SEANCE DU 23 NOVEMBRE 2000


SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET

1. Procès-verbal (p. 0 ).

2. Transmission du projet de loi de finances (p. 1 ).

3. Loi de finances pour 2001. - Discussion d'un projet de loi (p. 2 ).
M. le président.

Rappel au règlement (p. 3 )

MM. Alain Vasselle, le président.

Discussion générale (p. 4 )

MM. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances ; Mme Hélène Luc, MM. Alain Lambert, président de la commission des finances ; Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales.

Suspension et reprise de la séance (p. 5 )

PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE

MM. Bernard Angels, Josselin de Rohan, Jean Arthuis, Hubert Durand-Chastel, Roland du Luart, Paul Girod, Thierry Foucaud, Michel Sergent, René Trégouët, Xavier de Villepin, Jean Puech.

Suspension et reprise de la séance (p. 6 )

MM. Pierre Laffitte, Paul Loridant, Michel Charasse, Jacques Oudin, Marcel Deneux, Joël Bourdin, Gaston Flosse.
Clôture de la discussion générale.
M. le ministre.
Renvoi de la suite de la discussion.

4. Dépôt de projets de loi (p. 7 ).

5. Transmission d'un projet de loi (p. 8 ).

6. Dépôt de propositions de loi (p. 9 ).

7. Dépôt d'un rapport (p. 10 ).

8. Dépôt d'un rapport d'information (p. 11 ).

9. Dépôt d'avis (p. 12 ).

10. Ordre du jour (p. 13 ).



COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à onze heures cinq.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

TRANSMISSION DU PROJET
DE LOI DE FINANCES

M. le président. J'ai reçu aujourd'hui, transmis par M. le Premier ministre, le projet de loi de finances pour 2001, adopté par l'Assemblée nationale.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 91, distribué et renvoyé au fond à la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, et pour avis sur leur demande aux autres commissions permanentes.

3

LOI DE FINANCES POUR 2001

Discussion d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de finances pour 2001, adopté par l'Assemblée nationale (n°s 91 et 92, 2000-2001).
Monsieur le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général du budget, mes chers collègues, l'ordre du jour appelle donc la discussion du projet de loi de finances pour 2001.
Nul n'est besoin de rappeler ici le détail des améliorations que la conférence des présidents, sur la proposition du président Alain Lambert, a décidé d'apporter au déroulement de ce « marathon » budgétaire, qui nous conduira jusqu'au 12 décembre.
Notre intention commune a été de dynamiser la discussion en prenant trois directions : raccourcir la durée globale de cette discussion, compte tenu de l'ensemble des travaux d'information que nous avons conduits au cours de l'année écoulée ; réaffirmer la vocation particulière du Sénat, représentant constitutionnel des collectivités territoriales, à avoir un débat d'ensemble sur les recettes locales ; enfin, rendre plus vivant et plus pertinent le débat sur les dépenses.
La discussion générale a donc été recentrée sur la seule journée d'aujourd'hui, jeudi 23 novembre.
La discussion des articles de la première partie commencera dès demain, vendredi 24 novembre, l'après-midi.
Le mardi 28 novembre après-midi se tiendra le débat, de trois heures environ, sur les finances locales, avec l'examen des articles de la première partie s'y rapportant.
Le débat sur le prélèvement européen, dont chacun connaît l'importance, aura lieu le lendemain, mercredi 29 novembre.
Enfin, la deuxième partie devra donner lieu à un véritable échange de vues entre le Gouvernement et le Sénat au lieu de prendre la forme de longs, de trop longs monologues.
J'insiste en particulier sur l'obligation impérieuse pour les rapporteurs, pour les orateurs des groupes ainsi que pour les ministres de ne pas excéder les temps de parole fixés à l'unanimité par la conférence des présidents, en accord avec le ministre des relations avec le Parlement.
Cela suppose, notamment, que les ministres répondent aux orateurs sans faire une description exhaustive de la politique de leur ministère, qui est connue de tous.
En outre, pour la discussion de deux fascicules, transports terrestres et environnement, nous tenterons l'expérience d'une nouvelle procédure de « questions-réponses », fondée sur le principe d'une réponse immédiate du Gouvernement aux différents intervenants, rapporteurs et orateurs des groupes. Le moment venu, nous dresserons un bilan de cette nouvelle et intéressante procédure.
L'examen annuel du budget est, mes chers collègues, le temps fort de notre démocratie parlementaire.
Au nom de vous tous, je souhaite que la mise en oeuvre de ces aménagements nous permette d'avoir une discussion plus vivante, plus dynamique et plus interactive, afin qu'il y ait un véritable dialogue entre le Gouvernement et le pouvoir législatif, dans l'attente, nous l'espérons tous, d'une rénovation plus substantielle de la procédure budgétaire grâce à une refonte de l'ordonnance de 1959, à laquelle travaille actuellement la commission des finances de notre assemblée, sous l'impulsion de son président.
La réussite de cet objectif ambitieux suppose que chaque intervenant, qu'il s'agisse des sénateurs ou des membres du Gouvernement, veuille bien accepter, autorisez-moi l'expression, de « jouer le jeu » qui vient de vous être proposé.
J'en appelle en particulier aux présidents des groupes ainsi qu'à vous, monsieur le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, et au ministre des relations avec le Parlement, pour que tous les acteurs du débat budgétaire, ministres ou sénateurs, soient sensibilisés au respect de ces nouvelles règles.
Je sais pouvoir compter sur vous tous et je vous remercie par avance de tous les efforts que vous voudrez bien développer en ce sens. Il y va, mes chers collègues, de la qualité de nos travaux et de l'audience de notre institution républicaine. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Rappel au règlement



M. Alain Vasselle.
Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président. La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Monsieur le président, mon rappel au règlement porte sur l'ordre du jour de nos travaux, car un grain de sable vient de s'introduire dans la mécanique bien huilée que vous venez de présenter !
Ce matin, à deux heures, il nous a été annoncé que nous devions interrompre l'examen du texte relatif à la résorption de l'emploi précaire dans la fonction publique pour le reporter au vendredi 24 novembre, à neuf heures trente.
Voilà qui va bouleverser complètement l'ordre du jour prévu par la conférence des présidents et annoncé à nos collègues. Je ne sais qui est responsable de cette modification de l'ordre du jour - le Gouvernement ou la conférence des présidents - mais j'estime que ce sont des conditions de travail particulièrement déplorables. Songez que nombre de sénateurs qui avaient organisé leur emploi du temps en fonction de la séance fixée initialement au vendredi après-midi vont devoir venir siéger le matin. Je demande donc le report de la fin de la discussion du texte sur la fonction publique à la semaine prochaine.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Ils seront là pour la discussion du projet de loi de finances !
M. le président. Monsieur Vasselle, je vous donne acte de votre rappel au règlement tout en soulignant que le Gouvernement est maître de l'ordre du jour.
En fixant à demain matin, neuf heures trente, la poursuite et la fin de la discussion du texte concernant la résorption de l'emploi précaire dans la fonction publique, nous avons veillé à protéger le débat budgétaire qui, comme je l'ai indiqué, reprendra demain, à quinze heures. Par conséquent, il n'est pas porté atteinte au temps temps imparti à la discussion du projet de loi de finances. Simplement, le Gouvernement a décidé de reprendre, sur un sujet « hors budget », l'examen d'un projet de loi en cours de discussion.

