmenter la capacité de ces structures et, en particulier, de répondre aux attentes des jeunes adultes.
Ce budget pour 2001 met également l'accent sur l'intégration des personnes handicapées dans le milieu de vie ordinaire. La généralisation à tous les départements des sites pour la vie autonome est rendue possible par l'augmentation, prévue, de plus d'un millier du nombre de postes d'auxiliaire de vie.
Ce droit à l'autonomie doit enfin pouvoir trouver une réalisation concrète dans notre société en luttant contre l'isolement de ces personnes qui vivent chez elles, et en leur permettant d'avoir accès à des soins adaptés et prodigués, le soir et le week-end, par un personnel compétent.
Travailler, aller au cinéma, prendre le bus, le train, ces activités ne doivent plus être inaccessibles aux personnes handicapées.
Ainsi, et toujours dans le cadre de la création de sites pour la vie autonome, 40 millions de francs seront affectés en 2001 à la construction progressive d'un dispositif national de compensation fonctionnelle.
Concrètement, vingt-cinq nouveaux sites départementaux d'aide technique seront créés. Dans un même lieu, les personnes handicapées auront donc un accès facilité aux diverses aides techniques et aux adaptations de logement, mais aussi au traitement administratif et financier des demandes, à l'évaluation médico-sociale par une équipe de médecins, d'ergothérapeutes ou d'assistantes sociales, et à la coordination des interventions des différents partenaires financiers.
Par ailleurs, l'amélioration du fonctionnement des COTOREP est devenue une priorité gouvernementale qui s'est traduite par un financement de mesures nouvelles en 2000, prolongées en 2001, de 13 millions de francs.
Nous sommes bien conscients qu'il reste beaucoup à faire dans le domaine du handicap. Cela dit, même si l'effort financier est considérable et si la progression de ce budget est encourageante, il est certain que le programme pluriannuel ne répondra pas à lui seul à l'ensemble des problèmes rencontrés dans ce domaine.
C'est pourquoi il est urgent que la loi tant attendue sur la modernisation sociale soit présentée au Parlement, et qu'elle soit accompagnée des financements suffisants pour répondre à l'attente des personnes handicapées et de leurs familles. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je ferai d'abord un bref rappel de l'évolution globale de ce budget, même si j'ai détaillé celui-ci devant la commission des affaires sociales du Sénat et si M. Cazeau y a insisté tout à l'heure.
Le budget de la santé et de la solidarité croît de 3,1 %, c'est-à-dire de 2,8 milliards de francs. Il développe les politiques du Gouvernement dans le domaine des personnes âgées, des handicapés et des populations exclues.
S'agissant des actions sociales en faveur des publics spécifiques, les crédits augmentent de 3,8 %. Pour les handicapés et en application du plan pluriannuel annoncé par M. le Premier ministre en janvier 2000, 1 500 places de centres d'aide par le travail seront financées en 2001 et le nombre d'auxiliaires de vie passera de 1 864 actuellement à près de 3 000. Les moyens des COTOREP seront renforcés.
Tout à l'heure, je reviendrai en détail sur les politiques menées. Pour les personnes âgées, cent quarante centres locaux d'information et de coordination seront créés en 2001 pour mieux apporter une réponse aux différentes possibilités de prise en charge.
Par ailleurs, les crédits consacrés à la lutte contre l'exclusion et à l'intégration progresseront de 2,5 %. La montée en charge de la CMU, mise en oeuvre en 2000, se poursuivra, bien entendu, en 2001.
En matière de lutte contre les exclusions, je l'ai indiqué ce matin, nous poursuivrons, bien sûr, la politique qui est menée depuis trois ans. Des moyens nouveaux seront consacrés à la création de 500 places de CHRS en complément du dispositif d'urgence en Ile-de-France et du centre d'hébergement de Sangatte.
Le dispositif national d'accueil des demandeurs d'asile sera également renforcé, avec des crédits substantiellement augmentés. Les capacités des centres d'accueil pour les demandeurs d'asile seront accrues, avec la consolidation de 1 000 places créées en 2000 et la création de 1 000 places supplémentaires en 2001.
Quant au projet de budget de la santé - j'y reviendrai plus en détail dans un instant - il augmente considérablement. Il prévoit le renforcement des moyens des agences régionales de l'hospitalisation, avec une forte augmentation des moyens consacrés aux programmes de santé publique : 14 % pour les dispositifs de prévention et de protection de la santé.
Il faut également noter l'augmentation, elle aussi très forte, pour l'évaluation et la gestion des risques sanitaires.
Enfin, les crédits interministériels de lutte contre les pratiques addictives augmentent de 7,2 %, soit de près de 20 milliards de francs.
Je m'attacherai maintenant à répondre aux questions qui ont été posées par les différents intervenants.
S'agissant de la santé, j'évoquerai d'abord les politiques de santé publique.
M. Louis Boyer considère que l'octroi de ressources propres aux agences dépendant du ministère pourrait servir de prétexte à un désengagement financier de l'Etat. Il observe que les subventions de l'Etat sont désormais devenues minoritaires parmi les ressources de plusieurs établissements publics, qu'il s'agisse de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, de l'Etablissement français du sang ou de l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé.
Il est exact, monsieur Boyer, que le Gouvernement se fixe l'objectif de doter les agences dont il a la tutelle de ressources propres suffisantes. C'est d'ailleurs le sens de l'article 55 rattaché, qui a pour objet de créer de nouveaux droits au profit de l'AFSSAPS et de l'ANAES, qui pèsent respectivement sur les fabricants de dispositifs médicaux et sur les hôpitaux. Mais je tiens à vous rassurer, monsieur Boyer : la diminution des dotations budgétaires ne signifie aucunement un désengagement de l'Etat. Celui-ci, au contraire, accompagne le développement de ces établissements qui ont été créés ou dont le champ de compétences a été étendu par la loi de 1998 sur la sécurité sanitaire. La création de ces agences et leur développement prouvent d'ailleurs la forte préoccupation de ce gouvernement pour la sécurité sanitaire.
Les budgets de ces agences pour 2001 sont actuellement en discussion avec leur tutelle et sont, pour la plupart d'entre eux, en forte progression.
J'ai indiqué devant la commission des affaires sociales que le budget primitif consolidé de l'AFSSA pour 2001 s'établirait en progression de 15 % par rapport à 2000 afin de procéder essentiellement à des recrutements en vue de renforcer les capacités de recherche, d'expertise et d'évaluation des équipes scientifiques.
Le budget primitif pour 2001 de l'AFSSAPS est en progression de 11 % par rapport à 2000, pour mettre en oeuvre, notamment, l'extension des missions de cet organisme aux dispositifs médicaux et aux cosmétiques.
Quant à l'ANAES, je reconnais que, si la mise en oeuvre de la procédure d'accréditation a demandé quelques délais, du fait de la publication des textes nécessaires à la mise en place de la procédure ainsi qu'à la préparation des établissements hospitaliers, elle est maintenant bien engagée et monte rapidement en puissance : sur les 3 500 établissements qui doivent faire l'objet, sur leur demande, d'une accréditation, 400 auront reçu la visite d'experts et de visiteurs en 2001.
MM. Boyer et Oudin ont regretté la diminution des dépenses de santé publique. Comme vous le savez, les actions financées par le budget de l'Etat ne représentent qu'une partie limitée des politiques de santé publique.
Il est envisagé, dans le projet de loi de finances pour 2001, en vue de renforcer la transparence, de transférer à l'assurance maladie les crédits relatifs à la prévention de l'alcoolisme et aux appartements de coordination thérapeutique. Comme M. Cazeau l'a fort justement rappelé, le Gouvernement ne se désengage pas pour autant en matière de politique de santé publique. D'ailleurs, le financement des appartements de coordination thérapeutique par l'assurance maladie a fait l'objet d'une demande unanime des associations et des professionnels. Loin de constituer un recul, cette mesure permet de pérenniser un dispositif expérimental qui a fait ses preuves.
Ne disposant pas du temps nécessaire pour décrire toutes les actions conduites, je me limiterai à trois illustrations.
Tout d'abord, la préoccupation pour la sécurité sanitaire et la volonté de renforcer les moyens des politiques mises en oeuvre justifient l'amendement déposé par le Gouvernement pour renforcer les services et, d'abord, les services déconcentrés dans le domaine de la sécurité sanitaire, en vue de lutter contre l'encéphalopathie spongiforme bovine, l'ESB, et de développer le contrôle des mesures prises pour protéger la santé humaine des risques liés à l'ESB.
M. le Premier ministre a annoncé le 14 novembre dernier un plan en sept points.
S'agissant de la prévention de la transmission de la maladie par la voie alimentaire, le Gouvernement a pris les mesures de précaution suivantes : interdiction des farines animales et de nouveaux matériaux à risques tels que l'intestin, la rate, le thymus et les vertèbres de bovins.
En ce qui concerne la protection des travailleurs dans les abattoirs, des recommandations de protection complémentaire sont à l'étude après l'interdiction de la technique du jonchage.
S'agissant des activités de soins, j'ai inscrit un programme renforcé de stérilisation et de désinfection du matériel médical à l'hôpital : 320 millions de francs de crédits supplémentaires ont été inscrits dans les dotations hospitalières. Les recommandations pour les activités de soins ambulatoires seront prochainement révisées et feront l'objet d'une circulaire de la direction générale de la santé.
Le quatrième train de mesures concerne l'accompagnement des malades et des familles que je souhaite mettre en place et sur lequel Mme Gillot a souvent insisté, à juste titre ; il nous faut en effet soutenir ces familles qui sont confrontées à cette terrible maladie. Nous avons la volonté de mobiliser des aides familiales et des aides à la tierce personne.
Je soulignerai enfin que le comité national de sécurité sanitaire, que je préside, fera le point chaque trimestre avec les acteurs de ce plan de prévention.
Vous constatez donc que nous avons la volonté, la détermination de poursuivre une action globale de préservation de la santé publique, dans la transparence et avec un seul critère : la défense de la santé de l'homme dans toutes ses dimensions. Nous accompagnons cela de moyens supplémentaires : je rappelle les créations d'emplois liés à l'ESB qui ont été annoncées par le Premier ministre. Au total, on relève 475 créations d'emplois, dont 300 vétérinaires inspecteurs rattachés au ministère de l'agriculture, et, pour ce qui concerne le ministère de l'emploi et de la solidarité, 30 créations de postes sur la section « emploi », qui ont d'ailleurs été votées ce matin, notamment des postes d'inspecteurs du travail, et 145 créations de postes sur la section « santé - solidarité » - des médecins, des pharmaciens, des ingénieurs sanitaires -, dont 85 créations proposées cette année par un amendement dont nous discuterons tout à l'heure.
Par ailleurs, le projet de loi de finances marque un effort sur la promotion de la santé à travers les programmes nationaux et régionaux de santé. Ainsi, s'agissant des maladies cancéreuses, le programme national 2002-2005 vise à réduire les risques par une prévention adaptée à généraliser les programmes de dépistage, à favoriser la qualité de la prise en charge, à améliorer les conditions de vie des malades tout en garantissant leurs droits, à développer l'effort de recherche et la coordination, en particulier la recherche sur le rôle des facteurs d'environnement.
Ce plan est financé essentiellement dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Dominique Gillot a ainsi annoncé, la semaine dernière, l'ouverture d'une dotation budgétaire spécifique afin de faciliter l'accès des établissements de santé aux nouveaux médicaments anticancéreux, intégrée dans la dotation de deux milliards de francs de mesures nouvelles déléguée aux ARH. Mme Gillot répondra tout à l'heure à l'exposé apocalyptique fait par M. Joly du fonctionnement de notre système de santé. Si cette description était exacte, nous n'aurions pas l'un des meilleurs systèmes de santé du monde !
M. Bernard Joly. Madame la ministre, c'est pourtant vrai : vous n'avez qu'à vous retourner pour voir que L'Hospital est en deuil ! (M. Joly désigne la statue de Michel de L'Hospital, surplombant l'hémicycle, qu'une défaillance électrique a plongée dans l'obscurité.)
M. Philippe Marini. C'est symbolique ! (Rires.)
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. M. Fischer a insisté sur la question du sida. La lutte contre le virus et les autres maladies sexuellement transmissibles est une priorité de santé publique pour le Gouvernement. Je rappellerai les mesures prises depuis trois ans, en particulier l'extention des missions de consultation de dépistage anonyme et gratuit à toutes les maladies sexuellement transmissibles, les MST, par la loi portant création de la couverture maladie universelle et l'extension des missions des centres de planification et d'éducation familiale aux MST.
Je m'inquiète, comme vous, du relâchement des comportements de prévention. La journée mondiale de lutte contre le sida, vendredi dernier, a rappelé à tous la nécessité de demeurer vigilant. Les principales associations de lutte contre le VIH ont été réunies en juillet dernier, et nous allons, avec elles, proposer un plan stratégique d'action tenant compte de cette nouvelle et malheureuse évolution.
J'ajoute que, dans le cadre du collectif budgétaire de fin d'année, est prévu le financement de la totalité des montants dus aux malades séropositifs bénéficiant d'une indemnisation de l'Etat alors que, jusqu'à présent, le dernier quart ne leur était servi que lorsqu'ils développaient leur maladie. Cette mesure, très attendue par les associations et les malades, a un coût de 550 millions de francs.
La lutte contre le VIH demeure plus que jamais une priorité du Gouvernement avec quatre axes essentiels : renforcer l'information, faciliter l'accès aux outils de prévention, mettre en place une véritable éducation à la sexualité, en particulier auprès des jeunes, et améliorer la prise en charge, l'accompagnement médico-social et l'aide à la vie en milieu ordinaire pour les malades.
Les moyens contre l'hépatite C et contre les pratiques addictives sont aussi en progression dans le cadre de la mise en oeuvre du plan pluriannuel du Gouvernement. C'est ainsi que les moyens budgétaires de la MILDT, la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie, seront renforcés de 20 millions de francs pour 2001.
J'en viens maintenant à l'offre de soins.
M. Louis Boyer s'interroge sur les conditions de mise en oeuvre du protocole hospitalier signé entre le Gouvernement et les organisations syndicales le 14 mars dernier. Je puis vous répondre que le Gouvernement continuera d'appliquer scrupuleusement les termes de ce protocole. Ainsi, le projet de loi de finances pour 2001 prévoit les montants nécessaires au financement des formations paramédicales et des bourses pour assurer l'augmentation annoncée du nombre de places de formation offertes, c'est-à-dire 24 000 postes supplémentaires sur trois ans.
Des crédits d'investissements au titre du FIMHO, le fonds d'investissement pour la modernisation des hôpitaux, viendront amplifier le soutien financier de l'Etat aux opérations d'investissements hospitaliers accompagnant la recomposition de l'offre de soins.
Enfin, le protocole prévoit que des crédits d'Etat soient ouverts dans les hôpitaux pour assurer les remplacements. Deux milliards de francs ont été ouverts dans le collectif de printemps 2000. Un montant identique sera ouvert en gestion 2001, conformément aux engagements pris et sans retard par rapport aux besoins constatés. Les agences régionales de l'hospitalisation répartiront ces montants entre les hôpitaux, qui en bénéficieront donc conformément aux termes du protocole.
M. Oudin s'est inquiété tout à l'heure de l'équilibre entre les autorisations de programme et les crédits de paiement pour le FIMHO. Je voudrais tenter de le rassurer : le projet de loi de finances pour 2001 ouvre en autorisations de programme les montants prévus par le protocole du 14 mars 2000 et en crédits de paiement les mesures nouvelles correspondant à l'exercice 2001. Il n'a pas été nécessaire, par ailleurs, d'ouvrir des crédits correspondants aux services votés compte tenu des crédits de paiement reportés,...
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial. C'est là le problème !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. ... y compris ceux qui ont été ouverts en juillet 2000 dans le cadre de la loi de finances rectificatives...
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial. Il ne sont pas utilisés !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Ils le seront, rassurez-vous !
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial. On nous le dit depuis trois ans !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Ces crédits représentent, je le rappelle, 440 millions de francs.
Les autorisations de programme ouvertes en 2000 concernent 142 opérations qui seront notifiées prochainement. Les crédits de paiement correspondant à ces opérations seront ouverts au fur et à mesure du déroulement des investissements.
M. Fischer m'a interrogée sur la progression des moyens des agences régionales de l'hospitalisation qu'il juge excessive. L'objectif des 10,5 millions de crédits supplémentaires inscrits au projet de loi de finances pour 2001 est de permettre le renforcement des agences en personnel de catégorie A, notamment pour le pilotage de la réduction du temps de travail, la modernisation de la gestion des ressources humaines à l'hôpital, ainsi que le financement d'études et d'audits sur l'adaptation des établissements.
M. Chérioux a signalé les problèmes rencontrés par le SAMU social et les difficultés d'hébergement des demandeurs d'asile à Paris. Pour que le SAMU social ne soit pas exclusivement absorbé par les missions d'accueil de ces personnes arrivant en plus grand nombre sur notre territoire, certaines mesures ont été prises. Ainsi, depuis le 1er août 2000, un centre d'accueil de jour à été mis en place et assure l'accueil administratif et social des demandeurs d'asile. Le SAMU social 115 n'est donc plus chargé que la nuit et le week-end de l'accueil des demandeurs d'asile à Paris.
Par ailleurs, 1 000 places ont été ouvertes dans des foyers de la SONACOTRA, la société nationale de construction de logements pour les travailleurs, pour accueillir les demandeurs d'asile hébergés en hôtel à Paris. Ces personnes qui acceptent d'être hébergées en foyer SONACOTRA dans l'attente d'une entrée en centre d'accueil pour demandeurs d'asile bénéficient d'un suivi social et administratif destiné à les aider dans les démarches liées à la demande d'asile et à la scolarisation des enfants.
Enfin, je veux souligner que 40 millions de francs de crédits supplémentaires sont ouverts au collectif budgétaire de fin d'année afin de mieux assurer l'accueil des demandeurs d'asile et des personnes devant être hébergées en urgence. Cette préoccupation avait également été exprimée par M. Fischer.
Je souhaite confirmer à M. Fischer que le projet de loi de modernisation du système de santé et des droits des malades sera présenté en conseil des ministres au début de l'année prochaine, et j'espère que l'Assemblée nationale pourra l'examiner en première lecture avant le mois de juin 2001.
J'en viens maintenant à la solidarité, et tout d'abord aux minima sociaux.
M. Oudin relève l'augmentation forte des dépenses de solidarité liées aux différents minima sociaux.
Il est exact que ces dépenses augmentent à un rythme rapide en raison du nombre toujours croissant des bénéficiaires pour l'allocation aux adultes handicapés et l'allocation de parent isolé et de la revalorisation de ces différentes allocations.
En revanche, en 2000 - nous devons, comme je l'ai dit ce matin, nous en réjouir - pour la première fois depuis la création du RMI, le nombre de ses allocataires est en diminution. Cette diminution résulte de l'amélioration de la situation économique et de la baisse du chômage non indemnisé.
M. Cazeau a remarqué, à juste titre, que cette évolution des effectifs du RMI allait à l'encontre de l'idée reçue selon laquelle l'installation dans le RMI serait délibérée et définitive. La diminution concerne essentiellement les allocataires les plus proches du marché du travail, c'est-à-dire les vingt-cinq - trente ans et les allocataires récents. Soulignons que la diminution est de 14 % cette année pour la tranche des vingt-cinq - trente ans. C'est, je crois, une évolution dont il nous faut nous réjouir.
Comme l'a noté M. Oudin dans son rapport, cette évolution est partiellement occultée par le mécanisme de l'intéressement lorsque l'allocataire a retrouvé un emploi, pendant un an - statistiquement occultée, en tout cas, car, si nous découplions, nous constaterions, naturellement, une baisse encore plus nette du nombre des allocataires du RMI.
Ce dispositif, qui concerne 150 000 personnes et qui progresse de 17 %, permet aux allocataires de disposer de moyens supérieurs à leur seul RMI et les place sur une trajectoire qui tend à les sortir de leur situation d'exclusion.
J'en viens à la couverture maladie universelle.
La diminution des crédits qui lui sont consacrés correspond à un ajustement pour prendre en compte sa montée en charge au cours de l'année 2000.
En effet, en 2000, compte tenu des incertitudes, nous avions initialement prévu une enveloppe très large pour garantir la mise en place de la prestation. Cette enveloppe avait vocation à être révisée, comme l'avait indiqué Martine Aubry. Au vu des dépenses réalisées et des reports possibles, cette dotation s'est avérée trop importante et le montant de la dotation 2001 a donc été ramené de 7 milliards à 6,6 milliards de francs.
Je veux souligner que ce montant est suffisant pour financer la poursuite de la montée en charge en 2001, pour financer l'accès des 300 000 personnes supplémentaires à la CMU, après que le projet de loi de financement de la sécurité sociale a relevé à 3 600 francs le seuil mensuel de ressources pour en bénéficier, et, bien entendu, pour financer la prolongation jusqu'au 30 juin 2001 - disposition également votée en projet de loi de financement de la sécurité sociale - des droits à la CMU pour les anciens bénéficiaires de l'aide médicale départementale.
Je précise que le nombre de bénéficiaires de la CMU est actuellement de 4,7 millions. Avec les 300 000 personnes qui entreront dans le dispositif du fait du relèvement du seuil, cela fera 5 millions et, naturellement, ce chiffre a vocation à augmenter, surtout en raison du prolongement, au fur et à mesure que le dispositif sera mis en place.
Pour en terminer sur ce sujet, nous avons prévu, toujours dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, 400 millions de francs en faveur de l'action sanitaire et sociale pour les caisses d'assurance maladie, afin d'atténuer, là encore, les effets de seuil, qui sont importants mais qui existent toujours lorsqu'il y a ce type d'allocation, et pour faire en sorte que personne ne reste en dehors du dispositif, à plus forte raison dans les départements qui avaient prévu un seuil légèrement plus élevé que celui qu'avait fixé la loi.
M. Jean Chérioux, rapporteur pour avis. Des départements très généreux !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Certes, monsieur Chérioux, mais je veux souligner à votre attention, vous qui vous êtes ému de cette situation, qu'aujourd'hui l'allocation mensuelle moyenne attribuée par les départements est de 2 500 francs et que, par conséquent, avec 3 600 francs, nous sommes très largement au-dessus,...
M. Jean Chérioux, rapporteur pour avis. Le département de Paris a été exemplaire, en la matière !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. ... même s'il est vrai que certains, dont des départements très riches en effet, ont fait cet effort,...
M. Jean Chériou, rapporteur pour avis. Riches, mais généreux !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. ... étant noté que tous les départements riches ne l'ont pas fait !
Je vous répondrai tout de suite, madame Campion, sur la politique en matière d'égalité entre les hommes et les femmes, puisque vous avez posé des questions précises et fait des remarques très pertinentes sur ce sujet.
Le centre d'information et de documentation des femmes et des familles a fait l'objet d'une mission de l'inspection générale des affaires sociales, qui a conclu à une nécessaire partition juridique et financière de ses activités nationales, en qualité de tête de réseau des centres d'information sur les droits des femmes, et de ses activités parisiennes.
En outre, le service des droits des femmes et de l'égalité et le CNIDF, le centre national d'information sur les droits de la femme, se sont engagés dans une démarche qui doit déboucher, dans les mois qui viennent, sur un contrat d'objectif qui renforce leur relation de partenariat.
S'agissant des crédits destinés aux réseaux des centres d'information sur les droits des femmes, il est prévu qu'ils progressent de plus de 2 % l'an prochain.
J'en viens maintenant à l'action en faveur des personnes âgées et des personnes handicapées.
S'agissant des sites pour la vie autonome, vous avez indiqué, monsieur Chérioux, qu'ils seraient étendus à l'ensemble du territoire d'ici à 2003. En effet, cela avait été annoncé par le Premier ministre, et je vous remercie de l'avoir rappelé.
Pour mettre en oeuvre un tel site au niveau départemental, il faut qu'un partenariat s'instaure entre tous les acteurs, que le projet soit formalisé dans un appel d'offres national et que sa cohérence soit évaluée sur le terrain. Tout cela prend évidemment du temps. Malgré cela, l'installation des onze nouveaux sites prévus pour 2000 ne devrait pas subir de retard supérieur à quelques semaines.
Pour 2001 et les années suivantes, l'expérience acquise et le renforcement des moyens humains de la direction générale de l'action sociale nous permettront d'atteindre les objectifs fixés dans les délais impartis.
M. Souvet a évoqué l'importante question des soins palliatifs. Je profite de cette question pour faire le point sur le plan triennal que nous avons mis en oeuvre depuis 1998 et pour rappeler que, en 1997, quarante-sept départements seulement disposaient de services de ce type et qu'aujourd'hui tous les départements - je dis bien « tous » - disposent d'un service et que nous comptons 280 unités ou équipes mobiles. Nous poursuivons cette action en 2001.
Le décret relatif aux conditions d'intervention des associations de bénévoles auprès des personnes en fin de vie dans les établissements publics, privés, sociaux ou médico-sociaux a été publié le 18 octobre. Le décret relatif aux conditions d'intervention des personnels libéraux et des salariés de centres de santé à domicile est à la concertation ; il sera publié dans les tout prochains mois.
MM. Machet et Fischer ont souhaité obtenir des informations sur l'état d'avancement de la réflexion du Gouvernement sur la dépendance.
Nous avons un projet qui fait l'objet des dernières discussions interministérielles. Je compte présenter ce projet en conseil des ministres au mois de janvier et j'espère que l'Assemblée nationale pourra en faire une première lecture à la fin du mois de janvier ou au début du mois de février. C'est, en tout cas, ma volonté et celle du Gouvernement.
Pour ce qui est de la réforme de la prestation spécifique dépendance, nous devons en effet avancer rapidement, et je ne tarderai pas sur ce très important dossier.
Le vieillissement des personnes handicapées, problème sur lequel M. Chérioux, aussi bien en commission qu'en séance publique, a depuis longtemps attiré notre attention, est un phénomène récent. Il faut y apporter des réponses aussi individualisées que possible, dans le cadre, là encore, d'un partenariat entre l'Etat, les collectivités territoriales et les associations.
Les dispositifs diversifiés déjà expérimentés dans plusieurs départements par les associations doivent être développés pour que ces personnes puissent exercer leur droit au libre choix de la solution d'accueil et d'hébergement, et à une prise en charge adaptée et coordonnée.
Le plan triennal annoncé par le Premier ministre, le 25 janvier 2000, a prévu de consacrer 45 millions de francs au développement des prises en charge institutionnelles pour les personnes handicapées vieillissantes, dont 15 millions de francs en 2001.
A l'occasion de la réunion du conseil national consultatif des personnes handicapées, le CNCPH, du 4 juillet dernier, a été décidée la préparation d'un document introductif retraçant l'ensemble des problèmes liés à ce phénomène démographique et indiquant les solutions envisageables.
M. Francis Hammel, président du conseil, doit constituer au sein de ce conseil un groupe de travail qui étudiera les différentes propositions aussi bien en matière de prise en charge que de régimes d'aide sociale et, s'il y a lieu, en élaborera de nouvelles.
Les premiers résultats de cette réflexion seront présentés lors de la prochaine séance du conseil, le 25 janvier prochain. Je suis persuadée que nous pourrons ainsi poursuivre la concertation avec l'ensemble des acteurs et définir les grandes lignes de la réforme globale que vous appelez de vos voeux et que nous engageons.
S'agissant des personnes polyhandicapées, vous savez qu'un plan quinquennal a été mis en oeuvre pour les années 1999-2003. Ce plan représente un engagement de 1,35 milliard de francs pour l'assurance maladie et de 623 millions de francs pour l'Etat. A terme, il aura permis la création de 16 500 places, dont 5 500 places dans les maisons d'accueil spécialisées et les foyers à double tarification, soit 1 100 places par an, ce qui est un effort évidemment considérable.
Comme vous l'avez souligné, monsieur le rapporteur, le plan triennal pour les années 2001-2003 renforce la création de sections d'établissements spécialisés pour les enfants très lourdement handicapés - nous y consacrerons 120 millions de francs. Il renforce aussi les actions pour la création de places pour les personnes autistes, avec 150 millions de francs, et pour les personnes cérébro-lésées lourdement atteintes, avec également 150 millions de francs.
Je pense, monsieur Chérioux, que, à terme, nous pourrons créer trois fois plus de places que vous ne l'estimiez vous-même.
M. Jean Chérioux, rapporteur pour avis. Ce n'est pas moi qui ai estimé, madame la ministre ; j'ai repris les chiffres du ministère.
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. C'est très bien, vous les avez repris, et je vous en remercie.
Mais, si l'exécution des plans pluriannuels faisait apparaître la nécessité d'un réajustement, nous prendrions les mesures qui s'imposent.
Les COTOREP, créées voilà plus de vingt ans, ont toujours été le maillon faible de la politique du handicap.
M. Jean Chérioux, rapporteur pour avis. Tout à fait !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Une mission d'appui à leur fonctionnement a été mise en place en mai 1999. Cette mission s'est attachée à établir un programme de remise à niveau comportant un recueil de données épidémiologiques et sociales et un accroissement significatif des moyens.
C'est ainsi qu'un effort financier de près de 30 millions de francs a été engagé en 2000, ce qui a permis de renforcer les effectifs administratifs et les équipes médicales d'évaluation, qui, par ailleurs, bénéficient de l'augmentation des tarifs de vacation. Nous avons également créé, vous le savez, des postes de médecins coordonnateurs ; en tout cas, nous avons engagé ces créations de postes.
Pour que les COTOREP deviennent non seulement des instances de production de décisions administratives rapides et fiables, mais aussi des « plates-formes ressources » offrant aux personnes handicapées des plans d'aide cohérents et révisables en fonction de l'évolution de leur état, il nous faut poursuivre la modernisation de leur fonctionnement et rénover leurs missions.
C'est ainsi qu'une fusion des première et deuxième sections des COTOREP sera engagée et que la voie des délégations interservices, ouverte par le décret du 20 octobre 1999, sera expérimentée dans plusieurs départements : la responsabilité de la COTOREP pourra être confiée par le préfet au directeur départemental du travail ou au directeur de la DASS. Des contrats d'objectifs viendront étayer ce dispositif.
S'agissant des accessoires de salaires versés aux travailleurs handicapés dans les ateliers protégés, un article visant à rétablir la situation antérieure à l'arrêt de la Cour de cassation a été inséré dans le projet de loi de modernisation sociale qui sera bientôt examiné par l'Assemblée nationale.
M. Cantegrit a très justement attiré notre attention sur la protection sociale des Français de l'étranger. Il a préparé un projet de texte qui vise à faciliter l'accès à l'assurance maladie volontaire de la caisse des Français de l'étranger à un nombre significatif de nos compatriotes qui ne disposent pas de revenus suffisants pour souscrire une assurance volontaire. Ce projet de texte figure à l'article 8 du projet de loi de modernisation sociale, qui sera examiné par le Parlement au début de l'année prochaine.
Le Gouvernement est prêt à examiner les propositions qui lui seront faites pour encourager les jeunes expatriés à s'affilier à l'assurance maladie volontaire de la CFE dès le début de leur carrière à l'occasion de l'examen du projet de texte, dès lors qu'elles seront cohérentes, bien entendu, avec ce projet. Nous aurons donc l'occasion de retravailler sur cette question.
J'en viens à la politique de l'Etat en matière de centres d'hébergement et de réadaptation sociale, les CHRS. La montée de la grande exclusion et les phénomènes d'errance ont mis en évidence le rôle des CHRS. La loi relative à la lutte contre l'exclusion a pris pleinement en compte ces impératifs, et étend leur vocation. Conçus comme des plates-formes de service, ils assurent, avec ou sans hébergement, tout ou partie des activités susceptibles de favoriser la réinsertion sociale des bénéficiaires.
Nous avons, bien entendu, à insister encore sur les priorités en matière de CHRS, notamment à faire en sorte, comme vous l'avez demandé, que l'accueil familial, prévu par la loi sur la lutte contre l'exclusion, n'y reste pas lettre morte. Nous y travaillons, mais cela exige, là encore, un effort commun de l'Etat et des conseils généraux.
Puisque j'ai commencé à aborder les questions relatives au développement social, je voudrais souligner que les départements ont participé à la réduction des inégalités et à l'augmentation des moyens. Bien entendu, il faut poursuivre en ce sens, mais je rappelle que les deux plans en faveur des personnes handicapées mis en place depuis 1998, ainsi que le plan de médicalisation des maisons de retraite, témoignent de cet effort.
L'avenant concernant les cadres des établissements pour personnes handicapées était nécessaire pour permettre à ces établissements de recruter et de fidéliser des dirigeants qualifiés et compétents, compte tenu des écarts de rémunérations constatés entre les différentes conventions collectives du secteur médico-social. Au reste, la plupart des parlementaires, de tous horizons politiques, sont intervenus auprès de mes services pour demander l'agrément de cet avenant.
M. Chérioux a aussi évoqué les effets de la réduction du temps de travail dans les établissements sociaux et médico-sociaux. Les accords collectifs sur la RTT dans ces établissements doivent être équilibrés, c'est la condition nécessaire à leur agrément. Les allégements de charges sociales prévus par les deux lois relatives à la réduction négociée du temps de travail permettent, à mon sens, d'assurer cet équilibre.
M. Jean Chérioux, rapporteur pour avis. Cela se fait au détriment des salaires et du pouvoir d'achat !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Non, je ne le crois pas.
M. Jean Chérioux, rapporteur pour avis. Mais si !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je dispose d'éléments sur les accords qui ont été signés et je ne perçois vraiment pas les difficultés dont vous affirmez l'existence. En tout état de cause, je voudrais souligner que c'est l'équivalent de 21 000 emplois à temps plein qui devraient être créés dans l'ensemble du secteur médico-social.
Cela étant, la qualité du service reste bien entendu notre préoccupation première. Il s'agit également d'une condition à remplir pour obtenir l'agrément de l'accord de réduction du temps de travail. Je suis d'ailleurs très attentive aux difficultés éventuelles qui pourraient surgir.
Quant à la décision de certaines cours d'appel de ne pas appliquer le dispositif de validation législative adopté par le Parlement concernant les heures d'équivalence en chambre de veille, je ne peux qu'en prendre acte. Je crois savoir que les employeurs se sont pourvus en cassation. Nous verrons ce que décidera la Cour ! Quoi qu'il en soit, si des associations peuvent rencontrer des difficultés, les incidences budgétaires à l'échelon national restent limitées.
En ce qui concerne les moyens accordés au ministère, j'ai entendu le plaidoyer de M. Oudin pour une régularisation rapide des mises à disposition. Croyez que je partage ce souci, monsieur le rapporteur spécial. La situation décrite est ancienne : le ministère a recours à des personnels des hôpitaux et des caisses de sécurité sociale mis à disposition, en raison de l'inadéquation historique entre les missions de ce ministère et les moyens qui lui ont été consentis.
Vous avez reconnu, monsieur Oudin, qu'une volonté est maintenant à l'oeuvre. Ainsi, les personnels mis à disposition par les organismes extérieurs font l'objet d'un conventionnement systématique depuis avril 1999. En outre, a été mis en place un dispositif pluriannuel de régularisation réglementaire, budgétaire et financier. Il vise à créer en cinq ans les supports budgétaires nécessaires pour les personnels, en commençant par les catégories C et B ; vingt emplois sont prévus à ce titre dans le projet de loi de finances pour 2001. Il tend, en outre, à limiter le recours aux mises à disposition aux seuls apports de compétences particulières et, en ce cas, à rembourser systématiquement les organismes qui prennent en charge les personnels mis à disposition. Un chapitre spécifique porte ainsi sur ces remboursements ; il a été doté de 24,4 millions de francs dans le projet de loi de finances pour 2001.
Vous observerez, monsieur Oudin, que, pour les créations d'emploi liées à la crise de l'ESB, le Gouvernement procède de façon parfaitement régulière en créant les supports budgétaires préalablement aux recrutements et en augmentant l'enveloppe de mises à disposition de 8 millions de francs.
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial. J'ai vu !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Voilà ce que je souhaitais dire sur l'ensemble du projet de budget que j'ai l'honneur de vous présenter aujourd'hui, mesdames, messieurs les sénateurs. La solidarité en est la ligne directrice, et sa traduction budgétaire pour 2001 est forte.
Il me reste à remercier les rapporteurs, MM. Louis Boyer, Jean Chérioux et Jacques Oudin, de leurs travaux. J'adresse également mes remerciements aux différents intervenants, spécialement à ceux qui siègent sur les travées de la partie gauche de cet hémicycle et qui ont annoncé qu'ils voteraient ce projet de budget. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés. Mme Guigou vient de donner l'essentiel des réponses qui étaient attendues par le Sénat, mais je voudrais répondre précisément à M. Joly.
Je tiens à vous rappeler, monsieur le sénateur, qu'un certain nombre de thèmes que vous avez évoqués ont déjà fait l'objet de réponses lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale. En outre, il m'est impossible de reprendre point par point votre intervention, qui prenait parfois la forme d'une litanie et abordait les problèmes au travers d'un prisme tout à fait particulier, ce qui me laisse à penser que vous n'attendiez pas de réponses très précises mais que vous souhaitiez plutôt dresser un constat à charge de la politique d'organisation des soins.
Je veux cependant au moins opposer un démenti formel à votre assertion selon laquelle le nombre de spécialistes diminuerait : il est complètement faux, c'est même l'évolution inverse qui est observée, en particulier à l'hôpital, monsieur le sénateur, où 10 000 postes de praticien hospitalier supplémentaires ont été créés ces dix dernières années.
Néanmoins, cela ne signifie pas que certaines restructurations ne soient pas indispensables pour garantir la sécurité et la qualité des soins offerts aux usagers et, précisément, pour éviter un certain isolement professionnel qui rend la pratique si difficile que les praticiens concernés préfèrent demander leur mutation.
Vous dénoncez cette dernière situation, monsieur le sénateur ; or elle résulte non pas d'une volonté gouvernementale, mais d'une pratique professionnelle difficile que nous souhaitons améliorer en proposant une réorganisation et des mutualisations d'expérience et de pratique professionnelles qui permettront d'assurer les médecins d'une solidarité et d'un regroupement propices à la sécurisation de leur pratique.
Cette démarche est désormais engagée dans différents secteurs, qu'il s'agisse des urgences, de la périnatalité, du plan « cancer » ou du développement des réseaux. Ces efforts que nous déployons, accompagnés par de nombreux professionnels, méritent mieux, à mon sens, que les interpellations qui ont été les vôtres, monsieur Joly.
Je voudrais maintenant évoquer plus précisément le numerus clausus . Vous avez dit que celui-ci diminuait constamment, or cela est faux : 530 places supplémentaires ont été créées depuis trois ans, dont 250 cette année, afin de porter à 4 100 le nombre de places offertes au concours en juin. Vous savez que ces dispositions ont été prises au cas par cas, de manière à pallier les déficits observés dans certaines disciplines, avant que nous ne proposions une révision du numerus clausus , laquelle est actuellement étudiée par un groupe dont j'ai annoncé la formation lors du débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale et qui réunit, autour du directeur général de la santé, un certain nombre de représentants d'organisations professionnelles. Nous allons confier l'organisation de ce travail à un cabinet d'audit, qui nous rendra ses conclusions et proposera différents scénarios au printemps prochain.
Parallèlement à cette attention particulière portée par le Gouvernement ces trois dernières années à l'évolution du numerus clausus , des spécialités « sensibles » sont soutenues depuis deux ans, avec une augmentation des flux d'internes formés : il s'agit de la gynécologie, de la pédiatrie et de l'anesthésie-réanimation, pour lesquelles on peut craindre des déficits en personnels dans les années à venir, même s'ils n'apparaissent pas actuellement, je tiens à le préciser.
Par ailleurs, plusieurs mesures incitatives visent à rendre plus attractifs les postes hospitaliers - la revalorisation salariale, l'indemnité de service public exclusif, la prime multi-établissements permettant de rendre ces postes plus attrayants -, à la suite de la signature, le 13 mars dernier, de protocoles avec les organisations représentatives des praticiens hospitaliers. Ces protocoles sont aujourd'hui mis en oeuvre, en liaison avec des commissions où ces professionnels sont représentés.
S'agissant de l'hôpital de Vesoul, monsieur Joly, où des soins ne pourraient être dispensés, selon vos dires, à des insuffisants rénaux parce qu'un seul néphrologue serait disponible, je suis obligée de vous opposer un démenti formel. En revanche, dans certaines spécialités, il est exact que les malades seront mieux traités si la prise en charge s'effectue en réseau. Nous nous employons à développer cette pratique, la néphrologie étant une discipline qui permet cette organisation en réseau. De très bons exemples existent à cet égard sur l'ensemble du territoire, comme pour beaucoup d'autres pathologies chroniques, qu'il s'agisse du cancer ou de l'insuffisance cardiaque.
En ce qui concerne la prise en charge des grossesses, vous avez fait état de nombreuses difficultés de fonctionnement. Nous y apportons progressivement des remèdes, en accord avec les praticiens. Je citerai simplement à ce propos le plan « périnatalité », qui constitue la réponse à vos préoccupations en matière de sécurisation de la naissance. Toutes les régions ont désormais inséré dans l'organisation de leur offre de soins un plan de périnatalité, et les gynécologues obstétriciens, dont j'ai reçu les représentants le 24 novembre dernier, ont reconnu que c'était la seule voie possible. Ils souhaiteraient même que la réorganisation de la périnatalité aille plus vite et nous sommes confrontés très régulièrement aux interventions d'élus qui souhaitent que tel ou tel service ne soit pas fermé, alors que les praticiens ne peuvent plus y travailler dans de bonnes conditions et reconnaissent qu'ils ne peuvent pas assurer la sécurité des femmes et des enfants.
Comme vous le savez, la proximité, la sécurité et le choix du médecin sont trois exigences qui ne garantissent pas la qualité du service rendu. Il faut donc organiser correctement la périnatalité, comme nous nous sommes engagés à le faire progressivement.
Je profite de cette occasion pour rappeler que le nombre de gynécologues obstétriciens n'est pas en diminution, contrairement à ce qui est régulièrement affirmé. Cette spécialité fait l'objet d'une attention particulière de la part des pouvoirs publics, pour éviter que le nombre de praticiens régresse dans les dix années qui viennent. Nous avons pris les dispositions qui s'imposaient, et je ne reviendrai pas sur toutes les discussions qui se sont tenues, dans cet hémicycle ou à l'Assemblée nationale, à propos de la gynécologie médicale, obstétrique et chirurgicale. Je me contenterai de redire que le nouveau diplôme d'études spécialisées de gynécologie que nous venons de créer a pour objet de restaurer un enseignement spécifique de la gynécologie médicale, qui avait disparu depuis 1984. Par ce diplôme, qui est déjà mis en place et qui sera progressivement préparé par les étudiants, nous allons instaurer l'enseignement de la gynécologie à l'échelon de l'hôpital universitaire, ce qui est une nouveauté. Jusqu'à présent, en effet, les gynécologues médicaux s'installant en ville étaient des spécialistes qui avaient été formés à la gynécologie obstétrique et chirurgicale et qui avaient ensuite accompli un effort de formation personnelle.
Désormais, cette formation sera donc assurée à l'université, ce qui permettra de nommer des chefs de clinique et des professeurs, et donc, par la suite, de développer un enseignement universitaire, ce que nous ne pouvions faire jusqu'à présent faute de personnels qualifiés.
Le comité de suivi mis en place pour élaborer le contenu de cette formation est placé sous la double égide du ministère de l'éducation nationale et du secrétairariat d'Etat à la santé, et comprend des représentants de toutes les catégories professionnelles concernées. Il a estimé essentiel que les futurs gynécologues médicaux aient accès à une formation globale, à la fois obstétricale et médicale, afin de garantir qu'ils sauront répondre à tous les besoins de santé des femmes.
Je voudrais donc que vous soyez tous persuadés, mesdames, messieurs les sénateurs, qu'il s'agit là d'une avancée considérable pour la santé des femmes et que c'est la meilleure solution qui a été choisie, en concertation très étroite avec l'ensemble des professionnels concernés. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous propose d'interrompre nos travaux pendant quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures quarante-cinq, est reprise à dix-huit heures cinq.)

