Séance du 13 juin 2000






SOMMAIRE


PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER

1. Procès-verbal (p. 0 ).

2. Communication du Gouvernement (p. 1 ).

3. Questions orales (p. 2 ).

CUMUL D'ACTIVITÉS DES AGENTS
DE LA FONCTION PUBLIQUE TERRITORIALE (p. 3 )

Question de M. Serge Franchis. - MM. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat ; Serge Franchis.

SITUATION DE LA RADIO « FIP » (p. 4 )

Question de M. Gilbert Chabroux. - MM. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer ; Gilbert Chabroux.

COMMÉMORATION DES ÉVÉNEMENTS D'OCTOBRE 1961 (p. 5 )

Question de Mme Danielle Bidard-Reydet. - Mmes Michelle Demessine, secrétaire d'Etat au tourisme ; Danielle Bidard-Reydet.

AVANCEMENT DU PROJET
DE LIAISON FERROVIAIRE LYON - TURIN (p. 6 )

Question de M. Jean-Pierre Vial. - Mme Michelle Demessine, secrétaire d'Etat au tourisme ; M. Jean-Pierre Vial.

DÉFICIT DE CONTRÔLEURS AÉRIENS EN EUROPE (p. 7 )

Question de M. Jean-Louis Lorrain. - Mme Michelle Demessine, secrétaire d'Etat au tourisme ; M. Jean-Louis Lorrain.

FERMETURE DU CENTRE DE PARACHUTISME DE LAON (p. 8 )

Question de M. Paul Girod. - Mme Michelle Demessine, secrétaire d'Etat au tourisme ; M. Paul Girod.

RÉSEAU TRANSEUROPÉEN DE FRET FERROVIAIRE (p. 9 )

Question de M. Josselin de Rohan. - Mme Michelle Demessine, secrétaire d'Etat au tourisme ; M. Josselin de Rohan.

RATTACHEMENT DES ÉCOLES DU CANTON DE GODERVILLE
À L'INSPECTION ACADÉMIQUE D'YVETOT (p. 10 )

Question de M. Patrice Gélard. - MM. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement ; Patrice Gélard.

RECONDUCTION DES BAUX DE LOCATAIRES
EN SITUATION PRÉCAIRE (p. 11 )

Question de Mme Danièle Pourtaud. - M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement ; Mme Danièle Pourtaud.

DEMANDE DE SIMPLIFICATION ADMINISTRATIVE
DES MESURES COMMUNAUTAIRES (p. 12 )

Question de M. Aymeri de Montesquiou. - MM. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement ; Aymeri de Montesquiou.

PROGRAMME D'AIDES COMMUNAUTAIRES (p. 13 )

Question de M. Paul Blanc. - MM. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement ; Paul Blanc.

CONVENTION DE L'OIT TRAITANT
DES DROITS DE LA MATERNITÉ (p. 14 )

Question de M. Daniel Hoeffel. - Mme Ségolène Royal, ministre délégué à la famille et à l'enfance ; M. Daniel Hoeffel.

DÉVELOPPEMENT DU SERVICE DE GÉRIATRIE
DU CENTRE HOSPITALIER GÉNÉRAL DE TULLE (p. 15 )

Question de M. Georges Mouly. - Mme Ségolène Royal, ministre délégué à la famille et à l'enfance ; M. Georges Mouly.

RELANCE DU BÂTIMENT ET INFLATION DES PRIX (p. 16 )

Question de M. Roland Muzeau. - Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget ; M. Roland Muzeau.

APPLICATION DE LA TVA
À LA RESTAURATION COLLECTIVE (p. 17 )

Question de M. Christian Demuynck. - Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget ; M. Christian Demuynck.

TAUX DE TVA APPLICABLE AU CHOCOLAT NOIR (p. 18 )

Question de M. Francis Grignon. - Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget ; M. Francis Grignon.

AUGMENTATION DU TAUX DE REMISE
SUR LES VENTES DE TABAC (p. 19 )

Question de M. Jean-Claude Carle. - Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget ; M. Jean-Claude Carle.

Suspension et reprise de la séance (p. 20 )

PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET

4. Conférence des présidents (p. 21 ).

5. Loi d'orientation pour l'outre-mer. - Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence (p. 22 ).
Discussion générale : MM. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer ; José Balarello, rapporteur de la commission des lois.

PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE

MM. Jean-Louis Lorrain, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales ; Jean Huchon, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques ; Victor Reux, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles ; Mme Dinah Derycke, au nom de la délégation du Sénat aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.
MM. le secrétaire d'Etat, Jacques Larché, président de la commission des lois ; le rapporteur ; Jean-Louis Lorrain, rapporteur pour avis.
MM. Lucien Lanier, Robert Bret, Georges Othily, Claude Lise.

6. Communication relative à une commission mixte paritaire (p. 23 ).

Suspension et reprise de la séance (p. 24 )

7. Loi d'orientation pour l'outre-mer. - Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence (p. 25 ).
Discussion générale (suite) : MM. Daniel Hoeffel, Edmond Lauret, Paul Vergès, Lylian Payet, Rodolphe Désiré, Jean-Jacques Hyest, Victor Reux, Dominique Larifla, Gérard Larcher.
Clôture de la discussion générale.
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer.
Renvoi de la suite de la discussion.

8. Communication de l'adoption définitive de textes soumis en application de l'article 88-4 de la Constitution (p. 26 ).

9. Transmission d'un projet de loi (p. 27 ).

10. Textes soumis en application de l'article 88-4 de la Constitution (p. 28 ).

11. Dépôt d'un rapport (p. 29 ).

12. Ordre du jour (p. 30 ).



COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

COMMUNICATION DU GOUVERNEMENT

M. le président. M. le président a reçu de M. le Premier ministre une communication, en date du 8 juin 2000, relative à la consultation de l'Assemblée de la Polynésie française sur la proposition de loi organique tendant à modifier la loi n° 52-1175 du 21 octobre 1952 pour rééquilibrer la répartition des sièges à l'assemblée de la Polynésie française.
Acte est donné de cette communication.
Ce document a été transmis à la commission compétente.

3

QUESTIONS ORALES

M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

CUMUL D'ACTIVITÉS DES AGENTS
DE LA FONCTION PUBLIQUE TERRITORIALE

M. le président. La parole est à M. Franchis, auteur de la question n° 824, adressée à M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
M. Serge Franchis. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à maintes reprises la situation des fonctionnaires territoriaux nommés dans des emplois permanents à temps non complet ainsi que celle des agents non titulaires occupant également un emploi à temps non complet dans les collectivités locales, soumis à l'interdiction de principe de cumul d'une activité publique et d'une activité privée, a été évoquée par les parlementaires, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat.
La situation actuelle est préjudiciable aux collectivités territoriales, notamment aux communes rurales, qui se trouvent dans l'incapacité de recruter tel ou tel salarié habitant du village ou du bourg voisin dont les qualités sont reconnues mais qui exerce déjà une activité privée lucrative à temps partiel.
Elle est évidemment préjudiciable aussi aux candidats à ces postes. Je citerai l'exemple de telle jeune femme dont le recrutement est empêché par les quelques cours de danse qu'elle dispense par ailleurs chaque semaine.
Je n'ignore pas, monsieur le ministre, que vous avez d'ores et déjà indiqué qu'une suite serait donnée par le Gouvernement au rapport du groupe de travail institué sur son initiative, en vue d'une prise de position sur l'évolution des textes régissant le non-cumul : c'est en effet le sens de la réponse apportée à M. Dominique Paillé, député, insérée au Journal officiel du 20 mars dernier, dans laquelle il est précisé que les évolutions en la matière ne peuvent se limiter à la fonction publique territoriale et doivent concerner toutes les fonctions publiques.
Le problème est posé de longue date, mais il n'est pas encore tranché. Pourtant, un vent de réformes souffle tous azimuts sur la société. Le statut de la fonction publique résisterait-il à toute modernisation ? Ne peut-on pas innover et assouplir quand il s'agit des personnels des services publics ?
Comment, monsieur le ministre, le Gouvernement envisage-t-il de faire évoluer ce statut de manière générale et, en particulier, en ce qui concerne les emplois permanents à temps non complet ? Dans quel délai les maires seront-ils informés de vos intentions ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Monsieur le sénateur, ainsi que vous l'avez vous-même relevé, cette question est régulièrement évoquée tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat. J'ai d'ailleurs eu l'occasion tout récemment de répondre sur le même sujet à l'un de vos collègues.
Les choses n'ont pas, vous l'imaginez bien, énormément évolué depuis quinze jours. Aussi vais-je me permettre de vous rappeler très brièvement les données du problème et l'état de nos réflexions.
L'article 25 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, également applicable aux agents non titulaires, interdit à un agent public d'exercer une activité privée lucrative de quelque nature que ce soit, sauf dérogations exceptionnelles.
L'article 3 du décret-loi du 29 octobre 1936, toujours applicable, précise toutefois que l'interdiction de cumul d'un emploi public avec une activité privée ne s'applique ni à la production des oeuvres scientifiques, littéraires ou artistiques, ni aux expertises et aux consultations effectuées sur la demande d'une autorité administrative ou judiciaire ou sur autorisation de l'administration dont dépendent les agents, ni aux enseignements ; les membres du personnel enseignant, technique ou scientifique des établissements d'enseignement et de l'administration des beaux-arts peuvent en outre exercer les professions libérales « qui découlent de la nature de leurs fonctions ».
L'article L. 324-4 du code du travail place également hors du champ de l'interdiction du cumul d'un emploi public avec une activité privée « les travaux ménagers de peu d'importance effectués chez des particuliers pour les besoins personnels ».
Ces dispositions restrictives garantissent aux usagers du service public que les agents publics ne se consacrent qu'à leurs fonctions et ne tirent pas avantage, par ailleurs, d'activités privées lucratives.
Toutefois, la législation propre aux emplois à temps non complet fournit des possibilités, pour un même agent, de parvenir à un niveau global d'activité suffisant, tout en répondant aux besoins effectifs, parfois limités, des collectivités locales, particulièrement en milieu rural.
Ainsi, les fonctionnaires territoriaux nommés dans des emplois permanents à temps non complet peuvent cumuler plusieurs emplois publics de ce type dans une ou plusieurs collectivités sous la seule réserve que la durée totale de service n'excède pas de plus de 15 % la durée afférente à un emploi à temps complet.
De même, les centres de gestion de la fonction publique territoriale peuvent mettre des fonctionnaires à la disposition de plusieurs collectivités pour accomplir auprès de chacune d'elles un service à temps non complet.
Conscient, cependant, des insuffisances du dispositif actuel et des problèmes qu'il crée aussi bien aux collectivités territoriales qu'aux personnes concernées, le Gouvernement a demandé au Conseil d'Etat de lui faire des propositions d'adaptation de la réglementation. Ce rapport, qui nous a été remis il y a peu, concerne aussi bien l'administration de l'Etat et la fonction publique hospitalière que les administrations territoriales. J'ai bon espoir de pouvoir en tirer des enseignements concrets dès la prochaine rentrée, permettant d'aboutir à des dispositions que je pourrais défendre devant le Parlement dans le cadre d'un texte de portée plus vaste, par exemple celui qui sera relatif à la précarité.
Les solutions à promouvoir sont complexes, notamment parce qu'elles sont destinées à s'appliquer à des situations extrêmement variées, concernant des métiers très divers et des collectivités très différentes, ne serait-ce que par la taille.
Par ailleurs, si les évolutions constatées peuvent conduire à envisager, comme vous l'avez souhaité, certains assouplissements, les raisons de fond qui justifient les limitations demeurent, notamment le fait que les collaborateurs du service public aient la disponibilité, l'indépendance et l'impartialité nécessaires à l'exercice de leur mission.
M. Serge Franchis. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Franchis.
M. Serge Franchis. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse.
Si cette question revient aussi souvent au Sénat et à l'Assemblée nationale, c'est évidemment parce que, sur le terrain, dans nos collectivités locales, il paraît important de faire avancer un dossier ouvert depuis trop longtemps.
J'espère que cette année 2000 ne s'achèvera pas sans qu'une réforme en profondeur soit entreprise.
La solidité du statut de la fonction publique constitue sans aucun doute une qualité, mais cela ne doit pas empêcher de le moderniser quand c'est nécessaire. Je souhaite donc vivement que nous puissions nous retrouver bientôt pour en débattre.

SITUATION DE LA RADIO « FIP »

M. le président. La parole est à M. Chabroux, auteur de la question n° 832, adressée à Mme le ministre de la culture et de la communication.
M. Gilbert Chabroux. Monsieur le secrétaire d'Etat, ma question, qui concerne le devenir de différentes stations du réseau radiophonique « FIP », a été adressée à Mme la ministre de la culture et de la communication, et je vous remercie par avance de bien vouloir me faire part des éléments de réponse dont vous disposez.
Des craintes très vives, en effet, se font jour parmi les salariés et les milliers d'auditeurs de plusieurs stations du réseau « FIP », particulièrement de celle de Lyon. Ces stations sont menacées de suppression dans le cadre du « Plan bleu » que veut mettre en application Radio France.
Or, comme Mme la ministre de la culture et de la communication l'a rappelé récemment à Nantes, ces stations sont des acteurs culturels locaux importants. Elles constituent de remarquables diffuseurs de la production phonographique indépendante française. Avec un programme musical ouvert, pluriculturel et d'une qualité que personne ne peut mettre en doute, ces stations ont su se créer une place qui n'appartient qu'à elles et remplir une mission d'information, de soutien et de mise en valeur de l'actualité culturelle locale.
A Lyon, FIP est actuellement la seule antenne du service public à suivre au quotidien et en continu la vie de la cité. Elle est, pour nombre d'opérateurs culturels des collectivités locales, un partenaire indispensable à la communication de leurs créations et programmations.
Il est difficile de comprendre, dans ces conditions, les mesures annoncées par Radio France, qui prévoit, sur les neuf stations FIP, d'en remplacer deux par des stations locales, trois, dont celle de Lyon, par « le Mouv' », et d'en maintenir seulement trois, le problème de la neuvième station, celle de Nantes, faisant l'objet d'une étude technique.
Concrètement, la diffusion de FIP se ferait en modulation de fréquence sur trois villes uniquement, Paris, Bordeaux et Strasbourg, mais il serait possible de recevoir ces émissions par le réseau câblé dans soixante-seize villes, ainsi que par Canal Satellite, TPS et Internet. Autrement dit, l'accès deviendrait payant, ce qui apparaîtrait comme un renoncement à la mission première de service public de Radio France et supprimerait la dimension de proximité qui participe de la valeur de ce réseau radiophonique.
Au regard des multiples conséquences qu'induiraient la suppression ou le transfert sur le réseau câblé ou satellité de ces stations FIP, je souhaiterais savoir quelles sont les mesures que pourrait envisager de prendre le ministère de la culture et de la communication afin que ce réseau radiophonique qui n'a pas d'équivalent fasse partie intégrante du cahier des charges de Radio France, ce qui lui permettrait, par là même, d'avoir accès au réseau de diffusion nationale en modulation de fréquence.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer. Monsieur le sénateur, comme vous l'avez indiqué, Radio France a préparé un plan de développement de ses stations locales intitulé « Plan bleu », un plan ambitieux qui s'articule autour du redéploiement des stations locales et du réseau « Bleu », du développement du réseau Le Mouv' , qui est plus particulièrement destiné à la jeunesse, et d'une modification du mode de diffusion du réseau FIP, qui comprend neuf stations.
Ce projet a fait l'objet d'un accord au sein de l'entreprise exprimé dans le cadre de son comité central d'entreprise. Il a par ailleurs été examiné par le conseil d'administration de Radio France le 24 mai 2000.
Dès que Mme Tasca, dont je vous prie d'excuser l'absence ce matin, en a eu connaissance, c'est-à-dire dès son arrivée au ministère de la culture et de la communication, elle a souhaité que ce projet fasse l'objet d'une analyse très approfondie.
Les arguments avancés par Radio France étaient dès l'abord très intéressants en termes de développement de l'offre locale, de relance de la politique de diffusion musicale et d'intérêt porté pour le public jeune.
Mais la perspective de la fermeture d'un certain nombre de stations FIP ne pouvait que conduire à s'interroger, comme vous le faites. Chacun connaît en effet l'apport de ce réseau au paysage radiophonique français, en termes de musique, mais aussi en termes d'animation culturelle, voire de conseils pratiques ou d'informations brèves sur la vie locale.
Le seul souci de Mme Tasca est de préserver les missions de service public assumées par l'ensemble du dispositif conçu par Radio France. Or les intentions de l'entreprise Radio France semblent claires de ce point de vue ; en particulier, localement, le rôle joué par FIP sera repris par les autres réseaux, notamment par les stations locales.
Mme Tasca a toutefois souhaité que chaque hypothèse de suppression d'une station FIP fasse l'objet d'un examen particulièrement attentif, notamment lorsque cette station joue un rôle notable sur le plan local.
Ainsi, à Nantes, un projet d'échange de fréquences a été mis à l'étude par M. Jean-Marie Cavada, le président-directeur général de Radio France, afin de maintenir la station FIP et de développer les projets nouveaux de Radio France dans cette région. Le Gouvernement a ainsi joué pleinement son rôle sans pour autant intervenir directement dans la gestion de l'entreprise.
S'agissant du cas de Lyon, que je connais bien en tant qu'élu de cette agglomération, la question est évoquée, et je ne manquerai pas de transmettre vos observations à Mme Tasca. Les auditeurs et les salariés de Radio France se sont exprimés à plusieurs reprises à ce sujet.
En revanche, il n'est pas question de modifier le cahier des charges de Radio France qui a été élaboré sur ce point. Il s'agit de faire prévaloir les missions de service public sans s'immiscer dans la vie de l'entreprise.
M. Gilbert Chabroux. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Chabroux.
M. Gilbert Chabroux. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, des éléments de réponse que vous m'avez apportés ; ils sont rassurants, mais pas suffisamment ; une étude approfondie doit effectivement être menée sur chacune des stations.
Nous sommes d'accord avec les orientations de Radio France et du « Plan bleu », qui vise à développer le service public ; mais il faudrait commencer par conserver ces stations FIP, qui font partie du service public et fonctionnent à la satisfaction générale.

COMMÉMORATION DES ÉVÉNEMENTS D'OCTOBRE 1961

M. le président. La parole est à Mme Bidard-Reydet, auteur de la question n° 827, adressée à M. le ministre de l'intérieur.
Mme Danielle Bidard-Reydet. Le 17 octobre 1961, une manifestation à Paris est organisée par le Front de libération nationale, le FLN, pour protester contre le couvre-feu décrété le 6 octobre par Maurice Papon, préfet de police, et imposé aux Français d'origine algérienne de la région parisienne. Depuis quelques mois, en effet, la guerre fait rage de l'autre côté de la Méditerranée et touche la métropole.
Malgré l'interdiction de la manifestation, des dizaines de milliers d'Algériens décident de se retrouver sur les « grands boulevards » pour protester pacifiquement contre cette mesure discriminatoire.
Déjà, dès le début de l'après-midi, les forces de police interpellent des Algériens, mais aussi des Tunisiens et des Italiens. A vingt heures, alors que les manifestants arrivent place de la Concorde, dès leur sortie du métro, ils reçoivent de violents coups de matraque.
Dans la nuit du 17 au 18 octobre, la violence des forces de police s'accentue. C'est une répression sanglante qui s'abat sur cette foule sans armes. On dénombre plusieurs dizaines de morts.
Que s'est-il réellement passé ce jour-là ? Combien de morts, de blessés, de noyés ? Aujourd'hui encore, ce nombre fait débat. Les responsables restent impunis et n'ont jamais eu à rendre compte de leurs actes.
A l'époque, les révélations des témoins, de la presse, sont étouffées ; censure et autocensure dominent. Pourquoi l'événement a-t-il été occulté durant tant d'années ?
Ce n'est qu'avec le travail de quelques chercheurs et militants que les faits vont apparaître à la lumière. Cette quête de la mémoire et de la vérité historique a culminé en 1997, lors du procès de Maurice Papon à Bordeaux.
Devant l'ampleur des réactions, Catherine Trautmann, alors ministre de la culture, décide l'ouverture des archives sur cette période et Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur, annonce le lancement d'une enquête officielle en décembre 1998. Cette enquête - le rapport Mandelkern - conclura que ce sont plusieurs dizaines de personnes qui ont été tuées par les forces de police. Mais cette enquête n'a pu se faire qu'à partir de sources de renseignement limitées, et de nombreux documents ont disparu.
Aujourd'hui, à la veille du quarantième anniversaire des événements du 17 octobre 1961 et au moment de la visite du président Bouteflika, toute la lumière doit être faite. Au nom du devoir de mémoire, dans un souci de transparence et par respect pour les familles des victimes, la vérité doit être connue.
Pour cela, nous demandons le libre accès à la documentation, afin de mieux connaître cette page noire de notre histoire et les responsabilités de notre pays dans ce crime. Enfin, avec de nombreuses personnalités, nous demandons qu'un lieu de souvenir soit consacré à la mémoire de ceux qui furent assassinés.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer. Madame le sénateur, M. Chevènement, ministre de l'intérieur, est malheureusement dans l'impossibilité d'être présent aujourd'hui et il m'a demandé de vous présenter ses regrets pour cette absence.
Vous souhaitez, s'agissant des manifestations des 17 et 18 octobre 1961, que cesse l'oubli, que la République reconnaisse ce crime et qu'un lieu du souvenir lui soit consacré.
Votre premier souci vient en écho d'une question qu'avait posée M. Asensi, député de votre département, le 15 octobre 1997. Depuis cette date, conformément aux engagements pris alors par le ministre de l'intérieur, un travail de recherche important a été effectué ; il a permis de progresser dans la révélation de la vérité.
Il s'agit d'abord du rapport du conseiller d'Etat Mandelkern, qui a été déposé auprès du ministre de l'intérieur le 8 janvier 1998. Il s'agit ensuite des recherches réalisées à partir des archives du ministère de la justice et qui ont fait l'objet d'un rapport établi par M. Jean Géronimi à la fin de l'année 1999, qui a également été publié.
Il me paraît utile, enfin, d'ajouter, ce qui répond à une partie de votre question, qu'en application des dispositions de la loi du 3 janvier 1979 sur les archives le préfet de police a accordé des dérogations d'accès aux archives de la préfecture à des universitaires, afin qu'ils puissent aussi, dans le cadre de leurs recherches, faire la lumière sur ces événements.
Madame le sénateur, la vérité est la meilleure arme contre l'oubli et vous pouvez constater que, depuis trois ans, le Gouvernement a bien mis en oeuvre ce qui était nécessaire à l'établissement de cette vérité.
En revanche, il n'est pas juste de demander à la République de reconnaître dans ces événements la responsabilité d'un crime qu'elle aurait perpétré. Cela reviendrait à admettre que la République a voulu les tragédies qui ont accompagné ces manifestations. Ce serait absurde.
Cependant, comme le ministre de l'intérieur l'avait fait à l'occasion de sa réponse à M. Asensi, il est utile de rappeler que la République, par deux référendums, a décidé d'accéder à la légitime volonté d'indépendance du peuple algérien.
La France et l'Algérie ont eu un passé lié pendant plus d'un siècle. La France a sans doute la responsabilité de ne pas avoir compris assez tôt l'évidence de l'émancipation du peuple algérien. Chacun de nos deux pays en garde des cicatrices douloureuses.
Mais nos deux pays ont surtout de larges pans de leur avenir respectif à bâtir ensemble. La France a su montrer sa solidarité face aux événements qui ont marqué l'Algérie ces dernières années. Le Gouvernement s'est résolument engagé dans une politique de coopération.
La veille du jour où le président Bouteflika est accueilli sur notre territoire, c'est donc la construction de cet avenir commun qui préoccupe essentiellement le Gouvernement.
Mme Danielle Bidard-Reydet. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Bidard-Reydet.
Mme Danielle Bidard-Reydet. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie de votre réponse, mais elle ne me satisfait que partiellement. Nous avons, en effet, à clarifier l'histoire complexe, vous l'avez rappelé, mais riche aussi des rapports que nous entretenons avec l'Algérie.
Vous avez évoqué le travail de recherche, les progrès qui ont été réalisés dans ce domaine par l'ouverture, en partie, de certaines archives. Il ne faut pas se cacher la vérité : beaucoup reste encore à faire en ce domaine. Certes, des dérogations ont été accordées, mais je souhaiterais que, quarante ans après cet événement, toutes les archives puissent être à la disposition des chercheurs.
Vous avez évoqué, et je suis d'accord avec vous, la nécessité de préparer des rapports de coopération avec ce grand pays du sud de la Méditerranée qu'est l'Algérie. Mais ces rapports de coopération doivent être fondés sur le respect, la dignité.
Je pense que, lors du voyage de M. Bouteflika, la France s'honorerait en annonçant officiellement l'ouverture d'un lieu de mémoire pour rappeler ce très sinistre moment de notre histoire.

AVANCEMENT DU PROJET DE LIAISON FERROVIAIRE

LYON - TURIN

M. le président. La parole est à M. Vial, auteur de la question n° 831, adressée à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Jean-Pierre Vial. Cette question, qui concerne M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement, a trait à l'état d'avancement du projet de liaison ferroviaire Lyon-Turin.
A l'occasion de la visite officielle du Président de la République en Savoie les 4 et 5 mai derniers, un message fort a été réaffirmé : la nécessité de faire de la liaison ferroviaire Lyon-Turin un axe est-ouest majeur du développement de l'Europe du Sud, qui a fait l'unanimité au sein des élus savoyards et régionaux, mais aussi parmi les représentants des autres partenaires, qu'il s'agisse de la SNCF, de Réseau ferré de France, du groupement européen d'intérêt économique Alpetunnel ou encore de la mission Lyon-Turin.
Cette nécessité, tant en termes de rééquilibrage économique entre le Nord et le Sud qu'en termes de flexibilité du passage des Alpes, a été renforcée le 15 mai dernier, lors de la rencontre à Modane du ministre français de l'équipement, des transports et du logement, et de son homologue italien, qui ont décidé de poursuivre, sur la lancée du sommet franco-italien de Nîmes, les réunions techniques en vue d'accélérer le transfert du transport de marchandises de la route vers le rail et de fixer les premières échéances de lancement du projet.
Dans un contexte marqué par le drame du Mont-Blanc ainsi que par le lancement des projets suisse de Lötschberg et du Saint-Gothard, la liaison Lyon-Turin permettrait de développer les échanges et le transport de marchandises en évitant l'engorgement des routes des Alpes ou de la cluse chambérienne - 90 000 véhicules circulent chaque jour dans Chambéry - qui a des conséquences inquiétantes sur la pollution sonore et atmosphérique, ainsi que sur la sécurité routière.
Dans le meilleur des cas, la ligne Lyon-Turin mettra quinze ans avant d'entrer en service, avec l'objectif de faire transiter par le fer 40 millions de tonnes par an.
Sans attendre cette échéance, une première phase à moyen terme permettrait un accroissement du trafic de marchandises sur l'axe France-Italie pour atteindre 20 millions de tonnes en utilisant au mieux le tunnel actuel du Fréjus.
Au moment où est lancée la consultation complémentaire sur la section ligne nouvelle Lyon-Sillon alpin et les itinéraires d'accès de fret à la liaison ferroviaire internationale Lyon-Turin, il est indispensable que des engagements sur les mesures transitoires soient prises concrètement afin que la ligne Ambérieu-Modane permette d'accroître la capacité de fret pour passer de 10 millions à 20 millions de tonnes par an, sans pour autant aggraver la situation des itinéraires existants par l'augmentation du trafic qui ne saurait être acceptée sur l'axe Aix-les-Bains - Chambéry ni, au sud, pour la traversée de Grenoble.
La seule initiative susceptible de répondre à court et à moyen terme à ces enjeux est la réalisation d'un tunnel pré-Alpes. Compte tenu des déclarations d'intention, seuls des engagements précis sur la mise en oeuvre d'un tel tunnel sont susceptibles de répondre aux préoccupations des populations et des responsables de ce territoire alpin.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Michelle Demessine, secrétaire d'Etat au tourisme. Monsieur le sénateur, M. Jean-Claude Gayssot préside en ce moment la réunion du Fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables, le FITTVN, qui décide des engagements financiers en faveur du rail, de la voie d'eau et des routes nationales présentant un intérêt certain en matière d'aménagement du territoire. Il m'a donc demandé de l'excuser auprès de vous et de vous communiquer la réponse qu'il a préparée à votre intention.
Face aux dysfonctionnements liés à la forte croissance des transports routiers et à l'engorgement des routes et des autoroutes, le Gouvernement français met en oeuvre, depuis juin 1997, une politique donnant au rail un rôle accru, notamment en ce qui concerne le transport de marchandises.
Lors de leur dernière rencontre à Modane, le 15 mai dernier, M. Gayssot et son homologue italien ont confirmé la volonté des deux gouvernements de parvenir à un doublement du trafic de fret ferroviaire entre la France et l'Italie d'ici à dix ans et d'atteindre un volume annuel de 20 millions de tonnes sur l'ensemble des lignes qui conduisent à l'actuel tunnel ferroviaire du Fréjus. A plus long terme, le nouvel itinéraire ferroviaire entre Lyon et Turin devrait permettre d'offrir une capacité de 40 millions de tonnes pour le trafic de marchandises sur rail.
La mise en service du tunnel international de la nouvelle liaison ferroviaire pourrait avoir lieu, ainsi que vous l'avez dit, entre 2015 et 2020, compte tenu des procédures administratives et des délais d'études et de construction. Aussi, sans attendre cette mise en service, les ministres français et italien ont demandé aux opérateurs ferroviaires de définir un programme d'amélioration de l'acheminement du fret à court et à moyen terme.
Ce programme porte sur la période 2000-2006 et concerne l'ensemble de l'itinéraire principal Dijon-Ambérieu-Modane-Turin. Il comporte des mesures qui touchent les procédures d'exploitation de la ligne, la maintenance et les travaux d'entretien. Elles impliquent des investissements importants sur les infrastructures et la mise en service de matériels de traction adaptés aux deux pays. L'augmentation progressive de la charge des trains et ce programme de modernisation devraient permettre d'offrir entre Ambérieu et Montmélian une capacité de l'ordre de 13 millions de tonnes par an de marchandises aux alentours de 2005-2006.
Par ailleurs, il est envisagé deux autres itinéraires complémentaires susceptibles d'acheminer à Montmélian le trafic de marchandises. Il s'agit, d'une part, de la ligne Valence-Grenoble, avec un volume escompté de l'ordre de un million à deux millions de tonnes par an en provenance du sud de la France. Il s'agit, d'autre part, de l'itinéraire Lyon-Montmélian, qui pourrait acheminer un trafic de fret de trois à quatre millions de tonnes par an après la mise en service, autour de 2010, de la nouvelle ligne à grande vitesse entre Lyon et le sillon alpin.
Dans ces conditions, la capacité totale des itinéraires d'accès à la ligne ferroviaire de la Maurienne serait, comme je viens de l'indiquer, de près de 20 millions de tonnes par an. Ce volume correspond à la capacité maximale admissible sur la section de ligne actuelle entre Montmélian et Bussoleno moyennant les aménagements prévus au programme 2000-2006, tant sur les infrastructures que sur les systèmes d'exploitation.
Selon les estimations et en prenant en compte ces mesures de modernisation, la saturation du tunnel actuel du Mont-Cenis serait atteinte autour de 2020 dans un scénario tendanciel ou autour de 2010-2013 dans le cas d'un fort report modal de la route vers le rail.
Le nouveau tunnel entre la France et l'Italie parviendrait, avec une mise en service entre 2015 et 2020, à satisfaire les besoins du trafic de marchandises. Une nouvelle ligne consacrée au fret, entre la région d'Ambérieu et Saint-Jean-de-Maurienne, ne deviendrait donc indispensable qu'après la mise en service du tunnel international.
M. Jean-Pierre Vial. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Vial.
M. Jean-Pierre Vial. Madame le secrétaire d'Etat, j'ai bien noté les assurances que M. Gayssot a voulu donner sur la volonté de voir le trafic de fret croître progressivement jusqu'à 40 millions de tonnes lorsque l'itinéraire définitif sera réalisé. L'objectif à moyen terme de 20 millions de tonnes est bien confirmé.
En revanche, j'ai noté que le tunnel pré-Alpes n'a jamais été évoqué dans la réponse du ministre, d'où une double crainte. D'une part, je redoute qu'on n'utilise les itinéraires actuels, c'est-à-dire que l'on n'aggrave la situation des itinéraires que j'ai évoqués dans ma question. D'autre part, je crains que, tout en aggravant cette situation, nous n'arrivions pas aux 20 millions de tonnes par an. En effet, je crois voir une contradiction entre la position de la SNCF et celle de RFF. Celui-ci propose, en effet, l'itinéraire et la solution qui m'ont été exposés. En revanche, il me semble que la SNCF craint de ne pouvoir atteindre les objectifs fixés en utilisant l'itinéraire que le ministre paraît vouloir maintenir.

