SEANCE DU 11 OCTOBRE 2000


SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN

1. Procès-verbal (p. 0 ).

2. Organismes extraparlementaires (p. 1 ).

3. Candidatures à la commission spéciale chargée de vérifier et d'apurer les comptes (p. 2 ).

4. Nouvelles régulations économiques. - Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence (p. 3 ).

Demande de priorité (p. 4 )

Demande de priorité des amendements visant à insérer des divisions et des articles additionnels après l'article 8. - M. Philippe Marini, rapporteur de la commission des finances ; Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation. - La priorité est ordonnée.

Division additionnelle avant le titre Ier (p. 5 )

Amendement n° 430 rectifié de M. Claude Saunier. - Mme Danielle Bidard-Reydet, M. le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat, MM. Paul Loridant, Gérard Delfau, Joël Bourdin, Guy Cabanel, Alain Lambert, président de la commission des finances. - Rejet.

Articles additionnels avant l'article 1er (p. 6 )

Amendement n° 431 rectifié de Mme Danielle Bidard-Reydet. - Mme Danielle Bidard-Reydet, M. le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat. - Rejet.

5. Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire de Roumanie (p. 7 ).

6. Nouvelles régulations économiques. - Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence (p. 8 ).

Articles additionnels avant l'article 1er (suite) (p. 9 )

Amendement n° 432 rectifié bis de Mme Danielle Bidard-Reydet. - MM. Robert Bret, le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat. - Rejet.
Amendement n° 433 rectifié de Mme Danielle Bidard-Reydet. - MM. Gérard Le Cam, le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat. - Rejet.
Amendement n° 434 rectifié de M. Claude Saunier. - MM. Gérard Le Cam, le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat. - Rejet.

Article 1er (p. 10 )

Amendement n° 479 du Gouvernement. - Mme le secrétaire d'Etat, M. le rapporteur. - Adoption.
Amendement n° 157 de M. Philippe Marini. - M. le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat, M. Michel Charasse. - Adoption.
Amendement n° 356 de M. Gérard Cornu. - MM. Bernard Murat, le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat. - Retrait.
Adoption de l'article modifié.

7. Nomination des membres de la commission spéciale chargée de vérifier et d'apurer les comptes (p. 11 ).

Suspension et reprise de la séance (p. 12 )

8. Nouvelles régulations économiques. - Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence (p. 13 ).

Divisions et articles additionnels
après l'article 8 (priorité) (p. 14 )

Amendements n°s 152 rectifié et 153 rectifié de M. Michel Charasse. - MM. Michel Charasse, le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat. - Retrait des deux amendements.
Amendement n° 625 du Gouvernement. - M. le président de la commission des finances ; Mme le secrétaire d'Etat. - Réserve.
Amendement n° 334 de M. Gérard Larcher et sous-amendement n° 611 de la commission ; amendement n° 415 (identique à l'amendement n° 334) de M. Gérard Delfau. - MM. Gérard Larcher, le rapporteur, Gérard Delfau, Mme le secrétaire d'Etat. - Adoption du sous-amendement n° 611 et de l'amendement n° 334 modifié insérant une division additionnelle, l'amendement n° 415 devenant sans objet.

9. Déclaration de l'urgence d'un projet de loi (p. 15 ).

Suspension et reprise de la séance (p. 16 )

PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER

10. Nouvelles régulations économiques. - Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence (p. 17 ).

Divisions et articles additionnels
après l'article 8 (priorité) (suite) (p. 18 )

Amendement n° 335 de M. Gérard Larcher. - Adoption de l'amendement insérant une division additionnelle.
Amendement n° 416 de M. Gérard Delfau. - Rejet.
Amendement n° 336 de M. Gérard Larcher et sous-amendement n° 612 de la commission ; amendements n°s 417 (identique à l'amendement n° 336), 418 rectifié et 421 de M. Gérard Delfau, 448 rectifié et 450 rectifié de M. Paul Loridant. - MM. Paul Loridant, Gérard Delfau, Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation ; Philippe Marini, rapporteur de la commission des finances. - Adoption du sous-amendement n° 612 et de l'amendement n° 336 modifié insérant un article additionnel, les amendements n°s 417, 448 rectifié, 418 rectifié, 450 rectifié et 421 devenant sans objet.
Amendement n° 337 de M. Gérard Larcher. - Adoption de l'amendement insérant une division additionnelle.
Amendement n° 338 de M. Gérard Larcher et sous-amendement n° 613 de la commission ; amendements n°s 419 (identique à l'amendement n° 338) de M. Gérard Delfau et 449 rectifié de M. Paul Loridant. - MM. Paul Loridant, Gérard Delfau, le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat. - Adoption du sous-amendement n° 613 et de l'amendement n° 338 modifié insérant un article additionnel, les amendements n°s 419 et 449 rectifié devenant sans objet.
Amendement n° 339 de M. Gérard Larcher. - Adoption de l'amendement insérant une division additionnelle.
Amendements n°s 340 de M. Gérard Larcher, 420 et 422 rectifié de M. Gérard Delfau. - MM. Gérard Delfau, le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat, M. Paul Loridant. - Adoption de l'amendement n° 340 insérant un article additionnel, les amendements n°s 420 et 422 rectifié devenant sans objet.
Amendement n° 625 (réservé) du Gouvernement. - Mme le secrétaire d'Etat, MM. le rapporteur, Jean-Jacques Hyest, rapporteur pour avis, Paul Loridant, Gérard Delfau, Pierre Hérisson. - Rejet.

Demande de priorité (p. 19 )

Demande de priorité des amendements depuis l'article additionnel avant l'article 55 A jusqu'aux articles additionnels après l'article 70 quater. - La priorité est ordonnée.

Article 2. - Adoption (p. 20 )

Article 3 (p. 21 )

Amendement n° 158 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Article 4 (p. 22 )

Amendement n° 436 de M. Paul Loridant. - MM. Paul Loridant, le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat. - Retrait.
Amendement n° 159 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat. - Adoption.
Amendement n° 160 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat. - Adoption.
Amendements n°s 161 de la commission et 359 de M. Gérard Cornu. - MM. Gérard Cornu, le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat, M. Paul Loridant. - Retrait de l'amendement n° 359 ; adoption de l'amendement n° 161.
Amendement n° 162 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat. - Adoption.
Amendements n°s 358, 357 de M. Gérard Cornu, 163 à 165 de la commission et 480 du Gouvernement. - MM. Gérard Cornu, le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat. - Retrait des amendements n°s 358 et 357 ; adoption des amendements n°s 163, 480, 164 et 165.
Amendement n° 166 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat. - Adoption.
Amendement n° 167 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat. - Adoption.
Amendement n° 435 de M. Paul Loridant. - MM. Robert Bret, le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat. - Rejet.
Amendement n° 437 de M. Paul Loridant. - Devenu sans objet.
M. Paul Loridant.
Adoption de l'article modifié.

Article 5 (p. 23 )

Amendement n° 438 de M. Paul Loridant. - Retrait.
Adoption de l'article.

Article 6 A (p. 24 )

Amendements identiques n°s 168 de la commission et 360 de M. Gérard Cornu. - MM. le rapporteur, Gérard Cornu, Mme le secrétaire d'Etat, M. Paul Loridant. - Adoption des deux amendements supprimant l'article.

Article 6 (p. 25 )

Amendement n° 169 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat, M. Jean-Jacques Hyest. - Adoption.
Amendements n°s 361 et 362 de M. Gérard Cornu. - Devenus sans objet.
Amendement n° 170 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat. - Adoption.
Amendement n° 171 rectifié de la commission. - M. le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Article additionnel après l'article 6 (p. 26 )

Amendement n° 172 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Article additionnel avant l'article 7 (p. 27 )

Amendement n° 439 de M. Paul Loridant. - MM. Paul Loridant, le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat. - Rejet.

Article 7 (p. 28 )

Amendement n° 441 de M. Paul Loridant. - Rejet.
Amendements identiques n°s 173 de la commission et 364 de M. Gérard Cornu ; amendement n° 440 rectifié de M. Paul Loridant. - MM. le rapporteur, Gérard Cornu, Paul Loridant, Mme le secrétaire d'Etat. - Adoption des amendements n°s 173 et 364, l'amendement n° 440 rectifié devenant sans objet.
Amendements identiques n°s 174 de la commission et 363 de M. Gérard Cornu. - MM. le rapporteur, Gérard Cornu, Mme le secrétaire d'Etat. - Adoption des deux amendements.
Amendement n° 476 de M. Paul Loridant. - MM. Paul Loridant, le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat. - Retrait.
Adoption de l'article modifié.

Articles 8 et 9. - Adoption (p. 29 )

Article 10 (p. 30 )

Amendement n° 175 de la commission. - MM. le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat. - Adoption.
Amendement n° 176 de la commission. - MM. le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Article additionnel après l'article 10 (p. 31 )

Amendement n° 177 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Article 11 (p. 32 )

Amendements n°s 442 à 444 de M. Paul Loridant. - Mme Odette Terrade, M. le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat. - Rejet des trois amendements.
Adoption de l'article modifié.
Renvoi de la suite de la discussion.

11. Dépôt d'un projet de loi (p. 33 ).

12. Transmission d'un projet de loi organique (p. 34 ).

13. Renvoi pour avis (p. 35 ).

14. Dépôt d'un rapport (p. 36 ).

15. Dépôt d'un rapport d'information (p. 37 ).

16. Ordre du jour (p. 38 ).



COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures cinq.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

ORGANISMES EXTRAPARLEMENTAIRES

M. le président. J'informe le Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de procéder à la désignation de sénateurs appelés à siéger au sein de deux organismes extraparlementaires.
En conséquence, j'invite la commission des affaires économiques et du Plan à présenter un candidat pour siéger, en qualité de suppléant, au sein du Conseil national des transports et un candidat pour siéger, également en qualité de suppléant, au sein du Conseil supérieur de l'aviation marchande.
Les nominations des sénateurs appelés à siéger au sein de ces organismes extraparlementaires auront lieu ultérieurement dans les conditions prévues par l'article 9 du règlement.

3

CANDIDATURES À LA COMMISSION SPÉCIALE
CHARGÉE DE VÉRIFIER ET D'APURER
LES COMPTES

M. le président. L'ordre du jour appelle la nomination des membres de la commission spéciale chargée de vérifier et d'apurer les comptes.
Conformément à l'article 8 du règlement, la liste des candidats remise par les bureaux des groupes a été affichée.
Cette liste sera ratifiée s'il n'y a pas d'opposition dans le délai d'une heure.

4

NOUVELLES RÉGULATIONS ÉCONOMIQUES

Suite de la discussion d'un projet de loi
déclaré d'urgence

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi (n° 321, 1999-2000), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif aux nouvelles régulations économiques. [Rapport n° 5 (2000-2001) et avis n°s 4 (2000-2001), 10 (2000-2001) et 343 (1999-2000).]
Nous en sommes parvenus à la discussion des articles.

Demande de priorité



M. Philippe Marini,
rapporteur de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. Monsieur le président, je souhaiterais que soient examinés en priorité vers seize heures trente les amendements visant à insérer des divisions additionnelles après l'article 8 et des articles additionnels après l'article 8. Il s'agit du débat relatif aux services bancaires.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation. Le Gouvernement ne s'oppose pas à cette demande.
M. le président. La priorité est ordonnée.

PREMIÈRE PARTIE

RÉGULATION FINANCIÈRE

Division additionnelle avant le titre Ier



M. le président.
Par amendement n° 430 rectifié, M. Saunier, Mme Bidard-Reydet, MM. Loridant, Autexier, Bécart, Mmes Beaudeau, Borvo, MM. Bret, Fischer, Foucaud, Le Cam, Lefebvre, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite, Renar, Mme Terrade, MM. Vergès, Auban, Autain, Bel, Mme Bergé-Lavigne, MM. Besson, Biarnès, Bony, Boyer, Mme Campion, MM. Carrère, Cazeau, Chabroux, Courteau, Courrière, Mme Cerisier-ben Guiga, M. Debarge, Mmes Derycke, Dieulangard, MM. Domeizel, Dreyfus-Schmidt, Mme Durrieu, MM. Dussaut, Fatous, Godard, Guérini, Haut, Labeyrie, Lagauche, Lagorsse, Le Pensec, Lejeune, Marc, Madrelle, Miquel, Pastor, Penne, Peyronnet, Picheral, Piras, Plancade, Mmes Pourtaud, Printz, MM. Roujas, Sutour, Trémel, Vidal, Désiré, Larifla, Lise, Collin et Delfau proposent d'ajouter, avant le titre Ier de la première partie, un titre additionnel ainsi intitulé :
« Titre... : Régulation des transactions financières. »
La parole est à Mme Bidard-Reydet.
Mme Danielle Bidard-Reydet. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, cet amendement, largement cosigné sur l'initiative des membres du groupe ATTAC - Association pour une taxation des transactions financières pour l'aide aux citoyens - du Sénat, constitue l'un des premiers éléments fondamentaux du débat qui va nous animer pendant quelques jours.
Une telle initiative a, selon nous, tout à fait sa place dans le débat sur les nouvelles régulations économiques. En l'occurrence, il s'agit d'insérer un titre relatif à ce que nous appelons « la régulation des transactions financières », qui manque dans le projet de loi. Cette absence est-elle l'aveu d'une impuissance du politique ou l'affirmation de la soumission, aujourd'hui, du politique à l'économique ?
Pour notre part, nous croyons que la construction de la société de demain ne peut être déterminée uniquement à l'aune du profit des investissements, en fonction de la seule liberté de circulation des capitaux, des monnaies, des marchandises, sur la valorisation boursière au détriment du développement des forces créatives de l'homme, de la réponse aux besoins collectifs et sociaux, qu'ils s'expriment dans nos sociétés développées ou ailleurs dans le monde.
Prétendre à réguler les transactions financières internationales répond à ces exigences, d'où notre amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. La commission n'a aucune raison de changer d'avis par rapport au précédent débat sur ce sujet.
Toutefois, je voudrais rappeler que, depuis le moment où nous avons évoqué la taxe Tobin ici, au Sénat, un certain nombre d'études ont été réalisées. Je pense en particulier au rapport qui a été transmis par le Gouvernement au Parlement en application de l'article 89 de la loi de finances initiale pour 2000. Dans un souci de synthèse, je citerai quelques intitulés de paragraphe auxquels correspond bien évidemment toute une argumentation précise. Je lis, par exemple, à la page 37 : « Collecte de la taxe : la question du lieu n'est pas résolue » et, un peu loin, je lis : « Des effects incertains, voire contre-productifs sur le marché des changes » ; « L'efficience du marché des changes pourrait être réduite » ; « La spéculation la plus déstabilisante ne serait pas efficacement dissuadée ». Un peu plus loin encore, à la page 39, je lis : « Des conséquences qui pourraient être peu favorables à l'échelle de l'économie ». Elles se détaillent ainsi : « Une incidence problématique sur les échanges commerciaux » ; « Un frein à la diversification internationale des portefeuilles » ; « La hausse des coûts de transaction serait dans une large mesure répercutée sur l'économie réelle », etc. Je vous renvoie, mes chers collègues, à ce rapport qui n'est pas très long puisqu'il ne comprend qu'une soixantaine de pages.
La commission des finances, quant à elle, a traité de ce sujet dans un rapport récent, puisqu'il date du mois de février dernier, sur la régulation financière internationale. Ce rapport a sans doute été utile puisque nous avons constaté que le Gouvernement y a fait certains emprunts pour le présent projet de loi.
A partir de la page 55, et là encore je cite simplement les intitulés de paragraphes, nous évoquons « Le mirage de la taxe Tobin sur les mouvements de capitaux » et nous qualifions ce dispositif, reprenant l'avis des économistes que nous avons rencontrés, de « solution globale utopique ». Nous ajoutons « l'impossibilité de mettre en oeuvre une taxe sur les mouvements de capitaux au plan mondial », « la contrainte d'universalité paralysant toute action concrète », et « les effets pervers d'une taxe aveugle sur les mouvements de capitaux ». De ce point de vue, nous ne pouvons qu'être satisfaits des éléments d'appréciation supplémentaires apportés par le rapport du Gouvernement.
Je citerai in fine la conclusion du paragraphe de notre rapport du mois de février dernier dans lequel nous écrivions que « les principales crises financières qui justifient aux yeux de ses promoteurs la création d'une taxe Tobin ne seraient pas empêchées par celle-ci compte tenu de l'ampleur des dévaluations qui ont eu lieu en Asie. On rappellera à cet égard que les coûts de transaction n'ont jamais constitué un rempart efficace aux maux de l'instabilité financière internationale. Enfin, une moindre liquidité des marchés pourrait, en amplifiant les mouvements de panique, accroître au contraire les risques systémiques. »
Mes chers collègues, nous avons bien compris que la taxe Tobin est une opération de politique intérieure, que c'est une mobilisation de forces syndicales et sociales figurant dans votre base politique et électorale et qu'elle vous embarrasse. Nous sommes en quelque sorte un peu dans le même débat qu'hier soir, lorsque nous examinions la motion tendant à opposer la question préalable soutenue par M. Loridant et que Mme le secrétaire d'Etat s'efforçait d'y répondre.
La commission des finances demeure naturellement, dans sa majorité, fermement défavorable à ce qui n'est qu'un mirage et une opération politicienne. Elle émet par conséquent un avis défavorable sur l'amendement n° 430 rectifié.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. M. le rapporteur de la commission des finances vient d'intervenir avec beaucoup de fougue.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Par souci de clarté !
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Pendant très longtemps, il a été répondu de façon théorique mais sans fondement réel à cette demande de taxe Tobin. Comme vous, mesdames, messieurs les sénateurs, je vais souvent sur le terrain et j'entends fréquemment avancer une telle proposition. C'est pourquoi le Gouvernement a demandé un rapport sur la fameuse taxation des opérations de change, sur la régulation des mouvements de capitaux, sur les conséquences de la concurrence fiscale entre Etats, texte auquel il a largement été fait référence et sur lequel je ne reviens donc pas.
Sur le fond, on comprend parfaitement les motivations.
Sur la forme, mon intime conviction - j'exprimerai ensuite la position du Gouvernement - est qu'une taxe de ce type, si elle était instituée, ne fonctionnerait pas très bien et ne permettrait donc pas au dossier de la spéculation financière de progresser.
On a vu récemment que des spéculations ayant lieu en dehors de notre territoire national pouvaient avoir des conséquences sur l'économie de notre pays et priver nos salariés d'emploi. Or nous n'avons aucun recours en droit, ni sur le territoire français ni sur le territoire européen, puisque c'est bien au-delà que les choses se sont passées. Par conséquent, nous devons prendre en compte la réalité des situations des acteurs économiques français et européens, en particulier de nos salariés. La taxation proposée affecterait négativement l'économie réelle - nous en sommes tous certains - et conduirait à réduire les marges des exportateurs et des importateurs dont les produits sont libellés en devises. Un certain nombre de producteurs de taille dite moyenne - je pense en particulier aux industriels agro-alimentaires - ont d'ailleurs alerté notre attention sur le fait qu'ils seraient aussi concernés par cette disposition.
La proposition d'une telle taxe est certes généreuse et politiquement fondée. Mais cette taxation ne répondrait pas à vos voeux, madame Bidard-Reydet, et pourrait devenir dangereuse. Par conséquent, pour l'instant, tant que rien n'a été trouvé en substitution à la taxe Tobin - des débats nourris se sont instaurés, vous le savez, au mois d'août et au début du mois de septembre sur ce sujet -, une telle taxation ne paraît pas judicieuse. Aujourd'hui, nous considérons qu'une efficacité accrue et beaucoup de cohérence sont nécessaires pour réguler le système monétaire et financier international. C'est pourquoi nous avons toujours proposé des orientations nous semblant fiables.
J'insisterai sur quelques grandes orientations : il nous paraît indispensable de définir et de mettre en oeuvre un principe de libéralisation financière ordonnée des mouvements de capitaux ; il faut accélérer et renforcer la lutte contre la spéculation internationale en éliminant ce que l'on appelle les « trous noirs » de la finance internationale et en luttant contre la délinquance financière ; il importe de favoriser la coopération monétaire régionale, à l'instar de ce qui a été fait en Europe, et d'engager une réelle coordination entre les trois principales zones monétaires, ce qui me semble porteur de beaucoup d'espoirs pour nos systèmes ; enfin, il faut renforcer le rôle du FMI dans la régulation du système financier international et faire en sorte que son comité monétaire et financier international devienne une véritable instance politique d'orientation et de décision.
Sur ce dernier point, des visites récentes, telle celle du président du Mali voilà quelques jours, nous ont montré que c'est sur ce dernier point que les pays connaissant le plus de difficultés par rapport à la spéculation financière internationale nous demandent d'oeuvrer en priorité.
Le Gouvernement compte agir sur la base des orientations que je viens de définir, tant au sein de l'Union européenne - nous avons de grandes négociations à mener et il nous faut être plus forts que nous ne le sommes aujourd'hui - que dans les négociations internationales. Nous devons, en effet, arriver dans les enceintes financières internationales avec des positions européennes dures pour atteindre les objectifs que nous partageons avec vous : maîtriser certes les comportements spéculatifs sur les marchés financiers, mais en nous dotant de moyens plus efficaces que ceux que pourrait procurer la taxe que vous proposez d'instaurer.
Sans vouloir heurter ses défenseurs, j'ai mis en garde contre le risque de se faire plaisir en votant une taxe Tobin sans toutefois obtenir aucun résultat par rapport à la spéculation financière. Les discussions que nous avons récemment menées à l'occasion de la présidence française avec les représentants des pays en voie de développement ont montré que nous sommes sur la même longueur d'ondes face à ce sujet. Nos propositions sont certes plus complexes, plus difficiles à expliquer, et donc moins lisibles. Mais je reste intimement convaincue que, dans la négociation qui s'ouvre au sein des instances internationales, tant pour nous-mêmes, sur le territoire européen, que pour les pays en voie de développement, c'est cette voie du réalisme et de l'efficacité que nous devons choisir.
Je comprends votre position, madame Bidard-Reydet, parce que je sais que nombre de petites et moyennes entreprises de ce pays se disent victimes de cette spéculation à laquelle elles n'ont pas les moyens de résister. Il s'agit donc d'un vrai dossier, qu'il faut considérer avec réalisme et construire. Si j'avais accepté l'instauration de la taxation que vous souhaitez, j'aurais eu l'impression de classer le dossier sans résultat, ce que je ne peux pas faire.
J'émets donc un avis défavorable sur l'amendement n° 430 rectifié. Mais je vous remercie de la qualité de votre intervention, madame Bidard-Reydet.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 430 rectifié.
M. Paul Loridant. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant. Voilà beaucoup d'honneur fait à cet amendement n° 430 rectifié, dont l'objet n'est, je le rappelle, que d'ajouter dans le projet de loi un titre ainsi intitulé : « Régulation des transactions financières » !
Vous savez, pour m'avoir entendu le dire, que je ne suis pas un adepte de la régulation en tant que telle ; je suis plutôt pour une réglementation. La portée est cependant symbolique.
La réponse apportée par M. le rapporteur n'est pas à la hauteur des enjeux puisqu'il s'agit bien de reconnaître qu'il y a des transactions financières sur les marchés financiers mondiaux, que ces transactions ont un caractère erratique, qu'elles perturbent le fonctionnement des économies réelles et les économies des pays du Sud comme ceux du Nord. Le simple fait de vouloir ajouter un titre additionnel en rappelant cela soulève des réprobations, en tout cas un refus tout net.
Nous savons certes les uns et les autres, y compris au sein du groupe communiste républicain et citoyen, que la taxe Tobin n'est pas facile à mettre en oeuvre. Mais notre amendement invite les hommes politiques à reconnaître que l'économie ne peut pas se passer de règle : de temps en temps, il faut que le politique fixe un cadre.
Pour l'instant, il s'agit seulement d'un titre, mais je vois que cela soulève à nouveau les passions et l'hostilité des grands libéraux. Eh bien, dont acte !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Et le Gouvernement ? Il ne vous a pas donné un avis favorable !
M. Gérard Delfau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau. La diatribe, jubilatoire d'ailleurs, du rapporteur général de la commission des finances m'a rappelé - au fond, il en sera sans doute personnellement flatté - les grandes envolées, ici même, dans cette assemblée, à la fin du siècle dernier, quand il était question de la journée de huit heures,...
M. Philippe Marini, rapporteur. Je n'étais pas encore né !
M. Guy Cabanel. Si ce n'est toi, c'est donc ton frère ! (Sourires.)
M. Gérard Delfau. ... quand il était question, horresco referens, de créer l'impôt sur le revenu, puis l'impôt sur le capital, les deux étant déjà liés, et de mettre en place un arbitrage international pour lutter contre les conflits militaires.
Pourtant, des parlementaires, pas seulement à gauche d'ailleurs - il faut le rappeler - se sont levés et ont soutenu, pas seulement pour les forces syndicales représentant plus largement les masses populaires, ces idées, lesquelles, progressivement, sont devenues réalité après maintes batailles, et parfois, d'ailleurs, quelques événements sanglants.
Monsieur le rapporteur, votre réaction ne fait que confirmer ma propre détermination : même si les temps ne sont pas mûrs, l'idée, elle, est en train de se cristalliser à l'échelle internationale ; le moment viendra où il y aura effectivement une régulation planétaire, parce qu'il y va de l'intérêt économique de l'ensemble du monde et parce que, en outre, la justice le commande.
Evidemment, il ne suffit pas d'avoir une pespective à moyen terme ; il faut revenir au court terme. Je voudrais, de ce point de vue, avant de parler de la position du Gouvernement, rappeler tout de même quelques événements récents.
Seattle, cela vous dit quelque chose ! Prague,...
M. Philippe Marini, rapporteur. C'est une belle ville ! (Sourires.)
M. Gérard Delfau. ... cela vous a directement concernés ! D'ailleurs, j'ai noté, dans la presse conservatrice, que l'on mettait en avant, comme toujours, les anarchistes. Mais qui est la cause de la radicalisation d'une partie des militants pour un ordre économique international ?
M. Philippe Marini, rapporteur. C'est le mur d'argent !
M. Gérard Delfau. Où sont les responsables, si ce n'est parmi les politiques des nations développées qui ne prennent pas en charge les aspirations profondes des peuples ?
Aussi, même si, aujourd'hui, toutes les objections qui nous sont faites nous montrent que les temps ne sont pas mûrs, même si, je le reconnais, le Gouvernement est face à un réseau de contradictions...
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. C'est sympathique...
M. Gérard Delfau. ... et tente par ailleurs courageusement, lucidement, y compris par ce texte que la majorité sénatoriale va repousser, de faire avancer un certain nombre de mécanismes, de limiter un certain nombre d'errements, il faut que, dans cette enceinte - et cela n'a rien de politicien, croyez-moi -, des sénateurs disent les choses parce que, un jour, qui n'est peut-être pas si lointain que vous le croyez, ces idées deviendront réalité.
M. Joël Bourdin. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Bourdin.
M. Joël Bourdin. Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, j'ai l'impression que la minorité du Sénat veut nous donner mauvaise conscience. (M. Delfau s'exclame.)
En effet, il y a deux problèmes qui sont liés : celui de la taxe Tobin et de l'imposition du mouvement des capitaux et celui de l'utilisation du produit de cette taxe pour l'aide aux pays du tiers-monde.
J'ai le sentiment que l'on veut faire croire que nous sommes des suppôts d'un système du xixe siècle admettant tout à fait la paupérisation d'un certain nombre de pays. Or ce n'est pas le cas.
Nous sommes ici face à un amendement qui n'est pas réaliste, qui n'est pas adapté, qui ne peut pas être appliqué. Que l'on vienne à l'aide des pays du tiers-monde, oui, mais en leur permettant d'avoir un véritable système monétaire et des monnaies convertibles par des accords, et non pas par le moyen qui nous est proposé. Nous sommes donc prêts à prendre des initiatives, à formuler des propositions - pas dans le cadre de ce texte, bien sûr -, mais ôtez-vous de l'esprit que, si nous sommes contre la taxe Tobin, c'est parce que nous voudrions que le mal se répande sur cette Terre. C'est tout le contraire ! Nous sommes contre la taxe Tobin parce qu'elle n'est pas applicable, comme l'a très bien dit M. le rapporteur général.
M. Guy Cabanel. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Cabanel.
M. Guy Cabanel. Rassurez-vous, mes chers collègues, je ne voterai pas aujourd'hui la taxe Tobin, mais je voudrais quand même exprimer quelques sentiments nuancés vis-à-vis de cet enterrement allègrement conduit par M. le rapporteur et par vous-même, madame le secrétaire d'Etat, presque main dans la main, pour jeter à la fosse commune cette proposition.
L'utopie de James Tobin - l'utopie double, comme vient de le dire notre collègue Joël Bourdin - a, depuis une vingtaine d'années, soulevé bien des espoirs, qu'il s'agisse de réguler des mouvements de capitaux qui, erratiques, entraînaient parfois de grands désordres monétaires, comme ceux que l'on a connus en Asie assez récemment, ou de féconder, en quelque sorte, le tiers monde et d'obtenir un développement harmonieux par un prélèvement - limité - sur ces mouvements de capitaux.
Cette utopie mérite notre respect. Peut-être par péché de jeunesse, nous avons d'ailleurs été un certain nombre à la défendre. Toutefois, aujourd'hui, pour la mettre en place, il faudrait un système monétaire international bien régulé et bien unifié, de telle manière que la mesure soit parfaitement appliquée sans aucune échappatoire possible, sans aucun risque de corrompre, en quelque sorte, le système.
Quoi qu'il en soit, la mondialisation va nous conduire irrémédiablement à de telles solutions et, ne nous y trompons pas, même l'OMC, tant critiquée à Seattle comme ailleurs, sera peut-être un jour obligée d'envisager un tel dispositif.
Et, si nous enterrons aujourd'hui - un peu allègrement pour certains, peut-être avec un petit pincement au coeur pour d'autres - la taxe en question, nous n'avons donc pas le droit d'oublier tout le mérite de l'utopie de James Tobin. (Très bien ! et applaudissements sur certaines travées socialistes ainsi que sur certaines travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Monsieur le président, je veux dénoncer ici une forme de débat qui pourrait confiner à l'hypocrisie.
Mes chers collègues, nous élaborons la norme législative. Or la proposition faite par le groupe communiste républicain et citoyen...
M. Gérard Delfau. Pas seulement ! Elle émane aussi de personnes siégeant sur d'autres travées !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. ... a fait l'objet d'une réponse du Gouvernement qui n'est pas favorable. Et voilà que le groupe en question, avec nos collègues du groupe socialiste...
M. Marc Massion. Pas tous ! Seulement certains !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. ... appuient leurs propos sur la réponse de M. le rapporteur.
Dans ces conditions, mes chers collègues, essayez d'abord de clarifier vos relations avec le Gouvernement ! (Murmures sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen ainsi que sur les travées socialistes.) La majorité sénatoriale n'est en effet pas chargée d'organiser la coordination de vos relations avec le Gouvernement ! (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Heureusement que le Sénat empêche les dérives qui pourraient découler de l'absence de cohérence de votre majorité ! Combien de concessions le Gouvernement n'est-il pas obligé de faire ! (Exclamations sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
Mme Danielle Bidard-Reydet. Cela ne vous est jamais arrivé, à vous ?
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. La réponse de Mme le secrétaire d'Etat a été tellement diplomatique que l'on finit par ne plus savoir si l'avis du Gouvernement est favorable ou défavorable !
Par son attitude, la majorité sénatoriale permet donc d'éviter que l'on donne force de loi à une disposition inapplicable. Si le Sénat n'était pas là, votre majorité plurielle produirait des monstruosités juridiques qui affecteraient gravement l'économie de notre pays ! (Protestations sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Jean Delaneau. Ils se défoulent de ce qu'ils ne peuvent pas faire à l'Assemblée nationale !
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Pardonnez-moi d'allonger les débats, mais j'ai eu l'impression d'être citée plusieurs fois.
M. le président. Ne le prenez pas mal, madame le secrétaire d'Etat : cela va arriver tout l'après-midi ! (Sourires.)
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Très honnêtement, monsieur le président, cela me fait plutôt plaisir ! Il importe cependant de ne pas se laisser piéger. Mais personne ici, je le pense, ne se laisse piéger !
La mondialisation provoque aujourd'hui un mouvement extrêmement fort et j'entends bien les réactions des divers intervenants. Pour ce qui me concerne, j'ai présenté un certain nombre de propositions et d'ouvertures tout à l'heure, qui seront sûrement entendues par la suite. Toutefois, à l'heure actuelle, nous sommes confrontés à une contradiction profonde : d'une part, nous savons que le système ne peut fonctionner que s'il est mondialement accepté - s'il n'est pas d'abord européen puis accepté dans les négociations internationales, nous nous serons fait plaisir, mais cela ne fonctionnera pas - et, d'autre part, nous assistons au rejet des structures de régulation.
J'ai rencontré un certain nombre de groupes - dont celui qui a été cité tout à l'heure - à Bologne, lors de l'offensive contre l'OCDE. Et je puis vous dire que nous ne réussirons cette régulation internationale que si nous savons redonner sa place au politique dans les organismes internationaux. Je pense, bien sûr, à l'OMC, mais aussi au FMI et à une certain nombre d'organismes de régulation de ce type, qui ont été mis en place avec des cahiers de charge extrêmement précis mais qui, petit à petit, ont quitté le monde de la politique pour passer au monde de la structure et vivre un peu en autarcie.
Nous sommes assez intimement convaincus qu'il faut remettre de la politique dans les organismes internationaux, avoir une position européenne forte pour pouvoir parler au niveau de l'OMC, en particulier. Tel est bien l'objectif du Gouvernement, qui a d'ailleurs été récemment rejoint par plusieurs pays, et nous avons à cet égard entendu quelques déclarations surprenantes - mais bienvenues - de nos collègues du Canada.
Je pense que les choses évoluent, mais que la taxe Tobin, aujourd'hui, n'est pas la réponse, et je suis désolée que vous estimiez que je me noie dans ma réponse. Non ! Je suis intimement convaincue que la régulation internationale a besoin de politique, mais que, si la France instituait toute seule la taxe Tobin, elle ferait peut-être reculer cette négociation internationale dont nous avons tant besoin et dont sont demandeurs les pays en voie de développement.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 430 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
M. Marc Massion. Le groupe socialiste s'abstient.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Articles additionnels avant l'article 1er