M. le président. La séance est reprise.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et C concernant l'emploi et la solidarité : II. - Santé et solidarité.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : 381 284 554 francs. »

Par amendement n° II-42, le Gouvernement propose d'augmenter ces crédits de 1 500 000 francs.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Les amendements que vous propose le Gouvernement visent à réformer la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail, la CNITAAT. Ils sont inspirés par la nécessité, reconnue par tous, d'adapter notre ordre juridique à l'exigence du procès équitable. C'est une question importante qui peut se poser pour d'autres juridictions sociales spécialisées.
Nous avons en effet été récemment informés de l'imminence d'une décision de la Cour de cassation qui risque de priver les accidentés du travail, les invalides et les handicapés des possibilités de recours devant la justice auxquelles ils ont droit. Ces recours sont exercés devant un ordre de juridiction spécifique qui comprend une cour d'appel, la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail. Or la Cour de cassation est susceptible de considérer que la CNITAAT est mal composée au regard des exigences de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme. Pour cette raison, toutes ses décisions seraient donc susceptibles d'être annulées.
De fait, la possibilité de rendre justice aux accidentés du travail et aux invalides contestant leur taux d'incapacité serait supprimée jusqu'à l'intervention du législateur pour recréer un ordre de juridiction en état de marche.
C'est justement cette préoccupation qui justifie les amendements du Gouvernement, lesquels sont naturellement motivés par l'intérêt des accidentés du travail.
Sur le fond, les modifications proposées visent à réformer la composition de la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents de travail afin de la constituer en véritable juridiction. La présidence de la Cour et les présidences de formation de jugement, ainsi que les assesseurs seront désignés selon des modalités conformes à l'exigence d'indépendance requise pour l'exercice des fonctions de jugement. Sera notamment supprimée la présence des fonctionnaires.
Par ailleurs, la procédure devant la Cour sera réformée par voie réglementaire afin d'introduire les garanties du débat contradictoire.
Cette réforme nécessite bien évidemment des moyens nouveaux en vacations et en moyens de fonctionnement. Le coût de la réforme est évalué, en 2001, à 1,5 million de francs, dont 500 000 francs au titre des vacations et 1 million de francs pour le coût de fonctionnement de la Cour.
Nous examinons à l'instant l'article du projet de loi de finances pour 2001 dans lequel doit être prévue cette augmentation de crédits. En outre, un amendement tendant à insérer un article additionnel traitera du fond de la réforme.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial. Je traiterai d'emblée le fond du problème que soulève le Gouvernement à travers ses amendements et je passerai sur les problèmes d'urgence et de droit que vous venez de rappeler, madame le ministre.
Vous nous proposez, par les amendements n°s II-42 et II-45 - l'un portant sur les crédits, l'autre sur le fond - une réforme de grande ampleur puisqu'il ne s'agit pas moins, vous venez de le dire, que de revoir la composition de la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail.
La commission des finances, dans l'unique matinée qui lui a été laissée par le Gouvernement pour étudier ces amendements - en effet, ils n'ont été déposé qu'à la fin de la semaine dernière -, a remarqué que la réforme supprime les médecins siégant à la Cour, alors même que le Sénat, en 1994 - c'est notre collègue Claude Huriet qui avait rapporté le texte à l'époque -, avait réformé la Cour pour prévoir précisément leur présence.
Par ailleurs, il me semble que l'article additionnel que propose le Gouvernement, malgré l'amendement n° II-42 qui vise à majorer les crédits correspondants, est véritablement un cavalier budgétaire. En quoi cet amendement entre-t-il dans le champ de la loi de finances ?
Certes, vous voulez réformer dès maintenant le droit en vigueur pour éviter la censure de la Cour de cassation. Or, vous nous avez annoncé le prochain dépôt d'un projet de loi sur la modernisation sociale.
La réforme que vous proposez aujourd'hui y trouvera sans doute sa place naturelle, ce qui laissera à tout le monde, tant à la commission des affaires sociales qu'à la commission des finances, le temps d'en examiner les conséquences.
Telles sont mes observations quant au fond, le caractère de cavalier budgétaire étant un argument tout de même très fort pour nous opposer aux amendements n°s II-42 et II-45.
Sur la forme, je suis surpris par la procédure que vous utilisez. En effet, vous avez connu quelques déboires à l'Assemblée nationale à cet égard, mais vous persistez.
Je rappellerai l'historique de cette affaire : le 17 novembre dernier, l'Assemblée nationale a examiné les crédits de la santé et de la solidarité et le Gouvernement a déposé, au cours de la discussion, cet amendement, en suscitant, je cite, la « surprise » du rapporteur spécial, devant un tel amendement qui n'avait pu être soumis à la commission des finances ni examiné par la commission des affaires sociales. Ce rapporteur spécial a dénoncé « une méthode inacceptable » et, madame Gillot, vous aviez avoué que vous étiez vous-même « surprise par la survenue de ces amendements » et vous avez présenté « vos excuses pour le caractère tardif de ces amendements au regard des exigences d'un bon travail de la commission ». Puis, vous les aviez retirés.
La commission des finances du Sénat a examiné le budget de la santé et de la solidarité le 22 novembre, soit cinq jours plus tard, et nous en discutons aujourd'hui en séance publique, soit dix-sept jours après.
Nous aurions pu penser que ces amendements allaient nous être présentés dès la fin de l'examen du projet de loi de finances à l'Assemblée nationale, c'est-à-dire le 21 novembre, ou après le vote de la première partie du budget au Sénat, qui est intervenu mercredi dernier !
Si je me permets de faire ce rappel, madame le ministre, c'est pour vous dire que nous ne pensons pas que cette méthode de travail soit acceptable. Vous avez déjà été sermonnée par l'Assemblée nationale, comment voulez-vous que nous agissions autrement ? Comment voulez-vous que nous acceptions aujourd'hui cette méthode, après avoir exprimé nos réserves sur le fond, notamment sur le caractère de cavalier budgétaire de ces amendements ?
Cavalier budgétaire, traitement un peu cavalier du Parlement, ce sont les raisons pour lesquelles je vous propose, madame le ministre, de retirer vos amendements, n°s II-42 et II-45, faute de quoi je demanderai au Sénat de les repousser.
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je n'ai pas l'intention de retirer l'amendement n° II-42. Vous avez, monsieur Oudin, émis l'opinion que cet amendement serait un cavalier au regard de l'objet de la loi de finances. Je vous rappelle le caractère indissociable des amendements n°s II-42 et II-45, portant respectivement sur les articles 31 et 35. Nous proposons de renforcer les moyens de la CNITAAT pour faire face à ses obligations nouvelles. Cela forme un tout : les moyens budgétaires, la nouvelle composition de la Cour et les procédures.
Si je ne conteste pas que l'amendement dont nous discutons n'a été déposé qu'à la fin de semaine dernière et si je comprends fort bien que vous trouviez le délai trop bref entre le moment du dépôt et celui du débat en séance publique, je tiens à souligner que votre rapport, monsieur Oudin, fait mention de ce sujet, ce qui montre bien que la majorité sénatoriale avait connaissance de la difficulté créée par la prochaine décision de la Cour de cassation. Ce que nous cherchons, c'est à nous prémunir contre les conséquences d'un possible arrêt de la Cour de cassation qui aboutirait, en rendant nulles les décisions de la CNITAAT, à léser gravement les intérêts des accidentés du travail.
Je vous demande de mettre en balance ce qui est en jeu et - même si je les admets bien volontiers - les questions de forme qui amènent le Sénat à se prononcer de façon précipitée sur un amendement qui vous a été communiqué à la fin de la semaine dernière, certes, mais qui porte sur un sujet qui a déjà été abordé.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-42.
M. Claude Huriet. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Huriet.
M. Claude Huriet. Je remercie notre rapporteur spécial d'avoir rappelé la position que le Sénat avait adoptée en 1994.
Il est vrai, madame le ministre, qu'au cours de ces derniers jours ou de ces dernières semaines vous avez pu faire valoir un certain nombre d'arguments qu'il appartient, bien sûr, au Sénat d'apprécier.
L'histoire remonte à janvier 1994. En effet, à l'occasion de l'examen de la loi relative à la santé publique et à la protection sociale, deux propositions avaient été adoptées à l'Assemblée nationale puis au Sénat. L'une concernait la dénomination des instances contentieuses et l'autre la composition des tribunaux régionaux et de la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail.
En tant que rapporteur, j'avais défendu et fait adopter par le Sénat la participation de médecins à un niveau de juridiction auquel ils n'avaient pas accès, à savoir la Cour nationale de l'incapacité. L'Assemblée nationale avait également adopté cette proposition. De ce fait, la composition de ces deux instances aurait dû être modifiée.
Or nous avons constaté qu'aucun texte d'application n'avait été publié avant le 2 juin 1999, c'est-à-dire cinq ans après l'adoption de la loi dans les conditions que je viens de rappeler. La seule modification introduite par un texte réglementaire concernait le changement de dénomination.
En tant que rapporteur de la loi de 1994, j'aurais toutes les raisons de m'opposer à l'amendement n° II-42 du Gouvernement, mais Mme le ministre a fait valoir à l'instant le risque de blocage des recours contentieux que tel ou tel justiciable pourrait intenter.
Néanmoins M. le rapporteur spécial a avancé deux autres arguments. Celui qui me paraît le plus fort est celui du risque d'inconstitutionnalité. Autrement dit, après ce raccourci historique, je me rallie à la position de M. le rapporteur spécial.
Je souhaite, madame le ministre, que le Gouvernement tienne compte de la volonté exprimée par le législateur en 1994. La Cour de cassation met en cause le risque de partialité de ces organismes du fait de la présence de fonctionnaires ; elle ne remet nullement en question la volonté du législateur !
Malgré les enjeux que vous avez fait valoir, madame le ministre, il ne me paraît pas possible, en tant que rapporteur du texte de 1994, d'aller au-delà aujourd'hui. J'espère que, dans les délais les plus courts possibles, à l'occasion peut-être de l'examen du projet de loi relatif à la modernisation sociale, on pourra répondre aux intérêts des justiciables ainsi qu'à la volonté du législateur de 1994.
M. Jean-Philippe Lachenaud. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Lachenaud.
M. Jean-Philippe Lachenaud. Les risques de contentieux sont-ils réels et immédiats ? Le report au projet de loi relatif aux dispositions d'ordre social et sanitaire présente-il un risque réel ? Nous n'avons pas obtenu de réponse sur ces deux questions ! Cela justifie mon abstention.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?
Je mets aux voix l'amendement n° II-42, repoussé par la commission.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° II-44, le Gouvernement propose de majorer ces crédits de 43 277 985 francs.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Le développement de l'ESB suscite une forte inquiétude, en France comme dans l'ensemble des pays de l'Union européenne. Nous avons eu l'occasion d'intervenir longuement sur ce sujet tout à l'heure.
Le principe de précaution a guidé les choix des différents gouvernements et, aujourd'hui encore, nous devons renforcer les moyens consacrés à la lutte contre le développement de l'ESB et la nouvelle variante de la maladie de Creutzfeldt-Jakob.
J'ai déjà rappelé le plan qu'a annoncé M. le Premier ministre le 14 novembre dernier, je n'y reviendrai donc pas. Ce matin, vous avez adopté l'amendement gouvernemental qui prévoyait un renforcement pour la section « emplois » avec la création de trente postes, notamment d'inspecteurs du travail et de médecins.
Pour ce qui concerne la section « santé et solidarité », l'amendement qui vous est présenté vise à traduire, au titre de 2001, la création de quatre-vingt-cinq emplois de médecins, de pharmaciens et d'ingénieurs sanitaires, ainsi que le recrutement ou la mise à disposition de praticiens hospitaliers. Cet effort se prolongera en 2002 puisque le Premier ministre a souhaité qu'au total cent quarante-cinq emplois viennent renforcer les effectifs du ministère.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial. Là encore, cet amendement a été déposé samedi. Nous sommes lundi. Les délais sont brefs.
Cet amendement tend à majorer de 43,3 millions de francs les crédits du titre III pour financer quatre-vingt-quinze emplois, soixante-cinq emplois pérennes et trente emplois contractuels afin de concrétiser les annonces de M. le Premier ministre sur le dispositif de lutte contre l'extension des risques de transmission de l'ESB.
Chacun est conscient de l'importance du sujet et des problèmes que vivent nos concitoyens. Les Français sont inquiets. Les risques sanitaires sont certainement importants. Nos agriculteurs, nos industriels, j'en parlais avec quelques collègues à l'instant, sont très soucieux pour leur avenir. Dans ces conditions, la commission s'en remettrait plutôt à la sagesse favorable du Sénat.
Toutefois, l'examen du détail comme du contexte global de la politique d'emploi sur laquelle se greffe cet amendement nous inquiète. Tout à l'heure, madame le ministre, vous avez tenté de nous rassurer en nous donnant des informations sur l'ensemble de la politique de résorption des mises à dispositions. Je rappelle toutefois que, dans les services déconcentrés, trois cent treize emplois sont mis à dispositions dans des conditions parfois critiquables, comme l'a souligné la Cour des comptes.
Avant de créer des nouveaux emplois, peut-être aurait-il fallu régulariser la situation !
Par ailleurs, pourquoi inscrire dans le budget de l'Etat soixante-cinq emplois pérennes alors qu'il s'agit d'une crise qui, nous l'espérons, est plutôt conjoncturelle ?
Ensuite, pourquoi cinquante emplois de contractuels hors catégorie rémunérés à l'échelle C ? Cela revient à créer pour les services déconcentrés l'équivalent de trente postes de directeurs d'administration, qui sont d'ailleurs davantage rémunérés que les directeurs régionaux des affaires sanitaires et sociales les mieux payés.
On peut s'interroger, enfin, sur le fait que cet amendement nous a été transmis vingt jours après la conférence de presse de M. le Premier ministre. Des mesures avaient-elles déjà été prises ? Sommes-nous maintenant au bout du compte en termes de créations d'emplois ?
Tout cela, comme pour l'amendement précédent, respire une certaine improvisation, que nous critiquons et que nous regrettons.
Compte tenu de l'importance des enjeux, notamment au regard de l'inquiétude de nos concitoyens, je m'en remets donc, je le confirme, à la sagesse du Sénat.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-44.
M. Claude Huriet. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Huriet.
M. Claude Huriet. Monsieur le président, pour les motifs qui viennent d'être évoqués à l'instant par M. le rapporteur spécial, je voterai cet amendement.
Madame le ministre, j'attire votre attention sur la pénurie - ancienne, d'ailleurs - en médecins inspecteurs et en pharmaciens inspecteurs. Je suis intervenu à de nombreuses reprises sur ce sujet en raison de l'accroissement des tâches qui leur sont confiées, mais aussi en raison de la diversité des sujets sur lesquels ils doivent désormais intervenir.
A cela s'ajoute, à l'évidence, une question qu'ils n'éludent pas, celle de leur formation.
Mais, ainsi que des pharmaciens inspecteurs de santé publique m'en ont informé, il y a aussi le problème de la revalorisation de leur statut qui n'est toujours pas traité, alors que votre ministère s'était engagé à boucler ce dossier pour la fin de l'année.
Le vote positif que s'apprête, semble-t-il, à prononcer la Haute Assemblée va de pair avec les explications que nous vous demandons d'apporter, madame le ministre.
M. Bernard Cazeau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Cazeau.
M. Bernard Cazeau. Nous sommes, bien sûr, très favorables à cet amendement, qui va tout à fait dans le sens de la volonté marquée à tous les échelons - plus particulièrement par le Gouvernement - de lutter contre l'encéphalopathie spongiforme bovine et ses conséquences sur l'ensemble de la population.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-44, pour lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix les crédits figurant au titre III.
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial. Conformément à ses délibérations, la commission des finances demande le rejet de ces crédits.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix, modifiés, les crédits figurant au titre III.
M. Guy Fischer. Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.

(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président. « Titre IV : 3 826 976 780 francs ».

Sur le titre, la parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Je veux insister sur le problème des pathologies lourdes.
Je croix en effet qu'il est indispensable de créer des enveloppes particulières pour ces pathologies. J'en veux pour preuve le fait que les nouveaux médicaments de traitement du cancer sont efficaces, mais de plus en plus onéreux.
Quelle politique de prévention compte mener le Gouvernement ? Comment entend-il financer les nouveaux anticorps monoclonaux.
Certes, madame la secrétaire d'Etat, devant l'Assemblée nationale, vous avez précisé que l'Etat complétait le budget de la sécurité sociale en ce domaine. Cependant, le plan « cancer » doit s'étaler de 2000 à 2005. C'est long quand on sait que les médicaments existent d'ores et déjà !
Ainsi, les responsables des centres hospitaliers, publics comme privés, estiment à 2 milliards de francs l'enveloppe supplémentaire indispensable pour permettre de soigner efficacement, ou, en tout cas, mieux, les malades qui leur sont confiés, soit 1 milliard de francs à titre de rattrapage et 1 milliard de francs pour le financement des nouveaux médicaments.
Il faudrait, bien entendu, évoquer également les maladies de Parkinson et d'Alzheimer, qui requièrent des moyens importants à la fois pour la recherche, le maintien à domicile et l'hébergement hospitalier spécialisé.
Enfin, je souhaiterais entendre votre avis sur les moyens à mettre en oeuvre pour la recherche concernant des pathologies encore incurables, telles que la rétinite pigmentaire.
Pour conclure sur ce sujet, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, je souhaiterais vous rappeler un dossier qui a été soumis à votre examen et qui me tient particulièrement à coeur.
Prochainement, quatre-vingt-onze nouvelles installations d'IRM seront autorisées, dont neuf en Rhône-Alpes. Mais les candidatures, de plus de deux cents sont très nombreuses. Je me permets donc de rappeler à votre attention, même si cela peut paraître déplacé, le dossier présenté par une société du sud-est lyonnais et soutenu par la totalité des établissements hospitaliers de ce secteur.
J'évoque ce dossier en conclusion, parce qu'il est véritablement exemplaire, parce qu'il concerne un grand nombre de ménages en difficulté et parce qu'il organise une coopération entre établissements qui anticipe sur les recommandations ministérielles et les orientations du schéma régional d'organisation sanitaire et sociale visant à définir un cadre global d'organisation pour ces équipements.
M. le président. Je vais mettre aux voix les crédits figurant au titre IV.
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial. La commission des finances a, je le rappelle, émis un avis défavorable sur ces crédits.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.
M. Guy Fischer. Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.

(Ces crédits ne sont pas adoptés.)

ÉTAT C

M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 96 000 000 francs ;

« Crédits de paiement : 28 800 000 francs. »
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial. Je rappelle que la commission des finances est opposée à l'adoption de ces crédits.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.
M. Guy Fischer. Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.

(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président. « Titre VI. - Autorisations de programme : 946 305 000 francs ;

« Crédits de paiement : 204 715 000 francs. »
Sur ces crédits, la parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Je souhaite attirer votre attention sur la situation, grave à mon sens, des centres d'hébergement et de réadaptation sociale, les CHRS.
Ce budget prévoit la création de cinq cents places, ce qui est loin de corriger le retard qui existe, d'autant que certaines d'entre elles ne sont pas vraiment des créations : ce sont des transformations de places d'accueil d'urgence en places de CHRS. Les besoins, tels qu'ils sont évalués par les associations, sont en réalité de 15 000 places. L'exemple du département du Rhône est particulièrement édifiant, puisque quarante-trois places seulement y ont été créées entre 1997 et 2000 pour trente-quatre établissements !
Par ailleurs, j'ai pu, dans ce même département, prendre la mesure de l'asphyxie financière qui étrangle littéralement ces établissements. Je ne pense pas que les 81 millions de francs supplémentaires de crédits de fonctionnement modifieront cet état de fait. En effet, 41 millions de francs sont consacrés aux cinq cents places. Si les 40 millions de francs restants sont consommés par l'augmentation incompressible de la masse salariale, que restera-t-il pour le fonctionnement courant des établissements, autrement dit pour la vie de tous les jours et l'accueil des résidents ?
Dans le département du Rhône, les trente-quatre CHRS déplorent l'absence, depuis quatre années, de crédits de fonctionnement directement destinés au projet d'insertion des personnes accueillies. L'un de ces établissements a calculé que, sur son budget de fonctionnement total, il lui restait précisément 14 francs et 28 centimes par jour pour assurer la nourriture et l'hygiène corporelle de chaque résident !
Comment faire face, dans ces conditions, à l'augmentation de certains coûts et tarifs, et à l'arrivée prochaine dans le Rhône de cinq cents personnes pour désengorger la couronne parisienne, alors qu'un effort supplémentaire est prévu pour cette région ?
Enfin, en réponse à une question qui lui avait été posée, Mme le secrétaire d'Etat faisait état d'une augmentation des crédits notifiés de 20,36 % sur toute la France entre 1997 et 2000. Or les arrêtés de dotation globale de financement des établissements du Rhône font apparaître, pour cette période, une augmentation de 9,75 % seulement, affectée en totalité à la masse salariale. En bref, je sais de source sûre que la majorité des directeurs d'établissement du Rhône ne parviennent à boucler leur budget de fonctionnement qu'en « bricolant », selon leurs propres termes, avec les recettes d'aide au logement. Qu'elles viennent à être supprimées et ils devront - si je suis un peu caricatural, c'est pour tirer la sonnette d'alarme - mettre la clé sous la porte.
Pour conclure, les CHRS se trouvent dans une situation paradoxale, car la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions leur confie des missions d'insertion, en plus de leur mission d'hébergement, sans leur donner les moyens nécessaires pour y parvenir.
M. Jean Chérioux, rapporteur pour avis. C'est exact !
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial. la commission a donné un avis défavorable sur les crédits figurant au titre VI.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.
M. Guy Fischer. Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.

(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président. J'appelle en discussion les articles 54, 55, 55 bis et 56, qui sont rattachés pour leur examen aux crédits affectés à la santé et à la solidarité.