Discussion générale



M. le président.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi de finances que j'ai l'honneur de vous présenter avec Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget, qui, retenue actuellement à Bruxelles, nous rejoindra ultérieurement, repose sur trois objectifs : une meilleure satisfaction des besoins de nos concitoyens tout en maîtrisant les dépenses ; un déficit public qui poursuit sa réduction ; des baisses d'impôts importantes et équitables qui s'inscrivent dans un cadre pluriannuel.
C'est donc un budget de cohérence qui vous est soumis, cohérence avec les choix engagés par le Gouvernement et la majorité plurielle depuis le début de la législature pour l'activité et pour l'emploi, cohérence aussi avec les valeurs de progrès que nous défendons : croissance réformatrice, Etat partenaire et solidarité durable.
Avant de passer à l'examen proprement dit du budget et en vous remerciant beaucoup, monsieur le président, des propos que vous avez tenus sur l'organisation de vos travaux, je souhaite en quelques mots revenir sur trois débats qui ont accompagné la présentation de ce texte.
L'élaboration du budget a tenu compte, tout d'abord, de l'aléa pétrolier.
Voilà un mois, la tension sur les marchés faisait craindre, à l'approche de l'hiver, une éventuelle pénurie de produits raffinés, notamment en Amérique du Nord. Aujourd'hui, nous constatons des variations presque quotidiennes sur les prix des carburants, en même temps - je veux le signaler - qu'une volonté de concertation nouvelle et, je l'espère, réelle à l'échelon international pour entretenir et développer un dialogue durable entre pays producteurs et pays consommateurs de pétrole.
Dans ce contexte, des mesures ont été prises par le Gouvernement, en particulier une baisse de la TIPP - taxe intérieure sur les produits pétroliers - sur le fioul domestique et la mise en place de ce que l'on a appelé la TIPP stabilisatrice. Nous devons rester vigilants, mais ne pas surréagir. S'agissant de l'évolution des prix du pétrole, le Gouvernement demeure prudent, mais plutôt optimiste à moyen terme.
L'élaboration du budget - c'est ma deuxième remarque liminaire - intègre la variation du cours externe de l'euro. Alors que la monnaie unique est adoptée sur tous les marchés, sa valeur actuelle oscille loin de son cours d'introduction. Pour autant, il ne faut pas, là non plus, céder au pessimisme. La croissance de la zone euro est bien assise, comme nous l'escomptions. Notre détermination à soutenir le cours de la monnaie unique a été prouvée. La coordination des politiques économiques se poursuit, ce qui n'est pas facile car on ne se défait pas du jour au lendemain en Europe de réflexes dispersés.
Je veux préciser, à ce sujet, que 2001 sera l'année de montée en régime de la préparation de l'euro pratique. J'aurai l'occasion de vous en entretenir souvent, comme parlementaires et comme élus locaux, car ce sera une préparation que nous devrons faire dans la concertation, qui est tout à fait essentielle et qui ne sera pas facile. En tout cas, ce budget est le dernier que je vous présenterai en francs.
Enfin, l'élaboration du budget a bien sûr respecté le cap fixé par le Premier ministre voilà trois ans : priorité à la lutte contre le chômage et à la solidarité. Cette politique, personne, je crois, ne le conteste, a permis à près de un million de chômeurs de retrouver un emploi a redonné du pouvoir d'achat aux ménages, notamment les plus modestes, et a consolidé l'activité de la plupart des entreprises. Depuis quelques semaines, de nombreux commentaires ont été consacrés à ce que j'appelle « la politique économique de l'emploi ». Je me réjouis que ce débat ait commencé d'entrer dans le domaine public, même si, souvent, on le réduit à un clivage beaucoup trop facile, et à vrai dire sommaire, entre politique de l'offre et politique de la demande. Méfions-nous du manichéisme et du dogmatisme en économie. Il n'y a pas à choisir entre le pouvoir d'achat des Français et la solidité des entreprises, qui sont en fin de compte interdépendants, pas plus qu'il n'y a à trancher entre efficacité économique et justice sociale, qui sont toutes deux les conditions du développement durable du pays.
Faudrait-il, pour avancer, choisir entre ses deux jambes ? Assurément non. Croissance à la hausse et chômage à la baisse vont de pair. En trois ans, près de un million de personnes sont sorties du chômage, qu'il s'agisse de primo-demandeurs, de jeunes, de chômeurs de longue durée. Toutes les catégories sont concernées. Mais rappelons-nous que l'on dénombre encore en France plus de deux millions de chômeurs et que beaucoup d'efforts restent à faire pour en finir avec le chômage de masse. Voilà notre priorité absolue : revenir, si possible, au-dessous de deux millions de chômeurs d'ici à 2002. C'est dans cet esprit que ce budget a été préparé. Notre politique économique, je vous le confirme, est bien lapolitique économique de l'emploi.
Mesdames, messieurs les sénateurs, l'examen en première lecture du projet de loi de finances à l'Assemblée nationale a permis de préciser certaines dispositions du texte, d'en compléter d'autres, en particulier en matière de fiscalité écologique et de finances locales, sans pour autant bouleverser l'architecture initiale. C'est le rôle du Parlement. Nous avons, je crois, modernisé le système fiscal des sociétés de capital-risque, amélioré, sur certains points, la fiscalité des agriculteurs, majoré la dotation de solidarité rurale et le financement de l'intercommunalité, favorisé les conditions d'amortissement pour les équipements de production d'énergies renouvelables, accordé un abattement de taxe foncière pour les HLM en zone sensible et un dégrèvement de cette même taxe pour les personnes âgées de plus de soixante-dix ans non imposables, consolidé la condition d'emploi pour le bénéfice de la loi sur les départements d'outre-mer. Je connais, par expérience, la qualité des débats qui se déroulent au sein de la Haute Assemblée, j'espère qu'ils seront fructueux. Je veux saluer les travaux de votre commission des finances,...
M. Alain Lambert, président de la commission des finances du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Merci !
M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... le président Alain Lambert et le rapporteur général Philippe Marini, ainsi que tous les membres de cette commission et, plus généralement, tous les membres de votre assemblée, en particulier celles et ceux qui nous font l'honneur d'être présents aujourd'hui.
Le premier objectif de ce budget, c'est la consolidation de nos atouts économiques fondamentaux. Nous avons choisi de préparer ce budget à partir d'une fourchette de croissance assez large, puisqu'elle se situe entre 3 % et 3,6 %. Depuis lors, d'autres estimations élaborées par une série d'organismes nationaux et internationaux nous font penser que, quelle que soit la décimale, la croissance devrait être soutenue l'an prochain, à peu près deux fois supérieure à ce qu'elle fut ces quinze dernières années. Pour 2001, et dans le sillage des trois dernières années, les indicateurs sont dans l'ensemble favorables.
La consommation devrait rester vigoureuse et le pouvoir d'achat progresser. Les dépenses des ménages n'ont cessé de croître : 2,1 % en 1999, 2,7 % en 2000 ; nous prévoyons 3,5 % l'an prochain. Comme le taux d'épargne reste fixe et que l'inflation a atteint, en octobre, 1,9 % en glissement annuel, c'est, quelles que soient les contestations, une traduction indiscutable de la hausse du pouvoir d'achat auquel vous êtes, je le sais, très attentifs. En termes réels, c'est-à-dire après inflation, la masse salariale globale devrait augmenter en francs constants de 4,2 % l'année prochaine, prolongeant une hausse d'environ 3,9 % cette année. Elle confirme que des ressources nouvelles sont apparues dans les foyers ; 2,5 % de l'accroissement du volume global des salaires devraient aller aux créations d'emploi, 1,7 %, soit plus des deux cinquièmes, abondant le pouvoir d'achat par tête.
Je souligne ce point, mesdames, messieurs les sénateurs, parce qu'il est souvent passé sous silence : il existe une masse salariale globale qui augmente, et même, historiquement, qui augmente beaucoup. Comment se répartit-elle ? Nous avons fait le choix, en 1997, que l'essentiel aille à la création d'emplois, et c'est ce qui s'est passé. Cela signifie mécaniquement que les augmentations salariales pour les personnes déjà en activité sont moins importantes, même si elles demeurent positives, que ce qui se serait produit s'il n'y avait pas eu ces créations d'emplois. Mais on le sait bien, en économie comme dans la vie, on ne peut pas faire une chose et son contraire. L'aspect principal est que priorité est donnée aux créations d'emplois, ce qui absorbe toute une partie de la masse salariale globale. Dès lors, la progression du pouvoir d'achat de ceux qui sont déjà en activité est positive, mais pas autant que s'il n'y avait pas eu ces créations d'emplois.
S'agissant de ce que l'on appelait naguère la formation brute de capital fixe et qu'il vaut mieux appeler l'investissement, l'augmentation prévue pour 2001 est de 6,9 %. Elle pourrait donc être un peu au-dessous du niveau exceptionnel de 1999, à savoir 7,6 %, mais légèrement supérieure au remarquable résultat de l'an 2000, déjà estimé à 6,6 %. C'est une novation en France. Ce ne sont pas les taux que nous avons connus pendant de longues années, et je pense que nous devons, toutes et tous, nous en réjouir. Même si ces taux restent inférieurs à ce qu'ils sont par exemple aux Etats-Unis, où ils atteignent parfois 14 % ou 15 %, ils montrent une disponibilité de nos entreprises à aller de l'avant et à préparer l'avenir, qui est la meilleure garantie des futures créations d'emplois.
C'est la preuve que l'investissement, notamment celui des petites et moyennes entreprises, est devenu non pas totalement, mais relativement indépendant des aléas ponctuels de la conjoncture, son volume démontrant la confiance et la rentabilité de nombre de nos sociétés.
Enfin, je veux souligner que le commerce extérieur, et singulièrement la balance des paiements, reste dynamique, même si la part des exportations dans l'addition finale sera peut-être moins élevée que les années passées. Au total, sur les sept premiers mois de l'année, les exportations auront atteint le niveau record de 1 200 milliards de francs, soit une progression de 13 % par rapport à 1999.
Le deuxième objectif du Gouvernement est de rassembler les moyens nécessaires pour le service de l'intérêt général tout en respectant nos priorités budgétaires. Comme l'a souligné votre commission des finances, la valeur réelle d'une politique budgétaire tient dans un objectif pluriannuel de dépenses publiques vérifiable. En choisissant une évolution raisonnable des dépenses, en fixant un certain nombre de règles du jeu, nous prenons la décision de laisser fonctionner sans à-coups les stabilisateurs automatiques qui y contribuent.
Le choix du budget pour 2001 est celui d'une progression en volume de 0,3 % des dépenses, nettement moindre que celle de la richesse nationale, qui s'élève à plus de 3 %. La part des dépenses publiques dans le produit intérieur brut baisse ainsi de près de deux points au total en 2000 et 2001. Cette lisibilité de notre politique de finances publiques est une condition pour mener à bien les réformes de structure dont les administrations ont besoin et pour redonner à l'action publique des marges de manoeuvre, non par une augmentation exponentielle des dépenses, mais par une meilleure efficacité. Cet effort, pour vous toutes et vous tous qui êtes des praticiens de la chose publique, ne doit pas être sous-estimé : chaque année depuis 1997, ce sont environ 30 milliards de francs qui sont ainsi réaffectés. Cette année, nous en « bougeons » 36 au profit de mesures nouvelles. Au total, 150 milliards de francs auront ainsi été redistribués, soit presque 10 % des dépenses. Tous les parlementaires savent qu'un tel résultat, même s'il n'est pas à la hauteur de ce que certains souhaiteraient, est important compte tenu de la grande inertie de la dépense publique.
Les postes qui ont été désignés par le Premier ministre comme prioritaires dans les lettres de cadrage connaîtront une hausse des dépenses plus rapide que l'ensemble du budget de l'Etat.
Les moyens consacrés à l'éducation nationale croîtront en 2001 de 2,7 %, pour atteindre, la somme est considérable, 388 milliards de francs.
Le budget de la justice progresse de 3 % par rapport à la loi de finances initiale 2000 ; ces moyens permettront notamment de renforcer l'administration pénitentiaire, comme les deux chambres du Parlement l'ont souhaité ; 1 milliard de francs d'autorisations de programme ont été inscrites en amendement dans le projet de budget pour 2001 afin d'initier un programme ambitieux de rénovation indispensable des prisons.
La priorité accordée à la sécurité se traduira par une augmentation de 7 % des crédits de fonctionnement de la police.
Le budget de l'environnement, qui est moins important en masse, progressera de 8,2 % par rapport au budget 2000, contribuant à restaurer les milieux naturels après les catastrophes de l'hiver dernier.
En outre - j'y reviendrai dans un instant - les concours aux collectivités locales augmenteront de 2,6 % en 2001 au titre du contrat de croissance et de solidarité. Le soutien à l'intercommunalité sera renforcé.
S'agissant des emplois publics, les effectifs civils de l'Etat et de ses établissements publics progresseront, compte tenu des priorités que je viens de rappeler, de 11 337 emplois par rapport à l'an dernier. Ce chiffre, je le précise, est celui des agents effectivement engagés et payés pour la première fois en 2001, et non une reconstruction théorique qui, finalement, n'a pas grand sens. Il équivaut à 2 % de la progression des effectifs du secteur privé l'année dernière, pour développer la sécurité, accroître le niveau de nos équipements et préparer sous toutes ses formes l'avenir.
Je connais, mesdames, messieurs les sénateurs, votre intérêt pour les questions touchant aux collectivités locales, et c'est pourquoi je voudrais attirer votre attention quelques instants de plus sur les moyens financiers prévus à ce titre dans le projet de budget pour 2001. Ils progresseront de manière significative, et ce pour quatre raisons principales.
La forte croissance globale des concours de l'Etat, en 2000 comme en 2001, sera, à l'examen des chiffres, la plus soutenue et la plus dynamique depuis une décennie. Ainsi, la dotation globale de fonctionnement des communes augmentera de 3,4 % l'an prochain, pour atteindre près de 95 milliards de francs, et la dotation générale de décentralisation bénéficiera d'une évolution positive.
Le contrat de croissance et de solidarité fera profiter les collectivités locales d'un supplément de recettes par rapport à celles qui étaient prévues dans l'ancien pacte de stabilité. Après avoir atteint 1 milliard de francs en 1999, 1,9 milliard de francs en 2000, elles seront équivalentes à 4 milliards de francs en 2001. Ce contrat triennal aura donc permis non seulement une meilleure prévisibilité de nos ressources, mais surtout leur accroissement.
Les abondements exceptionnels pour aider les collectivités les moins favorisées seront maintenus et amplifiés. Ainsi, la dotation de solidarité urbaine, qui a augmenté de 45 % en 1999 et encore de 14 % en 2000, bénéficiera non seulement, comme c'est normal, de l'abondement décidé en 1999 pour trois ans, mais aussi d'un versement exceptionnel de 350 millions de francs dans le projet de budget pour 2001. Le budget du ministère de la ville, qui progressera de près de 70 %, viendra compléter cet effort exceptionnel. La dotation de solidarité rurale, qui a également augmenté régulièrement, notamment de 25 % au titre de la loi de finances pour 2000, bénéficiera, dans le projet de budget pour 2001, pour sa fraction « bourgs-centres », d'un abondement exceptionnel de 150 millions de francs.
Enfin, le succès de la loi du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale s'est révélé un impératif supplémentaire pour nous convaincre d'accélérer cette réforme nécessaire. Nous y avons, je crois, largement répondu. Après un financement de 750 millions de francs en 2000, ce sera au total 1,2 milliard de francs qui sera prélevé sur les recettes du budget en 2001 pour financer la dotation d'intercommunalité et la diminution de la DCTP, la dotation de compensation de la taxe professionnelle, pour l'ensemble des communes. Au total, je l'ai dit, les concours de l'Etat aux collectivités locales augmenteront de 2,6 % et, toutes choses comprises, de près de 15 % en 2001, soit de 337 milliards de francs, c'est-à-dire beaucoup plus que le budget de l'Etat, qui progresse, lui, de 1,5 %.
Le troisième objectif est un impératif de saine gestion : des dépenses maîtrisées et des recettes équilibrées. Le plan d'allégement et de réforme des impôts 2001-2003 répond à un constat que j'ai, pour ma part, dressé depuis plusieurs années : s'il est trop élevé, le montant des prélèvements obligatoires est antiproductif et mal accepté.
M. Jacques Oudin. Il y a longtemps qu'on le dit !
M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Il y aura donc une baisse sensible des impôts. D'ici à 2003, la baisse nouvelle des impôts atteindra 120 milliards de francs qui s'ajoutent à près de 100 milliards de francs depuis 1997. La baisse du fioul bénéficie à ceux, nombreux, qui l'utilisent pour chauffer leur maison. La disparition de la vignette de leur pare-brise renforcera la visibilité de 30 millions d'automobilistes sans que les finances des départements aient à en souffrir. Les baisses de taxe d'habitation du collectif de printemps que vos électeurs, mesdames, messieurs les sénateurs, doivent être en train de constater et dont vous vous félicitez certainement auront profité dès 2000 à tous les occupants d'un logement ; la ristourne de CSG, la contribution sociale généralisée, profitera à tous les actifs percevant jusqu'à 1,4 fois le SMIC.
Le Gouvernement a approuvé plusieurs modifications proposées par l'Assemblée nationale, notamment l'exonération de la redevance audiovisuelle pour les personnes non imposables âgées de plus de soixante-dix ans, l'abattement de taxe foncière pour les HLM en zone sensible et le dégrèvement de 500 francs sur cette même taxe pour nos concitoyens âgés de plus de soixante-dix ans et non imposables. Au total, le gain de revenu disponible approchera 3 % pour l'ensemble des ménages, soit l'équivalent d'une année de croissance.
La baisse des impôts proposée est pluriannuelle, car, imitant en cela ce que nous pratiquons en matière de maîtrise de la dépense et pour le solde budgétaire, nous inscrivons nos recettes et notre fiscalité dans une dimension qui dépasse l'annualité.
Cette baisse, qui a été et qui sera discutée, comme cela est bien normal, aura des effets redistributifs. Grâce aux effets cumulés des mesures prises depuis le printemps 2000, les revenus ont augmenté de 2,9 % en moyenne et le gain dépasse 5 % pour les 40 % des ménages les moins fortunés. La réforme de la décote et la baisse proportionnellement plus forte des tranches basses et moyennes de l'impôt sur le revenu, comme c'est juste, accentueront ce bonus pour ceux qui en ont le plus besoin. La baisse de l'impôt sur le revenu touche toutes les tranches du barème, et ce point a également été discuté ; c'est un geste qu'a voulu faire le Gouvernement en direction des cadres, des créateurs et des entrepreneurs, pour que ces derniers exercent leur talent au service du pays qui les a formés.
Rendue possible par la croissance, cette baisse des impôts devrait la favoriser en retour. C'est ce que nous appelons la « croissance réformatrice ». En permettant une hausse du pouvoir d'achat, la baisse du barème de l'impôt sur le revenu et la réduction du taux de la CSG et de la CRDS, la contribution pour le remboursement de la dette sociale, engendrent des ressources nouvelles qui, à leur tour, par un effet d'assiette, pourront permettre plus d'activités, la réduction de notre déficit et de notre dette. Cette baisse des impôts favorise le développement des entreprises par la suppression progressive de ce qui a été appelé la « surtaxe Juppé », suppression qui ramènera le taux normal de l'impôt sur les sociétés de 40 % en 1997 à 33 %.
Pour favoriser la création et l'innovation, un effort particulier est accompli en faveur des petites entreprises puisque le taux d'imposition de leurs bénéfices sera réduit jusqu'à 15 % sur les 250 000 premiers francs pour celles dont le chiffre d'affaires est inférieur à 50 millions de francs. Ces mesures permettront de renforcer les fonds propres des sociétés et de soutenir leur capacité à se développer, donc à créer des emplois, comme y aidera la modernisation du régime fiscal des sociétés de capital-risque.
Cette réforme est un élément de notre politique économique de l'emploi. L'augmentation de ce que les économistes appellent le « coin fiscal » entre la richesse produite et la rémunération du travail pénalise en effet l'activité. Le niveau des impôts peut introduire un écart important entre le niveau des rémunérations effectives du travail et celui des efforts consentis par tous les salariés et les entrepreneurs. De fait, le retour à l'activité des personnes bénéficiant des minima sociaux se traduit par un gain net par heure de travail qui ne s'élève souvent qu'à quelques francs. Certains sont alors mis en situation de choisir entre le chômage et un emploi avec diminution de leur pouvoir d'achat. Dans ce contexte, la mise en place d'une ristourne dégressive de CSG augmentera sensiblement la rémunération nette du travail et avantagera les revenus d'activité. Ainsi, pour un smicard, cela représentera, dès le mois de janvier 2001, à peu près 200 francs et, à la fin de notre exercice triennal, un treizième mois supplémentaire, ce qui est toujours appréciable en particulier pour des personnes disposant de faibles revenus.
Compte tenu de la nécessité de poursuivre la réduction du poids de la dette publique, une extension de cette disposition à un nombre plus important de contributeurs conduirait à baisser le gain net au niveau du SMIC. Avec la réforme des dégrèvements de taxe d'habitation, des allocations de logement et le mécanisme de cumul du revenu minimum d'insertion et d'un salaire, ce sont au total près de 40 milliards de francs qui iront vers les salaires les plus modestes.
Réduire les impôts que nous payons aujourd'hui ne suffit pas. Une diminution du déficit et, de ce fait, une réduction de l'endettement sont indispensables pour associer une solidarité durable et une croissance soutenue. En 2001, pour la troisième année consécutive, le poids de la dette publique se réduira pour se rapprocher d'un niveau de 57 % du produit intérieur brut contre près de 60 % en 1998. Trois points de dette en moins, cela peut paraître abstrait, mais c'est environ 15 milliards de francs de charges d'intérêt qu'il ne faudra plus payer. Moins de dette, c'est moins d'impôts et plus d'initiatives pour les générations futures. Ce mouvement doit reposer à la base sur une réduction continue des déficits publics.
M. Roland du Luart. Il y a du travail...
M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. A ceux qui préféreraient une augmentation massive des dépenses, je rappelle la leçon de l'histoire, y compris de l'histoire récente : une réduction insuffisante des déficits en phase d'expansion fragilise les finances publiques au premier retournement de conjoncture et finit par menacer l'emploi. Personnellement, je n'attends pas un tel mouvement, mais ce n'est pas une raison pour ne pas s'en prémunir : en économie, il y a aussi un principe de précaution à respecter.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous allons vous aider, monsieur le ministre !
M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je vais y venir dans un instant, cher ami !
De plus, laisser filer les dépenses serait un principe égoïste, aux antipodes du principe de solidarité.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Comptez sur nous pour vous aider !
M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Alors que des générations nombreuses parviendront à l'âge de la cessation d'activité à partir de 2005, les engagements des régimes de retraite constituent plusieurs dizaines de points de produit intérieur brut de « dette publique implicite » que nous ne pourrons pas combler si nous n'avons pas amélioré les comptes de l'Etat. C'est pourquoi le gouvernement de Lionel Jospin a décidé d'affecter au fonds de réserve des retraites une partie des recettes tirées de la vente des licences des téléphones mobiles de troisième génération, dites UMTS. (Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Alain Gournac. Vous ne vendrez rien du tout !
M. Patrick Lassourd. Il n'y a plus d'acheteurs !
M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Aux tenants de la thèse adverse, c'est-à-dire du sabrage tous azimuts des dépenses - ils proposent d'ailleurs souvent dans le même temps par amendements des milliards de francs de dépenses supplémentaires -...
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Mais non !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Pas du tout ! Ce sont des changements d'affectation !
M. Alain Gournac. Il faut mieux utiliser l'argent !
M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... je ferai remarquer avec sourire que des efforts d'économies ont été accomplis : alors que nous nous situions encore en queue du peloton européen en 1997,...
M. Josselin de Rohan. Ben voyons !
M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... au moment où ce gouvernement prenait ses fonctions, nous nous retrouverons en 2001 avec un besoin de financement proche de celui de la moyenne de nos partenaires. Depuis trois ans, les dépenses en volume ont progressé au total de 1 %. En prévision, le budget affichait, en 1997, un déficit de 285 milliards de francs, en 1998 un déficit de 258 milliards de francs, en 1999 un déficit de 237 milliards de francs, en 2000 un déficit de 215 milliards de francs. En exécution, le déficit du budget de l'Etat avait été de 248 milliards de francs en 1998, de 206 milliards de francs en 1999, et nous attendons pour 2000 un déficit effectif inférieur à 200 milliards de francs. Dans le cadre du projet de loi de finances rectificative, le Gouvernement a annoncé la semaine dernière que le déficit était fixé à 209,5 milliards de francs pour 2000,...
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Ce n'est pas brillant !
M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... soit une réduction de 5,5 milliards de francs par rapport au collectif de printemps et à la loi de finances initiale. Ce résultat a suscité bien des remarques. Pour ma part, j'en ferai deux.
D'une part, sauf à confondre deux logiques, il ne faut pas assimiler, vous le savez bien, le déficit inscrit en loi de finances, même rectificative, avec le déficit effectivement constaté : pour l'année en cours, je l'ai dit, celui-ci sera vraisemblablement inférieur à 200 milliards de francs, donc plus faible que celui qui a été observé l'an dernier.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Alors, les lois de finances ne servent à rien ?
M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. D'autre part, si l'on considère les chiffres en tendance, on constate que, cette année, le Gouvernement a privilégié les baisses d'impôts. Le projet de budget pour 2000 tablait sur 40 milliards de francs de baisses d'impôts, le collectif de printemps en a décidé 40 milliards de francs supplémentaires tandis que celui de l'automne supprimait la vignette. Au total, pour la seule année 2000, les impôts seront réduits de l'ordre de 90 milliards de francs. En 2001, l'objectif est de poursuivre cette réduction progressive des déficits, pour parvenir progressivement à notre objectif, qui est celui de tous les partenaires de l'euro : l'équilibre global des finances publiques en 2004.
Je serais très attentif dans cette discussion - et je ne serais pas le seul - si devait se développer un discours trop facile, pour ne pas dire un peu démagogique, consistant, d'un côté, à regretter l'ampleur du déficit et, de l'autre côté, à proposer des dépenses ou des baisses de recettes qui auraient pour effet incontestable de massivement l'aggraver.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. La démagogie peut jaillir de partout !
M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Comme ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, je plaide et j'essaie d'agir pour la continuation de ce mouvement de réduction des déficits et de l'endettement, non par je ne sais quelle orthodoxie budgétaire bornée, mais parce qu'un déficit élevé aggrave l'endettement, finit par peser sur la croissance et donc sur l'emploi.
Enfin, pour réussir, la politique économique de l'emploi nous conduit à faire de la transparence un objectif permanent. L'Etat ne peut pas prétendre qu'il n'est pas concerné par la modification des comportements des acteurs économiques et des attentes des citoyens à son égard. Il serait illusoire d'imaginer qu'une société nouvelle, une économie nouvelle ne produisent pas le besoin d'un renouveau de l'Etat. Cela ne condamne nullement l'Etat à l'impuissance. Plus transparent, plus proche des citoyens et des usagers, l'Etat ne sera pas moins efficace : il pourra jouer son véritable rôle de garant du long terme, du stratégique...
M. Alain Gournac. Amen !
M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... et, plutôt que de prétendre tout régenter, il pourra promouvoir des politiques véritablement efficaces.
Les initiatives actuelles de ce point de vue, qui guident la participation du ministère que je dirige à la réforme de l'Etat, sont importantes.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Qu'il se réforme d'abord lui-même !
M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Elles sont peu connues, y compris par les spécialistes.
Trois orientations, notamment, les résument : réforme du ministère des finances, réforme de l'ordonnance de 1959 sur les finances publiques et réforme du code des marchés publics.
Au printemps prochain, ces trois réformes fondamentales concernant à la fois l'Etat et les finances seront engagées.
La réforme du ministère des finances consistera à la modernisation et à l'adaptation du service, l'information et la simplification pour l'usager, l'expérimentation des dispositifs envisagés, la concertation avec les personnels et leurs représentants syndicaux, mais aussi avec tous les partenaires, services de l'Etat et collectivités locales.
Plusieurs applications majeures ont d'ores et déjà été retenues : la préparation de la mise en place du compte fiscal simplifié des contribuables, grâce à un nouveau système d'information ; la création d'une direction des grandes entreprises au 1er janvier 2002, qui sera le correspondant de quelque 17 000 sociétés ; la mise en place d'un interlocuteur fiscal unique, expérimentée dans près de 170 sites répartis dans 42 départements ; la création de maisons de services publics économiques et financiers.
Concilier le développement économique, la justice sociale, l'égalité territoriale : tels sont les objectifs que doit se fixer un service public proche, efficace et responsable. Nous y travaillons activement avec vous.
La révision de l'ordonnance du 2 janvier 1959, à laquelle vous avez fait allusion, monsieur le président, point d'appui de cette nouvelle architecture, est désormais bien engagée. Pour en avoir été l'un des initiateurs, lorsque je présidais l'Assemblée nationale, je m'en réjouis. Un équilibre retrouvé des pouvoirs exécutif et législatif, une place plus grande donnée au contrôle du Parlement participent de ce processus nécessaire de modernisation et de démocratisation. En effet, notre objectif est bien celui-là ! Notre pratique budgétaire changera, sera plus simple et plus lisible. On peut, d'ores et déjà, en éclairer les axes : plus de cohérence, plus de transparence, plus de permanence dans le suivi parlementaire et l'exposé gouvernemental des recettes et des dépenses.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Si cela pouvait être vrai !
M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. C'est ce à quoi nous devrions arriver, grâce à la globalisation des crédits, la généralisation d'indicateurs de résultats et l'obligation de rendre compte. La commission des finances du Sénat a publié très récemment un rapport suggérant que la France soit dotée d'une « nouvelle constitution financière ». Il faut inscrire la transparence dans la loi. Nous y sommes déterminés et j'en serai le premier militant.
Quelques mots, enfin, sur la réforme du code des marchés publics. On en parlait depuis longtemps et nous avons engagé un énorme travail en ce sens, dans trois directions : simplifier une réglementation trop complexe et source d'insécurité juridique pour tout le monde ; encourager les petites et moyennes entreprises et les très petites entreprises ; débureaucratiser en tenant compte des normes européennes.
Le résultat, actuellement soumis à concertation, est positif et a été accueilli comme tel. Le nouveau code devrait pouvoir être adopté en janvier prochain, entraînant dans l'économie, dans nos collectivités et dans l'Etat une réforme et une amélioration sensibles. Ce n'est peut être pas très spectaculaire, mais cela devrait être très utile.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, solidité des éléments fondamentaux de notre économie, recherche de la satisfaction des besoins essentiels de la nation, maîtrise des dépenses, allégement et meilleure justice des impôts, le budget que j'ai l'honneur de vous présenter au nom du Gouvernement montre que notre volonté active de réformer est intacte, pour la croissance et pour l'emploi. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) M. le président. Monsieur le ministre, je vous félicite et je vous remercie : vous avez respecté le temps de parole qui vous était imparti, ce qui me permet de dire que la discussion budgétaire commence dans de bonnes conditions.
Mme Hélène Luc. Qu'il serve d'exemple !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. S'agissant du temps de parole, oui ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteurgénéral.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ô que de belles paroles nous venons d'entendre ! Elles étaient d'ailleurs encore plus belles, monsieur le ministre, lorsque vous étiez à l'hôtel de Lassay.
M. Josselin de Rohan. Très bien !
M. Marcel Charmant. Celles que nous allons entendre maintenant vont être moins bonnes !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Maintenant, voyons la réalité. Si cette réalité pouvait être conforme à vos paroles, que nous serions plus heureux ici, dans cet hémicycle !
Ce budget, c'est le dernier budget de l'ancien temps : dernier budget du siècle, dernier budget en francs, dernier budget, peut-être, avant la réforme si nécessaire de la constitution financière de la France.
Est-ce pour autant un budget plus transparent ? Est-ce un budget qui tourne le dos à la culture du secret de Bercy ? Est-ce un budget qui tourne le dos aux mauvaises habitudes ?
Nous l'avons analysé, monsieur le ministre, très techniquement - vous avez bien voulu rendre hommage à nos travaux - et nous constatons les contradictions les plus manifestes.
Ces contradictions traduisent, bien entendu, les pressions auxquelles vous êtes confronté comme tous les ministres des finances, mais, sur trois aspects essentiels, il y a contradiction.
Les dépenses de l'Etat, vous dites en prôner la maîtrise, mais c'en est fini du gel de l'emploi public.
Les prélèvements obligatoires, vous en préconisez la baisse, mais, en 1999, plus de 70 % de la richesse nationale a été captée par la sphère publique.
Vous nous avez annoncé le plan de baisse fiscale d'abord le plus simple - mais c'était une coquille, hélas ! - puis le plus ample des cinquante dernières années. Or les enquêtes d'opinion montrent que les Françaises et les Français se s'en rendent pas compte.
Vous nous parlez de la dette, de l'intérêt du désendettement, mais le déficit de l'Etat devrait augmenter en 2000 par rapport à l'exécution de 1999 et, surtout, en 2001, la dette négociable de l'Etat augmenterait de 250 milliards de francs selon votre direction du Trésor.
Enfin, monsieur le ministre, ce budget est-il un vrai budget, complet et exhaustif ?
Non ! C'est un budget tronqué, car nous avons d'un côté les organismes sociaux et de l'autre l'Etat.
Monsieur le ministre, où sont les 35 heures dans votre budget ? Nous n'en parlerons pas ? Les 35 heures, c'est 85 milliards de francs en 2001 dans le fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale, le FOREC ! Et qu'est-ce que le FOREC ? Une usine à gaz incompréhensible et faite, précisément, pour être incompréhensible.
M. Roland du Luart. Tout à fait !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Monsieur le ministre, où sont les 35 heures ? Que vont-elles coûter à la fonction publique ? Où sont les provisions de M. Sapin pour lui permettre de négocier avec les partenaires sociaux et syndicaux ?
Hélas ! hélas ! Nous sommes loin des bonnes intentions à la réalité.
Ce budget, dans quel cadre global s'inscrit-il ? C'est toujours - et nous en sommes heureux, mes chers collègues, toutes et tous, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons - un budget dans la croissance et un budget par la croissance.
Mais cette croissance inspire, ce qui est normal dans la phase du cycle économique où nous nous trouvons, quelques inquiétudes : il y a les aléas extérieurs...
Mme Hélène Luc. La croissance suscite surtout des espoirs !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Chère madame Luc,...
M. le président. Monsieur le rapporteur général, je vous en prie, poursuivez !
M. Philippe Marini, rapporteur général. ... nous avons déjà plusieurs années de belle croissance derrière nous. Nous voudrions bien, d'ailleurs, en avoir autant devant nous !
M. Marcel Charmant. Ce n'est pas un hasard, depuis 1997 !
Mme Hélène Luc. C'est pour cela que les 35 heures, c'est bien !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Et le pouvoir d'achat ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Voilà pourquoi il faut faire très attention aux aléas, madame Luc. Ainsi, le document pour 2001 retient comme hypothèse 25,8 dollars pour le baril de pétrole. Or le chiffre de 2 000 était de 28,3 dollars. J'espère que cette hypothèse se vérifiera, je n'en dis pas plus !
De plus, que voyons-nous à l'oeuvre, tant en Europe que, surtout, en France ? C'est le retour, la résurgence d'un mal ancien dont nous pensions être guéris et qui s'appelle l'inflation.
M. Roland du Luart. Hélas !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Qu'observe-t-on ? Saturation des capacités de production, tensions sociales - Mme Luc dirait « luttes sociales » - dans les entreprises...
Mme Hélène Luc. C'est normal ! Les salariés veulent bénéficier de la croissance !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Bien sûr ! C'est logique : en termes d'analyse économique, c'est le moment où cela doit se produire. Vous avez totalement raison !
Et l'on observe aussi des tensions fortes dans la fonction publique : quel sera le résultat auquel parviendra M. Sapin, ministre de la fonction publique, et quelles en seront les répercussions sur le reste de l'économie ? Quelle sera la contagion du public au privé ?
Voudra-t-on nous parler de l'impact des 35 heures sur la compétitivité des entreprises, sur l'esprit de travail de l'économie française ? Or, clé très importante pour comprendre votre politique, la réduction du temps de travail crée très peu d'emplois puisque, selon vous, on en préserve ou on en crée 200 000, ce qui, au total, est extrêmement peu au rythme actuel de notre économie.
Tel est, mes chers collègues, le contexte dans lequel s'inscrit notre discussion budgétaire. (MM. Vinçon etChérioux applaudissent.)
M. Paul Loridant. Maigres applaudissements !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Un budget, cela devrait exprimer une volonté, je pense que tout le monde peut être d'accord sur ce point.
M. Henri de Raincourt. C'est sûr !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Or nous voyons que ce budget est un budget dans la croissance et par la croissance. Je veux dire par là que vous avez la chance de nous proposer la répartition d'un peu plus de 100 milliards de francs de fruits de la croissance. Mais qu'en faites-vous ? Pour une petite moitié, baisse des impôts ; pour un bon tiers, augmentation des dépenses ; et, pour un bon quart, baisse du déficit.
Reprenons ces éléments, si vous le voulez bien, mes chers collègues.
Baisse des impôts ? Vous le savez, le Sénat est pour : il est pour la baisse de tous les impôts. (Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Paul Loridant. Pour qui ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Mais à une condition bien précise, mes chers collègues : c'est que nous en ayons pour notre argent ! (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
En d'autres termes, les sacrifices faits - 50 milliards de francs de recettes fiscales - seront-ils suffisamment percutants pour changer dans le bon sens les comportements des agents économiques et pour aboutir à plus de compétitivité de l'industrie et des entreprises françaises à l'intérieur de l'ensemble européen ? C'est la question que nous nous posons et sur laquelle je reviendrai dans quelques instants.
Nous avons la grande chance de bénéficier de cette aubaine de la croissance, elle est encore présente dans la dynamique des recettes fiscales, en 2000 comme en 1999.
C'est ainsi que, dans le collectif du mois de mai, vous avez « mis au pot », si j'ose dire, 50 milliards de francs de recettes supplémentaires, qui, à la vérité, venaient de 1999. Vous avez été obligé de les admettre, mais vous les avez admises en arrivant à Bercy, alors que vos prédécesseurs étaient un peu gênés par cette abondante cagnotte.
Dans le collectif d'automne, que nous allons examiner prochainement, nous trouverons 40 milliards de francs de recettes non prévues dans les documents budgétaires initiaux et, encore plus près de nous, au 31 octobre, le document retraçant la situation hebdomadaire - dont, grâce à vous, et aussi un peu grâce à notre pugnacité et à notre action, nous sommes dorénavant destinataires, le président de la commission des finances et moi-même - indique que l'impôt sur les sociétés a augmenté de 17 % par rapport au 31 octobre 1999, l'impôt sur le revenu de l'ordre de 6 %,...
Mme Marie-Claude Beaudeau. Tout va bien !
M. Philippe Marini, rapporteur général. ... la TVA de 2 %, et, accessoirement, l'ISF de 25 %.
Mais nous savons aussi, lorsque nous vous écoutons, que vous voulez reporter 15 milliards de francs de recettes de 2000 sur 2001. Voilà qui affiche vos inquiétudes pour 2001, inquiétudes que l'on peut comprendre, tant vis-à-vis de la conjoncture que du comportement dépensier de beaucoup de vos collègues du Gouvernement. En effet, monsieur le ministre, vous nous disiez tout à l'heure qu'il faut faire preuve d'esprit de responsabilité et d'esprit de cohérence, et si nous espérons qu'au sein du Gouvernement ce double esprit prévaut, nous n'en sommes pas complètement certains.
S'agissant de la baisse des prélèvements fiscaux, votre plan du mois d'août est extraordinaire : cela coûte très cher, cela n'épargne que peu d'impôts, c'est-à-dire que l'effet de ce plan sera complètement dilué, puisqu'il n'y a pas de véritable cible. En effet, tout le monde doit en profiter un peu : c'est vraiment ce que l'on peut appeler en propres termes, monsieur le ministre, du clientélisme fiscal. (Protestations sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Paul Loridant. Vous ne connaissez pas ? Quelle découverte !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ce n'est pas un plan de réforme ! (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Paul Loridant. Vous n'avez jamais pratiqué le clientélisme, vous ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est la réalité : vous espérez faire plaisir à beaucoup de gens, moyennant quoi vous risquez fort de gaspiller l'argent du contribuable.
Voulez-vous quelques éléments très concrets à ce sujet ?
J'ai comparé sans a priori et sans tabous votre plan et celui de M. Schroeder, qui gouverne lui aussi avec une majorité quelque peu plurielle pour tenir compte de la situation interne de son pays : il y a les Verts...
M. Henri de Raincourt. Mais il n'y a pas les Rouges !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Or M. Schroeder a privilégié un impératif, et un seul : la compétitivité de l'Allemagne en Europe. Son objectif n° 1, c'est de rendre les entreprises, petites ou grandes, toutes les entreprises, compétitives. Pour cela, son plan comporte trois volets : obtenir une baisse importante de l'impôt sur le revenu - en particulier de onze points sur le taux marginal - mais aussi aboutir à court terme, pour l'impôt sur les sociétés, à un taux de 25 % sur les bénéfices ; enfin, toujours en termes d'incitation à la restructuration, exonérer de taxes les cessions de participations, notamment croisées, détenues par les grands groupes financiers et industriels allemands.
Le plan de M. Schroeder est d'abord tourné vers les entreprises avant de l'être vers les ménages, alors que votre plan, monsieur le ministre, ignore complètement les entreprises.
Mme Hélène Luc. Pour que les entreprises prospèrent, il faut que les ménages y trouvent leur compte !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Certes, il y a bien de petites mesures, voire des mesurettes, ici ou là, mais les entreprises vont globalement payer plus qu'avant.
M. Marcel Charmant. Elles gagnent aussi plus !
M. Josselin de Rohan. Mais elles ne votent pas !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Est-ce travailler pour l'emploi, monsieur le ministre ? Est-ce travailler pour la compétitivité de notre pays ?
Certes, vous êtes très habile pour déplacer les problèmes, en particulier pour faire des cadeaux avec les impôts des autres ! N'est-ce pas, messieurs les présidents de conseil général,...
M. Josselin de Rohan. Et régional !
M. Philippe Marini, rapporteur général. ... avec vos vignettes ?
M. Henri de Raincourt. Absolument !
M. Philippe Marini, rapporteur général. N'est-ce pas, messieurs les présidents de conseil régional, avec votre argent un peu plus tôt ?
Vous êtes également très habile pour réduire l'autonomie fiscale de nos collectivités - n'est-ce pas, monsieur le président ? - et, en même temps, rigidifier le budget de l'Etat : en 1997, les dotations de compensation pour les collectivités territoriales atteignaient 30 milliards de francs ; en 2001, elles atteindront 90 milliards de francs !
Il faudra continuer à payer, et indexer ! Compte tenu de la rotation rapide des ministres des finances, ce ne sera peut-être plus votre problème, mais ce sera certainement, un jour, celui de l'un de vos successeurs !
M. Josselin de Rohan. Très juste !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Enfin, les prélèvements obligatoires, pris globalement, atteignent un taux extrêmement important et, en leur sein, la part des prélèvements sociaux ne cesse d'augmenter.
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Tout à fait !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Lorsque nous considérons les recettes et la baisse des impôts, voilà, monsieur le ministre, ce que nous sommes conduits à dire !
Examinons, maintenant, les dépenses.
Vous avez pris des engagements vertueux, et l'on ne peut qu'être heureux d'entendre l'expression de la vertu. Mais ces engagements sont-ils crédibles ? Pour le savoir, regardons le passé.
La Cour des comptes a établi que, pour 1999, on avait affiché une croissance en volume de l'ensemble des dépenses de 1 % et que la réalité a été de 2,8 %. La Cour des comptes a-t-elle mal fait son métier ? Faut-il réprimander M. Joxe ? Ou bien faut-il réprimander le ministre des finances et le Premier ministre ? Je vous laisse, naturellement, juges de la réponse à apporter, mes chers collègues !
Pour 2000 et 2001, vos objectifs sont respectivement, en volume, de 0 % et 0,3 %. Ces objectifs sont-ils tenables ?
M. Jacques Oudin. Ils ne sont même pas crédibles !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Monsieur le ministre, où est la provision de M. Michel Sapin pour négocier avec les syndicats ? Montrez-la moi dans le budget ! Où sont les crédits destinés à financer les 35 heures dans la fonction publique ? Montrez-les moi dans le budget ! Lorsque vous aurez bien voulu faire cette démonstration, peut-être croirai-je un peu plus à vos engagements.
Mme Hélène Luc. Me permettez-vous de vous interrompre, monsieur le rapporteur général ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je vous en prie, madame.
M. le président. La parole est à Mme Luc, avec l'autorisation de M. le rapporteur général.
Mme Hélène Luc. Monsieur le rapporteur général, je souhaite vous poser une simple question : êtes-vous d'accord pour ajouter dans le budget le financement des 35 heures dans la fonction publique ?
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Madame Luc, si l'on devait le faire, il faudrait réduire d'autres dépenses, ne pas augmenter le déficit, ne pas augmenter l'endettement ! Que vous répondre d'autre ! Je ne peux plaider ni pour l'augmentation du déficit ni pour l'augmentation de l'endettement.
Mme Hélène Luc. Nous, nous ferons des propositions !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Si vous avez la gentillesse et la patience de m'écouter encore quelques instants, madame, vous verrez apparaître mes réponses au problème dans la suite de mon propos.
Monsieur le ministre, la situation au regard des charges de fonctionnement de l'Etat est extrêmement préoccupante. Depuis 1997, 71 % de la progression des dépenses de l'Etat - soit près des trois quarts - a été imputable à la fonction publique.
Or, si l'on ne maîtrise pas la dépense de la fonction publique, on ne maîtrise pas le budget de l'Etat. C'est aussi simple que cela.
Politique des effectifs, politique des rémunérations, politique du temps de travail : dites-nous ce que vous voulez faire dans ces trois domaines, et nous vous dirons comment vont évoluer globalement les dépenses de l'Etat, donc le déficit, donc l'endettement, et donc la compétitivité de notre pays en Europe et dans le monde.
Dans votre projet de budget, il y a beaucoup d'impasses sur l'avenir.
Les emplois-jeunes coûteront 37 milliards de francs à terme. Par comparaison, vous avez, tout à l'heure, parlant de la sécurité, prétendument priorité du Gouvernement, cité un chiffre très intéressant. Vous avez dit que les crédits affectés à la sécurité étaient en augmentation de 7 %.
Il se trouve que les chiffres concernant la sécurité sont très présents dans mon esprit puisque nous avons entendu, hier, l'excellent rapport de M. André Vallet sur le sujet.
L'augmentation sera peut-être de 7 %, mais c'est un effet d'optique. A périmètre constant, elle sera de 4,4 %, et cela englobe la sécurité civile. En outre, il y a une commande importante d'hélicoptères ; si on l'enlève, on arrive à 2,1 %. Enfin, si l'on ne considère que la police nationale, celle qui assure les tâches de sécurité dans nos villes, le taux tombe à 1,86 %.
Venons-en à l'évolution des effectifs : il y aura en moins 2 000 policiers auxiliaires, que l'on nous a « vendus », à nous, les maires, comme étant de vrais policiers, et en plus 700 emplois permanents ; on arrive ainsi à un solde sur le terrain de 1 300 personnels en tenue de moins.
Mes chers collègues, est-ce là une politique qui va renforcer le sentiment de sécurité dans ce pays ? Est-ce là une politique qui touche au coeur des vraies responsabilités régaliennes de l'Etat, de ce qu'il doit faire avant toute chose ?
Oui, vous avez choisi, monsieur le ministre : vous avez choisi les emplois-jeunes contre les policiers pour assurer la sécurité dans nos villes.
Mais ce problème des emplois-jeunes, il faudra bien le traiter ! Que va-t-on dire à ces jeunes ? Va-t-on les intégrer comme ils l'escomptent ? Va-t-on leur demander d'aller chercher une situation ailleurs ? Il faudra bien, un jour, leur tenir un langage de vérité et de courage !
Un autre poste qui suscite nos craintes, c'est la dette, monsieur le ministre. En effet, les charges de la dette - les seules qui sont dans le budget - s'accroissent à nouveau avec les tensions sur les taux d'intérêt : plus 6,3 milliards de francs de charges brutes pour 2001 ; plus 1,5 millard de francs dans le collectif pour 2000 que nous allons bientôt examiner.
M. le président. Monsieur le rapporteur général, pour votre information, sachez que vous disposez encore de dix minutes.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je devrais m'y tenir, monsieur le président.
Monsieur le ministre, le déficit affiché dans cette loi de finances est, une nouvelle fois, un déficit à géométrie variable.
Pour prévoir le déficit de 2001, il faut être en mesure de porter un jugement sur le déficit probable de 2000.
Prenant des risques, monsieur le ministre, je vais vous dire que j'estime, pour ma part, le déficit économique de l'Etat pour 2000 à 180 milliards de francs environ. Tous les indicateurs dont je dispose me conduisent à formuler ce pronostic.
Le chiffre de 209 milliards de francs annoncé par Florence Parly, qui a courageusement présenté le collectif budgétaire il y a quelques jours,...
M. Josselin de Rohan. Toute seule !
M. Jean-Pierre Demerliat. C'est élégant !
M. Philippe Marini, rapporteur général. ... ne me semble pas être un chiffre crédible.
Là encore, instruisons-nous du passé. L'année dernière, nous avions eu une controverse sur les chiffres avec votre prédécesseur, M. Christian Sautter. Le 24 novembre, le Gouvernement avait annoncé le déficit de l'exercice à 234 milliards de francs. Il a été exécuté à 206 milliards de francs. Nous le savons tous.
Par rapport aux 180 milliards de francs probables de la gestion 2000, les 186 milliards de francs que vous annoncez pour 2001 sont-ils eux-mêmes un chiffre crédible ? Permettez-moi d'en douter quelque peu.
Du déficit, nous passons tout naturellement et logiquement à la dette. Le déficit engendre en effet le besoin d'endettement de l'Etat.
Nous avons la chance d'être en période de croissance, mais, je le disais, il y a une tension des taux d'intérêt et, surtout, un effet de volume.
Voyons ce qui s'est passé sous votre gestion, c'est-à-dire de 1997 à 2001. Selon les propres chiffres de la direction du Trésor, on enregistre 1 000 millards de francs de dette négociable supplémentaires. Bien sûr, compte tenu de l'amélioratoin de la situation économique, on peut escompter progressivement - mais trop progressivement - réduire le rythme de progression de la dette. Mais celle-ci progresse toujours, et elle continue encore à financer, en 2001, à hauteur de 13 milliards de francs, des dépenses de fonctionnement, ce que nous persistons à considérer comme étant tout à fait scandaleux.
Cela va me conduire, monsieur le président, à formuler quelques remarques finales sur le rôle que nous exerçons ici, et plus généralement dans les assemblées parlementaires, vis-à-vis de la loi de finances.
Nous espérons que la règle du jeu va pouvoir être ajustée et que les plateaux de la balance vont pouvoir être quelque peu rééquilibrés, tout en manifestant, bien entendu, notre attachement viscéral et convaincu aux principes de la Ve République.
Mais, à considérer le budget de 2001, je me dois de dire qu'il n'est pas de bon augure, monsieur le ministre, car sur un sujet lourd - 130 milliards de francs ! - le Parlement n'a pas été traité comme il aurait dû l'être, n'a pas été respecté comme il aurait dû l'être. C'est un Parlement abaissé qui, aujourd'hui, essaie de reprendre pied dans un débat conclu sans lui.
Naturellement, vous aurez compris, mes chers collègues - je vois M. Pierre Laffitte qui opine - de quoi je veux parler : les licences de nouvelle génération UMTS.
La commission des finances proposera, mes chers collègues, de rejeter purement et simplement l'article dont il s'agit dans la loi de finances. Pourquoi ? Parce que le Gouvernement n'a pas fait diligence, comme il aurait pu et comme il aurait dû le faire.
Si nous étions passés avant les Allemands, les Anglais, les Italiens, les Néerlandais, et d'autres encore, le contribuable français se porterait mieux. Je ne sais pas quel est le bon niveau de prélèvement sur ces industries, mais ce que je sais, c'est qu'elles ont payé en Angleterre, c'est qu'elles ont payé en Allemagne, et en Allemagne - je l'ai vérifié en allant sur place - les versements sont intervenus cash dès que le processus de mise en concurrence, de mise aux enchères s'est réalisé.
Bien entendu, passant après les autres, nos entreprises paient au prix fort les licences des autres et l'Etat français, lui, est obligé, quel que soit le mode de mise en concurrence, de travailler sur de plus petits montants.
Je ne sais pas si l'Europe se trompe, mais je vois le budget de l'Etat, l'endettement, le déficit, la situation de nos concitoyens, le besoin de compétitivité dans ce pays et je dis simplement, monsieur le ministre, qu'en passant après les autres nous avons travaillé contre la compétitivité de la France.
Par ailleurs, quelle est la nature de ces versements ? Est-ce une « imposition de toute nature », qui requiert l'accord préalable du Parlement ? Est-ce, comme vous nous le dites, une redevance susceptible d'être traitée par l'administration, le Gouvernement, puis, sur certains points seulement, confirmée par le Parlement ?
La commission des finances, dont l'analyse n'est peut-être pas complète, estime que l'on peut raisonnablement penser qu'il s'agit bien là d'« impositions de toute nature » et elle fera, naturellement, valoir ses divers arguments en temps utile dans le débat.
Enfin, l'affectation de ces sommes ne saurait être approuvée. Le fonds de réserve pour les retraites, monsieur le ministre, vous le savez fort bien, est une fiction cosmétique. C'est, dans un Etat aussi endetté que le nôtre, une simple commodité de présentation pour montrer que l'on fait quelque chose sans dire combien d'argent on y mettra en définitive, à quel horizon le problème se place, comment cet argent sera géré et par qui.
La seule chose que nous savons, c'est que l'argent qui a déjà été affecté au fonds est placé en bons du Trésor. C'est intéressant : on a un fonds dans les écritures de l'Etat qui finance le déficit de l'Etat. Mes chers collègues, essayez de comprendre la logique économique de cesystème.
Monsieur le ministre, l'exercice que nous faisons au Sénat, chaque année, n'est qu'un exercice complaisant. Nous essayons d'aller au fond des choses et, en même temps, nous exprimons nos valeurs et nos convictions en nous efforçant de le faire dans un souci de cohérence.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le rapporteur général !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je termine, monsieur le président.
Cette cohérence, je l'espère, s'exprimera dans le cadre de la réforme de l'ordonnance de 1959. A cet égard, je voudrais simplement dire qu'il y a, pour ce qui me concerne, trois choses auxquelles je tiens, et auxquelles je vous invite à tenir tout particulièrement dans cette réforme.
Premièrement, la non-rétroactivité fiscale. Il faut en finir avec cette pratique administrative qui consiste trop souvent à changer les règles du jeu en cours de partie.
M. Roland du Luart. C'est inadmissible !
M. Philippe Marini, rapporteur général. En deuxième lieu, la règle d'or devrait être de ne jamais consacrer un franc d'emprunt à payer des dépenses ordinaires...
M. Roland du Luart. Il y a encore beaucoup de travail !
M. Philippe Marini, rapporteur général. ... et séparer, dès lors, dans le budget de l'Etat, les dépenses ordinaires et les dépenses en capital, comme nous le faisons dans chacune de nos collectivités territoriales. Ce que nous pouvons faire à notre niveau, l'Etat doit s'astreindre également à le faire.
Enfin, troisième et dernier point par lequel je termine : débat consolidé sur les prélèvements obligatoires, en finir avec les usines à gaz, les faux-semblants et les comptes d'affectation spéciale refuges, mettre en oeuvre le principe de transparence grâce au rôle de la représentation nationale, chaque année avoir un vrai débat consolidé du projet de loi de financement de la sécurité sociale et du projet de loi de finances initial pour arbitrer le niveau des prélèvements obligatoires. Quelle est la place de la sphère publique ? Quelle est la place de la sphère privée ? Comment l'Etat veut-il organiser l'économie ? Quels sont les principes qu'il veut faire prévaloir ?
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'en ai terminé. J'espère que cette discussion du projet de loi de finances nous permettra d'aller au fond de tous ces vrais sujets. Par avance, je remercie très vivement l'ensemble des collègues qui voudront bien enrichir la réflexion de la Haute Assemblée. (Vifs applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Monsieur le rapporteur général, je vous remercie d'avoir strictement respecté votre temps de parole.
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des finances est tellement engagée dans le processus de rénovation budgétaire que je me dois de donner l'exemple et, naturellement, de ne pas consommer la totalité de mon temps de parole.
M. le rapporteur général, avec un talent que nous lui envions tous,...
M. Henri de Raincourt. C'est vrai !
M. Roland du Luart. Tout à fait.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. ... a d'ailleurs si bien dit les choses que nous sommes fixés, monsieur le ministre, sur la copie budgétaire que vous nous présentez. Je vais donc me limiter à reprendre quelques aspects traités par M. le rapporteur général.
Monsieur le ministre, je voudrais tout d'abord vous demander si vous ne craignez pas que ne pèse une sorte de malédiction sur les ministres des finances.
M. Jacques Oudin. Les ministres socialistes !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. En effet, l'année dernière, je saluais au banc du Gouvernement le sixième ministre des finances en sept ans et j'ai l'honneur ce matin de saluer en votre personne le septième ministre des finances en huit ans.
M. Michel Moreigne. Sept, c'est un bon chiffre !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Dans un combat estimable contre les exclusions, le Gouvernement réserve un sort malheureux aux ministres des finances. (Sourires.)
M. Serge Vinçon. Très bien !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Je n'y vois d'ailleurs pas un très bon présage. Pendant ces huit ans, j'ai exercé durant trois ans les fonctions de rapporteur général et deux ans celles de président de la commission des finances et j'ai appris à comprendre l'extrême difficulté de la tâche des ministres des finances.
Monsieur le ministre, j'ai constaté que les gouvernements finissent toujours par désavouer - puis-je aller jusqu'à dire par lâcher ? - les ministres des finances. C'est à chaque fois pour tenter de gagner les élections alors que, depuis vingt ans, les majorités sortantes n'ont pourtant jamais été reconduites. Cela mérite d'être médité...
M. Serge Vinçon. C'est très intéressant !
M. Jean-Pierre Demerliat. Il y aura une exception !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. J'en reviens à mes observations.
S'agissant d'abord de la croissance, je continue de m'étonner que le Gouvernement puisse laisser entendre qu'il en décide lui-même. J'ai pensé, au début, qu'il s'agissait d'une figure de dialectique, classique dans l'art politique, mais l'insistance qu'il y met me fait craindre qu'il n'y croit désormais lui-même, ce qui serait naturellement fâcheux pour l'avenir.
Chacun sait en effet que la croissance s'inscrit dans des cycles d'ailleurs plus ou moins longs, et que ses fruits doivent être soigneusement utilisés pour reconstituer des marges de manoeuvre dont tout Etat a besoin pour faire face aux périodes de récession.
Pourtant, la période favorable que nous traversons donne lieu à un laxisme généralisé qui entraîne nos finances publiques dans une spirale de dépenses nouvelles, pérennes et rigides qui, au premier retournement conjoncturel, nous pousseront dans l'abîme.
S'agissant des recettes, à peine les recettes supplémentaires sont-elles anticipées - je ne dis même pas « encaissées » ! - qu'elles se pulvérisent immédiatement dans une tempête démagogique qui appelle à des dépenses nouvelles - c'est plutôt du côté gauche de l'hémicycle, d'ailleurs, que nous les entendons - ou à des baisses d'impôts en tous genres, sans la moindre vision d'ensemble et sans donner satisfaction aux Français, puisqu'ils n'en constatent jamais les effets.
On les comprend, car, depuis 1997, on ne peut pas, monsieur le ministre, admettre que le Gouvernement ait réduit les prélèvements. En effet, ils ont augmenté de 500 milliards de francs, et ce compris, naturellement, l'an 2000, soit une hausse de 11 % en valeur. Si ce sont là des baisses d'impôt, il faut nous dire en quoi !
Au moins, la forte augmentation des recettes fiscales depuis 1998 aurait dû conduire à la quasi-suppression du déficit budgétaire. Nous en sommes loin. De 1997 à 2001, les recettes fiscales nettes se sont accrues de 219 milliards de francs et le déficit, lui, ne s'est réduit que de 107 milliards de francs, soit moins de la moitié. Où est passée la différence ?
En réalité, vous l'aviez dit vous-même quand vous étiez président de l'Assemblée nationale, les prélèvements ne pourront réellement baisser que si un effort substantiel est réalisé sur les dépenses.
Or, depuis 1997, je suis désolé de le dire, les dépenses ont toujours filé plus vite que ce que le Gouvernement prévoyait. Sur les seules années 1998 et 1999, elles ont progressé - et c'est la Cour des comptes qui le dit - de quasiment 6 %, exactement de 5,9 %, alors que l'objectif du Gouvernement était de 1 %.
Alors, monsieur le ministre, votre arrivée pouvait-elle permettre de corriger cette funeste trajectoire ? Je dis sincèrement que j'étais de ceux qui l'espéraient, mais je regrette de devoir constater le contraire car cette trajectoire se confirme et j'ai même peur qu'elle ne s'aggrave.
Pour donner un support concret à cette crainte, je ferai un pronostic. L'année dernière, à l'endroit de votre prédécesseur, je m'étais livré à un pronostic sur les recettes et j'avais affirmé que le taux des prélèvements atteindrait 45,7 % en 1999. Ce pronostic s'est malheureusement avéré. Cette année - il faut bien varier un peu les plaisirs - je vais me permettre un pronostic sur les dépenses et je vous donne rendez-vous, en espérant que vous soyez au banc du Gouvernement l'année prochaine : la dérive des dépenses en 2001 sera supérieure à celle que vous affichez aujourd'hui. Pourquoi ? Elle sera supérieure parce que vos hypothèses reposent sur la stabilité de la masse des rémunérations publiques, mais vous ne résisterez pas à la pression. Elle est trop forte. Je ne veux pas être du tout désobligeant à votre endroit mais, quand on a des amis remuants comme les vôtres, on n'a pas besoin d'ennemis supplémentaires. (Sourires.) Le robinet des surenchères de votre majorité plurielle est ouvert. Vous recommencez à créer des emplois dans la fonction publique. Quant aux négociations salariales qui sont engagées par M. Sapin, vous verrez qu'elles coûteront entre 10 milliards de francs et 20 milliards de francs de plus que ce qui était prévu.
M. Josselin de Rohan. Quand on aime, on ne compte pas !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Au fond, depuis 1997, ce budget de l'Etat n'est plus qu'un budget de fonctionnement.
M. Henri de Raincourt. Eh oui !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Tout est allé à la fonction publique. Comment stabiliser les dépenses si celles qui sont consacrées à la fonction publique ne le sont pas ?
Naturellement, pour essayer de masquer cette dérive des dépenses de fonctionnement, vous réduisez l'investissement public civil : il diminue de 3,4 % dans ce projet budget.
N'êtes-vous pas troublé, monsieur le ministre, par le fait que le montant total de l'investissement civil de l'Etat - cela concerne les routes, les chemins de fer, l'énergie, la sécurité - soit devenu inférieur au coût du passage aux 35 heures ? N'êtes-vous pas troublé par le fait que le coût des emplois-jeunes ait largement dépassé le montant des crédits dévolus à des missions régaliennes comme la justice - chers collègues de la commission des lois - ou comme la police - cher Christian Bonnet ?
M. Christian Bonnet. Très bien !
M. Serge Vinçon. Ou l'investissement des armées !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Oui, c'est l'arbitrage qui est fait par le Gouvernement depuis 1997, et que je résume ainsi : le présent d'abord, pour l'avenir, on verra plus tard.
Que restera-t-il de cette période 1997-2001, sinon le coupable sacrifice des générations futures ?
Rien de concret en matière de préparation de l'avenir n'aura été engagé. La majorité « supposée » soutenir le Gouvernement est traversée de courants si divers, si divergents, parfois si contradictoires, que toutes les décisions, pourtant urgentes, n'ont cessé d'être différées.
La dette - M. le rapporteur général parlait tout à l'heure de la dette négociable, je parle pour ma part de la dette publique - vous l'aurez accrue de 680 milliards de francs selon vos propres chiffres.
Les retraites : vous avez entassé des rapports sans jamais rien décider, excepté ce fonds de retraite constitué à crédit, et dont la gestion semble d'ailleurs s'inspirer du bon sapeur Camember.
S'agissant de la réforme de l'Etat, dont vous parliez tout à l'heure, vous n'aurez pas avancé, vous aurez même fâcheusement reculé du côté de Bercy.
S'agissant de l'investissement public, vous l'aurez quasiment stoppé, soit pour plier devant les frondes des Verts, soit par défaut de financement.
Monsieur le ministre, le Sénat ne renonce pas à vous proposer une autre voie.
La commission des finances recommande - et le Sénat, je le sais, la suivra - de réduire la dette publique, par exemple, comme le rapporteur général le suggérait, en cédant des actifs de l'Etat.
La commission insiste sur la nécessité de réduire les dépenses publiques, car il faut nous préparer au financement des retraites, qui, a défaut, deviendra absolument impossible.
Depuis 1996 - vous vous posiez des questions tout à l'heure, monsieur le ministre - la commission travaille sur les dépenses et ses rapports constituent une mine d'informations sur leur degré de rigidité, sur leur absence, parfois, de pertinence, ou leur absence d'efficacité.
Pour conclure, monsieur le ministre, si je résume les chiffres clés de la gestion du Gouvernement, on y voit, sur trois ans et demi, 500 milliards de francs de prélèvements supplémentaires, 680 milliards de francs de dettes supplémentaires et, pendant le même temps, le déficit de l'Etat n'aura été réduit que d'une centaine de milliards de francs, les dépenses publiques auront « filé » de 500 milliards de francs - ce sont vos chiffres. Et tout cela pour quelle priorité ? Pour la fonction publique, qui est la grande gagnante, car, au fond, entre le chiffre de 1997 et celui d'aujourd'hui, on constate 73 milliards de francs d'augmentation ; pour les 35 heures dont les crédits sont aujourd'hui supérieurs à tout l'investissement de l'Etat ; pour les emplois-jeunes, dont les crédits ont dépassé soit ceux de la justice, soit ceux de la police, qui sont des missions régaliennes de l'Etat.
Alors, quelle nouvelle voie pourriez-vous nous proposer d'emprunter désormais, monsieur le ministre ? Au fond, la vraie copie budgétaire n'est pas celle que vous nous proposez de discuter aujourd'hui, c'est celle que vous êtes, peut-être d'ailleurs, au banc du Gouvernement, en train de rédiger, et qui est à l'intention de nos partenaires de la zone euro. Vous pourriez nous dire un mot sur ce sujet : quelle trajectoire de recettes, de dépenses et de solde allez-vous leur proposer dans les semaines qui viennent ? Quel niveau d'investissement allez-vous annoncer ?
En un mot, ferez-vous de la politique ce qu'elle est devenue, de l'arbitrage entre intérêts immédiats, ou, au contraire, en ferez-vous, ce qui est courageux et responsable, un arbitrage entre les attentes présentes et pressantes de nos concitoyens et nos devoirs à l'endroit des générations futures ?
C'est à l'aune de cette dernière exigence que le Sénat jugera votre action, sans malveillance, sans faiblesse non plus, mais avec une irrépressible détermination pour offrir à la France et aux Français une autre voie, fondée sur le courage et sur la responsabilité, qui est la seule garantie du progrès. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Mes compliments, monsieur le président de la commission des finances, vous avez rigoureusement respecté votre temps de parole. J'espère que l'orateur suivant va s'inspirer de votre exemple.
La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'intervention ès qualités du président de la commission des affaires sociales dans la discussion générale du projet de loi de finances a une signification forte et je remercie M. le président de la commission des finances de l'avoir voulue ainsi.
Il ne s'agit pas pour moi de résumer les observations de nos différents rapporteurs pour avis. Rien ne justifierait un tel traitement particulier réservé à notre commission.
Il s'agit en revanche de manifester clairement la volonté des commissions compétentes sur chacun des deux textes financiers, de présenter des analyses communes et des propositions coordonnées.
De fait, la récente discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale a été exemplaire de ce travail en amont conduit en parfaite entente entre les deux commissions, avec la présence simultanée ou symétrique, aux différents stades de la réflexion, du rapporteur général, M. Philippe Marini, du rapporteur sur les équilibres financiers, M. Charles Descours, ou de M. Jacques Oudin, rapporteur pour avis.
Mon intervention d'aujourd'hui signifie notre volonté commune de clarifier un débat sur les finances publiques dont le Gouvernement s'acharne à brouiller les enjeux par un jeu de bonneteau de plus en plus perfectionné, avec de multiples dispositifs en miroir entre les deux textes.
J'en donnerai deux exemples.
J'évoquerai, tout d'abord, la débudgétisation de la compensation des exonérations de charges sociales liées aux 35 heures. Pour 2001, ce sont 85 milliards de francs de dépenses qui sont prises en charge par un fonds, le FOREC, qui n'existe d'ailleurs toujours pas, mais qui bénéficie déjà d'une « collection » de taxes affectées.
Ensuite, je mentionnerai l'utilisation des prélèvements sociaux comme instrument d'une politique fiscale. Il en est ainsi de la ristourne dégressive de CSG, qui porte une atteinte grave à l'universalité du financement de la protection sociale et que vous avez « agrégée » vous-même aux mesures fiscales, monsieur le ministre, par une nouvelle taxe affectée à la sécurité sociale.
Je salue l'ingéniosité du ministère des finances qui, au prix d'une parfaite opacité, ou plutôt grâce à elle, réussit une remarquable opération d'habillage budgétaire.
Le dégonflement des masses budgétaires permet de masquer la réalité des progressions, tant des dépenses que des recettes de l'Etat.
L'amélioration des soldes du projet de loi de finances résulte de transferts de recettes qui ne sont pas à la hauteur des transferts de dépenses et de certains transferts de dépenses qui ne sont pas compensés.
Notons également le cantonnement du financement des 35 heures, dont l'Etat se retire désormais totalement, et dont il appartiendra à la sécurité sociale de sedébrouiller.
Il convient de souligner aussi le transfert à la sécurité sociale de ce que j'appellerai les « rossignols de la fiscalité », c'est-à-dire de taxes dont le fondement économique est fragile, telles la taxe sur les conventions d'assurance et la taxe sur les véhicules de sociétés, ou de taxes qui ont pour vocation ou pour ambition de « s'autodétruire », si du moins une véritable politique de protection de la santé publique et de l'environnement était conduite. Je pense naturellement aux droits sur les tabacs et à la taxe générale sur les activités polluantes.
Le résumé de cette opération brillante et incompréhensible est probablement la taxe sur les conventions d'assurance, « vendue » en quelque sorte deux fois à la sécurité sociale : une première fois pour compenser la ristourne dégressive de CSG, une seconde fois pour contribuer au financement des 35 heures.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cela, c'est la transparence !
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Effectivement !
Aussi votre commission des affaires sociales, en parfait accord avec la commission des finances, a-t-elle choisi, dans la loi de financement, de désamorcer la série de branchements alimentant le fonds de financement des 35 heures, que ce soit la « tuyauterie » branchée sur la sécurité sociale ou les transferts de dépenses et de taxes venant du budget général.
Il appartient ainsi au Gouvernement de faire apparaître clairement le coût des 35 heures sous la forme de dotations budgétaires. Ainsi mesurera-t-on parfaitement l'impact de cette politique sur les finances publiques.
Toujours en parfaite coordination avec la commission des finances, la commission des affaires sociales a proposé de rejeter la ristourne dégressive de CSG, la commission des finances proposant d'y substituer, en loi de finances, un dispositif de crédit d'impôts. Une politique fiscale n'est jamais aussi bien menée qu'avec des instruments fiscaux dans le cadre d'une loi de finances.
Je crois qu'il faut essayer de rappeler quelques grands principes.
J'évoquerai d'abord celui de la compensation intégrale à la sécurité sociale des exonérations de charges sociales décidées par l'Etat. Les dotations budgétaires sont la voie normale et claire de cette compensation qui relève d'une politique de l'emploi et qui doit donc être examinée en loi de finances.
Je rappellerai ensuite la clarification des prélèvements fiscaux affectés à la sécurité sociale. Ces prélèvements sont souvent anciens. Il suffit de rappeler la taxe sur les primes d'assurance automobile, qui date de 1967, ou la contribution sociale de solidarité sur les sociétés, la C3S, créée en 1970. Ces deux taxes représenteront 25 milliards de francs en 2001.
L'origine de ces prélèvements affectés tient bien souvent aux crises successives qu'a connues la sécurité sociale et qui entraînaient l'intervention parcellaire et dans l'urgence du Parlement pour ratifier un nouveau plan de sauvetage.
La réforme constitutionnelle de 1996 a eu précisément l'ambition de mettre un terme à cette situation et d'imposer un débat annuel sur les comptes sociaux.
Le paradoxe d'aujourd'hui c'est que ces prélèvements affectés se multiplient alors même que les comptes sociaux sont de nouveau en équilibre.
Toutes ces affectations relèvent d'improvisations imposées par des décisions dont aucune n'obéit à une réflexion de fond sur le financement de la protection sociale.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Absolument !
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Bientôt, comme les collectivités locales, la sécurité sociale n'aura pas de recettes, mais des compensations de pertes de recettes.
Or, la situation d'équilibre des comptes sociaux aurait dû précisément être mise à profit pour remettre de l'ordre dans les finances sociales, pour s'interroger sur la logique et la cohérence de l'affectation de tel ou tel impôt à la sécurité sociale.
Peut-être aurait-il été logique et cohérent de faire des droits sur les tabacs et les alcools un impôt social affecté à l'assurance maladie, qui assume le coût du tabagisme et de l'alcoolisme.
Peut-être aurait-il été logique et cohérent que ces impôts et taxes, à l'instar de la CSG, soient évalués et votés dans les lois de financement, dès lors qu'ils sont un des éléments qui, selon l'article 34 de la Constitution, déterminent « les conditions générales de l'équilibre financier de la sécurité sociale ».
A l'évidence, c'est la direction inverse qui a été prise.
Cette question sur la nature des impôts susceptibles d'être affectés à la sécurité sociale va de pair avec la question, plus délicate encore, de la nature des dépenses.
Les frontiètes de l'assurance et de la solidarité se sont progressivement brouillées et le Gouvernement actuel n'est pas pour rien dans l'accélération de cette évolution.
Ainsi, la majoration de pension pour enfant, avantage vieillesse à l'origine, a évolué vers une dépense de solidarité prise en charge par le fonds de solidarité vieillesse avant que le Gouvernement ne décide, cette année, qu'il s'agissait d'une prestation familiale.
Parallèlement, le Gouvernement a décidé que le fonds de solidarité vieillesse, dont l'objet est de prendre en charge les dépenses de solidarité des régimes de base, étendrait sa sollicitude aux régimes de retraite complémentaire en assumant la dette contractée par l'Etat à l'égard de ces régimes.
Que dire encore du chassé-croisé que représente par exemple la majoration de l'allocation de rentrée scolaire, qui devient une prestation familiale, alors que l'allocation de parent isolé, qui était une prestation familiale, figure désormais au budget général, pour des raisons anecdotiques liées à l'abaissement du plafond du quotient familial ?
Au total, à la question « qui fait quoi ? », le Gouvernement répond, année après année, en déplaçant à sa guise les excédents et les déficits, au gré souvent d'un arbitrage de dernier moment entre les ministres successifs chargés respectivement des finances et de la sécurité sociale.
Les projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale relèvent de deux logiques et de deux cohérences également respectables, et il est impératif que plus de transparence et de rigueur président aux arbitrages qui concernent ces deux textes.
C'est la raison pour laquelle, fortes de l'appui du président du Sénat, la commission des affaires sociales, comme la commission des finances, demandent, depuis trois ans déjà, que soit organisé, au printemps de chaque année, un débat consolidé sur les finances publiques.
M. Jacques Oudin. Très bien !
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Ce débat est le seul qui soit cohérent avec nos engagements européens.

Il est le seul qui permette d'exiger du Gouvernement une cohérence de sa politique des finances publiques.
Depuis trois ans, nous formulons cette demande de bon sens. Je forme le voeu, pour ma part, qu'un tel débat consolidé soit le premier acquis d'une rénovation de l'examen des textes financiers, à laquelle nos deux commissions sont très attachées. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Je vous remercie, monsieur Delaneau, d'avoir, vous aussi, rigoureusement respecté votre temps de parole.
Ce matin, chacun des intervenants a fait un effort. J'espère que les orateurs suivants s'inspireront de leur exemple.
Nous allons maintenant interrompre nos travaux : nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures quarante, est reprise à quinze heures cinq, sous la présidence de M. Jean Faure.)

PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
vice-président

M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi de finances pour 2001, adopté par l'Assemblée nationale.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 65 minutes ;
Groupe socialiste, 53 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 39 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 36 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 23 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 20 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, 9 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Angels.
M. Bernard Angels. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà maintenant bientôt quatre ans, le Premier ministre fixait les priorités du Gouvernement, au premier rang desquelles figuraient le retour à l'emploi et une plus juste répartition des richesses. Aujourd'hui, le bilan est plutôt positif et, en tout cas, en contradiction flagrante avec les invariables récriminations de mes collègues de la majorité sénatoriale.
M. Claude Estier. Très bien !
M. Jean Chérioux. Ben voyons !
M. Bernard Angels. De nombreuses réformes ont été concrétisées, de nombreux chantiers sont ouverts, de nombreuses perspectives seront encore tracées.
A travers une politique budgétaire résolument de gauche, nous avons su, pour notre pays, allier non seulement les vertus de justice sociale et d'innovation, mais aussi - et c'était là une nécessité absolue - les valeurs de responsabilité et de courage.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Ça, c'est bien !
M. Bernard Angels. Le budget 2001 s'inscrit dans la continuité de cette politique budgétaire qui a, depuis plus de trois ans, remis la France sur la voie de la croissance.
Il ne sombre ni dans la dilapidation des acquis ou le conservatisme, ni dans l'utopie ou la gestion à courte vue, ni dans la surenchère ou la résignation. C'est un budget équilibré, un budget d'équilibre.
Cet équilibre doit s'appuyer sur la croissance, la soutenir, mais aussi et surtout la faire partager au plus grand nombre.
S'appuyer sur la croissance, c'est profiter de ce socle de crédibilité sur lequel de nouvelles ambitions collectives peuvent être posées. Aujourd'hui, notre ambition doit consister non plus à lutter simplement contre le chômage, mais à aller vers le plein-emploi, non plus seulement à agir contre les exclusions, mais à s'engager pour une France plus juste, non plus seulement à respecter les critères de Maastricht, mais à installer un cycle durable de prospérité en France et en Europe.
Selon les dernières études, la croissance sera comprise en 2001 dans une fourchette de 3 % à 3,6 %. Ces études montrent aussi que le retour de la croissance s'est accompagné d'un retour de la confiance.
Aussi, animés par ce renouveau de confiance, les Français ont légitimement le sentiment qu'ils ont, par leurs efforts passés et leur travail actuel, contribué à ces résultats. C'est donc tout aussi légitimement qu'ils aspirent à en retirer les fruits, pour eux-mêmes et pour leurs enfants.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Là, il y a du travail !
M. Bernard Angels. Nous devons répondre à ces nouvelles attentes par une politique volontaire en matière d'emploi, de services publics et de justice sociale. Ce doit être le sens de notre programme de dépenses publiques. Pour autant, notre volonté a été, depuis 1997, de ne pas dilapider les acquis économiques, de ne pas rompre la dynamique de notre pays par un laxisme budgétaire, de maintenir un cap économique qui tienne compte, tout à la fois, des aspirations des Français et des nécessités de pérennisation de la croissance.
C'est dans cette optique que se situe notre volonté de maîtriser les dépenses publiques. Cela ne signifie pas nécessairement moins d'Etat ; cela signifie surtout mieux d'Etat. Nous devons dépasser les aspects dogmatiques de cette question pour nous attacher à la nécessité de réformer progressivement l'Etat et ses services, dans la transparence et la concertation.
M. Michel Moreigne. Très bien !
M. Bernard Angels. Au-delà de la simple - et parfois simpliste - dichotomie du « plus ou moins d'Etat », notre action doit avant tout tendre à redonner aux services publics les moyens de fonctionner de façon moderne, d'assurer la cohésion sociale et l'égalité de traitement sur l'ensemble du territoire, d'encourager les initiatives et de soutenir le dynamisme économique. C'est au travers des services publics dont bénéficie l'ensemble des Françaises et des Français que nous pourrons assurer la solidarité et mettre en oeuvre les principes d'égalité et de libertés publiques auxquels nous sommes tous attachés.
Tels sont, en effet, les principes qui doivent nous animer dans la définition de nos priorités budgétaires, et c'est à l'aune de ces choix - car il est bien question ici de choix - que se définit l'action du Gouvernement. En finir avec une gestion à court terme, privilégier la responsabilité et la volonté politique, tout cela passe encore une fois par des décisions économiques et budgétairesd'équilibre.
Pour l'année 2001, le Gouvernement a ainsi retenu une progression en volume des dépenses de 0,3 %. Ce taux me paraît raisonnable dans la mesure où il répond à nos engagements européens et permet le financement de nos priorités : l'éducation, dont les crédits s'élèvent à 388 milliards de francs, en progression de 2,7 %, avec 6 600 créations d'emplois prévues ; la justice, qui bénéficie d'une augmentation de 3 % débouchant sur la création de plus de 1 500 emplois ; l'environnement, qui augmente de 8 %, avec 324 créations de postes déconcentrés ; la sécurité, dont les crédits augmentent de 4,9 %, avec 800 postes supplémentaires pour la police nationale et 1000 pour la gendarmerie.
Je ne pense pas que quiconque puisse, dans ces conditions, nous accuser de brader ou de sacrifier les services publics. Je ne pense pas non plus que quiconque puisse nous faire le procès du gaspillage ou de la dilapidation. Encore une fois, l'équilibre est de mise et nous permet, je le crois fermement, d'améliorer le quotidien des Français sans casser la croissance. Il donne une nouvelle ambition à notre pays, sans freiner son dynamisme.
Certes, nous sommes désormais dans une phase de croissance, mais les stigmates de la longue crise que nous avons traversée et la possibilité d'un retournement de conjoncture ne nous mettent pas à l'abri de nouvelles difficultés. C'est pourquoi, à l'image de notre choix demaîtrise des dépenses publiques, nous devons préparer l'avenir et affermir la croissance par des actions résolues en matière de déficit budgétaire et de dette publique.
Soutenir la croissance, c'est avant tout tenir compte des impératifs de solidarité et de partage qu'implique notre responsabilité envers nos enfants et nos petits-enfants. En ce sens, la lutte contre les déficits est une priorité incontournable, car laisser l'économie vivre en déficit, en crédit renouvelé et permanent, relève d'une politique égoïste, à courte vue et irresponsable pour l'avenir.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Les résultats restent imparfaits !
M. Bernard Angels. De même, il est nécessaire de réduire de manière forte le service de la dette pour dégager les marges de manoeuvre nécessaires à la mise en place d'une politique ambitieuse et moderne.
Sur ce terrain, les résultats sont encore une fois significatifs.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Mais à parfaire !
M. Bernard Angels. Depuis 1997, le déficit budgétaire aura reculé de près de 100 milliards de francs, et la dette aura été ramenée de 60 % à 57,2 %.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Parlez en valeurs absolues et non en pourcentage !
M. Bernard Angels. Si nous nous accordons tous, je pense, sur les principes que j'ai formulés, en revanche, monsieur le président, nous divergeons fortement sur la méthode et le chemin à emprunter. Chaque année, depuis 1997, M. Marini, dans ses rapports, appelle le Gouvernement à faire « toujours plus et toujours plus vite ».
M. Henri de Raincourt. Il a raison !
M. Bernard Angels. Sans ironiser sur la propre capacité de vos amis, monsieur le rapporteur général, à appliquer cette exhortation lorsqu'ils étaient en fonction,...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il n'y avait pas de croissance !
M. Bernard Angels. ... je tiens à souligner les risques que comporte une telle attitude.
M. Philippe Marini, rapporteur général. On n'avait pas d'argent, pas de « cagnotte » !
M. Bernard Angels. La politique budgétaire d'un pays est avant tout affaire de pondération, et agir de la sorte reviendrait purement et simplement à rompre l'équilibre construit patiemment depuis plus de trois ans et à compromettre par là même l'ensemble des résultats acquis pendant cette période.
« Le budget ne peut plus être l'addition de moyens, coupés des objectifs poursuivis par l'action publique et votés sans considération des résultats obtenus. » Je me permets d'emprunter cette phrase pleine de bon sens au récent rapport de notre président de la commission des finances, M. Alain Lambert, tant elle me paraît résumer tout à la fois la pertinence des choix gouvernementaux et la menace que ferait peser sur notre économie l'application des injonctions répétées de notre rapporteur général.
Toute la cohérence de notre projet - et sa réussite aussi sans doute - réside, en effet, dans la fidélité et le respect des priorités et des objectifs que nous nous sommes fixés dès le début de la législature. A chaque difficulté rencontrée, d'aucuns n'ont pas manqué de souligner que les choix du Gouvernement n'étaient pas les bons et que nous faisions preuve d'un optimisme béat devant le retour de la croissance. A chaque fois, nous avons répété que, si un taux de croissance ne se décrétait pas, il ne fallait pas réduire pour autant la politique économique à l'impuissance. La continuité et le respect de nos engagements, telle est la méthode que nous nous sommes donnée et elle semble porter ses fruits. Nous continuerons donc à l'appliquer pour renforcer notre économie, lui donner encore plus de vitalité, libérer les énergies et favoriser les initiatives. C'est la seule voie possible, à mon sens, pour réussir ce pari que nous nous sommes fixé : une société de travail pour tous, plus juste et où chacun bénéficierait des fruits de la croissance retrouvée.
Car, outre le fait de s'appuyer sur la croissance et de la soutenir, l'équilibre budgétaire que nous mettons en place, loi de finances après loi de finances, doit avoir pour ambition de faire partager la croissance.
Faire partager la croissance, c'est aussi bien poursuivre notre action pour l'emploi, privilégier la participation de tous à la création de la richesse que valoriser le pouvoir d'achat des Français.
La lutte contre le chômage est bien engagée, mais elle n'est pas encore gagnée. Nous ne nous situons pas sur une pente naturelle de décrue du chômage où nous pourrions nous laisser glisser jusqu'au plein emploi. Nous devons, au contraire, nous battre, jour après jour, pour faire reculer ce fléau social et ne pas nous satisfaire, comme je l'ai entendu dire ici ou là, d'un chômage structurel à 8 % ou 9 %.
Notre ambition, je le répète, c'est le plein emploi et c'est ce vers quoi nous allons mobiliser toutes les énergies. D'ores et déjà, plus de 1 300 000 emplois ont été créés depuis juin 1997 et il est prévu que 900 000 emplois supplémentaires seront créés entre 2000 et 2001.
Ainsi, 800 000 personnes sont sorties du chômage ; en outre, nous avons accueilli 500 000 actifs supplémentaires. Le dynamisme de notre économie, renforcé par le plan emplois-jeunes, la réduction du temps de travail et la modernisation de notre appareil industriel nous a permis de remporter ces premières batailles contre l'inactivité. La route reste longue, surtout pour ceux qui sont encore sur le bord du chemin, et nous devons multiplier nos efforts pour offrir aux 2 millions de Françaises et de Français encore en recherche d'emploi une place dans la communauté du travail.
La réforme de notre système de formation professionnelle, la validation des acquis d'expérience professionnelle, la recherche constante d'une meilleure qualité de l'emploi et d'une plus grande protection des travailleurs sont autant de chantiers qu'il nous faut poursuivre.
En donnant la priorité à la création massive d'emplois, nous avons changé le rythme de la croissance économique, mais nous avons aussi changé sa nature et la répartition de ses résultats. La participation croissante de tous les acteurs de notre économie à la création de richesses a profondément modifié la répartition de la progression du revenu entre activité et capital. De 1994 à 1996, revenus du travail et du capital progressaient faiblement, à concurrence de 1,1 % par an environ. Depuis 1998, le revenu des ménages a augmenté de 2,8 % par an et, de plus, le partage de cette richesse supplémentaire a largement profité aux revenus du travail, pour plus de 80 %.
Nous avons donc engagé un véritable renversement de logique, tant au plan économique, puisque la croissance est tirée vers le haut par la consommation et l'emploi, qu'au plan social, puisque le partage de la richesse se fait désormais au profit des travailleurs, qu'au plan politique enfin, car ce nouveau partage n'est pas sans conséquence sur le rapport de forces sur le marché du travail et, au-delà, dans la société.
A une croissance faible et mal distribuée a succédé une croissance plus forte et plus juste. Il nous faut poursuivre en ce sens sans jamais opposer emploi et pouvoir d'achat. C'est cette évolution que les choix budgétaires et fiscaux du Gouvernement pour 2001 se proposent de prolonger et d'amplifier.
Je ne détaillerai pas l'ensemble des mesures fiscales qui ont déjà été exposées avec clarté par M. le ministre des finances, je me bornerai à vous présenter simplement les raisons qui justifient, à mon sens, de telles mesures.
Tout d'abord, la baisse des prélèvements obligatoires était nécessaire car, à l'évidence, leur niveau était élevé.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Ah oui, alors !
M. Bernard Angels. Pour autant, elle ne pouvait s'effectuer en portant préjudice aux services publics ou en négligeant la nécessaire redistribution des richesses dont la croissance nous ouvre la perspective. Il semble clair que les mesures fiscales proposées ont évité cet écueil.
Ensuite, cette baisse était nécessaire pour la simple et bonne raison que nous nous y étions engagés. En cela, l'attitude de la majorité n'a pas varié du précepte énoncé par Lionel Jospin en 1997 : « Faire ce que l'on dit et dire ce que l'on fait ».
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien !
M. Bernard Angels. En outre, les résultats de notre politique économique nous permettaient - j'irai plus loin - nous obligeaient à redistribuer les fruits de la croissance retrouvée.
Ainsi ces mesures fiscales, de par leurs cibles, servent-elles l'emploi et bénéficient-elles en premier lieu aux ménages, aux salariés et aux petites entreprises.
Enfin, face au renchérissement des cours du pétrole, ces propositions se présentent comme des mesures contracycliques pertinentes et comme de nouveaux outils propres à réinjecter des revenus dans le circuit économique.
Mes chers collègues, je souhaiterais enfin profiter de cette discussion pour élargir le débat fiscal à l'échelon européen.
A quelques jours du sommet européen de Nice, je souhaite plaider une fois encore pour une harmonisation fiscale accélérée. Il nous faut répondre avec la plus grande vigueur aux menaces de délocalisation, de dumping fiscal, d'appauvrissement de nos services publics dont nous sommes en droit de vouloir nous prémunir à l'avenir. (M. Jean Arthuis applaudit.)
Les Etats membres, sur l'initiative de la France, ont effectué des propositions fort intéressantes pour lutter contre les paradis fiscaux et le blanchiment d'argent sale, propositions qu'il convient de saluer.
Des efforts ont également été entrepris pour lever les blocages quant à l'harmonisation commune sur l'imposition à la source des produits d'épargne ou sur l'échange d'informations fiscales.
Pour autant, les résistances sont encore bien réelles et les avancées trop lentes au regard des enjeux.
Je souhaite, pour ma part, que des réponses institutionnelles puissent rapidement être trouvées en matière de vote à la majorité qualifiée et de coopérations renforcées. Ces réformes permettraient sans conteste d'accélérer la construction de l'Europe au service de la croissance et du plein emploi.
Monsieur le ministre, je connais votre attachement comme celui du Gouvernement à tous les dossiers que j'ai évoqués. Je ne doute pas que vous poursuivrez le travail déjà entrepris pour respecter les engagements que nous avons collectivement pris devant les Français. Ce budget d'équilibre en est une preuve évidente, c'est pourquoi vous pourrez compter sur le total soutien du groupe socialiste tout au long de sa discussion. (Applaudissements sur les travées socialistes. - Mme Luc applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. de Rohan. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Josselin de Rohan. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, « un taux de dépenses de l'Etat plus bas n'est pas le signe d'un retrait de l'Etat, d'un Etat faible.
« L'Etat doit se concentrer sur ce qu'il a à résoudre de manière obligatoire. Nous savons que bien des choses peuvent être réalisées bien, voire mieux sans l'Etat. Là où l'individu peut s'aider lui-même, une aide de l'Etat n'est pas absolument nécessaire.
« L'excédent du PIB sera pour les deux tiers consacré à des investissements pour le futur, le dernier tiers à la baisse des prélèvements obligatoires. Les dépenses de l'Etat devront à l'avenir croître deux fois moins vite que le PIB. »
Ces propos comme ces engagements ne sont, hélas ! pas ceux du gouvernement français, ce sont ceux du ministre allemand des finances. On voit par là même qu'il y a deux manières d'être socialiste et deux manières de gérer en deçà et au-delà du Rhin...
Pour ce qui est de la conduite des finances publiques, nous regrettons de ne pas être sur la bonne rive !
Pourtant, les premières déclarations de M. le ministre de l'économie et des finances étaient prometteuses : « Il s'agit de substituer à une logique de dépenses une logique de résultats. Il s'agit que l'administration rompe avec une logique du toujours plus et qu'elle soit rendue sans cesse plus attentive à l'efficacité de son action. » Vous voyez que j'ai de bons auteurs, mes chers collègues !
Je souhaiterais, bien entendu, que ce que l'on disait quand on était à l'Assemblée nationale se traduise dans les faits une fois que l'on est au pouvoir. Mais, est-ce qu'un socialiste ministre fait un ministre socialiste, ou inversement, comme disait Bismarck ? Nous verrons.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Excellentequestion !
M. Claude Estier. Et au RPR, comment cela se passe-t-il ?
M. Josselin de Rohan. La dérive constatée à l'occasion de la présentation du collectif budgétaire d'automne est de mauvais augure, puisqu'on annonce un déficit de 209 milliards de francs, en hausse de 3 milliards de francs par rapport à celui de 1999 ; on est loin des 185 milliards de francs prévus avant l'été, et ce malgré des recettes fiscales en forte croissance !
D'ores et déjà, une hypothèque lourde pèse sur nos capacités à respecter nos engagements européens, à savoir de limiter la hausse annuelle des dépenses à 1 % en francs constants de 2001 à 2003, soit 0,3 % par an.
En 1998, le Gouvernement annonce une stabilité de la dépense en volume ; le résultat est une hausse de 3 %. En 1999, l'annonce est de 1 % de hausse, la réalisation de 2,8 %. Comment, dans ces conditions, peut-on croire à l'annonce d'une croissance zéro des dépenses publiques cette année et à celle d'une légère progression de 0,3 % l'an prochain ?
En effet, en débudgétisant certaines dépenses de nature sociale, on ne diminue pas les dépenses, on ne fait que les déplacer. Ainsi, le FOREC voit ses charges passer de 67 milliards de francs à 85 milliards de francs en 2001. Ainsi, les organismes de sécurité sociale devront assumer le poids des allégements de la CSG et de la CRDS pour les bas salaires consentis par l'Etat.
Dans tous les cas, ces manipulations, qui conduisent à accroître la dépense publique d'une année sur l'autre de 4,61 % et non de 0,31 %, ne trompent pas les autorités communautaires, qui s'inquiètent de notre volonté d'assumer nos engagements.
Pour les laudateurs de la dépense publique, son seul caractère public suffit à la parer de toutes les vertus. Pour ses détracteurs, c'est cette spécificité qui est la source de tous les maux. En fait, la dépense publique doit être examinée à l'aune des mêmes exigences de transparence et d'efficacité que les dépenses des entreprises, chacune l'étant selon ses objectifs propres.
Avec plus de 52 points de son PIB consacrés à la dépense publique, la France reste le mauvais élève de la classe Union européenne et de la classe OCDE. L'écart s'accentue par rapport à nos partenaires lorsque l'on prend en compte la dépense publique hors charge de la dette. Si nos finances publiques étaient gérées comme celles de l'Allemagne, notre dépense publique serait inférieure de 500 milliards de francs. Par rapport à l'Italie, ce chiffre passerait à 635 milliards de francs. Pourquoi ce qui est possible chez nos partenaires est-il irréalisable chez nous ?
M. Xavier de Villepin. Très bien !
M. Josselin de Rohan. Nos partenaires ont, dans l'ensemble, concentré leurs efforts sur les deux postes les plus importants de la dépense : la charge des prestations sociales et la rémunération des agents publics. Ces efforts se sont manifestés par des réformes de structure et des méthodes de gestion des dépenses qui ont permis à la fois de mieux maîtriser leur utilisation et d'assurer une plus grande transparence.
Inspirons-nous de la sagesse de ces Etats !
Il est regrettable que nos concitoyens ne soient pas informés qu'il existe des alternatives crédibles et efficaces au modèle français de service public.
M. Xavier de Villepin. Très juste !
M. Josselin de Rohan. C'est bien l'Etat qui est à l'origine du dérapage de la dépense publique : alors que les dépenses de la fonction publique représentent plus de 42 % du budget général, elles continuent de progresser chaque année.
Au 30 septembre 2000, dernier état budgétaire disponible, les rémunérations, pensions et charges sociales s'établissaient à 438,5 milliards de francs, contre 424,9 milliards de francs un an plus tôt et 411,1 milliards de francs en 1998. En un an, la progression est donc de 3,2 % et s'accentue par rapport au mois d'août.
Dans le dossier des négociations salariales dans la fonction publique, l'arbitrage prononcé par le Premier ministre en faveur du ministre en charge de ce secteur, contre votre avis, monsieur le ministre, et contre la rigueur budgétaire bien opportune que vous prôniez, a de quoi inquiéter en termes d'évolution des dépenses jusqu'en 2002. Le Gouvernement s'est en effet engagé à ce que la valeur du point d'indice ne soit pas inférieure à l'inflation sur les années 2000, 2001 et 2002. Pour la seule année 2000, il s'agit de 3 milliards de francs. Pour l'an prochain, ce sont 8 milliards de francs qui seront nécessaires. A l'examen des documents budgétaires, on constate que seuls 3,2 milliards de francs ont été provisionnés au titre de 2000 et de 2001, comme le soulignait M. le rapporteur général ce matin.
Mauvais employeur, l'Etat est incapable de gérer correctement ses ressources humaines.
Que dire de l'insincérité croissante de l'évaluation des effectifs budgétaires opérée dans la loi de finances ? Les transformations d'emplois en crédits de vacation, les missions permanentes confiées à des emplois-jeunes et la pratique des « surnombres » sont autant de cas où le Parlement se voit dépossédé de son droit d'information budgétaire et de son pouvoir d'autorisation préalable à toute création d'emploi public.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Tout à fait !
M. Josselin de Rohan. Pis, le ministre de la fonction publique déclarait il y a peu que l'Etat ne connaissait pas le nombre de ses fonctionnaires !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Quel aveu !
M. Josselin de Rohan. Néanmoins, les documents budgétaires récapitulant les effectifs nouveaux autorisés en 2001 recensent la création de deux emplois au ministère de la culture et la suppression de deux emplois au ministère des finances, alors même que l'Etat reconnaît qu'il ignore le nombre de ses fonctionnaires à l'unité près. En outre, cette suppression de deux emplois au ministère des finances en dit long sur la volonté réelle du Gouvernement d'entreprendre une véritable réforme de l'administration des finances !
Le nombre de fonctionnaires ne cesse de progresser. Ainsi, chaque fois que la population d'âge actif a augmenté de 100 dans les pays du G7, pris dans leur ensemble, on a assisté à la création de 68 emplois privés, de 11 emplois publics, ainsi qu'à l'apparition de 18 chômeurs et de 3 inactifs. En Allemagne, ces chiffres s'élèvent respectivement à 32, 10, 34 et 24. La France, quant à elle, a détruit 18 emplois privés mais créé 27 emplois publics, 45 chômeurs et 46 inactifs.
Dispendieuse, la politique de la fonction publique menée par le Gouvernement n'est, de surcroît, guère cohérente. Depuis trois ans, on affichait le maintien des effectifs à leur niveau et la volonté d'utiliser la voie des redéploiements. Or, pour 2001, le Gouvernement programme une vaste campagne de recrutements dans la fonction publique. Ces recrutements sont justifiés par la nécessité d'améliorer la qualité du service public. Pourtant, c'est bien cette amélioration qui engendre des gains de productivité, seuls à même de permettre une réduction des effectifs.
Près des deux tiers des 10 112 emplois créés en 2001 le seront dans l'éducation nationale, alors que le nombre d'élèves diminue chaque année !
Que dire des 263 000 emplois-jeunes qui, à deux ans de l'expiration de leur contrat, ne savent toujours pas de quoi leur avenir sera fait ? Notons que, avant de répondre à cette question capitale en termes de finances publiques, le Gouvernement s'est fixé pour objectif les 350 000 emplois-jeunes d'ici à la fin de 2001. Leur avenir passe, semble-t-il, par une titularisation dans la fonction publique, après pérennisation de leurs emplois, pour un coût estimé en 2001 à 37 milliards de francs à l'issue de tous les recrutements.
La ressource humaine est la ressource la plus gâchée par l'Etat. Le risque est majeur d'en voir les conséquences dans la qualité des services rendus aux usagers des services publics.
Face à ces dérapages de la dépense publique, nous proposons, depuis plusieurs années, qu'elle soit stabilisée et réduite. Immanquablement, face à une telle proposition, la réaction du Gouvernement est double.
D'abord, réduire le nombre des agents publics nuirait, dit-il, à la qualité du service. Mais le coût n'est pas forcément synonyme de qualité. Pourquoi l'éducation nationale, par exemple, refuse-t-elle la publication des différences constatées entre établissements scolaires dans l'amélioration moyenne du niveau des élèves au cours de la scolarité, afin de mesurer la qualité du travail ? Les « géniteurs d'apprenants », puisque c'est ainsi qu'on appelle les parents d'élèves, doivent-ils être maintenus dans l'ignorance de la seule information qui vaille : le rapport entre le taux d'encadrement des élèves et l'efficacité de l'enseignement que ceux-ci reçoivent ?
Ensuite, le Gouvernement nous met au défi de choisir les secteurs dans lesquels on pourrait réaliser des économies. Or il existe plusieurs « viviers » où des réductions d'effectifs ou le non-remplacement des départs à la retraite peuvent être décidés sans remettre en cause la qualité du service.
Tel est le cas de l'éducation nationale. Selon la commission d'enquête du Sénat sur les personnels de l'éducation nationale, 50 000 agents décomptés en tant qu'enseignants ne voient jamais un élève.
M. Martial Taugourdeau. Qu'est-ce qu'ils font ?
M. Josselin de Rohan. Or ces 50 000 personnes représentent les besoins de la totalité des établissements scolaires - maternelles, établissements primaires et secondaires - de huit départements, absences de courte et moyenne durée comprises. Cela représente une académie !
Bien qu'on enregistre en trois ans 190 000 élèves en moins dans nos écoles, les emplois budgétaires de l'enseignement scolaire sont passés de 941 075 - compte tenu de la politique de réduction lancée par le Gouvernement d'Alain Juppé - à 945 140, soit une progression de 4 174 unités. Les effets de la politique menée en 1995-1997 ont donc été effacés.
Prenons maintenant l'exemple de l'agriculture.
Le nombre d'agents du ministère de l'agriculture se situe peu ou prou aux alentours de 30 000 depuis le début des années quatre-vingt-dix, alors que la population active agricole s'est réduite de près de 40 %, soit un fonctionnaire pour cinquante agriculteurs au début des années quatre-vingt-dix pour un fonctionnaire pour trente agriculteurs à la fin de cette décennie.
M. Roland du Luart. Ce sera bientôt un pour dix !
M. Josselin de Rohan. Des sommes se chiffrant en milliards de francs sont affectées chaque année sous forme de crédits d'équipement informatique ou à l'amélioration des moyens de télécommunication. Quelle est l'incidence de ces sommes sur la productivité des services administratifs ? Se traduit-elle par une diminution de leurs effectifs, une évolution de ces derniers vers des emplois plus qualifiés, une réduction du nombre d'agents d'exécution ?
Une telle réduction n'interviendra, je le note, ni au ministère des finances - conséquence de l'accord tacite conclu à la suite de la grève survenue au mois de février dernier -, ni au ministère de l'équipement, ni au ministère de l'intérieur, ni dans les services des préfectures, qui comptent pourtant de nombreux agents d'exécution.
Les dépenses publiques évoluent à l'inverse des exigences d'une gestion saine : la part des dépenses de fonctionnement s'accroît d'année en année, tandis que celle des dépenses d'investissement connaît une évolution inverse, puisque celles-ci atteignent 78 milliards de francs en 2001, soit 3 milliards de moins qu'en l'an 2000.
L'ensemble des dépenses d'investissement consacrées aux universités, à l'aménagement du territoire, à l'environnement ou au patrimoine est inférieur de 10 milliards au montant des crédits consacrés aux 35 heures. Les crédits des titres V et VI - investissements - diminueront de manière sensible d'une année sur l'autre : de 3,5 %.
M. Philippe Marini, rapporteur général. On prépare l'avenir !
M. Josselin de Rohan. La réduction de la dépense publique est affaire de courage politique et doit s'accompagner de la nécessaire simplification des structures publiques. Ainsi, le principe de responsabilité deviendra la base du fonctionnement des services publics. Il s'agira ensuite d'élaborer les outils de contrôle de l'efficacité et de l'utilité comparée de chaque dépense. Le bon emploi des ressources dont dispose le service public concerné sera alors analysé et amélioré.
La réduction d'un point de PIB par an de la dépense publique semble un objectif raisonnable, à condition qu'elle soit conduite dans la durée.
En préférant la redistribution des fruits de la croissance à la réduction des déficits publics, le Gouvernement suit sa pente naturelle. Il est vrai que des échéances électorales ne sont pas éloignées !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Ces élections, il les perdra !
M. Josselin de Rohan. La baisse des prélèvements obligatoires proposée dans ce projet de budget pour 2001 est non pas gagée par une réduction du train de vie de l'Etat, mais financée par une partie des recettes fiscales exceptionnelles résultant de la croissance, le solde de ces recettes finançant pour sa part des recettes nouvelles. Voilà bien la preuve que l'Etat finance des dépenses structurelles par des recettes conjoncturelles. La conséquence de cette politique, c'est la persistance des déficits en période de croissance.
Mme Hélène Luc. Mais vous, quelle est votre politique, monsieur de Rohan ? Que proposez-vous ?
M. Josselin de Rohan. Entre 1997 et 1998, la réduction du déficit de l'Etat était de 0,6 point de PIB ; elle n'est plus que de 0,3 point entre 2000 et 2001.
Passons sur l'épisode tragicomique de la « cagnotte », qui était vraiment digne de Labiche, et sur les plus-values fiscales camouflées, puis avouées. Passons sur les reports de recettes sur les exercices 2000 et 2001, réalisés en violation de l'ordonnance de 1959 et dénoncés par la commission des finances comme par la Cour des comptes.
En franchissant à nouveau le seuil des 200 milliards de francs de déficit budgétaire, nous nous distinguons de la plupart de nos partenaires de l'Union européenne puisque, dès cette année, huit d'entre eux dégageront des excédents budgétaires.
Le Gouvernement annonce aux Français, pour 2001-2003, un plan de diminution des prélèvements obligatoires de 120 milliards de francs, mais, dans le même temps, depuis 1997, dix-huit taxes et impôts nouveaux ont été créés, représentant plus de 400 milliards de francs de prélèvements obligatoires supplémentaires.
Alors que nos prélèvements obligatoires ramenés au PIB sont parmi les plus élevés du monde occidental, le Gouvernement continue d'ajouter de la pression fiscale.
En 1997, la pression atteignait 44,9 % du PIB. En 1998, le Gouvernement annonçait une baisse des prélèvements obligatoires de 0,2 point : il n'en a rien été. En 1999, une baisse de 0,2 point a été annoncée. Le résultat ? Une hausse de 0,8 point !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Que depromesses !
M. Josselin de Rohan. Pour cette année, l'annonce d'une baisse de 0,5 point de PIB reste en deçà des annonces du programme pluriannuel du début de l'année. A la fin du mois de septembre, le dynamisme des recettes fiscales fait douter du caractère réalisable de cet objectif.
Pour 2001, le Gouvernement a annoncé un objectif de 44,7 % du PIB, soit celui qu'il s'était fixé initialement en 1998.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Encore de belles promesses !
M. Josselin de Rohan. Voilà illustré le « théorème de DSK » : « Les impôts baissent et les prélèvements obligatoires augmentent » !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il avait raison !
M. Josselin de Rohan. Entre mai 1997 et décembre 2000, l'écart entre les promesses du Gouvernement et la réalité représente 2,2 points du PIB, soit environ 200 milliards de francs de prélèvements : les 120 milliards de francs du plan pluriannuel à compter de 2001 apparaissent plutôt comme un mirage.
Les ménages modestes non « smicards », les familles et les retraités attendent pourtant de bénéficier des fruits de la croissance sous forme d'une baisse de leur imposition. Mais il est vrai qu'il est plus facile de sanctionner les familles par le plafonnement du quotient familial ou de prodiguer des « générosités » au détriment des collectivités locales et de transférer à celles-ci de nouvelles charges que de réformer l'administration.
En outre, l'endettement de la France reste à un niveau très élevé. En quatre ans, notre endettement s'est accru de plus de 800 milliards de francs, soit près de 15 000 francs supplémentaires par Français. Pour la première fois depuis 1997, les dépenses destinées au paiement des intérêts de la dette s'accroissent à nouveau : 240 milliards de francs en 2001, contre 234 milliards de frances en l'an 2000.
Les choix opérés par le Gouvernement pour le budget de 2001 risquent d'obérer l'avenir du fait de leur manque de rigueur.
Un certain nombre de blocages risquent de limiter nos perspectives de croissance.
Songeons aux difficultés grandissantes de nos entreprises pour recruter leur personnel, en dépit du nombre encore élevé de chômeurs ; notre système de formation et notre système d'aide sociale, qui favorise les « trappes » d'inactivité, sont à l'origine de ces difficultés.
Pensons aussi aux conditions dans lesquelles s'applique la réduction du temps de travail, qui prive également de souplesse nos entreprises et affecte leur compétitivité. A cet égard, mes critiques sont d'ailleurs infiniment moins vives que celles d'augustes personnages...
N'oublions pas la faiblesse relative des taux d'activité des moins de vingt-cinq ans et des plus de cinquante-cinq ans par rapport à ce qu'ils sont dans les autres pays industrialisés.
Comment ne pas mentionner, enfin, la saturation des capacités de production et l'insuffisance des créations d'entreprises, ainsi que le manque d'investissement de ces dernières, qui nous font prendre du retard par rapport à nos partenaires ?
Le projet de budget pour 2001 n'apporte guère de remèdes à l'excès de prélèvements et de contraintes en tous genres ainsi qu'au poids du secteur public dont souffre notre économie.
Dans la mesure où le Gouvernement attend de la seule conjoncture qu'elle réduise les déficits publics, il prend de sérieux risques, car un retournement de cette conjoncture pèsera lourdement sur l'équilibre de nos comptes. Au lieu d'agir sur les structures en période de croissance économique, le Gouvernement préfère l'utilisation immédiate des marges de manoeuvre en finançant des dépenses structurelles par des recettes conjoncturelles.
« Défiez-vous du premier mouvement, c'est le bon », disait Talleyrand. Votre premier mouvement, monsieur le ministre, était de réclamer une fiscalité moins lourde, une application raisonnable des 35 heures, la modération des rémunérations dans la fonction publique, une politique de recrutement des agents publics adaptée aux impératifs réels de notre administration. Malheureusement, la plupart des arbitrages rendus par le Premier ministre vous ont été défavorables.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Quelle tristesse !
M. Josselin de Rohan. Dans notre jeunesse, hélas ! aujourd'hui lointaine...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Mais non !
M. Josselin de Rohan. ... le parti communiste couvrait les murs d'inscriptions « Libérez Henri Martin »...
Mme Hélène Luc. C'est vrai !
M. Josselin de Rohan. ... du nom d'un militant emprisonné pour sabotage pendant la guerre d'Indochine. Nous demandons à notre tour au Premier ministre « Libérez Laurent Fabius » (Sourires), libérez-le des quémandeurs de la gauche plurielle qui réclament à l'envi des crédits pour leurs clients...
Mme Hélène Luc. Ça n'a rien à voir !
M. Josselin de Rohan. ... libérez-le des idéologues qui divinisent la dépense publique de ceux qu'il nomme lui-même les « étatolâtres », libérez-le de la technostructure administrative, toujours réfractaire aux innovations ou aux allégements fiscaux, ou de la technostructure syndicale adepte du « toujours plus ».
M. Daniel Goulet. Il n'en aura que plus de mérite !
M. Josselin de Rohan. Mais parce que je crains que la levée d'écrou de M. Fabius ne soit pas immédiate, je crois surtout, monsieur le président, mes chers collègues, que, pour nous libérer définitivement, mieux vaut nous appuyer sur les sages avis de M. le président et de M. le rapporteur général de la commission des finances...
M. Paul Loridant. Pour dissoudre l'Assemblée nationale !
M. Josselin de Rohan. ... et sur nos propres forces pour convaincre l'opinion qu'une autre politique est souhaitable et qu'elle est possible, qu'elle est même la seule possible si nous voulons tirer un profit durable des acquis de la croissance. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et indépendants et de l'Union centriste.)
M. Claude Estier. Vous n'avez pas fait une seuleproposition !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Lisez le rapport de la commission des finances, vous trouverez les propositions !
M. Claude Estier. Tout y est mauvais !
M. le président. La parole est à M. Arthuis.
M. Jean Arthuis. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais d'abord vous demander pardon... (Mais non ! sur les travées du RPR.)
M. Claude Estier. Pardon d'avoir été ministre des finances ?
M. Jean Arthuis. Ce n'est pas une repentance (Ah ! sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants) mais, ce matin, je n'ai pu être présent en séance pour écouter M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie,...
M. Claude Estier. Vous avez beaucoup perdu !
M. Jean Arthuis. ... M. le rapporteur général, M. le président de la commission des finances et M. le président de la commission des affaires sociales. En effet, j'avais répondu à l'invitation de M. le président de l'Assemblée nationale, en sa qualité de président de la commission spéciale chargée de la réforme de l'ordonnance de 1959.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous étions sur le même sujet !
M. Jean Arthuis. Cette réforme-là, monsieur le ministre, est peut-être l'instrument de votre libération. (Exclamations amusées sur les travées du RPR.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. Libérons Fabius ! (Sourires.)
M. Jean Arthuis. S'il est une démarche qui doit être suprapartisane et bicamérale, c'est bien la réforme de la discussion des lois de finances. Il faut tout le talent du ministre, du rapporteur général et du président de la commission des finances pour ne pas accéder à la tentation de penser que nous vivons un exercice hallucinant, formel. Dans quelques semaines, à la veille de Noël, nous examinerons un projet de loi de finances rectificative et il faudra la période complémentaire, le mois de janvier, pour l'exécuter ; démarche absurde, ridicule, dans laquelle nous nous trouvons enfermés.
Alors, je souhaite en effet que, au-delà des partis, et en rassemblant le Sénat, l'Assemblée nationale et le Gouvernement, nous réformions l'ordonnance de 1959. Je n'étais pas présent ce matin, monsieur le ministre, mais j'ai noté votre volonté d'y parvenir. Cette réforme structurelle sera une épreuve de vérité, de transparence, de lucidité et de courage. Si nous n'y procédons pas, mes chers collègues, les désinformateurs courront toujours plus vite et bloqueront toutes les réformes possibles en portant l'accent sur les peurs.
Dans la discussion budgétaire qui s'ouvre aujourd'hui, nos interventions doivent désormais, suivant en cela l'initiative heureuse de la commission des finances, être marquées du sceau de la concision et de la pugnacité. Je ne peux qu'approuver cette démarche, gage de vitalité et d'efficacité renouvelée. Elle préfigure, je le souhaite, l'évolution d'une procédure budgétaire jusqu'à présent rituelle pour le Gouvernement, frustrante pour les parlementaires, illusoire pour nos concitoyens.
Pourtant, la loi de finances demeure l'acte fondateur de l'action politique. Elle détermine le pacte républicain. Dans le contexte économique international favorable que nous connaissons, nous espérions nous éloigner enfin de la singularité française. Hélas ! monsieur le ministre, ce n'est pas le cas. Votre projet de loi de finances pour 2001, tel qu'il vient d'être voté par l'Assemblée nationale, apparaît extrêmement décevant. Il porte la marque de la résignation, comme si le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie avait oublié les engagements du président de l'Assemblée nationale.
Résignation, celle du Gouvernement face au déficit, plaçant la France parmi les mauvais élèves de l'Europe. Est-ce l'exemple que doit donner la nation présidant l'Union européenne jusqu'à la fin de l'année ? Est-ce la bonne manière, monsieur le ministre, pour stabiliser l'euro par rapport au dollar ?
Résignation face à l'endettement qui, en près de quatre années de croissance robuste, aura augmenté de plus de 700 milliards de francs.
Résignation face aux dépenses publiques puissamment nourries à coup de création d'emplois publics. Le ministre de l'éducation nationale vient à cet égard, par ses annonces récentes, de dissiper avec fracas toute ambiguïté. J'ai bien noté vos propos de ce matin, monsieur le ministre : vous remettez en cause ce qui, au début des années quatre-vingt dix, apparaissait comme une priorité nationale ; la réhabilitation de la dépense publique. Mais de la déclaration aux actes, il y a encore une distance.
Résignation face au dogme malthusien de la réduction du temps de travail.
Résignation face aux réformes structurelles. Votre ministère, qui compte tant de talents, ne s'est-il pas lui-même livré récemment à un exercice révélateur au travers de l'hypothétique rapprochement de la comptabilité publique et de la direction générale des impôts ?
Résignation face aux jeunes générations, trompant leurs espérances et leur laissant en héritage le financement des régimes de retraite et le remboursement des dettes publiques.
Résignation face à la nécessaire harmonisation fiscale européenne.
Les communiqués se suivent, à l'issue des conseils des ministres des finances. Ils ont tous la même saveur tiède et ne traduisent aucun progrès.
Résignation, enfin, face à la réforme de nos impôts, condition pourtant essentielle de la cohésion sociale. C'est ce dernier point que je souhaite commenter.
Après les épisodes, toujours en mémoire, du feuilleton de la désormais célèbre « cagnotte », après le constat du record absolu de prélèvements obligatoires, vous avez, monsieur le ministre, tenté de convaincre les Français de votre volonté de faire baisser les impôts. Intention louable !
C'est ainsi que vous avez présenté, sans aucune concertation, sans aucun dialogue avec le Parlement, une mosaïque de mesures fiscales estivales, disparates, illisibles, ponctuelles et quelque peu clientélistes. Chacun y cherche vainement l'expression d'une vision de la fiscalité moderne, intégrant les exigences de la mondialisation de l'économie, comme le rappelait M. Angels tout à l'heure, comme la construction européenne. Est-ce la raison pour laquelle vous avez renoncé à nous proposer le grand débat que nous attendons sur la fiscalité ? J'avais pourtant cru lire voilà peu de temps, sous votre plume, dans un journal du soir, que ce qui comptait, pour vous, c'était la capacité à « entraîner notre économie vers l'avenir ».
Pensez-vous que l'on puisse, en quelques heures, àl'occasion de l'examen des articles de la première partie du projet de loi de finances, engager le débat sur la réforme fiscale ? Certainement pas ! Pis, en remettant en cause la CSG sur les bas salaires, vous brisez, monsieur le ministre, la seule vraie réforme accomplie, discrètement il est vrai, par les gouvernements successifs durant les années quatre-vingt dix et qui consistait à mettre en place un impôt proportionnel sur tous les revenus.
Vous réalisez ainsi le dramatique exploit d'enfermer les plus modestes de nos concitoyens dans de redoutables « trappes à bas salaires ». De combien l'employeur devra-t-il augmenter le coût du travail pour permettre à ses collaborateurs de percevoir un supplément de salaire net significatif ?
Plusieurs sénateurs du RPR. Très bien !
M. Jean Arthuis. N'est-ce pas bloquer l'ascension sociale dont la République tire l'une de ses fiertés ? « Le progrès social a besoin de développement économique » écriviez-vous. Il est temps de dire aux Français que vous faites le contraire.
Le contenu et la forme sont décidément critiquables. L'objectif consiste bien à favoriser la création de richesses, sans lesquelles le progrès social est impossible, nous le savons bien. Nous y sommes attachés et la voie que vous empruntez est, en réalité, une impasse.
Le groupe de l'Union centriste retient donc trois priorités, dont devrait être imprégné un budget porteur d'avenir.
Tout d'abord, il importe d'alléger les cotisations sociales, en écrêtant progressivement les effets restrictifs, les seuils, les dispositions de toute nature qui multiplient les blocages, les stratégies de contournement et qui font perdre aux Français les chances d'améliorer leur niveau de vie. La cohésion d'une communauté de destins en découle. C'est en effet la condition du plein emploi et de la mobilisation de toutes les ressources de la nation.
Le moment paraît venu de désacraliser les salaires comme assiette des cotisations sociales. Nous devons désormais rechercher un autre impôt, mieux adapté aux nouvelles contraintes économiques. Cet autre impôt ne doit-il pas être fondé sur la valeur ajoutée ? N'existe-t-il pas, monsieur le ministre ? Il faudra ouvrir ce débat sur l'évolution des cotisations sociales et l'impôt de consommation.
Deuxième priorité : il faut rendre l'impôt sur le revenu supportable. Il est au coeur de la solidarité citoyenne. Il doit être compris et accepté par l'ensemble des contribuables qui y sont assujettis, par les classes moyennes si pénalisées aujourd'hui.
Après avoir bloqué la réforme engagée en 1996, la majorité plurielle, particulièrement divisée sur ce sujet, procède au travers de ce projet de budget à de bien timides avancées, prenant le risque de reléguer la France au rang des pays les moins compétitifs. Au surplus, quel dommage, monsieur le ministre, que vous n'ayez pas cru devoir suivre certaines des dernières recommandations du Conseil national des impôts !
Il est vraiment temps que des réformes aussi attendues soient débattues dans le cadre de projets de loi spécifiques, hors de l'examen des articles de la première partie de la loi de finances initiale. Peut-être accepterez-vous, un jour, dans le cadre de la réforme de l'ordonnance de 1959, de déposer le projet de loi de finances dès le printemps, mettant à l'écart un débat d'orientation budgétaire dont je ne suis pas certain qu'il réponde aux attentes de ses promoteurs. Ainsi, nous aurons le temps d'engager le débat sur les réformes fiscales.
Troisième priorité, que vous semblez partager, sans toutefois oser passer à l'acte : libérer l'offre de travail en assouplissant le régime autoritaire et généralisé des 35 heures, notamment dans les petites et moyennes entreprises.
M. Jacques Machet. Très bien !
M. Jean Arthuis. A défaut de remettre en cause les 35 heures, élargissons l'enveloppe d'heures supplémentaires...
Mme Hélène Luc. Ça ne passe pas, les 35 heures !
M. Jean Arthuis. ... et donnons du temps aux petites et moyennes entreprises. En s'abstenant de ce geste d'élémentaire pragmatisme, vous mettez en péril la croissance, vous bridez notre potentiel productif, vous détruisez une partie du tissu économique français. Nous sommes loin de l'hypothèse d'école puisque, selon certaines analyses récentes, notre pays a créé cette année davantage d'emplois que de richesses. Pour ce qui est de l'emploi, les effectifs ont progressé de 3,5 %, tandis que les richesses ne croissaient que de 3,4 %.
J'ajoute que ce n'est pas en travaillant moins que nous parviendrons à financer décemment et durablement les retraites.
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est clair !
M. Jean Arthuis. Vous comprendrez, monsieur le ministre, que nous ne puissions accepter votre projet de budget en l'état. Fort heureusement, la commission des finances va nous aider à l'améliorer, à l'engager sur la voie du réalisme, de la cohésion sociale...
Mme Hélène Luc. Pas du progrès social !
M. Jean Arthuis. ... - mais vous nous aiderez dans ce sens, madame Luc - et du dynamisme économique.
Je tiens à saluer la démarche et l'autorité du président de la commission des finances, M. Alain Lambert,...
M. Jacques Oudin. Elle est grande !
M. Jean Arthuis. ... et de son rapporteur général, M. Philippe Marini. Leur talent et l'éclairage qu'ils nous proposent vont redonner du sens à notre discussion.
Je ne doute pas que, grâce à eux, grâce au Sénat, le débat qui s'ouvre marque la fin d'une pratique et signe la renaissance d'un pouvoir parlementaire pleinement assumé.