M. le président.
Par amendement n° 431 rectifié, Mme Bidard-Reydet, MM. Loridant, Saunier, Autexier, Bécart, Mmes Beaudeau, Borvo, MM. Bret, Fischer, Foucaud, Le Cam, Lefevbre, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite, Renar, Mme Terrade, MM. Vergès, Auban, Autain, Bel, Mme Bergé-Lavigne, MM. Besson, Biarnès, Bony, Boyer, Mme Campion, MM. Carrère, Cazeau, Chabroux, Courteau, Courrière, Mme Cerisier-ben Guiga, M. Debarge, Mmes Derycke, Dieulangard, MM. Domeizel, Dreyfus-Schmidt, Mme Durrieu, MM. Dussaut, Fatous, Godard, Guérini, Haut, Labeyrie, Lagauche, Lagorsse, Le Pensec, Lejeune, Marc, Madrelle, Miquel, Pastor, Penne, Peyronnet, Picheral, Piras, Plancade, Mmes Pourtaud, Printz, MM. Roujas, Sutour, Trémel, Vidal, Désiré, Larifla, Lise, Collin et Delfau proposent d'insérer avant l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 985 du code général des impôts, il est inséré un article 985 bis ainsi rédigé :
« Art. 985 bis. - Il est institué une taxe spéciale sur les opérations, au comptant ou à terme, portant sur les devises, dont le taux est fixé à 0,05 %.
« Sont exonérées de cette taxe les opérations afférentes :
« - aux acquisitions ou livraisons intracommunautaires ;
« - aux exportations ou importations de biens et services ;
« - aux investissements directs au sens du décret n° 89-938 du 29 décembre 1989 modifié réglementant les relations financières avec l'étranger ;
« - aux opérations de change réalisées par les personnes physiques et dont le montant est inférieur à 300 000 francs ;
« La taxe est due par les établissements de crédit, les institutions et les services mentionnés à l'article 8 de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 relative à l'activité et au contrôle des établissements de crédit, les entreprises d'investissement visées à l'article 7 de la loi du 2 juillet 1996 de modernisation des activités financières et par les personnes physiques ou morales visées à l'article 25 de la loi n° 90-614 du 12 juillet 1990 relative à la participation des organismes financiers à la lutte contre le blanchiment de capitaux provenant du trafic de stupéfiants.
« La taxe spéciale est établie, liquidée et recouvrée sous les mêmes garanties et sanctions que le prélèvement mentionné à l'article 125 A.
« Elle est due pour les opérations effectuées à compter de la promulgation de la loi n° ... du ... relative aux nouvelles régulations économiques.
« Un décret fixe les modalités d'application du présent article. »
Madame Bidard-Reydet, peut-être pourrions-nous considérer que vous avez déjà exposé cet amendement ? (Mme Bidard-Reydet fait un signe de dénégation.)
Je vous rappelle que nous devons examiner quelque 600 amendements. Pour reprendre l'expression de M. Delfau, si chacun se livre à des diatribes jubilatoires, nous en avons pour un moment !
La parole est donc à Mme Bidard-Reydet, pour exposer cet amendement n° 431 rectifié.
Mme Danielle Bidard-Reydet. Monsieur le président, vous aurez observé que notre groupe n'a pas participé à ces diatribes jubilatoires !
Cela étant, s'agissant de l'amendement n° 430 rectifié dont nous venons de débattre, un intervenant a considéré qu'il ne constituait pas un sujet d'actualité !
C'est bien sûr un sujet d'actualité, et les différentes interventions le prouvent, de même que le prouvent chaque jour les conséquences très graves de la spéculation financière sur le marché du travail et sur l'emploi : ce problème est au coeur de la difficulté de vivre de beaucoup de nos concitoyens et de leur angoisse par rapport au lendemain !
Par ailleurs, si cette question touche la France, elle touche désormais aussi l'Europe et, au-delà, l'ensemble de la planète.
Enfin, notre collègue M. Bourdin a invoqué l'absence de réalisme de l'amendement n° 430 rectifié, estimant qu'il ne serait pas applicable. Or, ces arguments, nous les avons déjà entendus lorsqu'il s'est agi de supprimer le travail des enfants ! Donc, je crois qu'en la matière il faut se montrer un peu plus modeste...
J'en viens maintenant à l'amendement n° 431 rectifié, dont l'objet est d'instituer une taxe sur les mouvements de capitaux au taux - il me paraît nécessaire de le rappeler - de 0,05 %.
Première observation : cet amendement vise assez nettement à définir le champ d'application de cette taxe car il exclut concrètement la plupart des opérations menées par les particuliers en leur nom propre. Il tend donc à répondre à une première interrogation quant à la portée réelle de la mesure que nous préconisons, en la recentrant très précisément sur les acteurs effectifs des marchés financiers.
Seconde observation qui vaut d'ailleurs pour d'autres débats que nous pourrions avoir dans les prochains mois : la naissance de l'euro n'a pas ralenti, loin de là, la vivacité de la spéculation monétaire ; bien au contraire, et les mouvements observés sur les devises ont sans doute gagné une vigueur nouvelle, comme l'illustre assez clairement la poussée observée tant sur le dollar que sur le yen, principales monnaies concurrentes de l'euro, aujourd'hui, sur le marché international des changes.
Ce sont donc des sommes et des masses financières toujours plus importantes qui sont échangées sur les marchés de devises tous les jours, et pour des mouvements dont la densité et l'acuité vont sans cesse croissant.
Troisième observation : un rapport parlementaire récent, auquel il a été fait allusion tout à l'heure et qui faisait suite à l'adoption en ce sens d'un article de la loi de finances, paraît avoir conclu à la difficulté de la mise en oeuvre d'une telle taxation des transactions monétaires.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. C'est un rapport du Gouvernement !
Mme Danielle Bidard-Reydet. L'une des conditions nécessaires pour cette mise en oeuvre - un large accord international sur le sujet - ne semble en effet pas réunie aujourd'hui, et cela permet à certains de justifier le report à une période ultérieure qui ne serait, bien sûr, pas identifiée.
Devons-nous pour autant nous accommoder d'une telle situation ? Nous ne le pensons pas, et je remercie Mme la secrétaire d'Etat d'avoir insisté sur ce point.
Il nous semble que nous entrons là dans un débat assez fondamental : la volonté politique, selon qu'elle est portée par un gouvernement ou par une assemblée parlementaire, doit-elle reculer, baisser les bras, en quelque sorte, devant une difficulté, ou permettre une réflexion collective pour l'affronter directement et trouver les moyens de la résoudre ?
Il est temps de rendre au politique - vous l'avez dit, madame la secrétaire d'Etat -, parce qu'il est porteur d'une aspiration largement partagée, toute sa force et de rompre ainsi avec une soumission que l'on observe face à l'inexorable loi du marché.
Tel est le sens de cet amendement.
Il est citoyen, parce qu'il appelle à la mise à contribution de ceux qui peuvent aider à mobiliser des ressources pour le bénéfice le plus large de la collectivité. En l'espèce, la citoyenneté va de pair avec la justice, et cela est tout à fait indispensable.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. J'en ai déjà fait état lors de l'examen du précédent amendement car, au-delà du titre, j'avais abordé le contenu et, si nous étions en désaccord sur l'intitulé, c'est parce qu'il ne nous aurait pas semblé utile de voter une division et de ne rien mettre dedans.
Nous en venons donc maintenant à la substance même de la proposition qui nous est faite.
Sans allonger inutilement notre débat, je voudrais m'efforcer de placer notre collègue Mme Bidard-Reydet et son groupe devant quelques-unes de leurs contradictions.
Vous nous dites en substance qu'il faut plus de régulation internationale, et donc des organisations internationales plus fortes. Mais qui s'oppose avec continuité et persévérance à l'euro, à la monnaie unique, à la zone euro, à l'Union européenne en tant que construction institutionnelle politique, sinon le parti dont vous êtes l'élue, et qui d'ailleurs n'est pas seul puisqu'il est accompagné de quelques autres à ce sujet ?
Vous nous dites aujourd'hui qu'il faut plus d'Europe, qu'il faut une position unanime des pays européens. Cela va-t-il se produire par génération spontanée, ou cela ne devrait-il pas, dans votre esprit, se produire par une construction politique ? Or vous êtes contre la construction politique ! C'est une première contradiction que je voulais relever.
En second lieu, vous êtes contre l'euro, mais, lorsque l'euro n'existait pas, chaque monnaie nationale pouvait être attaquée par l'ensemble des opérateurs du monde entier ! Si nous avions, dans ce pays, les contraintes d'une monnaie dite forte avec des taux d'intérêt élevés et ce qui en résulte pour une économie trop peu dynamique, c'est bien parce que nous devions défendre notre monnaie contre ce que l'on appelle d'un terme un peu facile - mais acceptons-le - la spéculation monétaire internationale !
Depuis qu'il y a l'euro, on ne spécule plus contre le franc, contre le mark, la peseta ou la lire italienne. Nous avons donc gagné en sécurité, nous avons diminué l'ampleur des mouvements spéculatifs de capitaux.
Vous nous dites que l'euro fluctue. Mais, madame Bidard-Reydet, c'est là le lot de toutes les monnaies, sauf à être dans un système de prix administrés où l'on décrète la valeur d'une monnaie, comme ce fut autrefois le cas dans certains pays que je n'oserai pas nommer, mais dont le souvenir est certainement bien présent à votre esprit. Et même dans ces pays où l'on décrétait un cours officiel, vous savez bien que tout arrivant étranger était assailli par quantité de changeurs qui venaient lui proposer le change au cours réel et non au cours officiel. Bref, l'euro a créé un espace de sécurité.
Vous nous dites aussi qu'aujourd'hui l'euro baisse. Mais vous oubliez de dire que cela a eu une incidence très favorable sur le développement des activités des entreprises. C'est encore une contradiction que je voulais relever.
Enfin, vous êtes aux côtés de tous les groupements dits de la société civile ou ONG, par exemple, qui, dans le monde entier, font campagne non seulement pour cette taxe Tobin mais en même temps contre les organisations intergouvernementales mondiales.
Reprenant, à cet égard, l'argumentation très juste et très opportune de Mme le secrétaire d'Etat, je dirai que, pour être cohérent avec soi-même, il faut - même si l'on veut que ses procédures, ses méthodes, ses modes de décision évoluent - soutenir le Fonds monétaire international, soutenir les institutions de Bretton Woods, soutenir l'Organisation mondiale du commerce.
Or, ce sont bien vos amis, madame Bidard-Reydet, qui, à Prague, dernièrement, manifestaient avec des drapeaux rouges, et même avec des faucilles et des marteaux. (Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
Mais c'est un fait ! (Protestations sur les mêmes travées.) Cela s'est passé à Prague il y a quelques semaines.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. C'étaient les seuls drapeaux disponibles ! (Sourires.)
M. Philippe Marini, rapporteur. Mais votre réaction prouve-t-elle que vous avez à rougir de ce drapeau ? En êtes-vous honteuse, madame ? (Mme Danielle Bidard-Reydet s'exclame.)
Alors, si vous y croyez encore, ce qui est votre droit, n'ayez pas cette réaction !
Il y a donc une totale contradiction entre votre position aux côtés de l'association ATTAC à la fois pour la taxe Tobin et contre les organisations intergouvernementales mondiales, contre l'Organisation mondiale du commerce, qui s'efforce d'apporter une régulation mondiale, contre le Fonds monétaire international et les institutions de Bretton Woods.
Votre dispositif, qui n'est pas acceptable sur le plan technique, qui découle d'une démarche intellectuelle totalement ambiguë, me semble participer de ce climat d'hypocrisie convenue qui apparaît aujourd'hui comme l'une des données de base du débat politique. Si nos concitoyens se désintéressent du débat politique, peut-être est-ce parce qu'ils en ont assez de ces clichés qui n'ont rien à voir avec la réalité,...
MM. Pierre Hérisson et Aymeri de Montesquiou. C'est vrai !
M. Philippe Marini, rapporteur. ... ni d'aujourd'hui, ni d'ici, ni d'ailleurs, ni, a fortiori, de demain ! En effet, même s'ils ne sont pas tous - on peut le comprendre ! - très ferrés à glace ou compétents techniquement sur le sujet, ils savent reconnaître la langue de bois et la recherche sincère de la réalité.
De grâce, chers collègues, cessons de faire ce type de propositions qui ne font en rien avancer les débats. Tel est, en tout cas, le point de vue de la commission des finances, qui ne peut que réitérer son avis très défavorable à cette initiative. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Pour ne pas allonger les débats, et parce qu'il s'agit du même sujet que précédemment, je me contenterai de dire que le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 431 rectifié.
Mme Danielle Bidard-Reydet. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Bidard-Reydet.
Mme Danielle Bidard-Reydet. Monsieur le rapporteur, je veux vous dire très sereinement qu'à vous entendre j'ai eu vraiment l'impression que vous n'aviez pas du tout écouté l'argumentaire que j'ai développé, et qui avait un grand nombre de signataires.
J'ai également eu l'impression - je crois n'avoir pas été la seule - qu'en vous adressant à moi vous répondiez à vos propres interrogations, je dirai même à vos propres angoisses.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Il n'en a guère ; ce n'est pas dans sa nature ! (Sourires.)
Mme Danielle Bidard-Reydet. Enfin, j'ai remarqué que, dans votre réponse, il y avait de grands absents, à savoir ces travailleurs qui, chaque jour, apprennent que leur entreprise, qui fait pourtant des bénéfices extraordinaires, va supprimer des emplois, que dorénavant ils seront au chômage. Voilà le coeur du problème, monsieur Marini ! Je ne sais pas si en parler, c'est employer la langue de bois, mais ce que je peux dire, c'est que vous, vous l'ignorez totalement.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 431 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
M. Marc Massion. Le groupe socialiste s'abstient.

(L'amendement n'est pas adopté.)

5

SOUHAITS DE BIENVENUE
À UNE DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE
DE ROUMANIE

M. le président. Mes chers collègues, j'ai le très grand plaisir de saluer la présence, dans notre tribune officielle, d'une délégation de Roumanie venue inaugurer en France l'exposition « 150 ans de relations parlementaires franco-roumaines », conduite par M. Ion Diaconescu, président de la Chambre des députés de Roumanie, et reçue pour un entretien par M. Christian Poncelet, président du Sénat.
Nous sommes particulièrement sensibles à l'intérêt et à la sympathie qu'ils portent à notre institution, et je saisis cet instant pour me féliciter de l'excellence des relations qui unissent la France et la Roumanie.
Cette délégation est accompagnée par notre collègue Henri Revol, président de notre groupe d'amitié.
Au nom du Sénat de la République, je leur souhaite la bienvenue et je forme des voeux pour que leur séjour en France contribue à renforcer les liens d'amitié entre nos pays. (Mme le secrétaire d'Etat, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.)

6

NOUVELLES RÉGULATIONS ÉCONOMIQUES

Suite de la discussion d'un projet de loi
déclaré d'urgence

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif aux nouvelles régulations économiques.

Articles additionnels avant l'article 1er (suite)



M. le président.
Par amendement n° 432 rectifié bis, Mme Bidart-Reydet, MM. Loridant, Saunier, Autexier, Bécart, Mmes Beaudeau, Borvo, MM. Bret, Fischer, Foucaud, Le Cam, Lefevbre, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite, Renar, Mme Terrade, MM. Vergès, Auban, Autain, Bel, Mme Bergé-Lavigne, MM. Besson, Biarnès, Bony, Boyer, Mme Campion, MM. Carrère, Cazeau, Chabroux, Courteau, Courrière, Mme Cerisier-ben Guiga, M. Debarge, Mmes Derycke, Dieulangard, MM. Domeizel, Dreyfus-Schmidt, Mme Durrieu, MM. Dussaut, Fatous, Godard, Guérini, Haut, Labeyrie, Lagauche, Lagorsse, Le Pensec, Lejeune, Marc, Madrelle, Miquel, Pastor, Penne, Peyronnet, Picheral, Piras, Plancade, Mmes Pourtaud, Printz, MM. Roujas, Sutour, Trémel, Vidal, Weber, Désiré, Larifla, Lise, Collin et Delfau proposent d'insérer, avant l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le dernier alinéa (8°) de l'article 980 bis du code général des impôts est supprimé. »
La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret. Cet amendement, déposé par les membres de notre groupe, mais aussi par des collègues du groupe socialiste et du RDSE, porte sur la question de l'application du droit de timbre sur les opérations de bourse pour les opérations menées par les non-résidents.
On sait que, depuis l'adoption d'un article dans le cadre de la loi du 31 décembre 1993 portant diverses dispositions relatives à la Banque de France, à l'assurance, au crédit et aux marchés financiers, une disposition permet la mise en oeuvre de cette exonération fiscale.
Dans les faits, quand on y regarde d'un peu plus près, une telle mesure est plus que discutable.
Cet amendement tend à revenir sur la réalité de ces dispositions, dont il apparaît, à l'examen, qu'elles ont, pour l'essentiel, favorisé la diffusion assez large de la propriété de nombreuses entreprises françaises à l'étranger et qu'elles ont validé des opérations d'optimisation fiscale menées par quelques initiés jouant de leur qualité de non-résidents en leur nom propre ou derrière l'écran d'une personne morale de circonstance, leur permettant ainsi de disposer d'une exemption complémentaire.
Au-delà des divergences traditionnelles dans cette Haute Assemblée - on en a encore eu un exemple, voilà un instant - la question se pose : pourquoi tant de sollicitude et d'attention pour le traitement fiscal de ces transactions ?
Pourquoi tant de prévenance ? Madame la secrétaire d'Etat, comment le Gouvernement peut-il décemment laisser en l'état une législation dont le précédent gouvernement s'est fait - c'est le cas de le dire - le porteur ?
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. La commission n'est pas favorable à cet amendement.
La mesure aurait pour effet de détourner de la France d'importants flux d'investissement. De caractère discriminatoire, elle irait à l'encontre des objectifs visés par ses auteurs.
Soucieux de participer à la recherche et à la réflexion de ces derniers, je leur suggérerai, pour aboutir à ce que le contrôle des entreprises françaises cotées en bourse soit plus souvent exercé par des capitaux français, de soutenir les propositions de création de fonds de pension en France. En effet, ceux-ci me semblent être de nature à drainer l'épargne capitalisée des actifs pour, à la fois, préparer les retraites, ou une partie des retraites, des futurs retraités et participer vraiment au contrôle des grandes entreprises françaises. Il est vrai que 40 % à 50 % de la capitalisation des principales entreprises cotées françaises sont aujourd'hui détenus par des investisseurs étrangers, ce qui est de nature à poser, à terme, de réels problèmes.
L'objectif visé mérite donc l'attention sur nombre de travées, mais, comme la méthode proposée n'est pas acceptable, peut-être faut-il réfléchir à autre chose !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. La proposition rapportée par M. Bret induit le même type de débat que précédemment.
La suppression de l'exonération dont bénéficient actuellement les personnes établies hors de France aurait davantage pour effet de délocaliser l'opération d'entremise que de soumettre les investisseurs étrangers à cet impôt.
M. Bret a lui-même évoqué les écrans. Il sait fort bien que, s'il existe une taxe spécifique sur la place bancaire française, on peut très rapidement aller acheter ailleurs avec son écran et qu'il est très difficile - nous devons être très vigilants - de savoir d'où partent réellement les ordres d'achat et les ordres de vente. Actuellement, donc, ces ordres d'achat ou de vente peuvent partir du territoire français et passer par un courtier situé hors du territoire français, d'où des problèmes de taxation.
Nous venons d'ailleurs de mettre en place, avec les services de la DGCCRF, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, un système de surveillance en ligne, précisément pour voir comment s'organisent certains transferts rapides.
Sur le fond, la position défendue est parfaitement compréhensible mais, si nous perdons un certain nombre de transactions sur la place de Paris, nous perdrons en même temps de la TVA, si bien que nous perdrons plus de recettes que nous n'en créerons.
C'est donc par réalisme que nous n'acceptons pas cet amendement, même si nous sommes conscients que se pose là un vrai problème de la taxation du capital.
M. Michel Charasse. C'est comme l'existence de Jésus-Christ, on n'en sortira jamais ! (Sourires.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 432 rectifié bis , repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 433 rectifié, Mme Bidard-Reydet, MM. Loridant, Saunier, Autexier, Bécart, Mmes Beaudeau, Borvo, MM. Bret, Fischer, Foucaud, Le Cam, Lefevbre, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite, Renar, Mme Terrade, MM. Vergès, Auban, Autain, Bel, Mme Bergé-Lavigne, MM. Besson, Biarnès, Bony, Boyer, Mme Campion, MM. Carrère, Cazeau, Chabroux, Courteau, Courrière, Mme Cerisier-ben Guiga, M. Debarge, Mmes Derycke, Dieulangard, MM. Domeizel, Dreyfus-Schmidt, Mme Durrieu, MM. Dussaut, Fatous, Godard, Guérini, Haut, Labeyrie, Lagauche, Lagorsse, Le Pensec, Lejeune, Marc, Madrelle, Miquel, Pastor, Penne, Peyronnet, Picheral, Piras, Plancade, Mmes Pourtaud, Printz, MM. Roujas, Sutour, Trémel, Vidal, Weber, Désiré, Larifla, Lise, Collin et Delfau proposent d'insérer avant l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« Les deux derniers alinéas de l'article 978 du code général des impôts sont supprimés. »
La parole est à M. Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Avec cet amendement, qui tend à déplafonner l'impôt sur les opérations de bourse, nous entrons dans un débat déjà assez largement entamé par notre Haute Assemblée où existent quelques divergences idéologiques quant au sens que l'on souhaite donner à l'impôt et au système fiscal dans notre pays.
En 1993, alors même que l'on imposait à nos compatriotes, au nom de la réduction des déficits publics nécessaire pour « qualifier» notre pays pour l'Union économique et monétaire, nombre de sacrifices, notamment en matière de protection sociale, le Gouvernement issu des élections du printemps précédent faisait passer, dans le cadre de la loi de finances rectificative, une petite douceur fiscale pour les marchés boursiers sous forme d'un plafonnement de l'impôt dû sur les opérations menées sur les bourses de valeurs.
Il s'agissait alors de favoriser l'intervention des parties concernées sur les marchés et de rendre encore plus présentable la place de Paris en allégeant la contrainte fiscale imposée à cette intervention.
Force est de constater, en l'état actuel de l'indice CAC 40 et du niveau de la capitalisation boursière, que l'objectif a largement été atteint et même dépassé.
Cela est-il pour autant suffisant pour que, dans leur subtile harmonie, les marchés financiers soient aujourd'hui plus sensibles aux besoins de la collectivité qui leur a fait cette faveur en 1993 ?
Cela suffit-il pour que les batailles menées « à la corbeille » n'aient aucun effet négatif sur l'emploi, sur l'équilibre économique des régions, sur le devenir d'un grand nombre de nos compatriotes, marchandé avec les parts sociales de l'entreprise victime de telle ou telle OPA ?
Nous savons pertinemment que la majorité de la commission des finances est assez largement défavorable, dans sa philosophie propre, à la mesure que nous préconisons. Là est sans doute l'une des divergences d'appréciation fondamentale qui nous oppose. Cela fait partie de la démocratie, en fait, d'avoir des idées quelque peu différentes. Mais il faudra bien un jour cependant que ceux qui préconisent la disparition pure et simple de l'impôt de bourse nous expliquent quelle est la justification sociale et économique de la chose.
La fluidité des transactions boursières dispense-t-elle de payer des impôts ?
Je reviendrai brièvement sur le débat qui vient d'avoir lieu à propos de la taxe Tobin. En effet, cette taxe dont la faisabilité a failli pouvoir être concrétisée à l'échelon européen - il n'a manqué que quelques voix - mérite en tout cas d'être prise en considération, et je voudrais dire à notre collègue M. Marini que nous ne sommes pas en contradiction.
Certes, nous souhaitons une Europe, mais une Europe différente et non l'Europe des directives qui nivelle par le bas des mesures sociales gagnées de haute lutte dans notre pays.
Nous ne sommes pas contre la mondialisation, nous sommes pour une modernisation de la mondialisation, notamment à l'échelon de l'OMC - Organisation mondiale du commerce - de l'OIT - Organisation internationale du travail - et de l'OMS - Organisation mondiale de la santé. La mondialisation pourrait certainement servir à faire bénéficier de nombreux peuples, de nombreux pays des progrès accomplis sur les plans de la santé, des brevets ou des inventions. Oui, nous sommes favorables à cette mondialisation-là, mais pas à celle qui se déroule actuellement.
Enfin, le capitalisme, c'est bien l'histoire du loup dans la bergerie. Avec la taxe Tobin se pose cette question : faut-il piéger ce loup ? faut-il tendre un collet ? faut-il creuser une fosse à loup ? ou faut-il simplement se contenter de lui limer les crocs ?
La question est importante. En tout cas, je vous appelle maintenant, mes chers collègues, à voter cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Je ne vais pas reprendre l'argumentaire que j'ai exposé à l'occasion de l'examen du précédent amendement. Celui-ci est d'esprit identique et appelle les mêmes remarques et le même avis défavorable de la commission.
Mais puisque notre collègue Le Cam évoque une décision prise à l'échelon européen, je voudrais rappeler, si ma mémoire ne me fait pas défaut, qu'il s'agissait d'un vote au Parlement européen visant à constituer un groupe de travail sur la question, ce qui relativise déjà quelque peu la portée de l'engagement pris. Si l'on devait arriver à une norme européenne, il faudrait, mes chers collègues, qu'une décision soit prise à l'unanimité du Conseil. Je me permets de vous le rappeler, car une directive fiscale doit être adoptée à l'unanimité. Si vous êtes favorable à la substitution de la majorité qualifiée à l'unanimité, mon cher collègue, je crois qu'il faudrait que vous nous le disiez. Ce serait, en effet, un pas important dans la problématique européenne.
M. Denis Badré. Une avancée intéressante !
M. Philippe Marini, rapporteur. Je crois qu'il vaut mieux savoir ce dont on parle, appeler un chat un chat - ce que je m'efforce de faire ici - en tout cas la commission des finances émet un avis tout à fait défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Comme il s'agit du même débat, le Gouvernement est défavorable pour les mêmes raisons que précédemment.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 433 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 434 rectifié, M. Saunier, Mme Bidard-Reydet, MM. Loridant, Autexier, Bécart, Mmes Beaudeau, Borvo, MM. Bret, Fischer, Foucaud, Le Cam, Lefevbre, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite, Renar, Mme Terrade, MM. Verges, Auban, Autain, Bel, Mme Bergé-Lavigne, MM. Besson, Biarnès, Bony, Boyer, Mme Campion, MM. Carrère, Cazeau, Chabroux, Courteau, Courrière, Mme Cerisier-ben Guiga, M. Debarge, Mmes Derycke, Dieulangard, MM. Domeizel, Dreyfus-Schmidt, Mme Durrieu, MM. Dussaut, Fatous, Godard, Guérini, Haut, Labeyrie, Lagauche, Lagorsse, Le Pensec, Lejeune, Marc, Madrelle, Miquel, Pastor, Penne, Peyronnet, Picheral, Piras, Plancade, Mmes Pourtaud, Printz, MM. Roujas, Sutour, Trémel, Vidal, Weber, Désiré, Larifla, Lise, Collin et Delfau proposent d'insérer, avant l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 978, il est inséré dans le code général des impôts un article ainsi rédigé :
« Art. ... - Les opérations d'achat ou de vente des valeurs de toute nature effectuées par une personne physique ou morale qui est domiciliée ou établie hors de France donnent lieu à la rédaction d'un bordereau soumis à un droit de timbre correspondant à 1,5 du montant de la transaction. »
La parole est à M. Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Cet amendement n° 434 rectifié est un dérivé de l'amendement n° 432 rectifié bis, en ce sens qu'il prévoit expressément la mise en place d'un taux spécifique de l'impôt de bourse pour les opérations menées par les non-résidents.
Il procède donc, quant au fond, des mêmes intentions que le précédent et participe de la définition de ce que nous avons appelé la régulation des transactions financières en amendement liminaire.
Il ne nous semble pas utile par conséquent d'en ajouter beaucoup plus, sinon pour réaffirmer la nécessité de parvenir à une forme d'égalité de traitement entre intervenants sur les marchés financiers, qu'il s'agisse ou non de résidents.
C'est sous le bénéfice de ces observations que nous vous invitons à vous associer à cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Cet amendement étant dérivé du précédent, l'avis de la commission sera, lui aussi, dérivé du précédent, donc défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Je ne veux pas non plus allonger le débat : avis tout simplement défavorable !
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 434 rectifié.
M. Michel Charasse. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Je ne suis pas familiarisé avec les opérations visées dans l'amendement, mais je voudrais poser à nos collègues auteurs de la proposition une question.
L'amendement vise « les opérations d'achat ou de vente de valeurs de toute nature ». Si une personne se rend dans un bureau de change pour acheter l'équivalent de 5 000 francs en dollars parce qu'elle se rend à l'étranger, elle sera donc taxée à 1,5 ?
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. C'est exact !
M. Michel Charasse. Cela signifie que, désormais, les touristes qui partent hors de la zone euro seront taxés lors de l'achat de devises... Cela suffit pour que je ne vote pas cet amendement. (Sourires.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 434 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
M. Marc Massion. Le groupe socialiste s'abstient.
M. Michel Charasse. Je vote contre !

(L'amendement n'est pas adopté.)

TITRE Ier

DÉROULEMENT DES OFFRES PUBLIQUES
D'ACHAT OU D'ÉCHANGE

Article 1er



M. le président.
« Art. 1er. - L'article 356-1-4 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales est ainsi rédigé :
« Art. 356-1-4 . - Toute clause d'une convention prévoyant des conditions préférentielles de cession ou d'acquisition d'actions admises aux négociations sur un marché réglementé et portant sur au moins 0,5 % du capital ou des droits de vote de la société qui a émis ces actions doit être transmise dans un délai fixé par décret au Conseil des marchés financiers qui en assure la publicité. A défaut de transmission, les effets de cette clause sont suspendus, et les parties déliées de leurs engagements, en période d'offre publique.
« Le conseil doit également être informé de la date à laquelle la clause prend fin. Il assure la publicité de cette information.
« Les clauses des conventions conclues avant la date de publication de la loi n° du relative aux nouvelles régulations économiques qui n'ont pas été transmises au Conseil des marchés financiers à cette date doivent lui être transmises, dans les mêmes conditions et avec les mêmes effets que ceux mentionnés au premier alinéa, dans un délai de six mois. »
Par amendement n° 479, le Gouvernement propose :
I. - De rédiger comme suit le premier alinéa de cet article :
« L'article L. 233-11 du code de commerce est ainsi rédigé :. »
II. - Au début du second alinéa de ce même article, de remplacer la référence : « Art. 356-1-4 » par la référence : « Art. L. 233-11 ».
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Il s'agit d'un amendement de codification.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Cet amendement est le premier d'une très longue série. La commission sera favorable à ces amendements excepté lorsque, pour des raisons de coordination, la codification proposée entre en contradiction avec ses propres amendements.
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. C'est logique !
M. Philippe Marini, rapporteur. La codification dont il s'agit, dans notre esprit, se fait bien à droit constant...
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Tout à fait !
M. Philippe Marini, rapporteur. ... selon les principes en usage dans ce domaine.
Nous n'avons pas été en mesure, nous-mêmes, de « peigner », si j'ose m'exprimer ainsi, l'ensemble de la matière. Nous espérons donc que, dans cette codification, aucune transcription n'aille au-delà du concept du droit constant.
Bien entendu, nos votes d'aujourd'hui et des jours à venir en cette matière ne nous engagent aucunement s'agissant des positions que nous serons amenés à prendre lors de l'examen du projet de loi de ratification sur lequel les assemblées auront ultérieurement à se prononcer.
Cela dit, je pense qu'il y a vraiment très peu de risque, le travail ayant été bien fait, que nous ayons à revenir dans le détail sur tel ou tel vote.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission est favorable à cet amendement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 479, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 157, M. Marini, au nom de la commission des finances, propose, dans la première phrase du deuxième alinéa de l'article 1er, de remplacer les mots : « dans un délai fixé par décret », par le mot : « immédiatement ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. Nous entrons maintenant dans le domaine du droit boursier. Il s'agit de prévoir ici que la transmission des clauses comportant des conditions préférentielles d'acquisition ou de cession au Conseil des marchés financiers se fait immédiatement et non pas dans un délai fixé par décret.
Cette modification assurera l'application immédiate du dispositif dès la promulgation de la loi. Point ne sera besoin d'attendre la sortie d'un hypothétique décret. Ce dispositif, qui a une réelle utilité pour faire progresser la transparence du marché, doit s'appliquer sans retard.
C'est donc dans cet esprit, pour travailler à l'amélioration des procédures de la place de Paris, que nous proposons l'amendement n° 157.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement souhaite renforcer la transparence du fonctionnement des marchés financiers, et c'est à cette fin que l'article 1er du projet de loi prévoit la transmission au Conseil des marchés financiers des clauses des conventions d'actionnaires comportant des conditions préférentielles de cession ou d'acquisition d'actions de sociétés cotées.
Vous proposez, monsieur le rapporteur, de préciser que cette transmission se fasse immédiatement. Objectivement, en droit, la notion « immédiatement » est floue et une formulation aussi imprécise risque de poser des problèmes juridiques.
C'est pourquoi j'ai proposé de prévoir un délai de transmission fixé par décret. Le décret indiquera également comment ce délai doit être calculé. Il va de soi que le délai doit être court, vous avez raison sur le fond.
Je vous demande donc, monsieur le rapporteur, de retirer cet amendement n° 157. A défaut, nous y serons défavorables dans la mesure où nous nous engageons à faire un bon travail technique pour que ce délai soit court.
M. Philippe Marini, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. De quoi s'agit-il ? Il s'agit de pactes ou d'accords d'actionnaires comportant des clauses préférentielles d'acquisition. Cette notion juridique est très bien cernée ; il n'y a aucune ambiguïté à ce sujet. Il s'agit donc de prévoir que de telles clauses sont bien portées à la connaissance du marché, et ce sans délai.
Le Gouvernement nous propose de fixer ce délai par un décret, et donc d'attendre la sortie de ce décret et l'expiration du délai qu'il prévoira.
Pourquoi s'infliger cette double attente alors que l'on peut faire les choses tout de suite ? Le terme « immédiatement » veut dire que, dès la promulgation de la loi, il est du devoir des initiateurs de tels accords ou simplement des détenteurs de tels accords de les communiquer matériellement au Conseil des marchés financiers.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 157.
M. Michel Charasse. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Je comprends bien le souci du rapporteur mais la brutalité du mot « immédiatement » m'effraie un peu quant à ses conditions d'application.
A la limite, s'il était proposé que le décret doive paraître dans un délai de quinze jours, ou trois semaines ou dans un délai approchant, je comprendrais. Mais j'ai bien entendu les propos de M. le rapporteur qui a dit : « dès la promulgation de la loi », c'est-à-dire en réalité dès qu'elle est applicable, soit une jour franc après l'arrivée du Journal officiel dans le lieu considéré. Cela signifie que le jour ne sera pas le même selon que l'on se trouve à Paris ou en province.
Que se passe-t-il si on ne le fait pas le jour même ? Y a-t-il une sanction ou est-ce qu'ayant raté le jour immédiat on ne peut plus le faire ? Je pose la question à notre rapporteur, qui est meilleur spécialiste du droit financier et bancaire que moi dans ce domaine.
Je crains que le mot « immédiatement » - même si je comprends bien le motif de sa proposition : il pense en effet qu'il faut le faire le plus vite possible - ne risque d'entraîner des difficultés et des contentieux.
A cela s'ajoute le fait que la date d'application de la loi parue au Journal officiel n'est pas la même selon qu'on est à Paris ou en province, s'il y a un dimanche ou s'il n'y en a pas, s'il y a un jour ouvrable ou s'il n'y en a pas.
J'appelle donc votre attention : quel que soit le sort de cet amendement, les modalités pratiques d'application de ce dispositif ne me paraissent pas si évidentes que cela.
M. Philippe Marini, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. Je crois devoir répondre à M. Michel Charasse qu'il existe toute une jurisprudence sur l'application des lois et sur les délais de promulgation et d'acheminement de l'information. Cette jurisprudence tient très exactement compte de ce qu'il a dit, c'est-à-dire de la capacité plus ou moins immédiate où l'on se trouve de prendre connaissance d'un nouveau texte et il est très simple de s'y référer. Tout cela, allais-je dire, est vieux comme le Journal officiel !
S'agissant des risques de contentieux qui ont été évoqués, je voudrais en souligner un qui me semble découler de la rédaction du Gouvernement, madame le secrétaire d'Etat. Que se passerait-il dans le cas où une offre publique serait déclenchée entre le moment de la signature d'un pacte et l'expiration du délai de transmission au Conseil des marchés financiers ? Cela ne risquerait-il pas de donner lieu à contentieux ?
Nous disons donc que, en l'absence d'un délai, un pacte non transmis au Conseil des marchés financiers ne peut, du fait de la loi, avoir d'effets en période d'offre publique. Nous évoquons en effet des événements qui s'enchaînent très rapidement.
C'est donc précisément dans le souci de simplifier, d'aller plus vite, d'améliorer la transparence et d'éviter les risques de contentieux que nous avons déposé cet amendement.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 157, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 356, MM. Cornu, Courtois, Cazalet, Francis Giraud et Murat proposent, dans le quatrième alinéa de l'article 1er, de remplacer les mots : « avant la date de la publication de la loi n° du relative aux nouvelles régulations économiques » par les mots : « depuis le 1er janvier 1995 ».
La parole est à M. Murat.
M. Bernard Murat. Le dispositif de l'article 1er, qui étend l'obligation de transmission au Conseil des marchés financiers de l'ensemble des pactes d'actionnaires, doit être modifié pour simplifier son application. Il est proposé à cette fin de fixer une limite dans le temps, en imposant la publication des seuls pactes conclus depuis le 1er janvier 1995.
On évitera ainsi que ne soit réalisé un historique obligatoire des accords passés par une entreprise ayant disparu. Cette mesure de simplification ne remet évidemment pas en cause l'objectif de transparence qui sous-tend l'article 1er.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. La commission approuve le souci de simplification qui a justifié le dépôt de l'amendement n° 356, mais il est de mon devoir de rappeler que des pactes relativement anciens, en l'occurrence conclus avant le 1er janvier 1995, sont susceptibles d'avoir aujourd'hui encore des effets en période d'offre publique alors que le marché n'en a pas connaissance. Dès lors, le fonctionnement du marché est bel et bien faussé.
Mon propos ne repose pas sur une fiction : il est facile de se référer aux épisodes des offres publiques bancaires qui ont eu lieu au printemps et à l'été 1999. Lors de l'un de ces épisodes, il est arrivé que les parties « redécouvrent », de façon sans doute pas tout à fait innocente, un pacte vieux d'une quinzaine d'années au beau milieu d'une opération, ce qui a donné lieu à la publication, par la Commission des opérations de bourse, d'un communiqué qui figure à la page 35 du rapport de la commission des finances.
C'est donc bien par souci de transparence, et malgré les conséquences sur une gestion matérielle sans doute plus lourde, que la commission des finances ne peut aller dans le sens de l'amendement n° 356. Il lui semble que la transparence du marché, l'information de tous les membres du marché, de tous les investisseurs est un principe avec lequel on ne peut en aucun cas transiger.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Il faut rejeter cet amendement, car il ne correspond pas à notre souhait à tous d'assurer une transparence accrue du marché financier.
M. le président. Monsieur Murat, l'amendement est-il maintenu ?
M. Bernard Murat. Nous le retirons, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 356 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 1er, modifié.
M. Robert Bret. Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.
M. Michel Charasse. Le groupe socialiste également.

(L'article 1er est adopté.)

7

NOMINATION DES MEMBRES
DE LA COMMISSION SPÉCIALE CHARGÉE
DE VÉRIFIER ET D'APURER LES COMPTES

M. le président. Je rappelle qu'il a été procédé à l'affichage de la liste des candidats aux fonctions de membres de la commission spéciale chargée de vérifier et d'apurer les comptes.
Le délai fixé par le règlement est expiré.
Je n'ai reçu aucune opposition.
En conséquence, la liste est ratifiée et je proclame membres de la commission spéciale chargée de vérifier et d'apurer les comptes : Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Georges Berchet, Michel Charasse, Luc Dejoie, Yves Fréville, Yann Gaillard, Rémi Herment, Marc Massion, Jacques Oudin et François Trucy.
A la demande du Gouvernement, nous allons maintenant interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures vingt-cinq, est reprise à seize heures trente-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

8

NOUVELLES RÉGULATIONS ÉCONOMIQUES

Suite de la discussion d'un projet de loi
déclaré d'urgence

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif aux nouvelles régulations économiques.
Dans la suite de la discussion des articles, nous en sommes parvenus aux articles additionnels après l'article 8, appelés en priorité.