Emploi et solidarité

Article 54



M. le président.
« Art. 54. - Aux articles 7, 8 et 9 de la loi n° 94-488 du 11 juin 1994 relative aux rapatriés anciens membres des formations supplétives et assimilés ou victimes de la captivité en Algérie, la date : "31 décembre 2000" est remplacée par la date : "31 décembre 2002". »
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial. La commission est favorable à cet article, monsieur le président.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 54.

(L'article 54 est adopté.)
M. le président. Je constate que l'article 54 a été adopté à l'unanimité.

Article 55



M. le président.
« Art. 55. - I. - Après l'article L. 5211-5 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 5211-5-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 5211-5-1 . - Toute demande d'inscription d'un dispositif médical à usage individuel sur la liste prévue à l'article L. 165-1 du code de la sécurité sociale est accompagnée du versement d'une redevance dont le barème est fixé par décret dans la limite de 30 000 F.
« Son montant est versé à l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé.
« Cette redevance est recouvrée selon les modalités prévues pour le recouvrement des créances des établissements publics administratifs de l'Etat. »
« II. - 1. Après l'article L. 1414-12 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 1414-12-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 1414-12-1 . - Il est institué une contribution financière due par les établissements de santé à l'occasion de la procédure d'accréditation prévue par les articles L. 6113-3 et L. 6113-4. Cette contribution est versée à l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé.
« Son montant est fixé par décret, après avis du conseil d'administration de l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé. Il est fonction du nombre, déterminé au 31 décembre de l'année qui précède la visite d'accréditation, de lits et de places de l'établissement autorisés en application de l'article L. 6122-1, ainsi que du nombre de sites concernés par la procédure d'accréditation. Il ne peut être inférieur à 15 000 F, ni supérieur à 350 000 F.
« Cette contribution est exigible dès la notification de la date de la visite d'accréditation. Elle est recouvrée selon les modalités prévues pour le recouvrement des créances des établissements publics administratifs de l'Etat. »
« 2. Les établissements de santé pour lesquels la visite d'accréditation est intervenue au cours de l'année 2000 acquittent la contribution financière définie par l'article L. 1414-12-1 du code de la santé publique selon les modalités prévues par cet article. »
Par amendement n° II-20, M. Oudin, au nom de la commission des finances, propose :
I. - Dans le premier alinéa du texte présenté par le I de cet article pour l'article L. 5211-5-1 du code de la santé publique, de remplacer les mots : « d'une redevance » par les mots : « d'une taxe ».
II. - En conséquence, au début du troisième alinéa du texte proposé par le I de l'article 55 pour l'article L. 5211-5-1 du code de la santé publique, de remplacer les mots : « Cette redevance » par les mots : « Cette taxe ».
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial. Cet amendement pourrait être qualifié de rédactionnel, mais il touche en réalité un problème de fond.
Au I de l'article 55, il est proposé de doter l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé d'une nouvelle ressource affectée. Il s'agit d'un droit variant de 0 franc à 30 000 francs, auquel seraient soumis les fabricants de dispositifs médicaux déposant un dossier pour l'inscription de leur produit sur la liste permettant un accès au remboursement par l'assurance maladie.
Si ce droit figure dans la loi de finances, c'est parce qu'il s'agit d'une imposition de toute nature. Le projet fait état d'une redevance. Nous voulons éviter la confusion, car ce n'en est pas une. Madame la ministre, une redevance étant par définition - c'est l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 - instaurée par décret en Conseil d'Etat. il s'agit, en réalité, d'une taxe. Qualifions-la comme telle !
C'est donc un amendement de vérité que vous propose la commission.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat sur cet amendement rédactionnel.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-20, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je constate que cet amendement a été adopté à l'unanimité.
Par amendement n° II-21, M. Oudin, au nom de la commission des finances, propose de supprimer le II de l'article 55.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial La commission des finances vous propose de supprimer le paragraphe II de l'article 55, qui vise à créer une nouvelle taxe au profit de l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé, et ce pour deux raisons.
La première a trait à l'utilisation qui pourrait être faite de cette taxe.
L'ANAES est chargée de l'accréditation des établissements de santé publics et privés, des réseaux de soins et des groupements de coopération sanitaire, soit près de 4 000 établissements. Théoriquement, elle devrait, d'ici à quatre mois, avoir engagé l'accréditation des établissements de santé, accréditation que nous appelons tous de nos voeux depuis des années. Pour ce faire, l'Agence a reçu des dotations correspondant à une activité en année pleine, soit l'accréditation de plus de 400 établissements par an. Mais la réalité est bien moins reluisante !
En effet, seuls neuf établissements ont été accrédités en 1999, et soixante-cinq en 2000. Comme chacun peut le constater, on est donc loin du compte, alors que les ressources ont été transférées.
Il semble donc à la commission des finances que l'ANAES a dans ses caisses des réserves suffisantes et qu'elle n'a pas besoin de bénéficier du produit d'une taxe supplémentaire.
La seconde raison pour laquelle la commission des finances souhaite supprimer le paragraphe II de l'article 55 a trait à la nature de la taxe proposée. Cette dernière serait acquittée par les hôpitaux eux-mêmes, donc par la sécurité sociale, par le biais de la dotation globale hospitalière. Or, l'Etat tirant argument de la création de cette taxe pour réduire la subvention de fonctionnement qu'il verse à l'ANAES, il nous est donc proposé, en réalité, de transférer une charge de l'Etat vers l'assurance maladie.
Ce sont les deux raisons pour lesquelles je propose au Sénat de supprimer cette taxe.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je suis surprise par cet amendement, qui n'est que la traduction, quelques années après, de la volonté exprimée lors de la rédaction des ordonnances de 1996 que vous avez votées et soutenues.
Je me permets de vous rappeler qu'en vertu de l'article L. 1414-2 du code de la santé publique, parmi les différentes ressources dont peut bénéficier l'ANAES, figure expressément la possibilité de mettre en place soit une redevance pour services rendus, soit des taxes à son profit. C'est exactement ce que vous propose le Gouvernement aujourd'hui !
Effectivement, M. Oudin, ce sont les établissements hospitaliers qui assumeront cette contribution, mais ce sont également eux qui doivent être accrédités. De fait, cette contribution a donné lieu à de nombreux échanges entre les différentes représentations professionnelles des établissements de santé. Le principe de sa mise en oeuvre est soutenu par les fédérations de l'hospitalisation publique et privée et a fait l'objet d'un vote favorable du conseil d'administration de l'Agence, le 17 décembre 1999.
Cette contribution est destinée à couvrir les charges directes de l'accréditation, c'est-à-dire les dépenses liées aux visites d'accréditation - déplacements et indemnisation des experts visiteurs - et au fonctionnement du collège de l'accrédition.
Voilà pourquoi je suis défavorable à cet amendement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-21.
M. Claude Huriet. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Huriet.
M. Claude Huriet. Je comprends fort bien l'argumentation qui vient d'être développée par M. le rapporteur spécial. Autant je ne peux pas admettre qu'une réduction de la dotation de l'Etat soit le corollaire d'une augmentation des redevances, autant je suis amené à défendre devant mes collègues l'importance et la réputation que s'est acquise, depuis quelques années, l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé.
Cet organisme relativement jeune, qui a succédé à une agence dont les moyens et les missions étaient beaucoup plus réduits, a connu ces dernières années une mutation qui est tout à l'honneur de cette institution et de ceux qui la dirigent. Et s'il est vrai que ses mécanismes de financement peuvent sembler discutables, ce n'est pas le meilleur moment pour mettre en cause les ressources dont l'ANAES doit désormais bénéficier. En effet, cela risquerait de casser la dynamique à un moment où les établissements hospitaliers ont procédé, même si beaucoup ont eu quelque peine à le faire, à cette révolution culturelle qu'appelle l'acceptation de la procédure même de l'accréditation.
J'ignore l'état de la trésorerie de cette agence et je suis donc bien incapable de répondre à l'argument de M. le rapporteur spécial, mais la montée en puissance de cet organisme et l'augmentation progressive du nombre d'auditeurs chargés de cette démarche difficile qu'est l'accréditation m'incitent à souhaiter que cet amendement soit retiré.
A vrai dire, je ne me fais guère d'illusions, mais j'espère que mon plaidoyer sera suffisamment convaincant pour au moins affirmer l'importance que l'on doit reconnaître à l'ANAES et, par là même, lui accorder les moyens d'assurer ses missions.
En outre, s'il est exact que les prévisions, sans doute trop ambitieuses d'accréditation des établissements hospitaliers ont connu un retard considérable, il faut savoir que, d'autres missions ayant été dévolues à l'ANAES - je pense à l'étude de la nomenclature des actes qui, à l'évidence, ne fait pas partie des premiers objectifs -, le programme de cette agence a donc été surchargé pendant un temps qui n'est peut-être pas révolu. En tout cas, cela peut expliquer, tout au moins en partie, le retard souligné, à juste titre, par M. le rapporteur spécial.
Enfin - je reviens sur mon premier argument, auquel j'attache beaucoup d'importance -, la nécessité d'une évaluation et d'une accréditation pour tout ce qui touche à la santé a constitué une révolution culturelle, qui était certes nécessaire mais qui a longtemps, trop longtemps peut-être, suscité l'incompréhension, voire la méfiance des acteurs de santé, qui n'étaient pas préparés à une telle démarche.
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial. Soyons clair. Mme le ministre a rappelé l'ordonnance du 24 avril 1996, qui a créé l'ANAES et que certains d'entre nous avaient soutenue. Nous sommes favorables à cette institution, qui était nécessaire. L'accréditation présentera des avantages considérables à l'avenir quand tous les établissements auront fait la démarche pour y accéder. Par ailleurs, nous ne verrons que des avantages au fait que les établissements participent au financement sous cette forme.
Mais vous remarquerez que Mme le ministre n'a pas contesté les chiffres que j'ai cités, à savoir neuf établissements accrédités en 1999 et soixante-cinq en 2000. Le retard pris laisse donc bien à l'ANAES des possibilités financières qui lui permettront de fonctionner dans les prochains mois sans aucune inquiétude !
En vérité, on nous demande, d'un côté, de créer une taxe et, de l'autre, de réduire la dotation de l'Etat. Notre amendement de suppression du paragraphe II de l'article 55 est un appel au Gouvernement. Nous voulons en effet savoir, madame le ministre, ce que vous souhaitez vraiment faire avec l'ANAES, dans quelles conditions, selon quelle politique et quelle dynamique. Si cette agence a un rôle considérable à jouer, nous pensons que, telles qu'elles nous sont présentées aujourd'hui, les choses ne sont pas satisfaisantes.
Nous pourrons parfaitement revoir le problème dans quelques mois, car l'ANAES a encore les moyens de fonctionner. Mais nous appelons de nos voeux un bilan au fond sur son fonctionnement et sur son développement.
C'est pourquoi la commission des finances réitère sa demande de rejet de cette contribution.
M. Bernard Cazeau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Cazeau.
M. Bernard Cazeau. En ce qui nous concerne, nous sommes contre l'amendement présenté par M. le rapporteur spécial et nous comprenons très bien les raisons exposées par Mme le ministre.
Nous sommes favorables à l'attribution de ressources propres à ces agences et à l'indépendance que cela leur conférera.
Au demeurant, nous souhaiterions que les procédures d'accréditation s'accélèrent car, même si cette agence nouvelle soulève des problèmes de mise en oeuvre, il est temps de passer à la vitesse supérieure.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-21, repoussé par le Gouvernement.
M. Claude Huriet. Je m'abstiens.
M. Jacques Machet. Je m'abstiens également.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 55, modifié.

(L'article 55 est adopté.)

Article additionnel après l'article 55



M. le président.
Par amendement n° II-45, le Gouvernement propose d'insérer, après l'article 55, un article additionnel ainsi rédigé :
« A. - Après les mots : "du travail composée", la fin de l'article L. 143-3 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé : "d'un président, magistrat du siège de la cour d'appel dans le ressort duquel la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail a son siège désigné pour trois ans dans les formes prévues pour la nomination des magistrats du siège, de présidents de section, magistrats du siège de ladite cour d'appel désignés pour trois ans par ordonnance du premier président prise avec leur consentement et après avis de l'assemblée générale des magistrats du siège et d'assesseurs représentant les travailleurs salariés, d'une part, et les employeurs ou travailleurs indépendants, d'autre part."
« B. - Après l'article L. 143-4 du même code sont insérés deux articles additionnels ainsi rédigés :
« Art. L. ... - I. - Les assesseurs représentant les salariés et les assesseurs représentant les employeurs ou travailleurs indépendants sont nommés pour trois ans renouvelables par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice, sur une liste dressée par le premier président de la Cour de cassation sur proposition des organisations professionnelles les plus représentatives intéressées.
« Un nombre égal d'assesseurs suppléants est désigné concomitamment et dans les mêmes formes.
« II. - Les employeurs sont tenus de laisser aux salariés de leur entreprise, membres assesseurs de la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail, le temp nécessaire pour l'exercice de leurs fonctions juridictionnelles.
« Art. L. .... - I. - La Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail comprend des sections dont le nombre et les attributions sont déterminés par décret en Conseil d'Etat. Chaque section se compose de son président et de deux assesseurs représentant l'un les travailleurs salariés, l'autre les employeurs ou travailleurs indépendants.
« Les assesseurs appartiennent aux professions agricoles lorsque le litige intéresse un ressortissant de ces professions et aux professions non agricoles dans le cas contraire.
« Le siège de la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail est fixé par décret en Conseil d'Etat. »
« C. - Par dérogation aux dispositions de l'article L. 143-3 du code de la sécurité sociale, le premier président de la cour d'appel dans le ressort duquel la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail a son siège peut désigner, jusqu'au 1er janvier 2003, des magistrats de l'ordre judiciaire honoraires pour exercer les fonctions de président de section prévues à cet article. »
La parole est à Mme le ministre.
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Compte tenu du sort qui a été réservé à l'amendement n° II-42, cet amendement n'a plus d'objet, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° II-45 n'a, en effet, plus d'objet.

Article 55 bis



M. le président.
« Art. 55 bis . - Après l'article L. 5211-5 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 5211-5-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 5211-5-2 . - Il est institué au profit de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé une taxe annuelle frappant les dispositifs médicaux tels qu'ils sont définis à l'article L. 5211-1 et les dispositifs médicaux de diagnostic in vitro mentionnés au 4° de l'article L. 5311-1, mis sur le marché français. Elle est exigible des fabricants, ou pour les produits importés hors de la Communauté européenne, de leurs mandataires.
« Le taux de cette taxe est fixé par décret, entre un minimum de 0,15 % et un maximum de 0,4 % du chiffre d'affaires annuel hors taxes réalisé. La taxe n'est pas exigible lorsque les ventes n'ont pas atteint, au cours de l'année civile précédente, un montant hors taxes de 500 000 F.
« Une obligation de déclaration est instituée selon les mêmes conditions et les mêmes pénalités que celles fixées aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 5121-18 pour les médicaments et produits bénéficiaires d'une autorisation de mise sur le marché.
« La déclaration est accompagnée du versement du montant de la taxe.
« A défaut de versement, la fraction non acquittée de la taxe, éventuellement assortie des pénalités applicables, est majorée de 10 %.
« La taxe est recouvrée selon les modalités prévues pour le recouvrement des créances des établissements publics administratifs de l'Etat.
« Les modalités du présent article sont fixées par décret. »
Je suis saisi de quatre amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° II-39, MM. Adnot, Darniche, Donnay, Durand-Chastel, Foy, Seillier et Turk proposent de supprimer cet article.
Par amendement n° II-34, M. Huriet propose de rédiger ainsi la première phrase du deuxième alinéa du texte présenté par l'article 55 bis pour l'article L. 5211-5-2 du code de la santé publique : « Le taux de cette taxe est fixé à 0,15 % du chiffre d'affaires annuel hors taxes réalisé. »
Par amendement n° II-41, M. Oudin, au nom de la commission des finances, propose, à la fin du deuxième alinéa du texte présenté par l'article 55 bis pour l'article L. 5211-5-2 du code de la santé publique, de remplacer la somme : « 500 000 francs » par la somme : « 5 millions de francs. »
Par amendement n° II-22, M. Oudin, au nom de la commission des finances, propose, au début du dernier alinéa du texte présenté par l'article 55 bis , pour l'article L. 5211-5-2 du code de la santé publique, après les mots : « Les modalités », d'insérer les mots : « d'application. »
La parole est à M. Durand-Chastel, pour défendre l'amendement n° II-39.
M. Hubert Durand-Chastel. Cet amendement vise à supprimer l'article 55 bis qui crée, au profit de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, une taxe assise sur le chiffre d'affaires des fabricants de dispositifs médicaux.
Cette taxe aurait pour effet de produire une double distorsion de concurrence au détriment, d'une part, de toute société installée en France et, d'autre part, des petites sociétés qui seraient plus lourdement pénalisées que les grandes.
En effet, les sociétés exerçant une activité similaire à partir d'un autre Etat membre que la France, au sein de l'espace européen, pourraient fournir, dans le cadre du marché unique, des produits concurrents estampillés « Communauté européenne » à moindre prix dès lors qu'elles ne supporteraient pas cette taxe.
L'objet du présent amendement est donc de ne pas pénaliser injustement les sociétés exerçant en France et, en conséquence, d'éviter que celles-ci ne quittent le territoire national pour bénéficier d'une facturation plus avantageuse.
Par ailleurs, la disposition fiscale proposée instaurerait une disparité entre les grosses sociétés qui ont les moyens de s'organiser pour faire exercer cette activité en dehors de notre territoire, notamment en créant des plates-formes de facturation dans un autre pays de l'Union européenne, et les plus petites qui n'ont pas cette capacité.
M. le président. La parole est à M. Huriet, pour présenter l'amendement n° II-34.
M. Claude Huriet. L'article 55 bis, qui résulte d'un amendement du Gouvernement adopté par l'Assemblée nationale, institue, au profit de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, l'AFSSAPS, une taxe annuelle sur les dispositifs médicaux assise sur le chiffre d'affaires et dont le taux serait fixé par décret entre un minimum de 0,15 % et un maximum de 0,4 % du chiffre d'affaires réalisé.
Si le principe d'une telle contribution qui viendra conforter les ressources propres de l'Agence est acceptable, cette nouvelle recette ne doit cependant pas être un prétexte à un désengagement financier de l'Etat. Le fait qu'une part significative des ressources de l'Agence, part qui ne devrait pas être inférieure à 40 %, provienne de dotations budgétaires est en effet le gage de son indépendance. Ce pourcentage, que nous avons évoqué à plusieurs reprises lorsque nous avons discuté de l'Agence du médicament d'abord, puis de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé ensuite, avait semblé recueillir l'unanimité du Sénat.
Le dispositif technique proposé par l'article 55 bis est, lui, très contestable : on demande au législateur de voter le principe d'une taxe sans en fixer le taux. Tout au plus sait-on que ce taux serait compris entre 0,15 % et 0,4 % du chiffre d'affaires, ce qui constitue une fourchette très large : quasiment du simple au triple. Sachant que l'assiette de cette taxe se chiffre en dizaines de milliards de francs, le rendement final pourrait être compris, selon le taux retenu, entre 35 millions et 100 millions de francs.
C'est à la loi de fixer précisément le taux de cette contribution. L'amendement que je propose fixe le taux à 0,15 % du chiffre d'affaires, taux retenu, semble-t-il, par le Gouvernement dans ses simulations.
Je m'interroge, enfin, sur le montant de l'assiette de cette contribution. Selon les informations en ma possession, le chiffre d'affaires de l'ensemble des dispositifs médicaux s'élève à environ 40 milliards de francs par an. Ainsi, le Gouvernement sous-estime l'assiette, et je n'en perçois pas les raisons.
Certes, la taxe ne serait pas exigible lorsque les ventes sont inférieures à 500 000 francs, mais je doute que cette exonération suffise à expliquer cette différence quant au rendement attendu de la contribution, soit 35 millions à 38 millions de francs.
J'aimerais donc que le Gouvernement indique précisément quel serait le rendement attendu de cette taxe et à partir de quelle assiette ce montant serait calculé.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial, pour défendre les amendements n° II-41 et n° II-22 et pour donner l'avis de la commission sur les amendements n°s II-39 et II-34.
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial. La commission des finances n'a pas examiné les deux amendements qui viennent d'être défendus, mais je crois pouvoir parler en son nom, sous le contrôle de son président.
L'amendement n° II-39 vise à supprimer la taxe instituée au profit de l'AFSSAPS alors que l'amendement n° II-34 et l'amendement n° II-41, que je propose au nom de la commission des finances, visent à en réduire le taux et l'assiette.
Ces trois amendements procèdent d'une même philosophie : limiter la progression des prélèvements.
En fait, cet article 55 bis soulève deux questions de principe.
Première question : les agences ont-elles besoin de ressources affectées ou doivent-elles se contenter de subventions en provenance de l'Etat et de l'assurance maladie ? Nous avons évoqué cette question au cours des débats précédents et nous sommes convenus qu'il fallait un juste équilibre entre les deux, seule solution permettant de conforter l'indépendance financière des agences tant vis-à-vis de l'Etat que des industries qui les contrôlent. Il serait dommage de créer des ressources affectées alors que l'Etat diminue sa participation.
En fait, la critique que la commission des finances adresse, d'une façon très générale, à la fiscalité affectée, c'est son absence de récapitulation dans le budget de l'Etat. Mais nous pensons que la modification des dispositions de l'ordonnance du 2 janvier 1959 nous permettra, à terme, de résoudre ce problème.
Seconde question : à partir du moment où les professionnels doivent contribuer par une taxe affectée à l'activité de l'Agence, cette contribution ne doit-elle pas respecter le principe d'égalité ? Il n'y a pas de raison objective qu'un secteur paie et pas un autre ! Or c'est ce qui se produit, puisque l'industrie pharmaceutique acquitte plusieurs prélèvements, ce qui n'est le cas ni des fabricants de dispositifs médicaux ni des entreprises de produits cosmétiques.
Cette double question de principe me conduit donc, un peu à mon corps défendant, à demander à M. Durand-Chastel de retirer son amendement au profit de celui de M. Huriet et de celui de la commission des finances.
L'Agence a besoin de ressources propres en complément des subventions.
Quelques questions se posent que Claude Huriet a parfaitement cernées. Quelle sera la base de cette nouvelle taxe ? Le Gouvernement l'estime à 28 milliards de francs dans l'exposé des motifs, mais la profession évoque le chiffre de 40 milliards de francs.
Quel sera le taux retenu ? Le Gouvernement laisse au pouvoir réglementaire la possibilité de le faire varier selon un rapport qui va presque de un à trois. Je pense que cette fourchette est trop large et c'est pourquoi j'émets un avis très favorable sur l'amendement de M. Huriet.
Je pense aussi qu'il faut exonérer de la taxe les petits fabricants de dispositifs médicaux, qui sont nombreux. Je propose donc de relever le seuil d'imposition à 5 millions de francs de chiffre d'affaires.
Je terminerai par deux souhaits, madame le ministre.
Le premier souhait est que vous procédiez à la clarification des taxes diverses et variées dont bénéficie l'AFSSAPS. On en compte actuellement une dizaine. Cela mérite manifestement une clarification.
Mon second souhait est que bientôt, grâce à la réforme de l'ordonnance organique, l'état A retrace en prévision l'ensemble du produit de ces taxes affectées.
Bien entendu, quand la commission des finances formule ce voeu, c'est qu'elle souhaite que les taxes affectées dans le domaine social puissent être mieux connues, mieux cernées, mieux déterminées, presque mieux maîtrisées.
Quant à l'amendement n° II-22, il vise à réparer une erreur matérielle.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n° II-39, II-34, II-41 et II-22 ?
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. L'article 55 bis , adopté en première lecture à l'Assemblée nationale, vise à créer une taxe sur le chiffre d'affaires sur les dispositifs médicaux afin d'instituer une cohérence avec l'industrie du médicament.
Je me permets de rappeler au Sénat que l'industrie du médicament est soumise à plusieurs taxes et redevances au profit de l'AFSSAPS, l'ensemble devant rapporter en 2000 près de 218 millions de francs, soit beaucoup plus que le rendement attendu en matière de dispositifs médicaux.
Au-delà de ce souci d'égalité avec l'industrie du médicament, je souhaite revenir sur certaines de vos interrogations et sur celles de l'industrie.
Concernant le caractère discriminatoire de cette taxe, la rédaction que je vous propose devrait permettre de pallier le risque de ne frapper que les sociétés installées en France. En effet, l'utilisation des notions de fabricant ou de mandataire pour les produits importés hors de l'Europe vise la personne responsable de la mise sur le marché. Il n'y a donc aucune disparité selon que le dispositif est importé ou non.
En outre, l'AFSSAPS pourra disposer de différents moyens pour identifier l'ensemble des entreprises assujetties à la taxe : les éléments fournis dans le cadre du contrôle national de qualité des laboratoires d'analyses et de biologie médicale pour les diagnostics in vitro ; les informations recueillies auprès des établissements de santé ou dans le cadre des inspections ; enfin, la base européenne EURAMED.
En conséquence, je donne un avis défavorable sur l'amendement n° II-39.
J'indique tout de suite que le Gouvernement est favorable à l'amendement rédactionnel n° II-22 proposé par la commission.
Pour ce qui est du taux de la taxe et des seuils d'exonération, j'aimerais rappeler plusieurs points.
D'une part, il n'y a pas de lien nécessaire entre le montant demandé et l'activité de l'Agence, la taxe n'étant pas affectée mais participant au financement de son fonctionnement général.
D'autre part, la fixation du taux ne doit pas nécessairement dépendre de la loi.
S'agissant de l'amendement n° II-34, je dirai à M. Huriet que les hypothèses sur lesquelles travaillaient mes services étaient plus proches du montant bas de la fourchette, soit 0,15 %, que du montant haut établi à 0,4 %.
S'agissant de l'amendement n° II-41, je suis prête à remonter le seuil d'exonération.
En conséquence, sur ces trois amendements, je m'en remettrai à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. Monsieur Durand-Chastel, l'amendement n° II-39 est-il maintenu ?
M. Hubert Durand-Chastel. Ainsi que m'en a prié la commission, je le retire au profit de l'amendement n° II-34.
M. le président. L'amendement n° II-39 est retiré.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-34.
M. Louis Boyer, rapporteur pour avis. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Louis Boyer, rapporteur pour avis.
M. Louis Boyer, rapporteur pour avis. Je voudrais simplement rappeler quelle a été la position de la commission des affaires sociales sur cet article.
La commission a accepté le principe d'une telle contribution, qui viendrait conforter les ressources propres de l'AFSSAPS. Elle a cependant rappelé que cette nouvelle recette ne devrait pas être un prétexte à un désengagement financier de l'Etat.
La commission a, en outre, considéré que le dispositif proposé par l'article 55 bis soulevait des problèmes juridiques dès lors qu'il était demandé au législateur de voter le principe d'une taxe sans en fixer le taux. Mme le ministre vient de répondre à cet argument.
La commission ne s'est naturellement pas prononcée sur les amendements de nos collègues Claude Huriet et Jacques Oudin, mais je peux dire qu'à titre personnel je les voterai car ils répondent parfaitement aux interrogations que la commission des affaires sociales avait soulevées.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-34, accepté par la commission et pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je constate que cet amendement a été adopté à l'unanimité.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-41, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je constate que cet amendement a été adopté à l'unanimité.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-22, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je constate que cet amendement a été adopté à l'unanimité.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 55 bis, modifié.

(L'article 55 bis est adopté.)

Article 56



M. le président.
« Art. 56. - Les cinquième à septième alinéas (1° , 2° et 3° ) de l'article L. 767-2 du code de la sécurité sociale sont ainsi rédigés :
« 1° Une subvention de l'Etat ;
« 2° Les subventions de l'Union européenne ;
« 3° Des produits divers, dons et legs. » - (Adopté.)
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant la santé et la solidarité.

