SEANCE DU 22 NOVEMBRE 2000


SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE

1. Procès-verbal (p. 0 ).

2. Décès d'un ancien sénateur (p. 1 ).

3. Candidatures à une commission d'enquête (p. 2 ).

4. Elections à l'assemblée de la Polynésie française. - Discussion d'une proposition de loi organique déclarée d'urgence (p. 3 ).
Discussion générale : MM. Christian Paul, secrétaire d'Etat à l'outre-mer ; Lucien Lanier, rapporteur de la commission des lois ; Jean-Jacques Hyest, Yvon Collin, Gaston Flosse, Guy Allouche.
M. le secrétaire d'Etat.
Clôture de la discussion générale.

5. Nomination de membres d'une commission d'enquête (p. 4 ).

6. Elections à l'assemblée de la Polynésie française. - Suite de la discussion et adoption d'une proposition de loi organique déclarée d'urgence (p. 5 ).

Article 1er (p. 6 )

Amendements n°s 3 de M. Guy Allouche et 1 (priorité) de la commission. - MM. Guy Allouche, le rapporteur, le secrétaire d'Etat, Gaston Flosse. - Adoption, après une demande de priorité, de l'amendement n° 1, l'amendement n° 3 devenant sans objet.
Adoption de l'article modifié.

Article additionnel après l'article 1er ou après l'article 2 (p. 7 )

Amendements n°s 2 rectifié de M. Yvon Collin et 4 de M. Guy Allouche. - MM. Yvon Collin, Guy Allouche, le rapporteur, le secrétaire d'Etat, Gaston Flosse. - Rejet des deux amendements.

Article 2. - Adoption (p. 8 )

Vote sur l'ensemble (p. 9 )

MM. Guy Allouche, Gérard Le Cam, Gaston Flosse.
Adoption, par scrutin public, de la proposition de loi organique.

Suspension et reprise de la séance (p. 10 )

7. Carrière des magistrats. - Discussion d'un projet de loi organique (p. 11 ).
Discussion générale : Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux, ministre de la justice ; MM. Pierre Fauchon, rapporteur de la commission des lois ; Robert Badinter, Hubert Haenel, Michel Charasse, Mme Nicole Borvo.
Mme le garde des sceaux.
Clôture de la discussion générale.

Division additionnelle avant l'article 1er (réserve) (p. 12 )

Amendement n° 1 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Réserve.

Article 1er (p. 13 )

Amendement n° 2 de la commission. - Adoption.
Amendement n° 3 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

8. Souhaits de bienvenue au ministre syrien de l'éducation (p. 14 ).

9. Carrière des magistrats. - Suite de la discussion d'un projet de loi organique (p. 15 ).

Article 2 (p. 16 )

M. Michel Charasse, Mme le garde des sceaux, M. le rapporteur.
Adoption, par division, de l'article.

Articles additionnels après l'article 2 (p. 17 )

Amendements n°s 4 à 6 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux, M. Robert Badinter. - Adoption des amendements insérant trois articles additionnels.

Articles 3 et 4. - Adoption (p. 18 )

Article 5 (p. 19 )

Amendement n° 7 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Article additionnel après l'article 5 (p. 20 )

Amendement n° 17 de M. Hubert Haenel. - MM. Hubert Haenel, le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Article 6 (p. 21 )

Amendement n° 8 de la commission et sous-amendement n° 19 du Gouvernement. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption du sous-amendement et de l'amendement modifié.

Divisions et articles additionnels après l'article 6 (p. 22 )

Amendement n° 9 de la commission. - Réserve.
Amendement n° 10 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 11 rectifié de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux, M. Hubert Haenel. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Suspension et reprise de la séance (p. 23 )

PRÉSIDENCE DE M. GUY ALLOUCHE

10. Candidatures à une commission mixte paritaire (p. 24 ).

11. Carrière des magistrats. - Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi organique (p. 25 ).

Divisions et articles additionnels après l'article 6
et division additionnelle avant l'article 1er (suite) (p. 26 )

Amendement n° 12 de la commission. - M. Pierre Fauchon, rapporteur de la commission des lois ; Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux, ministre de la justice. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 13 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement insérant une division additionnelle et son intitulé après l'article 6.
Amendement n° 1 (précédemment réservé) de la commission. - Adoption de l'amendement insérant une division additionnelle et son intitulé avant l'article 1er.
Amendement n° 9 (précédemment réservé) de la commission. - Adoption de l'amendement insérant une division additionnelle et son intitulé après l'article 6.
Amendement n° 14 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 18 rectifié de M. Hubert Haenel. - MM. Hubert Haenel, le rapporteur, Mme le garde des sceaux, M. Robert Badinter. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 16 de M. Hubert Haenel. - MM. Hubert Haenel, le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 20 du Gouvernement. - Mme le garde des sceaux, M. le rapporteur. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendements n°s 21 à 25 rectifié de Mme Nicole Borvo. - Mme Nicole Borvo, M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Retrait des cinq amendements.

Intitulé (p. 27 )

Amendement n° 15 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux, M. Robert Badinter. - Adoption de l'amendement modifiant l'intitulé.
Adoption, par scrutin public, du projet de loi organique.

12. Résorption de l'emploi précaire dans la fonction publique. - Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence (p. 28 ).
M. le président.
Discussion générale : MM. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat ; Daniel Hoeffel, rapporteur de la commission des lois ; Mme Nicole Borvo, MM. Jacques Mahéas, Daniel Eckenspieller, René Garrec, Aymeri de Montesquiou, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Alain Vasselle, Guy Penne.
M. le ministre.
Clôture de la discussion générale.

Article 1er (p. 29 )

Amendement n° 1 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre, Jacques Mahéas. - Adoption.
Amendements n°s 43 à 46 de Mme Nicole Borvo. - Mme Nicole Borvo, MM. le rapporteur, le ministre, Jacques Mahéas. - Rejet des quatre amendements.
Amendements n°s 74 et 75 de Mme Monique Cerisier-ben Guiga. - Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. le rapporteur, le ministre, Guy Penne. - Retrait des deux amendements.
Amendements n°s 2 de la commission et 100 du Gouvernement. - MM. le rapporteur, le ministre, Jacques Mahéas. - Adoption de l'amendement n° 2, l'amendement n° 100 devenant sans objet.
Amendement n° 97 rectifié de M. Philippe Richert. - MM. Daniel Eckenspieller, le rapporteur, le ministre. - Retrait.
Adoption de l'article modifié.

Article 2. - Adoption (p. 30 )

Article 3 (p. 31 )

Amendement n° 47 de Mme Nicole Borvo. - Mme Nicole Borvo, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 3 de la commission. - Adoption.
Amendement n° 71 rectifié de M. Philippe Darniche. - MM. Philippe Darniche, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 48 de Mme Nicole Borvo. - Mme Nicole Borvo, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 22 rectifié de M. Fernand Demilly. - MM. Aymeri de Montesquiou, le rapporteur, le ministre. - Retrait.
Adoption de l'article modifié.

Article 4 (p. 32 )

Amendements n°s 55 de M. René Garrec et 72 rectifié de M. Philippe Darniche. - MM. René Garrec, Philippe Darniche, le rapporteur, le ministre. - Retrait des deux amendements.
Amendement n° 4 de la commission. - Adoption.
Amendements n°s 54 de M. René Garrec et 76 de M. Claude Domeizel. - MM. René Garrec, Claude Domeizel, le rapporteur, le ministre. - Retrait des deux amendements.
Adoption de l'article.

Article additionnel après l'article 4 (p. 33 )

Amendement n° 23 rectifié de M. Fernand Demilly. - Retrait.

Article 5 (p. 34 )

Amendement n° 101 du Gouvernement. - Adoption.
Amendement n° 56 de M. René Garrec. - Retrait.
Amendement n° 5 de la commission. - Adoption.
Amendement n° 6 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Article additionnel après l'article 5 (p. 35 )

Amendement n° 7 de la commission et sous-amendement n° 102 du Gouvernement. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption du sous-amendement et de l'amendement modifié insérant un article additionnel.

Article additionnel après l'article 5 ou après l'article 6 (p. 36 )

Amendements n°s 36 de M. Claude Huriet, 50 de Mme Nicole Borvo, 98 (priorité) de la commission, 51 de M. Ivan Renar, 78 de M. Guy Allouche, 68, 69 de M. Michel Mercier et 77 (priorité) de M. Jacques Mahéas. - MM. Claude Huriet, Ivan Renar, le rapporteur, Jacques Mahéas, Michel Mercier, le ministre, Jean-Jacques Hyest. - Demande de priorité des amendements n°s 98 et 77 ; adoption de l'amendement n° 98 insérant un article additionnel après l'article 5.

Suspension et reprise de la séance (p. 37 )

Adoption de l'amendement n° 77 rectifié insérant un article additionnel après l'article 6, les autres amendements devenant sans objet.

Articles additionnels après l'article 5 (p. 38 )

Amendement n° 49 de Mme Nicole Borvo. - Rejet.
Amendement n° 57 de M. René Garrec. - Retrait.

Article additionnel avant l'article 6 (p. 39 )

Amendement n° 52 de Mme Nicole Borvo. - Rejet.

Article 6. - Adoption (p. 40 )

Article additionnel après l'article 6 (p. 41 )

Amendement n° 73 rectifié de M. Philippe Darniche. - MM. Philippe Darniche, le rapporteur. - Retrait.

Article 7 (p. 42 )

Amendements n°s 8 et 9 de la commission. - Adoption des deux amendements.
Adoption de l'article modifié.

Article 8. - Adoption (p. 43 )

Intitulé du titre II (p. 44 )

Amendement n° 79 de M. Claude Domeizel. - MM. Claude Domeizel, le rapporteur, le ministre. - Retrait.

Article 9. - Adoption (p. 45 )

Article 10 (p. 46 )

Amendement n° 10 de la commission. - Adoption.
Amendement n° 103 du Gouvernement. - MM. le ministre, le rapporteur, Jacques Mahéas. - Rejet.
Amendement n° 11 de la commission. - Adoption.
Amendement n° 104 du Gouvernement. - MM. le ministre, le rapporteur. - Rejet.
Amendement n° 12 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre, Jacques Mahéas. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Articles 11 et 12. - Adoption (p. 47 )

Article 13 (p. 48 )

Amendements identiques n°s 13 de la commission et 25 rectifié de M. Daniel Eckenspieller ; amendement n° 37 rectifié de M. Daniel Eckenspieller. - MM. le rapporteur, Daniel Eckenspieller, le ministre, Alain Vasselle, Claude Domeizel, Jean-Jacques Hyest. - Adoption des amendements n°s 13 et 25 rectifié, l'amendement n° 37 rectifié devenant sans objet.
Renvoi de la suite de la discussion.

13. Nomination de membres d'une commission mixte paritaire (p. 49 ).

14. Modification de l'ordre du jour (p. 50 ).

15. Communication de l'adoption définitive de textes soumis en application de l'article 88-4 de la Constitution (p. 51 ).

16. Dépôt d'un projet de loi (p. 52 ).

17. Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution (p. 53 ).

18. Ordre du jour (p. 54 ).



COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures dix.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

DÉCÈS D'UN ANCIEN SÉNATEUR

M. le président. J'ai le regret de vous faire part du décès de notre ancienne collègue Janine Alexandre-Debray, qui fut sénateur de Paris de 1976 à 1977.

3

CANDIDATURES
À UNE COMMISSION D'ENQUÊTE

M. le président. L'ordre du jour appelle la nomination des membres de la commission d'enquête sur les conditions d'utilisation des farines animales dans l'alimentation des animaux d'élevage et les conséquences qui en résultent pour la santé des consommateurs.
En application de l'article 11, alinéa 2, du règlement, la liste des candidats présentée par les présidents des groupes a été affichée et les candidatures seront ratifiées, s'il n'y a pas d'opposition, dans le délai d'une heure.

4

ÉLECTIONS À L'ASSEMBLÉE
DE LA POLYNÉSIE FRANÇAISE

Discussion d'une proposition de loi organique
déclarée d'urgence

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi organique (n° 439, 1999-2000), adoptée par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, destinée à améliorer l'équité des élections à l'assemblée de la Polynésie française. [Rapport n° 76 (2000-2001).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat à l'outre-mer. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, j'étais, il y a peu, à la fin du mois d'octobre, en Polynésie française où j'ai pu, de manière très concrète, mesurer par moi-même, en parcourant ce territoire de Papeete à Rangiroa puis en allant à Tikehau, l'importance, et la difficulté aussi, du débat que nous allons avoir aujourd'hui.
En effet, la Polynésie est un territoire impressionnant, par ses dimensions, ses distances, les modes de communication qui y sont nécessaires, mais aussi par le caractère peu homogène de la répartition de la population.
L'on y constate aussi, et je voudrais d'emblée insister sur ce point, car j'en ai recueilli le témoignage auprès de nombreux élus du territoire, plusieurs déséquilibres en termes de fonctionnement, d'organisation et d'expression de la démocratie.
Il y existe, d'abord, un déséquilibre à l'assemblée territoriale dans la répartition des sièges de conseiller territorial. C'est l'objet de la proposition de loi qui vous est soumise.
S'y ajoute un déséquilibre dans la place reconnue aux communes en Polynésie française. Il résulte de la survivance de textes anciens en matière d'autonomie communale. Les lois de décentralisation ne sont en effet pas applicables aujourd'hui à la Polynésie, qui fonctionne encore sous le régime de la tutelle.
S'agissant des élections pour les conseils municipaux, c'est, là encore, la survivance d'anciens textes qui conduit à ce que l'opposition n'y soit pas ou soit mal représentée. Et les nombreux maires de métropole comme d'outre-mer qui assistent aujourd'hui, depuis les tribunes, à nos débats comprennent, j'en suis persuadé, ce que je veux dire. En d'autres termes, aujourd'hui, les communes de Polynésie sont dans la situation que connaissaient les communes de métropole avant les lois de décentralisation.
Il y a donc en effet une source de déséquilibre dans l'organisation territoriale de la Polynésie.
L'absence d'échelon intermédiaire entre les communes, d'une part, et le gouvernement et l'assemblée territoriale, d'autre part, m'a également été souvent présentée comme un déficit qu'il conviendrait de combler le cas échéant.
S'agissant des aspects communaux, le Gouvernement souhaite, et l'ensemble des parlementaires de Polynésie que j'ai rencontrés sur place en sont d'accord, mettre en chantier la réforme du statut communal durant la présente législature.
M. Jean-Jacques Hyest. Oui !
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Je sais, et M. Hyest me le confirmait encore ce matin même, devant la commission des lois, que vous êtes nombreux ici à être attentifs au devenir de la réforme communale en Polynésie française. L'Association des maires de Polynésie et l'assemblée territoriale adhèrent d'ailleurs à cette perspective, à laquelle il faudra donc donner prochainement un contenu.
Plus généralement, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai perçu, en Polynésie, une demande de démocratie, une demande d'affirmation de l'intérêt général. C'est, je crois, tout simplement une demande de République qui s'exprime.
Mais, pour revenir très directement à l'objet de cette séance, j'ai pu constater que le renforcement de la représentativité des élus et l'équilibre dans la répartition des sièges constituaient un objectif partagé par tous, à Paris - le rapporteur M. Lanier va, j'en suis sûr, le démontrer une nouvelle fois aujourd'hui - aussi bien qu'à Papeete, où je l'ai constaté moi-même.
La proposition de loi organique visant à améliorer l'équité des élections à l'assemblée de la Polynésie française, déposée par le député M. Emile Vernaudon, a été adoptée en première lecture à l'Assemblée nationale le 22 juin dernier.
Compte tenu du déséquilibre constaté, c'est un véritable « devoir démocratique » qu'une réforme de la répartition des sièges à l'assemblée de la Polynésie française intervienne avant les prochaines élections territoriales prévues en mai 2001, et c'est pourquoi mon prédécesseur, M. Jean-Jack Queyranne, avait déclaré l'urgence sur ce texte.
Dans son rapport, au nom de la commission des lois du Sénat, M. Lanier rappelle que j'ai toujours été hostile à la transformation des règles du jeu à quelques semaines des scrutins.
M. Lucien Lanier, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. C'est vrai !
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Le député ne fera pas mentir le secrétaire d'Etat. Monsieur le sénateur, vous avez en effet cité un débat de l'Assemblée nationale qui concernait l'unification du mode de scrutin régional. Je vous confirme cette position. En ce qui concerne la Polynésie, heureusement, nous sommes encore à six mois, et non pas à quelques semaines, du scrutin territorial. Mais, c'est surtout, et j'insiste sur ce point, la présence du consensus, tant au Sénat qu'à l'Assemblée nationale, sur la nécessité de corriger le déséquilibre dans la représentation de la circonscription des Iles-du-Vent qui nous conduit à souhaiter faire progresser la démocratie en Polynésie française en rééquilibrant la représentation des différentes circonscriptions.
Chaque parlementaire de Polynésie a d'ailleurs déposé une proposition de loi visant à corriger ce déséquilibre. Le constat est donc fait par tous. L'un de mes excellents prédécesseurs, M. Perben, s'est d'ailleurs joint à cet exercice. C'est une caution supplémentaire. Le Gouvernement n'est donc pas à l'initiative de cette modification mais, s'agissant d'une question d'équité dans la représentation des populations, il ne peut, bien sûr, que soutenir cette démarche de rééquilibrage et il fera tout pour qu'elle s'applique le plus rapidement possible.
Aujourd'hui, la représentation des habitants des différentes circonscriptions électorales au sein de l'assemblée de la Polynésie française n'est pas satisfaisante.
Le nombre des sièges de l'assemblée et leur répartition au sein de cinq circonscriptions ont été fixés, je le rappelle, par la loi du 18 décembre 1985. L'assemblée est composée de quarante et un membres, élus selon la répartition suivante : Iles-du-Vent - Tahiti et Moorea pour l'essentiel - vingt-deux conseillers ; Iles-sous-le-Vent, huit conseillers ; Iles Australes, trois conseillers ; Iles Marquises, trois conseillers ; Iles Tuamotu-Gambier, cinq conseillers.
Or, avec près de 165 000 habitants au dernier recensement de 1996, les Iles-du-Vent représentent près de 74 % de la population mais ne disposent que de 53,6 % des sièges. C'est la traduction de ce déséquilibre.
Il est donc indispensable de rééquilibrer la répartition des sièges au profit des Iles-du-Vent.
Or, vous le savez - votre rapporteur M. Lucien Lanier l'a longuement développé - la représentation des différentes circonscriptions doit répondre à deux exigences fortes. La première, c'est le principe d'égalité, qui impose que le suffrage de chaque électeur pèse d'un poids identique. La seconde exigence, c'est que l'élection doit se faire sur des bases essentiellement démographiques. Cela ne signifie pas, bien entendu, qu'une stricte proportionnalité doit être respectée : la démocratie, chacun en conviendra, n'est pas un exercice de mathématique.
M. Lucien Lanier, rapporteur. Très bien !
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Le Conseil constitutionnel a reconnu au législateur, notamment dans la décision du 8 août 1985 sur la Nouvelle-Calédonie, la possibilité de tenir compte également d'impératifs précis d'intérêt général.
On peut ainsi penser que la représentation d'archipels éloignés par un nombre minimal d'élus s'inscrit dans cette jurisprudence, mais seulement en complément de la prise en compte du poids démographique réel de ces îles.
Cette réforme n'est pas seulement un devoir démocratique ; elle est aussi une exigence constitutionnelle.
En effet, pour le Conseil constitutionnel, le critère de la population reste essentiel. Il a été appliqué tant pour l'élection de députés dans une décision de juillet 1986 que pour l'élection des membres du conseil municipal de la ville de Marseille. Il est également appliqué par le Conseil d'Etat pour le contrôle du découpage cantonal.
Aussi - je ne crains pas de le rappeler, mesdames, messieurs les sénateurs - la nécessité de procéder à un rééquilibrage de la représentation au profit des Iles-du-Vent est bien aujourd'hui une exigence constitutionnelle à satisfaire avant les prochaines élections.
Ce diagnostic est largement partagé. J'en veux pour preuve la multiplication des propositions de loi qui se sont fait jour, émanant - M. le rapporteur y reviendra - de tous les parlementaires de Polynésie française. Ainsi, votre collègue M. Gaston Flosse avait déposé une proposition de loi organique en ce sens.
Cette proposition de loi ne pouvait prospérer, compte tenu du risque constitutionnel : l'assemblée territoriale avait certes formulé un voeu par une délibération de mai 1999, mais il ne s'agissait que d'un voeu, et non d'un avis formel sur la proposition de loi.
C'est pourquoi l'Assemblée nationale a pris l'initiative d'examiner la proposition de loi déposée par M. Emile Vernaudon, qui attribue, à effectif de l'assemblée constant, vingt-neuf sièges aux Iles-du-Vent au lieu de vingt-deux actuellement, cinq sièges aux Iles-sous-le-Vent, deux sièges aux Iles Marquises, deux sièges aux Iles Australes et 3 sièges aux Iles Tuamotu et Gambier.
Aujourd'hui, la commission des lois du Sénat propose, en s'inspirant d'une autre proposition qui avait été formulée par deux députés, M. Buillard, représentant de la Polynésie française, et M. Perben, de porter à trente sièges, soit huit sièges supplémentaires, la représentation des Iles-du-Vent tout en maintenant le nombre de sièges actuellement attribués aux archipels. Ce chiffre a été accueilli favorablement par l'assemblée de la Polynésie française, comme elle me l'a rappelé lors de mon déplacement.
L'objectif est donc toujours de rechercher une solution qui permette d'aller vers l'égalité des suffrages, en accordant une plus forte représentation aux Iles-du-Vent tout en assurant une représentation des archipels éloignés pour tenir compte des spécificités du territoire. La position adoptée par votre commission a pour conséquence, à la différence du vote des députés, d'augmenter le nombre de membres de l'assemblée territoriale.
La proposition de loi organique adoptée par l'Assemblée nationale le 22 juin 1999 et que vous examinez pour la première fois aujourd'hui peut être considérée comme l'une des solutions susceptibles de répondre à l'ensemble des objectifs fixés.
Tout en conservant le nombre actuel de sièges, soit quarante et un, la redistribution des sièges permet de parvenir à un équilibre qui, de toute façon, est plus satisfaisant que la situation actuelle. Elle est réalisée par le transfert de sept sièges aux Iles-du-Vent, qui éliraient vingt-neuf conseillers : vingt-deux plus sept. Elle assure, à sa manière, le rééquilibrage démographique recherché. Les Iles-du-Vent disposeraient d'un peu plus de 70 % des sièges pour près de 74 % de la population.
Les écarts par rapport à la moyenne seraient très sensiblement réduits. De ce point de vue, les exigences du Conseil constitutionnel seraient satisfaites. Les archipels continueraient de bénéficier d'une représentation supérieure à celle que commanderait la simple proportionnalité par rapport à leur population. Je ne crois pas que rééquilibrer ainsi la représentation des circonscriptions les plus peuplées aille « à contre-courant de l'histoire », pour reprendre votre expression, monsieur le rapporteur. Elle va vers plus d'équité et ce sont ces arguments qui avaient emporté l'adhésion de l'Assemblée nationale. Le Gouvernement avait d'ailleurs accueilli favorablement une telle solution.
Il est de toute façon indispensable de renforcer la légitimité de l'assemblée délibérante de la Polynésie française qui, bientôt, verra son statut modifié, conformément au voeu des deux assemblées, après l'approbation de la modification constitutionnelle par le Congrès du Parlement qui avait été envisagée voilà quelques mois et qui est différée.
En conclusion, le texte voté par l'Assemblée nationale constitue, à n'en pas douter, un réel progrès par rapport à la situation actuelle. La discussion doit toutefois se poursuivre entre les deux chambres.
Enfin, j'évoquerai deux amendements qui ont été déposés sur un sujet dont on m'a beaucoup parlé lors de mon déplacement en Polynésie : la concomitance des élections municipales et des élections territoriales. Ces amendements ont un objectif là encore digne du plus grand intérêt sur le plan de la démocratie locale. En effet, organiser le même jour des élections différentes peut permettre de faciliter la gestion administrative des élections, d'en réduire les coûts pour les candidats comme pour l'Etat et, c'est tout aussi important, d'encourager les électeurs à se rendre aux urnes.
Permettez-moi de relever que si le Parlement n'avait pas été conduit à repousser les élections en 1996 à la suite d'une proposition de loi de M. Pierre Mazeaud, alors député, pour permettre - c'était tout à fait fondé - aux élections territoriales de n'avoir lieu qu'après l'adoption du nouveau statut de la Polynésie française, cette simultanéité des élections municipales et territoriales aurait tout naturellement eu lieu en 2001.
Ces éléments doivent, comme les autres, être versés au débat. Le Gouvernement s'en remettra, sur ce point, à la sagesse du Parlement.
Il reste envisageable, et j'en terminerai par là, que la représentation nationale recherche - le Sénat va, j'en suis sûr, y contribuer cet après-midi - une solution qui puisse recueillir une large adhésion et qui rende le scrutin territorial en Polynésie française plus équitable tout en veillant à ne pas corriger un déséquilibre en créant un autre déséquilibre dans l'indispensable représentation des archipels. La démocratie commande, et c'est l'ensemble des Polynésiens qui en bénéficieront. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen. - M. le rapporteur et M. Robert Laufoaulu applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Lucien Lanier, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, pourquoi, oui, pourquoi revenir sur un sujet dont nous avons déjà débattu voilà un an lors de l'examen d'une proposition de loi organique présentée par notre collègue M. Gaston Flosse, ici présent ?
Ce texte avait pour objet essentiel d'améliorer la répartition des sièges à l'assemblée de la Polynésie française en tenant compte, d'une part, des évolutions démographiques et, d'autre part, de l'impérieuse nécessité de préserver un juste équilibre entre les divers archipels disposés, je le rappelle, en cinq circonscriptions électorales, où se répartissent quarante-huit communes. Equilibre, donc, qui se doit conforme au principe de l'équité, qu'elle soit politique, sociale et, bien sûr, culturelle.
Cette proposition était adoptée par le Sénat le 23 novembre 1999. Le Gouvernement avait affirmé par la voix de Daniel Vaillant, aujourd'hui ministre de l'intérieur, son souhait « de concilier la nécessité de rééquilibrer la représentation (...) sans pénaliser celle des archipels éloignés sous prétexte qu'ils sont plus faiblement peuplés ». « Diminuer la représentation des archipels irait à l'encontre de cette volonté de rééquilibrage », avait-il également indiqué.
Les choses étaient d'autant plus claires que tout le monde constatait l'urgence de cette proposition à l'approche du renouvellement de l'assemblée de la Polynésie française prévu en mai 2001.
Qu'en a-t-il été ? Malgré ses prises de position très claires et extrêmement précises, le Gouvernement s'est abstenu de donner suite au déroulement du processus parlementaire entamé par le Sénat, sans présenter lui-même, comme il l'avait d'ailleurs prévu, aucun contre-projet.
Ce n'est qu'après six mois d'attente que l'Assemblée nationale fut saisie du sujet et adopta une proposition de loi organique, le 26 juin dernier, aux dernières limites de la fin de la précédente session !
C'est ce texte qui nous est aujourd'hui soumis, inscrit à l'ordre du jour prioritaire après déclaration d'urgence, et ce à moins de six mois de l'échéance électorale de mai 2001 qui doit renouveler l'assemblée de la Polynésie française.
Qu'il me soit seulement permis de remarquer la contradiction entre le constat unanime d'une réforme indispensable et le cheminement laborieux de cette dernière, la difficulté n'étant, à l'évidence, pas seulement d'ordre technique.
Considérons avec sagesse le constat qui fait l'unanimité, c'est-à-dire la nécessité de procéder à une nouvelle répartition des sièges de l'assemblée de la Polynésie française.
A cet égard, je souscris pleinement, monsieur le secrétaire d'Etat, aux propos que vous avez tenus tout à l'heure, en faisant un peu, au sujet de la proximité de mai 2001, la réponse du berger à la bergère : je suis tout à fait convaincu de l'absolue nécessité de procéder à une nouvelle répartition des sièges, mais, en même temps, je pense que la déclaration d'urgence aurait pu être évitée alors que nous sommes maintenant si près de mai 2001.
Procéder à une nouvelle répartition des sièges est en tout état de cause une nécessité pour plusieurs raisons.
La première, c'est que rien n'a été fait depuis 1985 pour tenir compte d'évidentes évolutions ; la deuxième raison est la progression démographique très diversifiée que révèlent les recensements de 1988 et de 1996 ; la troisième raison est la spécificité accrue des archipels ; la quatrième raison est la transformation potentielle de la Polynésie française en « pays d'outre-mer » ; enfin, la cinquième raison est, nous l'avons dit, la proximité de l'élection de mai 2001 pour renouveler l'assemblée de la Polynésie française.
Prenons la première raison : la répartition des sièges entre les cinq circonscriptions électorales a été révisée trois fois - en 1952, en 1957 et en 1985 - pour tenir compte des évolutions démographiques.
Aucune révision n'est intervenue depuis 1985. Or, au cours de ces quinze dernières années, l'évolution de la Polynésie française a été considérable, non seulement démographiquement, mais aussi économiquement et socialement. La fermeture du centre d'expérimentation du Pacifique en est la cause première, en bien comme en moins bien !
Or, la révision du nombre de sièges à pourvoir dépend de trois paramètres : tout d'abord, l'importance relative de la progression démographique au cours des quinze dernières années ; ensuite, la part démographique de tel archipel considéré au sein de la population totale de la Polynésie française ; enfin, la nécessité d'une représentation minimale pour les archipels les moins peuplés mais dont la spécificité doit être respectée.
L'application de ces trois critères fait apparaître l'évident besoin de rééquilibrer les sièges de l'Assemblée au bénéfice des Iles-du-Vent, c'est-à-dire des îles qui ont pour ville principale Papeete, capitale de la Polynésie.
En effet, en nous fondant sur les deux recensements intervenus en 1988 et en 1996, nous constatons que les cinq archipels, circonscriptions électorales, sont tous en progression démographique, mais d'une façon diversifiée, ce qui tend à creuser des écarts non négligeables auxquels il convient de remédier.
Ainsi, et bien que son taux d'accroissement annuel se soit considérablement réduit - de 8,5 % à 2,5 % - les Iles-du-Vent rassemblent encore près des trois quarts de la population polynésienne, phénomène dû en grande part à l'attrait, souvent illusoire, de la capitale Papeete.
Comparativement, la population des Iles-sous-le-Vent, dont l'île principale, bien connue, est Bora-Bora, connaît un rythme de progression plus accéléré et représente 12,2 % de la population d'ensemble, tandis que ce pourcentage atteint 7 % pour les Iles Tuamotu et Gambier, 3,7 % pour les Iles Marquises et 3 % pour les Iles Australes.
Nous voici donc confrontés au principe constitutionnel de l'égalité des suffrages et à l'impérieuse nécessité d'une application spécifique à la Polynésie française.
En effet, le Conseil constitutionnel a fondé la jurisprudence de l'égalité des suffrages sur trois critères : premièrement, la prise en considération des évolutions démographiques ; deuxièmement, la prépondérance du critère démographique pour la répartition des sièges ; troisièmement, la possibilité de pondérer la répartition des sièges en considération des impératifs d'intérêt général.
Jusqu'alors, ces trois critères ont été appliqués en métropole et en Nouvelle-Calédonie, mais à des entités géographiquement groupées. Aucune décision, à cet égard, n'a jusqu'alors concerné directement la Polynésie française, à laquelle s'applique plus qu'ailleurs le troisième critère susceptible de pondérer la répartition des sièges.
Rappelons une fois encore, pour mieux comprendre le contexte, que nous sommes en présence d'étendues considérables : 4 200 kilomètres carrés seulement de terres émergées, comportant 118 îles ou îlots au sein de 5,5 millions de kilomètres carrés.
L'éloignement est de rigueur, non seulement par rapport à la métropole - 18 000 kilomètres de distance - mais aussi entre les archipels comme entre les îles qui les composent. Cela correspondrait, en Europe, à une distance allant, au Sud, de l'Espagne à la Bulgarie, et, au Nord, de l'Irlande à la Pologne.
Cette immense dispersion géographique et insulaire, à laquelle répond la diversité de ses composants, économiquement et socialement, implique une interprétation souple de la jurisprudence du Conseil constitutionnel et l'aménagement d'un équilibre réfléchi, hors des considérations d'intérêts personnels - je m'empresse de le dire - garantissant certes l'importance démographique, mais conjurant les risques d'une marginalisation des archipels par rapport à Papeete, dont les conséquences seraient graves pour la cohésion de la Polynésie française, laquelle est bien un impératif d'intérêt général.
Elle l'est d'autant plus que la Polynésie française est sur le point de devenir un « pays d'outre-mer », seul de cette définition, conformément au projet de loi constitutionnel voté en termes identiques par les deux assemblées, projet qui devait être adopté par le Congrès prévu le 24 janvier dernier, dont la réunion fut annulée, laissant ainsi le projet en attente.
Ajoutons enfin que l'une des raisons motivant l'urgence de la réforme, après un certain attentisme du Gouvernement - et ne voyez aucune connotation péjorative dans mon propos, monsieur le secrétaire d'Etat, c'est juste un constat que je dresse - reste l'échéance qui se rapproche promptement du scrutin territorial de mai 2001, portant renouvellement de l'assemblée de la Polynésie française.
Il convient, en l'occurrence, de bien constater que, malgré la déclaration d'urgence et à la date où nous sommes, la réforme - vous l'avez d'ailleurs dit vous-même, monsieur le secrétaire d'Etat - ne peut intervenir effectivement que moins de six mois avant la date du scrutin, ce qui contredit le principe démocratique interdisant de modifier les règles électorales dans l'année précédant le scrutin. On jouera donc sur le principe pour le mieux transgresser. Mais il importe de le transgresser parce que, comme vous l'avez dit vous-même, monsieur le secrétaire d'Etat, l'urgence prime. Il faut faire quelque chose. Nous ne pouvons pas nous abstenir de faire quoi que ce soit sous prétexte de l'existence de principes, lesquels principes ne sont d'ailleurs pas des lois. En effet, cela irait à l'encontre même de la démocratie pleinement appliquée. Vous avez d'ailleurs reconnu, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'il y avait là une exigence et, vous citant vous-même, vous avez considéré, compte tenu de cette dernière, que vous ne vous contredisiez pas mais que vous suiviez l'évolution des choses.
Il est donc navrant de voir que l'impératif d'une réforme aussi indispensable s'est heurté à une phase d'inertie particulièrement déplorable.
Quoi qu'il en soit, le dispositif que préconise l'Assemblée nationale est celui d'une proposition de loi organique, présentée par M. Vernaudon, député de Polynésie, après qu'il eut proposé une première solution, particulièrement drastique, suggérant une circonscription unique à la proportionnelle, solution qui fut repoussée à juste titre et avec sagesse par l'Assemblée nationale puisqu'elle brisait toute représentation institutionnelle des archipels dits « éloignés ».
Le dispositif retenu en définitive par l'Assemblée nationale procède à une redistribution des sièges entre les cinq archipels qui forment autant de circonscriptions électorales.
Le nombre total des sièges à l'assemblée de la Polynésie française demeurerait inchangé, soit quarante et un sièges, mais sept des sièges actuellement attribués aux archipels éloignés seraient reportés sur les Iles-du-Vent, c'est-à-dire sur Tahiti et sur Papeete.
Ainsi les Iles-sous-le-Vent, pourtant en expansion démographique, perdraient trois sièges sur les huit qu'elles possèdent actuellement ; les Iles Tuamotu et Gambier perdraient deux sièges sur cinq ; les Iles Marquises et les Iles Australes perdraient un siège sur trois.
Or, ce dispositif, s'il reconnaît l'augmentation logique des Iles-du-Vent, qui regroupent, je le rappelle, trois quarts de la population globale, présente l'immense inconvénient de réduire en données absolues la représentation des quatre autres archipels, circonscriptions électorales, ce qui va à contre-courant de leur mouvement de renaissance démographique face au surcroît de population de Papeete, souvent en proie au chômage.
Enfin, un tel dispositif marque, à un moment parfaitement inopportun, un retour en arrière, dès lors que, depuis 1946, les archipels n'ont jamais perdu de siège, bien au contraire, et que certains d'entre eux progressent, mouvement qu'il convient de favoriser.
Un puissant mouvement de protestation, voire de sécession, ne manquerait pas de voir le jour, particulièrement de la part des archipels aux spécificités les plus affirmées, qui ont besoin d'être représentées et donc des'exprimer à l'assemblée de la Polynésie française.
J'ai pesé mes mots, monsieur le secrétaire d'Etat. En tout cas, mon collègue Guy Allouche et moi-même avons constaté sur place ces différences entre les archipels. Ainsi, les Iles Marquises sont effectivement très différentes des Iles-du-Vent ou des Iles-sous-le-Vent, et nous ne pouvons pas les sous-représenter.
Ajoutons que le scrutin proportionnel qui est actuellement en vigueur serait peu compatible avec un nombre de sièges trop réduit dans certains archipels.
Enfin, les débats au Sénat, à l'automne 1999, ont révélé un front unanime pour refuser toute solution qui réduirait la représentation des quatre archipels autres que celui des Iles-du-Vent. En effet, le Gouvernement déclarait alors que « diminuer la représentation des archipels irait à l'encontre de la volonté de rééquilibrage », et notre excellent collègue Guy Allouche, spécialiste et fin connaisseur des problèmes de la Polynésie, reconnaissait lui-même que « la proposition Vernaudon minore et sous-représente gravement - j'insiste, disait-il, sur ce mot - les archipels des Marquises, des Tuamotu et Gambier, des Iles Australes et des Iles-sous-le-Vent. La spécificité polynésienne commande - j'insiste sur ce terme, ajoutait-il - de ne pas toucher à la représentation actuelle des archipels ». Il avait parfaitement raison ! Je voulais, à dessein, citer ces déclarations de bon sens.
L'assemblée de la Polynésie française elle-même, consultée, donnait à cette proposition - celle que je viens de citer, que l'on appelle « la proposition Vernaudon » - un avis défavorable et dûment commenté.
Mais, a contrario , cette même assemblée a proposé une solution plus nuancée, à savoir augmenter de huit sièges la dotation des Iles-du-Vent sans réduire pour autant celles des quatre autres archipels, solution qui présente l'avantage d'une extrême clarté et d'une grande simplicité.
Cette proposition a fait l'objet d'un mémorandum cosigné par l'assemblée de Polynésie française, par le comité économique, social et culturel, par l'association des maires de Polynésie française et par le président du parti d'opposition, Boris Leontieff, ainsi que par deux des trois parlementaires de Polynésie ; bref, par la quasi-totalité des élus, sauf ceux qui présentent ce projet, à savoir M. Vernaudon et les indépendantistes.
Cette proposition a d'ailleurs été reprise - sans être retenue - devant l'Assemblée nationale par Michel Buillard, député-maire de Papeete, et par Dominique Perben, ancien ministre de l'outre-mer.
J'ai proposé à notre commission des lois de faire sienne cette proposition, parce qu'elle permet, d'une part, de réduire substantiellement les écarts de représentation d'un archipel à l'autre et de répondre mieux à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, et, d'autre part, de préserver une représentation significative des archipels les plus éloignés.
Elle va donc dans le sens du rééquilibrage souhaité et du principe d'égalité des suffrages.
En effet, l'écart maximum serait réduit d'un point par rapport à la situation actuelle, passant de 3,38 à 2,47. Ces écarts sont nettement inférieurs à ceux que le législateur avait admis en 1985 !
Ce dispositif porterait à quarante-neuf conseillers l'effectif global de l'assemblée, ce qui est parfaitement acceptable pour une population de 220 000 âmes. Le nombre d'élus des Iles-du-Vent passerait ainsi de vingt-deux à trente, les autres circoncriptions étant inchangées : Iles-sous-le-Vent, huit sièges ; archipels de Tuamotu et Gambier, cinq sièges ; archipel des Marquises, trois sièges ; Iles Australes, trois sièges.
C'est ainsi qu'est rédigé, par un amendement unique, l'article 1er de notre proposition.
Quant à l'article 2 de la proposition de l'Assemblée nationale, il correspond à une simple clarification formelle concernant le mode de scrutin de liste à la proportionnelle à la plus forte moyenne.
En conclusion, la commission des lois vous propose d'abord d'augmenter de huit sièges la dotation des Iles-du Vent, afin de réduire substantiellement les écarts entre cette circonscription et les autres.
Elle vous propose ensuite de ne pas modifier la représentation des quatre autres circonscriptions, afin de maintenir une représentation significative de ces archipels.
Elle vous propose de répondre ainsi à la grande majorité des élus, qui ont donné un avis favorable à la solution préconisée par la commission des lois.
Elle vous propose, enfin, d'affirmer l'urgence d'un rééquilibrage des sièges à l'assemblée de la Polynésie française, qui, justement évalué, répond à un besoin réel qui n'a pas été pris en considération depuis 1985.
En conséquence, la commission des lois vous propose de voter la présente proposition ainsi amendée en son article 1er. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le Sénat a déjà été saisi d'une proposition de loi sur le sujet qui nous occupe aujourd'hui. Il avait alors pris l'initiative de rééquilibrer la représentation des Iles-sous-le-Vent, des Iles-du-Vent et des archipels, car il lui paraissait, compte tenu de l'évolution démographique, que leur représentation n'était pas homogène.
Pour des raisons que M. le rapporteur a excellement indiquées, le texte n'a pas abouti et d'autres propositions ont été formulées.
Je passerai sur le fait que l'une d'entre elles envisageait d'instaurer une circonscription unique : tout le monde a vite renoncé à cette solution, estimant qu'il fallait une représentation spécifique des archipels et qu'il convenait de préserver les circonscriptions telles qu'elles existaient depuis 1946. De ce point de vue, les propositions excessives ont donc été rejetées.
La proposition de loi votée par l'Assemblée nationale contient deux éléments qui me paraissent étonnants.
En premier lieu, elle réduit, dans certains cas, la représentation à deux sièges, mais garde le scrutin proportionnel. Or, pour l'élection des députés, n'a-t-on pas reconnu qu'il fallait garder le scrutin majoritaire dès lors que deux sièges étaient à pourvoir ? Voilà qui montre donc le sérieux du vote de l'Assemblée nationale !
En second lieu, je note - pour m'en réjouir, cette fois, et je ne proposerai aucune modification à ce sujet - que, alors que, en cas d'égalité des suffrages, elle avait prévu de faire élire le plus jeune, en l'occurrence, on fera élire le plus âgé. Comme quoi on est plus sage en Polynésie que, parfois, en métropole ! L'Assemblée nationale n'est donc pas allée jusqu'au bout de ses innovations, qui sont parfois curieuses.
M. Guy Allouche. Les Polynésiens sont toujours jeunes !
M. Jean-Jacques Hyest. Quel que soit leur âge, ils sont jeunes !
M. Pierre Fauchon, vice-président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. C'est comme au Sénat ! (Sourires.)
M. Jean-Jacques Hyest. C'est en effet vrai dans un certain nombre d'assemblées, notamment ici.
On peut discuter à perte de vue sur le critère démographique, essentiel selon la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Toutefois, on peut en trouver d'autres ! Aucune assemblée ne répond, en effet, au seul critère strictement démographique, et nous savons très bien, par exemple, que, dans nos conseils généraux, il est généralement admis qu'aucun canton ne peut représenter plus du double d'habitants de la moyenne départementale, répondant ainsi à la jurisprudence du Conseil d'Etat. Au demeurant, le Gouvernement ne propose des modifications en la matière que lorsque cela l'arrange ! Et ce sont, monsieur le secrétaire d'Etat, des habitudes prises par tous les gouvernements.
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. « Les » gouvernements, en effet.
M. Jean-Jacques Hyest. Oui, tous les gouvernements !
Par ailleurs, comme l'a dit M. le rapporteur - et je n'insisterai pas -, diminuer la représentation des archipels me paraîtrait aller à l'encontre de la politique globale d'aménagement du territoire de la Polynésie.
Il est vrai qu'il existe une volonté politique de rééquilibrer la population entre les archipels et les Iles-du-Vent : tous souhaitent éviter la concentration des populations à Tahiti et, au contraire, développer les archipels. Ce n'est donc pas le moment, à mon avis, de diminuer leur représentation.
Une proposition avait été faite par le Sénat pour augmenter la représentation des Iles-du-Vent, et une nouvelle proposition, qui a recueilli l'avis favorable de l'assemblée territoriale, nous est faite aujourd'hui. Je crois que, sur ce point, nous pouvons suivre les propositions de la commission des lois.
Quelle est notre marge de manoeuvre en la circonstance ? Je crois qu'il faut éviter qu'une seule circonscription ne puisse prendre toutes les décisions sans tenir compte des autres. N'oubliez pas, monsieur le secrétaire d'Etat, que, dans la loi sur la coopération intercommunale, nous avions fixé des règles pour qu'une collectivité n'impose pas ses vues à une autre ! En l'occurrence, nous devons donc prendre en compte le critère démographique et éviter qu'une seule circonscription n'impose ses vues aux autres, qui auraient ainsi l'impression d'être abandonnées.
C'est pourquoi nous soutiendrons la proposition qui nous est faite d'augmenter la représentation des Iles-du-Vent, sans diminuer pour autant la représentation des archipels. Cela me paraît tout à fait équilibré et conforme à tous les principes que j'évoquais tout à l'heure.
Au-delà de cette réforme, qui intervient peut-être un peu tard compte tenu de la date des prochaines élections, nous sommes attachés, vous le savez bien, monsieur le secrétaire d'Etat, au statut des communes de Polynésie - cela me paraît d'une urgence absolue - mais aussi à l'évolution du statut de la Polynésie française, pour en faire un pays d'outre-mer.
Même si cela ne dépend pas uniquement de nous, nous espérons être prochainement en mesure d'accorder à la Polynésie un statut moderne, à l'instar de ce que nous avons fait pour la Nouvelle-Calédonie. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicain et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Collin.
M. Yvon Collin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'objet du texte qui nous est soumis cet après-midi a le grand mérite d'être clair, louable et intangible : il s'agit tout simplement de conférer davantage de démocratie à l'assemblée de la Polynésie française.
Bien entendu, cela ne signifie pas, dans mon esprit, qu'elle en soit actuellement exempte ! Heureusement, notre République ne connaît dans son fonctionnement institutionnel que la démocratie ; mais, en certains points de son territoire, celle-ci, à l'évidence, peut être perfectible.
C'est le cas pour la Polynésie. C'est un constat largement partagé : il existe un déséquilibre entre la répartition des sièges au sein de l'assemblée territoriale et les réalités démographiques. En effet, lorsque les trois quarts de la population ne sont représentés que par à peine plus de la moitié des élus d'une assemblée, vous en conviendrez, mes chers collègues, des aménagements sont nécessaires.
Dans notre pays, les institutions, guidées par un principe fort - « Un homme : une voix » - favorisent le suffrage universel et sa traduction en termes de souveraineté nationale.
Le Conseil constitutionnel veille d'ailleurs au respect du facteur démographique dans l'organisation du découpage électoral. Selon plusieurs de ses décisions, si l'intérêt général peut justifier une représentation minimale de certains territoires peu peuplés, la population d'une circonscription ne peut s'écarter de plus de 20 % de la population moyenne des circonscriptions du département.
En ce qui concerne la Polynésie, l'éloignement géographique de certains archipels et leur densité de population justifient, en effet, l'atténuation du facteur démographique.
Toutefois, le dernier recensement montre que la Polynésie s'écarte trop des limites posées par le Conseil constitutionnel. En effet, les Iles-du-Vent sont nettement sous-représentées puisque chaque conseiller élu de cet archipel représente environ 7 400 habitants, contre moins de 2 200 pour l'élu des Iles Australes.
C'est pourquoi il est aujourd'hui, à l'évidence, nécessaire de procéder à une redistribution des sièges au sein de l'assemblée de la Polynésie française.
Mes chers collègues, les nombreuses propositions de loi déposées en ce sens démontrent l'existence d'un consensus, du moins sur le principe, car, s'agissant des moyens pour y parvenir, j'ai cru comprendre que les avis divergeaient.
En ce qui concerne les radicaux de gauche, le texte présenté par le député Emile Vernaudon, soutenu par le Gouvernement et approuvé par la majorité de l'Assemblée nationale, recueille naturellement leur entière adhésion, et ce pour une raison simple : ce texte se rapproche le plus du principe que j'évoquais à l'instant, à savoir « un homme, une voix ». En effet, en portant le nombre de conseillers des Iles-du-Vent à vingt-neuf à partir d'un prélèvement de sièges sur ceux des autres îles, la proposition de loi aboutit, à l'évidence, à un meilleur ratio.
Un élu représenterait 5 610 personnes dans les Iles-du-Vent, 5 368 dans les Iles-sous-le-Vent, 5 123 dans les Iles Tuamotu et Gambier, 4 032 dans les Iles Marquises et 3 282 dans les Iles Australes. Dans ces conditions, on serait proche d'une représentativité élective très en rapport avec les réalités démographiques.
Concrètement, les Iles-du-Vent récupèrent légitimement sept sièges, tandis que les autres îles conservent deux sièges au minimum, ce qui, au regard de la densité démographique de certaines îles, apparaît tout à fait honorable.
Aux Iles Tuamotu et Gambier, le recensement de 1996 montre que, sur cet archipel, 70 % des électeurs sont concentrés sur huit îles, toutes situées au nord-ouest, dans un rayon de 100 kilomètres environ. Trois conseillers territoriaux suffisent donc pour représenter l'ensemble de l'archipel.
Aux Iles Australes, la répartition des 6 563 habitants sur les cinq îles montre que 62 % des habitants sont regroupés sur deux îles ; donc, là aussi, deux conseillers territoriaux suffisent pour être à l'écoute de l'ensemble de la population.
Aux Iles Marquises, 79 % des électeurs vivent sur les trois plus grandes îles des six qui composent l'archipel. Avec la proposition de loi d'Emile Vernaudon, le rapport de représentativité serait d'un conseiller pour trois îles.
Aux Iles-sous-le-Vent, ce sont cinq îles qui concentrent la majorité de la population ; donc, une fois encore, la représentativité de l'archipel serait assurée puisque nous aurions un conseiller par grande île.
Avec une représentation maintenue à hauteur de quarante et un sièges pour l'assemblée territoriale, les îles polynésiennes faiblement peuplées conservent une représentativité en mesure, me semble-t-il, de répondre à leurs attentes.
Certes, afin de ne pas froisser la population des circonscriptions auxquelles on soustrait des sièges, la solution de facilité consisterait - je l'entends bien - à augmenter le nombre total d'élus de l'assemblée.
Cependant, outre l'augmentation des dépenses de fonctionnement inhérente à ce procédé, l'assemblée pourrait à terme devenir pléthorique. Imaginons que ce choix fasse jurisprudence et qu'à chaque hausse de la population on augmente le nombre de conseillers ! Compte tenu de l'évolution toujours croissante de la population en Polynésie, cette solution ne paraît pas raisonnable.
C'est pourquoi le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale, qui privilégie la sagesse et, surtout, qui flatte le principe de l'égal suffrage, pilier de notre fonctionnement démocratique, est pour nous, radicaux de gauche, la meilleure voie.
« L'amour de la démocratie est celui de l'égalité », disait Montesquieu. Le gage de la démocratie en Polynésie sera le choix de l'équité. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Flosse.
M. Gaston Flosse. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, voilà presque exactement un an, nous avions discuté d'une proposition de loi que j'avais présentée avec mes collègues du RPR.
Cette proposition avait pour objet de rééquilibrer, sur le plan démographique, la représentation des différentes circonscriptions électorales de la Polynésie française, qui correspondent à chacun de nos archipels.
Ma proposition visait, de manière très simple, à augmenter le nombre de sièges attribués à la circonscription des Iles-du-Vent, la plus peuplée.
Notre rapporteur, M. Lucien Lanier, avait exposé pourquoi la commission avait estimé que l'augmentation du nombre d'élus des Iles-du-Vent devait être de six, pour revenir aux écarts qui prévalaient en 1985, date de la dernière modification dans la répartition des sièges, qui résultait du projet qui avait été présenté au Parlement par le ministre de l'outre-mer de l'époque, M. Lemoine.
Dans sa sagesse, la commission avait estimé que les ratios qui étaient bons en 1985 pouvaient le rester en 1999.
Certes, notre collègue Guy Allouche avait souhaité que le nombre de sièges des Iles-du-Vent soit encore plus important - quatorze, je crois - comme d'ailleurs, au nom du Gouvernement, M. Daniel Vaillant, alors ministre des relations avec le Parlement.
Mais l'un et l'autre, mes chers collègues, avaient exprimé une position très claire : la réforme est nécessaire et elle doit se faire par la seule augmentation du nombre d'élus des Iles-du-Vent, aucun archipel ne devant souffrir une diminution de sa représentation. C'est bien, cher Guy Allouche, ce que vous aviez dit, n'est-ce pas ?...
C'est pourquoi notre texte avait été adopté à l'unanimité des suffrages exprimés.
Le ministre, comme notre collègue socialiste, avait en outre souhaité que la réforme électorale soit définitivement adoptée dans un délai rapide, dans le souci qu'elle puisse être mise en application, selon l'usage républicain, plus d'un an avant les élections à l'assemblée de la Polynésie française, fixées en mai 2001.
Or, notre proposition n'a jamais été mise à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale !
Et, tout à coup, en juin dernier le Gouvernement a déclaré l'urgence sur une proposition de loi déposée à l'Assemblée nationale par M. Emile Vernaudon, député RPR devenu RCV et dont l'audience auprès du parti socialiste est inversement proportionnelle à son importance électorale. (Sourires.)
C'est cette proposition de loi que la commission a examinée la semaine dernière.
Contrairement à toutes les déclarations faites dans notre enceinte, en particulier par le ministre Daniel Vaillant et par notre collègue Guy Allouche, contrairement au voeu de l'assemblée de la Polynésie française, de notre conseil économique, social et culturel, de l'association des maires de Polynésie, la représentation des archipels éloignés est réduite de manière drastique.
Les Iles Marquises et les Iles Australes n'auraient plus que deux représentants, les Tuamotu et Gambier et les Iles-sous-Vent, dont la population a augmenté de plus de 20 % entre les recensements de 1988 et de 1996, perdraient respectivement deux et trois représentants.
Les sept sièges ainsi « gagnés » - je préfère dire « volés » - aux archipels éloignés seraient affectés aux Iles-du-Vent.
Le résultat est que la spécificité polynésienne d'archipels à forte personnalité, dispersés sur quelque 5 millions de kilomètres carrés d'océan, disparaît dans la négation de leur réalité géographique, historique, sociologique, culturelle, au nom d'une pseudo-égalité de représentation dont le seul critère est un constat démographique déjà dépassé.
Pourquoi un tel « assassinat des archipels » ? Je reprends là l'expression de M. Lucien Kimitete, maire de Taiohae, conseiller des Iles Marquises, membre d'un parti d'opposition à ma majorité, le Fetia Api, mais uni à celle-ci dans la même condamnation de la loi Vernaudon.
Eh bien ! tout simplement parce que l'objet de ce texte n'est pas l'équité, n'est pas la justice, n'est pas la prise en compte des besoins de la Polynésie française, mais seulement l'espoir de changer la majorité.
M. Vernaudon et ses alliés indépendantistes ne peuvent persuader les Polynésiens qu'ils ont la capacité de gouverner ?
Qu'à cela ne tienne ! Il suffit de modifier la loi électorale, de telle sorte qu'elle réponde à la demande. Peu importe qu'elle sacrifie l'avenir de la Polynésie !
Ne croyez pas, mes chers collègues, que je dénonce des faits imaginaires !
Permettez-moi de citer une dépêche de l'Agence France-Presse du 12 avril 2000 : « Le premier secrétaire du PS, François Hollande, a apporté mercredi son soutien à une proposition de loi organique pour réformer le mode de scrutin aux élections territoriales en Polynésie française émanant de trois partis de l'opposition au gouvernement de Gaston Flosse.
« Le texte, qui ferait de la Polynésie une seule circonscription électorale au lieu de cinq, permettrait, selon ses auteurs, de renverser la majorité actuelle. »
J'en viens à la déclaration vidéo de M. Hollande lors du congrès du Ai'a Api à Tahiti : « Il y a aussi la nécessité d'une voie électorale qui permette une véritable alternance en Polynésie ; la proposition qu'a déposée Emile et qui a fait l'objet déjà de discussions doit permettre justement de régler une des questions majeures pour la Polynésie, c'est-à-dire le fait que le pouvoir soit véritablement attribué à ceux qui ont légitimité à travers des élections libres et permettant l'expression de tous. »
Vous apprenez ainsi, mes chers collègues, comme l'ont appris avec stupeur mes concitoyens de Polynésie, que les élections ne sont pas libres en Polynésie française ! Eh oui, monsieur le secrétaire d'Etat !
Quelle caricature de la Polynésie a-t-on pu faire au chef d'un parti important dans la vie nationale pour qu'il puisse s'exprimer de la sorte ?
Par ailleurs, M. Vernaudon déclarait à la tribune de l'Assemblée nationale, le 22 juin dernier : « Cette proposition de circonscription unique a laissé espérer en Polynésie qu'un changement démocratique allait enfin se produire, car l'application de la proportionnelle intégrale à l'ensemble de la Polynésie signifiait la défaite assurée de la majorité locale actuelle. Je vous rappelle d'ailleurs que la circonscription unique était revendiquée dans le mémorandum conclu par les leaders des mouvements progressistes polynésiens, dont moi-même. »
Mais la modification du régime électoral ne suffit évidemment pas, puisqu'on se propose maintenant d'y ajouter une nouvelle manipulation du scrutin, en dissociant les élections municipales en Polynésie de celles de métropole pour les fixer à la même date que les élections territoriales - lorsque vous êtes venu en Polynésie, monsieur le secrétaire d'Etat, vous vous êtes déclaré opposé à la simultanéité des dates de ces élections.
Quel aveu !
Pourquoi ne pas aller directement au résultat recherché, en nommant les élus locaux au lieu de laisser le peuple les désigner ? Ce serait plus simple !
M. Guy Allouche. La prochaine fois !
M. Gaston Flosse. Malgré cela, vous n'y réussirez pas, mon cher collègue !
Mais quittons ce terrain de politique politicienne,...
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Merci, monsieur le sénateur !
M. Gaston Flosse. ... où l'on se préoccupe, à quelques mois des élections, du meilleur système électoral pour renverser une majorité que les Polynésiens ont choisie.
Restons donc sérieux, comme l'est le rapport de notre collègue Lucien Lanier, auquel je n'ai rien à ajouter, et que j'approuve entièrement. Il respecte la Polynésie, il respecte ses élus, il respecte les Polynésiens. Il est un hommage à la raison et à la démocratie.
Votons donc à l'unanimité les propositions de la commission. (Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche. Mes chers collègues, à travers vous, je veux adresser un salut amical et fraternel à tous nos compatriotes polynésiens qui sont représentés certes par notre collègue M. Flosse mais aussi par de nombreux maires qui nous font l'amitié d'assister aujourd'hui à nos travaux ainsi qu'à notre ancien collègue et ami Millaud, qui est présent dans les tribunes. Il est heureux que l'examen de cette proposition de loi organique ait lieu aujourd'hui au Sénat alors que se tient le congrès de l'Association des maires de France auquel participent nos collègues qui sont maires en Polynésie.
Mes chers collègues, s'il est un constat qui fait l'unanimité, c'est bien celui de réformer le plus rapidement possible l'effectif global et la répartition des sièges au sein de l'assemblée territoriale de la Polynésie française.
La mise en oeuvre de cette réforme est laborieuse. Chacun conviendra que si des difficultés d'ordre technique se posent, elles sont mineures au regard des problèmes politiques soulevés. Est-il possible de les surmonter ? Je suis convaincu que oui et qu'un compromis peut et doit être recherché. Pour ma part, au nom du groupe socialiste au nom duquel je m'exprime, je m'efforcerai de vous présenter ce qui me paraît être le fondement d'un compromis acceptable parce que politiquement et juridiquement fondé.
J'ai lu l'excellent rapport de notre collègue, M. Lucien Lanier, fin connaisseur de la Polynésie, mais peut-être sommes-nous allés en quelque sorte sur les mêmes bancs d'école... Nous avons appris la Polynésie ensemble. Je lui adresse mes félicitations pour la qualité de ce rapport dont les données sont utiles à la compréhension des difficultés.
Notre rapporteur rappelle nos débats précédents et fait état de mes déclarations, tant en commission qu'en séance publique. Je l'en remercie et je ne peux que confirmer ce que je déclarais alors.
Qu'il me permette cependant d'apporter les précisions suivantes.
S'il est exact que ce débat est beaucoup trop tardif, qu'il faut veiller, comme nombre d'entre nous l'ont dit, y compris l'actuel secrétaire d'Etat alors député, à ne pas modifier un mode de scrutin dans les mois qui précèdent une élection, on ne peut que reconnaître, mes chers collègues, qu'aujourd'hui nous modifions non pas le mode de scrutin mais l'effectif de l'assemblée territoriale polynésienne et, sur ce point, il y a un consensus. Monsieur Lanier, le reproche n'est donc pas fondé !
Si le Sénat a été la première assemblée parlementaire à adopter une proposition de loi organique - celle de notre collègue M. Gaston Flosse, en novembre dernier - il faut reconnaître que notre collègue député M. Emile Vernaudon avait déposé, bien avant Gaston Flosse, une proposition de loi ayant le même objet. Certes, l'Assemblée nationale n'en a pas débattu, mais j'avais déclaré que la proposition de Gaston Flosse, lors de notre débat de novembre dernier, prenait en quelque sorte le contre-pied de celle d'Emile Vernaudon. Il n'y a rien d'anormal à cela. Oserais-je dire que c'est le silence de Gaston Flosse qui aurait alors étonné plus d'un d'entre nous ! Il a eu raison, et c'est très légitime, de déposer à son tour une proposition de loi organique.
Je me dois également de rappeler que, si effectivement l'assemblée territoriale a débattu du sujet, a formellement adopté un voeu et a avancé des propositions de nouvelle répartition, elle l'a fait à partir du texte de M. Vernaudon et non de celui de M. Flosse. Il convenait de rétablir la chronologie exacte des faits.
Quant à l'Assemblée nationale, elle n'a pas pu être saisie de la proposition de loi de Gaston Flosse qui comportait un risque d'inconstitutionnalité tenant au non-respect de la procédure d'examen de ce type de disposition.
Reproche est fait par notre rapporteur - sans polémique mais il est fait tout de même - au Gouvernement de n'avoir pas respecté l'engagement pris devant nous de déposer un texte dans le cadre du projet de loi organique statutaire qui devait suivre la réunion du Parlement en congrès à Versailles pour modifier la Constitution et faire de la Polynésie française un pays d'outre-mer.
Il est exact que le secrétaire d'Etat à l'outre-mer avait pris l'engagement devant le Sénat de déposer ce texte, mais après la réforme de la Constitution à Versailles ! Or, qui n'a pas voulu de cette réunion du Congrès et qui n'a pas convoqué le Parlement à Versailles ? Je crois pouvoir dire, sans aucun risque de me tromper, que ce n'est sûrement pas Lionel Jospin ! Je le dis sans polémique mais, là aussi, nous devons rétablir la vérité.
Parlant du Congrès réuni à Versailles, permettez-moi, monsieur le secrétaire d'Etat, d'ouvrir une parenthèse - si tant est que le terme soit approprié - pour dire combien je regrette que nous n'ayons pas encore modifié, non seulement le statut de la Polynésie française, mais également une disposition importante relative au corps électoral en Nouvelle-Calédonie. A ce jour, rien ne peut nous laisser espérer une prochaine réunion du Congrès. Je veux espérer que ce retard, ô combien fâcheux et regrettable, ne sera pas une source de graves difficultés, voire de conflits nouveaux tant au sein de la population néo-calédonienne qu'au sein des institutions politiques de cette collectivité publique.
Pour en revenir au débat d'aujourd'hui, il faut bien admettre qu'il n'est pas aisé d'assurer une juste représentativité d'une assemblée démocratique et de conforter ainsi sa légitimité. Nous en mesurons les uns et les autres les difficultés et, pourtant, nous devrons parvenir à un accord. Je le redis et je ne cesserai de le dire, l'accord est indispensable dans l'intérêt de la population et de l'assemblée territoriale elle-même.
Ces difficultés sont-elles à ce point insurmontables ? Je dis non ! Certes, il y faut de la volonté politique et surtout veiller à ce que les critères retenus pour la juste répartition des sièges soient objectifs, qu'ils tiennent compte des données démographiques, de la représentation du territoire, c'est ce que nous rappelle la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
Le principe d'une réforme urgente faisant l'objet d'un consensus, il est grand temps de parvenir à une solution de nature à emporter la conviction de toutes les parties. J'ai déposé avec mes collègues du groupe socialiste un amendement de compromis. Je veux croire - mais nous verrons au fil de la discussion - que notre débat nous permettra de parvenir à cette fin.
Je voudrais dire à notre rapporteur que, si je le crois sincère lorsqu'il parle lui aussi de compromis et d'accord en commission mixte paritaire, je ne suis pourtant pas sûr qu'il nous facilite la tâche en proposant au Sénat, comme il vient de le faire, de prendre en considération la proposition au demeurant légitime de nos collègues MM. Buillard et Perben. Je n'en suis pas sûr et je me devais de vous le dire.
Je ne m'attarderai pas sur l'évolution démographique de la Polynésie française, qui n'échappe à personne tant elle est une donnée indiscutable. Notre rapporteur en fait la démonstration dans son rapport écrit. Cette réalité démographique doit être au coeur de nos préoccupations.
Pour autant, nous devons veiller à ne pas pénaliser les archipels éloignés, qui n'ont pas connu la même progression de leur population ou qui ont vu un nombre significatif de Polynésiens aller vers d'autres archipels, notamment ceux des Iles-du-Vent et des Iles-sous-le-Vent.
J'évoque volontairement les archipels éloignés pour bien les distinguer de la situation géographique et démographique particulière des Iles-du-Vent et des Iles-sous-le-Vent. Notre rapporteur a pris le soin de rappeler le propos de M. Daniel Vaillant qui, siégeant au banc du Gouvernement, a confirmé ce que je viens de dire. Mais il lui a aussi parlé d'archipels éloignés. Et ce matin, en commission des lois, je me suis permis de dire : « Qu'est-ce que la Polynésie, si ce n'est un ensemble de cinq archipels ? Seulement, deux sont assez rapprochés, les trois autres le sont moins ! »
M. Gaston Flosse. Vous jouez sur les mots !
M. Guy Allouche. Non, je ne joue pas sur les mots !
Voilà quelques semaines, j'avais reçu au Sénat une importante délégation de Polynésie - une délégation pluraliste, j'insiste sur ce terme - et nous en avons longuement parlé. Je redirai ce que j'ai dit à cette délégation en réponse à une question posée par deux membres de cette délégation, Boris Léontieff et Lucien Kimitete - qui sont vos opposants, cher Gaston Flosse : je ne suis pas favorable à une quelconque pénalisation de la représentation des archipels éloignés. C'est ce qui me sépare de la proposition de mon collègue député M. Vernaudon, même si je reconnais et je respecte ses motivations et ses propositions.
Parce que nous sommes allés sur place, Lucien Lanier et moi-même, nous avons entendu plus d'une fois les représentants de ces trois archipels nous dire : « Ne touchons pas à la représentation ! » Je veux donc rester fidèle à ce qui a été dit et aux déclarations que j'ai faites.
Nous ne parlons donc pas d'archipels éloignés ; nous parlons toujours de la spécificité de la Polynésie française - la superficie, l'éloignement de la métropole, l'éloignement des archipels entre eux, des particularismes économique, social, culturel - mais j'ajoute qu'il existe aussi des spécificités au sein de cette spécificité polynésienne. C'est pourquoi il nous faut prendre certaines dispositions, et nous ne pourrons pas ne pas en tenir compte.
Les deux derniers recensements de la population polynésienne de 1988 et 1996 ne se sont pas traduits par un réajustement du nombre de conseillers à l'assemblée territoriale. Le moment est venu d'en tenir compte et de porter l'effectif à un nombre qui soit représentatif, raisonnable, adapté à la situation nouvelle.
Certe, notre collègue Gaston Flosse et notre rapporteur nous disent que, depuis le recensement officiel de 1996, il y a eu une progression démographique, et, cela, nous n'avons aucun moyen de le contester. Mais nous légiférons et nous avons tous appris que nous devions, autant que faire se peut, légiférer sur le fondement de chiffres officiels. Nous nous devons donc de nous fonder sur le recensement officiel et, même si un recensement complémentaire nous aurait facilité la tâche, nous ne devons pas en faire un préalable à toute évolution.
J'ajoute que, par comparaison avec la population de Nouvelle-Calédonie ou, même, avec celle de Corse, une assemblée territoriale de cinquante et un membres - puisque c'est le nombre que je propose - n'aurait rien d'excessif. Chacun sait que l'assemblée de Polynésie française a déjà des pouvoirs importants et que, dans quelques mois, lorsque la Polynésie sera - je l'espère - devenue un pays d'outre-mer, de nouvelles compétences, qui seront encore plus importantes, lui seront dévolues.
Cinquante et un membres, c'est un effectif très satisfaisant. Je vous rappelle pour mémoire qu'au fil des débats et des propositions de lois, ce nombre a augmenté de quatre, puis de six et, enfin, de huit. Je vous propose, pour ma part, une augmentation de dix sièges par rapport à l'effectif actuel : de quarante et un, nous passerions donc à cinquante et un.
J'ai d'ailleurs eu le plaisir de constater que, par un avis officiel rendu le 9 mai 2000, l'assemblée territoriale de Polynésie française elle-même a « envisagé » l'hypothèse d'un accroissement du nombre de conseillers à cinquante et un - c'est une hypothèse qu'elle n'a pas écartée - avec une répartition qui tienne compte précisément des poussées démographiques dans trois des cinq archipels, comme j'y faisais allusion à l'instant.
C'est dire que ce que je propose aujourd'hui, une assemblée de cinquante et un membres, me semble être la base d'un bon compromis quant à l'effectif total de la nouvelle assemblée territoriale. Vous voyez, chez Gaston Flosse, que j'ai réduit mes prétentions parce que je veux aboutir à un accord avec nos collègues députés.
Par ailleurs, Gaston Flosse ne m'en voudra pas de dire - cela a été publié dans le bulletin des commissions - que, mercredi dernier, lors de notre réunion de commission, il ne s'est pas montré hostile - je ne dis pas qu'il l'a approuvé - à ce nombre de cinquante et un. Voilà déjà ce qui pourrait constituer un point d'accord.
Quant à la répartition au sein des cinq archipels, je propose que deux sièges de droit soient attribués à chaque archipel pour garantir sa représentation territoriale. Les quarante et un sièges restants seront ou seraient répartis à la proportionnelle et à la plus forte moyenne sur la base de la population totale de chaque archipel, officiellement recensée en 1996. Les critères territorial et démographique sont les fondements constitutionnels d'une juste et équitable représentativité d'une assemblée politique.
Dans ces conditions, le groupe socialiste a déposé un amendement qui détermine le rééquilibrage suivant : trente-trois sièges pour les Iles-du-Vent - contre vingt-deux auparavant - sept sièges pour les Iles-sous-le-Vent - elles en comptaient huit auparavant, et je reconnais donc que cet archipel en perd un, mais rien n'est fermé - trois sièges pour les Iles Australes, cinq sièges pour les Iles Tuamotu et Gambier et trois pour les Marquises.
Nos collègues députés et le Gouvernement ont clairement exprimé, lors du débat à l'Assemblée nationale, leur souhait de parvenir à un rapprochement des points de vue, sinon à un accord lors de la navette. Certes, l'urgence est déclarée ; raison de plus pour que le Sénat adresse un signe, fasse un geste en direction de nos collègues avant la réunion, la semaine prochaine, de la commission mixte paritaire.
Avant de conclure, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je souhaite dire un mot sur la concomitance des élections municipales et territoriales en mai 2001. Notre collègue Yvon Collin en a parlé, M. le secrétaire d'Etat y a fait allusion dans son intervention : ces échéances vont se dérouler à quelque deux mois d'intervalle. Notre amendement vise simplement à rapprocher le renouvellement des conseils municipaux et territoriaux, afin de prendre en considération les difficultés matérielles inhérentes à la géographie de la Polynésie française. Nous sommes animés par la volonté de favoriser cette participation des citoyens polynésiens et d'éviter, autant que faire se peut, un doublement des dépenses pour ces campagnes électorales.
La légitimité de la prochaine assemblée de Polynésie ne doit prêter à aucune controverse. Elle doit reposer sur l'application de règles simples, objectives, adaptables, fondées sur le respect des principes d'équité et de proportionnalité, sans pour autant méconnaître la spécificité géographique de ce territoire.
Ces caractéristiques essentielles ont guidé l'élaboration de la solution que je vous propose d'adopter, qui est de nature à assurer un compromis satisfaisant. Ainsi que vous le disiez, monsieur le secrétaire d'Etat, et, comme je le crois également, la démocratie en sortira gagnante. Tous ensemble, nous aurons contribué à renforcer l'adhésion de nos compatriotes polynésiens à une institution locale qui devra s'atteler à l'évolution statutaire de ce futur pays d'outre-mer. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Je répondrai très brièvement, monsieur le président, car l'ordre du jour du Sénat est chargé. Mais on ne parle pas tous les jours de la Polynésie française au Sénat.
Monsieur le rapporteur, vous avez parfaitement analysé les termes de ce débat : vous avez dressé un constat que tous les groupes de votre assemblée admettent et relevé les divergences sur les modalités pour résorber le déséquilibre. Ces divergences sont-elles irréductibles ? L'avenir nous le dira.
Vous avez également souligné que l'urgence primait. Certes, mais elle ne prime pas sur les principes, même s'il est vrai qu'il est important en effet que le Parlement adopte cette proposition de loi à « distance républicaine » des prochaines échéances électorales en Polynésie.
Quoi qu'il en soit, monsieur le rapporteur, votre analyse de ce texte va tout à fait dans le bon sens, même s'il me faudra sans doute vous dire tout à l'heure que vous vous êtes peut-être arrêté au milieu du gué s'agissant du rééquilibrage nécessaire des sièges à l'assemblée territoriale de Polynésie française.
M. Hyest a évoqué la nécessité de ce rééquilibrage. Il l'a fait en se référant notamment aux règles qui ont été mises en place pour les établissements publics de coopération intercommunale. C'est une référence intéressante. Au sein des communautés de communes ou d'agglomération, nous avons les uns et les autres su établir des équilibres entre plusieurs collectivités ; après tout, c'est une bonne école.
M. Collin a également évoqué l'exigence démocratique, je crois qu'il a même parlé d'évidence démocratique. Je souscris tout à fait à cette obligation.
Monsieur Flosse, vous avez rappelé l'identité des archipels. Je voudrais vous dire très courtoisement que personne n'a le monopole de la défense des archipels. Je crois que le Gouvernement, M. Jean-Jack Queyranne pendant plusieurs années, moi-même aujourd'hui, avons écouté et entendu les différentes positions sur ce délicat dossier du rééquilibrage de la représentation au sein de l'assemblée territoriale. Chacun d'entre nous a bien entendu aussi le cri des communes des archipels polynésiens confrontés à l'isolement, à l'éloignement, à la faiblesse de leurs moyens et à des risques climatiques considérables. Ce cri des maires des communes polynésiennes, je l'ai en particulier entendu à Mataiva et à Tibéhau, quand je m'y suis rendu il y a quelques semaines.
Les maires souhaitent, bien sûr, que les archipels ne soient pas mal représentés ou sous-représentés à l'assemblée territoriale. C'est un fait incontestable, et je salue les nombreux élus de Polynésie qui sont présents dans les tribunes aujourd'hui.
J'ai entendu aussi des maires me dire qu'ils souhaitent que leurs communes soient dotées de moyens, afin de les rendre plus autonomes. Ces maires veulent oeuvrer avec plus de moyens, au plus près des citoyens de leur commune, donc des citoyens des archipels.
Je les ai entendus également évoquer la nécessité d'instaurer un meilleur équilibre entre les différents niveaux de responsabilités en Polynésie française.
Je les ai par ailleurs entendus demander au Gouvernement que je représente, dans cette enceinte, devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs, que la République fasse respecter ces équilibres.
S'agissant ensuite de la concomitance des scrutins, monsieur Flosse, vous avez employé le terme de « manipulation ». A cet égard, je voudrais vous demander simplement de méditer sur la question suivante : qui dispose des moyens financiers de mener, à deux mois d'intervalle, une campagne électorale sur un territoire aussi vaste que celui de la Polynésie française ?
Un certain nombre d'élus de toutes tendances, de toutes sensibilités ont, très légitimement, posé cette question. Il était normal qu'elle soit évoquée publiquement devant le Parlement et que le Gouvernement se fasse l'écho de cette attente citoyenne.
Enfin, M. Guy Allouche a fait sur ce dossier une approche très mesurée, se montrant une nouvelle fois à l'écoute de l'ensemble des élus polynésiens, de leurs représentants au Parlement.
Sur ce sujet, n'en doutez pas, mesdames, messieurs les sénateurs, M. Allouche sera l'homme de la sagesse et je souhaite qu'il ne soit pas isolé. (Applaudissements.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.