DÉFICIT DE CONTRÔLEURS AÉRIENS EN EUROPE

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Lorrain, auteur de la question n° 829, adressée à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.
M. Jean-Louis Lorrain. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, un rapport inquiétant du syndicat national des contrôleurs du trafic aérien, présenté vendredi à Bruxelles, précise que le trafic aérien, qui a été multiplié par deux au cours des dix dernières années, doublera encore d'ici à 2015, de telle sorte que, si nous conservons notre niveau de sécurité actuelle, il sera vite obsolète.
Les approches dangereuses entre avions ont augmenté de plus de 50 % l'an dernier en France. Mais les projets que doivent ratifier les trente-six Etats membres de la conférence des ministres européens, responsables de l'aviation civile, sont plus axés sur la résorption des retards croissants que sur le renforcement de la sécurité, ce que dénoncent les contrôleurs aériens.
Sécuriser les centres de contrôle nécessite la modernisation constante des équipement à laquelle fait face la direction générale de l'aviation civile pour s'adapter aux nouveaux modèles d'aéronefs, toujours plus perfectionnés. Cela nécessite également la formation continue du personnel, dernièrement la familiarisation avec le nouveau programme ODS Operator input and display system. Sans omettre la formation initiale, devenir contrôleur demande trois ans d'études et il faut dix ans d'expérience pour devenir un professionnel confirmé.
Les retards sont le symptôme le plus visible de l'aggravation du trafic aérien, la partie émergée de l'iceberg.
Selon les statistiques, ces retards sont dus, pour 50 %, aux réactions en chaîne : un avion qui arrive en retard repartira avec retard. Ils tiennent, pour 28 %, aux transferts de directives entre centres de contrôle pendant le vol des avions : altitudes, trajectoires, etc. Ils proviennent, pour 14 %, des plates-formes aéroportuaires qui gèrent les flux de passagers, de bagages, l'encombrement des pistes et des couloirs de circulation.
Trois organismes gèrent les horaires dans l'aviation civile.
Il s'agit, d'abord, de la compagnie d'aviation. Sa stratégie commerciale concentre souvent les départs sur les mêmes créneaux horaires, plus porteurs sur le plan de la fréquentation.
Il s'agit, ensuite, de la tour de contrôle concernée. Le nombre de tours de contrôle est insuffisant.
Il s'agit, enfin, du CFMU, Control flow management unit, basé à Bruxelles. Cet organisme central de gestion des courants de trafic aérien en Europe est informé des cadences d'atterrissage et de décollage locales - un avion par minute ou toutes les deux minutes - de la durée du vol, de son heure d'arrivée à destination ; il peut l'accepter ou la refuser, proposer une nouvelle heure généralement plus tardive et, par déduction, imposer l'heure du décollage.
Enfin, la sécurité des liaisons aériennes met aussi en jeu la dérégulation. Selon les syndicats, Eurocontrol, chargé d'harmoniser la régulation du trafic européen, une structure de 2 000 personnes, est, avec ses propres experts, coupée des réalités extérieures et se montre « de plus en plus perméable aux groupes de pression ». Bref, elle se soucie plus d'économie que de sécurité.
Les éléments précités et le manque de contrôleurs aériens - quand on sait qu'un contrôleur aérien ne peut surveiller plus de quinze avions sans prendre de risque - appellent plusieurs questions. Avons-nous raison de privilégier la gestion des horaires sur celle de la sécurité ? Les compagnies aériennes ont-elles le droit d'imposer une telle concentration de vols aux mêmes heures ? Quelles peuvent être les orientations du ministère des transports, en matière d'équipements, de personnel, de réglementation logistique, pour réduire le plus possible, en symbiose avec les directives du Parlement européen, les risques encourus par les passagers ?
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Michelle Demessine, secrétaire d'Etat au tourisme. Monsieur le sénateur, comme je l'ai dit voilà quelques instants, M. Gayssot participe ce matin à une réunion décisive pour le financement des infrastructures. Il me revient donc de vous communiquer les éléments qu'il a réunis.
La situation dans le ciel français et européen n'est pas satisfaisante, et il est vrai que les retards qui surviennent dans un pays se reportent mécaniquement sur le trafic aérien des pays voisins. Cependant, l'année 1999 ne peut être considérée comme une référence en raison des contraintes extraordinaires que la crise du Kosovo a fait peser sur le trafic aérien. Cette question des retards est donc prise très au sérieux par le Gouvernement. D'ailleurs, plusieurs dispositions ont été prises à cet égard dans la dernière période.
Une réorganisation des secteurs de contrôle aérien a ainsi été réalisée dans le nord-est et le sud de la France, en janvier et mars derniers. La coordination a été renforcée entre autorités civiles et militaires chargées du contrôle aérien et une nouvelle étape mise en oeuvre le 18 mai dernier.
La modernisation des outils de contrôle s'est également poursuivie et il convient de souligner que, sur proposition du Gouvernement, le Parlement a décidé, au cours de la discussion budgétaire pour 2000, de recruter cent-quatre-vingts contrôleurs aériens de plus, poursuivant ainsi les quatre-vingt-dix recrutements supplémentaires de l'année précédente.
Ces dispositions, qui s'appuient aussi sur les personnels de l'aviation civile, doivent être encore amplifiées au moment où les premières mesures prises commencent à porter leurs fruits, puisque, pour les quatre premiers mois de l'année, les retards imputables au contrôle aérien français sont en repli de moitié par rapport à la même période de 1999. Ils sont même revenus au niveau de 1998, malgré un trafic qui s'est accru de 13 % en deux ans.
Ces éléments démontrent qu'il n'est pas nécessaire de procéder à des changements de statut et de structures pour augmenter les capacités, mais qu'il convient plutôt de développer les moyens techniques opérationnels, de recruter et de former de nouveaux contrôleurs aériens.
Enfin, monsieur le sénateur, je peux vous assurer que M. Gayssot est à l'écoute des personnels et qu'un dialogue social constructif et de qualité est mené avec les aiguilleurs du ciel. Cela s'est notamment traduit par la signature du protocole de 1997 avec les syndicats, et le ministre est tout à fait décidé à poursuivre cette démarche dans le même état d'esprit.
M. Jean-Louis Lorrain. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Lorrain.
M. Jean-Louis Lorrain. Je remercie Mme la secrétaire d'Etat de son intervention. Néanmoins, le problème des retards n'est qu'un symptôme de la situation. Nous souhaiterions soulever le problème de la nécessité d'une législation européenne pour harmoniser des systèmes, poser le problème des nécessaires rapprochements avec l'armée de l'air en ce qui concerne les espaces aériens et attirer l'attention sur la nécessité de renforcer le pouvoir supranational européen, de développer une gestion européenne commune de l'espace aérien et de créer des processus européens communs de planification des capacités.

FERMETURE DU CENTRE DE PARACHUTISME DE LAON

M. le président. La parole est à M. Paul Girod, auteur de la question n° 818, adressée à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.
M. Paul Girod. Monsieur le président, je me demande si je n'aurais pas plutôt dû adresser ma question à M. le Premier ministre, car, en réalité, elle vise à attirer l'attention sur le fait que les réponses qu'on nous donne ici ne sont pas suivies d'effet, ou sont falsifiées !
L'affaire de la fermeture du centre de parachutisme de Laon remonte déjà à plusieurs mois et, en désespoir de cause, j'ai, le 7 février dernier, pris la décision de poser une question orale en cette enceinte au Gouvernement pour lui demander comment il se faisait que les activités de ce centre de parachutisme, qui est le plus grand du nord de la France et où pratiquement tous les parachutistes, y compris étrangers, viennent sauter spécialement, aient été purement et simplement interrompues pour des raisons de sécurité aérienne, dont je comprends très bien - M. Lorrain vient d'en parler - quelles soient importantes puisqu'on se trouve sur un des parcours d'atterrissage de l'aéroport de Roissy.
Mais, tout de même ! se faire signifier la chose, se faire promener de bureau en bureau pendant tout le second semestre de l'année dernière, puis constater, le 27 janvier, que toute exploitation devient impossible malgré les négociations, voir ensuite un parlementaire poser une question au Sénat, s'entendre répondre que, bien entendu, les négociations ne sont pas terminées, qu'on va les poursuivre, que l'on va trouver une solution de déplacement ou une solution inspirée d'autres cas, puis se retrouver six mois plus tard sans qu'il y ait eu un contact, une discussion, sans que rien n'ait bougé... tout cela explique que je m'interroge sur le rôle réel des questions orales que nous posons dans cette enceinte !
Dans ces conditions, madame le secrétaire d'Etat, le centre a licencié dix personnes, et un recours a été déposé devant les tribunaux administratifs.
Quelle est la position réelle du Gouvernement ? Des instructions sont-elles données aux administrations pour que la négociation reprenne ? Doit-on considérer au contraire que, une fois de plus, une association qui fonctionnait très bien et dont le rayonnement dépassait nos frontières sera purement et simplement rayée de la carte sur une décision prise sans explication, sans indemnisation et sans même un mot de regret ?
M. François Gerbaud. C'est de la chute libre ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Michelle Demessine, secrétaire d'Etat au tourisme. Monsieur le sénateur, M. Gayssot n'étant pas disponible ce matin, je vais vous communiquer la réponse qu'il vous a préparée.
La situation que vous exposez est née de l'accroissement simultané des activités du centre école régional de parachutisme de Picardie et du trafic aérien commercial dans le bassin parisien.
Sachez tout d'abord que M. Gayssot regrette la situation de blocage qui existe actuellement dans cette affaire et qu'il considère que les choses peuvent encore évoluer. En effet, il semble bien qu'il existe des possibilités pour le centre de poursuivre son activité dans des conditions acceptables par les parachutistes tout en étant compatibles avec l'écoulement du trafic des avions en toute sécurité.
Cette croissance du trafic aérien a, en effet, rendu nécessaire un aménagement des trajectoires des avions au nord-est de l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle en début d'année. Toutefois, le projet de protocole d'accord présenté aux responsables du centre école, le 19 janvier 2000, prévoit une possibilité de saut sans restriction jusqu'à 2 500 mètres, et sur autorisation du centre de contrôle régional Nord au-dessus de ce niveau.
Entre 2 500 mètres et 3 500 mètres, l'autorisation sera généralement possible par vent d'est, moins fréquemment par vent d'ouest. Entre 3 500 mètres et 4 000 mètres, l'autorisation ne pourra être donnée que par faible trafic, les périodes favorables se situant les samedis, dimanches et jours fériés. Des aménagements sont également envisageables à l'occasion de compétitions sportives, dans le cadre d'une programmation concertée.
Les responsables du centre école n'ont pas cru devoir apporter, à ce jour, de réponse permettant la poursuite d'un dialogue sur ces propositions, dont la teneur a également été portée à la connaissance des services de la préfecture de l'Aisne et à celle des élus locaux concernés.
La décision de fermeture de ce centre a, en revanche, été avancée par ses dirigeants comme seule issue possible, faute d'obtenir une autorisation systématique de saut à 4 000 mètres pendant plusieurs semaines de stage en été, alors même que cette garantie n'avait jamais été donnée auparavant.
M. Gayssot souhaite donc qu'ils reprennent rapidement contact avec ses services, afin d'examiner ensemble les solutions pratiques pour sortir de la situation actuelle.
M. François Gerbaud. Et que ça saute ! (Nouveaux sourires.)
M. Paul Girod. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod. Puisque c'est à Mme le secrétaire d'Etat que je m'adresse, je le ferai sur un ton détendu. Mais si c'était M. Gayssot qui m'avait fait cette réponse, le ton n'aurait probablement pas été le même...
En effet, il ne sert à rien de donner à un centre où les sauts sont normalement effectués à 4 500 mètres d'altitude une autorisation pour des sauts à 3 000 mètres... quand le vent est faible... et qu'il souffle dans un sens... ou dans un autre. Vous savez bien, madame le secrétaire d'Etat, que les compétitions et les entraînements ont lieu à date fixe et qu'il faut donc tout prévoir ! C'est exactement comme si l'on décidait d'organiser une régate de dériveurs sur un bassin trop petit, et certains jours seulement ! Bien entendu, on ne peut pas programmer une compétition dans ces conditions.
Très honnêtement, la réponse que vous m'avez fournie est un peu courte, madame le secrétaire d'Etat !
Ce qui avait été demandé, c'était le déplacement du centre à Sissonne, ville qui n'est distante que de trente kilomètres. Ce transfert pouvait être effectué sans trop de difficultés, à condition que l'Etat apporte son aide.
Certes, M. le ministre nous dit qu'il existe encore des possibilités, mais qu'il me permette de lui rappeler que, pour ressusciter, le Christ n'a attendu que trois jours : au-delà, c'est probablement un peu difficile et, au bout de six mois, cela me semble impossible... (Sourires.)
M. François Gerbaud. Autant en emporte le vent ! (Nouveaux sourires.)

RÉSEAU TRANSEUROPÉEN DE FRET FERROVIAIRE

M. le président. La parole est à M. de Rohan, auteur de la question n° 809, adressée à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.
M. Josselin de Rohan. Lors du Conseil européen « transport » des 9 et 10 décembre 1999, quatre projets de directive ont été adoptés afin de redynamiser le secteur ferroviaire européen.
Cette initiative, issue d'un accord politique unanime, définit notamment un réseau transeuropéen de fret ferroviaire qui devrait permettre aux entreprises ferroviaires de l'Union européenne d'avoir accès à ce réseau pour exploiter des services de fret ferroviaire au sein de la Communauté.
Le Conseil européen « transport » du 28 mars 2000 a confirmé ces propositions, qui non seulement visent à revitaliser les chemins de fer européens pour le transport de marchandises, mais s'inscrivent aussi dans le cadre du développement du territoire.
Or, lors de ces deux Conseils européens, l'Etat français a exclu les ports bretons, notamment le port de Brest, du futur réseau transeuropéen de fret ferroviaire, ce qui nuit au renforcement de la compétitivité du territoire et impose une contrainte sur les liaisons directes de nos régions avec les grands pôles de développement internationaux.
Pis encore, cette décision tire un trait sur un enjeu fondamental pour nos ports bretons : être reliés à l'axe économique majeur qui est en cours de restructuration en Europe centrale, entre Rotterdam et les ports de la mer Noire.
Alors que tous les grands ports européens développent des plans ambitieux d'expansion visant à rendre opérationnels des centres d'éclatement mondial de marchandises par la construction de terminaux spécialisés et automatisés et à garantir la qualité des liaisons entre les ports principaux ainsi que les zones industrielles européennes, cette décision arbitraire pousse à la marginalisation de notre région par rapport au coeur économique européen et met en péril la compétitivité de nos ports, notamment celle du port de Brest, qui pourrait être un véritable pôle de création de richesses.
En conséquence, quelles sont les raisons qui ont conduit l'Etat français à exclure les ports bretons du réseau transeuropéen de fret ferroviaire ?
Quelles sont les raisons qui ont conduit le Gouvernement à maintenir un modèle unipolaire au lieu de retenir un modèle multipolaire valorisant au maximum la position centrale de la France en Europe ?
Alors que, lors du sommet européen de Lisbonne des 23 et 24 mars 2000, le Gouvernement a souhaité accélérer la libéralisation, notamment dans le secteur des transports, quelles sont les raisons qui ont conduit le ministre de l'équipement, des transports et du logement à fragiliser l'avenir des ports bretons face à des concurrents européens et mondiaux de plus en plus compétitifs ?
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Michelle Demessine, secrétaire d'Etat au tourisme. Monsieur le sénateur, comme je l'ai indiqué à vos collègues, M. Gayssot n'a pu être présent ce matin au Sénat et il m'a demandé de vous communiquer la réponse qu'il a préparée à votre intention.
Le réseau transeuropéen de fret ferroviaire, appelé aussi RTEFF, est partie intégrante de ce qu'on appelle le « paquet ferroviaire » qui englobe des projets de modification de la directive n° 91/440 relative au développement des chemins de fer communautaires et des directives associées.
Vous savez très certainement que le principe de ce réseau transeuropéen de fret ferroviaire a été retenu, au nom du Gouvernement français, sur proposition de M. Gayssot, lors du Conseil européen des ministres des transports du 6 octobre dernier.
L'objectif est de permettre un véritable développement du fret ferroviaire international et européen. Les entreprises ferroviaires de l'Union européenne titulaires d'une licence pourront offrir des services de fret internationaux sur les lignes constituant ce réseau, quel que soit le mode d'exploitation retenu.
Ces services pourront, par ailleurs, être étendus au-delà des limites de chacune des lignes du RTEFF, c'est-à-dire aux lignes d'accès, soit sur un trajet de 50 kilomètres, soit sur une distance couvrant 20 % de la longueur du parcours total d'un convoi, la plus longue des deux distances étant retenue.
Les possibilités d'utiliser ce réseau sont donc relativement larges, même pour les points qu'il ne recouvre pas.
La mise au point effective du RTEFF est intervenue lors du Conseil européen des ministres des 9 et 10 décembre 1999, après de longues négociations. M. Gayssot a en effet particulièrement insisté pour que sa mise en place s'accompagne d'importants efforts d'amélioration en matière d'interopérabilité des infrastructures et pour résorber les goulets d'étranglement.
Dans le cadre de ce compromis, les lignes ferroviaires constituant ce réseau ont été retenues en tenant compte des niveaux de trafics de fret qu'elles étaient susceptibles de supporter dans de bonnes conditions ainsi que des flux susceptibles d'être générés.
Sans préjuger les ajustements qui pourraient être opérés par le Parlement européen, qui examine actuellement les projets de directives en question, il va bien évidemment de soi que la consistance du RTEFF pourra évoluer afin de tenir compte des évolutions de trafic et des besoins constatés.
En tout état de cause et quelles qu'en soient les modalités, M. Gayssot est, vous le savez, particulièrement attentif à la qualité des dessertes ferroviaires offertes par la SNCF aux ports de commerce en général, et à celui de Brest en particulier.
M. Josselin de Rohan. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. de Rohan.
M. Josselin de Rohan. Madame le secrétaire d'Etat, je vous remercie de votre réponse, mais je dois constater que nous en sommes au même point : le RTEFF ne desservira pas la péninsule bretonne et l'extrême Ouest.
Or vous venez de nous dire - à juste raison - que l'avantage de ce RTEFF était d'ouvrir le réseau ferroviaire français à plusieurs opérateurs et d'assurer une certaine concurrence entre eux, ce qui améliorerait la qualité du service et stimulerait une entreprise qui dispose pour l'instant d'un monopole.
Par ailleurs, vous nous dites que les lignes qui peuvent accueillir des débits nouveaux auront accès au RTEFF. Or nous pourrions parfaitement accueillir des services supplémentaires sur nos réseaux, même si, j'en conviens, nous devons développer davantage nos services de fret ferroviaire en Bretagne. C'est bien d'ailleurs pourquoi, madame le secrétaire d'Etat, nous demandons la réalisation rapide du TGV Ouest, qui nous permettrait de dégager la voie classique pour accueillir le fret ferroviaire.
Le fond du problème, je crois, c'est que le Gouvernement adopte, en matière de fret ferroviaire, la même attitude qu'en matière de gaz et d'électricité : il s'agit de verrouiller le marché au profit d'une entreprise, au demeurant parfaitement respectable, et de limiter les conséquences de la concurrence que les traités de Rome et de Maastricht veulent instituer.
C'est un mauvais service qui nous est rendu et, en tout cas, je constate qu'une fois de plus les régions de l'Ouest sont « périphéricisées », marginalisées. Cela montre, à mon avis, que l'Ouest n'est plus une priorité pour l'aménagement du territoire aux yeux du Gouvernement.

RATTACHEMENT DES ÉCOLES

DU CANTON DE GODERVILLE
À L'INSPECTION ACADÉMIQUE D'YVETOT

M. le président. La parole est à M. Gélard, auteur de la question n° 777, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale.
M. Patrice Gélard. Monsieur le secrétaire d'Etat, l'inspecteur d'académie de Seine-Maritime a décidé de rattacher les écoles du canton de Goderville, qui, jusqu'alors, dépendaient de l'inspection académique de Fécamp, à l'inspection académique d'Yvetot.
Cette mesure est difficilement compréhensible, car elle tend à accroître les difficultés rencontrées par les enseignants en augmentant la distance entre leur école et l'inspection académique dont ils dépendent. En effet, ces communes sont situées à dix kilomètres de Fécamp, mais à quarante kilomètres d'Yvetot ; de plus, la plupart des services de l'Etat ainsi que les collèges et les lycées où sont affectés les élèves de ces communes sont situés à Fécamp, et le canton de Goderville appartient à l'arrondissement du Havre alors que le canton d'Yvetot dépend de l'arrondissement de Rouen.
Qu'est-ce qui peut, dès lors, justifier cette mesure ? Sûrement pas un souci de rationalisation, ni la recherche d'une plus grande efficacité ! De plus, cela semble contraire au principe de proximité du service public. Aussi souhaiterais-je savoir quelles dispositions le ministre de l'éducation nationale entend prendre dans cette affaire.
De façon plus générale, je veux attirer l'attention du Gouvernement sur le fait que de plus en plus de mesures sont prises sans concertation, sans réel souci de rationalité, pour regrouper ou rentabiliser tel ou tel service de l'Etat. En effet, ce que l'on constate là pour l'éducation nationale, on l'a déjà constaté auparavant pour La Poste. Il y a là quelque chose qui ne tourne pas rond.
Il conviendrait que la proximité soit un élément essentiel. En l'espèce, tous les directeurs d'école du canton de Goderville ont souligné la charge supplémentaire que représenterait pour eux leur rattachement à Yvetot.
Je souhaite donc très vivement qu'il soit possible de revenir sur cette mesure.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement. Monsieur le sénateur, je vous demande de bien vouloir excuser l'absence de mon collègue chargé de l'éducation nationale, qui m'a prié de vous communiquer les éléments de réponse qu'il a préparés à votre intention.
A la rentrée 1999, l'académie de Rouen a entamé une réorganisation de sa structure pédagogique. Cette réorganisation vise à faciliter la mise en oeuvre des politiques éducatives, le rapprochement du premier et du second degré et à mieux mobiliser l'encadrement.
Cette nouvelle organisation se caractérise par la création d'un niveau infra-départemental d'animation pédagogique, le réseau d'unités d'enseignement, RUE. Celui-ci est constitué d'écoles, de collèges et de lycées. Huit RUE ont ainsi été délimités, dont cinq en Seine-Maritime ; ils se sont substitués aux districts et aux bassins existants.
Ainsi, la nouvelle circonscription d'Yvetot, enrichie du canton de Goderville, fait partie, avec les circonscriptions de Lillebonne et de Fécamp, du RUE Lillebonne-Fécamp. La continuité pédagogique est assurée pour les élèves et la nouvelle unité infra-départementale permet aux enseignants de travailler dans un réseau élargi d'établissements qui va de la maternelle au lycée.
Cette modification ne bouleversera en rien les affectations des élèves des écoles de Goderville, qui continueront, comme par le passé, à être scolarisés au collège de Goderville puis au lycée de Fécamp. Le fonctionnement des écoles ne sera pas modifié, pas plus que le travail des enseignants avec les élèves. Au contraire, les continuités éducatives entre collèges et écoles d'un même secteur ainsi que les relations générales des établissements avec leur environnement devraient être améliorées.
Les maires ont été informés, comme le prévoit la réglementation, qui confie la gestion de la géographie scolaire à l'inspecteur d'académie, après consultation des inspecteurs d'éducation nationale du secteur. Par ailleurs, l'inspecteur d'académie, directeur des services départementaux de l'éducation nationale, a diffusé une très large information aux élus locaux et aux parlementaires. Je suppose que vous en avez été destinataire, monsieur le sénateur.
A ce jour, il ne semble pas au ministère de l'éducation nationale que les décisions prises à cette échelle déconcentrée de responsabilité aient soulevé d'objection particulière. Mais M. le ministre de l'éducation nationale pourra, bien sûr, prendre connaissance des éléments détaillés que votre question vous a permis d'ajouter.
M. Patrice Gélard. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard. Je ne suis pas tout à fait convaincu par la réponse qui vient de m'être faite, et d'abord parce qu'un très grand nombre d'élèves du canton de Goderville poursuivent leur scolarité non pas au collège de Goderville mais au lycée de Fécamp, qui se trouve, précisément, en dehors de la zone de l'inspecteur d'académie d'Yvetot. Par conséquent, je ne comprends pas la logique de cette restructuration, pas plus que ne la comprennent les directeurs d'école.
En ce qui me concerne, je n'ai pas reçu de courrier de l'inspecteur d'académie, ce qui semble traduire un manquement de la part des services académiques. Je n'en ai pas reçu non plus du rectorat.
La communication, dans cette affaire de carte géographique scolaire, s'opère mal dans le département de Seine-Maritime. Une meilleure concertation doit impérativement s'instaurer entre les différents partenaires.
M. Christian Demuynck. Il n'y a pas que dans votre département, mon cher collègue !