Services du Premier ministre

I. - SERVICES GÉNÉRAUX

M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant les services du Premier ministre : I. - Services généraux (à l'exclusion des crédits relatifs à la fonction publique, à la presse, à l'audiovisuel et au Conseil supérieur de l'audiovisuel).
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Roland du Luart, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le budget des services généraux du Premier ministre n'est pas un petit budget : il atteint en effet, cette année, près de 6,5 milliards de francs, avec un effectif de mille cinq cents personnes. C'est dire qu'il pèse plus lourd que le budget de l'environnement ou que celui de l'aménagement du territoire.
Je rappelle qu'une partie de ces crédits a été présentée samedi dernier par notre collègue Claude Belot, au titre des crédits de la communication et de la presse, et qu'une autre sera présentée ce soir par notre collègue Gérard Braun, au titre des crédits de la fonction publique.
Le montant du budget des services généraux du Premier ministre a longtemps oscillé autour de 4 milliards de francs. Son passage à 5 milliards de francs l'an dernier et à près de 6,5 milliards de francs cette année est essentiellement dû à l'augmentation des crédits de la politique de la communication. A structure constante et hors audiovisuel public, ce budget est toutefois marqué cette année par une hausse de 7,8 %, alors que, selon la « norme » définie, pour l'ensemble des budgets, l'augmentation est limitée à 1,5 %.
Je m'en tiendrai là dans la présentation des crédits, que vous retrouverez exposée en détail dans mon rapport écrit, pour centrer mon propos sur les observations que m'a inspirées l'examen de ce budget.
Tout d'abord, j'ai été amené à m'interroger sur la nature de l'administration qui entoure le Premier ministre.
Que constate-t-on d'année en année ? L'augmentation des crédits de fonctionnement - par exemple, l'effectif budgétaire en 2001 augmente de 15 % - et l'accroissement continu du nombre d'organismes, conseils, comités ou commissions qui sont rattachés à ce budget.
Ces évolutions ne sont pas sans changer la nature de l'administration du Premier ministre. Que doit-elle être ? Un simple support aux responsabilités du Premier ministre en matière d'animation et d'arbitrage politique ? C'est mon avis !
Que constate-t-on ? L'émergence d'un super-ministère de l'interministérialité, c'est-à-dire un ministère qui est amené à s'occuper de tout. On est loin de la conception selon laquelle le Premier ministre serait un ministre sans portefeuille !
Madame le secrétaire d'Etat, vous me rétorquerez vraisemblablement tout à l'heure que l'audit permanent des services du Premier ministre a permis de supprimer d'année en année des organismes rattachés au Premier ministre. Il ne me semble pas opportun d'entrer avec vous dans une querelle de chiffres, mais je suis contraint d'observer chaque année un nouvel accroissement du nombre d'organismes rattachés.
Pour 2001, alors que plusieurs organismes sont créés, un seul est supprimé : le Centre des hautes études sur l'Afrique et l'Asie modernes, le CHEAM, qui permet à ce budget de réaliser une économie de 3 millions de francs. Mais, madame le secrétaire d'Etat, vous aurez beau jeu de vous targuer de cette suppression, alors qu'il est d'ores et déjà prévu la création d'un nouvel organisme qui reprendra les compétences du CHEAM !
Pouvez-vous, madame le secrétaire d'Etat, nous en dire plus sur ce projet et sur les raisons qui vous ont poussée à supprimer un organisme et à ne pas prévoir tout de suite son successeur, ce qui aurait été sans doute plus simple pour la transmission des droits et obligations ?
S'agissant des fonds spéciaux, les fameux « fonds secrets du Gouvernement », j'estime que la présentation qui nous en est faite dans le « bleu » est en partie trompeuse, puisque ces fonds sont abondés chaque année en cours d'exercice par des décrets pour dépenses accidentelles non publiés au Journal officiel. J'ai noté les mêmes critiques dans le rapport de la commission des finances de l'Assemblée nationale.
Pour la cinquième année consécutive, le Gouvernement nous propose de voter les crédits de ce chapitre en admirable stabilité : 394 millions de francs. Mais, mes chers collègues, cette stabilité est trompeuse ! En 1997, 1998 et 1999 - ce sont les derniers chiffres dont nous disposons - ces crédits ont chaque fois été supérieurs à 450 millions de francs, voire à 500 millions de francs. Pourquoi, madame le secrétaire d'Etat, le Gouvernement ne réévalue-t-il pas ce montant, afin de proposer à la représentation nationale une évaluation sincère des crédits demandés ?
Je souhaite également aborder la question du défenseur des enfants, nouvelle autorité administrative indépendante créée en 2000.
Sans contester l'utilité de ses missions, j'estime qu'il aurait été préférable d'étendre les compétences du Médiateur plutôt que de créer ex nihilo une nouvelle entité administrative dont les crédits pour 2001 s'établissent à 9 millions de francs, soit un tiers du budget du Médiateur, ce et qui obscurcit le paysage administratif français.
M. Jacques Oudin. Très bonne remarque !
M. Roland du Luart, rapporteur spécial. Enfin, je ne peux que regretter la diminution des quelques crédits d'investissement inscrits à ce budget : les crédits de paiement diminueront en 2001 de 40 %, notamment pour les cités administratives. Vous semble-t-il, madame le secrétaire d'Etat, que les cités administratives, les préfectures, soient dans un état de luxe matériel tel qu'il faille ralentir leur modernisation ?
J'espère, madame le secrétaire d'Etat, que vous pourrez apporter quelques réponses à mes interrogations.
C'est en fonction des observations que je viens de formuler, mais aussi de celles que nous a présentées samedi dernier notre collègue Claude Belot sur les crédits de la communication et de la presse, ainsi que de celles que nous fera notre collègue Gérard Braun sur les crédits de la fonction publique ce soir même, qu'il sera proposé au Sénat de rejeter les crédits des services généraux du Premier ministre pour 2001. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR, et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite tout d'abord remercier M. du Luart pour la qualité de son rapport.
Le budget des services généraux du Premier ministre recouvre, comme il l'a dit, les crédits afférents à trois grandes catégories de services : les dotations de trois cabinets ministériels ainsi que les fonds spéciaux ; les crédits destinés à l'activité et au fonctionnement des services du Premier ministre et des organismes qui lui sont rattachés ; enfin, les crédits qui sont alloués à sept autorités administratives indépendantes.
Le projet de budget s'élève à 6 434 millions de francs, soit une progression de 32,3 % qui s'explique, pour l'essentiel, comme l'a indiqué M. le rapporteur spécial, par l'évolution des crédits consacrés à la compensation des redevances de télévision, qui sont en augmentation de 1 264 millions de francs.
Les débats de ce soir sont consacrés au seul agrégat « administration générale » du budget des services généraux du Premier ministre. Ces crédits passent de 1 536 millions de francs à 1 717,6 millions de francs, soit une augmentation de 11,8 %.
Hors transferts de crédits entre le budget des services du Premier ministre et d'autres budgets, la progression est de 151,4 millions de francs, soit un peu moins de 10 %.
Je citerai les mesures les plus importantes.
Le développement du réseau interministériel ADER nécessite l'inscription de 9 millions de francs. Ce réseau raccorde, depuis cet été, la quasi-totalité des services de l'Etat entre eux.
La transformation du portail Internet « Admifrance » en un portail « service public » de l'administration française se traduit par l'inscription d'un crédit de 6,8 millions de francs. Ce nouveau portail, dont l'opérateur est la Documentation française, a été inauguré le 23 octobre dernier par le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Il donnera au public le moyen de s'orienter dans plus de deux mille sites publics.
Un effort est par ailleurs poursuivi en faveur du gros entretien des cités administratives, dont les crédits sont répartis par le secrétariat général du Gouvernement. Certes, les crédits de paiement à ce titre seront en diminution l'année prochaine, mais cette réduction ne traduira pas une baisse dans le rythme des travaux : elle s'explique par le fait que des rattachements importants de crédits en provenance d'autres ministères sont venus abonder le budget des services généraux du Premier ministre en ce domaine. D'ailleurs, les autorisations de programme progressent, quant à elles, de 30 millions de francs, soit une augmentation de près de 20 %, preuve de l'attention manifestée par le Gouvernement envers la sécurité et l'entretien du patrimoine des cités administratives.
En ce qui concerne les emplois, la suppression du service national conduit les services du Premier ministre à mettre en place, avec un souci d'économie et de productivité, des solutions de substitution à la présence d'appelés. La création de seize emplois vise à assurer le remplacement d'une partie des postes d'appelés qui ont été déjà supprimés ou qui le seront l'année prochaine.
L'inscription, par voie de transfert, de vingt-cinq emplois au sein des secrétariats généraux aux affaires régionales, les SGAR, permet de mettre un terme à une situation dans laquelle les services du Premier ministre ne disposaient pas du moyen de gérer leur emploi, alors que celui-ci nomme ces responsables interministériels locaux. Par ailleurs, vingt-six emplois de chargés de mission pour les nouvelles technologies de l'information et de la communication sont créés dans les SGAR, également par un strict redéploiement.
Le projet de budget prévoit la mise en place de l'intégralité des crédits de fonctionnement du défenseur des enfants, autorité administrative indépendante instaurée par la loi du 6 mars 2000, pour 9 millions de francs ; vous l'avez rappelé, monsieur le rapporteur spécial.
Une autre autorité administrative indépendante, la Commission nationale de déontologie de la sécurité, créée par la loi du 6 juin 2000, se voit dotée de 2,7 millions de francs.
Le Conseil d'orientation des retraites, institué par le décret du 10 mai 2000, nécessite également l'inscription d'un crédit de 9,7 millions de francs couvrant, en particulier, la création de six emplois.
Comme l'a souligné votre rapporteur spécial, il faut enfin noter une mesure de transfert portant sur dix-neuf emplois au bénéfice de la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie, qui étaient jusqu'alors des emplois mis à disposition par divers départements ministériels.
M. le rapporteur spécial a aussi abordé la question des fonds spéciaux. Ceux-ci font, en effet, l'objet de décrets pour dépenses accidentelles, conformément à la tradition républicaine. Les montants sont ensuite récapitulés et soumis au Parlement dans le cadre de la loi de règlement. Par conséquent, il ne me semble pas que l'on puisse parler de défaut de transparence à cet égard.
Vous abordez une nouvelle fois la question des organismes rattachés au Premier ministre.
Le Gouvernement ne partage pas les appréciations que vous avez formulées, ni celle selon laquelle les services du Premier ministre devraient constituer une administration d'animation politique, pas plus que celle selon laquelle ils évolueraient actuellement vers un « superministère de l'interministérialité ».
L'existence ou le rattachement d'organismes auprès du Premier ministre fait, en effet, l'objet d'un réexamen régulier. Le principe, constamment appliqué, est que ne doivent faire l'objet d'un rattachement au Premier ministre que les fonctions de coordination interministérielle qui ne peuvent être confiées à un seul ministère et qui comportent une dimension administrative ou technique ne permettant pas qu'elles soient confiées au cabinet ou à l'un des services préexistants du Premier ministre.
De même, le Premier ministre peut, pour l'accomplissement de la mission qu'il tient de l'article 20 de la Constitution, souhaiter disposer de structures consultatives temporaires ou permanentes. En fonction des priorités politiques du Gouvernement, de l'acuité intrinsèque des problèmes à gérer et de la capacité des ministères à prendre en charge, à un moment déterminé, des missions, les réponses apportées en ce qui concerne le rattachement au Premier ministre de certains organismes ou fonctions sont éminemment variables.
Votre rapporteur spécial, se référant à l'annexe au projet de loi de finances consacrée à ces questions, rappelle que les organismes rattachés au Premier ministre sont au nombre de soixante-six. Encore faut-il avoir une juste appréciation de ce nombre !
En effet, trente-neuf de ces organismes, s'ils sont en théorie rattachés au Premier ministre, ne relèvent pas de ses services, mais des services d'autres ministères, dans le cadre desquels ils remplissent des missions de coordination interministérielle.
Vingt-sept organismes, en revanche, relèvent des services du Premier ministre ou, du moins, de leur budget.
Cinq des organismes mentionnés dans cette liste sont des autorités administratives indépendantes qui, par définition, ne peuvent relever du Premier ministre. Dans un souci de clarification, le projet de budget pour 2001 comporte d'ailleurs, et pour la première fois, un agrégat uniquement consacré aux autorités administratives indépendantes.
En définitive, c'est sur une vingtaine d'organismes dépendant de façon effective du Premier ministre et de ses services que porte notre débat.
Au cours des dernières années, diverses décisions ont été prises qui illustrent les principes que j'ai évoqués.
Depuis 1995, quinze organismes ont été supprimés et trois ont été rattachés à d'autres budgets, alors que, dans le même temps, dix organismes ont été créés et trois organismes existants ont été rattachés au budget du Premier ministre.
Au total, les suppressions et les détachements ont dépassé de cinq unités les créations ou les rattachements. Ces chiffres parlent d'eux-mêmes et montrent que la question du rattachement d'organismes divers au Premier ministre fait l'objet non seulement d'un réexamen régulier, mais aussi de décisions concrètes. Cette démographie vivante prouve bien que la question est effectivement abordée par le Gouvernement dans une logique d'« audit permanent », pour reprendre une expression que vous m'avez prêtée.
En résumé, le budget qui vous est présenté s'inscrit dans une logique de clarification, de rigueur et de soutien à la mise en oeuvre des principales priorités du Gouvernement. C'est la raison pour laquelle j'aurais souhaité que le Sénat puisse l'accepter. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Je vous rappelle que les crédits inscrits à la ligne « Services généraux du Premier ministre » seront mis aux voix aujourd'hui, à la suite des crédits relatifs à la fonction publique.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : 174 946 965 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre III est réservé.
« Titre IV : 2 011 200 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre IV est réservé.

ÉTAT C

M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 312 000 000 francs ;
« Crédits de paiement : 165 000 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre V est réservé.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant les services généraux.

II. - SECRÉTARIAT GÉNÉRAL
DE LA DÉFENSE NATIONALE

M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant les services du Premier ministre : II. - Secrétariat général de la défense nationale.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Michel Moreigne, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, avec 193 millions de francs, la hausse de 23 % des crédits du secrétariat général de la défense nationale, le SGDN, pour 2001 confirme la relance de ses moyens et activités entreprise en 2000, avec une première augmentation de 20 % venant après plusieurs années de diminutions.
Les dépenses ordinaires progressent de 19 %, principalement pour la direction centrale de la sécurité des systèmes d'information, mais également pour la commission interministérielle pour l'étude des exportations de matériels de guerre.
Je me félicite que les priorités majeures constituées par ces missions voient leurs moyens renforcés.
Vingt-six postes budgétaires sont créés, portant l'effectif budgétaire à 267 emplois. Mais, compte tenu des diverses mises à disposition, c'est la gestion de 500 personnes que la direction de l'administration générale assure, à comparer aux 503 emplois budgétaires recensés en 1996, avant la réforme du SGDN.
Pour les dépenses en capital, les crédits de paiement évoluent de 39,4 %, notamment à destination du programme civil de défense, qui est désormais relancé.
Pour en terminer avec cette présentation chiffrée, je vous rappelle que la totalité de l'effort budgétaire consacré par l'ensemble des ministères civils à la défense civile de la nation est récapitulé dans un « jaune budgétaire ». En 2001, il reste stable, à 8,8 milliards de francs, 72,5 % de ce total étant fournis par le ministère de l'intérieur, dont 32 000 agents participent à cette action.
Le rôle du SGDN, instrument privilégié du Premier ministre également mis à la disposition de la présidence de la République, est maintenant conforté par ses nouveaux moyens et par les appels renouvelés à ses compétences.
Recentré sur ses missions et attributions autour de cinq directions, le secrétariat général oriente son activité prioritaire vers des tâches de conception et d'impulsion. Des équipes « à la demande » ont été constituées, à l'instar des cellules pour la crise du Kosovo ou pour le passage à l'an 2000.
L'Institut des hautes études de la défense nationale continue de dépendre, pour l'essentiel, de moyens d'autres administrations. Je souhaite que la réintégration de ces crédits dans son budget permette au SGDN d'amorcer un recentrage et une clarification des moyens de l'Institut, voire d'améliorer la coordination des enseignements de défense.
J'apprécie que les crédits destinés au comité interministériel du renseignement soient désormais identifiés, d'autant que ses fonctions de synthèse, d'évaluation et de mise en valeur du renseignement dans le processus de décision politique ont été confirmées. Je me demande toutefois s'il n'est pas souhaitable que le rôle du SGDN dans la coordination du renseignement soit encore davantage affirmé.
Les missions du SGDN recouvrent aussi la coordination de la protection des populations. Si le risque de guerre stratégique nucléaire s'éloigne, la nation doit maintenant s'inquiéter de « nouvelles menaces ». Il convient d'en tirer les conséquences en termes d'efficacité sur le plan de la prévention comme sur le plan de l'intervention. Dans cette optique, les risques nucléaires, biologiques et chimiques doivent faire l'objet d'une attention particulière.
La vulnérabilité des systèmes informatiques doit également être prise en considération. Le Gouvernement le fait puisqu'il proposera, pour leur sécurisation, d'importants investissements interministériels dans le prochain collectif pour 2000, investissements qui ne pourront toutefois être mis en oeuvre avant 2001. Si je salue cette initiative sur le fond, j'estime que la procédure budgétaire utilisée doit rester exceptionnelle.
Cependant, les craintes liées au passage à l'an 2000 sont apparues peu justifiées au regard d'événements catastrophiques comme ceux qui ont frappé la France dans cette période, même si les mesures de veille prises à cette occasion ont pu être bénéfiques pour la gestion de ces crises.
Ainsi sont apparus, d'une part, la faiblesse de nos procédures d'urgence dans le cas de catastrophe étendue à une grande partie du territoire, et, d'autre part, le fait que les services de proximité se révèlent souvent mieux organisés et plus efficaces que les services nationaux.
Dans l'attente du rapport de l'inspecteur général Gilles Sanson sur l'évaluation des dispositifs mis en oeuvre lors des tempêtes, on peut s'interroger sur la relative absence de prévision, donc d'alerte aux populations, et aussi sur l'incompatibilité entre certains matériels civils et militaires. Il convient donc de réactualiser et, peut-être, de redéfinir notre politique civile de défense, ce pour quoi le SGDN peut et doit être un instrument majeur.
Pour cela, ses moyens doivent être d'autant plus à la hauteur de l'importance de ses missions qu'ils resteront modestes au regard de la masse budgétaire correspondant à ses domaines d'intervention.
Toutefois, prenant en compte l'effort budgétaire dont il bénéficie pour la deuxième année consécutive, la commission des finances, suivant la proposition de son rapporteur spécial, vous propose, mes chers collègues, d'adopter les crédits du secrétariat général de la défense nationale. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. J'indique au Sénat que la conférence des présidents a fixé à cinq minutes le temps de parole dont chaque groupe dispose pour cette discussion.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, comment ne pas se féliciter de l'augmentation des crédits alloués au secrétariat général de la défense nationale ? Ils sont en hausse de 24 % par rapport aux crédits votés pour 2000 et ils répondent, notamment, aux nouveaux risques liés à la société de l'information.
Cette augmentation, qui succède à celle de 1999, met fin aux diminutions importantes des années précédentes, dues en partie à une réforme entreprise en 1995. A cet effet, 26 postes seront créés en 2001, portant ainsi l'effectif du Secrétariat de 241 à 267 personnes.
Le renforcement de sa mission première de coordination interministérielle dans le domaine de la défense et de la sécurité montre la volonté du Gouvernement de réaffirmer le rôle du SGDN.
Cela est confirmé tant par les nouveaux moyens mis à sa disposition que par les appels renouvelés à sa compétence, à l'instar des fonctions de synthèse, d'évaluation et de mise en valeur du renseignement qu'il remplit. Je me félicite, à cette occasion, comme le rapporteur spécial, M. Michel Moreigne, que les crédits destinés au comité interministériel du renseignement, le CIR, soient désormais identifiés.
Instrument privilégié du Gouvernement pour l'exercice de ses responsabilités, le SGDN est également conduit à travailler en liaison étroite avec la présidence de la République. A ce double titre, c'est un moyen essentiel de notre stratégie de défense.
Particulièrement soucieux du développement des « nouvelles menaces » qui pèsent sur la France, il apparaît que le SGDN, sous l'impulsion de M. Jean-Claude Mallet, a su s'adapter et anticiper. Je voudrais mentionner particulièrement son implication dans l'élaboration d'un programme de défense civile, un chantier où beaucoup reste à faire et où il y avait une certaine urgence.
Cette année, l'accent est mis sur les risques d'intrusion informatique de plus en plus importants. Le SGDN doit poursuivre son rôle d'identification et de surveillance des risques affectant la sécurité des systèmes d'information.
Enfin, je voudrais souligner l'importance du SGDN dans le cadre des travaux sur l'Europe de la défense. Le secrétariat coordonne la réflexion interministérielle sur les projets européens et internationaux qui concernent l'harmonisation des règles. Il met en cohérence notre politique d'accords de sécurité avec notre politique de coopération de défense, conformément à son rôle d'autorité nationale de sécurité. La direction des affaires internationales et stratégiques s'est investie dans de nombreuses missions liées aux échéances et aux crises internationales.
Ainsi, lors du conflit du Kosovo, ses capacités d'évaluation et de mise en valeur du renseignement dans le processus de décision se sont confirmées. Plus largement, je profite de l'occasion pour rendre hommage à tous les personnels du SGDN leurs compétences et leur dévouement sont unanimement appréciés.
Afin que les efforts engagés par le Gouvernement pour redonner au SGDN les moyens de remplir ses missions soient poursuivis, je voterai ce projet de budget. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget. Monsieur le président, monsieur le rapporteur spécial, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite remercier, tout d'abord, M. Michel Moreigne de la qualité de son rapport.
Instrument de coordination interministérielle en matière de défense et de sécurité, le secrétariat général de la défense nationale bénéficiera en effet, en 2001, d'une nouvelle impulsion, dans le prolongement de l'effort déjà réalisé par le Gouvernement en 2000 et que M. Moreigne a bien voulu souligner et saluer.
Ce budget du secrétariat général de la défense nationale qui vous est présenté s'élèvera ainsi à 193,12 millions de francs, soit une progression de 23 %. Ce chiffre, il convient de le préciser, inclut la subvention de l'Etat à l'Institut des hautes études de la défense nationale. Compte tenu des différentes mesures de consolidation d'emplois et de transformation, l'effectif budgétaire du SGDN s'établira, en 2001, à un total de 267 agents, enregistrant une progression de 26 postes.
Depuis deux ans, le SGDN a tout à la fois recentré ses missions sur l'animation interministérielle et développé les efforts dans les domaines prioritaires de l'action du Gouvernement. Ces efforts connaissent une traduction budgétaire concentrée dans trois secteurs principaux : d'abord, la sécurisation des systèmes d'information de l'administration et des services publics ; ensuite, la coordination des moyens civils ou militaires en matière de défense et de sécurité ; enfin, la surveillance et le contrôle des exportations de matériels de guerre.
Le programme d'action pour la société de l'information, développé sous l'impulsion du Premier ministre, comporte désormais un important volet en matière de sécurité, dans lequel le SGDN joue un rôle central.
Un directeur chargé de la sécurité des systèmes d'information a été nommé en conseil des ministres, en mars dernier. Il doit mettre en place un instrument moderne et efficace, qui partagera son action entre des activités d'agrément et de caution de produits de sécurité informatique, d'aide et d'intervention au bénéfice des administrations, et de recherche dans les domaines scientifiques et techniques de la sécurité des systèmes d'information.
Parmi ses missions opérationnelles, cette direction accueille en son sein le centre d'alerte et de riposte aux attaques informatiques, qui a commencé à fonctionner lors du passage à l'an 2000.
La direction centrale de la sécurité des systèmes d'information verra, dans le budget pour 2001, son effectif augmenter de près d'une vingtaine de postes d'ingénieur et de technicien, cette augmentation faisant suite à un effort engagé dans la loi de finances de 2000.
D'autres postes sont également ouverts au titre du contrôle des exportations de matériels de guerre. En effet, il s'agit d'un enjeu majeur pour le Gouvernement, qui veille à l'application rigoureuse de la réglementation dans le cadre d'une politique cohérente avec nos engagements européens et internationaux.
Le troisième trait saillant de ce projet de budget est la poursuite du renforcement du programme civil de défense, comme ont bien voulu le souligner M. le rapporteur spécial et M. Delfau. Dans le prolongement des décisions qui avaient été prises pour le budget de 2000, ce programme est centré sur deux objectifs : la sécurisation des transmissions gouvernementales, d'une part, les mesures de prévention et de lutte contre les actes de terrorisme nucléaire, radiologique, bactériologique ou chimique, d'autre part.
Ses crédits sont portés en 2001 à 25 millions de francs, contre 17 millions de francs en 2000. Cet ensemble doit permettre une progression significative de la mise en place de moyens cohérents de gestion de crise sur notre territoire.
Au total, ce projet de budget pour 2001 s'inscrit dans la continuité de l'effort qui a été entrepris en 2000 et traduit la priorité que le Gouvernement accorde à l'amélioration de la prise en compte interministérielle des questions de défense et de sécurité, à la lutte contre les risques nouveaux liés à la société de l'information et au renforcement de la cohérence des politiques publiques en matière de défense et de sécurité. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen. - M. Delfau applaudit également.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le secrétariat général de la défense nationale et figurant aux états B et C.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : 25 400 329 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.

(Ces crédits sont adoptés.)

ÉTAT C

M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 42 000 000 francs ;
« Crédits de paiement : 21 000 000 francs. » Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant le secrétariat général de la défense nationale.

III. - CONSEIL ÉCONOMIQUE ET SOCIAL

M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant les services du Premier ministre : III. - Conseil économique et social.
La parole est à Mme le rapporteur spécial.
Mme Maryse Bergé-Lavigne, en remplacement de M. Claude Lise, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Des obligations urgentes nécessitant sa présence dans son département géographiquement lointain, la Martinique, M. Claude Lise, rapporteur spécial des crédits du Conseil économique et social, vous demande, monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, de bien vouloir excuser son absence. Il m'a confié le soin de rapporter ces crédits, ce que je fais avec plaisir.
L'an dernier, notre collègue Claude Lise vous avait fait part des intentions du nouveau président du Conseil économique et social, M. Jacques Dermagne, de donner à cette institution un nouveau souffle. Comme l'on pouvait s'y attendre, le projet de budget pour 2001 reflète cette volonté, qui justifie l'attention toute particulière dont il fait l'objet. Le budget s'élève à 205 millions de francs et progresse de plus de 8 %.
A la suite de l'étude réalisée par M. Raphaël Hadas-
Lebel, le Conseil économique et social a, le 15 mars dernier, débattu en séance plénière de ses nouveaux projets.
Parmi les réformes engagées, certaines ont des traductions budgétaires importantes, d'autres relèvent de l'organisation et des méthodes.
Le bureau du Conseil économique et social a souhaité créer deux services supplémentaires : un service de la communication, afin d'accroître la notoriété de ses travaux - il bénéficiera de deux nouveaux emplois budgétaires - et un service des relations internationales, afin, d'une part, d'assurer le secrétariat exécutif de la toute nouvelle Association internationale des conseils économiques et sociaux et institutions similaires, et, d'autre part, de répondre aux nombreuses demandes de ses homologues étrangers en matière de formation des cadres et d'accueil de délégations. Ce service nécessitera la création de trois emplois.
Les nouvelles dépenses consacrées au personnel s'élèveront à 3,4 millions de francs.
Ces nouvelles entités administratives auront besoin d'équipement et de locaux. C'est pourquoi les dépenses de matériel se voient dotées de 20,08 millions de francs, soit une augmentation de près de 80 % par rapport aux crédits pour 2000. Outre l'équipement des services, l'accent sera mis sur le développement des moyens informatiques et d'impression.
S'agissant de l'équipement administratif, la demande de crédits s'élève à 5,4 millions de francs - en autorisations de programme comme en crédits de paiement - et ne retrouve pas son niveau de 1999, ce qui est regrettable.
Du point de vue des méthodes de travail, certaines décisions n'ont pas d'incidence budgétaire, mais sont néanmoins importantes.
Le Conseil a décidé de pratiquer la « transversalité », c'est-à-dire de faire travailler plusieurs sections ensemble sur un même sujet. Il a déjà mis en oeuvre, avec succès, cette pratique au cours de l'élaboration de son rapport consacré au naufrage du pétrolier Erika. Il a, en outre, été décidé d'établir pour l'avenir un programme de travail qui regroupera les « orientations prioritaires » du Conseil. Ainsi, la nature des travaux du Conseil offrira une plus grande lisibilité.
Par ailleurs, il a été décidé de renouer les liens, depuis longtemps distendus, avec les conseils économiques et sociaux régionaux, les CESR. A cette fin, un réseau Intranet sera mis en place et les CESR seront désormais régulièrement consultés dans le cadre de la préparation des rapports et des avis.
En conclusion, je tiens à me féliciter des nouveaux projets de cette institution. Le Sénat doit se montrer attentif à son évolution. Il est aussi de son devoir de prendre l'habitude de consulter plus fréquemment les rapporteurs du Conseil économique et social.
Au vu de ces éléments, la commission des finances vous propose, mes chers collègues, d'adopter les crédits de ce budget. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen. - M. Delfau applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite d'abord rendre hommage au rapport de M. Lise, que Mme Bergé-Lavigne a bien voulu présenter en son nom.
M. Jacques Dermagne, président du Conseil économique et social, avait en effet présenté au Premier ministre un plan ambitieux de modernisation impliquant un accroissement des moyens de fonctionnement de l'assemblée du palais d'Iéna.
Le projet de budget pour 2001 qui vous est soumis aujourd'hui, traduit clairement cette demande. En effet, les crédits du Conseil économique et social augmentent de plus de 8 % par rapport à la loi de finances pour 2000 et atteindront 205 millions de francs. Ce budget regroupe l'ensemble des moyens qui permettent au Conseil économique et social d'accomplir ses missions.
Ainsi, 14,4 millions de francs de mesures nouvelles sont prévues au titre des dépenses ordinaires.
L'essentiel des mesures nouvelles porte sur le chapitre relatif aux moyens matériels de fonctionnement, qui passe de 11,3 millions de francs en 2000 à 20 millions de francs en 2001. Environ un quart de ces crédits supplémentaires seront consacrés aux équipements informatiques, le reste étant principalement destiné à développer la politique de communication ainsi que l'action internationale, comme l'a rappelé à l'instant Mme Bergé-Lavigne. Le Conseil économique et social assure en effet le secrétariat permanent de l'Association internationale des conseils économiques et sociaux et institutions similaires, instaurée en 1999. Les cinq emplois créés sont destinés aux services de la communication et des relations internationales.
L'ensemble des formations du Conseil économique et social bénéficieront de moyens de fonctionnement plus modernes sur le plan informatique et bureautique, en particulier grâce à une mise en réseau des installations préalable à la création d'un réseau Intranet.
Enfin, une dotation de 5,4 millions de francs en autorisations de programme et en crédits de paiement est prévue pour la poursuite du programme d'entretien et de rénovation du Palais d'Iéna.
Le renforcement des moyens mis en place dans le cadre du projet de budget pour 2001 permettra à cette assemblée de renforcer, conformément au voeu de son président, sa participation au débat public, en faisant mieux entendre le point de vue de la société civile organisée.
Le Gouvernement apprécierait infiniment que les crédits du Conseil économique et social soient adoptés par le Sénat. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen. - M. Delfau applaudit également.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le Conseil économique et social et figurant aux états B et C.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : 14 807 641 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. Je constate que ces crédits ont été adoptés à l'unanimité.

ÉTAT C

« Titre V. - Autorisations de programme : 5 400 000 francs ;
« Crédits de paiement : 5 400 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. Je constate que ces crédits ont été adoptés à l'unanimité.
Nous avons achevé l'examen des dispositions de projet de loi de finances concernant le Conseil économique et social.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante-cinq, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Jean Faure.)

PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
vice-président

M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons l'examen des dispositions du projet de loi de finances pour 2001, adopté par l'Assemblée nationale.