5

NOMINATION DE MEMBRES
D'UNE COMMISSION D'ENQUÊTE

M. le président. J'informe le Sénat que la liste des candidats à une commission d'enquête a été affichée et n'a fait l'objet d'aucune opposition.
En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame : MM. Jean Bernard, Jacques Bimbenet, Jean Bizet, Paul Blanc, Bernard Dussaut, Bernard Cazeau, Gérard César, Yvon Collin, Gérard Dériot, Jean-Paul Emorine, Bernard Fournier, Georges Gruillot, Jean-François Humbert, Gérard Le Cam, Serge Lepeltier, Roland du Luart, François Marc, Gérard Miquel, Philippe Nogrix, Jean-Marc Pastor et Michel Souplet membres de la commission d'enquête sur les conditions d'utilisation des farines animales dans l'alimentation des animaux d'élevage et les conséquences qui en résultent pour la santé des consommateurs.

6

ÉLECTIONS À L'ASSEMBLÉE
DE LA POLYNÉSIE FRANÇAISE

Suite de la discussion et adoption
d'une proposition de loi organique déclarée d'urgence

M. le président. Nous reprenons la discussion de la proposition de loi organique adoptée par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, destinée à améliorer l'équité des élections à l'assemblée de la Polynésie française.
Nous passons à la discussion des articles.

Article 1er



M. le président.
« Art. 1er. - L'article 1er de la loi n° 52-1175 du 21 octobre 1952 relative à la composition et à la formation de l'assemblée territoriale de la Polynésie française est ainsi rédigé :
« Art. 1er . - L'assemblée de la Polynésie française est composée de quarante et un membres élus pour cinq ans et rééligibles. Elle se renouvelle intégralement.
« Le territoire est divisé en cinq circonscriptions électorales. Les sièges sont répartis conformément au tableau ci-après :
« Iles-du-Vent : 29 conseillers ;
« Iles-sous-le-vent : 5 conseillers ;
« Iles Marquises : 2 conseillers ;
« Iles Australes : 2 conseillers ;
« Iles Tuamotu et Gambier : 3 conseillers. »
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 3, M. Allouche et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent de rédiger comme suit le texte proposé par cet article pour l'article 1er de la loi n° 52-1175 du 21 octobre 1952 relative à la composition et à la formation de l'assemblée territoriale de la Polynésie française :
« Art. 1er. - L'assemblée de la Polynésie française est composée de cinquante et un membres élus pour cinq ans et rééligibles. Elle se renouvelle intégralement.
« Le territoire est divisé en cinq circonscriptions électorales. Les sièges sont répartis conformément au tableau ci-après :



DÉSIGNATION

DES CIRCONSCRIPTIONS


NOMBRE DE SIÈGES
Iles-du-Vent 33
Iles-sous-le-Vent 7
Iles Australes 3
Iles Tuamotu et Gambier 5
Iles Marquises

3

Total 51


Par amendement n° 1, M. Lanier, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit le texte proposé par cet article pour l'article 1er de la loi n° 52-1175 du 21 octobre 1952 relative à la composition et à la formation de l'assemblée territoriale de la Polynésie française :
« Art. 1er. - L'assemblée de la Polynésie française est composée de quarante-neuf conseillers élus pour cinq ans et rééligibles. Elle se renouvelle intégralement.
« La Polynésie française est divisée en cinq circonscriptions électorales. Les sièges sont répartis conformément au tableau ci-après :


DÉSIGNATION

DES CIRCONSCRIPTIONS


NOMBRE DE SIÈGES
Iles-du-Vent 30
Iles-sous-le-Vent 8
Iles Australes 3
Iles Tuamotu et Gambier 5
Iles Marquises

3

Total 49


La parole est à M. Allouche, pour défendre l'amendement n° 3.
M. Guy Allouche. Je ne vais pas reprendre par le menu les explications que j'ai données dans mon intervention lors de la discussion générale. Je veux cependant redire une fois de plus que faire passer de quarante et un à cinquante et un membres l'assemblée de la Polynésie française nous permet de rester dans le raisonnable, dans l'acceptable.
Avec cet amendement, nous voulons garantir, par l'attribution de deux sièges de droit, en quelque sorte, la représentation des archipels, quoi qu'il arrive par la suite, quelles que soient les évolutions démographiques. Pour établir ce nombre de sièges, je me suis fondé sur le recensement.
Je reconnais que si, pour trois archipels, le nombre de leurs représentants sera identique, les Iles-sous-le-Vent, avec Bora Bora, cette pierre précieuse parmi les pierres précieuses au sein de la Polynésie française, perdrait un siège. On nous explique que cet archipel enregistre une poussée démographique due au développement économique et au tourisme. J'en conviens, mais je me suis fondé sur le recensement, et rien n'est intangible.
D'ailleurs, y compris avec ce siège en moins, il s'agit là de la meilleure adéquation possible du nombre des élus par rapport au nombre des habitants.
Je persiste à penser que cet amendement peut être le point de départ d'une discussion sérieuse en commission mixte paritaire, qui pourrait aboutir à un compromis acceptable par toutes les parties afin qu'il n'y ait ni vainqueur ni battu. J'espère que le Sénat pourra entendre l'appel que je lui lance.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 1.
M. Lucien Lanier, rapporteur. Je souhaite, monsieur le président, que cet amendement puisse être examiné en priorité, car c'est lui qui est au coeur du dispositif que nous proposons.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Favorable.
M. le président. La priorité est de droit.
Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.
M. Lucien Lanier, rapporteur. M'étant déjà longuement exprimé à ce sujet, monsieur le président, je considère que cet amendement est déjà défendu.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 1 et 3 ?
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Nous sommes bien au coeur de cette proposition de loi organique. L'amendement n° 1 vise à modifier le nombre des conseillers à élire dans la seule circonscription des Iles-du-Vent. Leur nombre passerait ainsi de 22 à 30.
A l'Assemblée nationale, en juin dernier, le Gouvernement avait souhaité souligner qu'il était nécessaire de sortir de longues années de statu quo afin de faire respecter le principe d'égalité du suffrage. A ce titre, même si, comme je le disais tout à l'heure, l'amendement de M. Lanier consiste à augmenter de huit la représentation des Iles-du-Vent, il ne paraît pas, aux yeux du Gouvernement, aller suffisamment loin, même s'il va dans le sens souhaité. Aussi le Gouvernement n'est-il pas favorable à cet amendement.
L'amendement n° 3, présenté par M. Allouche, est une proposition qui me semble peut-être plus intéressante, car elle permet de combiner de façon positive trois objetifs qui nous guident dans cette discussion.
Tout d'abord, notons une augmentation du nombre de sièges à l'assemblée territoriale, qui reste limitée même si elle est significative.
Relevons également l'établissement de principes très clairs pour la répartition des sièges entre les cinq circonscriptions, chacune disposant au minimum de deux sièges, les autres étant répartis selon une règle bien connue du code électoral qui ne me paraît pas souffrir de critiques.
Au final, la répartition donne aux Iles-du-Vent un nombre de sièges qui se rapproche de leur importance démographique sans bouleversement pour les archipels.
Parce que cet amendement paraît aller dans le sens souhaité, le Gouvernement ne veut pas s'y opposer et s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. Lucien Lanier, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Lucien Lanier, rapporteur. Je voudrais simplement ajouter une précision.
Je remercie M. le secrétaire d'Etat d'avoir apporté de l'eau au moulin de mon amendement, qui, en définitive - et je réponds par là-même à mon ami et collègue Guy Allouche - est une avancée par rapport au dispositif adopté par le Sénat en novembre 1999.
Nous avons fait un très gros effort : nous ne supprimons aucun siège pour les archipels, qu'ils soient plus ou moins éloignés, et nous augmentons encore le nombre de sièges pour les Iles-du-Vent. Ma réponse est faite !
Nous avons des propositions et nous devons nous entendre car, comme Guy Allouche, je considère que c'est trop important pour la Polynésie française !
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 1.
M. Guy Allouche. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche. Je m'inscris contre l'amendement afin de me réserver le droit d'intervenir pour expliquer mon vote.
J'ai noté des progrès sensibles dans la démarche de notre rapporteur. Voilà un an, il disait qu'il lui était impossible d'aller plus loin que ce qu'il avait fait. Il était certes allé un peu plus loin que Gaston Flosse dans sa proposition, mais il avait atteint la limite, et je pensais que cela n'était pas encore raisonnable.
Aujourd'hui, notre rapporteur fait sienne la proposition de loi de nos collègues Guyard et Perben ; c'est son choix et je le respecte sincèrement.
Pour parvenir à un accord, je le redis, il ne faut pas que l'un triomphe sur l'autre. (M. le rapporteur fait un signe d'assentiment.)
L'adoption de la proposition Guyard-Perben ne peut donc pas être la base d'un compromis. En Polynésie, les forces politiques en présence s'affrontent, c'est la démocratie, mais n'arrivent pas à se mettre d'accord. Si vraiment le Sénat veut aller dans le sens d'un compromis, ce qui est son rôle, il lui appartient de devenir une sorte de médiateur. C'est pourquoi, cher rapporteur, je vous invite à faire un effort, pour passer de 49 à 51. Ce serait la base d'un compromis, car le Sénat fera preuve d'ouverture en ce sens.
Je regrette que la priorité ait été demandée, car si l'amendement n° 1 de Lucien Lanier est adopté par le Sénat, le mien tombera, ce qui serait bien dommage, mais je ferai tout pour le faire adopter dans une semaine !
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 1.
M. Gaston Flosse. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Flosse.
M. Gaston Flosse. Nous sommes, bien sûr, favorables à l'amendement n° 1 de notre excellent rapporteur - je m'en suis expliqué à la tribune - et défavorables à l'amendement n° 3 de mon ami Guy Allouche.
Je n'ai pas compris l'intervention que vient de faire Guy Allouche. Si le compromis consiste, pour lui, à adopter son propre amendement, et rien que le sien, je ne vois pas de compromis dans cette façon de faire !
La première raison pour laquelle je suis opposé à son amendement - et elle est importante - c'est que M. Allouche se moque de l'avis des Polynésiens et des responsables de notre pays. (M. Guy Allouche fait un signe de dénégation.) L'assemblée de Polynésie française a souhaité, dans sa grande majorité, que l'augmentation du nombre des conseillers pour les Iles-du-Vent soit de huit, ce qui a été adopté par les membres, non seulement de la majorité, mais également d'une grande partie de l'opposition, auxquels il faut ajouter ceux du Conseil économique, social et culturel ainsi que ceux de l'Association des maires.
Pour la première fois en Polynésie française, les maires de tous les archipels ont quitté leur île, y compris les îles éloignées : Rapa, à 1 700 kilomètres de Tahiti, les Marquises, à 1 500 kilomètres de Tahiti, les Gambier, à 1 650 kilomètres de Tahiti - pour venir manifester leur opposition à la proposition de loi de M. Vernaudon en défilant dans les rues de Papeete ! Le fait que, pour la première fois, les représentants des archipels manifestent de la sorte, ce qui, encore une fois, ne s'était jamais vu en Polynésie française, a quand même une signification !
Nous restons attachés à ce nombre de huit sièges supplémentaires pour les Iles-du-Vent. Bien sûr, comme l'a dit mon ami Guy Allouche, il avait été envisagé de porter le nombre de conseillers à cinquante et un. Oui, c'est vrai, mais il n'est pas allé jusqu'au bout de sa lecture.
En effet, l'assemblée avait précisé qu'elle serait éventuellement favorable à une augmentation du nombre des conseillers pouvant aller jusqu'à dix, à condition qu'il ait huit sièges pour les Iles-du-Vent et que les deux autres sièges aillent, le premier aux Iles-sous-le-Vent et le second aux Tuamotu et aux Gambier. Pourquoi ? Parce que, à l'occasion du recensement de 1996, on avait constaté une progression très nette de la population de ces deux archipels de 20,4 % pour les Iles-sous-le-Vent et 22,6 %, pour Tuamotu et Gambier. Dans le cas contraire, elle n'y serait pas favorable.
La deuxième raison par laquelle nous sommes opposés à l'amendement n° 3, c'est parce que notre collègue Guy Allouche, qui était d'accord pour ne pas réduire la représentation des archipels, supprime un siège aux Iles-sous-le-Vent. Nous ne pouvons l'admettre pour une circonscription où, comme je viens de vous le dire, la population a progressé du plus de 20 % selon le dernier recensement officiel de 1996.
Mon collègue Guy Allouche joue en fait sur les mots lorsqu'il dit s'être prononcé au Sénat, à l'époque, uniquement pour les archipels éloignés car, en tant que spécialiste de la Polynésie française, il connaît bien la signification de l'expression « archipel éloigné », que l'on utilise chez nous, en Polynésie française, pour distinguer l'archipel des Iles-du-Vent de tous les autres archipels, y compris celui des Iles-sous-le-Vent.
Ce dernier est bien sûr considéré comme un archipel éloigné : d'ailleurs, lorsqu'on projette la carte de la Polynésie française sur celle de l'Europe, la ville de Papeete étant superposée à Paris, pour la circonscription des Iles-sous-le-Vent l'île de Huahine est à seulement cent kilomètres de Papeete, Bora-Bora à seulement deux cents kilomètres, mais les archipels de Scilly et de Bellingshausen se trouvent à la hauteur de l'Irlande ! S'agit-il d'archipels proches ? Non, ce sont des archipels éloignés !
M. le président. Monsieur Flosse, je vous prie de conclure.
M. Gaston Flosse. Monsieur le président, j'ai fait 20 000 kilomètres pour m'exprimer ici et de nombreux maires - surtout des archipels - présents dans les tribunes, sont venus pour nous soutenir, ce dont je les remercie. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Par conséquent, ne touchons pas à la représentation des archipels !
Enfin, permettez-moi, monsieur le président, de répondre aux remarques de M. le secrétaire d'Etat.
Bien entendu, les maires présents dans les tribunes demandent davantage de moyens et nous sommes tout à fait d'accord. Il suffirait - je m'adresse là à M. le secrétaire d'Etat - que l'Etat augmente sa participation dans le fonctionnement des communes. Vous savez en effet que les trois quarts du budget des communes sont alimentés par les recettes fiscales du territoire. La part de l'Etat est nettement inférieure à celle du territoire. Je demande donc à M. le secrétaire d'Etat de l'augmenter. S'il en était ainsi, je suis sûr que les communes seraient satisfaites.
M. Guy Allouche. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche. Gaston Flosse me donne une idée : moi qui suis né en Algérie et qui ai été une première fois rapatrié, j'ai envie de me présenter la prochaine fois en Polynésie ! (Sourires.)
Plus sérieusement, cher Gaston Flosse, je préfère oublier l'expression que vous avez employée : « Guy Allouche se moque des Polynésiens ».
D'abord, je ne me moque de personne. Je respecte chacun et chacune d'entre nous, quels que soient ses grades et qualités.
M. Gaston Flosse. Je retire cette expression.
M. Guy Allouche. Ensuite, si je me moquais des Polynésiens, je ne serais pas allé en mission avec Lucien Lanier et je ne me serais pas occupé de cette question. Mais oublions cela !
Dans l'avis formulé, il est vrai que le chiffre de cinquante et un sièges a été envisagé. Or je disais tout à l'heure que l'Assemblée a proposé une nouvelle répartition. C'est exact mais, si on se met déjà d'accord sur le chiffre de cinquante et un, ce sera un point d'acquis.
J'ai fait une proposition de répartition, mais je demeure ouvert et si, pour telle ou telle raison, que je n'écarte pas a priori, il peut y avoir glissement d'un élu d'un archipel vers un autre, pourquoi pas ? Toutefois, puisqu'il semble que le Sénat va voter l'amendement de la commission, nous verrons, lors de la réunion de la commission mixte paritaire, ce qu'il est possible de faire. C'est en tout cas le voeu que je forme pour que l'on débouche sur une solution qui soit vraiment acceptable.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 1, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 3 n'a plus d'objet.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 1er, ainsi modifié.

(L'article 1er est adopté.)
M. le président. Je profite de cette occasion pour saluer la présence dans les tribunes non seulement des maires de Tahiti, qui nous le plaisir de nous rendre visite, mais également de notre ancien collègue Daniel Millaud, qui fut votre prédécesseur dans cette assemblée, monsieur Flosse.

Article additionnel après l'article 1er
ou après l'article 2



M. le président.
Je suis maintenant saisi de deux amendements qui peuvent faite l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 2 rectifié, MM. Collin, Baylet, André Boyer et Delfau proposent d'insérer, après l'article 2, un article additionnnel ainsi rédigé :
« Par dérogation aux dispositions de l'article L. 227 du code électoral, le mandat des conseillers municipaux élus en Polynésie française sera soumis à renouvellement les 13 et 20 mai 2001. »
Par amendement n° 4, M. Allouche et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« Par dérogation aux dispositions de l'article L. 227 du code électoral, le prochain renouvellement des conseillers municipaux de Polynésie française aura lieu en même temps que le renouvellement des membres de l'assemblée de la Polynésie française, en mai 2001.
« Le mandat des conseillers municipaux de la Polynésie française sera soumis à renouvellement en mars 2007. »
La parole est à M. Collin, pour défendre l'amendement n° 2 rectifié.
M. Yvon Collin. Cet amendement vise à modifier la date des élections municipales.
En effet, le renouvellement des conseillers membres de l'assemblée de Polynésie française est normalement prévu le 13 mai 2001. Un décret du ministre de l'intérieur a fixé le renouvellement des conseils municipaux les 11 et 18 mars 2001.
Or, la superficie de la Polynésie, la complexité des liaisons inter-îles rendent difficile et surtout coûteuse pour les partis politiques locaux l'organisation de deux campagnes électorales en un si court laps de temps.
Aussi, nous proposons de ne pas dissocier les élections municipales et territoriales en Polynésie française. Le premier tour des municipales serait donc repoussé au 13 mai, en simultanéité avec les élections territoriales. Le deuxième tour des municipales interviendrait, quant à lui, le 20 mai 2001.
M. le président. La parole est à M. Allouche, pour défendre l'amendement n° 4.
M. Guy Allouche. Cet amendement va dans le même sens que celui que vient de présenter à l'instant mon collègue et ami Yvon Collin.
Dans son propos liminaire, M. le secrétaire d'Etat a fait état des raisons qui inciteraient à cette concomitance d'élections. Je voudrais rappeler pour ma part que, lorsque notre ancien collègue M. Pierre Mazeaud avait proposé de décaler dans le temps, pour des raisons d'ailleurs justifiées, l'élection de la nouvelle assemblée pour qu'elle ait lieu simultanément à la mise en place du statut, nous avions cru comprendre à l'époque que c'était une mesure dérogatoire et qu'on en reviendrait ensuite au cycle normal.
Aujourd'hui, je pense que, pour des raisons de bon sens et pour éviter un grand nombre de désagréments à nos compatriotes polynésiens, qui se verraient obligés de se déplacer plusieurs fois - nous nous plaignons tous du taux important d'abstentions qui règne dans toute la République française - il serait opportun de repousser les élections municipales.
Nous avons déjà eu l'occasion au cours de ces dernières années de changer la date d'élection. Je rappelle qu'en 1995 les élections municipales ont été déplacées à cause d'un autre scrutin national, tout aussi important, voire plus important puisqu'il s'agissait du premier d'entre les scrutins. Il est donc devenu relativement fréquent que le Parlement tienne compte de circonstances exceptionnelles pour déplacer telle ou telle élection.
J'ajoute qu'en mars 2001, en métropole, nous allons voter et pour des municipales et pour des cantonales. La concomitance n'est donc pas un fait exceptionnel. Comme la jurisprudence du Conseil constitutionnel nous enseigne qu'il est préférable d'allonger un mandat que de le raccourcir, j'ai pensé qu'il était judicieux de repousser de quelques semaines le scrutin municipal.
Enfin, je reprendrai un argument qu'a invoqué M. le secrétaire d'Etat : il n'y a pas de démocratie sans moyens.
Si la démocratie n'a pas de prix, elle a un coût et, pour qu'elle soit respectée, il faut tenir compte de la spécificité polynésienne, des conditions d'éloignement et permettre à toutes les formations politiques d'accéder, autant que faire se peut, à une égalité, non seulement de traitement, mais également de moyens.
Or nous savons que les moyens des différentes formations politiques polynésiennes sont très disparates. Ce serait, me semble-t-il, une manifestation de démocratie vivante que de donner aux petits partis l'occasion de participer aux deux scrutins.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n° 2 rectifié et 4 ?
M. Lucien Lanier, rapporteur. L'article 227 du code électoral dispose en substance, que les conseillers municipaux sont renouvelés intégralement au mois de mars, à une date fixée au moins trois mois auparavant.
Comme pour l'ensemble des communes françaises, les élections municipales en Polynésie française sont donc fixées au mois de mars prochain.
L'amendement n° 2 rectifié tend à déroger à cette règle en proposant de différer la date des élections municipales en Polynésie française en la reportant du mois de mars au mois de mai, afin que ces élections aient lieu au même moment que les élections territoriales visant au renouvellement de l'assemblée de la Polynésie française.
La seule raison invoquée est une raison d'économie de déplacement. Soudainement se trouve posé ce problème, que je considère tout de même beaucoup moins important que la sanction que pourrait prendre le Conseil constitutionnel !
En effet, s'il admet la possibilité de différer la date d'élections, il l'a assortie d'une série de conditions : l'existence d'une justification d'intérêt général ; le caractère limité dans le temps de l'allongement des mandats en cours et le caractère exceptionnel et transitoire de la prorogation des mandats ; enfin, l'exigence que la différence introduite dans la durée des mandats pour un même type d'élection reste provisoire, de même que la différence de traitement quant à la périodicité suivant laquelle les électeurs exerceront leur droit de vote.
Le dispositif proposé par M. Collin paraît en contradiction avec cette jurisprudence du Conseil constitutionnel sur au moins deux points : le décalage du mois de mars au mois de mai pour le déroulement des élections municipales et la différence de traitement quant à la périodicité suivant laquelle les électeurs exerceront leur droit de vote.
En outre, bien que le Conseil constitutionnel ne semble pas avoir eu à se prononcer sur une situation similaire jusqu'à présent, il ne paraît pas possible qu'une élection, certes locales, mais organisée au niveau national, puisse de dérouler à des dates différentes dans une collectivité particulière et sur le reste du territoire. Je ne veux pas employer de grands mots, mais je pense que cela porterait atteinte au principe constitutionnel d'indivisibilité de la République.
M. Allouche, conscient des difficultés que je viens d'exposer, a déposé un autre amendement. Il a précisé que c'était uniquement pour les prochaines élections municipales qu'il proposait de différer la date et que ce report ne se reproduirait pas par la suite.
En tout cas, pour ma part, je ne vois vraiment pas l'absolue nécessité d'un tel report. S'il est dicté par de simples raisons d'économie, c'est vraiment transgresser une règle générale applicable à l'ensemble de la République pour un motif véniel !
L'amendement de M. Allouche tend donc à satisfaire le critère du caractère exceptionnel du report de la date de l'élection, mais demeure le grief essentiel : il paraît difficilement admissible de réserver un sort particulier à une collectivité pour une élection organisée au niveau national, ce qui porte atteinte, qu'on le veuille ou non, au principe d'indivisibilité de la République. Cela pourrait, à mon avis, servir de prétexte à d'autres ouvertures plus dangereuses que celle qui est proposée aujourd'hui.
Telles sont les raisons pour lesquelles la commission des lois émet un avis défavorable sur les deux amendements.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. M. le rapporteur - je ne crois pas que tel était le sens de sa démonstration ! - m'a totalement rassuré quant à la position que pourrait prendre le Conseil constitutionnel sur ces deux amendements.
Si le Parlement adoptait cette disposition, il s'agirait bien d'un cas exceptionnel et provisoire puisque, la durée des mandats étant différente, la même situation ne se reproduit que tous les trente ans.
Par ailleurs, sur le fond, ces amendements soulèvent une question d'intérêt général. J'ai beaucoup entendu parler, lors de mon déplacement en Polynésie, de cette concomitance des scrutins, Aussi, ces amendements me semblent très opportuns.
Tout à l'heure, M. Flosse nous a donné une leçon de géographie. Tous ceux qui ne connaissent pas bien la Polynésie l'ont appréciée. Il faut savoir en effet que, si on la plaque sur la carte de l'Europe, la Polynésie s'étend de l'Italie à la Norvège et de l'Irlande à l'Ukraine. La conduite d'une campagne électorale exige donc un investissement considérable à titre personnel et en termes de moyens. Deux campagnes successives, à quelques semaines d'intervalle, ne feraient qu'accroître cette lourde charge.
Le principal objectif de ces amendements est donc de réduire le coût de ces consultations pour l'ensemble des acteurs de la démocratie en Polynésie. Il y a donc un objectif d'économie, mais aussi un objectif citoyen, celui d'accroître la participation aux scrutins.
Le dispositif proposé vise donc à reporter la date des élections municipales à celles des élections territoriales. D'autres solutions auraient pu être retenues, comme le rapprochement des deux dates mais elles auraient peut-être posé d'autres problèmes juridiques.
Je pense que les deux assemblées devraient trouver sur ce point un accord, pour le respect de l'égalité entre les candidats et la participation du plus grand nombre possible de citoyens polynésiens à ces deux scrutins qui les concernent tout particulièrement.
C'est pourquoi, sur ces deux amendements, je m'en remettrai à la sagesse du Sénat.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 2 rectifié.
M. Gaston Flosse. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Flosse.
M. Gaston Flosse. Nous sommes opposés aux amendements n°s 2 rectifié et 4 pour des raisons de fond, et les arguments avancés par nos collègues MM. Allouche et Collin ne nous ont pas du tout convaincus.
M. Allouche soutient que, si les deux scrutins ont lieu le même jour, le taux de participation sera peut-être plus important. C'est absolument faux ! En Polynésie française, le taux de participation est toujours élevé. Ainsi, lors de la dernière élection présidentielle, c'est en Polynésie française qu'on a enregistré le plus fort taux de participation de toute la République.
M. Josselin de Rohan. C'est là que M. Chirac a obtenu le plus de voix !
M. Gaston Flosse. Aux dernières élections européennes - et Dieu sait si l'Europe est loin de nous ! - le taux de participation de la Polynésie française a été l'un des plus élevés, atteignant même 70 % des inscrits dans certaines communes.
En effet, les Polynésiens pensent profondément que voter est un devoir, et ils vont voter. Ce n'est donc pas parce que les scrutins seront séparés qu'ils n'iront pas voter : ils iront voter !
D'ailleurs, aux élections municipales ou à l'élection de l'assemblée de la Polynésie française, le taux de participation avoisine souvent les 80 %.
M. Allouche a également invoqué l'argument des moyens, et il a été rejoint par M. le secrétaire d'Etat. Nouvelle erreur !
En fait, de ce point de vue, selon qu'il s'agit de l'une ou l'autre élection, la situation est tout à fait différente, monsieur le secrétaire d'Etat. Vous avez tendance à trop écouter M. Vernaudon et vous ne nous écoutez pas suffisamment ! (Sourires.) Les élections municipales ne sont pas des élections politiques. Les partis politiques ne s'y impliquent pas. Dans les quarante-huit communes, monsieur le secrétaire d'Etat, aucun conseil ne porte l'étiquette de notre parti politique, le Tahoerra Huiraatira. Dans ma propre commune de Pirae, ma liste est toujours une liste d'union et d'action communale. Les partis politiques ne mènent donc pas de campagne pour les élections municipales. Cela signifie que nous n'avons pas à nous déplacer.
Il est si vrai que les élections municipales sont des élections purement locales qu'elles donnent souvent lieu à la constitution de listes où l'on retrouve pratiquement tous les partis. Nous voyons même parfois, à notre étonnement, certains de nos partisans s'allier avec des partisans de l'indépendance ! Ils sont simplement prêts à travailler ensemble pour le bien de leur commune.
Quoi qu'il en soit, pour les élections municipales, la question des moyens ne se pose donc pas.
Il n'en va pas de même, c'est vrai, pour les élections à l'assemblée : là, il faut se déplacer pour mener campagne. Mais ce n'est vrai que pour ces élections-là.
Pourquoi, en Polynésie, les citoyens n'éliraient-ils pas leurs conseillers municipaux en même temps que les autres citoyens de la République ? Sommes-nous donc des citoyens de seconde zone ?
Plusieurs sénateurs du RPR. Pas du tout !
M. Gaston Flosse. Bien sûr, en 1995, les élections avaient été différées, mais c'était uniquement parce que l'on attendait le vote de la loi statutaire : c'était tout à fait logique. Mais, aujourd'hui, quel est le motif exceptionnel qui justifierait le recul de la date ?
En fait, vous le savez bien, monsieur le secrétaire d'Etat, et mon collègue Guy Allouche le sait également, le motif est purement politique. Lorsque vous dites, monsieur le secrétaire d'Etat : « On m'a beaucoup parlé », ce sont les hommes de l'opposition qui vous ont parlé : M. Vernaudon, M. Oscar Temaru. Un point, c'est tout ! Les autres, la grande majorité des élus, n'ont pas demandé que les deux scrutins aient lieu simultanément.
Je demande donc à mes collègues de rejeter ces deux amendements.
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Monsieur Flosse, vous combattez cette disposition avec beaucoup de passion, mais ce n'est pas ce qui me la rend sympathique.
Je me permets d'appeler votre attention sur le fait que, en métropole, il y aura concomitance des scrutins municipaux et cantonaux en 2001 : personne n'y voit une insulte à la démocratie.
Je vous rappelle en outre, après Guy Allouche, qu'à l'origine la simultanéité des scrutins était prévue pour 2001 et que c'est le vote d'un amendement de M. Pierre Mazeaud qui a conduit, pour des motifs tout à fait acceptables à l'époque mais qui n'ont plus lieu d'être aujourd'hui, à leur déconnexion.
Convenez avec moi que tout cela peut être abordé sans passion et que cette disposition n'est sans doute pas exempte de vertus !
M. Guy Allouche. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche. Pour répondre à M. le rapporteur ainsi qu'à Gaston Flosse, je vais reprendre ce que vient de dire M. le secrétaire d'Etat.
Cher Gaston Flosse, s'il n'y avait pas eu l'amendement Mazeaud ou si celui-ci avait bien précisé : « à titre exceptionnel pour 1995 », aujourd'hui, en Polynésie, les deux scrutins seraient concomitants. Qu'auriez-vous dit alors ? Que c'est politicien, que c'est une manoeuvre du Gouvernement et de Guy Allouche, qui sont à l'écoute constante d'Oscar Temaru, à ses ordres ?
Nous avons tous accepté le principe de l'amendement Mazeaud parce qu'il était évident qu'il fallait une coïncidence entre le nouveau statut et l'élection de la nouvelle assemblée. Mais je vous renvoie aux débats de 1995 : il expliquait lui-même que c'était à titre exceptionnel.
M. Gaston Flosse. Exceptionnel !
M. Guy Allouche. Aujourd'hui, il s'agit donc simplement de revenir au calendrier normal !
Si vous ne voulez pas que les élections municipales aient lieu en mai, je peux rectifier mon amendement pour que les élections à l'assemblée territoriale aient lieu en mars ! Cela étant, moi, je préfère qu'on allonge la durée du mandat des conseillers municipaux afin de ne pas nous attirer les foudres du Conseil constitutionnel. Toutefois, si vous tenez à ce que les élections municipales se déroulent en Polynésie en même temps qu'en métropole, je suis prêt à rectifier mon amendement.
Cher Gaston Flosse, je ne sais pas exactement ce qu'il en est en Polynésie mais, en métropole, quand j'entends un maire me dire qu'il est apolitique, je sais bien où il se place en fait sur l'échiquier politique... Je veux bien croire que certains maires ne soient pas partisans mais, en règle générale, quand on se dit « apolitique », c'est manifestement qu'on n'est pas de gauche ! (Exclamations sur les travées du RPR.)
M. Josselin de Rohan. Et c'est pour cela qu'il faut changer la date du scrutin !
M. Guy Allouche. Pour ce qui est du Conseil constitutionnel, moi, j'ai tendance à faire confiance à l'intelligence des hommes et des femmes qui le composent : je pense qu'ils sont à même de considérer qu'il y a des circonstances exceptionnelles. Quand ils prennent une décision en fonction d'une situation donnée, ils ne ferment pas toutes les portes ! La jurisprudence, par essence, est évolutive parce qu'elle peut tenir compte, aussi, des circonstances.
J'ai pris soin, dans l'objet de mon amendement, de préciser que le report resterait exceptionnel dans la mesure où, du fait de la durée des mandats, cette concomitance ne se reproduira pas.
Quant au civisme des Polynésiens, je ne peux que le saluer et m'en réjouir. Je voudrais bien que les métropolitains prennent exemple sur eux ! Raison de plus pour faire en sorte qu'ils soient encore plus exemplaires.
Encore une fois, monsieur Flosse, si vous souhaitez que les deux scrutins aient lieu en mars, sous-amendez mon amendement ou demandez-moi de le rectifier.
M. Gaston Flosse. Nous souhaitons respecter la loi, et la loi prévoit le mois de mars pour le scrutin municipal !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 2 rectifié, repoussé par la commission et pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 4, repoussé par la commission et pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 2



M. le président.
« Art. 2. - L'article 2 de la loi n° 52-1175 du 21 octobre 1952 précitée est ainsi rédigé :
« Art. 2 . - Dans chaque circonscription électorale, les élections ont lieu au scrutin de liste, à la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne, sans adjonction ni suppression de noms et sans modification de l'ordre de présentation.
« Les sièges sont attribués aux candidats d'après l'ordre de présentation sur chaque liste. Toutefois, les listes qui n'ont pas obtenu au moins 5 % du nombre des suffrages exprimés ne sont pas admises à la répartition des sièges.
« Si plusieurs listes ont la même moyenne pour l'attribution du dernier siège, celui-ci revient à la liste qui a le plus grand nombre de suffrages. En cas d'égalité de suffrages, le siège est attribué au plus âgé des candidats susceptibles d'être proclamés élus. » - (Adopté.)

Vote sur l'ensemble



M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi organique, je donne la parole à M. Allouche, pour explication de vote.
M. Guy Allouche. A l'issue de ce débat, je remercie nos différents collègues qui nous ont permis d'avoir un échange très intéressant.
Le groupe socialiste ne pourra pas souscrire au texte tel qu'il nous est finalement soumis. Cependant, je forme à nouveau le souhait que, la semaine prochaine, en commission mixte paritaire, nous puissions parvenir à un accord. Je pense que le débat d'aujourd'hui permettra à nos collègues députés de bien savoir ce que pense le Sénat. Si, le 29 novembre, nous arrivons à un accord, je serai le premier à m'en féliciter mais, pour l'instant, mes amis et moi-même ne voterons pas le texte.
M. le président. La parole est à M. Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je souhaite brièvement exposer la position du groupe communiste républicain et citoyen.
Nous nous abstiendrons sur le vote final en regrettant que, parfois, des enjeux politiciens peu transparents prennent le dessus sur le débat de fond : la discussion autour du nombre et de la répartition des sièges en témoigne.
Nous souhaitons accompagner efficacement le processus de l'évolution institutionnelle de la Polynésie et, comme le veulent également les progressistes polynésiens, permettre à la Polynésie de garantir sa souveraineté.
Nous regrettons que le Sénat, comme l'Assemblée nationale, n'ait pas adopté l'idée de la concomitance des élections municipales et territoriales, les secondes intervenant trois mois après les premières.
Cette simultanéité permettrait de garantir aux différentes forces politiques, bien qu'elles disposent de moyens inégaux, de faire face aux échéances électorales dans de meilleures conditions d'égalité.
Nous espérons néanmoins que la commission mixte paritaire fera évoluer le texte vers des solutions plus adaptées.
M. le président. La parole est à M. Flosse.
M. Gaston Flosse. Si j'ai pu, par moments, donner l'impression d'une passion peut-être excessive, c'est parce que la perspective prochaine du renouvellement de l'assemblée de Polynésie française nous paraît donner lieu, sinon à des manipulations politiciennes - je ne veux pas employer une expression qui pourrait fâcher mon collègue Guy Allouche ! - mais à d'étonnantes modifications, d'autant plus étonnantes qu'elles interviennent à quelques mois du scrutin.
Tout à l'heure, j'ai cité des déclarations du premier secrétaire du Parti socialiste, qui ne parle généralement pas pour ne rien dire. Or, dans ces déclarations, il a bien expliqué qu'il fallait modifier la loi électorale et tout faire pour que la majorité change en Polynésie française.
Mettez-vous à notre place : nous ne pouvons pas admettre ce genre de manoeuvres. C'est la raison pour laquelle nous nous y sommes opposés, parfois peut-être avec un peu de véhémence.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi organique.
En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public est de droit.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 18:

Nombre de votants 319
Nombre de suffrages exprimés 302
Majorité absolue des suffrages 152
Pour l'adoption 220
Contre 82

Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. Avant d'aborder la suite de l'ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures trente, est reprise à dix-sept heures quarante.)