Divisions et articles additionnels
après l'article 8 (priorité)



M. le président.
Par amendement n° 152 rectifié, MM. Charasse et Plancade proposent d'insérer, après l'article 8, un article additionnel ainsi rédigé :
« Les banques ne pourront facturer les prestations qu'elles assurent pour les titulaires de comptes bancaires pour ce qui concerne la facturation des chèques, qu'à compter de la date d'abrogation de toutes les dispositions rendant obligatoire le paiement par chèque. »
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Si vous le permettez, monsieur le président, mes chers collègues, je présenterai en même temps l'amendement n° 153 rectifié.
M. le président. J'appelle donc en discussion l'amendement n° 153 rectifié, présenté par MM. Charasse et Plancade, et tendant à insérer, après l'article 8, un article additionnel ainsi rédigé :
« Est interdite la facturation des prestations fournies par les banques au titre de la tenue et de l'utilisation des comptes bancaires des particuliers dont les salaires, pensions et prestations sociales sont soumis à l'obligation de virements bancaires. »
La parole est à M. Charasse, pour défendre ces deux amendements.
M. Michel Charasse. Je précise que la rectification des amendements n°s 152 et 153 est due à l'adjonction d'un signataire, M. Plancade, qui a souhaité s'associer à mon initiative.
Ces jours derniers, nous avons tous suivi le débat récurrent relatif non pas à la taxation, puisque ce n'est pas une taxe, mais à l'éventuel paiement des chèques que les banques pourraient exiger. On a même proposé, ici ou là, des tarifs et comparé ces propositions. C'est ce qui m'a conduit à suggérer ces deux amendements, qui ont d'abord pour objet d'entendre - et M. le ministre ne m'en voudra pas - les explications du Gouvernement sur une question que l'on paraît d'ailleurs embrouiller un peu à dessein.
Mes chers collègues, les banques assurent des services privés à leurs clients. Beaucoup de leurs prestations, facultatives, sont aujourd'hui facturées, les cartes bleues par exemple. Reste en dehors de la facturation, en principe, l'utilisation du carnet de chèques.
On peut discuter indéfiniment sur la question de savoir si ce service doit être rendu gratuitement ou moyennant paiement, étant entendu que la contrepartie est le dépôt des fonds gratuitement à la banque et l'utilisation gratuite par la banque des fonds qui y sont déposés. Mais passons !
Au regard du droit européen et d'un certain nombre de règles du commerce, il est sans doute difficile d'interdire par la loi à un organisme privé de tarifer ses services et de l'obliger à travailler gratuitement. Mais, monsieur le ministre - c'est l'objet des amendements n°s 152 rectifié et 153 rectifié -, il y a tout de même un problème de fond qui se pose. En effet, quand on sait qu'un certain nombre de textes législatifs obligent aujourd'hui au paiement par chèque et qu'un certain nombre de textes législatifs ou réglementaires imposent le paiement des salaires, des pensions, des prestations familiales et sociales par virement bancaire, comment, dans ces conditions, la majorité de nos concitoyens pourrait-elle ne pas tirer au moins un chèque, en réalité plusieurs ?
Tout le monde sait aussi que, pour se procurer de l'argent liquide, c'est parfois le parcours du combattant, la majorité des agences bancaires de notre pays étant de petites agences avec une encaisse très modeste par crainte des cambrioleurs. Par conséquent, on vous dit que l'on ne peut vous donner que 1 500 francs, 2 000 francs, voire 2 500 francs, mais pas plus.
Ces deux amendements visent non pas à interdire aux banques de facturer leurs services - ce n'est peut-être pas d'ailleurs l'opinion de M. le ministre sur ce point - mais en tout cas à préserver la liberté des usagers afin que celui qui passe par la banque ait choisi sciemment d'y passer et que celui qui ne veut pas de compte bancaire puisse ne pas en avoir et être malgré tout en mesure de percevoir son salaire, directement en liquide - comme cela se faisait autrefois dans les usines, où les gens allaient tous les quinze jours chercher leur enveloppe - ou de se présenter au guichet de la caisse d'allocations familiales pour y recevoir ses prestations, entre autres, toutes choses qui ne sont pas possibles aujourd'hui.
Par conséquent, ces deux amendements ont un objet quasiment analogue. Tant que des textes obligeront à passer par les banques, je ne vois pas comment on pourrait taxer le service de base, c'est-à-dire l'obligation de l'utilisation du chèque. Mes chers collègues, c'est exactement comme si l'on vous disait que, pour tous vos déplacements, vous serez désormais obligés de prendre le train selon une tarification imposée par le propriétaire du train et qu'en plus, pour que vous n'ayez pas d'autre solution, il sera interdit d'acheter des chaussures ou de les porter ! Vous êtes alors complètement coincés !
En conclusion, monsieur le président, je me demande même dans quelle mesure les obligations qui sont faites de passer par les banques par un certain nombre de textes législatifs et réglementaires sont bien conformes au principe de liberté, et donc à la Constitution ! (Sourires.)
M. Philippe Marini, rapporteur. Alors là, on en a pour une bonne semaine ! (Sourires.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Il s'agit d'un sujet particulièrement important sur lequel la commission souhaiterait entendre préalablement le Gouvernement. (Nouveaux sourires.)
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Je m'attendais bien à quelque chose de la part de M. le rapporteur, mais pas à une invite aussi rapide ! (Rires.)
Si vous le permettez, en répondant à M. Michel Charasse, je m'adresserai en même temps au cosignataire des amendements, M. Plancade, ainsi qu'à MM. Gérard Larcher et Gérard Delfau leurs amendements suivants ayant aussi pour objet, bien que de façon différente, de réglementer autrement les relations entre les banques et leurs clients. Une réponse globale de ma part me permettra peut-être de ne pas y revenir.
Monsieur Charasse, vous avez déposé deux amendements, l'un portant sur la facturation des chèques, l'autre sur la facturation de la tenue de comptes, qui, si je les lie correctement, se fondent sur l'idée que les chèques sont payants, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.
M. Michel Charasse. Cela risque de le devenir...
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Ils anticipent donc sur une situation qui n'existe pas aujourd'hui, et le Gouvernement ne voudrait pas que vos amendements, monsieur Charasse, deviennent d'actualité.
M. Michel Charasse. C'est trop d'honneur !
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Monsieur Larcher, dans vos amendements, vous proposez l'institution d'un service bancaire universel gratuit. Mais, en fixant de façon limitative des prestations gratuites, vous suggérez que les autres prestations sont bien évidemment payantes. Si l'on adoptait ces dispositions, cela pourrait être compris comme un signal - M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie le rappelait devant vos collègues de l'Assemblée nationale la semaine dernière - en faveur des chèques payants. Or nous sommes déterminés, nous fondant d'ailleurs en partie sur les arguments qu'a très bien exposés tout à l'heure Michel Charasse - à faire en sorte que les chèques restent gratuits. Je ferai la même remarque à propos des amendements déposés par M. Delfau.
En fait, nous abordons là un point important : il s'agit des relations, quasi quotidiennes pour beaucoup de nos concitoyens, entre le monde bancaire et ses usagers. Les banques peuvent tirer de ces relations - vous l'avez écrit, monsieur Larcher, et vous l'avez dit, monsieur Charasse - une juste rémunération, mais elles doivent se comporter également avec toute la conscience qu'elles ont du rôle qu'elles jouent sur l'ensemble des contraintes qui pèsent sur leurs concitoyens, en particulier sur le fait qu'il n'y a pas de concurrence. Les Français, qui sont obligés d'ouvrir un compte pour percevoir leurs revenus, veulent accéder gratuitement à leur argent. C'est possible aujourd'hui avec la gratuité des chèques ; on ne voit pas pourquoi cela changerait.
Certaines banques - c'est peut-être ce qui a motivé le dépôt de ces amendements - ont déclaré à nouveau leur intention de faire payer les chèques. Il faut dire qu'elles font cette annonce depuis des années, cela fait quinze ans je crois. Depuis, elles reculent parce qu'elles ne souhaitent pas déplaire à leur clientèle ; ce sont des raisons commerciales qui les poussent à avoir un tel comportement.
Par conséquent, je le répète, nous ne souhaitons pas leur donner de signal pour que les choses changent.
En revanche, il me semble qu'il faut répondre à la question de fond que vous posez sur les relations entre la banque et ses clients. En effet, nombre d'usagers aujourd'hui ne connaissent pas la réalité des services dont la facturation apparaît sur leur relevé de compte.
Le Gouvernement y répond par deux mesures.
D'une part, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie déposera dans les jours qui viennent le décret portant sur le droit au compte pour les personnes en grande difficulté ; je pense que ce décret est prêt. Il permettra au Gouvernement de respecter un engagement qu'il avait pris.
D'autre part, il faut permettre aux usagers des banques de bénéficier d'une bonne information sur ce qu'est aujourd'hui la réalité de la tarification. En effet, si le chèque n'est pas payant, un certain nombre de services le sont, et l'on ne sait pas très bien pourquoi ils sont plus coûteux dans telle banque que dans telle autre.
En outre, on oublie aussi ceux qui ne disposent que d'un livret A - c'est une autre préoccupation qui a été exprimée par M. Delfau hors de cette enceinte, mais qui sera sans doute reprise aujourd'hui. Un certain nombre d'opérations doivent absolument être réalisées gratuitement. Il n'y a aucune raison que quelqu'un qui n'utilise que son livret A parce qu'il ne peut pas faire autrement ait à payer un quelconque service.
Pour toutes ces raisons, nous pensons qu'il faut que les banques soient assignées au même respect des droits des consommateurs que l'ensemble des entreprises. Ce sont des entreprises privées, même si elles ont à faire face à une garantie prudentielle qui ne s'impose pas aux autres acteurs économiques. Elles doivent entrer dans le champ de la protection du consommateur et, pour ce faire, répondre à un certain nombre d'obligations qui figurent dans un amendement que le Gouvernement va soumettre à la Haute Assemblée.
Tout doit être extrêmement clair. Ainsi, par exemple, les banques ne doivent pas échapper à la règle qui veut que l'on n'a pas le droit de vendre un service lié. Il est par ailleurs important que les banques, à côté du système actuel, qui n'est pas un mauvais système - ne soyons pas manichéens - mettent en place un comité de médiation qui permette de régler les litiges de manière plus transparente, plus claire, plus constructive, y compris d'ailleurs s'il le faut, en faisant appel à une réglementation.
Bref, il faut que l'ensemble de la politique commerciale des banques soit soumis au droit de la consommation. Depuis quarante ans à peu près les banques sont les seules à ne pas relever de ce droit.
Pour que ce droit s'exerce avec toute la transparence voulue, les services de l'Etat doivent pouvoir exercer un contrôle à l'intérieur des agences bancaires, comme ils en ont la possibilité à l'intérieur de toute entreprise, pour vérifier que le droit d'information du consommateur est strictement respecté, qu'il n'y a pas de services liés, par exemple, qu'il n'y a pas obligation pour l'usager qui souscrit un prêt de prendre l'assurance proposée par la banque.
En fait, il faut remédier à tout ce qui fait qu'aujourd'hui les choses ne sont pas claires et donnent lieu à autant d'amendements, de propositions et de débats.
Nous souhaitons que tout soit bien codifié et s'exerce dans la plus grande transparence pour assurer de meilleures relations entre le monde bancaire et les usagers. Voilà ce que nous proposerons en déposant l'amendement n° 625.
M. le président. Quel est maintenant l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Je voudrais, en quelques mots, rappeler dans quel débat d'ensemble nous nous situons car Mme le secrétaire d'Etat a fait état d'amendements qui ne sont pas encore exposés ; elle a également fait état - je ne lui en fais aucun reproche, je ne me le permettrais pas - d'un amendement que le Gouvernement vient de déposer et qui, lui non plus, n'a pas encore été exposé dans le détail.
De quoi s'agit-il ?
L'ensemble des textes que nous allons examiner, mes chers collègues, traite de l'évolution du système bancaire et de sa compétitivité, mais aussi de l'accès au service bancaire : nous avons, d'un côté un problème économique, de l'autre, un problème social.
La commission des finances avait déjà traité le problème économique voilà quelques années, alors que M. Alain Lambert était rapporteur général, dans un rapport de mission d'information dont le titre était : Banques : votre santé nous intéresse.
Pourquoi avions-nous retenu ce titre ? Parce que les banques, tout en étant des entreprises compétitives, ne sont pas tout à fait des entreprises comme les autres. Certes, elles sont soumises aux règles du marché, nous l'avons vu en 1999 avec les opérations de restructuration bancaire, qui sont d'ailleurs largement à l'origine du titre Ier de ce projet de loi. Mais une banque, c'est, et cela a toujours été, un lieu d'influence, un lieu de pouvoir tel que les gouvernants d'un pays et les législateurs ne peuvent y être indifférents.
En conséquence, il est important que nous sachions quelles sont leurs conditions de compétitivité, parce que si les banques dont le siège est en France ne sont pas compétitives, au gré des restructurations européennes, elles seront amenées à se diluer, à disparaître, à passer sous le contrôle d'autres centres d'influence et de pouvoir.
Il est donc nécesssaire que le Sénat s'intéresse à la bonne santé économique du secteur bancaire.
Or la question de la tarification des services bancaires se situe bien au coeur de cette problématique économique qui est celle de la compétitivité de nos banques par rapport à leurs concurrentes, notamment celles de la zone euro.
En effet, nous travaillons dans un ensemble de plus en plus intégré. Nous avons une seule et même échelle de taux d'intérêt. Nous avons une seule et même devise pour l'essentiel de nos transactions, etc.
D'un autre côté, se pose le problème social, qui soulève un certain nombre d'interrogations : qui a accès, et dans quelles conditions, aux services bancaires ? Qu'entend-on par services bancaires ? Que recouvre cette expression ? Quels sont les domaines traités ? S'agit-il de l'accès aux liquidités, de l'existence d'un compte, de l'octroi de crédits, ce qui implique un risque pour la banque car, si le fait de domicilier un compte dans ses écritures et de permettre à son titulaire de récupérer son argent liquide génère un coût administratif sans risques, en revanche, ouvrir un crédit et permettre au titulaire d'un compte de disposer de plus d'argent qu'il n'en a déposé, c'est prendre un risque une telle opération doit donc avoir un traitement différent des autres.
Pour que nos délibérations soient bien claires, je voudrais vous rappeler, mes chers collègues, que les banques françaises ne sont pas calfeutrées dans une tour d'ivoire, ni entourées comme le village gaulois d'Astérix. Elles se situent dans un monde totalement ouvert, c'est une évidence.
Donc, lorsqu'on évoque des sujet comme la rémunération des comptes courants ou la tarification des chèques, il faut s'interroger sur ce qui est de la responsabilité des banques, qui s'efforcent de rester compétitives, et sur ce qui est de la responsabilité de l'Etat.
En matière de chèque, par exemple, selon les règles actuellement en vigueur, la délivrance du chéquier est gratuite - c'est un impératif légal - mais l'utilisation du chéquier peut être facturée. Elle peut être facturée si une banque ou si les banques en décident ainsi.
Quel doit être le bon équilibre économique ? Il est assez difficile de le dire. De mon point de vue et de celui de la commission, il est assez difficile de s'immiscer dans un tel débat. A l'inverse, lorsqu'il s'agit de s'assurer que les éléments les plus démunis de la population peuvent disposer du minimum d'infrastructure bancaire dont chacun a besoin pour vivre et pour assurer la vie de sa famille, nous nous sentons beaucoup plus concernés ; ce sont des sujets qui ne sont pas totalement nouveaux pour le législateur.
Dans la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions de 1998, on a créé un droit au compte. Selon certains de nos collègues, il s'agit aujourd'hui de préciser, de concrétiser les engagements pris dans cette loi, qui, je le rappelle, est une loi « transmajorités » puisqu'elle a été préparée par les uns, qu'elle a été présentée par les autres et qu'elle incluait nombre de dispositions recueillant l'accord des uns et des autres.
S'agissant des amendements n°s 152 rectifié et 153 rectifié, la commission des finances a émis ce matin un avis défavorable, sans nier l'intérêt de la réflexion menée à ce propos et sans sous-estimer les objectifs visés par notre collègue Michel Charasse.
En fait, nous estimons préférable de traiter le sujet dans un cadre plus général et nous pourrons dégager une position après que Gérard Larcher, Gérard Delfau et Paul Loridant nous auront présenté leurs amendements.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 152 rectifié.
M. Michel Charasse. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Les amendements que j'ai déposés avec M. Plancade avaient bien entendu pour objet de susciter ce débat ou cette réflexion à voix haute qui vient d'avoir lieu.
Nous ne sommes pas favorables, vous l'avez compris, à la tarification bancaire en ce qui concerne l'utilisation du carnet de chèques, pour parler un langage clair puisque, comme l'ont rappelé M. le rapporteur et M. le ministre, la délivrance du carnet de chèques est gratuite... jusqu'au jour où elle sera payante.
Cela étant, si malgré toutes les précautions prises, malgré les contraintes que le Gouvernement souhaite imposer aux services bancaires et qui figurent dans l'amendement n° 625 que nous examinerons tout à l'heure, malgré toutes nos déclarations et celles de M. Fabius, récemment, qui m'ont fait très plaisir - à moi et à d'autres, d'ailleurs - si, malgré tout cela, la tarification est finalement appliquée, alors, une question devra se poser : pourra-t-on, oui ou non, se passer de la banque ? Aura-t-on le droit de demander le versement de son salaire ou de sa pension en liquide ? Pourra-t-on percevoir directement ses allocations familiales à la caisse d'allocations familiales ? Bref, sera-t-on condamné à passer par l'intermédiaire de la banque ?
Et je ne parle pas des personnes âgées qui détiennent trois ou quatre malheureuses actions et qui, au titre de l'obligation de dématérialisation des titres, ont été obligées d'en remettre la gestion à une banque, laquelle leur prend parfois des droits de garde supérieurs aux dividendes perçus ! Pourra-t-on, comme autrefois, détenir ses actions sous une forme matérielle et les garder chez soi ou en tout autre lieu à sa convenance ?
Telles sont les questions que je me pose.
Et puis il y a aussi l'obligation légale de payer par chèque pour toute transaction d'un montant supérieur à 20 000 francs. J'entends bien que c'est une disposition tendant à permettre le contrôle fiscal, mais faudra-t-il payer pour pouvoir respecter cette obligation ?
J'étais, voilà peu, en Auvergne, sur un marché aux bestiaux. Les portefeuilles des marchands de vaches avaient à peu près 15 centimètres d'épaisseur ! (Sourires.)
M. Philippe Marini, rapporteur. Là, il n'y a pas grand-chose de déclaré !
M. Michel Charasse. Evidemment tous les achats se faisaient en liquide et tout le monde se moquait bien du plafond des 20 000 balles !
M. Gérard Larcher. Cela n'arrive qu'en Auvergne ! (Nouveaux sourires.)
M. Michel Charasse. Ils font comme cela depuis le Moyen Age, personne ne les contrôle, cela se passe très bien et il n'y a pas jamais eu de vols !
Laurent Fabius connaît d'ailleurs très bien la région dont je parle : il lui est arrivé de venir y goûter les bons fromages et le saucisson ! (Nouveaux sourires.)
En tout cas, si l'on n'est pas marchand de vaches, faudra-t-il payer pour avoir un chéquier et pouvoir ainsi régler ses achats de plus de 20 000 francs ?
Monsieur le ministre, ce que je vais vous dire est une horreur pour un ministre chargé du budget : à la limite, dans la mesure où c'est la loi qui impose, c'est en fait l'Etat qui devrait assumer ces frais ! (Nouveaux sourires.)
M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Mais bien sûr...
M. Michel Charasse. Soyons logiques !
M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Ne déposez pas d'amendement allant dans ce sens : il serait voté !
M. Michel Charasse. Il y a tout de même l'article 40 !
A partir du moment où l'on impose à un citoyen une obligation quelconque, si elle doit se traduire pour lui par le versement d'une somme destinée non à l'Etat mais à un service privé, on peut se poser la question de savoir si la puissance publique ne doit pas compenser.
Je n'insiste pas, mais j'espère que, si nous devons finalement avoir la fameuse tarification, ce que je ne souhaite pas, pas plus que le Gouvernement, nous pourrons faire évoluer la législation de manière que ceux qui ne voudront pas payer leurs chèques soient en mesure de se passer de la banque et gérer leurs sous comme ils l'entendent : paroles d'Auvergnat et de citoyen libre, qui n'est aux ordres de personne, et surtout pas des banques !
Par conséquent, monsieur le président, je retire mes deux amendements.
M. le président. Les amendements n°s 152 rectifié et 153 rectifié sont retirés.
J'appelle maintenant l'amendement n° 625 du Gouvernement.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Cet amendement, qui vient d'être déposé, suppose, à l'évidence, un examen approfondi. Je propose de réserver cet amendement jusqu'à la reprise de la séance, après le dîner, ce qui permettrait à la commission des finances de se réunir et de l'étudier comme il convient, eu égard à la « densité » de cette proposition.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de réserve ?
M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Le Gouvernement l'accepte.
M. le président. La réserve est ordonnée.
Je suis maintenant saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 334 est présenté par MM. Gérard Larcher, Hérisson, Trucy, Paul Girod et Louis Althapé.
L'amendement n° 415 est présenté par MM. Delfau, Baylet, Collin, Mouly et Pelletier.
Tous deux tendent à insérer, après l'article 8, une division additionnelle ainsi rédigée : « Chapitre... - Dispositions relatives au service universel bancaire ».
L'amendement n° 334 est affecté d'un sous-amendement n° 611, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, et tendant, dans l'intitulé du chapitre proposé par l'amendement n° 334 pour insérer une division additionnelle après l'article 8, à remplacer le mot « universel » par les mots « de base ».
La parole est à M. Gérard Larcher, pour défendre l'amendement n° 334.
M. Gérard Larcher. Si vous le permettez, monsieur le président - mais j'ai déjà pu constater combien votre mansuétude était grande, cet après-midi, puisque nous avons entendu des avis sur des amendements avant même qu'ils ne soient présentés - je défendrai d'un même mouvement, outre l'amendement n° 334, les amendements n°s 335 à 340, dont mes collègues MM. Hérisson, Trucy, Paul Girod et Althapé sont également signataires et auxquels, même s'ils ne les ont pas signés, MM. André et Pelchat ont bien voulu s'associer.
Avant d'exposer en détail les mesures proposées, il m'apparaît important de préciser quels sont nos objectifs à travers ces amendements.
Ces sept amendements ont une triple motivation.
Ils visent d'abord à ouvrir devant le Sénat - et c'est réussi - un débat qui intéresse la vie quotidienne de tous les Français ; on dit qu'on ne débat pas assez, au Parlement, des problèmes de vie quotidienne ; nous prouvons le contraire cet après-midi. En l'occurence, il s'agit des chèques payants et, d'une manière plus générale, des évolutions qui vont amener nos concitoyens à payer ce qui est aujourd'hui le plus souvent gratuit : leur compte bancaire.
L'euro, l'harmonisation des règles bancaires au sein de l'Union européenne, la nécessité de doter nos établissements financiers des mêmes armes concurrentielles que leurs homologues vont en effet conduire à aligner nos tarifs bancaires sur ce qui se pratique ailleurs dans l'Union, à savoir, d'une part, la facturation d'un certain nombre de services, dont les chèques, et, d'autre part, la rémunération des dépôts à vue.
En bref, même si l'on en parle depuis quinze ans, madame le secrétaire d'Etat, à un terme qui ne me paraît pas lointain, c'en sera fini de l'exception bancaire française du « ni-ni » : ni facturation des chèques ni rémunération des dépôts. Cette double interdiction, en dehors de la Grèce, la France est le seul pays de l'Union européenne à continuer à la pratiquer.
D'ores et déjà, sur le plan juridique, rien n'interdit la facturation des chèques puisque la seule prohibition réglementaire existante concerne la rémunération des dépôts à vue.
Le changement de nos habitudes bancaires paraît donc inéluctable aux cosignataires de ces amendements.
Une telle évolution n'est pas critiquable en tant que telle. On ne peut, à l'heure de l'euro, imposer un handicap à nos établissements financiers. On ne doit pas non plus se cacher que, par beaucoup d'aspects, l'actuelle gratuité du chèque est un leurre puisque, son émission et son traitement ayant un coût, son prix se trouve en définitive acquitté au travers d'autres services bancaires payés plus chers que nécessaire.
De ce point de vue, la fin du « ni-ni bancaire » marquera un ajustement des prix sur les coûts, pouvant aboutir à un nouvel équilibre des relations entre les banques et leurs clients et à l'emploi accru de moyens de paiement moins coûteux ; on l'a constaté dans d'autres pays.
Cependant, le compte bancaire a une dimension sociale qui est essentielle à nos yeux. Sans lui, il est très complexe d'effectuer ou de recevoir des paiements et, par voie de conséquence, de s'insérer matériellement dans la société. Ainsi, la difficulté d'accès aux services financiers tend à favoriser l'exclusion.
Au vu de cette réalité, la question se pose donc de savoir si la fin du « ni-ni bancaire » peut être acceptée sans correctif.
Face à cette interrogation, plusieurs attitudes politiques sont envisageables.
On peut décider de ne rien faire et laisser les transformations s'opérer finalement en catimini. C'est la tentation de beaucoup.
On peut aussi confier à d'autres le soin de résoudre ce problème. C'est ce que, dans un premier temps, a tenté de faire le Gouvernement en demandant à la commission Jolivet, composée de représentants des banques et des consommateurs, de fixer les modalités du droit au compte institué par l'article 137 - que nous avons voté, par-delà les clivages politiques - de la loi contre l'exclusion. Mais cette stratégie a échoué puisque la commission Jolivet n'est pas parvenue à un accord.
On peut encore déclarer son opposition aux chèques payants mais ne rien faire pour infléchir le processus en cours.
Cette posture, un peu à la Ponce Pilate, j'ai cru la déceler, monsieur le ministre, dans vos propos de la semaine dernière,...
M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Vous avez tort !
M. Gérard Larcher. ... lorsque vous avez déclaré votre hostilité aux chèques payants. Mais le Gouvernement paraissait avoir renoncé à légiférer sur ce sujet.
Je voudrais rappeler aussi à Mme le secrétaire d'Etat, qui m'a répondu par avance, que des réseaux facturent déjà les chèques. D'ailleurs, quels sont les textes qui interdisent de rendre les chèques payants ?
On peut enfin considérer que les engagements européens de la France et la nécessité de moderniser nos structures économiques doivent nous amener à renoncer à certaines exceptions, mais pas à n'importe quelle condition et, en tout état de cause, pas sans en débattre publiquement devant le Parlement, afin que chacun assume la responsabilité de ses choix. Telle est la conviction des signataires de ces amendements : pas de chèques payants sans débat parlementaire ! C'est bien le moins !
La seconde motivation de nos sept amendements est de proposer un dispositif garantissant que la fin de la gratuité du compte bancaire ne s'opère pas au détriment des plus démunis des Français.
Aujourd'hui, environ 1 600 000 Français vivent avec à peine 2 500 francs, voire moins, par mois et à peu près autant perçoivent des minima sociaux d'un montant avoisinant 3 500 francs par mois.
D'aucuns argueront qu'avoir à payer quelques francs pour émettre un chèque n'est pas une dépense bien lourde et que même les personnes qui ont des revenus modestes pourront s'en acquitter. Mais les personnes qui expliquent cela sont rarement ceux qui se trouvent confrontés, au quotidien, avec la grande détresse sociale.
Pour les associations caritatives que nous avons consultées, telles que le Secours catholique ou ATD Quart Monde, s'engager dans cette voie reviendrait à pousser encore davantage hors de la société les couches les plus fragiles de la population.
D'abord, quand on signe beaucoup de petits chèques - ce que font souvent les gens en situation précaire -, même à quelques francs le chèque, les additions finissent par être lourdes.
Ensuite, il faut en avoir conscience, la fin de la gratuité des chèques ne sera vraisemblablement que le premier pas d'un alignement des tarifs bancaires français sur ce qui se pratique dans les autres pays européens. Tout ce qui est gratuit aujourd'hui ne le sera plus nécessairement demain.
M. Paul Loridant. Là, c'est l'alignement par le haut !
M. Gérard Larcher. Ainsi, il semblerait que certains réseaux bancaires envisagent d'ores et déjà de faire payer les dépôts et retraits d'espèces. A terme, on s'orientera probablement vers un forfait pour un certain nombre de services. Or, si l'on en croit les évaluations faites par les associations de consommateurs, le montant de ce forfait ne sera pas négligeable et, sur l'année, il représentera une part significative d'un mois de revenu minimum d'insertion.
L'enjeu de la sortie du « ni-ni bancaire » au regard de l'exclusion ne doit pas être sous-évalué.
Enfin, la troisième et dernière - mais non la moindre - des raisons qui ont motivé d'abord le dépôt d'une proposition de loi, puis celui de ces amendements découle du souci de préserver l'équilibre du grand opérateur de service public qu'est La Poste, laquelle a aussi un service financier.
En effet, force est de constater que les guichets financers les plus accueillants pour les populations les plus fragiles sont ceux de La Poste. En raison de l'étendue de son réseau, de sa présence sur tout le territoire, y compris dans les zones sensibles, et de l'esprit de service public qui l'anime, elle en accueille la plus large part. Le nombre moyen des retraits quotidiens inférieurs à 40 francs effectués auprès des bureaux de poste de Trappes, dans les Yvelines, en constitue une parfaite illustration.
Cependant, cet accueil a un coût, qui a été évalué à 1,3 milliard de francs par an pour l'opérateur public, soit l'équivalent du résultat net qu'il a dégagé en 1999.
Cette charge, qui résulte notamment de l'utilisation du livret A comme un « compte portefeuille », ne fait l'objet d'aucune compensation. Il est à craindre que, si le paiement généralisé des chèques et des comptes courants était institué, elle ne s'alourdisse très significativement, les populations les plus vulnérables se trouvant en quelques sorte incitées à recourir, en plus grand nombre encore, au livret A comme à un « compte portefeuille ».
A un moment où l'avantage relatif que constitue le livret A tend à s'estomper et où la concurrence sur les métiers postaux traditionnels, notamment le courrier et le colis, devient de plus en plus forte et de plus en plus menaçante, une telle perspective ne peut être acceptée comme allant de soi.
Le renforcement de nos établissements de crédit ne doit pas se payer du prix d'un affaiblissement de notre opérateur public, La Poste, alors même qu'elle est soumise à un lourd défi stratégique.
Il ne faut pas non plus perdre de vue que, si les banques assurent plus de quatre cent mille emplois et disposent de quelque vingt-cinq mille guichets sur le territoire, La Poste, à elle seule, compte plus de trois cent mille salariés et entretient dix-sept mille points de contact.
Quel est, en conséquence, le dispositif que nous proposons ? Pour le résumer, il repose sur deux axes centraux : un service universel bancaire visant à assurer l'insertion financière des plus démunis, d'une part, et, d'autre part, un fonds de compensation alimenté par les cotisations de tous les acteurs du service universel - les banques, les réseaux mutualistes, La Poste, le Trésor - et destiné à répartir équitablement entre eux les charges découlant du service universel. Il s'agit d'un service assez comparable à celui que nous avions prévu pour les télécommunications, monsieur Delfau, et qui fonctionne.
Le service universel bancaire proposé est gratuit et ouvert à tous, mais il est « ciblé » prioritairement - on pourrait en débattre - pour répondre aux besoins des plus modestes de nos concitoyens. Il englobe donc les prestations indispensables à leur intégration dans les circuits financiers de la vie sociale, mais il ne va pas au-delà.
Ainsi, nous proposons d'exclure du champ de ce service universel « les moyens de paiement à risque » que sont les chèques autres que les chèques de banque, et notamment, de ne pas favoriser les détournements conduisant à en accroître le coût. Cela n'empêche pas, bien entendu, que les bénéficiaires du service universel disposent du quota de chèques gratuits que les banques s'engageraient, d'après les contacts que nous avons eu, à attribuer à tous leurs clients. On pourrait résumer l'esprit du dispositif par la formule : « pas de chèque payant pour les plus démunis, donc maintien de la gratuité du compte ». Dans le même ordre d'idées bénéficier du service universel interdirait de prétendre à la rémunération de ses dépôts à vue.
Cependant, ce service universel n'est pas pour autant réduit à presque rien ; il n'est pas non plus l'expression d'une quelconque nostalgie passéiste. Il ne comporte pas moins de huit prestations obligatoires, du relevé bancaire à des moyens de paiement sans risque pour ses utilisateurs et pour les banques.
Je pensais tout à l'heure, en écoutant M. Charasse, que le relevé d'identité bancaire, le RIB, et le relevé mensuel étaient importants. Il y a aussi les quotas mensuels de prélèvements directs, les quotas mensuels de chèques de banque et la carte plafonnée de retrait d'espèces dans les guichets automatiques.
En outre, le service universel est organisé pour inciter à une modernisation accrue de nos infrastructures financières en encourageant la généralisation de la carte de paiement sécurisée à autorisation systématique qui, demain, remplacera avantageusement les chèques de banque et la carte de retrait.
En d'autres termes, si, en droit, le service universel bancaire est ouvert à tous pour éviter d'avoir à établir des discriminations complexes et humiliantes et, parfois, des effets de seuil, en fait, il n'attirera que ceux qui ont peu de moyens et peu de besoins bancaires.
Pour résumer, le service universel bancaire reposerait en quelque sorte sur le même mécanisme que les Restaurants du coeur : tout le monde peut s'y rendre et recevoir de la nourriture s'en avoir à présenter papiers, attestations et autres documents justifiant d'un droit ; mais tout le monde ne s'y rend pas, car ceux qui en ont les moyens savent que ce n'est pas prévu spécifiquement pour eux.
Le financement de ce service universel est assuré par un fonds de compensation auxquels adhèrent tous ceux qui ont à l'assurer : les établissements de crédit, La Poste et le Trésor. Le fonds est alimenté par les cotisations de ses membres, calculées sur la base du montant de leurs dépôts, dans les conditions fixées par un règlement du comité de la réglementation bancaire et financière, ce que je préfère à la réglementation ou à une taxe.
Cette partie du dispositif est construite de manière à assurer une compensation à ceux qui assumeront l'accueil des plus démunis.
Mes chers collègues, pardonnez ce long exposé : j'ai voulu tracer à grands traits l'esprit et le contenu de ces sept amendements qui, comme vous pouvez le constater, visent à garantir le respect de préoccupations de clarté politique dans la défense des plus faibles de nos concitoyens et du plus faible de nos réseaux financiers.
Il est vrai, madame le secrétaire d'Etat, que nous anticipons, mais cet avenir est inéluctable, et il est en fait déjà à notre porte.
J'ai lu rapidement la proposition du Gouvernement, dont l'examen sera reporté après le dîner ; mais, comme j'occuperai alors le fauteuil de la présidence, je ne pourrai pas m'exprimer. Permettez-moi donc de le faire maintenant.
L'amendement n° 625, déposé par le Gouvernement en première lecture au Sénat, ne touche pas à la question de la gratuité des prestations de base : il encadre le paiement des prestations de base, certes, mais n'en exonère pas les plus démunis. Vous nous avez dit, madame le secrétaire d'Etat, que le temps vous manquait. Mais cela fait maintenant deux ans que le Gouvernement travaille sur le sujet ! Le temps est venu de débattre et de trancher.
C'était donc, monsieur le président, monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, un long exposé sur ce service universel bancaire que nous souhaitons voir instaurer à l'occasion de ce débat. Il s'agit bien d'un système de régulation, car il n'est pas de véritable régulation économique sans dimension sociale. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter le sous-amendement n° 611.
M. Philippe Marini, rapporteur. J'ai cru comprendre que notre collègue M. Gérard Larcher a d'ores et déjà présenté une séquence d'amendements dont il est l'auteur, en particulier les amendements n°s 334, 336 et 338.
Monsieur le président, m'autoriseriez-vous à exprimer un avis global sur ces amendements et, en même temps, à présenter le sous-amendement n° 611 relatif portant sur l'amendement n° 334, puis le sous-amendement n° 612, portant sur l'amendement n° 336, et le sous-amendement n° 613, portant sur l'amendement n° 338 ?
M. le président. Monsieur le rapporteur, par courtoisie pour notre éminent collègue M. Gérard Delfau, peut-être pourriez-vous présenter d'abord le sous-amendement n° 611 ? Je donnerai ensuite la parole à M. Delfau pour défendre l'amendement n° 415, et vous reviendrez enfin sur tous les points que vous souhaitez.
M. Paul Loridant. Oui ! Sinon, nous n'aurons jamais la parole !
M. le président. Je ne vous l'ai jamais refusée, monsieur Loridant. Je vous l'ai même accordée abondamment !
M. Marc Massion. M. Loridant est bien vu ! (Sourires.)
M. le président. Vous avez la parole, monsieur le rapporteur, pour présenter le sous-amendement n° 611.
M. Philippe Marini, rapporteur. La commission est à votre disposition, monsieur le président !
La proposition de M. Gérard Larcher s'inscrit dans une longue histoire qui remonte à la loi bancaire de 1984, dont l'article 58 instaurait le droit de tout citoyen d'avoir un compte bancaire.
En 1992, la charte sur les services bancaires de base a été élaborée sous les auspices du comité des usagers, avec la participation de l'Association française des banques. Elle est peu appliquée, et c'est dommage, car elle aurait sans doute constitué le véhicule idéal pour mettre en place un service bancaire de base.
Enfin, l'article 137 de la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions introduit la notion de service bancaire de base, mais le décret d'application n'est jamais paru. Ce n'est pas totalement la faute du Gouvernement, puisque la commission dite « Jolivet », chargée de la conception de ce décret, devait d'abord se mettre d'accord sur un texte. Or tel n'a pas été le cas. On peut en déduire, soit dit en passant, qu'il est risqué de laisser à une entité extérieure, représentative ou réputée telle, le soin de faire ce que le législateur avait confié au pouvoir exécutif.
M. Gérard Larcher propose un service bancaire qu'il qualifie d'universel. La commission des finances s'interroge. Elle rappelle ne pas avoir d'éléments d'appréciation sur le coût d'un tel service, et elle a tendance à mettre en garde contre l'impact d'une telle mesure sur la compétitivité du secteur bancaire. Il lui semble que, tout en respectant les intentions et les objectifs des auteurs de l'amendement, celui-ci serait mieux « ciblé » si le champ couvert était limité aux personnes qui en ont vraiment besoin, c'est-à-dire à celles qui sont exclues du système bancaire ou qui risquent de l'être pour des raisons économiques et sociales.
La commission considère, et c'est l'objet précis du sous-amendement n° 611, qu'il vaut mieux parler de « service de base bancaire » et non plus de « service universel bancaire ». Au demeurant, l'amendement qui sera examiné aussitôt après l'amendement n° 336 tend à préciser le contenu de ce service. La commission estime qu'il doit s'agir d'un service de base, du point de vue tant des opérations que du public concernés.
Tel est l'objet du sous-amendement n° 611, qui, s'il était adopté par le Sénat, nous permettrait d'émettre un avis favorable sur l'amendement n° 334.
M. le président. La parole est à M. Delfau, pour présenter l'amendement n° 415.
M. Gérard Delfau. Monsieur le président, je me permettrai de présenter en même temps les amendements n°s 416 et 417, ce qui nous fera gagner du temps.
La division additionnelle que tendent à insérer après l'article 8 les nombreux amendements visant à mettre fin à l'exclusion bancaire par la création d'un service universel gratuit et ouvert à tous permet à la Haute Assemblée d'aborder le premier vrai grand débat sur un fait de société dont il importe de mesurer l'ampleur.
Si nous engageons ce débat, c'est, n'en doutons pas, en raison de la pression de l'opinion publique. Les organisations syndicales, les associations caritatives, les associations de consommateurs, nombre de personnalités qualifiées et morales, demandent instamment au Parlement et aux pouvoirs publics de prendre à bras-le-corps ce problème qui, pour être relativement récent, n'en voit pas moins ses effets néfastes croître avec une telle rapidité qu'ils frappent maintenant un nombre considérable de Français ou de résidents.
Je relève au passage que l'Assemblée nationale a pris soin d'éviter ce débat. C'est donc tout à l'honneur du Sénat de le lancer et à l'honneur du Gouvernement d'y contribuer.
Je voudrais d'abord que l'on mesure bien l'ampleur du phénomène. D'après l'Association française des banques - elle porte maintenant un autre nom - qu'évidemment, comme tout parlementaire, je reçois et avec laquelle je m'entretiens, car elle est représentative, le taux de bancarisation de la France serait de 98 %.
C'est un chiffre rassurant, mais que recouvre-t-il ? Les interdits bancaires, par exemple, y sont-ils inclus ?
Lisant un article de presse - qui eut un grand retentissement durant l'été 1999 - dans lequel s'exprimait une voix aussi autorisée que celle de Daniel Lebegue, actuel directeur général de la Caisse des dépôts et consignations et ancien dirigeant d'une très grande banque française, j'ai découvert que celui-ci évaluait à cinq ou six millions le nombre de Français qui seraient exclus du système bancaire.
Il suffit, comme il arrive à chacun d'entre nous de le faire, de se rendre dans un village un peu reculé, dans un quartier sensible ou, tout simplement, de parler avec le receveur d'un bureau de poste pour s'apercevoir - ce que, d'ailleurs, la télévision nous a montré - que le livret A est désormais le compte de dépôt et le moyen de retrait pour un nombre de plus en plus considérable d'usagers.
Une telle situation est à la fois indigne d'un pays développé comme la France et économiquement très préjudiciable. Elle fait déjà l'objet de l'attention des instances européennes puisque, je le rappelle, la présidence finlandaise, au cours du second semestre de 1999, avait jugé nécessaire d'examiner ce sujet et avait interrogé chaque pays membre sur ce point.
Toujours dans la presse, je découvre que le gouvernement de Tony Blair, s'inquiétant de l'exclusion bancaire, a chargé il y a trois ou quatre mois la banque britannique de relever ce défi, mais - et le « mais » n'est pas sans importance - moyennant une compensation financière.
Le sujet est donc devenu un sujet national, un sujet européen ; et un pays qui, jusqu'à présent, n'a pas vraiment donné l'exemple d'une grande efficacité ni d'un grand souci du service public s'est déjà engagé dans la voie de la solution.
Evidemment, nous avons voté des textes ; j'ai moi-même, comme d'autres sur ces travées, participé en 1984 au débat sur la loi bancaire et j'ai cru, en votant son article 58 - M. le rapporteur le rappelait à l'instant -, que le problème serait résolu et ne se reposerait plus. J'ai suivi avec intérêt ce que l'on appelle communément la charte bancaire. J'ai participé au vote de l'article 137 de la loi de 1998 et j'ai attendu ce décret d'application qui n'est pas encore publié et que l'on nous annonce comme imminent.
Je m'inquiète, moi aussi, de l'arrivée de l'euro, de l'exacerbation, dès maintenant, de la concurrence entre les banques, de l'effet négatif sur l'entreprise publique qu'est La Poste et sur l'équilibre de ses comptes de ce reflux de clients refusés par le système bancaire traditionnel.
Tel est donc le contexte dans lequel nous abordons ce débat.
Divers amendements ont été déposés, notamment celui de nos collègues MM. Gérard Larcher et Pierre Hérisson, tendant à instaurer un service universel bancaire ouvert à tous et gratuit. Il s'agit de la reprise d'une proposition de loi. Pour ce qui me concerne, j'avais, avec d'autres collègues, aussi déposé, voilà quelques mois, une proposition de loi en ce sens. Sur le principe d'une telle mesure, nous sommes donc tous d'accord. En revanche, il faut revenir à ma question, à laquelle notre collègue M. Gérard Larcher n'a pas vraiment répondu : Comment ce service sera-t-il financé ? J'ai bien écouté notre collègue M. Gérard Larcher. Il a laissé entendre qu'il donnait un accord tacite à la tarification des chèques. Il en prend la responsabilité. Pour ma part, je ne la prendrai pas, et je constate que le Gouvernement ne le suit pas dans cette voie. Il a évoqué aussi un fonds de compensation. Pourquoi pas ?
Ce fonds serait financé par des cotisations des divers acteurs du système financier et bancaire. Là aussi, je m'interroge. Quelle sera la quote-part de chacun ? Sur quels critères sera-t-il réparti ? Et, surtout, qui contrôlera l'effectivité du droit au compte bancaire et aux moyens de paiement pour tout citoyen ? Ce n'est ni la Banque de France, ni les tribunaux, ni les gardes mobiles qui le feront appliquer. Enfin, le dernier risque et non des moindres réside dans la surfacturation des autres services amenant, par ricochet, les clients les plus pauvres à payer pour les plus fortunés. Voilà où nous en sommes.
J'ajouterai un autre élément qui, je le sais, touchera l'ensemble du Sénat. Nous parlons des personnes exclues du système bancaire. Il faudrait y ajouter les territoires exclus du maillage des établissements bancaires traditionnels. Combien de cantons, qui connaissent une baisse démographique, notamment dans le centre de la France, combien de villages, combien de quartiers urbains que l'on appelle difficiles n'ont pas eu, n'ont plus ou n'auront jamais, dans le système actuel, un guichet de banque pour reprendre volontairement la terminologie traditionnelle ? Sont-ils moins français ? Sont-ils voués à moins de vie sociale et à une moindre efficacité économique ? Sont-ils condamnés à n'être que des ghettos ?
Je voudrais donc que, dans ce débat, soit inclu aussi le maillage du territoire national par l'ensemble du système financier. En effet, si nous ne le faisons pas, nous n'accomplissons pas notre travail de parlementaires et, j'ose le dire, particulièrement de membres du Sénat. Voilà où en est ma réflexion.
J'ai bien entendu le Gouvernement, notamment Mme la scrétaire d'Etat. J'ai compris le contenu implicite de l'amendement n° 625 présenté par le Gouvernement. Je suis prêt à reconnaître que ce texte, dont nous discuterons ce soir, contient des avancées considérables. En effet, aligner les pratiques bancaires sur le droit à la consommation, c'est un réel progrès. Il fallait avoir le courage de proposer cette disposition et de la faire voter par le Parlement. Toutefois, je reste, pour l'instant, dubitatif. En effet, si la proposition visant à instaurer un service universel bancaire ouvert à tous, que j'ai moi-même soutenue et que je pourrais soutenir encore, me séduit, je suis conscient des difficultés d'application qu'elle pose. C'est pourquoi je veux revenir à l'essentiel, au plus urgent : mettre fin à l'exclusion bancaire de quelques millions de citoyens.
Et, pour aller droit au but : quel sera le contenu du décret ; sortira-t-on de la pétition de principe, donnera-t-on effectivité à ce droit au compte et aux moyens de paiement pour l'ensemble des Français ? Qui financera ? Qui contrôlera ? Qu'est-ce qui fera que les établissements qui s'en dispenseront seront pénalisés ? Comment évitera-t-on que La Poste fasse, et une fois de plus, par souci du service public, par tradition, par culture, par devoir et par esprit de responsabilité, les frais d'une telle avancée, si avancée il y a.
Aussi, avant de me déterminer, je demande solennellement à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ainsi qu'à Mme la secrétaire d'Etat de nous dire comment prochainement -- puisque, dit-on, un décret sera bientôt publié pour permettre de concrétiser cet article 137 - nous allons pouvoir avancer dans ce domaine.
Je ne suis pas l'homme du tout ou rien. Je sais par mon expérience, déjà ancienne, de parlementaire et par mon expérience, plus ancienne encore, de maire qu'il faut parfois procéder par petits pas. Encore faut-il qu'un signal soit donné, non pas aux banques, mais à tous ceux que préoccupe le problème de l'exclusion bancaire, et je souhaite beaucoup, monsieur le ministre, que ce soit le moment.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. J'ai déjà fait part des réactions de la commission sur l'amendement n° 334 visant à instaurer un « service universel bancaire ». Nous avons présenté le sous-amendement n° 611 pour substituer à cette expression la notion de « service de base bancaire ».
S'agissant de l'amendement n° 336, la commission a bien noté que la liste des prestations comprises dans le service de base bancaire est essentiellement composée des opérations d'ouverture de comptes et d'accès aux liquidités sur ces comptes.
Cette définition du service de base n'appelle pas de réserve de notre part. Cependant, notre sous-amendement n° 612 vient préciser le champ d'application, dans l'esprit de ce que j'annonçais tout à l'heure. Nous pensons qu'il faut s'adresser aux publics les plus fragilisés, c'est-à-dire aux titulaires des actuels minima sociaux : revenu minimum d'insertion, allocation de solidarité spécifique minimum vieillesse et, allocation pour adulte handicapé.
Je précise que, dans l'esprit de la majorité de la commission des finances, la référence au revenu minimum d'insertion et à l'allocation de solidarité spécifique s'entend dans le cadre de la proposition de loi que nous avons déposée voilà quelques mois pour transformer ces allocations d'assistance en « revenu minimum d'activité ». Il ne s'agit donc pas, dans notre esprit, de créer une trappe à pauvreté supplémentaire, de créer un frein supplémentaire à la reprise du travail et de l'activité. C'est donc en ayant à l'esprit notre conception d'activation des dépenses d'assistance que nous formulons cette proposition destinée aux publics les plus fragilisés. Tel est l'objet de notre sous-amendement n° 612.
En ce qui concerne l'amendement n° 336, la commission émet un avis favorable, sous réserve de l'adoption de son sous-amendement n° 612.
S'agissant de l'amendement n° 338, la commission émet, là encore, un avis favorable, sous réserve de l'adoption de son sous-amendement n° 613.
J'en viens aux amendements déposés par nos collègues MM. Delfau, Baylet, Collin, Mouly et Pelletier. Si ces amendements ont un tronc commun avec les amendements de M. Gérard Larcher, ils comportent une liste d'opérations quelque peu différente. En effet, parmi ces opéations figurent des prêts dits à faible montant à vocation sociale, selon des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, ainsi que des prêts d'honneur sans intérêt pour tout créateur d'entreprise dont le dossier sera déclaré éligible par une commission décentralisée, selon les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, ainsi qu'aux entreprises de moins de cinquante salariés qui veulent investir pour leur développement. Il s'agit, selon nous, d'une ouverture beaucoup plus grande à des opérations à risques. Cela nous paraît sortir de la vocation d'un service de base.
Par ailleurs, M. Delfau et ses collègues font reposer le financement sur la Caisse des dépôts et consignations. Cela représenterait une charge indue pour cet établissement au moment même où l'on veut, à juste titre, madame le secrétaire d'Etat, adapter ses structures pour qu'il puisse, sans renier son statut, prendre réellement sa place dans la compétition.
En résumé, les différents amendements déposés par M. Gérard Delfau et ses collègues appellent, pour les raisons que j'ai indiquées, des avis défavorables de la part de la comission.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 334, le sous-amendement n° 611 et l'amendement n° 415 ?
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Avant de donner l'avis du Gouvernement, je ferai quelques remarques aux auteurs de ces propositions.
Monsieur Larcher, si on examine bien votre proposition, on constate qu'elle engendre deux conséquences négatives importantes.
La première : en prévoyant la gratuité d'un certain nombre de prestations limitativement énumérées, cette disposition risque - et c'est son paradoxe - d'avaliser la facturation des autres prestations et tout particulièrement des chèques payants. Or le Gouvernement a indiqué - et je crois que c'est avec courage, qu'il l'a fait, contrairement à ce que vous avez indiqué tout à l'heure - qu'il n'était pas favorable au chèque payant, non pas dans le cadre d'une sorte de jeu avec le monde bancaire car il connaît le coût effectif du traitement de certaines opérations, mais parce que les populations les plus défavorisées, qui sont aussi celles qui font le moins d'opérations, utilisent, elles, le chèque : autoriser les chèques payants, c'est permettre la facturation des services auxquels ces personnes ont recours.
Certes, monsieur Larcher, vous présentez d'autres amendements, mais une deuxième conséquence nous incite à ne pas vous suivre : en instaurant un fonds, vous instaurez en fait aussi une taxe parafiscale. (M. Larcher s'exclame.) Il faudra bien un financement : le fonds ne fonctionnera pas sans que qui que ce soit ne verse quoi que ce soit !
Il me semble, si j'ai bien compris votre proposition - et je crois l'avoir comprise - qu'il y a donc un fonds, qui est certes réparti en fonction du caractère plus ou moins favorisé des différents opérateurs ; mais il bien évident que c'est le consommateur, in fine, qui financera ce fonds. En effet, je ne vois pas comment les établissements qui auront à verser cette contribution - ne l'appelons pas « taxe parafiscale », si vous le voulez - ne la répercuteraient pas sur les prix. En fait, la disposition que vous proposez engendrera une augmentation du prix de l'ensemble des services bancaires or, comme vous faites un service bancaire gratuit universel, qui paiera in fine ? Les consommateurs qui n'entreront pas dans votre épure. C'est par conséquent un jeu dangereux à la fois pour les chèques et pour le service lui-même, dans la mesure où les consommateurs ne souhaitent pas que les services bancaires « flambent », si vous me permettez cette expression.
Monsieur Delfau, vous dites à juste raison que le décret d'application que vous attendiez n'a pas été publié. Je peux néanmoins vous assurer que les choses vont évoluer rapidement. Nous avons voulu - M. le rapporteur le rappelait tout à l'heure - que, dans l'esprit de la charte bancaire, dans l'esprit de l'engagement des contrôles de qualité, dans l'esprit de tout ce qui a pu être négocié, y compris au Conseil national du crédit et du titre, s'engage une véritable négociation entre les partenaires bancaires et les associations de consommateurs, afin de pouvoir « décortiquer » aussi finement que possible la tarification actuelle des services bancaires et ce qu'elle pourrait être dans l'avenir et voir quel système pourrait permettre à nos concitoyens les plus démunis de payer le moins possible, voire rien du tout.
Cette négociation a abouti à des positions que vous connaissez aussi bien que moi : d'une part, celle de M. Gérard Larcher, qui prévoit un certain nombre d'engagements par rapport aux chèques payants ; d'autre part, celle des défenseurs d'un service de base bancaire plus restreint.
La négociation n'ayant pas permis de déterminer un service qui nous convienne complètement, nous allons maintenant publier un décret, lequel doit comprendre, nous semble-t-il, divers éléments : l'ouverture et la tenue des comptes de dépôt, la délivrance, à la demande de l'usager, d'un relevé d'identité bancaire ou postal - comme Michel Charasse l'a dit, c'est extrêmement important -, l'envoi mensuel au moins d'un relevé des opérations, ce qui permet à la personne de bien suivre son compte, la réalisation des opérations de caisse, les dépôts et retraits d'espèces aux guichets de l'organisme teneur de compte, l'encaissement de chèques ou de virements bancaires ou postaux, la mise à disposition d'une carte permettant des retraits d'espèces dans les distributeurs automatiques de billets de l'organisme teneur de compte - vous avez raison, monsieur le sénateur, l'organisme teneur de compte n'est peut-être pas à proximité immédiate du domicile, et il faut donc prévoir cette carte de retrait dans les distributeurs automatiques - et la mise à disposition d'une carte de crédit à demande d'autorisation systématique, si l'organisme teneur de compte est en mesure de la délivrer. En effet, lors des débats intervenus dans cette enceinte sur le surendettement - je me souviens en particulier des interventions de Paul Loridant et d'Odette Terrade -, il a été demandé que, dans les situations les plus difficiles, même si elles sont temporaires, le surendettement soit évité et que les organismes bancaires - cela a d'ailleurs été demandé collectivement - soient responsabilisés dans ces dossiers du surendettement. Si la mise à disposition d'une carte n'est pas soumise aux règles que je viens d'énoncer, qui sera responsable d'un éventuel surendettement ? Par conséquent, nous répondons à votre souci concernant la responsabilité du surendettement.
La mise à disposition de cette carte de crédit ne doit bien évidemment pas exclure le paiement par prélèvement au moyen d'un titre interbancaire de paiement - Michel Charasse rappelait tout à l'heure les obligations pour les sommes de plus de 20 000 francs ; là, nous ne sommes pas dans cette épure, car il s'agit du règlement des frais liés à la vie quotidienne - ainsi que par virement bancaire ou postal - il faut au moins deux possibilités de virements, car nous n'habitons pas tous à proximité du fournisseur d'eau ou d'électricité -, la délivrance à la demande de deux chèques de banque par mois - c'est important pour les raisons que j'ai déjà indiquées -, des moyens de consultation à distance du solde du compte - il n'y a pas de raison d'exclure de cette technologie, qui permet de savoir en temps et en heure où l'on en est exactement de son compte, les personnes rencontrant des difficultés - et, bien sûr, la possibilité d'effectuer un changement d'adresse.
Ce décret devrait donc être publié dans les semaines qui viennent, après avoir bien évidemment été soumis au Conseil d'Etat. Ce doit être un acte fort de la prise en compte des personnes connaissant le plus de difficultés.
A côté de celles-là, on trouve également des personnes dont la situation est certes moins difficile, mais qui peuvent avoir des problèmes personnels, y compris de lecture des services proposés par la banque. Ici même, lors du débat sur le texte relatif à la lute contre le surendettement, vous aviez été nombreux, sur toutes les travées, à attirer l'attention du Gouvernement sur le fait que les services bancaires sont souvent « achetés », alors même que l'usager n'en a pas besoin : je pense notamment aux cartes qui permettent de voyager, et qui ne sont d'aucune utilité quand leur détenteur ne voyage pas, ainsi qu'aux cartes à débit différé, qui ne servent pas à leur détenteur si ce dernier a décidé de gérer son compte au jour le jour !
Le Gouvernement pense donc lier, d'une part, le traitement des cas des personnes les plus en difficulté, dont il doit se préoccuper au premier chef - et cela relève non pas de la relation système bancaire-clients mais de la responsabilité du Gouvernement - en faisant aboutir le droit au compte et, d'autre part, l'ouverture de l'ensemble des banques à une forme de bonne négociation permanente avec l'ensemble de leurs usagers, ce qui passe par le code de la consommation et les propositions que nous avons déposées tout à l'heure.
Monsieur le président, compte tenu du fait que ces propositions n'ont pas encore pu être examinées par la commission des finances, il serait à mon avis sage de réserver le vote sur les divers amendements qui concernent le même sujet. C'est en tout cas la demande que formule le Gouvernement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur cette demande de réserve ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Monsieur le président, nous devons à mon avis savoir gré à Mme le secrétaire d'Etat de son exposé sur la place de la banque dans la société contemporaine et sur la préparation d'un décret à venir, toutes choses qui nous documentent très utilement.
Néanmoins, je n'ai pas entendu l'avis du Gouvernement sur les amendements et le sous-amendement présentés, alors que cet avis serait utile au Sénat pour se former un jugement. Madame le secrétaire d'Etat, êtes-vous favorable ou défavorable au service de base bancaire pour les plus démunis ? C'est la question qui vous est posée, et il vous faut y répondre !
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement, compte tenu des propositions qu'il a faites et des propos que j'ai tenus sur le décret relatif au droit au compte, souhaite le retrait ou, à défaut, le rejet des amendements. Le financement du service tel qu'il est proposé - et vous avez excellemment défini cela tout à l'heure, monsieur le rapporteur général - n'est en effet pas assuré !
M. le président. Quel est, en définitive, l'avis de la commission sur la demande de réserve formulée par le Gouvernement ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix la demande de réserve des amendements n°s 334 et 415 et du sous-amendement n°s 611.