RECONDUCTION DES BAUX DE LOCATAIRES

EN SITUATION PRÉCAIRE

M. le président. La parole est à Mme Pourtaud, auteur de la question n° 825, adressée à M. le secrétaire d'Etat au logement.
Mme Danièle Pourtaud. Monsieur le secrétaire d'Etat, je souhaite attirer de nouveau votre attention sur le problème rencontré à Paris et en Ile-de-France par les locataires des appartements mis en vente par les bailleurs institutionnels dans le cadre de ce que l'on a appelé les « congés-ventes ».
Grâce à votre intervention, la commission nationale de concertation avait abouti à un accord entre associations de locataires et associations représentant les bailleurs en juillet 1998. Cet accord a ensuite été étendu par décret en juillet 1999.
Ma première question, monsieur le secrétaire d'Etat, est de savoir ce que deviendra cet accord après le vote de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, en cours d'examen.
Par ailleurs, je souhaite attirer votre attention sur une difficulté intervenue dans l'application de l'accord.
Cet accord est destiné à protéger les locataires dans la procédure des congés-ventes mise en oeuvre par les bailleurs institutionnels ayant bénéficié d'une aide de l'Etat. Une des dispositions prévoyait la reconduction automatique du bail pour les personnes handicapées, âgées ou dans toute situation de précarité pouvant la justifier.
Cette disposition est particulièrement importante, car pour toutes ces personnes fragilisées un déménagement et l'obligation de quitter le quartier où elles ont leurs repères constituent un véritable traumatisme.
Dans l'esprit des associations, les bailleurs s'étaient engagés, par cet accord, à renconduire à vie le bail de ces locataires. Malheureusement, la pratique a montré que les bailleurs signataires de l'accord le vidaient de sa substance en vendant occupés les appartements concernés. La garantie instituée est ainsi anéantie puisque l'acquéreur, personne physique ou morale, n'est pas soumis aux mêmes obligations que le bailleur institutionnel. Cette pratique, contraire à l'esprit sinon à la lettre de l'accord, doit être corrigée.
Ma seconde question, monsieur le secrétaire d'Etat, consiste donc à vous demander quelles dispositions peuvent être envisagées pour que l'obligation de reconduction automatique du bail des locataires en situation précaire, reposant initialement sur le bailleur institutionnel, puisse être transférée vers l'acquéreur de l'immeuble.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement. Madame la sénatrice, l'accord sur les congés-ventes conclu le 7 juillet 1998 est le fruit d'une négociation collective exemplaire au sein de la commission nationale de concertation, négociation à laquelle j'ai participé, mais dont vous étiez largement l'inspiratrice.
Cet accord a fait l'objet d'une extension par décret en juillet 1999, qui garantit son application à tous les bailleurs privés institutionnels. Le projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains, SRU, conforte ces dispositions et étend leur champ d'application à tous les bailleurs personnes morales.
Par cet accord, les partenaires, représentants des locataires et représentants des bailleurs institutionnels, ont recherché des solutions aux difficultés éprouvées par certains locataires recevant des congés, sans cependant remettre en cause l'équilibre des droits et obligations des propriétaires et des locataires établi par la loi du 6 juillet 1989 sur les rapports locatifs.
Les dispositions de l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989 interdisent déjà au bailleur de donner congé à une personne âgée de plus de soixante-dix ans et de ressources modestes, c'est-à-dire inférieures à une fois et demie le SMIC, s'il ne lui fait pas une offre de relogement à proximité de son logement actuel et conforme à ses besoins ainsi qu'à ses possibilités.
Les dispositions plus spécifiques prévues dans l'accord congé-vente répondent au souci de protéger les locataires les plus faibles ou âgés, sans toutefois amener à un blocage de toute évolution qui ferait peser sur d'éventuels acquéreurs, personnes physiques, le cas échéant, des contraintes plus fortes que celles qui sont prévues dans la loi relative aux rapports locatifs.
Sil est vrai que la reconduction automatique sans limite du bail pour des locataires qui ne sont pas des résidents de logements du secteur HLM paraît difficile, car, là, on s'éloigne totalement de la logique de la loi du 6 juillet 1989, il pourrait être envisagé que la vente des logements occupés par des locataires particulièrement protégés par l'accord se fasse à des acquéreurs dont l'objectif serait de conserver le bien à usage locatif.
J'ai demandé que la commission nationale de concertation fasse un bilan de l'application de l'accord congé-vente. Dans ce cadre, cette piste pourrait être explorée. Si des modifications de cet accord devaient intervenir, ce serait, bien évidemment, à l'issue de nouvelles discusions entre bailleurs et locataires, et ce pour rester dans la logique de l'approche qui a prévalu dès le départ, c'est-à-dire il y a maintenant près de deux ans.
Mme Danièle Pourtaud. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, des précisions que vous venez de me donner. J'enregistre avec satisfaction que la loi SRU va étendre les garanties prévues par l'accord à l'ensemble des bailleurs institutionnels et que, par ailleurs, la pérennité de l'accord est assurée.
Néanmoins, vous l'avez noté, l'un de nos objectifs - il est d'ailleurs central dans la loi SRU - lorsque nous avions demandé l'ouverture de ces négociations, était le maintien de la mixité sociale dans l'ensemble de nos quartiers. Or, les immeubles concernés par les congés-ventes contribuent au maintien de cette mixité sociale, puisque les prix des loyers y sont généralement inférieurs à ceux du marché.
Voilà pourquoi nous souhaiterions la mise en place d'un dispositif permettant, lorsqu'il y a vente par les bailleurs institutionnels, que les acquéreurs soient des acquéreurs du secteur social, car ils pourraient, effectivement, continuer à maintenir ces appartements dans le secteur locatif. Ce serait une garantie de mixité sociale, celle-ci n'étant pas assurée si la vente se fait à des bailleurs privés, qui n'ont aucune obligation à cet égard.
Par ailleurs, la vente à des bailleurs du secteur social permettrait de garantir le maintien dans les lieux des locataires en situation de précarité, dont la situation faisait plus particulièrement l'objet de ma question.
J'ai bien enregistré, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous envisagiez de lancer une nouvelle négociation. Les associations de locataires y seront sans doute très sensibles et très attentives.

DEMANDE DE SIMPLIFICATION ADMINISTRATIVE

DES MESURES COMMUNAUTAIRES

M. le président. La parole est à M. de Montesquiou, auteur de la question n° 823, adressée à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le secrétaire d'Etat, depuis l'origine, la France a joué un rôle moteur dans la construction européenne. Espérons que la présidence française du Conseil de l'Union permette à notre pays d'imprimer sa marque pendant six mois ! C'est une occasion exceptionnelle d'affirmer et de faire partager nos priorités.
L'Europe est encore mal-aimée et souvent perçue par nos concitoyens comme technocratique, peu efficace, davantage soucieuse de procédures que de résultats.
Cette impression est largement justifiée pour un certain nombre de professions, qui se heurtent à la complexité administrative des règles d'origine communautaire, qui viennent s'ajouter aux nôtres, déjà beaucoup trop contraignantes.
L'artisanat, « première entreprise de France » et donc premier gisement d'emplois, subit des contraintes absurdes. Pour les dossiers de mise en conformité, par exemple, le nombre de pièces à fournir tient d'un inventaire à la Prévert : attestations, formulaires, rapports, visites, pièces complémentaires. Qui plus est, ces informations sont demandées progressivement, sous forme d'additifs, et non en une seule fois !
Il est indispensable que la procédure soit allégée afin d'éviter les surcoûts de trésorerie générés par les délais de deux à trois ans entre la réalisation des projets et leur liquidation.
Un exemple significatif d'aberrations : pour ce qui est des machines pouvant bénéficier d'aides, pourquoi le matériel roulant, comme les élévateurs, n'est-il pas éligible ?
Les demandes de l'administration doivent s'inscrire dans une logique et apparaître comme naturelles ; il est indispensable de les alléger pour ne pas décourager les entreprises individuelles déjà trop peu bénéficiaires de programmes communautaires.
Dans le domaine agricole, l'inflation administrative s'accroît. La réforme de la politique agricole commune, en 1992, avait déjà placé les agriculteurs devant l'obligation de remplir de trop nombreux imprimés pour percevoir les aides. Suite aux accords de Berlin, des déclarations nouvelles se sont ajoutées aux précédentes : primes à l'abattage, modulation des aides... et j'en passe. Les risques d'erreur sont majeurs et les exigences injustifiées préjudiciables à l'exercice de l'activité agricole.
Il y a urgence ! L'impératif de bonne gestion des deniers publics d'origine communautaire, que personne ne remet en question, ne justifie en rien de telles tracasseries.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je n'ai choisi qu'un échantillon parmi de trop nombreux cas. Le débat sur les axes prioritaires de la présidence de l'Union européenne qui s'est déroulé au Sénat le 30 mai dernier n'a pas permis d'entrer dans les détails techniques. Dans un objectif pragmatique et pour réconcilier les citoyens avec l'Europe, le Gouvernement est-il prêt à s'engager pour faire de la simplification administrative un objectif prioritaire ?
MM. Paul Blanc et Daniel Hoeffel. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement. Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser mon collègue Pierre Moscovici et de trouver, dans les éléments de réponse qu'il m'a communiqués, matière à faire échec à vos préoccupations.
Comme vous le savez, la Commission européenne souhaite mettre en oeuvre un important programme de rationalisation de l'activité normative des institutions communautaires.
L'Union européenne souffre d'une surproduction législative dans de nombreux domaines, notamment ceux qui sont afférents au marché intérieur. En même temps, elle n'est pas toujours en capacité de prendre les décisions indispensables dans des domaines essentiels d'affirmation de ses compétences. Cette ambivalence de la production normative communautaire doit donc faire l'objet d'un traitement en profondeur de la part de la Commission comme du Conseil.
Comme vous le savez également, le Gouvernement a mis au coeur de son programme de priorités pour la présidence française la promotion d'une meilleure gouvernance de l'Union européenne. Ce chantier essentiel pour l'avenir même de l'Union recouvre des questions multiples.
En premier lieu, la conclusion de la conférence intergouvernementale devra nous permettre de redonner une capacité de décision politique à l'Union européenne.
Mais il y a aussi les réformes que l'on peut qualifier de « simples et pratiques » - celles que vous appelez de vos voeux - dont les institutions européennes peuvent se saisir spontanément pour assurer des réformes essentielles de fonctionnement. La Commission européenne est engagée dans un vaste exercice de réforme interne de ses procédures à la suite du rapport de Neil Kinnock. Le conseil « Affaires générales » doit s'efforcer de retrouver sa capacité de coordination des différentes formations du Conseil, ce qui est un élément essentiel du dispositif de rationalisation du processus de décision communautaire.
Enfin, il y a les éléments de réforme administrative, sur lesquels la Commission européenne a pris plusieurs initiatives. En particulier, l'initiative de simplification dite SLIM - simplification de la législation sur le marché intérieur - lancée en 1996 dans le cadre du pacte de confiance pour l'emploi, a permis de mettre en place des groupes de travail thématiques, composés à la fois de représentants de cinq délégations nationales et d'opérateurs économiques, afin de proposer des recommandantions de simplification de la législation communautaire.
En outre, la Commission européenne a présenté en mars dernier une communication contenant des propositions concrètes sur la simplification de la législation relative au marché unique.
Enfin, en mars dernier toujours, le conseil européen de Lisbonne a demandé au Conseil et aux Etats membres, eu égard à leurs compétences respectives, de définir, d'ici à 2001, une stratégie visant, par une nouvelle action coordonnée, à simplifier l'environnement réglementaire, y compris le fonctionnement de l'administration publique, à l'échelon tant national que communautaire, en recensant des domaines où il est nécessaire que les Etats membres rationalisent davantage la transposition de la législation communautaire en droit national.
Je pense, monsieur le sénateur, que les exemples que vous avez donnés peuvent intéresser ceux qui sont attelés à cette tâche.
La France soutient les initiatives de la Commission européenne, et encore tout récemment lors du conseil « Marché intérieur » du 25 mai dernier.
Le Gouvernement entend également indiquer à la Commission européenne que cet effort de rationalisation doit aussi s'inscrire dans une réflexion plus générale qui doit comprendre notamment une meilleure lisibilité des textes communautaires et une refonte et codification des directives existantes.
Telles sont les informations que mon collègue Pierre Moscovici souhaitait vous transmettre sur cette importante question, monsieur le sénateur.
M. Aymeri de Montesquiou. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le secrétaire d'Etat, la présidence de l'Union européenne, c'est un style, et la France doit imprimer sa marque. Nous faisons le même constat.
Mais votre réponse s'inscrit tout à fait dans cette complexité administrative que j'évoquais : elle n'apporte aucune simplification.
Vous êtes élu d'un département d'élevage, vous savez donc quelles affres administratives subissent les éleveurs.
Je vais vous en donner un exemple.
Dans mon département, souvent une exploitation agricole ne survit que grâce à un appoint d'élevage dans le cadre de la polyculture. Or, un même éleveur, chaque année et à des dates différentes, doit remplir un dossier de déclaration de surface, un dossier relatif à la prime au maintien du troupeau de vaches allaitantes, un dossier de déclaration à l'abattage de ses animaux, un dossier pour l'indemnité compensatrice du handicap naturel, un dossier relatif à la prime à l'herbe, un dossier relatif à la modulation des aides et, éventuellement, aussi, un dossier de contrat territorial d'exploitation... Et si jamais il fait une erreur, on annule toutes ses primes !
La France a un devoir, tout comme son exécutif, qui est proeuropéen : son objectif majeur est de faire de nouveau aimer l'Europe à nos concitoyens. Or, aujourd'hui, la complexité administrative européenne fait que nos concitoyens se détournent de l'Europe, je vous l'assure. Je demande que la simplification de tout ce fardeau administratif soit une priorité gouvernementale.
M. Jean-Claude Carle. Absolument !
M. Paul Blanc. Très bien !
M. Georges Mouly. En effet !

PROGRAMME D'AIDES COMMUNAUTAIRES

M. le président. La parole est à M. Blanc, auteur de la question n° 821, adressée à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.
M. Paul Blanc. Monsieur le secrétaire d'Etat, ma question s'adressait à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes et peut-être aussi - pourquoi pas ? - à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Elle concerne les programmes communautaires 1994-1999, qui se terminent.
L'avancement des dossiers, à dix-huit mois de la clôture des programmes, est bloqué faute d'autorisations de programme et de crédit de paiement.
Pour le département des Pyrénées-Orientales, le dernier pointage effectué vendredi est le suivant.
S'agissant du Fonds européen d'orientation et de garantie agricole, le FEOGA, notamment s'agissant du programme 5 b, il manque, en autorisations de programme pour engagement 24 millions de francs et quarante dossiers urgents sont bloqués.
S'agissant du programme Leader II « terres romanes », il manque en crédits de paiement pour engagement et mandatement 1,5 million de francs.
S'agissant du Fonds européen de développement régional, le FEDER, sur le programme 5 b, il manque en autorisations de programme pour engagement 3 160 000 francs et, en crédits de paiement, 3 122 000 francs.
S'agissant du programme Leader II « terres romanes », il manque en autorisations de programme pour engagement 2 330 000 francs et il manque en crédits de paiement pour mandatement 7 490 000 francs.
Enfin, s'agissant du programme Interreg II, il manque en autorisations de programme pour engagement 2 790 000 francs et en crédits de paiement pour mandatement 9 224 358 francs.
Au total, monsieur le secrétaire d'Etat, ce sont plus de 20 millions de francs qui manquent aujourd'hui en crédits de paiement pour le seul département des Pyrénées-Orientales. Or, nous savons que les crédits ont été délégués à la France depuis le mois de novembre 1999. Nous attendons toujours ! Les programmes se terminent et nombre de dossiers ont nécessité des avances de trésorerie. Il est donc urgent aujourd'hui de régulariser la situation.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement. Monsieur le sénateur, je vous demande à vous aussi de bien vouloir excuser mon collègue Pierre Moscovici. Je vais vous apporter les éléments de réponse qu'il a rassemblés pour satisfaire vos préoccupations.
Certains crédits sont en effet en attente. La redélégation des crédits non utilisés en 1999 au titre du FEDER est subordonnée, en vertu des règles de la comptabilité publique, à la publication d'un arrêté de report définitif de Mme la secrétaire d'Etat au budget, dans le département des Pyrénées-Orientales comme dans le reste de la France. Je suis à même de vous indiquer que cela n'est plus maintenant qu'une question de jours.
Il en va de même de la délégation de crédits au titre de l'exercice 2000, le ministère de l'agriculture ayant d'ailleurs déjà débloqué 40 millions de francs d'autorisations de programme au mois de mai.
Par ailleurs, si différents programmes pour le FEDER ou le FEOGA sont en attente de délégation ou de redélégation d'autorisations de programme et/ou de crédits de paiement, il convient de souligner que certains retards dans leur déroulement sont parfois aussi imputables aux maîtres d'ouvrage qui tardent, malgré les relances, à adresser aux services instructeurs, en l'occurrence la préfecture ou les groupes d'action locale, les justifications demandées nécessaires au règlement des dossiers, c'est-à-dire la production de factures acquittées, ou les preuves des cofinancements.
A travers cet exemple, on voit donc bien à nouveau que tous - ministères, services déconcentrés, partenaires locaux - doivent se mobiliser pour optimiser les conditions d'utilisation des fonds structurels.
M. Moscovici, à l'occasion de votre question, souhaitait insister sur les efforts qui vont être entrepris, dans le cadre de la mise en oeuvre de la nouvelle génération des fonds structurels, pour simplifier les circuits. Cela pourra passer notamment par la constitution et l'alimentation d'une avance de trésorerie au niveau national et régional, ainsi que par la fixation de délais, d'instruction, de conventionnement et de paiement. Cet objectif devrait, me semble-t-il, répondre positivement à votre préoccupation de ramener les délais à quelques mois au maximum.
M. Paul Blanc. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Blanc.
M. Paul Blanc. Monsieur le secrétaire d'Etat, vos propos me rappellent un vieux dicton : « Demain, on rase gratis ! » Cette situation, je l'ai déjà connue avec les programmes intégrés méditerranéens où les régions avaient mis en place un fonds d'avances. Malheureusement, pour les nouveaux programmes européens, cela n'a pas été le cas.
En ce qui concerne les mauvais renseignements qui seraient fournis par les maîtres d'ouvrage, j'ai sous les yeux une lettre toute récente dans laquelle il m'est indiqué que, sur un programme de valorisation des énergies renouvelables en terres romanes, le dossier de demande de paiement du deuxième acompte a été déposé en novembre 1999 et qu'il n'a pas encore reçu de réponse, ni fait l'objet de mandatement.
De façon plus générale, monsieur le secrétaire d'Etat, ces retards habituels de versement de fonds européens sont un mauvais procès fait à l'Europe, car nos mandants, bien souvent, accusent l'Europe de ces retards, alors qu'il s'agit d'un problème purement franco-français.
Nous attendons donc la signature du décret par Mme la secrétaire d'Etat au budget, qui doit débloquer les dossiers. Les programmes européens sont achevés depuis le 31 décembre 1999, nous sommes au mois de juin. Il ne faut pas autant de temps pour signer un document ! Il s'agit vraiment - et je rejoins les propos de M. de Montesquiou - d'un problème de simplification purement franco-français auquel nous devons réfléchir.

CONVENTION DE L'OIT

TRAITANT DES DROITS DE LA MATERNITÉ

M. le président. La parole est à M. Hoeffel, auteur de la question n° 815, adressée à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité.
M. Daniel Hoeffel. Ma question concerne la convention 103 de l'Organisation internationale du travail traitant des droits de la maternité.
La législation française prévoit seize semaines de congé de maternité et l'interdiction absolue de licenciement des femmes enceintes et en congé de maternité.
Au nom de l'harmonisation européenne, il semble qu'il soit envisagé de modifier cette législation dans les prochains mois. Cette modification irait dans le sens de l'assouplissement prévu dans la convention 103 de l'OIT.
Si une telle réforme devait aboutir, elle marquerait une régression du droit social français en faisant passer les congés de maternité de seize à quatorze semaines.
De même, le projet de modification semble revenir sur l'interdiction totale de licenciement en période de congé de maternité, en autorisant le licenciement pour des motifs sans lien avec la grossesse. Cela permettrait à un employeur de se séparer d'une femme enceinte en invoquant d'autres motifs.
Or, selon les principes fondamentaux et juridiques de l'OIT, une convention de cette organisation n'est révisée que lorsque les modifications apportées portent à un dégré supérieur le contenu de la convention concernée et le niveau de protection des travailleurs.
Pourriez-vous préciser, madame la ministre, les modifications de la convention 103 de l'OIT qui sont envisagées, ainsi que les raisons qui pourraient justifier de telles modifications ?
A l'heure actuelle, trente-six pays seulement sur cent soixante-quatorze ont signé la convention 103. La mise au point de nouvelles normes internationales de travail, leur révision et leur assouplissement sont considérés, par certains pays, comme un moyen d'obtenir leur ratification. Cette orientation ne risque-t-elle pas de se faire au détriment de droits considérés comme essentiels par notre pays, en particulier du point de vue de la protection de la maternité ?
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal, ministre délégué à la famille et à l'enfance. Monsieur le sénateur, je voudrais redire très clairement l'attachement du Gouvernement français à la protection de la maternité au travail. La ministre du travail, Mme Martine Aubry, s'est d'ailleurs exprimée devant vous à ce sujet le 8 mars dernier, à l'occasion de la Journée internationale des femmes.
La protection de la maternité au travail est l'une des plus anciennes normes internationales puisque la convention 3 sur ce sujet a été adoptée dès 1919, année de la fondation de l'OIT, que cette convention a été révisée en 1952 pour tenir compte de l'évolution des législations et des pratiques nationales et que, quarante-huit ans plus tard, une procédure de révision de ce texte est à nouveau engagée.
Le texte actuellement soumis à la discussion par le Bureau international du travail, le BIT, présente des avancées importantes par l'élargissement du champ des protections proposées : protection contre les discriminations à l'embauche, protection contre les licenciements durant toute la grossesse et la période d'allaitement, instauration d'une période obligatoire de congé de maternité, prise en compte des risques pour la procréation ou pour la santé de la femme et de l'enfant, toutes choses qui nous semblent naturelles à nous Français, parce qu'elles sont ancrées depuis longtemps dans notre droit, mais qui représentent une vraie révolution pour d'autres pays.
Ce sont donc des éléments nouveaux et importants qui sont débattus dans le cadre de cette conférence ; ils n'étaient pas abordés par la convention de 1952.
La France a décidé d'oeuvrer pour qu'un plus grand nombre de pays ratifient cette convention. Comme vous l'avez également souligné, la convention 103 n'a en effet été ratifiée que par trente-six pays, selon vous, et trente-sept, selon les chiffres qui m'ont été donnés, c'est-à-dire moins de 20 % du total possible. Par comparaison, j'indique que la convention n° 100 sur l'égalité de rémunération a été ratifiée par 137 pays, et la convention 111 concernant la discrimination à l'emploi par 132 pays.
Mais cet objectif d'un plus grand nombre de pays ratifiant cette convention ne doit pas se traduire par un recul sur certaines normes de la convention 103.
Nous partageons à ce titre l'inquiétude de ceux qui, comme nous, regrettent que le texte proposé par le BIT à la conférence soit moins précis que le texte de 1952. Si, comme je l'ai dit, une protection contre les discriminations liées à la grossesse est introduite, l'interdiction de licenciement pendant le congé de maternité ne figure plus. De même, le projet de texte maintient, certes, la durée du congé de maternité de douze semaines et prévoit une obligation d'arrêt de travail dont la durée et la répartition sont fixées par les Etats membres, mais elle revient sur le droit à six semaines de congé de maternité après l'accouchement.
La France n'apportera pas son soutien à des modifications qui seraient en retrait par rapport à la convention 103.
Nous oeuvrons pour parvenir à adopter un texte qui, tout respectant les différences culturelles des pays membres, élargisse le champ des protections accordées aux femmes, assure un niveau de protection global au moins équivalent à celui de la convention actuelle.
M. Daniel Hoeffel. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Hoeffel.
M. Daniel Hoeffel. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre.
Deux objectifs sont recherchés, mais il convient de veiller à ce qu'ils ne soient pas contradictoires. Il s'agit, d'une part, d'obtenir la ratification par le maximum de pays de la convention 103, cet objectif d'harmonisation, qui est lié à la ratification, pouvant entraîner certains assouplissements quant aux droits déjà obtenus, et, d'autre part, de veiller à ce que cette harmonisation ne se fasse pas au détriment d'un certain nombre de droits fondamentaux qui, depuis des décennies, sont reconnus comme tels par notre pays.
Je fais confiance au Gouvernement pour qu'il veille à ce qu'il n'y ait pas de contradiction entre les exigences de l'harmonisation et le respect des droits obtenus au plan national et que, au contraire, ces deux principes puissent cheminer de pair.

DÉVELOPPEMENT DU SERVICE DE GÉRIATRIE

DU CENTRE HOSPITALIER GÉNÉRAL DE TULLE

M. le président. La parole est à M. Mouly, auteur de la question n° 804, adressée à Mme le secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.
M. Georges Mouly. Compte tenu du poids de la population âgée en Corrèze - département que vous connaissez bien, madame la ministre ! - les dispositifs gérontologiques se développent et cherchent constamment à s'adapter aux souhaits et aux besoins des personnes âgées et de leur famille.
Sur le secteur de Tulle, chef-lieu du département, dans le cadre du schéma départemental de gérontologie, s'est instaurée une réflexion pour une expérimentation de coordination locale - elle est bien nécessaire - autour de la personne âgée pour optimiser les conditions du maintien à domicile.
Le centre hospitalier général de Tulle est un des partenaires de ce projet pour ce qui concerne la coordination des hospitalisations et les retours à domicile - et, éventuellement développer l'idée de mieux coordonner pour prévenir les hospitalisations « sociales », les retours à domicile « catastrophe », qui conduisent eux-mêmes à un retour à l'hôpital, et préparer les familles et les personnes âgées à un projet de vie intégrant les « limites » du maintien à domicile. C'est un objectif quelque peu ambitieux, mais il est en phase de mise en route réelle.
En Corrèze, plus du quart de la population a plus de soixante ans, et les plus de soixante-quinze ans représentent plus de 10 % des Corréziens.
A Tulle, plus de 90 % des personnes âgées admises au centre hospitalier général sont accueillies par le service des urgences.
L'évolution démographique prévisible des prochaines années justifie la présence d'un service de gériatrie dans chaque établissement hospitalier, pour une gériatrie interactive avec les autres disciplines.
Le service actuel du centre hospitalier de Tulle s'emploie à développer une action tant qualitative que quantitative. Néanmoins, les moyens qui lui sont alloués sont insuffisants pour développer, d'une part, une collaboration interne afin de favoriser la prévention du vieillissement, éviter la perte d'autonomie, accélérer l'orientation adaptée des patients et mieux préparer les retours à domicile, et, d'autre part, une collaboration avec l'extérieur afin de prévenir les hospitalisations et d'organiser les retours à domicile, en s'appuyant sur les partenaires institutionnels et associatifs. C'est d'ailleurs dans ce cadre que s'inscrit l'action d'expérimentation, elle-même bien mise à exécution, qui est menée sur les quatre cantons, dont deux sont ruraux et deux urbains, de la ville chef-lieu.
Alors que vient d'être accordée aux médecins de ville une revalorisation des visites à domicile des personnes âgées de plus de soixante-quinze ans et atteintes d'une affection de longue durée - mesure bienvenue pour une « politique » de maintien à domicile - ne peut-il être envisagé d'attribuer au centre hospitalier général de Tulle un crédit supplémentaire en vue de doter le service de gériatrie des moyens nécessaires pour assumer sa mission, moyens qui pourraient être la création d'un poste de praticien hospitalier et de postes à temps partiel, voire très partiel, de cadre infirmier, de secrétaire et d'assistante sociale ?
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal, ministre délégué à la famille et à l'enfance. Monsieur le sénateur, vous avez attiré l'attention du Gouvernement sur la situation du centre hospitalier de Tulle et, plus particulièrement, de son service de gériatrie. Vous soulignez, à juste titre, la nécessité de développer la prise en charge des personnes âgées, notamment dans votre département, où celles-ci représentent, comme dans d'autres départements ruraux, une part importante de la population.
L'amélioration de la prise en charge des personnes âgées est une priorité du Gouvernement. Le schéma régional d'organisation sanitaire du Limousin fixe, parmi ses priorités, la prise en charge des personnes âgées par une filière intra et interhospitalière dans le cadre d'une véritable coordination gérontologique. En effet, l'amélioration de la prise en charge des personnes âgées passe nécessairement par la réorganisation des modalités d'orientation et de soins des patients.
Le Gouvernement considère à cet égard comme prioritaire la création de places d'hospitalisation à domicile et le développement des services de soins infirmiers à domicile ainsi que la mise en place de véritables filières gériatriques.
Martine Aubry et Dominique Gillot ont adressé à cet effet, le 30 mai dernier, aux agences régionales de l'hospitalisation, une circulaire visant à assurer un plus grand développement de l'hospitalisation à domicile en France. C'est, pour les personnes âgées, vous le savez, une mesure importante de santé publique.
En ce qui concerne l'unité de soins de longue durée du centre hospitalier de Tulle, il convient de préciser que celle-ci bénéficie du ratio d'encadrement en personnels le plus élevé du département de la Corrèze et le quatrième de la région Limousin.
Plus généralement, le centre hospitalier n'apparaît pas comme sous-doté au regard de la moyenne régionale, selon les données issues du programme de médicalisation du système d'information. Mais, bien évidemment, le Gouvernement est prêt à examiner avec vous de façon beaucoup plus attentive les éléments dont vous disposeriez qui seraient contraires à l'information que je vous donne aujourd'hui.
Le centre hospitalier travaille actuellement à l'élaboration d'un projet gériatrique. Il aura notamment pour objet la restructuration d'une filière gériatrique de court, moyen et long séjours de prise en charge des personnes âgées. Il devrait également prévoir d'humaniser les locaux d'hébergement de l'unité de soins de longue durée et de la maison de retraite.
Ce projet, auquel vous tenez beaucoup, sera examiné par les autorités de tutelle au regard des recommandations du schéma régional d'organisation sanitaire et des objectifs du schéma gérontologique départemental.
Le directeur de l'agence régionale de l'hospitalisation du Limousin veillera à faciliter ces évolutions et à soutenir les projets liés à la gériatrie en liaison étroite avec le préfet et le président du conseil général, en charge du secteur médico-social, notamment pour ce qui concerne la maison de retraite et la reconstruction des bâtiments d'hébergement.
Je peux vous indiquer qu'en application du protocole du 14 mars 2000 signé entre les organisations syndicales représentatives de la fonction publique hospitalière et le Gouvernement des crédits de remplacement supplémentaires pour un montant de 1 673 000 francs ont été accordés au centre hospitalier de Tulle. Une partie de ces crédits a d'ailleurs été plus spécifiquement affectée au renforcement des moyens de l'unité de soins de longue durée.
Je vous remercie, monsieur le sénateur, de l'attention que vous portez à ce sujet. Le Gouvernement reste à votre disposition pour accompagner cet important projet en cours dans une région qui vous est chère.
M. Georges Mouly. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Mouly.
M. Georges Mouly. Je tiens à remercier Mme la ministre d'une réponse précise, circonstanciée, que j'apprécie et que les Tullistes, les personnes et les familles intéressées sauront également apprécier, je n'en doute pas.
Vous avez rappelé l'importance qu'attache le Gouvernement à la politique en faveur du maintien à domicile des personnes âgées. Chacun, sur le terrain, peut en faire le constat, je le dis très objectivement.
Pour ce qui concerne ce volet d'une politique sociale, les collectivités locales, comme les instances cantonales de gérontologie, font l'effort que chacun connaît, et les associations ne manquent pas à leurs devoirs de ce point de vue.
J'ai bien noté, madame la ministre, le projet actuel concernant l'établissement à propos duquel je vous ai interrogée. J'ai bien noté aussi que, si des besoins se faisaient jour, très précis, compte tenu des renseignements que l'on peut avoir sur le terrain, les efforts nécessaires seraient faits. C'est un espoir que vous me permettez de formuler, et, encore une fois, je vous remercie.