M. le président. La séance est reprise.

7

CARRIÈRE DES MAGISTRATS

Discussion d'un projet de loi organique

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi organique (n° 483, 1999-2000) modifiant les règles applicables à la carrière des magistrats (Rapport n° 75 [2000-2001]).
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, j'ai conscience que le temps du Sénat est compté. Je vais donc essayer d'être plus brève que prévu.
Le projet de loi organique modifiant les règles applicables à la carrière des magistrats, qui est aujourd'hui soumis à l'examen de votre Haute Assemblée, est à la fois limité dans son objet et important par sa portée.
La revalorisation et la simplification du déroulement de la carrière des magistrats de l'ordre judiciaire sont en effet devenues indispensables pour mettre fin à une situation injuste de blocage de l'avancement, tout en favorisant la mobilité.
Un rapide état des lieux de la magistrature judiciaire permet de s'en convaincre.
Il y a, aujourd'hui, 6 882 magistrats. Je tiens à souligner à cette occasion que la parité est une réalité dans la magistrature, qui compte 3 413 femmes et 3 469 hommes. Ces magistrats exercent à la Cour de cassation, dans 35 cours d'appel, 181 tribunaux de grande instance, 5 tribunaux de permière instance et 473 tribunaux d'instance. Par ailleurs, sont placés en position de détachement 257 autres magistrats.
Or la structure du corps judiciaire est à la fois complexe et source de blocage des carrières : à la base, le « second grade » compte 3 892 emplois, soit près de 58 % du corps ; au grade d'avancement, dit « premier grade », on compte 2 480 emplois, soit environ 37 % du corps ; enfin, au sommet, les emplois « hors hiérarchie » sont en nombre très limité, 349, soit à peine plus de 5 % du corps.
Cette structure d'emplois crée un véritable « goulot d'étranglement » dans le déroulement de la carrière des magistrats. Une majorité d'entre eux ne peut en effet, dans ces conditions, accéder à un rang auquel la commission d'avancement, qui apprécie les mérites professionnels des magistrats, les a cependant reconnus aptes.
Les chiffres sont éloquents : de 654 en 1995, le nombre de magistrats inscrits au tableau d'avancement et donc en attente de promotion est passé à 1 132 en 2000. Dans le cadre de l'actuel statut et en tenant compte des projets en cours de réalisation, ce sont plus de 800 magistrats inscrits au tableau d'avancement qui ne pourront réaliser cette année leur promotion, soit les trois quarts des inscrits.
Compte tenu de la structure démographique du corps, ce nombre ne ferait qu'augmenter dans les années à venir si aucune mesure n'était prise pour mettre fin à cette situation d'injustice.
Le présent projet de loi organique a deux objectifs complémentaires : tout d'abord, revaloriser et simplifier le déroulement de la carrière des magistrats, mais aussi favoriser la nécessaire mobilité des magistrats.
La revalorisation des carrières, c'est d'abord un effort budgétaire historique pour une réforme d'envergure et sans précédent depuis plus de quarante ans. Le Gouvernement a en effet décidé d'y consacrer une somme totale de 177 millions de francs par an. Je rappelle que le précédent plan de revalorisation des carrières, initié en 1991, a porté sur une somme totale de 58 millions de francs. C'est donc un effort financier de la nation trois fois supérieur qui va être réalisé.
Cette réforme était attendue depuis très longtemps. Il est en effet naturel que la reconnaissance du travail effectué par les magistrats trouve son expression dans le déroulement des carrières individuelles.
Il s'agit de réparer une injustice constatée par rapport à d'autres grands corps de l'Etat. A cet effet, le présent projet de loi organique aligne le déroulement de la carrière des magistrats judiciaires sur celle des magistrats administratifs et financiers.
Il convient, en outre, de rendre plus attractive la carrière des magistrats judiciaires, dans la mesure où l'institution judiciaire doit être à même de concurrencer, dans son recrutement, le secteur privé et d'attirer à elle les meilleurs éléments pour exercer des fonctions qui sont au coeur de l'impartialité de l'Etat.
Je voudrais aussi rappeler que la justice a fait face, en vingt ans, à une augmentation considérable des contentieux - chacun ici la connaît - alors que les moyens humains n'ont pas été accrus dans des proportions identiques.
C'est pourquoi le Gouvernement a fait de la création des postes de magistrat une des priorités essentielles de la rénovation de l'institution judiciaire qu'il a entreprise. Ainsi est-il prévu, dans le projet de loi de finances pour 2001, la création de 307 postes de magistrat.
En quatre ans, 729 emplois de magistrat judiciaire ont été créés, c'est-à-dire plus que dans la période 1981-1997.
Le premier objectif de la réforme consiste dans la simplification du déroulement de la carrière des magistrats. Il s'articule autour de trois axes principaux.
L'inversion de la répartition des emplois entre le premier et le second grade est le premier axe.
Après la réforme, le grade de base ne comprendra plus que 28 % de l'ensemble des magistrats, contre 58 % aujourd'hui. En revanche, 62 % des magistrats, contre 37 % actuellement, relèveront du premier grade, c'est-à-dire, globalement, près de deux magistrats sur trois.
Cette modification radicale de la structure du corps judiciaire permettra non seulement d'assurer sans délai un déblocage des carrières mais aussi de garantir pour l'avenir un avancement fluide à chaque magistrat jugé digne de l'obtenir.
Le doublement du nombre des postes hors hiérarchie est le deuxième axe.
Il s'agit des plus hauts postes de la magistrature. Leur nombre passera de 349 à 663, pour représenter environ 10 % de l'ensemble des emplois.
Cette « aspiration » vers le haut des carrières aura des retentissements sur la situation de l'ensemble des magistrats. Elle permettra, en effet, de « fluidifier » également les avancements en évitant de recréer, à un niveau supérieur, les obstacles qui sont actuellement ceux du passage au premier grade.
C'est l'objet de l'article 2 de ce projet de loi, qui élève à la « hors hiérarchie » tous les emplois de président de chambre et d'avocat général dans les cours d'appel, offrant ainsi en province des débouchés jusqu'alors presque exclusivement réservés à la région parisienne.
Par ailleurs, la liste des emplois hors hiérarchie dans les tribunaux de grande instance, désormais fixée par décret en Conseil d'Etat en fonction de critères prévus par la loi organique, sera également élargie.
Enfin, la suppression des groupes de fonctions dans le premier grade est le troisième axe de ce premier objectif.
L'article 1er du projet de loi organique supprime cet obstacle que constitue, au sein du grade d'avancement, l'existence de deux groupes, la promotion au groupe supérieur s'effectuant actuellement au choix. Une simplification de même nature était d'ailleurs intervenue dès 1992 pour le grade de base, au sein duquel les groupes avaient été fusionnés.
Concrètement, cela signifie que tous les magistrats du premier grade ont vocation à voir leur classement indiciaire terminal relevé à l'échelle B. D'autre part, l'ancienneté nécessaire pour prétendre à une inscription au tableau d'avancement sera réduite, passant de dix ans à sept ans.
Ainsi, non seulement les magistrats pourront enfin accéder à un statut indiciaire revalorisé, mais encore ils y accéderont plus rapidement et sans les blocages actuels.
A titre indicatif, l'accès à l'échelon terminal B au lieu de l'échelon terminal A représente un gain net mensuel d'environ 3 500 francs par mois, primes comprises, et la fin de carrière au nouveau premier grade représente un gain mensuel de 8 500 francs par mois par rapport à la fin de carrière actuelle du second grade.
Mais cette revalorisation reste subordonnée à la nomination du magistrat dans un nouveau poste, au premier grade ou en hors hiérarchie, et sera, à chacune de ces étapes, assortie d'une exigence de mobilité.
En effet, et c'est le second objectif de la réforme, la mobilité des magistrats est encouragée par de nouvelles exigences statutaires.
La mobilité du corps judiciaire est essentielle. Nécessaire à l'enrichissement du parcours professionnel du magistrat, la mobilité géographique et fonctionnelle est aussi une condition fondamentale de son impartialité. Elle est enfin indispensable à une gestion dynamique de l'institution judiciaire, propre à favoriser les pratiques nouvelles.
Cette nécessaire mobilité est favorisée par deux dispositions de ce projet de loi organique.
L'article 1er prévoit ainsi qu'un magistrat ne pourra être promu au premier grade dans une juridiction où il est affecté depuis plus de cinq ans.
Cette disposition, rapprochée de l'ancienneté minimale de sept ans pour l'inscription au tableau d'avancement, signifie concrètement que, pour accéder à un poste du premier grade, tout magistrat devra avoir changé de juridiction au moins une fois avant la réalisation de son avancement ou effectuer ce changement lors de la réalisation de son avancement.
L'article 3 pose une autre condition de mobilité, cette fois pour l'accès aux emplois hors hiérarchie, puisque nul ne pourra y être nommé sans avoir au préalable occupé deux postes du premier grade dans deux juridictions différentes.
Des mesures transitoires d'application sont naturellement nécessaires ; c'est notamment l'objet de l'article 6 du projet de loi organique, en ce qui concerne l'accès à la Cour de cassation des présidents de chambre et avocats généraux de cour d'appel.
Votre commission des lois a elle-même proposé, par voie d'amendements, d'autres dispositions transitoires ou de clarification des dispositions du texte, à l'esprit desquelles le Gouvernement est tout à fait favorable.
En revanche, d'autres amendements de votre commission des lois sont, à mon sens, étrangers à l'objet du texte aujourd'hui débattu. Je pense, en particulier, aux dispositions qui tendent à modifier la procédure et les sanctions disciplinaires ou encore à limiter la durée de l'exercice de certaines fonctions.
Je tiens, en effet, à rappeler que le texte examiné par votre Haute Assemblée est limité aux dispositions strictement nécessaires à la mise en oeuvre du déroulement de la carrière des magistrats judiciaires. Le Gouvernement a lui-même renoncé à y inclure certaines dispositions, par ailleurs utiles, mais sans lien direct avec l'unique objet de ce projet de loi organique.
Le texte aujourd'hui en discussion ne constitue donc pas un démembrement de l'avant-projet de réforme statutaire élaboré dans la perspective de l'adoption, par le Congrès, du projet de loi constitutionnelle relatif au Conseil supérieur de la magistrature.
Cet avant-projet avait une cohérence, le renforcement de l'indépendance des magistrats et son corollaire en termes de responsabilités, mais aussi la modernisation de la gestion de l'institution judiciaire et l'ouverture, par la diversification de son recrutement, du corps des magistrats.
Je ne pourrai donc, dans ce souci de cohérence, que m'opposer aux amendements de votre commission des lois, mais aussi à ceux qui ont été déposés par MM. Haenel, Gélard, André et par Mme Borvo. J'y reviendrai, rapidement, au cours de la discussion des articles.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je mesure aujourd'hui votre « frustration » au regard de la teneur limitée du texte qui vous est proposé. Ce n'est pas une grande réforme du statut de la magistrature. Mais le Gouvernement ne porte pas la responsabilité politique de l'absence de saisine du Congrès.
Cependant, faisons le pari de l'avenir ; dès l'adoption par le Congrès du projet de loi constitutionnelle, nous pourrons travailler ensemble, je le souhaite, à une réforme en profondeur, cette fois du statut de la magistrature.
Je sais aussi que le texte que je vous propose aujourd'hui n'a pas la prétention d'apporter une réponse à l'ensemble des défis auxquels la justice, ou même la seule magistrature, est aujourd'hui confrontée. Mais il doit permettre d'apporter sans retard une solution juste et équilibrée à la situation de blocage que connaît aujourd'hui la magistrature judiciaire. Je ne doute pas que vous partagez cet objectif. (M. le rapporteur applaudit.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. La présentation de ce projet de loi organique, madame le ministre, inaugure, pour notre assemblée, l'aspect le plus éminent des responsabilités législatives dans lesquelles vous succédez à une garde des sceaux dont il me paraît convenable et équitable de saluer le passage à la Chancellerie comme marqué d'une activité intense, inlassable et féconde. (Mme la garde des sceaux opine.)
M. René-Pierre Signé. Très bien !
M. Pierre Fauchon, rapporteur. A votre tour, vous accédez à ces responsabilités qui sont, dans la République, parmi les plus hautes, les plus délicates et, en ce moment même, les plus difficiles du fait de leur méconnaissance ou de leur insuffisante prise en compte par la plupart des gouvernements depuis des décennies.
Souhaitons que votre expérience des problèmes concrets, votre souci d'un service public digne de ce nom, c'est-à-dire au service des justiciables, permettent aux Français de retrouver, à l'égard de leur justice, une confiance aujourd'hui, et à juste raison, plus qu'affaiblie.
Il est peut-être symbolique que ce texte, dont je tiens à souligner qu'il a été déposé en premier lieu au Sénat, ce dont nous vous remercions, concerne les moyens de la justice, question à laquelle cette assemblée, spécialement sa commission des lois, porte un intérêt contenu, convaincus que nous sommes de ce que les problèmes de la justice sont de l'ordre de la quantité des moyens dont elle dispose et de la qualité de leur mise en oeuvre, infiniment plus que de l'ordre des principes et du perfectionnisme juridiques quelquefois ressentis comme un harcèlement textuel tout à la fois irritant et vain.
Cette loi organique, pour l'essentiel, tend à permettre, par l'extension des catégories supérieures, une progression plus rapide et plus simple des rémunérations des magistrats, spécialement de ceux qui appartiennent aux catégories moyennes et supérieures. Il procède, à cet égard, du souci de mettre en harmonie les rémunérations des magistrats de l'ordre judiciaire avec celles des magistrats des ordres administratif et financier. Le résultat de cette opération, curieusement dénommée « repyramidage » renverse en réalité la pyramide, puisque le second grade, qui correspond au début de carrière, passera de 58 % à 28,3 % de l'effectif, tandis que le premier grade, correspondant au niveau supérieur, passera de 36,9 % à 61,8 %, la catégorie hors hiérarchie passant elle-même de 5,1 % à 9,9 %. Si l'on tient absolument aux comparaisons géométriques, je crois que le corps judiciaire va plutôt ressembler à un losange dont on aurait aplati les deux extrémités ! (Sourires.)
M. Michel Charasse. Au moins, il ressemblera à quelque chose !
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Une autre préoccupation, celle de la nécessaire mobilité des membres de la magistrature, vous a inspirée et vous a conduite à lier l'accès à des fonctions supérieures au changement de juridiction : une fois pour accéder au premier grade, après plus de cinq années dans la même juridiction, deux fois pour accéder au grade « hors hiérarchie ». Par ailleurs, nul ne pourra être promu sur place procureur ou président.
Particulièrement sensible au problème de la mobilité des magistrats, la commission vous proposera, non seulement d'approuver les dispositions du projet de loi organique, mais, en outre, de les compléter afin de parvenir, dans ce domaine, à une réelle efficacité.
Enfin, elle vous proposera de saisir l'opportunité offerte par ce texte pour apporter au régime disciplinaire des magistrats des améliorations de procédure qui paraissent particulièrement souhaitables.
Madame le ministre, nous vous avons entendue nous dire que le texte était d'un objet strictement limité. Permettez-moi de vous faire observer que le pouvoir législatif est le pouvoir législatif, et qu'il ne faut pas lui dire qu'il est strictement limité, sauf à lui donner alors envie de franchir les limites, naturellement ! (Nouveaux sourires.)
Et permettez-moi de vous dire que nous avons déjà vu des cas dans lesquels nous avons franchi ces strictes limites pour introduire des dispositions qui ont été considérées comme tellement bonnes - l'appel des décisions de cours d'assises, par exemple - que votre prédécesseur, quand elle en parlait, les présentait comme les résultats de sa propre action ! C'est dire si elle les avait intégrées. Mais c'était tout de même aller un peu loin.
Sur le premier point, qui est l'essentiel du texte, la commission ne peut que se réjouir de voir le Gouvernement apporter une amélioration assez substantielle, puisqu'elle varie entre 1 500 francs et 4 000 francs par mois - n'ayons pas peur des chiffres, il n'y a aucune honte à cela ! - à la rémunération des magistrats concernés, dont elle connaît et salue les très réels mérites, confrontés qu'ils sont à l'obligation de faire face à la double et irrépressible inflation des litiges et de la législation.
Elle ne peut pas pour autant ne pas s'interroger sur un certain nombre de choix à l'égard desquels elle aimerait connaître les raisons du Gouvernement.
Le premier choix qui pose problème, c'est celui de la priorité donnée à cet aspect particulier des problèmes de fonctionnement de la justice par rapport à d'autres, non moins pressants, qu'il s'agisse, par exemple, du nombre insuffisant des personnels dans tous les domaines, ce qui se traduit par la suppression d'audiences, donc par l'aggravation de retards qui sont d'ores et déjà - j'allais dire depuis des lustres, mais ce sont peut-être des décennies - insupportables et dont on sait maintenant qu'ils équivalent à des dénis de justice, ou qu'il s'agisse, autre exemple, de l'inacceptable sous-rémunération de l'aide judiciaire et juridique.
La grève actuelle des barreaux est un avertissement très grave et nous ne saurions la désavouer. Elle crée une situation qui est une plaie supplémentaire par la suppression du débat oral - puisqu'il paraît que l'on dépose les dossiers sans plaider : où est, alors, le débat oral ? - ou par le renvoi des affaires.
Elle témoigne de la démoralisation d'une profession dont la mission est tout de même indissociable de l'idée de justice et qui, actuellement, se trouve devoir osciller entre la catégorie des avocats dits d'affaires - d'un type relativement anglo-saxon, contre lequel on ne saurait s'insurger, mais qui ne représente tout de même qu'une minorité - et les autres, qui sont en voie de prolétarisation, dans une situation qui n'est pas conforme à la dignité inhérente à la notion même de défense, si essentielle à un Etat de droit.
Que penser, dès lors, de la priorité choisie par vous et du signal ainsi donné par le Gouvernement en direction des uns, alors que les autres sont aimablement priés d'attendre ?
Dans le cadre d'une telle priorité, que penser, par ailleurs, de l'emploi fait des sommes dégagées ? Vous avez rappelé qu'il s'agissait de 177 millions de francs en année pleine.
Le Gouvernement propose de consacrer entièrement ces sommes aux catégories moyennes et supérieures. La rémunération des magistrats débutants, qui oscille entre 15 000 francs pour la première année et 20 000 francs au bout de cinq ans, n'est pas modifiée, alors qu'il s'agit des magistrats qui supportent, comme le dit La Fontaine, le poids du jour, c'est-à-dire souvent de lourdes charges à l'instruction, au parquet, dans les tribunaux d'instance. N'y a-t-il pas là quelque chose de singulier et même, oserai-je dire, avec une pointe de malice et eu égard aux orientations officielles du Gouvernement, de paradoxal, puisque les basses rémunérations ne sont pas améliorées alors que les hautes rémunérations bénéficient d'une augmentation.
La manne ainsi annoncée n'aurait-elle pas dû, comme cela s'est d'ailleurs passé dans la Bible, se répartir de manière égale sur l'ensemble du corps, en proportion, bien entendu, de la situation de chacun ?
Une autre conception nous aurait semblé encore plus appropriée : elle aurait consisté à porter les augmentations sur les primes qui correspondent à un surcroît de responsabilité ou à des sujétions exceptionnelles, quelquefois tout à fait exorbitantes. Je pense, par exemple, à l'obligation au parquet ou à l'instruction d'assumer des permanences qui ne font l'objet d'aucune compensation. Je pense également aux primes pour encourager les déménagements et les changements de juridiction.
C'est une erreur affectée par certains, mais qui n'est pas pour rien dans l'abaissement de la qualité du service public, que de supposer égaux les mérites de tous les agents d'une catégorie déterminée, alors que nul ne peut ignorer sérieusement qu'il y a des postes plus difficiles, comme il y a des agents plus actifs, plus dévoués. Faire semblant de l'ignorer n'est pas agir en faveur d'une amélioration du service public. Mais, de cela, qui se soucie ? Vous, je l'espère, madame la ministre.
Ces considérations auraient pu conduire la commission des lois du Sénat à modifier de fond en comble - c'est le cas de le dire ! - l'économie du projet de loi. Si elle ne l'a pas fait, ce n'est pas seulement par suite de la difficulté technique d'y procéder. C'est essentiellement parce que nous avons considéré que ces questions, en l'occurrence la rémunération des différentes catégories de fonctionnaires, étaient de l'ordre des responsabilités du Gouvernement et donc de nature réglementaire, même si formellement et parce qu'il s'agit de la justice la consécration législative organique est tout de même nécessaire.
Dès lors, nous proposons à nos collègues d'approuver le dispositif présenté par le Gouvernement sans pour autant souscrire aux options qu'il présuppose et dans l'attente des explications qui pourront être apportées par la poursuite du débat.
La question de la mobilité des magistrats, qui constitue le second point, nous paraît non moins importante en un temps où se manifeste une certaine régionalisation - j'aurais tendance à dire une certaine « provincialisation » - de la magistrature.
Cette régionalisation dont les causes sont connues et, au demeurant, humainement compréhensibles, bien entendu, est en elle-même fondamentalement contraire à l'unité de la République. Elle est aussi contraire à l'indépendance, dans la mesure où, comme le Conseil supérieur de la magistrature l'a souligné dans son dernier rapport, « un magistrat doit éviter de se fixer de longues années dans une même juridiction, et ainsi de s'exposer au risque de la routine, ou de compromettre son indépendance et son impartialité par une insertion devenue trop confortable dans l'environnement ». On ne peut pas mieux dire !
Les mesures inscrites dans le projet de loi sont certes intéressantes et opportunes. Leur effet sera cependant limité dans la mesure où, d'une part, le Conseil supérieur de la magistrature a d'ores et déjà intégré dans ses choix l'exigence d'une certaine mobilité et où, d'autre part, ces dispositions qui concernent l'avancement n'empêcheront pas un trop grand nombre de magistrats de demeurer toute leur carrière dans la même région, voire dans la même agglomération.
Il est dès lors nécessaire de s'interroger sur la possibilité, à tout le moins, de limiter dans le temps la durée pendant laquelle un magistrat pourra occuper le même poste, du moins lorsque celui-ci correspond à une fonction particulière, telle que chef de juridiction ou responsable de fonctions spéciales comme la formation de juge d'instruction.
Il y a longtemps que le Sénat, comme le Gouvernement d'ailleurs, cherche une solution à ce problème.
Déjà, en 1996, le rapport de la mission sur les moyens de la justice, présidée par notre excellent collègue M. Jolibois, qui a le grand chagrin de ne pas être des nôtres ce soir mais qui pense certainement à nous, indiquait, sous ma plume d'ailleurs (sourires) : « Est-il souhaitable, est-il possible d'envisager l'instauration d'une mobilité obligatoire au terme de quelques années passées dans un poste ? » On parlait à l'époque de tous les cinq ans, chiffre que l'on a retrouvé dans un projet du Gouvernement. « Une telle obligation permettrait notamment de donner plus rapidement un caractère effectif à la suppression d'un poste et de pourvoir plus rapidement le poste redéployé. Une telle mobilité pourrait ne pas être contraire au principe de l'inamovibilité, dans la mesure où celui-ci a pour objet de protéger l'indépendance morale des magistrats en les mettant à l'abri contre des mesures arbitraires individuelles. Il ne devrait pas conduire à les rendre en quelque sorte propriétaires de leur poste. Aussi bien, l'institution du Conseil supérieur de la magistrature et sa récente réforme ont-elles fait cesser tout risque sérieux de cette nature. L'inamovibilité ne saurait aboutir à faire renaître une forme nouvelle de patrimonialité des charges. »
De son côté, le Gouvernement avait inscrit une disposition tendant à limiter dans le temps l'exercice de certaines fonctions au sein d'une même juridiction dans son avant-projet de loi organique de décembre 1999.
Cela nous conduit donc à proposer une telle limitation, que nous avons arrêtée au chiffre de sept années, qui a paru raisonnable à la commission, une durée de cinq années nous semblant un peu brève. Mais le débat ne porte pas essentiellement sur cette question.
Enfin, la commission a considéré qu'il convenait, à l'occasion de l'examen d'un texte relatif à la condition des magistrats - et qui aura tout de même pour effet d'améliorer sensiblement celle-ci - de s'intéresser à la déontologie, et ce dans une double démarche : d'une part, améliorer la procédure des poursuites disciplinaires ; d'autre part, et du même coup, clarifier la notion de responsabilité des juges, qui prête actuellement, spécialement dans la presse et dans l'opinion publique, à de graves erreurs d'interprétation qu'il convient de tirer au clair et de rectifier.
Les améliorations de la procédure disciplinaire proposées par voie d'amendement procèdent directement des suggestions du Conseil supérieur de la magistrature, reprises d'ailleurs par l'avant-projet de loi organique de décembre 1999 ; nous n'avons donc rien imaginé.
Il s'agit de confier la saisine du Conseil supérieur de la magistrature, instance disciplinaire des magistrats du siège, non seulement au ministre mais aussi et directement aux premiers présidents de cour d'appel, qui verraient ainsi leurs responsabilités affirmées en même temps que seraient dissipés des doutes inévitables sur l'efficacité et l'impartialité du système actuel de la saisine par le garde des sceaux, à laquelle il n'est d'ailleurs pas porté atteinte.
Il s'agit également d'introduire une nouvelle sanction intermédiaire dans la gamme actuelle des sanctions, qui manque de souplesse.
Il s'agit, enfin, de consacrer le caractère public des audiences disciplinaires, qui correspond d'ores et déjà à la pratique du Conseil supérieur de la magistrature et qui répond aux exigences de la Cour européenne des droits de l'homme.
A cette occasion et formulant de telles propositions, la commission souhaite dissiper les ambiguïtés qui accompagnent la notion de responsabilité des juges, puisqu'on entend dire ou on lit qu'ils doivent enfin être responsables et qu'ils doivent répondre de leurs décisions.
Il nous paraît nécessaire de rappeler que les décisions régulièrement prononcées par les autorités de justice ne sauraient en tant que telles et en principe engager la responsabilité de leurs auteurs quant aux dommages qu'elles peuvent causer. Ce principe, inhérent à la notion même d'autorité judiciaire, exclut la possibilité pour les « victimes » d'une décision judiciaire - c'est-à-dire tous ceux qui perdent en totalité ou en partie leur procès : et, par hypothèse, il y en a toujours à peu près un sur deux - de mettre en cause la personne même auteur de cette décision. Leur recours ne peut porter que sur la décision elle-même et emprunter normalement le chemin des voies de recours, au demeurant très complètes, qui leur sont offertes et que le développement de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme vient encore de renforcer. Exceptionnellement, la responsabilité de l'Etat, non la responsabilité personnelle du magistrat, peut être mise en cause.
Dans son rapport pour l'année 1999, le Conseil supérieur de la magistrature a fort bien rappelé ces principes en annonçant quelques pistes de réflexion dans lesquelles il conviendra sans doute un jour de s'engager, sans se faire cependant trop d'illusions sur la possibilité d'organiser une sorte de prise à partie personnelle des juges, qui serait désastreuse.
Telles sont, mes chers collègues, les conditions dans lesquelles votre commission vous invite à approuver et à compléter le présent projet de loi. ( Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du RPR - M. Michel Charasse applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, à cette heure et compte tenu de la nature du sujet, je préfère aux charmes de l'éloquence attique la concision spartiate.
Madame le garde des sceaux, soyez félicitée d'avoir soumis aussi vite à notre examen ce projet de loi que nous devons au premier chef à votre « prédécesseur ». Je ne sais pas comment on écrit ce mot au féminin. Peut-être avec un « e » ? (Sourires.)
En tout cas, ce projet de loi comporte, s'agissant de la carrière des magistrats, et non des moyens matériels, d'indiscutables avancées. J'en dénombre trois.
La première, c'est la simplification, et s'agissant du statut de la magistrature on peut dire que ce n'est jamais vain. La gymnastique intellectuelle du II-1 au I-2 a toujours laissé perplexes ceux qui n'en ont pas été les praticiens quotidiens. (M. le rapporteur sourit.) Je me souviens, lorsque j'avais le privilège de diriger un institut d'études judiciaires, qu'à la simple question : « Pouvez-vous me situer dans l'échelle hiérarchique la position d'un conseiller de cour d'appel de province ? », un long silence et des yeux égarés étaient généralement la seule réponse que j'obtenais.
Donc, c'est fort bien. Nous vivrons désormais dans le régime des grades, sans les groupes. Chacun s'en trouvera mieux.
Je ne me suis pas interrogé sur les formes géométriques qui appellent chez notre ami et excellent rapporteur M. Fauchon des comparaisons du style Picasso. Je me suis demandé s'il ne serait pas bon - je livre cette question à votre réflexion - de trouver une autre qualification pour le sommet de cette pyramide. Le « hors hiérarchie » dans un corps qui déteste la hiérarchie ne me paraît pas la meilleure dénomination possible ! Ouvrons le concours. Je suis assuré qu'il y aura, à cet égard, un effort d'imagination. Notre ami M. Michel Charasse n'en manquera pas, j'en suis convaincu.
Les choses étant ce qu'elles sont, c'est fort bien, nous simplifions. On ne peut que s'en féliciter.
La deuxième avancée, ce n'est pas indifférent, est l'amélioration des traitements. C'est bien. L'élargissement de la catégorie « hors hiérarchie » et du grade I ne manquera pas d'améliorer la situation.
Il est bon, dans cette partie du corps, de faire en sorte qu'il n'y ait pas de distinction désagréable, et notamment au regard des magistrats de l'ordre administratif. Cependant, je considère que le traitement des magistrats qui commencent leur carrière est insuffisant.
M. Hubert Haenel. C'est vrai !
M. Robert Badinter. Leur salaire est de quelque 15 000 francs par mois en début de carrière. Or les magistrats instructeurs ou les juges de l'application des peines sont appelés à exercer de très lourdes responsabilités. Ils assurent une fonction difficile et souvent angoissante. Il faut donc reconsidérer cette question, quelles que soient les modalités que nous retiendrons. Notre excellent rapporteur en a mentionné quelques-unes. Il faut trouver le moyen d'améliorer la condition de ces magistrats. Il n'est pas bon qu'après tant d'années d'études, qu'à leur sortie de l'Ecole nationale de la magistrature ils perçoivent une rémunération de cet ordre.
Enfin, la troisième avancée, c'est la mobilité. Certes, l'inamovibilité est, depuis Napoléon Ier, la première garantie d'indépendance des magistrats du siège. Cependant, inamovibilité n'a jamais voulu dire immobilité. On le sait, on l'écrit, les commentateurs et les maîtres de la doctrine se plaisent à le répéter ; je n'y reviens donc pas.
Il est certain que la liaison entre avancement et mobilité ne heurte pas la Constitution. Je me souviens d'une décision, en date du 21 février 1992, me semble-t-il, relative à cette question. Dans ces conditions et au regard du texte que vous nous proposez, il n'y a pas lieu d'avoir d'inquiétude quant au respect du principe de l'inamovibilité des magistrats du siège.
Nous aurons cependant l'occasion, tout à l'heure, de nous interroger sur cette question quand viendra en discussion l'avancée que M. le rapporteur proposera. J'y reviendrai : je ne suis pas aussi assuré que je viens de le dire de la constitutionnalité de ce qui nous sera soumis.
Simplification, amélioration de la condition, même si elle n'est pas suffisante, plus grande mobilité : voilà autant de progrès qu'il faut souligner.
Je me plais à vous indiquer, madame le garde des sceaux, que nous voterons ce projet de loi ; mais, indépendamment des adjonctions qui sont évoquées, nous le ferons avec une sorte de nostalgie : où est le texte de la révision constitutionnelle, navire échoué dans des eaux mortes, sans que nous en comprenions bien la raison ?
Je souhaiterais que, avant la fin de la législature et le terme de la présente cohabitation, et puisque les deux assemblées ont voté dans les mêmes termes le même texte et que la magistrature, à juste titre, l'appelle de ses voeux, comme le feraient les justiciables s'ils étaient réellement au fait de ces questions, nous en finissions et que nous ayons le plaisir, madame le garde des sceaux, de vous retrouver ce jour-là à nos côtés au Congrès. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen. - M. le rapporteur applaudit également.)
M. Michel Charasse. J'applaudis Robert Badinter, mais pas le Congrès !
M. le président. La parole est à M. Haenel.
M. Hubert Haenel. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi organique qui est soumis à notre délibération tend à simplifier et à revaloriser le déroulement des carrières ainsi qu'à encourager la mobilité des magistrats.
Ce texte apparemment technique répond à une légitime attente du corps judiciaire qui se retrouvait, du point de vue des carrières, dans une situation proche de celle des années soixante. A cette époque, les perspectives de carrière des magistrats étaient bouchées, résultat de la combinaison de la pyramide des âges et de la structure hiérarchique engorgée du corps judiciaire.
Il était urgent et juste - nous devons le dire solennellement aujourd'hui - de donner aux magistrats un statut et une carrière à la hauteur des missions assignées à la justice et correspondant aux charges de travail et aux responsabilités de plus en plus lourdes des magistrats. L'arbitrage obtenu peut même étonner par son ampleur.
Mais ce texte aurait mérité, aurait dû, pour avoir tout son sens et sa visibilité, s'insérer dans une réforme plus vaste du statut des magistrats tant du siège que du parquet. Le Parlement, l'opinion publique, les magistrats auraient eu une plus grande visibilité de ce que doit être le devenir du magistrat dans la société moderne. C'est ce travail d'ensemble qui était nécessaire : il aurait fallu un beau et un grand texte refondateur de la légitimité et du pouvoir du magistrat, qu'il soit juge ou parquetier.
Nous aurions dû travailler ensemble sur le thème : quelles missions assigner à la justice ? Qu'est-ce qu'un magistrat ? Quels sont ses droits mais aussi ses devoirs et ses reponsabilités ? Qu'est-il en droit d'attendre de la société, et la société, qu'est-elle en droit d'attendre de lui ? Il aurait fallu retravailler sur la source de la légitimité des magistrats, sur leur imperium et donner tout son sens à la formule symbolique que l'on oublie si souvent : « au nom du peuple français », qui précède chaque décision et la non moins fameuse formule, dite exécutoire : « la République française ordonne ». Il est donc dommage que nous n'ayons pas entamé cette réflexion à cette occasion.
Que le rapporteur, mon excellent collègue Pierre Fauchon, me permette de lui dire que ses observations m'ont paru particulièrement pertinentes. Je partage ses interrogations et ses suggestions, et je voterai les amendements de la commission.
Après ces considérations, vous comprendrez, madame la ministre, que, dans ces conditions, je m'en tienne au texte et que je me contente donc, dans cette intervention, d'aborder quelques questions concrètes et précises.
Revenons-en donc à la véritable dimension de ce texte pour dire qu'on ne peut que souscrire à l'objectif poursuivi. En effet, on peut constater depuis plusieurs années un blocage structurel de l'avancement des magistrats, tant du siège que du parquet, et à tous les niveaux de la hiérarchie. Le signe le plus manifeste résulte de l'accroissement constant du nombre de magistrats inscrits au tableau d'avancement. Selon l'étude d'impact réalisée par la Chancellerie, ce nombre est ainsi passé de 477 en 1992 à 589 en 1994, à 674 en 1996, à 799 en 1998 et à 1 132 en 2000, soit environ un sixième du corps.
Autant on peut souscrire à la nécessité de revaloriser le déroulement des carrières des magistrats, autant, je le répète, on peut regretter que nous n'ayons pas profité de l'occasion, madame la ministre, pour remettre cette réforme en perspective. Celle-ci n'a pas l'ampleur qu'on aurait pu souhaiter. Les propositions d'amendements de la commission des lois vont bien sûr l'étoffer - encore que vous ayez dit qu'il n'était pas question d'amendement, madame la ministre -, notamment en ce qui concerne un renforcement des exigences de mobilité déjà contenues dans le texte et une amélioration du régime disciplinaire.
Je souscris totalement à la proposition de M. le rapporteur d'étendre aux présidents des cours d'appel le pouvoir de saisine du Conseil supérieur de la magistrature statuant comme conseil de discipline des magistrats du siège, actuellement réservé au garde des sceaux, comme je souscris également à un amendement tendant à compléter l'échelle des sanctions disciplinaires applicables aux magistrats ainsi qu'à l'amendement qui pose le problème de la publicité des audiences disciplinaires du Conseil supérieur de la magistrature.
Il est aussi tout à fait souhaitable d'accroître les possibilités de recrutement des conseillers à la Cour de cassation en service extraordinaire. De l'avis même du Premier président de la Cour de cassation, ce recrutement est particulièrement satisfaisant et utile.
Il faudra encore, madame la ministre, examiner de toute urgence le problème du statut et de la carrière des collaborateurs de magistrat, et donc de l'ensemble du personnel des greffes. On peut considérer que ce gouvernement, ou un autre, doit nécessairement envisager d'une manière plus générale - cela ne dépend pas que de vous - de reconsidérer fondamentalement les rémunérations et les carrières de tous les agents de l'Etat qui sont au coeur des fonctions régaliennes et qui, chaque jour, font face à tous les problèmes de sécurité se posant au coeur de nos cités et, de plus en plus, jusque dans les zones rurales les plus profondes. Je pense à cet égard notamment aux policiers et aux gendarmes, aux personnels de l'administration pénitentiaire, à tous ces agents de l'Etat dont les difficultés de travail ne peuvent se comparer avec celles des agents au rôle purement administratif.
Je ferai une autre parenthèse. Lors des tournées que j'ai effectuées dans les juridictions au cours des derniers mois en ma qualité de rapporteur spécial des crédits du budget de la justice, j'ai pu demander aux magistrats que je rencontrais leur avis sur cette réforme.
A mon grand étonnement, j'ai constaté qu'ils en avaient plus ou moins entendu parler, même si une lettre personnelle leur a, paraît-il, été adressée. Je me demande si cette dernière ne leur a pas été envoyée en même temps que leur bulletin de paie, et s'ils n'ont pas cru qu'il s'agissait d'un prospectus ! (Sourires.) En tout cas, je tiens à vous dire, madame la ministre, que j'ai été très étonné par leur manque d'information sur cette réforme.
Ceux qui connaissent un peu le projet se demandent ce qu'il adviendra des dispositions à la suite du face à face entre le Conseil supérieur de la magistrature et la direction des services judiciaires, s'agissant de la mise en oeuvre.
En effet, il est un problème qui n'a pas été abordé dans le texte législatif lui-même - mais ce n'était pas le lieu pour le faire - et auquel vous devrez nécessairement répondre, madame la ministre : celui de la méthode que vous envisagez de mettre au point pour appliquer le mieux possible et le plus vite possible l'ensemble des dispositions qui seront nécessairement votées par le Parlement. Comment allez-vous porter à la connaissance des magistrats les modalités d'application de cette réforme ? Y aura-t-il des avancements sur place pour ceux qui auront plus de deux ans de fonction et moins de cinq ans, etc ? Il y a en effet des « on dit » - on dit : « le Conseil supérieur de la magistrature exige que... » - mais ce n'est jamais écrit nulle part.
La gestion des ressources humaines en magistrats par la direction des services judiciaires et le Conseil supérieur de la magistrature est de plus en plus complexe et de plus en plus lente - madame la ministre, il faudrait que vous examiniez ce point de près -, ce qui explique notamment que certaines juridicitons, comme j'ai pu le constater, attendent de nombreux mois avant de voir pourvus des postes devenus vacants. La direction des services judiciaires - que M. le directeur des services judiciaires me pardonne de dire cela - est incapable, en instantané, d'indiquer quels magistrats occupent les postes dans telle ou telle juridiction, de connaître le profil de ces magistrats, leurs desiderata et si un mouvement les concernant est prévu ou non. Je pense que les techniques informatiques actuelles devraient permettre d'y parvenir.
Et Mme la ministre - en tout cas au moins M. le directeur des services judiciaires - devrait avoir sur son bureau un ordinateur lui permettant de savoir en instantané quel magistrat occupe quel poste.
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. J'en ai un !
M. Hubert Haenel. En tout cas, j'ai pu constater, lors des contrôles que j'ai effectués, en tant que rapporteur spécial du budget de la justice, dans les ressorts des cours d'appel de Reims, de Paris, et particulièrement dans les tribunaux de grande instance de Bobigny et d'Evry-Corbeil, que les magistrats ne le savent pas et se plaignent de cette situation.
Comment expliquer, madame la ministre, que deux postes de haut magistrat - pour ne prendre que cet exemple, mais je pourrais en citer des dizaines et des dizaines d'autres - celui de procureur général à Reims, libre depuis le 1er juillet, date normale de départ à la retraite de son titulaire - c'était donc prévisible depuis des mois - et celui de Colmar, libre depuis le départ à la retraite de son titulaire au 1er septembre, départ annoncé au Journal officiel depuis le début de cette année, ne soient toujours pas pourvus ? Et qu'on ne vienne pas imputer ces errements à la cohabitation !
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Ah non !
M. Hubert Haenel. Je ne pense pas, en effet, qu'il s'agisse de postes particulièrement sensibles !
Ce sont des postes importants qui relèvent, bien sûr, de la formalité du décret en conseil des ministres et qui échappent donc à l'avis du Conseil supérieur de la magistrature et à la procédure de la transparence. On ne peut donc pas se retrancher derrière les prétextes de la transparence et des réclamations !
Est-il concevable madame la ministre, que des postes de préfet ou tout autre poste relevant de la désignation en conseil des ministres restent vacants aussi longtemps ?
Je souhaiterais, madame la ministre, que vous examiniez cette question et que vous puissiez me répondre sur le fond à l'occasion de l'examen des crédits de votre ministère. Je ne manquerai pas de reformuler, le lundi 11 décembre au matin, la même question à l'occasion du vote du budget.
Puisque nous examinons le statut, il y a une autre question qui mériterait réflexion et débat : celle de ces magistrats qui entrent dans les « affaires », comme l'a stigmatisé récemment un article paru dans un grand hebdomadaire, Le Nouvel Observateur , pour ne pas le nommer. Je vous renvoie donc à cet article, en date des 6 et 12 juillet dernier, qui dénonçait cet état de fait et se posait la question de savoir si ces sociétés qui embauchent à tour de bras des magistrats avaient pour seule motivation que ces hommes et femmes de loi leur permettent de rester vertueuses. Je me pose en tous cas la question.
Dans le même ordre d'idées, j'ai toujours été étonné que l'on laisse des magistrats devenus parlementaires faire un usage parfois abusif des anciennes fonctions qu'ils occupaient dans des affaires pointues, délicates et médiatisées.
M. Michel Charasse. M. Jean-Pierre !
M. Hubert Haenel. Il y a un mélange des genres préjudiciable à la fois pour le corps de la magistrature et pour le Parlement, une confusion des genres qui peut troubler l'opinion publique. Madame la ministre, lorsqu'au journal télévisé de vingt heures ces magistrats-là, devenus parlementaires, que ce soit parlementaires européens ou députés - il n'y en a pas parmi les sénateurs, jusqu'à présent -, s'expriment, on ne sait si c'est au nom de leur corps d'origine ou en tant que députés de la majorité ou de l'opposition - je ne fais pas de différence !
M. Michel Charasse. Très bien !
M. Hubert Haenel. J'en termine là-dessus, mais il faudra un jour aborder la question au fond. On ne peut pas laisser les choses en l'état.
Autant la mobilité et les détachements sont nécessaires et salutaires, autant je me demande s'il n'y a pas cependant une réflexion à mener pour resserrer le dispositif statutaire qui impose aux magistrats, qu'ils soient dans les cadres ou hors cadre, une stricte obligation de réserve. Je crois savoir - vous pourrez le vérifier - que, dans le statut de la magistrature, il est prévu que le fait de devenir parlementaire n'empêche pas que l'on reste tenu vis-à-vis de l'Etat à une certaine obligation de réserve.
M. Michel Charasse. Absolument !
M. Hubert Haenel. Il faudrait de temps en temps le rappeler !
M. Michel Charasse. Me permettez-vous de vous interrompre, monsieur Haenel ?
M. Hubert Haenel. Je vous en prie.
M. le président. La parole est à M. Charasse, avec l'autorisation de l'orateur.
M. Michel Charasse. Je souhaite rappeler que, dans des circonstances analogues, le statut des militaires, et donc le devoir de réserve des militaires, a été en son temps appliqué au général Stehlin, qui était pourtant député.
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Haenel.
M. Hubert Haenel. Madame la ministre, il faudra donc, un jour ou l'autre, vous pencher sur ce sujet.
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Oui !
M. Hubert Haenel. Envisagez-vous de prendre des initiatives pour remédier à cet état de fait ?
Un autre point sur lequel j'aurais souhaité une complète information concerne les modifications apportées au code de l'organisation judiciaire. Je n'ai pas déposé d'amendement sur ce point, mais les contrôles que j'ai effectués m'ont permis de constater que certaines dispositions de ce code sont de nature législatives, et d'autres de nature réglementaires, décrets simples, décrets en Conseil d'Etat, voire circulaires.
La réforme du code de l'organisation judiciaire modifie la répartition et l'étendue des pouvoirs des chefs de cour sur les juridictions de leur ressort. Elle distingue pour la première fois la gestion administrative de l'administration judiciaire des juridictions. Alors que, jusqu'ici, le code de l'organisation judiciaire avait limité ces pouvoirs à une fonction d'inspection des chefs de cour, le projet rend ces derniers responsables de la gestion et de l'administration judiciaire, pour ne citer que cet exemple.
De nombreux magistrats, que j'ai entendus sur ce point, regrettent que le projet de réforme du code de l'organisation judiciaire, dont nous ne sommes pas saisis tout simplement parce qu'il ne relève pas, pour la plupart de ses dispositions, de la compétence du législateur, s'inscrive dans une logique hiérarchique peu opérationnelle.
Il paraît donc indispensable de compléter l'architecture de la déconcentration par la définition dans le même texte des pouvoirs et responsabilités des chefs de juridiction du premier degré.
Il me semble, madame la ministre - et vous me direz, là encore, que je suis hors sujet -, qu'un débat pourrait être un jour organisé devant le Parlement, car celui-ci est en droit de connaître vos réponses sur toutes les questions relatives à l'organisation judiciaire. Et je ne parle pas de la carte judiciaire !
Une autre question mériterait à elle seule un débat, ou tout au moins une audition.
D'après les informations parues dans la presse, votre prédécesseur a fait passer au crible près de 200 juridictions pour vérifier si les procureurs de la République et les procureurs généraux appliquaient bien les consignes ministérielles, non pas individuelles...
M. Michel Charasse. Les instructions générales !
M. Hubert Haenel. Oui !
Or il semble que ce ne soit pas toujours le cas et que certains magistrats auraient fait valoir, lors de cet audit, que, débordés, ils regrettaient même de devoir rendre des comptes trop souvent et en temps réel à leur hiérarchie, donc au ministère.
L'étude dont il s'agit a été présentée comme un véritable audit de la politique pénale, destiné à mesurer l'efficacité des directives ministérielles, ce qui est très important. Pourquoi le Parlement n'a-t-il pas été destinataire des résultats de cette étude et pourquoi un débat, au moins en commission des lois, ne pourrait-il pas être organisé sur ce sujet qui nous concerne au premier chef puisqu'il s'agit d'appliquer la loi pénale ?
A l'occasion de mes contrôles, j'ai pu constater que les magistrats du parquet sont de plus en plus souvent sollicités - politique de la ville, traitement en temps réel et, à compter du 1er janvier prochain, loi sur la présomption d'innocence - et soumis à un rythme de travail « ahurissant », selon les propres mots du président de l'Union syndicale de la magistrature. Leur charge de travail a augmenté d'un tiers en cinq ans !
On peut d'ailleurs, à cette occasion, se demander si les fonctions de magistrats du parquet et du siège, du fait de la différence de nature des charges, ne vont pas de plus en plus se séparer.
Il m'a été dit et soutenu - est-ce vrai ? Vous pourrez peut-être nous répondre, madame la ministre - que, de plus en plus, les magistrats, quand ils le peuvent, s'éloignent des fonctions du parquet.
Il y aurait aussi lieu de traiter et il me semble qu'il y a là urgence, l'ensemble des questions relatives à l'accès à la Cour de cassation et au fonctionnement de cette juridiction.
La commission des lois aborde ces questions sous l'angle d'une augmentation du nombre des conseillers en service extraordinaire, mais il me semble qu'il faudrait aussi prévoir que la Cour de cassation puisse bénéficier de postes d'assistants de justice. Le texte actuel ne prévoit pas la présence de tels assistants de justice au sein de cette haute juridiction. Vous avez certes imaginé un dispositif, madame la ministre, mais il ne me paraît quand même pas très clair.
Il y a aussi le problème du tarissement possible - lié au texte - du vivier provincial de recrutement de la Cour en conseillers, du fait de l'alignement des carrières de président de chambre à Paris et de président de chambre de cour d'appel de province.
Pensez-vous que des magistrats de chambre de province, qui seront tous classés hors échelle lettre C, donc hors hiérarchie, vont se porter candidat aux fonctions de conseiller à la Cour de cassation ? J'en doute ! Nous reviendrons donc aux errements du passé, où seuls les présidents de chambre de Paris constituaient le vivier permettant de pourvoir ces postes relevant de l'initiative du Conseil supérieur de la magistrature.
Les mêmes questions valent pour les conseillers référendaires, qui constituent l'ossature des chambres, au dire des présidents de chambre de la Cour de cassation et de son Premier président.
A partir du moment où l'on bouleverse l'ensemble du corps judiciaire, il me paraît nécessaire de rebâtir une hiérarchie d'emplois à la Cour de cassation. Il ne faut pas que cette dernière soit en décalage ou en déphasage par rapport à la réforme !
Il serait donc peut-être nécessaire, finalement, d'avoir trois catégories de conseillers référendaires - deuxième grade, premier grade, comme c'est le cas aujourd'hui, et des postes hors hiérarchie à créer, même si le mot « hiérarchie » est peut-être à supprimer - et prévoir, bien sûr, la nécessaire mobilité pour accéder aux fonctions de conseiller.
Toujours à propos de la Cour de cassation, il est nécessaire de prendre des mesures drastiques pour liquider les stocks, afin de revenir à un fonctionnement normal. Mais je reviendrai sur ce point à l'occasion de l'examen des crédits du ministère de la justice.
Il y aurait encore bien d'autres questions à poser à propos du fonctionnement de la Cour de cassation, mais elles relèvent, il est vrai, du code de procédure civile plus que d'une loi organique relative au statut.
Il me paraît urgent, madame la ministre, qu'en liaison avec le Premier président de la Cour de cassation et le procureur général près ladite cour vous meniez rapidement une réflexion d'ensemble sur cette juridiction et formuliez d'ici à l'été des propositions de réforme. Il ne faut pas attendre, et cela ne dépend pas de la réforme du Conseil supérieur de la magistrature !
Si la chancellerie devait à nouveau « botter en touche », alors, comme l'a dit M. le rapporteur, le Sénat devrait se substituer à elle et prendre le relais. Il en a les moyens...
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Et le devoir !
M. Hubert Haenel. ... et il l'a déjà démontré.
Permettez-moi encore une question, madame la ministre - ce sera la dernière -, que je formulerai en ma qualité de président de la commission d'harmonisation du droit local en vigueur dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle, c'est-à-dire au nom de nombreuses catégories de parlementaires, de tous horizons politiques.
Pouvez-vous indiquer au Sénat si vous envisagez de prendre en considération, à l'occasion de cette réforme, la situation des juges du Livre foncier en fonction dans les ressorts des cours d'appel de Colmar et de Metz ?
Avec votre réforme, une partie des emplois de juge sera élevée au premier grade et la fonction pourra être exercée aussi bien au premier qu'au second grade. Il me semble donc que certains emplois de juge du Livre foncier localisés dans les villes les plus importantes pourraient être élevés au premier grade. Peut-être me direz-vous ce que vous en pensez, madame la ministre ?
Voilà, madame la ministre, quelques simples questions liées directement ou indirectement à la carrière des magistrats et à leur statut. Mais il y a en aurait, certes, bien d'autres !
Une fois encore, on peut regretter que ces questions tout à fait légitimes d'amélioration de carrière n'aient pas été traitées en même temps que celles qui sont relatives au statut.
J'ajoute que le fait que la réforme du Conseil supérieur de la magistrature n'ait pas été votée en début d'année n'est pas la seule explication possible. Au demeurant, je faisais partie de ceux qui souhaitaient qu'elle soit adoptée. Quoi qu'il en soit, je pourrais vous indiquer des pans entiers de réforme qui pouvaient être engagés sans qu'il soit nécessaire de modifier les dispositions de l'article 64 de la Constitution !
A la limite, madame la ministre, en vous entendant tout à l'heure, je me demande si j'aurais dû intervenir à la tribune du Sénat : à quoi bon un débat parlementaire si vous nous proposez un contrat d'adhésion ? Selon vous, nous devrions voter ce texte conforme, un point c'est tout.
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Je n'ai jamais dit cela !
M. Hubert Haenel. En matière de justice, cette attitude me paraît singulière. Pourquoi, dans ces conditions, ne pas avoir utilisé une autre procédure législative, celle des ordonnances ?
Je le constate, quel que soit le gouvernement, et depuis bientôt quinze ans que je suis parlementaire, dans le domaine judiciaire comme dans bien d'autres domaines, ce n'est jamais le bon moment pour faire des réformes. Celles-ci se font toujours à la va-vite, sous la pression de la rue ou à l'occasion d'élections. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet qui nous est proposé a un double objet. Il vise d'abord à améliorer le déroulement de la carrière des magistrats et, par ricochet, leur niveau de rémunération, l'avancement de nombre d'entre eux se trouvant bloqué faute de postes disponibles ; il favorise ensuite la mobilité, en l'érigeant en condition indispensable pour l'avancement.
Ce texte a donc une vocation essentiellement pragmatique et technique : il s'agit d'apporter une réponse concrète à une situation objective qui aboutit, on le sait, à démotiver et scléroser le corps.
Cette réforme, qui permet d'aligner la carrière des magistrats de l'ordre judiciaire sur celle des juges administratifs et financiers, est, me semble-t-il équitable et indispensable si l'on veut bien se rappeler que le corps judiciaire devrait se trouver confronté dans les prochaines années à des départs nombreux, sinon massifs, à la retraite : il ne faudrait pas qu'une carrière moins attractive décourage les éventuels postulants, sachant qu'il en manque déjà beaucoup !
Cette réforme utile reçoit le large agrément des organisations professionnelles représentatives, comme je l'ai constaté. Elle a également la faveur des sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen.
La réforme était-elle prioritaire ? C'est une des questions qui nous est posée par M. Fauchon dans son rapport.
J'avoue ne pas bien comprendre le sens de la critique, tant il est vrai qu'elle pourrait s'appliquer à beaucoup de textes que nous adoptons. Sans vouloir faire de mauvais procès, dans un autre registre, la réforme du quinquennat présidentiel a pu sembler incongrue face à d'autres priorités !
On a évoqué aussi l'aspect catégoriel de la réforme en évoquant les difficultés de fonctionnement de la justice au quotidien. Pourtant, il me semble que ces deux éléments sont inextricablement liés et que les opposer l'un à l'autre n'a pas de sens : il ne s'agit pas de faire l'un contre l'autre, mais l'un avec l'autre, tant il est vrai que toute amélioration statutaire des magistrats ne peut que servir la justice au quoditien et que, inversement, toute revalorisation des moyens servira logiquement le corps judiciaire. Nous aurons évidemment l'occasion d'en parler lors de la discussion budgétaire !
M. le rapporteur a néanmoins posé une vraie question, que j'avais moi-même soulevée en commission : les magistrats en début de carrière ne bénéficieront pas de cette revalorisation statutaire.
Les membres du groupe communiste républicain et citoyen partagent l'idée d'une revalorisation générale de la situation de l'ensemble des magistrats, et il importe, notamment, de veiller à ce que la réduction des délais pour accéder à l'échelon supérieur soit effective.
Dans ce sens, les dispositions permettant la reconstitution de carrière des magistrats recrutés sur concours exceptionnel doivent être approuvées, mais, d'une façon générale, les débuts de carrière des cadres de la fonction publique sont à reconsidérer.
La situation des magistrats débutants me conduit à évoquer la situation des quelque 1 500 assistants de justice actuellement en poste dans les juridictions.
J'attire à nouveau votre attention, madame la ministre, comme l'a fait mon collègue Robert Bret en commission, sur le fait que ces étudiants qualifiés font bien souvent le double des heures qui leur sont demandées et exercent des responsabilités qui vont bien au-delà d'une simple aide à la décision.
Les organisations syndicales nous ont confirmé cette situation, et les mêmes problèmes semblent d'ailleurs être posés par les agents de justice, qui exercent souvent des fonctions de greffiers.
Faute d'avoir de plus amples garanties sur le travail qu'ils effectuent réellement, nous ne pouvons encourager le développement de ce système et nous sommes dubitatifs sur l'amendement qui a été déposé par certains de nos collègues afin de l'étendre au sein de la Cour de cassation, même s'il est évident que, du point de vue de la formation des étudiants, cela peut sembler intéressant, ces étudiants pouvant, par la suite, postuler à des postes de titulaire.
J'en viens maintenant à la seconde critique émise à l'encontre de ce projet de loi organique : son manque d'ambition.
Il est vrai, que si l'on se réfère à l'avant-projet de loi organique relatif au statut de la magistrature élaboré par votre prédécesseur, madame la ministre, on peut être surpris par l'aspect limité du texte qui nous est présenté.
N'oublions pas, cependant, que le contexte a beaucoup changé depuis. La remise à plat du statut des magistrats envisagée par Mme Guigou s'insérait, en effet, dans une réflexion d'ensemble sur la place de la justice dans l'Etat.
La refonte du statut des magistrats, qui abordait la question de la mobilité, de l'avancement, mais aussi de la responsabilité des magistrats, était conçue comme le corollaire d'une autonomie renforcée par rapport au pouvoir politique autonome qui devait être consacrée par la réforme constitutionnelle du Conseil supérieur de la magistrature. On connaît le sort de cette réforme !
Le rappel de ce changement de contexte me semble d'autant plus nécessaire que cette réforme conduit, à mon sens, à une relecture de l'obligation de mobilité retenue par la commission des lois.
La plupart des magistrats sont favorables à une mobilité plus grande, mais, dans le système actuel, qui ne rompt pas le lien entre politique et justice, on peut craindre qu'elle ne mette en péril leur autonomie par rapport au pouvoir politique. N'oublions pas, notamment, que, pour ce qui concerne les parquetiers, le garde des sceaux conserve le pouvoir de proposition ... sans même parler de la situation des procureurs généraux, qui est laissée à la discrétion du Gouvernement.
Il nous semble, dès lors, que le système retenu par le projet de loi organique, qui consacre et renforce les règles mises en oeuvre par le Conseil supérieur de la magistrature, est équilibré.
Que nous est-il proposé ?
Il s'agit, d'une part, de conditionner l'accès au grade supérieur à la mobilité : il ne serait plus possible d'accéder au premier grade dans une juridiction où le magistrat est affecté depuis plus de cinq ans ; pour accéder aux emplois hors hiérarchie ou hors grade - j'ignore l'appellation qui sera retenue - il serait désormais nécessaire d'avoir exercé deux fonctions au premier grade dans deux juridictions différentes.
Il s'agit, d'autre part, de rendre impossible l'accès aux fonctions de président ou de procureur général d'un tribunal de grande instance sans changement de juridiction.
Qu'il faille prévoir des dérogations ou des mesures transitoires, cela paraît évident, et tant les dispositions relatives aux conseillers référendaires que celles qui concernent les conseillers de cassation ou les magistrats ayant une grande ancienneté dans les fonctions importantes hors hiérarchie permettent une réforme en douceur.
La majorité de la commission des lois, suivant en cela son rapporteur, a estimé qu'il convenait de renforcer cette mobilité, de façon, notamment, à faire échec à la volonté de certains magistrats de rester en poste quitte à sacrifier leur avancement. Elle nous propose de limiter strictement dans le temps l'exercice de certaines fonctions de chef de juridiction et de certaines fonctions spécialisées.
A ce stade de la réforme d'ensemble de la justice, l'institution d'un délai « couperet » mérite d'être discutée, tant il est vrai que la question se pose différemment selon les fonctions. Si ce délai peut sembler opportun pour des chefs de juridiction, certaines fonctions paraissent nécessiter une spécialisation qui ne peut être acquise qu'avec le temps.
Prenons l'exemple des juges d'instruction. L'obligation de mobilité ne posera pas de problème pour les « petits » dossiers. Mais qu'en sera-t-il, par exemple, des affaires financières ? Ne faudrait-il pas prévoir des dérogations ? Autant d'interrogations auxquelles je n'ai pas de réponse aujourd'hui, mais qui mériteraient d'être approfondies avant que d'instaurer un couperet.
Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyens sont, en revanche, beaucoup plus favorables aux dispositions qui tendent à améliorer le régime disciplinaire des magistrats, notamment celles qui consacrent le caractère public des audiences, en déplorant que les magistrats du parquet, qui continuent de relever du ministère de la justice, ne puissent en bénéficier.
De même, la faculté de saisine par les chefs de cour peut contribuer à renforcer la transparence des procédures disciplinaires.
C'est également pour aller dans le sens d'une plus grande transparence que nous proposerons une série d'amendements qui nous semblent de nature à favoriser la démocratisation et le pluralisme au sein du Conseil supérieur de la magistrature, grâce à une meilleure représentation sociologique du corps.
C'est l'occasion d'entamer le débat sur une question qui ne semble pas poser de problème au sein de la profession. Nous serions heureux, madame la ministre, d'avoir la position du Gouvernement sur cette question.
Au vu de ces remarques, et sous réserve de leur prise en compte, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen voteront le projet de loi organique sur la carrière des magistrats.
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Je vais essayer de répondre rapidement à chacun des intervenants.
Pour ce qui est du « repyramidage », évoqué par plusieurs orateurs, voilà une quinzaine de jours, le directeur des services judiciaires - je l'ai vu réagir, tout à l'heure, lorsqu'on a mis en cause, à tort, sa direction - a vu, avec le Conseil supérieur de la magistrature, comment on pouvait mettre en place rapidement cette organisation pour les 411 emplois concernés. Pour favoriser la mobilité, on reprendra la pratique actuelle. Ne seront pas « repyramidés » - le mot est épouvantable, veuillez m'en excuser ! - sur place les présidents ou procureurs de la République qui ont été nommés depuis moins de deux ans ou qui sont en place depuis plus de cinq ans, pour éviter de commencer par ne pas appliquer les règles qui, éventuellement, seront adoptés tout à l'heure.
Monsieur Haenel pour connaître en temps réel les mouvements des magistrats dans les juridictions, vous pouvez consulter le site Internet. Il est vrai que le logiciel, qui date de 1984, n'est pas particulièrement performant. Mais le nouveau logiciel, dont le mise en place a été décidée l'an dernier, sera opérationnel à partir du mois de janvier. Je vous donnerai l'adresse du site, monsieur Haenel, afin que vous puissiez suivre avec moi au jour le jour la situation dans toutes nos juridictions ! C'est un outil extrêmement intéressant.
Le passage dans le privé des magistrats est un sujet que je ne pensais pas aborder.
Il n'y a pas eu plus de départs de magistrats dans le privé ces derniers temps, mais il est vrai qu'on en a parlé beaucoup plus dans les médias. Ces départs sont surtout le fait de magistrats spécialisés dans les affaires économiques et financières et ce pour des raisons que je n'ai pas à analyser, ni en ce qui concerne l'employeur, ni en ce qui concerne celui qui accepte l'emploi. Les postes offerts sont des postes de haut niveau.
Les magistrats exerçant dans le privé sont tenus, en vertu du statut, aux mêmes devoirs que les magistrats en juridiction et sont passibles des mêmes poursuites disciplinaires. Sur ce point, vous êtes donc rassuré, monsieur le sénateur.
Vous pouvez l'être aussi s'agissant des trente-cinq juges fonciers d'Alsace-Lorraine. Leur recrutement est en effet dérogatoire, vous l'avez souligné. Ils sont exclusivement recrutés parmi les greffiers en chef. Ils bénéficieront donc des mêmes avantages que les magistrats pour leur carrière après trois ans d'exercice. Vous pouvez les appeler tout de suite pour leur annoncer la bonne nouvelle, mais je pense qu'ils le savent déjà.
De fait, ces juges fonciers bénéficient d'un avantage en matière de recrutement par rapport aux autres magistrats. Mais telle est, dans cette région, la règle pour bien d'autres fonctionnaires appartenant à d'autres administration que la nôtre. Ce n'est donc pas quelque chose d'inattendu.
Monsieur le rapporteur, il n'est pas exact de dire qu'il s'agit simplement, sous prétexte de repyramidage, d'augmenter les magistrats. Nous constations tous qu'il n'était pas possible aux magistrats d'obtenir de l'avancement. La possibilité d'avancer plus vite leur est donc donnée, et quand on avance plus vite, on a également une rémunération supérieure plus vite.
Mais nombre de magistrats - j'ai donné les chiffres tout à l'heure - étaient bloqués dans leur carrière. Ce n'était pas juste. Il s'agit donc bien aussi de leur rendre justice et de faire mieux fonctionner nos juridictions. Cela, ajouté aux dispositions sur la mutualisation, se traduit par une amélioration de la situation.
Tous les intervenants ont souligné le fait que les magistrats en début de carrière étaient mal rémunérés. D'abord, on peut dire cela de tous les fonctionnaires. Mais, si l'on considère des postes équivalents nécessitant un même niveau d'études dans d'autres administrations, on se rend compte qu'ils sont mieux payés.
Ce qui est intéressant, maintenant, c'est que, pour atteindre le sommet, on ira beaucoup plus vite. Donc, même si l'on peut toujours souhaiter que les débuts de carrière soient meilleurs, on ne peut pas dire que la situation soit catastrophique.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez tous dit que j'étais, en fait, sortie de mon rôle en disant que je n'accepterai pas d'amendement. Je sais qu'il n'y a pas très longtemps, ordre absolu avait été donné qu'il n'y ait pas d'amendement sur un texte. Tel n'est pas le cas aujourd'hui. J'ai simplement voulu, pour gagner du temps - sans doute ai-je été maladroite - vous indiquer quels amendements je soutiendrai et quels sont ceux que je repousserai.
Je vous ai donc d'ores et déjà indiqué la position de l'exécutif. Mais le législatif votera comme il l'entend.
En conclusion, je veux féliciter l'ensemble des intervenants de la qualité de leurs propos sur la carrière des magistrats, mais je veux regrette que nous ne soyons pas allés jusqu'au bout de la réforme. Je n'y suis pour rien, Elisabeth Guigou non plus. Je prends acte de l'impossibilité. Mais, comme M. Badinter, j'ai de l'espoir !
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.