C'est dire, monsieur le ministre, si nous devons réformer avec courage et audace la discussion budgétaire et l'ordonnance de 1959. C'est une épreuve de vérité. C'est aussi le socle de la cohésion sociale et du pacte républicain. Tous les parlementaires doivent pouvoir examiner l'article d'équilibre comme un document lisible. De même, tous nos concitoyens doivent s'approprier laproblématique budgétaire. Sinon, mes chers collègues, méfions-nous : le pacte républicain pourrait bien se trouver en danger, et je ne suis pas sûr que nous serions alors en situation de combler le fossé d'incompréhension qui peut séparer le politique de la nation. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Durand-Chastel.
M. Hubert Durand-Chastel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon collègue non inscrit Philippe Darniche aurait souhaité intervenir dans cette discussion générale. Aussi, mon intervention s'inspire largement de ce qu'il aurait voulu exprimer aujourd'hui.
L'examen du projet de loi de finances pour 2001 apporte, cette année encore, la preuve que la priorité gouvernementale, dans une conjoncture favorable, est non pas d'assainir durablement nos finances publiques, mais, à l'opposé, d'ouvrir toutes grandes les « vannes » de la dépense publique.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, si l'on tient compte du financement des 35 heures et de la CMU, les dépenses de l'Etat augmenteront en 2001 de plus de 2 %.
Je dénonce ce laxisme budgétaire coupable, qui se caractérise par un emballement des dépenses de fonctionnement, alors que l'investissement continue de régresser année après année.
Les 35 heures pèsent sur la compétitivité intérieure et internationale de nos PME-PMI. Elles coûteront plus de 80 milliards de francs en 2001, soit l'équivalent du tiers de l'impôt sur le revenu ou de deux points de TVA.
De plus, alors que les perspectives démographiques de la fonction publique devraient nous inciter à réduire ses effectifs, le Gouvernement décide une nouvelle fois de les accroître par la création de 11 000 postes et la titularisation de 10 000 vacataires.
Enfin, en matière de dette publique, nous demeurons les « mauvais élèves » de l'Europe. Elle représente, dans notre budget, 5 200 milliards de francs, soit 86 000 francs par habitant, tandis que le service de la dette, qui ne retrace pourtant que le paiement des intérêts, absorbe, pour l'année 2001, plus de 240 milliards de francs.
En 2001, l'Etat empruntera 542 milliards de francs, dont 186 milliards de francs pour combler le déficit, 348 milliards de francs pour s'acquitter des titres arrivant à échéance et 8 milliards de francs pour répondre à des engagements divers. A l'inverse, la dette publique des Etats-Unis sera totalement effacée dans une dizaine d'années et plusieurs pays européens commencent d'ores et déjà à enregistrer des excédents budgétaires, donc à réduire leur dette publique.
Je voudrais maintenant, monsieur le ministre, attirer votre attention sur trois budgets en particulier : le budget des collectivités locales, celui qui est consacré aux sports et celui du ministère des affaires étrangères.
En ce qui concerne le budget des collectivités locales, les élus n'ont plus les moyens de supporter les charges croissantes qui leur incombent et une réforme fondamentale de la fiscalité locale s'avère indispensable.
Les besoins financiers des collectivités augmentent du fait de charges obligatoires croissantes, alors que, dans le même temps, nous assistons à un effort rampant de « recentralisation » des finances locales par leGouvernement et à l'étatisation des impôts locaux àhauteur de plus de 50 milliards de francs - taxe professionnelle, taxe d'habitation et vignette automobile.
Tout cela entraîne une perte réelle d'autonomie des collectivités locales, qui deviennent ainsi dépendantes de l'Etat et n'ont plus les ressources nécessaires pour mener à bien leurs propres projets.
Je souhaite que, dans le cadre des prochains débats, nous marquions notre volonté d'approfondissement de la décentralisation en même temps qu'une transparence et une responsabilité accrues dans l'action des élus locaux. C'est pourquoi je soutiens la proposition de loi constitutionnelle sénatoriale relative à l'autonomie financière et fiscale des collectivités locales, et je défends l'idée, simple, d'une « fiscalité locale comportant une fraction d'impôt d'Etat et du partage d'impôts d'Etat donnant lieu au Parlement à un vrai débat politique sur la part des ressources nationales consacrée aux besoins croissants descollectivités ».
En ce qui concerne le budget des sports, je suis gêné, monsieur le ministre, de devoir dire de la sixième nation olympique que, avec 0,18 % de son budget, cette nation consacre au budget des sports une somme très inférieure au 1 % de la culture, que je ne conteste pas, mais qui résulte d'un véritable choix politique.
Toutefois, il ne suffit pas de simples effets d'annonces pour mener à bien une politique sportive nationale de grande ampleur. Le sport demeure une formidable école d'insertion sociale que nous ne devons pas négliger et pour laquelle nous devons accroître les moyens financiers et humains au niveau tant municipal, départemental que national. Mais cette école se doit avant tout d'englober tout le monde, des plus défavorisés aux plus professionnels, des personnels d'encadrement aux bénévolesassociatifs.
Pour résumer, on ne peut se glorifier de remporter des médailles prestigieuses et rester si « chiche » quant aux moyens alloués par l'Etat. Les résultats olympiques de Sydney sont l'arbre qui cache de la forêt. Nous n'attendons pas seulement du ministre compétent qu'il soit présent médiatiquement au côté de chaque médaillé. Nous appelons plutôt de nos voeux la mise en place d'une véritable politique sportive dans notre pays, dès l'école primaire, dotée de moyens appropriés.
Enfin et surtout, je regrette que notre budget des affaires étrangères reste très insuffisant au regard des enjeux de la globalisation. Ainsi, notre pays, malgré le record des recettes fiscales enregistré cette année, n'assure pas le paiement des cotisations à certaines organisations internationales, en particulier à l'Organisation mondiale du commerce et à l'Organisation mondiale météorologique.
Pour conclure, mes chers collègues, sachant que, en 1999, 70 % des fruits de la croissance ont été captés par le fisc, j'espérais - comme l'ensemble de mes concitoyens soucieux d'une gestion maîtrisée de la dépense publique par le Gouvernement - voir diminuer les impôts, les taxes et les cotisations. C'est l'inverse qui se produit, avec la création, depuis 1997, de quinze nouvelles taxes, l'augmentation des prélèvements obligatoires pour plus de 500 milliards de francs - pour un niveau record de 45,6 % en 1999 - et un déficit public qui demeure supérieur à 200 milliards de francs.
Inquiet de la progression rapide et régulière des dépenses de fonctionnement, qui accroît la dette et alimente les déficits à venir et qui place la France en contradiction totale avec ses engagements européens, je considère préoccupant de voir amputer des budgets d'investissement civils qui, eux, devraient être prioritaires en période de croissance.
Avec certains de mes collègues, je tiens à signifier ma profonde désapprobation sur les orientations de ce projet de budget pour 2001, que j'estime avant tout non conforme à l'intérêt national. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. du Luart.
M. Roland du Luart. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, quand on a le privilège de monter régulièrement à cette tribune pour y exposer une analyse des finances publiques, on ressent à chaque période budgétaire, tout particulièrement depuis trois ans, une désagréable sensation d'impuissance de l'Etat, de la nation tout entière, à se réformer paisiblement.
En effet, la fonction publique continue - de fait - de commander le Gouvernement, et non l'inverse ; le fonctionnement continue d'évincer l'investissement, car il est électorablement plus rentable ; la politique fiscale est de nouveau calibrée en fonction de considérations idéologiques, et non en vue de renforcer notre dynamisme économique ; la politique de défense nationale est sans cesse écornée et nos armées abaissées dans leur potentiel et leur moral ; des politiques sociales généreuses sont lancées, mais elles ne sont pas financées durablement par la maîtrise des dépenses.
Rappelons-nous un instant ces violentes critiques proférées par l'équipe aujourd'hui au pouvoir sur le non-financement présumé de la réforme de l'impôt sur le revenu initiée, hier, par Alain Juppé : critiques purement partisanes, car chacun peut constater que la réforme Jospin d'aujourd'hui n'est pas le moins du monde gagée par de moindres dépenses mais qu'elle repose sur le pari de la croissance continue.
Ce seul exemple illustre la fragilité de la politique de la demande conduite depuis plusieurs années. Habillée de considérations théoriques parfois justifiées, cette politique freine, voire interdit toute réforme structurelle audacieuse, ou simplement courageuse. Augmentation des effectifs et des rémunérations de la fonction publique, revalorisation du SMIC et des minima sociaux, financement des emplois-jeunes et des 35 heures : assurément, toutes ces mesures soutiennent la demande et constituent souvent des avancées sociales, mais ce sont des avancées sociales sans financement pérenne assuré et qui ne répondent en rien aux déficits structurels auxquels notre économie est confrontée. Or, le plus souvent, une avancée sociale dont le financement pérenne n'est pas assuré ressemble plus à une mesure électorale qu'à un progrès durable.
Car il ne peut être véritablement contesté que la politique budgétaire de notre pays, largement fondée sur cette politique de la demande, suscite plus la perplexité qu'elle ne soulève l'enthousiasme.
Mes chers collègues, le Gouvernement semble malheureusement n'avoir « rien appris ni rien oublié » de la politique budgétaire catastrophique des années 1988-1992, qui a conduit à l'effondrement de 1993, avec un déficit avoisinant les 6 % du produit intérieur brut.
L'enchaînement est pourtant simple. En période de bonne conjoncture, le Gouvernement laisse filer les dépenses : le déficit global est contenu, voire diminué, mais le déficit structurel s'accroît. Comme cet indicateur structurel n'est que rarement commenté, personne ne critique véritablement la politique conduite. Quand la conjoncture se retourne, le déficit global réapparaît avec force, car les recettes diminuent quand les dépenses rigides sont impossibles à diminuer. L'équilibre ne se rétablit ensuite que par des ponctions fiscales accrues qui pèsent sur la croissance future. Dans notre raisonnement, nous prenons date aujourd'hui.
Ces dépenses accrues en période de conjoncture favorable, aujourd'hui comme hier, constituent une espèce de « prion budgétaire » (Sourires), qui demeure invisible en période de hautes eaux économiques, mais qui s'active en cas de « coup de tabac ». Certes, ce « prion » est détruit par la croissance, mais à la condition que celle-ci dure au moins une dizaine d'années. Rien n'est malheureusement moins sûr ici. Sans jouer les Cassandre, il convient de poser quelques repères à ce propos.
Le taux de 3 % de croissance du produit intérieur brut, tel que nous l'avons enregistré ces dernières années, est deux fois supérieur à la croissance moyenne des années quatre-vingt. Il est, de plus, supérieur au taux de croissance potentielle de l'économie française, qui s'établit aux alentours de 2,5 %, ce qui n'est pas une situation durablement tenable sans politique active de l'offre. Il est, par certains aspects, inespéré, en tant qu'il repose sur les charmes imprévus mais éphémères d'une monnaie faible. Enfin il est, par nature, fragile, dans le seul pays développé, le nôtre, qui ne place pas les entreprises privées et les emplois qu'elles créent au centre de ses préoccupations, le seul pays développé qui ne soit pas business friendly , selon le jargon à la mode.
On peut donc affirmer que notre croissance est fragile sur le moyen terme et qu'elle ne sera pas indéfiniment conciliable avec une politique budgétaire qui penche beaucoup plus vers le laxisme que vers la rigueur. Il faut être bien distrait ou posséder la foi du charbonnier pour ne pas s'inquiéter des clignotants passés au rouge : déficit structurel plus élevé que celui de nos partenaires de l'euro 11, abandon en rase campagne de la maîtrise des dépenses et de la réforme de l'Etat, maintien des prélèvements obligatoires à un niveau plus élevé que celui de nos concurrents directs. Le « prion » est encore vivace et nous menace directement.
Je n'en veux pour preuve supplémentaire que les analyses pertinentes développées par le récent rapport de notre collègue Joël Bourdin, qui les exposera d'ailleurs lui-même dans quelques instants à cette tribune. En effet, le rapport de la délégation pour la planification du Sénat, qu'il préside, estime que le déficit public pourrait être supérieur à celui qui est prévu par le Gouvernement dans les années à venir. Une simulation commandée à l'OFCE - Observatoire français des conjonctures économiques - par la délégation fait apparaître que, si la croissance s'établissait à 3 % en moyenne dans les cinq prochaines années, ce serait déjà une performance considérable ; le déficit public en 2001 atteindrait 1,4 % du produit intérieur brut, au lieu de 1 % selon le projet de loi de finances, et 1,1 % en 2003, au lieu de 0,3 % selon le programme pluriannuel des finances publiques. En 2005, le déficit serait encore supérieur - de 0,7 % - à celui qui est prévu pour 2003. Bref, cela tend à prouver que le programme pluriannuel transmis aux autorités communautaires par le Gouvernement souffre d'un manque évident de crédibilité.
Alors même que nos finances publiques ne sont pas durablement assainies, est-il vraiment raisonnable de continuer la fuite en avant, toujours plus de dépenses, en priant pour que la conjoncture reste durablement bien orientée ? Je ne le crois pas. Je suis même persuadé du contraire, même si je ne saurais méconnaître les vertus de la prière.
Le projet de budget qui est soumis à notre appréciation est un nouveau budget de facilité. Alors que de 1994 à 1997, le gouvernement que nous soutenions avait réduit de plus de moitié le déficit structurel, en le ramenant de 4,6 % à 2,2 % du produit intérieur brut, le gouvernement auquel vous appartenez l'a laissé à ce niveau depuis son entrée en fonctions - 1,8 % - en 1999...
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. C'est exact !
M. Roland du Luart. ... alors même que la croissance n'a jamais été aussi « belle » depuis la fin des années quatre-vingt. De plus, la barque des dépenses est encore lourdement chargée pour 2001. Le taux de croissance affiché, à savoir 1,5 % en valeur, apparaît bel et bien comme un taux d'affichage. Hors changements de périmètre, l'augmentation est en fait de 4,3 %. Selon les calculs de certains experts, elle atteint même 4,6 %, à périmètre constant cette fois-ci. De tels écarts ne sont d'ailleurs pas facilement compréhensibles et laissent supposer que le mouvement vers la transparence des comptes publics s'apparentera plus à une « longue marche » qu'à une promenade d'agrément. Ces chiffres sont d'ailleurs vraisemblablement sous-estimés car ils n'intègrent pas totalement les augmentations prévisibles des traitements dans la fonction publique ni le coût des mesures prises ou à prendre en faveur de la filière bovine, mesures qui ont été évoquées ce matin par le président Lambert.
Cette absence de maîtrise de la dépense entraîne les autres conséquences bien connues : impossibilité de baisser suffisamment le niveau des prélèvements obligatoires, sauf à dégrader le solde d'exécution, et accroissement de l'endettement de l'Etat, en valeur absolue comme en valeur relative.
Bref, d'aussi faibles résultats enregistrés en matière d'assainissement des finances publiques, alors qu'entre 1998 et 2000 la croissance aura été supérieure à 3 % en moyenne, ne conduisent pas à un optimisme sans nuance.
N'en déplaise aux Chantecler de l'exception française (Sourires) , ce n'est pas la France qui apporte la croissance à l'Europe et au monde, mais l'inverse. Les économies mondiales sont quasiment à l'unisson depuis 1991, les variations de croissance sont étroitement corrélées, les Etats-Unis, jusqu'en 1999, et la Grande-Bretagne, jusqu'en 1998, étant sensiblement au-dessus des autres nations. Notre éminent collègue Joël Bourdin précisera cette analyse, qui devrait nous inciter à plus de modestie et de prudence en matière budgétaire.
On commence par annoncer des réformes ambitieuses de l'Etat, au ministère des finances ou à l'éducation nationale, et cela se termine par une augmentation des effectifs nets de fonctionnaires à structures désespérément constantes. On annonce une réforme fiscale ambitieuse et l'on ne voit venir qu'un saupoudrage électoraliste qui se moque des entrepreneurs et qui stigmatise le fruit monétaitre de l'audace et du travail. On annonce, discipline européenne oblige, une maîtrise des dépenses de l'Etat, mais toutes les astuces et les ficelles sont mises en oeuvre pour en gommer la progression réelle.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Le FOREC !
M. Roland du Luart. Tout cela n'est pas convenable. Tout cela est même proprement inadmissible en période de forte croissance.
Dans ces conditions, le groupe des Républicains et Indépendants soutiendra la commission des finances du Sénat dans sa volonté de programmer un retour à l'équilibre des finances publiques et défendra en séance des amendements en cohérence avec elle.
Monsieur le président, mes chers collègues, mon groupe ne pourra, bien évidemment, accepter le budget de facilité que nous présente le Gouvernement. A l'inverse, nous défendrons et soutiendrons toutes les initiatives qui vont dans le sens de la sincérité et de la responsabilité budgétaire. Nous en faisons une question de principe et de courage politique. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d'abord une réflexion. Le Sénat dispose d'un droit constitutionnel, garanti par un délai, pour s'exprimer sur le budget. Or, une fois de plus, nous nous trouvons non pas devant un coup d'Etat - ce serait excessif - mais, à tout le moins, devant un abus du Gouvernement. En effet, en plein débat budgétaire, celui-ci nous impose le retour du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 et, si mes souvenirs sont exacts, de la proposition de loi relative à la contraception d'urgence. Cela réduit d'autant nos possibilités d'expression. Je tenais d'emblée à faire état de cet élément qui concerne la déontologie des relations entre le Gouvernement et le Parlement.
En matière budgétaire, nous avons des textes complexes, c'est le moins que l'on puisse dire, monsieur le ministre. Je traiterai, d'une part, de la politique budgétaire du Gouvernement et, d'autre part, des problèmes de relation avec les collectivités territoriales.
D'après ce que j'entends, les hypothèses de croissance pour 2000 se situeraient aux environs de 3,4 %. Peut-être ? Est-on sûr que l'impact des 35 heures sur la réalité du fonctionnement de notre économie permettra de maintenir ce pourcentage ? Pour ma part, je n'en suis pas vraiment persuadé. Parallèlement, les déficits publics s'élèveront à 1,4 % du produit intérieur brut et les prélèvements obligatoires à 45,2 % du produit intérieur brut. Nous sommes, cette fois, dans le domaine des records, alors que voilà un instant nous étions peut-être dans celui de l'illusion.
Le Gouvernement nous dit qu'il mène une politique budgétaire rigoureuse. Ainsi, les chiffres annoncés décriraient une faible croissance des dépenses, un allégement d'impôts important et une réduction sensible du déficit budgétaire d'environ 30 milliards de francs. Monsieur le ministre, je ne suis pas absolument certain que, derrière les annonces, il n'y ait pas, en la matière, en réalité un certain laxisme.
Si je lis bien, les dépenses de l'Etat pour 2001 croîtront plus rapidement que les richesses nationales, alors que l'on nous explique qu'elles seront quasi stables en francs constants.
Le Gouvernement ne propose de rendre sous forme de baisse d'impôts que le tiers de la croissance des recettes fiscales. Ces baisses d'impôts, plus apparentes que réelles, sont globalement consacrées aux ménages. Monsieur le ministre, les entreprises qui subissent une légère hausse ne méritent-elles pas un sort différent de celui qu'on leur réserve ?
Nous constatons aussi que ce projet de budget marque l'arrêt du mouvement de réduction du déficit budgétaire qui avait été enclenché en 1994. Le niveau de déficit ne diminue pas si l'on tient compte de la réalité des recettes non fiscales. En effet, le Gouvernement reporte 15 milliards de francs de produits de l'exercice 1999 sur l'exercice 2001 pour limiter l'impact sur le déficit. Est-ce sérieux ? En fait, en baissant les impôts sans réduire les dépenses, le Gouvernement creuse en réalité le déficit. Pour le financer, devrons-nous faire appel à l'emprunt et donc le reporter sur les générations futures ? Cette question commence à sourdre de certaines réflexions.
Le collectif budgétaire, qui est un moment important et qui marque le virage d'un exercice sur un autre, souligne, me semble-t-il, le manque de régularité dans la réduction du déficit, si on le prend en considération à périmètre constant.
En effet, le déficit budgétaire pour 2000 a peut-être atteint le niveau initialement affiché par le Gouvernement. Néanmoins, le 11 juillet dernier, monsieur le ministre, vous faisiez état - ce n'est pas moi qui l'ai inventé - après les réévaluations effectuées par le collectif de printemps pour l'année en cours, d'un nouveau surplus de recettes fiscales de 30 milliards de francs qui serait affecté à la réduction du déficit et, par conséquent, à l'allégement du poids de la dette.
Je ne suis pas certain que ce soit concrétisé dans les documents qui nous ont été communiqués. Certes, la conjoncture vous aide plus que les réformes de fond. S'agissant de la conjoncture, soyons clairs : tout le monde s'est trompé. Nous n'y avons pas cru lorsque ses aspects positifs se sont fait sentir. Je crains que le Gouvernement ne se soit trompé en s'en attribuant le mérite. La conjoncture, c'est la conjoncture. Nous n'avons pas su en profiter. Vous l'avez abusivement confisquée.
Voilà qui m'amène à poser une question. Assistera-t-on à un accroissement du déficit budgétaire en 2001 par rapport à 2000, compte tenu de l'impact sur notre économie des 35 heures et des incertitudes, voire des trous que vous êtes en train de laisser se creuser ? Monsieur le ministre, pour être tout à fait franc, je ne peux pas croire que ce soit cela et personne ne peut accepter de croire que ce soit vous qui soyez à l'origine d'une telle contradiction.
Que ce soit en matière de déficit budgétaire, de dépenses publiques ou de prélèvements obligatoires, nous retrouvons une fois encore « l'exception française ». D'exception en exception, cela commence à faire beaucoup !
En admettant que les prélèvements obligatoires représentent 44,7 % du PIB l'an prochain - à mon avis, ils s'élèveront à 45,2 % - ils seront toujours supérieurs à ceux du Royaume-Uni et de l'Allemagne qui est en train de réformer profondément ses finances. Pourtant, il s'agit d'un gouvernement dont vous vous sentez proche ! De ce côté, je ne vois rien arriver. Même l'Italie, le Portugal et la Grèce connaîtront des prélèvements inférieurs aux nôtres ! Où va-t-on ?
Monsieur le ministre, il n'existe pas trente-six créateurs de richesses. Il y a les entreprises. Elles ne peuvent pas devenir les boucs émissaires des cadeaux faits aux ménages.
M. Paul Blanc. Très bien !
M. Paul Girod. Je n'ose pas dire que votre main gauche ignore ce que fait votre main droite. En effet, je ne sais pas si votre main gauche est en direction des entreprises et votre main droite en direction des ménages, ou l'inverse. Mais, en l'état actuel, je constate une contradiction dans l'action du Gouvernement : ou bien on vise les familles et les individus en renforçant les entreprises, ou bien on fait des cadeaux électoraux, en tuant l'avenir.
M. Paul Blanc. Eh oui !
M. Paul Girod. Votre projet de budget ne comporte pas la répartition qui convient pour tenir compte de ces deux éléments. Si on y ajoute le projet de loi de financement de la sécurité sociale, ma perplexité est accrue. Or, pour un parlementaire - et vous le savez mieux que personne, monsieur le ministre, puisque vous l'avez été très longtemps -, rien n'est pire que la perplexité, surtout face à un gouvernement dont l'action aboutit à ce que, d'année en année, les cerveaux soient plus nombreux à fuir notre pays. Et ce ne sont ni le Gouvernement, ni l'administration, ni les cadeaux accordés aux ménages qui les retiendront. Ce sera la capacité qu'ils auront de pouvoir s'épanouir au sein de notre société et au coeur de notre économie.
M. Paul Blanc. Très bien !
M. Paul Girod. Est-ce cette direction que nous prenons ? Je n'en suis pas sûr.
J'en viens aux collectivités territoriales.
La Constitution précise que les collectivités territoriales s'administrent librement dans les conditions prévues par la loi ». Depuis 1981, j'entends les mots « décentralisation », « autonomie », « liberté de gestion ». Très bien ! Il n'y a pas longtemps, notre collège Mauroy - votre estimé prédécesseur au poste de Premier ministre - nous expliquait que l'on devait renforcer la décentralisation et l'autonomie financière. Avec la suppression tant de la taxe d'habitation perçue par les région que de la vignette dont le produit revenait aux départements, l'autonomie financière peut se concevoir ; mais cela veut dire, si l'on pousse le raisonnement jusqu'au bout, que l'on substituera des dotations de l'Etat à la fiscalité locale. Cela justifierait au moins un changement de vocabulaire : ce serait non plus l'effort de l'Etat, mais la reconnaissance de l'Etat, le tribut de l'Etat.
En plus de cela, quelles seraient les caractéristiques de répartition des dotations baptisées d'avance « effort » par vos services et récusées d'avance par nous dans cette formulation ? Quel serait le système de répartition tenant compte plus ou moins des ukases que l'Etat, par politiques interposées et dotations truquées, veut imposer aux collectivités territoriales ? C'est une question qui mérite d'être posée, et ce n'est pas au moment où l'on plaide en faveur de la décentralisation et où l'on réduit l'autonomie fiscale des collectivités territoriales que l'on peut esquiver le fond de la question.
Monsieur le ministre, j'entends bien les bonnes intentions proclamées, mais je constate les difficultés croissantes des collectivités locales. Je ne suis pas certain que l'on puisse aussi facilement qu'on le dit ou qu'on manipule les concepts aboutir à une réforme profonde de la fiscalité locale autrement qu'en transférant le poids de la charge du contribuable local vers le contribuable national. En définitive, au regard des prélèvements sur le PIB, nous serons dans la même situation qu'avant, et l'exception française perdurera.
Tout cela n'est pas franchement résolu, nous semble-t-il, ni même malheureusement franchement posé en tant que question, encore moins en tant que solution, dans le projet de budget que vous nous proposez.
Je siège au sein d'un groupe non pas pluriel (Sourires), mais pluraliste - ce n'est pas la même chose ! - dont les membres auront bien évidemment des approches différentes face à ce projet de budget. Ainsi, la majorité observera avec intérêt les propositions de la commission des finances et les suivra très vraisemblablement. D'autres seront probablement quelque peu troublés par la réalité des débats. Et même ceux qui vous apporteront leur soutien, monsieur le ministre, auront ici ou là - vous le savez d'ailleurs bien - quelques restrictions mentales.
C'est au nom de ce groupe pluraliste que j'exprime en cet instant les préoccupations des uns, les doutes des autres, l'angoisse de tous devant un avenir qui n'est pas aussi riant que quelques proclamations de tréteaux l'affirment ici ou là, et notre perplexité face à vos propres évolutions - il y a quelques différences entre les thèses que vous défendiez naguère et les propositions que vous nous soumettez aujourd'hui -, notre souci n'étant que de servir l'intérêt collectif avec vous et en essayant quelquefois de jouer les garde-fous. (Applaudissements sur les travées du RSDE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la discussion de ce projet de loi de finances pour 2001 s'inscrit, pour l'essentiel, dans un contexte marqué par un certain nombre de données économiques et sociales qu'il est primordial de restituer avant toute analyse des dispositions de la loi.
Fortement engagé depuis 1997, le processus de croissance économique de la France continuerait, quant à l'équilibre général du projet de loi, de marquer l'exécution budgétaire de l'année 2001.
S'interroger sur la réalité de cette croissance, ce qui a pu la prolonger et encore la développer, est, à notre avis, une priorité du débat.
Le nombre des créations d'emploi, la baisse du nombre des faillites d'entreprises, le maintien à un haut niveau de la rentabilité des entreprises, que matérialisent, par exemple les profits de Total Fina - plus 165 % -, de PSA - plus 39 % -, d'Aventis - plus 57 % -, le développement de la consommation et de l'investissement sont certains caractères parmi d'autres de la situation.
De même, quoi qu'en disent certains, la mise en oeuvre des accords de réduction négociée du temps de travail a participé et participe encore de la croissance économique.
Pour autant, il conviendrait, à notre avis, d'éviter à ce stade de la discussion deux écueils essentiels : le premier serait de tout voir en rose et de considérer que la croissance se suffirait à elle-même pour terminer de résoudre les difficultés que connaît encore notre pays, qu'il s'agisse de l'emploi ou des déficits publics qui y sont profondément liés ; le second serait, à l'inverse, de tout voir en noir et de dire que rien de ce qui a pu être entrepris depuis 1997 n'a permis de répondre aux nécessités du temps.
Comment, dès lors, inscrire dans le texte du projet de loi de finances pour 2001 nos choix de justice sociale, de soutien à la croissance solidaire ? Comment aller plus loin dans la direction indiquée, notamment par le Gouvernement ?
Notre position sera donc définie avec le souci de construire, dans le cadre de la discussion budgétaire, un projet de loi de finances permettant de faire de l'action publique un vecteur essentiel de la poursuite du processus de croissance, de réduction des inégalités sociales, de réponse aux besoins collectifs tels que les exprime la communauté des habitants de ce pays.
Des signes de mécontentement existent, vous le savez, notamment pour les plus modestes, sur les salaires, les minima sociaux, les retraites, l'aggravation des inégalités, mais aussi la permanence de la pauvreté, alors que la croissance retrouvée, l'explosion des profits et la financiarisation extrême encouragent au développement de l'action revendicative, non sans résultats, comme le montre, par exemple, le collectif de printemps.
C'est, en la matière, peu de dire que nous ne sommes qu'imparfaitement convaincus de la qualité et de la teneur d'une partie des mesures contenues dans l'actuel projet de loi.
Ainsi, le ministère des finances a fait le choix de consacrer une part importante de la croissance et des recettes fiscales que cette dernière occasionne, naturellement et mécaniquement, à la poursuite d'une réforme fiscale portant, notamment, sur les impôts directs, et singulièrement sur l'impôt sur le revenu et sur l'impôt sur les sociétés.
Ce choix n'est pas forcément le meilleur, et nous aurons l'occasion d'y revenir.
M. Paul Blanc. Ah !
M. Thierry Foucaud. La problématique de notre système fiscal nous invite en particulier à nous demander si une mesure visant la fiscalité indirecte - et je pense ici à la taxe sur la valeur ajoutée - n'aurait pas été la plus indiquée.
La réduction du taux normal de la TVA n'a pas, en effet, à l'examen des données disponibles, profondément détérioré la situation des comptes publics, les recettes nettes de TVA ayant crû de deux points entre septembre 1999 et septembre 2000, c'est-à-dire de 10 milliards de francs environ.
Est-ce à dire qu'une réduction supplémentaire du taux normal, revenant définitivement sur la majoration « Juppé », aurait eu sa place dans la loi de finances de 2001 ? Nous le pensons.
S'agissant des dispositions relatives à la réforme des impôts directs, permettez-moi tout d'abord de souligner que l'angle d'attaque choisi n'est pas nécessairement le plus adapté.
Réduire les taux d'imposition des différentes tranches du barème de l'impôt sur le revenu ne permet pas, à notre avis, de faire abstraction du débat essentiel : celui des modalités de prise en compte de chaque catégorie de revenu et, notamment, de l'importante distorsion de traitement qui continue d'exister entre revenus du travail, salarié ou non, et revenus du capital et du patrimoine.
Je sais bien que l'on nous rétorquera - et ce serait justifié - que l'assiette de la contribution sociale généralisée a été élargie, que les prélèvements sociaux pesant sur les salaires ont été relativement allégés et sont encore modifiés d'ailleurs par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, que la taxe d'habitation est aujourd'hui réformée, etc.
Certes, mais on persiste à tourner autour de la question essentielle : celle qui veut que l'impôt sur le revenu continue de donner une image tronquée du revenu des ménages, les salaires en constituant plus de 60 % de l'assiette.
Je citerai une autre de ces inégalités persistantes : le fait que l'essentiel de la très importante dépense fiscale liée à l'impôt sur le revenu continue d'être concentré sur le traitement des revenus du capital et du patrimoine, dépense fiscale qui atteint, par exemple, 25,8 milliards de francs sur l'assurance vie, plus de 15 milliards de francs sur les plans d'épargne en actions, 15 milliards de francs sur l'avoir fiscal ou 23,2 milliards de francs sur les plus-values.
Ce ne sont là que quatre exemples d'une législation fiscale qui, au motif d'encourager au développement de l'épargne, coûtent 80 milliards de francs, au détriment de la justice et de l'équité.
La véritable réforme de l'impôt sur le revenu est donc, nous le pensons, encore à faire et ne peut s'arrêter à modifier seulement les taux d'imposition des tranches du barème.
Concernant l'impôt sur les sociétés, nous sommes dans une situation identique.
Le calcul de l'impôt est éminemment plus favorable aux grands groupes qu'aux petites et moyennes entreprises et, de manière plus générale, aux sociétés qu'aux entreprises individuelles, toujours taxées au barème progressif de l'impôt sur le revenu.
L'équilibre global des mesures préconisées dans le projet de loi ne constitue encore qu'un premier pas.
Nous devons clairement et définitivement tourner la page de l'avoir fiscal, notre pays étant désormais l'un des derniers à appliquer ce dispositif complexe et archaïque de rémunération du capital par l'impôt.
La suppression de la surtaxe « Juppé », que vous aviez acceptée ici à l'été 1995, sans doute à contre-coeur, ne devait pas intervenir tant que la situation des comptes publics ne serait pas parvenue à un état plus satisfaisant ; ou alors elle doit aller de pair avec le retour au taux normal de la taxe sur la valeur ajoutée, votée au même moment et pour les mêmes motifs.
Une véritable réforme fiscale, monsieur le ministre - et je crois que vous partagez cette analyse - est une réforme qui favorise la croissance, permet la relance de l'investissement et pénalise la spéculation.
Cela me permet de faire le lien avec la question des déficits publics.
La majorité sénatoriale, dont la discussion générale et la discussion des articles permettront de mettre en évidence les contradictions, est particulièrement soucieuse de mettre notre pays en situation de « rattraper son retard » en matière de déficit public.
Dans son rapport général, notre éminent collègue M. Marini qualifie ainsi la France de « mauvais élève » de l'Union européenne, le pourcentage des déficits publics s'y avérant plus élevé que dans bon nombre d'autres pays de la zone euro ou encore qu'aux Etats-Unis, où l'on trouve des excédents budgétaires.
Une question se pose d'emblée quand on examine cette situation : parlons-nous nécessairement de la même chose, monsieur le rapporteur général ?
On peut en effet constater, de-ci, de-là, une situation budgétaire florissante ; mais doit-on en conclure que les habitants de ces pays sont plus heureux, que les besoins collectifs et sociaux sont mieux couverts ?
Quand quarante millions d'Américains - sans doute une partie des cent millions qui n'ont pas voulu choisir entre Bush et Al Gore - demeurent dépourvus de couverture sociale, peut-on se féliciter de l'existence d'excédents budgétaires ?
Quand les enfants de Liverpool, de Glasgow ou de Belfast sont obligés de travailler à huit ou à douze ans pour compléter le maigre salaire de leurs parents, quelle est la valeur d'une situation « assainie » des comptes publics ?
Non, monsieur Marini, nous ne serons jamais des partisans de la réduction des déficits publics coûte que coûte et quel qu'en soit le prix, prix qui pourrait aller jusqu'à l'abandon pur et simple de l'action publique et à la soumission aux seules règles du marché, donc à la loi des inégalités sociales.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous êtes des partisans de l'impôt !
Mme Hélène Luc. « Coûte que coûte », a-t-il dit, monsieur Marini !
M. Thierry Foucaud. Mais il est normal que les gens qui gagnent beaucoup d'argent paient de l'impôt ! Je ne vais pas revenir sur le préambule de la Constitution !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous les incitez à partir ailleurs !
M. Thierry Foucaud. Certains facteurs essentiels de déficit public existent encore aujourd'hui, parce qu'il faut que l'action publique réponde aux défis de la formation des jeunes, de la lutte contre les exclusions, de l'action contre le chômage de masse, parce que le marché et ceux qui le dirigent n'ont pas, en ces matières, la volonté politique et éthique de répondre à hauteur des besoins.
La dépense publique, saine, certes, et judicieusement utilisée, est seule, selon nous, en situation de répondre à ces défis. Car que veulent nos compatriotes en contrepartie des impôts et taxes qu'ils acquittent ? Ils veulent un service public de l'éducation digne de ce nom, ils veulent des agents hospitaliers et des services de santé performants, ils veulent une présence sur le terrain des fonctionnaires de police pour assurer leur sécurité.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Oui, et il n'y en a pas assez !
M. Thierry Foucaud. Certes, mais cela coûte cher, monsieur Marini !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Oui, grâce aux 35 heures !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Il faut choisir !
M. Thierry Foucaud. De la même manière, la réforme fiscale doit se prolonger pour répondre à ces défis.
A taux constant, depuis 1985, l'impôt sur les sociétés rapporterait 140 milliards de francs de plus, et le déficit de l'Etat serait ramené à 0,5 point du produit intérieur brut, en dessous des taux de la plupart de nos partenaires européens.
Cet exemple est sans doute un peu audacieux, mais il tend à montrer que la réforme fiscale prend tout son sens, pour peu qu'elle soit équilibrée et vise effectivement des objectifs de soutien à la croissance par le jeu de l'incitation à l'utilisation vertueuse des richesses créées et de la pénalisation des comportements nocifs au développement de l'activité.
Le véritable défi que nous devons relever pour améliorer durablement la situation des comptes publics est bien connu, mais il faut pourtant chaque fois le rappeler : c'est celui du chômage.
Que vous le vouliez ou non, mes chers collègues, l'amélioration des comptes publics n'est pas liée, dans la dernière période, au développement forcené des prélèvements fiscaux et sociaux, mais à l'amélioration de la situation économique qui, bon an mal an, fait par exemple entrer 15 milliards de francs supplémentaires dans les caisses de l'Etat au titre de l'impôt sur le revenu, et a conduit à cette amélioration des comptes sociaux que tous vos plans de rigueur malthusienne n'avaient jamais pu atteindre entre 1993 et 1997.
De la création d'emplois dans notre pays dépend étroitement l'amélioration des comptes publics.
Tout doit donc être fait pour favoriser effectivement la création d'emplois, et cela passe, d'ailleurs, par d'autres solutions que celles qui sont encore un peu trop facilement utilisées avec les allégements des cotisations sociales.
C'est là que se situe aujourd'hui le débat essentiel : comment la politique publique peut-elle favoriser la création d'emplois tout en répondant aux exigences de réparation des difficultés sociales qui procèdent de la pure application des règles économiques du marché ?
Conscient que beaucoup a été fait - nous le rappelons souvent, notamment dans cette enceinte - je souhaitais néanmoins rappeler l'orientation que, au travers de ses amendements et propositions dans la discussion des articles, face aux initiatives de la majorité sénatoriale, notre groupe va, à la mesure de la situation, faire sienne, et sur laquelle nous reviendrons tout au long de cette discussion budgétaire qui s'ouvre (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Mes chers collègues, permettez-moi de vous indiquer les temps de parole dont disposent encore les différents groupes, compte tenu des décisions de la conférence des présidents : groupe socialiste, trente-trois minutes pour deux orateurs ; groupe du Rassemblement pour la République, quarante-quatre minutes pour quatre orateurs ; groupe de l'Union centriste, vingt-quatre minutes pour deux orateurs ; groupe des Républicains et Indépendants, vingt-quatre minutes pour deux orateurs ; groupe du Rassemblement démocratique et social européen, douze minutes pour deux orateurs ; groupe communiste républicain et citoyen, six minutes pour un orateur.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Sergent.
M. Michel Sergent. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après mon ami Bernard Angels, qui a largement développé la position de notre groupe sur ce projet de loi de finances, il m'appartient de me pencher sur les finances locales et leur impact sur nos collectivités territoriales.
Dans le contexte d'un budget 2001 qui marque un progrès constant de l'équilibre des finances publiques, félicitons-nous que la situation des collectivités locales soit en progrès, tant en raison de l'augmentation des recettes fiscales que de l'évolution favorable des concours financiers de l'Etat, qui passeront de 293,5 milliards de francs en 2000 à 337 milliards de francs en 2001, soit une progression de 14,8 %.
Ce budget apparaît comme un budget de consolidation, 2001 devant être la troisième année d'application du contrat de croissance et de solidarité entre l'Etat et les collectivités locales, plus respectueux des besoins des collectivités que le pacte de stabilité, ce pacte tant décrié par les maires avant 1997.
Et il est satisfaisant qu'au titre de ce contrat de croissance et de solidarité un tiers de la croissance du produit intérieur brut soit pris en compte dans le calcul de l'évolution des dotations de l'Etat, même s'il serait souhaitable de parvenir, à terme, à 50 %.
C'est que la politique du Gouvernement, telle qu'elle se traduit dans le budget dont nous commençons la discussion, est profitable aux citoyens non seulement directement en tant que tels, mais, indirectement, par l'intermédiaire des collectivités locales, qui profitent elles aussi de la croissance.
Jusqu'en 1997, les collectivités locales subissaient la double contrainte de dépenses de fonctionnement qui croissaient rapidement et de recettes insuffisantes, en particulier pour ce qui est des dotations de l'Etat, les dotations de fonctionnement étant restées stables et les dotations d'équipement ayant très nettement baissé.
Des modifications d'indexation et des ponctions diverses avaient entraîné des pertes financières pour les collectivités locales, qui, d'un côté, avaient dû restreindre leur effort d'équipement et, de l'autre, augmenter fortement leur fiscalité.
Depuis 1997, c'est avec constance que les collectivités locales s'efforcent de limiter la pression fiscale qui s'exerce sur les contribuables locaux. L'année 2000 est, de fait, la quatrième année consécutive pendant laquelle les collectivités ont limité la croissance de leurs taux d'imposition, qu'il s'agisse des communes ou des groupements, qui bénéficient, certes, de la baisse des taux d'intérêt, mais aussi de dotations supérieures à l'inflation.
Les départements ont, eux aussi, fortement limité la progression de leurs taux, puisque, en moyenne, ceux-ci ont baissé.
Pour ce qui concerne les régions, beaucoup d'entre elles ont maintenu une politique de stabilité fiscale.
Par ailleurs, les collectivités locales profitent, dans leur ensemble, d'une croissance très soutenue des bases de la taxe professionnelle du fait de l'amélioration de la situation économique de notre pays.
La fiscalité directe des collectivités locales devrait donc poursuivre une évolution satisfaisante, une part plus importante que par le passé du produit de cette fiscalité devant toutefois être perçue sous la forme de compensations.
Il est vrai que le remplacement des impôts locaux par les dotations n'augmente pas les ressources de ces collectivités, Parfois même il les réduit, lorsque ces compensations, même indexées, évoluent moins vite que certains impôts dynamiques auxquels ces compensations se substituent : je pense notamment à la taxe professionnelle.
J'ajoute que cela se traduit par une augmentation des dépenses de fonctionnement de l'Etat.
La taxe d'habitation a vu sa part régionale supprimée et les mécanismes de dégrèvement remplacés par un dispositif faisant varier le montant de la taxe en fonction du revenu du contribuable.
En 2001, la suppression de la vignette, perçue par les départements, confirmera cette tendance. J'ai noté avec satisfaction que la compensation de la suppression de la vignette serait intégrale et indexée sur la dotation générale de décentralisation, entraînant une progression de 3,4 %.
J'ajoute que chaque citoyen ne peut que se réjouir de la suppression d'une taxe ou d'un impôt, et je suis certain que M. de Rohan, qui se plaignait tout à l'heure des taxes et des impôts supplémentaires, se réjouira, lui aussi, de la disparition d'une taxe.
M. Claude Estier. Sans aucun doute !
M. Michel Sergent. Que n'entendions-nous chaque année, à cette même époque - et y compris ici, dans cet hémicycle -, sur cet impôt instauré voilà quarante-quatre ans et que beaucoup jugeaient obsolète ! Bien des départements, d'ailleurs, avaient enclenché le mouvement de baisse, et se plaisaient à paraître les plus vertueux et à figurer parmi ceux où le prix de la vignette était le plus bas !
Néanmoins, à la suite de cette suppression - venant après la disparition de la part régionale de la taxe d'habitation et de la part « salaires » de la taxe professionnelle -, un débat s'est instauré sur le problème de la nécessaire autonomie financière des collectivités locales et sur le principe de leur libre administration, M. Paul Girod l'évoquait voilà quelques instants. Pourtant, ces deux notions ne sont pas forcément liées. Dans certains pays, telle l'Allemagne, citée également en exemple tout à l'heure, il n'y a pas d'autonomie financière des collectivités locales, les finances de ces dernières étant alimentées essentiellement par des dotations de l'Etat et le principe de leur libre administration n'est nullement entamé pour autant.
M. Jean-Pierre Demerliat. Eh oui !
M. Michel Sergent. De plus, la France reste quand même l'un des rares pays où l'autonomie fiscale des collectivités locales est grande, même si, dans la France d'aujourd'hui, les collectivités locales dépendent, pour 50 % environ de leurs recettes, des dotations de l'Etat.
Les recettes des départements, quant à elles, dépendent pour un tiers des concours de l'Etat. Or je pense qu'il est bon qu'un lien étroit continue à exister entre le contribuable local et la collectivité locale, surtout pour les communes ou les groupements de communes.
La commission sur l'avenir de la décentralisation, présidée par notre collègue et ami Pierre Mauroy, s'est saisie de ce débat. N'est-il pas temps en effet de revoir le système en profondeur, même si l'autonomie fiscale des collectivités locales doit être doublée, en tout état de cause, par un système de péréquation aussi ambitieux que généreux, conduit par un Etat jouant pleinement son rôle de régulateur, garant de la solidarité et, par conséquent, de la réduction des inégalités ?
M. Jean-Pierre Demerliat. Très bien !
M. Michel Sergent. Globaliser et simplifier les règles de répartition des dotations de l'Etat par les marges de manoeuvre que ces réformes induiraient serait sans doute une façon d'amplifier une politique de péréquation qui se cherche encore dans une large mesure.
Par ailleurs, s'il semble souhaitable que la fiscalité demeure une recette prépondérante des budgets des collectivités locales, ne serait-il pas plus judicieux, dans un souci de lisibilité, d'aboutir à une spécialisation des impôts entre les divers niveaux de collectivités : communes, intercommunalités, départements, régions ?
La question est désormais posée, mais je reconnais que la réponse n'est pas si simple.
Enfin, pour moderniser la taxe d'habitation et réduire ainsi les inégalités fiscales engendrées par cet impôt, ne conviendrait-il pas d'associer pleinement les maires dans la responsabilité de la révision tant attendue des valeurs locatives servant de base à cette taxe ?
M. Michel Charasse. Ah oui ! Très bien !
M. Michel Sergent. Quant à son assiette, ne devrait-elle pas être revue pour que soit davantage pris en compte, dans le calcul de l'impôt, la capacité contributive de chaque foyer ?
J'en reviens au projet de loi de finances et aux dotations.
Le total des dotations sera donc de 167 milliards de francs. Au sein de l'enveloppe normée, la dotation globale de fonctionnement occupe une place prépondérante. Avec 114 milliards de francs, elle augmente de 3,42 % par rapport à la loi de finances de 2000, soit une progression de 3,8 milliards de francs en volume. Comment, monsieur le ministre, mes chers collègues, ne pas se réjouir de la plus importante augmentation octroyée ces dernières années ?
La DGF de l'année 2001 est, par ailleurs, abondée de trois majorations exceptionnelles inscrites au projet de loi de finances, pour un montant de 1,850 milliard de francs : 500 millions de francs pour la DSU prévus dès la loi de finances 1999, auxquels il faut ajouter 350 millions de francs aujourd'hui pour cette même DSU et un milliard de francs demain pour la dotation d'intercommunalité, soit un doublement par rapport au budget 2000.
Je me félicite que cette majoration, destinée à renforcer et à simplifier la coopération intercommunale, soit la conséquence du succès croissant des nouvelles communautés d'agglomération, même s'il est vrai - il faut bien le reconnaître - que ce succès croissant va nous amener à voir leur nombre doubler au cours de l'année qui vient.
Cependant, dans le même temps, je me permettrai d'attirer l'attention du Gouvernement sur ce qui pourrait être un déséquilibre, même s'il est explicable, entre les masses consacrées aux agglomérations urbaines et celles qui sont consacrées aux structures rurales.
M. Jean-Pierre Demerliat. Très bien !
M. Michel Sergent. Les crédits alloués à la ville augmentent, pour leur part, de 70 %.
La dotation de solidarité rurale a été abondée de 150 millions de francs dans sa fraction bourg-centre, après avoir augmenté de 25 % en 2000.