RELANCE DU BÂTIMENT ET INFLATION DES PRIX

M. le président. La parole est à M. Muzeau, auteur de la question n° 830, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Roland Muzeau. Madame la secrétaire d'Etat, ma question porte sur la responsabilité des entreprises du bâtiment en matière d'inflation des prix constatée, laquelle obère l'effort d'aménagement des collectivités locales.
Si tout le monde se félicite, à juste titre, de la relance de l'économie, en particulier de celle du bâtiment, personne ne peut admettre qu'elle s'accompagne d'une défection importante dans les réponses des grandes entreprises aux appels d'offres des collectivités locales et à une dérive des prix.
Dans ma ville, Gennevilliers, j'ai pu constater, dans le cadre d'appels d'offres portant notamment sur la construction d'un gymnase et sur la réhabilitation de locaux pour l'accueil d'une structure de santé, des dépassements de prix de l'ordre de 20 %. Pour un groupe scolaire maternel, l'augmentation est de 16 %. Toutes les communes et collectivités territoriales sont confrontées à une telle situation.
D'ailleurs, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes de la Seine-Saint-Denis a remis, voilà déjà quelques mois, un rapport faisant état d'une augmentation de 10 % à 15 % des prix pratiqués dans le bâtiment.
Sur une période récente, les fabricants ont aussi décidé de très fortes augmentations : le rond à béton, le cuivre ont ainsi augmenté de 20 % à 25 % ; le PVC a subi une hausse de 37 %.
Il est vrai que, pendant toute une période, le secteur du bâtiment a subi une grave crise et connu des prix anormalement bas. Mais il faut se souvenir que les collectivités locales ont à ce moment proposé des marchés importants qui ont permis aux entreprises de poursuivre leurs activités.
Ce à quoi nous assistons ne constitue nullement un ajustement des prix, que nous comprendrions. Il s'agit d'une véritable explosion, qu'il convient, madame la secrétaire d'Etat, de juguler. Comment laisser ces acteurs économiques se comporter comme s'ils devaient exploiter vite et fort le filon de la reprise ?
Le président de la Fédération française du bâtiment, dans le dernier numéro de la publication mensuelle éditée par cet organisme, ne reconnaît-il pas que ses entreprises adhérentes « profitent » de la reprise de l'activité pour augmenter leurs prix ?
Il justifie cette pratique par la hausse des prix des produits et des matériaux, mais aussi par le passage aux 35 heures et, surtout, par le besoin de reconstituer des marges. Il met en garde - je le cite - « ceux qui contesteraient un ajustement des prix », car, dit-il, ils « risquent de le regretter amèrement ».
Ce que je regrette vraiment, madame la secrétaire d'Etat, c'est que ce souci obsessionnel de la rentabilité pénalise les efforts des collectivités locales et des organismes d'HLM et, par conséquent, les populations.
Ce que nous ne pouvons accepter, c'est que les choix modernes du gouvernement de la gauche plurielle, comme les 35 heures et l'abaissement de la TVA à 5,5 %, soient ainsi déviés de leurs objectifs.
Aussi je vous demande, madame la secrétaire d'Etat, quelles initiatives votre ministère peut prendre pour remédier aux dérives inflationnistes dans ce secteur, à l'image de ce qui est tenté en direction des grandes compagnies pétrolières, afin de dépasser la contradiction entre la volonté publique nationale et le souci particulier de la rentabilité financière, contradiction que nous dénonçons, bien évidemment !
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget. Monsieur le sénateur, le secteur du bâtiment et des travaux publics connaît, depuis plusieurs mois, un regain d'activité dû au effets conjugués de la reprise du marché de l'immobilier neuf, résultat de la croissance, et des interventions nécessaires à la réparation des dégâts causés par la tempête de la fin de l'année 1999.
Les prévisions faites par les professionnels prévoient une croissance du secteur de l'ordre de 4,5 % pour l'année en cours et la création de 20 000 emplois.
Les pouvoirs publics ont déjà favorisé cette reprise d'activité par un allégement des charges salariales, puisque la loi de finances pour 1999 a mis en oeuvre la réforme de la taxe professionnelle qui supprime sur cinq ans la part salariale de l'assiette de la taxe. Par ailleurs, la baisse importante de la TVA sur certains travaux de bâtiment a produit d'ores et déjà des effets très sensibles. Il convient donc effectivement de se féliciter, particulièrement en termes d'emploi, de cette reprise et de l'état florissant de ce secteur économique très important.
Les conséquences de cette reprise n'ont cependant pas échappé aux pouvoirs publics, mais il convient de mesurer à leur juste valeur les risques d'inflation éventuelle qui peuvent être dus à la tentation d'une majoration des prix de base après une période de dépression, vous les avez signalés, et les risques d'une sélection préférentielle des chantiers à réaliser pour le compte du secteur privé au détriment, éventuellement, des marchés publics, particulièrement ceux des collectivités locales que vous avez évoqués.
Il doit être également tenu compte de la répercussion du prix de l'énergie dans les coûts de production. Le Gouvernement s'emploie avec fermeté à ce que ce coût soit ajusté correctement en fonction des cours internationaux des matières énergétiques. M. Laurent Fabius a pris à cet égard des mesures importantes à la fin de la semaine dernière.
Il convient, au vu des prévisions faites par les professionnels eux-mêmes, de considérer que la période actuelle est une période de transition et qu'à court terme la montée en puissance des créations d'emplois rétablira un plus juste équilibre entre le secteur privé et le secteur public. Cette analyse ne dispense pas d'un suivi attentif des marchés publics et de la collecte d'informations précises sur l'évolution des prix.
S'agissant des marchés publics, il est conseillé aux maîtres d'ouvrage d'allotir au maximum leurs marchés et d'autoriser le recours aux variantes afin d'améliorer l'état de la concurrence et de permettre aux PME et aux artisans d'accéder à la commande publique.
Par ailleurs, la réforme en cours des marchés publics, dont l'objet principal est la simplification, devrait également faciliter l'accès des entreprises à la commande publique et contribuer, par ce biais, à rétablir l'équilibre entre secteur public et secteur privé.
S'agissant des prix, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes a effectué, dans la première quinzaine de février, une enquête qui a montré, par rapport au début de l'année, une augmentation de 1,6 % des prix de certains matériaux de base au stade de la distribution et une progression de 1,4 % du prix des travaux.
Si ces observations n'indiquent pas de dérapages généralisés, il n'est pas exclu que, ponctuellement, des hausses de prix très sensibles soient constatées, telles que celles que vous avez évoquées. C'est pourquoi des consignes très strictes ont été données en matière de contrôles, notamment dans les marchés publics, afin de détecter toute pratique anticoncurrentielle qui révélerait des hausses artificielles préjudiciables aux donneurs d'ordres quels qu'ils soient. Cette orientation des contrôles n'est pas temporaire ; elle se poursuivra tout au long de l'année 2000.
M. Roland Muzeau. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Muzeau.
M. Roland Muzeau. Madame la secrétaire d'Etat, vous confirmez dans votre propos les inquiétudes qui sont les nôtres sur la dérive des prix. Mais vous indiquiez par ailleurs que les informations qui sont en votre possession font état, pour le mois de février dernier, d'une dérive des prix qui oscillerait entre 1,4 % et 1,6 %. Bien évidemment, vous avez perçu que ces informations ne correspondaient pas à celles que je vous ai données ici même et qui sont corroborées par plusieurs maîtres d'ouvrage de la région parisienne, de mon département, les Hauts-de-Seine, en particulier.
L'Ile-de-France est particulièrement concernée par ces phénomènes, et cette dérive des prix, que je dénonce et surtout que je déplore, est supérieure à celle qui apparaît à travers les chiffres qui sont donnés par vos services.
Nous savons tous que, dans un département comme les Hauts-de-Seine, qui est un département à forte attractivité pour les bureaux et pour l'accession à la propriété haut de gamme, les réponses qui sont faites par les entreprises sont extrêmement variables selon que les appels d'offres portent sur la construction de logements d'HLM ou bien sur 50 000 mètres carrés de bureaux ; chacun mesurera que la différence est notable.
Bien entendu, je prends en compte l'assurance que vous nous donnez d'un suivi attentif de vos services sur cette question très importante. Malgré tout, je ne suis pas pour autant rassuré face à la réalité, qui va incontestablement dans un sens opposé à la relance.

APPLICATION DE LA TVA

À LA RESTAURATION COLLECTIVE

M. le président. La parole est à M. Demuynck, auteur de la question n° 816, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Christian Demuynck. Madame la secrétaire d'Etat, en exigeant du ministère de l'économie et des finances l'abrogation, dans les six prochains mois, des décisions de 1942 et 1943, le Conseil d'Etat aura dit le droit, laissant au politique le soin de gérer les conséquences inévitables de l'application d'une TVA de 19,6 % sur la restauration collective.
Les instructions successives de la direction générale des impôts ayant de tout temps étendu le bénéfice des dispositions de 1942 et 1943 à la restauration municipale, notamment scolaire, cet arrêt pèsera lourdement sur les finances des communes soucieuses de ne pas pénaliser les familles. Et c'est bien évidemment là que le bât blesse.
En effet, de deux choses l'une : soit certaines communes, fragilisées par un endettement important, devront faire supporter aux contribuables le poids de cette hausse, soit les municipalités assumeront le surcoût, quitte à utiliser les marges de manoeuvre budgétaires chèrement acquises au prix d'une saine et difficile gestion.
A titre d'exemple, pour la ville de Neuilly-Plaisance, cet arrêt conduirait à un surcoût budgétaire de près de 800 000 francs en année pleine.
Dès lors, madame la secrétaire d'Etat, ma question est simple. Votre groupe de travail présentera dans le courant du mois d'octobre un certain nombre de propositions. Vous entendez respecter les directives communautaires tout en maintenant un régime dérogatoire, soit. Mais entendez-vous prendre en compte les intérêts des collectivités locales ? Les communes espèrent voir l'Etat prendre en charge, grâce à une dotation complémentaire, ce grave déficit des finances locales. Madame la secrétaire d'Etat, le Gouvernement y est-il prêt ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget. Monsieur le sénateur, à la demande de certains professionnels de la restauration, le Conseil d'Etat a en effet, par une décision du 27 mars 2000, déclaré illégales les deux décisions ministérielles dont vous avez fait mention et qui fondaient l'exonération de TVA dont bénéficiaient les cantines.
Le Conseil d'Etat a ordonné l'abrogation de ces deux décisions dans un délai de six mois. Il a, par ailleurs, indiqué qu'aucune des dispositions d'exonération prévues par la sixième directive n'était applicable aux cantines d'entreprises.
Cet arrêt emporte plusieurs conséquences.
Il convient, d'abord, de distinguer la situation des cantines scolaires et universitaires, pour lesquelles le Gouvernement entend maintenir une exonération de TVA, de celle des cantines d'entreprise, pour lesquelles un tel maintien ne sera, à l'évidence, juridiquement pas possible.
Cela étant, pour ces dernières, le Gouvernement étudie, en concertation avec les professionnels concernés et la Commission européenne, les mesures qui permettraient de tenir compte, dans le respect du droit, notamment communautaire, de la vocation spécifique de ces établissements auxquels les salariés demeurent très attachés.
Je précise enfin que l'application du taux réduit de la TVA aux prestations rendues aux cantines par les sociétés de restauration collective, point qui a suscité certaines inquiétudes, n'est pas en cause.
Je ne manquerai pas de tenir informée la représentation nationale des suites de ce dossier, auquel le Gouvernement attache, vous vous en doutez, une très grande importance et qui devrait être réglé d'ici au mois d'octobre.
M. Christian Demuynck. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Demuynck.
M. Christian Demuynck. Je retiens de votre réponse, madame le secrétaire d'Etat, que les cantines scolaires ne seront donc pas assujetties à la TVA. Je ne peux qu'en être satisfait.

TAUX DE TVA APPLICABLE AU CHOCOLAT NOIR

M. le président. La parole est à M. Grignon, auteur de la question n° 814, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Francis Grignon. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ma question porte sur la procédure engagée par l'administration fiscale concernant le taux de la taxe sur la valeur ajoutée applicable au chocolat noir.
Cette question avait déjà été soulevée le 22 octobre 1999 par mon collègue M. Richert, mais elle n'avait pas, alors, reçu une réponse satisfaisante. Le changement intervenu à Bercy m'incite à la poser de nouveau.
Aussi bien selon les industriels du chocolat, que selon la direction générale de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes ou la Commission européenne, le chocolat noir devrait être frappé d'un taux de TVA de 5,5 %. Pour l'administration fiscale, qui considère que le chocolat noir, contenant plus de 31 % de matières grasses, est en réalité du « chocolat de couverture », comme celui qu'utilisent les confiseurs, c'est le taux normal de TVA, soit 19,6 % actuellement, qui doit s'appliquer.
Suivant cette position, l'administration a procédé à un certain nombre de redressements fiscaux auprès des entreprises chocolatières, qui se trouvent ainsi fortement pénalisées.
Un certain nombre de différends ont été portés devant les juridictions administratives et, par deux fois, le tribunal administratif de Strasbourg a donné une interprétation concernant le chocolat noir contraire à la position de l'administration fiscale. Cependant, celle-ci n'est pas revenue, jusqu'à présent, sur sa position. Comble de tout, il semblerait même qu'elle cherche à augmenter la TVA sur le chocolat noir !
Le redressement porte sur 1,5 milliard de francs en trois ans pour l'ensemble de la profession.
Quelles mesures entendez-vous mettre en oeuvre, madame la secrétaire d'Etat, pour que l'administration fiscale cesse de harceler les chocolateries et revienne sur sa position car, au-delà du problème de la TVA sur le chocolat, c'est l'avenir des entreprises et des emplois qui s'y rattachent qui est en question ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget. Monsieur le sénateur, nous avons eu l'occasion d'aborder cette question lors de la discussion du projet de loi de finances rectificative.
Il est vrai que l'article 278 bis du code général des impôts soumet au taux réduit de TVA les produits de chocolat qui relèvent des seules catégories « chocolat », « chocolat de ménage » et « chocolat de ménage au lait ». Cela signifie a contrario que les autres produits de chocolat sont donc soumis au taux normal de TVA et, parmi ceux-ci, le chocolat communément appelé « chocolat noir » compte tenu de sa haute teneur en beurre de cacao, qui la fait relever de la catégorie du « chocolat de couverture », lequel n'est pas passible du taux réduit de TVA.
Cette analyse, qui est défendue par l'administration, n'est pas sans susciter quelques hésitations. Il est donc devenu nécessaire de faire le point sur ce dossier extrêmement délicat. C'est pourquoi il a été demandé à l'administration fiscale d'entamer avec les professionnels concernés une concertation. Celle-ci est actuellement en cours et je ne manquerai pas de vous tenir informé des suites qui y seront données.
M. Francis Grignon. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Grignon.
M. Francis Grignon. Je vous remercie de votre réponse, madame la secrétaire d'Etat. Je craignais que l'on ne décide unilatéralement de relever le taux de TVA. Puisque le dialogue est en cours, attendons-en les conclusions.

AUGMENTATION DU TAUX DE REMISE

SUR LES VENTES DE TABAC

M. le président. La parole est à M. Carle, auteur de la question n° 812, adressée à Mme la secrétaire d'Etat au budget.
M. Jean-Claude Carle. Madame la secrétaire d'Etat, je souhaite attirer votre attention sur la demande exprimée par la profession des débitants de tabac de voir augmenter la commission perçue sur les ventes de tabac, ce qu'on appelle communément le « taux de remise ». Celle-ci est inchangée depuis vingt-trois ans et se monte à 8 % net du prix de vente public.
La baisse du taux normal de TVA pourrait être l'occasion de procéder à cette augmentation. Or le Gouvernement a décidé que la baisse du taux normal de TVA serait compensée à due concurrence par la hausse des droits de consommation perçus sur les ventes de tabac. Le Parlement en a débattu dans le cadre du collectif budgétaire, et l'on peut regretter qu'il n'ait pas souhaité amender cette disposition, il est vrai qu'un amendement en ce sens serait sans doute tombé sous le coup de l'article 40.
Ce projet suscite l'incompréhension de la profession : elle espérait - et elle l'espère encore fortement - que la baisse du taux normal de TVA serait enfin l'occasion de revaloriser leur commission.
Mon département, la Haute-Savoie, au cours des deux dernières années, a vu la fermeture de quinze débits de tabac, pour seulement neuf créations.
Est-il nécessaire, madame la secrétaire d'Etat, de souligner le rôle joué par les buralistes dans le maintien du lien social, notamment en zone rurale, et de rappeler les différentes missions de service public qu'ils remplissent ?
La profession est confrontée à de nombreux problèmes : insécurité, distorsion en matière de taxe professionnelle. De fait, elle attend un signal fort de l'Etat.
Cette mesure, en ne modifiant pas le prix de vente au consommateur du paquet de cigarettes, ne remettrait pas en cause la politique de prévention justement menée jusqu'à présent.
Aussi souhaiterais-je savoir si le Gouvernement est disposé à prendre en compte les attentes des débitants de tabac, soit en profitant de la dernière lecture du collectif budgétaire, soit en mettant en place une augmentation du taux de remise sur les ventes de tabac, compte tenu, qui plus est, des excellentes rentrées fiscales du moment.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget. Monsieur le sénateur, je voudrais tout d'abord faire le point sur la situation des débitants de tabac qui, vous l'avez dit, bénéficient d'un taux de remise, lequel n'a certes pas été relevé, de 8 % du prix de vente public.
Leur rémunération doit être appréciée en fonction de l'évolution de leur chiffre d'affaires. Or, avec l'augmentation des prix du tabac, le montant de la remise nette a augmenté de 5 % l'an dernier, ce qui représente une croissance de 240 millions de francs. Si l'on se réfère aux neuf dernières années, la rémunération globale pour la vente des cigarettes a augmenté de 84 %.
Cela étant, le Gouvernement reste très attentif aux demandes de la profession.
En ce qui concerne la taxe professionnelle, nous y travaillons avec les représentants des débitants et nous attendons des propositions du groupe de travail qui a été constitué.
Pour ce qui est de la sécurité, le Gouvernement n'entend pas rester inactif et il a déjà apporté des réponses puisque, désormais, les débits de tabac sont intégrés dans les contrats locaux de sécurité. En outre, nous avons généralisé à tous les départements les possibilités de paiement par carte bancaire pour les valeurs fiscales, ce qui limite les manipulations d'argent liquide, donc les risques d'agression. Enfin, l'Etat subventionne les travaux de modernisation et de sécurité des bureaux de tabac. Il y a investi respectivement 84 millions de francs et 54 millions de francs l'an dernier.
S'agissant du réseau rural, nombre de bureaux de tabac, comme vous l'avez indiqué en prenant l'exemple de votre département, ne trouvent pas de repreneur du fait de la baisse du chiffre d'affaires de leur commerce, et le Gouvernement est également très préoccupé par ce phénomène.
Une série de mesures ont été prises pour favoriser le maintien des débits dans les communes situées en zone de revitalisation. Ainsi, il n'est plus nécessaire d'apporter 25 % de la valeur du fonds de commerce pour se porter candidat à la reprise d'un débit. Par ailleurs, depuis le 1er janvier 2000, les petits débitants sont exonérés de la redevance jusqu'à 300 000 francs de chiffre d'affaires, contre 250 000 francs auparavant.
Enfin, vous vous interrogez, monsieur le sénateur, sur l'opportunité de faire bénéficier la profession de la baisse de la TVA. Pour des impératifs de santé publique évidents, nous n'avons pas proposé de diminuer le prix des cigarettes. Il est préférable d'en faire bénéficier le budget de l'Etat et les comptes sociaux. L'Assemblée nationale et le Sénat se sont prononcés clairement à ce sujet lors des débats sur le collectif budgétaire.
De manière générale, notre démarche est la suivante : plutôt que de prendre des mesures générales qui s'appliqueraient indistinctement à tous les débitants, quel que soit leur chiffre d'affaires, nous entendons privilégier les mesures ciblées sur les petits débits. C'est dans cette direction que nous travaillons avec les représentants de la profession. Notre objectif est d'avoir mis en place ce dispositif dans les tout prochains mois pour aider au maintien de ce service de proximité, qui est apprécié de nos concitoyens.
M. Jean-Claude Carle. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Carle.
M. Jean-Claude Carle. Je remercie Mme la secrétaire d'Etat de sa réponse.
J'ai pris acte des arguments qu'elle a développés pour justifier la mise en place de mesures spécifiques, notamment pour les petits débitants de tabac en zone rurale, de préférence à la répercussion de la baisse de TVA. Il est vrai que ces petits débitants sont des acteurs essentiels de cet aménagement rural qui revient souvent dans les discours, mais insuffisamment dans les actes.
Je souhaite, bien entendu, que ces mesures soient prises en concertation avec la profession.
M. le président. L'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures quarante, est reprise à seize heures cinq, sous la présidence de M. Christian Poncelet.)

PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET

M. le président. La séance est reprise.

4

CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS

M. le président. La conférence des présidents a établi comme suit l'ordre du jour des prochaines séances du Sénat :
Mercredi 14 juin 2000 :
A quinze heures et le soir :
1° Désignation d'un membre de la délégation pour la planification.

Ordre du jour prioritaire

2° Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, d'orientation pour l'outre-mer (n° 342, 1999-2000).
Jeudi 15 juin 2000 :

Ordre du jour réservé

A dix heures, à quinze heures et, éventuellement, le soir :
1° Conclusions de la commission des affaires sociales sur la proposition de loi de M. Lucien Neuwirth et de plusieurs de ses collègues instituant un congé et une allocation favorisant l'exercice de la solidarité familiale en cas de maladie d'un enfant ou de fin de vie d'un proche (n° 404, 1999-2000).
La conférence des présidents a fixé au mercredi 14 juin 2000, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.
2° Conclusions de la commission des affaires économiques sur la proposition de loi de M. André Dulait et de plusieurs de ses collègues portant sur l'organisation d'audiences publiques lors de la réalisation de grandes infrastructures (n° 402, 1999-2000).
La conférence des présidents a fixé au mercredi 14 juin 2000, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.
3° Conclusions de la commission des lois sur la proposition de loi de M. Jean-Claude Gaudin et de plusieurs de ses collègues tendant à permettre aux conseillers d'arrondissement de siéger au conseil d'une communauté urbaine (n° 390, 1999-2000).
La conférence des présidents a fixé au mercredi 14 juin 2000, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.
4° Deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, tendant à préciser la définition des délits non intentionnels (n° 308, 1999-2000).
La conférence des présidents a fixé au mercredi 14 juin 2000, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.
Lundi 19 juin 2000 :

Ordre du jour prioritaire

A quinze heures et le soir :
Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, d'orientation pour l'outre-mer (n° 342, 1999-2000).
Mardi 20 juin 2000 :

Ordre du jour prioritaire

A dix heures :
1° Eventuellement, suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, d'orientation pour l'outre-mer (n° 342, 1999-2000).
A seize heures et, éventuellement, le soir :
2° Nouvelle lecture du projet de loi organique, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats de membre des assemblées de province et du congrès de la Nouvelle-Calédonie, de l'assemblée de la Polynésie française et de l'assemblée territoriale des îles Wallis-et-Futuna (n° 363, 1999-2000).
La conférence des présidents a fixé au lundi 19 juin 2000, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.
3° Nouvelle lecture du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à l'élection des sénateurs (n° 364, 1999-2000).
La conférence des présidents a fixé au lundi 19 juin 2000, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.
Mercredi 21 juin 2000 :

Ordre du jour prioritaire

A quinze heures et le soir :
1° Nouvelle lecture du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage (n° 352, 1999-2000).
La conférence des présidents a fixé au mardi 20 juin 2000, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.
2° Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif au référé devant les juridictions administratives (n° 396, 1999-2000).
3° Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi relative à la prestation compensatoire en matière de divorce (n° 397, 1999-2000).
4° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification de la convention relative à la coopération en matière d'adoption d'enfants entre la République française et la République socialiste du Vietnam (n° 392, 1999-2000).
5° Projet de loi autorisant la ratification de la convention relative à l'entraide judiciaire en matière civile entre la République française et la République socialiste du Vietnam (n° 218, 1999-2000).
La conférence des présidents a décidé que ces deux projets de loi feraient l'objet d'une discussion générale commune.
Jeudi 22 juin 2000 :
A neuf heures trente :

Ordre du jour prioritaire

1° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation du protocole de Kyoto à la convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques (ensemble deux annexes) (n° 305 rectifié, 1999-2000).
2° Nouvelle lecture, sous réserve de sa transmission, du projet de loi relatif à la chasse (AN, n° 2427).
La conférence des présidents a fixé au mercredi 21 juin 2000, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.
A quinze heures et, éventuellement, le soir :
3° Questions d'actualité au Gouvernement.
L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant onze heures.

Ordre du jour prioritaire

4° Suite de l'ordre du jour du matin.
Lundi 26 juin 2000 :

Ordre du jour prioritaire

A quinze heures et, éventuellement, le soir :
1° Conclusions de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture du projet de loi de finances rectificative pour 2000.
En cas de nouvelle lecture, la conférence des présidents a fixé au samedi 24 juin 2000, à seize heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.
2° Projet de loi de règlement définitif du budget de 1998, adopté par l'Assemblée nationale (n° 350, 1999-2000).
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.
3° Deuxième lecture de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée en deuxième lecture, relative à la constitution d'une commission de contrôle nationale et décentralisée des fonds publics accordés aux entreprises (n° 379, 1999-2000).
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.
4° Projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Lituanie en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune (ensemble un protocole) (n° 80, 1999-2000).
5° Projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Estonie en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune (ensemble un protocole) (n° 78, 1999-2000).
6° Projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Lettonie en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune (ensemble un protocole) (n° 79, 1999-2000).
La conférence des présidents a décidé que ces trois projets de loi feraient l'objet d'une discussion générale commune.
7° Projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Arménie en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune (ensemble un protocole) (n° 26, 1999-2000).
Mardi 27 juin 2000
A neuf heures trente :
1° Dix-huit questions orales.
L'ordre d'appel des questions sera fixé ultérieurement.
N° 761 de Mme Nicole Borvo à Mme le ministre de la culture et de la communication (devenir de la maison des métallurgistes) ;
N° 789 de M. Gérard Larcher à M. le ministre de l'intérieur (construction de logements locatifs sociaux) ;
N° 817 de M. Rémi Herment à M. le secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants (mise à disposition des crédits prévus par le rapport Mingasson) ;
N° 819 de M. Charles Revet à Mme le garde des sceaux, ministre de la justice (répression des fausses alertes adressées aux services d'incendie et de secours) ;
N° 826 de M. Francis Giraud à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité (attribution du nombre de postes d'interne dans la subdivision de Marseille) ;
N° 828 de M. Jean Pépin à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (situation des buralistes) ;
N° 833 de Mme Danièle Pourtaud à Mme le secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés (suppression du service de chirurgie pédiatrique de Saint-Vincent-de-Paul) ;
N° 834 de M. Réné-Pierre Signé à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche (aides à la diversification) ;
N° 835 de M. Kléber Malécot à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (taux de TVA sur les travaux dans les locaux d'habitation) ;
N° 837 de M. Dominique Braye à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (mode de calcul de taxe sur les emprises sur le domaine public fluvial) ;
N° 839 de Mme Marie-Madeleine Dieulangard à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (abattement fiscal applicable aux aides aux personnes âgées) ;
N° 840 de M. Philippe Madrelle à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement (travaux d'aménagement de la RN 10 en Nord Gironde) ;
N° 841 de M. Michel Teston à M. le ministre de l'éducation nationale (conditions de fonctionnement du lycée et du collège de Privas) ;
N° 842 de M. Claude Huriet à Mme le secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés (dépistage du cancer colorectal) ;
N° 843 de M. Guy Fischer à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (fiscalité des contrats d'assurance de rente-survie) ;
N° 844 de M. Jean Bernard à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement (réglementation du transport de marchandises par les taxis) ;
N° 845 de M. Gérard Cornu à Mme le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation (aides aux détaillants de carburants en milieu rural) ;
N° 849 de M. Fernand Demilly à M. le ministre de la défense (avion de transport militaire du futur).
A seize heures et, éventuellement, le soir :

Ordre du jour prioritaire

2° Eventuellement, suite de l'ordre du jour de la veille.
3° Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi portant réglementation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques (n° 344, 1999-2000).
4° Troisième lecture de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, relative à la protection des trésors nationaux et modifiant la loi n° 92-1477 du 31 décembre 1992 relative aux produits soumis à certaines restrictions de circulation et à la complémentarité entre les services de police, de gendarmerie et de douane (n° 300, 1999-2000).
La conférence des présidents a fixé au lundi 26 juin 2000, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.
5° Nouvelle lecture, sous réserve de sa transmission, du projet de loi modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, relative à la liberté de communication (AN, n° 2456).
La conférence des présidents a fixé au lundi 26 juin 2000, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.
Mercredi 28 juin 2000 :

Ordre du jour prioritaire

A neuf heures trente, à quinze heures et le soir :
1° Eventuellement, suite de l'ordre du jour de la veille.
2° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à la sécurité du dépôt et de la collecte de fonds par les entreprises privées (n° 380, 1999-2000).
La conférence des présidents a fixé au mardi 27 juin 2000, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.
3° Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative à la prolongation du mandat et à la date de renouvellement des conseils d'administration des services d'incendie et de secours ainsi qu'au reclassement et à la cessation anticipée d'activités des sapeurs-pompiers professionnels (n° 405, 1999-2000).
La conférence des présidents a fixé au mardi 27 juin 2000, à dix-sept heures, le délai limite pour les dépôt des amendements à ce texte.
4° Deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, interdisant les candidatures multiples aux élections cantonales (n° 301, 1999-2000).
La conférence des présidents a fixé au mardi 27 juin 2000, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.
5° Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, instaurant une journée nationale à la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites de l'Etat français et d'hommage aux « Justes » de France (n° 244, 1999-2000).
La conférence des présidents a fixé au mardi 27 juin 2000, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.
6° Deuxième lecture du projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, relatif à l'élargissement du conseil d'administration d'Air France et aux relations avec l'Etat, et portant modification du code de l'aviation civile (n° 369, 1999-2000).
La conférence des présidents a fixé au mardi 27 juin 2000, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.
7° Projet de loi autorisant la ratification des amendements à la constitution de l'Organisation internationale pour les migrations (n° 171, 1999-2000).
8° Projet de loi autorisant l'approbation de l'instrument d'amendement à la Constitution de l'Organisation internationale du travail (n° 191, 1999-2000).
9° Projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Paraguay (n° 217, 1999-2000).
10° Projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Paraguay (n° 219, 1999-2000).
11° Projet de loi autorisant l'approbation de la convention sur le transfèrement des personnes condamnées entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Paraguay (n° 220, 1999-2000).
La conférence des présidents a décidé que ces trois projets de loi feraient l'objet d'une discussion générale commune.
12° Projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant n° 2 à l'entente entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Québec en matière de sécurité sociale (n° 252, 1999-2000).
13° Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Ghana sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (n° 327, 1999-2000).
14° Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République dominicaine sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (n° 328, 1999-2000).
Jeudi 29 juin 2000 :

Ordre du jour prioritaire

A neuf heures trente :
1° Eventuellement, suite de l'ordre du jour de la veille ;
2° Sous réserve de sa transmission, projet de loi constitutionnelle relatif à la durée du mandat du Président de la République (AN, n° 2462).
La conférence des présidents a fixé :
- au mercredi 28 juin 2000, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;
- à trois heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mercredi 28 juin 2000.
A quinze heures et, éventuellement, le soir :
3° Discours du président du Sénat ;
4° Suite de la discussion du projet de loi constitutionnelle relatif à la durée du mandat du Président de la République.
La conférence des présidents a décidé qu'il serait procédé à un scrutin public à la tribune lors du vote sur l'ensemble du projet de loi constitutionnelle.
Vendredi 30 juin 2000 :

Ordre du jour prioritaire

A neuf heures trente et à quinze heures :
- Eventuellement, suite de l'ordre du jour de la veille.
Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence des présidents relatives à la tenue des séances ?...
Ces propositions sont adoptées.