Division additionnelle avant l'article 1er (réserve)



M. le président.
Par amendement n°1, M. Fauchon, au nom de la commission, propose d'ajouter, avant l'article 1er, une division additionnelle ainsi rédigée :

« Chapitre Ier

« Dispositions relatives à la carrière
et à la mobilité des magistrats »

La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Monsieur le président, le sort de cette division et de son intitulé étant fonction de celui que nous réserverons aux amendements suivants, je demande la réserve de l'amendement jusqu'après l'examen de l'amendement n° 13 tendant à insérer un article additionnel après l'article 6.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de réserve ?
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Favorable.
M. le président. La réserve est de droit.

Article 1er



M. le président.
« Art. 1er. - L'article 2 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature est ainsi modifié :
« I. - Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« Nul magistrat ne peut être promu au premier grade dans la juridiction où il est affecté depuis plus de cinq années, à l'exception de la Cour de cassation. »
« II. - Aux troisième et quatrième alinéas, les mots : "et, au sein du premier grade, de chaque groupe" sont supprimés.
« III. - Le dernier alinéa est ainsi rédigé :
« Nul magistrat ne peut être nommé aux fonctions de président de tribunal de grande instance ou de tribunal de première instance, à celles de procureur de la République et à celles d'adjoint au président ou au procureur de la République, dans la juridiction où il est affecté. Toutefois, cette disposition n'est pas applicable au magistrat qui remplit l'une de ces fonctions lorsque l'emploi correspondant est élevé au niveau hiérarchique supérieur. »
Par amendement n° 2, M. Fauchon, au nom de la commission, propose, dans la première phrase du texte présenté par le III de cet article pour le dernier alinéa de l'article 2 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958, de remplacer les mots : « nommé aux fonctions de » par les mots : « nommé dans un emploi correspondant aux fonctions de ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 2, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 3, M. Fauchon, au nom de la commission, propose, dans la première phrase du texte présenté par le III de l'article 1er pour le dernier alinéa de l'article 2 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958, de remplacer les mots : « , à celles de procureur de la République et à celles d'adjoint au président ou au procureur de la République » par les mots : « et à celles de procureur de la République ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Le texte du projet prévoit que nul magistrat ne peut être nommé aux fonctions de président de tribunal de grande instance ou de tribunal de première instance, à celles de procureur de la République et à celles d'adjoint au président ou au procureur de la République dans la juridiction où il est affecté.
Or, si nous connaissons aujourd'hui des vice-présidents ou des procureurs de la République adjoints, nous ne connaissons pas d'adjoints au président ou au procureur. Introduire cette distinction me paraîtrait quelque peu compliqué.
D'autre part, il me semble qu'il est suffisant, dans votre esprit, madame la ministre, de viser les présidents et les procureurs de la République.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux Il est effectivement préférable - vous avez raison, monsieur le rapporteur - de limiter les dispositions interdisant la promotion sur place aux seules fonctions de président de tribunal de grande instance et de procureur de la République.
Le Gouvernement émet donc un avis favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 3, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 1er, modifié.

(L'article 1er est adopté.)

8

SOUHAITS DE BIENVENUE
AU MINISTRE SYRIEN DE L'ÉDUCATION

M. le président. Mes chers collègues, j'ai le très grand plaisir de saluer la présence, dans notre tribune officielle, de M. Richeh, ministre de l'éducation de la Syrie, qui est accompagné de notre excellent collègue Serge Vinçon.
Nous sommes particulièrement sensibles à l'intérêt et à la sympathie qu'il porte à notre institution. (Mme le garde des Sceaux, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.)

9

CARRIÈRE DES MAGISTRATS

Suite de la discussion et adoption
d'un projet de loi organique

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi organique modifiant les règles applicables à la carrière des magistrats.

Article 2



M. le président.
« Art. 2. - L'article 3 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 précitée est ainsi modifié :
« I. - Le 3° est ainsi rédigé :
« 3° Les présidents de chambre des cours d'appel et les avocats généraux près lesdites cours ; ».
« II. - Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Un décret en Conseil d'Etat fixe, en fonction de l'importance de l'activité juridictionnelle, des effectifs de magistrats et de fonctionnaires des services judiciaires et de la population du ressort, la liste des emplois de président et de premier vice-président de tribunal de grande instance, ainsi que des emplois de procureur de la République et de procureur de la République adjoint, qui sont placés hors hiérarchie. »
« III. - Les 4° et 5° sont abrogés à compter de la date de publication du décret en Conseil d'Etat prévu au II. »
Sur l'article, la parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. En ce qui concerne l'article 2, je voudrais indiquer que, jusqu'à présent, les grades hors hiérarchie étaient énumérés par la loi organique. D'ailleurs, chaque fois que l'on voulait en ajouter, il fallait adopter une loi organique.
L'article 2 établit ce que j'appellerai une « cote mal taillée », puisqu'il énumère certains postes qui relèvent de la loi organique et qu'il renvoie à un décret en Conseil d'Etat pour les autres postes. La question, dès lors, se pose : la matière est-elle réglementaire ou législative ?
A vrai dire, c'est une question qui est d'importance secondaire, dès lors que les postes visés dans la loi organique sont classés hors hiérarchie à partir de critères précis. Les critères sont précis en ce qui concerne la Cour de cassation - elle est seule dans son genre - les cours d'appel et les chambres des cours d'appel et leurs avocats généraux.
En revanche, ces critères ne sont pas du tout précis en ce qui concerne les présidents, premiers vices-présidents, procureurs de la République et procureurs adjoints, qui seront désignés par décret en Conseil d'Etat.
Si l'on veut éviter que la loi organique ne les énumère, au moins le décret doit-il découler de critères précis que seule la loi organique peut fixer, car elle seule peut apporter la garantie indispensable au principe d'inamovibilité. Le magistrat qui sollicite sa mutation doit connaître avec certitude la caractéristique du poste, et donc la carrière à laquelle il peut prétendre et qui justifie qu'il demande à changer de poste.
On ne peut donc pas, me semble-t-il, laisser au décret le soin de fixer des critères à partir des très générales considérations qui figurent dans la loi. Encore que les critères qui nous sont proposés, et qui seront précisés par le décret, aient une valeur très variable quant à leur objectivité.
Le plus facile à établir est sans doute celui de la population du ressort, élément objectif et qui justifie, par l'importance de la démographie, la hors hiérarchie. Encore faudrait-il inscrire un chiffre, à moins que l'on n'envisage un mixage des trois critères afin de limiter le nombre des hors hiérarchie pour des raisons, par exemple, budgétaires - on peut le comprendre, mais le problème ne s'en pose pas moins.
Là où les choses deviennent plus complexes, c'est lorsque l'administration doit évaluer l'activité juridictionnelle - plusieurs critères sont retenus et varient sans arrêt - ou fixer les effectifs des personnels dans chaque juridiction - ils varient souvent en fonction du volume de travail, certaines affectations étant temporaires afin de faire face à des affaires lourdes et complexes, affectations qui sont rapportées lorsque le « coup de feu » est passé.
On imagine donc mal, mes chers collègues, que ce soit un décret qui, en fonction de pratiques administratives plus ou moins conjoncturelles, règle le profil des postes au point de perturber gravement l'appréciation et le choix des magistrats qui acceptent de changer d'affectation ou qui y seront tenus par la loi, si certains amendements qu'on nous propose sont adoptés.
Si les postes ne sont plus énumérés par la loi organique, c'est en revanche celle-ci qui doit définir avec précision les critères retenus, sans permettre au pouvoir exécutif de modifier leur modalité d'évaluation.
Cette disposition ne me paraît donc pas avoir une très grande chance de survie devant le Conseil constitutionnel.
J'ajoute que, en cours de mutation, les critères pourront ou pourraient éventuellement être changés sans préavis, afin, par exemple, de favoriser un magistrat que l'on veut récompenser - dans ce cas, le poste qu'il brigue deviendra subitement hors hiérarchie - ou de nuire à un magistrat que l'on veut pénaliser - dans ce cas, le poste qu'il brigue ne sera plus hors hiérarchie. On ne sait pas, cela peut arriver ! Je me souviens du décret Rousselet.
Bref, cela ne me paraît pas conforme aux règles qu'exigent les principes d'inamovibilité et d'indépendance de l'autorité judiciaire. Evitons donc, mes chers collègues, un camouflet du Conseil constitutionnel et évitons aussi que ce camouflet ne donne un prétexte à certains syndicats de magistrats pour contester l'ensemble de la réforme qui fonde la gestion du corps sur la mobilité.
C'est pourquoi, monsieur le président, je souhaite que, sur l'article 2, le Sénat vote par division : si le I ne pose aucun problème, en revanche, je souhaite que le Sénat vote contre les II et III, la navette permettant de les réécrire pour éviter un sévère rappel à l'ordre du législateur par le Conseil constitutionnel.
M. le président. Je vais donc mettre aux voix l'article 2 par division.
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Je salue la perspicacité et le sens de la précision de M. Charasse.
S'agissant de la question des emplois hors hiérarchie, le Gouvernement partage son souci d'encadrer suffisamment le renvoi au pouvoir réglementaire. Il faut trouver un équilibre entre une imprécision, qui ne serait pas acceptable, et une excessive rigidité.
Les trois critères proposés, à savoir l'activité juridictionnelle, l'effectif des magistrats et des fonctionnaires et la population du ressort, constituent en fait la synthèse des critères retenus par le Parlement lors des précédentes localisations d'emplois hors hiérarchie et qui étaient au nombre de douze. J'en tiens la liste à la disposition du Sénat. Mais la navette permettra sans aucun doute, comme vous le souhaitez, monsieur Charasse, d'approfondir la réflexion sur la pertinence des critères proposés. Je vous les ferai connaître et nous pourrons, lors de la navette, voir si cela satisfait votre besoin de clarté.
M. Michel Charasse. Ce n'est pas seulement le mien !
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. J'avais cru comprendre que nous allions procéder à un vote par division et je comptais m'expliquer sur le paragraphe II après avoir voté le paragraphe I, ce qui me paraissait logique. Mais puisque nous continuons à débattre sur le paragraphe II, je vais m'expliquer dès maintenant sur celui-ci, afin de ne pas avoir à y revenir ultérieurement.
La commission a bien vu la difficulté, mais elle lui a paru formelle. La question de savoir et d'apprécier quels sont le volume de l'activité juridictionnelle, les effectifs des magistrats et des fonctionnaires des services judidiaires ou la population du ressort relève pratiquement, comme je le disais d'une manière générale à propos de l'ensemble du texte, de la gestion de la magistrature, et donc d'une démarche réglementaire.
Il est vrai que, dans le passé, nous avions à apprécier quelles étaient les juridictions qui passaient dans la catégorie hors hiérarchie, puisque hors hiérarchie il y a - expression d'ailleurs plus pittoresque, je le répète encore une fois, qu'exacte. Mais, chaque fois, nous avions voté les dispositions proposées, car le problème était formel. Nous n'avons donc pas vu d'inconvénient à dire qu'il suffit d'un décret en Conseil d'Etat pour le régler.
Il nous paraît sage de voter ce texte tel que nous le présente le Gouvernement. Peut-être celui-ci trouvera-t-il le moyen - vous y avez fait allusion tout à l'heure, madame le garde des sceaux - pour éviter l'ire éventuelle du Conseil constitutionnel, d'apporter quelques précisions s'agissant des critères qui ont été retenus.
Sur le fond, il ne nous paraît pas choquant que ce soit un décret en Conseil d'Etat - ce n'est pas n'importe quel décret ! - qui fixe la liste des juridictions dont les chefs de juridiction seront classés hors hiérarchie.
En conséquence, la commission vous propose d'adopter ce paragraphe II, comme les paragraphes I et III, et donc l'ensemble de l'article.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le paragraphe I de l'article 2.

(Ce texte est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les paragraphes II et III de l'article 2.

(Ces textes sont adoptés.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de l'article 2.

(L'article 2 est adopté.)

Articles additionnels après l'article 2



M. le président.
Je suis saisi de trois amendements présentés par M. Fauchon, au nom de la commission.
L'amendement n° 4 vise, après l'article 2, à insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 28-1 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 précitée, il est inséré un article 28-2 ainsi rédigé :
« Art. 28-2. - Nul ne peut exercer plus de sept années la fonction de président ou de procureur de la République d'un même tribunal de grande instance ou de première instance. »
L'amendement n° 5 tend, après l'article 2, à insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 28-1 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 précitée, il est inséré un article 28-3 ainsi rédigé :
« Art. 28-3. - Nul ne peut exercer plus de sept années la fonction de juge d'instruction, de juge des enfants, de juge de l'application des peines ou de juge chargé du service d'un tribunal d'instance dans un même tribunal de grande instance ou de première instance. »
L'amendement n° 6 a pour objet, après l'article 2, d'insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 38 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 précitée, il est inséré un article 38-1 ainsi rédigé :
« Art. 38-1. - Nul ne peut exercer plus de sept années la fonction de premier président ou de procureur général d'une même cour d'appel. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Je me suis déjà expliqué tout à l'heure à la tribune sur l'opportunité de limiter dans le temps la durée d'exercice des fonctions de chef de juridiction ou de certaines fonctions spécialisées.
Je rappelle que cette mesure figurait dans un avant-projet de loi qui a été diffusé à la fin de l'année dernière. Pour notre part, nous l'avions préconisé voilà déjà fort longtemps. On ne peut pas laisser un magistrat « incruster » à vie à tel ou tel poste.
On nous objectera peut-être - M. Badinter y a d'ailleurs fait allusion tout à l'heure - que cette disposition n'est pas constitutionnelle dans la mesure où elle pourrait porter atteinte au principe de l'inamovibilité des magistrats.
Je crois qu'il faut tout de même interpréter les principes en fonction du contexte. Au xixe siècle, le principe de l'inamovibilité des magistrats était essentiel et devait être respecté avec la plus grande rigueur parce qu'à l'époque la carrière des magistrats était complètement entre les mains de l'exécutif : un ministre pouvait blackbouler un magistrat qui avait cessé de lui plaire ou qui n'avait pas fait ce qui était souhaité. Mais c'était du temps de Lucien Leuwen et de Stendhal.
M. Michel Mercier. C'était le bon temps !
M. Pierre Fauchon, rapporteur. C'était le bon temps à certains égards mais c'était un temps où la notion de droit n'avait pas progressé comme elle l'a fait depuis.
Nous sommes maintenant dans un contexte où, avec le Conseil supérieur de la magistrature et ses nouvelles prérogatives, et après les réformes récentes, ce péril n'existe plus. Il convient donc aujourd'hui d'apprécier le principe de l'inamovibilité, qui reste bien entendu respectable, dans ce nouveau contexte. Ainsi, on observe que le danger serait que le pouvoir prenne une mesure individuelle à l'encontre d'un magistrat.
Mais ce n'est pas l'objet de nos amendements. Nous posons la règle générale selon laquelle un magistrat ne peut pas exercer plus de tant de temps telle fonction. Etant donné que c'est une règle générale, elle ne porte pas atteinte au principe de l'inamovibilité des magistrats tel que je l'ai défini tout à l'heure.
Si le Conseil constitutionnel qui a des vues autrement plus étendues, plus profondes et perspicaces que les nôtres, considère que, malgré tout, cette disposition porte atteinte au principe de l'inamovibilité, nous accepterons éventuellement, avec modestie, sa sanction. De toute façon, il sera saisi de ce texte puisqu'il s'agit d'une loi organique.
Je n'affirme donc pas que cette disposition n'est pas contraire au principe d'inamovibilité, mais que, dans son esprit, il ne me semble pas qu'elle le soit, sinon, bien entendu, nous ne l'aurions pas proposée.
J'ai entendu avec intérêt l'observation formulée par Mme Borvo tout à l'heure considérant que, sans doute, cette règle était assez souhaitable, sauf à présenter l'inconvénient qu'en se privant d'un magistrat ayant acquis une qualification particulière, par exemple dans des matières difficiles - financières ou relatives à la famille, etc. - la justice se prive en quelque sorte des compétences acquises par ce magistrat.
Je réponds à Mme Borvo que ce magistrat peut fort bien poursuivre une carrière dans sa spécialité mais dans une autre juridiction, c'est tout. Il s'intégrera dans une autre équipe d'affaires financières, d'affaires économiques ou il restera juge de la famille dans un autre tribunal. Il n'y a donc pas lieu de s'inquiéter sur ce point.
Mais, surtout en province, quand un magistrat est en poste depuis très longtemps, on sait d'avance la décision qui sera prise. Cela n'est tout de même pas très satisfaisant.
C'est pourquoi limiter la durée dans le temps de certaines fonctions à sept ans me semble nécessaire. Dans l'avant-projet du Gouvernement, il était question de cinq ans pour les uns et de dix ans pour les autres. En l'occurrence, cinq ans, était peut-être un peu court ; sept ans nous semble être plus convenable. C'est ce que nous proposons au Sénat, encore une fois sans affirmer solennellement que nous sommes totalement à l'abri d'une critique du Conseil constitutionnel. Mais enfin, après tout, chacun assume son devoir. Nous, nous croyons qu'il est du nôtre de proposer cette mesure, au Conseil constitutionnel d'apprécier, ensuite, en prenant ses responsabilités.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Comme je l'ai dit dans mon propos liminaire, le Gouvernement est défavorable à ces amendements, parce que les dispositions proposées n'entrent pas dans les limites du projet de loi organique qui vous est aujourd'hui soumis, dont le seul objet est la revalorisation et l'amélioration du déroulement de la carrière des magistrats, accompagnées de dispositions favorisant la mobilité de l'ensemble des magistrats au cours de leur carrière.
La limitation dans le temps de l'exercice de certaines fonctions - chef de juridiction, chef de cour, magistrat spécialisé du siège - relève d'un autre débat. Elle constitue certainement une piste de réflexion intéressante, que nous prendrons collectivement en compte, mais elle ne peut se concevoir sans que soient préalablement renforcées les garanties statutaires de l'indépendance des magistrats, du siège comme du parquet.
C'est d'ailleurs ce à quoi tendait le projet de loi constitutionnelle relatif au Conseil supérieur de la magistrature, adopté en termes conformes par le Parlement, mais, à ce jour, non ratifié par le Congrès. Cette condition préalable n'étant pas remplie, l'avis du Gouvernement est défavorable.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Madame le garde des sceaux, l'argument selon lequel nous sortirions de l'objet du projet de loi est faux : il s'agit bien de la situation des magistrats. Nous l'améliorons. Nous pouvons bien, ce faisant, l'assortir de certaines conditions. Nous sommes donc tout à fait dans le sujet.
Permettez-moi de vous dire que cela n'a pas grand rapport avec l'indépendance des magistrats. Au contraire, c'est de nature à la favoriser.
Par ailleurs, fort de mon expérience, je vous dirai qu'il n'est pas plus mal de faire des réformes point par point car, quelquefois, ce sont les projets trop vastes qui n'aboutissent pas.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 4.
M. Robert Badinter. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter. Sur le principe de la mobilité, je partage volontiers l'avis du CSM. On l'a évoqué partiellement, je le redis, la mobilité, ici fonctionnelle, est une source d'enrichissement pour les magistrats. Elle présente aussi une garantie contre les risques de pratique routinière ou de trop grande implication locale, notamment dans les villes de petite ou de moyenne importance.
Il est vrai qu'une durée très longue de fonction, notamment de fonction aux niveaux qui sont visés - je pense à un président de tribunal dans une petite ou une moyenne ville - finit par créer des liens et par faire naître à l'égard des magistrats, à tort, bien entendu - mais l'opinion est ce qu'elle est - certaines suspicions fondées sur des liens avec telle ou telle personnalité.
Les choses étant ce qu'elles sont, s'agissant de la mobilité, chacun sait d'ailleurs que le CSM demande un engagement à ne point demeurer trop longtemps dans le poste que l'on occupe.
Mais la question qui est posée est d'un autre ordre. Qu'est-ce que le principe de l'inamovibilité ? Il permet au magistrat du siège qui ne veut pas quitter son poste d'y demeurer. Il ne peut pas être muté. Cela signifie en clair qu'il faut un acte de volonté de sa part : la mobilité peut être liée à l'avancement ou à la sortie de précarité, liée à la fonction quand il s'agit de délégation au sein d'une juridiction pour un temps très limité. Là, le principe d'inamovibilité n'est pas contourné. Le Conseil constitutionnel à cet égard a, en 1992, fait preuve de souplesse dans son interprétation.
Mais le dispositif proposé est différent et pose problème quant au moyen de le mettre en oeuvre. Il s'agit d'une sorte de contrat. Le magistrat est nommé pour sept ans, pas un jour de plus.
Dès lors, le président du tribunal dies interpellat pro homine , comme aurait dit l'un de nos vieux maîtres, demande au magistrat qui ne souhaite pas quitter ses fonctions de partir, car le terme est échu. Il ne s'agit plus de savoir s'il le veut ou non. Ne heurte-t-on pas alors de fait le principe d'inamovibilité ? La question mérite d'être posée. Elle le sera de toute façon au Conseil constitutionnel puisqu'il s'agit d'une loi organique. Mais, comme je l'ai dit à notre ami Pierre Fauchon, je ne suis pas sûr, contrairement à ce qui a été évoqué à propos de la mobilité liée à l'avancement, qu'on ne franchisse pas la ligne en matière d'inamovibilité des magistrats du siège.
Si tel est le cas, si le Conseil constitutionnel considère qu'il n'est pas possible d'assigner un terme au moment où l'on nomme un magistrat à des fonctions du siège, c'est une nouvelle révision constitutionnelle qu'il faudra engager.
S'agissant de la mobilité, dans la pratique, faire acte de candidature à des postes est l'occasion d'une sorte d'engagement d'honneur auprès du Conseil supérieur de la magistrature. Cela n'est pas indifférent du point de vue de la théorie constitutionnelle.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 4, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi organique, après l'article 2.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 5, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi organique, après l'article 2.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 6, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi organique, après l'article 2.

Articles 3 et 4



M. le président.
« Art. 3. - Le deuxième alinéa de l'article 39 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 précitée est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« A l'exception des conseillers référendaires à la Cour de cassation, nul magistrat ne peut être nommé à un emploi hors hiérarchie s'il n'a exercé deux fonctions lorsqu'il était au premier grade. Si ces fonctions présentent un caractère juridictionnel, elles doivent avoir été exercées dans deux juridictions différentes.
« Nul magistrat ne peut être nommé à un emploi hors hiérarchie à la Cour de cassation, s'il n'est ou n'a été magistrat hors hiérarchie ou si, après avoir exercé les fonctions de conseiller référendaire à la Cour de cassation, il n'occupe un autre emploi du premier grade. » - (Adopté.)
« Art. 4. - L'article 24 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 précitée est abrogé et les articles 23, 25-1, 25-2, 25-3, 25-4, 27, 28, 28-1, 31, 36, 41-1 et 41-9 de cette ordonnance sont modifiés ainsi qu'il suit :
« I. - A l'article 23, les mots : "du premier groupe" sont supprimés.
« II. - Au premier alinéa de l'article 25-1, les mots : "premier groupe du" sont supprimés.
« III. - Le second alinéa de l'article 25-1 est abrogé.
« IV. - Aux articles 25-2, 25-3 et 25-4, la référence aux articles 22, 23 et 24 est remplacée par la référence aux articles 22 et 23.
« V. - Le premier alinéa de l'article 27 est abrogé.
« VI. - La première phrase du dernier alinéa de l'article 28 est abrogée.
« VII. - Au cinquième alinéa de l'article 28-1 et au sixième alinéa de l'article 31, les mots : "du grade et du groupe de fonctions auxquels" sont remplacés par les mots : "du grade auquel".
« VIII. - Les troisième et quatrième alinéas de l'article 36 sont abrogés.
« IX. - Au deuxième alinéa des articles 41-1 et 41-9, les mots : "premier groupe du" sont supprimés et le mot : "dix" est remplacé par le mot : "sept".
« X. - Le dernier alinéa de l'article 41-1 et le troisième alinéa de l'article 41-9 sont abrogés. » - (Adopté.)

Article 5



M. le président.
« Art. 5. - Les dispositions de l'article 25-4 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 précitée sont applicables aux personnes intégrées dans la magistrature au titre de l'article 24 de la même ordonnance antérieurement à l'entrée en vigueur de la présente loi organique. »
Par amendement n° 7, M. Fauchon, au nom de la commission, propose de compléter in fine cet article par les mots : « , ainsi qu'aux magistrats recrutés par concours exceptionnels. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Cet amendement vise à rendre plus équitable le dispositif de l'article 5, en l'étendant aux magistrats recrutés par la voie des concours exceptionnels.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Il est certainement équitable d'ouvrir aux magistrats recrutés par la voie des concours exceptionnels cette faculté de rachat de droits à pension, limitée jusqu'à présent aux seuls magistrats recrutés sur titres, par la voie de l'intégration directe.
Comme ces derniers, ils ont en effet une vie professionnelle, parfois longue, qui est antérieure à leur entrée dans la magistrature et qui doit pouvoir être prise en compte, sous certaines conditions, pour leur droit à pension de retraite de l'Etat.
Mais la question mérite d'être approfondie sur au moins deux points.
Le premier est le coût de cette extension. C'est en effet un dispositif très favorable, dérogatoire aux règles habituelles du régime de retraite des agents publics. Il faut donc en évaluer l'impact, en fonction du nombre de magistrats effectivement concernés, c'est-à-dire issus du secteur privé ou des professions libérales.
Le second est le champ de cette extension. Il faut examiner si les magistrats recrutés par la voie du troisième concours d'accès à l'ENM, ouvert aux personnes justifiant d'une expérience dans le secteur privé, ne devraient pas également être concernés.
Tous ces points sont en cours d'expertise. C'est pourquoi ces dispositions nous semblent prématurées.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Je croyais que nous étions bien d'accord, madame le garde des sceaux ? Peut-être ai-je été un peu sommaire. Je vais donc m'expliquer, certains de nos collègues pouvant s'étonner que nous permettions à des personnes devenues magistrats par concours exceptionnel de bénéficier, pour leur retraite, des annuités d'ancienneté qu'elles ont acquises au cours de leurs activités professionnelles antérieures.
Si nous voulons effectivement que soient recrutés des magistrats par concours exceptionnel - ce dont nous avons absolument besoin - il faut évidemment qu'ils puissent conserver leur situation en matière de retraite. C'est la raison profonde de cet amendement qu'il serait tout à fait équitable d'adopter.
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Sur le fond, nous sommes parfaitement d'accord avec M. le rapporteur.
En revanche, comprenez qu'il faut une expertise, sans laquelle nous tomberions sous le coup de l'article 40, car il s'agit d'une dépense importante. Nous ne pouvons donc pas nous engager sans connaître l'incidence d'une telle mesure.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Mais c'est un rachat d'annuités ! Nous ne leur faisons pas de cadeau ! Ils devront racheter leurs annuités.
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Sans expertise préalable, je ne peux pas être favorable à l'amendement n° 7.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 7, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 5, ainsi modifié.

(L'article 5 est adopté.)

Article additionnel après l'article 5



M. le président.
Par amendement n° 17, MM. Haenel, Gélard, André et les membres du groupe du Rassemblement pour la République et apparentés proposent d'insérer, après l'article 5, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 26 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 précitée est complété in fine par deux alinéas ainsi rédigés :
« Les années d'activité professionnelle accomplies par les magistrats recrutés par les voies du deuxième et du troisième concours d'accès à l'Ecole nationale de la magistrature, ainsi que ceux recrutés au titre de l'article 18-1 de la présente ordonnance, sont prises en compte pour leur classement indiciaire dans leur grade et pour leur avancement. Ces dispositions sont applicables aux magistrats concernés qui ont été nommés dans les dix années qui précèdent la date d'entrée en vigueur de la loi organique n°... du... modifiant les règles applicables à la carrière des magistrats.
« Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'application du présent article. »
La parole est à M. Haenel.
M. Hubert Haenel. Permettez-moi, avant de présenter cet amendement, de faire une petite mise au point à l'adresse de Mme la ministre.
Tout à l'heure, madame la ministre, vous m'avez invité à téléphoner la réponse aux observations que j'avais faites aux juges du Livre foncier. Chacun le sait ici, je ne suis le porte-parole de personne, ni d'aucune catégorie quelle qu'elle soit ! J'avais fait une observation tout à l'heure uniquement en tant que président de la commission d'harmonisation, un travail étant actuellement entrepris dans vos services, vous le savez, sur un avant-projet de loi sur le Livre foncier. Je ne suis donc le porte-parole de personne !
Quant au problème que je vais soumettre maintenant au Sénat avec l'amendement n° 17, je peux vous dire que je l'ai découvert uniquement à l'occasion de mes contrôles sur place et sur pièces !
Cela dit, l'ordonnance du 22 décembre 1958 relative au statut de la magistrature ne prévoit, pour les magistrats recrutés par les voies du deuxième et du troisième concours ou au titre de l'article 18-1 de cette ordonnance, aucune prise en compte de leur passé professionnel contrairement aux magistrats, qui, avec un profil équivalent, ont été recrutés par intégration directe ou par concours exceptionnels. Le déroulement de carrière des uns et des autres se trouve dès le départ pénalisé ou bonifié selon qu'ils empruntent l'une ou l'autre de ces voies d'accès.
Cette disparité contrevient au principe de l'égal accès des citoyens aux emplois publics, en ne tenant pas compte de leurs capacités, vertus et talents, et au principe du traitement égal des candidats à la magistrature de même profil dans le déroulement de la carrière qui leur est proposée.
Il convient donc d'harmoniser ces situations en appliquant à tous un même principe de reprise partielle d'ancienneté, avec reprise indiciaire, conformément aux dispositions applicables aux magistrats recrutés par voie d'intégration directe, par détachement judiciaire ou recrutés par concours exceptionnels.
Une telle disposition permettra peut-être de remédier à la désaffection de ces voies de recrutement annuelles conçues pour intégrer dans la magistrature des candidats d'expérience. D'ailleurs, M. Jean-François Weber, avocat général près la Cour de cassation, s'est inquiété de cette situation dans son rapport relatif au recrutement des auditeurs de justice au titre des deuxième et troisième concours, car maintenir en toute connaissance de cause ces concours annuels sans revaloriser les carrières de ceux qui y réussissent revient à les condamner sans avoir le courage de supprimer ce qui demeure une filière de promotion sociale.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Nous sommes favorables à cette proposition pour des raisons voisines de celles qui ont été avancées précédemment.
Cet amendement tend à permettre la prise en compte des années antérieures d'activité professionnelle des magistrats recrutés par le deuxième - ce sont des fonctionnaires - ou troisième - les personnes concernées ont huit ans d'expérience dans d'autres activités, en rapport, bien évidemment, avec la justice - concours d'accès à l'Ecole nationale de la magistrature.
Actuellement, ces magistrats ne bénéficient d'aucun dispositif de reclassement indiciaire, contrairement aux magistrats recrutés par concours exceptionnel et aux fonctionnaires recrutés par les deuxième et troisième concours d'accès à l'ENA. Il y a donc une distorsion qui n'est pas justifiée.
Les magistrats issus des deuxième et troisième concours sont donc classés au même niveau indiciaire que les magistrats issus du premier concours bien qu'ils aient naturellement déjà acquis une ancienneté soit dans la fonction publique, soit dans d'autres secteurs professionnels. C'est donc par souci d'équité - notamment par rapport aux fonctionnaires issus des deuxième et troisième concours de l'ENA - qu'il apparaît justifié de prévoir un tel dispositif de reclassement indiciaire et la commission est favorable à l'amendement n° 17.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Je vous prie de bien vouloir me pardonner, monsieur Haenel, si la façon dont je me suis exprimée vous a blessé, car telle n'était pas mon intention.
Dans mon commentaire, j'avais oublié cette catégorie de magistrats qui avaient fait part de leur inquiétude à la commission et qui devraient, selon moi, connaître rapidement la réponse du Gouvernement. C'est dans cet esprit que je vous invitais à téléphoner au plus vite, et nullement parce que je vous considérais comme le porte-parole d'un quelconque groupe de pression ! Je ne l'ai jamais pensé, monsieur Haenel !
M. Hubert Haenel. Dont acte !
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. S'agissant de l'amendement n° 17, la position du Gouvernement est délicate. En effet, s'il est favorable à une telle proposition, il est défavorable à l'amendement lui-même, et je vais m'en expliquer.
Nous partageons le souci des auteurs de l'amendement de voir revaloriser le concours interne et le troisième concours d'accès à l'ENM, et le Gouvernement est favorable au principe d'un reclassement indiciaire des magistrats issus de ces recrutements pour tenir compte de leur expérience antérieure. Des dispositions de ce type existent d'ailleurs déjà pour les deuxième et troisième concours d'accès à l'ENM et des mesures similaires figuraient déjà dans l'avant-projet de loi organique, mais elles ont été disjointes, le Conseil d'Etat ayant estimé qu'étant ordre purement pécuniaires elles ne présentaient pas de caractère statutaire et ne relevaient donc pas de loi organique. Elles seront donc prises par voie réglementaire.
En revanche, le Gouvernement n'est pas favorable à une reprise d'ancienneté pour l'avancement qui relèverait du champ de la loi organique. J'ai expliqué tout à l'heure que les dispositions prévues à cet égard pour les seuls concours exceptionnels, à l'exclusion de toutes les autres voies de recrutement, n'ont pas vocation à être étendues. Je demande donc le retrait de l'amendement n° 17.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 17.
M. Hubert Haenel. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Haenel.
M. Hubert Haenel. Je propose que le Sénat vote cet amendement aujourd'hui, étant entendu qu'à l'occasion de la navette qui va s'instaurer vous aurez l'occasion, madame la ministre, d'en discuter à nouveau à l'Assemblée nationale et de montrer que vous êtes prête à déposer un projet de décret dans ce sens-là.
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. D'accord !
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 17, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi organique, après l'article 5.

Article 6



M. le président.
« Art. 6. - Les dispositions du troisième alinéa de l'article 39 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 précitée, dans la rédaction résultant de l'article 3 de la présente loi organique, ne sont pas applicables aux magistrats qui exercent ou ont exercé les fonctions de président de chambre d'une cour d'appel ou d'avocat général à la date d'entrée en vigueur de cette loi. »
Par amendement n° 8, M. Fauchon, au nom de la commission, propose de compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Les dispositions du deuxième alinéa de l'article 39 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 précitée, dans la rédaction résultant de l'article 3 de la présente loi organique, ne sont pas applicables aux magistrats qui justifient de dix années de services effectifs au second groupe du premier grade à la date d'entrée en vigueur de cette loi. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 19, présenté par le Gouvernement et tendant, dans le texte proposé par l'amendement n° 8 pour compléter l'article 6 par un alinéa, à remplacer les mots : "qui justifient de dix années de services effectifs au second groupe du premier grade" par les mots : "du second groupe du premier grade qui justifient de plus de dix années de services effectifs au premier grade".
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 8.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Cet amendement nous a paru nécessaire pour tenir compte du fait que nous imposons une condition de mobilité supplémentaire pour entrer dans la catégorie hors hiérarchie à des magistrats qui ne pouvaient naturellement pas prévoir l'introduction de cette nouvelle condition et qui peuvent être parvenus à dix ans d'ancienneté dans le niveau hiérarchique immédiatement inférieur aux emplois hors hiérarchie. L'application du nouveau texte les obligerait donc à changer de juridiction, voire à rétrograder s'ils ne parvenaient pas à trouver un poste de niveau équivalent, pour pouvoir ensuite parvenir à la hors hiérarchie.
Afin de ne pas pénaliser les « anciens », l'amendement n° 8 de la commission prévoit donc une disposition transitoire, qui ne s'appliquera qu'aux magistrats qui, au moment de l'entrée en vigueur du présent projet de loi, se trouveront dans la situation que je viens d'évoquer ; ceux qui auront dix ans d'ancienneté au second groupe du premier grade seront donc soustraits à l'application des nouvelles règles.
Je dois dire immédiatement, et, ce faisant, je m'explique sur le sous-amendement, ce qui m'évitera de reprendre la parole, que ce dispositif pouvait apparaître trop restrictif, eu égard notamment à la situation des magistrats provinciaux, qui passent d'abord par le premier groupe du premier grade. Tout cela n'est pas simple, mais il y en a qui arrivent, paraît-il, à s'y retrouver ! ( Sourires. )
Le sous-amendement n° 19 vise précisément à étendre le dispositif transitoire aux magistrats actuellement placés au second groupe du premier grade qui justifient plus de dix années de services effectifs au premier grade. L'ordre des mots étant inversé, on croirait que c'est du Molière ! Quoi qu'il en soit, la commission est favorable à ce sous-amendement.
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux, pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 8 et pour présenter le sous-amendement n° 19.
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Le Gouvernement est évidemment favorable à l'amendement n° 8 de la commission, d'autant que celle-ci accepte le sous-amendement n° 19 du Gouvernement, sur lequel je ne reviens pas.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 19, accepté par la commission.

(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, l'amendement n° 8, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 6, ainsi modifié.

(L'article 6 est adopté.)

Divisions et articles additionnels après l'article 6



M. le président.
Par amendement n° 9, M. Fauchon, au nom de la commission, propose d'ajouter, après l'article 6, une division additionnelle ainsi rédigée :

Chapitre II

Dispositions relatives
au régime disciplinaire des magistrats

La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Pour les mêmes raisons que précédemment, à propos de l'amendement n° 1, je demande la réserve de cet amendement jusqu'après l'examen de l'amendement n° 13.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de réserve ?
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Favorable.
M. le président. La réserve est de droit.
Par amendement n° 10, M. Fauchon, au nom de la commission, propose d'ajouter, après l'article 6, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après le cinquième alinéa (4°) de l'article 45 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 précitée, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« 4° bis. - L'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximum d'un an, avec privation totale ou partielle du traitement ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Nous en parvenons aux questions d'ordre disciplinaire.
Je rappelle, car c'est important, que si nous abordons le domaine disciplinaire, ce n'est pas du tout pour toucher au fond des obligations disciplinaires des magistrats. En aucune façon ! Nous ne traitons que des questions de procédure, et ce dans les seuls domaines visés dans le rapport du Conseil supérieur de la magistrature.
Lors de la préparation de mon rapport, j'ai, comme à l'habitude, entendu les représentants des différentes catégories de magistrats, des syndicats, etc., ainsi que les chefs de cour et les hauts responsables des plus hautes juridictions : tous m'ont dit qu'il s'agissait de dispositions très raisonnables, qui ne faisaient pas du tout de difficulté dans leurs rangs. Je crois donc qu'il n'existe aucun contentieux sur ce point.
Nous avons puisé trois dispositions dans une liste plus longue établie par le CSM. Celui-ci fait observer, dans son rapport, que la gamme des sanctions est trop sommaire et qu'il manque une sanction intermédiaire,...
M. Hubert Haenel. C'est vrai !
M. Pierre Fauchon, rapporteur. ... à savoir l'exclusion temporaire de fonctions, pour une durée maximale d'un an, avec privation totale ou partielle du traitement.
Le CSM dit qu'une telle sanction permettrait de tirer les conséquences disciplinaires de comportements qui, sans justifier l'éviction définitive du corps, mériteraient d'être sanctionnés par une mesure plus sévère que celles qui sont prévues par l'actuel article 45 du statut.
Il s'agit donc d'instaurer un peu plus de souplesse dans le système de sanctions. Cela est souhaité par le CSM, approuvé par toutes les personnes concernées et, répondant par avance à votre objection, j'ajouterai que, puisque c'est une bonne chose, plus vite on la fera et mieux cela vaudra !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Tout le monde a entendu ce que j'ai dit tout à l'heure, y compris M. le rapporteur. Je reste sur ma position défavorable parce que c'est là un autre débat.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 10, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi organique, après l'article 6.
Par amendement n° 11, M. Fauchon, au nom de la commission, propose d'insérer, après l'article 6, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 50-1 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 précitée, il est inséré un article 50-2 ainsi rédigé :
« Art. 50-2 . - Le conseil supérieur de la magistrature est également saisi par la dénonciation des faits motivant les poursuites disciplinaires que lui adressent le premier président de la Cour de cassation, les premiers présidents de cour d'appel ou les présidents de tribunal supérieur d'appel.
« Copie des pièces est adressée au garde des sceaux, ministre de la justice, qui peut demander une enquête à l'inspection générale des services judiciaires. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Il s'agit de la saisine du CSM, qui statue en matière disciplinaire concernant les magistrats du siège.
Nous ne touchons pas aux magistrats du parquet, qui sont encore, sous réserve de l'adoption des réformes en cours, dans l'ancien système. A leur égard, le pouvoir disciplinaire est exercé par le ministre et le CSM ne donne qu'un avis.
Actuellement, en ce qui concerne donc les magistrats du siège, la saisine du CSM pour des faits disciplinaires appartient à la chancellerie.
Mme Guigou, alors garde des sceaux, nous a souvent déclaré qu'elle ne voulait pas prendre d'initiatives qui pouvait laisser penser que le ministre pouvait avoir des raisons plus ou moins opaques de saisir ou de ne pas saisir.
Cette saisine par la chancellerie, à tort ou à raison - je suis convaincu que c'est à tort -, donne en effet lieu à des interprétations dans la mesure où elle présente un côté un peu mystérieux. D'où l'idée que la saisine du CSM devrait appartenir aussi - il ne s'agit pas de déposséder la Chancellerie - aux premiers présidents de cour d'appel.
C'est une idée qui vient de loin. Elle avait été présentée par M. Truche dès 1997, alors qu'il était premier président de la Cour de cassation. Elle figure dans le rapport du CSM. Le Conseil estime ainsi qu'il conviendrait d'attribuer un tel pouvoir aux chefs de cour. Cette proposition figure également dans le troisième rapport annuel du Conseil supérieur de la magistrature. Elle est enfin incluse dans l'avant-projet de loi organique relatif au statut des magistrats, communiqué au CSM.
Je crois qu'il est tout à fait intéressant de donner cette responsabilité aux premiers présidents de cours d'appel. J'en ai reçu plusieurs ; ils m'ont dit qu'il l'acceptaient volontiers, que même ils la souhaitaient. Il est, en effet, souhaitable, de donner aux chefs de ce corps, surtout au niveau régional, des responsabilités accrues ; cette idée était également sous-jacente aux intentions de la chancellerie.
Il est évident qu'un premier président sera plus près de la réalité, aura plus conscience de ce qui a pu se passer, de ce qui justifie une poursuite disciplinaire. Il pourra éventuellement entendre un plaignant.
Il n'est pas question, dans notre esprit, de permettre la saisine directe du CSM par quelqu'un qui aurait à se plaindre d'une faute disciplinaire d'un magistrat ; on ouvrirait ainsi, probablement la porte à bien des abus. Mais les premiers présidents de cours d'appel, disséminés à travers tout le territoire, peuvent avoir une vue concrète des choses, et leur approche des problèmes sera beaucoup plus technique, moins suspecte d'interprétation politique.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous vous demandons, mes chers collègues, de voter cet amendement, qui correspond à un voeu du CSM et qui n'a soulevé aucun problème au cours des auditions auxquelles j'ai procédé.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Dans la même logique que précédemment, je suis défavorable à cet amendement.
A cet argument de fond, j'ajouterai un argument rédactionnel.
En effet, en l'absence du mécanisme de suppléance du premier président de la Cour de cassation comme président du conseil de discipline, le cumul de cette qualité avec celle d'autorité de saisine poserait difficulté au regard de l'exigence d'impartialité de l'article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne des droits de l'homme.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 11.
M. Hubert Haenel. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Haenel.
M. Hubert Haenel. L'amendement de notre collègue M. Fauchon me semble particulièrement bienvenu. Il est souvent arrivé, dans le passé, que des premiers présidents de cour d'appel aient demandé à la chancellerie de saisir le Conseil supérieur de la magistrature sur le plan disciplinaire et que leur demande n'ait pas été suivie d'effet pour des raisons diverses et variées. Je dis bien « dans le passé » car, depuis trente ans que je suis les problèmes de justice, j'ai vu bien des choses et sous tous les régimes !
Par ailleurs, cet amendement vise à donner plus de responsabilités, mais aussi plus d'autorité aux premiers présidents de cours d'appel, ce qui est une bonne chose également.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Pour tenir compte de l'observation effectivement pertinente de Mme la ministre, je souhaite rectifier cet amendement n° 11 en supprimant, dans le deuxième alinéa, les mots : « le premier président de la Cour de cassation ».
Cet alinéa se lirait donc ainsi : « Le Conseil supérieur de la magistrature est également saisi par la dénonciation des faits motivant les poursuites disciplinaires que lui adressent les premiers présidents de cour d'appel ou les présidents de tribunal supérieur d'appel. »
M. Hubert Haenel. Très bien !
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Nous évitons ainsi la difficulté soulevée par Mme la ministre sans rien changer à l'essentiel.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 11 rectifié, présenté par M. Fauchon, au nom de la commission, et tendant, après l'article 6, à ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 50-1 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 précitée, il est inséré un article 50-2 ainsi rédigé :
« Art. 50-2 . - Le Conseil supérieur de la magistrature est également saisi par la dénonciation des faits motivant les poursuites disciplinaires que lui adressent les premiers présidents de cour d'appel ou les présidents de tribunal supérieur d'appel.
« Copie des pièces est adressée au garde des sceaux, ministre de la justice, qui peut demander une enquête à l'inspection générale des services judiciaires. »
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Toujours défavorable !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 11 rectifié, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi organique, après l'article 6.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux. Nous les reprendrons à vingt et une heure quarante-cinq.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à dix-neuf heures trente-cinq, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Guy Allouche.

PRÉSIDENCE DE M. GUY ALLOUCHE
vice-président

M. le président. La séance est reprise.

10

CANDIDATURES À UNE COMMISSION MIXTE
PARITAIRE

M. le président. J'informe le Sénat que la commission des finances m'a fait connaître qu'elle a procédé à la désignation des candidats qu'elle présente à la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion sur le projet de loi relatif à l'épargne salariale.
Cette liste a été affichée et la nomination des membres de cette commission mixte paritaire aura lieu, conformément à l'article 9 du règlement.

11

CARRIÈRE DES MAGISTRATS

Suite de la discussion et adoption
d'un projet de loi organique

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi organique modifiant les règles applicables à la carrière des magistrats.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'amendement n° 12, tendant à insérer un article additionnel après l'article 6.

Divisions et articles additionnels après l'article 6
et division additionnelle avant l'article 1er (suite)



M. le président.
Par amendement n° 12, M. Fauchon, au nom de la commission, propose d'ajouter, après l'article 6 un article additionnel ainsi rédigé :
« Le premier alinéa de l'article 57 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 précitée est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
« L'audience du conseil de discipline est publique. Toutefois, si la protection de l'ordre public ou de la vie privée l'exigent, ou s'il existe des circonstances spéciales de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice, l'accès de la salle d'audience peut être interdit au public pendant la totalité ou une partie de l'audience, au besoin d'office, par le conseil de discipline.
« Le conseil de discipline délibère à huis clos.
« La décision qui doit être motivée, est rendue publiquement ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Je rappelle que nous nous sommes séparés, à regret d'ailleurs, tout à l'heure - mais la présidence en a ainsi décidé - alors que nous étions en train d'examiner les dispositions disciplinaires que la commission des lois propose d'ajouter, dispositions qui ne sont relatives qu'à des améliorations de procédure qui ne soulèvent aucune difficulté dans les milieux concernés. Si tel n'était pas le cas, leur application pourrait, naturellement, poser des problèmes plus graves.
Nous examinons à présent la troisième de ces dispositions, qui a trait à la publicité des audiences disciplinaires du Conseil supérieur de la magistrature, le CSM. D'ores et déjà, le CSM est conscient du fait que les audiences à huis-clos, qui sont théoriquement prévues par le texte, ne correspondent pas aux exigences actuelles de ce que l'on appelle l'Etat de droit, notamment à celles de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, aux termes duquel toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue publiquement. Par conséquent, il organise dès maintenant des audiences disciplinaires publiques, sauf lorsque l'intéressé ne le souhaite pas et demande qu'il en soit autrement.
Il n'est pas possible de maintenir un tel système, qui n'est pas conforme aux principes généraux du droit. Nous vous proposons donc d'entériner cette pratique du Conseil supérieur de la magistrature, mais en la rendant conforme à ces principes généraux. Ainsi, de droit, les audiences sont publiques, sauf dans certaines circonstances qui sont prévues par le texte de notre amendement : « Toutefois, si la protection de l'ordre public ou de la vie privée l'exigent, ou s'il existe des circonstances spéciales de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice, l'accès de la salle d'audience peut être interdit au public pendant la totalité ou une partie de l'audience... »
Tel est l'objet de cette troisième disposition de caractère disciplinaire que la commission des lois vous propose d'adopter et qui, je le répète, ne pose pas de problèmes dans les milieux concernés.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux, ministre de la justice. Les explications de M. le rapporteur sont très intéressantes. Comme il l'a souligné, en application de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, le CSM, entré en fonction en 1994, a essayé d'assurer la publicité des débats en matière disciplinaire, depuis 1996 pour l'information du parquet et, depuis 1997, pour l'information du siège.
Ces dispositions ne nous paraissaient pas essentielles, mais je m'en remets à la sagesse de l'assemblée sur cet amendement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 12, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi organique, après l'article 6.
Par amendement n° 13, M. Fauchon, au nom de la commission, propose d'ajouter, après l'article 6, une division additionnelle ainsi rédigée :

« Chapitre III

« Dispositions diverses »

La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Le Gouvernement ne peut que s'en remettre à la sagesse du Sénat.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 13, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, une division additionnelle ainsi rédigée est insérée dans le projet de loi organique, après l'article 6.
Nous en revenons aux amendements n°s 1 et 9, qui avaient été précédemment réservés.
Tous deux sont présentés par M. Fauchon, au nom de la commission.
L'amendement n° 1 tend à ajouter, avant l'article 1er, une division additionnelle ainsi rédigée :

« Chapitre Ier

« Dispositions relatives à la carrière
et à la mobilité des magistrats »

L'amendement n° 9 vise à ajouter, après l'article 6, une division additionnelle ainsi rédigée :

« Chapitre II

« Dispositions relatives
au régime disciplinaire des magistrats »

La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Il s'agit également d'amendements de coordination.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 1, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, une division additionnelle ainsi rédigée est insérée dans le projet de loi organique, avant l'article 1er.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 9, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, une division additionnelle ainsi rédigée est insérée dans le projet de loi organique, après l'article 6.
Par amendement n° 14, M. Fauchon, au nom de la commission, propose d'ajouter, après l'article 6, un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans le dernier alinéa de l'article 40-1 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 précitée, les mots : "le vingtième de l'effectif des magistrats hors hiérarchie du siège" sont remplacés par les mots : "le dixième de l'effectif des magistrats hors hiérarchie du siège" »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Il s'agit d'une disposition très particulière qui intéresse la Cour de cassation et qui répond à un souhait exprimé par le président de cette juridiction.
Vous savez que la Cour de cassation, qui est de plus en plus surchargée de dossiers et qui connaît d'ailleurs une certaine difficulté à recruter par les voies ordinaires, a besoin d'être aidée. L'un des moyens de lui apporter cette aide c'est d'augmenter le nombre des conseillers de la Cour de cassation en service extraordinaire. Actuellement, ce nombre est limité au vingtième de l'effectif des magistrats hors hiérarchie du siège affectés à la cour. L'amendement tend à le porter au dixième de cet effectif.
Cette disposition sera très utile, me semble-t-il, pour assurer le bon fonctionnement de cette juridiction, si importante mais terriblement surchargée.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Selon l'appréciation du Gouvernement, cet amendement n'est pas lié au texte que nous examinons : il ne concerne pas la carrière des magistrats et il est donc hors sujet ; on l'a déjà dit à plusieurs reprises.
De plus, le pourcentage des conseillers en service extraordinaire doit être maintenu pour assurer un équilibre entre les magistrats professionnels et les autres, sans que ne soit compromise l'augmentation des conseillers et des avocats généraux en service extraordinaire. Il suffit d'augmenter le nombre des magistrats professionnels pour, parallèlement, accroître celui des magistrats en service extraordinaire, qui apportent un concours précieux d'ouverture et une expérience professionnelle différente à la Cour de cassation.
Il s'agit d'une question délicate et le présent amendement n'apporte pas la bonne réponse. Je souhaite donc que M. le rapporteur le retire.
Dans le cas contraire, j'émettrais un avis défavorable. La commission des lois a réalisé un travail important, que je respecte. Nous réexaminerons ce problème ultérieurement.
M. Hubert Haenel. Pendant la navette !
M. le président. Monsieur le rapporteur, l'amendement est-il maintenu ?
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Je suis tout à fait consterné de ne pas pouvoir être agréable à Mme la ministre. J'espère qu'elle me demandera des choses plus faciles à accorder dans la suite du débat. Mais, pour le moment, je maintiens l'amendement. Croyez bien que j'en suis désolé.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 14, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi organique, après l'article 6.
Par amendement n° 18 rectifié, MM. Haenel, Gélard et les membres du groupe du Rassemblement pour la République et apparentés proposent d'insérer, après l'article 6, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article L. 151-1 du code de l'organisation judiciaire est ainsi modifié :
« 1° Dans le premier alinéa, les mots : "une demande soulevant" sont supprimés.
« 2° Le dernier alinéa est abrogé.
« II. - Dans l'article L. 151-3 du même code, après les mots : "sont fixées" sont insérés les mots : ", en ce qui concerne les juridictions autres que pénales,".
« III. - Il est inséré dans le livre quatrième du code de procédure pénale un titre vingtième ainsi rédigé :