(La réserve n'est pas ordonnée.)
M. le président. Je vais donc mettre aux voix le sous-amendement n° 611.
M. Paul Loridant. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant. Notre discussion porte, en fait, sur divers articles. Or il y avait une discussion commune sur les amendements n°s 336, 417, 448 rectifié, 418 rectifié, 450 rectifié et 421. M. Delfau a présenté les amendements n°s 418 rectifié et 421 ; quant à M. Gérard Larcher, il a défendu l'amendement n° 336. Pour ma part, j'ai déposé des amendements qui sont des cousins germains, parfois des frères, de ceux de MM. Delfau ou Gérard Larcher, et qui n'ont pas été présentés alors même que les avis ont en partie été donnés.
Je souhaite donc pouvoir maintenant présenter conjointement les amendements n°s 448 rectifié et 450 rectifié, qui font partie de la discussion de fond commune sur les services bancaires de base.
M. le président. Monsieur Loridant, nous ne pouvons procéder de la sorte, sous peine de bouleverser trop la discussion, qui n'est déjà pas simple. C'est uniquement pour gagner du temps que M. Gérard Larcher, défendant son amendement n° 336, qui était appelé en premier, s'est également exprimé sur ses autres amendements.
M. Gérard Delfau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau. Je suis très embarrassé par le déroulement de cette discussion, monsieur le président.
En effet, le Gouvernement nous a fourni des éléments nouveaux importants, mais nous n'avons pas eu le temps de les examiner et la commission n'a pas pu s'en saisir.
Par ailleurs - je le dis à M. le rapporteur - le sous-amendement n° 611 bouleverse totalement la philosophie de l'amendement n° 334 de nos collègues Gérard Larcher et Pierre Hérisson, ou alors je ne comprends rien et je ne sais ni lire ni entendre.
J'ai distingué, depuis le début de cette discussion, le service universel bancaire gratuit et ouvert à tous d'un service restreint de compte sécurisé, que j'appelle « service bancaire de base ». Or, tout d'un coup, on nous demande d'approuver les deux dispositifs à la fois. Je dis que ce n'est pas digne du Sénat, et je ne me prononcerai pas, parce que je n'ai pas le moyen de savoir sur quoi je me prononce.
M. Gérard Larcher. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Gérard Larcher.
M. Gérard Larcher. Je voudrais d'abord remercier la commission des finances, son rapporteur et son président de la manière dont ils ont abordé l'examen des amendements que nous avons déposés. Ces propositions d'amendement ont fait l'objet d'une discussion approfondie en commission et ici même en séance publique, discussion qui était nécessaire.
Le sous-amendement n° 611 que, naturellement, je voterai est d'une philosophie différente de celle qui inspire le service universel. Mais ce qui compte, c'est le résultat. Le résultat, c'est que plus de trois millions de nos concitoyens vont bénéficier d'un service.
Madame la secrétaire d'Etat, qu'est-ce que poser un acte fort ? Entre un décret et l'introduction dans la loi, l'acte fort est celui que nous allons faire maintenant en direction de ces populations. L'annonce du décret me réjouit parce que, vous le savez, nous l'attendions depuis des mois. Mais l'introduction dans la loi a une autre signification et une autre force.
Voilà pourquoi, pour ne pas prolonger davantage nos débats, monsieur le président, je renverrai M. Delfau à mon texte pour l'explication du fonds de compensation. Mme la secrétaire d'Etat a compris que ce n'était pas fiscal, mais que c'était comparable au fonds des télécommunications, que je connais assez bien pour en avoir débattu ici.
Voilà pourquoi, sur l'ensemble du texte, je suivrai la commission des finances, même si j'aurais souhaité le service universel.
Moi aussi, je crains l'effet de seuil, que le décret n'évite pas au demeurant. C'est la raison pour laquelle, si j'accepte l'idée d'un revenu minimum d'activité, je considère que nous devons revoir toute la philosophie de l'insertion. Mais c'est un autre sujet que celui dont nous débattons cet après-midi, et c'est pourquoi je me range, pour l'heure, à l'approche de la commission des finances. (Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 611, repoussé par le Gouvernement.
M. Paul Loridant. Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.
M. Marc Massion. Et le groupe socialiste refuse de participer au vote.

(Le sous-amendement est adopté.) M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, l'amendement n° 334, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.
M. Paul Loridant. Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.
M. Marc Massion. Et le groupe socialiste refuse de participer au vote.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, une division additionnelle ainsi rédigée est insérée dans le projet de loi, après l'article 8, et l'amendement n° 415 n'a plus d'objet.

9

DÉCLARATION DE L'URGENCE
D'UN PROJET DE LOI

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :

« Paris, le 11 octobre 2000.

« Monsieur le président,
« J'ai l'honneur de vous faire connaître qu'en application de l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement déclare l'urgence du projet de loi portant habilitation du Gouvernement à transposer, par ordonnances, des directives communautaires et à mettre en oeuvre certaines dispositions du droit communautaire, déposé sur le bureau du Sénat, le 7 septembre 2000.
« Veuillez agréer, monsieur le président, l'assurance de ma haute considération.

« Signé : Lionel Jospin »

Acte est donné de cette communication.
Mes chers collègues, devant recevoir, dans quelques instants, tous les fonctionnaires qui ont préparé, le 14 juillet dernier, la fête de la Fédération - événement qui a connu, sous l'autorité de Gérard Larcher, le très grand succès que nous savons, avec la présence de milliers de maires dans l'enceinte du Sénat - M. le président du Sénat m'a fait savoir qu'il souhaitait que la présente séance soit suspendue afin de permettre à chacun de se rendre à cette réception.
En conséquence, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heure quinze.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures cinq, est reprise à vingt et une heure vingt, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)

PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER
vice-président

M. le président. La séance est reprise.

10

NOUVELLES RÉGULATIONS ÉCONOMIQUES

Suite de la discussion d'un projet de loi
déclaré d'urgence

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif aux nouvelles régulations économiques.

Divisions et articles additionnels
après l'article 8 (priorité) (suite)



M. le président.
Je vous rappelle, mes chers collègues, que nous avons entamé, avant la suspension, l'examen des amendements appelés en priorité, tendant à insérer des articles additionnels après l'article 8 et portant sur la notion de service universel bancaire devenu service de base bancaire.
Par amendement n° 335, MM. Gérard Larcher, Hérisson, Trucy, Paul Girod et Althapé proposent d'insérer, après l'article 8, une division additionnelle ainsi rédigée : « Section I. - « Définition. »
Cet amendement a été défendu par son auteur et la commission et le Gouvernement ont déjà donné leur avis.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 335, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, une division additionnelle ainsi rédigée est insérée dans le projet de loi, après l'article 8.
Par amendement n° 416, MM. Delfau, Baylet, Collin, Mouly et Pelletier proposent d'insérer, après l'article 8, un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans le titre II de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 relative à l'activité et au contrôle des établissements de crédits, il est inséré un chapitre additionnel ainsi rédigé :
« Chapitre IV.
« Service universel bancaire ».
Cet amendement a été défendu, et la commission et le Gouvernement ont déjà donné leur avis.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 416, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je suis maintenant saisi de plusieurs amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 336, MM. Gérard Larcher, Hérisson, Trucy, Girod et Althapé proposent d'insérer, après l'article 8, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - A compter du 1er janvier 2001 est institué un service universel bancaire fourni et financé dans les conditions définies au présent chapitre.
« II. - Le service universel bancaire garantit à tous un service bancaire de base de qualité.
« Il est fourni gratuitement par les établissements de crédit ainsi que par les services financiers de La Poste et du Trésor public. Sa fourniture exclut la rémunération des dépôts inscrits au compte ouvert à ce titre.
« Le service universel bancaire assure à toute personne demandant à en bénéficier le droit à :
« - un compte de dépôt ;
« - la délivrance à la demande d'un relevé d'identité bancaire ou postal ;
« - la domiciliation de virements bancaires ou postaux ;
« - l'envoi mensuel d'un relevé des opérations effectuées sur le compte de dépôt ;
« - la réalisation des opérations de caisse ;
« - l'encaissement de chèques et de virements bancaires ou postaux ;
« - un minimum de cinq paiements par prélèvement, titre interbancaire de paiement ou virement bancaire ou postal par mois ;
« - une carte de retrait autorisant des retraits hebdomadaires d'espèces dans la limite d'un quart du montant mensuel du revenu minimum d'insertion et un quota mensuel de chèques de banque dont le nombre et les conditions d'attribution sont déterminés par décret ou une carte de paiement dite à autorisation systématique permettant le débit du solde disponible du compte de dépôt dans la limite d'un plafond mensuel également fixé par décret.
« La fourniture du service universel bancaire n'interdit pas l'offre d'autres prestations gratuites par les organismes assujettis. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 612, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, et visant :
I. - Dans le premier alinéa (I) du texte proposé par l'amendement n° 336 pour insérer un article additionnel après l'article 8, à remplacer le mot : « universel » par les mots : « de base ».
II. - Dans le deuxième alinéa (II) du texte proposé par l'amendement n° 336 pour insérer un article additionnel après l'article 8, à remplacer les mots : « à tous » par les mots : « aux personnes bénéficiaires du revenu minimum d'insertion, de l'allocation de solidarité spécifique, du minimum vieillesse ou de l'allocation pour adulte handicapé ».
Par amendement n° 417, MM. Delfau, Baylet, Collin, Mouly et Pelletier proposent d'insérer, après l'article 8, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 36 de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 précitée, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. ... - Est institué un service universel bancaire qui garantit à tous les usagers un service bancaire de base de qualité.
« Il est fourni gratuitement par les établissements de crédit ainsi que par les services de La Poste et du Trésor public. Sa fourniture exclut la rémunération des dépôts faits au compte ouvert à ce titre.
« Le service bancaire assure à toute personne le droit à :
« - un compte de dépôt ;
« - la délivrance d'un relevé bancaire ou postal ;
« - la domiciliation de virements bancaires ou postaux ;
« - l'envoi mensuel d'un relevé des opérations effectuées sur le compte de dépôt ;
« - la réalisation des opérations de caisse ;
« - l'encaissement des chèques et des virements bancaires ou postaux ;
« - un minimum de cinq paiements par prélèvement, titre interbancaire de paiement ou virement bancaire ou postal par mois ;
« - une carte de retrait autorisant des retraits hebdomadaires dans les conditions posées par décret en Conseil d'Etat ;
« - un prêt à faible montant à vocation sociale, selon les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat ;
« - un prêt d'honneur sans intérêt pour tout créateur d'entreprise dont le dossier sera déclaré éligible par une commission décentralisée, selon les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, ainsi qu'aux entreprises de moins de 50 salariés qui veulent investir pour leur développement.
« La mise en place de cette double procédure et son financement sont confiés à la Caisse des dépôts. »
Par amendement n° 448 rectifié, M. Loridant, Mme Beaudeau, M. Foucaud, Mme Terrade et les membres du groupe communiste républicain et citoyen et Mmes Bergé-Lavigne, Yolande Boyer, Printz, MM. Saunier, Debarge, Chabroux, Pastor, Plancade, Lejeune, Auban et Roujas proposent d'insérer, après l'article 8, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 58 de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 précitée, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. ... - Le service universel bancaire garantit à tous les usagers un service bancaire de base de qualité.
« Il est fourni gratuitement par les établissements de crédit ainsi que par les services de La Poste et du Trésor public. Sa fourniture exclut la rémunération des dépôts faits au compte ouvert à ce titre.
« Le service bancaire assure à toute personne le droit à :
« - un compte de dépôts ;
« - la délivrance d'un relevé bancaire ou postal ;
« - la domiciliation de virements bancaires ou postaux ;
« - l'envoi mensuel d'un relevé des opérations effectuées sur le compte de dépôt ;
« - la réalisation des opérations de caisse ;
« - l'encaissement des chèques et des virements bancaires ou postaux ;
« - un minimum de dix paiements par prélèvement, titre interbancaire de paiement ou virement bancaire ou postal par mois ;
« - une carte de retrait autorisant des retraits hebdomadaires dans les conditions posées par décret en Conseil d'Etat ;
« - un prêt à faible montant à vocation sociale, selon les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat ;
« - un prêt d'honneur sans intérêt pour tout créateur d'entreprise dont le dossier sera déclaré éligible par une commission décentralisée, selon les conditions fixées par décret, ainsi qu'aux entreprises de moins de 50 salariés qui veulent investir pour leur développement.
« - La mise en place de cette double procédure et son financement sont confiés à la Caisse des dépôts. » Par amendement n° 418 rectifié, MM. Delfau, Baylet, Collin, Mouly et Pelletier proposent d'insérer, après l'article 8, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 36 de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 précitée, il est inséré un article additionnel rédigé comme suit :
« Dans le cadre du service universel bancaire et sur demande de l'usager, est mis en place un service des comptes sécurisés comprenant outre les prestations ci-dessus présentées, un quota mensuel de moyens de paiement sécurisés à titre gratuit et banalisés, ainsi qu'une carte bancaire de paiement dont le montant a fait l'objet d'une autorisation préalable.
« Toute personne physique résidant en France, détentrice d'un compte de dépôt, a le droit de demander la limitation du fonctionnement de ce compte aux seules prestations relevant du service universel bancaire.
« L'établissement auquel cette demande est adressée la satisfait sans frais. Il ne peut la refuser ni en tirer motif de résiliation du compte concerné.
« Seules peuvent exercer ce droit les personnes qui remettent à l'établissement auquel elles ont adressé leur demande une déclaration sur l'honneur attestant qu'elles ne disposent d'aucun autre compte de dépôt. »
Par amendement n° 450 rectifié, M. Loridant, Mme Beaudeau, M. Foucaud, Mme Terrade et les membres du groupe communiste, républicain et citoyen et Mmes Bergé-Lavigne, Yolande Boyer, Printz, MM. Saunier, Pastor, Lejeune, Chabroux, Plancade, Debarge, Auban et Roujas proposent d'insérer, après l'article 8, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 58 de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 précitée, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. ... - Est mis en place un service dee "comptes sécurisés" comprenant, outre les prestations prévues à l'article 58, cinq moyens de paiement à titre gratuit et banalisé dans le cadre du service universel bancaire, sur demande de l'usager.
« Toute personne physique résidant en France, détentrice d'un compte de dépôt, a le droit de demander la limitation du fonctionnement de ce compte aux seules prestations relevant du service universel bancaire.
« L'établissement auquel cette demande est adressée la satisfait sans frais. Il ne peut la refuser ni en tirer motif de résiliation du compte concerné.
« Seules peuvent exercer ce droit les personnes qui remettent à l'établissement auquel elles ont adressé leur demande une déclaration sur l'honneur attestant qu'elles ne disposent d'aucun autre compte de dépôt. »
Par amendement n° 421, MM. Delfau, Baylet, Collin, Mouly et Pelletier proposent d'insérer, après l'article 8, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 36 de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 précitée, il est inséré un article additionnel rédigé comme suit :
« Art. ... Selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat, l'entreprise publique La Poste et tout établissement financier ou bancaire sont autorisés :
« - à délivrer des prêts sans épargne préalable pour des petits crédits à la consommation sur critère social ;
« - à financer des prêts d'honneur de faible montant pour les créateurs d'entreprise. »
L'amendement n° 336, le sous-amendement n° 612 et l'amendement n° 417 ont été défendus, et la commission et le Gouvernement ont déjà donné leur avis.
La parole est à M. Loridant, pour défendre les amendements n°s 448 rectifié et 450 rectifié.
M. Paul Loridant. Vous me permettrez, avant de défendre ces amendements, de marquer la satisfaction du groupe communiste républicain et citoyen d'avoir vu s'engager ce débat sur le service de base bancaire dans cette haute assemblée, alors que le projet de loi - sur lequel nous regrettons une nouvelle fois que l'urgence ait été déclarée - ne comprenait aucune disposition sur cette question importante pour la vie quotidienne de nos citoyens.
Si nous pouvons en particulier apprécier positivement la prise de position de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie quant à l'offensive menée par certains établissements de crédit sur la tarification des services bancaires, nous ne pouvons que nous inquiéter du fait qu'aucune initiative ne vienne étayer cette position de principe, au demeurant parfaitement estimable, et dont, d'une certaine manière, notre collègue Charasse s'est fait l'écho dans ses deux amendements, que nous avons examinés avant la suspension.
Pour autant, cela pose évidemment des questions quant aux contours que l'on souhaite donner audit service universel - maintenant service de base bancaire - et quant à la manière dont notre législation va pouvoir ou non intégrer les prescriptions communautaires.
Je me permettrai ici de souligner que l'on peut regretter que la France n'ait pas décidé de profiter de sa présidence de l'Union européenne pour remettre cette question sur le tapis des négociations au plus haut niveau. Nous en prenons acte, mais nous considérons, quant à nous, que cette question est très importante.
Il nous semble qu'il serait particulièrement regrettable que ce qui relève aujourd'hui des actes de la vie courante pour nombre de nos compatriotes, comme payer ses factures, ses impôts et taxes, ou encore s'acquitter progressivement du remboursement d'un prêt personnel ou d'un prêt immobilier, puisse devenir une contrainte sujette au paiement d'une prestation, d'ailleurs rendue aujourd'hui de moins en moins coûteuse pour les établissements bancaires du fait de l'évolution des techniques de communication et de traitement de ce type d'opérations.
Il importe, en effet, de rappeler pour la forme que c'est fondamentalement l'argent des comptes courants qui constitue encore aujourd'hui l'une des ressources principales des établissements bancaires, le socle de leur refinancement et qui apparaît, et de loin, le moins coûteux à collecter et à gérer, même compte tenu du coût de la gestion du réseau ; en effet, on sait bien qu'aujourd'hui la collecte des fonds s'effectue de plus en plus par des moyens techniques modernes.
Renchérir le coût de cette collecte en établissant à nos yeux un faux parallélisme entre rémunération du coût de la prestation servie à la clientèle et rémunération de l'importance des dépôts des particuliers n'est pas nécessairement, sur la durée, de bonne politique. De ce point de vue, nous considérons que les relations entre les banques et leurs clients ne sont pas équilibrées, notamment compte tenu des dispositions qui consistent à faire payer des tarifs bancaires tout en rémunérant de façon tout à fait modeste les dépôts.
L'une des questions récurrentes que pose, bien entendu, notre débat sur le service bancaire de base est celle de l'accessibilité à ce service, notamment pour les personnes les plus en difficulté et les plus vulnérables.
Sur un plan strictement commercial, ces personnes ne constituent pas - d'autres collègues, notamment M. Delfau tout à l'heure, l'ont dit - une clientèle très intéressante pour nombre d'établissements de crédit, intéressante au sens où elle leur rapporterait une rémunération.
En revanche, sur un plan social et humain, il ne nous semble pas souhaitable que ces personnes vivent durablement le problème de l'exclusion bancaire avec ce que cela peut avoir comme conséquence sur leur insertion sociale et professionnelle, ainsi que sur les problèmes de leur vie quotidienne.
On estime aujourd'hui qu'environ 10 % de nos compatriotes sont concernés par l'exclusion bancaire et donc victimes de la rigidité que cette situation peut engendrer.
On observera ici, en écho à cette préoccupation, que l'on ne peut que s'interroger sur ce qui conduit M. le rapporteur du présent projet de loi à supprimer l'article 16 bis qui tend à modifier quelque peu les conditons d'application de ces interdictions bancaires.
De notre point de vue, on se doit donc, au terme de la présentation de ces amendements sur l'exclusion bancaire et la création d'un service universel - à cette heure transformé en service de base - de préconiser une disposition spécifique en direction de ces publics en difficulté par la mise en place de ce que l'on appelle les comptes sécurisés.
C'est pourquoi, mes chers collègues, je vous invite volontiers à adopter les amendements n°s 448 rectifié et 450 rectifié que présente notre groupe.
M. le président. La parole est à M. Delfau, pour défendre les amendements n° 418 rectifié et 421.
M. Gérard Delfau. L'amendement n° 418 rectifié permet de donner un contenu au service de base bancaire auquel, à partir d'une gymnastique intellectuelle qui m'a un peu échappé vu sa finesse, la majorité du Sénat s'est ralliée.
L'idée, en effet, est, premièrement, qu'il est nécessaire d'assurer à une partie de la population - dont l'importance numérique est encore discutée - un minimum de services bancaires et, deuxièmement, que ces services doivent être sécurisés pour l'usager, mais aussi pour l'établissement financier.
Nous savons en effet que la relation bancaire s'analyse comme un contrat qui, contrairement au reste des pratiques commerçantes, appelle des garanties ou des précautions particulières.
Nous avons donc essayé, avec mes collègues Baylet, Collin, Mouly et Pelletier, de préciser le « minimum » accompagnant les comptes sécurisés : un quota mensuel de moyens de paiement à titre gratuit et banalisé, une carte bancaire de paiement dont le montant a fait l'objet d'une autorisation préalable par l'établissement bancaire et, évidemment, l'ouverture du compte, qui va de soi, la fourniture du chéquier allant avec le quota des moyens de paiement dont je parlais à l'instant.
C'est vraiment un minimum et l'amendement voté tout à l'heure, même si le débat m'a paru quelque peu confus à un certain moment, m'a semblé relever de l'effet d'annonce, être une coquille vide ou, pour dire les choses de façon beaucoup plus positive, une position de principe.
Par conséquent, à partir de cette décision prise par le Sénat, et compte tenu de la parution imminente du décret que nous a confirmée Mme le secrétaire d'Etat, je propose, par cet amendement, des dispositions qu'il faudrait au minimum prévoir pour satisfaire ce type de population.
Je tiens à insister - ce sera d'ailleurs l'objet d'un amendement suivant - sur le problème de la délimitation du nombre de personnes concernées, sur les critères de répartition et leur incidence géographique.
Ce que j'ai dit dans cette assemblée a quelque peu frappé, m'a-t-il paru. Il n'en demeure pas moins que c'est un leitmotiv pour moi, parce que si l'on ne résout pas cette question nous n'aboutirons à rien.
A propos de l'amendement n° 421, je tiens à dire que je persiste à penser, contrairement à ce qu'indiquait tout à l'heure M. le rapporteur général, que l'accès de toute la population à de petits prêts, au minimum à des prêts à vocation sociale, fait partie du service de base bancaire. Je persiste également à penser que les prêts d'honneur aux créateurs d'entreprises - et je sais que Mme la secrétaire d'Etat est particulièrement sensible à ce sujet - font partie aujourd'hui du minimum pour tout citoyen ayant affaire aux services financiers.
Je n'en dirai pas plus à ce sujet parce que je reconnais que ce n'est pas le plus urgent.
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Monsieur Delfau, depuis hier, il existe un prêt à la création d'entreprise qui répond à votre demande : il s'agit d'un prêt de 50 000 francs octroyé sans garantie et sans caution, ces dernières étant interdites.
Je dois saluer le fait que la totalité des banques étaient présentes et ont accepté de cofinancer ce prêt.
Pour ce qui est des prêts sociaux, monsieur le sénateur, il nous faut travailler encore sur le prêt des caisses d'allocations familiales, dont c'est exactement la vocation.
C'est en modifiant les garanties publiques de ce prêt que nous pourrons répondre à votre préoccupation. Je comprends en effet que les banques ne couvrent pas ce risque.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 448 rectifié, 418 rectifié, 450 rectifié et 421 ?
M. Philippe Marini, rapporteur. La commission est défavorable à ces quatre amendements, puisqu'elle a choisi un dispositif différent de ce qui est préconisé par tous ces amendements, à savoir le service de base bancaire couvrant un certain nombre d'opérations et destiné aux publics les plus fragilisés, c'est-à-dire aux bénéficiaires des minima sociaux.
En conséquence, les dispositifs préconisés, d'un côté, par M. Loridant et, de l'autre, par M. Delfau, qui relèvent de logiques substantiellement différentes, ne pouvent pas recevoir notre accord.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. L'argumentation du Gouvernement reste la même sur la notion de service universel, ou de base, puisque, à partir du moment où le service est universel, il est valable pour tout le monde, quels que soient les revenus des personnes.
L'absence d'encadrement de ce service nous pose problème, c'est pourquoi nous avons préféré, comme je l'ai dit tout à l'heure, à la fois rédiger le décret qui manquait sur le droit au compte, ce qui donne satisfaction à M. Delfau, et mettre en place le dispositif que nous examinerons tout à l'heure en ce qui concerne le droit des usagers face à la banque.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 612, repoussé par le Gouvernement.