5

LOI D'ORIENTATION POUR L'OUTRE-MER

Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, d'orientation pour l'outre-mer (n° 342, 1999-2000). [Rapport n° 393 (1999-2000), avis n°s 403, 401, 394 (1999-2000) et rapport d'information n° 361 (1999-2000).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi qui vous est soumis aujourd'hui et qui a été adopté par l'Assemblée nationale le 11 mai dernier est la concrétisation d'un engagement pris par le Gouvernement à l'automne 1998. Il est le résultat d'une intense concertation conduite, d'abord, par l'élaboration de plusieurs rapports sur lesquels le Gouvernement s'est appuyé : le rapport Mossé sur les questions de développement économique, le rapport Fragonard sur les questions sociales et d'insertion et le rapport élaboré à la demande du Premier ministre par le député Michel Tamaya et votre collègue Claude Lise.
Pour ce dernier rapport, ce sont près de mille deux cents personnes qui ont été consultées. Les assemblées de chaque département ont été saisies à deux reprises. Les sociétés locales dans leurs différentes composantes - économiques, associatives - se sont exprimées. Les propositions ont été nombreuses : plus de deux cents ont été reçues au secrétariat d'Etat.
Ce projet de loi exprime la volonté du Gouvernement de marquer une nouvelle étape pour les départements d'outre-mer. Cette étape est, à mes yeux, un tournant sans précédent depuis la loi de départementalisation de 1946. Celle-ci répondait à une exigence d'égalité : à l'époque, l'assimilation - c'est le mot qui revient dans les débats - était recherchée pour rattraper les retards de l'outre-mer par rapport à la métropole, une assimilation qui appelait déjà, selon les propos de Gaston Monnerville à l'Assemblée constituante, « des aménagements pour ces départements lointains », afin de tenir compte de leur identité dans la République.
D'autres grandes figures se sont exprimées dans les débats de 1946 : Raymond Vergès, Léopold Bissol et Aimé Césaire, le rapporteur, jeune député qui concluait en appelant à « cette fraternité agissante aux termes de laquelle il y aura une France plus que jamais unie et diverse, multiple et harmonieuse ».
Ainsi, plus de cinquante ans après, il s'agit de renouveler le pacte républicain avec l'outre-mer en tenant compte des acquis indéniables de la départementalisation.
Les défis sont nombreux : économiques, sociaux, culturels, politiques. Les attentes sont fortes dans les sociétés locales, même si elles sont parfois contradictoires. Elles s'expriment dans une double demande de développement et de responsabilité. Au travers de ce débat, nous devons nous efforcer d'y répondre. Les rapports de vos commissions, que je tiens à remercier pour la qualité de leur travail, permettront d'y contribuer.
Le premier défi est celui de l'emploi. Nous connaissons les données. D'abord, le taux de chômage est trois fois plus important qu'en métropole. Sur les douze derniers mois, on constate une tendance à la baisse du nombre des demandeurs d'emploi, mais beaucoup moins prononcée qu'en métropole. Parallèlement, le pourcentage d'allocataires du RMI est cinq fois supérieur à celui que connaît la métropole et il reste, lui, en progression.
A l'énoncé de ces simples pourcentages, on pourrait craindre que les sociétés d'outre-mer ne s'enfoncent dans le mal-développement et l'assistance. Il faut toutefois apporter des nuances, qui sont autant d'éléments d'analyse.
Nos départements d'outre-mer font preuve, en effet, d'un réel dynamisme : leur taux de croissance est supérieur à celui de la métropole. Cependant, ils doivent absorber une jeunesse proportionnellement plus nombreuse. Quant au RMI, il vient, comme l'a souligné le rapport Fragonard, compenser pour partie une moindre couverture par l'assurance chômage.
On connaît les handicaps structurels des économies d'outre-mer : l'éloignement qui accroît les charges du transport, l'étroitesse des marchés, le coût du travail plus élevé que dans les pays voisins... Mais, trop souvent, on oublie de parler des atouts : la formation des jeunes, la qualité des services publics, l'esprit d'initiative des entrepreneurs, la vitalité de la démocratie, l'appartenance à la France et à l'Europe... Comment valoriser ces atouts plutôt que de se complaire dans la litanie des retards ?
Il y a, d'abord, l'indispensable solidarité de la France et de l'Europe. Elle sera effective avec les contrats de plan et les fonds structurels pour la période 2000-2006. Au total, pour ces sept ans, les départements d'outre-mer bénéficieront de près de 30 milliards de francs de l'Etat et de l'Europe, soit une augmentation de plus de 50 % par rapport à la période précédente. A ces crédits s'ajouteront ceux des collectivités territoriales. Il y a là un véritable levier pour le développement.
Je suis pleinement conscient de la nécessité de bien utiliser ces crédits, de veiller à une dépense efficace. C'est dans cette direction que plusieurs dispositions ont été proposées par votre commission des lois et que nous travaillerons avec les élus locaux, lesquels se sont pleinement engagés dans la préparation des contrats de plan et des documents de programmation à l'échelon européen. Je veux aussi saluer l'effort des administrations d'Etat qui, sur le terrain, travaillent au développement et au respect de l'état de droit.
Les orientations principales du projet de loi d'orientation visent à accompagner l'effort d'investissement des collectivités publiques. Je veux les rappeller, sans entrer dans les détails puisque nous les examinerons article par article, en insistant sur quatre points.
Le premier concerne l'abaissement du coût du travail.
Celui-ci sera abaissé dans les départements d'outre-mer par une exonération à 100 % des cotisations patronales de sécurité sociale dans la limite de 1,3 SMIC. Seront concernées 95 % des entreprises, c'est-à-dire toutes celles du secteur dit exposé, quel que soit leur effectif, et toutes celles qui comprennent moins de onze salariés, quel que soit leur secteur d'activité.
Ainsi, seront couverts 115 000 salariés, contre 44 000 aujourd'hui au titre de la loi du 25 juillet 1994. S'y ajouteront tous les employeurs et travailleurs indépendants, soit 55 000 personnes.
Ce dispositif est aussi simple que notre droit social le permet. Il contribuera notamment à développer les petites et moyennes entreprises et à leur permettre de concrétiser leur potentiel de création d'emplois qui est aujourd'hui grevé par la concurrence du travail dissimulé. Un dispositif progressif permettra d'atténuer les effets de seuil qui resteront limités par le fait que la très grande majorité des entreprises d'outre-mer ont un effectif moyen inférieur à deux salariés.
Jamais aucun Gouvernement n'était allé aussi loin dans la lutte contre le chômage et contre le travail dissimulé.
Le dispositif que je vous propose d'adopter représente un engagement financier de l'Etat quatre fois supérieur à celui qui est en vigueur depuis 1994, soit, à lui seul, un coût de 3,5 milliards de francs. Il ne sera pas limité dans le temps, pas plus qu'il ne sera financé, comme c'était le cas précédemment, par une majoration de la TVA outre-mer, c'est-à-dire par un impôt sur la consommation.
Le deuxième point concerne la lutte contre le chômage des jeunes.
Le projet de loi d'orientation prévoit deux grandes mesures en faveur de l'emploi des jeunes.
D'une part, le projet initiative-jeune, qui permettra d'octroyer une aide d'un montant pouvant atteindre 50 000 francs par projet aux jeunes de moins de trente ans qui créeront ou reprendront une entreprises ou qui poursuivront une formation professionnelle hors de leur département.
D'autre part, le congé solidarité, qui fait appel à la solidarité entre les générations et qui mettra en oeuvre un système de préretraites contre embauches de jeunes en contrats à durée indéterminée. Il sera ouvert, sous certaines conditions, aux salariés de plus de cinquante-cinq ans dans les entreprises qui seront passées effectivement aux 35 heures. Ce dispositif pourra être financé jusqu'à 60 % par l'Etat, jusqu'à 15 % par les entreprises et jusqu'à 25 % par les collectivités locales.
Il s'agit, ensuite, de lutter contre l'exclusion, et ce sera mon troisième point.
Le projet de loi d'orientation vise à réinsérer sur le marché du travail ceux qui en sont aujourd'hui exclus. Deux mesures principales doivent être mises en exergue.
D'une part, l'allocation de retour à l'activité, qui a pour objet de favoriser la réinsertion professionnelle des bénéficiaires de minima sociaux qui, pendant deux ans, pourront cumuler celle-ci avec les revenus tirés d'une activité rémunérée en entreprise ou chez un particulier.
D'autre part, le titre de travail simplifié, qui se substituera au chèque emploi-services et permettra d'alléger considérablement les formalités d'embauche.
Bien évidemment, et afin que ces dispositions produisent leur plein effet, le Gouvernement a prévu des mesures de contrôle et de maîtrise des dispositifs actuels, notamment en ce qui concerne le revenu minimum d'insertion.
Enfin, et c'est le quatrième point de ce volet économique et social, le Gouvernement a choisi de reprendre le chemin de l'égalité sociale.
Des revendications très fortes se sont exprimées dans ce sens, notamment à la Réunion. L'alignement du RMI à échéance de trois ans a été décidé, à l'issue du débat à l'Assemblée nationale.
Pour autant, le Gouvernement n'entend pas réduire les crédits pour le logement et l'insertion qui résultaient en inscriptions budgétaires du différentiel avec la métropole, c'est-à-dire quelque 860 millions de francs en 2000. Le Gouvernement les rétablira au titre des budgets ultérieurs. Il a également prévu un alignement des barèmes de l'allocation logement.
Je veux également vous préciser, s'agissant de l'organisation des transports dans les trois départements français d'Amérique, que le Gouvernement a choisi de ne pas légiférer par ordonnances afin de poursuivre la concertation avec les collectivités locales et les transporteurs. Je déposerai un amendement permettant que les autorisations et conventions en vigueur soient prorogées pendant un délai de dix-huit mois, délai nécessaire à l'élaboration d'un dispositif légistalif prenant en compte les particularismes de l'organisation des transports interurbains dans les départements d'outre-mer.
Ce même amendement prévoira également une modification des règles de répartition du FIRT le fonds d'investissement routier des transports : 3 % de son montant seront ainsi affectés aux transports urbains dans les Antilles-Guyane afin de permettre leur fonctionnement.
Le projet de loi d'orientation pour l'outre-mer, et c'est son deuxième grand axe, reconnaît la place des départements d'outre-mer dans la République. A plusieurs égards, il permet d'engager cette « voie de la responsabilité » que MM. Lise et Tamaya appelaient de leurs voeux.
C'est, en premier lieu, par la valorisation des identités d'outre-mer, notamment des langues en usage dans cette partie du territoire national. L'accès à la culture, aux échanges et aux productions culturelles sera développé. Une attention toute particulière sera portée aux nouvelles technologies de l'information et de la communication, qui offrent des perspectives de développement et d'échanges qu'il faut explorer.
C'est également en consolidant l'insertion des départements d'outre-mer dans leur environnement régional que la France tout entière pourra améliorer son rayonnement international. La coopération avec les Etats qui sont proches des départements et des régions d'outre-mer sera désormais possible et sera très largement de la responsabilité des élus locaux. Je sais que votre commission des lois a approuvé ces propositions, en les enrichissant, et je m'en félicite.
De plus, l'approfondissement de la décentralisation ouvre la voie au transfert de nouvelles compétences aux collectivités territoriales, en matière de routes nationales, de gestion et de conservation des ressources biologiques ou de gestion de l'eau. L'Etat sera au côté des collectivités territoriales, notamment du point de vue financier, mais également sur le plan technique, pour les aider à exercer leurs missions.
Mesdames, messieurs les sénateurs, ces dispositions ont retenu une écoute favorable de vos commissions, qui ont souvent cherché à les améliorer. Il faut toutefois, sur le plan financier, se garder du « toujours plus ». Au total, l'effort consenti en faveur de l'outre-mer dépasse les 5 milliards de francs, sans contrepartie au niveau budgétaire. C'est donc un engagement financier qui, vous le comprendrez, ne peut être augmenté.
Enfin, je rappelle à votre assemblée que le volet « aide fiscale à l'investissement », s'il ne figure pas dans le projet de loi qui vous est présenté aujourd'hui, fera l'objet de propositions d'amélioration de la part du Gouvernement avant la fin de cette année.
Le Premier ministre est soucieux qu'une réflexion soit préalablement menée afin de recueillir les aspirations des milieux économiques de l'outre-mer. Un groupe de travail associant les partenaires professionnels et les représentants des ministères concernés s'est déjà réuni à deux reprises. Je vous confirme l'engagement du Gouvernement : le nouveau dispositif, destiné à répondre aux principales critiques formulées à l'encontre du régime issu de la loi de 1986, dite loi Pons, tout en consolidant le principe de l'aide fiscale à l'investissement outre-mer, sera présenté au Parlement dans le cadre du projet de loi de finances pour 2001. Il permettra ainsi de conjuguer les dispositions de la loi d'orientation et les mesures visant à améliorer les capacités de financements des projets outre-mer.
J'en viens aux articles 38 et 39 du projet de loi, qui sont, à mes yeux, porteurs de réformes essentielles pour l'avenir de la Réunion, d'une part, et des trois départements français d'Amérique, d'autre part.
S'agissant de l'article 38 et du projet de création d'un deuxième département à la Réunion, votre commission des lois, tout en considérant - ce qui figure d'ailleurs dans l'exposé des motifs du projet de loi d'orientation - qu'un tel projet « pourrait être justifié par des considérations relatives à l'évolution démographique ou à l'aménagement du territoire », propose sa suppression au motif qu'une telle réforme « ne devrait être envisagée que si elle rencontrait l'accord unanime des élus réunionnais ». La commission des lois considère également que cette réforme devrait recueillir l'adhésion de la population ; deux sondages récents indiquent qu'elle n'y est pas majoritairement favorable.
Depuis vingt ans, les principaux élus de la Réunion se sont prononcés à un moment ou à un autre en faveur de la bidépartementalisation. J'y vois d'abord leur souci de se rapprocher du modèle régional métropolitain et de prendre en compte les déséquilibres existants à la Réunion entre le nord et le sud de ce département.
S'il est exact qu'en mars dernier le conseil régional et le conseil général ont, chacun à une courte majorité, émis un avis défavorable, la vérité oblige, là encore, à relever que ces votes portaient davantage sur les modalités que sur le principe même de la bidépartementalisation.
Le Gouvernement a tenu compte de ces votes en proposant de nouvelles limites territoriales pour les deux futurs départements. L'article 38 du projet de loi, tel qu'il a été adopté par l'Assemblée nationale, affirme le principe de la création d'un second département avant la fin de la législature et renvoie à un texte ultérieur le soin d'en définir les modalités précises, ce qui laisse la place à la concertation.
Je dois rappeler que treize des vingt-quatre maires et sept des huit parlementaires que compte la Réunion se sont prononcés en faveur de la bidépartementalisation. Le Gouvernement est, pour sa part, convaincu du bien-fondé d'une telle réforme, laquelle a été approuvée à deux reprises par le Président de la République, notamment à l'occasion d'un déplacement à Saint-Denis, le 3 décembre 1999.
Quant à la consultation des populations, elle ne peut pas s'imposer, s'agissant d'un alignement sur le droit commun ou d'un rapprochement de ce dernier. Les formations politiques pourront, bien sûr, défendre le bien-fondé de leurs positions à l'occasion des échéances électorales régulières.
Cette bidépartementalisation proposée pour la Réunion marque déjà le souci du Gouvernement de parvenir à une évolution différenciée pour les autres départements d'outre-mer. J'ai eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises : le temps du « moule unique » a vécu. Il faut imaginer des formules propres à chaque territoire. C'est ce qui a été fait en 1985, dans des circonstances différentes, pour l'archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon, et certaines dispositions du présent projet de loi permettront de compléter les mesures qui s'y appliquent. C'est ce qui est en cours pour Mayotte, avec la consultation prévue pour le 2 juillet prochain.
S'agissant des territoires d'outre-mer, qui relèvent de l'article 74 de la Constitution, la révision constitutionnelle que vous avez adoptée a permis de doter la Nouvelle-Calédonie d'un titre spécifique dans notre loi fondamentale. Une démarche identique a été lancée pour la Polynésie française. La concertation débute aussi à Wallis-et-Futuna sur les modifications du statut, qui date de près de quarante ans.
Ainsi, l'architecture de notre droit de l'outre-mer s'en trouve profondément modifiée. Certains juristes regretteront l'ordonnancement traditionnel des jardins à la française. Mais n'est-il pas du devoir du législateur que d'anticiper les évolutions, de leur donner un cadre souple plutôt que de devoir subir le poids d'événements douloureux ?
Le Gouvernement auquel j'appartiens reconnaît donc aux collectivités d'outre-mer le droit à l'évolution statutaire dans la République.
Il s'agit bien d'un droit et non d'une obligation. Autrement dit, nous devons respecter la volonté, là où elle s'exprime, de ceux qui veulent rester dans le cadre de l'article 73 de la Constitution. En tout cas, c'est, à la Réunion, un point qui ne fait pas litige entre toutes les forces politiques qui se sont exprimées sur la bidépartementalisation : il y a en effet, à la Réunion, unanimité pour rester dans le cadre de l'article 73 de la Constitution.
Dans les trois autres départements que sont la Martinique, la Guadeloupe et la Guyane, les évolutions souhaitées doivent faire l'objet d'un débat, qui doit se dérouler dans un cadre démocratique, transparent et organisé. Le temps n'est plus aux décisions imposées depuis Paris. Je ne crois pas non plus qu'une simple déclaration, fût-elle de trois présidents de région, suffise à enclencher des évolutions statutaires.
L'article 39 du projet de loi définit donc une méthode, celle du congrès, c'est-à-dire de la réunion de deux assemblées procédant dans chaque département d'outre-mer du suffrage universel. On ne peut reprocher à ce gouvernement d'avoir maintenu sur le même territoire deux légitimités démocratiques. Je vous rappelle que, en 1982, le projet de loi établissant l'assemblée unique n'a pas été accepté par le Conseil constitutionnel. Et ce sont bien les parlementaires de droite qui, à l'époque, avaient saisi ce dernier pour aboutir à ce que l'assemblée unique ne se mette pas en place. On ne peut donc demander aujourd'hui au Gouvernement de modifier unilatéralement cette situation qui résulte, à la lettre, d'une impasse juridique.
La commission des lois et le groupe du RPR proposent non pas de modifier l'article 39 mais purement et simplement de le supprimer. On peut s'interroger sur leurs raisons.
Au groupe du RPR, je voudrais rappeler les déclarations du Président de la République, dans son discours prononcé à la Martinique le 11 mars 2000 : L'évolution des règles statutaires est « dans la nature des choses » ; la politique de l'outre-mer ne peut plus « être appliquée de façon uniforme » ; « toute modification statutaire substantielle [doit être] explicitement approuvée par les populations concernées. »
A la commission des lois, je voudrais montrer le formidable paradoxe qu'il y a à considérer, comme l'écrit son excellent rapporteur, M. Balarello, que cet article 39 ne serait pas « à la hauteur des fortes espérances qu'il a suscitées parmi les populations des départements d'outre-mer » et à proposer simultanément sa suppression, ce qui revient justement à interdire aux populations d'outre-mer de pouvoir s'exprimer.
En fait, comme l'ont souhaité tous les élus d'outre-mer, comme le propose le Gouvernement, comme l'a, semble-t-il, approuvé le Président de la République, comme l'a voté l'Assemblée nationale, la question est aujourd'hui de savoir, mesdames, messieurs les sénateurs, si vous acceptez ou non que les populations des départements d'outre-mer puissent être consultées sur tout projet visant à les faire sortir du cadre départemental actuel.
Si la réponse du Sénat est négative, alors toute démarche d'évolution statutaire dont l'initiative viendrait de l'outre-mer serait bloquée. Mais si, comme je l'espère, vous considérez, dans l'inspiration du préambule de la constitution de 1946, que ce droit doit être reconnu aux populations de toutes les collectivités d'outre-mer, alors nous pourrons discuter sereinement des modalités d'application de l'article 39, et nous tomberons rapidement d'accord pour constater qu'elles en découlent de façon logique.
Comment imaginer, en effet, qu'une consultation des populations puisse se dérouler sans que celles-ci aient été préalablement informées des tenants et des aboutissants des projets d'évolution ? Il s'agit là d'une exigence morale et d'une obligation constitutionnelle, car toute consultation - le Conseil constitutionnel vient de le rappeler à propos de Mayotte - fût-elle pour avis, doit être claire et loyale.
C'est à dessein que j'évoque « des » projets institutionnels et non « un » seul projet institutionnel, car telle est bien la réalité du débat dans les départements français d'Amérique. Je ne doute d'ailleurs pas que les sénateurs de chacun de ces départements auront le souci de l'exposer à la tribune et de l'enrichir, et je ne manquerai pas de leur répondre en fin de discussion générale.
Pour les départements d'outre-mer, il n'y a pas plus de modèle unique à promouvoir que de pensée unique à imposer. Le fait que certaines positions puissent s'exprimer de façon plus bruyante que d'autres, trouvant par là davantage d'échos à Paris, ne peut changer cette réalité.
Pour sa part, le Gouvernement souhaite laisser à chaque département d'outre-mer la possibilité de débattre de son avenir. Mais il juge nécessaire que ce débat se déroule dans un cadre organisé par la loi, car, à défaut, nous prendrions le risque qu'il ait lieu ailleurs.
C'est pourquoi le Gouvernement a repris la proposition de congrès de MM. Lise et Tamaya, qui repose sur deux constats.
Tout d'abord, les deux parlementaires ont relevé que, dans les trois départements français d'Amérique, cette pratique avait commencé d'être mise en oeuvre : en Guyane, à plusieurs reprises, et ce depuis 1994 ; en Martinique, où les deux présidents d'exécutif ont rendu public un échange de courriers par lesquels ils proposaient la réunion de leurs deux assemblées pour débattre de l'évolution institutionnelle ; en Guadeloupe, enfin, où votre collègue présidente de la région, Mme Michaux-Chevry, a également proposé une démarche analogue à son homologue du conseil général.
Il s'agit donc non pas d'innover mais plutôt de confirmer une démarche. Certains diront qu'il n'y avait pas besoin de la loi pour ce faire. J'ai la faiblesse de penser tout de même que la loi conforte la démarche d'évolution et, en tout cas, lui donne toutes les garanties démocratiques.
MM. Lise et Tamaya ont donc souhaité donner aux assemblées locales des départements d'outre-mer un pouvoir d'initiative en matière d'évolution statutaire, alors que, aujourd'hui, leur capacité de proposition reste limitée à la simple adaptation des lois et des règlements.
Votre vote sur l'article 39 du projet de loi ne sera donc pas dissociable de ces interrogations fondamentales : mesdames, messieurs les sénateurs, acceptez-vous le principe même de l'évolution institutionnelle des départements d'outre-mer ? Acceptez-vous que cette évolution provienne d'un débat mené à l'échelon local et conduit devant l'ensemble de la population qui sera, à un moment, appelée à se prononcer ? Les évolutions qui sont intervenues - je pense aux plus récentes que nous avons eues à examiner ici - procèdent d'un consensus local. Tel a d'ailleurs été le cas en Nouvelle-Calédonie au travers de l'accord de Nouméa et de sa traduction sur le plan juridique.
Je me suis attardé sur l'aspect institutionnel parce que l'article 38 sur la bidépartementalisation de la Réunion et l'article 39 sur le congrès ont retenu l'attention de la commission des lois.
Certes, tout ne se réduit pas au débat institutionnel, et ce projet de loi a bien d'autres ambitions. Mais il serait dommageable que l'outre-mer, qui a besoin de mesures urgentes, fasse les frais de nos querelles partisanes dans l'Hexagone.
Je souhaite donc, mesdames, messieurs les sénateurs, que ce débat, qui est retransmis dans nos départements d'outre-mer, montre que les sentiments qui nous unissent sont plus forts et que nous voulons écrire une nouvelle page de notre histoire commune avec l'outre-mer, une page où se renforce le modèle républicain qui nous rassemble. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen et sur certaines travées du RDSE. - M. Hoeffel applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. José Balarello, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le Sénat est aujourd'hui saisi d'un projet de loi d'orientation pour l'outre-mer, adopté par l'Assemblée nationale en première lecture le 11 mai 2000.
La commission des lois du Sénat, qui a toujours porté un intérêt marqué à l'outre-mer, a tenu pour sa part à préparer l'examen de cet important texte en effectuant deux missions sur place.
Le projet de loi d'orientation répond à un double objectif : d'une part, répondre aux handicaps structurels qui freinent le développement économique des départements d'outre-mer aujourd'hui affectés, comme M. le secrétaire d'Etat l'a rappelé, d'un chômage trois fois supérieur à celui de la métropole en dépit d'une croissance plus rapide ; d'autre part, approfondir la décentralisation et ouvrir le débat sur les questions institutionnelles.
C'est la raison pour laquelle le premier volet est économique et social et vise à favoriser la création d'emplois dans les départements d'outre-mer grâce à l'amélioration de la compétitivité des entreprises et à des mesures destinées aux jeunes et au renforcement de la lutte contre les exclusions.
Outre diverses dispositions destinées à garantir une meilleure reconnaissance de l'identité culturelle des départements d'outre-mer, le deuxième volet du projet de loi, de caractère institutionnel, tend à favoriser l'insertion de ces territoires dans l'environnement régional en rendant possible la coopération décentralisée des régions ou des départements avec les Etats voisins et à transférer des compétences et des ressources nouvelles aux collectivités territoriales. Enfin, il prévoit la création d'un second département à la Réunion et la mise en place, dans les régions d'outre-mer monodépartementales, d'un congrès réunissant le conseil général et le conseil régional et chargé de débattre de propositions d'évolution statutaire.
Ces dispositions, de natures très diverses, relèvent des compétences de plusieurs commissions permanentes du Sénat. Aussi, si la commission des lois est saisie au fond, les commissions des affaires culturelles, des affaires économiques et des affaires sociales sont saisies pour avis.
La commission des lois s'en remettra à l'appréciation des commissions saisies pour avis dans les domaines qui relèvent de leurs compétences et concentrera ses observations sur les dispositions de nature institutionnelle.
Par ailleurs, sur l'initiative de son président, M. Jacques Larché, elle a décidé de saisir de ce projet de loi d'orientation la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.
Je vous rappelle, mes chers collègues, que la commission des lois a dressé un bilan approfondi de la situation actuelle des départements d'outre-mer dans le compte rendu établi à la suite de ses deux récentes missions dans ces départements. Je vous renvoie donc, sur ce point, aux développements figurant dans le rapport d'information présentant le compte rendu de ces missions, qui vient d'être publié.
Nous en rappellerons simplement quelques données essentielles.
Nous avons constaté, tout d'abord, une grande diversité, qui s'explique par des réalités géographiques et des héritages historiques différents. Ainsi, la situation de la Guyane, immense territoire de 90 000 kilomètres carrés placé au sein du continent sud-américain et presque entièrement couvert par la forêt équatoriale - mais où est implanté le centre spatial de Kourou -, se distingue profondément de celle de la Martinique ou de la Guadeloupe, petites îles fortement peuplées placées au coeur de l'archipel caraïbe, ou encore de celle de la Réunion, dans le sud-ouest de l'océan Indien.