IV. - PLAN

M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant les services du Premier ministre : IV. - Plan.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Claude Haut, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous épargnerai une présentation fastidieuse des crédits. Je vous rappellerai simplement que le budget du Plan pour 2001 s'élève à 167 millions de francs et qu'il est en augmentation de 4,6 % par rapport à l'année dernière.
Je préfère en effet, dans le temps limité qui m'est imparti, vous présenter les actions menées par le Commissariat général du Plan, les réformes en cours et celles à venir, ainsi que les inflexions budgétaires qui les accompagnent.
Je commencerai par la relance de l'évaluation des politiques publiques, l'une des missions majeures du Commissariat général du Plan qui a été, à mon avis, injustement critiquée à l'Assemblée nationale.
Je vous rappelle que le nouveau dispostif interministériel d'évaluation des politiques publiques a été mis en place à la fin de l'année 1998. Depuis lors, cinq évaluations ont été arrêtées en 1999. S'il est vrai que les délais de constitution de ces instances ont été plus longs que prévu, trois instances d'évaluation sur cinq devraient rendre leurs travaux au cours du premier semestre 2001.
Le rapport concernant la politique du logement social dans les départements d'outre-mer devrait être terminé à l'automne 2001.
Si ces prévisions sont respectées, quatre instances sur cinq auront remis leurs travaux dans un délai d'environ deux ans, ce qui constitue un réel progrès par rapport à l'ancienne procédure.
Notons également que, le 12 octobre dernier, M. le Premier ministre a décidé trois nouvelles évaluations concernant la sécurité routière, la politique de formation continue des agents de l'Etat et les politiques de développement rural. La composition de ces instances devrait être arrêtée avant la fin de l'année pour éviter les retards précédemment constatés.
J'estime ces résultats plutôt encourageants. Ils justifient le maintien à niveau de l'enveloppe destinée au fonds national de développement de l'évaluation, le FNDE, soit 6,5 millions de francs. Je veillerai cependant, monsieur le ministre, au respect des délais auxquels le Commissariat général du Plan et le Conseil national de l'évaluation, le CNE, se sont engagés.
Après une réforme en cours, j'évoquerai une réforme à venir : celle de la procédure d'évaluation des contrats de plan Etat-région, les CPER.
En effet, face à un bilan mitigé de l'évaluation des contrats de plan 1994-1999 - seulement 54 % des crédits initialement prévus ont été consommés - et pour répondre aux critiques émises par la Cour des comptes sur ce sujet, le Commissariat général du Plan a préparé une réforme du dispositif existant. Une circulaire du Premier ministre du 25 août 2000 modifie, en tentant de l'accélérer, la procédure d'évaluation des CPER.
Les points les plus novateurs de la réforme sont les suivants : tout d'abord, les régions qui auront défini une programmation annuelle de leurs évaluations obtiendront directement délégation en début d'année de 75 % des crédits qui leur étaient affectés ; par ailleurs, les 25 % de crédits restant devront financer un appui méthodologique aux régions et encourager les évaluations interrégionales ; enfin, chaque région devra réaliser un bilan à mi-parcours des évaluations engagées.
Tout en m'interrogeant sur la rapidité de mise en oeuvre d'une réforme qui s'applique à une procédure elle-même assez lourde - celle de l'élaboration des quatrièmes contrats de plan Etat-région 2000-2006 - je note avec satisfaction que cette tentative est étayée par un doublement de l'enveloppe - elle passe de 5 millions de francs à 9,7 millions de francs - consacrée à l'évaluation des contrats de plan Etat-région dans le projet de budget du Plan.
Je souhaiterais cependant que cette augmentation des crédits permette également au Commissariat général du Plan d'étoffer ses effectifs afin de réaliser au mieux sa mission de suivi de l'évaluation des contrats de plan.
Après une réforme à venir, j'en arrive à une réforme aboutie : il s'agit de celle du Conseil supérieur de l'emploi, des revenus et de la cohésion sociale, le CERC, créé par un décret du 7 avril 2000. Ses membres ont été nommés le 23 mai dernier et M. Jacques Delors en assure la présidence. Un renforcement des effectifs et des moyens de fonctionnement accompagne cette réforme puisque les crédits augmentent de près de deux millions de francs.
Je terminerai mon propos en évoquant les nouvelles missions du Commissariat général du Plan.
En 1998, le Premier ministre rappelait la « fonction particulière » du Commissariat général du Plan dans le dispositif français de préparation des décisions gouvernementales : « animateur de l'analyse prospective et stratégique, lieu privilégié de la concertation socioprofessionnelle, programmateur et évaluateur des politiques publiques ». Dans le cadre de ces nouvelles missions, il demandait au Commissariat général du Plan un rapport sur les perspectives de la France.
Ce rapport a été rendu public le 6 juillet 2000 et transmis pour avis, par le Premier ministre, au Conseil économique et social. Celui-ci a rendu son avis mercredi 29 novembre dernier, et il n'est pas excessif de dire que le Conseil économique et social a été très critiqué sur les conclusions contenues dans le rapport du Plan. Je ne partage par cette position, mais il me serait agréable, monsieur le ministre, de connaître votre sentiment sur ce point qui semble s'apparenter à un conflit de compétences.
Au cours de la même semaine, et je m'en réjouis, le commissaire au Plan a été conforté dans la qualité de ses travaux par une nouvelle lettre de mission de M. le Premier ministre du 27 novembre dernier, qui fixe un nouveau « programme de travail » au Plan, inspiré en grande partie des conclusions du rapport sur les perspectives de la France. M. le Premier ministre a demandé en effet au Commissariat général du Plan d'axer son nouveau programme d'action sur trois grands thèmes : le retour au plein emploi, le renforcement de la cohésion sociale et les nouvelles régulations publiques.
M. le Premier ministre rappelle également, dans sa lettre, que, après avoir pris connaissance de l'avis du Conseil économique et social, il transmettra le rapport aux assemblées parlementaires en l'accompagnant d'une lettre indiquant les principaux enseignements que le Gouvernement entend en tirer pour son action. Ne serait-il pas alors possible d'envisager que le Parlement puisse donner son avis sur ces sujets essentiels pour l'avenir de notre pays ?
En conclusion, mes chers collègues, et au regard des différentes observations positives dont je vous ai fait part, la commission des finances vous invite à adopter les crédits du Plan pour 2001. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur pour avis.
Mme Janine Bardou, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans une lettre du 31 mars 1998 adressée au commissaire général au Plan, M. le Premier ministre avait fixé trois objectifs aux travaux d'analyse et de prospective que poursuit le Commissariat : il s'agissait pour lui de contribuer à développer l'économie française, dans le cadre de la mondialisation et de l'intégration européenne, à renforcer la cohésion sociale et à moderniser les instruments de l'action publique.
C'est à travers ces orientations générales que je tenais à rappeler, en guise d'introduction, qu'il convient d'examiner les travaux du Commissariat général du Plan et spécialement ceux qu'il mène en matière d'évaluation des politique publiques. C'est sur eux que je centrerai mon propos.
En effet, le nouveau régime applicable aux évaluations semble menacé par des tropismes analogues à ceux qui caractérisaient le système antérieur à 1998 : complexité des décisions, lenteur des procédures qui nuisent à la crédibilité même des efforts mis en oeuvre par le Commissariat général du Plan pour obtenir des résultats dans un délai raisonnable.
Or, le Commissariat général du Plan intervient à un double titre dans l'évaluation des politiques publiques puisqu'il tient le secrétariat du Conseil national de l'évaluation et qu'il contribue à l'évaluation des contrats de plan Etat-région.
En 1998, nous nous étions réjouis de l'abrogation du décret de 1992 sur l'évaluation qui, en prévoyant des procédures trop pesantes, empêchait, en pratique, de réaliser des évaluations dans un délai raisonnable. Nous craignons, à présent, que les nouvelles dispositions instituées en 1998 ne permettent de réaliser que de faibles progrès en la matière.
Le décret n° 98-1048 du 18 novembre 1998 relatif à l'évaluation des politiques publiques confère au Plan un rôle éminent en matière d'évaluation. Il prévoit que le secrétariat du Conseil national de l'évaluation sera tenu par le Commissariat général du Plan, lequel pourra, en outre, proposer les suites à donner aux évaluations relatives à des politiques de l'Etat. Désormais, le Plan élabore les projets d'évaluation avec les administrations concernées et relance, le cas échéant, les ministères qui n'auraient pas transmis de projets d'évaluation au Conseil national de l'évaluation. Ce dernier intervient ensuite tout au long du processus d'évaluation.
Je note au passage que, bien que le décret précité ait accordé aux collectivités locales la faculté de saisir le Commissariat général du Plan d'une demande d'évaluation, aucune n'y a, pour le moment, eu recours, ce que, pour ma part, je trouve dommageable. Elles pourraient cependant utilement le faire, d'autant que les crédits destinés à financer ces évaluations ne sont pas tous consommés. C'est pourquoi je souhaite que l'Etat informe les collectivités locales de la possibilité qui leur est ouverte de recourir aux services du Plan pour mettre en oeuvre des évaluations et pour bénéficer, à cette occasion, des crédits du fonds national d'évaluation.
En théorie, la mise en oeuvre de la procédure d'évaluation est relativement souple.
En réalité, l'application de la réforme de l'évaluation est lente et difficile. Ainsi, le Conseil national de l'évaluation est censé établir un programme de travail annuel selon une procédure qui, si l'on en croit une circulaire du 28 décembre 1998, est destinée à être « plus simple, plus efficace et plus rapide que le dispositif précédent ».
Hélas ! depuis la fixation, le 13 juillet 1999, d'une liste de cinq thèmes d'évaluation, force est de constater que les retards et les délais se sont accumulés. Alors que, selon les informations communiquées en 1999, la durée des travaux, en théorie, ne devait pas dépasser un an, sauf cas exceptionnel, aucune évaluation n'a été réalisée avant le 13 juillet 2000. Pire, l'installation des instances d'évaluation s'est échelonnée entre décembre 1999 et mai 2000, tandis que la publication prévue de ces travaux s'échelonne entre mars 2001 et le deuxième trimestre 2001.
Je m'étonne, en conséquence, de la lenteur avec laquelle est mis en oeuvre le décret du 18 novembre 1998 et je constate que le nouveau programme d'évaluation n'a toujours pas été rendu public par le Premier ministre qui indiquait pourtant, dans sa circulaire du 28 décembre 1998, que « l'un des dysfonctionnements manifestes du dispositif antérieur a été la durée excessive des travaux d'évaluation ».
L'ensemble de ces observations valent, au demeurant, pour l'évaluation de la nouvelle génération de contrats de plan Etat-région signés pour la période 2000-2006. Là encore, il importe que l'exécutif traduise en actes les nombreuses déclarations d'intention qu'il a faites, à l'occasion de l'examen des derniers projets de loi de finances, s'agissant de son désir réel - on ne peut en douter - de favoriser une évaluation rapide et transparente.
La crédibilité du système d'évaluation - s'agissant spécialement de l'évaluation des contrats de plan - est mise à mal par l'état de fait que je viens de décrire ! La politique est ambitieuse, mais les actes suivront-ils ? On peut parfois en douter, et je ne cacherai pas ma perplexité à ce sujet.
La commission des affaires économiques, tout en restant consciente de la difficulté de mettre en oeuvre des procédures complexes, a cru de son devoir de signifier clairement au Gouvernement que celui-ci devait absolument accélérer le rythme de réalisation de son évaluation des politiques publiques. Cela permet de mettre en exergue le travail tout à fait remarquable accompli au sein du Commissariat général du Plan.
En conclusion, j'indique que la commission s'en est remise à la sagesse du Sénat sur les crédits du Plan. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président. J'indique au Sénat que la conférence des présidents a fixé à cinq minutes le temps de parole dont chaque groupe dispose pour cette discussion.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat budgétaire sur les crédits du Plan n'a, à proprement parler, pas de portée significative eu égard à la modicité des sommes en jeu.
Les crédits ouverts sont en effet d'un montant faible, à savoir environ 170 millions de francs, soit le dix millième des dépenses publiques, et correspondent essentiellement aux sommes nécessaires au fonctionnement du Commissariat général du Plan, inscrites au titre III.
Nous pouvons également mettre en évidence, dans ces crédits budgétaires, les sommes destinées, au titre IV, au financement des instituts de prospective et d'analyse économique de long terme, et souligner leur faible progression.
On constatera cependant que l'augmentation la plus significative des crédits inscrits pour 2001 affecte l'évaluation des effets de la mise en oeuvre des contrats de plan Etat-région.
Il convient de souligner également la sensible majoration des crédits du Conseil supérieur de l'emploi, des revenus et des coûts. Cette orientation traduit clairement la volonté politique affichée par le Gouvernement de disposer d'un outil d'évaluation de l'influence des politiques publiques, au plus près des besoins et des exigences du temps.
De fait, les choix budgétaires traduits par le montant des crédits du ministère des finances pour ce chapitre laissent ouverte la question, que je souhaite maintenant aborder, de la pertinence des analyses et des études menées.
Dans un contexte de croissance économique mais qui entraîne des effets manifestement contradictoires sur le plan social, nous devons disposer d'un outil de mesure de l'influence de la dépense publique et de sa capacité à favoriser le partage de la richesse créée.
Il serait difficile de ne pas mettre en évidence les divergences réelles qui existent, même si l'ensemble des organismes et instituts financés par les crédits du Plan semblent d'accord sur le constat quant à l'appréciation des méthodes et des orientations à suivre en matière de dépenses publiques.
Il y a ainsi controverse sur la question des priorités de la réforme fiscale, controverse sur les conséquences de la réduction négociée du temps de travail et controverse sur la priorité à accorder aux allégements de cotisations sociales pour les salaires les plus faibles. Cette controverse n'est pas, en fait, un simple débat entre spécialistes de la macroéconomie ou de la planification : c'est aussi l'illustration de la réalité sociale telle que nous la vivons.
Il est en effet manifeste, notamment à la lecture des comptes de la nation et à l'examen de l'évolution des différents paramètres du revenu disponible, que les fruits de la croissance que nous connaissons depuis 1997 sont fort inégalement répartis et que nombre des maux dont la France souffrait avant cette phase de croissance sont encore d'actualité et, de fait, encore bien plus insupportables.
Les outils que l'analyse économique ou socioéconomique nous donne pour mesurer l'importance du chômage, de l'exclusion sociale et des inégalités de revenus doivent, de notre point de vue, être utilisés pour définir des politiques publiques à la fois judicieuses et audacieuses. Cela nous amène, dans ce débat comme dans certains autres que nous avons eus et que nous aurons encore au cours de cette deuxième partie de l'examen du projet de loi de finances, à nous interroger sur le déclin de la dépense publique et sur sa norme de progression limitée ainsi que sur la qualité de cette dépense, quand il s'agit, par exemple, d'alléger les cotisations sociales pesant sur les bas salaires.
En effet, nous affirmons en toute sérénité que de telles dispositions incitent fortement à l'« écrasement » de la masse salariale et à la non-reconnaissance des qualifications et des formations des salariés, ce qui pèse naturellement sur la croissance, par manque de pouvoir d'achat.
Il faut donc, à la lumière de l'expérience, repenser certaines des priorités qui ont pu être choisies dans le passé.
Quant au problème de la dépense publique, il importe, à notre avis, de le penser aussi en termes de dynamique, et non pas seulement selon la formulation où d'aucuns l'enferment, c'est-à-dire celle de la stricte comptabilité. La dépense d'aujourd'hui, mes chers collègues, est souvent l'économie de demain.
Ainsi, pour ne pas avoir, dans les années soixante et soixante-dix, dépensé les sommes nécessaires à la réalisation d'un parc de collèges et de lycées de qualité, nous nous sommes retrouvés, dans les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix, face au coût élevé de la remise à niveau du patrimoine scolaire, au plan tant qualitatif que quantitatif. En outre, je n'évoque pas ici l'effet induit par l'échec scolaire sur le marché de l'emploi ou sur les dépenses sociales de l'Etat et des collectivités locales...
Ce sont là des débats qui, traversant naturellement toute notre activité parlementaire, sont aussi liés à cette discussion des crédits du Plan.
Pour l'heure, nous voterons ce projet de budget, en souhaitant qu'il puisse effectivement contribuer à donner toute sa valeur à l'intervention publique, dans un climat de croissance économique à conforter.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi, au nom de Mme le secrétaire d'Etat au budget, de vous présenter les crédits du Plan et de répondre, par là même, à un certain nombre d'interrogations qui ont été formulées aussi bien par vos rapporteurs que par Mme Beaudeau.
Je souhaite vous remercier, monsieur Haut, de la qualité de votre rapport. Comme vous l'avez souligné, le projet de budget du Plan prévoit 167,28 millions de francs en crédits de paiement, et les dotations inscrites sont en augmentation de 4,6 % par rapport à celles de l'année précédente.
Cette différence s'explique, d'abord, par la mise à niveau des crédits d'évaluation dans les contrats de plan Etat-région visant à honorer l'engagement pris par le Gouvernement de maintenir le montant de ces crédits déconcentrés à six dix millièmes de la part financée par l'Etat.
De plus, le nouveau Conseil de l'emploi, des revenus et de la cohésion sociale verra ses moyens sensiblement renforcés par le doublement de ses crédits d'étude, qui passent de 0,9 million de francs à 2 millions de francs, et par la création de deux emplois supplémentaires de rapporteur.
Dans l'optique de la relance de l'action du Commissariat général du Plan et du programme de travail fixé par le Premier ministre dans sa lettre du 31 mars 1998, des travaux de type sectoriel ont été engagés. Les conclusions de la plupart d'entre eux ont été livrées.
Au-delà de ce programme, des commandes spécifiques ont été honorées, telles que l'Avenir de nos retraites, en 1999, et Etudes économiques prospectives de la filière électrique nucléaire, en 2000. D'autres sont en cours de traitement, qui concernent le calcul de la rentabilité des infrastructures de transport et les organismes génétiquement modifiés.
Ces travaux sectoriels ont, dans une large mesure, alimenté le Rapport sur les perspectives de la France que le Premier ministre a chargé le Commissariat général du Plan de réaliser.
A l'issue d'une procédure ouverte et d'une large concertation, ce rapport, rendu public le 6 juillet 2000, analyse les transformations de la société et de l'économie : renouvellement du contrat entre les générations, évolution des rôles masculin et féminin, révolution de l'information, construction européenne et apparition de nouvelles dynamiques territoriales, changements du travail, émergence de nouveaux risques.
Le rapport a été transmis par le Premier ministre au Conseil économique et social, qui a rendu son avis la semaine dernière. Il sera communiqué aux assemblées parlementaires, accompagné d'une lettre du Premier ministre indiquant les principaux enseignements que le Gouvernement entend en tirer pour mener son action.
L'avis du Conseil économique et social a été critique sur certains points de méthode tels que l'insuffisante prise en compte des opinions des associations et des citoyens, le fait que certains sujets n'ont selon lui pas été traités, comme l'immigration ou l'agriculture, et enfin l'absence de scénario prospectif. En revanche, le Conseil économique et social a fait part de son accord très large sur le diagnostic prospectif et une nette convergence de vues est apparue s'agissant des préconisations.
Un nouveau programme d'évaluation vient d'être arrêté par le Premier ministre par lettre en date du 27 novembre, ce qui répond, je crois, au voeu de la commission des affaires économiques du Sénat. Ce programme comprend seize thèmes articulés autour de trois axes : le retour au plein emploi, le renforcement de la cohésion sociale et les nouvelles régulations publiques.
Parallèlement, le Gouvernement a confié au Commissariat un rôle important dans deux dispositifs interministériels : l'évaluation des politiques publiques et la mise en place des contrats de plan Etat-région.
Le Gouvernement a en effet entendu relancer le dispositif interministériel d'évaluation des politiques publiques. Cinq thèmes d'évaluation ont été choisis en 1999 et trois autres l'ont été lors du CIRE, le Comité interministériel pour la réforme de l'Etat, du 12 octobre 2000. M. le rapporteur spécial a souligné la nécessité de nommer rapidement les instances d'évaluation, afin de ne pas prendre de retard dans le processus ; le Gouvernement est conscient de cet impératif, et je puis vous indiquer que les présidents des instances seront nommés avant la fin de cette année.
Madame Beaudeau, le Gouvernement partage votre souci de mettre en oeuvre les outils permettant de mieux évaluer les politiques publiques, pour mieux éclairer les choix sociaux et économiques que nous sommes amenés à faire. Avec la création du Conseil national de l'évaluation, le CNE, en février 1999, le Gouvernement a marqué l'intérêt qu'il porte à la mesure de l'efficacité des politiques publiques, en corrigeant les défauts du dispositif de 1990. Je rappellerai que huit évaluations ont été engagées depuis la création du CNE, alors qu'auparavant onze seulement avaient été réalisées en sept ans.
Des objectifs mieux explicités, une mesure plus précise des résultats obtenus, des comptes plus complets, au total, une action publique équitable et efficace : voilà, me semble-t-il, des axes pour la réforme de l'Etat qui seront mieux pris en compte dans l'avenir.
En ce qui concerne l'évaluation des contrats de plan Etat-région, le Gouvernement a entendu modifier et accélérer la procédure, ce qui a été fait par le biais d'une circulaire du Premier ministre en date du 25 août 2000. La procédure a, dans le passé, été tributaire des projets d'évaluation élaborés de manière conjointe par les préfets de région et les présidents de conseil régional. Une mobilisation inégale a été constatée suivant les régions, ce qui explique le taux de consommation des crédits de 54 % auquel il a été fait référence pour l'évaluation de la précédente génération des contrats de plan. En incitant à la programmation par une délégation en début d'année de 75 % des crédits, en instaurant un mécanisme d'assistance méthodologique, en réservant une partie des crédits au financement d'évaluations conduites dans le cadre de plusieurs régions et en prévoyant une évaluation à mi-parcours des contrats de plan, nous entendons résolument accroître l'efficacité du nouveau dispositif.
Ce programme de travail ambitieux manifeste la détermination du Gouvernement à maintenir à un haut niveau l'action du Commissariat général du Plan (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le Plan et figurant aux états B et C.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : 8 531 357 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. « Titre IV : 2 890 039 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.

(Ces crédits sont adoptés.)

ÉTAT C

M. le président. « Titre VI. - Autorisations de programme : 3 300 000 francs ;
« Crédits de paiement : 1 650 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant le Plan.

Budget annexe des Journaux officiels



M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant le budget annexe des Journaux officiels.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Thierry Foucaud, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget annexe qui nous est présenté pour 2001 est en hausse de 3,85 % et s'établit à 1,269 milliard de francs, dont 4 millions de francs issus d'un prélèvement sur le fonds de roulement. Globalement, les crédits destinés aux dépenses d'exploitation augmentent de 1,14 %, tandis que les recettes s'accroissent de plus de 3 %.
En 2001, le budget annexe des Journaux officiels sera une nouvelle fois en excédent et le reversement au Trésor s'élèvera à 279 millions de francs, soit une progression de 13 %.
J'en viens aux trois observations que m'inspire ce budget.
La première concerne les recettes. Les excédents croissants de ce budget s'expliquent par le formidable dynamisme des annonces. Elles représentent 90 % des recettes. Mais, pour la première fois cette année, les tarifs pratiqués connaissent des évolutions : certaines annonces sont désormais gratuites, et je m'en félicite. En effet, par décret, le Gouvernement a rendu gratuites celles qui sont passées au Bulletin officiel des annonces légales et commerciales, afin d'alléger les frais de constitution des sociétés commerciales. Le manque à gagner est estimé à 150 millions de francs en 2001.
De plus, depuis le 1er juillet 2000, les annonces passées au Bulletin officiel des annonces des marchés publics peuvent être saisies directement par les annonceurs via Internet. Lorsqu'ils choisissent cette procédure, ils bénéficient d'une remise de 20 % sur le tarif habituel.
A terme, donc, les recettes d'annonces risquent de stagner sans que l'on puisse espérer un redressement des autres recettes, concurrencées par l'extension de la diffusion numérique gratuite. Je regrette que le budget qui nous est présenté ne prenne pas assez en compte ces évolutions.
Ma deuxième observation concerne le programme d'investissement. En 2000, les ateliers de composition et de photogravure ont été fusionnés.
Cette étape technique a consisté en un regroupement d'une dizaine de postes de photograveurs et de compositeurs, au sein d'une même cellule destinée à traiter en même temps le texte et l'image. Cet atelier dit de « compogravure » est appelé progressivement à se développer afin de traiter une très grande partie de la production. Cela se fera à effectif constant. Cependant, certains postes seront sans doute redéployés vers d'autres activités.
Il est absolument nécessaire qu'un effort important de formation soit effectué dans les meilleurs délais afin que la mise en oeuvre des mutations techniques se réalise dans de bonnes conditions.
En 2001, les investissements s'élèveront à 41,96 millions de francs. Ils seront consacrés à l'achat d'une machine cinq couleurs et à une étude d'opportunité d'une évolution des logiciels de saisie : actuellement, le logiciel en place n'est pas compatible avec les standards du marché. Dans ce domaine, la direction des Journaux officiels doit travailler dans l'optique d'une intégration globale des nouvelles technologies de l'information à chacun des stades du processus de production.
Ma troisième observation porte sur la diffusion des données juridiques. Cette année, nous pouvons enfin nous féliciter des évolutions. Le 2 octobre dernier, le Premier ministre a annoncé un certain nombre de mesures, conformes aux conclusions du rapport Mandelkern. Le site « Légifrance » diffusera gratuitement 500 lois et 1 500 décrets. Actuellement, je rappelle que 80 lois seulement sont accessibles. Toutes les conventions collectives ayant fait l'objet d'un arrêté d'extension sur le plan national seront également disponibles.
Enfin, le Premier ministre a annoncé la fin anticipée de la concession faite à ORTélématique, qui a d'ailleurs été rachetée par Reuters l'an dernier. A la suite de notre collègue Marie-Claude Beaudeau, j'avais demandée avec le soutien de la commission des finances, la réintégration des tâches concédées à cette entreprise au sein de la direction des Journaux officiels. Je me félicite donc de cette perspective, tout en m'interrogeant.
L'accès au droit sera désormais gratuit sur Internet, mais les tâches techniques devraient être sous-traitées par une société privée. Je souhaite donc que la direction des Journaux officiels procède à tous les investissements nécessaires dans les années à venir, afin qu'à terme elle puisse elle-même assurer cette mission de service public.
Sous réserve de ces observations, la commission des finances propose au Sénat d'adopter le budget annexe des Journaux officiels ».
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi d'abord de remercier M. Foucaud de la qualité de son rapport.
Le budget annexe des Journaux officiels présente une progression de 3,5 % des recettes et de 1,1 % des dépenses - on aimerait qu'il en fût partout ainsi ! (Sourires) - par rapport aux montants figurant dans la loi de finances de 2000.
L'excédent d'exploitation s'établirait, dans cette hypothèse, à 279,2 millions de francs, intégralement reversés au budget général. En 2000, la loi de finances retenait un excédent de 247 millions de francs.
Le niveau du résultat d'exploitation estimé pour 2001 s'inscrit dans la tendance favorable observée depuis plusieurs années. Néanmoins, il convient de souligner que les conditions de réalisation de cet équilibre connaissent de profondes modifications.
Ainsi, si l'activité des annonces, principale source de recettes, reste toujours soutenue - la progression des recettes du Bulletin officiel des annonces des marchés publics est estimée à 20 % pour 2001 - les Journaux officiels ont dû prendre en compte - vous y avez fait allusion, monsieur le rapporteur spécial - les conséquences de l'instauration, au cours de cette année, de la gratuité des annonces portant création des entreprises.
Par ailleurs, les Journaux officiels intégreront les nouvelles technologies de la communication dans tous les secteurs de leur activité afin de les mettre en oeuvre au profit de nos concitoyens.
Le site Internet de la direction des Journaux officiels, qui a accueilli pas moins de 900 000 visiteurs au cours du premier semestre 2000, offre depuis l'été dernier un accès gratuit au fichier d'annonces de marchés publics. De plus, les personnes publiques peuvent dorénavant saisir directement en ligne leurs annonces de marchés publics.
L'ensemble de ces dispositions très positives ne peut manquer d'affecter néanmoins les recettes de diffusion papier qui, de fait, sont en recul de 11,4 % sur les neuf premiers mois de l'année 2000.
Cette évolution vers la communication électronique oblige la direction des Journaux officiels à un effort permanent d'amélioration et de diversification. A titre d'exemple, les ouvrages importants seront complétés désormais par un cédérom. Par ailleurs, la collection « La loi au quotidien » s'enrichira chaque mois d'un nouveau titre en rapport direct avec les besoins concrets de nos concitoyens. Le premier, qui vient de paraître, traite des problèmes de voisinage.
Les dépenses d'exploitation augmentent très modérément, témoignant de la volonté de maîtrise des coûts.
Les dépenses d'investissement traduisent, quant à elles, la préoccupation d'adapter l'outil de production au nouveau contexte, dans lequel doivent être associées « production papier » et « production électronique », l'amélioration de la qualité des produits devant constituer la résultante des différentes actions.
Dans un contexte toujours très évolutif, la direction des Journaux officiels poursuit avec détermination son action, guidée par le souci d'adapter ses méthodes et sa production au service du citoyen afin de lui donner l'accès le plus rapide et le moins cher au droit en vigueur dans notre pays. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Michel Moreigne. Très bien !
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le budget annexe des Journaux officiels et figurant aux articles 35 et 36 du projet de loi.

Services votés

M. le président. « Crédits : 921 105 812 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits inscrits à l'article 35 au titre des services votés.

(Ces crédits sont adoptés.)

Mesures nouvelles

M. le président. « I. - Autorisations de programme : 43 450 000 francs ;
« II. - Crédits : 347 908 599 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, au titre des mesures nouvelles, les autorisations de programme et les crédits inscrits à l'article 36.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant le budget annexe des Journaux officiels.