Plusieurs dotations évoluent comme la DGF ; c'est le cas de la dotation « instituteur » et de la dotation « élu local ».
La dotation générale de décentralisation s'élève à 37,3 milliards de francs et intègre, outre la progression de 3,42 %, la compensation de la suppression de la vignette aux départements, dont le montant, 12,5 milliards de francs cette année, progressera comme la DGD, dans laquelle il est intégré.
Ainsi, en masse, les concours de l'Etat s'élèveront, je le répète, à 337 milliards de francs, soit une augmentation de 15 %, alors même que le budget de l'Etat ne progresse que de 1,5 %. Les concours de l'Etat progresseront donc dix fois plus que son budget. Il s'agit bien là d'un véritable accompagnement de la croissance.
Pour autant, ces ressources seront bien nécessaires aux collectivités territoriales, car les charges ne manquent pas.
M. Michel Charasse. Les pompiers, le traitement des déchets, etc. !
M. Michel Sergent. Les normes, les réglementations, les règles de sécurité, de plus en plus contraignantes, irritent les élus et la population.
Le statut des agents territoriaux, la réduction du temps de travail et l'intégration des emplois-jeunes auront un impact financier.
Je n'aurai garde d'oublier les services départementaux d'incendie et de secours, les SDIS...
M. Michel Charasse. C'est une gangrène !
M. Michel Sergent. ... dont la gestion est de plus en plus coûteuse. L'augmentation est de 10 % dans la quasi-totalité des départements.
M. Michel Charasse. Elle est de 20 % dans le Puy-de-Dôme !
M. Michel Sergent. Ajoutons à cela les dossiers liés à l'environnement : le ramassage, le tri et l'élimination des déchets, l'assainissement ou la garantie de la qualité de l'eau, qui génèrent des coûts considérables.
Nous pourrions aussi reparler, hélas !, des effets de la tempête de décembre 1999,...
M. Jean-Pierre Demerliat. Très bien ! Il ne faut pas l'oublier !
M. Michel Sergent. ... plus particulièrement dans les petites communes rurales, mais pas seulement.
Les effets de la tempête sont loin d'avoir été réparés et les conséquences des travaux de déblaiement et de réparation se font et se feront encore durement sentir tout au long de l'hiver prochain, notamment sur les routes communales, sur les voies forestières ou dans le lit des rivières !
M. Jean-Pierre Demerliat. Très bien !
M. Michel Sergent. Ne serait-il pas possible, monsieur le ministre, afin de venir en aide aux collectivités locales qui se trouvent confrontées à une forte augmentation de leurs dépenses d'investissement, de proroger, l'an prochain, la dérogation à la règle du décalage de deux ans pour le versement du fonds de compensation pour la TVA ?
M. Jean-Pierre Demerliat. Très bien !
M. Michel Sergent. Cela étant, comment ne pas marquer notre satisfaction, monsieur le ministre, en voyant que la mise en oeuvre de la réforme des marchés publics interviendra dès janvier prochain ? Ce sera un progrès non seulement pour les collectivités locales, mais aussi pour les entreprises, et surtout pour les plus petites d'entre elles, qui pourront ainsi bénéficier de ces marchés.
Monsieur le ministre, depuis 1997, les relations financières entre l'Etat et les collectivités locales ont fait de gros progrès dans le sens de la concertation, de la coopération et de l'équilibre. Je ne peux que souhaiter que ces progrès se poursuivent au cours des prochaines années.
Permettez-moi donc, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au nom du groupe socialiste, de féliciter le Gouvernement d'avoir compris que, devant l'ampleur des missions qui sont assignées aux collectivités locales, il était indispensable de leur donner les moyens financiers permettant d'accomplir ces missions, d'autant que cet accomplissement a pour conséquence un formidable effet de levier, du fait des dépenses et des investissements locaux, sur l'ensemble de la vie économique du pays.
Les collectivités n'ont pas oublié comment elles avaient été traitées par le gouvernement Juppé. C'est pourquoi elles apprécient, monsieur le ministre, le projet de budget que vous leur proposez. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Paul Blanc. Ça, c'est moins évident !
M. le président. La parole est à M. Trégouët. (Applaudissement sur les travées du RPR.)
M. René Trégouët. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite, dans mon intervention de ce jour, ne vous parler que d'une seule ligne de ce projet de budget pour 2001, mais une ligne particulièrement symbolique et importante pour l'avenir de notre pays.
Cette ligne, c'est celle de la téléphonie de troisième génération permettant l'accès mobile à Internet, plus communément connue maintenant sous le sigle UMTS.
Vous avez décidé, monsieur le ministre, de demander 32,5 milliards de francs à chacun des quatre opérateurs qui seront retenus par l'Autorité de régulation des télécommunications pour déployer ces nouvelles technologies sur l'ensemble de notre pays, soit un total de 130 milliards de francs.
Cette somme, à mes yeux, n'est pas réaliste, si par ailleurs nous avons véritablement la volonté d'imposer aux opérateurs retenus de couvrir l'ensemble du territoire, ce qui devrait avoir un coût réel de 50 milliards à 70 milliards de francs par opérateur - et encore, en utilisant l'itinérance en dessous d'une certaine densité de population !
Un véritable vent de folie a balayé l'Europe en cette année 2000. Les opérateurs majeurs de télécommunications, dont France Télécom, ont répondu dans l'irrationnel à des mises aux enchères, souvent irréfléchies, lancées par plusieurs gouvernements européens. Ils se sont ainsi déjà engagés à dépenser quelque 2 500 milliards de francs pour rémunérer les licences et déployer cette nouvelle technologie, l'UMTS, qui n'est pas encore totalement maîtrisée et pour laquelle, surtout, nous n'avons aucune certitude quant à son appropriation, au niveau des usages, par le consommateur européen.
M. Xavier de Villepin. Très bien !
M. René Trégouët. Ce pourrait être une erreur fatale de croire que l'UMTS sera une réussite pour la simple raison que le téléphone portable de première génération, le GSM, est un incontestable succès.
Il faudra que les opérateurs réalisent de nombreux investissements connexes s'ils veulent que l'UMTS atteigne les objectifs ambitieux qu'ils se sont fixés dans le domaine d'Internet et de l'image.
Pendant plusieurs mois, les grands acteurs des télécommunications semblent avoir flotté dans l'irréel ; ils semblent être revenus récemment aux terribles réalités, comme l'indique le récent échec des enchères en Italie et leur annulation en Suisse.
Ce froid qui souffle maintenant, après le chaud qui a marqué le printemps et l'été, vient d'atteindre la France puisque, après le retrait de Deutsche Telekom, ces jours derniers, nous nous retrouvons avec quatre candidats seulement là où il y a quatre licences à attribuer par l'Autorité de régulation.
Comment, dans ces conditions, cette autorité, qui pourtant remplit avec rigueur et compétence sa difficile mission, pourra-t-elle imposer des règles strictes à sesopérateurs, surtout au niveau de l'aménagement duterritoire ?
M. Paul Blanc. Très bien !
M. René Trégouët. J'arrive au coeur de mon intervention.
Dans quelques années, les entreprises, non seulement les grandes mais aussi les moyennes et même les petites, quel que soit leur secteur d'activité, devront, si elles veulent rester dans la compétition - donc continuer à vivre - avoir la capacité de se connecter à des réseaux larges bandes, car, avant dix ans, l'image animée de haute qualité se sera substituée aux fichiers textes actuellement utilisés.
Pour qu'une entreprise reste dans la course, aussi bien dans ses relations avec ses clients qu'avec ses fournisseurs, il lui sera aussi vital de disposer d'un signal à haut débit qu'il lui est nécessaire aujourd'hui de disposer de l'électricité ou du téléphone.
M. Jacques Chaumont. Très bien !
M. René Trégouët. L'enjeu est d'une telle importance que les principaux acteurs mondiaux des télécommunications ont développé cinq technologies concurrentes - le câble, l'ADSL, la boucle locale radio, le satellite et l'UMTS - pour porter ce signal à haut débit.
Malheureusement pour notre pays, qui, géographiquement, avec ses 560 000 kilomètres carrés, est le plus grand d'Europe, aucune de ces technologies ne sera déployée dans des conditions économiques satisfaisantes dans le monde rural si une volonté politique ne s'exprime pas clairement et très rapidement.
MM. Jacques Chaumont et Xavier de Villepin. Très bien !
M. René Trégouët. Alors que le câble est très largement développé aux Etats-Unis et chez nos principaux partenaires d'Europe du Nord, il est presque inexistant en France, en dehors de quelques unités urbaines. Ce grave déficit de la France est dû aux erreurs politiques des années quatre-vingt, et nous n'avons aucune chance de combler ce déficit tant que sera maintenu le regrettable amendement sur les fibres noires voté par l'Assemblée nationale il y a quelques mois.
M. Paul Blanc. Très bien !
M. René Trégouët. L'ADSL, qui permettra de porter les hauts débits sur les fils en cuivre de notre vieux téléphone, devrait être proposée sur une large échelle dans les grandes villes à partir du 1er janvier prochain. Mais, là aussi, cette nouvelle technologie ne sera pas diffusée dans le monde rural, et ce pour une simple raison technique : l'ADSL ne permet pas de transporter des hauts débits dès que le terminal se trouve à plus de trois kilomètres de l'autocommutateur.
La boucle locale radio, plus connue sous ses initiales, BLR, a porté de grands espoirs. Malheureusement, là aussi, les déceptions seront nombreuses pour le monde rural.
En effet, à la suite d'une erreur technique peu compréhensible, les fréquences permettant d'installer les relais assez loin les uns des autres ont été attribuées aux opérateurs nationaux, qui auront tout intérêt à équiper de préférence les territoires qui leur rapporteront le plus, c'est-à-dire les villes.
Les fréquences exigeant d'installer les relais à cinq kilomètres les uns des autres ont été attribuées aux opérateurs régionaux. C'est à eux qu'aurait dû être confiée la mission de déployer la BLR dans le monde rural. Or, comment voulez-vous qu'un opérateur régional amortisse en milieu rural des relais placés à cinq kilomètres les uns des autres, alors que la densité de population est faible ?
Aussi - je l'affirme sereinement - M. le ministre de l'industrie a tort d'annoncer que le problème de la BLR est résolu en France parce que de nouveaux candidats viennent de se présenter pour des régions essentiellement rurales, comme l'Auvergne ou la Franche-Comté, en remplacement de ceux qui avaient baissé les bras il y a quelques mois.
Une simple équation nous permet de constater que ces opérateurs régionaux ne pourront installer la BLR que dans des unités urbaines de 20 000 habitants au mieux et que tous les territoires situés en dehors de ces unités urbaines, qui représentent près de 90 % de la surface de ces régions rurales, ne bénéficieront jamais de la BLR si les règles du jeu ne sont pas profondément modifiées.
Quand nous abordons ce problème des hauts débits pour le monde rural, certains esprits avisés nous affirment que les satellites résoudront tous les problèmes.
Si nous parlons des flux descendants, ils ont tout à fait raison : les satellites ont parfaitement la capacité de nous apporter des larges débits, et ce pour des prix qui deviendront de plus en plus accessibles.
Mais il n'en est pas de même pour la voie remontante, qui permettrait à tout un chacun, sur l'ensemble du territoire, d'envoyer des signaux lourds au reste du monde. Cela est techniquement possible, mais, en raison de la complexité du problème, cela restera toujours une opération onéreuse, donc inaccessible aux petites et moyennes entreprises, et plus encore à l'internaute de base.
Ces quatre technologies que sont le câble, l'ADSL, la BLR et le satellite ne permettant pas, pour des raisons politiques, réglementaires, technologiques ou financières, de desservir le monde rural, qui représente une grande partie du territoire de la France, il ne reste qu'une technologie, l'UMTS, qui semble avoir la capacité, pour des coûts acceptables, de porter les hauts débits sur l'ensemble de notre pays.
Or, là encore, pour des raisons irréfléchies qui privilégient trop l'instant par rapport à l'avenir, le Gouvernement, en ne posant pas l'équation élémentaire qui s'impose, prend le grand risque de voir l'UMTS être déployé seulement dans les unités urbaines où, pour un investissement raisonnable, un gros chiffre d'affaires est garanti, et de reporter aux calendes grecques le déploiement de l'UMTS dans le monde rural.
S'il en était ainsi, ce serait une véritable fracture numérique qui se creuserait dans notre pays entre les villes et le monde rural. Pour un simple respect de la devise de la France qui fait l'unité et la force de notre pays, cela serait intolérable. Aussi, mes chers collègues, nous nous devons d'envoyer un message fort aux Français pour leur dire que nous n'acceptons pas cette fracture numérique.
C'est pourquoi, mes chers collègues, nous serons plusieurs à vous proposer, dans la discussion budgétaire de cette première partie de la loi de finances, une autre répartition des 130 milliards de francs attendus de l'attribution des licences UMTS.
M. Pierre Laffitte. Très juste !
M. René Trégouët. Nous vous proposerons que la moitié de cette somme soit réservée au déploiement de ces technologies large bande pour les régions déshéritées de notre pays.
M. Serge Vinçon. Très bien !
M. René Trégouët. Si nous ne le faisions pas, nous manquerions à notre mission, en laissant se creuser la fracture entre les régions nanties et les régions pauvres. J'espère de tout coeur que nous serons très nombreux à nous retrouver sur cette nécessaire volonté. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. de Villepin.
M. Xavier de Villepin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la discussion budgétaire s'engage aujourd'hui dans une conjoncture économique pour le moins incertaine. Il est vrai que les menaces qui pèsent sur la croissance européenne et mondiale se sont accumulées ces derniers mois. Je pense, bien sûr, au renchérissement du prix du pétrole, avec ses incidences sur l'inflation et notre balance commerciale, ainsi qu'aux problèmes que connaît l'euro. Or, à un an et demi d'échéances politiques capitales, le Gouvernement cherche à entretenir l'illusion d'une poursuite de la croissance au même rythme, relativement soutenu, que ces dernières années.
Le projet de budget pour 2001, fondé sur des hypothèses excessivement optimistes, apparaît comme un cadre virtuel en décalage par rapport à l'évolution de la situation économique internationale.
De 1997 à 1999, nous avons connu des années fastes, des recettes fiscales supérieures aux prévisions. Notre pays et notre continent, quoique dans une proportion moindre que d'autres régions du monde, ont profité de la reprise de l'activité et des échanges internationaux. Mais la France n'a pas su en profiter pour mener les réformes structurelles qui s'imposent.
Que constate-t-on en effet ? La France reste à la traîne des nations industrialisées en matière de réduction des dépenses publiques et des impôts. Je rappellerai juste à ce sujet que la France est l'un des pays de l'OCDE où les prélèvements obligatoires sont les plus élevés et qui possède un taux de dépenses publiques de près de 53 % du produit intérieur brut. Dans ces conditions, il est logique que notre pays ait malheureusement encore un taux de chômage supérieur à celui de ses principaux partenaires, avec 1,5 point de plus que la moyenne européenne.
Les solutions au « mal » français dépendent évidemment en premier lieu de la capacité des responsables de ce pays à engager les réformes dont il a impérativement besoin.
Mais ces solutions résident également au niveau européen, dans l'affermissement d'une union monétaire actuellement en crise : ce sera le premier point de mon propos.
Les difficultés de l'euro se sont en effet accélérées au début du mois de mai. Elles favorisent les tendances inflationnistes et la hausse des taux d'intérêt, avec toutes les conséquences que l'on peut imaginer à terme sur l'activité.
Les gouvernements, ainsi que les acteurs économiques, ont sans doute eu tort de croire, dans un premier temps, aux bénéfices de l'érosion de l'euro pour la compétitivité de nos exportations. En réalité, conjuguée au renchérissement du prix du baril de pétrole, cette érosion est devenue un facteur de déstabilisation pour l'intégration économique et pour la construction européenne elle-même. Voilà pour le constat.
Comment expliquer la chute de la devise européenne face à un dollar qui ne nous avait pas habitués depuis longtemps à une telle solidité ? Le dollar reste fragile. Il est un peu facile de faire peser la responsabilité de cette situation sur une Banque centrale européenne qui, en dehors de maladresses de communication évidentes, remplit correctement son mandat. Responsable de la politique monétaire, elle se trouve confrontée à une reprise de l'inflation dans la zone euro de 2,8 % sur un an en septembre dernier. Les causes de la perte de confiance des investisseurs internationaux vis-à-vis de l'euro sont plus profondes : l'Euroland, en dix ans, a accumulé au regard des Etats-Unis un retard de croissance de 10 % environ et un retard d'investissement de plus de 30 %.
Je crois sincèrement au caractère irréversible de l'euro. Mais il faut reconnaître que le processus engagé dès 1979 avec le système monétaire européen reste inachevé : face à une Banque centrale responsable de la politiquemonétaire, il manque encore une véritable coordination des politiques économiques entre les différents gouvernements européens.
Il est vrai que la croissance économique de ces dernières années n'a pas été une invitation à coopérer et à coordonner nos politiques économiques. La tentation est grande, dans une conjoncture favorable, de « nationaliser » la croissance et de réserver la coordination aux périodes de récession économique.
Ainsi en est-il de la gestion de la « cagnotte » fiscale française ou de la réforme de la fiscalité allemande au printemps 2000. Ni l'une ni l'autre n'ont fait, à notre connaissance, l'objet d'une consultation des pays partenaires. La coordination des politiques économiques figure pourtant dans le traité de Maastricht parmi l'un des objectifs des pays membres.
Ainsi faut-il clarifier les principes et les règles de conduite grâce à la définition, par les pays membres de la zone euro et la Banque centrale, d'une véritable charte de la politique économique.
Cette charte pourrait comprendre, par exemple, les principes de réponse face aux chocs économiques, ou ceux d'une approche à moyen terme de la politiquebudgétaire prenant en compte les engagements futurs à la charge de l'Etat. Il paraît également indispensable de transformer l'Euro 11 en un véritable conseil de politique économique de la zone et de le doter d'une représentation extérieure crédible, ce qui n'est pas le casactuellement.
Le dynamisme de la France au sein de l'économie mondiale dépend également de sa capacité à se réformer. Deux priorités s'imposent : réduire les dépenses publiques et réformer la fiscalité.
En matière de réduction du déficit et de la dette, la France est encore en retrait par rapport à ses principaux partenaires, notamment vis-à-vis de son voisin allemand. Il suffit de rappeler les principaux objectifs du programme de stabilité en Allemagne : l'équilibre budgétaire en 2006, une dette publique de moins de 55 % du produit intérieur brut dès 2004. Nous en sommes très loin en France : l'effort de réduction du déficit budgétaire y connaît un net ralentissement depuis 1998 alors même que les recettes fiscales sont importantes. L'année 2000 constituera « une année blanche » en la matière, le déficit restant le même qu'en 1999.
Autre fait inquiétant : l'importance croissante des dépenses de fonctionnement de l'Etat. Elles représentent 48 % du budget général, soit 4 points de plus par rapport à 1996 ; 20 000 emplois publics seront créés en 2001 et ce n'est qu'un début si l'on en croit les annonces de créations de postes.
Non, manifestement, ce n'est pas un hasard si la France a été montrée du doigt pour son laxisme budgétaire par la Commission européenne le 16 octobre dernier.
La résolution de nos partenaires allemands contraste avec les hésitations d'un gouvernement français obligé de composer sans cesse entre les obligations du pacte de stabilité au niveau européen et les revendications irréalistes de sa majorité parlementaire.
A cet égard, des divergences apparaissent de plus en plus nettement au sein de la majorité et du Gouvernement lui-même. Ce fut le cas en particulier ces derniers jours sur la question de la revalorisation des salaires de la fonction publique.
Parmi les réformes de structures, une réforme s'impose particulièrement : celle de la fiscalité. Je n'y reviendrai pas, après les interventions du président de la commission des finances Alain Lambert, du rapporteur général Philippe Marini et du président du groupe de l'Union centriste Jean Arthuis. La plupart des pays européens et les Etats-Unis ont ramené à moins de 50 % le taux marginal de l'impôt sur le revenu. En Allemagne, notre principal partenaire économique, le gouvernement social-démocrate l'a d'ores et déjà réduit de 53 % à 42 %.
Un effort de modération fiscale est vital pour notre pays alors que s'intensifie un mouvement très inquiétant de migration des talents vers l'étranger, ce que démontre le rapport publié en juin 2000 par la commission des affaires économiques du Sénat.
A ce propos, il serait bon que la loi de finances comportât chaque année, monsieur le ministre, en annexe, un tableau comparatif des taux d'imposition dans les différents pays de la zone euro. Le vote de l'impôt, première fonction du Parlement, doit se faire en toute transparence et tenir compte de la nouvelle réalité qui est celle dès aujourd'hui des entreprises de notre pays : un marché unique doté d'une monnaie unique.
Je sais que la commission des finances est particulièrement soucieuse d'une amélioration de l'information budgétaire. Elle vient de rendre public un rapport remarquable intitulé : En finir avec le mensonge budgétaire. Notre démocratie gagnerait en crédibilité et en efficacité si le Parlement, à l'occasion de la discussion budgétaire, disposait de données plus claires et plus fiables sur les recettes et les dépenses.
Je conclurai en rendant hommage à l'excellent travail réalisé par mon ami Alain Lambert, président de la commission des finances, et par notre rapporteur général. Avec mes collègues du groupe de l'Union centriste, nous voterons les amendements et suivrons les différents avis de la commission des finances sur le projet de budget pour l'année 2001. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR, des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Puech.
M. Jean Puech. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, maîtrise des dépenses publiques, réduction du déficit budgétaire, baisse des impôts, voilà des engagements que l'on aime entendre. Mais ce projet de budget pour 2001 est-il conforme à ces objectifs ?
Avec ce projet de loi de finances, quelle voie empruntez-vous ? On a plutôt le sentiment que c'est, encore et encore, le tonneau des Danaïdes !
Or, pour ces trois orientations générales, comme pour les choix de répartition des résultats de la croissance, une question est omniprésente dans toutes les interventions, celle du poids de la dépense publique et de ses évolutions.
La maîtrise de la dépense publique est à la fois, vous le savez, une nécessité et une obligation.
C'est une nécessité, car nous devons tenir nos engagements européens en faveur d'un rétablissement de nos comptes. C'est une obligation pour nos concitoyens et nos entreprises, tant nous dépassons le seuil de l'inacceptable en matière de prélèvements.
Or, les propositions qui nous sont faites dans ce projet de loi de finances vont à l'encontre de cet objectifimpérieux.
La France continue à cultiver des dogmes d'un autre temps, et la loi de finances pour 2001 y contribue.
Quelle est la situation actuelle ? Alors que l'année 2000 s'achève et que tout le monde s'accorde à dire qu'il s'agira, en termes de croissance, d'une année exceptionnelle - ce sera la meilleure performance de la décennie ! - au même moment, les experts se demandent si la croissance, justement dans un proche avenir, ne pourrait pas « caler », comme vient de le souligner M. Xavier de Villepin.
Il aura suffi de la hausse des produits pétroliers, d'un léger fléchissement des indicateurs économiques, d'un moral des ménages en chute significative au mois de septembre pour qu'on s'inquiète. Il y a pourtant d'autres paramètres qui nous inquiètent.
En France, on constate que, malgré un taux de chômage encore important, les entreprises éprouvent de plus en plus de difficultés à recruter, on parle même de pénurie de main-d'oeuvre. C'est un véritable paradoxe pour un pays qui, malheureusement, doit déplorer encore, hélas ! 2,5 millions de chômeurs.
Peut-on voir dans ce phénomène seulement le fait qu'en France nous souffririons d'une inadaptation de l'offre de travail à la demande des entreprises ? Cela ne peut être la seule cause de cette difficulté à recruter.
On sait bien que la difficulté réside aussi dans le faible écart entre le montant des aides à caractère social et celui du salaire minimum, qui ne constitue pas, reconnaissons-le, une saine émulation au travail.
Par ailleurs, on voit que cette croissance a finalement peu de prise sur le recul de l'exclusion. A cet égard, dans le projet de budget que vous nous soumettez, le poste de financement du RMI n'augmente-t-il pas de un milliard de francs ?
Par ailleurs, on constate également un taux d'activité faible par rapport à celui des pays industrialisés ; c'est particulièrement vrai pour les moins de vingt-cinq ans et pour les plus de cinquante-cinq ans. Après cinquante-cinq ans et jusqu'à soixante-quatre ans, seules 38 % des personnes de cette classe d'âge travaillent encore.
On a fait un choix clair dans notre pays, celui de tenter de réduire le chômage par le partage du temps de travail plutôt que par la croissance, qui génère l'emploi. C'est un choix, un choix politique qui n'est pas sans conséquence, et, tout d'abord, pour la compétivité de nos entreprises.
Appliquer les 35 heures dans les petites et moyennes entreprises n'est pas chose facile et il est évident, aux yeux de tous, qu'il est indispensable d'adapter la loi pour éviter de faire courir aux entreprises des risques insurmontables.
On voit bien aussi combien ce choix pèse sur les finances publiques. On a déjà rappelé ce matin ce chiffre qui fait frémir, mais il est bon de l'avoir toujours présent à l'esprit : la perte de recettes pour les régimes sociaux décidée par le Gouvernement pour financer les 35 heures est, au titre de 2001, de l'ordre de 40 milliards de francs !
On sait aussi que ce choix n'est pas neutre dans le règlement du dossier des retraites. On se souvient du premier rapport Charpin, qui préconisait de repousser l'âge de la retraite. Voilà une vraie question, que l'on feint toujours d'ignorer.
Cela a été dit et redit, mais il est bon de rappeler cette autre particularité française : le nombre d'heures travaillées par les Français est plus faible que partout ailleurs. Avec 1 539 heures, un Français travaille 438 heures de moins qu'un Américain, 360 heures de moins qu'un Japonais, 183 heures de moins qu'un Anglais. C'est la conséquence de ce choix politique de partage du temps de travail qui consiste à faire croire qu'on peut avoir une économie forte en travaillant moins.
Quand on évoque la création d'entreprises, signe tangible de la vitalité de notre économie, nos experts disent que notre pays affiche le plus mauvais résultat des pays industrialisés, et ce malgré un engagement et un soutien à la création d'entreprises. L'effort est important. Mais, les conditions et l'environnement n'étant pas favorables, le taux de création est faible et le taux de mortalité des entreprises est très fort. Une entreprise sur deux ne passe pas le cap des cinq ans.
Aux difficultés que je viens de rappeler s'ajoute la croyance, typiquement française, qui voudrait qu'un déficit élevé soit un mal nécessaire, chronique. Cela relève d'un comportement irréaliste, d'un comportement d'un autre temps.
Il faut sortir de ce déficit chronique.
Le déficit pour l'année 2000 est en augmentation sur les prévisions. Une question se pose à nous : pourquoi les autres pays, qui n'affichent pas forcément notre bon taux de croissance réduisent-ils ce déficit, voire réalisent des excédents, alors que nous laissons notre déficit de gestion enfler, ce qui alimente chaque année la dette.
La France a l'un des taux de prélèvements obligatoires les plus élevés. De 1997 à 2001, ils se sont accrus de 470 milliards de francs.
La dette publique s'élève à 5 200 milliards de francs, soit 86 000 francs par habitant et une somme bien évidemment plus importante par foyer fiscal. Elle a progressé de 800 milliards de francs entre 1997 et 2001. Le poids de nos intérêts s'élève à 243 milliards de francs, c'est-à-dire que, chaque jour ouvré, notre pays doit payer 1 milliard de francs pour se libérer uniquement des intérêts de la dette !...
Aujourd'hui, on peut dire que ce déficit nous relègue, pour reprendre une expression utilisée en réaction à ce constat, « parmi les tout derniers de l'Union européenne ». Un journaliste, certainement un peu sévère, nous a même traités de « cancres de la classe » !
Nous avons ainsi un Etat budgétivore en fonctionnement et particulièrement chiche en investissement !
Le train de vie de l'Etat ne baisse pas ! On choisit l'accroissement des effectifs de notre fonction publique - c'est la solution de facilité - plutôt que de prendre à bras le corps le problème de sa valorisation et de sa modernisation, afin de la rendre plus performante. Cela pèse bien sûr sur le budget, sans résoudre des questions de fond.
Par ailleurs, les dépenses dans bien d'autres secteurs ne sont pas maîtrisées. Alors que les dépenses de fonctionnement augmentent, les dépenses d'investissement, elles, régressent dans ce projet de budget.
Ce n'est pas une bonne nouvelle, car l'investissement public participe à la croissance, c'est-à-dire à l'emploi. Cette diminution signifie que l'Etat n'entend pas assumer pleinement ses responsabilités en garantissant le niveau d'équipement en infrastructures dont il a la charge. Ce désengagement touche bien évidemment l'aménagement du territoire, ou ce qu'il en reste.
Il est vrai qu'en la matière l'Etat a pris la mauvaise habitude, depuis de nombreuses années, par ses politiques contractuelles, de laisser les collectivités locales s'engager dans le financement des équipements publics normalement à sa charge. Les contrats de plan 2000-2006 n'échappent pas à cette règle, maintenant presque écrite.
Comme on sait que l'Etat garde la maîtrise d'ouvrage des opérations concernées et récupère la TVA, c'est autant de moyens financiers en moins qu'il engage réellement. Et je ne parle pas des avances de trésoreries faites par les collectivités locales à l'Etat pour préfinancer les dossiers soutenus par les fonds européens !
Il n'y a donc pas de véritable engagement en faveur d'un assainissement de nos comptes. Comment une telle pratique peut-elle perdurer sans qu'un jour l'Etat ne se trouve non seulement en décalage avec l'opinion, avec les contribuables, mais aussi sans moyens pour réagir en cas de baisse de conjoncture ?
Par ailleurs, je rappelle que les collectivités locales doivent voter leurs budgets en équilibre. Leurs ratios d'endettement sont bien encadrés. Depuis plusieurs années, on constate qu'elles ont assaini leurs comptes, qu'elles optent pour une politique de modération fiscale. Or, l'Etat joue en permanence les vertueux en étant très exigeant à leur égard. Qu'il commence donc par lui-même et qu'il s'inspire de leur gestion !
Quant aux annonces de baisse des impôts, vous me permettrez, en tant que représentant des collectivités locales, de dire que c'est du trompe-l'oeil !
Faut-il rappeler que, en trois ans, de nombreuses taxes et cotisations, de nouveaux impôts ont été créés, comme l'écotaxe, dont le Conseil d'Etat a dénoncé le caractère inégalitaire, la taxe sur les logements vacants, une contribution sociale sur les bénéfices ?...
Faut-il rappeler encore l'extraordinaire hypocrisie d'une baisse des impôts qui concerne nos collectivités locales ? Les suppressions unilatérales de la part régionale de la taxe d'habitation et de la vignette constituent une baisse de l'impôt pour le contribuable local. Mais, comme il y aura une compensation nationale, c'est le contribuable national qui sera appelé à financer cette baisse d'impôt local. Globalement, il n'y a donc pas de baisse d'impôt ; il s'agit d'une illusion. Ces deux mesures coûteront près de 20 milliards de francs.
Si vous ne réduisez pas la dépense publique et si vous ne réduisez pas la dette, ne faites pas croire que vous pouvez réduire les recettes, c'est-à-dire les impôts.
Il ne peut y avoir de véritable baisse des impôts sans véritable baisse de la dépense publique et sans maîtrise de la dette. Pour parvenir à une situation saine, il faut accepter une totale remise en cause de notre action publique.
Dans cette perspective, il est indispensable de procéder à une véritable réforme de l'Etat. Une évolution de ses missions, de son organisation, de son administration centrale et de son administration déconcentrée, un nouveau partage des compétences entre les collectivités locales et l'Etat sont des passages obligés pour un assainissement en profondeur de nos finances publiques.
La modernisation de l'Etat doit être synonyme de suppression des doublons, de redéploiements, d'optimisation de la dépense. Pour cela, il faut une vraie volonté, une adhésion du plus grand nombre, à commencer par celle de l'ensemble des corps constitués. Plus qu'un changement d'état d'esprit, c'est effectivement à un changement de modèle de société qu'il faut procéder.
Encore une fois à l'occasion de l'examen de ce projet de loi de finances, le problème de la transparence des comptes et de leur sincérité a été abordé. Je rends à cet égard hommage à l'excellent travail de notre commission des finances, de son président et de son rapporteur général. Je souhaite qu'il inspire le Gouvernement dans les mesures à prendre.
Nos collègues ont démontré, dans leur rapport intitulé En finir avec le mensonge budgétaire, combien la représentation nationale et, à travers elle, nos concitoyens étaient mis en quelque sorte à l'écart de la réalité de la situation des finances publiques de notre pays. Dans une démocratie comme la nôtre, eu égard au poids de notre dette, cette situation n'est pas acceptable.
Il ne s'agit pas d'amener le Parlement à se substituer au Gouvernement, qui a la responsabilité de préparer le budget et de l'exécuter. Il s'agit de permettre au Parlement de disposer des éléments qui sont nécessaires pour éclairer ses débats et ses choix. De tout temps, on a fait dire beaucoup de choses aux chiffres ! Le Sénat a fait des propositions très concrètes pour modifier l'ordonnance de 1959. J'attends avec intérêt les évolutions.
Il faut que l'Etat s'impose à lui-même, une bonne fois pour toutes, ce qu'il exige des autres et de tous ses partenaires. La transparence est en effet le gage non seulement de la responsabilité, mais aussi de la réhabilitation du politique auprès de nos concitoyens. C'est en tout cas la priorité qui surpasse toutes les autres ! (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste, du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous propose, à ce stade du débat, d'interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures quarante-cinq, est reprise à dix-sept heures cinquante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Laffitte.
M. Pierre Laffitte. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, gouverner, c'est prévoir. Désormais, c'est aussi innover. Monsieur le ministre, dans la déclaration de Lisbonne, les Quinze ont affiché leur volonté de rattraper les Etats-Unis. Quel plaisir pour beaucoup d'entre nous ! Innovations et nouvelles technologies allaient donc exploser en Europe.
Je m'en suis réjoui car je sais, à titre personnel, que l'innovation non seulement permet de faire bouillonner les esprits, mais aussi peut rapporter gros ! Depuis plus de trente ans, je me consacre en effet à l'innovation, notamment avec la création et le développement de Sophia Antipolis, exemple qui peut être désormais chiffré : plus de 40 000 emplois qualifiés directs, près de 200 000 emplois au total avec les emplois indirects, et, surtout, puisque nous abordons la discussion budgétaire, plus de 20 milliards de francs annuels de recettes fiscales et sociales nouvelles. Ces chiffres valent pour un seul département. Si tous les départements étaient comme celui-là, quel bon budget pour l'Etat ! L'innovation est donc un investissement très rentable.
M. le rapporteur général, notre collègue et ami Philippe Marini regrettait ce matin la faiblesse des investissements dans le budget. J'intégrerai dans l'investissement ce qui est immatériel et lié à la recherche publique et privée, et je déplore tout autant que lui cette faiblesse par rapport aux dépenses courantes.
Malgré la réorganisation, assez efficace, des priorités décidées par le ministre de la recherche dans son budget, et que j'approuve fortement, je constate que celui-ci manque du souffle nécessaire pour aller dans le sens de ce qui, à Lisbonne, avait des accents gaulliens. Ce budget n'a pas d'accents gaulliens !
Monsieur le ministre, à la lecture de l'ouvrage publié par votre ministère, on sent pourtant l'importance capitale du domaine concerné par les technologies de l'information, les télécommunications, notamment les télécommunications spatiales, le multimédia. Ces techniques touchent toute l'économie, elles sont transversales. Il est assez difficile d'évaluer leur impact direct. On voit bien qu'il s'agit de quelque chose qui est tout à fait nouveau et qui explique la dynamique économique particulièrement longue et soutenue des Etats-Unis.
Pourquoi ce projet de budget ne contient-il pas ce que nous pouvions espérer à la suite des déclarations de Lisbonne ? D'une certaine façon, vous en aviez les moyens, monsieur le ministre. La ponction, à mon avis excessive, de 130 milliards de francs sur les opérateurs utilisant les bandes de fréquence UMTS résulte de votre choix. J'aurais préféré que ce choix fût soumis au Parlement.
Il s'agit tout de même d'une opération importante. Cela a correspondu, en Grande-Bretagne et en Allemagne, à une mise aux enchères d'un bien public rare ; c'est une grave erreur !
Pour ma part, je serais opposé à la mise aux enchères de Versailles ou du Louvre. Or une bande de fréquences, c'est aussi rare. Je déplore donc ce qui s'est passé dans ces deux pays. Je crois qu'ils ont eu tort, et leurs opérateurs commencent d'ailleurs à en avoir conscience.
Vous n'avez pas non plus pris exemple sur nos amis scandinaves qui, pourtant, en matière de nouvelles technologies, figurent parmi ceux qui ont le mieux su entrer dans la société de l'information. Ils ont eu la sagesse de ne pas ponctionner leurs industriels dans ce domaine, en se disant qu'ils auraient, avec les Nokia, Ericsson et autres sociétés de télécommunications, sans parler des sociétés de services autour, la possibilité de rattraper très largement par des recettes fiscales ce qui aurait été une grosse recette de poche, mais non renouvelable. Par conséquent, ils vont être parmi les premiers sur le marché, et en profiteront pour gagner des parts du marché mondial.
Mais, me semble-t-il, vous n'avez pas tenu à en parler au Parlement. Est-ce parce que l'ensemble des problèmes de fréquences vous paraissaient trop complexes pour être examinés par les parlementaires ?
Au contraire, du débat jaillit la lumière, et il faudra reprendre, avec l'ensemble du spectre, un débat désormais indispensable, car on ne peut distribuer gratuitement ce que, par ailleurs, on fait payer 32,5 milliards de francs.
Mon collègue Trégouët a brillamment démontré tout à l'heure à quel point la décision concernant les licences UMTS, qui ne correspondent qu'à des engagements concernant 40 % du territoire et 80 % de la population française, puisque, d'après le cahier des charges, c'est à cela que se limitent les obligations des titulaires, compte tenu du développement futur du télétravail, des téléactivités, posera un problème majeur dont doit être saisi le Parlement, en particulier le Sénat, qui représente l'ensemble des territoires.
Le problème est d'autant plus grave qu'avec la numérisation l'ensemble des fréquences du spectre vont pouvoir être utilisées de façon nouvelle et que les besoins en fréquences deviennent de plus en plus nombreux.
Actuellement, la télévision hertzienne analogique utilise toute une série de bandes - de cinquante-cinq à soixante-trois mégahertz, de cent soixante-seize à deux cent seize mégahertz, de quatre cent soixante et onze à huit cent vingt-deux mégahertz - et, dans ces domaines de fréquences, l'économie en fréquences n'est pas optimisée.
Le numérique hertzien terrestre, comme on l'appelle désormais, va permettre une nouvelle économie des fréquences, une multiplication au minimum par six, peut-être par beaucoup plus, du nombre des licences d'utilisation de ces fréquences, et nous allons nous trouver devant une trentaine ou une quarantaine d'opérations analogues aux licences UMTS.
Le déploiement de ces fréquences, beaucoup moins onéreux sur la surface du territoire, si on prenait en compte les mêmes chiffres que ceux que vous avez cités, pourrait représenter des sommes de 500 milliards à 1 000 milliards de francs, car tout ne pourra être concédé gratuitement, compte tenu des nouveaux besoins qui concernent très directement toute une série de domaines - la santé, les services de télé-santé, de prévention - et qui peuvent avoir des conséquences considérables en matière de sécurité sociale, et donc de dépenses sociales de l'Etat.
Ces questions concernent également la télé-formation et la télé-éducation, grâce auxquelles on pourrait éviter que les dépenses d'éducation ne soient majorées chaque année, ce qui est le cas actuellement. Il en va de même pour tout ce qui touche au télé-travail.
Tout cela mériterait, monsieur le ministre, l'organisation d'un débat au Sénat et la discussion d'un projet de loi spécifique, discussion au cours de laquelle pourraient être examinées un certain nombre de réaffectations des possibilités d'utilisation par tel ou tel service, notamment par les opérateurs disposant actuellement de licences UMTS, de zones de fréquences beaucoup plus faciles à déployer sur le territoire.
Monsieur le ministre, je souhaiterais vivement que vous puissiez nous répondre sur ce point. A défaut de réponse, je crois que nous serons amenés à créer une commission ad hoc pour traiter spécifiquement de ce problème qui est vraiment du domaine parlementaire. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour l'essentiel, mon intervention portera sur le contexte du projet de loi de finances plutôt que sur son texte même.
Loi de finances pour 1998, projet de loi de finances pour 2001 : depuis trois ans, notre pays connaît une croissance économique ininterrompue. La politique volontariste et les réformes économiques et sociales conduites par Lionel Jospin et le gouvernement de la gauche plurielle ont rendu possible le retour à l'emploi de près de un million de personnes et le rétablissement progressif des comptes publics et sociaux.
Quel contraste spectaculaire avec la période de récession, de chômage de masse et de régression sociale que notre pays a connue sous les gouvernements de MM. Balladur et Juppé !
Après avoir joué aux Cassandre et annoncé l'imminence d'un retournement de conjoncture, la droite - principe de réalité oblige - se voit aujourd'hui contrainte de changer son discours. L'heure est aux conseils avisés sur le bon usage des fruits de la croissance.
M. Alain Gournac. Il en faut, des conseils !
M. Paul Loridant. Curieuse attitude, lorsque l'on sait quelle a été sa « réussite » aux affaires ! Dont acte.
Notre économie est pour l'instant en bonne santé. Le chômage diminue, les entreprises, malgré les discours alarmistes du MEDEF, relayés par certains de nos collègues, se portent plutôt bien. Bref, la croissance semble durablement installée, et tout pourrait aller pour le mieux dans le meilleur des mondes si la Banque centrale européenne et les banques centrales nationales, par leur gestion désastreuse de l'euro, ne venaient pas hypothéquer les efforts de redressement accomplis par le Gouvernement depuis trois ans.
Loin d'être le fruit d'une quelconque excentricité de ma part, cette question mérite que l'on s'y attarde. J'estime en effet, compte tenu des prérogatives et des décisions prises par la Banque centrale européenne en matière de politique monétaire, qu'il est désormais indispensable d'élargir le champ de réflexion qui encadre l'examen de la loi de finances.
C'est un observateur critique de l'euro et de sa mise en application qui vous donne ce conseil !
Souvenez-vous, mes chers collègues, l'euro, piloté par une banque centrale européenne indépendante et un système européen de banques centrales elles-mêmes indépendantes de leur gouvernement, était censé contester la toute-puissance du dollar. Deux ans plus tard, on en est à juguler le énième accès de faiblesse de la monnaie européenne, qui accuse plus de 30 % de baisse depuis son lancement.
La Banque centrale européenne, le nez fixé sur le guidon d'un indicateur unique, celui de la hausse des prix, s'évertue sans succès à maintenir le niveau de l'euro par des hausses à répétition des taux d'intérêts directeurs européens. Résultat : non seulement la monnaie unique continue de plonger, mais, en plus, le renchérissement du loyer de l'argent risque d'entraîner un ralentissement de l'activité économique.
Cette faillite était prévisible et compromet la croissance économique, c'est-à-dire l'emploi de centaines de milliers de nos concitoyens.
Tant de choses stupides ont été dites au moment du lancement de l'euro qu'elles pourraient nourrir un bêtisier ! Il fallait, pour que l'euro soit fort, que la Banque centrale européenne, à l'image de la FED, la Federal reserve system, soit la plus indépendante possible et qu'elle ait la stabilité des prix comme seul et unique objectif. Pourtant, même aux Etats-Unis, la banque centrale n'est pas complètement indépendante puisque responsable devant le Président et le Congrès, auxquels elle rend des comptes extrêmement sérieux. Les auditions d'Alan Greenspan devant le Congrès ne sont d'ailleurs pas d'aimables conversations !
En outre, le plein emploi des moyens de production figure officiellement dans les objectifs assignés à la banque centrale américaine.
Certes, de temps à autre, le gouverneur de la Banque centrale européenne ou le gouverneur de la Banque de France sont entendus par le Parlement européen ou par le Parlement français, par notre commission des finances, notamment. Mais, sans pouvoirs réels, nous en sommes réduits à écouter les conseils des gouverneurs en matière de politique économique ! Quel paradoxe !
Modération salariale, baisses des impôts, remises en cause de la protection sociale et de notre système de retraite, tel est leur credo. Ils ne manquent pas de propositions sur la conduite de la politique économique et sociale. Pourtant, le bilan de la gestion de l'euro et les comptes déficitaires de la Banque centrale européenne devraient les ramener à un peu plus d'humilité. Bref, très diserts et prolixes sur les mesures de politique économique, les banquiers centraux sont quasi muets sur le coeur de leur métier : la gestion de la monnaie. Telle est la réalité.
Monsieur le ministre, la France, qui préside en ce moment l'Union européenne, ne peut plus laisser cette situation perdurer sous peine d'engager les économies européennes dans la voie du ralentissement économique, voire de la récession. Je pense, monsieur le ministre, qu'il est temps de repenser les statuts de la Banque centrale européenne.
Alors que les thuriféraires de la politique du franc fort reconnaissent aujourd'hui les dégâts humains de la politique monétaire suivie aveuglément durant les années quatre-vingt, je souhaite vivement qu'en vertu du « principe de précaution » on ramène la Banque centrale européenne à un peu plus de réalisme. Monsieur le ministre, mes chers collègues, il faut remettre de la politique dans tout cela !
S'agissant du projet de loi de finances pour 2001, je voudrais formuler quelques remarques sur le volet des mesures fiscales.
Je déplore la gestion, pour le moins désastreuse, de ce dossier au regard tant de la majorité plurielle que des prérogatives du Parlement. Monsieur le ministre, je forme le voeu que, à l'avenir, le choix d'orientations aussi lourdes en matière fiscale soit certes discuté au sein du Gouvernement, c'est bien le moins, mais qu'il le soit aussi, au préalable, au sein des organisations politiques formant la majorité et non pas seulement devant les médias ou dans des cercles restreints limités à Bercy, Matignon ou rue de Solferino.
Monsieur le ministre, vous avez affirmé que votre plan triennal de baisse des impôts visait à répondre aux impératifs économiques et de justice sociale. Ce sont des objectifs louables auxquels je souscris, même si je ne fais pas partie des fondamentalistes en matière de baisse des impôts.
Toutefois, lorsque ces baisses ont pour effet de limiter à 0,3 % la progression en volume de la dépense publique alors que le budget est bâti sur une hypothèse de croissance de plus de 3 %, sans entrer dans le détail, on peut affirmer que ce différentiel se traduira concrètement par un mouvement de repli de l'Etat et des services publics préjudiciable tant aux impératifs de justice sociale qu'à la croissance économique elle-même.
Certes, des mesures positives en faveur des revenus modestes figurent en bonne place dans les propositions de baisse de la fiscalité, comme la suppression de la CSG pesant sur les bas salaires.
Par ailleurs, j'aimerais vous faire remarquer que 78 milliards de francs, sur les 140 milliards de francs de baisse d'impôts prévus, ne profiteront qu'à 25 % des Français les plus aisés.
A mes yeux, cette réforme fiscale manque d'ambition, en se sens que l'effort porte sur la fiscalité directe plutôt que sur la fiscalité indirecte, notamment la TVA, source des plus grandes injustices de notre système fiscal.
Mais la limite la plus essentielle de ce dispositif tient à ce qu'il ne s'attaque pas suffisamment aux inégalités, à la divergence de traitement entre les revenus du patrimoine et ceux qui sont issus du travail.
Par ailleurs, je m'interroge sur l'opportunité d'une généralisation des allégements d'impôts accordés aux entreprises, qui du reste affichent pour l'instant de confortables bénéfices, et ce sans prise en considération de leurs comportements.
Est-il normal, par exemple, de réduire les impôts acquittés par le groupe Michelin lorsque l'on sait par expérience que l'objectif de ses dirigeants est d'abord la valorisation boursière, fût-ce au prix de licenciements ? Quelques semaines après avoir examiné le projet de loi portant sur les nouvelles régulations économiques, cette question mérite d'être posée.
En réalité, ces mesures d'allégement de la fiscalité des entreprises n'ont pas de fondements économiques si l'on se limite à une analyse des performances des entreprises depuis ces dernières années. L'objectif non avoué est de faire face au dumping fiscal de nos voisins européens et, en particulier, à celui de nos amis allemands.