Nous avons également constaté sur place une situation économique et sociale préoccupante. En effet, malgré une croissance du produit intérieur brut sensiblement supérieure à celle que connaît la métropole, les créations d'emplois y sont insuffisantes pour faire face à un accroissement démographique en moyenne quatre fois plus rapide qu'en métropole. Il en résulte un chômage très élevé, qui atteint environ 30 % de la population active et frappe tout particulièrement la jeunesse.
En outre, 15 % environ de la population des départements d'outre-mer relèvent aujourd'hui du RMI, contre 3 % en métropole.
Certes, le niveau de vie y est très supérieur à celui des pays environnants, mais cette situation est largement imputable aux transferts publics assurés par la métropole, qui peuvent être évalués entre 35 % et 50 % du PIB.
Les économies des départements d'outre-mer sont donc marquées par une forte dépendance à l'égard de ces transferts publics, d'autant que leur développement est handicapé par une compétitivité insuffisante par rapport à leur environnement géographique, le coût du travail y étant généralement de cinq à six fois inférieur.
Le cadre juridique commun des départements d'outre-mer est défini par les articles 73 de la Constitution et 299-2 du traité d'Amsterdam.
La Guyane, la Martinique, la Guadeloupe et la Réunion relèvent aujourd'hui du statut de département d'outre-mer, issu de la loi de départementalisation du 19 mars 1946 et défini par l'article 73 de la Constitution.
Par ailleurs, les départements d'outre-mer français sont intégrés à l'Union européenne, au sein de laquelle ils constituent, au regard du droit communautaire, des régions ultrapériphériques au sens de l'article 299-2 du traité d'Amsterdam.
Le statut constitutionnel des départements d'outre-mer est actuellement défini par l'article 73 de la Constitution, aux termes duquel « le régime législatif et l'organisation administrative des départements d'outre-mer peuvent faire l'objet de mesures d'adaptation nécessitées par leur situation particulière ».
En application du principe dit de l'« assimilation législative », les lois métropolitaines sont applicables de plein droit dans les départements d'outre-mer, de même que dans la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon, sans qu'une mention expresse d'extension ne soit nécessaire, à la différence des territoires d'outre-mer, de la Nouvelle-Calédonie ou de la collectivité territoriale de Mayotte, qui sont, pour leur part, soumis au principe dit de la « spécialité législative ».
Les départements d'outre-mer constituent donc des départements de droit commun, sous réserve des mesures d'adaptation prévues par l'article 73 de la Constitution, dont la jurisprudence du Conseil constitutionnel a toutefois limité la portée. Celui-ci a en effet notamment considéré, dans une décision du 2 décembre 1982, que « le statut des départements d'outre-mer doit être le même que celui des départements métropolitains sous la seule réserve des mesures d'adaptation que peut rendre nécessaires la situation particulière de ces départements d'outre-mer ; que ces adaptations ne sauraient avoir pour effet de conférer aux départements d'outre-mer une "organisation particulière", prévue par l'article 74 de la Constitution pour les seuls territoires d'outre-mer ».
Comme vous l'avez rappelé à l'instant, monsieur le secrétaire d'Etat, ce raisonnement avait alors conduit le Conseil constitutionnel à refuser la mise en place dans les départements d'outre-mer d'une assemblée unique, qui lui était apparue aller au-delà des mesures d'adaptation autorisées par l'article 73 de la Constitution.
En application de cette jurisprudence, la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique et la Réunion constituent, depuis 1982, des régions monodépartementales dotées de deux assemblées distinctes, toutes deux élues au suffrage universel.
Les départements d'outre-mer bénéficient, par ailleurs, du statut de région ultrapériphérique défini par l'article 299-2 du traité d'Amsterdam, qui s'est substitué à l'ancien article 227-2 du traité de Rome et dont il importe de rappeler la rédaction dans la mesure où de nombreux orateurs y feront sans doute allusion dans ce débat : « Les dispositions du présent traité sont applicables aux départements français d'outre-mer, aux Açores, à Madère et aux îles Canaries. »
C'est ainsi que les DOM bénéficient de régimes d'aides communautaires spécifiques et de crédits considérables au titre des fonds structurels européens.
Le montant des crédits ainsi alloués aux départements français d'outre-mer atteindra plus de 23 milliards de francs pour la période 2000-2006, auxquels viendront s'ajouter les fonds de concours de l'Etat et des collectivités locales.
Cependant, n'excluant pas une réforme constitutionnelle, la commission des lois, dans le cadre de ses réflexions sur une éventuelle évolution statutaire des DOM, a jugé important de comparer leur statut avec celui des Açores, de Madère et des Canaries, qui bénéficient, au regard du droit communautaire, du même régime juridique particulier aux régions ultrapériphériques.
Les archipels portugais des Açores et de Madère bénéficient de statuts particuliers d'autonomie fondés sur l'article 6 de la Constitution portugaise, aux termes duquel : « Les archipels des Açores et de Madère constituent des régions autonomes dotées de statuts politiques et administratifs et d'organes de gouvernement qui leur sont propres. »
Madère, comme je l'indique dans mon rapport écrit, a des compétences législatives et des compétences au niveau des relations internationales.
Par ailleurs, les îles Canaries, possession espagnole, constituent une « communauté autonome » reconnue par l'article 143 de la Constitution espagnole, au même titre que les autres régions espagnoles.
On constate que les régions ultrapériphériques espagnoles et portugaises jouissent d'une beaucoup plus large autonomie que les départements d'outre-mer français, ce qui ne les empêche pas de bénéficier de l'intégration européenne et des fonds correspondants.
Après ces quelques précisions, revenons au projet de loi d'orientation qui nous est soumis.
Avant d'en présenter les dispositions, il n'est pas inutile de rappeler les principales propositions formulées dans les différents rapports préparatoires qui ont servi de base à son élaboration.
Au cours de plusieurs mois de préparation, comme vous l'avez indiqué, monsieur le secrétaire d'Etat, le Gouvernement a chargé plusieurs personnalités de lui remettre des rapports sur différentes questions intéressant les départements d'outre-mer.
Le premier de ces rapports a été remis en février 1999 par Mme Eliane Mossé, économiste, qui s'est penchée sur les possibilités de réforme du régime de surrémunérations dans la fonction publique de l'Etat, ainsi que sur les moyens de parvenir à une utilisation plus efficace des fonds structurels communautaires.
Un deuxième rapport vous a été remis, monsieur le secrétaire d'Etat, par M. Bertrand Fragonard, conseiller-maître à la Cour des comptes, qui était chargé de réfléchir aux mesures susceptibles de permettre une amélioration de la situation de l'emploi dans les départements d'outre-mer.
Le troisième rapport établi dans la perspective de la préparation du projet de loi d'orientation émane de MM. Claude Lise, notre collègue sénateur de la Martinique, et Michel Tamaya, député de la Réunion, à qui le Premier ministre avait demandé de réfléchir à un approfondissement de la décentralisation dans les départements d'outre-mer, en limitant toutefois le champ de cette réflexion au double cadre juridique résultant de l'article 73 de la Constitution et de l'article 299-2 du traité d'Amsterdam, ce qui constitue la principale difficulté de l'exercice, car elle exclut toute révision de la Constitution du 4 octobre 1958.
Ce rapport, remis au Premier ministre en juin 1999, propose un accroissement des responsabilités locales par le transfert de nouvelles compétences aux collectivités territoriales, départements et régions.
Les deux parlementaires préconisent, en outre, une clarification des compétences entre la région et le département, en recentrant les compétences de la région sur la planification et les aides économiques et en renforçant celles du département dans les domaines social, éducatif et culturel.
Ils formulent également diverses propositions tendant à une amélioration du système fiscal.
Enfin, estimant ne pouvoir envisager dans l'immédiat, en l'absence de modification de l'article 73 de la Constitution, des changements institutionnels tels que la mise en place d'une assemblée unique - ce qu'avait refusé en 1982 le Conseil constitutionnel - MM. Lise et Tamaya proposent d'ouvrir la perspective d'une évolution institutionnelle par la mise en place d'une nouvelle institution et non d'une troisième assemblée, le Congrès, réunion non permanente des deux assemblées délibérantes, le conseil général et le conseil régional.
Le projet de loi qui nous est soumis reprend l'essentiel de ces propositions.
Signalons enfin, pour être exhaustifs, que le Gouvernement a reçu deux autres rapports qu'il avait demandés à MM. Seners et Thuau, de portée géographique plus limitée, concernant respectivement les « îles du Nord » rattachées à la Guadeloupe - Saint-Barthélémy et Saint-Martin - et Saint-Pierre-et-Miquelon.
Examinons maintenant le projet de loi proprement dit.
Le projet de loi d'orientation reprend diverses propositions formulées dans le cadre de ces rapports préparatoires.
Outre un article préambule affirmant notamment la priorité donnée au développement des activités économiques, de l'aménagement du territoire et de l'emploi dans les départements d'outre-mer, il comprend des dispositions tendant à une meilleure reconnaissance de l'identité culturelle, un volet consacré au transfert de nouvelles compétences aux collectivités territoriales et un titre relatif à l'évolution institutionnelle.
S'inspirant largement du rapport Fragonard, le titre Ier, intitulé « Du développement économique et de l'emploi », institue des dispositifs d'allégement de charges sociales en faveur des entreprises des départements d'outre-mer.
Le titre II, intitulé « De l'égalité sociale et de la lutte contre l'exclusion », comprend plusieurs dispositions relatives au RMI.
L'Assemblée nationale a inséré au sein de ce titre II un article additionnel supprimant la prime d'éloignement profitant aux fonctionnaires nommés outre-mer qui, je le rappelle, est différente de la surrémunération.
Le titre III, intitulé « Du droit au logement », comprend deux articles, dont l'un, l'article 16, prévoit la création dans les départementes d'outre-mer d'un fonds régional d'aménagement foncier et urbain.
La commission des lois s'en remettra à l'appréciation de nos deux commissions saisies pour avis - la commission des affaires sociales et la commission des affaires économiques - sur les dispositions des titres Ier, II et III, à l'exception toutefois de quelques articles, dont l'article 12 bis, qui concerne la fonction publique.
Le titre IV, intitulé « Du développement de la culture et des identités outre-mer », comporte diverses dispositions importantes dont le rapporteur de la commission des affaires culturelles, saisie pour avis sur l'ensemble des dispositions de ce titre qui relèvent de sa compétence, traitera.
Le titre V, intitulé « De l'action internationale de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de la Réunion dans leur environnement régional », est à rattacher au domaine institutionnel. Il comporte deux articles qui ont pour objet de transférer aux départements et aux régions d'outre-mer de nouvelles compétences dans ce domaine, afin de favoriser le développement de la coopération régionale décentralisée et de permettre une meilleure insertion des territoires concernés dans leur environnement régional.
C'est ainsi que les conseils généraux et régionaux pourront adresser au Gouvernement des propositions en vue de conclure des accords de coopération régionale. Ce titre est très important, car il répond à une demande très forte des décideurs locaux. Signalons simplement qu'un président de conseil général ou régional pourra recevoir un pouvoir des autorités de la République l'autorisant à négocier et signer des accords internationaux avec les Etats ou organismes régionaux voisins.
Le rapport de la commission des lois énumère toutes les possibilités dans ce domaine, qui comprend également les négociations avec l'Union européenne.
Par ailleurs, seront mis en place quatre fonds de coopération régionale, un par département.
Enfin, l'Assemblée nationale a prévu la possibilité pour un conseil régional de recourir aux sociétés d'économie mixte locales pour la mise en oeuvre des actions engagées en matière de coopération régionale, et ce même sur le sol d'Etats étrangers voisins, ce qui m'apparaît être une excellente chose.
Le titre VI, intitulé « De l'approfondissement de la décentralisation », contient quatre chapitres.
Le chapitre Ier généralise la consultation obligatoire des conseils généraux et régionaux d'outre-mer sur les projets de loi, d'ordonnance ou de décret comportant des dispositions d'adaptation de leur régime législatif et de leur organisation administrative ainsi que sur les propositions d'actes communautaires pris en application de l'article 299-2 du traité d'Amsterdam.
L'Assemblée nationale a complété l'article 24 par une disposition prévoyant la consultation des conseils régionaux d'outre-mer par l'Autorité de régulation des télécommunications avant toute décision d'attribution d'autorisations pour des réseaux ou services locaux ou interrégionaux.
Elle a, en outre inséré, dans le chapitre Ier du titre VI deux article additionnels prévoyant la consultation des conseils régionaux sur les projets d'attribution ou de renouvellement des concessions portuaires et aéroportuaires concernant ces régions et l'établissement par le Gouvernement d'un rapport biannuel relatif aux échanges aériens, maritimes et en matière de télécommunications dans les départements d'outre-mer.
Le chapitre II du titre VI est consacré au transfert de compétences actuellement exercées par l'Etat.
Il prévoit le transfert au profit des régions d'outre-mer de compétences nouvelles concernant notamment les routes nationales, l'exploration et l'exploitation des ressources naturelles, biologiques ou non biologiques, ainsi que l'élaboration d'un plan énergétique régional pluriannuel. On trouvera le détail de ce transfert dans mon rapport écrit.
Les attributions du département sont, pour leur part, renforcées à travers la création d'un office de l'eau.
Par ailleurs, afin de prendre en compte les spécificités des « îles du nord » et leur éloignement de leur département de rattachement, la Guadeloupe, l'article 32 prévoit la possibilité pour les communes de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy d'exercer, sur leur demande et par convention avec la collectivité territoriale concernée, des compétences relevant normalement du département ou de la région dans différents domaines.
Le chapitre III du titre VI comporte plusieurs dispositions relatives aux finances locales, qui tendent notamment à permettre aux collectivités territoriales des départements d'outre-mer de bénéficier de nouvelles ressources. Le détail figure dans mon rapport écrit ; six articles du projet de loi sont consacrés à ces ressources.
S'agissant des perspectives d'évolution institutionnelle des départements d'outre-mer, le projet de loi d'orientation se limite à prévoir, d'une part, la création d'un deuxième département à la Réunion et, d'autre part, l'institution dans les régions d'outre-mer monodépartementales d'un congrés réunissant le conseil général et le conseil régional, et ayant vocation à délibérer de toute proposition d'évolution institutionnelle. C'est la concrétisation du rapport Lise-Tamaya.
Ce rapport - vous l'avez dit, monsieur le secrétaire d'Etat - a prévu de créer dans ces trois départements, puisque la Réunion veut rester un département français - il n'y a aucun souci à avoir à cet égard, elle en a la volonté très ferme - un congrès devant permettre d'initier un éventuel processus d'évolution statutaire.
Le congrès serait composé des conseillers généraux et des conseillers régionaux. Il pourrait être réuni à la demande du conseil général ou du conseil régional.
Le titre VIII concerne non plus les départements d'outre-mer mais la collectivité territoriale à statut particulier de Saint-Pierre-et-Miquelon.
Enfin, le titre IX, intitulé « De la transparence et de l'évaluation des politiques publiques », comprend un article unique qui tend à créer une commission des comptes économiques et sociaux des départements d'outre-mer et de suivi de la loi d'orientation, l'Assemblée nationale ayant décidé d'étendre le champ de cet article à Saint-Pierre-et-Miquelon.
Quel est mes chers collègues, l'avis de la commission des lois sur ce texte ?
Au vu de l'analyse de ces éléments, et comme a pu le constater le rapporteur au cours des deux récentes missions de la commission des lois, la situation de l'emploi constitue aujourd'hui le problème majeur des départements d'outre-mer.
Une priorité absolue doit donc être donnée aux actions susceptibles de réduire le chômage massif qui frappe aujourd'hui la jeunesse de ces départements, sauf à risquer une explosion sociale d'ici à quelques années.
Or, aucune évolution institutionnelle, quelque légitime qu'elle puisse être, ne peut en elle-même apporter une réponse à cette préoccupation.
C'est pourquoi la commission des lois approuve l'accent mis par le projet de loi sur les mesures destinées à favoriser la création d'emplois. En particulier, les mesures d'exonération de charges sociales proposées pour réduire le coût du travail dans les départements d'outre-mer et améliorer leur compétitivité par rapport aux pays environnants et dans les secteurs exportateurs lui paraissent aller dans le bon sens, même si l'on peut regretter la complexité de certains dispositifs envisagés, qui peut en faire craindre le détournement dans certains cas.
S'agissant plus précisément de la définition des modalités techniques à retenir pour les mesures à instituer, la commission des lois s'en remet aux commissions des affaires sociales et des affaires économiques et du Plan, saisies pour avis.
Je tiens cependant à souligner - c'est une lacune du projet, monsieur le secrétaire d'Etat - la nécessité d'encourager le développement des secteurs d'activité à haute valeur ajoutée, notamment ceux qui font appel aux technologies nouvelles, car ce sont les seuls secteurs dans lesquels les économies domiennes peuvent être compétitives dans leur zone géographique.
Par ailleurs, la commission des lois souligne l'obligation de veiller à une utilisation efficace des fonds publics alloués aux départements d'outre-mer, qu'il s'agisse des fonds d'origine nationale ou des fonds d'origine européenne. En effet, si le volume considérable des crédits publics qui seront disponibles pour les départements d'outre-mer au cours des sept prochaines années constitue indéniablement un atout essentiel pour le développement de ces départements, encore faut-il que ces crédits puissent être utilisés rapidement et le plus efficacement possible, dès leur déblocage par Bruxelles - j'insiste sur ce point, monsieur le secrétaire d'Etat - sans que le transit par Bercy n'en retarde le paiement, car nous savons tous ici que ce retard est quelquefois artificiel.
Or, tel n'est pas le cas aujourd'hui, puisqu'on déplore, en particulier, des difficultés dans la gestion des crédits communautaires et une sous-consommation de ces crédits, faute de trésorerie au niveau des collectivités locales, qui ne peuvent faire l'avance.
Afin de remédier à cette situation, la commission proposera de consacrer dans la loi l'existence d'une commission du suivi de l'utilisation des fonds structurels européens, instance de concertation et de contrôle qui serait coprésidée par le préfet et par les présidents du conseil régional et du conseil général, et qui réunirait l'ensemble des interlocuteurs concernés afin d'assurer un suivi efficace de la mobilisation de ces fonds.
Au terme de leurs déplacements dans les départements d'outre-mer, les membres des deux missions constituées par la commission des lois du Sénat ont été unanimes à constater la très grande diversité des situations locales. Selon l'expression que j'ai déjà utilisée, le « cousu main » semble s'imposer en la matière, mais je pense que vous en êtes convaincu, monsieur le secrétaire d'Etat.
Cette préoccupation est d'ailleurs présente dans l'opinion exprimée par le Président de la République, M. Jacques Chirac, dans un discours prononcé en Martinique le 11 mars 2000 : « Ma conviction est que les statuts uniformes ont vécu et que chaque collectivité d'outre-mer doit pouvoir désormais, si elle le souhaite, évoluer vers un statut différencié, en quelque sorte un statut sur mesure ».
Or, à cet égard, le volet institutionnel du projet de loi d'orientation apparaît insuffisant pour les départements de la Guyane et des Antilles et ne peut être considéré que comme une simple étape dans la perspective d'évolutions plus substantielles.
Certes, la commission des lois approuve les dispositions qui vont dans le sens d'un renforcement des responsabilités exercées à l'échelon local et d'un approfondissement de la décentralisation.
Tel est le cas, en particulier, des nouvelles compétences conférées aux départements et aux régions d'outre-mer afin de favoriser le développement de la coopération régionale décentralisée et de permettre une meilleure insertion des départements d'outre-mer dans leur environnement géographique.
Tel est également le cas du transfert aux régions d'outre-mer de certaines compétences exercées actuellement par l'Etat.
Cependant, ces aménagements, bien qu'importants, n'ouvrent pas réellement la voie à une véritable évolution différenciée, et les élus d'outre-mer que nous avons rencontrés se méfient à juste titre - mais n'en va-t-il pas de même en métropole ? - des tendances autoritaires et centralisatrices des représentants de l'Etat, même s'ils sont de grande valeur, qui interpréteront stricto sensu la loi, limitée quant à elle par la Constitution.
Force est de constater que les deux seules dispositions du projet de loi qui ouvrent la perspective d'une évolution institutionnelle substantielle, qu'il s'agisse de la bidépartementalisation de la Réunion ou de la création d'un congrès dans les départements français d'Amérique, font toutes les deux l'objet de vives controverses.
La commission des lois considère que la création d'un second département à la Réunion, qui pourrait être justifiée par des considérations relatives à l'évolution démographique ou à l'aménagement du territoire, ne devrait être envisagée que si elle rencontrait l'accord unanime des élus réunionnais.
Or, tel n'est pas le cas, et vous l'avez d'ailleurs reconnu, monsieur le secrétaire d'Etat.
En effet, si la majorité des parlementaires de l'île s'est prononcée en faveur de la création d'un second département, en revanche, le conseil régional comme le conseil général ont émis un avis défavorable sur l'avant-projet de loi soumis à la concertation par le Gouvernement.
Cette réforme ne devrait pas non plus être envisagée sans l'adhésion de la population. Or, la population réunionnaise, consultée par sondages, a montré sa vive hostilité à ce projet : 32 % seulement des habitants y seraient favorables.
En outre, on peut douter qu'elle puisse constituer un moteur du développement et créer des emplois, alors même qu'elle aurait un coût important pour les finances publiques sans création d'investissements productifs en contrepartie.
La commission des lois vous proposera donc, mes chers collègues, d'adopter un amendement de suppression de l'article 38, qui tend à la création d'un second département à la Réunion.
En ce qui concerne la création du congrès, prévue par l'article 39 du projet, votre rapporteur a considéré, lors de l'examen du rapport en commission, qu'elle aurait pu constituer un moyen d'ouvrir la perspective d'une nécessaire évolution institutionnelle, dans la mesure où elle aurait permis au Gouvernement d'avoir un interlocuteur représentatif des populations concernées et de créer un lieu de concertation ayant un fondement légal, où toutes les opinions auraient pu s'exprimer et une majorité d'idées se dégager en faveur d'un statut, statut ensuite soumis à consultation.
Cette proposition lui paraissait donc mériter un examen attentif, quitte à envisager d'en modifier les modalités, notamment l'appellation de « congrès », source de confusion avec le Congrès du Parlement se réunissant à Versailles, voire avec le Congrès américain, ou encore avec l'un des principaux partis de l'Inde, comme me l'a rappelé M. le président de la commission des lois.
Cependant, la commission des lois constate que le projet de création du congrès est très loin de faire l'unanimité ; il a notamment suscité l'avis défavorable de six des huit assemblées locales concernées.
Elle constate, en outre, que la procédure envisagée serait particulièrement lourde.
Elle considère donc que cette procédure risque d'être difficile à faire fonctionner et qu'elle aboutirait, de fait, à la création d'une troisième assemblée locale dont le rôle serait ambigu. Elle s'interroge, par ailleurs, sur sa constitutionnalité.
Aussi proposera-t-elle un amendement de suppression de l'article 39 du projet de loi prévoyant la création d'un congrès dans les régions d'outre-mer monodépartementales. Bien évidemment, cela ne concerne pas la Réunion, qui, je l'ai dit, désire rester département français.
S'agissant des autres dispositions du projet de loi, nous proposerons un certain nombre d'amendements tendant à des aménagements ponctuels qui seront présentés au fil de l'examen des articles.
La commission des lois tient cependant à aborder les perspectives d'avenir, la loi d'orientation ne constituant, à ses yeux, qu'une simple loi d'étape, même si, au regard de l'article 73 de la Constitution, nous avons le sentiment que le Gouvernement est allé à l'extrême limite de ce qui était juridiquement possible.
Aussi, tout en soulignant la nécessité de préserver les acquis de la départementalisation et le bénéfice de l'intégration au sein de l'Union européenne et des fonds correspondants, la commission des lois considère que les obstacles juridiques constitués par l'article 73 de la Constitution et l'article 299-2 du traité d'Amsterdam ne doivent pas s'opposer définitivement à toute évolution du statut de département d'outre-mer vers une autonomie accrue, à laquelle aspirent les populations de Guyane et des Antilles françaises.
En particulier, une renégociation de l'article 299-2 du traité d'Amsterdam devrait pouvoir être, le cas échéant, envisagée rapidement afin que ce texte définissant le statut des régions ultrapériphériques vise non plus une catégorie juridique, à savoir les départements d'outre-mer français, mais les entités géographiques correspondantes, comme, par exemple, la Martinique, ainsi qu'il le fait déjà pour les territoires espagnols et portugais des Canaries, des Açores et de Madère.
Le président de la commission des lois songe également aux possibilités offertes par l'article 72 de la Constitution.
Au terme de cet examen d'ensemble, le projet de loi d'orientation pour l'outre-mer, annoncé de longue date, précédé d'une large concertation et de plusieurs rapports préparatoires, s'il semble positif pour ce qui concerne les perspectives économiques et sociales, n'apparaît pas, au regard des évolutions institutionnelles, à la hauteur des espérances qu'il a suscitées parmi les populations des départements d'outre-mer.
En effet, même si un grand nombre de mesures prévues recueillent son approbation, la commission des lois ne peut que regretter, à la lumière du constat établi au cours de ses récentes missions, qu'il s'agisse davantage d'un texte portant diverses dispositions relatives à l'outre-mer que d'une grande réforme permettant de proposer aux élus et aux populations des départements français de la zone Guyane-Caraïbes plusieurs voies, qui vont des propositions du député Léon Bertrand en faveur de la création d'un deuxième département en Guyane, jusqu'à une large autonomie nécessitant éventuellement une réforme constitutionnelle, objet, pour la Guyane, de la proposition de loi constitutionnelle rédigée par notre collègue Georges Othily en mars 2000 et, pour les Antilles et la Guyane, de la déclaration de Basse-terre des trois présidents de région du 1er décembre 1999.
Encore faudra-t-il que chacun en apprécie les conséquences exactes et prenne ses responsabilités devant l'histoire et les populations concernées !
Au bénéfice de l'ensemble de ces observations et sous réserve de l'adoption des amendements qu'elle vous soumettra, la commission des lois vous propose, mes chers collègues, d'adopter le présent projet de loi d'orientation pour l'outre-mer. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
(M. Jacques Valade remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE
vice-président