Fonction publique et réforme de l'Etat

M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant la fonction publique et la réforme de l'Etat.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Gérard Braun, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais d'abord exprimer devant vous mon vif étonnement face à la désinvolture que manifeste le Gouvernement à l'égard de son devoir d'information des rapporteurs spéciaux. Malgré des demandes maintes fois réitérées, le ministère de la fonction publique et le secrétariat d'Etat au budget ne m'ont toujours pas communiqué les réponses à l'ensemble de mon questionnaire budgétaire, se renvoyant la responsabilité d'y répondre. Cette attitude est inadmissible et montre bien ce qu'il faut penser des déclarations gouvernementales sur la transparence budgétaire.
M. Jean-Philippe Lachenaud. Très bien !
M. Gérard Braun, rapporteur spécial. L'examen des crédits de la fonction publique appelle deux analyses distinctes : la première est juridique et porte sur la présentation des crédits du ministère chargé de la gestion de la fonction publique, qui sont individualisés dans le budget des services généraux du Premier ministre au sein de l'agrégat « Fonction publique ». Ces crédits s'élèvent à 1 422,7 millions de francs en 2001, soit une progression de 8,1 % par rapport à 2000.
M. Jacques Mahéas. C'est normal !
M. Gérard Braun, rapporteur spécial. La seconde analyse est économique et concerne l'ensemble des charges de personnel de l'Etat, c'est-à-dire les crédits de rémunération, les charges sociales et les pensions.
Je ne m'attarderai pas sur les crédits de l'agrégat « Fonction publique », me permettant de vous renvoyer aux chiffres figurant dans mon rapport écrit.
L'examen des charges de personnel de l'Etat est beaucoup plus intéressant, en raison des masses budgétaires en jeu mais aussi des enseignements qu'il convient d'en tirer.
Les dépenses de fonction publique stricto sensu s'élèvent à environ 710 milliards de francs, marquant une progression de 2,3 %, et représentent 42,2 % du budget général.
Surtout, la fonction publique de l'Etat induit des dépenses qui vont bien au-delà des seules charges liées aux fonctionnaires. Hors rebudgétisations, ces dépenses induites étaient, en 1999, de 733 milliards de francs.
Je souhaiterais maintenant vous faire part des trois observations que m'inspirent les dotations allouées à la fonction publique et à la réforme de l'Etat pour 2001.
Première observation, la fonction publique a fait l'objet de nombreux rapports cette année, ce qui n'est bien évidemment pas fortuit.
Ces différents rapports, d'origines diverses, contribuent à nourrir l'information du Gouvernement sur les échéances à venir et à lui proposer des pistes de réforme de la gestion des personnels de l'Etat et du fonctionnement de l'administration. Je considère en effet que l'ensemble de ces rapports trace les axes de réformes ambitieuses, et constitue autant d'incitations à agir.
Il y a d'abord eu le rapport particulier de la Cour des comptes sur la fonction publique de l'Etat, publié en janvier. Sans entrer dans le détail de ces travaux, il convient de rappeler que ce rapport est accablant pour l'Etat employeur : emplois en surnombre ou bloqués, mises à disposition ou détachements injusfitiés ou irréguliers, contrôle des emplois insatisfaisant, parfois à peine ébauché, gestion prévisionnelle des ressources humaines défaillante, voire inexistante, dépenses indemnitaires financées sur des ressources extrabudgétaires, avantages indus sans base juridique, ... et la liste n'est pas close.
Par ailleurs, le Commissariat général du Plan a publié deux rapports importants, dans le cadre du groupe de travail mis en place sur le thème de la gestion de l'emploi public. Tous les deux insistent sur le fait que « la gestion de l'emploi public est au coeur de la réforme de l'Etat », et appellent à tirer parti des départs à la retraite très nombreux au cours des prochaines années, non pour procéder à des recrutements massifs de fonctionnaires, mais pour mettre en oeuvre une gestion active des emplois en opérant, notamment, des redéploiements d'effectifs, et pour entreprendre une reconfiguration des services publics.
Deuxième observation, le Gouvernement n'a pour l'instant tiré aucune conséquence pratique de ces conseils avisés.
En juillet dernier, il a créé un observatoire de l'emploi public, chargé « d'assurer la collecte, l'exploitation et la diffusion de l'information sur l'emploi public ». Je ne peux cependant que m'interroger sur l'utilité réelle des travaux de cette nouvelle structure administrative, compte tenu de l'abondance des informations déjà existantes en la matière. Son véritable objectif n'est-il pas plutôt de gagner du temps et de différer, une fois encore, les indispensables réformes à engager ?
Autre exemple de l'attentisme du Gouvernement, l'absence totale de réformes en matière de retraites dans la fonction publique. Je considère que les nombreux départs à la retraite des agents publics constituent une opportunité qu'il faut saisir pour réduire le nombre de fonctionnaires et doter notre pays d'un Etat moins lourd mais plus efficace.
Je suis également favorable à un alignement de la durée de cotisation des fonctionnaires, aujourd'hui de 37,5 années, sur le droit commun applicable aux salariés du secteur privé, soit quarante ans.
Vous avez vous-même déclaré, monsieur le ministre, que cette éventualité n'était pas à exclure. Pouvez-vous nous dire où en est la réflexion du Gouvernement sur ce point ?
Le coût des pensions de la fonction publique, qui est déjà de près de 200 milliards de francs, va véritablement exploser. Leur charge budgétaire s'est d'ailleurs accrue de 20,8 milliards de francs de 1998 à 2001, soit une progression de 12 % en quatre ans. Pourtant, sur ce point non plus, le Gouvernement n'a engagé aucune réforme, se contentant de créer un conseil d'orientation des retraites.
Enfin, en dépit de vos propos volontaristes, la réforme de l'Etat semble abandonnée. Les axes de réforme ne manquent pas : j'en ai relevé pas moins de dix-sept ! Les circulaires ne manquent pas non plus. En revanche, les actes, eux, sont peu perceptibles.
Certes, un comité interministériel pour la réforme de l'Etat s'est réuni le 12 octobre dernier, mais les trois axes de réforme qu'il a déterminés paraissent bien vagues, ou alors ne constituent que des déclarations d'intention sans portée concrète.
Il semble, en fait, que la réforme de l'Etat ait beaucoup pâti de la capitulation du Gouvernement, en mars dernier, devant les syndicats de l'administration fiscale. Depuis, plus rien ne bouge. Pouvez-vous nous citer des mesures concrètes de réforme de l'Etat intervenues au cours de l'année ?
Troisième observation, le Gouvernement renoue avec les créations massives d'emplois, en dépit du poids croissant des dépenses de fonction publique.
Le projet de loi de finances pour 2001 présente, entre autres caractéristiques, le fait de rompre avec le principe de stabilité du poids de l'emploi public pourtant affiché par le Gouvernement depuis 1997. En fait, il renoue même avec des créations massives d'emplois telles qu'il n'y en avait plus eu depuis le début des années quatre-vingt-dix, et prévoit la création de 11 337 emplois nouveaux.
Je désapprouve fortement cette orientation, estimant qu'elle n'est motivée par aucun argument objectif. Pourquoi, par exemple, recruter plus de 6 600 enseignants supplémentaires...
M. Jacques Mahéas. Demandez-le aux Français !
M. Gérard Braun, rapporteur spécial. ... alors que le nombre des élèves, comme celui des étudiants, ne cesse de diminuer ?
M. Jacques Mahéas. Les Français vous diront le contraire !
M. Gérard Braun, rapporteur spécial. Pour le ministre, quelques milliers de fonctionnaires de plus, je sais que cela n'a pas vraiment d'importance, tant il est vrai que l'on ne connaît pas leur nombre exact et que le Gouvernement ne maîtrise pas les dépenses de l'Etat, en dépit de ses déclarations contraires qui ne trompent désormais plus personne, notamment depuis que la commission des finances a montré que le dérapage des dépenses était récurrent.
Toutefois, ces créations d'emplois publics vont alourdir le poids des dépenses de fonction publique et réduire davantage encore les marges de manoeuvre du budget de l'Etat. A titre d'illustration, il convient de rappeler que l'accord salarial du 10 février 1998, durant ses trois années d'application dans les trois fonctions publiques, s'est traduit par un coût total de 41,3 milliards de francs.
Or la part croissante des dépenses de fonction publique, de surcroît particulièrement concentrées, accentue la rigidité du budget de l'Etat. En effet, l'essentiel de la progression des dépenses de l'Etat résulte des dépenses de fonction publique : de 1997 à 2001, ce poste a crû de 11,5 % et représente plus de 70 % de la progression des dépenses au titre des dix premiers postes du budget général, soit 73 milliards de francs sur 103 milliards de francs.
En outre, à la suite de l'accord de résorption de l'emploi précaire dans la fonction publique, plus de 4 000 postes budgétaires réservés à des titularisations seront inscrits dans le budget pour 2001, tandis que plus de 5 400 emplois en surnombre liés à l'effet différé des réussites aux concours d'enseignants seront consolidés.
Au total, ce seront donc 20 820 emplois budgétaires supplémentaires qui seront créés par le projet de loi de finances pour 2001.
Enfin, il subsiste au moins deux dossiers qui font peser des incertitudes sur l'évolution à venir des dépenses de la fonction publique.
Le premier est celui de l'avenir des emplois-jeunes. Il est à craindre qu'un nombre significatif d'entre eux ne soit finalement intégré dans la fonction publique. Le Gouvernement commence lui-même à s'inquiéter du devenir de ce dispositif - à l'origine duquel il est pourtant ! - puisqu'il a tenu récemment une réunion interministérielle consacrée à la pérennisation des emplois-jeunes !
Le second dossier concerne les 35 heures dans la fonction publique. A la suite de l'échec des négociations visant à l'élaboration d'un accord-cadre relatif à la réduction du temps de travail dans la fonction publique, le Gouvernement a renvoyé ces négociations au niveau ministériel et a publié, en août dernier, un décret fixant la durée hebdomadaire de travail à 35 heures dans la fonction publique de l'Etat, à partir du 1er janvier 2002. Toutefois, le coût de cette mesure reste totalement inconnu. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous donner des éléments chiffrés ?
Je souhaite conclure sur une considération générale.
La majorité du Sénat, en particulier votre rapporteur, n'est en rien hostile, par principe, aux fonctionnaires, n'en déplaise à certains qui voudraient le croire.
M. Jacques Mahéas. On ne le dirait pas !
M. Gérard Braun, rapporteur spécial. Elle considère simplement que la croissance et l'emploi se porteront mieux en France si les impôts diminuent. Or ils ne diminueront pas tant que notre pays aura un niveau de dépenses publiques parmi les plus élevés au sein de l'OCDE.
Le budget de l'Etat est de plus en plus contraint par les dépenses de fonction publique. C'est donc logiquement sur ce poste de dépenses qu'il faut agir. Il me paraît indispensable de tirer parti des évolutions démographiques considérables qui vont affecter la fonction publique au cours des prochaines années pour doter la France d'un Etat plus réduit, mais plus efficace et plus moderne.
Les nouvelles technologies doivent favoriser ces réformes. Monsieur le ministre, vous m'avez dit que votre objectif n'était pas la diminution du nombre de fonctionnaires. Il s'agit non pas tant, en effet, d'un objectif que d'une conséquence à tirer d'une évolution objective. Laisser croire que l'informatique est sans effet sur le nombre des agents publics revient à dénier tout effet aux progrès technologiques et suppose le service public imperméable aux évolutions de la société. C'est un peu comme si vous plaidiez encore pour l'usage de la faux dans l'agriculture par crainte des effets de la mécanisation ! (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.) M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du rassemblement pour la République, 17 minutes ;
Groupe socialiste, 13 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 9 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 8 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 5 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes.
Je vous rappelle que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Par ailleurs, le temps programmé pour le Gouvernement est prévu pour vingt-cinq minutes au maximum.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Jean-Léonce Dupont.
M. Jean-Léonce Dupont. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au xixe siècle, les frères Goncourt écrivaient : « La France est un pays d'une incroyable fécondité : on y plante des fonctionnaires et il y pousse des impôts. » (Rires.)
M. Alain Joyandet. Très bien !
M. Jean-Léonce Dupont. Au vu du budget de la fonction publique que vous nous présentez, monsieur le ministre, et des négociations salariales en cours, je crains qu'en ce lundi 4 décembre 2000 cette citation ne soit on ne peut plus, et malheureusement, d'actualité.
Alors que la sonnette d'alarme a été tirée sur la gestion déplorable des personnels de la fonction publique et sur ses enjeux dans trois récents rapports de la Cour des comptes et du Commissariat général du Plan, le Gouvernement continue tranquillement à mener une politique qui fait fi de ces conclusions.
En réponse aux « emplois en surnombre ou bloqués, à l'existence de mises à disposition ou de détachements injustifiés, au système de contrôle des effectifs insatisfaisants » relevés par la Cour des comptes, votre projet de budget prévoit la création de 11 337 emplois nouveaux, outre le remplacement des 60 000 fonctionnaires qui partiront à la retraite en 2001.
Mais avec l'embauche, l'an prochain, d'un fonctionnaire, ce n'est pas seulement le projet de budget 2001 qui est concerné : ce sont probablement les soixante suivants en raison du déroulement de carrière et des retraites !
En dépit du poids croissant des dépenses de la fonction publique - rappelons qu'entre 1997 et 2001 71 % de la progression des dépenses publiques sont imputables à la fonction publique - vous continuez à prendre des mesures qui vont alourdir le budget de l'Etat, et ce presque à l'aveuglette, puisque vous reconnaissez en ignorer le coût financier précis. Je veux, bien sûr, parler des 35 heures dans la fonction publique, du dispositif du projet de loi tendant à résorber la précarité dans la fonction publique et des créations d'emplois publics.
Mais il convient d'ajouter différents sujets qui ont été passés jusqu'à présent sous un quasi-silence et dont le financement pourrait être dramatique pour le budget de l'Etat si aucune décision n'était prise, si aucune réforme n'était entreprise rapidement.
Ainsi, on sait qu'un nombre important de fonctionnaires vont partir à la retraite dans les années à venir. Or aucune réponse n'est aujourd'hui apportée à la question du financement de ces retraites. Sachant que la charge budgétaire de ces futures pensions sera considérable, qu'attend le Gouvernement pour agir ?
Dans le même ordre de préoccupation, je m'interroge sur l'avenir des emplois-jeunes et sur les éventuelles incidences financières de la politique du Gouvernement les concernant.
J'ai bien noté vos propos sur le sujet, monsieur le ministre, à savoir que « l'intégration massive et directe des emplois-jeunes concernés dans la fonction publique de l'Etat est exclue ». Qu'en serait-il d'une intégration « non massive » prévue ? En dehors de la fonction publique, qu'en sera-t-il des collectivités territoriales ?
Compte tenu des prochaines échéances électorales et de la pression que ne manqueront pas d'exercer les syndicats, permettez-moi de faire preuve de prudence à l'égard de vos déclarations et d'attendre avec impatience que vous passiez de la parole aux actes.
Il va sans dire que je déplore l'actuelle attitude d'attentisme du Gouvernement sur tous ces dossiers.
Malgré un état des lieux bien connu, il vient, une fois encore, de mettre en place une structure de réflexion : l'Observatoire de l'emploi public. J'avoue être totalement rassuré : enfin une structure qui va pouvoir élaborer des propositions débouchant sur des actes concrets ! Je souhaite néanmoins savoir comment on pourrait connaître le nombre exact de fonctionnaires dans ce pays.
Je suis naturellement convaincu que cet observatoire accomplira ses missions avec sérieux et compétence. Mais est-il vraiment utile en soi ? Est-il vraiment indispensable d'attendre les conclusions de ses travaux pour entreprendre des réformes d'évidence nécessaires ? Sincèrement, je doute encore des intentions réelles du Gouvernement.
Je sais bien qu'à l'approche d'échéances électorales les cinq millions d'électeurs potentiels que constituent les fonctionnaires sont ici largement pris en compte.
M. Alain Joyandet. Ô Combien ! C'est clair !
M. Jean-Léonce Dupont. Mais est-il bien responsable de votre part, monsieur le ministre, de remettre à demain ce que vous pourriez faire aujourd'hui ?
Les socialistes se sont trompés au début des années quatre-vingt en nationalisant les entreprises alors que le monde entier évoluait en sens inverse.
M. Jacques Mahéas. Nous en avons sauvé plusieurs !
M. Jean-Léonce Dupont. Les socialistes se sont trompés en lançant la retraite à soixante ans alors que l'arrivée à la retraite de la génération d'après-guerre du baby-boom s'ajoute au bénéfice de l'allongement de la vie. Vous êtes allés une nouvelle fois dans une mauvaise direction.
De la même manière, en ce début du xxie siècle, vous allez dans la mauvaise direction en proposant une augmentation du nombre de fonctionnaires. Vous démontrez votre incapacité à maîtriser la dépense publique et la France devient le mauvais élève de l'Europe, malgré une période exceptionnelle de croissance dont vous bénéficiez mais dont vous n'êtes en rien responsables.
La capacité de développement d'un territoire ne sera possible demain que s'il dispose d'entreprises percutantes et créatrices et d'une administration compétitive sur les plans tant européen que mondial. Cette compétitivité administrative nécessite une forte volonté de redéploiement, un véritable esprit entrepreneurial, un maximum de flexibilité. Or vous augmentez les rigidités futures par ce que vous appelez « l'application d'un plan de résorption de l'emploi précaire ».
Alors, monsieur le ministre, pourquoi cette fascination pour le toujours plus ? Est-ce une vision idéologique du xixe siècle dont vous n'arrivez concrètement pas à sortir et qui débouche sur des organisations toujours plus nombreuses, hiérarchisées, pyramidales, jacobines, alors que la modernité va vers des organisations souples, réactives, décentralisées ? Est-ce un manque de courage politique ou un calcul électoraliste ? Je ne veux le croire.
Aussi, monsieur le ministre, en pensant aux futures générations, qui devront un jour payer les déficits budgétaires croissants, le financement des systèmes de retraites, l'amélioration continue des soins, j'en appelle à votre sens de l'Etat, et je ne peux, en paraphrasant un ancien - et de façon presque désespérée - que vous rappeler qu'en matière d'erreur la persévérance est diabolique. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Gouvernement affirme que la fonction publique est au coeur de ses priorités. Veut-il parler de la rigueur de son budget ? Cela n'apparaît pas. Pour ce qui est des structures, permettez-moi de m'interroger.
L'examen des crédits, plus de 1,4 milliard de francs correspondant à l'agrégat 21 « Fonction publique », ne donne de ce budget qu'une image partielle. Il faut en effet prendre en compte les charges de personnel de l'Etat, qui s'élèvent à 710 milliards de francs, soit 42 % des dépenses du budget général. Ce chiffre correspond à la réalité, car il comprend les crédits de rémunérations, mais aussi les charges sociales et les pensions.
Il y a dix jours, nous examinions le projet de loi dont l'objectif, pensions-nous, était la modernisation des structures, la résorption de l'emploi précaire, la modernisation du recrutement dans la fonction publique et le temps de travail dans la fonction publique territoriale. Nous nous attendions à ce que le Gouvernement prenne les mesures adaptées. Hélas ! mes chers collègues, que ce soit le Parlement, les fonctionnaires ou les usagers, tout le monde est déçu.
Le budget dévolu pour 2001 croît sans que, pour autant, progressent les réformes structurelles. Le « mieux d'Etat » auquel les Français aspirent reste une urgence que vous écartez. On ne peut le comprendre.
Je prendrai deux exemples avant de proposer une meilleure adéquation entre fonction publique, réforme de l'Etat et aménagement du territoire.
On peut prévoir le départ à la retraite de toute une génération de fonctionnaires - près de 620 000 dans les dix prochaines années. Or le Gouvernement propose pour 2001 une création nette de plus de 11 000 emplois publics, ce qui représente une progression annuelle de l'ordre de 15 %. Est-ce parce que vous voulez paraître convaincu que les 35 heures créent des emplois, monsieur le ministre ?
Nous avons déjà l'un des taux de fonctionnaires les plus élevés de l'Union européenne. Les citoyens des autres pays bénéficient-ils de services publics de moindre qualité ?
N'aurait-il pas été possible de rationaliser, de rechercher plus d'efficacité, quitte, bien sûr, à ce que les salaires soient plus élevés en fonction des mérites ? Au fait, vous nous avez fort peu parlé du mérite !
Cette création de 11 000 emplois est-elle justifiée par le mauvais fonctionnement des services publics ? Autre interrogation : le nombre d'élèves par enseignant est l'un des plus faibles de l'Union européenne ; l'échec scolaire est-il plus important dans les autres pays de l'Union ?
En matière de retraites, le Gouvernement reste d'une indécision irresponsable. Je rappellerai simplement que les fonctionnaires cotisent deux ans et demi de moins que les travailleurs du secteur privé pour prétendre à une retraite pleine. Est-ce, monsieur le ministre, votre conception de l'équité ? Cette injustice n'est plus acceptable pour nos concitoyens !
Etant donné cette différence de traitement, on comprend qu'une grande partie de notre jeunesse se tourne soit vers la fonction publique soit vers l'étranger !
Le report permanent de la réforme des retraites démontre-t-il une incapacité alimentée par des soucis pré-électoraux ? J'espérais que vous seriez convaincu, monsieur le ministre, que le courage en politique était une forme de plaisir.
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Si c'est si facile, il fallait le faire avant !
M. Aymeri de Montesquiou. Qui prétend que c'est facile ?
Des réformes indispensables doivent conduire à une meilleure répartition des fonctionnaires de l'Etat sur le territoire, d'un triple point de vue : la formation, la mise en place des services déconcentrés, la gestion décentralisée des carrières.
Voici un exemple dans le domaine de la formation : la subvention de fonctionnement de l'Ecole nationale d'administration s'élève à plus de 170 millions de francs, soit un peu plus de 3 francs par Français. Je ne suis pas de ceux qui se plaignent avec démagogie de « l'énarchie », pour reprendre le terme célèbre inventé par le précédent ministre de l'intérieur, mais je suis perplexe, car cette subvention est équivalente à celle qui est allouée à l'ensemble des cinq instituts régionaux d'administration chargés de former des fonctionnaires de catégorie A. Je vous prie de justifier, monsieur le ministre, cette différence de moyens.
Cette forme de discrimination territoriale dans la formation des fonctionnaires généralistes est renforcée par l'insuffisante prise en compte de l'équilibre territorial.
Le désengorgement des ministères parisiens devrait être une priorité. Le précédent ministre de l'économie, des finances et de l'industrie avait évoqué, le 1er février dernier, le « risque d'hypertrophie de certaines administrations centrales que le Gouvernement entend corriger ». Mais il n'a pas su imposer sa vision. Ne pouvez-vous, aujourd'hui, dans un souci de rationalisation et d'aménagement du territoire, diminuer une administration centrale pléthorique et conserver et moderniser les services publics de proximité ? La crainte d'un maillage moins dense du territoire était réelle et suffisamment forte pour que les élus et la population des zones rurales soutiennent les agents du Trésor public, qui ne sont pourtant pas les représentants du service public pour lesquels nos concitoyens ont le plus d'affection. Soyons à l'écoute de nos concitoyens !
C'est la raison pour laquelle, je le rappelle encore, monsieur le ministre, mes chers collègues, la majorité des Français aspirent à vivre dans de petites villes. Nous sommes tous saisis de demandes de mutations de fonctionnaires qui souhaitent, eux aussi, retourner en province. Si je me réjouis que l'une des premières régions de France demandées soit Midi-Pyrénées, nous regrettons de ne pouvoir satisfaire ces demandes, dont la réalisation participerait à un meilleur équilibre du territoire.
Vos projets en matière de déconcentration des administrations centrales sont surprenants. Non seulement certaines décisions de transfert portant sur environ 3 000 emplois ont été différées ou ajournées, mais le cinquième des quelque 22 800 emplois transférés le sont en Ile-de-France !
Enfin, la gestion prévisionnelle des emplois et des carrières devrait se faire avec le souci d'une meilleure connaissance des besoins. Cette gestion de proximité, notamment dans le domaine de l'enseignement, pourrait être bien plus efficace pour servir nos concitoyens et appuyer le développement économique au niveau régional. Monsieur le ministre, l'Observatoire de l'emploi public, créé le 13 juillet dernier, prendra-t-il en compte cette nécessité d'une meilleure répartition territoriale ?
Le groupe du Rassemblement démocratique et social européen est très attaché à un service public de qualité, et donc à une fonction publique ayant les moyens de servir les citoyens. Mais réformer l'Etat, ce n'est pas remplacer les ronds de cuir du temps de Courteline par les tapis de souris d'une administration déshumanisée ! Vous laissez courir votre budget, ce qui concourt à un déficit budgétaire parmi les plus importants de l'Union européenne, au détriment d'autres budgets essentiels pour l'avenir, sans que nos concitoyens soient mieux servis. C'est pourquoi je suivrai l'avis de la commission. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les services publics jouent un rôle irremplaçable en faveur de la cohésion sociale et spatiale de notre pays.
Si un sentiment de carence des services publics pèse parmi les usagers, c'est en grande partie parce que l'administration ne dispose pas de moyens suffisants, tant matériels qu'humains.
Certes, monsieur le ministre, nous souffrons du retard pris par vos prédécesseurs, ceux de droite, qui n'ont pas été du tout dans le sens de l'investissement et qui, dans leurs propos, ce soir, tirent encore vers le bas.
M. Hilaire Flandre. Vers le mieux !
M. Thierry Foucaud. Nous, nous pensons que la solution à ce problème passe nécessairement par un réinvestissement franc et massif de l'Etat.
Votre objectif, monsieur le ministre, est de promouvoir un Etat plus transparent, plus efficace, capable d'accomplir des missions de service public et de répondre aux attentes des usagers.
Votre prédécesseur a d'ailleurs travaillé en ce sens avec l'adoption de la loi relative à l'amélioration des droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations.
Nous souscrivons pleinement à ces démarches et à celle de la résorption de l'emploi précaire.
Les dispositions du projet de loi relatif à la résorption de l'emploi précaire, en cours d'examen, doivent concerner 100 000 personnes sur cinq ans, soit 20 000 par an. Or le nombre total d'emplois précaires s'élève à plus de 700 000 ! Il rest donc un grand pas à franchir.
Les crédits alloués à la fonction publique augmentent de plus de 8 % en 2001, soit près de 110 000 millions de francs. Si cette évolution n'est pas à négliger, elle nous paraît tout à fait insuffisante pour répondre à l'ensemble des besoins des administrés et à la nécessaire modernisation.
Le budget de 2000 avait déjà rompu avec la réduction des effectifs en créant 366 emplois. Celui de 2001 prévoit la création de plus de 15 000 emplois.
Pour autant, nous ne pensons pas qu'il s'agisse d'une rupture franche, dans la mesure où la dialectique autour de l'emploi public reste fondée sur le « coût », la « charge », et n'est jamais posée en terme d'investissement.
M. Hilaire Flandre. Ni d'efficacité !
M. Thierry Foucaud. Par ailleurs, plus de la moitié de ces créations resteront sans effet sur les effectifs réels. Elles serviront, d'une part, à la consolidation des postes en surnombre autorisés au ministère de l'éducation nationale, que nous accueillons avec plaisir parce que ce « volant de remplaçants » est nécessaire pour assurer le bon fonctionnement des écoles, collèges et lycées et, d'autre part, à la mise en oeuvre partielle du dispositif de résorption de l'emploi précaire.
Pour ce qui concerne les 35 heures dans la fonction publique, je voudrais dire combien les parlementaires communistes sont inquiets. Le projet de décret n'intègre pas plus la compensation en emplois de la réduction du temps de travail, qui doit être effective au plus tard le 1er janvier 2002, qu'il n'indique les moyens de passer aux 35 heures.
Or la réduction du temps de travail ne peut être une réelle conquête sociale si, parallèlement, ne sont pas créés les emplois correspondants. En effet, si ces emplois n'étaient pas créés, ce serait un véritable recul en termes de service public comme en termes de conditions de vie et de travail des personnels.
Ce budget, malgré un mieux, reste donc empreint du principe de limitation des dépenses publiques.
Ce principe se retrouve également dans la faiblesse des augmentations de salaires des fonctionnaires en 2001 : 3,5 millions de francs sont inscrits au budget, ce qui est très faible et se situe en dessous de l'inflation, alors que les fonctionnaires ont déjà perdu en pouvoir d'achat, que leurs salaires ont été bloqués en 1996 et que les non-revalorisations se sont accumulées.
Les budgets de 1999 et 2000 avaient consacré une enveloppe exceptionnelle de 230 millions de francs aux dépenses d'action sociale. Celle-ci n'a pas été reconduite. Nous le regrettons, car le retard n'est pas résorbé et il reste de nombreux chantiers à mettre en oeuvre.
Enfin, pour conclure, je tiens à dire qu'il serait bien de pérenniser le congé de fin d'activité, même s'il a encore été reconduit cette année.
Doté de moyens trop faibles, ne prenant pas véritablement en compte les fruits de la croissance, laissant des besoins non satisfaits compte tenu des objectifs à atteindre en matière de développement des services publics, ce budget ne pourra que nous conduire à nous abstenir.
M. le président. La parole est à M. Mahéas.
M. Jacques Mahéas. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est le quatrième budget de la fonction publique et de la réforme de l'Etat de cette législature, le premier pour vous, monsieur le ministre, qui nous présentez des crédits en progression sensible de 8 %, pour atteindre 1 422 millions de francs.
Comme précédemment, l'effort est porté sur l'action sociale interministérielle, premier poste de dépenses de ce projet de budget, avec 856 millions de francs.
Avec plus 10 %, l'augmentation est notable, même si l'on peut toujours souhaiter davantage.
Pour ma part, je pense qu'il faudra bien arriver un jour à asseoir l'action sociale sur un pourcentage de la masse salariale, comme c'est le cas dans la fonction publique hospitalière et dans la plupart des collectivités territoriales.
Nous nous félicitons particulièrement de l'augmentation des aides dans deux domaines : le logement, d'une part, afin de favoriser l'accès au logement locatif des agents affectés dans des zones urbaines sensibles, les crèches, d'autre part, afin de faciliter l'accueil des tout petits et de permettre à leurs mères de concilier vie professionnelle et vie familiale.
C'est aussi un moyen d'encourager l'accès de la haute fonction publique aux femmes, qui y sont sousreprésentées.
Pour ce qui concerne les chèques-vacances, après de fortes augmentations, leurs crédits se sont stabilisés.
Si le principe et son extension aux emplois-jeunes emportent notre pleine adhésion, l'application en semble toutefois un peu trop rigide.
Dans le domaine de la restauration, enfin, si des mises aux normes importantes ont été entreprises, les partenaires sociaux, que nous avons rencontrés, ont souligné que beaucoup restait à faire en ce qui concerne la chaîne du froid et le désamiantage.
Sur ces deux derniers points, le chèque-vacances et la restauration, nous aimerions obtenir des précisions.
Autre sujet réellement inquiétant : les crédits sociaux destinés à l'insertion des agents handicapés stagnent, tandis que l'objectif de 6 % d'emplois réservés n'est toujours pas respecté dans la fonction publique.
Il serait inconcevable que des employeurs publics préfèrent recourir, comme dans le privé, pour s'acquitter de cette obligation d'emploi, aux solutions alternatives prévues par le code du travail.
Pour clore ce chapitre sur une note positive, je me réjouis de la prorogation du congé de fin d'activité pour 2001 ; cette mesure est très attendue par les agents publics.
Quant aux crédits alloués à la réforme de l'Etat, ils sont quasi stables. A ce propos, il semble n'exister, pour l'instant, ni recensement ni suivi centralisé de la constitution des maisons des services publics. Je ne récuse en rien l'intérêt de créer des services en ligne - et le nouveau portail Internet « service-public.fr », que je vous invite à consulter, est particulièrement ergonomique, comme on dit - mais leur mise en place ne doit pas se faire au détriment d'une réduction du nombre des implantations physiques et de la taille des maisons des services publics. Qu'en est-il de ce bilan ?
Cette discussion budgétaire est traditionnellement le moment privilégié pour envisager plus largement le devenir de la fonction publique, dont vous êtes, monsieur le ministre, le grand coordinateur. Or cette fonction publique va devoir relever des défis majeurs en termes de ressources humaines.
La pyramide des âges des fonctionnaires est sans appel : la moitié d'entre eux sera partie à la retraite à l'horizon 2012, ce qui suppose des besoins massifs de recrutement à venir.
A plus brève échéance, la mise en place des 35 heures sera l'occasion de mener une réflexion profitable sur l'organisation du travail, qui entraînera des redéploiements et inévitablement, à mon sens, des créations d'emplois.
Pour accompagner sans heurt ces bouleversements, le fait marquant est, sans conteste, la création de plus de 10 000 emplois, essentiellement dans les ministères concernés par des réformes récentes ou dont les besoins sont évidents : enseignement scolaire, 5 061 créations d'emplois ; enseignement supérieur, 1 540 créations d'emplois ; justice, 1 549 créations d'emplois, ce qui s'inscrit dans la continuité puisqu'on en dénombrait déjà 930 en 1999 et 1 237 en 2000 ; intérieur, 704 créations d'emplois.
Certes, je n'ignore pas à quel point une telle politique de recrutement indispose certains de mes collègues, notre rapporteur spécial affirmant même qu'elle « n'est motivée par aucun argument objectif ». (M. Flandre s'exclame.) Je vais vous démontrer le contraire.
Vous dites que les Français n'approuvent pas cette augmentation. Chacun d'entre nous est à l'écoute, quotidiennement, de l'opinion publique ! J'ai sous les yeux un sondage de novembre 2000 réalisé pour La Dépêche du Midi ...
M. Hilaire Flandre. On a interrogé les fonctionnaires !
M. Jacques Mahéas. ... relatif à l'opinion des Français sur le plan pluriannuel de recrutement des personnels de l'éducation nationale. A la question : « Ce recrutement des personnels est programmé sur trois ans au moyen d'un plan pluriannuel. Estimez-vous que c'est une bonne chose, car, avec ce plan, l'Etat s'engage vraiment à recruter ces personnels ? », 82 % des personnes interrogées ont répondu favorablement.
M. Gérard Braun, rapporteur spécial. A la question : « Voulez-vous plus de beurre ? », elles ont répondu : « Oui, j'en veux plus ! »
M. Aymeri de Montesquiou. Quelle démonstration !
M. Jacques Mahéas. Vous n'avez pas écouté la conclusion, donc vous supputez déjà que c'est une bonne démonstration ! Je vous en remercie ! (M. Flandre proteste.)
Cette conclusion, la voici : c'est une mauvaise chose, car l'Etat n'a pas besoin d'engager 12 % de fonctionnaires supplémentaires.
M. Hilaire Flandre. Il faut les redéployer !
M. Jacques Mahéas. Vous êtes totalement déphasés par rapport à l'opinion publique !
M. Louis Boyer. Et qui va payer ?
M. Jacques Mahéas. Les parents d'élèves veulent que leurs enfants soient mieux éduqués, mieux soignés...
M. Hilaire Flandre. Bien sûr !
M. Jacques Mahéas. ... et bien souvent, messieurs de la droite, vous n'êtes pas sans demander plus de sécurité, plus de policiers...
M. Louis Boyer. Vous ne payez pas vos fonctionnaires !
M. Jacques Mahéas. ... donc plus de fonctionnaires !
M. Louis Boyer. C'est avec notre argent que vous les payez !
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Ce n'est pas plus le vôtre que le nôtre !
M. Jacques Mahéas. Les policiers supplémentaires ne seront pas payés avec votre argent, à moins que vous ne soyez un généreux donateur, ce dont je ne doute pas. Mais laissons là tout affichage quelque peu « politicard ».
M. Gérard Braun, rapporteur spécial. Polémique !
M. Jacques Mahéas. Supprimer des postes de fonctionnaires, faut-il le répéter, n'a jamais signifié réformer en profondeur. Raisonner en termes de chiffres n'a pas grand sens lorsqu'il s'agit de services rendus à des citoyens ô combien soucieux - et comment ne pas les comprendre ? - de qualité et d'efficacité, notamment dans des secteurs qui touchent autant leur vie quotidienne que la sécurité, la santé et, bien sûr, l'enseignement.
Au-delà de ces créations nettes d'emplois, je veux saluer la mise en oeuvre d'une politique volontariste de gestion prévisionnelle des ressources humaines, seule à même de faire face aux mutations à venir.
M. Jean-Jacques Hyest. Ah bon !
M. Jacques Mahéas. J'ai cru entendre qu'il aurait fallu geler les effectifs en attendant les premières conclusions de l'Observatoire de l'emploi public, nouvellement installé. Pour logique que puisse paraître ce raisonnement, en la circonstance, il me semble au contraire urgent de ne pas attendre et de bien garder à l'esprit l'ampleur des chiffres : d'ici à 2012, ce sont plus de 800 000 fonctionnaires qu'il faudra remplacer ! Et, dans certains cas, une formation relativement longue est nécessaire avant qu'ils deviennent opérationnels.
L'Observatoire de l'emploi public permettra, quant à lui, de connaître - enfin, me direz-vous - le nombre précis d'agents titulaires ou non des trois fonctions publiques. Sur cette précieuse base d'analyse et de prospective, il sera possible d'affiner les solutions et de préférer au traditionnel remplacement poste pour poste le choix du bon fonctionnaire assurant le bon service au bon endroit.
M. Jean-Léonce Dupont. Bravo !
M. Jacques Mahéas. Je suis heureux de vous avoir entendu rappeler, monsieur le ministre, la récente décision du comité interministériel pour la réforme de l'Etat, qui prévoit que la loi de finances pour 2003 s'appuiera non plus sur une comparaison avec les inscriptions dans les lois de finances précédentes, mais sur une analyse des flux en vue d'une gestion prévisionnelle. C'est là une approche proprement révolutionnaire pour la fonction publique. (Exclamations ironiques sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
Enfin, pour dire encore quelques mots sur les effectifs de la fonction publique, je ne peux pas manquer de mentionner le projet de loi destiné à résorber l'emploi précaire et, surtout, à éviter sa reconstitution, dont tout le monde s'accorde à penser qu'il est plus large et plus généreux que le dispositif précédent.
Toutefois, si les éléments que je viens d'évoquer nous donnent satisfaction, nous espérons que la reconnaissance de l'Etat envers ses fonctionnaires s'accompagnera d'une politique réceptive à leurs attentes salariales.
Il est primordial de préserver l'attractivité de la fonction publique, qui doit non seulement recruter massivement, mais recruter en particulier de nombreux cadres.
Monsieur le ministre, vous avez pris l'engagement de lever tous les obstacles statutaires. Nous en prenons acte et nous ne pouvons que vous encourager dans cette voie, déjà tracée par quelques décrets. Il convient, en effet, de rompre avec une certaine logique de sérail et de lutter contre l'inertie qui rend si difficile le passage d'un corps à un autre, d'un ministère à un autre.
M. Gérard Braun, rapporteur spécial. Très bien !
M. Jean-Jacques Hyest. Excellente remarque !
M. Jacques Mahéas. Il y a des choses positives ! Vous le reconnaissez, tant mieux !
Avant de conclure, je souhaite encore aborder deux aspects.
Tout d'abord, j'évoquerai un très ancien contentieux concernant la réparation des préjudices de carrière subis par les anciens fonctionnaires d'Afrique du Nord lors du second conflit mondial.
M. Jean-Jacques Hyest. Ah !
M. Jacques Mahéas. Les commissions administratives de reclassement, chargées d'étudier ces cas, semblent laisser de nombreux dossiers en suspens. Ne peut-on accélérer leur démarche afin de faire droit à ces citoyens méritants ?
Enfin, j'ai noté, non sans m'en réjouir, les progrès réalisés en matière de transparence des rémunérations accessoires. J'ai cru comprendre que nous aurions un état complet de la situation d'ici à la fin du mois de décembre !
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Absolument !
M. Jacques Mahéas. Je ne voudrais pas que les quelques restrictions que j'ai pu émettre masquent notre satisfaction à voter un budget...
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Au contraire, elles le mettent en valeur !
M. Jacques Mahéas. ... qui s'attache, notamment, à prévenir ce que sera le grand défi du nouveau millénaire pour la fonction publique : une gestion plus dynamique et plus prospective de ses ressources humaines, garante non seulement de meilleures conditions de travail pour ses agents mais également de qualité et d'efficacité des services rendus aux citoyens.
M. le président. La parole est à M. Flandre.
M. Hilaire Flandre. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après les deux intervenants qui m'ont précédé et qui ont apporté leur appui à M. le ministre - de façon quelque peu différenciée - peut-être mes propos paraîtront-ils plus caustiques. Mais je crois que, de temps en temps, il faut dire la vérité.
M. Aymeri de Montesquiou. Il faut toujours la dire !
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. « Sa » vérité !
M. Hilaire Flandre. Peut-être « sa » vérité !
Nous sommes réunis ce soir pour examiner les crédits consacrés à la fonction publique et vérifier si ces crédits sont en adéquation avec les missions qui lui sont confiées.
Ce moment est un temps fort de la loi de finances, puisque la fonction publique engendre, à elle seule, plus de 710 milliards de francs et qu'elle représente 42 % des dépenses du budget général. Cela incite évidemment à regarder au plus près la manière dont est engagé cet argent, dans la mesure où les sommes sont pour le moins substantielles.
Le Parlement serait en droit d'attendre, étant donné l'importance des crédits, une précision sans faille sur les chiffres et les effectifs de la fonction publique proposés par le ministère. Or, comme chaque année, nous travaillons dans l'imprécision et l'opacité la plus généralisée. Comment est-il concevable que le budget le plus important de l'Etat soit également le moins déchiffrable ? J'appelle votre attention sur cette situation.
En tant que parlementaires, nous sommes responsables des crédits que nous votons. Or, étant privés des informations nécessaires, nous ne pouvons assurer pleinement le rôle premier destiné aux chambres. En effet, faut-il le rappeler, initialement, le Parlement avait été créé par saint Louis à la seule fin de voter les crédits du royaume, et cela reste une fonction essentielle des assemblées.
Ainsi, monsieur le ministre, vous avez été obligé de faire ce cinglant constat d'échec : « La connaissance par les ministères des emplois dont ils disposent effectivement relève aujourd'hui de l'impossible. » C'est dramatique ! A lui seul, ce constat d'échec appellerait un refus de votre budget, puisque nous sommes privés des instruments de réflexion essentiels.
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Cette méconnaissance ne date pas d'aujourd'hui ! Il me semble que vous avez voté d'autres budgets dans les mêmes conditions !
M. Jacques Mahéas. Encore plus obscures !
M. Hilaire Flandre. C'est exact ! D'autres ministres avant vous avaient dressé le même constat, et nous l'avons dénoncé de la même façon !
L'Observatoire de l'emploi public, créé au mois de septembre à la suite du décret du 15 juillet dernier, arrivera-t-il à remplir les missions que l'Etat lui a fixées ? C'est à espérer, mais j'en doute, au moins à deux titres.
Tout d'abord, les études en la matière étaient déjà nombreuses et auraient pu constituer une bonne base de travail. Je pense au rapport accablant de la Cour des comptes établi en début d'année. Et je ne crois pas que l'on puisse accuser son président d'accointances politiques avec les sénateurs ! Je pense également au rapport Charpin du Commissariat général du Plan, au Comité central d'enquête sur le coût et le rendement des services publics, au rapport de la Direction générale de l'administration et de la fonction publique, la DGAFP, sans parler des nombreux mais excellents rapports parlementaires sur la question.
Ces études sont gênantes ? Qu'à cela ne tienne : comme à chaque fois, un nouveau rapport sera attendu, rapport qui permettra de retarder d'autant les réformes structurelles pourtant essentielles.
Ma deuxième inquiétude quant à la marge de manoeuvre de cet observatoire résulte finalement du peu de cas que vous faites d'ores et déjà des conclusions éventuelles que pourrait tirer cet organisme. Permettez-moi de préciser ma pensée.
Une démarche cohérente consisterait à attendre que cet observatoire dresse un état des lieux, ne serait-ce qu'en ce qui concerne les effectifs de la fonction publique. Dans un second temps, et seulement à ce moment-là, le Gouvernement procéderait aux ajustements nécessaires en termes de créations éventuelles de postes dans certains secteurs particulièrement limités. Dans d'autres cas, il déciderait de ne pas remplacer les départs dans des branches bénéficiant d'effectifs inadaptés.
L'observatoire s'est à peine mis au travail que ses travaux sont déjà vains. Je me permettrai de donner deux exemples.
D'une part, la suppression de la redevance pour droit d'usage, ou redevance télé, n'est plus à l'ordre du jour, car les fonctionnaires chargés de sa perception perdraient leur emploi, un emploi dont les usagers se passeraient bien !
D'autre part - preuve du caractère schizophrène de la majorité -, le ministre de l'éducation nationale annonce la création de 32 000 emplois dans l'éducation nationale à l'horizon 2004, dont 17 000 créations nettes, au moment même où le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie promet un plan de maîtrise des dépenses publiques d'ici à 2004.
Soit il n'y a aucune logique dans l'activité du Gouvernement, et cela est très grave, soit l'un des deux ministres fait des annonces dont il sait qu'elles ne seront jamais suivies d'effet !
Mon inquiétude serait qu'en période préélectorale les partisans du « toujours plus » soient malheureusement plus entendus que ceux du « toujours mieux ».
Ainsi, le budget que vous nous proposez est celui des occasions manquées. Cela me chagrine d'autant plus que la situation économique actuelle aurait permis d'anticiper quelque peu les problèmes à venir, lesquels sont liés au départ à la retraite, d'ici à 2010, de plus de la moitié des fonctionnaires actuellement en poste.
Nous étions en droit d'attendre non pas le recrutement massif de fonctionnaires, ainsi que l'indiquait notre rapporteur spécial, M. Gérard Braun, dont je salue l'excellent travail, mais bien une gestion active et efficace des recrutements.
L'objectif n'est pas une gestion à court terme. Il ne s'agit pas de remplacer un poste par un autre poste identique ; il s'agit de tendre vers un redéploiement des effectifs, et ce en tout premier lieu au bénéfice des secteurs particulièrement prioritaires.
Ces choix que vous ne faites pas cette année, pas plus que le Gouvernement ne les a faits depuis 1997, entameront gravement les chances d'une restructuration en douceur au cours de la décennie qui s'ouvre. En 2010, il sera trop tard pour entreprendre cette réforme, qui tarde déjà trop !
Si ce projet de budget sonne le glas du gel des emplois publics en même temps qu'il témoigne du refus du Gouvernement de réaliser en souplesse les mutations nécessaires en profitant des départs en retraite, il sonne aussi le glas de toute réforme, même partielle, de l'Etat.
Le service public n'intéresse pas seulement les fonctionnaires, il concerne aussi ceux que l'on nomme, de manière un peu cavalière, les « usagers ».
Qu'est-il prévu pour répondre cette année un peu mieux aux attentes de nos concitoyens, notamment dans l'allégement des démarches administratives ?
Qu'est-il prévu pour gérer de manière prévisionnelle et plus transparente les effectifs, les emplois et les compétences de la fonction publique ?
Qu'est-il prévu pour que les fonctionnaires puissent développer au mieux leurs initiatives ? Ils sont souvent, en effet, les premières victimes de la pesanteur kafkaïenne des rouages de l'administration !
Ma dernière observation s'inscrit dans le prolongement du rapport de la Cour des comptes que j'évoquais tout à l'heure. Il s'agit de l'opacité chronique que mon collègue Jacques Oudin a dénoncée concernant la mise à disposition de fonctionnaires.
Cette pratique détourne les budgets que nous votons pour les affecter vers d'autres administrations ou d'autres organismes. Il n'est pas outrancier d'assimiler ces mises à dispositions à des emplois fictifs légalisés par les lois de 1984 et de 1991 !
Ne serait-il pas plus clair de rationaliser les choix budgétaires en fonction des besoins réels et des missions données ? A moins que la transparence, lorsqu'elle va plus loin que quelques énoncés de principe, ne gêne ceux dont on attend qu'ils la mettent en pratique !
Pour toutes ces raisons, vous comprendrez que le groupe du Rassemblement pour la République ne vote pas ces crédits : il ne partage ni les objectifs déclarés ni la méthode proposée. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur le ministre, d'un certain point de vue, votre budget est modeste,...
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Tout petit !
M. Jean-Jacques Hyest ... mais il a tout de même progressé de 8,1 %.
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Merci de le souligner !
M. Jean-Jacques Hyest. Je ne sais pas s'il faut s'en réjouir, mais c'est ainsi ! Il avait baissé l'an dernier ; cette année, il augmente : vous avez donc plus de chance que votre prédécesseur.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Est-ce vraiment de la chance ?
M. Jean-Jacques Hyest. Je ne sais pas !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. C'est peut-être un meilleur budget ! Ou un meilleur ministre !
M. Jean-Jacques Hyest. D'un autre point de vue, si l'on considère la fonction publique en général, alors, c'est le plus gros budget de l'Etat, avec 42,2 %.
Beaucoup ont dit que la dérive, c'est-à-dire le fait que le budget de la fonction publique augmente progressivement de manière bien supérieure au produit intérieur brut, ne pouvait qu'être inquiétante, d'autant que, dans ce budget de la fonction publique, ce qui progresse le plus vite, ce sont les retraites.
Peut-on continuer ainsi ? Certes non, et tous les rapports montrent qu'il faut une réforme des retraites. A défaut, d'ici à 2010, il sera impossible pour le budget de l'Etat de financer les retraites, sauf à sacrifier complètement l'investissement pour assumer uniquement la charge des traitements et des pensions des fonctionnaires.
Je ne fais là que poser, après d'autres, une question, sans du tout remettre en cause la nécessité des fonctionnaires, nécessité dont nous sommes convaincus. D'ailleurs, dans certains secteurs, nous admettons fort bien qu'il y ait des créations d'emplois.
Prenons l'exemple de la justice : quand on connaît la faible part de ce budget dans l'ensemble du budget de l'Etat, on ne peut que s'étonner. Bien entendu, il faut plus de magistrats et plus de greffiers ! Tout le monde en convient, et nous devons les premiers le reconnaître, nous qui votons des réformes qui exigent, pour leur mise en oeuvre, plus de fonctionnaires. Pour ma part, je ne m'oppose pas, bien sûr, à ce que l'on crée 1 500 postes de magistrat.
Pour d'autres secteurs, en revanche, il n'est peut-être pas nécessaire de créer des emplois, dans la mesure où l'on peut redéployer.
J'entendais l'un de nos collègues dire que beaucoup voulaient aller dans des terres peut-être plus hospitalières que la région d'Ile-de-France. Certes ! Mais il y a tout de même des régions sur-administrées et d'autres qui sont, à l'inverse, sous-administrées. C'est ainsi que, dans certains départements du Midi - sans vouloir être méchant - on constate qu'il y a beaucoup plus de policiers par habitant qu'en grande banlieue parisienne. Cela ne veut pas dire que l'on manque de policiers en France ; mais, si l'on voulait les maintenir en région parisienne, il aurait fallu avoir une autre politique, notamment en matière d'emploi et de logement.
Voilà ce qu'il faudrait faire plutôt que d'augmenter le nombre de fonctionnaires. Mais, de cette rationalisation, je ne vois pas trace dans ce budget.
Mais regardons les chiffres. Monsieur le ministre, pourquoi les services généraux du Premier ministre bénéficient-ils de 154 emplois ?
De même, pourquoi le ministère de l'agriculture bénéficie-t-il de 340 emplois ?
Mme Marie-Claude Beaudeau. C'est pour l'ESB ! Il faut beaucoup de vétérinaires.
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Tout à fait ! Nous avons besoin de vétérinaires.
M. Jean-Jacques Hyest. Ce sont des postes de vétérinaires pour lutter contre l'ESB, dites-vous ?
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Pourquoi ? Il n'en faut pas ?
M. Jean-Jacques Hyest. Si ! Mais 340 ?
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Même plus que cela !
M. Jean-Jacques Hyest. Pourquoi ne pas recourir à des vétérinaires vacataires ? Nombreux sont ceux qui, en France, seraient tout à fait capables de remplir cette mission !
M. Alain Joyandet. Bravo !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Monsieur le ministre, effectivement, ces vétérinaires doivent-ils vraiment être fonctionnaires ?
M. Jean-Jacques Hyest. C'est la grande question !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Faut-il que toute la France soit fonctionnaire ?
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Sans doute ne faut-il garder que quelques sénateurs et quelques députés !
M. Jean-Philippe Lachenaud. C'est scandaleux !
M. Jean-Jacques Hyest. Je poursuis.
Le ministère de l'environnement bénéficie de 324 emplois. Pour quoi faire ? Je voudrais bien le savoir !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Pour faire plaisir à M. le ministre !
M. Jean-Jacques Hyest. Sans doute !
M. Hilaire Flandre. Pour faire plaisir aux écologistes !
M. Jacques Mahéas. Pour améliorer l'environnement, il faut des fonctionnaires !
M. Jean-Jacques Hyest. Ah oui ! Si l'on recrute plus de fonctionnaires, l'environnement de notre pays sera certainement amélioré, c'est évident ! (Sourires.)