Sans doute serait-il préférable, monsieur le ministre, d'engager une concertation avec les pays de l'Union européenne et de livrer une lutte déterminée contre les paradis fiscaux européens, véritables centres off-shore qui pratiquent la « flibuste fiscale » et accueillent avec hospitalité des capitaux d'origine parfois douteuse. Oui, il faut plus d'Europe, mes chers collègues ! Il faut plus d'Europe pour réduire et faire disparaître les paradis fiscaux !
Le groupe communiste républicain et citoyen vous fera des propositions, tant en matière de recettes qu'en matière de dépenses, pour mettre le budget 2001 à la hauteur des enjeux économiques et sociaux.
Monsieur le ministre, le rendez-vous avec la croissance et la justice sociale ne peut être manqué comme ce fut, hélas ! le cas de 1988 à 1991. Le strict respect des grands équilibres économiques ne suffit pas à faire une vraie politique économique et sociale. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais formuler quelques observations sur la situation actuelle et à court terme de nos finances publiques.
Je me contenterai de rappeler quelques évidences tout droit sorties, je le crois, d'une sorte de simple bon sens puisque la technique a été maniée avec beaucoup de brio par mes amis socialistes qui se sont exprimés avant moi.
D'abord, la nécessité et l'obligation de poursuivre la réduction des déficits publics.
Ce n'est pas seulement notre engagement européen qui nous dicte cette obligation, même si, nous le savons bien, la création de la monnaie unique et son essoufflement actuel n'autorisent aucun écart. Personne en Europe, c'est bien évident, ne paiera désormais les éventuelles fantaisies des uns et des autres à leur place.
C'est surtout le bon sens qui nous recommande, Europe ou pas, de poursuivre dans cette voie.
Réduire la dette et sa charge, c'est tenir l'inflation en contenant les taux d'intérêt, c'est donner moins aux banquiers, et donc retrouver des marges de manoeuvre pour soutenir l'économie et l'emploi, pour la solidarité, pour lutter efficacement contre le chômage et l'exclusion qui va avec.
Fort heureusement, la politique conduite avec raison et courage depuis 1997 va dans ce sens.
Sauf peut-être à Lourdes, nous le savons bien - en tout cas, moi, je le sais -, il n'y a pas de miracle : la croissance ne serait pas repartie aussi fortement, elle ne se serait pas maintenue à un haut niveau, le chômage n'aurait pas à ce point reculé si les déficits publics n'avaient pas été réduits de près de 200 milliards de francs, soit 2,5 points de PIB.
Nous étions à 3,5 % en 1997, hors soulte de France Télécom, et vous nous proposez 1 % pour 2001, contre 1,4 % en 2000 et 1,8 % en 1999.
Il faut absolument tenir ce cap pour parvenir à bonne date au déficit zéro promis à nos partenaires, dont, je le rappelle, la moitié est aujourd'hui en excédent, l'autre moitié, dont nous sommes, ayant promis d'être à l'équilibre ou en excédent en 2004.
Grâce à cette politique financière, nous avons pu ramener le poids de la dette dans le PIB à deux ou trois points en dessous des fatidiques 60 % prévus par le traité de Maastricht et stabiliser la charge des intérêts entre 235 milliards et 240 milliards de francs par an, malgré les variations de taux.
Cela n'a pas été facile, mais rien n'aurait été possible si le Gouvernement et sa majorité n'avaient pas fait des choix clairs et courageux, en fonction de priorités affirmées, confirmées et respectées, dont les conséquences ont été tirées sur les autres dépenses.
Votre projet de budget pour 2001 me réjouit, monsieur le ministre, parce qu'il porte toujours la trace de ces priorités et des efforts nécessaires pour contenir les déficits, notamment la progression moyenne des dépenses de 0,3 %.
Et pourtant, je vous l'avoue, je ne peux pas m'empêcher de ressentir une espèce de malaise pour l'avenir lorsque apparaissent des dépenses inattendues, parce qu'elles étaient devenues inhabituelles - plus de 10 000 emplois nouveaux dans la fonction publique, par exemple -, lorsqu'on annonce une exécution budgétaire de 2000 moins facile que prévue, lorsqu'on décide ou annonce tous les jours des milliards de francs de dépenses nouvelles - j'ai entendu parler de 200 000 embauches à terme pour l'éducation, d'un programme d'investissement d'une dizaine de milliards de francs pour les prisons et, hier, de plus de 3 milliards de francs pour la vache folle - sans nous dire quelles économies vont financer tout cela puisque l'impôt nouveau n'est plus à l'ordre du jour.
M. Alain Gournac. Ça, c'est très bien !
M. Michel Charasse. Attendez, ne vous réjouissez pas trop vite ! (Sourires.)
M. Josselin de Rohan. En tout cas, ça commence bien ! (Nouveaux sourires.)
M. Jacques Oudin. Jusqu'à présent, nous sommes d'accord !
M. Michel Charasse. Je le répète : ne vous réjouissez pas trop vite !
Il m'arrive de me poser la question : cette évolution vertueuse de nos comptes publics nous a-t-elle déjà essoufflés ou à ce point impressionnés ou effrayés ? Ou bien la croissance aurait-elle joué sur l'inconscient collectif - dont chacun de nous a une part - le même effet d'illusion ou de griserie que la drogue ou l'alcool qui, comme on le sait, ont le don de réveiller les appétits ?
Certes, la croissance a apporté des richesses publiques nouvelles, mais moins qu'on le croit en fantasmant parfois un peu trop sur cette fameuse « cagnotte » qui déclenche dans les esprits un effet d'envie aussi fort que les peurs collectives que suscite la vache folle. En fait, mes chers collègues, cette cagnotte est un peu le prion de la dépense publique ! (Nouveaux sourires.)
C'est elle qui fait oublier qu'on doit d'abord utiliser les gains de la croissance pour réduire les déficits et rembourser la dette, plutôt que pour dépenser ou réduire l'impôt. C'est elle qui fait oublier aussi un passé récent, que j'ai vécu à Rivoli et à Bercy, quand les plus-values de recettes se transformaient aussitôt en dépenses nouvelles devenues impayables dès lors que, comme aurait pu dire La Fontaine, la bise de la récession fut venue, en 1992-1993.
A quoi bon réduire les impôts s'il faut les augmenter demain pour payer les dépenses parce que la croissance n'est plus là et qu'il est plus facile de pressurer le contribuable que d'arracher des économies aux uns et aux autres, comme on l'a fait - c'est pourquoi je vous disais de ne pas vous réjouir trop vite - après 1993 ou en 1995 ?
Donc, il faut d'abord nettoyer le passé, c'est-à-dire les scories de la crise ; et, chacun à notre tour, nous en avons laissé quelques strates ici et là.
Cette euphorie artificielle née de la croissance n'est-elle pas porteuse, si elle n'est pas dominée courageusement par les plus hauts responsables du pays - et vous en êtes un, monsieur le ministre - des plus grands périls pour demain ? On peut et on doit se poser la question.
Concernant le budget de l'Etat, pour poursuivre sur la voie actuelle et honorer nos engagements européens, il faut contenir les charges de la dette - donc le déficit -, tirer les conséquences de l'amélioration de l'emploi pour réorienter une partie des dépenses du chômage, tenir les dépenses militaires sans tour de vis supplémentaire, car on voit l'os,...
MM. Alain Gournac et Josselin de Rohan. Très bien !
M. Michel Charasse. ... et être clair sur la fonction publique.
Les charges de la fonction publique représentent, y compris les pensions, 700 milliards de francs. Elles pèsent donc lourd, mais c'est sans doute le prix à payer pour un service de qualité. Cependant, on n'évitera pas de poser le problème face au pays : peut-on augmenter à la fois les effectifs et les salaires ? Ne faut-il pas choisir entre les deux ?
M. Josselin de Rohan. C'est clair !
M. Michel Charasse. L'indexation des salaires sur les prix et la création de plusieurs milliers d'emplois pourraient faire augmenter la masse salariale de l'Etat de 25 à 30 milliards de francs - et je ne parle pas des 3 ou 4 milliards de francs que cela coûterait aux hôpitaux et aux collectivités locales - contre une vingtaine de milliards de francs ces dernières années.
Mes chers collègues, c'est un choix politique.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Absolument !
M. Michel Charasse. S'il faut plus de fonctionnaires mieux payés, il conviendra d'en tirer les conséquences sur les autres dépenses et de dire clairement au pays où l'on va prendre l'argent et qui paiera.
MM. Philippe Marini, rapporteur général, et Josselin de Rohan. Très bien !
M. Michel Charasse. Sinon, on peut prévoir un dérapage des dépenses de l'Etat à un rythme bien supérieur au 1 % promis à Bruxelles et un déficit supplémentaire qui peut apparaître dès 2002, ce qui veut dire que la France ne respectera peut-être pas ses engagements européens, ce qui l'exposera à d'éventuelles sanctions.
Pour les comptes sociaux, les menaces ne sont pas moindres. Si les dépenses de maladie continuent à dépasser les normes votées par le Parlement, le régime général se dégradera d'une ou deux dizaines de milliards de francs.
La nouvelle convention UNEDIC n'entraînera-t-elle pas pour 2003 ou 2004 de 15 à 20 milliards de francs de dépenses en plus et autant de recettes en moins ? Comme elle ne prévoit, en outre, aucune participation pour la réduction du temps de travail, il faudra trouver quelques dizaines de milliards de francs pour le FOREC en 2003 ou en 2004.
Les projets concernant les personnes âgées dépendantes qu'on nous annonce ici ou là, et qui, personnellement, m'effraient beaucoup, pourraient conduire à une dizaine de milliards de francs supplémentaires en 2004.
Finalement, selon les tendances actuelles, que, je dois le dire, j'ai évaluées très approximativement, avec beaucoup de prudence et d'humilité - je ne dispose pas de tous les éléments -, l'exédent des régimes sociaux qui doit financer les retraites pourrait être fortement réduit. Et je n'ai pas compté l'effet des prestations familiales et des retraites si elles varient plus que les prix, non plus que les milliards nécessaires à la vache folle ou aux augmentations salariales dans les hôpitaux.
On le voit bien, mes chers collègues, quels que soient ses bienfaits sur les ressources publiques, la croissance, que j'espère voir se maintenir, ne couvrira pas tout. Nos dépenses pourraient augmenter en trois ans beaucoup plus que prévu, sans compter les baisses d'impôts et de charges sociales déjà annoncées, et le déficit repartir de plus belle en 2003 ou en 2004, sinon avant. Notre situation est bonne, mais elle reste fragile.
La conclusion de tout cela est très claire. On ne peut que se réjouir de constater que le projet de budget pour 2001 ne dégrade rien et continue sur la lancée des années précédentes. Acte en soit donné au Gouvernement et à vous, monsieur le ministre, avec, au passage, un coup de chapeau concernant les dotations aux collectivités locales ; notre ami Michel Sergent l'a excellemment dit tout à l'heure.
Pour les trois années à venir, si la croissance se maintient entre 2,5 % et 3 %, le chômage pourrait reculer de 6 % à 8 % - quelle victoire ! - et les prélèvements obligatoires retomber en deçà de 44 % ; encore faut-il que les disciplines budgétaires et financières soient maintenues, ne serait-ce que pour ne pas compromettre la croissance.
Il faut, en conséquence, absolument maintenir l'objectif de 4 % de progression en volume des dépenses en trois ans. Les objectifs fixés précédemment doivent donc impérativement être respectés, ce qui suppose un retour à 1,5 % par an en volume pour les dépenses sociales existantes, un redéploiement volontaire pour financer les dépenses nouvelles et pas plus de 20 milliards de francs supplémentaires chaque année pour les fonctionnaires, sauf si l'on trouve des économies pour en faire plus.
Nous trouverons les marges de manoeuvre nécessaires dans la baisse de l'endettement public, ce qui implique de ramener la dette aux alentours de 54 % du PIB en 2004.
Monsieur le ministre, pour tenir nos engagements, pour respecter ces normes de prudence et de bonne gestion, pour réduire les charges qui pèsent sur les Français tout en maintenant des politiques sociales et de solidarité audacieuses, il vous faudra beaucoup de courage, à vous et au Premier ministre. Mais, au côté du chef du Gouvernement, vous serez souvent, toujours, en première ligne, et seul !
Bien entendu, vous aurez l'appui total de tous ceux qui, dans la majorité plurielle et au-delà, pensent d'abord au bien de la France. Mais vous vous sentirez souvent bien seul, et les échéances électorales qui vont bientôt se succéder à un train d'enfer n'arrangeront rien. Quelle illusion de penser que distribuer toujours plus fait gagner des voix ! J'en sais quelque chose, et je ne suis pas le seul... (Rires et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.) Je suis persuadé, chers collègues, que vos applaudissements vous vont droit au coeur...
C'est sans doute le sort éternel des ministres des finances, qui savent bien que les conseilleurs ne sont pas les payeurs. Je me garderai donc, en raison de l'amitié très fidèle que je vous porte, de vous donner quelque conseil que ce soit, sauf un peut-être.
Si donc, un soir, vous vous sentez trop seul dans cet immeuble sans âme de Bercy, glissez-vous, dans le silence des interminables couloirs aux lumières si crues et si tristes, jusqu'à l'antichambre de la direction du budget. On a dû y garder affiché, comme de mon temps, ce texte magnifique que Turgot écrivait au Roi depuis Compiègne, le 24 août 1774,...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Exactement !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. On devrait le relire chaque jour !
M. Michel Charasse. ... alors que nos finances étaient bien malades et que la Révolution, née de la crise financière, n'était plus très loin.
Permettez-moi de vous en lire quelques extraits :
« Point de banqueroute ;
« Point d'augmentation d'impôts ;
« Point d'emprunt.
« Point de banqueroute, ni avouée, ni masquée par des réductions forcées.
« Point d'augmentation d'impôts : la raison en est dans la situation de vos peuples, et plus encore dans le coeur de Votre Majesté.
« Point d'emprunt, parce que tout emprunt diminue toujours le revenu libre ; il nécessite au bout de quelque temps ou la banqueroute, ou l'augmentation des impositions. Il ne faut en temps de paix se permettre d'emprunter que pour liquider les dettes anciennes ou pour rembourser d'autres emprunts faits à un denier plus onéreux.
« Pour remplir ces trois points, il n'y a qu'un moyen. C'est de réduire la dépense en dessous de la recette...
« On demande sur quoi retrancher, et chaque ordonnateur, dans sa partie, soutiendra que presque toutes les dépenses particulières sont indispensables. »
C'est un peu ce que font nos rapporteurs budgétaires, monsieur le président de la commission des finances.
« Ils peuvent dire de fort bonnes raisons ; mais il n'y en a pas pour faire ce qui est impossible, il faut que toutes ces raisons cèdent à la nécessité absolue de l'économie...
« On peut espérer de parvenir, par l'amélioration de la culture, par la suppression des abus dans la perception, et par une répartition plus équitable des impositions, à soulager sensiblement le peuple, sans diminuer beaucoup les revenus publics ; mais si l'économie n'a pas précédé, aucune réforme n'est possible, parce qu'il n'en est aucune qui n'entraîne le risque de quelque interruption dans la marche des recouvrements, et parce qu'on doit s'attendre aux embarras multipliés que feront naître les manoeuvres et les cris des hommes de toute espèce intéressés à soutenir les abus ; car il n'en est point dont quelqu'un ne vive...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Vive Turgot !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Même sa statue applaudit !
M. Michel Charasse. « J'ai prévu que je serais seul à combattre contre les abus de tout genre, contre les efforts de ceux qui gagnent à ces abus, contre la foule des préjugés qui s'opposent à toute réforme, et qui sont un moyen si puissant dans les mains de gens intéressés à éterniser le désordre... On m'imputera tous les refus ; on me peindra comme un homme dur... »
Pourtant, monsieur le ministre, ceux qui vous connaissent... (Rires.) « Ce peuple auquel je me serai sacrifié est si aisé à tromper que, peut-être, j'encourrai sa haine par les mesures mêmes que je prendrai pour le défendre contre la vexation. Je serai calomnié, et peut-être avec assez de vraisemblance pour m'ôter la confiance de Votre Majesté. Je ne regretterai point de perdre une place à laquelle je ne m'étais jamais attendu. Je suis prêt à la remettre à Votre Majesté dès que je ne pourrai plus espérer de lui être utile. »
Bien entendu, c'est un texte historique, qui n'a aucun rapport avec la situation actuelle. (Nouveaux rires.)
Turgot n'a pas été écouté, et c'est la France la plus pauvre qui a souffert.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Exactement !
M. Michel Charasse. Aujourd'hui, le souverain, c'est le peuple. Si vous savez lui parler aussi bien et aussi clairement que vous l'avez fait jusqu'ici, et le Gouvernement avec vous, vous pourrez continuer d'espérer lui être utile, ainsi bien sûr qu'à la France. (Applaudissements.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle à la concision dans vos propos et au respect des temps pour lesquels vous vous êtes inscrits, de manière que nous puissions en terminer à une heure raisonnable.
La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, disons d'emblée les choses clairement, simplement - presque aussi simplement que M. Charasse - et franchement : ce budget pour 2001 n'est ni sincère, ni clair, ni maîtrisé, ni porteur d'avenir.
Je suis, pour ma part, frappé par la juxtaposition de trois éléments.
Le premier, c'est l'existence, parfois oubliée, d'un texte fondamental, qui complétera la lettre de Turgot dont on vient d'avoir la lecture, un texte qui devrait guider l'action quotidienne de tout responsable public, et au premier chef du ministre de l'économie et des finances : je veux parler des articles XIV et XV de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.
L'article XIV dispose : « Tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs Représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi et d'en déterminer la quantité, l'assiette, le recouvrement et la durée. »
L'article XV précise : « La Société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration. »
Nous sommes réunis dans cet hémicycle, monsieur le ministre, pour vous demander des comptes sur la gestion financière de la France.
Le deuxième élément concerne justement l'ardeur que vous mettez, que l'ensemble des administrations qui sont sous votre contrôle met à exiger de nos concitoyens, qu'ils soient élus, chefs d'entreprise ou simples citoyens, des comptes clairs, exhaustifs, précis, rigoureux de leur propre gestion.
La rigueur de la comptabilité générale imposée aux entreprises est reconnue. Les contrôles auxquels celles-ci sont soumises sont nombreux. Personne ne saurait contester de telles obligations.
Quant aux règles comptables imposées aux collectivités territoriales, elles sont d'une extrême précision. La mise en oeuvre de la M 14 pour les communes nous a donné bien des soucis, mais cela était nécessaire. Comptabilité analytique, comptabilité générale, comptabilité patrimoniale, équilibre budgétaire rigoureux permettent à l'ensemble des instances de contrôle de connaître très précisément la situation budgétaire, comptable et financière de nos collectivités.
Les receveurs des finances, les trésoriers-payeurs généraux, les chambres régionales des comptes sont présents pour remettre dans le droit chemin l'élu local ou la collectivité qui aurait l'imprudence de s'en écarter.
Les résultats sont d'ailleurs remarquables. Nos collectivités territoriales sont globalement bien gérées, leur situation budgétaire est excédentaire et, de toute façon, aucun déficit ne leur est autorisé. Elles supportent désormais les trois quarts de l'investissement public de notre pays et l'Etat n'a de cesse de leur transférer des charges supplémentaires, tout en s'efforçant au passage de leur supprimer le maximum de recettes autonomes.
Ma troisième observation tend à souligner que tout cela contraste étonnamment avec la situation du budget de l'Etat et des finances sociales. Nos finances publiques sont mal gérées, mal présentées, mal maîtrisées. Aurai-je l'outrecuidance de dire que cela dure depuis longtemps ?
Au niveau de l'Etat, notre comptabilité analytique et notre comptabilité patrimoniale sont inexistantes. Les tentatives des budgets de programme et de rationalisation des choix budgétaires ont piteusement échoué. Les nomenclatures changent constamment, ce qui rend encore plus incompréhensible, sur le moyen terme, la lecture des « bleus budgétaires » qui, de toute façon, monsieur le ministre, sont illisibles pour tout citoyen normal.
Les évaluations a priori font le plus souvent défaut. Les évaluations a posteriori des ratios coût-efficacité ne sont quasiment jamais ni établies ni a fortiori présentées au Parlement.
Votre gouvernement et votre ministère agissent, bien souvent, dans ce domaine, avec un certain cynisme et en toute impunité compte tenu de l'inégalité des pouvoirs financiers et budgétaires entre l'exécutif et le législatif.
Bien que le Parlement puisse s'appuyer sur la Cour des comptes, qui nous apporte un concours précieux, le pouvoir législatif que nous représentons n'a peut-être pas pris les moyens de ses responsabilités, de ses ambitions et des attentes de nos concitoyens.
L'échec de l'Office parlementaire d'évaluation des politiques publiques a montré les limites de notre volonté et de nos possibilités. La mission d'évaluation et de contrôle de l'Assemblée nationale devra encore faire ses preuves.
L'accès du Parlement aux rapports des corps d'inspection des ministères n'est pas aussi large et facile que nous le souhaiterions.
La transformation temporaire de la commission des finances du Sénat en commission d'enquête ne saurait, bien sûr, se pérenniser. Mais elle souligne la méfiance qui existe entre l'exécutif et le législatif dans le domaine financier et budgétaire.
Il devient donc désormais urgent, comme l'ont souligné le président de la commission des finances et le rapporteur général, de réformer l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique et, dès lors, les pratiques administratives qui s'y rapportent.
Le principe de la réforme de l'ordonnance rallie désormais la quasi-totalité des positions. La Cour des comptes, dans son dernier bulletin interne, le reconnaît elle-même : la situation actuelle ne peut plus durer.
La deuxième réforme a pour objet de renforcer le droit à l'information du Parlement et, en contrepartie, les sanctions qui seraient susceptibles de frapper les administrations ou les fonctionnaires se livrant à des actions tendant à occulter les actes de leur gestion.
Ces considérations générales m'amènent à formuler cinq remarques.
Tout d'abord, en matière de finances publiques, l'opacité l'emporte trop souvent sur la transparence.
Il est inhabituel que le Sénat, dont chacun connaît la pondération, publie des rapports avec un titre aussi percutant que celui du rapport qui a été déposé par la commission des finances le 29 septembre 2000 : « En finir avec le mensonge budgétaire : enquête sur la transparence très relative des comptes de l'Etat ».
Le constat, largement développé à cette tribune, est accablant : données largement faussées transmises au Parlement sur l'état des finances publiques ; report de recettes, anticipation de dépenses, dissimulation des dérives et des plus-values engendrées par la croissance ou des moins-values, telles que celles qui résultent de l'affaire du Crédit Lyonnais ; manque de transparence des documents budgétaires, difficultés de comparaison d'une année sur l'autre en raison des changements permanents de nomenclatures et de périmètres ; interactions peu claires, et de plus en plus nombreuses, entre loi de finances et loi de financement de la sécurité sociale.
La lecture du rapport sénatorial suscite, légitimement, des inquiétudes.
Le constat a été fait que notre système de gestion budgétaire « repose sur le contrôle juridique de l'engagement de la dépense et non sur son efficacité ». Dans ces conditions, on ne peut éviter les dérives !
Comment ne pas s'étonner, par exemple, de lire que les comptes de la SNCF sont désormais excédentaires, alors que nous savons que l'ensemble du système ferroviaire ne peut fonctionner qu'avec des contributions publiques qui s'élèvent à plus de 65 milliards de francs par an et que personne ne sait comment rembourser la dette de 150 milliards de francs qui a été affectée à Réseau ferré de France, RFF ?
Comment ne pas être irrité d'entendre un ministre dire qu'il a trouvé un système autoroutier au bord de la faillite financière alors que l'Etat, qui ne lui accorde aucune subvention, ponctionne chaque année près de 9 milliards de francs de taxes et d'impôts sur des recettes de péage qui augmentent de 10 % par an pour atteindre 34 milliards de francs cette année ?
Comment accepter de ne recevoir que des réponses vagues - ou pas de réponse du tout, comme ce fut le cas ici même voilà quelques jours -, quand le Parlement demande que lui soient présentées les prévisionsfinancières de la Caisse d'amortissement de la dette sociale, la CADES, ou du Fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale, le FOREC ?
Ma deuxième remarque consiste à souligner, avec regret, qu'en matière financière et budgétaire la France reste l'un des plus mauvais élèves de la classe européenne.
En dépit de la croissance, dont tous nos partenaires ont su profiter, nous avons le déficit structurel le plus élevé des pays européens, et il n'y aura aucune amélioration en 2001. Ceratins de nos partenaires ont même des excédents budgétaires, situation dont nous ne pouvons que rêver.
L'évolution de notre dette publique ne donne pas plus d'élément de satisfaction : même si elle est passée de 60 % à 57 % du produit intérieur brut, elle génère 240 milliards de francs d'intérêts, et je ne compte pas les petites dettes dissimulées ici et là !
Le poids de notre fonction publique est excessif. Mais si les Français souhaitent être bien administrés, il n'est pas certain qu'ils soient satisfaits des gaspillages auxquels donne lieu la gestion de la fonction publique.
Vous estimez nécessaire d'augmenter le nombre de fonctionnaires plutôt que de les redéployer. C'est votre politique, mais cela suscite un certain étonnement de la part des instances internationales, surtout lorsque le ministre chargé de la fonction publique déclare solennellement que « la connaissance par les ministères des emplois dont ils disposent effectivement relève aujourd'hui de l'impossible ».
Enfin, vous avez décidé de créer un observatoire de l'emploi public destiné à « observer pour anticiper » l'évolution des emplois et des effectifs. Vaste programme qui me rend quelque peu perplexe : comment prévoir des évolutions sur des bases que l'on connaît mal ?
A cet égard, je vous suggère une priorité : essayer de régler ce scandale permanent qui existe au sein de la fonction publique et que sont ce que j'appelle les « emplois fictifs légaux » - je dis bien les « emplois fictifs légaux » - qui résultent de la mise à disposition de fonctionnaires par des administrations ou des établissements publics à d'autres organismes et ce, bien entendu, sans contreparties financières.
Cette pratique était difficile avant les lois de 1984 et 1991. Elle se développe maintenant au mépris des budgets que nous votons pour l'Etat ou pour les établissements publics.
Si nous votons des crédits et si nous créons des emplois pour une administration, c'est bien pour remplir des missions dont on nous dit qu'elles sont indispensables au fonctionnement de l'Etat et des services publics. Que certains fonctionnaires soient momentanément affectés à d'autres missions en rapport avec leurs activités d'origine et que cette pratique donne lieu à des compensations financières, cela est normal et peut se comprendre. Mais que dire des milliers de fonctionnaires ou d'agents publics qui ne travaillent plus dans leur cadre d'origine et dont les rémunérations ne donnent lieu à aucune compensation ? Il s'agit bien là, d'une façon ou d'une autre, d'emplois fictifs et d'abus de biens publics.
Pour tenter de résoudre ce problème, avec un objectif de clarté qui n'éliminerait pas la souplesse, j'ai déposé une proposition de loi qui, je vous rassure, monsieur le ministre, n'a obtenu aucun succès, jusqu'à présent ! (Sourires.)
En tant que rapporteur spécial du budget du ministère des affaires sociales, j'ai relevé six cent trente emplois de cette nature, répartis entre les services centraux et les services déconcentrés de ce ministère.
Ces agents proviennent généralement des organismes placés sous la tutelle du ministère - il s'agit essentiellement des hôpitaux et les organismes de sécurité sociale - et ils participent ensuite à l'exercice de cette même tutelle. Cela est d'autant plus malsain qu'aucun texte n'a jamais prévu que ces organismes aient vocation à financer l'Etat.
Un début de régularisation sera engagé en 2001, avec un crédit de 25 millions de francs inscrits auchapitre 3712, article 20, concernant quelques dizaines d'emplois.
Je vous demande de calculer les sommes considérables qui ont été et sont encore détournées par le biais de ces pratiques.
Dans un souci de clarté et de rigueur dans la gestion publique de l'Etat, je vous demande, monsieur le ministre, de mettre fin à de tels abus.
Ma troisième remarque complétera ce que de nombreux orateurs ont décrit et dénoncé avant moi : chaque fois que l'on baisse les impôts, les prélèvements obligatoires augmentent. C'est le paradoxe français !
Ma quatrième remarque touche à la détérioration constante de l'investissement de l'Etat, en raison de l'incapacité de celui-ci à maîtriser ses dépenses de fonctionnement et l'accroissement de son endettement.
Une fois encore, les dépenses civiles en capital de l'Etat vont baisser, pour atteindre 78 milliards de francs en 2001, soit moins que le coût du passage aux 35 heures, qui s'élève à 85 milliards de francs.
Heureusement que la bonne gestion des collectivités locales et de certains établissements publics permet de financer les trois quarts restants de l'investissement public dont, par exemple, les collèges, les lycées, certaines routes, certains ports ou certaines universités.
En réduisant les investissements, vous sacrifiez délibérément l'avenir de notre pays à son présent.
Vous sacrifiez les investissements, par exemple, dans les infrastructures de transport. En dépit d'une demande qui ne cesse d'augmenter et qui poursuivra sa croissance au cours des vingt prochaines années, nous n'avons pas accru notre effort financier dans ce domaine au cours des dernières années. Le budget routier et autoroutier baisse.
Jamais la SNCF et RFF n'ont aussi peu investi, en dépit de la priorité affichée pour le ferroviaire. D'ailleurs, la politique de développement du fret ferroviaire et celle qui concerne l'intermodalité ont des résultats consternants.
Il n'y a plus de grands programmes pour les voies navigables. La politique portuaire, navale et de sécurité maritime est toujours aussi médiocre et donne les résultats que nous connaissons : catastrophes maritimes à répétition, flotte de commerce au vingt-huitième rang mondial, ports de commerce en régression relative dans un monde où le transport maritime ne fait que croître.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, comment admettre dans notre système parlementaire, comme l'ont constaté les rapporteurs de la commission des finances, que « la sincérité des données à partir desquelles sont élaborés les projets de loi de finances n'apparaît pas comme l'une des premières préoccupations du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, que ce soit des services mais également des ministres ».
Par le biais des pratiques budgétaires malsaines apparaissent tous les travers, les faiblesses et les défauts d'une société. Vous les avez poussés à leur paroxysme au détriment de la crédibilité de l'Etat, dont désormais les citoyens et les élites se méfient.
L'Etat semble ne plus avoir ni le respect de ses engagements ni le respect de sa signature. Une oeuvre de rénovation fondamentale est nécessaire. Elle devra trouver sa concrétisation dans des adaptations constitutionnelles.
Dans le débat budgétaire, le Parlement a trop longtemps été ignoré et bafoué. Cela est malsain pour l'équilibre de nos institutions.
J'espère que le débat d'aujourd'hui vous aura permis de prendre la mesure de l'irritation, de l'amertume, mais aussi de la détermination du Parlement et, plus particulièrement, de la Haute Assemblée.
Comme le disait un grand ancien, « seule la vertu pourra sauver la République ». (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Deneux.
M. Marcel Deneux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat budgétaire qui s'ouvre aujourd'hui est très singulier : les règles qui le régissent seront sans doute obsolètes dans les mois qui viennent avec la réforme de l'ordonnance de 1959. Je ne parle pas du passage à l'euro qui sera effectif pour le budget de l'année 2002. Par ailleurs, les inquiétudes s'accumulent quant à l'évolution de la conjoncture et on peut légitimement s'interroger sur la validité des hypothèses économiques sur lesquelles est fondé ce projet de budget.
Les dernières enquêtes auprès des chefs d'entreprises montrent une nette baisse de confiance. Au niveau même du Gouvernement, nous sommes loin de l'euphorie de l'année dernière, une euphorie un peu déplacée alors que la France occupe en Europe l'une des dernières places, si l'on établit un classement vertueux, en termes de dépenses publiques, de déficit et de prélèvementsobligatoires.
Les récents chiffres du déficit pour l'année 2000, sensiblement plus élevés que les prévisions, ne sont sans doute pas étrangers à la très grande modestie - relative - qui est de mise désormais.
Deux sujets me paraissent particulièrement préoccupants, monsieur le ministre, il s'agit de l'explosion de la dette publique et de la baisse des investissements publics.
La situation de la dette de l'Etat, tout d'abord. La charge de la dette atteindra en 2001 plus de 240 milliards de francs. L'ensemble de l'endettement public en France devrait représenter, l'année prochaine, près de 5 563 milliards de francs environ, c'est-à-dire l'équivalent de seize ans d'impôt sur le revenu !
Sommes-nous au-delà des 60 % du PIB, qui est l'un des critères de convergence de Maastricht ? Il faut s'interroger.
L'endettement s'accroît d'année en année, puisque chaque année le budget présenté et réalisé comporte un déficit - en diminution certes, je ne chipoterai pas sur les chiffres - mais, en gestion, un déficit reste un déficit ; et une dette a vocation à être remboursée. Cette dette devient ainsi vraiment insupportable.
La seule dette de l'Etat atteint actuellement, écoutez-bien, mes chers collègues, 200 000 francs par actif dans ce pays. En d'autres termes, si la dette est, par hypothèse, à 6 %, c'est chaque mois 1 000 francs d'intérêts, et sans remboursement en capital ; que chaque personne active doit normalement acquitter à l'Etat. C'est en ce sens que je dis, monsieur le ministre, que c'est insupportable !
La conjoncture favorable de ces dernières années aurait dû être l'occasion de diminuer la dette, à condition de réduire de façon significative les dépenses publiques, ce qui n'a pas été le cas, malheureusement, puisque ces dernières se sont accrues en francs constants.
C'est une certaine forme de gestion publique qui est en cause. Quelle entreprise du secteur concurrentiel supporterait, en effet, une proportion aussi importante de dettes par rapport à son actif ? Quel conseil d'administration, quel groupe d'hommes responsables accepteraient de donner quitus à de telles dérives ?
L'Etat vit au-dessus de ses moyens. Dans le monde de l'entreprise dont je viens, c'est un comportement qui conduit inévitablement, nous le savons, au dépôt de bilan. Pour l'Etat, les choses sont différentes, et l'image est osée, je le sais. Du moins permet-elle de s'interroger, un peu sur la qualité des gestionnaires, beaucoup sur les méthodes de gestion retenues. Or la vérité oblige à constater que l'Etat n'est pas géré de manière rigoureuse et que, d'ailleurs ; dans de nombreux domaines, il ne s'en donne pas les moyens.
Il est donc urgent d'introduire des méthodes modernes de « management » au niveau de l'Etat lui-même, un Etat en l'espèce vraiment mal placé pour donner des leçons de modernité à la société civile et être crédible dansl'Euroland.
Ce qui est également critiquable dans la gestion actuelle, c'est l'utilisation de la dette, c'est-à-dire de l'emprunt, pour financer des dépenses de fonctionnement, car nous empruntons davantage et nous n'investissons pas.
Parallèlement, et ce sera le second volet de mon intervention, les crédits d'investissement de l'Etat sont en net retrait, d'année en année, d'après les comptes qui nous sont communiqués. Il est dommage, à ce propos, que nous ne disposions pas, comme lors du débat d'orientation budgétaire de 1996, de données comparatives sur l'évolution des dépenses d'investissement et de fonctionnement, qui représentent près de 50 % du budget général de l'Etat.
La croissance constante des dépenses de fonctionnement depuis 1997 amène l'Etat - obligé - à contenir ou à réduire son effort en matière d'investissement dans des secteurs pourtant cruciaux comme l'équipement et les transports. Les investissements civils de l'Etat devraient ainsi baisser de 2,2 % en 2001. Parallèlement, l'Etat a laissé aux collectivités locales le soin d'essayer de compenser, elles qui assurent maintenant plus de 70 % de l'investissement public.
Phénomène général pour ce qui est de l'Etat, l'investissement se trouve donc plus ou moins sacrifié par rapport aux dépenses de fonctionnement et de personnels. Il est tombé à un niveau que les générations futures seront en droit de nous reprocher, monsieur le ministre. C'est l'avenir de nos enfants qui est en cause et que nous n'assurons pas.
Il s'agit, là aussi, d'une exception française, car la plupart des pays européens ont réussi à réduire leurs dépenses publiques sans toucher aux investissements publics.
Si l'actuel gouvernement veut retrouver une véritable marge de manoeuvre financière simplement pour assurer l'avenir, il lui faut s'attaquer de façon draconienne au problème des crédits de fonctionnement : des économies sont possibles, comme on a pu le démontrer en 1996 et en 1997. Ce n'est pas facile, mais il y a là une voie que l'on peut continuer à explorer.
Comme l'a dit tout à l'heure Jean Arthuis, je crois que le corollaire à toute politique de réduction du train de vie de l'Etat doit être l'application de nouvelles méthodes de gestion, calquées, dans la mesure du possible, sur celles qui sont appliquées dans le secteur privé. Je pense évidemment à une gestion patrimoniale tenant compte des engagements futurs, à une gestion par objectifs, à une politique dynamique et moderne de gestion des ressources humaines.
La sphère publique en France a encore beaucoup à apprendre du monde de l'entreprise ainsi que des exemples étrangers.
Certains de nos voisins européens ont, en effet, montré l'exemple en matière de rigueur budgétaire ces dernières années. Ainsi, les Pays-Bas, qui disposent d'un système de protection sociale comparable au nôtre, ont montré la voie à cet égard. A nous d'en tirer les conséquences, à nous de ne pas nous laisser enfermer dans une sorte de suffisance hexagonale et, au contraire, à nous enrichir, si je puis dire, de l'expérience de nos partenaires européens.
Nous n'avons pas le droit, monsieur le ministre, de perpétuer l'exception française qui consiste à consommer les fruits de l'amélioration conjoncturelle sans engager de véritables réformes structurelles.
La crédibilité de la France au sein de l'Euroland est à ce prix.
Nous sommes un grand pays, riche, prospère. Avec une autre gouvernance, avec un redéploiement de nos moyens, nous pouvons faire mieux que ce que l'on nous propose dans le projet de budget pour 2001.
En conclusion, si mes propos ont été parfois passionnés, ce dont je vous prie de m'excuser, monsieur le ministre, sachez que j'écouterai vos réponses avec intérêt.
Mais je ne saurais terminer sans remercier notre rapporteur général, le président de la commission des finances et les présidents des commissions permanentes qui, par leurs apports fort intéressants et constructifs, nous ont permis de mieux comprendre ce débat budgétaire. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travéees du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Bourdin.
M. Joël Bourdin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme vous le savez, l'économie française est engagée dans sa troisième année de forte croissance. Entre 1998 et 2000, en effet, la croissance aura été supérieure à 3 % en moyenne, ce qui est bien.
La dernière fois que la France a connu un tel phénomène, c'est au cours de la période 1988-1990. Si je rappelle ce précédent, d'ailleurs après Michel Charasse, c'est qu'il s'agit d'un exemple significatif de cycle de croissance interrompu par des politiques économiques, budgétaire comme monétaire, inadaptées.
Beaucoup de choses ont été dites, tant par M. le président de la commission des finances que par M. le rapporteur général ou par M. du Luart, avec lesquelles je suis plutôt en convergence.
Simplement, à la lumière du rapport que j'ai présenté ce matin à la délégation du Sénat pour la planification sur les prévisions économiques à 2005, je ferai quelques observations sur la croissance.
Le projet de loi de finances est fondé sur un taux de croissance de l'ordre de 3,3 %. Pourquoi pas ! Il est vrai que les services du Gouvernement ont commencé à travailler très tôt dans l'année et peut-être au mois de mai ou de juin la croissance estimée pouvait-elle être de cet ordre. Aujourd'hui, à partir d'études réalisées par des instituts de qualité et au vu des réflexions échangées au sein de la Commission économique de la nation, il apparaît que la croissance probable pour l'année 2001 sera non pas de 3,3 % mais plutôt de 3 %.
Tous les différents organismes qui sont réunis autour de la Commission économique de la nation, à part trois d'entre eux, prévoyaient une croissance pour 2001 comprise entre 2,8 % et 3,2 %, ce qui correspond d'ailleurs à la moyenne repérée par l'Observatoire français des conjonctures économiques, l'OFCE.
Je précise d'ailleurs que l'OCDE a présenté tout récemment ses prévisions de croissance pour la France, qui font apparaître un taux de croissance inférieur, puisqu'il se situe à 2,9 % pour 2001.
On peut donc considérer qu'il y a actuellement un quasi-consensus parmi les prévisionnistes pour dire que la croissance sera, l'année prochaine, de l'ordre de 3 %, soit 0,3 % point de moins que ce que prévoit le Gouvernement.
Il n'est pas dans mon intention de critiquer les organismes de l'Etat qui ont conclu à l'existence de cette pente de croissance, mais ces estimations entraînent un certain nombre de conséquences sur les équilibres.
Notons que cette croissance prévue à 3 % suppose qu'un certain nombre d'incertitudes soient levées. Par exemple, je cite, au hasard, l'atterrissage de l'économie américaine.
On sait très bien que l'économie américaine est en pleine croissance depuis plusieurs années, mais aussi qu'elle est caractérisée par un certain nombre de paramètres inquiétants : un taux d'épargne des ménages qui est nul, un taux d'endettement des mêmes ménages qui est particulièrement élevé et qui fait qu'un certain nombre d'Américains vivent sur leurs plus-values boursières. Nous sommes donc devant un système qui, un jour, peut connaître la récession.
Donc, l'atterrissage plus ou moins violent de l'économie américaine est une hypothèse qui, si elle s'avère, ne manquera pas d'avoir des incidences sur l'évolution de l'économie française. Tout le monde sait que l'Amérique est le moteur de l'économie mondiale.
Autre incertitude : le prix du pétrole. Je ne vous apprends rien en signalant que le prix du pétrole est une donnée « volatile », et qu'il a particulièrement augmenté au cours de ces dernières années. Là encore, l'équilibre budgétaire semble avoir été bâti sur l'hypothèse d'un baril de pétrole à 26 dollars. Or nous sommes loin du compte, puisque ce prix est déjà supérieur.
D'après les simulations demandées à l'OFCE, une persistance d'un dollar élevé peut avoir des incidences sur le taux de croissance, mais pas aussi fortes qu'on peut l'imaginer, car l'économie française a beaucoup changé depuis les années soixante-dix et le pétrole a moins d'incidence sur notre économie.
Néanmoins, si le cours du pétrole se maintenait à un haut niveau et devait par malheur augmenter, il aurait une incidence de 0,2 ou de 0,1 point sur les 3 % que j'ai indiqués.
Un autre risque, pour n'être pas élevé, ne doit pas être sous-estimé, je veux parler du risque d'accélération de l'inflation. Dans ce domaine aussi on doit indiquer que les tensions qui se manifestent sur le marché du travail dans certains secteurs, le bâtiment et les travaux publics, en particulier, ainsi que l'augmentation du prix du pétrole et la baisse de l'euro par rapport au dollar, qui entraîne le renchérissement des importations, rendent non négligeable la possibilité de tensions inflationnistes au cours de l'année prochaine, tensions peut-être faibles, tensions difficiles à estimer, mais qui s'ajoutent aux incertitudes précédemment signalées.
Si le taux de croissance n'est pas de 3 %, il est évident que cela aura une incidence sur l'évolution du déficit. M. le rapporteur général s'est exprimé au nom de la commission des finances sur ce point, de même que des orateurs de toutes les sensibilités politiques, notamment M. Charasse.
Le déficit n'est pas simplement un phénomène comptable ; il a des incidences économiques. Un déficit qui s'accroît se traduit par des impôts, des difficultés et des charges supplémentaires.
Il faut savoir que, si la croissance doit effectivement se maintenir à 3 % en 2001, le déficit sera, non de 1 % du PIB, mais de 1,4 %, ce qui change évidemment la donne et laisse présager que le programme établi par le Gouvernement pour les années qui viennent sera naturellement décalé.
Je signale, après d'autres, que la France est quand même montrée du doigt par ses partenaires européens pour ne pas respecter les objectifs qui ont été assignés aux Etats membres de l'Union.
Je formulerai deux observations relatives à la politique qui sous-tend ce budget et selon laquelle il faut soutenir la consommation et les ménages.
Des mesures ont été prises. L'accroissement du niveau de l'emploi va, bien sûr, dans le sens de l'augmentation de la demande des ménages. Les mesures fiscales proposées sont, pour l'essentiel, dirigées vers les ménages. Or, on observe, et cela a été rappelé sur les différentes travées, des grippages au niveau de l'offre. Si notre croissance n'est pas plus élevée, c'est probablement parce qu'un freinage se manifeste au niveau de l'offre de travail. Les 35 heures jouent sans doute, mais aussi un certain nombre d'autres facteurs, qui ont été analysés dans le cadre d'autres débats. On peut donc se demander si la politique contenue dans ce budget est tout à fait adaptée et s'il n'aurait pas fallu, au contraire, tout en prenant des mesures en faveur des ménages - parce que la consommation est tout de même un facteur de la demande globale - ajouter un dispositif pour permettre aux entreprises de fonctionner, de créer des emplois, de se développer et de participer encore plus activement à la politique de résorption du chômage.
J'en viens à ma seconde observation. Je faisais remarquer tout à l'heure que le taux de croissance serait probablement non pas de 3,3 %, mais de 3 %, et que des incertitudes subsistent sur ce taux. Cela me permet de faire des observations sur la politique économique expansionniste qui est adoptée et qui vise à créer des dépenses supplémentaires de caractère pérenne - quand on embauche des gens, c'est pour trente ans ! - à partir d'estimations qui sont des estimations annuelles. La marge de manoeuvre que se donne le Gouvernement avec ce budget est donc étroite. Si, par mallheur, la croissance, même établie à 3 %, n'était pas au rendez-vous, les charges, elles, seraient là. On serait alors confronté à de graves difficultés, au niveau du déficit mais, surtout, au niveau des autres agrégats, avec des augmentations des taux d'intérêt et un certain nombre de conséquences de nature plutôt récessionnistes.
J'aurais pu formuler d'autres observations mais M. le président a déjà été généreux à mon égard étant donné le temps qui restait imparti à mon groupe.
Monsieur le ministre, je confirme, après notre vice-président Roland du Luart, que le groupe des Républicains et Indépendants ne suivra pas toutes vos propositions mais que, en revanche, il sera très attentif aux amendements présentés par la commission des finances, amendements qu'il votera avec beaucoup de conviction. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Flosse.
M. Gaston Flosse. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me bornerai à quelques considérations générales sur ce qui, dans le budget de la nation, concerne le plus directement l'outre-mer et la Polynésie française.
Tout d'abord, je constate, pour m'en féliciter, que la France reste fidèle à sa mission vis-à-vis des peuples d'outre-mer, en garantissant son appui technique et financier à ces parcelles de la République dispersées aux quatre coins du monde.
La solidarité nationale qui s'exprime permet à nos départements et territoires de faire l'envie des petits pays qui les entourent. C'est ce qu'oublient trop souvent les indépendantistes. Fort heureusement, ils ne trouvent pas chez nous la majorité qui leur permettrait d'obtenir l'indépendance qu'ils cherchent car ils trouveraient avec elle la misère qu'ils oublient.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. Gaston Flosse. Nos compatriotes d'outre-mer et de Polynésie française en particulier, mes chers collègues, sont plus sensés que certains idéologues pervers qui, de métropole, les incitent à quitter le giron de notre nation ! En tout cas, moi, je continuerai, avec mon mouvement, à me battre pour que la Polynésie reste française. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
L'augmentation du budget propre du secrétariat d'Etat à l'outre-mer ne reflète pas la totalité de l'évolution de l'effort de l'Etat en faveur de l'outre-mer. Je souhaiterais une nouvelle fois, comme, je le pense, tous mes collègues de l'outre-mer, qu'une récapitulation claire et concomitante à la présentation de la loi de finances puisse être faite, de manière que les parlementaires sachent exactement de quoi l'on parle dans ce domaine.
Certes, des gestes sont faits pour transférer quelques moyens d'actions, mais ils restent marginaux. Je note, par exemple, que le fonds de reconversion de la Polynésie française reste inscrit au budget du ministère de la défense, alors qu'il était envisagé, lors de la signature de la convention entre l'Etat et le territoire, de le transférer au budget du secrétariat d'Etat à l'outre-mer.
Or ce fonds est évidemment un moyens très important de développement et d'investissement public, maintenant qu'il n'est plus obéré par les dépenses militaires qu'il a financées jusqu'au milieu de cette année. Le ministère de la défense ne prélève plus désormais que les crédits correspondant à la prise en charge de la surveillance et du contrôle des sites d'expérimentation et du financement du service militaire adapté. Il paraîtrait logique que le fonds soit désormais géré par le secrétariat d'Etat à l'outre-mer.
