SEANCE DU 21 NOVEMBRE 2000


M. le président. Par amendement n° 15, le Gouvernement propose, après l'article 15, d'insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le dernier alinéa de l'article 722 du code de procédure pénale est complété par la phrase suivante : "Ce décret précise la localisation des débats contradictoires que doit tenir le juge de l'application des peines lorsqu'ils concernent des condamnés incarcérés".
« II. - Le dernier alinéa de l'article 722-1 du code de procédure pénale est complété par la phrase suivante : "Ce décret détermine la localisation des débats contradictoires que doit tenir la juridiction régionale de la libération conditionnelle lorsqu'ils concernent des condamnés incarcérés". »
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Le Gouvernement, qui n'a pas été démenti par les débats parlementaires, a toujours considéré que les débats contradictoires devant le juge de l'application des peines et la juridiction régionale de la libération conditionnelle devaient, « lorsque le condamné est effectivement incarcéré dans un établissement pénitentiaire », se tenir au sein de cet établissement.
En revanche, lorsque le condamné n'est pas effectivement incarcéré, les débats auront lieu au tribunal, dans le cabinet du juge de l'application des peines ou au siège de la cour d'appel, devant la juridiction régionale.
Il en sera ainsi pour les condamnés qui, soit ont bénéficié d'une libération conditionnelle, soit ont fait l'objet d'une semi-liberté, d'un placement extérieur, d'un placement sous surveillance électronique ou d'une permission de sortir, même si, dans ces différents cas, le condamné est juridiquement considéré comme exécutant sa peine privative de liberté.
Plusieurs raisons justifient cette option : il y a, tout d'abord, la volonté de renforcer la présence des magistrats, de la défense et du droit dans les établissements pénitentiaires ; par ailleurs, les exigences de sécurité incitent à ne pas multiplier les extractions de personnes éventuellement condamnées à de lourdes peines ; enfin, il faut prendre en compte les très grandes difficultés matérielles qu'induiraient 30 000 à 50 000 extractions supplémentaires pour les services de police et de gendarmerie, alors que le besoin d'effectifs est très grand.
Cette volonté annoncée de localiser les débats contradictoires dans les établissements pénitentiaires a toutefois prêté à discussion depuis le vote de la loi.
Cette discussion résulte en réalité d'une confusion entre la situation des prévenus, présumés innocents et dont le jugement trouve normalement sa place, sauf exception décidée par le législateur, dans les palais de justice et celle des condamnés définitifs sollicitant un aménagement de leur peine.
C'est pourquoi il est conforme, nous semble-t-il, à l'esprit de la loi de lever toute ambiguïté en complétant les articles 722 et 722-1 du code de procédure pénale, respectivement relatifs à la compétence du juge de l'application des peines et à celle de la juridiction régionale de la libération conditionnelle.
Le présent amendement indique ainsi expressément que le décret d'application auquel renvoient ces articles pourra déterminer la localisation des débats contradictoires que devront tenir le juge de l'application des peines et la juridiction régionale de la libération conditionnelle, lorsqu'il s'agit de condamnés incarcérés.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Jolibois, rapporteur. La commission est favorable à cet amendement, et ce d'autant plus que ce dernier contient les mots clé suivants : « lorsqu'il concerne les condamnés incarcérés », ce qui rend nécessaire, satisfaisant et complet le texte que vous proposez.
En revanche, madame le garde des sceaux, je serais heureux que vous puissiez nous apporter des explications sur un point.
L'adoption de cet amendement va entraîner une situation tout à fait nouvelle. En effet, à partir du moment où, pour éviter des extractions, le débat se tiendra en prison, il sera nécessaire que les avocats se déplacent tous en masse. Aussi remplacez-vous les 55 000 extractions - c'est le chiffre dont j'ai eu connaisance - par le déplacement des avocats. Or, les textes, à l'heure actuelle, ne permettent pas, m'a-t-on dit, de commettre d'office des avocats pour ce genre de travail. Par conséquent, il n'y aura pas d'avocat commis d'office et pas d'indemnisation des avocats.
Il serat donc à mon avis nécessaire, madame le garde des sceaux, que vous interveniez très rapidement pour que la défense des personnes ayant besoin d'un avocat mais ne pouvant régler ce dernier puisse être assurée. Une telle disposition me semblerait une conséquence tout à fait normale de l'amendement qui va être adopté.
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Je souhaite rassurer M. le rapporteur. Dans le projet de décret, qui fait actuellement l'objet d'une concertation avec l'ensemble des représentants institutionnels et syndicaux des avocats, une telle disposition et une indemnisation sont prévues. D'ailleurs, lorsque nous reverrons l'aide juridictionnelle dans son entier, nous réintégrerons ces éléments dans le texte.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Merci, madame le garde des sceaux.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 15.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Si je me rends aux raisons commandant que le juge de l'application des peines statue dans les établissements pénitentiaires, je considère cependant que la juridiction régionale de la libération conditionnelle devrait éventuellement pouvoir demander que l'intéressé lui soit amené. Elle ne va en effet pas se déplacer tous les jours dans les grands ressorts pour aller dans une prison !
« Le présent amendement indique ainsi expressément que le décret d'application auquel renvoient ces articles pourra déterminer la localisation des débats contradictoires », vient de préciser Mme le garde des sceaux. Le Gouvernement a donc la possibilité de le préciser dans le décret. Je vous demande donc d'apporter cette précision, madame le garde des sceaux, et ce d'autant plus que l'on pourrait peut-être faire une différence suivant l'importance des peines prononcées. En tout cas, je crois qu'on ne peut pas demander à une chambre régionale de se déplacer systématiquement.
Mme Nicole Borvo. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. S'agissant des libérations conditionnelles, je rejoins M. Dreyfus-Schmidt pour trouver que la prison n'est pas le lieu idéal pour se prononcer et qu'il faut offrir le choix.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 15, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 15.

Article 16