« TITRE XXe

« Saisine pour avis de la Cour de cassation

« Art. 706-55. - Les dispositions de l'article L. 151-1 du code de l'organisation judiciaire ne sont pas applicables aux juridictions d'instruction et aux juridictions statuant en matière de détention provisoire ou de contrôle judiciaire, ni aux cours d'assises.
« Art. 706-56. - Lorsque le juge envisage de solliciter l'avis de la Cour de cassation en application de l'article L. 151-1 du code de l'organisation judiciaire, il en avise les parties et le ministère public. Il recueille leurs observations écrites éventuelles dans le délai qu'il fixe, à moins que ces observations n'aient déjà été communiquées.
« Dès réception des observations ou à l'expiration du délai, le juge peut, par une décision non susceptible de recours, solliciter l'avis de la Cour de cassation en formulant la question de droit qu'il lui soumet. Il surseoit à statuer jusqu'à la réception de l'avis ou jusqu'à l'expiration du délai mentionné à l'article 706-58.
« Art. 706-57. - La décision sollicitant l'avis est adressée, avec les conclusions et les observations écrites éventuelles, par le greffier de la juridiction au greffe de la Cour de cassation.
« Elle est notifiée, ainsi que la date de transmission du dossier, aux parties par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.
« Le ministère public auprès de la juridiction est avisé ainsi que le premier président de la cour d'appel et le procureur général lorsque la demande d'avis n'émane pas de la cour.
« Art. 706-58. - La Cour de cassation rend son avis dans les trois mois de la réception du dossier.
« Art. 706-59. - L'affaire est communiquée au procureur général près la Cour de cassation. Celui-ci est informé de la date de séance.
« Art. 706-60. - L'avis peut mentionner qu'il sera publié au Journal officiel de la République française.
« Art. 706-61. - L'avis est adressé à la juridiction qui l'a demandé, au ministère public auprès de cette juridiction, au premier président de la cour d'appel et au procureur général lorsque la demande n'émane pas de la cour.
« Il est notifié aux parties par le greffe de la Cour de cassation. »
La parole est à M. Haenel.
M. Hubert Haenel. Près de dix ans après l'entrée en vigueur de la loi du 15 mai 1991 qui l'a instituée, la procédure de saisine pour avis de la Cour de cassation a démontré son utilité. Elle a permis, notamment, de prévenir d'importants contentieux qu'auraient pu faire naître de nombreuses difficultés d'interprétation soulevées tant par des textes anciens que par des lois récentes, comme les lois de 1989 et de 1995 sur le surendettement des particuliers et des familles et sur le redressement judiciaire civil.
A ce jour, ce sont près de cent cinquante demandes d'avis qui ont été présentées à la Cour de cassation, témoignant ainsi de la vitalité de l'institution.
Le dernier alinéa de l'article L. 151-1 du code de l'organisation judiciaire, issu de la loi précitée, exclut cependant la matière pénale du champ de la procédure d'avis.
On comprend qu'une telle exclusion ait été retenue à l'époque, dès lors que le législateur avait fait le choix de renvoyer au décret en Conseil d'Etat le soin d'organiser les modalités d'application de la procédure d'avis. Mais la procédure pénale relevant de la loi aux termes de l'article 34 de la Constitution, il n'était pas possible que les règles applicables devant les juridictions pénales fussent fixées par décret.
Il paraît aujourd'hui souhaitable d'achever, par voie législative, l'oeuvre entreprise en 1991. L'exclusion de la procédure d'avis en matière pénale présente, en effet, d'évidents inconvénients qu'un exemple récent permet d'illustrer.
Lors de la réforme du code pénal entrée en vigueur le 1er mars 1994, le législateur a abrogé la peine de l'interdiction légale qui avait pour effet de priver de tous leurs droits civils les personnes condamnées à des peines de réclusion criminelle. Très vite s'est posée la question de savoir si les personnes dont la condamnation était antérieure à l'entrée en vigueur de la réforme demeuraient soumises à l'interdiction légale. La Cour de cassation, saisie pour avis par un juge des tutelles dès 1995, n'a pu cependant apporter de réponse à cette question essentielle, parce que l'article L. 151-1, non applicable en matière pénale, ne le lui permettait pas.
De manière plus générale, en l'état actuel des textes, l'exclusion de la matière pénale a pour conséquence d'interdire aux juridictions pénales, en l'absence de procédures le permettant, de solliciter l'avis de la Cour de cassation sur une question de droit civil pouvant intéresser le procès pénal.
En outre, la matière pénale débordant le cadre du droit pénal, il paraît tout aussi incohérent que la Cour de cassation puisse, le cas échéant, répondre à une demande d'avis intéressant, par exemple, le droit électoral, mais impliquant également la mise en oeuvre de principes fondamentaux du droit pénal, mais que, parallèlement, elle ne puisse mettre en oeuvre ces principes, dès lors que la question intéresse le droit pénal stricto sensu.
En un mot, se poseront sans doute rapidement des difficultés d'interprétation de la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes. Par conséquent, il serait d'ores et déjà utile de permettre la saisine de la Cour de cassation pour une interprétation des textes pénaux.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Pierre Fauchon, rapporteur. La commission est favorable à cet amendement, qui élargit les possibilités de consultation de la Cour de cassation, en les étendant au domaine pénal. Cela étant, nous ne voyions pas bien comment cette disposition aurait pu fonctionner par rapport à une audience de cour d'assises. Mais M. Haenel a bien voulu rectifier son amendement et la commission y est donc maintenant favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, dont l'objet n'a pas de lien avec le texte en discussion.
Cela étant, la disposition que vous proposez, monsieur Haenel, est intéressante et soutenue par une bonne argumentation. Elle doit trouver sa place dans une loi simple. Je m'engage, mais le travail est déjà largement entamé, à procéder à une vraie réforme de la Cour de cassation, et ce par une loi qui reprenne l'ensemble des dispositions, y compris votre excellente suggestion qu'il est simplement difficile de prendre en compte dans ce texte-ci.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 18 rectifié.
M. Robert Badinter. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter. Cet amendement très intéressant, en son principe et en sa finalité, n'est cependant pas sans poser des problèmes sur lesquels je souhaite attirer l'attention de la Haute Assemblée.
Nous sommes en matière pénale et, à matière pénale, droit strict : tous les textes doivent émaner, dans ce domaine, du législateur, et il convient de veiller aux chevauchements possibles. Je pense ici aux problèmes de nullité de procédure, qui sont complexes et qui pourraient légitimer des demandes d'avis. Mais, à la recherche d'un avis, les juges ne vont-ils pas s'abstenir de statuer et, ce faisant, éviter tout risque de censure ? Je tiens d'ailleurs d'une autorité très compétente dans ce domaine que l'on commence à constater certains débordements en ce sens, car, plutôt que de vérifier si l'on se trouve effectivement en présence d'une question nouvelle, en réalité, on supplée à une absence de vérification de l'état de la jurisprudence en demandant son avis à la Cour de cassation.
Je rappelle que cette procédure de demande d'avis est lourde, qu'elle mobilise un nombre important d'éminents magistrats dont le temps est, du même coup, ôté à la juridiction.
Enfin, en matière pénale, les questions de délais jouent un rôle important, renforcé depuis l'adoption des nouvelles dispositions concernant la présomption d'innocence.
Tel est l'enjeu. Alors, il faut laisser la réflexion se poursuivre. Je souhaiterais notamment entendre le président de la chambre criminelle, et non pas seulement le Premier Président, éventuellement aussi tel ou tel avocat à la Cour de cassation. Car il ne faudrait pas que ce qui est, par sa finalité, une disposition utile, finisse par se retourner contre l'intention du législateur.
Donc, à ce stade, bien que plutôt favorables à cette disposition, nous nous abstiendrons lors du vote, en souhaitant que la navette puisse permettre d'aller plus loin dans une innovation dont il faut bien mesurer toutes les conséquences.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 18 rectifié, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi organique, après l'article 6.
Par amendement n° 16, MM. Haenel, Gélard et les membres du groupe du Rassemblement pour la République et apparentés proposent d'ajouter, après l'article 6, un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans le premier alinéa de l'article 20 de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l'organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative, les mots : "et des cours d'appel" sont remplacés par les mots : ", des cours d'appel ainsi que de la Cour de cassation". »
La parole est à M. Haenel.
M. Hubert Haenel. Les assistants de justice, recrutés en application de l'article 20 de la loi du 8 février 1995, apportent leur concours aux travaux préparatoires des magistrats des tribunaux d'instance, des tribunaux de grande instance et des cours d'appel, à la plus grande satisfaction, j'ai pu le vérifier encore récemment, des juridictions, qui d'ailleurs en demandaient plus.
Le recrutement de collaborateurs de qualité a ainsi permis la mise en place, dans les juridictions de première instance et d'appel, d'une aide à la décision dont les résultats sont vivement appréciés.
Il serait souhaitable que la Cour de cassation, dont la charge de travail est particulièrement lourde, puisse également bénéficier d'assistants de justice.
Le directeur des services judiciaires, pour lequel - j'y insiste, madame la ministre - j'ai la plus grande estime, contrairement à ce que l'on a pu laisser croire tout à l'heure, m'a indiqué, lors d'une récente audition, que la question était réglée par l'affectation des vingt assistants à la cour d'appel de Paris et mis à disposition de la Cour de cassation.
Je pense simplement qu'il serait souhaitable de régulariser la situation. Tel est l'objet de cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Je le rappelle au Sénat, c'est dans cette maison qu'ont été institués les assistants et, à l'époque, l'idée était apparue saugrenue et peut-être pas très bien venue. Mais le dispositif est aujourd'hui considéré comme excellent et tout le monde en est vraiment satisfait.
Nous sommes donc très favorables à ce que la Cour de cassation puisse bénéficier de la présence d'assistants de justice.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Sagesse !
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 16, accepté par la commission et pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi organique, après l'article 6.
Par amendement n° 20, le Gouvernement propose, après l'article 6, d'ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« Par dérogation aux dispositions du troisième alinéa de l'article 39 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 précitée, dans sa rédaction résultant de l'article 3 de la présente loi organique, peuvent également être nommés à un emploi hors hiérarchie à la Cour de cassation les magistrats exerçant les fonctions de conseiller ou de substitut général à la cour d'appel de Paris ou de Versailles, à la date d'entrée en vigueur de cette loi. »
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Cet amendement tend à permettre, à titre transitoire, aux magistrats exerçant actuellement les fonctions de conseiller ou de substitut général dans les cours d'appel de Paris ou de Versailles d'accéder aux fonctions de magistrat hors hiérarchie de la Cour de cassation, auxquelles ne peuvent prétendre statutairement, en l'état, que les magistrats hors hiérarchie ou ayant la qualité de président de chambre ou d'avocat général de cour d'appel.
Cette disposition permettra d'étendre les possibilités de choix du Conseil supérieur de la magistrature pour pourvoir les emplois de conseiller à la Cour de cassation, et du garde des sceaux pour ceux d'avocat général à cette Cour, à des magistrats expérimentés qui, comme les présidents de chambre et avocats généraux des cours d'appel de province, exercent des fonctions dans les juridictions du second degré et ont atteint le second groupe du premier grade de la hiérarchie judiciaire.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 20, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi organique, après l'article 6.
Je suis maintenant saisi de cinq amendements présentés par Mme Borvo et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 22 tend à ajouter, après l'article 6, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 1er du titre Ier de la loi n° 94-100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature est ainsi rédigé :
« Art. 1er . - Les magistrats membres de la formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l'égard des magistrats du siège sont désignés dans les conditions suivantes :
« 1° Cinq magistrats du siège parmi les six élus dans les conditions fixées à l'article 3.
« 2° L'un des magistrats du parquet élu dans les conditions fixées à l'article 3 et désigné dans les conditions fixées à l'article 4. »
L'amendement n° 23 vise à ajouter, après l'article 6, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 2 du titre Ier de la loi n° 94-100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature est ainsi rédigé :
« Art. 2 . - Les magistrats membres de la formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l'égard des magistrats du parquet sont désignés dans les conditions suivantes :
« 1° Cinq magistrats du parquet parmi les six élus dans les conditions fixées à l'article 3.
« 2° L'un des magistrats du siège élu dans les conditions fixées à l'article 3 et désigné dans les conditions fixées à l'article 4. »
L'amendement n° 25 rectifié a pour objet d'ajouter, toujours après l'article 6, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 3 du titre premier de la loi n° 94-100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature est ainsi rédigé :
« Art. 3. - Les élections ont lieu à bulletin secret.
« Pour chacun des magistrats élus en qualité de membre, il est procédé, selon les mêmes modalités, à l'élection d'un suppléant.
« Les magistrats mentionnés aux articles 1er et 2 sont élus au suffrage direct et au scrutin de liste, à la représentation proportionnelle suivant la règle du plus fort reste, sans panachage ni vote préférentiel, par l'ensemble des magistrats de la Cour de cassation, des magistrats du cadre de l'administration centrale du ministère de la justice et des magistrats placés en position de détachement.
« Chaque magistrat dispose de deux voix, l'une pour l'élection des six magistrats du siège et l'autre pour l'élection des six magistrats du parquet.
« Chaque liste comprend six noms de candidats en qualité de membre et un nombre égal de candidats en qualité de suppléant, et comporte un nombre égal d'hommes et de femmes tant en qualité de membre que de suppléant.
« Chaque liste comporte, tant pour les membres que les suppléants, au maximum, quatre magistrats appartenant à la hors hiérarchie ou à chacun des deux grades du corps de la magistrature.
« Dans le cas où, pour l'attribution d'un siège, des listes ont le même reste, le siège est attribué à la liste qui a recueilli le plus grand nombre de suffrages. Si plusieurs de ces listes ont obtenu le même nombre de suffrages, le siège est attribué à l'une d'entre elles par voie de tirage au sort. Les membres et suppléants élus sont désignés selon l'ordre de présentation de la liste. »
L'amendement n° 24 a pour but d'ajouter, après l'article 6, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 4 du titre premier de la loi n° 94-100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature est ainsi rédigé :
« Art. 4. - Les magistrats mentionnés aux articles 1er (2°) et 2 (2°) sont désignés au scrutin uninominal à un tour, à bulletin secret, par l'ensemble des magistrats élus au titre des articles 1er et 2.
« Le magistrat ayant recueilli le plus de suffrages est élu. En cas de partage égal des voix, le candidat le plus âgé est déclaré élu. »
L'amendement n° 21 tend à ajouter, après l'article 6, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 4 du titre premier de la loi n° 94-100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
« Art.... - Ont la qualité d'électeur les magistrats de l'ordre judiciaire en position d'activité, de congé parental, de détachement ou bénéficiaires d'une décharge de service à titre syndical ou pour exercer leurs fonctions électives à la commission d'avancement ou au Conseil supérieur de la magistrature.
« N'ont pas la qualité d'électeur les magistrats placés en congé spécial ou temporairement interdits d'exercer leurs fonctions.
« Sont éligibles les magistrats ayant la qualité d'électeurs qui, à la date limite du dépôt des listes de candidats, sont en position d'activité dans les juridictions et justifient de cinq ans de services effectifs en qualité de magistrat.
« Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application des articles 1er à 4 ainsi que du présent article, et notamment les modalités du vote par correspondance possible lors des opérations électorales prévues à l'article 3. »
La parole est à Mme Borvo, pour présenter cinq amendements.
Mme Nicole Borvo. Les cinq amendements visent à démocratiser la représentation professionnelle au sein du Conseil supérieur de la magistrature, par une modification de la loi n° 94-100 du 5 février 1994.
Pour la clarté des débats, je pense préférable de les présenter ensemble.
La démocratisation de la représentation professionnelle au sein du Conseil supérieur de la magistrature passe, selon nous, par deux modifications essentielles.
D'une part, il est nécessaire d'assurer une meilleure représentation sociologique du corps par une minoration du poids de la hiérarchie au sein du Conseil. D'autre part, il conviendrait que le principe du pluralisme soit mieux respecté.
Concernant la représentation de la structure, force est de constater qu'à l'heure actuelle elle est caractérisée par la forte prédominance de la hiérarchie judiciaire. En effet, sur les six magistrats que comprend chacune des deux formations du Conseil supérieur de la magistrature, trois sont directement issus de la haute magistrature : un membre hors hiérarchie de la Cour de cassation, un premier président de cour d'appel ou un procureur général près la cour d'appel, selon qu'il s'agit de la formation « siège » ou « parquet », et un président ou un procureur de tribunal de grande instance selon la formation en question.
Les trois autres membres sont issus des cours et des tribunaux, par voie d'élection depuis la réforme constitutionnelle de 1994. N'oublions pas, en effet, qu'à l'origine ils étaient choisis sur une liste établie par la Cour de cassation !
Malgré les améliorations apportées par la réforme de 1994, encore aujourd'hui quelque 600 magistrats, sur les 6 721 que compte le corps judiciaire, sont représentés à hauteur de 50 % au sein du Conseil supérieur de la magistrature.
Si nos amendements n°s 22 à 24 étaient adoptés, l'ensemble des magistrats membres du CSM seraient désormais élus par un collège unique, sans distinction hiérarchique. Cette réforme, cohérente d'ailleurs avec la simplification des grades, permettrait d'avoir une représentation sociologique du corps plus exacte au sein du CSM.
Pour ce qui est de favoriser l'expression du pluralisme, nous vous proposons, par l'amendement n° 25 rectifié, de modifier le mode de scrutin applicable à l'élection des magistrats appelés à siéger au sein du CSM. Plus précisément, on substituerait au scrutin uninominal majoritaire à un tour, actuellement en vigueur, le scrutin de liste, à la représentation proportionnelle au plus fort reste.
Le scrutin proportionnel permettrait d'assurer, au sein du CSM, une représentation professionnelle pluraliste, alors que le mécanisme du scrutin uninominal à un tour est, comme chacun sait, particulièrement injuste.
Cette réforme du mode de scrutin, qui recueille, me semble-t-il, l'assentiment de la profession, va d'ailleurs dans le sens d'un alignement du statut des magistrats judiciaires sur celui des magistrats administratifs, puisque les magistrats membres du Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel sont actuellement élus au scrutin de liste proportionnel.
Dans le prolongement de cette logique, nous vous proposons notamment, mes chers collègues, par l'amendement n° 25 rectifié, d'autoriser les magistrats exerçant leurs fonctions dans une organisation professionnelle - de même d'ailleurs que ceux qui effectuent leur service au sein de la commission d'avancement ou du CSM - à continuer d'être électeurs.
Nous avons conscience, madame la ministre, de ce que cette question se situe un peu en marge de notre débat, mais elle a, selon nous, le mérite de soulever des questions de fond, en particulier dans la perspective d'un renforcement du rôle du CSM à l'égard des magistrats du parquet.
Dans cet état d'esprit, nous souhaiterions entendre les explications du Gouvernement sur l'ensemble de ces amendements et nous apprécierons, alors, des suites à leur donner.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 22, 23, 25 rectifié, 24 et 21 ?
M. Pierre Fauchon, rapporteur. La commission émet un avis tout simple : elle ne peut pas être favorable à cet ensemble d'amendements, et ce pour deux raisons.
Premièrement, nous sortons là véritablement de notre sujet et nous abordons un tout autre problème qui ne saurait être traité de manière partielle et fragmentaire. Deuxièmement, il n'y a pas d'urgence.
Je m'explique.
Nous nous sommes occupés du statut des magistrats, et je vous proposerai tout à l'heure d'intituler le texte « Projet de loi organique relatif au statut des magistrats ». Il s'agit bien ici de catégories hiérarchiques et autres questions qui sont connexes et qui relèvent toutes du statut des magistrats.
Actuellement, nous parlons du CSM, ce qui est un tout autre problème. Une réforme est en cours ; elle est bloquée, mais nous espérons qu'elle ne le sera pas éternellement. On ne peut pas extraire le problème du mode de scrutin pour l'élection au CSM de son contexte pour le traiter séparément car, sinon, on ignorerait beaucoup d'autres aspects du CSM.
Cette façon de traiter le problème s'agissant d'une matière aussi délicate, d'une aussi grande portée que le CSM ne serait, je me permets de vous le dire, madame Borvo, pas bien sérieuse et pas bien responsable de notre part.
J'ajoute que, si l'on avait un sentiment d'urgence, si les choix actuellement opérés par le CSM prêtaient à des critiques graves, on pourrait estimer devoir remédier au plus vite à une situation fâcheuse.
Mais, pour avoir entendu les différents syndicats et pour avoir évoqué avec eux cette réforme, qui correspond à une certaine logique, à une certaine conception, je sais par mes interlocuteurs qu'elle ne relevait pas du tout d'une critique des choix actuels du CSM mais était simplement la conclusion logique d'une réflexion générale, en quelque sorte, de caractère théorique.
Donc, il n'y a pas d'urgence à bousculer le CSM et nous ne pouvons être favorables à ces amendements.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 22, 23, 25 rectifié, 24 et 21 ?
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Madame la sénatrice, le Premier ministre et le Gouvernement partagent entièrement vos préoccupations.
Le CSM doit être, dans sa composition et dans le mode de désignation de ses membres, à l'abri de toute critique de même que son fonctionnement doit être exempt de toute polémique. Il en va de la crédibilité de l'institution judiciaire.
Le fait syndical dans la magistrature est une réalité ; il faut en tirer les conséquences en instaurant un scrutin proportionnel. Telle est la démarche entreprise par le Gouvernement.
La loi constitutionnelle relative au CSM, approuvée par l'Assemblée nationale et par le Sénat, va dans ce sens, mais les amendements que vous avez déposés vont au-delà du simple mode de désignation, puisqu'ils prévoient de modifier la composition même du CSM.
C'est la raison pour laquelle, outre le fait que les amendements proposés n'entrent pas dans le cadre de l'objet du projet de loi organique en discussion aujourd'hui, je me verrai dans l'obligation de vous demander de les retirer parce qu'ils vont au-delà de ce que vous avez vous-même voté et je pense qu'il faut continuer à respecter la cohérence de la démarche tant du Gouvernement, de l'Assemblée nationale que du Sénat. Sachez, madame Borvo, que ce texte finira bien par être voté !
M. le président. Madame Borvo, les amendements n°s 22, 23, 25 rectifié, 24 et 21 sont-ils maintenus ?
Mme Nicole Borvo. Je les retire, monsieur le président.
M. le président. Les amendements n°s 22, 23, 25 rectifié, 24 et 21 sont retirés.

Intitulé



M. le président.
Par amendements n° 15, M. Fauchon, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit l'intitulé du projet de loi organique : « Projet de loi organique relatif au statut des magistrats ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Avec cet amendement, nous couronnons l'édifice que nous avons constitué depuis cet après-midi et dont nous ne sommes pas mécontents, je dois l'avouer, car nous croyons qu'il améliorera sur de nombreux points le fonctionnement et le statut de la magistrature, en lui donnant son véritable titre, à savoir projet de loi organique relatif au statut des magistrats.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Je ne peux qu'être défavorable à cet amendement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 15.
M. Robert Badinter. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter. Le présent projet de loi ne concerne qu'une partie du statut des magistrats. Aussi, je me demande si l'intitulé proposé par la commission correspond bien à l'objet même du projet de loi.
Comme Mme le garde des sceaux l'a justement fait observer, la question posée par les amendements déposés puis retirés par Mme Borvo a une grande importance, l'heure n'est pas venue d'en débattre mais on ne pourra l'esquiver.
Il est, en particulier, un point sur lequel il me paraît indispensable de remédier à la situation actuelle : c'est le mode de scrutin. Je rappelle que le rapport de la commission Truche soulignait la nécessité de le modifier. Il faut passer, pour qu'il y ait en effet possibilité d'expression pluraliste, au scrutin proportionnel. La question de la composition est infiniment plus complexe, et il est bien évident que nous ne pourrions la résoudre ce soir. En effet, elle appelle une très importante concertation.
L'intitulé que nous allons adopter dans un instant est un peu ambitieux, mais enfin, monsieur le rapporteur, n'y a-t-il pas des moments de grâce ?
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 15, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'intitulé du projet de loi organique est ainsi rédigé.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi organique.
En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 19:

Nombre de votants 319
Nombre de suffrages exprimés 319
Majorité absolue des suffrages 160
Pour l'adoption
319

Je constate que ce texte a été adopté à l'unanimité.

12

RÉSORPTION DE L'EMPLOI PRÉCAIRE
DANS LA FONCTION PUBLIQUE

Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi (n° 20, 2000-2001) relatif à la résorption de l'emploi précaire et à la modernisation du recrutement dans la fonction publique ainsi qu'au temps de travail dans la fonction publique territoriale. [Rapport n° 80 (2000-2001)].
Mes chers collègues, je vous rappelle que la conférence des présidents, en accord avec M. le ministre des relations avec le Parlement, a fixé le début de notre discussion budgétaire à demain matin à onze heures, à quinze heures et, éventuellement, le soir, dans le souci, notamment, de faire tenir la discussion générale dans une seule journée.
Le respect de cet ordre du jour suppose que nous terminions nos travaux au plus tard à deux heures.
Or je vous rappelle que, sur le projet de loi relatif à l'emploi précaire dans la fonction publique, neuf orateurs, outre le ministre et le rapporteur, interviendront dans la discussion générale et que nous aurons à examiner près d'une centaine d'amendements.
Le rappel de toutes ces données me conduit à appeler chacun d'entre vous - également vous-même, monsieur le ministre - à la plus grande concision, de telle manière que nous soyons en mesure de respecter notre ordre du jour de demain et, notamment, de commencer la discussion du budget à onze heures, dans le respect des décisions prises.
Je n'insiste pas davantage, chacun ayant compris ce qu'il y avait lieu de faire.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vais m'efforcer de vous présenter ce texte, que je crois important, de la manière la plus complète et la plus rapide possible, en renvoyant à la discussion des articles mes arguments relatifs aux amendements qui ont été déposés.
Le projet de loi que j'ai l'honneur de vous présenter ce soir n'est certes pas le premier du genre, nombre d'entre nous le savent. Depuis une cinquantaine d'années, l'Etat a été conduit sous des formes diverses à mettre en oeuvre une quinzaine de plans de titularisation, selon des modalités diverses et sur des champs plus ou moins larges. Le dernier en date, celui de la loi du 16 décembre 1996, mettait en place pour une durée de quatre ans des concours réservés pour l'essentiel aux agents non titulaires, maîtres auxiliaires ou relevant du premier corps de la catégorie C, pouvant justifier de leur présence au 14 mai 1996 et d'une ancienneté de quatre ans dans les huit années précédant cette date.
Nous arrivons à la fin de ce dernier plan, et deux constats s'imposent.
Ce plan s'est traduit par des résultats substantiels en termes de titularisation, puisque, au total, plus de 50 000 agents ont été reçus aux concours et titularisés, ce qui représente la moitié des effectifs recensés en début de plan. J'observe cependant que ces résultats sont inégaux selon que l'on regarde la fonction publique de l'Etat ou la fonction publique territoriale : pour l'Etat, nous devrions avoir titularisé sur les quatre ans 37 300 agents sur les 44 000 recensés en début de plan, soit 85 % des agents concernés, alors que, pour la fonction publique territoriale, moins de 10 000 agents seront titularisés sur les 50 000 recensés, soit moins de 20 %. Pour la fonction publique hospitalière, environ deux tiers des 5 600 agents recensés auront été titularisés. Il y a donc bien une réalité spécifique à la fonction publique territoriale, tant sur le plan de l'ampleur de l'emploi précaire que sur les difficultés à le résorber, qui doit nous faire réfléchir.
J'observe également que, pour ce qui est de la fonction publique de l'Etat, d'une part, le taux de titularisation est un peu supérieur pour les enseignants à ce qu'il est pour les non-enseignants et, d'autre part, environ 57 % de ces agents ont été titularisés par la voie de concours réservés prévus par la loi du 16 décembre 1996, et 43 % par la voie de concours ordinaires.
Mais ce bilan, positif en termes de titularisation, est négatif en termes de résorption de la précarité, puisque les indications que j'ai, comme vous, à ma disposition, montrent qu'il y a au moins autant de précarité aujourd'hui que voilà quatre ans.
Ce constat me conduit, avant que nous entrions dans la coeur du projet de loi, à faire deux remarques qui me paraissent importantes, et même essentielles.
Si l'on regarde les effectifs des ministères civils depuis vingt ans, et que l'on compare les évolutions des effectifs budgétaires et des effectifs réels, on voit que les effectifs réels évoluent d'une manière relativement indépendante des décisions budgétaires, et même dans les périodes où les décisions budgétaires ont été les plus restrictives les progressions en effectifs réels ont été très fortes : ainsi en 1993 et 1994 la loi de finances ne prévoyait-elle que 1 045 et 2 475 créations nettes d'emplois alors qu'en réalité les effectifs réels ont progressé en équivalents temps plein de 4 337 et 10 459.
Cela confirme et renforce la détermination du Gouvernement dans le choix politique qui consiste à privilégier la transparence, la modernisation et la gestion prévisionnelle, donc le renforcement de la démocratie par une information plus complète du Parlement et par la mise à sa disposition d'outils de décisions plus efficaces.
L'Observatoire de l'emploi public, créé par le décret du 13 juillet 2000, installé le 18 septembre dernier et auquel participent deux parlementaires dont, bien entendu, un sénateur, est l'un des outils de cette modernisation et de cette gestion prévisionnelle à laquelle je suis, pour ma part, tout particulièrement attaché. Cet observatoire est en train de préparer son programme de travail, avec, en priorité, l'anticipation du bouleversement démographique que va connaître la fonction publique dans les dix à quinze prochaines années, mais également, à très court terme, l'analyse du recensement exhaustif et précis des agents non titulaires actuellement conduit par les services de l'Etat.
M. Jacques Mahéas. Très bien !
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. La seconde remarque est tout aussi importante : nous ne devons plus mettre en place de dispositif exceptionnel de titularisation des agents en situation de précarité sans prévoir dans le même temps des réformes qui empêchent la reconstitution de la précarité, c'est-à-dire le recrutement de nouveaux contractuels au lieu et place de ceux que nous titularisons. Mon souhait est d'en finir avec le tonneau des Danaïdes de la précarité. Je crois que ce projet de loi le permet.
Ce texte comporte, vous le savez, trois volets. Le premier porte sur la résorption. Le deuxième, qui est en cohérence avec les choix du Gouvernement en matière de gestion prévisionnelle, prévoit des dispositions propres à limiter la précarité pour l'avenir. Enfin, le troisième concerne le temps de travail dans la fonction publique territoriale, et je le commenterai de manière séparée.
Le 10 juillet dernier, le Gouvernement a conclu un protocole d'accord avec six des sept organisations syndicales représentatives des fonctionnaires. C'est ce protocole d'accord que, très fidèlement, j'ai cherché à traduire dans le présent projet de loi.
S'agissant du titre Ier sur la résorption de l'emploi précaire, de manière plus large que le dispositif précédent, le Gouvernement propose d'organiser, selon des modalités adaptées, des concours réservés, des examens professionnels ou des titularisations sur titres au profit des agents recrutés à titre temporaire par l'administration pour assurer des fonctions qui sont normalement dévolues à des agents titulaires.
Il s'agit bien de résorber la précarité, c'est-à-dire des situations d'emploi dont la continuité n'est pas assurée aux agents concernés. C'est pourquoi le plan, qui est un plan sur cinq ans, ne concerne pas les agents recrutés en contrat à durée indéterminée, dont la situation ne relève pas, à l'évidence, d'une problématique de précarité.
Le Gouvernement a souhaité assouplir les conditions à remplir par les agents, compte tenu des limites, voire parfois des difficultés rencontrées dans l'application du dispositif précédent.
Sur la base d'un socle commun, le projet de loi contient des dispositions spécifiques à chacune des trois fonctions publiques. Je vous renvoie à la fois au texte du projet de loi et à l'excellent rapport de M. Hoeffel pour en analyser les éléments les plus détaillés.
Les dispositions relatives à la modernisation du recrutement, qui font l'objet du titre II, relèvent de trois approches convergentes vers le même objectif de réduction de la précarité : compte tenu des considérations actuelles d'emploi des titulaires, n'utiliser le recrutement de contractuels que lorsque l'emploi de titulaires s'avère impossible ou inadapté, adapter les concours de manière à en faciliter l'accès aux agents non titulaires et améliorer les processus d'organisation des concours et de gestion prévisionnelle des effectifs.
Monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais immédiatement évoquer la disposition de l'article 13 du projet de loi relative aux emplois à temps non complet des communes de moins de 2 000 habitants, que la commission des lois du Sénat propose de supprimer.
Maires pour beaucoup d'entre nous, nous savons tous ce dont il s'agit : depuis la loi du 13 juillet 1987, les communes de moins de 2 000 habitants peuvent conclure des contrats à durée déterminée pour pourvoir des emplois permanents à temps non complet de quotité inférieure au seuil de la CNRACL, la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales. Cette disposition a constitué une souplesse de gestion utile dans la mesure où, à l'époque, les modes de recrutement et les conditions d'emploi des titulaires de la fonction publique territoriale n'étaient pas encore totalement stabilisés.
Depuis cette loi, plusieurs lois ou règlements sont venus modifier cette situation : il en est ainsi de dispositions de 1991 et de la loi du 27 décembre 1994, qui a autorisé le recrutement sans concours à l'échelle 2. Par ailleurs, des dispositions, dont l'usage s'étend progressivement, favorisent la mise à disposition en temps partagé d'agents titulaires recrutés par les centres de gestion.
Il apparaît donc aujourd'hui au Gouvernement que les conditions de recrutement et d'emploi des titulaires à temps non complet se sont considérablement assouplies. Elles nous permettent ainsi de traiter de manière plus déterminée la précarité à ce niveau.
J'ajoute - et en cela je confirme ce que j'avais déjà suggéré auprès de la commission des lois - que, si des dispositions conduisant à assouplir les règles de cumul sont présentées et peuvent rassurer totalement la représentation nationale sur ce point, le Gouvernement est prêt à entrer dans cette voie, étant entendu que de telles dispositions devraient, pour être juridiquement incontestables, concerner l'ensemble des trois fonctions publiques.
Je voudrais également insister sur les dispositions des articles 10, 13-IV et 14, qui sont largement communs aux trois fonctions publiques et qui concernent la modernisation des concours.
L'administration doit s'adapter dans les dix prochaines années non seulement parfois à de nouvelles missions, mais surtout, dans l'ensemble de ses compétences, à une nouvelle approche de l'exercice de ses missions, plus proche de l'usager et prenant en compte le développement des nouvelles technologies de l'information et de la communication. Les modes de vie évoluent, les carrières sont de moins en moins linéaires, les jeunes ont totalement assimilé la mobilité comme une composante de leur évolution de carrière. Dans le même temps, vous le savez, 40 % à 50 % des fonctionnaires, selon les secteurs, vont partir en retraite et vont devoir être remplacés.
Il nous faut donc revoir profondément les modes de recrutement et de gestion des carrières des agents des administrations publiques. Les dispositions du présent projet de loi constituent une première étape dans ce sens.
Le texte que je vous propose contient en effet l'extension des « troisièmes concours » à l'ensemble des corps pour lesquels un tel mode de recrutement s'avérerait pertinent. Cette voie, déjà mise en oeuvre dans les écoles d'administration générale - l'Ecole nationale d'administration et les instituts régionaux d'administration -, permettra le recrutement de personnes ayant de fortes compétences de terrain, ce qui complétera heureusement les compétences des lauréats des concours plus traditionnels.
Il s'agit également d'élargir la possibilité d'ouvrir des concours sur titres et d'instaurer - cela répondra pleinement, je crois, à certaines des préoccupations du Sénat - un principe de validation de l'expérience et des acquis professionnels pour l'accès aux concours. Sur ce dernier aspect, monsieur le rapporteur, je reprendrai volontiers l'un des amendements de la commission des lois visant à étendre ce principe aux collectivités territoriales.
Ces dispositions, complétées par une simplification des procédures et, pour la fonction publique de l'Etat, par une nouvelle étape dans la déconcentration de l'organisation des concours, permettront de rendre plus accessibles aux contractuels que l'administration est, en tout état de cause, amenée à recruter ponctuellement les voies ordinaires de recrutement et de titularisation, et devraient donc, pour l'avenir, limiter le renouvellement de situations de précarité.
Le projet de loi prévoit enfin, pour la fonction publique territoriale, quelques dispositions pratiques permettant de progresser dans la gestion prévisionnelle des effectifs, qui relève soit des centres de gestion pour les collectivités qui y sont affiliées, soit des collectivités elles-mêmes.
Enfin, le Gouvernement entend mettre en oeuvre un autre moyen d'éviter la reconstitution de la précarité, et il a commencé à le faire dans le cadre du projet de loi de finances pour 2001 : il s'agit de transformer des crédits de rémunération de contractuels en emplois budgétaires,...
M. Jacques Mahéas. Très bien !
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. ... de sorte que les administrations n'aient pas la tentation de remplacer un contractuel titularisé par un nouveau contractuel. Le projet de loi de finances pour 2001 prévoit environ 5 000 créations d'emploi répondant à cette seule logique, et le programme pluriannuel pour l'éducation nationale prolonge sur trois ans cette politique. Enfin, le titre III relatif aux dispositions du temps de travail me paraît être un élément important du texte qui vous est soumis.
Aucun texte, ni législatif ni a fortiori réglementaire, n'établit jusqu'ici de règles en matière de temps de travail dans la fonction publique territoriale : c'est sur la jurisprudence que se fondent les normes en la matière.
La réforme de l'aménagement et de la réduction du temps de travail, organisée dans le cadre de la loi du 19 janvier 2000 pour les entreprises et dans le cadre du décret du 25 août 2000 pour la fonction publique de l'Etat, est l'occasion d'établir un cadre de principe homogène pour l'ensemble des salariés, et plus particulièrement pour les agents de la fonction publique. C'est l'esprit de l'article 15 proposé dans ce projet de loi, qui permet la mise en cohérence de la fonction publique de l'Etat et de la fonction publique territoriale. Cela signifie évidemment que ces évolutions réglementaires sont étudiées, discutées et décidées selon des processus parallèles dans les deux fonctions publiques : c'est ainsi que les dispositions que vous connaissez déjà pour l'Etat ont, en réalité, été préparées simultanément pour l'ensemble de la fonction publique. Les conseils supérieurs ont, par exemple, été réunis durant la même période, et, si le décret intéressant la fonction publique de l'Etat est déjà publié, ce n'est pas qu'il a été préparé avant, c'est simplement qu'il ne s'appuie pas sur une disposition législative préalable.
Les dispositions qui seront ainsi reprises dans le décret d'application de la présente loi sont donc la référence à l'horaire hebdomadaire de 35 heures sur la base d'un total annuel de 1 600 heures, les limites quotidiennes et hebdomadaires de l'amplitude horaire et les minima en matière de temps de repos, dispositions quasiment identiques à celles qui ont été prévues par la loi du 19 janvier 2000.
L'article de loi qui vous est soumis ainsi que le projet de décret prévu pour son application respectent ainsi scrupuleusement le principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales, en ce qu'il leur confie le soin de fixer toutes dérogations ou adaptations nécessaires.
J'ajoute que ce texte intéressant dans une large partie les collectivités locales, il m'a semblé utile de le présenter en premier lieu devant le Sénat, dont je connais l'attachement à tout ce qui les concerne.
M. Alain Vasselle. Très bien !
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Enfin, s'agissant de la fonction publique hospitalière, une disposition semblable sera également présentée au vote du Parlement. Les établissements publics de santé et les établissements sociaux et médico-sociaux sont régis en la matière par l'ordonnance du 26 mars 1982, qu'il conviendra donc d'abroger sur ce point. La ministre de l'emploi et de la solidarité n'a pu réunir pour l'instant les organisations syndicales représentatives sur ce sujet avant ce débat. Plutôt donc que de précipiter l'introduction de dispositions en cours de procédure parlementaire, le Gouvernement préfère introduire les dispositions relatives au temps de travail dans la fonction publique hospitalière dans le projet de loi sur la modernisation sociale qui vous sera présenté au début de l'année 2001.
S'agissant de la déclaration d'urgence, mesdames, messieurs les sénateurs, dont je sais qu'elle peut apparaître comme une brusquerie, quand bien même le texte est présenté en première lecture devant la Haute Assemblée, elle était malheureusement nécessaire pour assurer la continuité entre la précédente loi et le nouveau dispositif : toute solution de continuité risquait de faire de 2001 une année blanche pour la résorption de la précarité, et donc de léser les agents concernés.
Je tiens enfin à saluer l'excellent travail du rapporteur de la commission des lois, M. Hoeffel, qui, dans son rapport, a parfaitement su éclairer la Haute Assemblée sur les différents enjeux du texte que j'ai l'honneur, après que vous en aurez débattu, de vous demander d'adopter. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen).
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Daniel Hoeffel, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, répondant à votre appel, je m'en tiendrai, dans ce rapport oral, à l'essentiel, et je vous renvoie donc, mes chers collègues, à mon rapport écrit, qui est en distribution depuis quelques jours.
Vous avez choisi, monsieur le ministre, de déposer ce texte en premier lieu sur le bureau du Sénat, initiative que nous apprécions ; vous avez recours à la procédure de la déclaration d'urgence, ce que nous regrettons...
M. Pierre Fauchon, vice-président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Ah ça, oui !
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. ... d'autant plus qu'il s'agit d'un texte important concernant les trois fonctions publiques - la fonction publique d'Etat, la fonction publique territoriale et la fonction publique hospitalière - et visant un triple objectif : résorber l'emploi précaire, moderniser les procédures de recrutement et encadrer la réduction et l'aménagement du temps de travail dans la fonction publique territoriale.
Je ferai rapidement l'état de la situation au moment où ce texte vient en discussion en rappelant que, s'agissant de la résorption de l'emploi précaire, tous les contractuels ne se trouvent pas dans une situation précaire et qu'il ne s'agit pas de condamner en soi le recours aux agents contractuels.
La loi du 16 décembre 1996, dite « loi Perben », a entrepris un effort en direction de la résorption de l'emploi précaire ; mais force est de reconnaître que, malgré la titularisation de 55 000 agents, le nombre d'agents non titulaires de la fonction publique se maintient, d'où l'utilité de ce texte sur la résorption de l'emploi précaire.
Nous devons aussi regretter l'absence de gestion prévisionnelle des emplois publics, absence qui sera encore aggravée par la perspective des départs en retraite dans la décennie à venir et par le problème lourd de l'intégration de certains emplois-jeunes qui est devant nous. Il suffit de rappeler que partiront à la retraite d'ici à 2020 les trois quarts des agents en poste aujourd'hui dans la fonction publique d'Etat et les deux tiers des fonctionnaires territoriaux.
En ce qui concerne le troisième volet, celui du temps de travail dans la fonction publique territoriale, aucun texte législatif ou réglementaire n'établit actuellement la durée hebdomadaire du travail, et la jurisprudence administrative affirme qu'il appartient à l'autorité municipale de la fixer.
Monsieur le ministre, vous nous avez présenté de manière très complète ce projet de loi, et je n'ai rien à ajouter à cet égard. J'en viens donc à la position adoptée par la commission des lois sur ce texte. Je l'exposerai sous le triple volet de la précarité, du recrutement et de la réduction de la durée du travail.
La commission vous propose d'adopter le dispositif de résorption de l'emploi précaire, mes chers collègues. Elle estime toutefois que la méconnaissance par l'Etat employeur des effectifs concernés doit être dénoncée. Le problème - je le reconnais, monsieur le ministre - ne date pas d'aujourd'hui. De même, l'incidence financière du plan de résorption de l'emploi précaire mérite d'être précisée.
J'ajouterai un certain nombre d'observations.
La première concerne la surrémunération des fonctionnaires dans les départements d'outre-mer. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous en dire un peu plus sur ce sujet, dont je reconnais la complexité matérielle, certes, mais aussi psychologique ?
Deuxième observation : la condition de présence de deux mois sur une période de référence d'une année nous paraît insuffisante pour qualifier le lien existant entre l'agent concerné et la collectivité. La commission des lois proposera donc de porter la durée de cette présence de deux à quatre mois.
Enfin, dernière observation sur ce volet de la précarité, nous souhaitons interroger le Gouvernement sur les aménagements prévus pour les administrations parisiennes. Il convient de souligner, à ce propos, que le renvoi au pouvoir réglementaire ne constitue pas un blanc-seing accordé au Gouvernement, qu'il doit s'exercer sous le contrôle du législateur.
J'en viens au deuxième volet, la modernisation du recrutement. Il s'agit de favoriser la souplesse de gestion. Cela nous paraît fondamental, en particulier en ce qui concerne la fonction publique territoriale.
Il faut rappeler que le recrutement contractuel à temps non complet sur des emplois permanents dans les petites communes et leurs groupements correspond à un besoin réel.
M. Alain Vasselle. Très bien !
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Nous le vivons quotidiennement dans l'exercice de notre métier de maire.
M. Alain Vasselle. Tout à fait !
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Sa suppression priverait les petites communes, 32 000 communes de France sur 36 000 ont moins de 2 000 habitants ! - d'une souplesse de gestion dont, aujourd'hui, elles peuvent faire usage.
Le quart des agents non titulaires occupant un emploi permanent sont des agents contractuels recrutés pour un service inférieur à trente et une heures trente par semaine.
S'agissant du cumul d'activités, nous souhaitons interroger le Gouvernement, notamment, sur l'interdiction, pour les agents, de travailler pour le compte de plusieurs employeurs publics ou privés alors qu'ils exercent, à temps parfois très partiel, des fonctions d'exécution.
M. Alain Vasselle. Eh oui !
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Quelle suite envisage-t-il, par ailleurs, de donner aux propositions législatives et réglementaires formulées à ce propos par le Conseil d'Etat en 1999 ?
En tout état de cause et afin d'amorcer une réponse législative, la commission des lois proposera que l'on permette aux agents qui occupent un emploi à temps non complet dans les communes de moins de 2 000 habitants et dans leurs groupements, pour une durée inférieure à la moitié d'un temps plein, d'exercer une activité privée lucrative à titre professionnel dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat.
Nous souhaitons également interroger le Gouvernement sur les conditions de rémunération des agents concernés.
Le problème se pose également de la prise en compte ou non de l'expérience professionnelle pour l'admission à concourir en externe dans la fonction publique territoriale. Cette expérience professionnelle est prise en compte dans le projet pour la fonction publique d'Etat et la fonction publique hospitalière, mais non pour la fonction publique territoriale.
M. Alain Vasselle. C'est scandaleux !
M. Jacques Mahéas. On va rectifier cela !
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Or, actuellement - on peut, je crois, l'affirmer - une telle injection de sang nouveau, une telle ouverture sur l'extérieur, apparaissent utiles à la fonction publique territoriale.
J'en arrive au dernier volet, à savoir l'aménagement et la réduction du temps de travail.
Nous souhaitons que cette réforme s'exerce dans le respect de la libre administration des collectivités territoriales. Le passage aux 35 heures dans le secteur privé a montré l'importance d'un débat national à ce sujet. Est-il réaliste d'assimiler, à propos de l'aménagement et de la réduction du temps de travail, l'Etat, employeur unique, aux 60 000 employeurs locaux, en ne tenant pas compte de la très grande diversité de ces employeurs collectivités territoriales et de la souplesse de gestion qui doit leur être reconnue ?
Le principe de la parité et celui de l'unité de la fonction publique ne doivent pas conduire à méconnaître les spécificités de la fonction publique territoriale.
M. Jean-Pierre Schosteck. Très bien !
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Et puis, la commission des lois tient à réaffirmer clairement la compétence de l'assemblée délibérante de la collectivité dans la détermination du temps de travail de ses agents.
Afin d'affirmer son attachement à l'objectif de l'aménagement du temps de travail - nous respectons le principe du 1er janvier 2002 - la commission des lois proposera que les collectivités territoriales se déterminent par référence aux conditions applicables aux agents de l'Etat, tout en tenant compte de la spécificité de leurs missions. Car ce sont les collectivités territoriales qui sont en mesure d'apprécier le coût financier du passage aux 35 heures, un passage qui doit être proportionné à leurs ressources et à leurs besoins en termes de services publics.
M. Pierre Fauchon, vice-président de la commission des lois. Très juste !
M. Paul Girod. S'il n'y avait que les coûts financiers !
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Telles sont, monsieur le ministre, mes chers collègues, les orientations de la commission des lois sur un texte dont elle approuve, sur l'essentiel, les principes, tout en affirmant la spécificité des collectivités. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 31 minutes ;
Groupe socialiste, 25 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 19 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 17 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 11 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 10 minutes.
Mes chers collègues, je vous invite, une fois encore, à faire preuve de concision.
M. Alain Vasselle. On n'examine pas un texte de cette importance en séance de nuit la veille de la discussion du projet de loi de finances ! Ce sera du travail bâclé !
M. le président. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Monsieur le ministre, les rapports de l'Etat avec ses fonctionnaires sont vraiment d'actualité, avec les négociations salariales engagées il y a deux jours !
Vous avez vous-même, il y a quelques mois, dans la presse, donné votre point de vue sur un Etat plus transparent et plus efficace. J'en citerai deux courts extraits.
D'abord : « Nous avons de nombreux atouts pour réussir : une administration plus proche des citoyens, plus mobile, plus réactive ; nos fonctionnaires sont profondément attachés au service public, bien formés et inventifs lorsqu'on leur en donne la possibilité... »
Puis : « Le dialogue social ne saurait donc être une vaine incantation ; il est la condition de la réussite des réformes... ».
Aussi, monsieur le ministre, l'Etat doit donner l'exemple et montrer clairement que les salariés, en particulier les plus modestes d'entre eux, doivent avoir leur part de la croissance revenue.
Nous formons donc le voeu ici que les négociations salariales débouchent positivement et donnent confiance aux agents de la fonction publique. Car, bien évidemment, la remise en chantier, au travers du projet de loi que nous examinons, de la résorption de la précarité dans la fonction publique doit aussi contribuer à donner confiance.
La précarité gangrène la fonction publique.
On connaît les chiffres : 13 % de personnels précaires dans la fonction publique d'Etat ; 34 % dans la fonction publique territoriale ; 5 % dans la fonction publique hospitalière selon l'INSEE, mais davantage selon les organisations syndicales.
Tout le monde le sait, ces chiffres sont à manipuler avec prudence et, de ce point de vue, la création d'un observatoire de l'emploi public, tel qu'il résulte de l'accord signé le 10 juillet 2000, est évidemment très positif.
Il va sans dire que, dans ce contexte, le projet de loi que nous examinons est attendu par un grand nombre de ceux qui ont fait le choix du service public et qui attendent de celui-ci une légitime reconnaissance.
La multiplication des emplois précaires dans la fonction publique a deux raisons principales.
La première, c'est le gel de l'emploi public érigé en dogme pendant des années, au moment même où l'Etat et les collectivités territoriales devaient faire face à une demande pressante de la part de nos concitoyens.
La seconde, c'est le retard pris depuis des années dans la modernisation des emplois, notamment dans la fonction publique territoriale.
Aussi serons-nous très attentifs à l'évolution des missions des groupes de travail mis en place par l'accord du 10 juillet dernier.
Dans la fonction publique territoriale, par exemple - mais ce n'est pas la seule - des missions exercées par nombre d'agents ne trouvent pas de cadre d'emploi statutaire. Ce phénomène est connu ; les informaticiens, les responsables de la communication, les musiciens, pour les villes dotés d'orchestre - les exemples sont, hélas ! très nombreux - ne peuvent et ne pourront être titularisés du fait même de l'inexistence des filières dans lesquelles ils exercent.
Le service public, pour se moderniser, doit intégrer de nouveaux métiers, de nouvelles compétences, et être capable en permanence de créer les corps nécessaires au plein accomplissement des missions d'un service public rénové. Est-ce justice que des milliers de personnes soient privées de cadre d'emploi du fait même de la lenteur de l'Etat et de ses administrations à se moderniser ?
Quant au gel de l'emploi public, il est battu en brèche - trop lentement, à mon goût, mais tout de même ! - par la vie elle-même. Aujourd'hui, la croissance que connaît notre pays, une redéfinition des missions des services publics, mais aussi les attentes diverses de nos concitoyens en matière de services publics rendent nécessaire le recrutement dans l'ensemble des trois fonctions publiques d'agents de l'Etat.
A la seule appréciation des investissements réalisés aujourd'hui par l'Etat ou les collectivités territoriales, investissements qui participent eux-mêmes à la croissance et à l'emploi, le gel de l'emploi public est un non-sens.
En outre, quels que soient les secteurs observés, on assistera dans les toutes prochaines années à de très nombreux départs à la retraite des agents en poste. Les chiffres sont absolument phénoménaux : 50 %, voire 60 % pour la fonction publique territoriale. Dans les secteurs de la santé, de la recherche, de l'éducation et, de manière plus générale, dans l'ensemble des secteurs faisant appel à du personnel d'encadrement, c'est par centaines de milliers que l'Etat devra oeuvrer aux remplacements des départs en retraite. Dès lors, sauf à éradiquer la notion même de service public, le gel de l'emploi public ne peut perdurer. Ainsi, le texte qui nous est soumis constitue un premier pas intéressant pour résorber l'emploi public, mais un premier pas seulement. Nous sommes convaincus qu'il conviendra d'aller bien plus loin encore, conformément à l'esprit qui animait l'ensemble des signataires de la déclaration du dernier sommet de la majorité plurielle, le 7 novembre dernier.
Alors que cette déclaration prévoit de pénaliser par des mesures financières le recours à l'emploi précaire, l'Etat et les collectivités territoriales, mais également l'ensemble des établissements publics ou para-publics, se doivent, à mon sens, de montrer l'exemple.
Cela m'amène à évoquer la situation de La Poste. Aujourd'hui, La Poste fait appel à près de 80 000 contractuels, exclus du dispositif qui nous est proposé, sur un total de plus de 300 000 agents. Pour autant, la loi du 2 juillet 1990 prévoyait des conditions restrictives au recrutement d'agents contractuels puisqu'il était question « d'exigences particulières de l'organisation de certains services ou de la spécificité de certaines fonctions... ». Dans les faits, une très grande majorité de contractuels exercent les mêmes fonctions et ont les mêmes obligations que les fonctionnaires avec les mêmes horaires. Dès lors, et ce sera le sens de l'un des amendements que nous vous proposerons, rien ne justifie l'exclusion de La Poste et de nombre d'établissements publics du dispositif que nous examinons.
J'en viens à présent aux emplois-jeunes. Ce dispositif que nous avons soutenu, mis en place pour répondre aux attentes de très nombreux jeunes exclus de l'emploi, arrive bientôt à son terme. Conformément à la volonté, là aussi, de l'ensemble des membres de la majorité plurielle, telle qu'elle s'exprime lors de la déclaration commune du 7 novembre dernier, l'objectif est de parvenir à garantir un débouché professionnel à chacun des jeunes inscrits recrutés selon ces modalités. A cette fin, notre groupe présentera un certain nombre d'amendements pour permettre aux titulaires d'emplois-jeunes, mais également à l'ensemble des personnes recrutées dans le cadre de contrats dits aidés, d'intégrer chaque fois que cela est possible et selon leur voeu les fonctions publiques.
Certes, s'il ne s'agit pas d'offrir à chacun des jeunes un poste de titulaire de la fonction publique, au moins s'agit-il de permettre à chacun de bénéficier d'une égalité de traitement dans l'accès aux carrières de la fonction publique.
Ainsi nous inscrivons-nous pleinement dans le dispositif proposé aujourd'hui par le Gouvernement pour résorber l'emploi précaire. Il nous importe cependant d'en indiquer les faiblesses, voire les limites, dans le but que ce plan parvienne à une réelle résorption de la précarité dans l'emploi public, comme vous l'avez vous-même proposé, monsieur le ministre.
On le sait, le dernier dispositif en date mis en oeuvre dans le cadre de la loi Perben devrait à ce titre nous éclairer. Ainsi, dans la fonction publique territoriale, comme cela a été rappelé par M. le rapporteur, sur les 50 000 agents recensés en début d'application de la loi Perben, seuls 8 522 ont pu être titularisés. Dans la fonction publique d'Etat, sur près de 50 000 candidats potentiels, seuls 30 000 ont été intégrés.
Le dispositif qui nous est proposé aujourd'hui est certes plus ambitieux, mais mérite à mon sens d'être renforcé. Les organisations des personnels sont porteuses d'un certain nombre de propositions qu'il nous faut entendre et que, par manque de temps, je ne peux citer dans leur ensemble, mais la mutualisation des moyens, la mise en place de brigades de renforts, l'instauration de formes adaptées d'organisation du travail sont pour nous des pistes à exploiter, la validation des acquis professionnels inscrite dans le texte étant à ce titre une avancée, qui pourrait être poussée plus loin.
Nous attendons également beaucoup de la réduction du temps de travail dans la fonction publique, et peut-être pourrez-vous, monsieur le ministre, nous informer de l'état des négociations sur cette question.
Nous nous étonnons de l'absence de mesures financières adaptées aux visées de ce projet de loi.
Bien souvent, en effet, la précarité dans la fonction publique territoriale trouve son origine dans la faiblesse des crédits budgétaires. Une hausse importante de la DGF permettrait de résorber bien des emplois précaires. Je crois que l'on ne peut pas s'engager à résorber l'emploi précaire sans prendre en considération la faiblesse des ressources des collectivités territoriales.
En effet, combien de titulaires de contrat emploi-solidarité ou de contrat emploi consolidé remplissent, du fait de la modestie des moyens financiers des collectivités, des missions dévolues ordinairement à des fonctionnaires et devraient être titularisés ?
En outre, la résorption de l'emploi précaire dans la fonction publique ne doit pas se faire au détriment des procédures de promotion des agents titulaires, en l'absence de moyens financiers adaptés et d'un dispositif « hors contingent ». Ce risque est réel.
Bien des questions pourraient encore être évoquées mais mon temps de parole est compté.
Pour nous, la question de l'emploi public n'est pas un dogme mais s'inscrit pleinement dans le cadre d'une réforme de l'Etat au service du progrès et de la justice. De la nation à l'Europe, un modèle de développement et de progrès original peut voir le jour. Les services publics, nationaux - mais pourquoi pas également européens ? - pourraient constituer dans ce cadre un laboratoire original où prévalent d'autres choix que la concurrence économique, et ce pour le bien de tous.
Les amendements que nous apporterons à ce texte participent de cette logique et nous souhaitons vivement que certains fassent l'objet d'une attention particulière du Gouvernement et des membres de notre assemblée. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Mahéas.
M. Jacques Mahéas. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi qui nous réunit aujourd'hui affiche une ambition légitime : donner la priorité à une meilleure gestion des ressources humaines dans la fonction publique.
Cette ambition - condition inséparable d'une meilleure gestion publique - a déjà présidé à la création de l'Observatoire de la fonction publique par décret du 13 juillet 2000.
Dans un souci de transparence, cet organisme a pour mission de collecter, d'exploiter et de diffuser l'information sur l'emploi dans les trois fonctions publiques - ce qui fera de lui un interlocuteur privilégié pour le Parlement - et de doter l'administration d'outils fiables et opérationnels de gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences.
Le présent projet de loi s'appuie sur la détermination du Gouvernement à lutter contre la précarité de l'emploi, tout en oeuvrant à la nécessaire modernisation de l'Etat.
Dans cette logique, le 10 juillet dernier, le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat a signé un accord avec six des sept fédérations de fonctionnaires. Etape importante dans la poursuite d'un dialogue social de qualité, cet accord prévoit un plan de résorption de l'emploi précaire dans les trois fonctions publiques ; il est complété par un important volet visant à une meilleure gestion de l'emploi public.
Le Gouvernement, qui s'était engagé auprès des syndicats signataires à prendre les mesures législatives nécessaires à l'application de l'accord dès 2001, a donc déclaré l'urgence sur ce texte, afin de relayer le dernier plan de résorption en cours, dit plan Perben, qui arrive à échéance avec le siècle. Urgence également, et surtout, parce que la lutte contre toute forme de précarité constitue une priorité nationale. Urgence encore, parce que le départ en retraite annoncé d'un grand nombre d'agents dans les dix années à venir offre à la fonction publique l'occasion unique de reconsidérer ses moyens de recrutement pour les rendre plus modernes, plus réactifs et, par conséquent, plus efficaces. Urgence enfin, parce que l'application prochaine de l'aménagement et de la réduction du temps de travail à la fonction publique entraîne une réflexion sur l'organisation du travail qui fera bénéficier les fonctionnaires d'une véritable « avancée sociale », tout en permettant d'améliorer le service rendu au public. L'urgence est donc justifiée.
Le projet de loi se décline selon trois volets : résorption de l'emploi précaire, modernisation du recrutement, aménagement et réduction du temps de travail dans la fonction publique territoriale.
La fonction publique ne saurait tolérer un système de recrutement qui repose en partie sur l'emploi précaire. Ce constat partagé a déjà donné lieu à des mesures législatives, qui n'ont pas eu suffisamment les effets escomptés.
Le dispositif Perben du 16 décembre 1996 a abouti à la titularisation de près de 55 000 agents. Bien que les derniers concours réservés ne soient pas encore clos, le bilan semble malheureusement d'ores et déjà insuffisant, voire décevant. Tous les agents en situation précaire n'ont pu être titularisés et la précarité, loin de disparaître et même de diminuer, s'est reconstituée.
Pour la seule fonction publique territoriale, le bilan de la loi Perben a montré les limites et l'insuffisance des concours réservés. En près de quatre ans, moins de 10 000 agents - sur les 50 000 à 70 000 visés - auront pu bénéficier de l'accès à ces concours, tandis qu'un nombre très important de contractuels, dont l'ancienneté est supérieure à cinq ans, voire à dix ans, demeure en fonction dans des conditions très incertaines. Ces chiffres disent assez combien des mesures efficaces sont attendues pour réguler le recours au travail précaire. A cette fin, le protocole du 10 juillet envisage un dispositif à la fois plus ambitieux et plus généreux que le plan précédent.
Eliminons toutefois d'emblée un élément de confusion. Certains se demanderont sans doute pourquoi les bénéficiaires d'un contrat emploi-solidarité, d'un contrat emploi consolidé ou d'un emploi-jeune sont exclus du dispositif. Il faudra alors leur rappeler que nous examinons ici la situation de contractuels de droit public, alors que la plupart des emplois que je viens d'évoquer relèvent du droit privé et que l'avenir professionnel de ces personnes n'est pas nécessairement lié à l'administration. Cela ne signifie pas pour autant que le Gouvernement néglige leur sort, qui sera, au contraire, discuté dans un cadre plus large.
J'en viens à présent au plan de résorption qui s'étalera sur cinq ans. Il concerne les agents en contrat à durée déterminée de droit public exerçant des fonctions normalement dévolues à des fonctionnaires, qu'ils soient contractuels, vacataires, temporaires ou auxiliaires. Son champ d'application est élargi aux trois catégories, alors que les catégories A ou B étaient écartées du précédent accord. Les conditions d'ancienneté sont également grandement assouplies.
Je m'attacherai à mettre l'accent sur les « nouveautés » du texte qui nous est proposé aujourd'hui.
Au-delà des concours réservés, certains non-titulaires pourront bénéficier d'examens professionnels, notamment les maîtres auxiliaires, et même, dans la fonction publique territoriale, d'une intégration directe sans changement d'affectation, car la pratique exige de prendre en compte avec souplesse la situation d'agents contractuels dont l'emploi s'est, de fait, pérennisé. Les délais importants d'organisation des concours empêchent de combler rapidement les vacances dans des emplois pourtant nécessaires au bon fonctionnement des services, et il a trop souvent semblé plus facile de conserver des agents connus et formés à l'emploi plutôt que de recruter des candidats issus des concours.
Attention, toutefois ! Le concours, même spécifique, demeure la règle : il est seul garant du principe constitutionnel d'égal accès aux emplois publics. Si les personnels contractuels méritent une reconnaissance légitime, il faut néanmoins mesurer les risques de dérive statutaire. Le projet de loi va permettre l'intégration d'agents non titulaires qui ne subiront pas l'épreuve d'un concours. Pourtant, des concours ordinaires ont été organisés, des lauréats à des concours demeurent sur liste d'aptitude - les fameux « reçus-collés » de la fonction publique territoriale - et des fonctionnaires pris en charge, titulaires de leur grade, restent sans emploi.
L'objet essentiel de ce projet de loi est bien d'esquiver les écueils précédemment mis à jour, et répondre à l'urgence n'exempte pas de créer des dispositions pérennes pour éviter la reconstitution de l'emploi précaire, à commencer, je vous en félicite, monsieur le ministre, par la transformation de crédits de rémunération de contractuels ou de vacataires en emplois budgétaires.
Il s'agit également de moderniser les procédures de concours et de mieux encadrer l'emploi contractuel.
Une politique volontariste de diversification des modes d'accès à la fonction publique conduit à reconnaître la validation de l'expérience professionnelle et l'action des bénévoles pour présenter sa candidature à un concours ordinaire, possibilité qu'il semblerait logique d'étendre à la fonction publique territoriale, je pense que sur ce point nous sommes tous d'accord, puisqu'elle est la seule à en être exclue ; c'est d'ailleurs ce que nous proposerons.
Dans certaines conditions, on permettra l'organisation de recrutements de type troisième concours, autant de mesures qui s'inscrivent dans une perspective d'ouverture de la fonction publique et de valorisation des compétences acquises au cours d'un parcours professionnel varié au service ou à l'extérieur de l'administration.
Quant à la pratique du concours sur titres ou sur « titres et travaux », sa consécration législative permettra un recrutement rapide et adapté, notamment pour les emplois à caractère technique ou scientifique, tout en contribuant à la réduction d'emplois de non-titulaires.
La simplification de l'organisation des concours passe, pour la fonction publique d'Etat, par une déconcentration : les ministres pourront accorder une délégation de compétences aux préfets. De surcroît, pendant une durée de cinq ans, le recrutement au premier niveau de la grille de la fonction publique de l'Etat s'effectuera sans concours, comme c'est déjà le cas dans les fonctions publiques territoriales et hospitalières.
En ce qui concerne la fonction publique territoriale, conformément au protocole signé le 10 juillet 2000, les centres de gestion auront à jouer un rôle accru quant à la gestion prévisionnelle des emplois.
Enfin, des mesures ont pour vocation d'encadrer le recours légal à l'emploi précaire. Ainsi les conditions de recrutement des agents contractuels sur des emplois à temps incomplet sont limitées à 70 % d'un temps complet dans la fonction publique de l'Etat.
De même, le recours à des contractuels sur des emplois à temps incomplet dans les collectivités de moins de 2 000 habitants est supprimé. Le Gouvernement estime que, depuis l'introduction de ce recours en 1987, bien des rigidités ont disparu et qu'il serait regrettable de maintenir la précarité là où la souplesse existe. Nous en débattrons à l'appel de l'article 13 et de l'article additionnel proposé par notre commission des lois qui, lui, conjugue la question du cumul d'activités publiques et privées, question qui mérite un ample débat. Dernier axe du projet de loi : son titre III transpose à la fonction publique territoriale, à compter du 1er janvier 2002, le cadre établi par le décret du 25 août 2000 pour la fonction publique de l'Etat en matière d'aménagement et de réduction du temps de travail.
Comme l'avait établi clairement le rapport Roché, les pratiques sont très diverses. Selon la direction générale des collectivités locales, environ 500 000 agents - soit près de 40 % - bénéficieraient d'ores et déjà de réductions de temps de travail librement décidées par les collectivités territoriales, qui, n'ayons pas peur de le dire, se montrent plutôt exemplaires dans ce domaine.
Bien évidemment, la rédaction proposée veille légitimement à concilier le principe de libre administration des collectivités territoriales et l'unité de la fonction publique, donc le principe de parité dans les situations de travail des agents.
Il importait qu'un cadre national strict permette un traitement égal de tous les fonctionnaires.
En l'occurrence, il s'agit de définir les règles et garanties essentielles, dans des termes semblables à ceux qui sont retenus pour les fonctionnaires d'Etat par le décret du 25 août 2000.
Premier employeur de la nation, l'Etat se devait d'adopter des mesures volontaristes pour protéger ses salariés contre la précarité, en réduisant enfin de manière efficace le nombre d'employés hors statut dans les administrations et les hôpitaux.
Nous devons donc nous réjouir que le Sénat ait la primeur d'un texte qui permettra de sortir certains agents d'une situation préoccupante, de combattre des habitudes préjudiciables de gestion des personnels, tout en améliorant non seulement les conditions de travail des agents, mais également la qualité et l'efficacité des services rendus par l'administration aux citoyens. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Eckenspieller.
M. Daniel Eckenspieller. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi dont nous sommes saisis comporte trois volets, dont le troisième, celui qui est relatif à la durée et à l'aménagement du temps de travail, précise seulement que le droit commun s'applique à la fonction publique territoriale dans les mêmes conditions qu'à la fonction publique d'Etat, selon des modalités déterminées par un décret en Conseil d'état.
Cette formulation lapidaire ne prête donc guère à débat, hormis par son imprécision même et par le fait qu'elle ne fait pas mention de la fonction publique hospitalière, au sein de laquelle la réduction du temps de travail n'ira pas sans poser d'énormes problèmes de financement, d'organisation, de charge de travail pour les personnels et ne sera pas - il faut le craindre - sans conséquence sur l'attention portée aux patients hospitalisés.
Je m'attarderai donc davantage sur le problème de la résorption de l'emploi précaire dans la fonction publique territoriale, ainsi que sur les dispositions envisagées en termes d'assouplissement des recrutements.
Les mesures envisagées étaient nécessaires. Seront-elles suffisantes ? Les mêmes causes ne finiront-elles pas par produire les mêmes effets ? On peut le craindre car, pour l'essentiel, les rigidités et les manques de réactivité du dispositif demeurent. J'y reviendrai dans un instant.
Mais je voudrais, d'abord, m'élever contre le ton souvent excessivement accusateur qu'emploient les services préfectoraux à l'égard des responsables des collectivités territoriales, s'agissant des salariés contractuels.
L'Etat est-il tellement plus vertueux dans ce domaine ? Employeur unique, puisant dans un vivier unique, il devrait pourtant lui être plus facile de répondre, dans le respect de la réglementation, à ses besoins en fonctionnaires. On ne peut que s'inquiéter des intentions manifestées par certains de porter devant la juridiction pénale des affaires de recrutement sur le fondement de l'article L. 321 du code pénal.
Ce climat ne semble pas le meilleur pour tenter de régler dans la sérénité un problème réel, conséquence de difficultés réelles pour lesquelles les réponses appropriées n'ont pas été apportées à ce jour ou n'ont pas été mises en oeuvre d'une manière suffisamment efficace.
Il convient de souligner également, me semble-t-il, que la précarité est, en la circonstance, une notion très relative du point de vue des personnes concernées.
Aucun maire n'engage de contractuel pour contrevenir à la loi. Aucun maire n'engage de contractuel pour pénaliser l'intéressé. S'il le fait, c'est pour répondre à un besoin qu'il n'est pas arrivé à satisfaire par ailleurs. Et il assume le risque que représente le coût considérable des indemnités de chômage à payer par la collectivité au terme du contrat ou à la suite d'un licenciement, pour quelque cause que ce soit.
Il s'agit donc moins de protéger des salariés, en vérité fort peu menacés et, le plus souvent, satisfaits de leur situation, que de se conformer à des dispositions légales et réglementaires, ambition à laquelle on ne peut, sur le plan des principes, qu'adhérer pleinement.
Or, il faut bien le reconnaître, les dispositions mises en oeuvre jusque-là ne permettaient pas d'assumer dans les formes et dans les délais requis cette ambition, leur efficacité concrète était trop souvent fort contestable et, en tout état de cause, elle ne permettait pas de tendre vers l'excellence.
Comment, d'ailleurs, pourrait-il en être autrement alors que 50 000 employeurs potentiels environ sont appelés à choisir dans un vivier unique le collaborateur ou la collaboratrice qui correspond très exactement à leur besoin du moment, ce vivier unique représentant de surcroît une part infime de la population active du pays ? C'est donc, sans doute, plus d'une révolution dont nous aurions besoin dans ce domaine que de modestes mesures d'assouplissement.
Certains emplois très spécifiques doivent être obligatoirement occupés par des personnels ayant suivi une formation de fonctionnaires. Ce sont ceux, surtout, de la filière administrative.
En revanche, un ingénieur, un technicien, un dessinateur, un moniteur sportif, un électricien, un conducteur d'énergie n'ont à avoir, dans une collectivité territoriale, ni une autre formation ni une autre compétence que celle qui leur serait demandée dans une entreprise de droit privé.
Le bon sens voudrait qu'à compétence professionnelle attestée les collectivités territoriales puissent, dans cette situation-là, assurer elles-mêmes un recrutement ouvert. Toutes les règles du management commanderaient qu'il en soit ainsi.
Dans la pratique, c'est souvent vers des solutions alternatives, mais insatisfaisantes, que l'on finit par s'orienter, et cela par défaut, alors même que ces solutions peuvent pénaliser lourdement les agents concernés.
J'illustrerai mon propos par deux exemples très concrets que je connais bien pour les avoir vécus ces deux derniers mois dans ma commune, mais qui pourraient être multipliés à l'infini.
A la suite du départ inopiné de deux techniciens territoriaux - les départs ne sont pas tous programmés, notamment en cette période de reprise économique, et plus encore au voisinage immédiat de pays proches demandeurs de main-d'oeuvre - j'ai été dans l'obligation de les remplacer rapidement, l'un pour la gestion du patrimoine immobilier de la ville, l'autre pour la gestion de la voirie communale.
Malgré des publications répétées, malgré les demandes formulées auprès des différents centres de gestion, aucun candidat stagiaire ou titulaire ne s'est manifesté. En revanche, une trentaine de postulants, titulaires pour le moins d'un BTS, ont été recensés.
Nous en avons retenu deux. Pour ne pas encourir les foudres du contrôle de légalité, nous les avons engagés dans les règles, avec le titre et la rémunération d'agents d'entretien, soit 6 093 francs net par mois, en espérant qu'ils réussiront, à la prochaine session, leur concours de techniciens territoriaux.
Celui des deux qui est âgé de trente ans, qui a acquis dans des entreprises de travaux publics une véritable expérience de terrain, débutera comme stagiaire, puis atteindra le premier échelon de son grade..., après qu'il aura accompli son année de formation initiale sur laquelle il y aurait également bien des choses à dire.
De la même manière, il nous est arrivé tout récemment de devoir remplacer, à la suite d'un décès, un électricien appelé à travailler d'une manière autonome et à exercer des responsabilités importantes. Aucun candidat ne s'est présenté dans le cadre réglementaire. En revanche se sont présentés d'assez nombreux candidats externes, dont certains à la recherche d'un emploi à la suite de la défaillance de leur entreprise.
Au grade d'agent d'entretien stagiaire, nous avons engagé un homme de trente-cinq ans, titulaire d'un BTS et riche d'une longue expérience professionnelle acquise dans les mines de potasse, qui ont avancé inopinément la date de cessation de leur activité.
De telles situations ne sont pas compatibles avec la dignité à laquelle peut prétendre un salarié.
Ce n'est pas de la sorte que l'on donnera à nos collectivités territoriales, pour les décennies à venir, les moyens humains qui leur seront nécessaires pour assurer, au service du public, les missions de plus en plus complexes qui sont les leurs.
Il ne paraît pas normal que, dans une économie en pleine mutation comme l'est la nôtre, rien ne soit prévu, notamment pour que la fonction publique participe à la mobilité des compétences et accueille en son sein des hommes et des femmes qui y trouveraient le prolongement de leur carrière antérieure, sans en perdre le bénéfice, et qui enrichiraient la collectivité de leur savoir-faire et de leur expérience.
On ne peut, bien entendu, qu'adhérer à chaque petit pas fait dans le sens d'un assouplissement de règles qui apparaissent archaïques à bien des égards.
Mais, au point où nous en sommes, il est probable que, d'ici peu d'années, le problème se reposera dans les mêmes termes, puisque subsisteront pour l'essentiel la rareté des candidats dans certaines filières, la complexité et la durée de mise en oeuvre des concours, la fréquente inadaptation des épreuves, la modestie des traitements de début de carrière, l'impossibilité de prendre en compte l'ancienneté de service hors fonction publique, la difficulté de gestion des listes d'aptitude.
Il convient, me semble-t-il, de souligner ici le mérite des centres de gestion qui, dans ce maquis d'une extraordinaire complexité, s'efforcent de mettre leur compétence au service des collectivités et des agents territoriaux.
Echelons de proximité à la dimension irremplaçable du département, animés au quotidien par des élus locaux, lieux de rencontre à travers les commissions paritaires, ils ont toujours su s'adapter, au gré de l'évolution de la réglementation, pour répondre à l'attente des collectivités dans les domaines les plus divers concernant la gestion de leur personnel.
Ils savent également, pour l'organisation de certains concours, pour la gestion prévisionnelle de l'emploi, pour la mise en oeuvre d'outils techniques, s'organiser en réseaux de géométrie variable et mettre ainsi en synergie leurs potentialités.
Leur fonctionnement constitue l'exemple même d'une décentralisation à laquelle nous sommes fondamentalement attachés, chaque fois qu'elle permet de conjuguer proximité et efficacité.
Aussi pensons-nous devoir mettre en garde contre toutes les tentations et toutes les tentatives de centralisation qui ne pourraient conduire qu'à l'extraordinaire alourdissement d'un fonctionnement déjà bien complexe, nous l'avons vu, ainsi qu'au renforcement du pouvoir administratif au détriment de celui des élus, qui tirent leur légitimité du suffrage de leurs concitoyens d'abord, de leurs pairs ensuite.
La commission des lois, à travers son rapporteur, notre collègue Daniel Hoeffel, orfèvre en la matière, nous propose, moyennant la prise en compte d'un certain nombre d'amendements, d'adopter le projet de loi qui est soumis à notre appréciation.
Je me rallierai, avec mes collègues du groupe du Rassemblement pour la République, à cette position, tout en étant conscient que d'autres pas significatifs resteront à faire. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées de RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Garrec.
M. René Garrec. Monsieur le ministre, je ne vais pas vous expliquer ce projet de loi, vous le connaissez mieux que moi ! (Sourires.) Je me contenterai de quelques remarques générales, M. le président nous ayant demandé d'être brefs.
Depuis cinquante ans, l'Etat s'efforce périodiquement de mettre fin aux recrutements d'agents non titulaires dans la fonction publique.
Le statut général des fonctionnaires dispose que : « les emplois permanents de l'Etat, des départements, des communes et de leurs établissements publics à caractère administratif sont occupés par des fonctionnaires ».
Mais il précise aussi que, par « des dérogations prévues par une disposition législative », des non-titulaires peuvent être embauchés. Dans certains cas, pour les assistantes maternelles par exemple, c'est même une obligation.
Ce dispositif permet donc une certaine souplesse dans la gestion du personnel.
Je ne reviens pas, malgré la tentation, sur le nombre d'agents non titulaires exerçant dans la fonction publique de l'Etat et dans la fonction publique territoriale. Malgré les plans de résorption successifs, le nombre de non-titulaires reste à peu près constant.
Il faut donc reconnaître que les plans précédents n'ont pas pu résoudre le problème. Pourquoi ? Il y a une explication simple : trop timides, peut-être, les plans ne concernaient que les catégories d'agents les moins élevés dans la hiérarchie, les agents de catégorie C. Peut-être aurait-il fallu aller plus loin, ce que vous faites aujourd'hui avec ce projet de loi, monsieur le ministre.
Par ailleurs, on constate depuis quelque temps, une certaine désaffection pour l'administration, en particulier pour la haute fonction publique. Ainsi, le nombre de candidats à l'ENA a décru d'environ 30 %. Dans le même temps, le phénomène du « pantouflage », pour reprendre le terme consacré, a pris de l'ampleur, et l'on assiste à une fuite des cerveaux, qui s'explique sans doute par la croissance et par les meilleures rémunérations offertes dans le secteur privé, ainsi peut-être que par le fait que le secteur public apparaît moins attractif qu'auparavant.
Quoi qu'il en soit, il s'agit d'une perte sèche pour l'administration, qui a formé ces fonctionnaires, et le Sénat, qui en est bien conscient, a demandé la mise en place d'une mission d'information sur ce sujet.
Enfin, je m'intéresserai davantage aux collectivités locales, en particulier aux régions, que je connais mieux.
On rencontre souvent des difficultés pour créer un emploi qui n'entre pas dans une catégorie connue. On ne sait pas comment le pourvoir, alors on engage un contractuel et l'on attend l'autorisation du préfet. Ensuite, cette situation perdure.
Je suis président de ma région depuis 1986 - ce qui est beaucoup trop, penserez-vous peut-être, monsieur le ministre, vous qui l'avez été moins longtemps - et je connais des contractuels qui sont employés depuis plus de dix ans, qui ont les diplômes et les compétences nécessaires. Je trouve un peu immoral et inique que l'on ne puisse pas les titulariser sur titres ou à la suite d'un entretien avec un jury d'examen. Ils mériteraient cette titularisation ; les maintenir dans un statut précaire, c'est leur dénier toute considération.
Il s'agit bien de précarité, car rien ne dit que j'occuperai encore pendant vingt ou trente ans la présidence de ma région - ce serait beaucoup ! - et rien ne prouve non plus que mon successeur, qui ne sera peut-être pas de la même tendance politique, n'estimera pas que ces personnes sont trop âgées, en tout cas bonnes à mettre à la retraite, à déplacer ou à oublier dans un placard.
Il faut donc faire quelque chose pour ces fonctionnaires contractuels, dont la précarité présente peut-être un caractère politique et que l'on devrait pouvoir traiter de façon normale, comme doit l'être tout fonctionnaire, tout individu qui a travaillé pour sa collectivité.
J'ai déposé un certain nombre d'amendements, avec un succès très mitigé en commission, succès mitigé qui s'explique sans doute par la qualité exceptionnelle du rapport de M. Hoeffel ou par la médiocrité de mes propositions. En tout cas, il en est un parmi eux que je m'efforcerai de défendre.
J'avais préparé quelques réflexions malicieuses sur la corrélation qu'il est possible d'établir entre tous les textes qui paraissent actuellement sur la fonction publique et les élections, mais le moment me paraît mal venu et, vous connaissant, la critique mal adressée. Ce serait apparenter votre réflexion politique à la conjonction des planètes, phénomène rare, ce qui prouve votre bonne foi.
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Cela dépend de quelles planètes ! (Sourires.)
M. René Garrec. La conjonction des planètes est toujours extrêmement rare.
Je ne retiendrai de ce projet de loi que son ambition, qui me paraît intéressante. Mais, après le rapport excellent de notre rapporteur, M. Daniel Hoeffel, rapport tout à fait remarquable, auquel mon groupe accorde toute la considération qui lui est due, pour ma part, je regrette de ne pas avoir pris le sujet plus en aval, ce que je ferai la prochaine fois. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui comporte deux volets, consacrés l'un à la résorption de l'emploi précaire et l'autre à l'application des 35 heures dans la fonction publique territoriale.
La loi sur les 35 heures a été votée mais je veux réaffirmer que cette loi imposée est contraire à la volonté de nombreux salariés du secteur privé qui veulent améliorer leur situation et celle de leur famille par leur travail. Elle est antisociale, car elle condamne ceux dont le salaire de base est modeste à ne pas pouvoir faire progresser leur revenus. Cela étant dit, des lors qu'elle a été votée, il est normal qu'elle s'applique au secteur public comme au secteur privé et, bien sûr, dans les trois fonctions publiques.
Je m'attacherai donc, au nom du groupe du Rassemblement démocratique social européen, à analyser le volet « emploi précaire » de ce projet de loi, avant de proposer que cette mesure soit l'occasion de mettre en place une meilleure répartition territoriale des agents de la fonction publique d'Etat.
Nul ne peut être défavorable à la résorption de l'emploi précaire et à la volonté de moderniser le recrutement dans la fonction publique. Le bon sens, comme la volonté de justice nous conduisent à soutenir ces mesures.
D'une part, le bon sens nous pousse à conduire cette réforme puisque, comme toute démocratie moderne, la France a besoin de se doter d'une fonction publique performante au moment où toute une génération va devoir être remplacée.
D'autre part, l'aspect humain et social est primordial. A l'heure où la société tente de développer des garde-fous contre l'exclusion et la précarité, certains agents de la fonction publique vivent dans une incertitude intolérable. Je recevais récemment à ma permanence une jeune femme recrutée comme contractuelle voilà sept ans et dont les contrats à durée déterminée étaient renouvelés tous les six mois ! Dans ces conditions, aucun projet personnel ne lui était possible.
Je crains que cet exemple ne soit pas unique. L'Etat employeur devient exploiteur, se trouve dans la complète illégalité et impose à son personnel ce qu'il interdit aux employeurs du secteur privé.
Je me réjouis que l'intégration des contractuels soit favorisée. Leur valeur ajoutée est forte : ils sont généralement bien formés, spécialisés et ont accumulé des expériences professionnelles ainsi que des méthode du travail dont la fonction publique bénéficiera.
Aussi, je comprends mal que certains agents non titulaires de catégorie A, recrutés en raison de l'absence de lauréats aux concours organisés et capables d'assumer des fonctions spécifiques ne puissent bénéficier d'une intégration. Avec mes collègues Fernand Demilly et Bernard Joly, nous avons déposé un amendement pour que ces contractuels, s'il le souhaitent, puissent bénéficier d'un CDI.
Cependant, cette intégration ne signifie pas rigidité. Si la possibilité d'intégration dans la fonction publique territoriale doit être ouverte aux agents non titulaires, la possibilité de recourir à des contractuels doit être maintenue pour le recrutement des personnels à temps non complet dans les petites communes de moins de 2 000 habitants. Monsieur le ministre, la majorité des 32 000 maires de ces petites communes vous le confirmeraient.
A l'occasion de l'examen de ce texte, je souhaite également vous interroger sur le devenir des emplois-jeunes. Ils ne sont, bien sûr, pas concernés par le protocole d'accord du 10 juillet 2000, puisque leurs contrats sont des contrats de droit privé. Toutefois, comme ils sont financés à 80 % par l'Etat, les 276 000 jeunes recrutés au 1er septembre 2000 ont lieu de s'interroger. Les jeunes adjoints de sécurité seront vraisemblablement intégrés par un concours particulier, mais je pense notamment aux 22 % qui sont employés dans les collectivités locales. Qu'est-il prévu à leur sortie du système ? Le Gouvernement a raté sans doute l'occasion de conduire une réflexion sur des jeunes qui, demain, pourraient être en situation de précarité d'emploi.
Je voudrais insister sur le régime exceptionnel et dérogatoire des mesures que vous envisagez. Le concours doit rester le mode de recrutement par excellence pour accéder à la fonction publique.
M. Claude Domeizel. Très bien !
M. Aymeri de Montesquiou. C'est sur cette base qu'a pu se constituer une fonction publique de qualité fondée sur la méritocratie. L'ascenseur social fonctionne efficacement dans le secteur public.
Enfin, je formulerai un espoir : que cette réforme permette une plus grande déconcentration des ministères. Face à l'engorgement parisien et au besoin de proximité des citoyens, vous avez le pouvoir et le devoir, monsieur le ministre, de conduire cette réforme dans une logique d'aménagement du territoire.
Vous pouvez, pour cela, vous appuyer sur une expérience : les agents du ministère des affaires étrangère installés à Nantes ont certainement une qualité de vie bien supérieure à nombre de leurs homologues parisiens. Vous inspirerez-vous de cet exemple et des aspirations de la plupart des fonctionnaires à une meilleure qualité de vie pour redessiner la carte de la fonction publique de l'avenir ?
Le Gouvernement livre, avec ce projet de loi, un combat permanent et ancien, puisque le premier plan de titularisation remonte à 1950. Ce rocher de Sisyphe moderne a résisté à un changement de République et à de multiples gouvernements, appartenant aux majorités les plus diverses.
Monsieur le ministre, nos attentes sont à la hauteur de l'enjeu. Les injustices doivent tous nous mobiliser ! (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste et du RPR.)
M. le président. La parole est à Mme Cerisier-ben Guiga.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Monsieur le ministre, je prends acte des propos que vous avez tenus sur l'emploi précaire dans les services de l'Etat à l'étranger. C'est un engagement ferme de réduire la précarité que connaissent les agents contractuels de l'Etat français dans le monde que vous avez pris ainsi, et je vous en sais gré.
Mais il est certain que les difficultés que connaissent ces personnels dépassent de beaucoup le cadre de ce projet de loi. Il faut rappeler que quatre grandes catégories d'emplois sont précaires dans les services de l'Etat à l'étranger. Le dénombrement que j'en ferai n'est pas exhaustif. En tout cas, 20 000 personnes sont concernées, dont 25 % de Français.
Les services du réseau diplomatique et consulaire emploient plus de 5 000 recrutés locaux sur des postes administratifs de fonctionnaires.
Le réseau culturel en emploie 5 200, dont 1 000 Français contractuels et vacataires.
L'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, l'AEFE, en emploie 10 000, dont 5 000 enseignants.
Quelques centaines d'assistants techniques contractuels, issus du secteur privé, sont en fonction, sans garantie de réemploi en France à l'issue de leur mission.
Il s'agit d'effectifs importants en pourcentage du total des agents de l'Etat à l'étranger.
Dans le réseau diplomatique et consulaire, les recrutés locaux contractuels et vacataires représentent 61 % du personnel total et 75 % de la catégorie C. Dans le réseau culturel, les contractuels et les vacataires représentent au moins 90 % du personnel.
A l'AEFE, la moitié des enseignants sont recrutés locaux.
Un ministre qui a récemment quitté le Gouvernement se scandalisait que les entreprises aient 10 % de personnels permanents en CDD. L'Etat fait bien pis à l'étranger et il est généralement très mauvais employeur au niveau tant des pratiques sociales que des salaires.
M. Aymeri de Montesquiou. C'est vrai !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Par un télégramme du 13 novembre 1999, le ministre des affaires étrangères a donné les grandes lignes d'un plan d'action pour le recrutement local qui dessine, en creux, l'image de relations sociales dignes du XIXe siècle. Il est ainsi recommandé de respecter enfin le droit local, ce qui signifie qu'il n'est toujours pas respecté. Des instructions sont données pour l'information des agents, pour la transparence des recrutements, pour l'élaboration de grilles de salaires, pour l'assurance maladie des agents ; en pratique, tout cela est très peu respecté.
Pour ma part, je peux témoigner que, en dépit de quelques exceptions heureuses dues à la personnalité du chef de poste, ambassadeur ou consul, l'arbitraire règne toujours en matière de recrutement, de licenciement et de salaires. Ainsi, il sufffit de placer une assistante bilingue diplômée bac + 5 dans la catégorie des agents de bureau et de ne pas lui communiquer la grille de salaire en vigueur pour la payer une misère. Je dis « la » parce qu'il s'agit généralement de femmes.
L'ambassadeur Amiot signale des pratiques de licenciement, souvent abusifs et sans indemnités, pour l'année 1998 ; on en relève 180 dans les six premiers mois de l'année pour le seul réseau diplomatique et consulaire. Ce n'est pas peu !
Je reconnais que des progrès ont été faits pour l'assurance maladie des agents français, mais ce n'est pas le cas pour les étrangers. Aux Etats-Unis, la modicité de rémunération de nos agents contractuels américains ne leur permet pas de disposer d'une assurance maladie.
Le recours à la vacation horaire est un moyen courant, surtout dans les services culturels, pour éviter de respecter les droits sociaux.
En fin de contrat, aucune indemnité de licenciement ou de fin de contrat n'est versée.
Pour conclure, je dirai que notre présence à l'étranger, dans les ambassades et les consulats, au sein de notre réseau culturel, dans les écoles, dans l'assistance technique, repose encore, en dépit des déclarations d'intention, sur l'exploitation des personnels de recrutement local, qui, je le répète, sont majoritairement des femmes.
Le ministère des affaires étrangères a vu son budget trop diminuer au cours des 15 dernières années, le nombre de ses emplois trop baisser - il en a perdu plus de 1 000 en dix ans - pour pouvoir faire fonctionner dignement, dans le respect des droits de tous ses personnels, son réseau diplomatique, culturel, scolaire et de coopération.
Je terminerai sur une métaphore : la présence officielle de la France à l'étranger, c'est le XVIIIe siècle élégant au salon et le sombre XIXe siècle à l'office. C'est une situation que, par cette loi ou par les mesures à venir, conformément à vos engagements, monsieur le ministre, le gouvernement de Lionel Jospin doit corriger au plus tôt. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, quatre ans après la loiPerben sur la résorption de l'emploi précaire dans la fonction publique, il nous est aujourd'hui proposé de nous pencher à nouveau sur la situation des effectifs de non-titulaires dans la fonction publique. Est-ce à dire que la loi Perben n'a pas atteint son objectif ? Je ne le crois pas.
Pour illustrer mon propos, je prendrai comme exemple celui de la fonction publique territoriale, que je connais de différents points de vue : en tant que maire, comme président de la commision « fonction publique » à l'Association des maires de France, l'AMF et aussi comme président d'un centre de gestion.
Le dispositif mis en place dans la loi de 1996 visait surtout à corriger les effets induits par l'étalement de la construction statutaire sur presque dix ans et, à ce titre, ce sont les non-titulaires des dernières filières publiées qui ont été essentiellement concernés, dans la mesure où ceux-ci n'avaient pas eu la possibilité de passer plusieurs fois le concours correspondant à leur emploi.
Les secteurs concernés étaient, pour une part, ceux de la filière médico-sociale, pour lesquels les concours réservés ont, dans l'ensemble, été organisés de manière satisfaisante. En revanche, pour l'autre part relative aux filières sportive et culturelle, et en particulier le secteur de l'enseignement artistique, je regrette que la faiblesse du nombre de concours organisés ait conduit à une restriction du champ d'application de la loi Perben. Mon collègue Dominique Perben s'est ému à plusieurs reprises de cette inapplication préjudiciable à de nombreux personnels, dont les professeurs de musique ; je pense que cela ne vous a pas échappé, monsieur le ministre.
Par ailleurs, une part importante de non-titulaires, notamment ceux des filières administratives et techniques, n'était pas touchée par ce dispositif.
Les mesures proposées dans le premier volet du projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui apparaissent ainsi comme un complément et la continuation du dispositif engagé en 1996. On ne peut donc qu'y être favorable, sous réserve, monsieur le ministre, que les concours réservés soient effectivement organisés et rapidement.
Mais, plus largement, il conviendra de s'interroger sur les dysfonctionnements qui conduisent en partie à la reconstitution permanente des effectifs de non-titulaires, notamment la pénurie dans certains cadres d'emplois tels que celui des administrateurs ou les difficultés relatives à l'insuffisante mutualisation de la prise en charge de la formation initiale des lauréats de concours.
Je voudrais aussi attirer votre attention sur les emplois-jeunes, et souhaiterais connaître, monsieur le ministre, les types de concours qui leur seront proposés pour mettre fin à la précarité de leur emploi, surtout - vous le savez bien, mes chers collègues -, que nombre d'entre eux occupent des emplois de l'administration.
S'agissant du deuxième volet relatif à la modernisation du recrutement, l'objectif d'éviter la reconstitution des effectifs d'agents en situation précaire est tout à fait louable. Bien entendu, c'est sur les moyens pour y parvenir que portera la discussion.
A ce titre, je souhaite attirer votre attention sur la situation des 32 000 communes de moins de 2 000 habitants, comme l'a fait avec beaucoup de pertinence notre rapporteur M. Daniel Hoeffel : la difficulté de recrutement de personnel à temps non complet à laquelle nous nous heurtons depuis des années nous avait conduits à demander à ce que soit expressément autorisé le recrutement d'agents non titulaires, à défaut d'avoir trouvé un fonctionnaire. Ce dispositif visait non pas à constituer des emplois précaires, mais bien à permettre le bon fonctionnement des collectivités.
Je tiens à souligner que nous sommes nombreux à encourager ces agents à se présenter aux concours. Par ailleurs, nous utilisons pleinement les services de remplacement mis en place par les centres de gestion. C'est pourquoi nous priver de cette possibilité qui permet d'assurer la continuité du service public dans les zones rurales me paraît une erreur.
Dans le même ordre d'idée, je proposerai que soit simplifiée la procédure d'embauche pour faire face aux besoins occasionnels.
Enfin, sur cette question de l'emploi dans les petites communes, je souhaite vous rappeler la nécessité d'autoriser certains agents qui effectuent quelques heures au service de l'administration à compléter leur activité professionnelle dans le secteur privé - cela permettrait à ces agents d'avoir un revenu décent et aux communes rurales d'assurer le service public - et ce par une disposition législative, le renvoi à des décrets d'application, comme le prévoit la loi de modernisation de l'agriculture ou celle qui est relative à l'organisation et la promotion des activités sportives, s'étant révélé complètement inopérant.
A ce propos, je rappelle devant la Haute Assemblée que la loi du 1er février 1995 de modernisation de l'agriculture prévoit, à l'article 45, amendé par mes soins à l'époque, les dispositions suivantes : « Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions dans lesquelles une personne exerçant à titre principal une activité professionnelle non salariée agricole peut occuper à titre accessoire un emploi à temps non complet dans une collectivité locale. » Nous attendons toujours le décret en Conseil d'Etat. Comme l'a souligné notre rapporteur, c'était une première avancée. Je rappelle que, à l'époque, vous aviez vous-même défendu devant la Haute Assemblée le texte qui porte aujourd'hui le nom de « loi Hoeffel ». Pour ma part, j'avais déposé un amendement qui tendait à permettre le cumul entre une activité publique et une activité privée. Cet amendement avait été adopté par le Sénat et rejeté par l'Assemblée nationale. Je l'avais déposé de nouveau devant la Haute Assemblée, et à l'époque, vous m'aviez demandé, monsieur Hoeffel, de bien vouloir le retirer, au motif que le Gouvernement procéderait à la mise en oeuvre de ce dispositif par des mesures dérogatoires.
Aujourd'hui, je suis heureux de constater que l'initiative vient de celui qui avait alors présenté le texte et qui est aujourd'hui le rapporteur du nouveau texte. Cela me laisse à penser qu'un consensus pourra peut-être se dessiner sur ce dossier au sein de la Haute Assemblée. En effet, j'ai également constaté des avancées significatives sur les travées de gauche de cet hémicycle, ce qui démontre que, en définitive, il ne faut jamais désespérer de quoi que ce soit. Tout peut arriver !
Je suis persuadé, monsieur le ministre, que vous accepterez la disposition qui vous est proposée par la commission des lois, disposition que nous soutiendrons avec mon collège Daniel Eckenspieller.
S'agissant des améliorations de la gestion prévisionnelle des emplois et des effectifs dans les collectivités, je me félicite de la reconnaissance du travail accompli par les centres de gestion, qui sont au coeur de la gestion de la fonction publique. Les missions de concertation dont ils auront la charge ne peuvent que renforcer la gestion locale et favoriser la décentralisation de la gestion.
En revanche, il est dommage que cette action des quatre-vingt-quinze centres de gestion ne puisse être coordonnée et que les données sur les emplois et les effectifs qu'ils détiennent ne puissent être mises en réseau, en disposant pour cela d'un minimum de support logistique.
C'est pourquoi, monsieur le ministre, je vous demande de prolonger notre démarche. Tel est l'objet des amendements que je proposerai sur ce point. Il est souhaitable que soient incitées, voire créées, les conditions d'une réelle prise en compte du réseau informatique mis en place par de nombreux centres de gestion, dont l'intérêt pour les élus, et plus largement pour les usagers de l'administration, est certain. Je me réjouis d'ailleurs qu'il figure sur le portail « service-public.fr » dont vous êtes à l'origine et mis en oeuvre par la Documentation française. Son utilité est une évidence.
Sur le troisième volet relatif à l'application des 35 heures dans les collectivités territoriales, je serai beaucoup plus bref.
La disposition législative ne traite pas des mesures concrètes envisagées. Toutefois, j'émets le souhait que les mesures relatives à l'aménagement du temps de travail puissent enfin permettre une organisation du temps de travail des agents à temps non complet sur un autre cycle que le seul cycle hebdomadaire. Une telle mesure serait sûrement de nature à réduire le recrutement de non-titulaires sur les emplois à temps non complet liés au rythme scolaire et s'inscrirait bien dans le cadre de la résorption de l'emploi précaire dans la fonction publique territoriale.
Permettez-moi de douter de l'efficacité de cette disposition, mais, surtout, de relever les difficultés que ne manqueront pas de rencontrer les petites communes rurales du fait de l'application de la loi sur les 35 heures.
Je suis maire d'une commune de 183 habitants. J'ai un secrétaire de mairie à temps partiel, un employé de voirie et un emploi-jeune. Comme vous le voyez, j'ai joué le jeu des emplois-jeunes dans ma petite collectivité !
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Le tiers des emplois !
M. Alain Vasselle. Oui ! mais je ne pourrai pas pérenniser l'emploi-jeune, parce que mes moyens ne me le permettront pas. En ce qui concerne l'agent de voirie, qui travaille trente-neuf heures et prend les congés que la loi prévoit, l'application de la loi sur les 35 heures priverait ma petite commune d'une partie du travail qu'il fournit et je ne pourrai pas compenser cette perte par le recrutement d'un autre agent : comment arriverai-je à trouver quelqu'un qui acceptera de ne travailler que quinze ou vingt heures pour me permettre de respecter les 35 heures ? Un réel problème d'application de la loi se posera ; je me permets d'attirer votre attention sur ce point.
Je crois savoir que des mesures dérogatoires pourraient être prises afin d'apporter une certaine souplesse dans la mise en oeuvre de la loi sur les 35 heures. Je souhaite toutefois que vous puissiez nous en donner la confirmation, monsieur le ministre, de manière à rassurer la majorité des maires des communes rurales. (Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Penne.
M. Guy Penne. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en octobre 1999, alors que M. Zuccarelli était ministre de la fonction publique, j'étais intervenu sur les conséquences à tirer de la jurisprudence Berkani et pour faire appel à une prise de conscience nécessaire sur la situation des recrutés locaux à l'étranger.
Ces personnels sont en constante augmentation, car la faiblesse de son budget ne permet pas au ministère des affaires étrangères de faire face, uniquement avec des fonctionnaires, à toutes les missions qui lui incombent. Il est flatteur de dire que nous avons le deuxième réseau diplomatique du monde, mais il est inquiétant de voir que, sans les « supplétifs », comme ils se nomment entre eux, les ambassades, consulats et autres établissements culturels ne fonctionneraient pas.
J'avais souhaité, voilà un peu plus d'un an, que le Gouvernement s'engage à étudier « rapidement », avais-je osé dire, cette question, pour corriger l'image de notre Etat en la matière, qui est celle d'un mauvais employeur et qui nuit, en fait, à notre action diplomatique.
M. Zuccarelli n'avait pas soutenu l'amendement que j'avais déposé, mais il s'était engagé à organiser une réunion de travail, qui concerne quelques milliers de personnes qui oeuvrent pour la France.
Le Gouvernement n'avait certes pas souhaité cela mais, après les navettes entre les deux assemblées, la situation de nos compatriotes concernés s'est trouvé aggravée.
Je ne reviendrai pas sur ce qui a été dit par ma collègue, Monique Cerisier - ben Guiga. Vous trouverez la continuité de ma pensée dans le soutien que j'apporte, notamment, aux deux amendements sur l'article 1er, déposés au nom du groupe socialiste, en particulier sur l'initiative de Mme Cerisier - ben Guiga, M. Biarnès, M. Debarge - en sa qualité d'ancien ministre de lacoopération, il connaît bien ces problèmes - et Mme Pourtaud.
En conclusion, je résumerai mon propos en trois points.
Premièrement, les contractuels à l'étranger n'occupent-ils pas des emplois précaires, monsieur le ministre ? Pourquoi n'ont-ils pas, comme leurs collègues en France, les mêmes possibilités de recrutement dans la fonction publique ? De la même façon qu'après le texte de M. Zuccarelli, j'espère qu'après l'adoption du texte de Michel Sapin leur situation ne sera pas rendue plus difficile encore.
Deuxièmement, s'agissant de la promesse faite par M. Zuccarelli, que vous avez déclaré reprendre à votre compte en ce qui concerne le rapport d'étape, pourriez-vous nous dire, monsieur le ministre, dans quels délais vous pensez mettre en oeuvre cette mesure.
Troisièmement, nous savons que, pour la fonction territoriale, les situations sont complexes, et elles le sont certainement beaucoup plus pour les personnels à l'étranger, tant les responsabilités et les localisations géographiques où elles sont exercées multiplient les cas d'espèces. Mais un texte généraliste peut prévoir des dérogations.
Dans cet hémicycle, avec quelques collègues, nous sommes disposés à aider le Gouvernement et à participer à toute séance de travail utile que vous voudrez bien organiser, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les travées socialistes, sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, sur certaines travées du RDSE et sur les travées de l'Union centriste.)
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Je n'interviendrai pas longuement, mais je souhaite vous remercier, les uns et les autres, pour l'appréciation, résultant d'un travail approfondi, qui a été la vôtre sur ce projet de loi. Le plus souvent, cette appréciation a été positive, même si, selon les préoccupations des uns et des autres, elle a été plus ou moins positive.
De nombreuses questions ont été posées au cours de cette discussion générale, mais il me semble qu'elles trouveront leur traduction dans l'examen des amendements qui va maintenant s'engager. C'est bien entendu à cette occasion que j'apporterai des réponses plus concrètes aux problèmes soulevés, mais je voulais d'ores et déjà vous remercier, mesdames, messieurs les sénateurs, de la qualité de vos interventions.
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
Nous passons à la discussion des articles.