(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, l'amendement n° 336, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 8, et les amendements n°s 417, 448 rectifié, 418 rectifié, 450 rectifié et 421 n'ont plus d'objet.
Par amendement n° 337, MM. Gérard Larcher, Hérisson, Trucy, Girod et Althapé proposent d'insérer, après l'article 8, une division additionnelle ainsi rédigée :

« Section II

« Mise en oeuvre »

Cet amendement a déjà été défendu, et la commission et le Gouvernement ont donné leur avis.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 337, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, une division additionnelle ainsi rédigée est insérée dans le projet de loi, après l'article 8.
Je suis maintenant saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 338, MM. Gérard Larcher, Hérisson, Trucy, Girod et Althapé proposent d'insérer, après l'article 8, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - A compter de la publication de la présente loi, toute personne physique résidant en France, détentrice d'un compte de dépôt, a le droit de demander la limitation du fonctionnement de ce compte aux seules prestations relevant du service universel bancaire.
« L'établissement auquel cette demande est adressée la satisfait sans frais. Il ne peut la refuser ni en tirer motif de résiliation du compte concerné.
« A compter du 1er juillet 2002, seules peuvent exercer ce droit les personnes qui remettent à l'établissement auquel elles ont adressé leur demande une déclaration sur l'honneur attestant qu'elles ne disposent d'aucun autre compte de dépôt.
« II. - A compter de la publication de la présente loi, toute personne physique résidant en France, dépourvue d'un compte de dépôt, a droit à l'ouverture d'un tel compte au titre du service universel bancaire dans l'établissement de crédit de son choix ou auprès des services financiers de La Poste ou du Trésor public.
« L'ouverture d'un tel compte au titre de service universel bancaire intervient après remise auprès de l'établissement de crédit d'une déclaration sur l'honneur attestant le fait que le demandeur ne dispose d'aucun compte. En cas de refus de la part de l'établissement choisi, la personne peut saisir la Banque de France afin qu'elle lui désigne soit un établissement de crédit, soit les services financiers de La Poste, soit ceux du Trésor public.
« Toute décision de clôture du compte, à l'initiative de l'établissement de crédit désigné par la Banque de France, doit faire l'objet d'une notification écrite et motivée adressée au client et à la Banque de France pour information. Un délai minimum de quarante-cinq jours doit être consenti obligatoirement au titulaire du compte.
« Les dispositions qui précèdent s'appliquent aux interdits bancaires. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 613, présenté par M. Marini au nom de la commission des finances et tendant, dans le premier alinéa (I) et le quatrième alinéa (II) du texte présenté par l'amendement n° 338 pour insérer un article additionnel après l'article 8, à remplacer (deux fois) le mot : « physique » par les mots : « bénéficiaire du revenu minimum d'insertion, de l'allocation de solidarité spécifique, du minimum vieillesse, ou de l'allocation pour adulte handicapé, et ».
Par amendement n° 419, MM. Delfau, Baylet, Collin, Mouly et Pelletier proposent d'insérer, après l'article 8, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 36 de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 précitée, il est inséré un article additionnel rédigé comme suit :
« Art. ... - Toute personne physique résidant en France, dépourvue d'un compte de dépôt, a droit à l'ouverture d'un tel compte au titre du service universel bancaire dans l'établissement de crédit de son choix ou auprès des services financiers de La Poste ou du Trésor public.
« L'ouverture d'un tel compte au titre de service universel bancaire intervient après remise auprès de l'établissement de crédit d'une déclaration sur l'honneur attestant le fait que le demandeur ne dispose d'aucun compte. En cas de refus de la part de l'établissement choisi, la personne peut saisir la Banque de France afin qu'elle lui désigne soit un établissement de crédit, soit les services financiers de La Poste, soit ceux du Trésor public.
« Les établissements de crédit, les services financiers de La Poste ou du Trésor public peuvent limiter les services gratuits liés à l'ouverture d'un compte de dépôt aux seuls services inclus dans le service universel bancaire.
« Toute décision de clôture du compte, à l'initiative de l'établissement de crédit désigné par la Banque de France doit faire l'objet d'une notification écrite et motivée adressée au client et à la Banque de France pour information. Un délai minimum de quarante-cinq jours doit être obligatoirement consenti au titulaire du compte.
« Les dispositions qui précèdent s'appliquent aux interdits bancaires. »
Par amendement n° 449 rectifié, M. Loridant, Mme Beaudeau, M. Foucaud, Mme Terrade et les membres du groupe communiste républicain et citoyen ainsi que Mmes Bergé-Lavigne, Yolande Boyer, Printz, MM. Saunier, Lejeune, Chabroux, Plancade, Pastor, Debarge, Auban et Roujas proposent d'insérer, après l'article 8, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 8, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 58 de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 précitée est ainsi rédigé :
« Art. 58. - Toute personne physique résidant en France, dépourvue d'un compte de dépôt, a droit à l'ouverture d'un tel compte au titre du service universel bancaire dans l'établissement de crédit de son choix ou auprès des services financiers de La Poste ou du Trésor public.
« L'ouverture d'un tel compte au titre de service universel bancaire intervient après remise auprès de l'établissement de crédit d'une déclaration sur l'honneur attestant le fait que le demandeur ne dispose d'aucun compte. En cas de refus de la part de l'établissement choisi, la personne peut saisir la Banque de France afin qu'elle lui désigne soit un établissement de crédit, soit les services financiers de La Poste, soit ceux du Trésor public.
« Les établissements de crédit, les services financiers de La Poste ou du Trésor public peuvent limiter les services gratuits liés à l'ouverture d'un compte de dépôt aux seuls services inclus dans le service universel bancaire.
« Toute décision de clôture du compte, à l'initiative de l'établissement de crédit désigné par la Banque de France, doit faire l'objet d'une notification écrite et motivée adressée au client et à la Banque de France pour information. Un délai minimum de quarante-cinq jours doit être consenti obligatoirement au titulaire du compte.
« Les dispositions qui précèdent s'appliquent aux interdits bancaires. ».
L'amendement n° 338 et le sous-amendement n° 613 ont déjà été défendus par leurs auteurs.
La parole est à M. Delfau, pour défendre l'amendement n° 419.
M. Gérard Delfau. Il s'agit, par ce texte, de continuer à préciser un certain nombre de procédures qui permettent d'assurer l'accès aux services financiers à toutes les couches de la population, y compris aux plus défavorisés.
Nous reprenons dans ce texte entre autres l'idée de la saisine de la Banque de France, même si, par le passé, elle s'est révélée, nous avons pu le constater, moins efficace que nous ne l'aurions souhaité. Il nous semble toutefois qu'il faut, à ce stade de la discussion, réaffirmer que la Banque de France doit jouer le rôle d'arbitre, de régulation et, si nécessaire, de rappel à l'ordre.
M. le président. La parole est à M. Loridant, pour défendre l'amendement n° 449 rectifié.
M. Paul Loridant. La question de l'exclusion bancaire est, depuis maintenant plusieurs mois, au centre de l'actualité.
En effet, les établissements de crédit, s'appuyant sur les directives européennes les plus récentes, ont marqué leur volonté de mettre en oeuvre des mesures de tarification des services de base offerts à la clientèle.
Cette situation est au coeur de la série d'amendements que présente le groupe communiste républicain et citoyen et qui procèdent, pour l'essentiel, de la déclinaison de la proposition de loi que nous avons déposée sur le sujet, avec et sous l'impulsion de M. Gérard Delfau.
Plusieurs observations fondamentales doivent être produites sur le sujet.
Tout d'abord, la tarification éventuelle des services bancaires de base est une mesure particulièrement discutable dès lors que se pose la nécessité pour les particuliers de disposer, ne serait-ce que pour percevoir une rémunération, une allocation ou un revenu, ou pour accomplir sans formalités excessives le règlement d'un certain nombre de charges ou de frais de la vie courante.
On sait par exemple que l'on peut payer par virement automatique ses factures de téléphone, d'électricité et de gaz, ses impôts locaux ou l'impôt sur le revenu, sans compter, dans certains cas, son loyer, ses charges de copropriété ou encore tel ou tel emprunt.
La facturation des services bancaires paraît donc être comme ce qu'elle est : la tarification de prestations rendues à une clientèle naturellement captive, comme nous venons de rappeler.
Il nous semble nécessaire que cette situation soit quelque peu modifiée, et c'est le sens de cet amendement.
Notre logique est assez fondamentalement différente de la position défendue par les établissements de crédit dans le cadre de la concertation menée au sein de la commission Jolivet qui, bien qu'ayant échoué, a marqué la première confrontation entre les parties sur le sujet.
Nous nous plaçons en effet de manière claire du côté des clients des établissements de crédit.
Par ailleurs - c'est là notre seconde observation - dans un univers économique et social marqué par la montée du libéralisme, nous ne croyons pas que les termes du contrat passé entre un établissement de crédit et son client soient exactement fondés sur le principe d'égalité, quand bien même celui de liberté serait apparemment respecté.
Dans ce cadre, pour rétablir l'équilibre, c'est la loi qui doit permettre de garantir le droit du client à être entendu.
Cet amendement vise donc à donner une définition au service bancaire de base.
Il tend à préserver les droits de la clientèle et à prévenir par avance deux phénomènes essentiels : d'une part, l'exclusion bancaire dont souffre aujourd'hui une partie trop importante de nos concitoyens et, d'autre part, ce que l'on pouvait appeler une fausse concurrence sur les services qui pourrait découler, pour les établissements de crédit, d'une absence de détermination de règles minimales dans les relations avec la clientèle.
C'est sous le bénéfice de ces observations que je vous invite à adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°{s 419 et 449 rectifié ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Monsieur le président, dès lors que la commission a retenu l'amendement n° 338 sous-amendé, elle ne peut pas émettre d'avis favorable sur ces deux amendements.
Je voudrais souligner à ce stade que, si l'on voulait aller dans le sens d'un service universel, il faudrait, bien entendu, en prévoir le coût. Ce coût, vraisemblablement très élevé, se répercuterait inéluctablement sur la tarification de tous les services bancaires quels qu'ils soient et le renchérissement qui en résulterait se retournerait nécessairement contre une partie des usagers, plus particulièrement contre les classes moyennes utilisatrices de services plus diversifiés que ceux qui sont décrits au titre du service universel.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 338 et le sous-amendement n° 613, ainsi que sur les amendements n°s 419 et 449 rectifié ?
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Ce qui gêne le Gouvernement, ce sont les mots : « service universel » ou « service de base », car la formulation vise l'ensemble des usagers, quelle que soit leur situation financière. Ce n'est donc pas un service destiné aux plus démunis. De plus, un tel service a un coût important. En outre, il est le signal que tout ce qui n'est pas dans le service universel ou service de base est payant, y compris les chèques. Deux arguments s'opposent.
Le décret d'application relatif au droit au compte donne plus de moyens aux personnes en situation difficile.
Le Gouvernement est donc défavorable au sous-amendement et aux amendements.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 613, repoussé par le Gouvernement.

(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, l'amendement n° 338, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 8, et les amendements n°s 419 et 449 rectifié n'ont plus d'objet.
Par amendement n° 339, MM. Gérard Larcher, Hérisson, Trucy, Paul Girod et Althapé proposent d'insérer, après l'article 8, une division additionnelle ainsi rédigée :
Section III. - Financement et bilan d'application. »
Je rappelle que cet amendement a déjà été présenté par son auteur et que la commission et le Gouvernement ont donné leur avis.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 339, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, une division additionnelle ainsi rédigée est insérée dans le projet de loi, après l'article 8.
Je suis maintenant saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 340, MM. Gérard Larcher, Hérisson, Trucy, Paul Girod et Althapé proposent d'insérer, après l'article 8, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Les coûts imputables aux obligations du service universel bancaire sont évalués chaque année par la Banque de France sur la base d'une comptabilité appropriée tenue par les établissements concernés.
« Pour chaque année, cette évalutation est établie au plus tard le 1er mars de l'année suivante.
« II. - A compter de la publication de la présente loi, les établissements de crédit agréés en France ainsi que La Poste et le Trésor public adhèrent à un fonds de compensation destiné à financer les coûts du service universel bancaire défini ci-dessus.
« Sous réserve des dispositions ci-après, le fonds de garantie des dépôts gère le fonds de compensation dans les conditions édictées par les articles 52-1 à 5213 de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 relative à l'activité et au contrôle des établissements de crédit.
« Les établissements adhérant au fonds de compensation lui fournissent les ressources financières destinées à compenser le coût du service universel bancaire dans les conditions fixées par un règlement du comité de la règlementation bancaire et financière. Ce dernier précise la formule de répartition des cotisations annuelles des membres sur la base du montant de leurs dépôts, les modalités du versement des compensations dues aux membres assurant une part des coûts du service universel bancaire supérieure au montant de leur cotisation annuelle, ainsi que les conditions dans lesquelles les cotisations de ces derniers membres peuvent ne pas être appelées par le fonds de compensation.
« Le fonds de compensation dispose d'un droit d'accès aux documents justificatifs du calcul du coût du service universel bancaire dont le montant est arrêté par la Banque de France dans les conditions fixées au I.
« III. - Au moins une fois tous les quatre ans, à compter de la date de publication de la présente loi, un rapport dressant le bilan du fonctionnement du service universel bancaire est établi par la Banque de France.
« Ce rapport est communiqué au Parlement. Il peut proposer des modifications des dispositions en vigueur. ».
Les deux amendements suivants sont présentés par MM. Delfau, Baylet, Collin, Mouly et Pelletier.
L'amendement n° 420 tend à insérer, après l'article 8, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 36 de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 précitée, il est inséré un article additionnel rédigé comme suit :
« Art. ... - Dès la promulgation de la loi, est mise en place un Fonds de compensation destiné à financer les coûts du service universel bancaire.
« Sous réserve des dispositions ci-après, le Fonds de garantie des dépôts gère le Fonds de compensation dans les conditions édictées par les articles 52-1 à 52-13.
« Le Fonds de compensation dispose d'un droit d'accès aux documents jsutificatifs du calcul du coût du service universel bancaire dont le montant est évalué chaque année par la Banque de France sur la base d'une comptabilité appropriée tenue par les établissements concernés.
« Le Fonds de compensation est alimenté par l'instauration d'une taxe fiscale prélevée sur les opérations par carte bancaire, dont le montant sera réparti par une autorité indépendante contrôlée par la Commission supérieure du service public des postes et télécommunications.
« Les critères pour bénéficier du Fonds de compensation sont les suivants :
« - l'implantation des établissements d'un même réseau dans les cantons en voie de désertification et les quartiers classés zone urbaine sensible ;
« - le nombre de personnes percevant le revenu mensuel d'insertion ayant domicilié leur compte dans le réseau ;
« - le nombre de comptes sécurisés ouverts au sein de chaque réseau dans le cadre du service universel bancaire. » L'amendement n° 422 rectifié tend à insérer, après l'article 8, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 36 de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 précitée, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. ... - Le service universel bancaire est gratuit. Le coût des comptes sécurisés visés à l'article additionnel après l'article 36 (cf. amendement n° 418 rectifié.) est assuré par les ressources du fonds de compensation.
« Selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat, l'autorité indépendante, visée à l'article additionnel après l'article 36 (cf. amendement n° 420) et chargée de mettre en place le service universel bancaire et le fonds de compensation, est placée sous l'autorité d'un magistrat et comprend des représentants de la profession bancaire, des représentants des associations de consommateurs, des élus locaux et des parlementaires.
« La commission supérieure du service public des postes et télécommunications se voit confier la tâche d'accompagner cette mise en place et d'en apprécier l'efficacité, au regard des critères de cohésion sociale et d'aménagement de territoire. La commission départementale de la présence postale territoriale s'assure que le service universel bancaire est offert à l'ensemble des citoyens et sur tout le territoire. Elle tient informée la commission supérieure précitée en cas de manquement caractérisé. »
Je rappelle que l'amendement n° 340 a été présenté par son auteur et que la commission et le Gouvernement ont donné leur avis.
La parole est à M. Delfau, pour défendre les amendements n°s 420 et 422 rectifié.
M. Gérard Delfau. L'amendement n° 420 vise à clarifier le problème fondamental du fonds de compensation, autrement dit celui du financement et du mode de régulation du dispositif qui sera réservé aux bénéficiaires du service de base bancaire.
Dans l'amendement n° 340, déposé par nos collègues, Gérard Larcher et Pierre Hérisson, il est question - je ne parle que du fonds de compensation, non de son extension - de ressources financières fixées par les partenaires avec l'accord de l'autorité de régulation. En déposant l'amendement n° 420, nous avons essayé de préciser comment ce fonds sera, d'une part, abondé et, d'autre part, réparti.
En ce qui concerne la façon dont il sera abondé, nous avons l'honnêteté législative de dire qu'il le sera par une taxe fiscale. Il en existe dans à peu près toutes les professions, qu'il s'agisse de l'audiovisuel que je connais bien - j'ai d'ailleurs contribué à l'élaboration de la taxe qui alimente le fonds des radios associatives - ou qu'il s'agisse de l'agriculture, secteur dans lequel il existe non pas une seule taxe, mais sans doute plusieurs dizaines. Bref, il s'agit d'une taxe fiscale prélevée par décision du Parlement et répartie ensuite, au sein de la profession, selon l'objet que la loi a fixé.
S'agissant de la façon dont ce fonds sera réparti - second élément qui me paraît encore plus important -, notre souci est d'éviter un troisième texte réglementaire, si c'est un décret, ou législatif, comme la loi bancaire, donnant mission de réintégrer l'ensemble des exclus bancaires et n'ayant en fait aucune effectivité ou presque.
Si tel était le cas, étant donné l'attente, la gravité de la situation et l'emballement quasi mécanique qui, aujourd'hui, contribue à rejeter de plus en plus de citoyens en dehors des services financiers de base, les pouvoirs publics en général et le Parlement en particulier, sans compter le Gouvernement, auraient alors perdu, auprès de l'opinion publique, une part de leur crédibilité.
Je ne connais que trois moyens, dans une démocratie comme la nôtre, pour imposer ce type de péréquation : l'incitation financière - c'est celui que nous avons choisi dans notre amendement n° 420 -, les pénalités - nous n'avons pas voulu cette solution - ou bien la sanction - mais je ne vois pas quelle autorité pourrait sanctionner tel réseau bancaire défaillant.
Les pénalités, c'est désagréable et, finalement, souvent difficile à mettre en oeuvre. Nous avons choisi - je le dis clairement - le système de l'incitation financière, prévoyant que, pour bénéficier des ressources procurées par ce fonds de compensation, trois critères justifieront cette répartition.
Le premier critère est l'implantation et le maillage des établissements financiers d'un même réseau sur les territoires les plus fragiles de notre pays, qu'il s'agisse de cantons en voie de désertification ou de quartiers classés zones urbaines sensibles.
Le deuxième critère fait l'unanimité : c'est le nombre de personnes percevant le RMI et ayant domicilié leur compte dans le réseau concerné. Enfin, puisque nous avons établi la notion de compte sécurisé, qui, je crois le comprendre, est reprise sous la forme de service de base bancaire par le Sénat, ce serait le troisième critère.
Je voudrais vraiment à ce moment du débat que, sous cette forme ou sous une autre, aussi bien la majorité de nos collègues que le Gouvernement nous assurent qu'il ne s'agira pas d'une pétition de principe, et que des mesures seront effectivement prises. Pour ce faire, nous devons savoir le plus vite possible qui en supportera le coût, et comment. Sur ce sujet, j'exprime le point de vue non seulement des associations et de toutes les organisations qui se sont mobilisées en faveur de la réintégration des exclus bancaires, mais aussi des élus locaux et, ayant dit cela, je crois que je n'ai rien de plus à ajouter au sein de notre Haute Assemblée.
Tel est l'objet des amendements n°s 420 et 422 rectifié.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 420 et 422 rectifié ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Etant favorable à l'amendement n° 340, la commission ne peut l'être aux amendements n°s 420 et 422 rectifié.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Je continue dans la même logique ; autrement, vous seriez surpris... (Sourires.) Le Gouvernement est défavorable à ces amendements.
Le débat qui a été ouvert au Sénat n'est pas terminé, et nous aurons vraisemblablement l'occasion de le reprendre.
Sans revenir sur le fonds lui-même, imaginons qu'on retienne les critères avancés pour en bénéficier. Je ne suis pas certaine que l'on puisse « croiser » le nombre de personnes percevant le RMI. La CNIL nous empêchera vraisemblablement de reprendre ce critère auprès d'entreprises privées, critère qui, pour être excellent, n'en est pas moins difficile à prendre en compte... sans jeu de mots, malheureusement !
En outre, avec l'ensemble de vos critères, si l'incitation financière est intéressante, le pourcentage sera pratiquement le même pour les grandes banques - à l'exception d'une ou deux qui ne voudront absolument pas se mettre dans cette configuration - et la répartition s'effectuera d'une façon à peu près équivalente. Autrement dit, la taxe prélevée reviendra en fait à la banque elle-même ! D'où la nécessité de travailler à nouveau cette question à l'avenir, pour résoudre les problèmes qui se posent.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 340.
M. Gérard Delfau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau. Je ne pourrai pas voter l'amendement n° 340 parce que je n'ai pas la réponse aux questions de fond - c'est le cas de le dire ! - que je pose sur l'abondement et la répartition et de ce fond.
Je veux revenir sur ce que disait Mme la secrétaire d'Etat et présenter d'abord une remarque générale.
Oui, nous sommes au début d'une réflexion. J'en ai conscience tout comme vous, et certainement comme beaucoup de nos collègues. Oui, je me suis, moi aussi, posé le problème de la ville. Il est certain, quand on cherche des critères, que l'on bute immédiatement sur cette difficulté, heureusement, vais-je ajouter.
En revanche, je ne peux être d'accord avec vous quand vous dites que ce fonds de compensation n'aurait plus de sens si cela provoquait la ruée des grands établissements financiers dans les zones sensibles, qu'elles soient rurales ou urbaines. Si cela était le cas, nous aurions fait des progrès politiques. Le pays serait devenu tellement plus républicain que nous célébrerions tous ensemble cette grande victoire !
M. Paul Loridant. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant. Mon explication de vote portera à la fois sur les amendements n°s 340 et 420, car je voudrais revenir sur ce que disait à l'instant mon collègue Gérard Delfau.
Madame le secrétaire d'Etat, la vérité est triste. Je parlerai non pas des zones rurales, mais des villes de banlieue. Les grands établissements bancaires auxquels vous vous référez « se tirent », pour parler vulgairement, et ferment les uns après les autres ! Les centres commerciaux de quartier voient donc les grands établissements bancaires partir les uns après les autres et nous, les maires, nous tentons de trouver un établissement mutualiste ou un établissement à caractère plus social, ou, dans le cadre de la politique de la ville, nous demandons l'implantation de bureaux de poste de quartier, bureaux de poste qui, précisément, apporteront des services bancaires.
Ce que préconise Gérard Delfau répond donc à des besoins réels, tant dans les quartiers défavorisés que - mais je ne peux pas en parler savamment - dans les cantons ruraux désertifiés.
Je m'apprête donc à voter avec le groupe communiste républicain et citoyen l'amendement présenté par Gérard Delfau parce qu'il répond, notamment en ce qui concerne le financement, à ce besoin impérieux de mailler le tissu urbain et le tissu rural d'établissements bancaires, tout simplement pour apporter des services à la population. Bref, comme le dit M. Delfau, pour faire vivre au quotidien la République !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 340, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 8, et les amendements n°s 420 et 422 rectifié n'ont plus d'objet.
M. Paul Loridant. Hélas !
M. Gérard Delfau. Mais le problème demeure !
M. le président. Par amendement n° 625, précédemment réservé, le Gouvernement propose d'insérer, après l'article 8, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après l'article 58 de la loi n° 84-46 de la loi du 24 janvier 1984 relative à l'activité et au contrôle des établissements de crédit, il est inséré un article 58-1 ainsi rédigé :
« Art. 58-1. - I. - Les principales dispositions encadrant la gestion d'un compte de dépôt d'un client doivent figurer dans une convention de compte écrite passée entre le client et son établissement de crédit et sont précisées par un arrêt du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, pris après avis du comité consultatif institué à l'article 59 de la présente loi.
« Tout projet de modification de tarification doit être communiqué par écrit au client deux mois avant la date d'application envisagée.
« II . - Sauf si la convention de compte dispose autrement, toutes les opérations en crédit et en débit d'un compte de dépôt doivent être portées à la connaissance du client à intervalle régulier n'excédant pas un mois.
« III . - Est interdite la vente de produits ou de prestations de services groupés sauf lorsque les produits ou prestations de services inclus dans l'offre groupée peuvent être achetés individuellement ou qu'ils sont indissociables.
« Est interdite toute vente ou offre de vente de produits ou de prestations de services faite au client et donnant droit, à titre gratuit, immédiatement ou à terme, à une prime financière ou consistant en produits, biens ou services dont le montant serait supérieur à un seuil fixé, en fonction du type de service offert à la clientèle, par un règlement du comité de la réglementation bancaire et financière pris après avis du comité consultatif institué à l'article 59 de la présente loi.
« IV . - Des agents de la Banque de France et les fonctionnaires habilités à relever les infractions aux dispositions mentionnées aux paragraphes IV, V et VI du présent article sont qualifiés pour procéder dans l'exercice de leurs fonctions à la recherche et à la constatation par procès-verbal des infractions aux I et III du présent article.
« Ces agents peuvent accéder à tous les locaux à usage professionnel et demander la communication des livres et tous autres documents professionnels et en prendre copie, recueillir sur convocation ou sur place les renseignements et justifications. Ils ne peuvent accéder à ces locaux qu'entre 8 heures et 20 heures. Le secret professionnel ne peut être opposé aux agents agissant dans le cadre des pouvoirs qui leurs sont conférés au présent article.
« Les procès-verbaux sont transmis au procureur de la République dans les cinq jours suivant leur établissement. Une copie en est également remise à l'intéressé.
« V . - Tout établissement de crédit désigne un ou plusieurs médiateurs chargés de recommander des solutions aux litiges relatifs à l'application par les établissements de crédit des obligations figurant aux I et III du présent article. Les médiateurs sont choisis en raison de leur compétence et de leur impartialité, dans des conditions fixées par décret.
« La saisine d'un médiateur suspend la prescription pendant l'examen par le médiateur des litiges qui lui sont soumis. Le médiateur est tenu de statuer dans un délai de deux mois à compter de sa saisine. Les constatations et les déclarations que le médiateur recueille ne peuvent être ni produites ni invoquées dans la suite de la procédure sans l'accord des parties. Cette procédure de médiation est gratuite.
« Le compte rendu annuel d'activité établi par chaque médiateur dans des conditions fixées par arrêté est transmis au Gouverneur de la Banque de France et au président du comité consultatif.
« VI . - Il est institué un comité de la médiation bancaire chargé d'examiner les rapports des médiateurs et d'établir chaque année un bilan de la médiation bancaire qu'il transmet au Conseil national du crédit et du titre. Ce comité peut adresser des recommandations aux établissements de crédit et aux médiateurs.
« Le comité de la la médiation bancaire est présidé par le gouverneur de la Banque de France, ou son représentant. Les autres membres sont nommés par arrêté du ministre chargé de l'économie, selon la répartition suivante : une personnalité proposée par le collège de consommateurs et usagers du Conseil national de la consommation, une personnalité proposée par l'Association française des établissements de crédit et des entreprises d'investissement et deux personnalités choisies en raison de leur compétence.
« VII . - Est puni de 100 000 francs d'amende le fait de méconnaître l'une des obligations figurant aux I et III du présent article.
« Les personnes morales peuvent être déclarées responsables pénalement dans les conditions prévues par l'article 121-2 du code pénal des infractions définies à l'alinéa précédent. Les peines encourues par les personnes morales sont l'amende suivant les modalités prévues par l'article L. 131-38 du code pénal.
« Avant d'engager l'action publique tendant à l'application des sanctions pénales prévues au présent article, le parquet peut saisir pour avis le comité de la médiation bancaire. En cas de dépôt d'une plainte avec constitution de partie civile portant sur des infractions aux dispositions mentionnées aux I et III du présent article, le procureur de la République peut, avant de prendre ses réquisitions, saisir pour avis le comité de la médiation bancaire. Les réquisitions sont transmises au juge d'instruction après avis du comité.
« Le comité de la médiation bancaire se prononce dans un délai de six semaines au plus tard après la réception de la demande d'avis. Dans son avis, il apprécie notamment la réalité des faits, ainsi que leur éventuel caractère répétitif.
« VIII . - Les dispositions du présent article sont d'ordre public. Elles entrent en vigueur le 1er janvier 2001. Les dispositions du III s'appliquent à compter du 1er juillet 2002 aux ventes qui trouvent leur origine dans les conventions conclues avant l'entrée en vigueur de la loi.
« IX . - Les dispositions du présent article s'appliquent également aux services financiers de La Poste, aux services financiers du Trésor public, à la Banque de France et à la Caisse des dépôts et consignations.
« X . - Un décret en Conseil d'Etat précise les conditions d'application du présent article. »
« II. - Les dispositions du I de l'article 58-1 s'appliquent à compter du 1er juillet 2001 pour les comptes de dépôt ouverts à la date d'entrée en vigueur de la présente loi et n'ayant pas fait l'objet d'une convention conforme aux dispositions précisées par l'arrêté visé au premier alinéa de cet article.
« III. - A l'article L. 122-4 du code de la consommation, les mots : "prévus par les conditions générales de banque portées à la connaissance de la clientèle et précisant le montant ou le mode de calcul de ces rémunérations" sont remplacés par les mots : "dans les conditions fixées à l'article 58-1 de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984".
« IV. - Après le premier alinéa de l'article L. 113-3 du code de la consommation, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les règles relatives à l'obligation de renseignements par les établissements de crédit, les services financiers de La Poste, les services financiers du Trésor public, la Banque de France et la Caisse des dépôts et consignations sont fixées par les I, II et VII de l'article 58-1 de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 relative à l'activité et au contrôle des établissements de crédit. »
« V. - Après le premier alinéa de l'article L. 122-1 du code de la consommation, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les établissements de crédit, les services financiers de La Poste, les services financiers du trésor public, la Banque de France et la Caisse des dépôts et consignations, les règles relatives aux ventes subordonnées sont fixées par le premier alinéa du III et le VII de l'article 58-1 de la loi n° 86-46 du 24 janvier 1984 relative à l'activité et au contrôle des établissements de crédit. »
« VI. - Après le premier alinéa de l'article L. 121-35 du code de la consommation, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les établissements de crédit, les services financiers de La Poste, les services financiers du Trésor public, la Banque de France et la Caisse des dépôts et consignations, les règles relatives aux ventes avec primes sont fixées par le deuxième alinéa du III et le VII de l'article 58-1 de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 relative à l'activité et au contrôle des établissements de crédit. »
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Je vais essayer d'être brève, car j'ai déjà expliqué de quoi il s'agissait tout à l'heure.
Le présent amendement tend, notamment, à appliquer le droit de la consommation aux banques, ce qui est important.
Il impose la mise en place de conventions de compte avec chaque client, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui et ce qui permettra au moins à tout un chacun de connaître la réalité du service payé.
Il soumet les banques à l'interdiction des ventes avec prime, les prétendus cadeaux souvent générateurs de surendettement - je me souviens de vos déclarations antérieures, messieurs les sénateurs -, à celle des ventes subordonnées ; je pense en particulier à l'octroi de prêts subordonnés à l'ouverture d'un compte.
Cet amendement vise en outre à protéger les consommateurs contre les modifications unilatérales des conditions contractuelles.
Il prévoit la mise en place d'un dispositif de médiation rapide et gratuit. Comme je l'ai expliqué à certains d'entre vous, les travaux de la commission Jolivet ont tout de même débouché sur des propositions intéressantes.
Il est certain qu'actuellement les litiges relatifs à sur de petites sommes sont rarement portés devant une juridiction. Il est donc important d'instituer un dispositif de médiation qui intervienne rapidement et gratuitement. Cela permettra à la personne concernée d'expliquer l'origine du litige, de savoir si elle a ou non un droit et quelle est la nature de ce droit. En effet, malgré l'existence de conventions de compte beaucoup plus explicites, nous savons que des litiges surviendront, bien évidemment.
Ce dispositif de médiation nous permettra en outre de disposer d'un bilan de tous ces litiges. Le cas échéant, si nécessaire, nous pourrons légiférer de nouveau afin de modifier des dispositions qui ne sont pas opportunes. Mesdames, messieurs les sénateurs, cela fait une dizaine d'années que les associations de consommateurs réclament le rapprochement entre le droit bancaire et le droit de la consommation.
Pour la première fois, aujourd'hui, on répond à cette demande.
Il s'agit d'une avancée forte, qui nous permettra sûrement dans l'avenir de discuter à nouveau des services offerts, de leur qualité, de leur prix et de l'égalité des citoyens devant le service bancaire ; je pense aux citoyens usagers qui peuvent être en difficulté, mais aussi aux citoyens entrepreneurs. En effet, bien des difficultés sont liées aux systèmes de caution, de garantie, etc.
Bref, dans l'avenir, nous pourrons mieux nous rendre compte de ce qui se passe entre le service bancaire et les usagers. Nous pourrons ainsi remédier plus facilement à tout ce qui semblera néfaste.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. La commission s'est réunie en fin d'après-midi pour examiner cet amendement qu'elle venait de découvrir, puisqu'il a été déposé en séance vers seize heures. Aussi, mes chers collègues je peux vous livrer les considérations de procédure, d'une part, les considérations de fond, d'autre part, qu'elle a émises à son endroit.
En ce qui concerne la procédure, je rappellerai d'abord que le contenu de cet amendement est en discussion au sein de la commission Jolivet depuis de longs mois. Des versions préparatoires de ce texte ont déjà circulé.
Dès lors, pourquoi brusquer ainsi le Parlement, lequel n'a jamais été associé à cette discussion, qui dure au moins depuis le début de l'année 2000 et qui portait sur un dispositif concret concernant la vie quotidienne des Français et les conditions d'exploitation des banques ? Le sujet méritait que l'on traitât le Parlement au moins aussi bien, en tout cas pas plus mal, que les différents groupes professionnels, corporatifs ou sociaux concernés.
Par ailleurs, madame le secrétaire d'Etat, j'ai relevé l'argument que l'on nous a fait valoir hier sur les limites du droit d'amendement. On nous a dit, à propos de la constitution de l'autorité de régulation des marchés financiers, que cela risquait d'excéder les limites du droit d'amendement au regard de la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
Si tel était le cas - ce que nous contestons -, quelle légitimité aurait le Gouvernement à présenter un texte aussi complexe, qui fait trois pages et demie bien denses, bien techniques, et qui traite d'un sujet complètement nouveau par rapport à tout ce qui a été débattu en première lecture à l'Assemblée nationale ?
M. Gérard Cornu. Oh ! (Sourires.)
M. Philippe Marini, rapporteur. C'est la réalité ! Autant on pouvait dire que la régulation financière constitue le développement d'une discussion qui a déjà eu lieu dans son principe, en première lecture, à l'Assemblée nationale, autant il est manifeste que ce sujet, débattu depuis de longs mois par les groupes corporatifs et par la commission Jolivet, n'a absolument pas été abordé à l'Assemblée nationale.
Celle-ci a donc été aussi mal traitée que nous, disons-le au passage, et même, à la limite, encore plus mal, puisque, madame le secrétaire d'Etat, vous vous présentez au Sénat en première lecture avec un texte qui eût été à vrai dire disponible à peu près sous la même forme au mois d'avril lorsque l'Assemblée nationale s'est prononcée.
Il est clair, madame le secrétaire d'Etat, que l'urgence attachée à ce texte ne fait qu'aggraver la situation.
M. Gérard Cornu. Tout à fait, monsieur le rapporteur !
M. Philippe Marini, rapporteur. Bien sûr, mes chers collègues, la commission n'a pas limité son approche à ces considérations de procédure. J'en viens maintenant au fond.
Le dispositif qui nous est proposé est certes issu des travaux de la commission Jolivet, mais il n'y a pas pour autant fait l'unanimité. On ne peut pas considérer ce texte comme totalement consensuel.
L'amendement que vous nous proposez comprend deux aspects, madame le secrétaire d'Etat.
Le premier concerne l'application de certains principes du droit de la consommation. Il s'agit en l'occurrence de l'exigence d'une convention de compte écrite, encadrée par des dispositions très précises. Il s'agit également de faire en sorte que les offres de services groupés ne trompent pas le consommateur.
Toutes ces dispositions se traduisent par des prescriptions extrêmement précises qui seront sans doute très lourdes à appliquer.
Il est difficile à la commission de se faire une opinion sur ce type de sujet compte tenu du caractère très spécialisé de la matière.
En outre, l'approche de la commission des finances serait facilitée si elle connaissait le coût de ces dispositions et leur impact sur les comptes d'exploitation bancaires. Pour l'instant, madame le secrétaire d'Etat, nous n'avons pas ces éléments d'appréciation.
Peut-être n'est-il pas simple de répondre à cette question.
J'en viens au second volet de l'amendement, qui traite des sanctions et des dispositifs de médiation. Nous y voyons apparaître des normes procédurales nouvelles, s'agissant du fonctionnement des comptes et des modalités des offres à la clientèle. Immédiatement, cher collègue rapporteur de la commission des lois, que voyons-nous apparaître ?
M. Jean-Jacques Hyest. J'allais le dire !
M. Philippe Marini, rapporteur. De nouvelles sanctions pénales !
Dès lors, nous repartons pour un train de pénalisation pour défaut de procédure au sein du fonctionnement des entreprises alors que, dans le même texte, ou nous dit qu'« il faut simplifier, dépénaliser la vie des affaires » et, en particulier, tout ce qui est négligences formelles, entorses de procédure, que tout cela doit être plutôt traité par des injonctions de faire ou des amendes civiles.
Enfin, il est très bien de prévoir que les grandes banques désignent des médiateurs mais elles l'ont déjà fait, madame la secrétaire d'Etat, pour une grande part d'entre elles.
La Société générale, par exemple, n'a pas attendu une loi pour désigner Mme Scrivener comme médiateur ; d'autres ont, je crois, fait à peu près la même chose - je ne tiens pas à faire de publicité pour quiconque, bien entendu. Dès lors était-il indispensable d'inscrire cela dans la loi ?
Qui plus est, nous voyons apparaître - c'est presque la cerise sur le gâteau - ce que nous attendions tous, le comité de la médiation bancaire. Nous voyons donc apparaître une nouvelle entité, un nouveau groupe qui va avoir la charge d'examiner les rapports des médiateurs et d'établir lui-même un rapport chaque année. Voilà qui est intéressant ! En effet, les médiateurs qui vont travailler au sein de chaque établissement enverront-ils à l'extérieur de l'établissement des indications précises mettant en cause le fonctionnement interne de la banque ? Il est très probable que non ; on aura donc des rapports assez généraux, bien écrits mais sans doute édulcorés, un peu « langue de bois ».
Mme Odette Terrade, rapporteur. Pourquoi parler de langue de bois ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Parce que nous avons discuté de ce point tout à l'heure. Personne n'a le monopole de la langue de bois, naturellement.
Mme Odette Terrade. Ah !
M. Philippe Marini, rapporteur. Je le reconnais tout à fait, elle existe aussi en milieu professionnel.
Donc, les médiateurs bancaires pourront l'utiliser s'ils le souhaitent. Je crains que ce ne soit une tentation. Nous allons avoir un nouveau comité « Théodule » qui va adresser des recommandations, qui va se réunir sous la présidence du Gouverneur de la Banque de France. Franchement, madame le secrétaire d'Etat, ce n'est pas ce que l'on attend !
En tout cas, avec toutes les réserves que j'ai émises concernant les aspects techniques sur lesquels notre opinion n'est pas définitive, quand elle a pris connaissance de cet amendement, en particulier de son deuxième volet, la commission des finances n'a pas pu adhérer à votre proposition, madame le secrétaire d'Etat. Elle considère qu'il est beaucoup plus clair et beaucoup plus simple de promouvoir, comme elle l'a fait cet après-midi, un service de base pour les plus démunis, ce qui peut être compris par chacun et ne nécessite par quatre pages d'amendements.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Hyest, rapporteur pour avis.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur pour avis. Quand un texte prévoit de nouvelles sanctions pénales, il faudrait peut-être commencer par lui assurer une certaine cohérence ! Je lis, en haut de la page 2 : « ... fonctionnaires habilités à relever les infractions aux dispositions mentionnées aux paragraphes IV, V et VI du présent article... ». Or, si l'on s'en réfère à ces paragraphes, on n'y voit aucune infraction, puisque les infraction en question figurent au I et au III. Ce sont des détails, je le concède, mais tout de même...
Par ailleurs, on prévoit en page 3 le dépôt d'une plainte avec constitution de partie civile. Mais je ne pense pas qu'il y ait de constitution de partie civile possible lorsqu'il s'agit d'une contravention, passible donc d'une amende !
Bref, on ne sait pas très bien comment tout cela s'articule. La Chancellerie a sûrement été consultée, mais, apparemment, il faudrait tout de même revoir la copie. Franchement, il est tout à fait critiquable d'improviser ainsi, surtout en droit pénal.
En effet, déposer des amendements longs de trois pages, en cours de débat, ne permet pas au Parlement de bien légiférer et donc de jouer son rôle.
Je reconnais que ces amendements comprennent des dispositions intéressantes, mais il faut nous laisser le temps de les examiner, de voir s'il n'y a aucune lacune en matière pénale. Il faudrait préciser, par exemple, s'il s'agit bien d'une contravention. Nous ne le savons pas.
Il serait donc préférable, mes chers collègues, de réexaminer ces dispositions ultérieurement, en tout cas, pour l'instant, de ne pas adopter l'amendement tel qu'il est proposé par le Gouvernement.
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. S'agissant de la procédure, le Gouvernement n'a su que lundi, il y a donc seulement trois jours, que le Sénat débattrait du service bancaire de base ou du service universel, ce que n'avait pas fait l'Assemblée nationle.
Mais nous sommes en première lecture au Sénat et celui-ci est parfaitement dans son droit en introduisant ce grand sujet dans la présente discussion.
Ayant pris connaissance lundi des amendements qui étaient déposés par les sénateurs sur ce point, nous avons consulté le groupe Jolivet avant d'arrêter, hier, notre position.
Le Sénat doit en effet savoir que ce texte, tel que nous le proposons, a été élaboré en accord avec la Chancellerie - ce qui ne nous empêche d'ailleurs pas, monsieur Hyest, de le retravailler -...
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur pour avis. Nous aussi, nous avons le droit de le modifier !
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Je ne vous conteste aucun droit : je vous dis simplement ce qui s'est passé.
... et aussi en accord avec le groupe Jolivet.
J'insiste sur le fait que ce texte a reccueilli l'accord de l'ensemble des participants à ce groupe, c'est-à-dire l'accord de toutes les associations de consommateurs et de tous les représentants du monde bancaire.
C'est donc un texte consensuel, qui a fait l'objet de moult échanges et travaux.
Le Gouvernement avait l'intention, lors de l'examen d'un texte ultérieur, d'inviter le Parlement à aborder l'ensemble des problèmes qui avaient été, soit réglés de façon consensuelle, soit au moins posés par le groupe Jolivet.
En tout cas, l'arrivée impromptue de cet amendement dans la discussion tient à l'initiative, également impromptue, de cette assemblée de faire en sorte que cette importante question soit abordée au cours de cette même discussion. Nous pouvons nous donner acte les uns aux autres de ce que la responsabilité de la procédure est partagée.
J'en viens maintenant au fond.
Monsieur le rapporteur, vous nous avez expliqué que la porte que nous voulions ouvrir débouchait sur quelque chose de terrible : l'application de droit de la consommation au monde bancaire. Mais le monde bancaire rencontre déjà ses consommateurs et admet que ses pratiques commerciales entraînent aujourd'hui un certain nombre de litiges. Vous avez d'ailleurs, vous-même, évoqué l'existence d'un médiateur au sein d'une de nos banques.
Si nous avons proposé d'instituer cette commission, qui vous semble lourde, c'est parce que, aujourd'hui, en cas de litige avec une banque, un consommateur ne peut pas en appeler à sa direction départementale de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes. Quant aux organismes de contrôle bancaire que sont la Commission bancaire ou le Comité de réglementation bancaire et financière, ils ne peuvent pas non plus régler ce type de litiges.
Il nous a donc semblé plus simple de permettre aux consommateurs pour qui le litige porte sur une somme faible d'avoir recours à une commission de médiation. Vous n'y croyez pas. Moi, je pense que la personne qui a un litige portant sur 500, 1 000 ou 2 000 francs ne prendra pas le risque d'un recours devant une juridiction, ce qui implique de prendre un avocat, parce qu'elle sait que cela pourrait bien lui coûter sensiblement plus cher, surtout si son bon droit n'est pas reconnu.
J'ai entendu aujourd'hui beaucoup de discours sur la protection des consommateurs, sur la défense des exclus, sur la nécessaire prise en compte des personnes en difficulté. Eh bien, c'est précisément en pensant à eux que nous prévoyons la possibilité d'un recours amiable devant une commission, possibilité qui n'empêche évidemment pas l'intéressé - la Chancellerie a été extrêmement précise sur ce point - d'avoir recours au juge si telle est sa volonté, étant entendu que le banquier peut également estimer nécessaire l'intervention du juge.
Pourquoi, dès lors qu'il s'agit des banques, le droit de la consommation ne devrait-il pas s'appliquer ? Pourquoi, de surcroît, priverait-on les gens qui ont le plus de difficultés d'une possibilité de médiation ?
Je pense que l'ensemble du monde bancaire a compris qu'une page était tournée avec l'introduction du droit de la consommation dans le monde bancaire, et je dois dire que j'y ai été très sensible, d'autant que cela n'a pas été facile.
C'est pourquoi, même si la commission des finances estime que ce texte n'est pas bon, je suis heureuse et fière de le soumettre au Sénat. Si celui-ci devait le repousser, ce que je ne veux pas croire, nous ne manquerions pas de saisir de nouveau le Parlement de dispositions du même ordre, parce qu'il s'agit d'une avancée spectaculaire pour les usagers de la banque. (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 625.
M. Paul Loridant. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant. Mme la secrétaire d'Etat a dit un certain nombre de choses que je voulais moi-même exprimer.
Je peux comprendre M. le rapporteur lorsqu'il regrette que cet amendement ait été déposé en cours de débat. Mais, monsieur le rapporteur, vous êtes, comme moi et comme un certain nombre d'entre nous, très averti des affaires du monde bancaire, vous étudiez la presse financière. Dès lors, dans la mesure où cet amendement du Gouvernement est issu des travaux de la commission Jolivet, je ne peux pas croire que vous ayez découvert cet après-midi, à seize heures trente, le contenu de ces travaux. Ou alors, c'est que vous ne suivez pas réellement les problèmes du monde bancaire ! (Sourires.) Non, ce n'est pas possible ! Donc, votre argument ne tient pas la route.
M. Philippe Marini, rapporteur. Je ne cherche pas les amendements dans la presse !
M. Paul Loridant. Cet amendement reprend, Mme la secrétaire d'Etat l'a dit, les conclusions des travaux de cette commission importante, présidée par un haut fonctionnaire de Bercy, M. Jolivet, et qui a réuni pendant plusieurs mois des représentants des associations de consommateurs et des représentants de la profession bancaire pour discuter des conditions de droit au compte, des prix des services bancaires, des droits et obligations des banques et des usagers des banques, etc. Bref, elle s'est consacrée à un sujet qui est au coeur de la discussion qui se poursuit cet après-midi : les services bancaires, leur coût et les conditions dans lesquelles ils sont offerts à nos concitoyens.
L'amendement qui nous est présenté a reçu l'accord de toutes les parties.
M. Philippe Marini, rapporteur. Alors, il faut que la commission Jolivet remplace le Parlement !
M. Paul Loridant. Un seul point a fait l'objet d'un désaccord : la tarification des chèques. Pour le reste, l'accord entre les associations de consommateurs et les représentants de la profession bancaire était total.
Sur le fond, monsieur le rapporteur, franchement, en quoi l'application du droit de la consommation au secteur bancaire devrait-elle heurter la commission des finances et la Haute Assemblée ?
Monsieur le rapporteur, vous vous vantez d'avoir toujours des positions équilibrées (Mme Terrade s'esclaffe.) Alors que les banques sont d'accord pour que l'on applique le droit de la consommation dans leurs rapports avec les usagers,...
M. Philippe Marini, rapporteur. Elles ne sont pas venues nous le dire !
M. Paul Loridant. ... vous, au nom d'un prétendu équilibre, au nom de la pureté de la forme, vous diriez : « Non, la commission des finances n'est pas d'accord »?... Eh bien non, monsieur le rapporteur, votre position n'est pas équilibrée. Elle tend à faire perdurer une situation qui est préjudiciable aux usagers des banques, en reportant à une autre discussion, à un autre texte, des mesures utiles qui pourraient être prises rapidement.
La position de la commission des finances n'est ni équitable ni juste et elle ne va pas dans le sens de la défense de nos concitoyens.
J'invite donc la Haute Assemblée à voter l'amendement du Gouvernement, même s'il ne répond pas à la totalité de nos aspirations. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen ainsi que sur les travées socialistes.)
M. Gérard Delfau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau. Bien des éclaircissements ayant été apportés par Mme la secrétaire d'Etat et bien des arguments ayant, à l'instant, été brillamment développés par mon collègue Paul Loridant, je ne ferai part, en cet instant, que de quelques réflexions.
D'abord, monsieur le rapporteur, ce long amendement déposé par le Gouvernement honore le Sénat. Il montre que le Gouvernement prend au sérieux le débat, qui n'était pas inscrit, il faut toujours le rappeler, dans le texte initial. Ce débat est né au Sénat, il s'y est développé et, en bonne logique démocratique, le Gouvernement y apporte sa part. S'il ne le faisait pas, vous seriez en droit de le lui reprocher.
Puisque le Gouvernement nous apporte un certain nombre d'éléments dans une discussion que tous, dans cette assemblée, nous avons voulue, il me semble que la même logique démocratique exige que nous saisissions la balle au bond.
De quoi s'agit-t-il donc, avec cet amendement ? Du fruit d'un accord des différents partenaires réunis au sein de la commission Jolivet, obtenu à l'issue d'un an et demi de travail.
J'ai souvent entendu nos collègues de la majorité du Sénat dire que le Parlement ne devait pas faire peser sur les citoyens, arbitrairement, préventivement, par le biais de la loi, un certain nombre de contraintes, que le Parlement était là pour écouter les partenaires sociaux représentatifs.
En l'occurrence, ceux-ci ont été réunis, ils ont travaillé et ils se sont mis d'accord sur des propositions de modernisation du droit bancaire !
M. Philippe Marini, rapporteur. Et il faudrait dire Amen !
M. Gérard Delfau. Et la commission des finances proposerait à la Haute Assemblée de refuser de légiférer ainsi que nous pouvons le faire ce soir ?... Franchement, je ne comprendrais pas que certains, dans cette assemblée, mènent un tel combat d'arrière-garde, très en retrait par rapport à l'état d'esprit heureusement général des établissements bancaires, et rétrograde par rapport à des pratiques courantes de cette culture anglo-saxonne qu'à certains moments, m'a-t-il semblé, vous nous donniez en exemple.
En résumé, ce texte permet d'assurer plus de transparence dans les rapports entre les établissements bancaires et leurs clients ainsi qu'une moralisation des pratiques. Il étend la médiation et prévoit, comme toujours quand c'est nécessaire, des sanctions. Comment pourrions-nous refuser de voter cet amendement ? Ne pas le voter serait totalement contradictoire, chers collègues, avec toutes vos prises de position sur le service bancaire de base et, au-delà, sur l'avenir de notre système financier.
Je souhaite donc vivement que la Haute Assemblée adopte cet amendement, même si nous suggérons au Gouvernement comme à nos collègues de l'Assemblée nationale d'y apporter des améliorations sur tel ou tel point.
M. Pierre Hérisson. Je demande la parole pour expli- cation de vote.
M. le président. La parole est à M. Hérisson.
M. Pierre Hérisson. Nous avons entendu neuf fois, me semble-t-il, faire allusion aux bonnes pratiques démocratiques. Tout à l'heure, Mme le secrétaire d'Etat a précisé que le Gouvernement a déposé cet amendement n° 625 parce qu'il a eu connaissance des intentions du Sénat voilà trois jours seulement, par les amendements qui ont été présentés à propos du service universel bancaire ou du service tel que l'ont défini les différents amendements adoptés il y a un instant.
Je rappellerai quelques bonnes pratiques démocratiques dont l'une consiste, pour le Gouvernement, à essayer de se tenir informé des propositions de lois déposées par les deux assemblées.
M. Gérard Larcher, M. Trucy, votre serviteur et plusieurs de nos collègues ont déposé une proposition de loi en mars 2000 sur le service universel bancaire ; M. Gérard Delfau a déposé lui-même une proposition de loi similaire au mois de mai ou de juin. Il s'est donc passé un certain temps ! Il aurait suffi que le Gouvernement prête attention à ces textes pour que le projet de loi puisse tenir compte des préoccupations qui semblent ce soir devoir être discutées dans la plus grande urgence ; or, un certain nombre des points qui ont été développés répondent effectivement à l'attente d'une partie de nos concitoyens, comme l'a brillamment rappelé cet après-midi M. Gérard Larcher en présentant ses amendements.
Je crois donc que, pour l'avenir - puisque nous parlons ce soir de bonnes pratiques démocratiques -, il appartient aussi au Gouvernement d'être attentif à des parlementaires qui font leur travail correctement et qui déposent des propositions de loi.
M. Philippe Marini, rapporteur. Très bien !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur pour avis. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Hyest, rapporteur pour avis.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur pour avis. Je suis quelque peu inquiet de certains propos. On nous demande de voter des dispositions qui, à mes yeux, présentent un certain nombre de difficultés non négligeables. Je rappelle que le code pénal concerne les libertés publiques ! On supprime deux infractions, on en crée une, on en créera bien quelques autres encore tout à l'heure, dans le droit de la concurrence et de la consommation... Tout le monde est d'accord pour dépénaliser la société, pour que les sanctions soient des sanctions civiles, mais on crée de nouvelles infractions ! On dit aussi que la justice est très encombrée, mais on transmet au parquet ; etc.
Enfin, on nous demande de voter le texte en l'état et de laisser à l'Assemblée nationale le soin de l'arranger ; c'est en tout cas ce qu'a dit M. Delfau. Pas plus que, quand j'étais député, je n'admettais que l'on nous dise : « le Sénat arrangera tout cela ! », je ne supporte pas que l'on me dise : « Votez et vous verrez bien ! ». Cela tendrait à démontrer que l'on n'attache aucune importance à la manière dont les lois sont rédigées ! On voit d'ailleurs le résultat : elles contiennent des contradictions. On fait de la législation au jour le jour et sans vue d'ensemble.
Vous dites, madame le secrétaire d'Etat que la concertation a eu lieu. Permettez au moins aux parlementaires de vérifier qu'elle a abouti sur tous les points que développe le texte ! Le rôle des commissions et des rapporteurs est aussi de s'informer auprès du Gouvernement, d'avoir un dialogue avec lui comme avec ceux qui sont concernés par le projet de loi. Or cela n'a pas été possible, puisque l'amendement n'a été mis en distribution que cet après-midi.
Appliquer le droit de la consommation aux banques est une bonne chose. Permettre la médiation - puisque, comme vous le rappeliez, on ne peut pas saisir directement les directions de la concurrence en matière bancaire - c'est sans doute aussi une bonne chose. Mais, madame le secrétaire d'Etat, était-il bien utile d'y consacrer trois pages ? Je n'en suis pas sûr, et il nous aurait fallu de toute manière un peu plus de temps.
Dans ces conditions, je pense qu'il ne faut pas voter ce texte. Nous ne pouvons pas légiférer de cette manière.
M. Philippe Marini, rapporteur. Très bien !
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Bien évidemment, nous avons lu les propositions de loi - les « PPL », pour reprendre l'expression dont nous usons dans notre terrible jargon. D'ailleurs, une autre PPL a été déposée. Je le répète, nous nous attendions, nous, à discuter une proposition de loi, ici ou à l'Assemblée nationale, dans une « fenêtre parlementaire ». Or, lundi dernier, l'ensemble des groupes du Sénat en a décidé autrement. Nous avons réagi en deux jours, mais ce n'est pas du tout ainsi que nous imaginions les choses !
Vous parlez de dialogue et de concertation. Lorsque vous avez, les uns et les autres, rédigé vos propositions de loi, vous avez sûrement rencontré les représentants de l'ensemble du monde bancaire. Le sujet était lié depuis le départ, mais dès que l'on parle au monde bancaire du service de base, nos interlocuteurs évoquent un certain nombre d'autres sujets, qui sont discutés depuis près d'un an par la commission Jolivet.
Je regrette comme vous d'avoir été obligée de déposer tardivement cet amendement. Je vous ferai aussi remarquer que le texte que nous devions discuter à partir d'hier après-midi ne mentionnait pas le service bancaire de base.
Vous nous reprochez que notre texte soit mal écrit.
Sans vouloir vous offenser, monsieur le sénateur, je ne suis pas persuadée que le service de base bancaire que vous avez voté tout à l'heure soit d'une très grande précision. Je ne sais aujourd'hui ni comment le fonds fonctionne ni comment il sera organisé, pas plus que je ne connais la nature des textes complémentaires qu'il faudra adopter ni quel type de décret sera nécessaire. In fine demeure la question de savoir qui financera ce service !
Puisque vous m'attaquez sur ce plan, je vous réponds que je ne suis pas convaincue que votre travail soit lui-même d'une grande précision. (Approbation sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
MM. Robert Bret et Marc Massion. Très bien !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur pour avis. C'est tout de même le Parlement qui fait la loi !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 625, repoussé par la commission.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Demande de priorité