Illusion que tout cela !
En revanche, monsieur le ministre, on supprime un emploi au Commissariat général du Plan. Sans doute parce qu'il fait de très bons rapports, notamment sur la fonction publique ! (M. Flandre applaudit.) Je peux évoquer le rapport Charpin !
Tout cela est un peu regrettable. D'autant que, nous le savons bien, il n'y a pas de gestion prévisionnelle des effectifs dans ce budget, et vous ne connaissez pas le nombre des emplois.
On nous annonce que tout cela va changer en mieux d'ici peu, et je m'en réjouis.
Reste une question, que je vous pose. Depuis 1997, le Gouvernement avait affiché son intention de ne pas créer d'emplois, mais de redéployer. C'est tout à fait possible, progressivement, dans certains ministères où les tâches ont été allégées, voire des emplois supprimés ; on réaffecte alors les personnels à d'autres ministères qui en ont besoin. Mais, du fait de l'absence de gestion prévisionnelle, malgré l'augmentation du nombre des fonctionnaires, des services publics essentiels vont voir leurs effectifs réels, sur le terrain, diminuer : je pense à la police, notamment. La situation sera alors assez dramatique, sans compter, monsieur le ministre, l'application des 35 heures.
Votre prédécesseur nous a annoncé une amélioration de la qualité du service public sans augmentation des effectifs. Je pense que ce n'est pas réaliste, surtout pour ces services publics qui doivent fonctionner vingt-quatre heures sur vingt-quatre et trois cent soixante-cinq jours par an. Vraiment, je ne sais pas comment on évitera de créer des emplois ! D'ailleurs, dans votre projet de loi relatif à la résorption de la précarité dans la fonction publique, monsieur le ministre, qui prévoit la réduction du temps de travail notamment dans la fonction publique territoriale, on s'est bien gardé d'évoquer le cas des 700 000 fonctionnaires de la fonction publique hospitalière ! Là, le problème est réel, nous le connaissons déjà dans nos établissements sanitaires et sociaux où, d'ores et déjà, le coût moyen d'augmentation du prix de journée est de 5 % pour faire face à la réduction du temps de travail.
Le Gouvernement doit donc nous dire exactement combien coûtera l'application des 35 heures dans la fonction publique...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bonne question !
M. Jean-Jacques Hyest. ... et ce sans augmentation d'effectifs, sans augmentation du nombre des heures supplémentaires, puisqu'il paraît qu'elles sont néfastes !
Monsieur le ministre, que comptez-vous faire pour sortir de ce qui est, à mon avis, une impasse ? Nous le savons bien : la réduction du temps de travail, telle qu'elle a été menée, est une impasse, et pas seulement dans la fonction publique ! (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Monsieur Hyest, je vous ai connu plus subtil.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Ici, monsieur le ministre, nous parlons franchement, comme nous pensons. Nous n'avons pas tout le raffinement de nos collègues de l'Assemblée nationale !
M. le président. La parole est à M. le ministre, et à lui seul.
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Vous semblez vous réjouir, monsieur le président de la commission des finances, de l'existence d'une chambre d'opposition. D'une chambre d'opposition - c'est bien le sentiment que j'ai eu - qui s'exprime avec causticité, comme il se doit, et parfois, me semble-t-il, avec un brin de caricature...
Répondant à la caricature par la caricature, je vais m'efforcer de défendre devant vous ce qui peut apparaître comme le plus petit budget présenté par un ministre, ce que M. Hyest a eu la gentillesse de souligner : il est vrai qu'il ne s'élève qu'à 1,422 milliard de francs, en progression, effectivement, pour des raisons précises que M. le rapporteur spécial a soulignées et, je crois, appréciées, puisqu'il s'agit d'action sociale, donc d'un but légitime et considéré comme tel, me semble-t-il, sur l'ensemble des travées de cette assemblée.
Mais ce sont les 710 milliards de francs de la fonction publique elle-même qui vous ont déterminés à voter comme vous allez le faire, sans vous intéresser à mon petit milliard. Telle est bien la contradiction du ministre de la fonction publique : il présente un budget qui a toutes les raisons d'être adopté - 1,422 milliard de francs, qu'est-ce que c'est ? - et qui sera rejeté au nom de critiques qui portent, elles, sur 710 milliards de francs. (Sourires.)
C'est dans cette contradiction que je vais me plonger avec vous pour vous répondre le mieux possible, mais également pour vous présenter les grands dossiers qui sont de ma responsabilité, compte tenu de la vocation interministérielle de conception, d'impulsion, d'harmonisation et de coordination de la politique des ressources humaines de l'Etat qu'assume mon ministère.
Je crois avoir entendu dire à plusieurs reprises que la réforme de l'Etat ne paraissait pas être dans mes préoccupations ni dans les priorités du Gouvernement. Je voudrais essayer, sans espérer y arriver,...
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Nous cherchons des preuves !
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. ... de vous démontrer que, au contraire, cela fait partie effectivement à la fois de mes responsabilités, de mes intentions et de mes passions.
Le Parlement - et, monsieur le président de la commission des finances, précise que, dans mon esprit, le Parlement doit être entendu au sens complet du terme, Assemblée nationale et Sénat - a entrepris un certain nombre de réformes décisives et urgentes, notamment la réforme de l'ordonnance de 1959. Ce texte, certes vénérable, régit les procédures budgétaires que vous connaissez tout particulièrement ici. Nous l'appliquons d'ailleurs ce soir ; nous en voyons aussi parfois les effets un peu formels. A l'évidence, ce texte n'est plus adapté ni à la légitime demande de transparence du Parlement ni à un pilotage moderne des politiques publiques, ce qui relève plus de mon domaine.
Les deux assemblées ont montré leur intérêt pour cette réforme fondamentale qui prévoit la présentation du budget par programmes, faisant figurer les objectifs quantitatifs et qualitatifs ainsi que les moyens, notamment en personnels, qui y sont consacrés. Cette réforme prévoit également une fongibilité d'un certain nombre de crédits et une présentation comptable plus complète reflétant mieux les engagements financiers de la nation.
Cette réforme entraînera une profonde mutation de l'organisation et des méthodes de travail des administrations. Pour employer une phrase un peu lapidaire, la manière dont vous votez le budget entraîne la manière dont l'administration dépense l'argent public, et, en modifiant la manière dont vous le votez, vous permettrez une modernisation en profondeur des méthodes de gestion de la dépense publique.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Soit !
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Passer d'une seule logique de moyens à une logique de résultats sur objectifs, c'est une réforme profonde de l'Etat, une modernisation des modes de gestion publique.
La modernisation de la gestion publique repose sur une plus grande autonomie du gestionnaire public, autonomie dont le corollaire sera, dès lors, une plus grande responsabilité.
Lorsque je parle d'autonomie, je ne veux bien entendu pas dire indépendance. Cette autonomie s'exerce dans le cadre d'objectifs précis, tant quantitatifs que qualitatifs, et elle est soumise à contrôle, à évaluation et, au bout du compte, à un contrôle et à une évaluation du Parlement.
Lors du comité interministériel pour la réforme de l'Etat, qui s'est réuni le 12 octobre dernier - plusieurs d'entre vous ont eu la gentillesse d'y faire allusion -, j'ai proposé et le Gouvernement a décidé la mise en oeuvre d'une gestion prévisionnelle de l'emploi public ainsi que l'élargissement des pratiques de contractualisation comme des expérimentations de globalisation des crédits. Ces mesures vont de pair avec une généralisation du contrôle de gestion dans les administrations.
La gestion prévisionnelle des effectifs a fait l'objet, effectivement, de nombreux rapports critiques - et à juste titre - sur la situation des années passées, mais des rapports aussi stimulants pour notre réflexion et maintenant pour l'action.
Il est vrai que l'Etat ne s'était pas doté des outils nécessaires pour anticiper l'évolution du rôle de l'administration à l'horizon des cinq à dix prochaines années, pour prévoir les besoins des citoyens et pour programmer les formations et les recrutements dans des métiers qui évoluent eux aussi.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Certes !
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. C'est un enjeu d'autant plus capital que, d'ici à 2010, la moitié des fonctionnaires actuellement en exercice seront partis à la retraite. C'est donc maintenant qu'il faut agir.
En tant que membre de l'Observatoire de l'emploi public, qui a été installé en septembre, votre rapporteur spécial pourra mesurer de l'intérieur le travail important et nécessaire qui y a été accompli ou qui le sera dans les prochains mois.
M. Gérard Braun, rapporteur spécial. Espérons !
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Des outils et des méthodes de gestion prévisionnelle ont été mis au point et expérimentés dans le cadre des plans pluriannuels de modernisation lancés en 1998.
Pour accompagner cette démarche de rénovation de la gestion des ressources humaines, le ministère de la fonction publique met en place un centre de ressources afin d'informer, de conseiller, d'assister et de stimuler les administrations gestionnaires. Chaque ministère disposera, au début de l'année 2002, avant que s'engage la préparation du projet de loi de finances pour 2003, d'un plan de gestion prévisionnelle des effectifs, des emplois et des compétences. Ce plan présentera les effectifs réels, leur évolution pluriannuelle et une mise en perspective prenant en compte l'évolution des missions et l'adaptation aux besoins des citoyens.
Avec la refonte des modes d'organisation de l'administration, de gestion publique et de gestion des effectifs, je ne pense pas que l'on puisse honnêtement dire que, sur ce point également, la réforme de l'Etat serait en panne.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous observons, c'est tout !
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Au contraire, il me semble qu'elle a pris une dimension nouvelle, car elle s'attaque enfin à des dossiers culturels et structurants.
M. Jean-Philippe Lachenaud. Les retraites !
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Pour ne pas alourdir mon propos, je ne parlerai pas des autres volets de la réforme de l'Etat : déconcentration, simplification des démarches, téléprocédures - plusieurs d'entre vous y ont fait allusion - et amélioration des relations avec les usagers. Ils sont cependant tout aussi essentiels que les premiers et cohérent avec la volonté du Gouvernement de faire avancer concrètement l'adaptation du service public et l'amélioration des conditions de travail des agents publics.
J'évoquerai maintenant, puisque beaucoup d'entre vous en ont parlé, les créations d'emploi qui figurent dans le projet de loi de finances. Je ne parlerai pas des créations d'emploi qui sont inscrites dans mon budget : il y en a six.
M. Jean-Philippe Lachenaud. C'est trop !
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. En effet, ce n'est pas à celles-là, me semble-t-il, que la plupart des orateurs ont fait allusion.
Selon votre rapporteur spécial, le Gouvernement renouerait avec la création massive d'emplois publics.
M. Gérard Braun, rapporteur spécial. Quelque 20 000 !
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est beaucoup !
M. Jacques Mahéas. Pourquoi 20 000 ?
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Monsieur le rapporteur général, j'observe tout d'abord que ces créations sont concentrées dans trois secteurs : l'éducation - j'ai entendu des critiques sur ce point et je tâcherai d'y répondre - la justice - je n'ai pas entendu de critiques sur ce point, je n'ai entendu que des approbations, monsieur Hyest - ...
M. Jean-Jacques Hyest. Oui !
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. ... et la sécurité - il m'étonnerait que vous fassiez des critiques sur ce point.
M. Philippe Marini, rapporteur spécial. Les personnels en tenue diminuent !
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Ce sont les trois secteurs qui sont en tête des préoccupations de nos concitoyens et qui constituent les priorités du Gouvernement.
M. Jacques Mahéas. Très bien !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Le ministre dit des choses intéressantes, mais le Gouvernement ne les met pas en oeuvre !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il ne peut pas !
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Qui peut contester, monsieur le président de la commission des finances, que la justice et la police n'aient besoin de moyens supplémentaires ?
M. Jean-Jacques Hyest. Pas les policiers !
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Quel parent - j'en suis un - ne souhaite pas un meilleur encadrement de la scolarité de ses enfants ? M. le rapporteur spécial s'est étonné - et plusieurs d'entre vous ont repris ce chiffre - que, bien que la démographie aboutisse à une diminution du nombre des élèves, il faille autant, sinon plus de professeurs. Il soulignait que nous serions le premier pays en Europe à être dans une telle situation. Je m'étonne de cette remarque...
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Ah bon ?
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. ... surtout dans une assemblée comme la vôtre, dont j'entends souvent dire qu'elle se sent responsable...
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Sage, surtout !
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. ... et représentative des zones les plus rurales de notre pays (M. Jean-Léonce Dupont s'exclame), même si j'ai le sentiment d'appartenir à une zone aussi rurale que celles que certains d'entre vous représentent.
Comment peut-on tenir un raisonnement de cette nature sans se rendre compte que la moyenne à laquelle vous faites allusion est le résultat d'une baisse dans certaines zones rurales - faut-il dès lors fermer les écoles ? - et d'une hausse dans les zones urbaines - faut-il alors refuser d'ouvrir des classes ?
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Quel est votre seuil ?
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Votre raisonnement en moyenne aboutirait à des suppressions massives d'écoles dans les zones rurales sous prétexte qu'on ne serait pas dans la moyenne. (Exclamations sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Vous parlez en général ! Donnez-nous des seuils !
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Pour ma part, je refuse ce raisonnement qui me paraît affaiblir de manière caricaturale le rôle qui devrait être le vôtre en tant que repésentants des zones rurales.
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est vous qui nous caricaturez !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Votre idée est très intéressante, on la publiera dans l'Indre !
M. Jacques Mahéas. Vous réclamez vous-mêmes des postes !
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Le projet de loi de finances pour 2001 marque également une étape fondamentale sur un autre aspect. Il traduit la volonté de transparence du Gouvernement sur la réalité de l'emploi public. En effet, si l'on examine la situation des effectifs des ministères civils depuis vingt ans, quel que soit le gouvernement concerné, on peut se rendre compte que, dans les périodes où les créations d'emploi budgétaires ont été les plus réduites, y compris dans les périodes où elles ont été négatives, les effectifs réels ont connu des progressions particulièrement fortes.
Je voudrais vous rendre sensibles aux chiffres que je vais vous citer : il y a aujourd'hui 6 500 emplois budgétaires de moins qu'en 1993, mais 50 000 équivalents temps plein de plus, et au moins autant d'agents précaires que voilà quatre ans, lorsque le plan Perben de résorption de la précarité a été adopté.
Vous observerez aujourd'hui, et vous l'avez dit pour le critiquer, que 5 000 emplois figurant dans le projet de loi correspondent à la transformation des crédits qui servent aujourd'hui à rémunérer des précaires en emplois budgétaires. C'est un premier pas.
M. Jacques Mahéas. Très bien ! Il faut continuer !
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Le projet de loi relatif à la résorption de la précarité, que plusieurs d'entre vous ont critiqué,...
M. Jean-Léonce Dupont. Effectivement !
M. Jean-Philippe Lachenaud. Eh oui !
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. ... alors que vous l'avez adopté voilà quelques jours en première lecture, le 23 novembre dernier, et que l'Assemblée nationale vient à son tour de voter à l'unanimité des groupes qui la composent,...
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Ce n'est pas bon signe !
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. ... ce projet de loi, dis-je, permettra non pas d'augmenter l'emploi public, mais de mieux ajuster les emplois budgétaires et les effectifs réels...
M. Jean-Léonce Dupont. Et la flexibilité !
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. ... et de donner à des dizaines de milliers d'agents publics qui exercent des fonctions permanentes et sont dans une situation de précarité inacceptable un statut, conformément aux règles de la fonction publique. Nombre d'entre vous s'en sont réjouis.
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est certainement ce que l'on fera avec les emplois-jeunes !
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Ce projet comporte aussi des mesures permettant d'éviter la reconstitution de la précarité, mesures dont votre commission des lois, je me permets de le souligner, a salué le caractère novateur.
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est trop simple de créer la précarité puis de la supprimer !
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Ces mesures touchent à la modernisation des procédures de recrutement et de gestion, qui doivent permettre de répondre mieux, et dans des délais plus rapides, aux besoins des administrations, avec une meilleure prise en compte des territoires de notre pays pour éviter ce que certains ont appelé des « sur-administrations » dans certains territoires...
M. Jean-Jacques Hyest. Eh oui !
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. ... et des « sous-administrations » dans d'autres territoires.
M. Jean-Jacques Hyest. Là où c'est le plus difficile !
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Une meilleure gestion, une meilleure souplesse, une meilleure déconcentration des mécanismes de recrutement...
M. Hilaire Flandre. Et un peu plus d'autorité !
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. ... permettront d'éviter des dégradations de cette nature. Tout cela, me semble-t-il, nous renvoie également à une démarche globale et à une volonté ferme de réforme de l'Etat.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. A venir !
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Non, en route.
Je veux vous dire les choses clairement : le débat sur le nombre d'emplois publics me paraît largement obsolète.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Pourquoi ?
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Ici, nombreux sont ceux qui me demandent toujours moins de fonctionnaires. Ailleurs, d'autres me demandent toujours plus de fonctionnaires. M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Il faut choisir !
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Je ne crois ni aux uns ni aux autres.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Ah bon ?
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. D'un côté comme de l'autre, leur raisonnement me paraît simpliste.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Le vrai débat est celui de la progression des crédits !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Nous demandons également qu'ils soient mieux payés !
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Il me paraît d'autant plus simpliste lorsqu'il est affirmé ici avec autant de certitude.
Ce qui importe, c'est de savoir comment le secteur public peut mieux répondre aux besoins, notamment d'éducation, de sécurité et de santé, de nos concitoyens. Ce qui importe, c'est de savoir si nous sommes en mesure de nous doter des outils nécessaires pour permettre aux administrations de rénover leur organisation et leur fonctionnement.
M. Jacques Mahéas. Oui !
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Ce qui importe, enfin, c'est de préparer l'avenir.
M. Jacques Mahéas. C'est cela qui est révolutionnaire !
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Dans ce cadre, les emplois-jeunes, auxquels plusieurs d'entre vous ont fait allusion avec une certaine puissance,...
M. Philippe Marini, rapporteur général. On constate que cela coûte plus cher que la justice !
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. ... même si je suis persuadé que, dans les collectivités locales que vous dirigez, nombre d'entre vous y ont recours,...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Bien sûr ! On ne refuse pas les cadeaux ! (Sourires.)
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. ... les emplois-jeunes, dis-je, jouent un rôle particulier et inventif.
Dans la fonction publique, que ce soit dans les établissements d'enseignement ou dans les collectivités territoriales, le programme emplois-jeunes-nouveaux services a permis à des dizaines de milliers de jeunes, jusque-là exclus du monde du travail, de se forger une première expérience professionnelle.
M. Jacques Mahéas. Tout à fait !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Les intégrera-t-on ?
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. M. le ministre va vous répondre, monsieur Marini ! (Sourires.)
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Ce programme permet aussi d'explorer de nouvelles pistes et de répondre à des besoins qui ne pouvaient être couverts dans le cadre des statuts existants.
Le soutien scolaire, la médiation sociale, la protection et la valorisation du patrimoine et de l'environnement, dans tous ces domaines, et dans bien d'autres encore, les emplois-jeunes ont été précurseurs et ont permis d'anticiper sur l'évolution du service public.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Que feront-ils au terme du contrat ?
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Ces jeunes n'ont pas vocation à poursuivre leur carrière dans la fonction publique, par principe. (Exclamations sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. Hilaire Flandre. Notons !
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Mais ceux qui le souhaiteront pourront, à l'évidence, passer dans de bonnes conditions, dans les meilleures conditions possibles, les concours de la fonction publique.
M. Jacques Mahéas. Absolument !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Les mêmes concours ?
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Le projet de loi relatif à la résorption de la précarité et à la modernisation du recrutement, que vous avez adopté et que vous critiquez maintenant, prévoit ainsi la création de nouveaux concours, dits de troisième voie, dans l'ensemble des recrutements, y compris de la fonction publique territoriale, permettant la prise en compte de l'expérience professionnelle, élective et associative, et la validation des acquis professionnels.
M. Philippe Marini, rapporteur général. S'agira-t-il de vrais concours ?
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Enfin, je dirai quelques mots sur la question des 35 heures, puisque beaucoup d'entre vous m'ont interrogé sur ce point, ce qui m'étonne toujours de la part d'une assemblée qui est représentative des communes, des départements et des régions de France. En effet, plus de la moitié des communes de plus de 10 000 habitants sont déjà passées aux 35 heures, la moitié des régions ont aujourd'hui passé des accords de 35 heures...
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Avec l'argent des autres, c'est plus facile !
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. ...et beaucoup de départements sont en train de le faire, quelle que soit leur couleur politique, à Lille comme à Bordeaux !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Avec l'argent des autres, c'est plus facile !
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. A Lille comme à Bordeaux !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Avec l'argent des autres, c'est plus facile !
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. A Lille comme à Bordeaux !
M. Jean-Jacques Hyest. Le disque est rayé ! (Rires.)
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Cela m'étonne, disais-je, de la part de votre assemblée, qui devrait, au contraire, être fière de comporter en son sein une majorité de maires ayant eu la capacité de passer à des mécanismes de réduction et d'aménagement du temps de travail dans leurs collectivités locales.
M. Jean-Jacques Hyest. Cela a un coût !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous sommes favorables à la libre négociation locale, pas au carcan !
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Quelles sont les modalités de ce passage aux 35 heures dans l'Etat ? Comme cela fut le cas dans le privé, il y a une disposition nationale, qui est le cadre national au travers duquel, ensuite, des négociations doivent être menées.
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est un résultat obligatoire !
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. De même qu'il y a une loi Aubry dans le privé - vous l'avez refusée, je comprends que vous la critiquiez aujourd'hui encore - une disposition législative, que vous avez adoptée, permettra d'étendre le dispositif à toutes les collectivités locales. Ensuite, par ministère, puis par service, enfin par bureau - il faut essayer de décentraliser le plus possible cette négociation - il y aura mise en oeuvre effective du passage à 35 heures.
M. Jean-Léonce Dupont. Dans certains bureaux, on est déjà à 30 ou 32 heures.
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. J'ai déjà dit, tout en reconnaissant que cela ne sera pas facile...
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Ah !
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. ... mais que nous le ferons, que ce passage aux 35 heures se fera dans un contexte de stabilité des effectifs.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Elle est bien bonne !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. C'est différent du privé !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Par quel miracle ?
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Cela se fera par des mécanismes qui nous permettront de remettrre à plat l'organisation du travail, et comme j'ai réussi à le faire dans la petite commune d'Argenton-sur-Creuse, nous le ferons ailleurs dans l'Etat, monsieur le rapporteur général.
M. Alain Joyandet. Il faudra convaincre la CGT !
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Moderniser l'Etat, c'est aussi savoir recruter les compétences nécessaires, c'est aussi maintenir l'attractivité, en termes de conditions de travail, de dialogue social et de salaires, de la fonction publique.
La négociation salariale a commencé, et puisqu'elle est commencée, comme dirait M. de La Palice,...
M. Jean-Jacques Hyest. Elle va continuer ! (Sourires.)
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. ... elle n'est pas encore achevée.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Combien va-t-elle coûter ? Est-ce prévu dans le budget ?
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Le Gouvernement est soucieux du pouvoir d'achat des fonctionnaires. La négociation entre l'Etat employeur et les représentants des agents est un moment important du dialogue social que je souhaite établir.
M. Jacques Mahéas. Très bien !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Combien cela coûtera-t-il ?
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. D'ores et déjà, vous le savez, le conseil des ministres a adopté le décret prévoyant une augmentation de 0,5 % des traitements.
De même, dès cet été, j'ai déclenché la clause dite de sauvegarde qui permet au minimum de rémunération de la fonction publique de suivre l'évolution du SMIC. Récemment, le Gouvernement a décidé le relèvement du minimum de pension.
Enfin, dans ce projet de loi de finances pour 2001, le Gouvernement propose à vos suffrages la reconduction du congé de fin d'activité, le CFA.
Ce congé de fin d'activité transpose en fait pour la fonction publique l'allocation de remplacement pour l'emploi, l'ARPE, organisée de façon conventionnelle pour le secteur privé. Cette dernière ayant été reconduite par les partenaires sociaux, il était juste que le congé de fin d'activité le soit également au profit des fonctionnaires.
En 2001 comme en 2000, les agents âgés d'au moins cinquante-huit ans ou, s'ils justifient de quarante années de cotisation et de quinze ans de service, les agents ayant atteint l'âge de cinquante-six ans peuvent bénéficier d'un départ anticipé à la retraite. Il s'agit d'une mesure sociale bénéficiant particulièrement aux fonctionnaires qui ont commencé à travailler jeunes et qui doivent pouvoir profiter de leurs années de retraite, leur départ permettant le recrutement d'un jeune.
La négociation sur les salaires ne porte pas uniquement sur la valeur du point. J'ai souhaité, et c'est une première, que la question de la promotion interne, donc de la carrière, soit aussi au coeur des débats.
Tels sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les grands dossiers que vous avez abordés et qu'il m'appartient de mener, autant que possible, à bien. C'est pour mettre en oeuvre les orientations que je viens d'exposer que les crédits que je vous présente ce soir sont proposés à vos suffrages. J'espère, sans trop y croire maintenant, que, après avoir écouté mes réponses, que j'ai souhaitées le plus complètes possible, vous ferez l'effort de les adopter. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Aymeri de Montesquiou. Quelles réponses ? Je n'ai eu aucune réponse !
M. Jean-Jacques Hyest. Moi non plus, je n'ai pas eu de réponse !
M. Alain Joyandet. Aucune réponse !
M. Hilaire Flandre. Je demande un bilan de compétences pour le Gouvernement !
M. le président. J'appelle en discussion l'article 63, qui est rattaché pour son examen aux crédits affectés à la fonction publique et à la réforme de l'Etat.