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur pour avis.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd'hui comprend deux volets bien distincts, et d'abord le volet institutionnel, à l'évidence le plus controversé et qui a quelque peu occulté l'importance du second volet, le volet économique et social.
Cette focalisation sur les questions institutionnelles peut paraître paradoxale. Notre excellent collègue José Balarello, rapporteur de la commission des lois, a en effet souligné avec pertinence la priorité à donner au développement économique et à l'emploi.
« Une priorité absolue - écrit-il dans son rapport - doit donc être donnée aux actions susceptibles de réduire le chômage massif qui frappe aujourd'hui la jeunesse de ces départements, sauf à risquer une explosion sociale d'ici à quelques années. Or, aucune évolution institutionnelle, quelque légitime qu'elle puisse être, ne peut en elle-même apporter une réponse à cette préoccupation. »
La commission des affaires sociales ne peut bien évidemment que partager cette analyse. Elle observe à cet égard que le volet social de ce projet de loi a suscité beaucoup d'attentes, mais aussi beaucoup d'inquiétudes. La commission a d'ailleurs pu les apprécier très concrètement sur le terrain lors de la mission d'information qu'elle a effectuée en Guyane, l'été dernier.
Beaucoup d'attentes tout d'abord.
Annoncé en octobre 1998, ce projet de loi a immédiatement été l'occasion pour les acteurs locaux de formuler des propositions pour favoriser le développement des économies domiennes et, surtout, pour contribuer à lutter contre le fléau qu'est le chômage. Tous insistaient sur l'urgence à mieux prendre en compte les spécificités domiennes pour relancer la création d'emplois.
En effet, rien n'est plus urgent que la création de nouveaux emplois et la lutte contre un chômage qui mine les sociétés ultra-marines et qui explique largement les tensions qu'elles connaissent.
Les chiffres sont en effet plus qu'inquiétants. En mars, près de 210 000 personnes étaient au chômage dans les départements d'outre-mer, soit plus de 30 % de la population active. Le léger frémissement à la baisse du nombre de demandeurs d'emploi - moins 2,8 % en un an - reste très en retrait par rapport aux résultats enregistrés en métropole - moins 15 % sur la même période.
Certes, on connaît les causes de ce chômage très spécifique aux départements d'outre-mer - le poids de la démographie, le coût élevé du travail, la faiblesse des qualifications, les contraintes de l'éloignement, l'étroitesse des marchés locaux - mais on en voit surtout les conséquences : il contribue à une inquiétante détérioration du climat social.
Les conflits du travail se caractérisent par leur durée et leur intensité et se traduisent fréquemment par la quasi-paralysie des économies locales. Les partenaires sociaux, quant à eux, n'arrivent guère à rétablir, dans ces conditions, un dialogue social constructif.
Le chômage alimente également une montée de la précarité et de l'exclusion. Pour s'en tenir au seul RMI, 127 000 foyers en étaient bénéficiaires en décembre 1999. Cela concerne 16 % de la population contre 3,3 % en métropole. Cela représente aussi une augmentation de 7 % du nombre total d'allocataires en 1999. Au-delà de ces statistiques brutes, c'est bien la cohésion sociale qui est menacée.
Dans ces conditions, face à cette urgence sociale, ce projet de loi d'orientation ne pouvait que susciter des attentes fortes de la part de nos compatriotes d'outre-mer. Je crains, hélas ! qu'il ne suscite aujourd'hui plutôt des inquiétudes ou, tout du moins, des interrogations. Si celles-ci se sont très largement focalisées autour des questions institutionnelles, elles n'en ont pas moins touché le domaine social.
Annoncé voilà près de deux ans, le projet de loi n'arrive qu'aujourd'hui en discussion au Parlement. On aurait pu espérer que la lenteur de sa gestion ait permis à la concertation de se dérouler au mieux. C'est loin d'être évident.
Certes, trois rapports intéressants ont été rédigés. Le rapport Mossé était consacré au développement économique. Le rapport de notre collègue Claude Lise et du député Michel Tamaya abordait principalement les questions institutionnelles. Le rapport Fragonard concernait avant tout la question de l'emploi.
Certes, les assemblées locales ont été consultées à deux reprises. Mais cette phase de diagnostic et de concertation, si chère au Gouvernement, semble aujourd'hui déboucher sur une phase de décision quelque peu décevante.
Sur les huit assemblées locales consultées, seules deux ont en effet donné un avis positif sur ce projet de loi. Cette absence de consensus local témoigne des imperfections du texte qui nous est soumis aujourd'hui.
Pour s'en tenir au domaine social, je crois devoir insister sur certaines insuffisances générales manifestes du texte qui nous est proposé. Elles m'ont d'ailleurs largement été confirmées lors de la très large consultation des élus et des forces socio-économiques des départements d'outre-mer que j'ai réalisée à l'occasion de la préparation de ce projet de loi.
La première insuffisance tient au souci trop évident d'un affichage ambitieux. Le texte en est alors réduit à n'être qu'un simple support à des effets d'annonce.
Je n'entrerai pas ici dans le débat un peu spécieux sur les avantages comparés des lois d'orientation, des lois de programme et des lois de programmation, car ce qui importe avant tout c'est la capacité de la législation à résoudre les problèmes concrets qui se posent sur le terrain.
J'observe simplement que cet intitulé « loi d'orientation » semble quelque peu en décalage avec le contenu du projet. Nombre de ses dispositions relèvent en effet souvent bien plus du règlement, voire de la circulaire, que de la loi. C'est pourquoi il ressemble parfois plus à un catalogue de différentes mesures qu'au cadre structuré d'une politique claire.
Cette volonté d'affichage d'un effort présenté comme « sans précédent » se retrouve également dans les incertitudes entourant le coût du dispositif.
Vous annonciez, monsieur le secrétaire d'Etat, un coût budgétaire de 3,5 milliards de francs pour le seul article 2 du projet de loi. Mais, sur la base des données fournies par l'étude d'impact actualisée, on ne retrouve, pour l'ensemble du volet social de ce texte, qu'un coût net de 2,7 milliards de francs pour l'ensemble des finances publiques - budget de l'Etat mais aussi finances sociales qui sont largement mises à contribution et qui ne bénéficient pas toujours d'une compensation budgétaire de leur effort. En définitive, si l'on raisonne en coût net, c'est-à-dire si l'on ne retient que l'effort supplémentaire réellement consenti par rapport aux dispositifs actuels, ce coût ne représentera à terme que simplement l'équivalent de 6 % des crédits budgétaires de 2000 en faveur des départements d'outre-mer.
La deuxième insuffisance tient au périmètre trop restreint du projet de loi.
Les sociétés domiennes sont des sociétés dynamiques. On sait ainsi que le rythme de la croissance économique y est plus élevé qu'en métropole depuis dix ans. Leur développement économique viendra donc prioritairement des acteurs locaux et, au premier chef, des entreprises. Mais ceux-ci n'en nécessitent pas moins un accompagnement de la part de la métropole.
Ce soutien aurait dû prendre une triple forme : d'abord, un plan de rattrapage pour remettre à niveau les équipements et les services collectifs qui restent la condition nécessaire à la création d'un environnement économique et social favorable ; la commission a pu constater combien un tel rattrapage était nécessaire, notamment sur le plan sanitaire, en Guyane ; ensuite, la mise en place d'un dispositif de soutien aux investissements qui devrait prendre la forme d'une défiscalisation dans le prolongement de la loi « Pons » il est en effet prioritaire de réamorcer les flux de capitaux vers l'outre-mer, dont la capacité d'investissement reste faible ; enfin, des mécanismes d'aide à l'emploi adaptés au contexte particulier de l'outre-mer et, plus encore, de chaque département d'outre-mer, tant ceux-ci connaissent des situations particulières.
Or, force est de constater que seul ce troisième volet est abordé par le présent projet de loi, le soutien aux investissements étant reporté au mieux au projet de loi de finances pour 2001 et l'exigence d'un rattrapage ayant mystérieusement disparu du discours gouvernemental, celui-ci s'en remettant largement aux contrats de plan et aux actions communautaires.
La troisième insuffisance est aussi évidente. Il s'agit, en matière sociale, d'un projet qui nous semble inabouti.
Je reconnais que, dans ce domaine, les orientations du Gouvernement vont dans un sens que ne pourra qu'apprécier notre assemblée : l'abaissement du coût du travail, l'incitation à la reprise d'activité, le soutien à la création d'entreprise, la recherche de l'égalité sociale, sont autant de pistes auxquelles la commission des affaires sociales attache traditionnellement une grande importance.
Je ne peux donc que partager ces orientations et vous savoir gré, monsieur le secrétaire d'Etat, de les avoir reprises à votre compte. Je constate ainsi avec satisfaction qu'il a été choisi de pérenniser les principaux dispositifs de la loi « Perben » et même de les amplifier.
Dès lors, on ne peut que déplorer que vous n'en ayez pas tiré toutes les conséquences et que vous ayez choisi de vous arrêter au milieu du gué. L'urgence sociale imposait pourtant d'agir vite et fort. Ce projet aurait pu être plus ambitieux. Je crains que son impact ne soit trop faible pour répondre au défi de l'emploi outre-mer.
Pour justifier mon propos, je pense qu'il est nécessaire d'examiner plus en détail les principales mesures de ce projet de loi. Si vous le voulez bien, monsieur le secrétaire d'Etat, je reprendrai la présentation en quatre axes que vous aviez retenue devant notre commission.
Premier axe : l'amélioration de la compétitivité des entreprises et la baisse du coût du travail.
L'article 2 met en place un dispositif pérenne d'exonération de cotisations sociales patronales. Ce dispositif est certes plus avantageux que le dispositif « Perben » : les exonérations sont plus élevées et les salariés concernés sont plus nombreux. Mais il me semble qu'il aurait fallu être plus ambitieux, qu'il s'agisse du montant de l'exonération, du seuil d'effectif à partir duquel elle s'applique ou des secteurs d'activités concernés. Cela a certes un coût, mais il est sans doute souhaitable de consentir un effort plus élevé aujourd'hui que de devoir en faire plus encore demain.
Le dispositif d'exonération des cotisations sociales des employeurs et travailleurs indépendants va dans le bon sens, hormis une tentative hasardeuse de mise en place d'un recouvrement unique de ces cotisations qui a cependant été abandonné à l'Assemblée nationale. A ce propos, plutôt que d'avancer de manière autoritaire dans le sens d'un recouvrement unifié, il me paraît préférable de favoriser une plus grande coordination dans le respect des compétences de chaque caisse et dans le souci d'une amélioration tangible du service rendu à l'usager.
L'aide spécifique à la création d'emplois dans les entreprises exportatrices, prévue à l'article 7, n'est que la reprise dans la loi d'un dispositif existant même s'il devrait être plus avantageux. Il aurait cependant gagné à être accompagné par des possibilités de soutien technique ou logistique à ces entreprises.
En revanche, le système d'apurement des dettes sociales et fiscales des entreprises prévu par les articles 5 et 6 me semble poser plus de problèmes qu'il n'en résout. L'instauration d'un abandon de ces dettes me semble être l'exemple même de la « fausse bonne idée ». J'y reviendrai.
Le deuxième axe concerne la création d'emplois pour les jeunes.
Le système de « parrainage » prévu par l'article 8 risque d'avoir, il faut le dire, une portée limitée. Il aurait sans doute mieux valu chercher à favoriser l'insertion professionnelle des jeunes par le développement des formations en alternance qui connaissent de graves difficultés outre-mer.
Le projet initiative-jeune de l'article 9 est plus intéressant. Il prévoit l'attribution d'une aide financière pour les jeunes qui créent ou reprennent une entreprise, ou bien partent en formation hors de leur département d'origine. Il méritait toutefois d'être précisé. J'aurai plusieurs propositions à vous soumettre sur ce point, monsieur le secrétaire d'Etat.
Le mécanisme du congé solidarité introduit à l'Assemblée nationale s'apparente à un système de préretraite contre embauche. Si ces systèmes semblent désormais inadaptés en métropole, ils sont, en revanche, plus appropriés dans les départements d'outre-mer - je pense, notamment, à la Réunion - en raison de leur structure démographique. Il semble, cependant, qu'il ne soit destiné à s'appliquer que dans un seul département.
Le troisième axe de ce projet de loi vise à renforcer la lutte contre les exclusions.
Le titre de travail simplifié, institué par l'article 10, peut être un bon outil pour lutter contre le travail dissimulé, à condition que son utilisation ne soit pas trop dissuasive pour les entreprises.
La création de l'allocation de retour à l'activité, l'ARA, à l'article 13 constitue un mécanisme dit « d'intéressement » intéressant. Il aurait pourtant été possible d'aller plus loin.
Quant au renforcement du volet insertion du RMI, il constitue à bien des égards un pari fondé sur l'efficacité des agences départementales d'insertion.
S'agissant du quatrième volet, l'égalité sociale, le compromis adopté à l'Assemblée nationale sur un alignement en trois ans du RMI me semble être un bon compromis. Il importe, toutefois, de prendre en compte ses conséquences pour les départements qui vont voir leurs crédits d'insertion augmenter rapidement.
L'alignement de l'allocation de parent isolé en sept ans aurait pu paraître timide. Toutefois, dans la mesure où cet alignement ne s'inscrit pas dans le cadre d'une rénovation de la politique familiale, un alignement plus rapide serait sans doute prématuré, nous semble-t-il.
Enfin, et pour être exhaustif, ce projet de loi vise également à étendre l'application à Saint-Pierre-et-Miquelon de certaines dispositions sociales importantes : le principe de compensation par l'Etat de toute exonération de cotisations sociales, la loi de 1975 sur les handicapés ou l'assurance invalidité.
Vous le voyez, mes chers collègues, les mesures proposées restent en retrait par rapport aux réponses fortes qu'attendent aujourd'hui nos compatriotes d'outre-mer. Votre commission des affaires sociales a donc choisi d'adopter une démarche pragmatique visant à amplifier la portée du texte proposé par le Gouvernement.
Dans la mesure où la dégradation de la situation de l'emploi tient avant tout à la montée du chômage et à la progression de l'exclusion, il nous a semblé prioritaire de cibler l'effort sur la création d'emplois, principalement en faveur des jeunes, et l'amélioration de l'insertion.
S'agissant de la création d'emplois, il importe d'abord d'amplifier la baisse du coût du travail par la baisse des charges sociales pour favoriser l'activité. La commission des affaires sociales a ainsi souhaité étendre le champ des exonérations de cotisations sociales prévues à l'article 2. Cela passe à la fois par une majoration à 1,5 SMIC du plafond auquel s'applique ces exonérations, par leur extension aux entreprises de vingt salariés au moins - pour les dix premiers salaires - et par leur extension à de nouveaux secteurs particulièrement importants pour le développement de l'outre-mer, tel le bâtiment et les travaux publics, la formation professionnelle, le transport aérien et maritime régional.
Il est également nécessaire de cibler l'effort sur les entreprises exportatrices du fait de l'étroitesse des marchés locaux. La commission des affaires sociales souhaite, pour ces entreprises, étendre les exonérations de cotisations sociales pour les salaires jusqu'au plafond de la sécurité sociale et leur permettre de bénéficier d'une aide au projet.
Mais il faut aussi favoriser la formation et l'insertion professionnelle des jeunes. Dans cette perspective, la commission propose de réserver prioritairement les contrats d'accès à l'emploi aux jeunes rencontrant des difficultés d'insertion professionnelle, d'étendre le champ des aides à la formation prévues par le projet initiative-jeune, d'ouvrir les possibilités de « parrainage » et, compte tenu de la spécificité des départements d'outre-mer, d'étendre le champ des activités ouvertes aux emplois-jeunes à la coopération régionale et à l'aide humanitaire.
La création d'entreprises reste également une condition indispensable du développement. C'est pourquoi la commission a souhaité permettre aux jeunes de mieux accéder aux dispositifs d'aide à la création d'entreprises.
Si la création d'emplois est une priorité, l'insertion et le retour à l'activité des personnes les plus éloignées de l'emploi en est une autre si l'on ne veut pas laisser se développer une logique nocive d'assistance.
Aussi, votre commission vous propose de mettre en place, parallèlement à l'ARA, l'allocation de retour à l'activité, des conventions de retour à l'emploi permettant aux bénéficiaires du RMI depuis plus d'un an de reprendre une activité professionnelle au travers d'un contrat d'accès à l'emploi à mi-temps tout en continuant à percevoir l'allocation de RMI pendant la durée de la convention.
Elle a également souhaité faciliter les possibilités offertes pour bénéficier du congé-solidarité et de l'allocation de retour à l'activité afin de permettre à ces dispositifs de jouer à plein.
Elle suggère par ailleurs de recentrer les contrats d'accès à l'emploi sur les jeunes rencontrant des difficultés particulières d'insertion professionnelle.
Elle propose enfin de garantir une progression satisfaisante des crédits d'insertion départementaux sans fragiliser plus encore les finances des collectivités locales en assurant la prise en charge par l'Etat des charges supplémentaires liées aux conséquences de l'alignement du RMI.
Ces propositions permettront, je le crois, d'enrichir substantiellement le présent projet de loi, qui, dans sa rédaction actuelle, est loin d'être à la hauteur des enjeux de l'outre-mer. Il ne saurait donc en l'état fonder le « modèle original de développement » que le Président de la République appelait de ses voeux voici quelques semaines. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Huchon, rapporteur pour avis.
M. Jean Huchon, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le projet de loi d'orientation pour l'outre-mer a été partiellement soumis pour avis à la commission des affaires économiques.
Ce texte très attendu fait suite à la parution d'un certain nombre de rapports dressant un bilan jugé alarmant de la situation des départements d'outre-mer. On citera en particulier le rapport déjà évoqué de nos collègues Claude Lise et Michel Tamaya remis en juin 1999 au Gouvernement, ainsi que celui de la commissaire générale du Plan Eliane Mossé, publié en mars 1999.
Après l'avoir annoncé dès l'automne 1998, le Gouvernement s'était enfin engagé à le déposer à la suite d'un voyage du Premier ministre aux Antilles à la fin du mois d'octobre 1999.
Le Président de la République a lui-même manifesté, dans une allocution prononcée en Martinique en mars dernier, l'attention qu'il porte à la définition d'un modèle original de développement pour l'avenir des départements d'outre-mer. A cette occasion, il a souligné la nécessité de faire preuve de pragmatisme dans cette démarche. « Toutes les propositions, dès lors qu'elles ne mettent pas en cause notre République et ses valeurs, sont recevables et légitimes », a-t-il insisté.
Il est vrai que la situation économique des départements d'outre-mer est aujourd'hui dégradée. Elle a pu même être qualifiée d'explosive par notre collègue Rodolphe Désiré, dans son dernier avis sur les départements d'outre-mer, adopté par la commission à l'occasion de l'examen de la loi de finances pour 2000. Le chômage, qui touche en moyenne 30 % de la population active, condamne une part importante de la population à vivre des minima sociaux. Le caractère massif des transferts publics, qui représentaient en 1994 entre les trois quarts et les trois cinquièmes du PIB de ces départements, ne suffit pas à rétablir la situation et souligne a contrario la dépendance à l'égard de la métropole qui caractérise en bien des points l'économie des DOM. Témoignent également de cette dépendance l'importance des importations en provenance de métropole, la primauté des liaisons maritimes et aériennes vers celle-ci et la part prépondérante du tourisme métropolitain.
Cette situation alarmante est en partie imputable à l'existence de handicaps structurels au développement, notamment l'éloignement, l'insularité, l'étroitesse des marchés qui prive de débouchés les productions locales, l'absence de ressources énergétiques, mais également la concurrence des Etats voisins, qui offrent des régimes fiscaux et sociaux souvent plus avantageux ou tout au moins dérogatoires du droit commun.
Ces handicaps structurels appellent, à l'évidence, des mesures de compensation particulières. L'article 299-2 du traité instituant la Communauté européenne reconnaît ainsi aux départements d'outre-mer le statut de régions ultrapériphériques qui légitime les aides et avantages susceptibles de leur être accordés, tant dans le cadre national que dans le cadre européen.
En outre, la forte croissance démographique dans les départements d'outre-mer, qui est incontestablement un atout en vue d'une croissance de long terme, rend nécessaires des politiques appropriées en termes d'aménagement du territoire, de logement social ou même d'assainissement de l'eau.
Si le projet de loi soumis à notre examen présente le développement économique comme l'une de ses priorités, il comporte également d'autres volets qui tentent de répondre aux aspirations de la population des départements d'outre-mer : un volet politique et institutionnel qui fait l'objet d'un examen au fond par notre collègue José Balarello, au nom de la commission des lois ; un volet social qui a été examiné par notre collègue Jean-Louis Lorrain, au nom de la commission des affaires sociales saisie pour avis ; enfin, notre collègue Victor Reux a étudié les aspects culturels, au nom de la commission des affaires culturelles.
La commission des affaires économiques a examiné, dans le cadre de son rapport pour avis, un certain nombre d'articles.
L'article 1er, qui ne présente pas de réelle portée normative, constitue une introduction au projet de loi en rappelant que le développement économique de l'outre-mer constitue une priorité nationale.
L'article 7 bis, inséré par l'Assemblée nationale, impose à la conférence paritaire des transports de chaque département d'outre-mer de remettre chaque année un rapport au Gouvernement, assorti de propositions visant à réduire le coût des transports outre-mer.
Prévue par la loi Perben du 25 juillet 1994, cette instance paritaire devait réunir des représentants des transporteurs et des collectivités publiques afin de favoriser une concertation indispensable pour améliorer les règles de fonctionnement de ce secteur. Il semblerait pourtant que les conférences paritaires des transports n'aient pas été mises en place dans les départements d'outre-mer. Ce retard est d'autant plus regrettable que le Gouvernement a récemment invoqué le défaut de concertation avec les acteurs concernés pour justifier le fait qu'il n'a pas pris, dans les délais impartis par le Parlement dans la loi d'habilitation du 25 octobre 1999, l'ordonnance relative à l'adaptation aux départements d'outre-mer de la législation sur les transports intérieurs.
Votre rapporteur pour avis recommande donc la mise en place urgente des conférences paritaires des transports et ne peut que souhaiter de mieux associer les transporteurs à l'élaboration de la réforme.
L'article 7 ter, inséré par l'Assemblée nationale, impose qu'une date limite de consommation soit mentionnée sur les produits agroalimentaires provenant du surplus communautaire et destinés à la consommation humaine.
L'article 7 quater étend la compétence de la chambre de commerce, de l'industrie et des métiers de Saint-Pierre-et-Miquelon au secteur agricole afin de prendre en compte le développement d'une activité agricole et d'élevage.
L'article 9 bis étend le régime d'indemnisation des catastrophes naturelles aux dommages causés par certains cyclones particulièrement violents.
Les dégâts causés par les vents des cyclones sont, au même titre que ceux causés par les tempêtes, en théorie couverts par de classiques contrats d'assurance dommages aux biens. Dans la pratique, les compagnies d'assurances ont mis en place des restrictions à l'assurance de ce risque. L'inclusion des cyclones dans le régime d'assurance des catastrophes naturelles, lequel prohibe toute restriction dans la couverture du risque, garantira aux populations des départements d'outre-mer une meilleure indemnisation de ce sinistre. Votre rapporteur pour avis est favorable à cette disposition dans la mesure où elle est l'expression de la solidarité nationale à l'égard de ces départements.
L'article 9 ter renforce le dispositif prévu à l'article 28-1 de la loi Royer, du 27 décembre 1973, qui tend à limiter la concentration des entreprises de la distribution alimentaire dans les départements d'outre-mer. Du fait de leur insularité, ces derniers représentent en effet des marchés captifs, particulièrement exposés au risque de formation de monopoles. Votre rapporteur pour avis est favorable au renforcement du dispositif de lutte contre la concentration dans la distribution outre-mer, qui constitue une mesure attendue.
L'article 9 quinquies impose au Gouvernement de publier, avant la discussion de la loi de finances de l'année qui suit celle de la présente loi, un rapport sur l'évolution du dispositif d'incitation à l'investissement outre-mer. Ce rapport devra formuler des propositions d'amélioration de ce dispositif qui repose essentiellement sur des mesures de défiscalisation. C'est ce que l'on appelle le dispositif « Pons », qui est quelque peu tombé en désuétude.
L'article 16 instaure dans chaque département d'outre-mer un fonds régional d'aménagement foncier et urbain, le FRAFU, destiné à améliorer la maîtrise foncière et à faciliter la construction de logements sociaux. Cette institution fonctionne, me semble-t-il, dans l'île de la Réunion. Chargé de coordonner les interventions financières des différentes collectivités publiques, chaque FRAFU sera géré par une institution financière.
L'article 28 modifie et complète la rédaction de l'article L. 4433-7 du code général des collectivités territoriales relatif aux schémas d'aménagement régional, les SAR.
Institués par une loi du 2 août 1984, ceux-ci permettent aux régions d'outre-mer de déterminer les orientations en matière de développement, de mise en valeur du territoire et de protection de l'environnement. Les modifications apportées par l'article 28 permettent d'intégrer dans les SAR les orientations concernant le développement durable. En outre, le projet introduit une clause de réexamen obligatoire de ces schémas tous les dix ans. Même s'il est parfois permis de douter de l'efficacité des schémas d'aménagement régional, on ne peut que soutenir le renforcement de cet instrument qui s'inscrit dans une politique d'aménagement durable du territoire pour les départements d'outre-mer.
L'article 29 rend obligatoires l'élaboration, l'adoption et la mise en oeuvre d'un plan énergétique régional par les régions d'outre-mer, alors qu'il ne s'agissait jusqu'à présent que d'une faculté. De plus, ce plan énergétique devra respecter le cadre défini par la programmation nationale pluriannuelle instaurée par la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation du service public de l'électricité, ainsi que par le schéma de services collectifs de l'énergie issu de la loi du 25 juin 1999 relative à l'aménagement du territoire.
Compte tenu de l'insuffisance des ressources énergétiques des départements d'outre-mer, qui constitue un problème central pour le développement de ces derniers, votre rapporteur pour avis est très favorable à cette disposition.
L'article 30 instaure dans chaque département d'outre-mer un office de l'eau chargé de doter les départements d'une véritable politique de l'eau, qui est particulièrement nécessaire, leur caractère insulaire expliquant la relative rareté de la ressource hydraulique. A la différence de la métropole, aucune agence de bassin, pourtant prévue par la loi du 16 décembre 1964, n'a été mise en place dans les DOM. L'instauration d'offices de l'eau comble cette lacune.
L'article 35 bis instaure, en Guadeloupe, une redevance communale des mines sur les sites géothermiques.
Votre rapporteur regrette que ce projet de loi n'introduise pas de véritables ruptures avec le régime actuel applicable dans les départements d'outre-mer. La plupart des dispositions examinées par la commission des affaires économiques se contentent d'amender, de compléter, voire de reconnaître des dispositifs existants. Le contenu économique du projet de loi n'est pas à la hauteur de l'objectif affiché à l'article 1er. Si certaines dispositions, telles que celles qui sont relatives aux régime de défiscalisation issu de la loi Pons, dressent des perspectives intéressantes, encore faudrait-il qu'il y soit donné suite.
Enfin, votre rapporteur - c'est son avis personnel - espère que les décrets d'application rendus nécessaires pour l'entrée en vigueur de la loi sortiront dans les meilleurs délais. Je déplore en effet que ne soit pas encore publiée l'intégralité des décrets d'application de la loi du 30 décembre 1996 relative aux cinquante pas géométriques. Mais je crois, monsieur le secrétaire d'Etat, que tous les espoirs sont permis. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Reux, rapporteur pour avis.
M. Victor Reux, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la commission des affaires culturelles a souhaité émettre un avis sur le titre IV du projet de loi d'orientation sur l'outre-mer, dont les dispositions entrent directement dans son champ de compétences.
A titre liminaire, je voudrais souligner la portée particulièrement modeste des six articles de ce titre IV, qui est consacré au développement de la culture et des identités ultramarines. A l'exception de l'article 17, qui autorise la création d'un IUFM de plein exercice en Guyane, les autres dispositions peuvent être qualifiées de disparates ; elles ont un caractère plus déclaratif que véritablement normatif et ne modifient guère le cadre législatif régissant le développement culturel et l'organisation du système d'enseignement outre-mer.
Ces dispositions sont notamment en retrait par rapport aux propositions formulées dans le récent rapport de mission remis voilà juste un an au Premier ministre par notre collègue Claude Lise et M. Michel Tamaya, député de la Réunion.
Pour m'en tenir d'abord au premier volet - l'adaptation de la politique éducative dans les départements d'outre-mer - outre l'article 17, déjà mentionné, l'article 18 tend à valoriser les langues régionales des départements d'outre-mer et l'article 18 bis, introduit par l'Assemblée nationale, vise à créer une commission d'adaptation des programmes scolaires.
Ces quelques mesures, dont nous détaillerons les modalités, sont, je le crois, loin de répondre aux problèmes et aux besoins constatés en matière d'éducation dans nos départements d'outre-mer, qui avaient d'ailleurs suscité la mise en place d'un plan de rattrapage pour la Guyane à l'automne 1996 et d'un plan pluriannuel de développement pour l'ensemble de ces départements, à l'automne 1997.
Avant d'aborder les articles qui justifient la saisine de la commission des affaires culturelles, j'évoquerai très rapidement les caractéristiques générales du système scolaire des départements d'outre-mer, plus spécifiquement de la Guyane, en reprenant, d'ailleurs, certaines des observations effectuées par la commission d'enquête du Sénat sur la situation et la gestion des personnels des écoles et des établissements d'enseignement du second degré, qui, sous la conduite du président Adrien Gouteyron, s'est déplacée, notamment aux Antilles et en Guyane au printemps 1999.
Première constatation : les effectifs scolarisés outre-mer connaissent une évolution inverse de celle de la métropole. Dans le premier degré, comme dans l'enseignement secondaire, ces effectifs enregistrent une forte croissance qui est appelée à se poursuivre. La population scolaire en Guyane devrait ainsi passer de 50 000 à 100 000 élèves d'ici à 2012, en raison, notamment, d'une immigration incontrôlée.
D'une manière générale, on peut également constater dans ces départements un taux de scolarisation inférieur à celui de la métropole, qu'il s'agisse de la préscolarisation, du second cycle du second degré au-delà de l'obligation de scolarité ou de l'accès au baccalauréat, ainsi que de moindres performances du système scolaire tenant sans doute, jusqu'à une époque récente, à la faiblesse de l'encadrement des élèves.
S'agissant de l'académie de Guyane, qui est confrontée à des problèmes spécifiques, il faut rappeler que l'obligation de scolariser environ 10 % d'élèves supplémentaires chaque année du fait de l'immigration, dont de nombreux enfants non francophones, et les conditions de vie et de travail des enseignants très difficiles en forêt et sur les fleuves sont à l'origine d'un taux de rotation très rapide des personnels qui sont le plus souvent jeunes, inexpérimentés et non guyanais.