M. le président.
Pour la séance de demain, jeudi 12 octobre à neuf heures trente, le Gouvernement demande l'examen en priorité des articles relatifs au droit des sociétés commerciales, ce qui recouvre l'ensemble des amendements depuis l'article additionnel avant l'article 55 A jusqu'aux articles additionnels après l'article 70 quater.
Quel est l'avis de la commission sur cette demande de priorité ?
M. Philippe Marini, rapporteur. La commission n'y voit pas d'objection.
M. le président. Il n'y a pas d'opposition ?...
La priorité est ordonnée.

Article 2



M. le président.
« Art. 2. - L'article 34 de la loi n° 96-597 du 2 juillet 1996 de modernisation des activités financières est ainsi rédigé :
« Art. 34 . - Les transactions sur instruments financiers faisant l'objet d'une offre publique ne peuvent être réalisées que sur un marché réglementé d'un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou sur un marché reconnu en application de l'article 18 de la loi du 28 mars 1885 sur les marchés à terme, sur lequel ces instruments financiers sont admis aux négociations. Sans préjudice de la sanction prévue à l'article 45 de la présente loi, les détenteurs d'instruments financiers acquis en violation des dispositions précédentes sont privés du droit de vote pour toute assemblée d'actionnaires qui se tiendrait avant l'expiration d'un délai de deux ans suivant la date de l'acquisition. » - (Adopté.)

Article 3



M. le président.
« Art. 3. - L'article 3 de l'ordonnance n° 67-833 du 28 septembre 1967 instituant une Commission des opérations de bourse et relative à l'information des porteurs de valeurs mobilières et à la publicité de certaines opérations de bourse est ainsi modifié :
« 1° Le troisième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Faute pour les sociétés intéressées de déférer à cette injonction, la commission peut procéder elle-même à ces publications rectificatives. » ;
« 2° L'article est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les frais occasionnés par les publications mentionnées aux deux alinéas précédents sont à la charge des sociétés intéressées. »
Par amendement n° 158, M. Marini, au nom de la commission des finances, propose, après le premier alinéa de cet article, d'insérer un alinéa ainsi rédigé :
« 1° A. - A la fin du premier alinéa de cet article, les mots : "ou figurent au relevé quotidien du hors-cote mentionné à l'article 34 de la loi n° 96-597 du 2 juillet 1996 de modernisation des activités financières" sont supprimés.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel visant à supprimer une scorie dans un alinéa de la loi du 2 juillet 1996.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 158, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 3, ainsi modifié.

(L'article 3 est adopté.)

Article 4



M. le président.
« Art. 4. - I. - Le quatrième alinéa de l'article L. 432-1 du code du travail est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« En cas de dépôt d'une offre publique d'achat ou d'offre publique d'échange portant sur une entreprise, le chef de cette entreprise réunit immédiatement le comité d'entreprise pour l'en informer. Au cours de cette réunion, le comité décide s'il souhaite entendre l'auteur de l'offre. Le chef de l'entreprise auteur de l'offre adresse au comité de l'entreprise qui en fait l'objet, dans les trois jours suivant sa publication, la note d'information mentionnée au troisième alinéa de l'article 7 de l'ordonnance n° 67-833 du 28 septembre 1967 instituant une Commission des opérations de bourse et relative à l'information des porteurs de valeurs mobilières et à la publicité de certaines opérations de bourse. Dans les quinze jours suivant la publication de cette note, le comité d'entreprise est réuni pour procéder à son examen et, le cas échéant, à l'audition de l'auteur de l'offre. Dans ce cas, la date de la réunion est communiquée à ce dernier au moins trois jours à l'avance. Le comité d'entreprise peut faire part à l'auteur de l'offre de toutes les observations qu'il estime utiles. Il peut se faire assister préalablement et lors de la réunion d'un expert de son choix dans les conditions prévues aux septième et huitième alinéas de l'article 434-6.
« La société ayant déposé une offre et dont le chef d'entreprise, ou le représentant qu'il désigne parmi les mandataires sociaux ou les salariés de l'entreprise, ne se rend pas à la réunion du comité d'entreprise à laquelle il a été invité dans les conditions prévues à l'alinéa précédent ne peut exercer les droits de vote attachés aux titres de la société faisant l'objet de l'offre qu'elle détient ou viendrait à détenir. Cette interdiction s'étend aux sociétés qui la contrôlent ou qu'elle contrôle au sens de l'article 357-1 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales. La sanction est levée le lendemain du jour où le chef d'entreprise de la société ayant déposé l'offre a été entendu par le comité d'entreprise de la société faisant l'objet de l'offre. La sanction est également levée si le chef d'entreprise n'est pas convoqué à une nouvelle réunion du comité d'entreprise dans les quinze jours qui suivent la réunion à laquelle il avait été préalablement convoqué. »
« II. - Le quatrième alinéa de l'article L. 439-2 du code du travail est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« En cas d'annonce d'offre publique d'achat ou d'offre publique d'échange portant sur l'entreprise dominante d'un groupe, le chef de cette entreprise en informe immédiatement le comité de groupe. Il est alors fait application au niveau du comité de groupe des dispositions prévues aux quatrième et cinquième alinéas de l'article L. 432-1 pour le comité d'entreprise.
« Le respect des dispositions de l'alinéa précédent dispense des obligations définies à l'article L. 432-1 pour les comités d'entreprise des sociétés appartenant au groupe. »
« III. - Le troisième alinéa de l'article 7 de l'ordonnance n° 67-833 du 28 septembre 1967 précitée est complété par une phrase ainsi rédigée :
« La note sur laquelle la commission appose un visa préalable contient les orientations en matière d'emploi de la personne physique ou morale qui effectue l'offre publique. »
Par amendement n° 436, M. Loridant, Mme Beaudeau, M. Foucaud, Mme Terrade et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de compléter la deuxième phrase du deuxième alinéa du I de cet article par les mots : « et se prononce sur le caractère amical ou hostile de l'offre ».
La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant. Cet amendement est important à nos yeux.
Il s'agit de savoir dans quelles conditions se déroulent les offres publiques d'achat, les OPA, et les offres publiques d'échange, les OPE, c'est-à-dire ce qu'aujourd'hui l'on appelle, d'un autre terme, les opérations de concentration d'entreprises.
De telles opérations ne sont pas nécessairement positives. Elles peuvent prendre un caractère hostile et tendre, dans les faits, à porter atteinte à l'intégrité d'une entreprise concurrente, viser à la contrôler, à l'acheter et à asseoir sa propre position afin d'occuper, éventuellement, une position dominante.
L'histoire économique et financière récente de notre pays a été profondément marquée, on le sait - je pense à l'été dernier - par de grandes opérations dans le monde bancaire ou dans le monde de l'énergie, et donc par d'importants mouvements sur les détentions de titres ou de parts sociales dont la presse économique s'est largement fait l'écho - il serait fastidieux d'en rappeler la liste complète. Toujours est-il que certaines opérations sont menées à partir d'une procédure d'échange de titres qui peut dans certains cas, dès lors que l'OPA ou l'OPE n'est pas perçue positivement par la société convoitée, consister à échanger, en quelque sorte, des fruits qui ne sont pas dans le meilleur état pour des fruits plus beaux, au détriment de l'entreprise visée.