TITRE Ier

DISPOSITIONS RELATIVES À LA RÉSORPTION
DE L'EMPLOI PRÉCAIRE

Chapitre Ier

Dispositions concernant la fonction publique
de l'Etat

Article 1er



M. le président.
« I. - Par dérogation à l'article 19 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, et sous réserve des dispositions de l'article 2 ci-dessous, peuvent être ouverts, pour une durée maximum de cinq ans à compter de la date de publication de la présente loi, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat, des concours réservés aux candidats remplissant les conditions suivantes :
« 1° Justifier avoir eu, pendant au moins deux mois au cours de la période de douze mois précédant la date du 10 juillet 2000, la qualité d'agent non titulaire de droit public de l'Etat ou des établissements publics locaux d'enseignement, recruté à titre temporaire et ayant exercé des missions dévolues aux agents titulaires ;
« 2° Avoir été, durant la période définie au 1° ci-dessus, en fonctions ou avoir bénéficié d'un congé en application du décret pris sur le fondement de l'article 7 de la loi du 11 janvier 1984 susmentionnée ;
« 3° Justifier, au plus tard à la date de nomination dans le corps, des titres ou diplômes requis des candidats au concours externe d'accès au corps concerné ou, pour l'accès aux corps d'enseignement des disciplines technologiques et professionnelles, des candidats au concours interne. Les candidats peuvent obtenir la reconnaissance de leur expérience professionnelle en équivalence des conditions de titres ou diplômes requises pour se présenter aux concours prévus par le présent article. Un décret en Conseil d'Etat précise la durée de l'expérience professionnelle prise en compte en fonction de la nature et du niveau des titres ou diplômes requis ;
« 4° Justifier, au plus tard à la date de clôture des inscriptions au concours, d'une durée de services publics effectifs au moins égale à trois ans d'équivalent temps plein au cours des huit dernières années.
« II. - Peuvent également être ouverts, pendant une durée maximum de cinq ans à compter de la date de publication de la présente loi, des concours réservés aux candidats, recrutés à titre temporaire et ayant exercé des missions dévolues aux agents titulaires, qui satisfont aux conditions fixées aux 2°, 3° et 4° du I ci-dessus et remplissent l'une des conditions suivantes :
« - justifier avoir eu, pendant la période définie au 1° du I ci-dessus, la qualité d'agent non titulaire de droit public des établissements publics de l'Etat, autres que les établissements publics locaux d'enseignement et que ceux à caractère industriel et commercial, mentionnés à l'article 2 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
« - justifier avoir eu, pendant la même période, la qualité d'agent non titulaire des établissements d'enseignement figurant sur la liste prévue à l'article 3 de la loi n° 90-588 du 6 juillet 1990 portant création de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger.
« Les fonctions exercées par les intéressés doivent correspondre à des emplois autres que ceux mentionnés à l'article 3 de la loi du 11 janvier 1984 susmentionnée ou que ceux prévus par toute autre disposition législative excluant l'application du principe énoncé à l'article 3 de la loi du 13 juillet 1983 susmentionnée.
« III. - Les concours réservés prévus aux I et II ci-dessus sont organisés pour l'accès à des corps de fonctionnaires dont les statuts particuliers prévoient un recrutement par la voie externe. En outre, les corps d'accueil de catégorie A concernés sont ceux mentionnés à l'article 80 de la loi du 11 janvier 1984 susmentionnée.
« Pendant une durée maximum de cinq ans à compter de la date de publication de la présente loi, l'accès des candidats remplissant les conditions fixées au I ci-dessus aux corps de fonctionnaires de l'Etat classés dans la catégorie C prévue à l'article 29 de la loi du 11 janvier 1984 susmentionnée peut se faire, sans préjudice des dispositions prévues à l'article 12 ci-dessous, par la voie d'examens professionnels, selon des modalités déterminées par décret en Conseil d'Etat.
« Les candidats ne peuvent se présenter qu'aux concours ou examens professionnels prévus par le présent article donnant accès aux corps de fonctionnaires dont les missions, telles qu'elles sont définies par les statuts particuliers desdits corps, relèvent d'un niveau de catégorie au plus égal à celui des fonctions qu'ils ont exercées pendant une durée de trois ans au cours de la période de huit ans prévue au 4° du I ci-dessus. »
Par amendement n° 1, M. Hoeffel, au nom de la commission, propose, dans le deuxième alinéa (1°) du I de cet article, de remplacer les mots : « deux mois » par les mots : « quatre mois ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Cet amendement tend à porter de deux mois à quatre mois la condition de durée de présence au cours de l'année de référence. Nous estimons, en effet, qu'une période de deux mois n'est pas suffisante pour garantir le lien entre l'agent et la collectivité dans laquelle il va être intégré.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Le Gouvernement n'est pas favorable à cet amendement. Je voudrais m'en expliquer en quelques mots, et je pense que M. le rapporteur sera sensible à mes arguments.
Je rappelle d'abord à la Haute Assemblée, qui s'en souvient certainement, que la loi actuelle, qui restera en vigueur jusqu'à la fin de cette année, prévoit non pas une condition de durée de présence calculée en mois, mais la présence au 14 mai 1996, c'est-à-dire que le contractuel peut éventuellement avoir pris ses fonctions la veille ou l'avant-veille, ce qui, vous l'avouerez, manifeste une qualité de relation entre la collectivité et la personne bien inférieure encore à celle qui est définie par le texte que je vous présente aujourd'hui.
Je voudrais surtout vous rappeler que, parmi les conditions cumulatives fixées, il en est une très importante, à savoir que la personne doit avoir exercé trois années d'équivalent temps plein au cours des huit dernières années.
Un contractuel qui aura servi pendant trois ans équivalent temps plein au cours des huit dernières années aura eu de vraies relations, des relations suivies avec la collectivité territoriale en question. Il vaudrait mieux éviter, par cet allongement à quatre mois, de créer des situations qui seraient perçues par les personnes susceptibles d'être concernées comme une injustice.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 1.
M. Jacques Mahéas. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Mahéas.
M. Jacques Mahéas. Le groupe socialiste s'incrit contre cet amendement et fait siennes les raisons invoquées par le Gouvernement.
Toutefois, nous attirons l'attention sur le fait que ce dispositif est issu d'un protocole d'accord signé par six organisations syndicales sur sept. Un quasi-consensus donc, qu'il serait assez anormal de briser.
De plus, on a bien vu qu'à force d'ajouter des conditions aux conditions, la loi Perben n'avait pas produit tous ses effets. De la même manière, nous risquons d'ajouter un obstacle supplémentaire, certes modeste, mais d'avoir ainsi moins de candidats au recrutement. Or, vous en conviendrez, plus il y a de candidats aux concours et meilleur est le choix, compte tenu du jeu de la concurrence. Je pense donc qu'il serait sage de maintenir à deux mois ce délai.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 1, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 43, Mme Borvo, M. Bret et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, dans le deuxième alinéa (1°) du I de l'article 1er, après les mots : « de droit public », d'insérer les mots : « ou de droit privé ».
La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Dans un souci de célérité, monsieur le président, je souhaiterais défendre également les amendements n°s 44, 45 rectifié et 46.
M. le président. J'appelle donc les amendements n°s 44, 45 rectifié et 46, présentés par Mme Borvo, M. Bret et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 44 tend, dans le deuxième alinéa (1°) de l'article 1er, après les mots : « de droit public », à insérer les mots : « ou de contrats aidés ».
L'amendement n° 45 rectifié vise, après les mots : « de l'Etat », à rédiger ainsi la fin du deuxième alinéa (1°) du I de l'article Ier : « ou des établissements d'enseignement public, ainsi que des établissemenents publics à caractère industriel et commercial, assurant des missions de service public dévolues aux agents titulaires ; ».
Enfin, l'amendement n° 46 a pour objet, après les mots : « d'agent non titulaire de droit public », de rédiger ainsi la fin du deuxième alinéa du II de l'article 1er : « ou de droit privé ou de contrats aidés des établissements publics mentionnés à l'article 2 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, ainsi que des établissements publics à caractère industriel ou commercial, ou d'agent non titulaire des établissements d'enseignement figurant sur la liste prévue à l'article 3 de la loi n° 90-588 du 6 juillet 1990 portant création de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, assurant des missions de service public dévolues aux agents titulaires ; ».
Veuillez poursuivre, madame Borvo.
Mme Nicole Borvo. Cette série d'amendements, comme vous le constatez, vise à élargir le dispositif proposé dans le cadre de la résorption de la précarité dans la fonction publique.
J'ai évoqué, dans la discussion générale, La Poste. On sait ce qui a présidé au statut de 1990.
Compte tenu de la réalité d'aujourd'hui, notamment dans le cadre de l'accord sur la réduction du temps de travail à La Poste, qui prévoit que 50 % du personnel contractuel de La Poste seront à temps complet au 31 décembre 2000, il me semble que plus rien ne justifie le recours massif à du personnel contractuel. La spécificité de certaines fonctions ne peut donc être invoquée pour entériner une situation anormale.
On sait que, dans les faits, une très large majorité de personnels exerce les mêmes fonctions et les mêmes obligations que les fonctionnaires, avec les mêmes horaires et les mêmes services.
Au sein des services de La Poste coexistent des contractuels de droit privé et des contractuels de droit public. Le texte qui nous est proposé prévoit une titularisation des personnels contractuels de droit public. Dès lors, rien ne devrait faire obstacle à l'application du projet de loi que nous examinons au moins pour une titularisation des personnels contractuels de droit public de La Poste.
Pour nous, La Poste est au coeur même des missions du service public et reste, dans bien des lieux, le seul lien de nos compatriotes avec le service public, notamment en zone rurale.
En outre, la notion d'établissement public industriel et commercial ne saurait être utilisée dans le seul but de fragiliser le service public, notamment du fait de la précarité des personnels, dès lors que les missions exercées sont des missions de service public.
Dans un contexte d'ouverture à la concurrence des services postaux, peut-être serait-il opportun que notre pays, et donc la représentation nationale, réaffirme son attachement à la défense des services publics, notamment à la défense du service public postal.
Par notre amendement n° 43, nous proposons d'intégrer au dispositif les personnels de droit privé de l'Etat, des établissements d'enseignement public et des établissements publics à caractère industriel et commercial.
L'amendement n° 45 tend, lui, à rendre éligibles à ce dispositif l'ensemble des personnels recrutés sous contrats aidés tels que les contrats emploi-solidarité, les contrats emplois consolidés ou les emplois-jeunes.
Enfin, l'amendement n° 46, vise à élargir le champ d'application du projet de loi à l'ensemble des établissements publics industriels et commerciaux.
Sur les emplois-jeunes, nous n'avons pas la volonté, comme je l'ai déjà dit, de titulariser l'ensemble des bénéficiaires de ces contrats. Nous souhaitons, cependant, par souci de justice sociale et d'égalité des chances, que tous ces personnels puissent, au même titre et dans les mêmes conditions, accéder aux concours et aux examens professionnels des cadres d'emplois existants et à venir.
Je rappelle que mon groupe avait vivement souhaité que la loi de 1997 relative au développement d'activités pour l'emploi des jeunes qualifie les contrats emplois-jeunes de droit public. Cette qualification leur aurait permis notamment d'entrer dans le champ d'application du protocole d'accord du 10 juillet 2000.
Comme cela a été dit, les emplois-jeunes sont financés à 80 % par l'Etat et ils sont très largement employés par des personnes morales de droit public. Donc, je pense qu'aujourd'hui rien ne justifie leur exclusion de ce dispositif.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 43, 44, 45 rectifié et 46 ?
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur les quatre amendements, qui excèdent le champ d'application d'un projet de loi relatif, je le rappelle, à la fonction publique.
M. Alain Vasselle. C'est de la démagogie !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Mon raisonnement sera parallèle à celui de M. le rapporteur.
Je vous rappelle, madame Borvo, que ce protocole, en fonction duquel je vous propose aujourd'hui l'adoption de ce projet de loi, a été signé par six organisations sur sept, soit, en termes de représentativité, plus de 75 % des fonctionnaires, ce qui est tout à fait considérable.
Tous ces projets ont été abordés au cours de la négociation et, au bout du compte, les dispositions proposées n'ont pas été intégrées dans le protocole d'accord. Même si, bien entendu, le Parlement est souverain et ne saurait être tenu par un accord liant l'Etat avec les organisations syndicales, accord qui, d'ailleurs, n'est pas un contrat, mais qui est seulement un engagement de l'Etat à formuler, devant le Parlement, un certain nombre de propositions - je ne vous suggère pas de reprendre des débats qui ont déjà eu lieu lors de cette négociation.
Je reviens d'un mot sur les emplois-jeunes, qui ont été évoqués par un certain nombre d'entre vous. Autant nous nous attachons à faire en sorte que la formation des emplois-jeunes soit réelle, que leur soient offertes des possibilités de concours dans les fonctions publiques - fonction publique de l'Etat, fonction publique territoriale ou fonction publique hospitalière - et que soient adaptés ces concours, autant nous estimons qu'il n'y a pas de droit à titularisation pour les bénéficiaires de ces emplois-jeunes.
Il me paraît légitime que nous nous préoccupions de leur avenir, et telle est la préoccupation de tous ceux qui les emploient, mais nous ne pouvons pas leur donner le droit par là même d'entrer dans la fonction publique, sauf à excéder les engagements que les employeurs avaient pris vis-à-vis de ces jeunes au moment de la signature des contrats.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 43.
M. Jacques Mahéas. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Mahéas.
M. Jacques Mahéas. Le groupe socialiste est attentif à la situation des postiers, des CES titulaires de contrats emploi-solidarité, de contrats emplois consolidés et des emplois-jeunes. M. le ministre, en donnant sa position a expliqué aussi la nôtre à cet égard. Cela étant, nous ne pouvons pas amalgamer les situations. Les dispositions proposées relèvent d'une autre réflexion et n'ont pas leur place dans ce texte. Nous ne pourrons donc pas voter ces amendements.
M. Jean-Pierre Schosteck. C'est la majorité plurielle !
M. Alain Vasselle. Voilà ce que cela donne !
M. Claude Domeizel. C'est cela, le débat !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 43, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 44, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 45 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 46, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. Ivan Renar. J'en connais un qui était tout seul, à Londres !
M. le président. Par amendement n° 74, Mmes Cerisier-ben Guiga, Durrieu, M. Penne et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après le deuxième alinéa (1°) du I de l'article 1er, un nouvel alinéa ainsi rédigé :
« ...° - Justifier avoir eu la qualité d'agent non titulaire dans les services de l'Etat à l'étranger conformément au paragraphe V de l'article 34 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000. »
La parole est à Mme Cerisier-ben Guiga.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Je souhaite, monsieur le président, présenter en même temps l'amendement n° 75, car il porte également sur des catégories de personnels travaillant à l'étranger.
M. le président. J'appelle donc l'amendement n° 75, présenté par Mme Cerisier-ben Guiga, M. Penne, Mme Durrieu et les membres du groupe socialiste et apparentés, et tendant à insérer, après le troisième alinéa du II de l'article 1er, un alinéa ainsi rédigé :
« - justifier avoir eu, pendant la même période, la qualité d'agent non titulaire des établissements français à l'étranger conventionnés avec l'AEFE conformément à l'article 25 de la loi n° 96-452 du 28 mai 1996. »
Veuillez poursuivre, madame Cerisier-ben Guiga.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Par l'amendement n° 74, le groupe socialiste souhaite obtenir que l'accès aux concours réservés soit ouvert aux agents contractuels de nationalité française des services à l'étranger du ministère des affaires étrangères dans les mêmes conditions qu'aux agents contractuels de l'Etat et des collectivités territoriales en France.
Il s'agit d'agents de nationalité française ou de citoyens européens qui occupent depuis quelques années des emplois de fonctionnaire. Normalement, si l'Etat avait respecté la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984, il n'aurait pu recruter de cette façon que des personnels de catégorie A ayant rang d'ambassadeur. En réalité, aujourd'hui, dans les consulats, les chancelleries diplomatiques, les services culturels et de coopération, au moins 1 200 agents de nationalité française, sans lesquels aucun de ces services ne fonctionnerait plus, sont employés de façon permanente ; 60 % d'entre eux ont plus de cinq années d'ancienneté. Les contrats à durée déterminée sont remplacés petit à petit par des contrats à durée indéterminée, pour respecter le droit local du travail. Mais ces agents ne bénéficient que d'une protection sociale lacunaire et n'ont pas de garantie de réemploi s'ils rentrent en France.
La loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 a légalisé cette pratique et soumis ces agents à des contrats de droit local, ce que nous avons jugé injuste et, Guy Penne le rappelait tout à l'heure, discriminatoire par rapport à leurs homologues de France et trop peu protecteur par rapport aux pratiques de mauvais employeur que j'ai évoquées dans la discussion générale.
Donner à ces agents la possibilité de se présenter à des concours internes serait reconnaître les services qu'ils rendent et leur ouvrir des perspectives d'avenir inexistantes actuellement.
Quant à l'amendement n° 75, il concerne l'accès aux concours réservés de l'éducation nationale qui, dans le texte de loi, est limité aux seuls recrutés locaux des établissements en gestion directe de l'agence pour l'enseignement français à l'étranger, l'AEFE. Or ces établissements, au nombre de soixante, ne représentent qu'un quart de l'ensemble des écoles dépendant de l'Agence. Les autres sont liés à l'Agence par des conventions et sont administrés par des associations, sous la direction d'un personnel détaché de l'éducation nationale.
Selon les pays et l'histoire, certains établissements sont en gestion directe, c'est-à-dire sous l'administration directe de l'Agence, donc de l'Etat français ; les autres sont conventionnés ; mais tous fonctionnent selon les mêmes modalités, emploient des personnels de même statut et concourent de la même manière au service public de l'éducation nationale.
Je sais bien qu'il faut placer le curseur quelque part dans un projet de loi tel que celui-là, mais, en matière d'accès du personnel enseignant ou administratif à des concours, le placer entre ces deux catégories d'établissements ne me paraît pas justifié. Cela entraîne l'exclusion du bénéfice de l'accès à ces concours de nombreux personnels de qualification identique ayant rendu les mêmes services.
L'exemple de la différence entre les écoles du Maroc, toutes en gestion directe, et celles de Côte d'Ivoire, toutes conventionnées, est typique. Le mécontentement, qui se traduit actuellement par un mouvement de grève sans précédent dans de nombreux établissements de l'étranger, est né largement de la précarité du sort de la moitié des enseignants du réseau. Il faut absolument y remédier, et ce texte pourrait être un premier pas en ce sens.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 74 et 75 ?
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Ces deux amendements soulèvent le réel problème de la position des Français qui, à l'étranger, oeuvrent pour notre pays. Mais je souhaiterais, avant de me prononcer, connaître d'abord l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Je voudrais, après vous, madame Cerisier-ben Guiga, et après Guy Penne, évoquer de nouveau la situation des agents recrutés sur place par les services de l'Etat à l'étranger sur des contrats de droit local ou pour des missions de coopération technique, pour souligner que le Gouvernement est attentif à leur situation, même si ces agents, pour un certain nombre de raisons, y compris juridiques, ne relèvent pas du présent projet de loi.
En effet, la loi relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration, dite « loi DCRA », qui a été adoptée il y a peu, prévoit que la situation de ces agents fera l'objet d'un rapport remis au Parlement en avril 2001. Ce rapport est nécessaire à la recherche de solutions adaptées à des situations extrêmement diverses, souvent complexes, parfois excessivement défavorables par rapport au niveau du droit et de la protection sociale connu dans notre pays, s'agissant, vous l'avez souligné, de conditions de recrutement, d'évolution de carrière, de transparence des rémunérations et d'assurance vieillesse.
Les agents concernés, qui sont, je ne l'oublie pas, majoritairement des femmes, ne peuvent pas rester à l'écart des progrès de la situation de l'ensemble des agents publics. Sachez donc que je m'emploierai, en collaboration, bien sûr, avec mon collègue ministre des affaires étrangères, à faire en sorte que ce dossier avance parallèlement à la mise en oeuvre de la présente loi.
Compte tenu de ces explications, je souhaiterais que vous retiriez ces deux amendements.
M. le président. Quel est maintenant l'avis de la commission ?
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Tout le problème est de savoir si les auteurs de ces amendements se rendent à l'appel du ministre.
M. le président. Les amendements n°s 74 et 75 sont-ils maintenus ?
M. Guy Penne. J'ai bien entendu les engagements pris par M. le ministre, ce qui est un peu rassurant. Quand il nous dit qu'il essaiera de voir avec son collègue le ministre des affaires étrangères comment résoudre la question, on comprend très bien que cela ne puisse pas se passer autrement. Cependant, comme on sait que le ministre des affaires étrangères gère un budget qui ne représente que 1 % du budget de la nation, on comprend que, compte tenu de tout ce qu'il y a à faire, il soit contraint de recourir à ce type d'emplois qui ne sont pas tout à fait « normaux ».
Malgré tout, je pense que M. le ministre, puisqu'il l'a dit, le fera et qu'il parviendra à convaincre M. Védrine du bien-fondé de nos remarques et qu'ils arriveront à convaincre M. Fabius et M. le Premier ministre de la nécessité d'abonder un peu les fonds indispensables pour répondre à ces propositions.
Par conséquent, monsieur le ministre, devant les engagements que vous prenez et vous connaissant depuis assez longtemps pour savoir que vous êtes un homme de parole, j'espère que vous pourrez tenir parole dans des délais raisonnables.
Telles sont les raisons pour lesquelles, en accord avec mes collègues ici présents, je retire ces deux amendements.
M. le président. Les amendements n°s 74 et 75 sont retirés.
Je suis maintenant saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 2, M. Hoeffel, au nom de la commission, propose, dans le troisième alinéa (2°) du I de l'article 1er, après le mot : « période », d'insérer les mots : « de quatre mois ».
Par amendement n° 100, le Gouvernement propose, dans le troisième alinéa (2°) du I de l'article 1er, après le mot : « période », d'insérer les mots : « de deux mois ».
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 2.
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de conséquence de l'amendement n° 1, qui a été adopté par le Sénat voilà quelques instants.
M. le président. La parole est à M. le ministre, pour défendre l'amendement n° 100 et pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 2.
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. L'amendement n° 100 est un amendement de cohérence avec le texte initial.
Quant à l'amendement n° 2, le Gouvernement émet un avis défavorable. En effet, si celui-ci était adopté, l'amendement n° 100 n'aurait plus d'objet.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 100.
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Défavorable !
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 2, repoussé par le Gouvernement.
M. Jacques Mahéas. Même argumentation que pour l'amendement n° 1.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 100 n'a plus d'objet.
Par amendement n° 97 rectifié, MM. Richert, Grignon, Lorrain, Ostermann, Haenel et Eckenspieller proposent de compléter l'article 1er par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - Peuvent être ouverts des concours réservés aux anciens Personnels civils étrangers (PCE) des Forces françaises stationnées en Allemagne (FFSA) qui ont été recrutés avant le 14 juillet 1990 (date de l'annonce du retrait des FFSA) et qui peuvent également accéder par voie d'intégration directe aux corps de fonctionnaires dont les fonctions correspondent à celles au titre desquelles ils ont été recrutés en Allemagne. »
La parole est à M. Eckenspieller.
M. Daniel Eckenspieller. Il s'agit d'apporter une réponse à un problème que M. le rapporteur connaît bien et qui se pose d'une manière récurrente dans les régions frontalières avec l'Allemagne. Les personnels civils étrangers recrutés par les Forces françaises stationnées en Allemagne avant l'annonce présidentielle de leur retrait, bien qu'ayant incontestablement servi en qualité d'agents non titulaires de droit public au sens de la jurisprudence Berkani de 1996, sont explicitement exclus du champ d'application du projet de loi dans l'exposé des motifs.
Aussi, par équité, et eu égard aux services que ces personnels ont rendus aux intérêts de la France outre-Rhin, notre amendement prévoit de les faire bénéficier du présent dispositif afin de leur permettre d'atteindre l'âge de la retraite dans la dignité.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Cet amendement nous rappelle, à certains égards, les deux amendements relatifs aux Français de l'étranger. En l'occurrence, et c'est incontestable, un problème se pose pour tous les personnels civils qui, avant 1990, ont oeuvré, souvent pendant de nombreuses années, au profit de notre pays. Ils ont souvent le sentiment, aujourd'hui, d'être abandonnés à leur sort, alors qu'ils ne le méritent pas.
Cela étant dit, là encore, il serait utile de connaître l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. S'agissant de ces personnels, qui méritent effectivement notre attention et notre respect, j'emploierai des mots similaires à ceux que j'ai utilisés pour les personnels que nous avons évoqués tout à l'heure à l'occasion de l'examen des amendements n°s 74 et 75.
Il est vrai que ces personnels méritent que nous y attachions importance. Ce sont des agents recrutés localement à la suite de l'installation des Forces françaises stationnées en Allemagne. Quelle que soit leur nationalité, ils sont recrutés sous l'empire d'un droit étranger, celui qui est applicable aux contrats de droit privé en Allemagne. Ils ne peuvent donc se prévaloir de la qualité d'agents publics. Cela est assez comparable à ce qui se passe pour les personnels des établissements conventionnés par l'AEFE, auxquels nous avons attaché de l'importance sans toutefois retenir les amendements qui les concernaient et qui étaient présentés par Mme Cerisier-ben Guiga.
Je formulerai donc la même demande que celle que j'ai adressée à vos deux collègues : sous le bénéfice des explications que j'ai formulées principalement à propos de leurs amendements, mais qui valent aussi pour le vôtre, monsieur le sénateur, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement.
M. le président. Monsieur Eckenspieller, l'amendement n° 97 rectifié est-il maintenu ?
M. Daniel Eckenspieller. Je me rends à vos arguments, monsieur le ministre, et je retire donc cet amendement. Cependant, je le fais avec regret, car le problème posé est douloureux et il nous est difficile d'y rester insensibles. Nous souhaiterions qu'une autre voie et d'autres moyens soient trouvés pour leur rendre justice.
M. le président. L'amendement n° 97 rectifié est retiré.
Personnel ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 1er, modifié.