Je saisis cette occasion pour noter qu'ici ou là - mais, vous l'aurez deviné, mes chers collègues, c'est plutôt là qu'ici - on critique l'avantage que représente, pour la Polynésie, l'existence d'un fonds de cette nature. M. Boucheron, par exemple, rapporteur à l'Assemblée nationale du budget de la défense s'étonne en ces termes : « Aucune autre collectivité territoriale de la République affectée par les nombreuses dissolutions d'unités accompagnant la professionnalisation des armées n'a bénéficié d'un traitement si généreux ! » Je suppose que M. Boucheron regrette que sa belle ville de Rennes, dont il est conseiller municipal, ou la Bretagne dans son ensemble, où il est conseiller régional, n'aient pas eu la chance d'être le site des expérimentations nucléaires ! (Sourires sur les travées du RPR.)
Nous, nous avons accueilli le Centre d'expérimentation du Pacifique pendant trente-deux ans. Quarante et un essais nucléaires atmosphériques et cent quarante essais nucléaires souterrains ont été effectués sur notre territoire. Est-ce toujours cela que M. Boucheron souhaite pour la Bretagne ?
Ma deuxième remarque concerne l'exécution des mesures prévues par la loi d'orientation pour le développement économique, social et culturel de la Polynésie française. Un compte rendu d'exécution des cinq premières années - 1994-1998 - a été présenté par le secrétaire d'Etat au Parlement, conformément aux dispositions du texte. Ce compte rendu fait apparaître le succès des mesures prises. J'invite mes collègues à en prendre connaissance.
Je regretterai seulement que, dans l'exécution du contrat de développement, plus de 50 millions de francs de crédits destinés au logement social n'aient pas été mis en place par l'Etat, alors que le secteur est, nous dit-on, prioritaire.
Je souhaiterais aussi que l'Etat, responsable des communes, leur accorde plus de moyens financiers, puisque c'est une préoccupation affichée par M. Christian Paul. Aujourd'hui, c'est le budget du territoire qui alimente l'essentiel du budget des communes. Je demande donc au secrétariat d'Etat à l'outre-mer d'augmenter la participation de l'Etat au fonds intercommunal de péréquation.
J'en viens à un autre moyen important de développement : les incitations fiscales à l'investissement privé. La loi Pons était indispensable compte tenu de la faible dimension des marchés de nos départements et territoires d'outre-mer, de leur éloignement, de leurs surcoûts.
Je ne peux que me réjouir que M. Christian Paul, reprenant les travaux de M. Jean-Jack Queyranne, ait pu mettre au point avec vous, monsieur le ministre, un nouveau mécanisme. J'émettrai à son sujet un regret : que les bateaux de croisière, qui avaient si bien relancé l'activité des chantiers de l'Atlantique, et qui représentent une activité nouvelle intéressante pour nos îles d'outre-mer, ne soient plus éligibles.
J'ajouterai une inquiétude : que la concurrence des différents autres types de défiscalisation ne réduise pas l'intérêt des détenteurs de positions fiscales pour les investissements outre-mer. La réussite du dispositif suppose en effet la rencontre de deux volontés : celle du promoteur et celle du financier. Si un seul d'entre eux n'y trouve pas son compte, il ne sera pas au rendez-vous et le projet ne se fera pas !
Enfin, je veux évoquer la difficile question des modalités d'affectation des aides de l'Etat. Une partie des sommes consacrées par ce dernier à l'outre-mer sert en fait à payer le fonctionnement des services et les investissements de l'Etat dans les départements et territoires d'outre-mer. Je n'en parlerai pas, sinon pour dire qu'il s'agit de l'exercice des compétences conservées par le gouvernement central, en fonction des statuts locaux, et non d'une aide.
L'autre partie des dépenses, versée en application de diverses conventions, comme les contrats de plan ou de développement, ou encore comme la convention de reconversion pour la Polynésie française, constitue une contribution directe au développement. Dans ce cadre, notre expérience en Polynésie me conduit à affirmer que c'est en jouant honnêtement et complètement la carte de la responsabilité des élus locaux que la meilleure efficacité est atteinte.
Dans le cas de la Polynésie française, dont l'autonomie est maintenant bien rodée et constitue un banc d'essai sans précédent, la loi elle-même a précisé les modalités d'intervention de l'Etat. Quels sont en effet les termes de la loi d'orientation pour le développement économique, social et culturel de la Polynésie française, que vous avez approuvée - je n'était pas encore sénateur - en 1994 ?
L'article 1er dispose que « La solidarité exprimée par la nation aidera le territoire de la Polynésie française. »
Puis l'article sur les orientations générales stipule que « L'Etat apportera, notamment dans le cadre du contrat de développement et des conventions prévues à l'article 8 de la présente loi, un appui technique et financier au territoire afin d'aider ce dernier à atteindre les objectifs de développement économique, social et culturel que le territoire a définis dans l'exercice de ses compétences. »
La Polynésie a pris ses responsabilités, fixé ses choix et réussi à passer d'une situation de quasi-faillite à un développement reconnu par tous. Faut-il citer l'agence internationale Standard and Poors, les rapports de l'Institut d'émission des départements d'outre-mer, le rapport du secrétaire d'Etat sur l'exécution de la loi d'orientation ?
Je pense que personne de bonne foi ne peut nier la réussite de notre politique concertée de développement. Et pourtant, il semble que certains nous le reprochent. Faut-il alors ruiner un pays pour mériter des compliments ?
Nul ne saurait critiquer les institutions nationales de s'assurer de la régularité de la dépense publique. En Polynésie comme dans les autres départements et territoires d'outre-mer, le dispositif de contrôle a priori puis a posteriori fonctionne. Mais, de grâce, que le Gouvernement ou son administration ne cherche pas à rétablir le tout centralisateur, comme au temps des colonies, pour imposer ses choix à 20 000 kilomètres de distance !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. Gaston Flosse. Les habitants et les élus d'outre-mer demandent un peu de respect : respect de leur compétences, respect de leur personnalité, respect de leurs choix. Je souhaite que cela inspire en permanence les réflexions et les actions du Gouvernement de la République, comme cela inspire les délibérations de la Haute Assemblée ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, à cette heure de la soirée, je voudrais d'abord remercier chaleureusement toutes celles et tous ceux qui sont intervenus dans cette discussion, ainsi d'ailleurs que ceux qui ne se sont pas exprimés. (Sourires.)
M. Jacques Machet. Merci !
M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. D'entrée de jeu, je voudrais exprimer nos remerciements - c'est un point qui nous rassemblera au début de cette discussion, qui sera longue et souvent austère - ceux du Gouvernement, comme, j'en suis sûr, d'une façon générale, ceux de la Haute Assemblée, à l'égard de tous ceux qui ont préparé ce projet de loi de finances et qui en suivent le déroulement. Je veux associer, espérant que vous ne serez pas choqués de cette synthèse, à la fois les services de l'Etat et ceux du Sénat,...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... puisque les uns et les autres, chacun avec la responsabilité qui est la sienne, travaillent pour l'intérêt général et pour le bien de la nation.
Avant de répondre aux divers orateurs, je présenterai quelques réflexions générales.
Tout d'abord, je voudrais, à l'intention des groupes de la majorité plurielle, dire combien le Gouvernement et moi-même sommes sensibles à leur soutien affirmé, même s'il est parfois présenté de façon nuancée - mais c'est la liberté de parole et cela tient à l'existence de la majorité plurielle.
Je tiens à leur préciser - cela allait de soi dans leur expression, même s'il n'en va pas toujours ainsi dans l'expression générale - que le budget que je présente, de même que les dispositions fiscales qu'il contient, est arrêté par le Gouvernement. Donc, à part une présentation tendant à personnaliser les choses - et c'est probablement la loi de la société moderne qui veut cela - je prends mes responsabilités - un certain nombre d'entre vous, dans des formules qui m'ont touché et qui m'ont amusé, m'ont d'ailleurs appelé, les uns, à la libération, les autres à je ne sais quoi - et je conduis bien sûr mon travail au nom du Gouvernement.
Je m'adresserai ensuite aux sénateurs de l'opposition, qui sont intervenus avec leur liberté de parole. Le budget est l'acte principal et, en général, il est de tradition - peut-être y aura-t-il des exceptions cette année - que l'opposition ne vote pas massivement le budget. (Sourires.) Mais j'ai noté dans ces formes d'opposition - peut-être était-ce dû à la différence des groupes et des individus ? Je n'ai pas à juger, et je ne me lancerai pas dans cette herméneutique, des différences d'approche. Mais n'est pas Saint-Just ou Fouquier-Tinville qui veut. D'ailleurs, cela se termine souvent mal pour les intéressés ! Certains, même si c'est dans le climat feutré de cette assemblée, ont procédé à des affirmations péremptoires, à des critiques définitives - en période révolutionnaire, il aurait fallu que je fasse attention, me disais-je (Sourires) - les autres étant plus nuancés, car connaissant les difficultés de l'exercice et - c'est le plus important - la situation réelle du pays. En effet, mesdames, messieurs les sénateurs de l'opposition, à entendre certaines de vos descriptions, je me demandais comment pouvait être, la France parmi les grands pays d'Europe, celui qui a la plus forte croissance, celui qui, depuis trois ans, a réduit de près d'un million de personnes le nombre de chômeurs,...
M. Michel Sergent. Eh oui !
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... celui que les entreprises étrangères choisissent pour investir. La description que certains d'entre vous faisaient de notre territoire était telle que j'avais l'impression qu'il ne s'agissait pas exactement du pays que je connaissais. J'étais, dans mon esprit peut-être un peu trop logique, frappé par le fait que la réduction du chômage était considérée comme un détail, un acquis.
Sauf que, depuis une vingtaine d'années, tous les gouvernements, de droite comme de gauche - et je suis bien placé pour en parler - ont essayé de réduire le chômage ! Jusqu'à présent, ils n'y étaient pas parvenus. (Eh oui ! sur les travées socialistes.) Par conséquent, la réduction du chômage enregistrée par ce gouvernement n'est pas un détail sur lequel on peut passer sans s'y arrêter !
J'ai noté également une espèce de rupture logique. En effet, si l'on soutient, comme plusieurs d'entre vous l'ont fait - je le comprends et j'assume -, que ce qui ne va pas en France est de la responsabilité du Gouvernement, il faut alors, avec la même logique, considérer que ce qui va mieux, en particulier du point de vue de l'emploi, ressortit également à la responsabilité du Gouvernement.
M. Roland Courteau. Exactement !
M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Mais il serait un peu trop facile - et ce n'est pas l'habitude du Sénat de sombrer dans la facilité - de soutenir que ce qui va est dû à la conjoncture internationale alors que ce qui ne va pas encore relève de la responsabilité du Gouvernement. (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes.) Je propose donc que l'on soit un peu plus rigoureux dans l'analyse et que l'on prenne la situation comme elle est.
Je répondrai maintenant aux divers orateurs, et, si vous n'y voyez pas d'inconvénient, mesdames, messieurs les sénateurs, je le ferai dans l'ordre inverse des interventions, en commençant par celle de M. Flosse. Ce dernier, comme c'est bien compréhensible, s'est exprimé essentiellement à propos de l'outre-mer, en particulier de la Polynésie française. N'étant pas un spécialiste de ces questions, je n'ai pas suivi dans le détail ce qu'il disait à propos du député M. Boucheron. Mais, connaissant le sérieux de ce dernier et ayant cru comprendre - mais peut-être me suis-je trompé - que l'intervention de M. Flosse était critique à cet égard, j'ai tout de même tendance à faire confiance à M. Boucheron.
J'ai en revanche entendu M. Flosse saluer l'effort réalisé, même s'il peut y avoir telle ou telle insuffisance, par M. Queyranne, à qui je transmettrai le compliment, puis par son successeur M. Paul, en direction de l'outre-mer, et singulièrement de la Polynésie. Je tiens à dire à M. Flosse que le Gouvernement honore ses engagements, ce qui est tout à fait normal, qu'il est attentif à l'outre-mer et qu'il continuera de l'être.
M. Bourdin a développé de façon très précise les hypothèses économiques ou, plutôt, une certaine réserve qu'il avait par rapport aux hypothèses économiques arrêtées par le Gouvernement. Mais, en même temps, M. Bourdin a eu l'honnêteté de dire - c'est la loi du genre du point de vue budgétaire - que ces prévisions, au moment où elles ont été arrêtées, correspondaient au consensus.
Nous n'allons pas nous disputer à une décimale près, même s'il souhaite certainement comme moi que la décimale soit la plus haute possible. Je ferai néanmoins remarquer que j'ai entendu plusieurs d'entre vous citer, cet après-midi, l'OFCE, organisme avec lequel vous travaillez sans doute. Or, tout d'un coup, une certaine discrétion apparaît lorsqu'il s'agit des prévisions de croissance de l'OFCE ! Mais, monsieur Bourdin - vous me corrigerez si je me trompe - la dernière prévision de croissance de l'OFCE pour 2001 est de 3,7 %. Alors, là aussi, on prend ou on ne prend pas ! Mais c'est un peu difficile de prendre d'un côté et de laisser de l'autre !
Pour ma part, je suis plus prudent. La direction de la prévision, la direction du budget et l'INSEE sont certes très compétents, mais je me suis habitué - c'est l'avantage du grand âge (Sourires) - à ne pas retenir, en général, ce qui vient directement des services et à essayer de trouver le point moyen des prévisions communiquées par lesdifférentes institutions, qu'elles soient françaises ouétrangères.
S'agissant des prévisions de croissance, nous disposons de quelques éléments récents. La Commission européenne, hier, je crois, a évoqué, pour 2001, une croissance de 3,1 %, les chiffres communiqués par le FMI et l'OFCE étant respectivement de 3,25 % et de 3,7 %. A partir de cela sera-ce 3,3 %, un peu plus ou un peu moins ? En tout cas, c'est la zone prévisible.
Monsieur Bourdin, si la croissance était inférieure, comme vous l'anticipez, de 0,3 % à la cible affichée, cela n'aurait heureusement pas les conséquences que vous avancez. Ce serait en effet non pas 0,4 % de PIB de déficit supplémentaire mais en réalité quatre fois moins dans l'hypothèse la plus défavorable. De toute manière, on arrête les prévisions et on le fait le plus honnêtement possible, mais, en même temps, les mécanismes sont tels que ce n'est pas une science tout à fait exacte.
S'agissant des prix, j'ai une certaine différence d'appréciation avec vous, monsieur Bourdin ; mais vous n'avez pas été très long sur ce point, et peut-être suis-je trop schématique dans mon jugement.
Tous les observateurs reconnaissent, je crois, que l'inflation sous-jacente est très maîtrisée en France, beaucoup plus que chez nos voisins. Les pays dont vous avez parlé, pour les vanter m'a-t-il semblé - l'Espagne, entre autres - ont un fort taux d'inflation, ce qui est peut-être porteur de conséquences pour le niveau actuel de l'euro. J'espère donc que les éléments qui peuvent déterminer l'inflation ne se déclencheront pas en France. En tout cas, pour le moment, nous ne voyons pas cela dans nos comptes.
Pour le reste, je remercie M. Bourdin de son intervention, qui était assez nuancée. Il sait les difficultés de ces exercices. Nous allons nous employer à ce que la fourchette haute l'emporte, puisque tout le monde en serait heureux.
M. Deneux, comme beaucoup d'entre vous, a évoqué la dette et les investissements publics.
M. Deneux qui, visiblement, connaît très bien le sujet de la dette, sait aussi que le poids de la dette publique - il ne l'a d'ailleurs pas nié - a augmenté de manière continue depuis 1978, ce qui signifie, au terme d'un rapide calcul que, en 1998, cette situation durait déjà depuis vingt ans. Et un examen attentif des chiffres, comme celui auquel s'est livré M. Deneux, montre que l'inversion de la spirale de la dette est engagée exactement depuis 1998 - pas assez, sans doute, et, sur ce point, je ne serai pas loin d'être d'accord avec lui. Mais tout de même, en présence d'une courbe suivant un mouvement ascendant pendant vingt ans et un mouvement descendant depuis deux ans, convenez qu'on a le choix : soit on souligne que le second mouvement n'est pas assez fort, soit on met en avant l'existence d'un coude, lequel date d'ailleurs de deux ans.
En tout cas, si nous voulons, comme c'est indispensable - je rejoins d'ailleurs sur ce point les observations de la quasi-totalité des orateurs - aller vers une réduction de la « dette », mot prétentieux signifiant qu'il faudra bien un jour payer - cela représente X francs par Français, à cela près que, comme cela a été exposé avec beaucoup de talent par M. le président de la commission des finances, ainsi que par M. Charasse et beaucoup d'autres, le paiement n'est pas immédiat : il est reporté sur ceux qui viendront après nous, ce qui n'est tout de même pas la définition principale de ce qu'est la solidarité - si nous voulons, disais-je, comme j'y suis extrêmement attaché, réduire la dette publique, il nous faut aller vers l'équilibre des finances publiques en 2004. Cela nécessite des efforts, et il faut en particulier écarter les contradictions : on ne peut, d'un côté, plaider en faveur d'une réduction des déficits, et, de l'autre, demander une augmentation des dépenses ponctuelles. Qu'il y ait une schizophrénie latente chez beaucoup d'entre nous, soit ; mais, en politique, il ne faut pas en faire une théorisation !
Il nous faut donc, pour aller vers l'équilibre des finances publiques, poursuivre les efforts, et j'espère que, sur ce point, les uns et les autres, vous nous soutiendrez.
M. Deneux a insisté aussi sur l'investissement public. Je n'ai pas exactement les mêmes chiffres que lui, même si je reconnais évidemment qu'il y a toujours des progrès à faire en la matière. Toutefois, ce budget comporte une part d'investissement qui progresse de plus de 2 %, soit un taux nettement plus important que la progression moyenne des dépenses.
M. Oudin est intervenu d'une façon qui n'était pas nécessairement la plus nuancée... Il a critiqué le fonctionnement de l'Etat, et il parle d'expérience. Cela étant, nous essayons, monsieur Oudin, d'améliorer les choses, et je suis sûr que vous serez très attentif au moment où votre assemblée, comme l'Assemblée nationale, prendra à bras-le-corps la réforme de l'ordonnance du 2 janvier 1959, qui est tout de même la constitution financière de la Ve République. On a souvent modifié la Constitution de la Ve République, mais jamais sa constitution financière. Nous allons donc nous y attacher...
M. Michel Charasse. Bien !
M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... et, vous ayant entendu, je ne doute pas - ou alors, ce serait vraiment contradictoire - que nous aurons, à ce moment-là et sur ce texte-là, votre soutien.
Je voudrais aussi vous rendre attentifs au fait que j'ai annoncé la réforme du code des marché publics - elle entrera en vigueur l'année prochaine - et que le ministère des finances lui-même se réforme, même s'il y a encore beaucoup de progrès à accomplir sur ce point.
M. Michel Charasse. Oh oui !
M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Nous n'avons pas les mêmes chiffres - mais je pense que les nôtres sont exacts, ce qui, par contrecoup, signifie ce que je pense des vôtres - en ce qui concerne les prélèvements obligatoires. Non, ils n'augmentent pas !
Je sais bien qu'un de mes prédécesseurs, que vous avez un peu moqué, disait - et c'était vrai, mais en même temps difficile à expliquer - que les prélèvements obligatoires allaient dans un sens et les impôts dans un autre. Cette fois-ci - et certains nous l'ont reproché, mais nous l'assumons et, même, nous le revendiquons - il y a à la fois une certaine baisse des impôts et une baisse des prélèvements obligatoires.
Au demeurant, plusieurs orateurs, notamment MM. Foucaud et Loridant, ont dit qu'une des raisons pour lesquelles l'exercice budgétaire nétait pas facile était qu'il y avait simultanément réduction des impôts et des prélèvements obligatoires.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Non !
M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Voilà qui fait litière de l'observation - ce n'est d'ailleurs pas au Sénat mais à l'Assemblée nationale qu'elle a été formulée récemment, mais ce sont des choses qui ne devraient pas se dire entre nous tant elles sont schématiques - selon laquelle il y a eu une augmentation des prélèvements de 400 milliards de francs, ou de 500 milliards de francs, que sais-je encore, depuis trois ou quatre ans.
Non ! Si nous avions le temps de regarder ce qui se passe dans chacune de nos communes, dans chacun de nos départements et dans chacune de nos régions, nous observerions, pour nous en réjouir, que, compte tenu de la croissance que nous connaissons depuis trois ou quatre ans, la masse des prélèvements a évidemment augmenté. Mais, quand on se livre à l'exercice sérieux auquel nous nous astreignons depuis ce matin, on ne peut pas dire qu'il y a une baisse ou une augmentation des impôts, car il faut évidemment raisonner à législation et situation économique constantes. Il y a suffisamment de sujets sur lesquels nous pouvons sérieusement discuter pour ne pas nous permettre ces approximations !
M. Charasse est intervenu avec beaucoup de force. Il a retenu votre attention, je l'ai bien senti, et il nous a dit, en tant qu'ancien responsable du budget très averti de tout cela, des choses que je comprends.
Il a raison sur le fait que nous devons tenir nos engagements. Mais il est vrai que, parmi les principes auxquels on croit, lorsqu'on s'engage en politique, il y a le principe de non-contradiction : on ne peut pas faire une chose et son contraire !
A partir du moment où nous voulons développer l'emploi, ce qui suppose d'encourager la croissance, dans le même temps, nous devons donc opérer une certaine réduction des déficits publics, non pas pour des raisons théologiques mais parce que tout est lié, ce qui signifie un certain nombre de choix.
Comme le disait ce grand économiste qu'est Gide - Charles, pas André (Sourires) ... -, « ce qui coûte, dans les choix, ce n'est pas ce qu'on élit, c'est ce qu'on n'élit pas ». Eh bien oui, c'est le triste lot des responsables des finances, lot qu'a connu M. Charasse et dont il se souvient aujourd'hui.
Quant à Turgot, là, l'interprétation est libre ! Je me souviens d'ailleurs de ce que disait Edgar Faure - je ne saurais l'imiter, car de même que, à propos du départ du secrétaire général du ministère de l'éducation nationale, il disait : « M. Laurent est irremplaçable, donc il ne sera pas remplacé », il est lui-même inimitable -, je me souviens, dis-je, de ce que disait Edgar Faure alors qu'on l'interrogeait sur la Terreur : « Il y a deux hommes qui auraient pu épargner la Terreur : Turgot, mais il était mort, et moi-même, mais je n'étais pas encore né. » (Sourires.) Je pensais à cela en écoutant Michel Charasse : comparaison n'est pas raison, par conséquent, laissons cela de côté.
Aujourd'hui, il est vrai que le Gouvernement doit faire preuve de courage, de vérité, et M. Charasse, dans son énumération historique, a d'ailleurs oublié Jean Jaurès : « Le courage, c'est de connaître la vérité et de la dire. » (M. Charasse opine.)
M. Loridant est intervenu essentiellement à propos de la Banque centrale européenne, dont l'orientation actuelle ne semble pas recueillir ses préférences. (Sourires.)
Il l'a critiquée, ce qui n'est pas nouveau, mais il a le mérite d'être cohérent car je me rappelle que, lorsque cette institution a été créée, il y était déjà opposé.
Au demeurant, n'y a-t-il pas quelque ironie - je le dis de façon plaisante, parce que M. Loridant est un homme que j'estime et que des relations d'amitié nous lient - à avoir combattu le franc fort et à condamner l'euro faible ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est vrai !
M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je crois qu'en la matière certains ajustements pourraient être opérés, ce qui donnerait encore plus de force à la thèse.
S'agissant de l'euro, même si tel ou tel regret peut être émis par rapport à son niveau actuel, sa création, ne l'oublions jamais, a rendu de grands services à la France. Depuis son instauration, en janvier 1999, et même dans la période qui a précédé, nous avons connu, sur le plan mondial, des crises financières : en Asie, en Russie, en Amérique latine, etc. Or notre monnaie est restée impavide et nos taux d'intérêt - même si, à certains moments, on peut regretter qu'ils soient trop élevés - n'ont tout de même pas entravé la croissance, à preuve les chiffres que nous enregistrons depuis quelques années.
Je pense - et je suis tout à fait prêt à en discuter avec M. Loridant s'il en a le loisir - que nous n'aurions pas connu cette stabilité monétaire, en tout cas entre les différents pays de la zone euro, si, par définition, l'euro n'avait pas été institué. Disant cela, je pense à un débat qui prendra sans doute de plus en plus d'ampleur au fur et à mesure que nous allons nous rapprocher du 1er janvier 2002 : quand on entend parler de l'euro, ce sont toujours les mêmes termes qui reviennent - faiblesse, diminution, menace - mais on fait alors exclusivement allusion à la valeur externe de cette monnaie et à son cours par rapport au dollar.
Je ne dis pas que c'est sans importance, mais, pour ce qui nous intéresse plus directement, c'est-à-dire le pouvoir d'achat des Français, nous ne devons pas laisser s'accréditer l'illusion que, parce que le cours de l'euro aurait diminué depuis quelques semaines, cela menacerait le pouvoir d'achat des Français par rapport à une situation irénique où ils se seraient trouvés si l'euro n'avait pas existé et que nous étions resté en francs.
Songeons tout de même que 90 % de nos échanges se font avec nos voisins européens, qui sont nos partenaires dans l'euro ! De ce point de vue, qu'il s'agisse des entreprises ou des particuliers, la stabilité absolue existe désormais, avec des effets très positifs.
Même si je ne pense pas convaincre M. Loridant sur ce point, je voulais tout de même lui dire à quel point l'euro est une décision utile, même si, bien évidemment, dans le fonctionnement même du système, de grands progrès restent à accomplir. En tout cas, je suis à sa disposition pour en discuter.
M. Laffitte et M. Trégouët sont intervenus essentiellement sur l'UMTS. Peut-être puis-je leur répondre d'un mot en disant qu'au moment où nous avons opéré le choix de la procédure d'attribution des licences detroisième génération et, en liaison avec l'Autorité de régulation des télécommunications, fixé les montants, je crois me rappeler - je suis même sûr de me rappeler - que certains nous reprochaient plutôt la faiblesse des montants envisagés.
Certains nous disaient : « Ah ! que n'avez-vous choisi les enchères à la britannique ou à l'allemande ! » D'autres répondaient : « Les enchères ne sont pas la meilleure méthode et, s'il s'agit de mettre ultérieurement les entreprises sur le flanc pour encaisser dans un premier temps un gain plus important, à terme, c'est l'usager qui paiera. »
Il y avait donc deux critiques de sens contraire, comme c'est souvent le cas en politique, vous le savez très bien. Les uns disaient : c'est trop ; les autres rétorquaient : ce n'est pas assez.
Compte tenu du déroulement des enchères tel que nous avons pu l'observer dans d'autres pays, je pense que nous avons eu plutôt raison de ne pas nous lancer dans ce que Molière aurait appelé une galère.
La procédure que nous avons retenue me semble être conforme aux intérêts des usagers - et c'est ce qui compte d'abord - sans être contraire aux intérêts des entreprises. Au demeurant, elle n'est pas achevée : maintenant, des propositions vont être présentées, et l'Autorité de régulation des télécommunications se prononcera.
Même si, je le constate, MM. Laffitte et Trégouët n'ont pas exactement la même position sur ce point, ils m'ont tous deux demandé si les conditions d'attribution permettront d'assurer une desserte équilibrée de tout le territoire.
Pour en avoir longuement discuté avec le président de l'ART, pour connaître sa position sur ce point, pour avoir écouté vos collègues de l'Assemblée nationale, pour vous avoir entendus cet après-midi - et ce que vous avez dit sur ce point est extrêmement important - je suis convaincu que ce critère de l'aménagement du territoire sera au centre des décisions qui seront prises. Pour ma part, je considère en effet, je le répète, que ce critère est extrêmement important, parce qu'il ne s'agit pas d'avoir une France à deux vitesses avec, d'un côté, les plus grandes villes bien desservies et, de l'autre, les campagnes qui ne le seraient pas.
M. Michel Moreigne. Très bien !
M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. M. Puech est intervenu sur plusieurs sujets, en particulier pour dire que l'exclusion lui semblait s'accroître dans le pays.
Je serai plus nuancé. Le fait qu'il y ait près d'un million de chômeurs en moins dans le pays signifie qu'il y a moins d'exclusion mais, en même temps - c'est là que M. Puech a sans doute raison ce n'est pas parce qu'il y a plus d'emplois que, pour autant, l'exclusion a disparu. En effet, beaucoup de Françaises et de Français sont encore sans emploi et, même parmi ceux qui travaillent, certains le font dans des conditions telles que l'on parle de « travailleurs pauvres », et ce n'est pas là une formule en l'air.
M. Puech a été assez critique sur les baisses d'impôts, qui ne trouveraient pas, selon lui, de traduction concrète. Je vérifierai volontiers ce qui se passe dans son département de l'Aveyron et dans sa région.
Les Aveyronnais doivent être en train de recevoir leur avis de taxe d'habitation ; il m'étonnerait - s'il a une indication contraire, il me la donnera - qu'ils ne bénéficient pas des baisses de taxe d'habitation dont bénéficient des millions d'autres Français ! Par ailleurs, même si l'on se plaint parfois des routes dans l'Aveyron, il y a tout de même, dans ce département, pas mal d'automobilistes, et ceux-ci n'auront pas à payer la vignette. Enfin, il y a aussi en Aveyron pas mal de gens qui paient l'impôt sur le revenu.
Si l'on peut estimer que tout cela est insuffisant, il y a tout de même un mouvement positif en matière de baisse d'impôt.
M. de Villepin a parlé des difficultés de l'euro et de la nécessité d'une plus grande coordination économique. Sur ce dernier point, il sait bien, puisque nous en avons souvent parlé, que je suis l'un de ceux qui soutiennent le mouvement en ce sens. Ce n'est pas facile, car on oublie souvent, quand on parle de l'Europe - ce n'est pas le cas de M. de Villepin - que, par définition, la France ne peut pas décider toute seule. C'est un peu dommage, mais c'est la loi du genre ! (Sourires.)
Il faut donc, lorsque nous prenons des initiatives, qu'elles soient soutenues par les autres partenaires, et certains sont beaucoup moins allants que nous sur ce sujet, il le sait bien.
M. de Villepin - c'est un trait commun avec bien d'autres orateurs - a fait une description très élogieuse de la situation allemande en matière de finances publiques, de déficit, de fiscalité, etc. Je ne tiendrai évidemment aucun propos critique à cet égard, compte tenu des liens d'amitié qui m'unissent à mon ami Hans Eichel, qui me disait d'ailleurs que, lorsqu'il va devant le Parlement allemand, nombre d'élus, en particulier au sein de la gauche, lui disent : « Ah ! si vous pouviez faire comme en France ! » (Sourires.)
M. Josselin de Rohan. Il s'en garde bien !
M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Bon !... On sait bien qu'il y a une espèce de tradition selon laquelle les bons socialistes sont ceux des autres ! (Sourires.)
J'ajoute que, quand on considère - comme vous l'avez certainement fait avec précision - l'évolution des finances publiques en Allemagne, on constate que, si des efforts ont bien été accomplis, il y aura néanmoins, l'année prochaine, une dégradation du solde public...
M. Michel Charasse. Absolument !
M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... qui passera, si ma mémoire est exacte, de moins 1 % à moins 1,5 %. L'Allemagne s'en est expliquée. Mais on ne peut pas, d'un côté, dire - comme c'est mon cas - que notre objectif, c'est la réduction des déficits et faire de l'autre, dire qu'il faut comme l'Allemagne, où l'on constate, pour l'accepter d'ailleurs, une dégradation l'année prochaine.
Quant au plan Schroder-Eichel en matière d'impôt, plusieurs d'entre vous ont estimé qu'il était exemplaire. Je ne porterai pas de jugement. Il est certainement très intéressant. Mais si l'on compare simplement les montants - ils portent sur sept ans en Allemagne et sur trois ans plus cette année, c'est-à-dire quatre ans, chez nous -, on constate qu'ils sont, annuellement, plus importants en France.
S'agissant de la répartition entre les ménages et les entreprises, je me souviens avoir entendu tel ou tel responsable du MEDEF dire qu'en Allemagne, pour les entreprises, c'était magnifique. J'ai étudié de très près la question : il y a, certes, des baisses de taux, mais qui sont compensées par des extensions d'assiette.
Par ailleurs, en Allemagne les personnes privées ne bénéficient pas de l'abattement de 20 %. Quand on entend parler du taux marginal de 42 %, il faut donc corriger.
Ce qui se passe en Allemagne doit être suivi avec beaucoup d'intérêt, d'autant que c'est notre premier fournisseur et notre premier client, et que c'est le plus grand pays d'Europe. Et si, quand c'est positif, il faut le constater, ce n'est pas parce que ce serait positif en Allemagne que ce serait négatif en France.
Comme je sais, monsieur de Villepin, que vous n'êtes pas suspect de préférer tel autre pays au nôtre (rires) , je voulais vous dire cela gentiment, en vous incitant à regarder la réalité économique telle qu'elle est.
M. Sergent a fait preuve de beaucoup de précision, de talent, de force de conviction. Je serais d'ailleurs heureux qu'il me remette le texte de son intervention ; je l'enverrais volontiers aux maires de mon département, comme d'autres le feront peut-être dans le leur.
M. Sergent a dit qu'il soutenait, bien sûr, ce projet de budget et il a fait valoir qu'en matière de collectivités locales un effort important était fait. Peut-être aurait-on pu penser, bien sûr, à tel ou tel autre complément, mais, par rapport à des budgets que nous avons connus, singulièrement dans la période précédant 1997, il y a un mieux, qui se traduit évidemment par une certaine dépense.
Les maires, qui sont des personnes justes et dotées du sens commun, verront bien qu'un effort est fait, même s'il y a encore beaucoup de progrès à accomplir, notamment sur le plan de la fiscalité locale, chantier que M. le Premier ministre m'a demandé de regarder de près, avec le ministre de l'intérieur.
M. Foucaud, qui est mon « pays » (sourires) , est intervenu avec beaucoup de force. Il a évoqué, en particulier, les questions de fiscalité, de TVA, d'impôt sur les sociétés, de déficit.
S'agissant de la TVA, je lui rappelle, car il sait très bien tout cela, que nous avons, en 2000, opéré deux mouvements. Nous avons, d'abord, diminué la TVA d'un point, ce qui représente, si ma mémoire est exacte, 31 milliards de francs. Nous avons par ailleurs décidé - je crois que c'était extrêmement utile - de faire passer la TVA sur les travaux dans les habitations de 19,6 % à 5,5 %.
Ces deux mouvements cumulés représentent 60 milliards de francs, c'est-à-dire, à 1 milliard près - en plus ! -, l'équivalent de l'augmentation de deux points de TVA que M. Madelin, qui désormais poursuit d'autres ambitions et qui plaide pour la baisse des impôts, avait décidée. (Sourires.) Autre temps, autre pratique ! Enfin, mettons le manteau de Noé sur tout cela !
M. Michel Charasse. C'est le devoir de mémoire !
M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Oui, c'est cela ! En tout cas, nous avons en quelque sorte supprimé l'augmentation de 60 milliards de francs décidée par le gouvernement précédent.
M. Foucaud s'est demandé s'il n'aurait pas fallu agir sur la TVA plutôt que sur la fiscalité directe. Nous en avons beaucoup discuté au sein du Gouvernement. Les masses disponibles n'étant pas infinies, nous avons pensé qu'il fallait, cette année et l'année prochaine, centrer notre action sur l'impôt direct et les cotisations, parce qu'il y avait nombre d'abus à réduire dans ce domaine.
Je suis sûr que M. Foucaud apprécie la mesure qui a été prise concernant la CSG, comme celle qui porte sur l'impôt sur le revenu pour les petits et moyens contribuables, même si je le sens plus réservé en ce qui concerne les tranches les plus hautes du barème. (Sourires.)
En fait, je crois que les mesures touchant la TVA - nous devons y réfléchir, et je suis à votre disposition, monsieur Foucaud, ainsi que mon administration, pour ce faire - sont intéressantes lorsqu'elles sont ciblées.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Nous vous présenterons des mesures ciblées, monsieur le ministre ! (Rires.)
M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je n'en doute pas !
Lorsque les mesures sont générales, elles risquent de se perdre un peu dans les sables.
En ce qui concerne les mesures ciblées, il faut, bien sûr - c'est là notre triste lot, à vous, spécialistes des finances, à moi, qui essaie de le devenir (Sourires) - faire les additions, savoir quelle est la dépense, quelle est la recette - mais cela, nous connaissons ! - afin que tout soit en équilibre.
Il en va de même que pour les collectivités locales, monsieur Foucaud, vous qui êtes très précis lorsqu'il s'agit de votre propre ville. Ce qui vaut au niveau local n'est pas très différent, vous le savez, de ce qui vaut au niveau national.
En tout cas, j'ai été très attentif à vos propos, à votre soutien comme à vos réserves sur plusieurs points, comme c'est évidemment normal dans notre majorité plurielle.
Vous avez insisté sur ce que vous avez appelé « les contreparties des impôts ». C'est un langage qui doit être tenu.
Le Gouvernement souhaite qu'il y ait une réduction parce que, structurellement, les impôts sont devenus lourds en France. Mais il faut mieux expliquer - trop souvent, nous ne le faisons pas - à quoi servent les impôts, car ce qui choque les Français ce n'est pas seulement le poids des impôts, c'est aussi l'impression qu'ils ont que ces impôts vont dans un puits sans fond. Il faut savoir qu'il y a en face des éducateurs, des infirmières, des policiers, etc.
Je pense que la Haute Assemblée sera attentive à ce rôle pédagogique vis-à-vis de l'impôt, la pédagogie étant évidemment le contraire de la démagogie.
M. Paul Girod est intervenu sur plusieurs sujets, mais notamment sur les déficits et sur la réforme des collectivités locales. Je lui confirme qu'il devrait y avoir, en 2001, une réduction du déficit par rapport à 2000. Je confirme aussi que nous sommes tout à fait déterminés à aller vers la réforme des collectivités locales.
M. du Luart nous a mis en garde contre le déficit. Il a dit que le taux de croissance de 3 % lui paraissait assez difficile à atteindre. J'espère que ses réserves seront levées par les faits.
Il a fait - c'est un point commun avec M. Charasse - une comparaison audacieuse avec le prion.
M. Roland du Luart. Ce n'était pas concerté !
M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. D'ailleurs, s'il a utilisé plusieurs fois le substantif, il a aussi, de temps en temps, utilisé le verbe conjugué.
En tout cas, si M. du Luart pense que nous bénéficions de la croissance sans efforts, je n'aurai pas de mal à le persuader du contraire, en disant que ce sont tout de même les efforts faits par les Français qui expliquent que nous soyons parmi ceux qui sont en tête de la croissance en Europe depuis maintenant quelques années.
Evidemment, si nous voulons continuer, il faut que nous maintenions un certain nombre de règles, que nous ne nous laissions pas aller à je ne sais quelles dérives que le Gouvernement ne souhaite pas.
M. du Luart, au début de son propos, a parlé, me semble-t-il, des armées.
M. Roland du Luart. En effet !
M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je suis sûr que, lorsque nous discuterons du budget de la défense, il sera attentif au fait que, si la défense doit recevoir les moyens nécessaires, dans le même temps, elle représente un élément non négligeable dans l'addition d'ensemble. Mais il le sait bien.
M. Durand-Chastel est intervenu sur bien des sujets : les collectivités locales, les sports, les affaires étrangères, etc.
Sur les collectivités locales, je n'ai rien à ajouter à ce que j'ai dit tout à l'heure, si ce n'est pour relever - mais je reconnais que, cet après-midi, il a été l'un des seuls à se livrer à cet exercice - qu'au début de son propos il a critiqué l'excès de dépenses et qu'il a ensuite proposé d'augmenter ces mêmes dépenses.
C'était vrai pour le budget de la jeunesse et des sports, c'était vrai pour le budget des affaires étrangères. Je pensais en écoutant M. de Rohan demander que je sois « libéré », que M. Durand-Chastel offrait en définitive une image assez proche de ce que certains d'entre nous feraient s'ils étaient « libérés » ! (Sourires.)
M. Arthuis a insisté, et je l'en remercie, sur l'ordonnance du 2 janvier 1959, sur la question de l'éducation, sur la difficulté de l'exercice budgétaire, difficulté qu'il connaît bien pour l'avoir pratiquée.
Il nous a dit, et je pense que la formule était sévère, voire injuste, que la France était le mauvais élève de l'Europe. Elle l'était assurément en 1997 puisque vous vous rappelez très bien que la France était la dernière de la zone euro et qu'elle ne s'est qualifiée à l'euro que grâce à la fameuse soulte de France Télécom, sujet que M. Arthuis connaît mieux que moi. (Sourires.)
Je voudrais lui dire, toujours par référence à cette comparaison franco-allemande, qu'en 2001 il est prévu que notre déficit s'élève à 1 % du PIB ; il sera de 1,5 % en Allemagne.
En ce qui concerne la progression de la dette - il connaît les chiffres comme moi - de 1993 à 1997, le poids de la dette publique est passé de 40 % à 60 % du produit intérieur brut, et de 1998 à 2001, il est passé de 60 % à 57 %. Mais je sais l'attention que porte M. Arthuis à toutes ces questions et je serais heureux qu'il nous apporte son soutien lorsque nous réviserons l'ordonnance de 1959.
M. de Rohan est intervenu en particulier pour nous dire que, finalement, l'Allemagne était mieux gérée que la France. Je transmettrai ce compliment à mes amis socio-démocrates. Si les Allemands font de gros efforts, la France en fait aussi.
Il a évoqué des relations très difficiles entre l'Etat et la sécurité sociale : nous essayons tout de même de lesaméliorer.
M. de Rohan a également relevé une baisse très faible des emplois au ministère de l'économie et des finances. L'engagement a été pris au nom de l'Etat, à la suite des conflits qui ont marqué le ministère de l'économie et des finances et motivé le départ de M. Sautter, d'une stabilité des effectifs...
M. Michel Charasse. Cette année !
M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... pour l'année 2001, et cet engagement est respecté, comme cela est tout à fait normal.
M. Josselin de Rohan. Hélas ! C'est un mauvaisengagement !
M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. M. de Rohan a cité en outre ce qu'il considère être des exemples de gabegie dans le domaine de l'éducation nationale. Il s'agit évidemment de sujets très importants, mais que l'on ne peut traiter rapidement, car je suis sûr que, si nous avions le temps d'examiner ces questions, vous seriez l'un des premiers, monsieur de Rohan, à juger que, dans votre région, votre département ou telle commune que vous connaissez bien, des besoins existent, peut-être même des besoins en personnels supplémentaires. Je pense donc qu'il faut regarder cela avec un esprit d'équité : il existe des ministères où des besoins se font sentir ; il en est d'autres où l'on peut procéder à des réductions d'effectifs. Tel est l'état d'esprit qui nous anime, mais dire d'entrée de jeu que, dans l'éducation nationale, il faudrait procéder avec je ne sais quel sabre - M. de Rohan n'a toutefois pas employé cette expression - me semble injuste.
S'agissant des prélèvements obligatoires, c'est là une notion qu'il faut manier avec prudence, d'un côté comme de l'autre, car elle varie tellement en fonction du rythme de la croissance que l'on a parfois de mauvaises surprises.
Enfin, dans les prévisions que nous avons faites, compte tenu de l'évolution générale de la croissance et des décisions que nous prenons en matière fiscale, on devrait normalement constater une diminution desprélèvements obligatoires. C'est sur cette base que nous travaillons.
J'ai été très sensible, venant de M. de Rohan, à son appel à ma propre libération. Je me sens très libre, monsieur le sénateur, mais j'ai pris cet appel comme un compliment d'autant que je sais d'expérience, comme tous ceux qui siègent dans cet hémicycle, qu'on n'est pas compromis par un seul compliment. (Sourires.)
M. Angels a apporté le soutien de son groupe à cet exercice. Il l'a fait avec beaucoup de précision et en même temps une grande mesure, en défendant, et je lui en sais gré, la nécessité de réduire les déficits et de - j'ai retenu cette formule - « sans cesse penser à la durée ». Je crois qu'il a tout à fait raison. Quand on connaît très bien, comme c'est son cas, les questions financières, on sait qu'une action financière ne se juge que dans la durée. Une année on peut avoir un coup de chance ou un coup de malchance. Le lot des ministres des finances et, d'une façon plus générale, des hommes politiques est de regarder loin devant eux et surtout de ne pas être myopes.
M. Delaneau a dû regagner sa circonscription en raison d'un délicat problème familial : je veux, en cette circonstance, l'assurer de mon amitié.
Il a insisté sur les relations entre l'Etat et la sécurité sociale, sujet qu'il connaît fort bien. Nous avons publié un « jaune » faisant le bilan de ces relations financières et je pense qu'il permet tout de même de bien s'y retrouver.
Enfin, je demanderai à M. le président de la commission des finances et à M. le rapporteur général de ne pas m'en vouloir de leur répondre en dernier, mais ils avaient donné le « la » et nombre de sénateurs ont repris les thèmes de leurs interventions respectives. Mais il ne m'appartient pas de porter un jugement sur le ton utilisé par les uns ou par les autres.
Sur le fond, M. Lambert a insisté sur un certain nombre d'axiomes propres à la gestion des finances publiques dont la nécessité de réduire le déficit. Nous le faisons, peut-être insuffisamment mais en tout cas plus rapidement que nous nous y étions engagés dans le programme pluriannuel 2001-2003.
Même si on peut juger cela insuffisant, nous réduisons tout de même notre déficit depuis 1997 d'une façon linéaire et plus rapidement que nos partenaires européens puisque nous l'avons baissé de 2,7 points entre 1997 et 2001 contre 1,7 point en moyenne dans la zone euro. Nous n'allons pas chicaner sur les chiffres ; j'essaierai de faire en sorte que la tendance se poursuive, car c'est cela qui est important.
Ainsi, en 2001, nous reviendrons dans la moyenne de la zone euro alors que - M. Lambert le sait fort bien - notre besoin de financement en 1997 était le plus dégradé de la zone, hors, bien sûr, la soulte de France Télécom.
M. Lambert s'inquiète du montant de la dette publique, car il pense - c'est un des thèmes sur lesquels il insiste toujours - aux générations futures. Je le rejoins sur ce point : c'est la définition même de la solidarité.
Mais quand on passe aux propositions, évidemment c'est autre chose ! J'ai cru comprendre, monsieur le rapporteur général, que vous nous avez promis des propositions. Très bien, elles seront examinées. Evidemment, pour réduire le déficit, il faut dépenser moins. Si vos propositions sont faisables, nous les examinerons avec grand intérêt.
M. le rapporteur général s'est exprimé avec beaucoup de force, certains diraient de véhémence. Après la première demi-minute de son intervention, il a multiplié les critiques sur ce projet de budget. Ces critiques, il faut les écouter et, à chacune d'entre elles, une réponse peut être apportée.
S'agissant de la situation économique générale, mon cher collègue - je peux vous appeler ainsi puisque nous avons été en classe ensemble ; je peux vous faire cette révélation, mesdames, messieurs les sénateurs. (Marques d'étonnement sur certaines travées.)
M. Serge Vinçon. Ah, nous allons tout savoir !
M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Tout à fait ! Il ne vous l'avait pas dit ?...
M. Joël Bourdin. C'est un compromis !
M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je ne vous dirai pas tout ! Depuis, il a intégré l'inspection des finances, ce qui tend à montrer qu'il savait faire les additions. Pour ma part, je me suis dirigé vers le Conseil d'Etat. Mais ce n'est pas l'objet de ce débat.
Sur l'appréciation économique, n'oubliez pas, monsieur le rapporteur général, l'évolution du chômage. Certes, et je l'indiquais au début de mon propos, la conjoncture internationale y est pour beaucoup. Mais enfin, on ne peut pas vouer aux gémonies les efforts des Français et tenir pour néant l'action de ce gouvernement. Nous comptions un million de chômeurs de plus il y a trois ans. Il faut en tenir compte. Toute critique, pour être entendue, doit être mesurée.
Sur les déficits, j'ai essayé de montrer, à la fois dans mon exposé à la tribune et dans les réponses que j'ai faites aux différents intervenants, qu'ils se réduisaient. Je serai bien sûr attentif aux propositions de réduction des dépenses que vous formulerez dès lors qu'elles seront praticables et dénuées de toute démagogie.
S'agissant de votre souci de plus de transparence, souci défendu au premier chef par M. Lambert, mais aussi par vos collègues et par mes amis de la majorité plurielle, je souhaite que le travail que vous avez engagé sur l'ordonnance de 1959 nous permette d'aboutir à un texte dès le printemps parce que nous devons penser à ce qui vient après. Si nous arrivons à bien travailler, de premières applications très importantes pourraient être mises en oeuvre dès l'année prochaine. Par conséquent, souvenez-vous, au moment où vous examinerez ce texte, des critiques que vous aurez faites pour essayer de passer à la partie positive.
Je n'ai pas la même vision un peu pessimiste et négative que vous, ni sur la politique ni sur la situation du pays.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je pense que notre pays est un pays puissant, que les orientations qui ont été prises sont des orientations pertinentes, que, même si c'est la loi de la démocratie que tout projet de budget soit soumis à la critique, il faut que cette critique soit mesurée si elle vise à être entendue. J'ai apprécié vos différentes interventions et j'ai essayé d'y répondre, mais, malheureusement, je n'avais qu'une heure pour le faire.
En terminant ce propos, je veux remercier la majorité nationale de son soutien, dire à l'opposition que j'ai entendu ses critiques et que j'ai essayé d'y répondre. Je souhaite que la suite du débat soit de même qualité que les propos que nous avons entendus aujourd'hui. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La suite de la discussion du projet de loi de finances est renvoyée à la prochaine séance.