Une telle orientation ne peut être laissée, de notre point de vue, à la seule appréciation des autorités de contrôle et de régulation de la place et des organes dirigeants de l'entreprise. Il importe à nos yeux que le personnel des entreprises faisant l'objet d'une telle offre puisse également, par le biais de ses instances représentatives, juger de la pertinence de tel ou tel rapprochement et, au-delà de la consultation prévue à l'article 4, donner sa position de fond et son avis sur l'opération menée à l'encontre de leur entreprise.
En clair, nous demandons que le comité d'entreprise puisse donner son avis sur le caractère amical ou hostile de l'offre publique d'achat ou de l'offre publique d'échange - je parle bien entendu du comité de l'entreprise visée par l'OPA et non de celui de l'entreprise qui cherche à acheter - afin que tout le monde connaisse clairement les conditions dans lesquelles se déroulera l'opération. J'ajoute - cela ne figure pas dans l'amendement - qu'il ne me paraîtrait pas choquant, si le comité d'entreprise est hostile à l'offre, de saisir une autorité de l'Etat, voire le ministre - pourquoi pas ? - pour que le feu vert soit donné à l'opération envisagée.
Mais, je le sais, il s'agit là d'un débat de fond avec M. le rapporteur.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Paul Loridant. Défavorable !
M. Philippe Marini, rapporteur. Comme le craint M. Loridant, la commission est défavorable à cet amendement, et je vais m'en expliquer brièvement.
L'article 4 permettra de délivrer une information au comité d'entreprise, qui pourra faire part de ses observations. Cette procédure est bien prévue par cet article et continue de figurer dans le dispositif qui ressort des amendements proposés par la commission.
Je me demande quel est l'apport de la rédaction suggérée par M. Loridant et par son groupe. Selon l'amendement n° 436, le comité d'entreprise devra se prononcer sur le caractère amical ou hostile de l'offre. Mais, en droit, rien ne définit l'offre amicale, rien ne définit l'offre hostile : ce ne sont pas des notions juridiques. Le fait qu'une opération soit perçue comme amicale ou comme hostile par le comité d'entreprise ne peut donc entraîner aucune conséquence juridique.
Au demeurant, mes chers collègues, qu'est-ce qu'une offre amicale ? Qu'est-ce qu'une offre hostile ? Tout dépend de celui qui exprime l'avis. Toute offre est amicale pour les actionnaires puisqu'elle va leur permettre de mieux valoriser leurs titres. Toute offre visant à transformer la stratégie d'une entreprise est plutôt inamicale, voire hostile, pour la direction en place.
Quant aux salariés, il existe nombre de cas de figure dans lesquels ils sont courtisés à la fois par les uns et par les autres - cela arrive - et où ils sont plutôt neutres dès lors qu'on ne touche pas aux effectifs et à l'organisation de l'entreprise.
Par conséquent, imposer au comité d'entreprise de déclarer que, de son point de vue, une opération est amicale ou hostile, est-ce vraiment servir les intérêts des salariés ? Je pose sérieusement cette question en essayant de me placer du point de vue de nos collègues. En effet, après tout, ce qui importe au comité d'entreprise, c'est non pas de qualifier l'opération, mais que cette dernière entraîne le moins de conséquences dommageables, le moins de dégâts possible sur la structure sociale, les effectifs et l'organisation de l'entreprise.
Pour l'ensemble de ces raisons, la commission des finances émet un avis tout à fait défavorable sur l'amendement n° 436.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement émettra un avis assez proche de celui de la commission.
Cet amendement vise à obliger le comité d'entreprise à trancher entre le caractère hostile ou amical d'une offre, ce qui ne semble pas opportun. Le comité d'entreprise peut d'ailleurs très bien avoir un avis nuancé. J'ajoute que certains souhaiteront même ne pas siéger, craignant, pour le cas où l'offre déclarée aboutirait quand même, connaître ensuite quelques soucis professionnels.
Une telle disposition ne rendrait pas service aux salariés et n'emporterait aucune conséquence juridique. Par conséquent, il est délicat de l'imposer au comité d'entreprise.
Mais, pour avoir connu comme vous, monsieur Loridant, beaucoup de situations de ce type, je peux vous dire que les représentants du personnel et le syndicat du personnel s'expriment toujours, parfois même publiquement. Par conséquent, leur parole existe, mais leur imposer cette dernière me paraît dangereux.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 436.
M. Paul Loridant. Je le retire.
M. le président. L'amendement n° 436 est retiré.
Par amendement n° 159, M. Marini, au nom de la commission des finances, propose, au début de la troisième phrase du deuxième alinéa du I de l'article 4, de remplacer les mots : « Le chef de l'entreprise auteur de l'offre » par les mots : « Ce dernier ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. Monsieur le président, si vous m'y autorisez, je voudrais, avec l'amendement n° 159, donner une vue générale des neuf amendements que la commission a déposés à cet article et qui constituent un tout.
L'article 4 est relatif à la convocation devant le comité d'entreprise de l'auteur d'une offre publique. C'est une possibilité, pour le comité d'entreprise, de l'entendre, mais une obligation, pour l'auteur de l'offre, dès lors que le comité le souhaite, de se rendre à cette audition. La sanction, en cas de refus de l'auteur de l'offre, est la suspension de ses droits de vote.
La commission des finances comprend bien l'objectif poursuivi, mais elle souligne les risques qu'il présente de son point de vue. Il faut rappeler que, d'ores et déjà, les comités d'entreprise disposent, dans la loi existante, d'une possibilité de convoquer le chef d'entreprise. Les dispositions que vise à ajouter l'article 4 peuvent créer de réelles difficultés ; et ce sont ces difficultés et ces risques que les amendements de la commission visent à réduire ou à éliminer.
De quoi s'agit-il ? Il s'agit tout d'abord - c'est la réparation d'un oubli - d'étendre les obligations prévues aux initiateurs d'offres publiques qui seraient des personnes physiques.
Pour être exceptionnelles, ces hypothèses peuvent néanmoins se produire, et mieux vaut donc ne pas les laisser dans l'ombre.
Par ailleurs, nous souhaiterions offrir, en quelque sorte, une « session de rattrapage » au comité d'entreprise, qui, n'ayant pas jugé bon, dans un premier temps, de convoquer l'auteur de l'offre, se raviserait au vu de la note d'information et estimerait nécessaire de compléter cette information par l'audition du chef d'entreprise attaquante.
En troisième lieu, il convient de prévoir explicitement que la suspension des droits de vote prévue par cet article est la seule sanction applicable à l'auteur de l'offre. En effet, nous craignons que l'introduction de cette disposition nouvelle dans le code du travail ne puisse engendrer un conflit de deux droits : le droit boursier, puisque l'on est en offre publique, et le droit du travail, puisqu'il s'agit des compétences des comités d'entreprise et que cet article est inséré dans le code du travail. Ce sont deux disciplines juridiques bien différentes, et il ne faut pas oublier que les compétences au contentieux ne sont pas les mêmes, que les manquements ou délits de droit boursier sont portés devant les tribunaux judiciaires répressifs et que les contentieux en matière de droit du travail et notamment d'entrave au fonctionnement régulier des comités d'entreprise sont portés devant le juge du contrat de travail, c'est-à-dire le conseil de prud'hommes, en première instance, et la cour d'appel, chambre sociale, en seconde instance. Ce sont des concepts différents, des disciplines juridiques différentes et des juridictions différentes.
Que peut-il donc se passer, madame le secrétaire d'Etat, si l'on ne prend pas la précaution que préconise la commission des finances ? Le chef de l'entreprise initiatrice, venant présenter la note d'information devant le comité d'entreprise, pourrait, pressé de questions, en dire beaucoup plus que ce qui figure dans ladite note. Or, selon un principe de droit boursier, tous les participants au marché doivent disposer de la même information : l'information doit être égale pour tous ; elle doit circuler librement pour assurer la transparence du marché.
Le risque pour le chef d'entreprise est donc d'aller au-delà de l'information visée par le régulateur boursier et de commettre une indiscrétion sur l'opération, ce qui le placerait dans un cas de figure où l'ombre du délit d'initié pourrait éventuellement planer.
A l'inverse, le responsable d'entreprise, s'exprimant au nom de l'entreprise initiatrice, peut ne pas répondre à toutes les questions qui lui sont posées par le comité d'entreprise ; si celui-ci peut alors considérer, au terme de l'audition, qu'il ne lui a pas été donné satisfaction, il manifestera, en toute logique, son mécontentement (M. Loridant s'exclame.) : il considérera qu'il a été fait entrave à ses pouvoirs et que le délit d'entrave doit être invoqué, de manière réelle ou, d'ailleurs, de manière plus dilatoire, auprès du conseil de prud'hommes et, éventuellement, en appel.
Nous estimons qu'il faut absolument éviter tout risque de cette nature, car les conséquences quant à la stabilité et à la sécurité des situations pourraient être très graves. C'est pourquoi nous voudrions qu'il soit précisé qu'il ne peut pas y avoir d'autres sanctions applicables à l'auteur de l'offre que la suspension des droits de vote prévus par le texte, ce qui exclut toute sanction en termes de droit du travail.
Enfin, il convient, nous semble-t-il, d'indiquer de façon explicite qu'aucun recours ne pourra être interruptif du cours de l'offre. C'est, je crois, conforme à l'esprit de l'article 4 tel qu'il a été proposé par le Gouvernement et voté par l'Assemblée nationale, mais il faut l'écrire clairement ; nous aurons à faire face à des phases de conflits telles que les différentes parties voudront naturellement exploiter tous leurs droits et n'hésiteront pas à entamer des procédures, peut-être sans effet final, mais qui prendront du temps. Par conséquent, pendant de temps-là, la vie de l'entreprise, à défaut de s'arrêter, s'engluerait. En effet, vous le savez, pendant une offre publique, on ne peut plus qu'expédier les affaires courantes. Si cela devait durer des mois et des mois, cela se retournerait un jour, dans un monde où les évolutions sont rapides, où la compétition est acérée, contre les intérêts de l'entreprise, et donc des salariés.
Par conséquent, nous souhaitons qu'aucun recours ne soit interruptif du cours de l'offre.
Tel est l'objet des neuf amendements successifs proposés par la commission et qui doivent être lus comme un tout.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. L'amendement n° 159 est intéressant, et le travail de la commission des finances a été très positif. Le Gouvernement s'en remet donc à la sagesse du Sénat.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 159, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 160, M. Marini, au nom de la commission des finances, propose, après la troisième phrase du deuxième alinéa du I de l'article 4, d'insérer deux phrases ainsi rédigées :
« Le comité peut, lors d'une réunion ultérieure dans le délai de quinze jours suivant la publication de la note et s'il ne l'a pas décidé lors de la première réunion mentionnée à cet article, décider qu'il souhaite entendre l'auteur de l'offre. Cette audition de l'auteur de l'offre se déroule dans les formes, les conditions, les délais et sous les sanctions prévus aux alinéas suivants. »
Cet amendement a déjà été défendu.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. La proposition de M. le rapporteur est intéressante. Cependant, sa rédaction la rend complexe en introduisant un nouveau délai de quinze jours dont l'articulation avec celui qui figure déjà dans le texte n'est pas claire. On ne voit pas comment, sauf à allonger de nouveau la durée de l'offre, le comité d'entreprise pourrait disposer d'un délai de quinze jours pour décider d'entendre ou non l'auteur de l'offre alors qu'il dispose précisément de ce même délai pour l'entendre et que ce dernier doit être prévenu trois jours à l'avance.
La rédaction actuelle est plus simple, plus cohérente, tout en respectant les droits du comité d'entreprise. C'est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 160, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je suis maintenant saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 161, M. Marini, au nom de la commission des finances, propose de supprimer les quatre dernières phrases du deuxième alinéa du I de l'article 4.
Par amendement n° 359, MM. Cornu, Courtois,Cazalet, Francis Giraud et Murat proposent de supprimer la dernière phrase du premier alinéa du texte présenté par le I de l'article 4 pour remplacer le quatrième alinéa de l'article L. 432-1 du code du travail.
L'amendement n° 161 a déjà été défendu.
La parole est à M. Cornu, pour défendre l'amendement n° 359.
M. Gérard Cornu. Cet amendement vise à supprimer un dispositif qui ne se justifie pas à ce stade de la procédure.
L'article 4 prévoit que le comité d'entreprise pourra être assisté par un expert lors de l'audition par ses soins du chef d'entreprise ayant lancé l'offre publique d'achat ou l'offre publique d'échange. Or les frais liés à cette expertise devront inévitablement être pris en charge par l'entreprise visée par l'offre.
Il me semble que cette procédure ne se justifie pas à ce stade de l'audition.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Notre collègue Gérard Cornu pose une question intéressante : on peut effectivement comprendre que l'on cherche à minimiser les dépenses, mais il convient de rappeler qu'il existe une disposition de portée très générale, inscrite dans l'article L. 434-6 du code du travail, aux termes de laquelle le comité d'entreprise peut faire appel à tout expert rémunéré par ses soins pour préparer ses travaux. Cet article paraît être applicable en l'espèce !
Par conséquent, même s'il était fait droit à la demande de nos collègues, le comité d'entreprise pourrait néanmoins, sur le fondement de l'article L. 434-6 du code du travail, faire appel à un expert qu'il rémunérerait. C'est pourquoi, par souci de réalisme et dans le cadre du droit existant, il a semblé préférable à la commission de maintenir la rédaction de l'article 4 sur ce point. Nous aurons ainsi accès, dans un même article, à l'ensemble du dispositif sans être obligés d'aller « repêcher » dans tout le code du travail des dispositions qui ne figureraient ici que par référence.
Sous le bénéfice de ces observations, je souhaiterais que notre collègue M. Cornu retire cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 359 et 161 ?
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Sur l'amendement n° 359, le Gouvernement partage l'avis défavorable de la commission. Le droit du comité d'entreprise à l'expertise, qu'il utilise ou non, est simplement réaffirmé.
Quant à l'amendement n° 161, le Gouvernement y est également défavorable, ainsi qu'aux amendements n°s 162 et 163, car le texte de l'article 4 tel qu'il a été adopté par l'Assemblée nationale me semble clair, et je ne vois pas l'utilité des modifications proposées.
M. le président. Monsieur Cornu, l'amendement n° 359 est-il maintenu ?
M. Gérard Cornu. Compte tenu des explications de M. le rapporteur, je le retire.
M. le président. L'amendement n° 359 est retiré.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 161.
M. Paul Loridant. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Loridant.
M. Paul Loridant. Avec cet amendement, nous sommes vraiment au coeur du débat que j'ai introduit hier en défendant une motion tendant à opposer la question préalable.
Ce projet de loi apporte-t-il une réponse aux vraies questions qui se posent aux salariés lorsqu'ils voient leur entreprise menacée de restructuration, lorsqu'ils font l'objet de procédures de licenciement ou, dans le cas qui nous intéresse, lorsqu'ils sont exposées à une OPA ou à une OPE ?
M. le rapporteur considère que le projet de loi issu des travaux de l'Assemblée nationale n'est pas satisfaisant parce que l'on risquerait, s'il était adopté, de se heurter soit au délit d'entrave, soit au délit d'initié. Nous avons d'ailleurs eu ce débat au sein de la commission des finances.
En vérité, le problème est de savoir si les nouveaux pouvoirs qui sont donnés au comité d'entreprise constituent un moyen de permettre aux salariés de se défendre. Il s'agit là d'un sujet difficile : faut-il donner à l'autorité politique la capacité de s'impliquer dans telle ou telle OPA ? Certes, cette possibilité pourrait se heurter à la logique européenne ou à celle du droit des sociétés ou du droit du commerce. Toutefois, faute de donner ce pouvoir d'intervention au pouvoir politique, nous nous trouvons pris dans des contradictions.
Dans ces conditions, le groupe communiste républicain et citoyen votera contre l'amendement n° 161, parce qu'il vient une fois de plus, sous couvert de positions dites équilibrées, rogner les pouvoirs des salariés.
Pour autant, le texte tel qu'il est issu des travaux de l'Assemblée nationale ne nous satisfait pas.
M. Philippe Marini, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. Je veux simplement rappeler que les amendements de la commission ont pour principal objet de permettre à l'auteur de l'offre de se faire assister dans sa présentation devant le comité d'entreprise par une personne de son choix : si, par exemple, il s'agit d'un étranger non francophone, il est bon qu'il puisse être accompagné par quelqu'un qui traduira ses propos, ou par un expert ou un collaborateur susceptible de faciliter un meilleur contact avec le comité d'entreprise.
Si nous avons introduit cette disposition, c'est pour faciliter le dialogue susceptible de se nouer, afin que la réunion soit fructueuse. Voilà pourquoi je suis un peu surpris de l'avis qui a été émis par le Gouvernement !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 161, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 162, M. Marini, au nom de la commission des finances, propose, avant le dernier alinéa du I de l'article 4, d'insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Dans les quinze jours suivant la publication de la note d'information, le comité d'entreprise est réuni pour procéder à son examen et, le cas échéant, à l'audition de l'auteur de l'offre. Si le comité d'entreprise a décidé d'auditionner l'auteur de l'offre, la date de la réunion est communiquée à ce dernier au moins trois jours à l'avance. Lors de la réunion, l'auteur de l'offre, qui peut se faire assister des personnes de son choix, prend connaissance des observations éventuellement formulées par le comité d'entreprise. Ce dernier peut se faire assister préalablement et lors de la réunion d'un expert de son choix dans les conditions prévues aux septième et huitième alinéas de l'article L. 434-6. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. J'ai déjà défendu cet amendement, monsieur le président.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 162, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je suis maintenant saisi de six amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont présentés par MM. Cornu, Courtois, Cazalet, Francis Giraud et Murat.
L'amendement n° 358 vise à supprimer le second alinéa du texte proposé par le I de l'article 4 pour remplacer le quatrième alinéa de l'article L. 432-1 du code du travail.
L'amendement n° 357 tend à rédiger ainsi le second alinéa du texte proposé par le I de l'article 4 pour remplacer le quatrième alinéa de l'article L. 432-1 du code du travail :
« Si le chef d'entreprise de la société ayant déposé l'offre ou son représentant ne se rend pas à la réunion du comité d'entreprise à laquelle il a été invité dans les conditions prévues à l'alinéa précédent, cette carence peut être rendue publique à l'initiative du comité d'entreprise. De même celui-ci peut faire connaître les questions qu'il a souhaité poser aux dirigeants de la société ayant déposé l'offre et auxquelles il n'a pas été répondu précisément. »
Par amendement n° 163, M. Marini, au nom de la commission des finances, propose, dans la première phrase du dernier alinéa du I de l'article 4, de remplacer les mots : « à l'alinéa précédent » par les mots : « aux deux précédents alinéas ».
Par amendement n° 480, le Gouvernement propose, dans la deuxième phrase du dernier alinéa du I de l'article 4, de remplacer les mots : « article 357-1 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales » par les mots : « article L. 233-16 du code de commerce ».
Les deux derniers amendements sont présentés par M. Marini, au nom de la commission des finances.
L'amendement n° 164 vise, après la deuxième phrase du dernier alinéa du I de l'article 4, à insérer une phrase ainsi rédigée : « Une sanction identique s'applique à l'auteur de l'offre, personne physique, qui ne se rend pas à la rénion du comité d'entreprise à laquelle il a été invité dans les conditions prévues aux deux alinéas précédents. »
L'amendement n° 165 tend à supprimer les deux dernières phrases du dernier alinéa du I de l'article 4.
La parole est à M. Cornu, pour présenter les amendements n°s 358 et 357.
M. Gérard Cornu. L'amendement n° 358 tend à supprimer la sanction adoptée par l'Assemblée nationale en cas de refus du dirigeant de la société émettrice de l'offre de comparaître devant le comité d'entreprise. Cette sanction consistant en la privation des droits de vote attachés aux titres acquis à l'occasion de l'offre publique, elle porte à l'évidence atteinte au droit de propriété.
L'amendement n° 357 vise à proposer un autre type de sanction : si l'auteur de l'offre a refusé de se rendre à l'invitation du comité d'entreprise ou a refusé de répondre aux questions qui lui étaient posées lors de cette réunion, cette attitude peut être rendue publique par le comité d'entreprise.
Par ailleurs, cet amendement précise que, à défaut de la présence du chef de l'entreprise auteur de l'offre, celui-ci peut se faire représenter par le représentant de son choix, sans que ce dernier soit obligatoirement un des mandataires sociaux ou un salarié de l'entreprise.
M. le président. L'amendement n° 163 a déjà été présenté.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat, pour défendre l'amendement n° 480.
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat Il s'agit d'un amendement de codification.
M. le président. Les amendements n°s 164 et 165 ont déjà été présentés.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n° 358, 357 et 480 ?
M. Philippe Marini, rapporteur. S'agissant des amendements n°s 358 et 357, je rappellerai brièvement l'esprit dans lequel la commission des finances a abordé cette question.
L'organisation d'une audition par le comité d'entreprise en nous choque pas. ll est vrai que les salariés sont concernés et que le dialogue doit se nouer, même si, du fait des contraintes du droit boursier ce dialogue ne pourra pas aller au-delà du commentaire de la note d'information, pour les raisons que je rappelais voilà quelques instants. Mais il est logique et normal que les salariés d'une entreprise soient considérés comme partie prenante à une opération qui les concerne incontestablement.
Le comité d'entreprise est bien l'instance de représentation légitime permettant de nouer ce minimum de contact. La commission dénonce cependant la confusion des genres instaurée par le texte adopté par l'Assemblée nationale entre le droit du travail et le droit boursier. C'est pourquoi, si nous ne sommes pas choqués par une sanction relevant du droit des sociétés, à savoir la suspension des droits de vote, qui est une sanction classique, nous ne voulons pas que puisse éventuellement s'y ajouter une autre sanction qui serait éventuellement décidée par le juge du contrat de travail. Dans ces conditions, nous préconisons une sanction et une seule, à savoir la suspension du droit de vote.
En second lieu, nous craignons beaucoup, dans l'intérêt des entreprises et du marché, la possibilité de procédures dilatoires telles que la situation de l'entreprise serait suspendue aux décisions imprévisibles des prétoires pendant des mois et des mois.
Sous le bénéfice de ces explications et compte tenu des priorités de la commission, qui souhaite simplifier ce dispositif afin d'éviter qu'il ne se retourne contre l'intérêt des entreprises, je souhaiterais qu'il vous soit possible, monsieur Cornu, de retirer les amendements n°s 358 et 357.
Quant à l'amendement n° 480, qui est un amendement de codification, la commission y est favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 358, 357, 163, 164 et 165 ?
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Les travaux de l'Assemblée nationale ont conforté le Gouvernement dans sa position : il a choisi de ne pas appliquer une sanction liée au droit du travail, dans la mesure où une telle sanction s'appliquerait à une offre faite par un repreneur potentiel français, mais pas par un repreneur potentiel étranger. Il y aurait donc une différence importante de traitement entre les offres.
A notre avis, la seule sanction opératoire est la supression du droit de vote. voilà pourquoi le Gouvernement est défavorable aux différents amendements proposés.
M. le président. Monsieur Cornu, maintenez-vous vos amendements n°s 358 et 357 ?
M. Gérard Cornu. Je les retire, monsieur le président.
M. le président. Les amendements n°s 358 et 357 sont retirés.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 163, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 480, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 164, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 165, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 166, M. Marini, au nom de la commission des finances, propose de compléter in fine le I. de l'article 4 par un alinéa ainsi rédigé :
« La sanction est levée le lendemain du jour où l'auteur de l'offre a été entendu par le comité d'entreprise de la société faisant l'objet de l'offre. La sanction est également levée si l'auteur de l'offre n'est pas convoqué à une nouvelle réunion du comité d'entreprise dans les quinze jours qui suivent la réunion à laquelle il avait été préalablement convoqué. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. Cet amendement a déjà été défendu.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu secrétaire d'Etat. Monsieur le président, je reviens sur l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 164, qui concernait non pas l'application du droit du travail mais visait à étendre la sanction de privation des droits de vote aux personnes physiques. C'est effectivement une solution envisageable, et je souhaitais donc m'en remettre à la sagesse du Sénat.
S'agissant maintenant de l'amendement n° 166, c'est un texte de coordination, précisément avec l'amendement n° 164 : je m'en remets également à la sagesse du Sénat.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 166, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 167, M. Marini, au nom de la commission des finances, propose de compléter in fine le I de l'article 4 par un alinéa ainsi rédigé :
« Aucune autre sanction que la suspension des droits de vote prévue par le présent article n'est applicable à l'auteur de l'offre. Aucun recours ne peut être interruptif des formalités requises par le calendrier de l'offre. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. Cet amendement a également été déjà défendu.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat L'amendement n° 167 vise à exclure toute autre sanction que la suspension des droits de vote. Je m'en suis expliqué tout à l'heure : j'y suis défavorable.
M. Jean-Jacques Hyest. J'avais eu l'impression que vous aviez dit le contraire tout à l'heure en faisant la différence entre les étrangers et les Français !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. C'est une nuance !
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 167, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.).
M. le président. Par amendement n° 435, M. Loridant, Mme Beaudeau, M. Foucaud, Mme Terrade et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent :
A. - De compléter le I de l'article 4 par deux alinéas ainsi rédigés :
« Pour qu'elle puisse être réalisée, l'offre publique d'achat ou l'offre publique d'échange doit être acceptée par une ou des organisations syndicales représentatives dans l'entreprise ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés lors des dernières élections au comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel. Lorsque le quorum a été atteint au premier tour des élections, le nombre de voix à prendre en compte est le total de celles recueillies par les candidats titulaires lors de ce tour. Si cette condition n'est pas satisfaite, une consultation du personnel peut être organisée à la demande d'une ou de plusieurs organisations syndicales signataires. L'offre publique d'achat ou l'offre publique d'échange peut être réalisée si elle est approuvée par les salariés à la majorité des suffrages exprimés ».
« Participent à la consultation prévue à l'alinéa ci-dessus les salariés satisfaisant aux conditions fixées par les articles L. 433-4 ou L. 423-7 du présent code. Les modalités d'organisation et de déroulement du vote font l'objet d'un accord entre le chef d'entreprise et les organisations syndicales. Cet accord doit respecter les principes généraux du droit électoral. Les modalités sur lesquelles aucun accord n'a pu intervenir peuvent être fixées dans les conditions prévues au troisième alinéa de l'article L. 433-9 du présent code. La consultation a lieu pendant le temps de travail. »
B. - En conséquence, à la fin du premier alinéa du même I, de remplacer les mots : « deux alinéas ainsi rédigés » par les mots : « quatre alinéas ainsi rédigés ».
La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret. Cet amendement concerne la question de la connaissance sur les offres publiques d'achat et les offres publiques d'échange. Ainsi que nous le précisons dans l'exposé des motifs, il se pose la question assez essentielle selon nous des rapports pour le moins ambigus qui lient entre elles les règles propres au droit social, d'une part, et, d'autre part, celles du droit des sociétés - fût-il, comme c'est le cas avec ce texte, codifié dans le code de commerce - et celle, plus fondamentale de la relation entre décision économique et société.
Le premier aspect que nous voulons traiter avec cet amendement est celui de l'irruption du social dans la décision économique.
Avec notre amendement, en effet, le personnel des entreprises faisant l'objet d'une offre publique d'achat ou d'échange serait directement consulté par la voie d'un référendum d'entreprise à la demande d'une ou plusieurs organisations syndicales de l'entreprise concernée afin de traduire concrètement l'avis de ceux qui, à défaut d'être actionnaires, sont, en pratique, concernés par la décision économique.
On ne peut, en effet, oublier qu'il n'est guère d'opérations de concentration ou de rapprochement entre entreprises qui n'aient fini par générer des suppressions d'emplois, sous prétexte qu'il est nécessaire de dégager une certaine forme de retour sur investissement pour les nouveaux actionnaires ou de rationaliser le processus de production.
On notera d'ailleurs que la langue économique d'aujourd'hui est riche de concepts servant à dissimuler ce que le langage commun appelle d'autres noms : qu'il s'agisse de plan social pour « charrette de licenciements » ou d'accroissement de la productivité pour « hausse des cadences de production », le vocabulaire « managerial » s'est profondément renouvelé et il habille aujourd'hui des couleurs de la modernité des procédés aussi vieux que la société marchande.
Notre souci est donc de faire de la consultation du personnel, soit par le biais de l'accord des organisations syndicales représentatives majoritaires dans l'entreprise, soit dans le cadre d'une consultation directe des personnels, un passage obligé dans la mise en oeuvre d'une procédure d'OPA ou d'OPE.
Pour nous, l'entreprise ne peut être réduite à une proie financière. Elle est aussi une manifestation de l'intérêt collectif.
Sous le bénéfice de ces observations, je vous invite, mes chers collègues, à adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. L'amendement de notre collègue subordonne la réalisation d'une offre publique d'achat ou d'échange à son acceptation par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives dans l'entreprise ou, à défaut, par les délégués du personnel, ou encore a»rès consultation du personnel.
Là, manifestement, on est face à une démarche politique, certainement honorable, mais qui ne peut être en cohérence avec la vision de la majorité de la commission des finances...
M. Jean-Jacques Hyest. Cela n'existe nulle part !
M. Philippe Marini, rapporteur. ... et qui n'est d'ailleurs pas plus en cohérence, me semble-t-il, avec le texte du Gouvernement, sans préjuger ce qu'il va nous dire.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Vous êtes trop bon avec le Gouvernement, monsieur le rapporteur ! (Sourires.)
M. Philippe Marini, rapporteur. Il est certain que je suis trop bon !
Je voudrais profiter tout de même de cette intervention pour redire que la réponse, madame le secrétaire d'Etat, qui a été faite tout à l'heure à la question, préoccupante en droit, du cumul possible des procédures et surtout des sanctions du droit du travail et du droit boursier, cette réponse, très franchement, nous ne l'avons pas entendue.
Nous ne l'avons pas entendue, et, pour les travaux préparatoires, il est vraiment important qu'elle figure clairement, si je puis me permettre de solliciter une prise de position à cet égard, dans nos débats parce que, s'il apparaît que cette réponse n'a pas été complètement argumentée, que va-t-il se passer ? Ainsi, le premier avocat venu d'un comité d'entreprise qui se trouvera placé dans cette situation ira devant le conseil des prud'hommes pour invoquer le délit d'entrave. Il va le faire. Ce n'est pas théorique !
Il faudrait donc que vous nous disiez si, oui ou non, avec votre texte, puisque vous estimez qu'il ne doit pas être amendé, il existe un risque de redondance ou de conflit entre le droit du travail et le droit boursier. Les entreprises ont besoin de cette réponse.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat Le Gouvernement ne peut pas être favorable à l'amendement n° 435 car l'article 4 a pour objet de renforcer les pouvoirs d'intervention du comité d'entreprise en cas d'offre publique. Or l'amendement vise à soumettre les OPA, les OPE et, plus généralement, les cessions d'entreprises à l'accord préalable des organisations syndicales, des comités d'entreprises, etc.
Je comprends la motivation de ce texte mais vous savez aussi, d'une part, qu'il n'y a pas forcément d'unanimité, y compris au sein d'une même organisation syndicale- nous avons vécu récemment un conflit qui en a fait la démonstration - d'autre part, que, personne n'étant certain de la cohérence interne des positions de l'ensemble des salariés ou de l'ensemble des organisations syndicales, on peut également avoir des refus qui conduisent à des conflits durs et qui aboutissent in fine à des situations dramatiques pour l'entreprise et les salariés. Autant nous voulons renforcer les pouvoirs et les moyens du comité d'entreprise - ce qui est novateur dans ce texte - autant aller au-delà ne rendrait service à personne. C'est pourquoi je souhaite, monsieur le sénateur, que vous retiriez votre amendement. A défaut, j'émettrai un avis défavorable.
Monsieur le rapporteur, en ce qui concerne l'amendement n° 167, et lui seul, il contient, vous l'avez rappelé, deux dispositions de nature différente.
Tout d'abord, il vise à exclure toute autre sanction que la suspension des droits de vote en cas de refus de l'auteur de l'offre de se rendre devant le comité d'entreprise. Le Gouvernement ne peut accepter une telle disposition. En effet, s'agissant de prérogatives du comité d'entreprise, il n'y a aucune raison de ne pas appliquer les sanctions de droit commun prévues par le code du travail, à savoir le délit d'entrave.
M. Philippe Marini, rapporteur. Ah !
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. La seconde phrase de l'amendement précise qu'il ne peut y avoir aucun recours interruptif des formalités requises par le calendrier de l'offre. Cette précision ne me semble pas nécessaire, car l'intervention du comité d'entreprise est strictement délimitée dans le temps.
De plus, en ce qui concerne le contenu de la note d'information, les éventuels contentieux y afférents sont de la compétence de la cour d'appel de Paris, qui a l'habitude de traiter ces questions très rapidement.
Pour ces raisons, le Gouvernement n'était pas favorable à l'adoption de cet amendement.
M. Philippe Marini, rapporteur. Vous êtes donc favorable au double contentieux ! Très bien !
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 435, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 437, M. Loridant, Mme Beaudeau, M. Foucaud, Mme Terrade et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de compléter in fine le dernier alinéa du II de l'article 4 par une phrase ainsi rédigée :
« Néanmoins, des dispositions équivalentes à celles prévues au sixième alinéa de l'article L. 432-1 sont mises en application à l'échelon de l'ensemble du groupe. »
La parole est à Mme Terrade.
Mme Odette Terrade. Il s'agissait d'un amendement de cohérence avec l'amendement n° 435.
M. le président. L'amendement n° 437 n'a plus d'objet.
Je vais mettre aux voix l'article 4.
M. Paul Loridant. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant. La question que pose en fin de compte cet article 4 amendé par la Haute Assemblée est double. D'une part, jusqu'où doit-on aller dans la transparence en matière d'information des salariés d'une entreprise concernée par une offre publique d'achat ou d'échange ? D'autre part, est-il inconvenant ou inconcevable de considérer qu'une possibilité de sanction puisse être liée à un défaut d'information et de transparence ?
Selon toutes les apparences et les explications de M. le rapporteur, la commission des finances et la Haute Assemblée optent clairement pour un objectif de limitation tant de la transparence que des possibilités de sanction.
Il y a manifestement quelque chose qui fait un peu peur à la majorité sénatoriale, c'est la possibilité que certaines règles applicables au droit du travail viennent toucher également le droit boursier. On pourrait dire, sans trahir exagérément la pensée de M. le rapporteur, et en tout cas la teneur même de son rapport, que sa crainte est que cette possibilité d'intervention des salariés ne vienne « contaminer » le processus d'offre publique d'achat ou d'échange.
C'est ainsi que, à la page 55 de ce rapport, est posée cette question essentielle : « le risque d'un blocage des offres : la reconnaissance d'un droit d'opposition aux salariés ? »
Sur ce point, notre position est claire, monsieur le rapporteur : nous disons « et pourquoi pas ? »
Qu'est-ce qui doit primer dans une procédure d'appel d'offres ?
Nous n'avons voté aucun des amendements de la commission des finances et nous ne voterons pas l'article 4, car il nous paraît remettre en cause les droits des salariés, qui se trouvent réduits par rapport à ce qu'ils étaient dans le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale. En outre, sur le fond, l'article 4 ne répond pas à la question originelle, à savoir que ce projet de loi doit modifier les rapports sociaux et donner des droits nouveaux aux salariés pour s'opposer à des opérations de restructuration qui viennent mettre en cause l'emploi alors même que les entreprises sont prospères.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 4, modifié.
M. Marc Massion. Le groupe socialiste s'abstient.

(L'article 4 est adopté.)

Article 5



M. le président.
« Art. 5. - L'article 33 de la loi n° 96-597 du 2 juillet 1996 précitée est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le règlement général du Conseil des marchés financiers fixe également les conditions dans lesquelles, lorsque plus de trois mois se sont écoulés depuis le dépôt d'un projet d'offre publique sur les titres d'une société, le conseil peut fixer, après avoir préalablement demandé aux parties de présenter leurs observations, une date de clôture définitive de toutes les offres publiques portant sur les titres de ladite société. »
Par amendement n° 438, M. Loridant, Mme Beaudeau, M. Foucaud, Mme Terrade et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de compléter in fine le dernier aliéna de cet article : « ainsi que les modalités de retrait d'une offre publique d'échange lorsque le conseil d'administration ou le conseil de surveillance et le comité d'entreprise de la société visée s'y sont déclarés hostiles. »
La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant. Je retire l'amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 438 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
je mets aux voix l'article 5.
M. Paul Loridant. Le groupe communiste républicain et citoyen vote contre.

(L'article 5 est adopté.)

TITRE II

POUVOIRS DES AUTORITÉS DE RÉGULATION

Chapitre Ier

Dispositions relatives aux établissements de crédit
et aux entreprises d'investissement

Article 6 A



M. le président.
« Art. 6 A. - I. - Au début de la dernière phrase du premier alinéa de l'article 45-1 de la loi n° 92-665 du 16 juillet 1992 portant adaptation au marché unique européen de la législation applicable en matière d'assurance et de crédit, les mots : "Assiste également aux séances du collège" sont remplacés par les mots : "Il est présidé par". »
« II. - A la fin de la première phrase du dernier alinéa du même article, les mots : "sous présidence tournante chaque année" sont supprimés. »
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 168 est présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances.
L'amendement n° 360 est déposé par MM. Cornu, Courtois, Cazalet, Francis Giraud et Murat.
Tous deux tendent à supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 168.
M. Philippe Marini, rapporteur. Il s'agit de supprimer l'article 6 A, suivant lequel le ministre chargé de l'économie préside le collège des autorités de contrôle des entreprises du secteur financier.
Cette innovation ne nous semble en effet ni souhaitable ni nécessaire, car le ministre assiste déjà aux réunions du collège. Le ministre n'étant pas lui-même une autorité de contrôle, il ne participe à ce collège que pour être informé de ce qui va s'y échanger. Il n'a donc manifestement pas vocation à en être le président.
Faire présider par le ministre chargé de l'économie un collège constitué de présidents d'autorités indépendantes, c'est naturellement nier cette indépendance ou la faire descendre d'un degré. On ne peut prétendre créer des régulateurs indépendants avec des présidents jouissant de la même indépendance et rassembler le tout dans un ensemble que l'on appelle « collège des autorités de contrôle », qui n'a d'ailleurs aucune compétence propre, et qui serait présidé par le ministre.
Là, madame le secrétaire d'Etat, vous « réadministrativisez » en quelque sorte (Exclamations sur toutes les travées). Pardonnez-moi, le mot n'est pas très beau et je le retire, disons que vous réduisez l'indépendance des régulateurs en les plaçant sous la présidence du ministre chargé de l'économie.
Le dispositif que vous nous proposez n'est pas conforme à l'évolution de l'organisation des régulateurs dans les pays développés et il est absolument en contradiction avec les principes adoptés lors du comité de Bâle de 1997.
Madame le secrétaire d'Etat, j'ai de la peine à comprendre l'origine de cette disposition ou, plus exactement, je crains qu'elle ne résulte de concessions que le ministre à dû faire lors de la discussion à l'Assemblée nationale.
M. le président. La parole est à M. Cornu, pour défendre l'amendement n° 360.
M. Gérard Cornu. L'amendement n° 360 a le même objet que l'amendement de la commission et je souscris totalement aux explications de M. le rapporteur.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 168 et 360 ?
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement confirme les propos qu'il a tenus au cours des débats antérieurs devant l'Assemblée nationale : il approuve la disposition prévue par l'amendement, car elle va dans le sens d'un renforcement de la cohérence et de l'autorité du collège des autorités de contrôle.
Je vous rappelle, monsieur le rapporteur, qu'il y a un commissaire du Gouvernement dans chacune des autorités de contrôle et que, si le ministre préside, il n'a pas de pouvoir spécifique.
Il s'agit en fait d'instituer un dispositif cohérent dans lequel le ministre pourra jouer un vrai rôle, mais sans autre souci que d'être celui qui coordonne le travail.
Je ne vois pas pourquoi cela vous chagrine à ce point. J'ai vu tout à l'heure que vous aviez de la peine. J'ai compris que c'était de la peine à nous comprendre. Par conséquent, le Gouvernement ayant été favorable à cette disposition à l'Assemblée nationale, il est défavorable à l'amendement de la commission des finances du Sénat.
M. le président. Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s 168 et 360.
M. Paul Loridant. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant. Pour les mêmes raisons que celles qu'a évoquées M. le rapporteur mais avec un argumentaire inversé, nous nous prononcerons contre ces deux amendements identiques.
En effet, nous considérons quant à nous, précisément parce qu'il s'agit de rééquilibrer les pouvoirs du politique par rapport aux forces du marché, qu'il est important que ce soit le ministre qui préside le collège regroupant ces autorités de contrôle.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 168 et 360, repoussés par le Gouvernement.

(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'article 6 A est supprimé.

Article 6



M. le président.
« Art. 6. - I. - La loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 relative à l'activité et au contrôle des établissements de crédit est ainsi modifiée :
« 1° A Après le troisième alinéa de l'article 15, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Pour fixer les conditions de son agrément, le Comité des établissements de crédit et des entreprises d'investissement peut prendre en compte la spécificité de certains établissements de crédit appartenant au secteur de l'économie sociale et solidaire. Il apprécie notamment l'intérêt de leur action au regard des missions d'intérêt général relevant de la lutte contre les exclusions ou de la reconnaissance effective d'un droit au crédit. » ;
« 1° Après le quatrième alinéa de l'article 15, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Enfin, le comité peut assortir l'agrément délivré de conditions particulières visant à préserver l'équilibre de la structure financière de l'établissement et le bon fonctionnement du système bancaire. Il peut aussi subordonner l'octroi de l'agrément au respect d'engagements souscrits par l'établissement requérant. » ;
« 2° Après l'article 15-1, il est inséré un article 15-2 ainsi rédigé :
« Art. 15-2 . - Toute modification des conditions auxquelles était subordonné l'agrément délivré à un établissement de crédit doit faire l'objet, selon les cas, d'une autorisation préalable du Comité des établissements de crédit et des entreprises d'investissement, d'une déclaration ou d'une notification, dans les conditions fixées par un règlement du Comité de la réglementation bancaire et financière.
« Dans les cas où une autorisation doit être délivrée, elle peut, elle-même, être assortie de conditions particulières répondant aux finalités mentionnées au sixième alinéa de l'article 15 ou subordonnée au respect d'engagements pris par l'établissement. » ;
« 3° Le I de l'article 19 est ainsi rédigé :
« I. - Le retrait d'agrément est prononcé par le Comité des établissements de crédit et des entreprises d'investissement à la demande de l'établissement. Il peut aussi être décidé d'office par le comité si l'établissement ne remplit plus les conditions ou les engagements auxquels était subordonné son agrément ou une autorisation ultérieure, ou si l'établissement n'a pas fait usage de son agrément dans un délai de douze mois ou lorsqu'il n'exerce plus son activité depuis au moins six mois. » ;
« 4° Au premier alinéa de l'article 45, les mots : "n'a pas respecté les engagements pris" sont remplacés par les mots : "n'a pas respecté les conditions particulières posées ou les engagements pris". »
« II. - La loi n° 96-597 du 2 juillet 1996 précitée est ainsi modifiée :
« 1° Après le septième alinéa de l'article 12, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le comité peut assortir l'agrément de conditions particulières visant à préserver l'équilibre de la structure financière de l'entreprise. Le comité peut également subordonner l'octroi de l'agrément au respect d'engagements souscrits par l'entreprise requérante. » ;
« 2° Après le quatrième alinéa de l'article 13, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le comité peut assortir l'agrément de conditions particulières visant à préserver l'équilibre de la structure financière de l'établissement. Le comité peut également subordonner l'octroi de l'agrément au respect d'engagements souscrits par l'établissement requérant. » ;
« 3° Après l'article 13, il est inséré un article 13-1 ainsi rédigé :
« Art. 13-1 . - Toute modification des conditions auxquelles était subordonné l'agrément délivré à une entreprise d'investissement ou à un établissement de crédit fournissant un ou plusieurs services d'investissement doit faire l'objet, selon les cas, d'une autorisation préalable du Comité des établissements de crédit et des entreprises d'investissement, d'une déclaration ou d'une notification, dans les conditions fixées par un règlement du Comité de la réglementation bancaire et financière.
« Dans les cas où une autorisation doit être délivrée, elle peut, elle-même, être assortie de conditions particulières répondant à la finalité mentionnée aux deuxièmes alinéas des articles 12 et 13 ou subordonnée au respect d'engagements pris par l'entreprise ou l'établissement. » ;
« 4° Avant le dernier alinéa de l'article 15, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La commission peut assortir l'agrément de conditions particulières visant à préserver l'équilibre de la structure financière de la société de gestion. Elle peut également subordonner l'octroi de l'agrément au respect d'engagements souscrits par la société requérante. » ;
« 5° Après l'article 15, il est inséré un article 15-1 ainsi rédigé :
« Art. 15-1 . - Toute modification apportée aux conditions auxquelles était subordonné l'agrément délivré à une société de gestion de portefeuille doit faire l'objet, selon les cas, d'une autorisation préalable de la Commission des opérations de bourse, d'une déclaration ou d'une notification, dans les conditions fixées par un règlement de la commission.
« Dans les cas où une autorisation doit être délivrée, elle peut, elle-même, être assortie de conditions particulières répondant à la finalité mentionnée à l'avant-dernier alinéa de l'article 15 ou subordonnée au respect d'engagements pris par la société de gestion. »
Par amendement n° 169, M. Marini, au nom de la commission des finances, propose de supprimer les deuxième et troisième alinéas du I de cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. Les deuxième et troisième alinéas du I de l'article 6 que la commission des finances propose de supprimer ont été introduits par amendement à l'Assemblée nationale.
Ces deux alinéas prévoient que le Comité des établissements de crédit et des entreprises d'investissements, pour fixer les conditions de son agrément, puisse prendre en compte la spécificité de certains établissements de crédit appartenant au secteur de l'économie sociale et solidaire. Ils précisent en outre qu'il devrait apprécier l'intérêt de leur action au regard des missions d'intérêt général relevant de la lutte contre les exclusions ou de la reconnaissance effective d'un droit au crédit.
Il est clair que cela ne relève pas de la compétence du CECEI. J'en veux pour preuve, madame le secrétaire d'Etat, la composition de ce comité. Les personnes très estimables qui en font partie sont complètement « hors du jeu » lorsqu'il s'agit d'apprécier des missions d'intérêt général en matière de lutte contre les exclusions.
Demander à un comité de hauts fonctionnaires et de banquiers d'attester de l'intérêt de certains établissements de crédit très spécifiques au regard de la lutte contre les exclusions, c'est complètement contre nature, cela revient, si je puis dire, à demander à un évêque d'organiser une maison close ! (Exclamations.) Peut-être cette comparaison est-elle quelque peu hors de propos ! (Sourires.) Quoi qu'il en soit, la commission des finances, qui a des raisonnements plus classiques, considère que, pour que les vaches soient bien gardées, il faut que celui qui les garde ait un minimum de compétences ! (Nouveaux sourires.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Nous sommes très attachés au développement de l'économie sociale et solidaire et l'objectif que sous-tend cet amendement doit être pris en compte.
Sans doute le dispositif gagnerait-il à être affiné afin, notamment, de ne pas imposer au CECEI des critères juridiquement inexacts ou inadaptés à son mode habituel de contrôle. Cette disposition est, en son principe, incontestable. C'est pourquoi, même si les critiques ont été enjolivées, le Gouvernement demande le rejet de cet amendement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 169.
M. Jean-Jacques Hyest. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. Je me demande s'il ne faudrait pas inscrire dans la nouvelle charte européenne des droits de l'homme le droit au crédit !
Il s'agit d'un droit bien curieux. A-t-on droit au crédit ? Je m'interroge.
Il existe de nombreux droits nouveaux. Vient s'y ajouter le droit au crédit. Voilà qui est intéressant car cette reconnaissance va beaucoup changer la nature de notre société.
On ne se rend même plus compte de ce qu'on dit et de ce qu'on écrit. Pourquoi ne pas continuer demain avec le droit à la propriété ? Non, surtout pas ! parce que la propriété, c'est le mal.
Mme Odette Terrade. Cela dépend laquelle !
M. Pierre Hérisson. Celle du voisin !
M. Jean-Jacques Hyest. C'est une étrangeté !
Il faudra m'expliquer ce qu'est ce nouveau droit au crédit dont vous confirmez l'instauration, madame le secrétaire d'Etat ?
M. Philippe Marini, rapporteur. C'est fou !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Je suis désespéré !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 169, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 361, MM. Cornu, Courtois, Cazalet, Francis Giraud et Murat proposent, dans la première phrase du deuxième alinéa du 1° du I de cet article, après les mots : « peut assortir », d'insérer les mots : « , après avis de la commission bancaire, ».
Cet amendement n'a plus d'objet.
Par amendement n° 362, MM. Cornu, Courtois, Cazalet, Francis Giraud et Murat proposent :
« I. - Dans la première phrase du deuxième alinéa du 1° du II de l'article 6 après les mots : « peut assortir », d'insérer les mots : « , après avis de la commission bancaire, ».
« II. - En conséquence, dans la première phrase du deuxième alinéa du 2° du même II, après les mots : « peut assortir », d'insérer les mots : « , après avis de la commission bancaire, ».
Cet amendement n'a plus d'objet.
Par amendement n° 170, M. Marini, au nom de la commission des finances, propose de compléter in fine le II de l'article 6 par deux alinéas ainsi rédigés :
« 6° Le premier alinéa du I de l'article 18 est ainsi rédigé :
« Le retrait d'agrément d'une entreprise d'investissement autre qu'une société de gestion de portefeuille est prononcé par le Comité des établissements de crédit et des entreprises d'investissement à la demande de l'entreprise d'investissement. Il peut aussi être décidé d'office par le Comité si l'entreprise d'investissement ne remplit plus les conditions ou les engagements auxquels étaient subordonnés son agrément ou une autorisation ultérieure, ou si l'entreprise d'investissement n'a pas fait usage de son agrément dans un délai de douze mois ou lorsqu'elle n'exerce plus son activité depuis au moins six mois. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. Avec cet article, le Gouvernement a entrepris de légaliser la pratique des conditions et engagements conditionnant l'agrément donné par le CECEI ou par la COB. C'est assurément une bonne chose.
Malheureusement, le travail d'harmonisation n'est pas complet et certaines dispositions, pourtant symétriques à d'autres, ont tout simplement été oubliées. C'est pourquoi nous les rétablissons avec l'amendement n° 170.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Dans la mesure où la rédaction des dispositions relatives à l'agrément des établissements de crédits des entreprises d'investissement a été harmonisée, il convient effectivement de conserver autant que faire se peut cette symétrie pour les dispositions concernant le retrait d'agrément.
Je m'en remets donc à la sagesse de la Haute Assemblée sur cette disposition qui permet d'aligner en cette matière les dispositions de la loi bancaire.
Cet avis du Gouvernement salue la qualité du travail de la commission.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 170, sur lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 171, M. Marini, au nom de la commission, propose de compléter in fine le II de l'article 6 par deux alinéas ainsi rédigés :
« 7° Le premier alinéa du I de l'article 19 est ainsi rédigé :
« Le retrait d'agrément d'une société de gestion de portefeuille est prononcé par la Commission des opérations de bourse à la demande de la société. Il peut aussi être décidé d'office par la Commission si la société ne remplit plus les conditions ou les engagements auxquels étaient subordonnés son agrément ou une autorisation ultérieure, ou si la société n'a pas fait usage de son agrément dans un délai de douze mois ou lorsqu'elle n'exerce plus son activité depuis au moins six mois ou lorsque la poursuite de son activité est de nature à porter atteinte aux intérêts des investisseurs. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. Cet amendement tend à réparer des oublis.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement accepterait cet amendement si M. le rapporteur acceptait que les mots : « ou lorsque la poursuite de son activité est de nature à porter atteinte aux intérêts des investisseurs » soient supprimés.
Le dispositif proposé serait ainsi en symétrie totale et en parfaite cohérence avec l'amendement n° 170.
M. Philippe Marini, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. Je donne bien volontiers mon accord à cette rectification.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 171 rectifié, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, et visant à compléter in fine le II de l'article 6 par deux alinéas ainsi rédigés :
« 7° Le premier alinéa du I de l'article 19 est ainsi rédigé :
« Le retrait d'agrément d'une société de gestion de portefeuille est prononcé par la Commission des opérations de bourse à la demande de la société. Il peut aussi être décidé d'office par la Commission si la société ne remplit plus les conditions ou les engagements auxquels étaient subordonnés son agrément ou une autorisation ultérieure, ou si la société n'a pas fait usage de son agrément dans un délai de douze mois ou lorsqu'elle n'exerce plus son activité depuis au moins six mois. »
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 171 rectifié, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 6, modifié.

(L'article 6 est adopté.)

Article additionnel après l'article 6



M. le président.
Par amendement n° 172, M. Marini, au nom de la commission des finances, propose d'insérer après l'article 6, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Dans l'article 7 de la loi n° 96-597 du 2 juillet 1996 de modernisation des activités financières, les mots : "qui ont pour profession habituelle et principale de fournir des services d'investissement" sont remplacés par les mots : "qui fournissent des services d'investissement à titre de profession habituelle".
« II. - L'article 9 de la même loi est ainsi rédigé :
« Art. 9. - Le Comité de la réglementation bancaire et financière fixe les conditions dans lesquelles les entreprises d'investissement peuvent exercer, à titre professionnel, une activité autre que celles prévues à l'article 4. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. Il s'agit d'un article additionnel qui vise à rapprocher la rédaction de la loi de modernisation des activités financières de juillet 1996 du texte de la directive européenne de 1993 sur les services d'investissement.
En effet, en l'état actuel de notre droit, une entreprise qui fournit des services connexes aux services d'investissement à titre principal ne peut pas avoir la qualité d'entreprise d'investissement et, donc, bénéficier du passeport européen.
La rédaction de la loi de modernisation des activités financières a pu, malgré tout le soin que nous lui avons apporté, présenter quelques incohérences ou insuffisances.
Cet article additionnel permettrait de régler les difficultés apparues, en soulignant d'ailleurs que des situations de ce type ont été examinées par le conseil des marchés financiers qui a considéré, me semble-t-il, qu'une telle précision était nécessaire.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. A l'usage, il a pu effectivement apparaître que cette rédaction pourrait conduire à ne pas agréer une entreprise dont une part, majoritaire, des activités relèverait des services connexes et l'autre part, minoritaire, des services d'investissement.
La modification proposée, dans la mesure où elle est encadrée par la fixation par le CRBF des conditions dans lesquelles une entreprise pourrait fournir à titre professionnel une activité autre que des services d'investissement et bénéficier néanmoins d'un agrément, peut donc avoir sa justification.
Sur cette proposition, je m'en remets à la sagesse de l'assemblée.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 172, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 6.