Services du Premier ministre

Article 63



M. le président.
« Art. 63. - I. - Au premier alinéa de l'article 12 de la loi n° 96-1093 du 13 décembre 1996 relative à l'emploi dans la fonction publique et à diverses mesures d'ordre statutaire, les mots : "pour une période allant du 1er janvier 1997 au 31 décembre 2000" sont remplacés par les mots : "pour une période allant du 1er janvier 1997 au 31 décembre 2001".
« II. - Dans le dernier alinéa de l'article 14 et dans les articles 31 et 42 de la même loi, l'année "2000" est remplacée par l'année "2001". »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 63.

(L'article 63 est adopté.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et C concernant la fonction publique et la réforme de l'Etat en nous prononçant maintenant sur les crédits concernant les services du Premier ministre, qui ont été précédemment réservés.

Services du Premier ministre (suite)

I. - SERVICES GÉNÉRAUX (suite)

M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et C concernant les services du Premier ministre : I. - Services généraux.
Je vous rappelle que le Sénat a déjà examiné le samedi 2 décembre les crédits relatifs à la communication et aujourd'hui même les crédits relatifs aux services généraux du Premier ministre, ainsi que les crédits relatifs à la fonction publique et à la réforme de l'Etat.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : 174 946 965 francs. »

Sur ce titre, la parole est à Mme Beaudeau.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Ce n'est pas bon signe ! (Sourires.)
Mme Marie-Claude Beaudeau. Mais si, monsieur le président de la commission des finances, c'est très bon signe !
Monsieur le ministre, je voudrais attirer votre attention sur une situation qui relève de votre responsabilité.
Dans le cadre du contrôle budgétaire de Maison de la France, qui dépend du secrétariat au tourisme, j'ai pu rencontrer les personnels en poste à Londres. Leur inquiétude est grande. Depuis la publication du décret du 25 mars 1993, les personnels du tourisme recrutés localement à l'étranger voient leur salaire gelé du fait de la suppression de leur indemnité de résidence.
Il semble bien qu'une erreur grave ait été commise et perdure. N'y a-t-il pas confusion entre les contrats des Français recrutés localement et les contrats des Français recrutés depuis Paris ?
Les contractuels locaux recevaient une indemnité de résidence, reconnue, en guise de compensation de salaires bruts trop faibles. Or, cette indemnité était déjà inférieure de 15 % à ce que percevaient les personnes recrutées depuis la France, et, bien entendu, les contractuels locaux n'avaient pas droit à la mobilité.
L'Etat n'était pas perdant. Ne versant des charges sociales que sur le salaire brut, ne réalisait-il pas une économie de 50 % ? La retraite, en revanche, se trouvait beaucoup plus faible pour les personnels considérés.
Ces contractuels sont dans une nasse d'où ils ne peuvent pas sortir, car ils supportent une réglementation ne leur étant pas, en fait, destinée.
Et enfin, dernière anomalie, la révision du décret du 18 juin 1987, portant fixation du statut des agents contractuels de l'Etat, devait permettre à ces personnels de pouvoir bénéficier des accords Durafour. Pourquoi leur a-t-on refusé ce bénéfice ? Je suis obligée de constater qu'il s'agit là d'une véritable injustice.
Je considère aussi l'intérêt et l'efficacité du travail de ceux et de celles qui nous représentent à l'étranger pour mieux faire connaître la France. Je n'ai pas besoin de vous rappeler que notre balance commerciale en matière de tourisme représente un solde positif de plus de 90 milliards de francs. Ce résultat n'est-il pas aussi le fruit de leur travail ?
Mme la secrétaire d'Etat au tourisme, que j'ai consultée sur cette affaire déjà ancienne, partage cet avis. Elle vous a également sollicité, monsieur le ministre. Votre budget permettra-t-il de retenir la solution attendue ? En effet, sur le fond, ne convient-il pas d'augmenter le traitement indiciaire des agents à l'occasion d'un changement de catégorie ? Mais, bien entendu, cela nécessiterait une révision importante des grilles indiciaires. En effet, de par leur ancienneté, tous ces personnels sont bloqués au sommet de leur catégorie depuis de nombreuses années.
Vous le savez, la France a besoin de représentants à l'étranger, reconnus et placés à un niveau de responsabilité et de salaire digne du rang et de la fonction occupés.
Je souhaiterais également que vous procédiez à un nouvel examen de la situation des fonctionnaires d'Afrique du Nord qui se sont engagés lors de la dernière guerre mondiale. J'ai entendu tout à l'heure l'orateur du groupe socialiste vous poser la question, mais, sauf distraction de ma part, vous n'y avez, semble-t-il, pas répondu.
A l'époque, ils ont choisi l'honneur en s'engageant dans la voie de la défense de leur pays. Ils n'ont fait que leur devoir, me direz-vous. Certes ! Mais ils l'ont fait - cela doit être retenu - et à une époque où « l'Algérie, c'était la France ».
La carrière de leurs collègues métropolitains a pu être reconstituée à la Libération pour ne pas pénaliser ceux et celles qui avaient choisi la voie de l'honneur. L'ordonnance de 1945 a régularisé la situation des fonctionnaires de la métropole, oubliant, volontairement ou non, ceux d'Afrique du Nord.
On ne peut pas envisager, connaissant la reconnaissance de l'opinion vis-à-vis des patriotes à la Libération, que cette situation résulte d'un oubli volontaire ou d'une sous-estimation du rôle patriotique joué. De fait, l'oubli est venu de la part de l'Etat. Cette situation est injuste, mais aussi moralement insupportable. Le devoir de patriotisme est un, sa reconnaissance doit être une.
A l'époque, cette situation n'a pas fait l'objet de luttes très marquées ; mais, progressivement, cette anomalie, cette différence de traitement est apparue, et des volontés gouvernementales, malheureusement très incomplètes et souvent sans efficacité, se sont manifestées.
Ces volontés gouvernementales se sont révélées incomplètes lorsque, le 7 janvier 1959, une ordonnance a étendu l'application de l'ordonnance de 1945 aux seuls fonctionnaires ayant servi en Tunisie.
Elles se sont avérées inefficaces lorsque le gouvernement de M. Mauroy, en 1982, a rétabli le principe d'égalité en levant la forclusion et en étendant le bénéfice de l'ordonnance de 1945 à tous les fonctionnaires d'Afrique du Nord, d'Algérie, de Tunisie et du Maroc ; mais il a fallu une loi de 1987 pour que ce texte entre en application.
Dans les faits, cette mesure n'a pas été prise en compte par les ministères. Même le ministère de la défense n'a pas contribué à l'efficacité de l'application de la décision de reconnaissance, ses fonctionnaires, comme ceux d'autres ministères, n'ayant pas même été informés de la levée temporaire de la forclusion.
Aujourd'hui, cinquante-cinq ans après, une seule mesure peut permettre de faire respecter une décision de justice : la réouverture des délais s'impose.
S'impose également la constitution de commissions de reclassement où les bénéficiaires seraient représentés, comme ils l'ont été de 1985 à 1994 par leurs pairs, c'est-à-dire par des anciens combattants. Le Premier ministre, alors candidat, s'y était engagé à deux reprises, en 1995 et en 1997.
Cela représente, avec le temps qui passe, peut-être quelques centaines de dossiers à régulariser ; comme vous le disiez fort justement à l'Assemblée nationale, monsieur le ministre, « ce n'est pas parce qu'il y en a très peu qu'il ne faut pas y prêter attention, mais le chiffre a considérablement diminué par rapport à plusieurs milliers de fonctionnaires envers lesquels nous avions un devoir moral ».
Seule une décision budgétaire peut accomplir au grand jour ce devoir moral. Et si vous le décidiez, comme mes amis du groupe communiste républicain et citoyen et moi-même le souhaitons, vous ne seriez pas en désaccord avec le chef du Gouvernement, qui écrivait ceci, en 1997 : « De retour aux responsabilités, nous examinerons les conditions d'une juste représentation des rapatriés au sein des commissions d'anciens combattants de reconstitution de carrières, mise à mal par le décret de novembre 1994 », pris, je le rappelle, par M. Balladur, monsieur le président de la commission des finances !
M. Jean-Jacques Hyest. Encore une promesse non tenue !
M. Philippe Marini, rapporteur général. En trois ans et demi, il aurait sans doute été possible de faire quelque chose !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je vous demande donc, monsieur le ministre, un engagement budgétaire sur la base suivante : la réouverture de tous les dossiers par simple levée de forclusion ; l'exonération fiscale des indemnités réparant les préjudices de carrière ; la modification de la composition des commissions de reclassement avec la participation des représentants des rapatriés, anciens combattants.
Actuellement, le devoir de mémoire s'affirme. Il doit aussi s'affirmer non pas seulement sur ceux qui auraient pu déshonorer la France, mais aussi sur ceux qui ont défendu la France. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Monsieur le ministre, je voudrais que vous sentiez à quel point nous nous intéressons à la mission qui vous a été confiée par le chef du Gouvernement : en effet, je me réjouis de voir siéger dans cette enceinte, ce soir, de nombreux sénateurs, notamment de nombreux membres de la commission des finances, dont le rapporteur général et le rapporteur spécial.
Monsieur le ministre, j'étais venu pour vous adresser un reproche, mais je m'en abstiendrai : à lire la presse, j'avais cru que vous réduisiez le Parlement à l'Assemblée nationale ; mais, du haut de cette tribune, vous avez affirmé votre conviction que le Parlement était bien constitué de l'Assemblée nationale et du Sénat et que la réforme de l'ordonnance de 1959 devrait donc être adoptée dans les mêmes termes par les deux assemblées pour offrir à la France la nouvelle constitution financière dont elle a besoin.
Monsieur le ministre, je tiens à vous dire très sincèrement que j'éprouve un grand respect pour votre personne. Vous avez été ministre des finances à un moment très difficile. Du reste, de nombreux livres ont été écrits, et personne ne vous enviait à l'époque. Vous savez quant à vous mieux que quiconque, beaucoup mieux que nombre de vos collègues du Gouvernement, ce que signifie un retournement de conjoncture. Je vous poserai donc la question suivante : est-il prudent, quand on a connu ce que vous avez connu, de continuer contre toute logique, parce que la facilité et le vent de croissance vous poussent, à créer de nouveaux postes,...
M. Jacques Mahéas. C'est demandé par les Français, par vos électeurs !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. ... alors que notre pays dispose déjà d'effectifs suffisants pour assurer aux Français les services dont ils ont besoin, et sachant qu'un certain nombre de redéploiements, dont vous êtes d'ailleurs chargé, peuvent être opérés dans cette masse ? Monsieur le ministre,...
M. Jacques Mahéas. Dites-nous lesquels !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Monsieur Mahéas, peut-être pourrions-nous parler les uns après les autres ? Je vous ai écouté, et j'ai trouvé que vous étiez éloquent. Je constate que je le suis moins que vous, puisque vous m'interrompez ! (Sourires.)
En tout cas, monsieur le ministre, la vie vous aura finalement gâté ; elle vous aura sans doute infligé des épreuves ; mais aujourd'hui, bien que les crédits dont vous assumez la gestion soient réduits à un seul agrégat - pour un ancien ministre de l'économie et des finances, ce n'est guère convenable ! -, vous avez en charge les ressources humaines de la France : c'est au fond de vous que dépend le fait que tous les Français consacrant leur vie au service des autres soient à la hauteur de l'attente de leurs concitoyens et atteignent le meilleur rapport coût/efficacité.
Monsieur le ministre, vous qui avez connu la souffrance du retournement conjoncturel, êtes-vous fier de ce que vous faites en ce moment en matière de créations d'emplois ? Par ailleurs, êtes-vous sûr d'arriver au niveau de performances dû aux Français, compte tenu du niveau des prélèvements obligatoires appliqués à ces derniers ? Et, franchement, pensez-vous que la France doive entamer une réforme ?
Je terminerai d'une façon positive, car un pays progresse non par une opposition systématique, mais plutôt par une rencontre de volontés en vue d'avancer. Mais, monsieur le ministre, avez-vous cette volonté ?
Vous avez une majorité qui ne vous facilite pas la tâche.
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Celle du Sénat, c'est une évidence !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Il suffit que je me tourne légèrement sur ma gauche pour me demander si, en effet, vous avez le soutien qu'il vous faut pour engager une réforme et faire en sorte que les Français aient à leur service la fonction publique dont ils ont besoin au meilleur rapport coût/efficacité. C'est en effet l'avenir de la France qui est en cause. Par conséquent, monsieur le ministre, dites ce soir au Sénat si, franchement, c'est à ce niveau-là que vous avez perçu la mission qui vous a été confiée. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Madame Beaudeau, vous m'avez posé deux types de questions.
Vous m'avez interrogé sur les fonctionnaires d'Afrique du Nord. Je ne vous renverrai pas à la réponse que j'avais faite à l'Assemblée nationale sur ce point, car ce ne serait pas convenable de ma part. Le problème a été posé. Il a permis, en 1982, puis en 1987, par l'ouverture puis la réouverture des délais nécessaires, de traiter la très grande majorité des dossiers. D'autres, qui ont été présentés dans les délais, sont en cours de traitement. Des difficultés administratives se posent actuellement, parce que la commission est composée...
M. Jacques Mahéas. Les commissions ne se réunissent plus !
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. ... de représentants de l'administration et des organisations syndicales, lesquelles rencontrent des problèmes pour désigner leurs délégués.
En fin de compte, le nombre de dossiers forclos parce qu'ils n'ont pas été déposés à temps est relativement réduit. Comme je l'ai indiqué, ce n'est pas une raison pour ne pas les étudier avec attention, mais la réouverture des délais est-elle le meilleur moyen de traiter les quelques dossiers qui restent pendants ? Telle est la question que se pose le Gouvernement, tout en cherchant la solution la plus juste pour des personnes qui ont donné beaucoup d'elles-mêmes en Afrique du Nord, que ce soit en Tunisie, au Maroc ou en Algérie.
S'agissant de la question relative aux personnels locaux recrutés sur place ou depuis Paris et aux disparités qui existeraient entre les statuts des uns et des autres, permettez-moi, madame Beaudeau, de vous répondre plus précisément ultérieurement, car je ne voudrais pas risquer de vous apporter une réponse immédiate mais approximative.
Monsieur le président de la commission des finances, je n'ai pas considéré ma nomination en tant que ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat comme une régression par rapport à l'époque où j'exerçais les fonctions de ministre des finances, sous l'autorité de Pierre Bérégovoy.
En ce temps-là, j'ai eu la responsabilité non pas du budget de l'Etat - cette responsabilité appartenait à un membre actuel de cette assemblée - mais des finances de la France, dans une période qui connaissait non seulement un retournement de conjoncture, mais aussi la création d'une monnaie, que tous n'approuvaient pas alors mais que certains, y compris dans l'opposition, soutenaient avec courage. On voit aujourd'hui combien cette monnaie nous est utile pour faire face aux soubresauts que l'on constate en Extrême-Orient ou au Moyen-Orient...
M. Alain Lambert, président de la commission. Certes !
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. ... ou qui sont dus à telle ou telle hausse ! Si la variation de l'euro par rapport au dollar peut parfois nous préoccuper, que serait notre économie si nous n'avions pas eu le courage de tenir le cap, en dépit des difficultés du moment, pour construire ce qui nous paraissait constituer non pas l'intérêt immédiat des partis que nous représentions mais l'intérêt fondamental de la France et des Européens ?
C'est dans cet esprit que j'ai agi à l'époque, c'est dans cet esprit que j'agis aujourd'hui à propos d'un autre type de dossier, mais qui me paraît tout aussi fondamental pour l'avenir de la France. En effet, avons-nous la capacité, en prenant nos décisions aujourd'hui, de faire en sorte que, dans dix ans ou dans quinze ans, on trouve, que ce soit à l'échelon de l'Etat, à celui des collectivités locales ou dans les hôpitaux, les bons fonctionnaires placés aux bons endroits et effectuant les bonnes missions ?
Quand je soutenais que la question du nombre des fonctionnaires me paraissait obsolète, ce n'était pas parce qu'il ne serait pas intéressant de savoir combien notre pays compte de fonctionnaires ; d'ailleurs, de ce point de vue, monsieur le président de la commission des finances, vous devriez être le mieux placé pour savoir que les emplois budgétaires ne sont pas le reflet de la réalité...
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Absolument !
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. ... et que lorsque, en 1994, 2 000 créations d'emploi ont été annoncées, ce furent en fait 9 000 emplois qui furent créés à la fin de l'exercice.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Les chiffres que vous nous annoncez ne sont donc pas vrais ? Merci de l'avouer !
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Non ! Ce que nous vous annonçons aujourd'hui se fond aussi dans un esprit de transparence qui, grâce d'ailleurs à la réforme de l'ordonnance de 1959, l'emportera sur tout le reste. Vous aurez enfin la possibilité de voter en fonction des véritables chiffres, des véritables masses, et non pas en fonction de ce que vous savez être depuis longtemps une véritable « grossièreté démocratique », comme je l'ai qualifiée l'autre jour à l'Assemblée nationale, à savoir la présentation des emplois budgétaires, d'un côté, et la réalité des emplois en fin d'année, de l'autre.
Essayons donc de nous intéresser au vrai et non pas au faux,...
M. Jean-Léonce Dupont. Tout à fait !
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. ... et déjà les choses seront plus claires entre nous, y compris en matière de comparaison des évolutions d'effectifs de gouvernement à gouvernement et année après année.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Seul ce qui est vrai nous intéresse !
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Monsieur le président de la commission des finances, au-delà de cette réponse - dont je suis prêt à admettre qu'elle avait un petit caractère polémique, mais qui faisait contrepoint à la polémique que certains des membres de cette assemblée ont engagée - je suis persuadé que, compte tenu des départs massifs à la retraite de fonctionnaires qui interviendront dans les prochaines années, et dont on me conseille parfois de profiter pour réduire le nombre de fonctionnaires en ne les compensant pas - c'est là une conception à très courte vue que certains qualifieraient de purement comptable, voire, peut-être, de notariale - ...
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. J'ai compris, c'est un compliment ! Les compliments sont permis à cette heure ! (Rires.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. Le notariat s'est beaucoup modernisé !
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. ... la question fondamentale est la suivante : dans les dix ans ou les quinze ans qui viennent, trouvera-t-on des jeunes gens et des jeunes filles qui auront envie d'entrer dans la fonction publique, quelle qu'elle soit, quel qu'en soit le niveau, alors que nous vivons - et il faut espérer que cette tendance va encore s'accentuer - dans une société qui évolue vers le plein emploi, qui est déjà une société de plein emploi pour les cadres,...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Avec 9 % de chômeurs, on peut faire encore des progrès !
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. ... alors que nous vivons dans une société où, à juste titre, les jeunes vont de plus en plus établir des comparaisons entre le secteur privé et le secteur public et où l'avantage comparatif de la sécurité de l'emploi dans les fonctions publiques va s'affaiblir ?
M. Jean-Léonce Dupont. Le temps de travail, l'accès à la retraite, les fonds de pension... Vous ne pouvez pas dire cela !
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Les jeunes, à bon droit, se demandent quelles pourraient être leurs fonctions dans une entreprise ou dans la fonction publique s'ils se présentent à un concours, quel sera le contenu de leur travail, quelles seront leur part de responsabilité et leurs perspectives de carrière au bon sens du terme ils voudront aussi savoir si la mobilité sera possible - certains intervenants y ont fait allusion à juste titre -, s'ils resteront dans un ministère toute leur vie ou s'ils pourront passer d'un ministère à un autre, d'un ministère à une collectivité locale, d'une collectivité locale à un hôpital, etc. ; ils s'interrogeront, enfin, sur le niveau de leur rémunération, ce qui me paraît la moindre des choses lorsque l'on veut s'engager dans une carrière, qu'elle soit privée ou publique.
M. Alain Joyandet. Soixante-dix pour cent des familles veulent voir leurs enfants entrer dans la fonction publique !
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. C'est selon ces critères que les jeunes établiront des comparaisons dans l'avenir, et je peux vous dire, monsieur Joyandet, que demain, si nous n'y prenons pas garde, vous me demanderez non pas pourquoi nous augmentons le nombre des fonctionnaires, mais pourquoi autant de postes restent vacants ! Or je refuse d'en arriver là ! (Applaudissemnets sur les travées socialistes.).
M. Hilaire Flandre. Plus personne ne veut prendre de risques !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Monsieur le ministre, je ne peux pas voter les crédits figurant au titre III, et ce pour trois raisons.
Tout d'abord - ce sera ma première raison -, leur examen montre que l'avenir est sacrifié, ou du moins négligé, au profit de satisfactions immédiates.
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Vous parlez de mon 1,424 milliard de francs ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il s'agit de l'ensemble de la dépense dévolue à la fonction publique, monsieur le ministre !
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Vous allez voter sur 1,424 milliard de francs !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous savez très bien de quoi nous débattons : vous-même avez répondu sur les thèmes généraux de la gestion de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Parmi vos affirmations, monsieur le ministre, il en est une à laquelle je souscris presque, selon laquelle il faut s'attacher davantage à l'évolution des crédits qu'au tableau des effectifs. C'est vrai ! Les effectifs budgétaires répartis chaque année par ministère représentent un instrument de gestion qui est utile dans l'optique de nos nomenclatures actuelles, mais qui reflète mal la réalité. Sur le plan de la gestion, lorsque l'on veut examiner la réalité des choses, il ne s'agit pas, loin de là, du meilleur guide ! En revanche, lorsque l'on étudie l'évolution des dépenses de fonction publique, qu'observe-t-on ? De 1997 à 2001, les dépenses prévues à ce titre, nous a dit tout à l'heure M. le rapporteur spécial, ont augmenté de 11,5 % ; par ailleurs, a-t-il ajouté, plus de 70 % de la progression des dépenses d'une année à l'autre, c'est-à-dire 73 milliards de francs sur 103 milliards de francs, sont consacrés à la fonction publique, essentiellement à des dépenses de rémunérations.
Or c'est bien cela qui nous alerte et nous conduit à dire que l'avenir est sacrifié ! En effet, il existe aujourd'hui une manne fiscale, on constate une augmentation des recettes, qui, pour plus de 70 %, vient alimenter la politique des rémunérations de l'Etat. Voilà la réalité, et c'est ce qui nous semble le plus préoccupant. Certes, les augmentations d'effectifs constituent un signal inquiétant, car elles signifient que l'on ouvre, pour trente ans ou quarante ans, des droits au bénéfice de ces 17 000 ou 20 000 nouveaux fonctionnaires, et donc que l'on impose une contrainte supplémentaire aux budgets futurs.
Cependant, l'essentiel tient à l'évolution des masses. Or celles-ci ne sont pas contrôlées, la dépense publique n'est pas maîtrisée et, de ce fait, il est inéluctable que les prélèvements obligatoires s'alourdissent davantage que le Gouvernement ne veut bien le dire.
Même si la croissance conservait à peu près son rythme actuel, nous aboutirions à une situation d'incompatibilité arithmétique entre, d'un côté, les charges rigides de l'Etat et, de l'autre, la politique que l'on prétend suivre en matière fiscale et en termes de prélèvements obligatoires.
Bien entendu, si, comme le craint M. le président de la commission des finances, devait survenir un jour un nouveau retournement de conjoncture, l'effet de ciseau serait absolument dramatique, bien plus grave que celui que vous avez dû affronter lorsque vous étiez à Bercy.
Monsieur le ministre, ma deuxième raison de ne pas voter vos crédits réside dans la distance qui sépare le verbe de la réalité.
Ainsi, vous nous avez parlé de réforme de l'Etat ; or ce gouvernement a reculé, au début de cette année, devant les syndicats du ministère des finances. On ne nous fera pas croire que c'est par ce genre de comportement que l'on fera progresser la réforme de l'Etat et sa crédibilité !
Certes, il est un texte qui nous intéresse, celui qui portera réforme de l'ordonnance de 1959. Nous sommes tout à fait prêts à engager une discussion ouverte et constructive sur ce thème, et nous espérons bien aboutir. Toutefois, en ce qui concerne la décentralisation de la gestion des corps de l'administration et la gestion des ressources humaines de l'Etat - expression à laquelle nous tenons beaucoup au sein de la commission des finances - a-t-on vraiment progressé ?
Enfin, ma troisième raison de ne pas voter vos crédits tient précisément à un exemple de décalage entre le verbe et la réalité : je veux parler des 35 heures.
Plusieurs d'entre nous vous ont posé des questions précises sur les 35 heures, notamment pour savoir si leur application au secteur public aurait un coût et nécessiterait des créations d'emplois non annoncées actuellement dans vos prévisions. Or vous ne nous avez pas répondu,...
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Si !
M. Philippe Marini, rapporteur général. ... ou alors par de bonnes paroles, selon lesquelles travailler moins permettrait que le service public soit mieux conçu et mieux rendu ! Croyez-nous, ce n'est pas possible ! Cela heurte le bon sens ! Vos interlocuteurs syndicaux ne peuvent pas y croire, et les négociations dans lesquelles vous vous engagez ne peuvent aboutir, monsieur le ministre, qu'à un blocage. Vous ne pouvez ainsi imposer de telles illusions à des gens qui connaissent la réalité de la gestion.
Monsieur le ministre, je me permets de vous dire, de façon tout à fait dépassionnée en cette fin de soirée, que ce n'est pas responsable. C'est un comportement qui ne peut pas être accepté. Nous savons bien quelles sont les conséquences du passage aux 35 heures dans les entreprises privées, dans les différents secteurs de l'économie ! N'allez pas prétendre que cette réforme se mettra en place sans rien coûter et sans entraîner aucune création d'emploi !
Encore une fois, il s'agit d'une affirmation qui n'est absolument pas crédible, et je crains beaucoup que, à cause de ce type d'annonce, un climat social de plus en plus détestable ne s'instaure dans la fonction publique et ne débouche sur des tensions graves qui se répercuteront sur les conditions de votre négociation salariale. Celle-ci, en effet, ne s'ouvre pas sous de bons auspices, et ce sont alors - vous le savez, vous êtes un ancien ministre de l'économie et des finances - les tensions inflationnistes qui se feront jour dans l'économie et qui diffuseront du secteur public vers le secteur privé. C'est tout un ensemble de facteurs qui va contrarier ce climat de croissance auquel nous tenons beaucoup, parce qu'il permet de faire énormément de choses sur le plan économique, s'agissant en particulier des services publics.
En travaillant comme vous le faites, en parlant comme vous le faites, en diffusant des illusions comme vous le faites, vous allez contribuer à faire renaître dans notre pays des comportements générateurs d'inflation qui seront pour la croissance une réelle menace alors que vous avez tous les atouts en main.
Vous avez toutes les possibilités de vous comporter de manière beaucoup plus responsable sur ces sujets !
En conclusion, monsieur le ministre, pour l'ensemble de ces raisons et aux termes des excellentes analyses que nous a présentées M. le rapporteur spécial, je voterai contre vos crédits, aussi bien de la petite enveloppe que de la grande enveloppe. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.

(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président. « Titre IV : 2 011 200 000 francs. »

Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.

(Ces crédits ne sont pas adoptés.)

ÉTAT C

M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 312 000 000 francs ;
« Crédits de paiement : 165 000 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.

(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant la fonction publique et la réforme de l'Etat.

3

ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, mardi 5 décembre 2000, à neuf heures trente, à quinze heures et le soir :
Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2001, adopté par l'Assemblée nationale (n°s 91 et 92, 2000-2001) (M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation).
Deuxième partie. - Moyens des services et dispositions spéciales :
Aménagement du territoire et environnement :
I. - Aménagement du territoire :
M. Roger Besse, rapporteur spécial (rapport n° 92, annexe n° 4) ;
M. Jean Pépin, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan (avis n° 94, tome XI).
II. - Environnement (*) :
M. Philippe Adnot, rapporteur spécial (rapport n° 92, annexe n° 5) ;
M. Jean Bizet, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan (avis n° 94, tome XVII) ;
M. Ambroise Dupont, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles (avis n° 93, tome III).
Affaires étrangères (et aide au développement) :
M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial (affaires étrangères, rapport n° 92, annexe n° 1) ;
M. Michel Charasse, rapporteur spécial (aide au développement, rapport n° 92, annexe n° 2) ;
M. André Dulait, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (affaires étrangères, avis n° 95, tome I) ;
M. Guy Penne, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (relations culturelles extérieures et francophonie, avis n° 95, tome II) ;
Mme Paulette Brisepierre, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (aide au développement, avis n° 95, tome III) ;
Mme Danièle Pourtaud, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles (relations culturelles, scientifiques et techniques, avis n° 93, tome XII) ;
M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles (francophonie, avis n° 93, tome XIII).

Délai limite pour les inscriptions de parole dans les discussions précédant l'examen des crédits de chaque ministère

Le délai limite pour les inscriptions de parole dans les discussions précédant l'examen des crédits de chaque ministère est fixé à la veille du jour prévu pour la discussion, à dix-sept heures.

Délai limite pour le dépôt des amendements aux crédits budgétaires pour le projet de loi de finances pour 2001

Le délai limite pour le dépôt des amendements aux divers crédits budgétaires et articles rattachés du projet de loi de finances pour 2001 est fixé à la veille du jour prévu pour la discussion, à dix-sept heures.

Délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la deuxième partie, non joints à l'examen des crédits du projet de loi de finances pour 2001

Le délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la deuxième partie, non joints à l'examen des crédits du projet de loi de finances pour 2001, est fixé au vendredi 8 décembre 2000, à seize heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.

(La séance est levée le mardi 5 décembre 2000, à zéro heure quinze.)

Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON



(*) Procédure expérimentale de questions et de réponses suivies d'un droit de réplique des auteurs de questions.