4

DÉPÔT DE PROJETS DE LOI

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre un projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République arabe d'Egypte en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune du 19 juin 1980.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 99, distribué et renvoyé à la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu de M. le Premier ministre un projet de loi autorisant l'approbation du protocole portant amendement à la convention européenne sur la télévision transfrontière.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 100, distribué et renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

5

TRANSMISSION D'UN PROJET DE LOI

M. le président. J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine des transports.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 101, distribué et renvoyé à la commission des affaires économiques et du Plan.

6

DÉPÔT DE PROPOSITIONS DE LOI

M. le président. J'ai reçu de M. Jean Arthuis et des membres du groupe de l'Union centriste une proposition de loi visant à créer une indemnité de retour à l'emploi pour les élus locaux.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 98, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu de MM. Bertrand Delanoë, Claude Estier et Mme Danièle Pourtaud une proposition de loi relative aux compétences du maire de Paris.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 103, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu de MM. Gérard Larcher, Pierre Hérisson, Paul Girod, François Trucy et Louis Althapé une proposition de loi relative à l'entreprise nationale La Poste.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 104, distribuée et renvoyée à la commission des affaires économiques et du Plan, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

7

DÉPÔT D'UN RAPPORT

M. le président. J'ai reçu de M. Philippe Marini, rapporteur général, un rapport fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation sur le projet de loi de finances pour 2001, adopté par l'Assemblée nationale (n° 91, 2000-2001).
Le rapport sera imprimé sous le n° 92 et distribué.

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DÉPÔT D'UN RAPPORT D'INFORMATION

M. le président. J'ai reçu de M. Jacques Chaumont un rapport d'information fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation sur la mission qu'il a effectuée dans six pays candidats à l'adhésion à l'Union européenne (Chypre, Pologne, Estonie, République tchèque, Hongrie et Slovénie), entre mai et juillet 2000.
Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 102 et distribué.

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DÉPÔT D'AVIS

M. le président. J'ai reçu de MM. Philippe Nachbar, Marcel Vidal, Ambroise Dupont, Jean Bernadaux, Jacques Valade, Mme Hélène Luc, MM. Albert Vecten, Pierre Laffitte, James Bordas, Jean-Paul Hugot, Louis de Broissia, Mme Danièle Pourtaud et M. Jacques Legendre un avis présenté au nom de la commission des affaires culturelles sur le projet de loi de finances pour 2001, adopté par l'Assemblée nationale (n° 91, 2000-2001).
L'avis sera imprimé sous le n° 93 et distribué.
J'ai reçu de MM. Gérard César, Alain Gérard, Henri Revol, Bernard Dussaut, Francis Grignon, Jean Besson, Jean-Marie Rausch, Gérard Cornu, Mme Odette Terrade, MM. Michel Souplet, Jean Pépin, Mme Janine Bardou, MM. Georges Gruillot, Jean-Pierre Plancade, Jacques Bellanger, Charles Ginésy, Jean Bizet, Georges Berchet, Jean-François Le Grand, Mme Anne Heinis, MM. Pierre Hérisson, Rodolphe Désiré et Gérard Larcher un avis présenté au nom de la commission des affaires économiques et du Plan sur le projet de loi de finances pour 2001, adopté par l'Assemblée nationale (n° 91, 2000-2001).
L'avis sera imprimé sous le n° 94 et distribué.
J'ai reçu de MM. André Dulait, Guy Penne, Mme Paulette Brisepierre, MM. Jean Faure, Paul Masson, Serge Vinçon, Jean-Claude Gaudin et André Boyer un avis présenté au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi de finances pour 2001, adopté par l'Assemblée nationale (n° 91, 2000-2001).
L'avis sera imprimé sous le n° 95 et distribué.
J'ai reçu de MM. Jean Chérioux, Louis Boyer, Paul Blanc, Louis Souvet, Mme Annick Bocandé, MM. Marcel Lesbros, Philippe Nogrix et Jacques Bimbenet un avis présenté au nom de la commission des affaires sociales sur le projet de loi de finances pour 2001, adopté par l'Assemblée nationale (n° 91, 2000-2001).
L'avis sera imprimé sous le n° 96 et distribué.
J'ai reçu de MM. Daniel Hoeffel, Jean-Patrick Courtois, René-Georges Laurin, Mme Dinah Derycke, MM. Georges Othily, Patrice Gélard, José Balarello et Jean-Jacques Hyest un avis présenté au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale sur le projet de loi de finances pour 2001, adopté par l'Assemblée nationale (n° 91, 2000-2001).
L'avis sera imprimé sous le n° 97 et distribué.

10

ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au vendredi 24 novembre 2000 :
A neuf heures trente :
1. Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi (n° 20, 1999-2000) relatif à la résorption de l'emploi précaire et à la modernisation du recrutement dans la fonction publique ainsi qu'au temps de travail dans la fonction publique territoriale.
Rapport (n° 80, 2000-2001) de M. Daniel Hoeffel, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.
A quinze heures :
2. Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2001, adopté par l'Assemblée nationale (n°s 91 et 92, 2000-2001) (M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation).
Première partie. - Conditions générales de l'équilibre financier :
Articles 1er à 29 et état A.
Aucun amendement aux articles de la première partie de ce projet de loi de finances n'est plus recevable.

Vote de l'ensemble de la première partie
du projet de loi de finances pour 2001

En application de l'article 59, premier alinéa, du règlement, il sera procédé à un scrutin public ordinaire lors du vote de la première partie du projet de loi de finances pour 2001.

Délai limite pour les inscriptions de parole dans les discussions précédant l'examen des crédits de chaque ministère

Le délai limite pour les inscriptions de parole dans les discussions précédant l'examen des crédits de chaque ministère est fixé à la veille du jour prévu pour la discussion, à dix-sept heures.

Délai limite pour le dépôt des amendements aux crédits budgétaires pour le projet de loi de finances pour 2001

Le délai limite pour le dépôt des amendements aux divers crédits budgétaires et articles rattachés du projet de loi de finances pour 2001 est fixé à la veille du jour prévu pour la discussion, à dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures quinze.)

Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON






RÈGLES ET CALENDRIER DE LA DISCUSSION DU PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2001 ADOPTÉ PAR LA CONFÉRENCE
DES PRÉSIDENTS DU 7 NOVEMBRE 2000, MODIFIÉ PAR LE SÉNAT DANS SES SÉANCES DES MARDI 21 ET MERCREDI 22 NOVEMBRE 2000
Discussion des articles et des crédits



DATE

DISPOSITIONS DU PROJET DE LOI

DURÉE PRÉVUE

Jeudi 23 novembre 2000
A 11 heures, à 15 heures et, éventuellement, le soir. Discussion générale 6 heures

Nota. - Délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la première partie à 11 heures.

Vendredi 24 novembre 2000

A 9 h 30 et à 15 heures.
Nota. - La commission des finances se réunira à 9 h 30 pour l'examen des amendements aux articles de la première partie.

.
A 9 h 30 : suite du projet de loi relatif à la résorption de l'emploi précaire et à la modernisation du recrutement dans la fonction publique ainsi qu'au temps de travail dans la fonction publique territoriale (urgence déclarée).

.
A 15 heures : Examen des articles de la première partie.
5 heures

Lundi 27 novembre 2000

A 10 h 30, à 15 heures et le soir. Examen des articles de la première partie (suite) 9 h 30

Mardi 28 novembre 2000
A 9 h 30, à 15 heures et le soir. Examen des articles de la première partie (suite) 4 h 30
. A 16 heures : débat sur les recettes des collectivités locales (examen des articles 5, 26 , 26 bis, 26 ter et 27) 3 heures
. Examen des articles de la première partie (suite) 3 h 30

Mercredi 29 novembre 2000

A 9 h 30, à 15 heures et, éventuellement, le soir. Nota. - L'examen des crédits relatifs au ministère des affaires européennes interviendra à l'occasion de l'examen de l'article 28.


Examen de l'article 28 : évaluation du prélèvement opéré sur les recettes de l'Etat au titre de la participation de la France au budget des Communautés européennes Examen des articles de la première partie (suite et fin)



3 heures 8 heures
.
Eventuellement, seconde délibération sur la première partie.
Explications de vote sur l'ensemble de la première partie.
Scrutin public ordinaire de droit.

Jeudi 30 novembre 2000

A 9 h 30, à 15 heures et le soir.

A 9 h 30 et à 15 heures : Outre-mer (+ article 62)


4 heures

.
A 16 heures : nouvelle lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001.
Commission mixte paritaire sur la proposition de loi relative à la contraception d'urgence.

.
Le soir : Anciens combattants (+ articles 51 à 53, 53 bis, 53 ter et 53 quater )
2 h 30

Vendredi 1er décembre 2000

A 9 h 30, à 15 heures et le soir.

Equipement, transports et logement :
V. - Tourisme
I. - Services communs II. - Urbanisme et logement



1 h 30 3 heures
.
III. - Transports et sécurité routière (*) (et article 60 bis ) :
1. Transports
2. Sécurité routière 3. Routes


3 h 30
.
4. Transport aérien et météorologie Budget annexe de l'aviation civile
1 h 30
.
IV. - Mer (et article 60 ter ) :
- marine marchande - ports maritimes

1 h 30

Samedi 2 décembre 2000

A 9 h 30, à 15 heures et le soir. Jeunesse et sports 2 heures
.

Emploi et solidarité : III. - Ville

2 heures
.
Communication (crédits du Conseil supérieur de l'audiovisuel, d'aides à la presse et à l'audiovisuel inscrits au budget des services généraux du Premier ministre : article 46 et lignes 40 et 41 de l'état E annexé à l'article 42).
. Culture 3 heures

Lundi 4 décembre 2000

A 9 h 30, à 15 heures et le soir.

Emploi et solidarité : I. - Emploi (+ articles 57 à 59, 59 bis et 60)

3 heures
. II. - Santé et solidarité (+ articles 54, 55, 55 bis et 56) 4 heures
.
Services du Premier ministre : I. - Services généraux
0 h 30
. II. - Secrétariat général de la défense nationale 0 h 15
. III. - Conseil économique et social 0 h 15
. IV. - Plan 0 h 30
. Budget annexe des Journaux officiels 0 h 10
. Fonction publique et réforme de l'Etat (et article 63) 1 h 30

Mardi 5 décembre 2000

A 9 h 30, à 15 heures et le soir.

Aménagement du territoire et environnement : I. - Aménagement du territoire

2 heures
. II. - Environnement (*) 3 heures
. Affaires étrangères (et aide au développement) 5 heures

Mercredi 6 décembre 2000

A 9 h 30, à 15 heures et le soir. Nota. - La commission des finances se réunira à 14 heures pour examiner les articles non rattachés de la deuxième partie.


Intérieur et décentralisation : Sécurité
2 h 30
. Décentralisation (et article 60 quater ) 2 h 30
.
Education nationale : I. - Enseignement scolaire
3 h 30
. II. - Enseignement supérieur 2 h 30

Jeudi 7 décembre 2000

A 9 h 30, à 16 heures et le soir. Nota. - Questions d'actualité au Gouvernement de 15 heures à 16 heures.

Agriculture et pêche (+ articles 49, 49 bis, 50, 50 bis, 50 ter et 50 quater ) 5 heures
. Budget annexe des prestations sociales agricoles 1 heure
. Défense 4 h 30
.
Exposé d'ensemble et dépenses en capital (article 34).
Dépenses ordinaires (article 33).

Vendredi 8 décembre 2000

A 10 heures, à 15 heures et le soir. Nota. - Délai limite pour le dépôt des amendements aux articles non rattachés de la deuxième partie, à 16 heures.


Charges communes Comptes spéciaux du Trésor (+ articles 37 A, 37 à 41 bis )
1 h 30
. Budget annexe des Monnaies et médailles 0 h 10
.
Economie, finances et industrie : Services financiers (et consommation)
1 heure
. Industrie (et Poste) 3 heures
. Petites et moyennes entreprises, commerce et artisanat (et article 53 quinquies et 53 sexies ) 2 heures
. Commerce extérieur 1 heure
. Recherche 2 heures

Samedi 9 décembre 2000

A 10 heures et à 15 heures.

Eventuellement, discussions reportées.

Lundi 11 décembre 2000

A 9 h 30. Budgets annexes de l'ordre de la Légion d'honneur et de l'ordre de la Libération 0 h 20
. Justice (+ article 61) 3 heures
A 16 heures et le soir. Articles de la deuxième partie non joints aux crédits 6 h 30

Nota. - La commission des finances se réunira à 14 heures pour examiner les amendements aux articles non rattachés de la deuxième partie.

Mardi 12 décembre 2000

A 10 heures, à 15 heures et le soir.

Suite et fin de la discussion des articles de la deuxième partie non joints aux crédits.
Eventuellement, seconde délibération.
Explications de vote.
Scrutin public à la tribune de droit.



(*) Procédure expérimentale de questions et de réponses suivies d'un droit de réplique des auteurs de questions.

RAPPEL DES DÉCISIONS

de la conférence des présidents du 7 novembre 2000 concernant les modalités de discussion et de répartition des temps de parole du projet de loi de finances pour 2001
1° Délais limites pour le dépôt des amendements :
La conférence des présidents a fixé les délais limites suivants pour le dépôt des amendements :
- le jeudi 23 novembre 2000, à 11 heures, pour les amendements aux articles de la première partie du projet de loi ;

- la veille du jour prévu pour la discussion, à 17 heures, pour les amendements aux divers crédits budgétaires et aux articles rattachés ;

- le vendredi 8 décembre 2000, à 16 heures, pour les amendements aux articles de la deuxième partie non rattachés à l'examen des crédits.

2° La répartition des temps de parole sera établie en fonction de la durée de chaque discussion, telle que celle-ci a été évaluée par la commission des finances (le temps de discussion des crédits, articles rattachés et amendements faisant, le cas échéant, l'objet d'une estimation et s'imputant sur le temps de parole à répartir).
Les temps de parole dont disposeront les rapporteurs des commissions et les groupes ainsi que, le cas échéant, le président des commissions saisies pour avis ou des délégations parlementaires, pour chacune des discussions prévues, sont fixés comme suit :
a) Les rapporteurs spéciaux de la commission des finances disposeront de :
Quinze minutes pour les budgets dont la durée prévue pour la discussion dépasse deux heures ;
Dix minutes pour les budgets dont la durée prévue pour la discussion est inférieure ou égale à deux heures ;
Cinq minutes pour certains fascicules budgétaires ou budgets annexes.
b) Les rapporteurs pour avis disposeront de :
Dix minutes pour les budgets dont la durée prévue pour la discussion dépasse deux heures, ce temps étant réduit à cinq minutes pour les budgets sur lesquels trois avis ou plus sont présentés ;
Cinq minutes pour les budgets dont la durée prévue pour la discussion est inférieure ou égale à deux heures.
c) Les groupes :
Le temps de parole des groupes sera réparti conformément aux règles suivantes :
- pour chaque discussion, il sera attribué un temps forfaitaire de dix minutes à chaque groupe et de cinq minutes à la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe lorsque le temps global disponible sera au moins égal à une heure trente, le reliquat étant réparti entre eux proportionnellement à leurs effectifs ;

- lorsque le temps global disponible est inférieur à une heure trente, la répartition s'effectuera uniquement en proportion des effectifs. Toutefois, aucune attribution ne pourra être inférieure à cinq minutes.

Les résultats des calculs, effectués conformément à ces règles, seront communiqués aux présidents des groupes et des commissions.
Les interventions éventuelles des présidents des commissions saisies pour avis ou des délégations parlementaires s'imputeront sur le temps de parole de leur groupe.
Dans le cadre du temps global imparti à chaque groupe, aucune intervention ne devra dépasser dix minutes, exception faite de la discussion générale.
Par ailleurs, pour les explications de vote sur la première partie, il sera attribué un temps de dix minutes à chaque groupe et de cinq minutes à la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe ; pour les explications de vote sur l'ensemble du projet de loi de finances, le temps attribué à chaque groupe sera de dix minutes et celui attribué à la réunion administrative sera de cinq minutes.
Dans le cadre d'une journée de discussion, chaque groupe ou la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe pourra demander le report du temps ou d'une partie du temps de parole qui lui est imparti pour un budget à la discussion d'un autre budget inscrit le même jour, en prévenant le service de la séance la veille avant 17 heures . Toutefois, cette faculté ne pourra pas être utilisée pour les attributions de temps de parole forfaitaires de cinq minutes affectées à la discussion de certains budgets et pour les attributions minimales de cinq minutes.
3° Les inscriptions de parole devront être communiquées au service de la séance :
- pour la discussion générale, le mercredi 22 novembre 2000, avant 17 heures ;

- pour les discussions portant sur les crédits de chaque ministère, la veille du jour prévu pour la discussion, avant 17 heures.

En outre, la durée d'intervention de chacun des orateurs devra être communiquée au service de la séance lors des inscriptions de parole.
En application de l'article 29 bis du règlement, l'ordre des interventions dans la discussion générale du projet de loi de finances et dans les principales discussions portant sur les crédits des différents ministères sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel il a été procédé au début de la session.

L'expérimentation d'une nouvelle formule de discussion
pour deux fascicules budgétaires

Pour la discussion de deux fascicules, Transports terrestres et Environnement, sera expérimentée une nouvelle procédure fondée sur le principe d'une réponse immédiate du Gouvernement aux différents intervenants, rapporteurs ou orateurs des groupes.
Les orateurs des groupes interviendront pour chaque question pendant cinq minutes maximum ; cette durée est fixée à trois minutes pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe. La réponse du Gouvernement sera limitée à trois minutes, chaque orateur disposant d'un droit de réplique de deux minutes maximum.
Le nombre des questions sera réparti en fonction du principe de la répartition proportionnelle des groupes politiques.

NOMINATION DU BUREAU
D'UNE COMMISSION D'ENQUÊTE

Dans sa séance du jeudi 23 novembre 2000, la commission d'enquête sur les conditions d'utilisation des farines animales dans l'alimentation des animaux d'élevage et les conséquences qui en résultent pour la santé des consommateurs a procédé à la nomination de son bureau, qui est ainsi constitué :
Président : M. Gérard Deriot.
Vice-présidents : MM. Roland du Luart, Jacques Bimbenet, Bernard Dussaut.
Secrétaire : M. Gérard Le Cam.
Rapporteur : M. Jean Bizet.

NOMINATION DE RAPPORTEURS

Projet de loi de finances pour 2001 (n° 91, 2000-2001), adopté par l'Assemblée nationale.

COMMISSION DES FINANCES, DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE
ET DES COMPTES ÉCONOMIQUES DE LA NATION

Rapporteur général : M. Philippe Marini.
Liste des rapporteurs spéciaux :


BUDGETS


RAPPORTEURS SPÉCIAUX

I. - BUDGETS CIVILS

A. - Budget général
Affaires étrangères :M. Jacques Chaumont.
Aide au développement M. Michel Charasse.
Affaires européennes M. Denis Badré.
Agriculture et pêche M. Joël Bourdin.

Aménagement du territoire et environnement :

I. - Aménagement du territoire M. Roger Besse.
II. - Environnement M. Philippe Adnot.
Anciens combattants M. Jacques Baudot.
Charges communes M. Louis-Ferdinand de Rocca Serra.
Culture :M. Yann Gaillard.
Communication audiovisuelle M. Claude Belot.
Presse M. Claude Belot.

Economie, finances et industrie :
Services financiers M. Bernard Angels.
Industrie M. Jean Clouet.
Petites et moyennes entreprises, commerce et artisanat M. René Ballayer.
Commerce extérieur M. Marc Massion.

Education nationale :
I. - Enseignement scolaire M. Jean-Philippe Lachenaud.
II. - Enseignement supérieur M. Jean-Philippe Lachenaud.

Emploi et solidarité :
I. - Emploi M. Joseph Ostermann.
II. - Santé et solidarité M. Jacques Oudin.
III. - Ville M. Alain Joyandet.

Equipement, transports et logement :
I. - Services communs M. Jacques Pelletier.
II. - Urbanisme et logement M. Jacques Pelletier.

III. - Transports et sécurité routière :
1. Transports M. Auguste Cazalet.
2. Sécurité routière M. Gérard Miquel.
3. Routes M. Gérard Miquel.
4. Transport aérien et météorologie M. Yvon Collin.

IV. - Mer :
Marine marchande M. Claude Lise.
Ports maritimes M. Marc Massion.
V. - Tourisme Mme Marie-Claude Beaudeau.
Fonction publique et réforme de l'Etat M. Gérard Braun.

Intérieur et décentralisation :
Sécurité M. André Vallet.
Décentralisation M. Michel Mercier.
Jeunesse et sports M. Michel Sergent.
Justice M. Hubert Haenel.
Outre-mer M. Henri Torre.
Recherche M. René Trégouët.

Services du Premier ministre :
I. - Services généraux M. Roland du Luart.
II. - Secrétariat général de la défense nationale M. Michel Moreigne.
III. - Conseil économique et social M. Claude Lise.
IV. - Plan M. Claude Haut.

B. - Budgets annexes

Aviation civile M. Yvon Collin.
Journaux officiels M. Thierry Foucaud.
Légion d'honneur. - Ordre de la Libération M. Jean-Pierre Demerliat.
Monnaies et médailles Mme Maryse Bergé-Lavigne.
Prestations sociales agricoles M. Joël Bourdin.

II. - DÉFENSE
Exposé d'ensemble et dépenses en capital M. Maurice Blin.
Dépenses ordinaires M. François Trucy.

III. - AUTRES DISPOSITIONS
Comptes spéciaux du Trésor M. Paul Loridant.



COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES




Rapporteurs pour avis :


BUDGETS


RAPPORTEURS
Culture M. Philippe Nachbar.
Cinéma. - Théâtre dramatique M. Marcel Vidal.
Environnement M. Ambroise Dupont.
Enseignement scolaire M. Jean Bernadaux.
Enseignement supérieur M. Jacques Valade.
Enseignement technique Mme Hélène Luc.
Enseignement agricole M. Albert Vecten.
Recherche scientifique et technique M. Pierre Laffitte.
Jeunesse et sports M. James Bordas.
Communication audiovisuelle M. Jean-Paul Hugot.
Presse écrite M. Louis de Broissia.
Relations culturelles, scientifiques et techniques Mme Danièle Pourtaud.
Francophonie M. Jacques Legendre.


COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES ET DU PLAN




Rapporteurs pour avis :


BUDGETS


RAPPORTEURS
Agriculture M. Gérard César.
Pêche M. Alain Gérard.
Développement rural M. Henri Revol.
Industries agricoles et alimentaires M. Bernard Dussaut.
Industrie M. Francis Grignon.
Energie M. Jean Besson.
Recherche M. Jean-Marie Rausch.
PME. - Commerce et artisanat M. Gérard Cornu.
Consommation et concurrence Mme Odette Terrade.
Commerce extérieur M. Michel Souplet.
Aménagement du territoire M. Jean Pépin.
Plan Mme Janine Bardou.
Routes et voies navigables M. Georges Gruillot.
Logement M. Jean-Pierre Plancade.
Urbanisme M. Jacques Bellanger.
Tourisme M. Charles Ginésy.
Environnement M. Jean Bizet.
Transports terrestres M. Georges Berchet.
Aviation civile et transport aérien M. Jean-François Le Grand.
Mer Mme Anne Heinis.
Technologies de l'information et poste M. Pierre Hérisson.
Outre-mer M. Rodolphe Désiré.
Ville M. Gérard Larcher.


COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES,
DE LA DÉFENSE ET DES FORCES ARMÉES




Rapporteurs pour avis :


BUDGETS


RAPPORTEURS

Affaires étrangères et coopération
Affaires étrangères M. André Dulait.
Relations culturelles extérieures et francophonie M. Guy Penne.
Aide au développement Mme Paulette Brisepierre.

Défense
Nucléaire, espace et services communs M. Jean Faure.
Gendarmerie M. Paul Masson.
Forces terrestres M. Serge Vinçon.
Air M. Jean-Claude Gaudin.
Marine M. André Boyer.


COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES




Rapporteurs pour avis :


BUDGETS


RAPPORTEURS
Solidarité M. Jean Chérioux.
Santé M. Louis Boyer.
Ville M. Paul Blanc.
Travail et emploi M. Louis Souvet.
Formation professionnelle Mme Annick Bocandé.
Budget annexe des prestations sociales agricoles M. Louis Boyer.
Anciens combattants M. Marcel Lesbros.
Outre-mer (aspects sociaux) M. Philippe Nogrix.
Logement social M. Jacques Bimbenet.



COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LÉGISLATION, DU SUFFRAGE UNIVERSEL, DU RÈGLEMENT ET D'ADMINISTRATION GÉNÉRALE



Rapporteurs pour avis :


BUDGETS


RAPPORTEURS
Intérieur. - Décentralisation M. Daniel Hoeffel.
Intérieur. - Police et sécurité M. Jean-Patrick Courtois.
Intérieur. - Sécurité civile M. Jean-Pierre Schosteck.
Justice. - Services généraux Mme Dinah Derycke.
Justice. - Administration pénitentiaire M. Georges Othily.
Justice. - Protection judiciaire de la jeunesse M. Patrice Gélard.
Départements d'outre-mer M. José Balarello.
Territoires d'outre-mer M. Jean-Jacques Hyest.




Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)

Liaison ferroviaire Lyon-Limoges

951. - 22 novembre 2000. - M. Jean-Pierre Demerliat attire l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur la ligne de chemin de fer reliant Bordeaux à Lyon et passant par Limoges. En effet, cette ligne est caractérisée par une grande vétusté : le trajet est fort long, du fait notamment des nombreux rebroussements qui font perdre chacun vingt minutes, le matériel roulant est obsolète, bruyant et peu confortable. Il souhaite savoir quels aménagements le Gouvernement envisage d'entreprendre sur cette ligne afin de la moderniser et quelles sont les différentes pistes de réhabilitation de la ligne qui sont envisagées. De plus, il aimerait connaître la position du Gouvernement sur un éventuel tracé qui éviterait Limoges, ce qui nuirait à sa position de capitale régionale.

Formation pratique au secourisme et permis de conduire

952. - 23 novembre 2000. - Mme Dinah Derycke souhaite appeler l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur la formation pratique au secourisme à l'occasion de l'examen du permis de conduire. Ce projet de mise en place d'une mesure destinée à introduire dans l'enseignement au permis de conduire une formation pratique et courte aux cinq gestes qui sauvent a déjà fait l'objet d'une question orale le 29 juin 1999. Le ministre opposait à une telle formation l'argument selon lequel un tel enseignement était susceptible de constituer un danger dans la mesure où la durée de la formation est inférieure à huit heures. Il reprenait dans cet argument un avis de l'Observatoire national du secourisme. Or, la Croix-Rouge a engagé, depuis le 13 septembre dernier, une campagne nationale relative aux gestes qui sauvent dont l'objectif est de former 20 % de la population française aux réflexes de survie, à des gestes simples, vitaux, qui s'apprennent à tout âge et en quelques heures. La Croix-Rouge enseigne ces gestes, au nombre desquels figure la position latérale de sécurité, en un minimum de deux ou trois heures. Cette formation est essentiellement pratique et est même relayée par six fiches techniques disponibles sur le site Internet de la Croix-Rouge et qui incitent à apprendre ces gestes qui sauvent et à les utiliser. Elle s'interroge donc sur la cohérence de ce programme avec la position de l'Observatoire national du secourisme et demande à nouveau que soit considérée la mesure qu'elle préconise et qui fait l'objet de plusieurs propositions de loi : l'introduction, à l'occasion du permis de conduire, d'une formation pratique de cinq heures relative aux cinq gestes qui sauvent.

Réglementation des implantations des bâtiments d'habitation
à proximité des bâtiments agricoles

953. - 23 novembre 2000. - Mme Gisèle Printz appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur l'article 105 de la loi d'orientation agricole n° 99-574 du 9 juillet 1999, relatif aux conditions de distance d'implantation des bâtiments d'habitation ou professionnels par rapport aux bâtiments agricoles. En effet, selon ce texte, il doit être imposé aux projets de construction à usage d'habitation ou professionnels, situés à proximité de bâtiments agricoles existants et soumis à autorisation de construire, la même exigence d'éloignement que celle prévue pour l'implantation ou l'extension de ces bâtiments, par des dispositions législatives ou réglementaires. Cet article, en fait, pose de réels problèmes aux élus des communes rurales dans leurs efforts de développement des villages. Ainsi, si la règle est appliquée à la lettre, aucun certificat d'urbanisme ne peut être délivré dans un rayon de 100 mètres autour d'un bâtiment d'élevage, si les animaux qui y sont hébergés ne sont pas sur litière paillée. Dans le cas contraire, la distance à respecter est abaissée à 50 mètres (art. L. 111-3 du nouveau code rural). En outre, selon cet article, il n'est plus possible de restaurer de vieilles maisons pour les rendre habitables, ni de transformer une bâtisse en maison d'habitation ou d'utiliser un terrain pour construire. Le problème se pose aussi pour les particuliers. Mais, au-delà, il y a les conséquences de ce texte sur le maintien des populations en milieu rural et, à terme, l'aboutissement probable d'une désertification des campagnes. Elle lui demande donc de bien vouloir lui indiquer s'il entend prendre prochainement des mesures tendant à modifier ces dispositions, ou à les faire appliquer de façon à ce qu'elles ne conduisent pas à la disparition progressive des habitants non agriculteurs des communes rurales.