(L'article 1er est adopté.)

Article 2



M. le président.
« Art. 2. - Pendant une durée maximum de cinq ans à compter de la date de publication de la présente loi, les candidats qui remplissaient les conditions fixées aux articles 1er et 2 de la loi n° 96-1093 du 16 décembre 1996 relative à l'emploi dans la fonction publique et à diverses mesures d'ordre statutaire et qui exerçaient des fonctions autres que celles du niveau de la catégorie C peuvent accéder à un corps de fonctionnaires, par voie d'examen professionnel, selon les modalités définies par décret en Conseil d'Etat. Toutefois, pour l'application du présent article, les conditions fixées aux articles 1er et 2 de la loi du 16 décembre 1996 susmentionnée s'apprécient à la date du 16 décembre 2000.
« Les candidats mentionnés à l'alinéa ci-dessus doivent en outre remplir les conditions suivantes :
« 1° Satisfaire aux conditions fixées aux 1° et 2° du I de l'article 1er de la présente loi ;
« 2° Justifier d'une durée de services publics effectifs complémentaire qui sera fixée par décret en Conseil d'Etat. » - (Adopté.)

Chapitre II

Dispositions concernant
la fonction publique territoriale

Article 3



M. le président.
« Art. 3. - Par dérogation à l'article 36 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, et pour une durée maximum de cinq ans à compter de la date de publication de la présente loi, les agents non titulaires des collectivités territoriales ou des établissements publics en relevant exerçant des fonctions correspondant à celles définies par les statuts particuliers des cadres d'emplois peuvent, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, être nommés dans un cadre d'emplois de la fonction publique territoriale, selon les modalités fixées aux articles 4 et 5 ci-dessous, sous réserve qu'ils remplissent les conditions suivantes :
« 1° Justifier avoir eu, pendant au moins deux mois au cours des douze mois précédant la date du 10 juillet 2000, la qualité d'agent non titulaire recruté en application de l'article 3 de la loi du 26 janvier 1984 susmentionnée ;
« 2° Avoir été, durant la période définie au 1° ci-dessus, en fonctions ou avoir bénéficié d'un congé en application du décret pris pour l'application de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 susmentionnée ;
« 3° Justifier, au plus tard à la date de la proposition de nomination dans le cadre d'emplois pour les agents relevant de l'article 4 ci-dessous, ou au plus tard à la date de la clôture des inscriptions aux concours pour les agents relevant de l'article 5 ci-dessous, des titres ou diplômes requis des candidats au concours externe d'accès au cadre d'emplois concerné. Les intéressés peuvent obtenir la reconnaissance de leur expérience professionnelle en équivalence des conditions de titres ou diplômes requises pour se présenter aux concours prévus par le présent article. Un décret en Conseil d'Etat précise la durée de l'expérience professionnelle prise en compte en fonction de la nature et du niveau des titres ou diplômes requis ;
« 4° Justifier, au plus tard à la date de la proposition de nomination dans le cadre d'emplois pour les agents relevant de l'article 4 ci-dessous, ou au plus tard à la date de la clôture des inscriptions aux concours pour les agents relevant de l'article 5 ci-dessous, d'une durée de services publics effectifs au moins égale à trois ans d'équivalent temps plein au cours des huit dernières années.
« Pour l'appréciation de cette dernière condition, les périodes de travail à temps non complet correspondant à une durée supérieure ou égale au mi-temps sont assimilées à des périodes à temps plein, les autres périodes de travail à temps non complet sont assimilées aux trois quarts du temps plein.
« Les cadres d'emplois ou, le cas échéant, les grades ou spécialités concernés par les dispositions du présent chapitre sont ceux au profit desquels sont intervenues des mesures statutaires prévues par le protocole d'accord du 9 février 1990 sur la rénovation de la grille des classifications et des rémunérations des trois fonctions publiques, ainsi que ceux relevant des dispositions de la loi du 16 décembre 1996 susmentionnée. »
Par amendement n° 47, Mme Borvo, M. Bret et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, dans le premier alinéa de l'article 3, de remplacer les mots : « des fonctions correspondant à celles définies par les statuts particuliers des cadres d'emplois » par les mots : « des fonctions exercées dans le cadre des missions permanentes du service public ».
La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. L'article 3, qui traite des conditions générales de titularisation des agents non titulaires, prévoit que ces derniers doivent exercer des fonctions correspondant à celles qui sont définies par les statuts particuliers des cadres d'emplois.
Cette condition nous semble restrictive dans la mesure où les cadres d'emplois existants sont loin de couvrir l'ensemble des métiers qui existent dans la fonction publique. Cela sous-entend également que l'on ne conçoit pas que de nouveaux cadres d'emplois soient créés.
Aussi souhaitons-nous une formulation plus souple, à savoir « des fonctions exercées dans le cadre des missions permanentes du service public ».
Cette rédaction laisse la porte ouverte aux précaires exerçant des fonctions pour lesquelles des aménagements statutaires pourraient voir le jour durant la durée de validité de la loi.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Pour les mêmes raisons que tout à l'heure, et cet amendement dépassant le cadre de la fonction publique proprement dit, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. J'émets le même avis, et mon raisonnement est celui que j'ai développé devant vous, madame Borvo, lors de l'examen des amendements n°s 43 à 46.
Cette question a été abordée au cours des discussions et des négociations. Au bout du compte, ce dispositif n'a pas été retenu dans l'accord signé par les organisations syndicales, parmi lesquelles, si ma mémoire est bonne, celle qui, dans les négociations, avait soutenu cette revendication.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 47, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 3, M. Hoeffel, au nom de la commission, propose, dans le deuxième alinéa (1°) de l'article 3, de remplacer les mots : « deux mois » par les mots : « quatre mois ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Il s'agit, là encore, d'un amendement de conséquence de l'amendement n° 1.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Par conséquent, avis défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 3, repoussé par le Gouvernement.
M. Jacques Mahéas. Même explication de vote que tout à l'heure !

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 71 rectifié, MM. Darniche et Durand-Chastel proposent, dans le deuxième alinéa (1°) de l'article 3, de remplacer les mots : « de l'article 3 » par les mots : « des articles 3 ou 47 ».
La parole est à M. Darniche.
M. Philippe Darniche. Cet amendement prévoit, dans le cadre du recrutement des agents non titulaires, d'élargir le dispositif aux personnes recrutées en application de l'article 47 de la loi du 26 janvier 1984. En effet, de nombreux agents recrutés sur le fondement de l'article 47 l'ont déjà été sur le fondement de l'article 3 dans un premier temps. Les plus compétents ont été nommés sur le fondement de l'article 47. Il me paraîtrait donc inéquitable qu'ils ne soient pas titularisés.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Cet amendement vise à étendre les mesures d'intégration directe et de concours réservés aux agents recrutés sur des emplois fonctionnels. Aussi, je ne peux qu'émettre un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Même avis !
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 71 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 48, Mme Borvo, M. Bret et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, dans la première phrase du quatrième alinéa (3°) et dans le cinquième alinéa (4°) de l'article 3, après les mots : « aux concours », d'insérer les mots : « ou aux examens professionnels ».
La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Mes explications vaudront également pour l'amendement n° 49, qui viendra ultérieurement en discussion.
Ces amendements visent à élargir les possibilités d'intégration en prévoyant, outre l'ouverture de concours réservés, la mise en place d'examens professionnels.
Nous sommes bien sûr attachés à la spécificité de la fonction publique, à son statut, à ses modalités de recrutement par le biais de concours, mais, dans bien des cas, l'examen professionnel peut se révéler une procédure appropriée, notamment dans les secteurs où n'existe pas de cadre d'emplois, ou encore dès lors que l'on veut valider les acquis professionnels. Je sais bien qu'il faut rester vigilant sur ce genre de procédure, mais je crois qu'il est tout de même intéressant de prévoir des examens professionnels.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Défavorable, pour des raisons similaires à celles qui ont été exposées tout à l'heure.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Même avis, pour les mêmes raisons.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 48, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 22 rectifié, MM. Demilly, Joly et de Montesquiou proposent, dans le cinquième alinéa (4°) de l'article 3, après les mots : « article 4 ci-dessous, », d'insérer les mots : « ou au plus tard à la date de la proposition de transformation de leur contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée pour les agents relevant de l'article additionnel (cf. amendement n° 23) ci-dessous. »
La parole est à M. de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Si vous le permettez, je défendrai en même temps l'amendement n° 23 rectifié, qui tend à insérer un article additionnel après l'article 4.
Pour la catégorie A, ne sont concernés que les cadres d'emplois retenus dans le protocole d'accord du 9 février 1990 et ceux qui l'étaient par la loi du 16 décembre 1996. Il n'est pas juste que certains agents non titulaires de catégorie A qui ont démontré qu'ils étaient capables d'assumer des fonctions spécifiques ne puissent bénéficier d'une telle intégration.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. En l'occurrence, il s'agit du vaste problème de l'inadéquation entre les statuts particuliers et les métiers qui sont réellement exercés dans les collectivités locales, car les métiers évoluent rapidement au sein de celles-ci.
Avant de nous exprimer sur cet amendement, nous serions heureux de connaître la position du Gouvernement sur les mesures d'adaptation des statuts particuliers qui peuvent être envisagées. Si des engagements sont pris en ce qui concerne des efforts à entreprendre pour cette adéquation, nous aviserons avec les auteurs de ces dispositions.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Cette question a été abordée par plusieurs d'entre vous lors de la discussion générale.
Le problème est de faire en sorte que les décisions de création d'un certain nombre de cadres d'emplois soient prises suffisamment rapidement, au rythme de l'apparition de nouveaux métiers et de nouvelles qualifications, dirai-je, pour permettre de recruter dans ces cadres d'emplois dans de bonnes conditions. C'est - monsieur le rapporteur, vous avez raison - l'une des missions confiées au ministre de l'intérieur et à moi-même que de faire en sorte que cette évolution soit suffisamment rapide.
Comme vous le savez, un certain nombre de cadres d'emplois ont été créés récemment, précisément pour faire face à ces nouvelles missions, et je prends l'engagement devant vous que, sur un certain nombre de points qui sont abordés ici même, d'autres décisions vont être prises rapidement pour permettre de résoudre les problèmes auxquels vous faites allusion par le haut et non par des mesures à caractère dérogatoire, pratique qui ne nous semble pas bonne.
M. le président. Monsieur de Montesquiou, l'amendement n° 22 rectifié est-il maintenu ?
M. Aymeri de Montesquiou. J'ai cru percevoir dans la bouche de M. le ministre des propos rassurants que je considère comme un engagement pour cette catégorie de fonctionnaires. Je retire donc l'amendement n° 22 rectifié, ainsi que l'amendement n° 23 rectifié.
M. le président. L'amendement n° 22 rectifié est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 3, modifié.

(L'article 3 est adopté.)

Article 4



M. le président.
« Art. 4. - Les agents non titulaires remplissant les conditions énumérées à l'article 3 ci-dessus et qui ont été recrutés après le 27 janvier 1984 peuvent accéder par voie d'intégration directe au cadre d'emplois dont les fonctions correspondent à celles au titre desquelles ils ont été recrutés et qu'ils ont exercées pendant la durée prévue au 4° de l'article 3 ci-dessus, dans la collectivité ou l'établissement dans lequel ils sont affectés, sous réserve de remplir l'une des conditions suivantes :
« 1° Avoir été recrutés avant la date d'ouverture du premier concours d'accès audit cadre d'emplois organisé, dans le ressort de l'autorité organisatrice dont ils relèvent, en application des dispositions de l'article 36 de la loi du 26 janvier 1984 susmentionnée ;
« 2° Ou avoir été recrutés au plus tard avant le 14 mai 1996 lorsque, à la date de leur recrutement, les fonctions qu'ils exerçaient correspondaient à celles définies par le statut particulier d'un cadre d'emplois pour lequel un seul concours a été organisé, dans le ressort de l'autorité organisatrice dont ils relèvent, en application des dispositions de l'article 36 de la loi du 26 janvier 1984 susmentionnée.
« Les agents concernés par les dispositions du présent article disposent d'un délai de douze mois à compter de la notification de la proposition qui leur est faite pour se prononcer sur celle-ci. »
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 55, M. Garrec et les membres du groupe des Républicains et Indépendants proposent, après le mot : « correspondent », de rédiger comme suit la fin du premier alinéa de cet article : « à celles qu'ils ont exercées pendant la période préue au 4° de l'article 3 ci-dessus, dans la ou les collectivités ou établissements successifs d'affectation, sous réserve de remplir l'une des conditions suivantes : ».
Par amendement n° 72 rectifié, MM. Darniche et Durand-Chastel proposent, dans le premier alinéa de l'article 4, de remplacer les mots : « dans la collectivité ou l'établissement dans lequel ils sont affectés » par les mots : « dans la ou les collectivités ou établissements successifs d'affectation ».
La parole est à M. Garrec, pour défendre l'amendement n° 55.
M. René Garrec. Il s'agit de supprimer quelques obstacles aux titularisations, notamment des conditions telles que la non-mobilité ou l'absence d'évolution de carrière au sein de la collectivité. Il s'agit donc de simplifier le système pour faciliter l'intégration.
M. le président. La parole est à M. Darniche, pour défendre l'amendement n° 72 rectifié.
M. Philippe Darniche. Cet amendement vise à supprimer, d'une part, la mention relative aux fonctions exercées à la date du recrutement, de sorte que ne soit pris en compte que le critère de niveau des fonctions exercées pendant trois ans sur une période de huit ans, et, d'autre part, la mention relative à une obligation d'affectation au sein d'une collectivité, pour permettre de rendre éligibles au dispositif des agents contractuels qui auraient eu plusieurs affectations depuis leur recrutement initial.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 55 et 72 rectifié ?
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Les deux amendements ne sont pas conformes à la position de principe adoptée par la commission, position qu'avait d'ailleurs adoptée la loi Perben au préalable. Ils ne prennent pas en compte les services effectués auprès de plusieurs collectivités, ils ne retiennent que la collectivité qui, in fine, intégrera l'agent concerné.
J'ai bien retenu les propos qu'a tenus, au cours de la discussion générale, notre collègue René Garrec. Je suis néanmoins au regret de devoir exprimer un avis défavorable, sur l'amendement n° 55 comme sur l'amendement n° 72 rectifié. Mais il y a des principes qui ont leur logique et, parfois, il faut pouvoir ne pas en dévier !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 55 et 72 rectifié ?
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Monsieur le président, M. le rapporteur vient de dire avec beaucoup d'autorité ce que j'aurais dit moins bien et certainement avec moins d'autorité sur les membres de cette assemblée.
Je voudrais simplement compléter son propos en considérant qu'un cas particulier pourrait être examiné dans le cadre d'une navette, dont je vois bien qu'elle sera courte mais qui peut quand même être fructueuse : c'est le cas où l'on prendrait en compte un agent recruté dans une commune pour exercer des fonctions par la suite prises en charge dans le cadre d'un processus d'intercommunalité...
M. Jean-Jacques Hyest. Voilà !
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. ... auquel la commune d'origine aurait participé. On voit bien qu'il y a là une sorte de continuité entre la commune de départ, qui participe à l'intercommunalité, et cette intercommunalité. Dans ce cadre-là, nous pourrions apporter des solutions - et je suis tout prêt à formuler des propositions - aux cas les plus flagrants, qui correspondent peut-être à un certain nombre de cas que vous avez l'un et l'autre en tête.
M. le président. Monsieur Garrec, l'amendement n° 55 est-il maintenu ?
M. René Garrec. Non, je le retire.
M. le président. L'amendement n° 55 est retiré.
Monsieur Darniche, l'amendement n° 72 rectifié est-il maintenu ?
M. Philippe Darniche. Non, je le retire également.
M. le président. L'amendement n° 72 rectifié est retiré.
Par amendement n° 4, M. Hoeffel, au nom de la commission, propose, dans l'avant-dernier alinéa (2°) de l'article 4, après les mots : « au plus tard », de supprimer le mot : « avant ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Il s'agit d'un amendement purement rédactionnel.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. J'ai le plaisir de donner un avis très favorable à cet amendement. (Sourires.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 4, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je suis maintenant saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 54, M. Garrec et les membres du groupe des Républicains et Indépendants proposent, à la fin de l'avant-dernier alinéa (2°) de l'article 4, de supprimer les mots : « pour lequel un seul concours a été organisé, dans le ressort de l'autorité organisatrice dont ils relèvent, en application des dispositions de l'article 36 de la loi du 26 janvier 1984 susmentionnée ».
Par amendement n° 76, MM. Domeizel, Mahéas et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent, dans le troisième alinéa (2°) de l'article 4, de remplacer les mots : « a été organisé » par les mots : « avait été organisé ».
La parole est à M. Garrec, pour présenter l'amendement n° 54.
M. René Garrec. Cet article comporte des mesures de titularisation par intégration directe lorsqu'un seul concours a été organisé, soit depuis la création du grade d'emploi, soit avant le 14 mai 1996. Dans la pratique, il semble bien rare qu'aucun concours n'ait été organisé. Il existe donc un risque important que les mesures prévues ne concernent en définitive que peu de personnes. Nous suggérons, en conséquence, de supprimer la référence à « un seul concours ».
Cet amendement relève du même esprit que mon amendement précédent.
M. le président. La parole est à M. Domeizel, pour défendre l'amendement n° 76.
M. Claude Domeizel. Permettez-moi de déclarer d'une manière très générale et qui vaudra pour tous les amendements que j'ai déposés au nom du groupe socialiste que, pour nous, l'objectif est de tendre vers les meilleures solutions pour le plus grand nombre de non-titulaires dont le nombre, dans la fonction publique territoriale, est de 300 000 à 400 000. On demande de la souplesse pour les collectivités locales, mais il ne faut pas oublier les fonctionnaires en exercice, les agents contractuels qui, en dépit de leur situation précaire, participent au bon fonctionnement du service public, ainsi que tous ceux qui font l'effort de se former et d'affronter les épreuves des concours.
D'une manière plus large, il faut mettre en avant le grand principe qui a été rappelé ici, ce soir, par de nombreux orateurs lors de la discussion générale, à savoir que le fondement de la fonction publique est le recrutement par les concours. L'épreuve n'est pas toujours facile.
J'en viens à l'amendement n° 76, qui a pour objet d'attirer l'attention sur l'emploi du mot « a » ou « avait ». Selon la situation dans laquelle on se place, ces formulations sont plus ou moins favorables. Après une première lecture, j'ai donc estimé que les mots « avait été organisé » étaient plus favorables. Mais après une nouvelle lecture, je m'interroge. Aussi, je retire mon amendement ! (Rires.)
M. le président. L'amendement n° 76 est retiré.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 54 ?
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Cet amendement vise à instaurer une mesure dérogatoire de recrutement qui dévie des dispositions que la commission avait définies. Cette dernière a accepté que la carence des concours de droit commun soit seule de nature à servir de référence. Comme l'amendement déposé par M. Garrec dévie de cette ligne, je suis là encore désolé de devoir émettre un avis défavorable, à moins que notre collègue accepte de retirer sa proposition.
M. le président. L'amendement n° 54 est-il maintenu, monsieur Garrec ?
M. René Garrec. Le déviationniste retire son amendement ! (Sourires.)
M. le président. L'amendement n° 54 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 4, modifié.

(L'article 4 est adopté.)

Article additionnel après l'article 4



M. le président.
Par amendement n° 23 rectifié, MM. Demilly, Joly et de Montesquiou proposent d'insérer, après l'article 4, un article additionnel ainsi rédigé :
« Les agents non titulaires remplissant les conditions énumérées aux 1° et 2° de l'article 3 ci-dessus et qui ont été recrutés après le 27 janvier 1984 et avant le 14 mai 1996, qui ne peuvent pas bénéficier des dispositions de l'article 4 ci-dessus, peuvent bénéficier d'un contrat à durée indéterminée, dès lors qu'ils ont exercé leurs fonctions pendant la durée prévue au 4° de l'article 3 ci-dessus, dans la collectivité ou l'établissement dans lequel ils sont affectés.
« Les agents concernés par les dispositions du présent article disposent d'un délai de douze mois à compter de la notification de la proposition qui leur est faite pour se prononcer sur celle-ci. »
Cet amendement a été retiré.

Article 5



M. le président.
« Art. 5. - Les agents non titulaires remplissant les conditions énumérées à l'article 3 ci-dessus et qui ont été recrutés après le 14 mai 1996 peuvent se présenter à des concours réservés à condition d'exercer, à la date de leur recrutement, des fonctions qui correspondent à celles définies par les statuts particuliers des cadres d'emplois pour lesquels un seul concours a été organisé, dans le ressort de l'autorité organisatrice dont ils relèvent, en application des dispositions de l'article 36 de la loi du 26 janvier 1984 susmentionnée.
« Les intéressés doivent avoir exercé les fonctions définies à l'alinéa ci-dessus pendant une durée d'au moins trois ans au cours des huit dernières années.
« Les concours réservés donnent lieu à l'établissement de listes d'aptitude classant par ordre alphabétique les candidats déclarés aptes par le jury.
« L'inscription sur une liste d'aptitude ne vaut pas recrutement.
« Tout candidat déclaré apte depuis moins de deux ans peut être nommé dans un des cadres d'emplois auxquels le concours réservé donne accès, dans les conditions fixées par la dernière phrase du quatrième alinéa de l'article 44 de la loi du 26 janvier 1984 susmentionnée.
« Les conditions de nomination et de classement dans chacun des cadres d'emplois des agents bénéficiant des dispositions prévues aux articles 3 et 4 ci-dessus ainsi que de celles du présent article sont celles prévues par les statuts particuliers desdits cadres d'emplois pour les lauréats des concours internes, sous réserve de dispositions particulières concernant la durée des stages, fixées par décret en Conseil d'Etat. »
Par amendement n° 101, le Gouvernement propose :
I. - Dans le premier alinéa de cet article, après les mots : « concours réservés », d'insérer les mots : « organisés pendant une période de cinq ans à compter de la date de publication de la présente loi ».
II. - De compléter l'avant-dernier alinéa de cet article par les mots : « nonobstant le délai mentionné au premier alinéa de l'article 3. »
La parole est à M. le ministre.
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. C'est un amendement purement rédactionnel ?
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 101, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 56, M. Garrec et les membres du groupe des Républicains et Indépendants proposent, après les mots : « des cadres d'emplois », de supprimer la fin du premier alinéa de l'article 5.
La parole est à M. Garrec.
M. René Garrec. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 56 est retiré.
Par amendement n° 5, M. Hoeffel, au nom de la commission, propose, à la fin du deuxième alinéa de l'article 5, de remplacer les mots : « pendant une durée d'au moins trois ans au cours des huit dernières années » par les mots : « pendant la durée prévue au 4° de l'article 3 de la présente loi ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. C'est un amendement purement rédactionnel.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Le Gouvernement émet un avis très favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 5, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 6, M. Hoeffel, au nom de la commission, propose de supprimer le dernier alinéa de l'article 5.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. C'est un amendement purement formel, car, pour des raisons de cohérence, il est préférable de transférer les dispositions du dernier alinéa de l'article 5 dans un article additionnel après l'article 5.
M. le président. quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Cet amendement n'est pas déviationniste (sourires), et le Gouvernement y est donc favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 6, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 5, modifié.

(L'article 5 est adopté.)

Article additionnel après l'article 5



M. le président.
Par amendement n° 7, M. Hoeffel, au nom de la commission, propose d'insérer, après l'article 5, un article additionnel ainsi rédigé :
« Les conditions de nomination et de classement dans chacun des cadres d'emplois des agents bénéficiant des dispositions prévues aux articles 3 à 5 de la présente loi sont celles prévues par les statuts particuliers desdits cadres d'emplois pour les lauréats des concours internes, sous réserve de dispositions particulières concernant la durée des stages, fixées par décret en Conseil d'Etat. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 102, présenté par le Gouvernement, et tendant, dans le texte de l'amendement n° 7, après les mots : « lauréats des concours internes », à insérer les mots : « ou, lorsque l'accès au cadre d'emplois ne s'effectue pas par la voie de concours internes, celles prévues pour les lauréats des autres concours mentionnés à l'article 36 de la loi du 26 janvier 1984 précitée ou pour les candidats recrutés dans les conditions prévues au d de l'article 38 de cette loi, ».
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 7.
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. C'est un amendement de conséquence, qui reproduit les dispositions du dernier alinéa de l'article 5.
M. le président. La parole est à M. le ministre, pour défendre le sous-amendement n° 102.
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. C'est un sous-amendement de précision, monsieur le président.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 102 ?
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. La précision lui paraissant utile, la commission émet un avis favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 102, accepté par la commission.

(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 7, ainsi modifié.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 5.

Article additionnel après l'article 5
ou après l'article 6



M. le président.
Je suis saisi de huit amendements qui peuvent faire l'objet d'une discusssion commune.
Par amendement n° 36, M. Huriet propose d'insérer, après l'article 5, un article additionnel ainsi rédigé :
« Les personnels employés à la date de publication de la présente loi par l'Association de gestion des personnels privés des affaires sanitaires et sociales (AGEPASS), dont l'objet et les moyens sont transférés dans leur intégralité au département de Meurthe-et-Moselle, peuvent être recrutés par cette collectivité en qualité d'agents non titulaires, pour la gestion d'un service public administratif.
« Les personnels concernés justifiant au 1er octobre 2000 d'une durée effective de services équivalente à au moins un an, sont recrutés, sur leur demande et dans la limite des emplois budgétaires créés à cet effet, par contrat de droit public à durée indéterminée.
« Les agents non titulaires ainsi recrutés peuvent conserver le bénéfice des stipulations de leur contrat de travail antérieur lorsqu'elles ne dérogent pas aux dispositions légales et réglementaires régissant les agents non titulaires de la fonction publique territoriale. Toutefois, nonobstant ces dispositions, ils continuent à recevoir une rémunération nette au moins égale à la rémunération perçue au titre de leur contrat de travail antérieur et conservent leur régime de retraite complémentaire et de prévoyance.
« Par dérogation à l'article L. 122-9 du code du travail, les personnes recrutées dans les conditions fixées à l'alinéa précédent ne perçoivent pas d'indemnités au titre du licenciement lié à la dissolution de l'association. »
Par amendement n° 50, Mme Borvo, M. Bret et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 5, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 63 de la loi n° 99-586 du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale est ainsi rédigé :
« Art. 63. - Les personnels employés par une association, une société d'économie mixte ou une société privée, dont l'objet et les moyens sont transférés dans leur intégralité ou en partie à une collectivité territoriale ou à un de ses établissements ou à un établissement public de coopération intercommunale ou à un syndicat mixte sont intégrés à leur demande par ladite collectivité ou ledit établissement en qualité de fonctionnaire titulaire dans les cadres d'emplois de la fonction publique territoriale.
« Les personnels concernés continuent à recevoir une rémunération nette au moins égale à leur rémunération globale antérieure nette.
« Les agents qui ne pourraient être intégrés dans un cadre d'emplois existant bénéficient, à titre personnel, d'un contrat à durée indéterminée et conservent leur droit à titularisation dès que les conditions seront remplies.
« Les modalités d'application de cet article, notamment en matière de niveau de recrutement, de reprise d'ancienneté et de régime de retraite, sont fixés par un décret en Conseil d'Etat. »
Par amendement n° 98, M. Hoeffel, au nom de la commission, propose d'insérer, après l'article 5, un article additionnel ainsi rédigé :
« La dernière phrase du premier alinéa de l'article 63 de la loi n° 99-586 du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale est ainsi rédigée :
« Par dérogation au troisième alinéa de l'article 3 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, ces personnels peuvent bénéficier d'un contrat à durée indéterminée. »
Par amendement n° 51, M. Renar, Mme Borvo, M. Bret et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 5, un article additionnel ainsi rédigé :
« Par dérogation au troisième alinéa de l'article 3 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée, les personnels recrutés par la voie de l'article 63 de la loi n° 99-586 du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale peuvent bénéficier d'un contrat à durée indéterminée lorsqu'ils exerçaient leur fonction :
« 1) dans des associations accomplissant une mission d'intérêt régional dont la création est antérieure à la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée ;
« 2) dans des associations qui ont succédé à ces dernières par évolution statutaire, transformation ou reprise d'activité. »
Par amendement n° 78, M. Allouche, Mme Derycke, MM. Mauroy, Raoult, Mahéas et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 6, un article additionnel ainsi rédigé :
« Par dérogation au troisième alinéa de l'article 3 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée, les personnels recrutés par la voie de l'article 63 de la loi n° 99-586 du 12 janvier 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale peuvent bénéficier d'un contrat à durée indéterminée lorsqu'ils exerçaient leur fonction dans les associations accomplissant une mission d'intérêt régional dont la création est antérieure à la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, ou dans des associations qui ont succédé à ces dernières par évolution statutaire, transformation ou reprise d'activité. »
Les deux amendements suivants sont présentés par M. Michel Mercier.
L'amendement n° 68 tend à insérer, après l'article 5, un article additionnel ainsi rédigé :
« Les personnels employés à la date de publication de la présente loi par la Fondation franco-américaine, le comité d'hygiène sociale ou le comité départemental d'hygiène sociale, dont l'objet relève des compétences du département et dont les moyens sont déjà intégrés au sein des services départementaux ou leur sont transférés, peuvent être recrutés par le département en cause en qualité d'agents non titulaires, pour la gestion d'un service public administratif.
« Les personnels concernés qui justifient au 1er octobre 2000 d'une durée effective de services équivalente à au moins un an, sont recrutés, sur leur demande et dans la limite des emplois budgétaires créés à cet effet, par contrat de droit public à durée indéterminée.
« Les agents non titulaires ainsi recrutés peuvent conserver le bénéfice des stipulations de leur contrat de travail antérieur lorsqu'elles ne dérogent pas aux dispositions légales et réglementaires régissant les agents non titulaires de la fonction publique territoriale.
« Toutefois, nonobstant ces dispositions, ils continuent à recevoir une rémunération nette au moins égale à la rémunération perçue au titre de leur contrat de travail antérieur et conservent leur régime de retraite complémentaire et de prévoyance.
« Par dérogation à l'article L. 122-9 du code du travail, les personnes recrutées dans les conditions fixées à l'alinéa précédent ne perçoivent pas d'indemnités au titre du licenciement lié à la dissolution de l'association. »
L'amendement n° 69 vise à insérer, après l'article 13, un article additionnel ainsi rédigé :
« Les personnels employés à la date de publication de la présente loi par des associations intervenant dans le secteur social et médico-social, dont l'objet relève des compétences du département et dont les moyens sont déjà intégrés au sein des services départementaux ou leur sont transférés, peuvent être recrutés par le département en cause en qualité d'agents non titulaires, pour la gestion d'un service public administratif.
« Les personnels concernés qui justifient au 1er octobre 2000 d'une durée effective de services équivalente à au moins un an, sont recrutés, sur leur demande et dans la limite des emplois budgétaires créés à cet effet, par contrat de droit public à durée indéterminée.
« Les agents non titulaires ainsi recrutés peuvent conserver le bénéfice des stipulations de leur contrat de travail antérieur lorsqu'elles ne dérogent pas aux dispositions légales et réglementaires régissant les agents non titulaires de la fonction publique territoriale.
« Toutefois, nonobstant ces dispositions, ils continuent à recevoir une rémunération nette au moins égale à la rémunération perçue au titre de leur contrat de travail antérieur et conservent leur régime de retraite complémentaire et de prévoyance.
« Par dérogation à l'article L. 122-9 du code du travail, les personnes recrutées dans les conditions fixées à l'alinéa précédent ne perçoivent pas d'indemnités au titre du licenciement lié à la dissolution de l'association. »
Par amendement n° 77, MM. Mahéas, Charmant, Printz et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 6, un article additionnel ainsi rédigé :
« Les personnels employés à la date de promulgation de la présente loi par une association oeuvrant dans le secteur social ou médico-social créée avant le 1er janvier 1985, dont l'objet et les moyens sont transférés dans leur intégralité à un département ou à un établissement public en relevant, peuvent être recrutés par cette collectivité ou cet établissement, en qualité d'agent non titulaire, pour la gestion d'un service public administratif relevant du secteur précité.
« Les agents non titulaires ainsi recrutés peuvent conserver le bénéfice des stipulations de leur contrat de travail antérieur lorsqu'elles ne dérogent pas aux dispositions légales et réglementaires régissant les agents non titulaires de la fonction publique territoriale. Toutefois, ils peuvent conserver le bénéfice de leur contrat à durée indéterminée ainsi que, s'ils y ont intérêt, celui de la rémunération au titre de leur contrat de travail antérieur et leur régime de retraite complémentaire et de prévoyance.
« Par dérogation à l'article L. 122-9 du code du travail, les personnes recrutées dans les conditions fixées aux alinéas précédents ne perçoivent pas d'indemnités au titre du licenciement lié à la dissolution de l'association. »
La parole est à M. Huriet, pour défendre l'amendement n° 36.
M. Claude Huriet. Si, comme je le souhaite ardemment, l'amendement que je soumets à la Haute Assemblée finit par être adopté, il marquera le terme d'une longue histoire à laquelle un certain nombre de départements, dans la même situation que le département de Meurthe-et-Moselle, ont d'ailleurs contribué.
Cette longue histoire a débuté en fait en l'an I de la décentralisation, puisque c'est à cette époque que, en tant que président du conseil général, j'ai dû exercer très directement les compétences que les lois de décentralisation confiaient ou confirmaient aux départements. Or, il y avait en Meurthe-et-Moselle, s'inscrivant dans une longue tradition en matière de politique sociale et médico-sociale, une association de droit privé régie par la loi de 1901, reconnue d'utilité publique, qui avait rendu d'éminents services aux populations du département.
Le conseil général, reprenant directement l'exercice de ces compétences à la suite de la décentralisation, était confronté à des problèmes parmi d'autres, et notamment à la prise en compte des personnels, ainsi que du patrimoine qui allait avec l'exercice de ces missions.
Le choix avait été donné aux personnels entre le maintien d'un statut de droit privé, sans doute plus avantageux, et l'intégration dans la fonction publique territoriale. A l'époque - et ce n'était pas une surprise - les personnels avaient tous opté pour le maintien de leur statut de droit privé, ce qui nous avait amenés à créer une association de gestion sous le régime de la loi de 1901.
Tout s'est bien passé durant des années, jusqu'à ce que la chambre régionale des comptes de Lorraine fasse une observation tout à fait pertinente et incontestable concernant l'existence d'une gestion de fait. C'est là que les choses se sont compliquées.
J'espère donc que, grâce à votre compréhension, mes chers collègues, et à l'avis du Gouvernement, monsieur le ministre, nous pourrons mettre un terme aux inquiétudes et aux angoisses des personnels, d'autant que la chambre régionale des comptes a établi une date butoir très proche : le 31 décembre prochain.
Aussi, il vous est demandé, au travers de cet amendement, d'accorder la possibilité au département de Meurthe-et-Moselle de recruter les employés de cette association de gestion en qualité d'agents non titulaires pour la gestion d'un service public administratif.
M. le président. La parole est à M. Renar, pour défendre l'amendement n° 50.
M. Ivan Renar. Cet amendement a pour objet de remédier à la situation juridique fragile des associations para-administratives et de leurs personnels.
Ces difficultés juridiques ont été mises en lumière par la loi qui porte votre nom, monsieur le ministre, et qui a amené les chambres régionales des comptes à interpeller de nombreuses collectivités.
Celles-ci ont donc procédé, depuis cinq ans, à des réintégrations des services assurés dans l'optique de la gestion publique. Ce sont les « remunicipalisations ».
Dans ces circonstances, le choix pour les personnels est limité : ils doivent se résoudre soit au licenciement pur et simple, soit à l'embauche au plus bas de la grille, à l'échelle 2. Il en est souvent résulté des pertes importantes pour les salariés, que ce soit en termes de rémunération ou de stabilité de l'emploi.
Alors que les salariés de ces associations n'ont, bien souvent, pas fait eux-mêmes le choix de travailler pour une association plutôt que dans le secteur public, les changements de politique s'imposent à eux comme à des pions.
Pourquoi devraient-ils renoncer à la stabilité de l'emploi sous la forme d'un contrat à durée indéterminée ou à une partie de leur rémunération, en raison de la perte de l'ancienneté, alors qu'ils exercent toujours le même métier, la même fonction et que le seul changement intervient en la personne de l'employeur ?
Les personnels de l'association de gestion des personnels privés de l'action sanitaire et sociale, l'AGEPPASS - mais ce ne sont pas les seuls - n'ont pas eu le choix de leur employeur. Certains postulants à la direction des affaires sanitaires et sociales se sont vus directement embauchés par une association privée délégataire de gestion de service public.
Qu'il y ait eu carence de gestion publique de service public à une époque est une chose, mais le fait d'y pallier ne doit pas conduire à pénaliser les salariés qui assurent aujourd'hui lesdites missions.
Pour sa part, mon groupe souhaite apporter une réponse globale à cette question, plutôt que d'agir au coup par coup.
Les amendements présentés par mes collègues Claude Huriet et Jacques Mahéas permettent de résoudre rapidement le problème des personnels de l'AGEPPASS confrontés au facteur temps. Il en est de même pour l'amendement de notre collègue Michel Mercier, qui propose une solution pour trois associations du Rhône.
Mais ces amendements n'ont pas vocation à résoudre le problème dans sa globalité. Aussi, je vous demande, mes chers collègues, d'adopter notre amendement, qui, lui, permet de le faire.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 98.
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Cet amendement tend à permettre aux agents actuellement employés dans les associations para-administratives de conserver le bénéfice d'un contrat à durée indéterminée malgré le passage du droit privé au droit public. Il modifie en ce sens l'article correspondant de la loi sur la simplification et le renforcement de la coopération intercommunale.
M. le président. La parole est à M. Renar, pour défendre l'amendement n° 51.
M. Ivan Renar. Nous proposons, par cet amendement, d'admettre une exception à l'article 63 de la loi Chevènement pour les personnels des associations accomplissant une mission d'intérêt régional.
Avant que les lois de décentralisation permettent l'officialisation des services des conseils régionaux, les établissements publics régionaux, encouragés par les plus hautes autorités de l'Etat de l'époque, ainsi que par les préfets, avaient délégué la gestion de certaines missions à des associations para-administratives.
La mise en place des services régionaux n'a pas eu pour conséquence la disparition de ces associations accomplissant des missions d'intérêt général.
Les recommandations des chambres régionales des comptes adressées à certaines communes et à certains départements préconisent un éclaircissement des statuts de ces associations para-administratives.
Ces avis ont conduit, d'une part, les collectivités territoriales à réintégrer ces associations au sein de leurs services et, d'autre part, le législateur à proposer des solutions pour les personnels de ces associations.
L'adoption de l'article 63 de la loi relative à la coopération intercommunale permet aux personnels employés par une association dont l'objet et les moyens ont été transférés partiellement ou dans leur intégralité à une collectivité locale de continuer à bénéficier des dispositions de leur ancien contrat de travail, dans la mesure où elles ne sont pas contraires aux règles régissant la fonction publique territoriale.
Les contrats sont alors d'une durée de trois ans renouvelables, alors que les personnels des associations concernées bénéficiaient jusqu'à présent de contrats à durée indéterminée.
Dans les conseils régionaux - je pense notamment à celui du Nord - Pas-de-Calais - cette disposition législative a connu de forts échos. Elle demeure totalement incomprise par les personnels, qui ont un fort et légitime sentiment d'appartenance aux services régionaux, et provoque légitimement craintes et interrogations.
Pour notre part, nous pensons qu'il serait juste que ces personnels puissent bénéficier d'un contrat à durée indéterminée.
Cet amendement prévoit une solution intermédiaire. Il concerne les personnels au service de la région et tend à leur proposer d'être repris sous contrat à durée indéterminée. C'est une question importante qu'il ne faut pas négliger.
Par ailleurs, cela s'inscrit pleinement dans l'objectif du texte que nous discutons aujourd'hui. L'adoption de l'amendement permettrait de mettre fin à la contradiction qui existe entre la résorption de la précarité au sein de la fonction publique et l'article 63, qui crée de nouveaux statuts précaires.
M. le président. La parole est à M. Mahéas, pour présenter l'amendement n° 78.
M. Jacques Mahéas. Le groupe socialiste est bien conscient, au travers de ses deux amendements n°s 78 et 77, d'attirer l'attention sur les missions d'intérêt régional et d'intérêt départemental, et donc de ne pas résoudre dans leur globalité les problèmes qui se posent à ces collectivités territoriales et qui pourraient se poser aussi aux communes.
Afin d'être en mesure d'exercer le mieux possible leurs missions en fonction des dispositions législatives et réglementaires en vigueur, les établissements publics régionaux, jusqu'en 1984, date à laquelle les services des conseils régionaux ont pu être officialisés, ont légitimement mis en place au niveau régional des organismes associatifs. L'existence de ces associations a souvent perduré au-delà et parallèlement à la mise en place des services régionaux proprement dits.
L'amendement n° 78 a précisément pour objet de remédier à cette situation de précarité dans laquelle serait placé le personnel des associations accomplissant une mission d'intérêt régional et recruté par la collectivité territoriale régionale par la voie de l'article 63 de la loi du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale.
M. le président. La parole est à M. Michel Mercier, pour défendre les amendements n°s 68 et 69.
M. Michel Mercier. L'amendement n° 68 est très proche de l'amendement n° 36 de notre collègue Claude Huriet. Il vise à essayer de régler une situation difficile, et ce uniquement dans le département du Rhône.
L'amendement n° 69 tend, lui, à régler les mêmes situations, mais de façon générale, en visant tous les personnels qui, dans le domaine médico-social, travaillent dans les associations pour les départements.
Je dois dire à M. Renar que son amendement n° 50 n'est pas de nature à régler la situation de ces personnels, puisque, la plupart du temps, ils sont là depuis longtemps et qu'ils ne peuvent pas, en qualité de titulaires, obtenir des droits à retraite suffisants. Il faut donc les intégrer sans les titulariser et conserver leur régime de retraite pour qu'ils puissent avoir une retraite correcte à la fin de leur période de travail.
Si le Gouvernement et la commission acceptent l'amendement n° 69, je retirerai l'amendement n° 68.
M. le président. La parole est à M. Mahéas, pour défendre l'amendement n° 77.
M. Jacques Mahéas. Le groupe socialiste a rencontré les travailleurs de l'AGEPPASS.
Notre amendement, qui est plus général que celui de M. Huriet, ouvre la possibilité aux départements ou à leurs établissements ayant repris en gestion l'objet et les moyens d'une association oeuvrant dans un secteur social ou médico-social, dans le cadre d'un service public administratif, de recruter les personnels de l'association dissoute, tout en leur conservant leur contrat à durée indéterminée, leur dernière rémunération et leur régime de prévoyance et de retraite complémentaire.
Les agents recrutés ne percevront pas l'indemnité de licenciement prévue par l'article L. 122-9 du code du travail.
Le champ d'application de cette mesure est limité aux associations oeuvrant dans le secteur social ou médico-social, à celles de ces associations créées avant le 1er janvier 1985, date du transfert des services de l'Etat vers les départements, aux agents en fonction lors de la promulgation de la loi introduisant la mesure faisant l'objet du présent dispositif, aux départements et à leurs établissements publics qui ont en charge les compétences d'action sociale ou médico-sociale gérées dans le cadre d'un service public administratif.
Cette mesure autorise le recrutement dérogatoire d'agents de droit privé de l'association dissoute en agents non titulaires de droit public.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 36, 50, 51, 78, 68, 69 et 77 ?
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. C'est une situation relativement complexe qui résulte de la présentation de ces huit amendements !
Il faut essayer de dégager une certaine cohérence et une certaine logique. De ce point de vue, la commission, qui tient, évidemment, à l'adoption de son amendement n° 98, estime que l'adoption conjointe des amendements n°s 36 et 68 permettrait de former un ensemble cohérent.
Aussi demande-t-elle un vote par priorité sur les amendements n°s 98, 36 et 68.
Au cas où ces trois amendements seraient adoptés, les amendements n°s 50, 51 et 78 n'auraient, bien sûr, plus d'objet.
Ne resteraient ainsi que les amendements n°s 69 et 77. Ces deux amendements seraient en partie redondants avec l'amendement n° 98. Je suggère donc à leurs auteurs d'injecter, par sous-amendement, dans l'amendement n° 98, la substance de leurs amendements qu'ils estiment ne pas pouvoir être prise en compte par le vote de ce seul amendement n° 98.
M. le président. C'est limpide, mes chers collègues ! (Sourires.)
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. C'est la mission de la commission, monsieur le président, que d'oeuvrer dans la limpidité ! (Nouveaux sourires.)
M. le président. Vous êtes un orfèvre en la matière, monsieur le rapporteur !
Quel est l'avis du Gouvernement sur la demande de priorité de la commision ?
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Je n'y suis pas favorable, monsieur le président, car j'aimerais apporter au débat plus de limpidité encore - si c'est possible ! - en présentant un commentaire sur tous les amendements.
M. le président. La demande de priorité est-elle maintenue, monsieur le rapporteur ?
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Elle l'est, monsieur le président, mais elle ne fait en aucun cas obstacle à toute information que, sur ce point décisif, le Gouvernement voudrait nous apporter.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 36, 50, 98, 51, 78, 68, 69 et 77 ?
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Je suis, comme tous ici, sensible aux situations particulières qui ont été évoquées tant par M. Huriet que par M. Mercier.
Mais je crois pouvoir dire que ces cas particuliers sont couverts par l'amendement n° 77 de M. Mahéas, qui, plus large, les enveloppe en son sein.
Autrement dit, l'adoption de l'amendement n° 77 donnerait satisfaction pleine et entière à l'amendement n° 36 de M. Huriet et aux amendements n°s 68 et 69 de M. Mercier. Ainsi, avec l'adoption d'un amendement, quatre seraient satisfaits.
En sens inverse, les amendements n°s 50 et 98 ainsi que les amendements n°s 51 et 78 - c'est, en fait, le même texte - vont beaucoup plus loin. Ils ont un objet beaucoup plus large, trop large même aux yeux du Gouvernement, en ce qu'ils ouvrent des possibilités nouvelles qui vont bien au-delà de ce que le Gouvernement souhaitait inscrire dans ce texte.
Si on les adoptait, satisfaction serait donnée à trois amendements, alors que je vous ai proposé, mesdames, messieurs les sénateurs, d'en satisfaire quatre. C'est donc à votre esprit de justice que j'en appelle maintenant. (Sourires.)
M. Jacques Mahéas. C'est astucieux !
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. J'ai évidemment écouté attentivement l'intervention de M. le ministre et je me tourne vers les auteurs des amendements n°s 36 et 68, MM. Huriet et Mercier pour leur demander s'ils estiment, comme vient de l'affirmer M. le ministre, que l'amendement n° 77 intègre leurs préoccupations respectives ? De leur réponse dépendra la position définitive que j'exprimerai au nom de la commission.
M. Claude Huriet. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Huriet.
M. Claude Huriet. Monsieur le président, avant de me déterminer, puis-je demander à M. le ministre et à M. le rapporteur quelle serait la différence entre la procédure proposée à l'instant par M. le rapporteur, visant à accorder la priorité aux amendements n°s 98, 36 et 68, et l'amendement n° 77 de M. Mahéas ?
Je voudrais avoir la certitude que l'adoption de l'amendement de M. Mahéas correspondrait au moins aux effets de la proposition du rapporteur visant à regrouper, dans des votes successifs, certes, les amendements n°s 98, 36 et 68.
M. le président. En pédagogie, nous disons que la répétition fixe la notion, alors, veuillez répéter, monsieur le ministre. ( Sourires .)
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Comme M. Hoeffel craint, par l'effet de son amendement large mais qui n'est pas vraiment du même domaine, de ne pas couvrir les problèmes posés par MM. Huriet et Mercier, il fait un paquet des trois amendements.
Je réaffirme qu'aux yeux du Gouvernement, compte tenu de sa rédaction, l'amendement de M. Mahéas donne entière satisfaction : il règle les problèmes soulevés à la fois par MM. Huriet et Mercier. C'est clair, net et précis ! Il peut permettre d'en régler d'autres qui ne seraient pas évoqués par l'un ou l'autre et qui se poseraient dans des conditions à peu près identiques.
Vous avez donc entièrement satisfaction par l'amendement de M. Mahéas, de même que vous auriez satisfaction par le cumul des amendements proposés par la commission. Cependant, le Gouvernement reste défavorable à l'amendement n° 98, qui, lui, « arrose » très large et créerait une situation particulièrement dérogatoire qui ne semble pas, aujourd'hui, aller dans le sens de la rigueur que prône, par ailleurs, M. le rapporteur avec beaucoup de conviction et d'efficacité dans cette assemblée.
M. le président. Monsieur le rapporteur, acceptez-vous la demande de priorité du Gouvernement pour l'amendement n° 77 ?
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Nous prenons acte de la déclaration de M. le ministre, selon laquelle l'adoption de l'amendement n° 77 répondrait aux préoccupations de MM. Huriet et Mercier.
Si tel est réellement le cas, et si nos collègues MM. Huriet et Mercier donnent leur accord, la commission, qui maintient, bien entendu, son amendement n° 98, demandera que soient votés en priorité l'amendement n° 98 et l'amendement n° 77.
Dès lors, nous n'« arrosons » pas large. Nous cherchons simplement à recouvrir l'ensemble des situations qui pourraient s'avérer périlleuses parce que non suffisamment définies à l'occasion de ce débat.
M. Michel Mercier. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Michel Mercier.
M. Michel Mercier. L'amendement n° 69 que j'ai déposé est, sur un point au moins, plus précis que l'amendement n° 77 en ce qu'il constitue une garantie de rémunération pour les agents concernés. Mais je n'ai pas dans cette affaire d'amour-propre d'auteur.
M. Jacques Mahéas. Alors ralliez-vous à mon amendement !
M. Michel Mercier. Monsieur Mahéas, vous pouvez aussi vous rallier au mien, et je vous en remercie par avance, comme je suis prêt à me rallier au vôtre.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur la demande de priorité des amendements n°s 98 et 77 ?
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Favorable.
M. le président. La priorité est ordonnée.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 98, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 5.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 77.
M. Claude Huriet. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Huriet.
M. Claude Huriet. Je suis prêt à voter cet amendement, mais mon collègue et ami Michel Mercier a demandé quelques précisions à M. Mahéas pour savoir si ce texte ne serait pas en retrait par rapport à nos propres amendements, en ce qui concerne les possibilités pour ces personnels de bénéficier de l'ensemble du dispositif.
Pouvez-vous me le confirmer et, dans ce cas, apporter le correctif nécessaire, ou l'infirmer, monsieur Mahéas ?
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Je demande la parole ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. La question subsidiaire posée par MM. Michel Mercier et Claude Huriet vise la conservation du bénéfice de la rémunération.
Je vous renvoie à la lecture attentive de l'amendement de M. Mahéas qui prévoit que les agents non titulaires ainsi recrutés peuvent conserver le bénéfice de la rémunération au titre de leur contrat de travail antérieur et leur régime de retraite complémentaire et de prévoyance. » Sur ce point, l'amendement de M. Mahéas assure une couverture beaucoup plus large que celle qui est prévue par vos amendements et satisfait exactement et plus précisément les préoccupations que vous exprimez.
M. Claude Huriet. Je suis satisfait.
M. Ivan Renar. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar. Je n'ai vraiment aucune réticence vis-à-vis de l'amendement n° 77. Je fais simplement remarquer que, si les autres amendements deviennent sans objet, il y a comme un principe d'égalité qui ne sera pas respecté.
Je suis tout à fait favorable à cet amendement qui touche le domaine social et médico-social. Cependant, il existe toute une série de structures qui ont été créées dans les mêmes conditions avant 1985 - je pense à l'agence régionale de développement, à l'agence pour les économies d'énergie, aux parcs de matériels culturels, etc. - auxquelles il serait normal d'appliquer le même dispositif que celui que nous dédions aux structures médico-sociales. C'est le regret que je veux exprimer.
Cela étant, je le répète, je n'ai aucune réticence vis-à-vis de l'amendement de notre collègue Jacques Mahéas, qui couvre bien l'ensemble du dispositif ; nos collègues Claude Huriet et Michel Mercier peuvent être rassurés. Je trouve dommage toutefois que les autres structures ne soient pas visées. L'élargissement que nous proposons n'est pas « monstrueux ». Ce sont des cas de figure qui sont des séquelles de la façon dont ont été créées les régions.
J'ai vécu la création d'un établissement public régional où, en bureau, en présence du préfet qui gérait le budget, on ne pouvait voter que des dépenses d'investissement et pas de dépenses de fonctionnement. Au moment de la création de l'Orchestre national de Lille, nous pouvions acheter des contrebasses - au titre de l'investissement - mais pas les archets qui relevaient du fonctionnement. On subventionnait les départements pour faire les trottoirs et les départements reversaient aux structures culturelles des dépenses de fonctionnement.
M. Jean-Jacques Hyest. Quelle horreur, il ne faut pas le dire !
M. Ivan Renar. Ce sont les belles années soixantes-dix, sous la présidence de M. Giscard d'Estaing, monsieur Hyest !
Les préfets nous ont donc encouragés à créer des structures, des associations. Les personnels qui ont été embauchés avant 1985 et qui sont venus travailler pour la collectivité se retrouvent dans la situation que j'ai décrite tout à l'heure. C'est ce principe d'égalité que je souhaiterais voir respecter.
M. Jean-Jacques Hyest. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur le président, en suivant la liste des amendements, il semble que l'amendement n° 69 vient avant l'amendement n° 77. Or, que je sache, M. Mercier n'a pas retiré son amendement n° 69.
M. le président. Monsieur Hyest, le vote par priorité des amendements n°s 98 et 77 a été demandé et ordonné !
M. Jean-Jacques Hyest. Franchement, en lisant les deux amendements je trouve qu'ils sont pratiquement identiques, à une exception près, l'amendement de M. Mercier prévoit que les personnels concernés doivent justifier au 1er octobre d'une durée effective de service d'un an.
M. Alain Vasselle. Mais c'est du travail de commission !
M. Jean-Jacques Hyest. Je ne pense pas qu'un amendement soit meilleur que l'autre. J'aurais souhaité un amendement commun pour répondre à cet objectif.
M. Alain Vasselle. Renvoi en commission !
M. le président. Je demande à M. Mercier, s'il accepte, de rectifier son amendement afin de lui donner la même portée que celui de M. Mahéas. Puis je demanderai à M. Renar s'il consent également à rectifier l'amendement n° 50, à moins que M. le ministre ne s'y oppose...
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Surtout pas !
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Au point où nous en sommes, je crois que les uns et les autres ayant dit ce qui devait être dit, ce ne sont pas des questions d'amour-propre qui devraient nous compliquer la tâche.
En conséquence, je propose qu'un amendement commun reprenne les amendements n°s 69 de M. Mercier et 77 de M. Mahéas. Ainsi, ajouté à l'amendement n° 98, il couvrira l'ensemble des situations.
M. Alain Vasselle. Très bien, on vote !
M. Claude Huriet. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Huriet.
M. Claude Huriet. Par sa démarche, M. Hoeffel cherche d'une façon méritoire à obtenir le consensus le plus large possible. Puis-je lui demander de faire un effort supplémentaire et de proposer, en tant que rapporteur, qu'il y ait trois cosignataires de cet amendement commun. Je ne lui demanderai pas, s'il acceptait cette démarche, de respecter l'ordre alphabétique.
En effet, on peut envisager d'avoir un amendement cosigné par les trois collègues qui se sont engagés avec la même ardeur et la même conviction puisqu'ils ont convaincu la Haute Assemblée. Ainsi, nous pourrons montrer qu'il s'agit finalement des efforts communs qui ont pu connaître un heureux aboutissement grâce à la compréhension du Gouvernement.
M. Ivan Renar. Il n'y a qu'à mettre tout le monde !
M. le président. Mes chers collègues, je vous propose de suspendre la séance quelques minutes afin que les auteurs des amendements concernés se rapprochent de M. le rapporteur et rédigent un amendement commun couvrant l'ensemble des problèmes.
M. Guy Penne. Tout le monde est d'accord !
M. le président. Ne ne pouvons pas faire en séance publique un travail de commission.
M. Daniel Hoeffel, r apporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. A cette heure-ci, toute suspension de séance risque de casser le rythme de nos travaux.
M. Jean-Pierre Schosteck. Il faut renvoyer ces amendements à la fin de la séance !
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Ne pouvons-nous pas poursuivre nos travaux en demandant à nos collègues Mercier et Mahéas...
M. Alain Vasselle. Très bien !
M. Daniel Hoeffel, rapporteur ...de faire ce travail de rédaction commune ?
M. Alain Vasselle. Voilà !
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Ensuite, le Sénat pourra se prononcer sur cet amendement rectifié.
M. Alain Vasselle. C'est cela !
M. Jean-Pierre Schosteck. Exact !
M. le président. Monsieur le rapporteur, qu'en est-il de la demande de M. Renar ?
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Il y a une certaine logique, qui est celle des amendements n°s 69 et 77. Je me suis prononcé dans ce sens-là et je souhaite que leurs auteurs se mettent d'accord et reviennent avec le fruit de leurs travaux. L'adjonction des éléments d'un troisième amendement serait une source de complications qui ne me paraît pas aller dans le sens de la clarification.
M. Alain Vasselle. Très bien !
M. Jacques Mahéas. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Mahéas.
M. Jacques Mahéas. Je pense que nous sommes d'accord pour cosigner, tous les quatre, cet amendement n° 77. Personnellement, je n'ai aucune susceptibilité d'auteur !
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux quelques instants...
M. Jacques Mahéas. Mais non !
M. le président. Monsieur Mahéas, ce n'est pas un colloque ! Il y a un règlement. Il est préférable de suspendre la séance.
Par conséquent, j'invite les quatre collègues concernés à se concerter pour se mettre d'accord très vite sur une rédaction.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue le jeudi 23 novembre 2000 à une heure quinze, est reprise à une heure vingt.)