Article additionnel avant l'article 7



M. le président.
Par amendement n° 439, M. Loridant, Mme Beaudeau, M. Foucaud, Mme Terrade et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, avant l'article 7, d'insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Dans le premier alinéa de l'article 15 de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 précitée, après les mots : "l'agrément délivré par le" sont insérés les mots : "ministre chargé de l'économie sur avis du" et les mots : "le comité" sont remplacés par les mots : "le ministre".
« II. - Il est procédé au même remplacement du quatrième au septième alinéa du même article.
« III. - A l'article 15-1 de la même loi, les mots : "sa décision" sont remplacés par les mots : "son avis".
« IV. - Aux I et II de l'article 19, à l'article 31 et à l'article 32 de la même loi, les mots : "ministre chargé de l'économie sur avis du" sont insérés avant les mots : "comité des établissements de crédit et des entreprises d'investissement".
« V. - Au début du premier alinéa de l'article 38 de la même loi, les mots : "La commission bancaire comprend le gouverneur de la Banque de France ou son représentant, président," sont remplacés par les dispositions : "Le président de la Commission bancaire est désigné par arrêté du ministre chargé de l'économie. Elle comprend également... (Le reste sans changement.) »
« VI. - En conséquence, dans l'ensemble des lois et règlements en vigueur, avant les mots : "président de la commission bancaire », les mots : "gouverneur de la Banque de France" sont supprimés. »
La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant. Cet amendement, qui porte sur la question essentielle de la place des responsables politiques dans les règles de fonctionnement du secteur financier et, singulièrement, du secteur bancaire, présente évidemment quelques similitudes, dans son esprit, avec celui que l'Assemblée nationale a adopté sous le nom d'article 6 A et qui consacrait la place particulière du ministre de l'économie dans le fonctionnement des autorités de régulation.
Sa philosophie est clairement identitaire, puisqu'il s'agit de revenir sur la question clé de la séparation entre les fonctions entre direction de la Banque centrale et secteur de la surveillance bancaire.
La loi de 1993 sur l'indépendance de la Banque de France par rapport au pouvoir politique a, en effet, alors même qu'on ne nous en faisait pas obligation, fusionné les deux fonctions, faisant du gouverneur à la fois le "banquier central", c'est-à-dire le responsable de la Banque centrale, et le chef de file de la surveillance bancaire.
L'exposé des motifs de l'amendement n° 439 rappelle, à bon escient, me semble-t-il, qu'il n'en est pas de même dans un grand pays voisin où la banque centrale n'a pourtant pas été la dernière à revendiquer son indépendance.
Nous souhaitons donc que cette orientation soit retenue pour ce qui concerne notre pays et que nous revenions, dans les faits, sur les termes de la loi de 1993, dont nous n'aurons jamais de cesse de souligner les errements et les limites.
Très clairement, nous souhaitons que le gouverneur de la Banque centrale reste le gouverneur de la Banque centrale et que l'autorité de surveillance soit présidée par le ministre, puisque c'est lui qui doit avoir l'autorité, et non pas, comme c'est le cas actuellement, par le gouverneur de la Banque centrale.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Le débat sur la place du politique dans l'organisation des phénomènes économiques et dans la régulation est un débat utile et il doit avoir lieu. Toutefois, chers collègues, est-ce servir la fonction politique que de prévoir que le ministre, autorité publique, se trouve ainsi, en première ligne, en charge de trancher des questions individualisées qui mettent en présence des groupes d'intérêts ? Est-ce la fonction du ministre ?
M. Gérard Cornu. Non !
M. Philippe Marini, rapporteur. S'il existe une Commission bancaire indépendante - et celle-ci, nous dit-on, est appelée à une prochaine réforme, sans doute pour être encore plus indépendante, du moins c'est le souhait que je me permettrai d'émettre -, c'est bien pour que l'agrément des établissements de crédit et le suivi de leur situation prudentielle soient le fait de personnes neutres, s'exprimant en termes techniques et sans pouvoir être suspectées de quelque biais politicien que ce soit.
Si l'on devait, par une vue de l'esprit, charger le ministre d'autorisations qui sont extrêmement sensibles dans ces domaines, ne créerait-on pas les conditions de pressions considérables ? Ne placerait-on pas le ministre dans une situation impossible ? En effet, on l'instrumentaliserait, en quelque sorte, puisqu'il devrait, sans avoir nécessairement tous les éléments d'appréciation, donner raison aux uns et tort aux autres, et donc prendre des décisions qui, me semble-t-il, ne sont vraiment plus celles que l'on est susceptible de prendre aujourd'hui dans l'économie de marché telle qu'elle est.
Le rejet de cet amendement par la commission des finances traduit une conception différente de notre part de la responsabilité ministérielle. Ce n'est pas une conception moins exigeante que la vôtre, j'oserais dire bien au contraire, mais nous ne voulons pas du mélange des genres !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement apprécie beaucoup la qualité du débat sur la place du politique, débat qui est demandé par les citoyens. Mais il est défavorable à cet amendement.
Il nous semble important en effet de conserver une distinction très nette entre l'activité de réglementation, qui est confiée au ministre, et les activités d'agrément et de contrôle, qui sont attribuées à des autorités administratives indépendantes. Transférer au ministre les compétences d'agrément des établissements de crédit ou lui confier, ce qui revient au même, le pouvoir de désigner le président de la commission bancaire romprait avec les règles et les usages en vigueur sur notre territoire et chez nos partenaires, pour des raisons qui sont effectivement des raisons d'exposition, si je puis me permettre de résumer ainsi ce que vous venez de dire, monsieur le sénateur.
L'adoption de l'amendement proposé conduirait en outre à desserrer les liens avec la banque centrale. Elle induirait de graves incertitudes quant au statut et au devenir des personnels, par exemple, de la Banque de France, et ces personnels sont sensibles à cet aspect des choses.
Par ailleurs, je rejoins ce qui a été dit : les prérogatives du Gouvernement au sein des autorités de régulation sont préservées en vertu de plusieurs dispositions de la loi bancaire. Ces prérogatives du Gouvernement existent, et il ne faut pas les oublier.
Le ministre est en effet représenté au sein de deux institutions. Il a la faculté de demander l'ajournement des décisions des CECEI si un élément le lui permet ou si sa conviction va en ce sens. Je pense donc que les choses sont bien faites ainsi, et il est vrai que l'influence forte que pourrait subir un ministre serait de nature à casser quelque peu cette logique d'indépendance.
S'agissant des mètres carrés des grandes surfaces, sujet qui n'a rien à voir, je vous rappelle que, récemment, les autorités indépendantes de contrôle qui étaient sous l'autorité du ministre, ont été placées sous l'autorité d'une personne totalement indépendante, pour des raisons justement d'influences et de pressions, afin d'éviter ce type de situation trop difficile pour le ministre lui-même, en revanche, celui-ci est chargé du respect de la loi, cela me paraît suffisant.
L'amendement proposé étant dangereux, monsieur Loridant, je vous demande de bien vouloir le retirer. Dans le cas contraire, le Gouvernement y serait défavorable.
M. le président. Monsieur Loridant, l'amendement est-il maintenu ?
M. Paul Loridant. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je vais donc le mettre aux voix.
M. Paul Loridant. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant. Ce débat est intéressant, mais il ne faudrait pas avoir la mémoire courte. Rappelez-vous, c'était au cours de l'été 1999, la bataille bancaire opposant la BNP et la Société générale à propos du contrôle de Paribas et de la Société générale.
L'autorité dite « indépendante » qui devait donner son avis était bien ennuyée pour le faire. Le président du CECEI a bien auditionné le président de la Société générale, celui de la BNP et celui de Paribas, mais on n'a jamais su vraiment quel était son avis ! Le ministre, lui, en avait un : il souhaitait la constitution d'une grande banque française capable de s'imposer sur la place, mais il n'a pas été entendu ! C'est cela la réalité, madame le secrétaire d'Etat, et les faits démentent la démonstration que vous venez de faire ainsi que celle de M. le rapporteur.
C'est précisément au vu de ces éléments et de l'intention originelle qui sous-tend ce projet de loi de redonner des pouvoirs aux politiques par rapport aux marchés qu'il faut mettre les instances politiques en situation d'imprimer des inflexions. La future loi sur les nouvelles régulations économiques ne doit pas tendre à mettre de l'huile dans les mécanismes de marché, elle doit, dans notre esprit en tout cas, redonner le pouvoir aux politiques sur un certain nombre de dossiers parce que les faits - l'affaire Michelin, l'affaire BNP-Société générale, l'affaire Alstom à Belfort - ont montré que le pouvoir politique n'avait plus l'autorité nécessaire pour donner des orientations.
Nous maintenons donc cet amendement en regrettant, madame le secrétaire d'Etat, sur ce point précis, notre désaccord avec le Gouvernement.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 439, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 7



M. le président.
« Art. 7. - L'article 15 de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 précitée est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Toute personne physique ou morale envisageant de déposer un projet d'offre publique au Conseil des marchés financiers en application de l'article 33 de la loi n° 96-597 du 2 juillet 1996 précitée, en vue d'acquérir une quantité déterminée de titres d'un établissement de crédit agréé en France, est tenue d'en informer le ministre chargé de l'économie, puis le gouverneur de la Banque de France, président du Comité des établissements de crédit et des entreprises d'investissement, huit jours ouvrés avant le dépôt de ce projet d'offre ou son annonce publique si elle est antérieure. »
Par l'amendement n° 441, M. Loridant, Mme Beaudeau, M. Foucaud, Mme Terrade et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, dans le second alinéa de cet article, de supprimer les mots : « au conseil des marchés financiers en application de l'article 33 de la loi n° 96-597 du 2 juillet 1996 précitée ».
La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant. Je considère que j'ai défendu cet amendement, qui relève de la même philosophie que mes amendements précédents.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 441, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je suis maintenant saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 173 est présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances.
L'amendement n° 364 est présenté par MM. Cornu, Courtois, Cazalet, Francis Giraud et Murat.
Tous deux visent, dans le deuxième alinéa de l'article 7, à supprimer les mots : « le ministre chargé de l'économie, puis ».
Enfin, l'amendement n° 440 rectifié, présenté par M. Loridant, Mme Beaudeau, M. Foucaud, Mme Terrade et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, dans le second alinéa de l'article 7, de remplacer les mots : « puis le gouverneur de la Banque de France, président du Comité des établissements de crédit et des entreprises d'investissement » par les mots : « président du collège des autorités de contrôle des entreprises du secteur financier ».
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 173.
M. Philippe Marini, rapporteur. Cet amendement vise à revenir au texte initial du Gouvernement, qui prévoyait l'information préalable du gouverneur de la Banque de France en cas d'offre publique visant un établissement de crédit, et non pas l'information du ministre chargé de l'économie, puis celle du gouverneur de la Banque de France. Le texte initial nous semble plus conforme à une bonne répartition des compétences.
M. le président. La parole est à M. Cornu, pour présenter l'amendement n° 364.
M. Gérard Cornu. Cet amendement est identique à celui de la commission. Il est en effet inutile d'inscrire dans la loi l'obligation d'informer le ministre de l'économie dans le cas d'opérations boursières, le Gouverneur de la Banque de France le faisant systématiquement quand celles-ci sont d'une certaine ampleur.
M. le président. La parole est à M. Loridant, pour présenter l'amendement n° 440 rectifié.
M. Paul Loridant. J'ai déjà défendu cet amendement lors de mon intervention sur l'amendement n° 439. Il procède de la même philosophie.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements identiques n°s 173 et 364, ainsi que sur l'amendement n° 440 rectifié ?
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. A l'Assemblée nationale, le Gouvernement s'est rallié à une position consistant à obliger l'initiateur d'une offre à informer préalablement le ministre chargé de l'économie, puis le gouverneur de la Banque de France. Par conséquent, il ne peut être favorable aux amendements identiques.
S'agissant de l'amendement de M. Loridant, sa position est la même que précédemment.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 173 et 364, repoussés par le Gouvernement.

(Ces amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 440 rectifié n'a plus d'objet.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 174 est présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances.
L'amendement n° 363 est déposé par MM. Cornu, Courtois, Cazalet, Francis Giraud et Murat.
Tous deux visent, dans le deuxième alinéa de l'article 7, à remplacer les mots : « huit jours » par les mots : « deux jours ».
La parole est M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 174.
M. Philippe Marini, rapporteur. Il s'agit également de revenir au texte initial du Gouvernement, qui était plus orthodoxe et qui prévoyait l'information préalable du Gouverneur de la Banque de France en cas d'offre publique visant un établissement de crédit deux jours ouvrés avant le dépôt de l'offre et non plus huit jours, comme le propose dangereusement l'Assemblée nationale.
Je sais bien que, là encore, vous avez dû faire des concessions, madame le secrétaire d'Etat, mais nous voudrions vous aider pour que le texte de la loi soit un peu plus réaliste.
M. le président. La parole est à M. Cornu, pour présenter l'amendement n° 363.
M. Gérard Cornu. Il est en effet important de réduire le délai adopté à l'Assemblée nationale parce qu'il faut faire attention au risque de délit d'initié.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements identiques n°s 174 et 363 ?
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Je rappellerai tout d'abord que seule l'Italie a introduit dans sa législation un délai de sept jours. Dans la majorité des pays, la pratique conduit à des délais variables qui peuvent être brefs.
Pour sa part, le Gouvernement estime que le délai minimal d'information préalable qui précède la tenue du conseil d'administration statuant sur le projet d'offre ou le dépôt de celle-ci auprès du conseil des marchés financiers doit être suffisamment court pour permettre de préserver les conditions de confidentialité et de souplesse nécessaires à la bonne réalisation des opérations de restructuration bancaires et éviter de donner un signal protectionniste à nos partenaires, notamment européens. C'est pourquoi, si le débat reste ouvert, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 174 et 363, pour lesquels le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Par amendement n° 476, M. Loridant, Mme Beaudeau, M. Foucaud, Mme Terrade et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de compléter in fine l'article 7 par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu'une offre publique a été déposée sans l'information préalable requise ou que l'opération est manifestement de nature à perturber l'équilibre du système financier, les autorités compétentes constatent à la demande du ministre chargé de l'économie l'irrégularité de l'acquisition des titres concernés et prononcent l'irrecevabilité de l'offre ou le refus de l'agrément. »
La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant. Il faut noter que l'obligation d'information préalable n'en est pas vraiment une, dès lors qu'aucune sanction ne vient remettre en question l'absence de transmission de l'information préalable en cas d'opérations d'offre publique d'achat ou d'échange.
Dans ce contexte, notre amendement prévoit donc la déchéance de l'opération dès lors que la transmission de l'information n'a pas eu lieu et renforce de ce fait le caractère obligatoire de l'information préalable. Il s'agit, là encore, de permettre à la puissance publique, parce qu'elle représente les intérêts de la collectivité, de jouer pleinement son rôle dans ce type de procédure qui, nous le savons pertinemment, peut avoir des effets néfastes pour certaines catégories de salariés ou même pour la simple survie de certaines activités économiques dans les opérations de restructuration.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Ce serait vraiment faire marche arrière que d'adopter cet amendement, puisqu'il vise en réalité à restituer le fait du prince. Le ministre chargé de l'économie serait dès lors totalement souverain pour faire échouer une opération de marché. Il donnerait instruction aux autorités, qui naturellement ne seraient même plus des régulateurs - elles ne seraient que des exécutants - de constater l'irrégularité de l'acquisition des titres concernés et de prononcer l'irrégularité de l'offre ou le refus de l'agrément. C'est la négation même de la régulation. Nous en sommes revenus au système d'administration des marchés, à supposer d'ailleurs qu'il ait jamais existé. En tout cas, là où il existait, il n'y avait pas d'économie de marché.
M. Jean-Jacques Hyest. Dans ces conditions, il n'y aurait plus de marché !
M. Philippe Marini, rapporteur. La commission est donc défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Cet amendement vise à instaurer une sanction spécifique, si j'ai bien compris, au cas où l'obligation d'informer n'a pas été respectée. Les deux autorités, le CMF et la COB, ont pour compétence la surveillance et la garantie des droits des épargnants afin qu'ils ne soient pas lésés par l'absence d'information. Une telle sanction n'est donc pas adaptée. Aussi, monsieur Loridant, je vous demande de retirer l'amendement n° 476, faute de quoi le Gouvernement émettra un avis défavorable.
M. Paul Loridant. Je retire l'amendement n° 476.
M. le président. L'amendement n° 476 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 7, modifié.
M. Jean-Marc Pastor. Le groupe socialiste s'abstient.

(L'article 7 est adopté.)

Article 8



M. le président.
« Art. 8. - I. - La loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 précitée est ainsi modifiée :
« 1° Au sixième alinéa de l'article 15, les mots : "l'honorabilité nécessaire et l'expérience" sont remplacés par les mots : "l'honorabilité et la compétence nécessaires ainsi que l'expérience" ;
« 2° Au deuxième alinéa de l'article 17, après les mots : "deux personnes au moins", sont insérés les mots : "qui doivent satisfaire à tout moment aux conditions prévues à l'article 15". »
« II. - La loi n° 96-597 du 2 juillet 1996 précitée est ainsi modifiée :
« 1° Au premier alinéa de l'article 14, les mots : "apprécie la qualité de ce programme au regard de la compétence et de l'honorabilité des dirigeants" sont remplacés par les mots : "apprécie la qualité de ce programme au regard de l'honorabilité et de la compétence des dirigeants et de l'adéquation de leur expérience à leurs fonctions" ;
« 2° Le 4° de l'article 15 est ainsi rédigé :
« Est dirigée effectivement par des personnes possédant l'honorabilité et la compétence nécessaires ainsi que l'expérience adéquate à leur fonction ; ». - (Adopté.)
Mes chers collègues, je vous rappelle que les amendements tendant à insérer des articles additionnels après l'article 8 ont été examinés par priorité, après l'article 1er.

Chapitre II

Dispositions relatives aux entreprises d'assurance

Article 9

M. le président. « Art. 9. - I. - L'article L. 321-10 du code des assurances est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L'octroi de l'agrément peut être subordonné au respect d'engagements souscrits par l'entreprise requérante. »
« II. - Après le premier alinéa de l'article L. 322-4 du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L'autorisation donnée à des opérations mentionnées au premier alinéa peut être subordonnée au respect d'engagements souscrits par une ou plusieurs des personnes ayant présenté une demande d'autorisation. » - (Adopté.)

Article 10



M. le président.
« Art. 10. - I. - Avant le dernier alinéa de l'article L. 322-2 du code des assurances, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les personnes appelées à fonder, diriger ou administrer une entreprise ou une société mentionnée au premier alinéa doivent posséder la qualification nécessaire à leur fonction. »
« II. - Le deuxième tiret du premier alinéa de l'article L. 321-10 du même code est complété par les mots : "appréciées dans les conditions définies à l'article L. 322-2".
« III. - Après le 4° de l'article L. 310-18 du même code, il est inséré un 4° bis ainsi rédigé :
« bis La démission d'office d'un ou plusieurs dirigeants de l'entreprise ; ».
Par amendement n° 175, M. Marini, au nom de la commission, propose, à la fin du deuxième alinéa de cet article, de remplacer les mots : « la qualification nécessaire à leur fonction » par les mots : « la compétence ainsi que l'expérience nécessaires à leur fonction ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. La commission s'est demandé pourquoi deux formulations qui s'appliquent, à notre avis, aux mêmes objets ne sont pas identiques.
S'agissant des conditions requises des dirigeants dans le domaine bancaire, le texte repose sur une trilogie : « honorabilité, compétence et expérience ». En matière d'assurance, ce n'est plus qu'un duo : « honorabilité et qualification ».
L'amendement que je présente vise à aligner les rédactions puisqu'il nous semble qu'il n'y a pas de raisons particulières de ne pas employer le même langage pour les critères d'agrément de dirigeants tant du côté assuranciel que du côté bancaire.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. La commission a raison de se poser la question ; le Gouvernement est donc favorable à l'amendement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 175, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 176, M. Marini, au nom de la commission, propose de rédiger ainsi le II de l'article 10 :
« II. - Dans le troisième alinéa de l'article L. 321-10 du même code, les mots : "et la qualification des personnes chargées de la conduire", sont remplacés par les mots : ", la compétence et l'expérience des personnes chargées de la conduire, appréciées dans les conditions définies à l'article L. 322-2". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. Il s'agit également d'aligner la rédaction du code des assurances sur la rédaction de la loi bancaire, ainsi que sur celle de la loi de modernisation des activités financières.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement est également favorable à cet amendement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 176, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 10, modifié.

(L'article 10 est adopté.)

Article additionnel après l'article 10



M. le président.
Par amendement n° 177, M. Marini, au nom de la commission, propose d'insérer, après l'article 10, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article L. 411-1 du code des assurances est ainsi modifié :
« I. - Après le onzième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« - le président du conseil de surveillance du fonds de garantie institué à l'article L. 423-1 ou un membre du directoire le représentant. »
« II. - Dans le dernier alinéa, le mot : "onzième" est remplacé par le mot : "douzième". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. Il s'agit de prévoir que le président du conseil de surveillance du fonds de garantie des assurés sur la vie, créé par la loi relative à l'épargne et à la sécurité financière de 1999, est membre de droit du Conseil national des assurances. En effet, aujourd'hui, il y siège, mais à titre de représentant des assurés, ce qui ne semble pas satisfaisant. C'était probablement un oubli dans la loi de 1999.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. La remarque est opportune. En conséquence, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 177, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 10.

Article 11



M. le président.
« Art. 11. - L'article L. 322-4 du code des assurances est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Toute personne envisageant de déposer un projet d'offre publique au Conseil des marchés financiers en application de l'article 33 de la loi n° 96-597 du 2 juillet 1996 de modernisation des activités financières, en vue d'acquérir une quantité déterminée de titres d'une entreprise d'assurance agréée en France, est tenue d'en informer le ministre chargé de l'économie deux jours ouvrés avant le dépôt de ce projet d'offre ou son annonce publique si elle est antérieure. »
Par amendement n° 444, M. Loridant, Mme Beaudeau, M. Foucaud, Mme Terrade, les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, dans le second alinéa de l'article 11, de supprimer les mots : « au conseil des marchés financiers en application de l'article 33 de la loi n° 96-597 du 2 juillet 1996 de modernisation des activités financières ».
La parole est à Mme Terrade.
Mme Odette Terrade. Si vous le permettez, monsieur le président, je défendrai en même temps les trois amendements que nous avons déposés sur cet article.
M. le président. Je vais donc appeler également en discussion les deux amendements suivants.
Par amendement n° 443, M. Loridant, Mme Beaudeau, M. Foucaud, Mme Terrade, les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, dans le second alinéa de l'article 11, après les mots : « ministre chargé de l'économie », d'insérer les mots : « , président du collège des autorités de contrôle des entreprises du secteur financier, ».
Par amendement n° 442, M. Loridant, Mme Beaudeau, M. Foucaud, Mme Terrade, les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, dans le second alinéa de cet article, après les mots : « ministre chargé de l'économie », d'insérer les mots : « ainsi que les commissions des finances des assemblées parlementaires ».
La parole est à Mme Terrade.
Mme Odette Terrade. L'article 11 vise les offres publiques d'achat ou d'échange survenant dans le secteur, ô combien important pour l'économie - et notamment pour la gestion de la dette de l'Etat ou pour le développement du secteur de l'immobilier -, des compagnies et sociétés d'assurance.
Les trois amendements que nous avons déposés sur cet article sont en quelque sorte symétriques de ceux que nous avons défendus sur l'article 7.
Dans les trois cas, il s'agit de faire valoir la place particulière du pouvoir politique au sein de la commission de contrôle des assurances et d'y appliquer le traitement que nous avons souhaité, dans le droit-fil de la loi de 1999, voir appliqué aux autorités de contrôle dans les domaines boursier et financier.
Je préciserai seulement que le premier de ces amendements fait expressément référence à l'information des assemblées parlementaires, ce qui peut se concevoir dans la mesure où le Parlement est, d'une certaine manière, dépositaire de la souveraineté populaire.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 444, 443 et 442 ?
M. Philippe Marini, rapporteur. S'agissant de l'amendement n° 444, il nous semble difficile que l'obligation d'information s'applique à des offres visant, certes, une entreprise d'assurance agréée en France mais déposées sur d'autres places que celle de Paris. Notre avis est donc défavorable.
L'amendement n° 443 étant incompatible avec l'amendement n° 168 de la commission, adopté tout à l'heure, nous y sommes défavorables par coordination.
Nous sommes également défavorables à l'amendement n° 442, qui prévoit que les commissions des finances du Sénat et de l'Assemblée nationale seraient informées, comme le ministre, des projets d'offre publique visant une compagnie d'assurance. Une telle disposition ferait en effet peser de graves risques sur la nécessaire confidentialité qui doit entourer des opérations de ce type. Elle placerait en tout cas un très grand nombre de personnes dans la situation d'initiés à l'égard d'une opération boursière près de se réaliser.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur ces trois amendements ?
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. L'amendement n° 444 a pour objet d'étendre l'obligation d'information à toutes les offres publiques visant une entreprise d'assurance installée en France, quel que soit le marché sur lequel elle est cotée. Cette disposition paraît très difficile à mettre en pratique. N'étant pas, en cet instant, en mesure d'apporter une réponse totalement éclairée sur les possibilités techniques d'application d'une telle dispostion, je m'en remettrai, pour ce qui est de cet amendement, à la sagesse du Sénat.
En ce qui concerne l'amendement n° 442, il est certain que sa mise en oeuvre placerait dans une situation extrêmement difficile tant ceux qui ont à diffuser l'information que ceux qui la reçoivent. Dans ces conditions le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 444, repoussé par la commission et pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 443, repoussé par la commission.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 442, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 11.

(L'article 11 est adopté.)
M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

11

DÉPÔT D'UN PROJET DE LOI

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre un projet de loi autorisant l'approbation du protocole relatif aux zones et à la vie sauvage spécialement protégées à la convention pour la protection et la mise en valeur du milieu marin de la région des Caraïbes (ensemble trois annexes).
Le projet de loi sera imprimé sous le numéro 19, distribué et renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

12

TRANSMISSION
D'UN PROJET DE LOI ORGANIQUE

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre un projet de loi organique, adopté par l'Assemblée nationale, modifiant la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel.
Le projet de loi organique sera imprimé sous le numéro 16, distribué et renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

13

RENVOI POUR AVIS

M. le président. J'informe le Sénat que le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, sur l'épargne salariale (n° 11, 2000-2001), dont la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation est saisie au fond, est renvoyé pour avis, à sa demande, à la commission des affaires sociales.

14

DÉPÔT D'UN RAPPORT

M. le président. J'ai reçu de M. Louis Althapé un rapport, fait au nom de la commission des affaires économiques et du Plan, sur le projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à la solidarité et au renouvellement urbains (n° 456, 1999-2000).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 17 et distribué.

15

DÉPÔT D'UN RAPPORT D'INFORMATION

M. le président. J'ai reçu de MM. Pierre Hérisson et Louis Althapé un rapport d'information, fait au nom de la commission des affaires économiques et du Plan par le groupe de travail sur la modernisation du droit de l'urbanisme, sur la réforme du droit de l'urbanisme à mi-parcours.
Le rapport d'information sera imprimé sous le numéro 18 et distribué.

16

ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, jeudi 12 octobre 2000, à neuf heures trente et à quinze heures :
Suite de la discussion du projet de loi (n° 321, 1999-2000), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif aux nouvelles régulations économiques.
Rapport (n° 5, 2000-2001) de M. Philippe Marini, fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
Avis (n° 4, 2000-2001) de M. Pierre Hérisson, fait au nom de la commission des affaires économiques et du Plan.
Avis (n° 10, 2000-2001) de M. Jean-Jacques Hyest, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Avis (n° 343, 1999-2000) de M. Jean Chérioux, fait au nom de la commission des affaires sociales.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.

Délais limites pour des inscriptions de parole
et pour le dépôt d'amendements

Projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à la solidarité et au renouvellement urbains (n° 456, 1999-2000).
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 16 octobre 2000, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 16 octobre 2000, à douze heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.

(La séance est levée le jeudi 12 octobre 2000, à zéro heure quinze.)

Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON





NOMINATION
DES MEMBRES D'UNE COMMISSION

Dans sa séance du mercredi 11 octobre 2000, en exécution de l'article 103 du règlement, le Sénat a nommé membres de la commission spéciale chargée de vérifier et d'apurer les comptes : Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Georges Berchet, Michel Charasse, Luc Dejoie, Yves Fréville, Yann Gaillard, Rémi Herment, Marc Massion, Jacques Oudin, François Trucy.

NOMINATIONS DE RAPPORTEURS
COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES,
DE LA DÉFENSE ET DES FORCES ARMÉES

M. Serge Vinçon a été nommé rapporteur du projet de loi n° 484 (1999-2000) autorisant la ratification de l'accord euro-méditerranéen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et le Royaume hachémite de Jordanie, d'autre part (ensemble sept annexes, quatre protocoles, un acte final, douze déclarations communes et un échange de lettres).

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

M. Lucien Neuwirth a été nommé rapporteur de la proposition de loi n° 12 (2000-2001), adoptée par l'Assemblée nationale, relative à la contraception d'urgence.
M. Jean Chérioux a été nommé rapporteur pour avis du projet de loi n° 11 (2000-2001), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à l'épargne salariale.

COMMISSION DES FINANCES

M. Joseph Ostermann a été nommé rapporteur du projet de loi n° 11 (2000-2001), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, sur l'épargne salariale.



Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)


Reconnaissance de la médecine anthroposophique

908. - 11 octobre 2000. - M. Hubert Haenel demande à Mme le secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés de bien vouloir lui préciser quelles actions ont été prises par la France dans l'esprit de la résolution du 27 mai 1997 du Parlement européen en vue de s'engager dans un processus de reconnaissance de la médecine anthroposophique tout en veillant à protéger les malades de toutes déviances. Quelles conséquences le Gouvernement tire-t-il de la directive européenne 92/73 qui réglemente expressément deux types de médicaments : homéopathiques et anthroposophiques ? Si aux yeux du Gouvernement, comme il lui a été indiqué dans la réponse à sa question écrite n° 22731 en date du 10 février 2000, la médecine anthroposophique serait, non pas une médecine non conventionnelle mais une simple application d'une idée mystique traditionnelle de l'Occident... suspecte de sectarisme et de charlatanisme.

Maintien à domicile des personnes âgées

909. - 11 octobre 2000. - M. Georges Mouly attire l'attention de Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité sur la circulaire DAS-RVZ n° 2000/210 du 6 juin dernier, relative aux centres locaux d'information et de coordination (CLIC), fixant les modalités d'expérimentation du maintien à domicile des personnes âgées dans les vingt-six sites choisis pour l'an 2000 ainsi que la programmation pluriannuelle 2001-2005. Il lui demande s'il peut être espéré que le calendrier prévisionnel sera respecté comme suit : novembre 2000, bilan d'activité des sites pilotes et validation du cahier des charges détaillé ainsi que de la procédure de labellisation ; décembre 2000, publication du cahier des charges et appel à projet pour la campagne 2001. Il lui demande en outre si les spécificités du milieu rural pourront être prises en compte en terme de seuils de population couverte et de territoire.

Financement des réseaux de distribution d'eau potable

910. - 11 octobre 2000. - M. Bernard Piras attire l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur la réglementation qui encadre le financement des réseaux de distribution d'eau potable. Il apparaît que pour l'extension des réseaux publics nécessitée par des projets de constructions nouvelles, le code de l'urbanisme organise trois dispositifs permettant de financer tout ou partie des réseaux d'eau potable rendus directement nécessaires par des projets de construction ou de développement urbain. Il s'agit des articles L. 332-6-1-2°-d (coût des travaux), L. 332-9 (PAE, plan d'aménagement d'ensemble) et L. 311-4-1 (ZAC, zone d'aménagement concerté). Exceptées ces trois hypothèses, il semble que, faute de base légale, les collectivités publiques, communes ou groupements de communes, ne peuvent instituer de droits ou taxes de branchement. Depuis toujours, le financement des collectivités publiques chargées de la distribution d'eau potable est assuré par différentes recettes dont « les droits de branchement ». Il s'interroge pour l'avenir. A cet égard, il est clair que la disparition de ce revenu pour les collectivités, mais surtout pour les syndicats intercommunaux, risque de créer des difficultés financières importantes, susceptibles de compromettre leur équilibre budgétaire et d'alourdir fortement le prix de l'eau. Il lui demande si une réforme est envisagée pour lever toute ambiguïté sur ces droits de branchement.

Fiscalité applicable aux retraites mutualistes
des anciens combattants

911. - 11 octobre 2000. - M. Philippe de Gaulle interroge M. le secrétaire d'Etat à la défense, chargé des anciens combattants, sur la modification par certains centres des impôts de la fiscalité applicable à la retraite mutualiste des anciens combattants. En effet, les versements supplémentaires qu'effectuent chaque année les anciens combattants pour suivre l'évolution du plafond majorable leur ouvrent droit à un nouveau montant de rente qui excède, pour beaucoup d'entre eux, le plafond défiscalisé. En conséquence, la fraction de rente excédentaire est alors soumise à la fiscalité des rentes viagères à titre onéreux, ce que personne ne conteste, en tenant compte de la date d'entrée en jouissance de chaque nouveau titre de retraite correspondant au dernier versement. Or, cette année, pour la première fois des adhérents se voient attribuer des redressements fiscaux basés sur une date d'entrée en jouissance à la date initiale de la première retraite à capital définitif, soit généralement lorsqu'ils ont atteint un âge entre cinquante et cinquante-neuf ans, et non pas d'après l'année de l'investissement concerné. Cette nouvelle position de certains centres d'impôts est sans fondement. Il lui demande d'examiner ce problème de manière à ce que la question soit réglée avant le 31 décembre prochain, date limite des recours fiscaux des intéressés et l'établissement de leur déclaration d'impôt de l'année.

Conséquences de l'épidémie de « vache folle »
pour les petits éleveurs

912. - 11 octobre 2000. - M. Jean-Pierre Demerliat interroge M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur les conséquences de la maladie de la vache folle pour les petits éleveurs. Il est tout à fait indispensable que les préoccupations de sécurité sanitaire pour les consommateurs priment sur toute autre considération et nécessitent sans doute que tout le troupeau soit abattu quand un cas de la maladie de Creutzfeld-Jacob est décelé. Néanmoins, les autorités ne doivent pas ignorer le traumatisme psychologique et la catastrophe économique que représente l'abattage complet d'un troupeau pour un petit éleveur. Il s'interroge donc sur les limites d'une telle politique et se demande notamment si, avec les nouveaux procédés pour déceler la maladie, un traitement aussi radical ne peut être évité afin d'assurer la survie économique de ces agriculteurs. Il souhaiterait que le débat soit engagé sur les véritables causes de cette maladie et que les véritables responsables soient clairement identifiés afin d'atténuer la suspicion qui pèse aujourd'hui presque entièrement sur les agriculteurs.

Financement des services d'incendie et de secours

913. - 11 octobre 2000. - M. Joseph Ostermann attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur le financement des services d'incendie et de secours (SDIS). La réforme portant départementalisation des SDIS instituée en 1996 a prévu un large financement par les collectivités locales, l'Etat, quant à lui, réservant une part de la dotation globale d'équipement (DGE) (350 MF sur trois ans) à l'aide à l'équipement des SDIS. Or, depuis 1996, on assiste à l'explosion des budgets des SDIS . Ainsi, dans le département du Bas-Rhin, ce dernier a augmenté de 10 % par an depuis 1996. Pour 2001, une augmentation de plus de 20 % est prévue. Cette forte croissance est due non seulement à une remise à niveau en matière de matériels, de structures et d'équipements mais aussi et surtout à la multiplication de mesures nouvelles en matière de régime de service, de régimes indemnitaires ainsi qu'au renforcement des services de santé. Les collectivités locales sont par conséquent contraintes de financer des dépenses supplémentaires que leur impose l'Etat sans contrepartie. Or, celles-ci n'étaient pas préparées à faire face à ces dépenses nouvelles et ne peuvent, par conséquent, pas les assumer. Dans le rapport qu'il vient de remettre au Gouvernement, le député de la Somme Jacques FLEURY conclut lui-même que pour de nombreux élus l'incidence du coût des SDIS devient insupportable dans la fiscalité locale. Les 350 MF de DGE attribués par l'Etat ne peuvent suffire, et ce d'autant plus que la suppression de la vignette automobile prive les départements de 12 MF de recettes fiscales. Il lui demande par conséquent s'il ne conviendrait pas, avant de présenter tout nouveau projet de loi sur la sécurité civile qui impliquerait encore de nouvelles dépenses, de prévoir une contribution supplémentaire de la part de l'Etat. Il rappelle que la sécurité demeure une des missions régaliennes de l'Etat.

Ventes de terrains par l'Assistance publique de Paris

914. - 11 octobre 2000. - Mme Nicole Borvo attire l'attention de Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité sur le devenir des terrains libérés par les hôpitaux Laënnec, Boucicaut et une partie de Broussais après la création de l'hôpital européen Georges-Pompidou. Ces terrains appartiennent à l'Assistance publique-hôpitaux de Paris (AP-HP). Leurs emprises est d'environ 110 000 m². Ils sont situés au coeur de Paris, respectivement dans les 7e, 15e et 14e arrondissements. Les instructions des autorités de tutelle de l'AP-HP conduisent celle-ci à céder ces terrains afin d'autofinancer le nouvel hôpital Georges-Pompidou. En ce qui concerne l'hôpital Laënnec, la Cogedim pourrait acheter l'ensemble du site de Laënnec y compris la partie historique sans condition suspensive pour un montant de 500 millions de francs. Ce promoteur y prévoirait la création, d'un hôtel quatre étoiles dans une partie des bâtiments classés monuments historiques, la réalisation d'une maison de retraite privée de luxe, la construction de 170 logements ultrarésidentiels, vendables entre 50 000 et 60 000 francs le mètre carré. Il y aurait seulement 50 logements prêt locatif intermédiaire (PLI) et 10 logements prêt locatif aidé (PLA) alors que le 7e arrondissement est parmi les arrondissements où le logement social est quasi absent. Tous ces projets interviennent alors qu'il est important de préserver le domaine public et de contenir la spéculation immobilière. Il y a, à Paris, de très importants besoins collectifs, de mixité sociale et d'équipements. C'est particulièrement vrai dans les 7e, 15e et 14e arrondissements où ces terrains se trouvent. Faut-il rappeler que la récente convention Etat-ville de Paris sur le logement signée en mars 1999 par M. le secrétaire d'Etat au logement stipule que : « lorsque les terrains appartiennent à des établissements publics, des protocoles tripartites seront recherchés afin de définir les objectifs de production de logements sociaux. » C'est pourquoi elle lui demande de contribuer à l'arrêt des procédures en cours et d'organiser une consultation entre l'Etat, la région, la ville de Paris et l'AP-HP en vue de se saisir d'une occasion pour satisfaire les besoins collectifs, de mixité sociale et d'équipements de la capitale.