M. le président. La séance est reprise.
Je suis donc saisi d'un amendement n° 77 rectifié, présenté par MM. Mahéas, Michel Mercier, Huriet et Mme Borvo, et tendant à insérer, après l'article 6, un article additionnel ainsi rédigé :
« Les personnels employés à la date de promulgation de la présente loi par une association oeuvrant dans le secteur social ou médico-social créée avant le 1er janvier 1985, dont l'objet et les moyens sont transférés dans leur intégralité à un département ou à un établissement public en relevant, peuvent être recrutés par cette collectivité ou cet établissement, en qualité d'agent non titulaire, pour la gestion d'un service public administratif relevant du secteur précité.
« Les agents non titulaires ainsi recrutés peuvent conserver le bénéfice des stipulations de leur contrat de travail antérieur lorsqu'elles ne dérogent pas aux dispositions légales et réglementaires régissant les agents non titulaires de la fonction publique territoriale. Toutefois, ils peuvent conserver le bénéfice de leur contrat à durée indéterminée ainsi que, s'ils y ont intérêt, celui de la rémunération au titre de leur contrat de travail antérieur et leur régime de retraite complémentaire et de prévoyance.
« Par dérogation à l'article L. 122-9 du code du travail, les personnes recrutées dans les conditions fixées aux alinéas précédents ne perçoivent pas d'indemnités au titre du licenciement lié à la dissolution de l'association. »
La parole est à M. Mahéas.
M. Jacques Mahéas. Cet amendement n° 77 rectifié est désormais cosigné par nous quatre. Il n'y a donc plus de problème particulier.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 77 rectifié, accepté par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 6, et les amendements n°s 36, 50, 51, 78, 68 et 69 n'ont plus d'objet.

Articles additionnels après l'article 5



M. le président.
Par amendement n° 49, Mme Borvo, M. Bret et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 5, un article additionnel ainsi rédigé :
« Les agents non titulaires remplissant les conditions énumérées à l'article 3 de la présente loi et qui ont été recrutés au plus tôt trois ans avant la promulgation de la présente loi peuvent se présenter aux examens profesionnels des cadres d'emplois dont les fonctions correspondent à celles au titre duquel ils ont été recrutés.
« Les conditions de nomination et de classement dans chacun des cadres d'emplois des agents bénéficiant des propositions prévues aux articles 3 et 4 ci-dessus ainsi que de celles du présent article sont celles prévues par les statuts particuliers desdits cadres d'emplois pour les lauréats des concours internes sous réserve de dispositions particulières concernant la durée des stages fixée par décret en Conseil d'Etat. »
La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. J'ai déjà défendu cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 49, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 57, M. Garrec et les membres du groupe des Républicains et Indépendants proposent d'insérer, après l'article 5, un article additionnel ainsi rédigé :
« Par dérogation à l'article 36 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, les agents non titulaires des collectivités territoriales ou des établissements publics en relevant exerçant depuis au moins dix ans des fonctions pour lesquelles aucun cadre d'emplois ne correspond peuvent être nommés dans un cadre d'emplois de la fonction publique territoriale auquel leur activité peut être assimilée, par voie d'intégration directe. »
La parole est à M. Garrec.
M. René Garrec. La jurisprudence me semble maintenant établie. Je souhaite seulement attirer l'attention de M. le ministre sur le fait que des fonctionnaires contractuels en place depuis plus de dix ans mériteraient d'être titularisés. Je retire mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 57 est retiré.

Article additionnel avant l'article 6



M. le président.
Par amendement n° 52, Mme Borvo, M. Bret et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, avant l'article 6, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Les salariés sous contrat de droit privé recrutés en application des mesures d'aide à l'emploi possédant une qualification reconnue peuvent se présenter aux concours internes et aux examens professionnels des cadres d'emplois dont ils relèvent. La formation et la préparation sont, dans ce cas, prises en charge par la collectivité.
Les salariés sous contrat de droit privé recrutés en application des mesures d'aide à l'emploi sans qualification et en poste dans les collectivités territoriales ou leurs établissements peuvent être titularisés par transformation de leur contrat en emplois statutaires. Cette titularisation est prononcée par la collectivité dont ils relèvent sur des emplois de l'échelle 2.
Les crédits nécessaires à la transformation des emplois statutaires sont abondés par le report intégral des crédits d'Etat correspondant.
« II. - Les taux prévus à l'article 885 U du code général des impôts sont relevés à due concurrence. »

La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Cet amendement applique aux emplois-jeunes ce que j'ai dit dans le cadre des collectivités locales.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 52, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 6



M. le président.
« Art. 6. - Un décret en Conseil d'Etat précise les conditions d'application du présent titre aux agents des collectivités et établissements mentionnés à l'article 118 de la loi du 26 janvier 1984 susmentionnée. » - (Adopté.)

Article additionnel après l'article 6



M. le président.
Par amendement n° 73 rectifié, MM. Darniche et Durand-Chastel proposent d'insérer, après l'article 5, un article additionnel ainsi rédigé :
« Les agents non titulaires ayant occupé un emploi réglementé d'attaché au 27 janvier 1984, avant d'être nommés comme collaborateurs de cabinet, peuvent être intégrés au grade d'administrateur territorial dès lors qu'ils ont atteint l'indice hors échelle 940 majoré et accompli au moins dix-huit ans au service total dans leurs deux emplois.
« Cette règle est applicable aux agents des collectivités territoriales titularisés en application du décret n° 86-227 du 18 février 1986, modifié par le décret n° 98-68 du 2 février 1998. »
La parole est à M. Darniche.
M. Philippe Darniche. Cet amendement traite de la situation précaire des agents contractuels des collectivités territoriales titularisés en application du décret n° 86-227 du 18 février 1986, modifié par le décret n° 98-68 du 2 février 1998.
En effet, si l'on prend le cas d'un agent titulaire d'une licence, ayant occupé d'abord un emploi réglementé d'attaché pendant sept années, puis un emploi de collaborateur de cabinet pendant douze ans, quelles sont les possibilités d'intégration de ces personnels compétents dans le cadre des administrateurs territoriaux ?
Lorsque l'on considère le temps passé, le niveau des fonctions occupées et les promotions indiciaires obtenues successivement dans un emploi réglementé puis dans celui de collaborateur de cabinet, de telles intégrations devraient être rendues possibles. En effet, les agents qui se trouvent dans cette situation, intégrés dans la catégorie des attachés, n'ont, dans les faits, aucune perspective d'avancement en raison de leur classement indiciaire et de l'absence de prise en compte de leur ancienneté. De plus, ils risquent de rencontrer d'épouvantables difficultés pour faire valoir leurs droits à la retraite.
Une telle stagnation de rémunération, si elle représente une garantie pour les agents, peut constituer un réel handicap pour les cadres gestionnaires. Il peut se révéler difficile de motiver certains agents dans la prise de responsabilités nouvelles, si celles-ci ne peuvent s'accompagner, au moins à moyen terme, d'une amélioration de leur rémunération.
C'est tout l'objet et le sens de cet amendement d'ordre technique.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. La commission estime que, pour des personnes comptant dix-huit ans d'ancienneté et ayant atteint l'indice 940 majoré, le concours de droit commun doit constituer une réponse, sans qu'il soit besoin de prévoir de mesure dérogatoire dans un cas particulier comme celui-ci.
Je crois que, fort de cette assurance, M. Darniche acceptera certainement de retirer son amendement.
M. Philippe Darniche. Parfaitement. (Sourires.)
M. le président. L'amendement n° 73 rectifié est retiré.
Par amendement n° 96 rectifié, M. Vergès et Mme Borvo proposent d'insérer, après l'article 6, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - A la Réunion, les personnels permanents non titulaires de toutes les communes devront être intégrés, au plus tard au 31 décembre 2001, dans la fonction publique territoriale dans les conditions de statut et de traitement en vigueur en métropole dans la fonction publique territoriale.
« II. - A compter du 1er janvier 2002, des négociations seront engagées entre l'Etat, l'Association des maires et les organisations syndicales sur l'harmonisation des traitements au sein de la fonction publique territoriale des communes de la Réunion. »
Cet amendement est-il soutenu ?...

Chapitre III

Dispositions concernant la fonction publique
hospitalière

Article 7



M. le président.
« Art. 7. - Par dérogation à l'article 29 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, peuvent être ouverts, pour une durée maximum de cinq ans à compter de la date de publication de la présente loi, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat, des concours ou examens professionnels réservés aux candidats remplissant les quatre conditions suivantes :
« 1° Justifier avoir eu, pendant au moins deux mois au cours des douze mois précédant la date du 10 juillet 2000, la qualité d'agent non titulaire de droit public des établissements mentionnés à l'article 2 de la loi du 9 janvier 1986 susmentionnée, recruté à titre temporaire et ayant assuré des missions dévolues aux agents titulaires ;
« 2° Avoir été, durant la période définie au 1° ci-dessus, en fonctions ou avoir bénéficié d'un congé en application du décret pris sur le fondement de l'article 10 de la loi du 9 janvier 1986 précitée ;
« 3° Justifier, au plus tard à la date de nomination dans le corps, des titres ou diplômes requis des candidats au concours ou examen professionnel externe d'accès au corps concerné. Les candidats peuvent obtenir la reconnaissance de leur expérience professionnelle en équivalence des conditions de titres ou diplômes requises pour se présenter aux concours prévus par le présent article. Un décret en Conseil d'Etat précise la durée de l'expérience professionnelle prise en compte en fonction de la nature et du niveau des titres ou diplômes requis ;
« 4° Justifier, au plus tard à la date de clôture des inscriptions au concours ou à l'examen professionnel, d'une durée de services publics effectifs au moins égale à trois ans d'équivalent temps plein au cours des huit dernières années.
« Les concours ou examens professionnels réservés prévus à l'alinéa précédent sont organisés pour l'accès à des corps de fonctionnaires dont les statuts particuliers prévoient un recrutement par la voie externe. Les examens professionnels réservés prévus au même alinéa ne peuvent être organisés que pour les corps dont les statuts particuliers prévoient un recrutement externe par examen professionnel.
« Les candidats ne peuvent se présenter qu'aux concours ou examens professionnels prévus par le présent article donnant accès aux corps de fonctionnaires dont les missions, telles qu'elles sont définies par les statuts particuliers desdits corps, relèvent d'un niveau de catégorie au plus égal à celui des fonctions qu'ils ont exercées pendant une durée de trois ans au cours de la période de huit ans prévue au 4° du premier alinéa ci-dessus. »
Par amendement n° 8, M. Hoeffel, au nom de la commission, propose, dans le deuxième alinéa (1°) de cet article, de remplacer les mots : « deux mois » par les mots : « quatre mois ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de conséquence.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Avis défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 8, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 9, M. Hoeffel, au nom de la commission, propose, à la fin du dernier alinéa de l'article 7, de remplacer les mots : « pendant une durée de trois ans au cours de la période de huit ans prévue au 4° du premier alinéa ci-dessus » par les mots : « pendant la période prévue au 4° du présent article ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. M. le rapporteur est trop modeste ! Le Gouvernement est très favorable à cet amendement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 9, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 7, modifié.

(L'article 7 est adopté.)

Article 8



M. le président.
« Art. 8. - I. - Par dérogation à l'article 31 de la loi du 9 janvier 1986 susmentionnée, les concours ou examens professionnels prévus à l'article 7 donnent lieu à l'établissement d'une liste d'aptitude valable un an, classant par ordre alphabétique les candidats déclarés admis par le jury. Les candidats inscrits sur cette liste sont recrutés par les établissements qui auront offert un poste au concours ou à l'examen professionnel.
« II. - Le décret prévu au premier alinéa de l'article 7 fixe notamment la liste des corps pour lesquels ces concours ou examens professionnels pourront être ouverts en dérogation aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 36 de la loi du 9 janvier 1986 susmentionnée ainsi que les modalités d'organisation de ces concours ou examens professionnels et la nature des épreuves. » - (Adopté.)

TITRE II

DISPOSITIONS RELATIVES
À LA MODERNISATION DU RECRUTEMENT

M. le président. Par amendement n° 79, MM. Domeizel, Mahéas et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent de rédiger ainsi l'intitulé de cette division : « Dispositions relatives à la modernisation de la gestion de la carrière. »
La parole est à M. Domeizel.
M. Claude Domeizel. Cet amendement a pour objet de nous permettre de discuter de l'amendement n° 88, qui viendra en discussion par la suite.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. L'ambition du nouvel intitulé est incontestable mais, manifestement, il ne me paraît pas correspondre au contenu des articles 9 à 14. Restons-en donc au libellé modeste d'un titre correspondant à la réalité du contenu.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement.
M. le président. Monsieur Domeizel, maintenez-vous l'amendement n° 79 ?
M. Claude Domeizel. J'accepte de le retirer si cela ne fait pas obstacle à la discussion de l'amendement n° 88.
M. le président. L'amendement n° 79 est retiré.

Article 9



M. le président.
« Art. 9. - Le premier alinéa de l'article 6 de la loi du 11 janvier 1984 susmentionnée est modifié comme suit :
« Les fonctions qui, correspondant à un besoin permanent, impliquent un service à temps incomplet d'une durée n'excédant pas 70 % d'un service à temps complet, sont assurées par des agents contractuels.
« Les agents contractuels recrutés en application des dispositions du premier alinéa de l'article 6 de la loi du 11 janvier 1984 susmentionnée dans sa rédaction antérieure à la présente loi, et en fonctions à la date de publication de la présente loi ou bénéficiaires, à la même date, de l'un des congés prévus par le décret pris en application de l'article 7 de la loi du 11 janvier 1984 susmentionnée, continuent à être employés dans les conditions prévues par leur contrat. » - (Adopté.)

Article 10



M. le président.
« Art. 10. - L'article 19 de la loi du 11 janvier 1984 susmentionnée est modifié comme suit :
« I. - Le 1° est remplacé par les dispositions suivantes :
« 1° Des concours ouverts aux candidats justifiant de certains diplômes ou de l'accomplissement de certaines études.
« Lorsqu'une condition de diplôme est requise, les candidats disposant d'une expérience professionnelle conduisant à une qualification équivalente à celle sanctionnée par le diplôme requis peuvent, lorsque la nature des fonctions le justifie, être admis à se présenter à ces concours. Un décret en Conseil d'Etat précise la durée de l'expérience professionnelle prise en compte en fonction de la nature et du niveau des diplômes requis. »
« II. - Le même article est complété par les dispositions suivantes :
« 3° En outre, pour l'accès à certains corps et dans les conditions fixées par leur statut particulier, des concours réservés aux candidats justifiant de l'exercice pendant une durée déterminée d'une ou plusieurs activités professionnelles, d'un ou de plusieurs mandats de membre élu d'une collectivité territoriale ou d'une ou de plusieurs activités en qualité de responsable d'une association, peuvent être organisés. La durée de ces activités ou mandats ne peut être prise en compte que si les intéressés n'avaient pas, lorsqu'ils les exerçaient, la qualité de fonctionnaire, de magistrat, de militaire ou d'agent public. Les statuts particuliers fixent la nature et la durée des activités requises, ainsi que la proportion des places offertes à ces concours par rapport au nombre total des places offertes pour l'accès par concours aux corps concernés.
« Les concours mentionnés aux 1° , 2° et 3° ci-dessus peuvent être organisés soit sur épreuves, soit sur titres ou sur titres et travaux, éventuellement complétés d'épreuves, lorsque les emplois en cause nécessitent une expérience ou une formation préalables.
« Les concours peuvent être organisés au niveau national ou déconcentré. La compétence des ministres en matière d'organisation des concours peut être déléguée, par arrêté conjoint du ministre intéressé et du ministre chargé de la fonction publique, après consultation des instances paritaires compétentes, au représentant de l'Etat dans la région, le département, le territoire ou la collectivité d'outre-mer, pour les personnels placés sous son autorité. »
Par amendement n° 10, M. Hoeffel, au nom de la commission, propose de remplacer les deux premiers alinéas du I de cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« « I. - Le 1° est complété par les dispositions suivantes : ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Cet amendement rédactionnel permet tout simplement d'éviter de répéter le droit existant.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 10, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 103, le Gouvernement propose :
I. - Dans la première phrase du dernier alinéa du I de l'article 10, de supprimer le mot : « professionnelle »
II. - De procéder à la même suppression dans la seonde phrase du même alinéa.
La parole est à M. le ministre.
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Cet amendement a pour objet de supprimer le terme « professionnelle » dans le texte qui vous est proposé, de manière à inclure les candidats disposant d'une expérience à titre bénévole dans le milieu associatif. Le projet de loi prévoit en effet le cas des candidats responsables à titre professionnel, mais non celui des candidats responsables à titre bénévole. Or ce bénévolat peut permettre d'acquérir des expériences qui, ensuite, peuvent légitimement être prises en compte pour présenter les concours en question.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Je dois préciser que, en raison du dépôt tardif de cet amendement, la commission n'a pas pu se prononcer. Toutefois, m'inscrivant dans la logique qui anime la commission des lois, je ne puis émettre d'avis favorable.
Cet amendement vise en effet à ouvrir le troisième concours aux personnes bénéficiant d'une expérience sans préciser qu'il s'agit d'une expérience professionnelle. Or, c'est un élément important. Le troisième concours tend à élargir le recrutement des fonctionnaires aux personnes compétentes et expérimentées du secteur privé lorsque leur professionnalisme le justifie. C'est, là encore, un terme sur lequel il convient de mettre l'accent. A titre personnel je me permets donc d'exprimer un avis défavorable, j'en ai le regret, monsieur le ministre, mais il est des circonstances dans lesquelles il vaut mieux être clair au départ.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 103.
M. Jacques Mahéas. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Mahéas.
M. Jacques Mahéas. Nous sommes particulièrement étonnés de la position de notre rapporteur, qui nous a habitués à plus de souplesse. En l'occurrence, marquer l'existence du bénévolat des associations en permettant à ceux qui l'exercent de se présenter au troisième concours serait une reconnaissance de la vie de nos collectivités locales.
Le groupe socialiste votera donc pour cet amendement.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 103, repoussé par la commission.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 11, M. Hoeffel, au nom de la commission, propose dans la première phase du deuxième alinéa du II de l'article 10, de remplacer les mots : « membre élu » par les mots : « membre d'une assemblée élue ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 11, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.) M. le président. Par amendement n° 104, le Gouvernement propose, dans la première phrase du deuxième alinéa du II de l'article 10, de remplacer les mots : « responsable d'une association » par les mots : « responsable bénévole d'une association ».
La parole est à M. le ministre.
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Cet amendement a le même objet que celui qui vient d'être repoussé.
J'ajouterai simplement, à l'intention de M. le rapporteur, que le parallélisme entre professionnels dans une entreprise et professionnels dans une association trouve ses limites. J'ai rarement vu des bénévoles travailler dans une entreprise ; en revanche, je connais des responsables bénévoles dans des associations.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Par coordination et pour les mêmes arguments que précédemment, je suis au regret de ne pouvoir donner un avis favorable à cet amendement, dont je déplore à nouveau le dépôt tardif. La commission n'a pu en délibérer dans les délais voulus, mais je sais qu'être au Gouvernement comporte, parfois, des servitudes qui méritent compréhension...
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Je trouve votre remarque justifiée et votre compréhension méritoire.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 104, repoussé par la commission.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 12, M. Hoeffel, au nom de la commission, propose, dans la seconde phrase du dernier alinéa de l'article 10, de remplacer les mots : « instances paritaires compétentes » par les mots : « comités techniques paritaires ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de précision.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Favorable.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 12.
M. Jacques Mahéas. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Mahéas.
M. Jacques Mahéas. Je souhaiterais poser une question : actuellement, dans la fonction hospitalière, y a-t-il des comités techniques paritaires ou des instances paritaires ?
MM. Michel Mercier et Jean-Jacques Hyest. Oh oui ! des comités techniques paritaires, il y en a partout, hélas !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 12, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 10, modifié.

(L'article 10 est adopté.)

Articles 11 et 12



M. le président.
« Art. 11. - Il est inséré, à l'article 20 de la loi du 11 janvier 1984 susmentionnée, un sixième alinéa rédigé comme suit :
« Les candidats aux concours doivent remplir les conditions générales prévues aux articles 5 et 5 bis du titre Ier du statut général et par le statut particulier du corps auxquels ils postulent au plus tard à la date de la première épreuve du concours ou, s'il s'agit d'un concours comprenant un examen des titres des candidats, à la date de la première réunion du jury chargé de la sélection des dossiers, sauf indications contraires dans le statut particulier du corps concerné. » - (Adopté.)
« Art. 12. - Pendant une durée de cinq ans à compter de la publication de la présente loi, le recrutement dans les corps de fonctionnaires de catégorie C dont le grade de début est doté de l'échelle de rémunération la moins élevée de cette catégorie peut avoir lieu sans concours, selon des conditions d'aptitude et des modalités prévues par décret en Conseil d'Etat. » - (Adopté.)

Article 13



M. le président.
« Art. 13. - I. - Le dernier alinéa de l'article 3 de la loi du 26 janvier 1984 susmentionnée est supprimé.
« Les agents contractuels qui ont été recrutés en application des dispositions du dernier alinéa de l'article 3 de la loi du 26 janvier 1984 susmentionnée dans sa rédaction antérieure à la présente loi, en fonctions à la date de publication de la présente loi ou bénéficiaires, à la même date, de l'un des congés prévus par le décret pris en application du dernier alinéa de l'article 36 de la loi du 26 janvier 1984 susmentionnée, continuent à être employés dans les conditions prévues par la législation antérieure, lorsqu'ils ne sont pas recrutés au titre des dispositions des articles 36 ou 38 de la loi du 26 janvier 1984 ou au titre des dispositions des articles 3 à 5 de la présente loi.
« II. - L'article 14 de la loi du 26 janvier 1984 susmentionnée est complété par les dispositions suivantes :
« Les centres de gestion réalisent une synthèse des informations mentionnées à l'alinéa précédent ainsi que de toutes autres données relatives à l'évolution des emplois dans les collectivités et établissements relevant de leur ressort et aux besoins prévisionnels recensés en application de l'article 43 de la présente loi, dans le but d'organiser une concertation annuelle auprès de ces collectivités et établissements et de contribuer à l'évaluation des besoins prévisionnels de recrutement ainsi que des moyens nécessaires à leur mise en oeuvre.
« A ce titre, ils examinent plus particulièrement les demandes et propositions de recrutement et d'affectation susceptibles d'être effectuées sur la base du deuxième alinéa de l'article 25.
« Les informations et propositions issues de cette concertation sont portées à la connaissance des comités techniques paritaires.
« III. - Dans la deuxième phrase du premier alinéa de l'article 34 de la loi du 26 janvier 1984 susmentionnée, le terme : "trois" est remplacé par le terme : "deux".
« IV. - L'article 36 de la loi du 26 janvier 1984 susmentionnée est complété ainsi qu'il suit :
« En outre, l'accès à certains cadres d'emplois peut être, dans les conditions fixées par leur statut particulier, ouvert par la voie d'un troisième concours aux candidats justifiant de l'exercice, pendant une durée déterminée, d'une ou de plusieurs activités professionnelles ou d'un ou de plusieurs mandats de membre élu d'une collectivité territoriale. Ce troisième concours peut aussi être ouvert à des candidats justifiant d'une ou de plusieurs activités en qualité de responsable d'une association.
« La durée de ces activités ou mandats ne peut être prise en compte que si les intéressés n'avaient pas, lorsqu'ils les exerçaient, la qualité de fonctionnaire, de magistrat, de militaire ou d'agent public. Les statuts particuliers fixent la nature et la durée des activités requises, et la proportion des places offertes pour l'accès par ces concours aux cadres d'emplois.
« V. - Pour la durée d'application du dispositif de la présente loi, le rapport établi sur la base de l'article 33 de la loi du 26 janvier 1984 susmentionnée comporte un bilan de la mise en oeuvre des dispositions prévues aux articles 3 à 5 ci-dessus.
« Le centre de gestion est rendu destinataire du bilan susmentionné et en assure la transmission aux organisations syndicales représentées au Conseil supérieur de la fonction publique territoriale. »
Je suis d'abord saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 13 est présenté par M. Hoeffel, au nom de la commission.
L'amendement n° 25 rectifié est déposé par MM. Eckenspieller et Vasselle.
Tous deux tendent à supprimer le I de l'article 13.
Par amendement n° 37 rectifié, MM. Eckenspieller et Vasselle proposent de rédiger comme suit le I de cet article :
« I. - Le dernier alinéa de l'article 3 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée est complété par les mots suivants : "et relevant de la catégorie A ou B. Les agents ainsi recrutés, lorsqu'ils occupent un ou plusieurs emplois pour une durée inférieure à la moitié de la durée légale du travail, ne sont pas soumis aux dispositions du 1er alinéa de l'article 25 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires". »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 13.
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Il s'agit d'une question de principe que la plupart d'entre vous ont soulevée au cours de leurs interventions.
Le projet de loi tend à supprimer la possibilité pour les communes de moins de 2 000 habitants et pour leurs groupements de recruter des contractuels sur des emplois permanents à temps non complet.
Or, nous estimons que ce mode de recrutement est un élément de souplesse pour ces communes. C'est donc pour garantir cette souplesse de gestion que la commission vous propose, mes chers collègues, de supprimer le paragraphe I de l'article 13.
M. le président. La parole est à M. Eckenspieller, pour présenter les amendements n°s 25 rectifié et 37 rectifié.
M. Daniel Eckenspieller. L'amendement n° 25 rectifié étant identique à celui de la commission, je n'ajouterai rien aux propos de M. le rapporteur.
Quant à l'amendement n° 37 rectifié, il n'aura plus de raison d'être si l'amendement n° 13 est adopté. Si tel ne devait pas être le cas, cet amendement n° 37 rectifié constituerait une solution de repli qui réglerait au moins partiellement le problème que nous cherchons à résoudre.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 37 rectifié ?
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Je me place dans une situation optimiste en espérant que l'amendement n° 13 sera adopté.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 13, 25 rectifié, et 37 rectifié ?
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Nous abordons là l'un des sujets importants qui ont été soulevés au Sénat, en particulier sur l'initiative de la commission.
L'analyse statistique des effets de l'accord Perben montre que la proportion des personnels concernés qui ont pu être titularisés dans la fonction publique d'Etat est importante. En revanche, cette proportion est faible dans les collectivités locales. Il y a donc, je crois, un problème spécifique aux collectivités territoriales en termes de précarité.
J'ai bien compris votre souci de garantir de la souplesse. Mais, si ce souci aboutit à ce que, dans les collectivités territoriales, il reste un nombre très important de personnels en situation précaire, alors que, par ailleurs, l'Etat se verra imposer une plus grande rigueur pour diminuer ce nombre, la situation paraîtra des plus choquantes, notamment aux personnels qui, par les hasards de leur carrière, se trouveront employés par une collectivité territoriale, alors qu'ils auraient pu entrer aussi bien dans une administration de l'Etat.
Le Gouvernement a donc essayé, à la fois, de respecter la liberté des collectivités territoriales tout en parvenant par diverses modifications, y compris par des modifications législatives comme celle dont nous parlons, de réduire le champ du recrutement contractuel et donc du recrutement précaire dans les collectivités territoriales.
Monsieur le rapporteur, vous le savez mieux que quiconque, vous aviez souhaité apporter un certain nombre d'assouplissements dans votre loi du 27 décembre 1994 par l'élargissement des possibilités de recours au temps non complet et par la généralisation - ce qui est très important - du recrutement direct, sans concours, pour les emplois de catégorie C. Ainsi, une plus grande souplesse dans le choix de ceux qui peuvent servir ces collectivités territoriales a été instituée grâce à votre initiative.
Je crois pouvoir dire qu'un amendement qui a été déposé sur cet article vise à apporter plus de souplesse en permettant à un agent employé à temps non complet de cumuler cet emploi à temps partiel avec un autre emploi. Cet assouplissement permettrait de résoudre bien des difficultés.
Je crois donc que le dispositif qui a la faveur du Gouvernement, c'est-à-dire la suppression de la possibilité pour les communes de moins de deux mille habitants, conjugué avec les dispositions que vous avez introduites, en particulier le recrutement direct sans concours de titulaires pour les catégories C, conjugué également avec le dispositif de cumul que vous allez proposer maintenant, permettra de résoudre l'ensemble des problèmes.
Etre rigoureux pour faire en sorte que le champ de la précarité diminue, y compris dans les collectivités territoriales, respecter la liberté de chacune des collectivités territoriales dans le choix des agents embauchés, mais aussi respecter chacun des agents en lui permettant d'avoir, par un cumul d'activités, un salaire complet, tels sont les principes qui recueillent l'assentiment du Gouvernement.
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Monsieur le ministre, j'ai écouté votre argumentation avec attention et je me dois d'intervenir à nouveau car nous nous trouvons là au coeur d'un des problèmes fondamentaux.
Trois raisons me paraissent justifier notre amendement.
Première raison : si les assouplissements introduits par la loi de décembre 1994 faisaient réellement double emploi avec le recrutement contractuel à temps non complet dans les petites communes, on aurait déjà procédé, en 1994, à la suppression de cette mesure dérogatoire introduite sept ans auparavant.
Deuxième raison : le recrutement sans concours dans la catégorie C ne répondra pas à l'ensemble des besoins des petites communes et de leurs groupements, sauf à considérer qu'elles n'auraient pas besoin d'agents de catégories A et B.
Troisième raison : la mise à disposition de personnels par les centres de gestion est une mesure utile - nous ne le contestons pas - mais actuellement encore peu utilisée et très inégalement développée selon les centres de gestion. Il faut espérer que l'on y recourra de plus en plus.
En attendant, notre amendement nous paraît correspondre à la réalité vécue dans les communes et leurs groupements. C'est donc faire preuve de sagesse que de vous demander, mes chers collègues, d'adopter cet amendement.
M. le président. Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s 13 et 25 rectifié.
M. Alain Vasselle. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. M. Hoeffel a, d'une manière tout à fait pertinente, énoncé les raisons pour lesquelles cet amendement doit être adopté.
J'ajouterai deux remarques supplémentaires.
Je me souviens parfaitement de l'assouplissement apporté dans le cadre de la loi de 1994, puisque j'avais déposé, au nom de l'Association des maires de France, l'amendement qui a permis le recrutement direct des agents de catégorie C.
Je rappelle également que le texte qui nous est soumis ce soir est le résultat d'un protocole d'accord engagé entre le Gouvernement et les organisations syndicales. Les associations représentatives d'élus, qui n'étaient pas invitées à la table des négociations, n'étaient pas présentes. Et l'Association des maires de France, au sein de laquelle je préside le groupe de la fonction publique territoriale, a été conduite à donner un avis sur les dispositions de ce texte : c'est à l'unanimité que tous les membres du groupe de la fonction publique territoriale, dans lequel se trouvent les communes affiliées et non affiliées, ont demandé la suppression de ces dispositions.
Monsieur le ministre, si nous avions été à la table des négociations, vous auriez su dès le départ, devant les organisations syndicales, que nous n'étions pas favorables à ces mesures.
Il me paraît important que la représentation nationale tienne compte de l'avis exprimé par l'Association des maires de France, toutes sensibilités et toutes strates démographiques confondues, en ce qui concerne le territoire national.
M. Claude Domeizel. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Domeizel.
M. Claude Domeizel. Il s'agit, en effet, d'un article important.
La possibilité de recruter des agents dans les communes de moins de 2 000 habitants dès lors que la durée du travail hebdomadaire était de moins de trente et une heures trente date de 1987. Depuis, les choses ont beaucoup changé, cela a été dit. Depuis 1991 et 1994, tout emploi de catégorie C à l'échelle 2 peut être pourvu sans concours.
Les centres de gestion, on l'a rappelé, ont un rôle à jouer, même si certains ne le jouent pas encore pleinement, et on doit les encourager à le faire.
L'intercommunalité a également modifié les possibilités offertes aux communes.
Pour sa part, le groupe socialiste votera contre cet amendement. Il suffit de lire l'intitulé du texte : « projet de loi relatif à la résorption de l'emploi précaire » ! On ne peut prétendre vouloir résorber l'emploi précaire et, dans le même temps, laisser la porte ouverte au recrutement d'un grand nombre de personnes et d'agents en emploi précaire ! On ne peut pas tenir deux langages !
J'ai une fort longue expérience de président de centre de gestion dans mon département et je peux affirmer qu'aujourd'hui la demande des petites communes peut être satisfaite, même si l'on supprime cette mesure concernant les communes de moins de 2 000 habitants.
Le problème pour les communes de moins de 2 000 habitants - et c'est la raison pour laquelle j'ai déposé, au nom du groupe socialiste, un amendement que nous examinerons ultérieurement - c'est le cumul d'un emploi public et d'un emploi privé. Il est vrai que lorsqu'on a recruté un agent dans une petite commune et qu'il exerce en même temps une activité privée on se heurte à des difficultés.
Il faut donner la possibilité à des personnes qui sont titulaires dans la fonction publique de pouvoir travailler dans le secteur privé, et répondre ainsi aux attentes des maires des communes rurales. Telle est la raison pour laquelle, je le répète, nous voterons contre cet amendement.
M. Jean-Jacques Hyest. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. Tout d'abord, je me permets de rappeler que les recrutements directs d'agents de catégorie C n'étaient effectués que pour des raisons de simplification. Il est à peu près impossible, en effet, d'organiser des concours, par exemple, pour recruter des agents d'entretien : on risquerait de voir se présenter huit cents candidats pour un poste. Tel était donc bien - M. le rapporteur s'en souvient fort bien - le principal motif de la simplification.
Ensuite, je suis quelque peu surpris par les propos tenus par M. Domeizel : des agents publics qui ne pourraient plus être recrutés à temps non complet pourraient, en revanche, cumuler un emploi dans le privé. Or, en vertu d'une disposition concernant le statut des fonctionnaires, toute personne exerçant une activité à temps complet ne peut pas cumuler un emploi public et un emploi privé. C'est d'ailleurs, je le rappelle, ce qui fait parfois toute la difficulté.
Par ailleurs, ne travailler que quelques heures ne signifie pas nécessairement précarité. Dans nos petites communes, nous avons parfois recours, pour quelques heures, à une femme de ménage. Mais, en même temps, elle est employée comme aide ménagère. En fin de compte, elle travaille à temps complet, mais ce n'est pas un emploi public, parce qu'elle est également employée par une association. C'est interdit aujourd'hui, mais ce serait rendu possible demain.
Je vous citerai un autre exemple, celui des personnels qui conduisent les autobus scolaires. (M. Claude Domeizel s'exclame.) Vous voulez interdire qu'on les recrute à temps non complet et de manière contractuelle !
M. Claude Domeizel. Pas du tout !
M. Jean-Jacques Hyest. Si, en fait, c'est ce que vous voulez ! Je ne comprends pas ! C'est très utile dans les petites communes, et, pour ces personnels, ce n'est pas de la précarité. Simplement, ils ne sont employés que quelques heures. Il faut donc maintenir ce dispositif.
M. René Garrec. Tout à fait !
M. Jacques Mahéas. Il n'y a pas d'opposition de notre part !
M. Claude Domeizel. Pas du tout !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 13 et 25 rectifié, repoussés par le Gouvernement.

(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 37 rectifié n'a plus d'objet.
La suite de la discussion est renvoyée à une prochaine séance.

13

NOMINATION DES MEMBRES
D'UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE

M. le président. Il va être procédé à la nomination de sept membres titulaires et de sept membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion sur le projet de loi relatif à l'épargne salariale.
La liste des candidats établie par la commission des finances a été affichée conformément à l'article 12 du règlement.
Je n'ai reçu aucune opposition.
En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire :
Titulaires : MM. Roland du Luart, Joseph Ostermann, Jean Chérioux, Denis Badré, André Vallet, Marc Massion et Paul Loridant.
Suppléants : M. Jacques Baudot, Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Joël Bourdin, Alain Joyandet, Jacques Pelletier, Michel Sergent et François Trucy.

14

MODIFICATION DE L'ORDRE DU JOUR

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le ministre des relations avec le Parlement une lettre en date de ce jour par laquelle le Gouvernement modifie l'ordre du jour prioritaire de la séance du vendredi 24 novembre, en inscrivant le matin la suite du projet de loi relatif à la résorption de l'emploi précaire et à la modernisation du recrutement dans la fonction publique ainsi qu'au temps de travail dans la fonction publique territoriale.
M. Alain Vasselle. C'est scandaleux !
M. Louis Althapé. Il n'y aura personne !
M. le président. L'ordre du jour de la séance du vendredi 24 novembre est modifié en conséquence :
- à neuf heures trente : suite du projet de loi relatif à la résorption de l'emploi précaire dans la fonction publique ;
- à 15 heures : examen des articles de la première partie du projet de loi de finances pour 2001.
Mes chers collègues, je souhaite, en votre nom à tous, remercier M. le ministre, M. le rapporteur et la commission d'avoir accepté de modifier notre programme de travail, afin de satisfaire toutes les demandes qui ont été formulées.

15

communication de l'adoption définitive
de textes soumis en application
de l'article 88-4 de la Constitution

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre une communication en date du 22 novembre 2000 l'informant de l'adoption définitive de neuf textes soumis en application de l'article 88-4 de la Constitution suivants :
E 1292. - Proposition de décision du Conseil concernant la conclusion de l'accord de coopération dans le domaine de la science et de la technologie entre la Communauté européenne et la Fédération de Russie, adopté le 16 novembre 2000 ;
E 1474. - Proposition de décision du Conseil autorisant la France à appliquer une exonération de droits d'accise sur certaines huiles minérales utilisées à des fins spécifiques, conformément à la procédure prévue par l'article 8, paragraphe 4, de la directive 92/81/CEE (gaz utilisés dans les véhicules de collecte des immondices), adopté le 10 novembre 2000 ;
E 1482. - Proposition de décision du Conseil modifiant la décision 2000/24/CE afin d'étendre la garantie accordée par la Communauté à la Banque européenne d'investissement aux prêts en faveur de projets en Croatie, adopté le 7 novembre 2000 ;
E 1506. - Proposition de règlement du Conseil portant ouverture et mode de gestion de contingents tarifaires communautaires autonomes pour certains produits de la pêche (crevettes), adopté le 7 novembre 2000 ;
E 1508. - Proposition de règlement du Conseil établissant, conformément à l'article 1er, paragraphe 7, du règlement (CEE) n° 3030/93, la liste des produits textiles et des vêtements à incorporer, le 1er janvier 2002, à l'accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 et modifiant l'annexe X du règlement (CEE) n° 3030/93 et l'annexe II du règlement (CE) n° 3285/94, adopté le 9 novembre 2000 ;
E 1556. - Proposition de règlement du Conseil établissant certaines concessions sous forme de contingents tarifaires communautaires pour certains produits agricoles et prévoyant l'adaptation autonome et transitoire de certaines concessions agricoles prévues dans l'accord européen avec la Slovénie, adopté le 7 novembre 2000 ;
E 1558. - Proposition de décision du Conseil relative à la prorogation de l'accord international de 1986 sur l'huile d'olive et les olives de table, adopté le 10 novembre 2000 ;
E 1563. - Proposition de règlement du Conseil modifiant l'annexe I du règlement (CEE) n° 2658/87 relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun (produits des technologies de l'information [ATI]), adopté le 16 novembre 2000 ;
E 1573. - Proposition de règlement du Conseil portant deuxième modification du règlement (CE) n° 1294/1999 du Conseil relatif à un gel des capitaux et à une interdiction des investissements en relation avec la République fédérale de Yougoslavie (RFY) et abrogeant les règlements (CE) n° 1295/1998 et (CE) n° 1607/1998 ainsi qu'abrogation de l'article 2 du règlement (CE) n° 926/1998 du Conseil concernant la réduction de certaines relations économiques avec la République fédérale de Yougoslavie, adopté le 10 novembre 2000.

16

DÉPÔT D'UN PROJET DE LOI

M. le président. J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à l'élargissement du conseil d'administration de la société Air France et aux relations de cette société avec l'Etat, et portant modification du code de l'aviation civile.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 90, distribué et renvoyé à la commission des affaires économiques et du Plan.

17

TEXTES SOUMIS AU SÉNAT EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- proposition de décision du Conseil relative aux taux réduits et aux exonérations de droits d'accises sur certaines huiles minérales utilisées à des fins spécifiques.
Ce texte sera imprimé sous le n° E 1603 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Consitution :
- lettre de la Commission européenne du 6 novembre 2000 relative à une demande de dérogation présentée par les Pays-Bas conformément à l'article 8, paragraphe 4, de la directive 92/81/CEE du Conseil du 19 octobre 1992 concernant l'harmonisation des structures des droits d'accises sur les huiles minérales (gazole, GPL) : Lettre de la Commission aux Etats membres.
Ce texte sera imprimé sous le n° E 1604 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- proposition de décision du Conseil relative à la signature et à l'application provisoire de l'accord sur le commerce de produits textiles entre la Communauté européenne et la République de Croatie, paraphé à Bruxelles le 8 novembre 2000.
Ce texte sera imprimé sous le n° E 1605 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 79/267/CEE du Conseil en ce qui concerne l'exigence de marge de solvabilité des entreprises d'assurance vie.
Ce texte sera imprimé sous le n° E 1606 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 2791/1999 du Conseil du 16 décembre 1999 établissant certaines mesures de contrôle applicables dans la zone de la convention sur la future coopération multilatérale dans les pêches de l'Atlantique du nord-est.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1607 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement du Conseil concernant la conclusion du protocole fixant les possibilités de pêche et la compensation financière prévues dans l'accord entre la Communauté économique européenne et le gouvernement de la République de Guinée Equatoriale concernant la pêche au large de la côte de Guinée Equatoriale pour la période du 1er juillet 2000 au 30 juin 2001.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1608 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement du Conseil établissant certaines concessions sous forme de contingents tarifaires communautaires pour certains produits agricoles transformés et prévoyant l'adaptation autonome et transitoire de certaines concessions agricoles prévues dans l'accord européen avec la République de Pologne et abrogeant le règlement (CE) n° 3066/95.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1609 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil concernant la signature, au nom de la Communauté européenne, de l'accord sous forme d'échange de lettres prorogeant et modifiant l'accord sur le commerce de produits textiles conclu entre la Communauté européenne et l'Ukraine, et autorisant son application provisoire.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1610 et distribué.

18

ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, jeudi 23 novembre 2000, à onze heures, quinze heures et, éventuellement, le soir :
Discussion du projet de loi de finances pour 2001, adopté par l'Assemblée nationale (n°s 91 et 92, 2000-2001) (M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation).
Discussion générale.
Aucune inscription de parole dans la discussion générale n'est plus recevable.
Délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la première partie du projet de loi de finances pour 2001 : jeudi 23 novembre 2000, à onze heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.

(La séance est levée le jeudi 23 novembre 2000, à une heure cinquante-cinq.)

Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON





NOMINATION DES MEMBRES
D'UNE COMMISSION D'ENQUÊTE

Au cours de la séance du mercredi 22 novembre 2000, ont été proclamés membres de la commission d'enquête sur les conditions d'utilisation des farines animales dans l'alimentation des animaux d'élevage et les conséquences qui en résultent pour la santé des consommateurs :
MM. Jean Bernard, Jacques Bimbenet, Jean Bizet, Paul Blanc, Bernard Cazeau, Gérard César, Yvon Collin, Gérard Deriot, Bernard Dussaut, Jean-Paul Emorine, Bernard Fournier, Georges Gruillot, Jean-François Humbert, Gérard Le Cam, Serge Lepeltier, Roland du Luart, François Marc, Gérard Miquel, Philippe Nogrix, Jean-Marc Pastor, Michel Souplet.

NOMINATION DE RAPPORTEURS
COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES

M. Pierre Hérisson a été nommé rapporteur de la proposition de résolution n° 89 (2000-2001) de M. Gérard Larcher et plusieurs de ses collègues, sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 97/67/CE en ce qui concerne la poursuite de l'ouverture à la concurrence des services postaux de la Communauté (n° E 1520).

COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES,
DE LA DÉFENSE ET DES FORCES ARMÉES

M. Robert Del Picchia a été nommé rapporteur du projet de loi n° 70 (2000-2001) autorisant l'approbation de l'accord sous forme d'échange de notes entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse concernant l'interprétation de la convention relative au service militaire des doubles-nationaux du 16 novembre 1995.

COMMISSION DES FINANCES

M. Denis Badré a été nommé rapporteur de la proposition de loi n° 27 (2000-2001) de M. Jean-Paul Amoudry et plusieurs de ses collègues relative à l'abaissement du taux de TVA dans les secteurs de la restauration traditionnelle.
M. Philippe Marini a été nommé rapporteur de la proposition de loi n° 50 (2000-2001) de M. André Vallet modifiant l'article 102 du code général des impôts concernant le régime spécial déclaratif des bénéfices commerciaux pour les entreprises dont les recettes n'excèdent pas 175 000 F.



Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)


Présence de produits phytosanitaires
dans les eaux de pluie du Nord - Pas-de-Calais

948. - 20 novembre 2000. - M. Jacques Donnay attire l'attention de Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement sur la révélation récente d'une étude, engagée depuis dix-huit mois dans la région Nord - Pas-de-Calais par l'Institut Pasteur de Lille, sur la présence de produits phytosanitaires dans l'eau de pluie. Les premiers constats de cette enquête, prévue sur quatre années, avec des relevés quotidiens effectués en cinq endroits, à Berck, Gravelines, Lille, Cambrai et Lillers, soulèvent d'ores et déjà de nombreuses interrogations, voire inquiétudes. En effet, les recherches entreprises ont déjà permis de mesurer les taux de contamination atmosphérique par rapport à la norme existante fixée à 0,1 microgramme de pesticide par litre. Or, cette norme est souvent dépassée de trente fois à Berck et de quatre-vingts fois à Lille. Ce problème, certes ancien, risque, aujourd'hui, d'alimenter le climat de psychose actuel : d'où viennent ces produits phytosanitaires retrouvés dans les eaux de pluie ? Ces produits ne risquent-ils pas de contaminer les nappes phréatiques et donc l'eau que nous buvons ? Qu'en est-il des atteintes à la faune et à l'environnement ? Informé de la détermination du Gouvernement à assurer un haut niveau de protection des milieux (l'air, l'eau, le sol), et donc des populations, en imposant notamment la surveillance étroite des seuils de pollution, il lui demande donc s'il ne lui paraît pas indispensable, dès à présent et sans attendre les conclusions définitives du rapport, de renforcer les contrôles de l'application des obligations environnementales qui s'imposent aux utilisateurs de produits polluants, voire de procéder à certaines suspensions. De surcroît, dans un souci de sécurité, il la remercie d'envisager les modalités d'une information locale de nos concitoyens sur ce sujet sensible.

Versement des subventions FEDER

949. - 22 novembre 2000. - M. Patrick Lassourd attire l'attention de M. le ministre délégué chargé des affaires européennes sur les modalités de versement des concours européens du Fonds européen de développement économique régional (FEDER). L'attribution des subventions est en effet subordonnée à la présentation de pièces justificatives de factures acquittées. Or, cette exigence, bien que portée sur toutes les conventions établies depuis le lancement du programme Leader II, n'a jamais été mise en application, alors même que de nombreux paiements ont pourtant été réalisés sans aucune difficulté, et ce sur la base de bilans financiers certifiés par le porteur du projet, et accompagnés d'une copie des factures afférentes. Il s'interroge donc sur le récent rejet de deux dossiers du programme Leader II du pays des Portes de Bretagne, pour non-présentation de factures acquittées. Cette pratique nouvelle et inquiétante renforce les lourdeurs administratives et invalide gravement des projets importants pour le développement économique de nos régions. Une bureaucratie excessive ne peut en effet que retarder, voire annuler les programmes, alors même que la France se distingue par une mauvaise consommation des crédits européens, à cause de la complexité imposée par la Délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale (DATAR). Eu égard à la quantité de pièces administratives à fournir, il paraît impossible d'exiger la présentation de factures acquittées pour chaque dossier... Soucieux toutefois de la nécessité de contrôler la destination des deniers publics, il lui demande s'il peut être envisageable d'établir le contrôle sur la bonne foi des porteurs de projets, avec production de tableaux récapitulatifs dûment certifiés portant les mentions : « date, numéro et montant des factures, dénomination du fournisseur, etc. », accompagnés de copie des factures afférentes.

Critères d'éligibilité
aux subventions pour la création de bibliothèques

950. - 22 novembre 2000. - M. Patrick Lassourd souhaite appeler l'attention Mme le ministre de la culture et de la communication sur le caractère beaucoup trop contraignant des critères d'éligibilité aux subventions, pour la construction des bibliothèques, dans les petites villes et les zones rurales. Le critère de taille, déterminé par circulaire, de 7 mètres carrés pour 100 habitants, ne tient pas l'épreuve du terrain, et s'avère hors de proportion eu égard au coût du bâtiment, et aux besoins réels de la population. Le critère de personnel, imposant un emploi à temps complet pour 2 000 habitants et 50 % des emplois affectés aux catégories A ou B, se révèle largement inadapté. Quand on connaît le rôle majeur joué par le bénévolat dans ces petites et moyennes bibliothèques, on mesure l'impossibilité pour les communes d'assumer le coût de ces personnels. Il souhaite que ces critères puissent être revus, en rapportant de 7 à 5 mètres carrés le critère de taille pour 100 habitants, et en permettant aux communes de répondre progressivement au critère de personnel, pour une montée en charge sur quatre ou cinq ans, qui facilitera par là même la transition avec les bénévoles. Il lui demande de bien vouloir examiner ces propositions, vitales pour la diffusion de la culture en zone rurale, et lui préciser sa position sur ce problème, pour répondre à une véritable attente tant des communes que des citoyens.



ANNEXES AU PROCÈS-VERBAL
de la séance
du mercredi 22 novembre 2000


SCRUTIN (n° 18)



sur l'ensemble de la proposition de loi organique, adoptée par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, destinée à améliorer l'équité des élections à l'assemblée de la Polynésie française.


Nombre de votants : 319
Nombre de suffrages exprimés : 302
Pour : 220
Contre : 82

Le Sénat a adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN


GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (17) :
Abstentions : 17.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (23) :

Pour : 18.
Contre : 5. _ MM. François Abadie, Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin et Gérard Delfau.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (99) :

Pour : 98.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Christian Poncelet, président du Sénat.

GROUPE SOCIALISTE (77) :

Contre : 77.

GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (52) :

Pour : 51.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Jean Faure, qui présidait la séance.

GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (46) :

Pour : 46.

Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (7) :

Pour : 7.

Ont voté pour


Nicolas About
Philippe Adnot
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Denis Badré
José Balarello
René Ballayer
Janine Bardou
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Claude Belot
Georges Berchet
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
Jean Boyer
Louis Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Guy-Pierre Cabanel
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Gérard Cornu
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Jean-Patrick Courtois
Charles de Cuttoli
Xavier Darcos
Philippe Darniche
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Robert Del Picchia
Jean Delaneau
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Deriot
Charles Descours
André Diligent
Jacques Dominati
Jacques Donnay
Michel Doublet
Paul Dubrule
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Hubert Durand-Chastel
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Hubert Falco
Pierre Fauchon
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Alfred Foy
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Jean-Claude Gaudin
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Alain Hethener
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Jean-Paul Hugot
Jean-François Humbert
Claude Huriet
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Pierre Jeambrun
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Joyandet
Roger Karoutchi
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lemaire
Serge Lepeltier
Marcel Lesbros
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Jacques Machet
Kléber Malécot
André Maman
Max Marest
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Paul Masson
Serge Mathieu
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Georges Mouly
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Lucien Neuwirth
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Lylian Payet
Michel Pelchat
Jacques Pelletier
Jean Pépin
Jacques Peyrat
Xavier Pintat
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Jean-Marie Rausch
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Yves Rispat
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Michel Rufin
Jean-Pierre Schosteck
Bernard Seillier
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Martial Taugourdeau
Henri Torre
René Trégouët
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Alain Vasselle
Albert Vecten
Jean-Pierre Vial
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Guy Vissac

Ont voté contre


François Abadie
Guy Allouche
Bernard Angels
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Marcel Bony
André Boyer
Yolande Boyer
Claire-Lise Campion
Jean-Louis Carrère
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Yvon Collin
Gérard Collomb
Raymond Courrière
Roland Courteau
Marcel Debarge
Bertrand Delanoë
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Dinah Derycke
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
Claude Domeizel
Michel Dreyfus-Schmidt
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Claude Estier
Léon Fatous
Serge Godard
Jean-Noël Guérini
Claude Haut
Roger Hesling
Roland Huguet
Alain Journet
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Dominique Larifla
Louis Le Pensec
André Lejeune
Claude Lise
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
François Marc
Marc Massion
Pierre Mauroy
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Paul Raoult
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Claude Saunier
Michel Sergent
René-Pierre Signé
Simon Sutour
Michel Teston
Pierre-Yvon Tremel
André Vezinhet
Marcel Vidal
Henri Weber

Abstentions


Jean-Yves Autexier
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Danielle Bidard-Reydet
Nicole Borvo
Robert Bret
Guy Fischer
Thierry Foucaud
Gérard Le Cam
Pierre Lefebvre
Paul Loridant
Hélène Luc
Roland Muzeau
Jack Ralite
Ivan Renar
Odette Terrade
Paul Vergès

N'ont pas pris part au vote


Christian Poncelet, président du Sénat, et Jean Faure, qui présidait la séance.
Les nombres annoncés en séance ont été reconnus, après vérification, conformes à la liste de scrutin ci-dessus.

SCRUTIN (n° 19)



sur l'ensemble du projet de loi organique modifiant les règles applicables à la carrière des magistrats.


Nombre de votants : 319
Nombre de suffrages exprimés : 319
Pour : 319
Contre : 0

Le Sénat a adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN


GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (17) :
Pour : 17.


GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (23) :
Pour : 23.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (99) :
Pour : 98.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Christian Poncelet, président du Sénat.

GROUPE SOCIALISTE (77) :

Pour : 76.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Guy Allouche, qui présidait la séance.

GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (52) :

Pour : 52.

GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (46) :

Pour : 46.

Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (7) :

Pour : 7.

Ont voté pour


François Abadie
Nicolas About
Philippe Adnot
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Bernard Angels
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Jean-Yves Autexier
Robert Badinter
Denis Badré
José Balarello
René Ballayer
Janine Bardou
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Michel Bécot
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Claude Belot
Georges Berchet
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
Marcel Bony
James Bordas
Didier Borotra
Nicole Borvo
Joël Bourdin
André Boyer
Jean Boyer
Louis Boyer
Yolande Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Robert Bret
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Guy-Pierre Cabanel
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Claire-Lise Campion
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Jean-Louis Carrère
Auguste Cazalet
Bernard Cazeau
Charles Ceccaldi-Raynaud
Monique Cerisier-ben Guiga
Gérard César
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Yvon Collin
Gérard Collomb
Gérard Cornu
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Raymond Courrière
Roland Courteau
Jean-Patrick Courtois
Charles de Cuttoli
Xavier Darcos
Philippe Darniche
Marcel Debarge
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Robert Del Picchia
Jean Delaneau
Bertrand Delanoë
Jean-Paul Delevoye
Gérard Delfau
Jacques Delong
Jean-Pierre Demerliat
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Deriot
Dinah Derycke
Charles Descours
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
André Diligent
Claude Domeizel
Jacques Dominati
Jacques Donnay
Michel Doublet
Michel Dreyfus-Schmidt
Paul Dubrule
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Hubert Durand-Chastel
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Claude Estier
Hubert Falco
Léon Fatous
Pierre Fauchon
Jean Faure
André Ferrand
Guy Fischer
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Thierry Foucaud
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Alfred Foy
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Jean-Claude Gaudin
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Serge Godard
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Jean-Noël Guérini
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Claude Haut
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Roger Hesling
Alain Hethener
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Jean-Paul Hugot
Roland Huguet
Jean-François Humbert
Claude Huriet
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Pierre Jeambrun
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Journet
Alain Joyandet
Roger Karoutchi
Christian de La Malène
Philippe Labeyrie
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Dominique Larifla
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Gérard Le Cam
Jean-François Le Grand
Louis Le Pensec
Dominique Leclerc
Pierre Lefebvre
Jacques Legendre
André Lejeune
Guy Lemaire
Serge Lepeltier
Marcel Lesbros
Claude Lise
Paul Loridant
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Hélène Luc
Jacques Machet
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Kléber Malécot
André Maman
François Marc
Max Marest
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Marc Massion
Paul Masson
Serge Mathieu
Pierre Mauroy
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Gérard Miquel
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Michel Moreigne
Georges Mouly
Bernard Murat
Roland Muzeau
Philippe Nachbar
Paul Natali
Lucien Neuwirth
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Jean-Marc Pastor
Lylian Payet
Michel Pelchat
Jacques Pelletier
Guy Penne
Jean Pépin
Daniel Percheron
Jacques Peyrat
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Xavier Pintat
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Jack Ralite
Paul Raoult
Jean-Marie Rausch
Ivan Renar
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Roger Rinchet
Yves Rispat
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Gérard Roujas
André Rouvière
Michel Rufin
Claude Saunier
Jean-Pierre Schosteck
Bernard Seillier
Michel Sergent
René-Pierre Signé
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Simon Sutour
Martial Taugourdeau
Odette Terrade
Michel Teston
Henri Torre
René Trégouët
Pierre-Yvon Tremel
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Alain Vasselle
Albert Vecten
Paul Vergès
André Vezinhet
Jean-Pierre Vial
Marcel Vidal
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Guy Vissac
Henri Weber

N'ont pas pris part au vote


Christian Poncelet, président du Sénat, et Guy Allouche, qui présidait la séance.
Les nombres annoncés en séance ont été reconnus, après vérification, conformes à la liste de scrutin ci-dessus.