Cette situation se traduit par des niveaux de formation particulièrement bas, que je résumerai en deux chiffres : 60 % de la population est dépourvue de tout diplôme et 40 % des jeunes Guyanais ne disposent d'aucune qualification professionnelle.
Dans le premier degré, les élèves d'origine étrangère représentent près d'un tiers des effectifs et seulement les deux tiers des enfants de trois ans sont scolarisés. Le corps enseignant se caractérise par un taux d'absentéisme important et par une forte mobilité des personnels, en majorité antillais, qui aspirent à revenir rapidement dans leur département d'origine.
Dans le second degré, la moitié des élèves ne sont pas francophones et les collèges doivent mettre en place des classes d'alphabétisation pour accueillir des primo-arrivants de tous âges.
S'agissant des enseignants, j'ajouterai que l'académie est très déficitaire en titulaires qui demandent immédiatement une autre affectation et doit donc recourir de manière permanente et massive à des personnels locaux à statut précaire, contractuels ou maîtres auxiliaires.
Bref, le maintien d'un noyau suffisamment large d'enseignants guyanais apparaît indispensable pour assurer le fonctionnement des écoles et des établissements qui est trop souvent perturbé par ces « enseignants de passage ».
J'ajouterai que les enseignants affectés en Guyane bénéficient d'une surrémunération de 40 % de leur traitement, d'une indemnité d'éloignement susceptible d'être remise en cause par l'article 12 bis du projet de loi, d'une indemnité d'isolement de l'ordre de 7 500 francs pour ceux qui sont nommés dans les neuf communes du fleuve Maroni et d'un large remboursement de leurs frais de transport.
Le maintien de ce dispositif indemnitaire est apparu particulièrement nécessaire à la commission pour conforter des vocations pédagogiques incertaines dans les écoles et les établissements de Maripasoula, d'Apatou, voire de villages encore plus isolés.
La création d'un IUFM de plein exercice à Cayenne, destiné à développer une filière de formation de professeurs guyannais, apparaît donc pleinement justifiée, un tel institut ayant vocation à proposer une formation spécifique adaptée aux conditions d'enseignement dans le premier degré et à initier les enseignants venus d'ailleurs à la diversité linguistique et culturelle du département.
Comme vous le savez, la Guyane est dotée, depuis le début de 1997, d'une académie et d'un recteur ; elle ne possède pas d'université de plein exercice et ne dispose que d'une antenne de l'IUFM des Antilles-Guyane, dont le siège est en Guadeloupe.
Cette antenne de Guyane a accueilli 183 élèves en 1999, dont 178 professeurs des écoles, 85 % des places étant occupées par des étudiants d'origine antillaise. Ces effectifs doivent être rapprochés des quelque 550 étudiants inscrits à l'institut d'études supérieures de la Guyane, les autres formations supérieures se limitant à quatre sections de techniciens accueillant 120 élèves et à un IUT implanté à Kourou recevant 78 étudiants, dont seulement un tiers de Guyanais.
J'ajouterai que cet effort de formation est voué à l'échec s'il n'est pas accompagné de conditions matérielles décentes pour les enseignants, tant en termes de logement que d'incitations financières, ainsi que d'une coopération avec les Etats frontaliers de la Guyane qui doit être amplifiée pour contrôler l'immigration.
S'agissant du problème de la reconnaissance des langues et cultures régionales d'outre-mer, les auteurs du projet de loi ont considéré, je crois à juste titre, que l'amélioration de la maîtrise du français était liée à la reconnaissance de ces langues ; celle-ci s'inscrit dans la démarche du Gouvernement, laquelle s'est traduite par la signature de la charte du Conseil de l'Europe sur les langues régionales et minoritaires. Je rappelle que cette charte n'a pas encore été ratifiée par le Parlement, le Conseil constitutionnel ayant estimé qu'une telle ratification supposait une révision constitutionnelle préalable.
Afin de renforcer l'usage de ces langues régionales prévu par l'article 18, notamment des créoles, l'Assemblée nationale a ajouté que ces langues entraient dans le champ d'application de la loi Deixonne du 11 janvier 1951 relative à l'enseignement des langues et dialectes locaux, loi qui visait à l'origine le breton, le basque, le catalan et la langue occitane, le corse ayant été ajouté en 1974, le tahitien en 1981 et les quatre langues mélanésiennes en 1992 pour la Nouvelle-Calédonie.
Je rappelle que Bernard Poignant, dans son rapport sur les langues et cultures régionales, insistait sur le fait que les créoles étaient les langues maternelles les plus répandues sur le territoire de la République et seraient utilisés par environ un million de locuteurs des DOM.
La commission des affaires culturelles a donc estimé qu'une prise en compte de la langue créole, notamment dans les petites classes, serait susceptible de lutter plus efficacement contre l'échec scolaire et pourrait être un atout pour l'apprentissage des autres langues. Cette idée est partagée par des linguistes éminents, comme le professeur Hagège. Elle tient toutefois à rappeler que l'enseignement des langues régionales dans l'éducation nationale reste fondé sur le volontariat des familles et des maîtres, dans le respect de la cohérence du service public pour chaque niveau d'enseignement.
Un demi-siècle après la loi de 1951, la commission des affaires culturelles a donc jugé légitime d'accorder leur juste place aux langues régionales ultramarines en les alignant sur le droit commun de la métropole, de la Polynésie française et de la Nouvelle-Calédonie.
Elle a cependant souhaité que cette consécration ne se réalise pas au détriment de l'apprentissage et de la maîtrise du français, qui reste la langue de la République, et n'encourage pas un repliement identitaire qui serait préjudiciable à l'unité de la nation, au rayonnement culturel et économique des DOM et au développement de la francophonie.
S'agissant de l'adaptation des programmes scolaires aux spécificités ultramarines, le projet de loi ne prévoyait aucune disposition particulière. Je rappellerai toutefois que deux instructions récentes de l'éducation nationale, en date du 16 février dernier, permettent déjà d'adapter les programmes d'histoire et de géographie dans les départements concernés et introduisent, en outre, des aménagements aux programmes nationaux pour tous les élèves, afin de tenir compte de la contribution de l'histoire et de la culture de l'outre-mer au patrimoine national.
L'Assemblée nationale a souhaité aller plus loin en ce domaine en proposant, contre l'avis du Gouvernement, que, dans chaque DOM, une commission ad hoc ait pour mission d'adapter les programmes d'enseignement et les méthodes pédagogiques aux spécificités de chaque département.
Votre commission a constaté qu'une telle proposition est de nature à porter atteinte au caractère national des programmes et à leur mode d'élaboration, qui sont fixés par les articles 4 à 6 de la loi d'orientation sur l'éducation de 1989 et qui tendent en fait à assurer une égalité de chances pour tous les élèves de la République.
Plutôt que de créer une nouvelle structure dotée d'une véritable mission d'adaptation des programmes, votre commission vous proposera que le conseil de l'éducation nationale qui existe dans chaque DOM et qui comprend notamment des élus locaux ait la faculté de rendre tout avis sur les programmes et d'émettre toute proposition en vue de l'adaptation de ceux-ci aux spécificités locales.
J'en arrive maintenant à la présentation des dispositions qui, outre l'article 18 relatif à la reconnaissance des langues régionales, constituent le volet « culture » du projet de loi d'orientation.
Le principe d'égalité devant la culture proclamé par le préambule de la Constitution de 1946 n'a, à l'évidence, pas le même sens en métropole que dans les départements d'outre-mer.
Pour ces départements, il s'agit non seulement de surmonter les handicaps qu'ils rencontrent pour accéder à la culture dans les mêmes conditions qu'en métropole, mais aussi de trouver une voie pour l'expression de leurs identités, cet aspect prenant désormais une acuité particulière, comme l'a souligné le rapport de MM. Claude Lise et Michel Tamaya.
Bien que, dans ce domaine, l'initiative revienne aux collectivités locales et que l'essentiel des mesures proposées par le rapport ne relève pas du domaine de la loi, force est de constater que le projet de loi d'orientation ne répond que très imparfaitement sur ce point aux aspirations des départements d'outre-mer.
Outre les nouvelles compétences reconnues à ces départements en matière diplomatique, qui permettront d'intensifier les actions internationales de coopération culturelle, il n'est prévu dans le projet de loi qu'une mesure, pour le moins symbolique, pour répondre à ces attentes : il s'agit de l'article 21, qui pose le principe d'une compensation, pour le calcul du soutien financier automatique dont peuvent bénéficier les entreprises de production cinématographiques établies dans les départements d'outre-mer et à Saint-Pierre-et-Miquelon, de l'absence d'assujettissement de leurs salles à la taxe spéciale sur les places de cinéma.
Bien que souhaitée depuis longtemps par les entreprises de production, l'effet à attendre de cette mesure est en réalité très limité, et cela pour deux raisons. En premier lieu, ces entreprises bénéficient d'ores et déjà du dispositif de soutien automatique au titre des entrées réalisées en métropole, dont le nombre est, par définition, beaucoup plus important que celles qui sont enregistrées outre-mer. En second lieu, les entreprises établies outre-mer sont peu nombreuses et ne produisent quasiment pas de longs-métrages.
Si l'on peut approuver la volonté du Gouvernement de remédier à l'insuffisance de l'expression des identités ultramarines, la commission des affaires culturelles s'est demandée s'il s'agissait là du vecteur le plus pertinent. Le cinéma est, en effet, un média coûteux, qui exige, en raison de l'exiguïté de ces départements comme de la concentration des industries techniques propre à ce secteur, de recourir aux ressources de la métropole.
A cet égard, monsieur le secrétaire d'Etat, ne pensez-vous pas qu'une réponse plus adéquate à la volonté des DOM de trouver une voie d'expression culturelle résiderait dans un effort de rééquilibrage territorial des dépenses culturelles de l'Etat vers ces départements, conjugué à une intensification des collaborations avec les collectivités locales, dont les actions en ce domaine ne peuvent égaler celles des collectivités de métropole, en raison de leur situation financière fragile ? Un effort s'impose. Le Gouvernement est-il prêt, monsieur le ministre, à l'accomplir ?
Lors des débats à l'Assemblée constituante de la loi de 1946, le président Gaston Monnerville plaidait pour l'assimilation des DOM au territoire métropolitain, en rappelant qu'ils constituaient des foyers de culture française dans des zones où celle-ci était peu présente, qu'il s'agisse du continent américain ou de l'océan Indien, aspirant ainsi à une plus large présence de la culture française dans cette partie de la République.
Cette préoccupation garde, je crois, encore aujourd'hui, toute son actualité, qu'il s'agisse de renforcer l'assimilation des départements d'outre-mer à la nation ou de contribuer au rayonnement culturel international de la France.
A cet égard, les actions destinées à remédier aux handicaps que rencontrent les habitants des départements d'outre-mer pour accéder à la culture dans des conditions comparables à celles de la métropole revêtent une importance fondamendale. Parmi ces handicaps nombreux, l'éloignement géographique est sans doute le plus pénalisant. Il se traduit par un renchérissement des prix des biens culturels, livres, presse ou encore multimédia, mais également par les difficultés rencontrées pour bénéficier des ressources culturelles de la métropole.
Au-delà de cette donnée physique, ces départements souffrent à l'évidence d'une situation économique et sociale très dégradée, situation qui aggrave sans aucun doute les inégalités culturelles imputables à l'insularité.
Ces constats d'ordre économique et géographique imposent à l'évidence qu'une attention particulière soit accordée aux actions destinées à promouvoir une égalité culturelle.
Or, bien que l'insularité les place au coeur de tous les débats relatifs à l'environnement socioculturel, la situation financière très fragile des collectivités locales ne leur permet guère, à la différence de celles de la métropole, de prendre une part déterminante dans la politique culturelle. Cette situation a pour corollaire un sous-équipement culturel ; les déficits les plus marqués concernent les institutions culturelles de proximité, dont le rôle en matière de médiation culturelle est pourtant essentiel, qu'il s'agisse des bibliothèques ou des écoles de musique, ce qui se traduit mécaniquement par la faiblesse des relations entre ces dernières et les établissements scolaires.
A l'évidence, un effort doit être consenti pour rapprocher en matière culturelle les DOM de la métropole.
Le projet de loi propose à ce titre deux mesures.
En premier lieu, l'article 19 prévoit des mesures tendant, en matière de biens culturels, à la réduction des écarts de prix entre les DOM et la métropole. Cependant, le contenu de ces mesures, dont la nécessité avait été soulignée par MM. Lise et Tamaya, n'est pas précisé, à l'exception de celle qui est relative au livre. Le projet de loi apparaît donc bien timide et l'engagement de l'Etat pour le moint limité : le financement de ces mesures, mises en place « progressivement », incombe, en effet, à l'Etat mais aussi aux collectivités territoriales, dont les ressources sont cependant très limitées. On ne saurait être plus prudent.
Ces mesures sont, je crois, pourtant nécessaires ; elles doivent prendre la forme de compensations financières destinées à tenir compte de l'éloignement, mais également porter directement sur les tarifs d'acheminement des biens et des personnes, qui, bien souvent, faute de concurrence, sont très élevés. En ce domaine, les responsabilités de l'Etat sont éminentes.
A cet égard, je souhaiterais, monsieur le secrétaire d'Etat, attirer votre attention sur les conditions d'accès à Internet. En raison de leur éloignement, et je pense en particulier au cas de Saint-Pierre-et-Miquelon, des difficultés existent de par les surcoûts imposés par les liaisons satellitaires, qui rendent plus onéreuses les connexions. Si je ne méconnais pas les conditions particulières d'exploitation du réseau de télécommunications dans ce territoire en raison de la faible dimension du marché local, je souligne l'intérêt que pourrait avoir une mesure de compensation adaptée.
Une seule mesure concrète est prévue par le projet de loi : l'extension aux départemetns d'outre-mer, à compter du 1er janvier 2002, de la loi du 10 août 1981 relative au prix unique du livre. Sur ce point, on regrettera que ne figure pas dans le texte du projet de loi l'essentiel, à savoir l'engagement du Gouvernement de compenser le coût de cette légitime mesure d'équité.
Faute d'une telle mesure, dont les modalités devraient être étudiées dès le début de l'été par une mission mandatée par le Gouvernement, il y a fort à craindre, en effet, que l'équilibre financier, déjà très précaire, des libraires d'outre-mer ne soit gravement menacé et que les effets économiques induits par cette mesure d'équité n'annulent le bénéfice culturel à en attendre.
Je soulignerai que, toutefois, la réduction des écarts de prix ne peut à elle seule suffire à favoriser l'égal accès à la culture dans la mesure où demeurent des inégalités de revenus. Nous savons bien que le montant de la consommation culturelle des ménages est directement liée à leur niveau de revenus. C'est à la collectivité, en particulier à l'Etat au travers d'un soutien spécifique apporté aux équipements culturels et éducatifs de proximité - je pense en particulier aux bibliothèques -, de compenser l'insularité mais également les difficultés économiques et sociales. Il s'agit là d'une priorité si l'on veut éviter la spirale de l'exclusion ; je pense notamment à l'accès aux nouvelles technologies de la communication, dont l'apprentissage est désormais fondamental et constitue pour ces territoires éloignés de la République une chance de développement mais aussi d'ouverture vers l'extérieur.
La seconde mesure que prévoit le projet de loi d'orientation afin de rapprocher physiquement, en quelque sorte, les DOM de la métropole est la création d'un fonds destiné à promouvoir les échanges éducatifs, culturels ou sportifs de ces départements vers la métropole ou les pays situés dans leur environnement régional. Il s'agit là, monsieur le secrétaire d'Etat, d'une bonne mesure, pragmatique, qui vient conforter les nombreuses initiatives prises en ce domaine par les collectivités territoriales, conscientes de l'importance de l'ouverture des DOM vers l'extérieur. C'est un soutien bienvenu, même s'il faudra veiller à ce que l'effort financier promis par le Gouvernement se concrétise de manière durable.
En conclusion, je ne pourrai que regretter à nouveau le caractère disparate des dispositions du projet de loi. De portée modeste, elles ne répondent qu'imparfaitement aux aspirations des DOM. L'égalité éducative et culturelle reste à conquérir.
Au bénéfice de ces observations et sous réserve de l'adoption des amendements que je vous soumettrai, mes chers collègues, la commission des affaires culturelles vous propose de donner un avis favorable à l'adoption du titre IV du projet de loi. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke, au nom de la délégation du Sénat aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le projet de loi d'orientation pour l'outre-mer est un texte important, parce qu'il contient des réformes institutionnelles essentielles, mais aussi parce qu'il tend à mettre en oeuvre tout un dispositif économique et social visant à promouvoir le développement durable et à compenser des retards accumulés dans différents domaines.
Mais, alors que la situation des femmes par rapport aux hommes est encore plus inégalitaire outre-mer qu'en métropole, ce texte ne contient aucune disposition spécifique en direction des femmes, si l'on excepte une revalorisation de l'allocation de parent isolé, à l'article 14.
Non ciblées, les dispositions prévues par le projet de loi risquent de ne pas profiter à part égale aux femmes.
C'est pourquoi M. le président de la commission des lois a souhaité saisir la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes. Je m'en félicite et je l'en remercie.
Si des inégalités entre les hommes et les femmes existent en métropole, elles sont encore plus prégnantes outre-mer, bien que les déséquilibres soient moins accusés que par le passé. Les chiffres sont parlants, même si, et je tiens à le souligner, il n'existe que très peu de statistiques sexuées. Cette lacune en dit peut-être plus long encore sur la prise en considération des femmes. Permettez-moi néanmoins, mes chers collègues, de citer quelques chiffres.
Les femmes sont placées dans une situation plus précaire face à l'emploi. Ainsi, un tiers des femmes âgées de vingt-cinq à trente ans sont au chômage, contre un quart des hommes. De même, les femmes représentent 57,8 % des titulaires de contrats emploi-solidarité et 55 % des titulaires de contrats emplois consolidés.
Cette situation précaire est aggravée par le fait que la charge de famille repose principalement sur la mère, a fortiori dans les familles monoparentales, particulièrement nombreuses dans les départements d'outre-mer. Aussi la délégation se félicite-t-elle de la revalorisation de l'API, l'allocation au parent isolé, tout en déplorant que l'alignement prévu sur la métropole soit aussi long à intervenir.
Toutefois, est-il nécessaire de le souligner, si l'augmentation de l'allocation au parent isolé ainsi que du revenu minimum d'insertion permet de soulager les femmes dans leurs conditions d'existence, leur avenir doit d'abord passer par un accès égalitaire à l'emploi et aux formations de qualité.
Les inégalités entre les hommes et les femmes en outre-mer sont accentuées par des comportements masculins d'ordre culturel, qui font une grande place à la violence et laissent les femmes démunies et ignorantes de leurs droits.
Il est particulièrement regrettable, à cet égard, de constater que les déléguées régionales aux droits des femmes ne sont pas employées à temps plein outre-mer et que le poste de la Guyane est resté vacant pendant sept ans !
L'exemple de la contraception illustre pourtant l'urgente nécessité de mieux informer les femmes d'outre-mer.
L'accès à la contraception est, en effet, très difficile et particulièrement critique pour les adolescentes. Les grossesses des mineures sont trois fois plus nombreuses aux Antilles qu'en métropole, quatre fois plus à la Réunion et dix fois plus en Guyane. Le taux global des interruptions volontaires de grossesse rapportées aux naissances, qui s'établit pour la France entière à 27,40 %, est, respectivement, de 29,60 % en Guyane, de 34,40 % à la Martinique, de 34,70 % à la Réunion et de 72,80 % à la Guadeloupe. Ces chiffres montrent que l'information en direction des femmes est encore plus indispensable outre-mer qu'en métropole. On peut, à ce propos, s'interroger sur la logique qui a conduit à mettre à la charge du seul secrétariat d'Etat chargé des départements et territoires d'outre-mer, lequel a dû prélever quelque 2,6 millions de francs sur son propre budget, l'extension à l'outre-mer de la dernière campagne d'information sur la contraception.
C'est peut-être la même logique qui a failli laisser à l'écart l'outre-mer dans l'enquête qui est actuellement menée par les services du secrétariat d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle sur les violences subies par les femmes.
Dans tous les domaines, et plus encore dans celui des droits des femmes, nous devons avoir ce que nous pourrions appeler le « réflexe de l'outre-mer ».
En conséquence, il est apparu nécessaire à la délégation de faire trois recommandations, qui, nous l'espérons, seront reprises sous forme d'amendements.
La première consiste à faire figurer la recherche de l'égalité entre les hommes et les femmes parmi les objectifs affichés à l'article 1er du texte.
La deuxième est de faire apparaître, dans le rapport d'évaluation que la future commission des comptes économiques et sociaux des départements d'outre-mer devra remettre chaque année au Gouvernement sur la mise en oeuvre de la loi, l'impact des mesures prévues sur la population féminine.
La troisième est d'inciter l'Etat à mieux prendre en compte, dans les politiques qu'il met en oeuvre, la situation spécifique des femmes d'outre-mer et d'attirer l'attention du Gouvernement sur l'impérieuse nécessité de renforcer, outre-mer, les moyens des centres d'information sur les droits des femmes.
J'ajouterai, pour conclure, qu'en ma qualité de présidente de la délégation du Sénat aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes j'ai assisté la semaine dernière à l'assemblée générale extraordinaire de l'ONU sur les droits des femmes.
Cette assemblée, dont les travaux se sont terminés vendredi, avait un double objectif : d'une part, faire le point sur la mise en oeuvre concrète du protocole arrêté à la conférence de Pékin voilà cinq ans, d'autre part, permettre des avancées dans le domaine des droits des femmes.
Je peux vous dire que l'action menée par la France pour promouvoir l'égalité entre les hommes et les femmes a été très remarquée et appréciée à la tribune de l'ONU et que l'image que nous donnerons sur cette question essentielle dans nos départements d'outre-mer est extrêmement importante pour l'ensemble des pays environnants.
Je souhaite que nos travaux enrichissent le présent projet de loi en ce sens. (Applaudissements.)
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat. Monsieur le président, à ce stade de la discussion générale, vous me permettrez de répondre très brièvement aux rapporteurs des commissions, non pas sur chacune des observations qu'ils ont formulées, observations souvent pertinentes et sur lesquelles nous reviendrons lors de l'examen des articles, mais plutôt sur la philosophie générale de leur réflexion.
Ainsi, les rapporteurs ont marqué un intérêt positif pour les mesures économiques, sociales et culturelles, même s'ils souhaitent les améliorer, alors que, dans le domaine institutionnel, domaine controversé, le rapporteur de la commission des lois n'ayant pas souhaité ou n'ayant pu entraîner la commission à modifier les dispositions proposées, ladite commission a finalement décidé d'en demander la suppression - je pense à l'article 38 ou à l'article 39.
M. Josselin de Rohan. Très bien !
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat. Permettez-moi de relever deux contradictions qui apparaissent d'ores et déjà, selon moi, dans ce débat.
Monsieur Balarello, vous nous avez dit : « Le Gouvernement est allé aussi loin que possible dans le cadre de l'article 73 ». Je voudrais vous rappeler ce que le Président de la République, a déclaré en substance, en novembre 1997 - M. Othily peut en témoigner - au cours, d'une visite en Guyane, où je l'accompagnais : « Nous ne sommes pas allés au bout de l'article 73 de la Constitution, relatif aux départements d'outre-mer. Explorons donc cette voie. »
C'est ce que le Gouvernement se propose de faire par l'institution du congrès, qui, je le rappelle, n'est pas une troisième assemblée mais est bien la réunion des deux assemblées existantes - le Gouvernement ne tranche pas sur les légitimités démocratiques -, réunion appelée à faire des propositions institutionnelles. Autrement dit, cette réunion n'a pas un caractère permanent : elle est une instance de proposition.
Nous restons bien, selon nous, dans le cadre de l'article 73 en prévoyant la possibilité de réunir les deux assemblées en congrès. Supprimer cette possibilité conduit à créer le vide, et le vide ne peut pas générer des évolutions institutionnelles, sauf par des voies externes à la démocratie.
Le Sénat s'enferme donc aujourd'hui dans une contradiction fondamentale, à défaut de faire d'autres propositions qui auraient pu être retenues.
M. Balarello nous confesse qu'il existe d'autres propositions. Il y a celles qui pourraient découler de la déclaration de Basse-Terre, déclaration d'une page, qui reste tout de même très limitée. Il y a aussi la proposition de nature constitutionnelle du sénateur Othily et celle, de nature législative, du député Bertrand, concernant la Guyane. Mais à quel niveau ces propositions peuvent-elles être prises en compte ? Faut-il qu'elles le soient au niveau du Gouvernement ? Ce débat ne peut-il pas s'instituer au niveau des sociétés locales ? Ce serait vraiment la reconnaissance de la capacité de l'outre-mer de décider !
Monsieur Balarello, tout en proposant de supprimer l'article 39, vous suggérez que le Gouvernement profite de la présidence française pour demander la rediscussion de l'article 299-2 du traité d'Amsterdam. Or cet article 299-2 a été véritablement arraché tant par le gouvernement précédent que par celui-ci, au cours des négociations européennes, puisqu'il reconnaît que les régions ultrapériphériques justifiant de cette notion d'adaptation telle qu'elle figure dans l'article 73 de la Constitution. Mais cette adaptation est fortement encadrée puisqu'une majorité qualifiée des pays membres est requise.
Depuis le traité de Rome, nos départements d'outre-mer sont reconnus comme faisant partie de l'Europe : ils y sont dénommés « départements d'outre-mer français ». Ils ont été ultérieurement rejoints par Madère et les Açores, d'une part, les Canaries, d'autre part, avec l'entrée du Portugal et de l'Espagne.
Monsieur Balarello, ce n'est pas parce qu'il sera fait mention, dans l'article 299-2, de la Martinique, de la Guyane, de la Guadeloupe et de la Réunion que nous aurons résolu le problème !
En effet, l'Europe entretient deux types de relations avec ce que j'appellerai les « territoires extérieurs » au continent européen.
Il y a, d'un côté, les relations avec les régions ultrapériphériques qui ont des handicaps et qui nécessitent des adaptations, mais qui sont fondamentalement intégrées aux politiques communes, qu'il s'agisse de l'union douanière, de la libre circulation des personnes et des capitaux ou d'autres.
Il y a, d'un autre côté, les relations avec les pays et territoires d'outre-mer. M. Reux sait bien que c'est la motivation principale qui a entraîné l'évolution statutaire de Saint-Pierre-et-Miquelon. Ces pays et territoires d'outre-mer ne sont pas liés par les politiques communes.
M. Jacques Larché, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Si !
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat. Ainsi, en particulier Saint-Pierre-et-Miquelon n'est pas liée par la politique commune relative à la pêche.
C'est également la situation, du Groënland - pour des raisons semblables - de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie.
Par conséquent, monsieur Balarello, ce n'est pas en mentionnant, dans l'article 299-2, nos quatre départements d'outre-mer que nous leur permettront d'avancer. Il ne faut pas transférer le problème à l'échelon européen parce que, à cet échelon, des contraintes qui tiennent aux politiques communes nous sont imposées.
C'est pourquoi, à mon avis, la position adoptée aujourd'hui par le Sénat, qui revient à vouloir supprimer toute possibilité d'évolution à la Réunion - puisqu'il s'agit de maintenir le statu quo - et toute possibilité d'évolution organisée dans les trois autres départements d'outre-mer, conduit à bloquer toute perspective de prise en compte des aspirations locales, à privilégier une démarche passant par une décision du Gouvernement, ne s'appuyant pas clairement sur un consensus local.
Or modifier la Constitution - et vous allez bientôt être soumis à cet exercice - ne peut passer que par un consensus local. Nous l'avons fait pour la Nouvelle-Calédonie - et je rappelle que 95 % des parlementaires ont approuvé le projet - parce qu'il y avait bien un consensus local. Faute d'un tel consensus, les controverses s'installent et les évolutions ne se produisent pas !
Voilà pourquoi la démarche qui vous est proposée a été choisie. Elle est effectivement sur le « fil » constitutionnel, mais le Conseil constitutionnel, qui a admis pour Mayotte qu'il y ait consultation des populations, doit, à mon avis, reconnaître que le pacte républicain qui lie les ensembles territoriaux de l'outre-mer implique que leurs populations puissent être consultées.
J'en viens à la deuxième contradiction, et je m'adresserai plus particulièrement à M. Lorrain, qui a marqué son intérêt, comme MM. Reux et Huchon, pour les mesures à caractère économique et social mais qui a eu la tentation de nous inviter à faire plus.
Evidemment, le secrétaire d'Etat à l'outre-mer souhaite toujours faire plus. Mais cela a évidemment un coût pour les finances publiques. J'ai évalué rapidemment le coût des mesures que proposera M. Lorrain à travers ses amendements. Passer de 1,3 fois le smic à 1,5 fois le smic, compenser la prise en compte du RMI pour les départements, passer aux dix premiers salariés des entreprises de vingt salariés, étendre le dispositif des préretraites : tout cela représente à peu près un milliard de francs.
Je confirme d'ailleurs à M. Lorrain que l'ensemble des mesures d'exonération représentent 3,5 milliards de francs, dont 800 millions de francs au titre du dispositif Perben et 2,7 milliards de francs au titre du présent projet de loi.
Dès lors, pourquoi ne pas ajouter un milliard de francs ? Certes, mais il est un moment où la question des contreparties doit être posée. Et je sais le Sénat très soucieux de l'équilibre des finances de l'Etat, ainsi qu'il le montre à chaque discussion budgétaire.
Pour ma part, je ne vois que deux contreparties possibles. Il faut oser les proposer aussi.
La première est celle qui a été instituée par le gouvernement de M. Balladur et qui consiste à ajouter deux points de TVA. Cela représente précisément un milliard de francs. Une telle mesure revient évidemment à renchérir le coût de la consommation outre-mer pour financer ces dispositifs par un effet de redistribution, mais toute autre mesure est fictive.
Ces deux points de TVA supplémentaires ont été finalement annulés par le gouvernement Juppé du fait de leur généralisatin à l'ensemble du pays.
Quoi qu'il en soit, il faut être cohérent : si l'on veut dépenser un milliard de francs de plus, on ne peut les trouver qu'avec deux points de TVA !
Mais une autre contrepartie, non directement financière celle-ci, est également envisageable.
Aujourd'hui, le Gouvernement fait confiance aux entrepreneurs. Il a passé avec eux un pacte de confiance. Certains dans cette assemblée, qui sont proches du Gouvernement, réclament des contrôles. Le Gouvernement n'est pas favorable à des contrôles. Certains demandent aussi que les mesures ne concernent que de vrais contrats de travail, des contrats à durée indéterminée, et non des emplois précaires ou à temps partiel.
Autrement dit, monsieur Lorrain, en dehors des contreparties financières, on peut aussi imaginer des contreparties législatives et réglementaires.
Je souhaite que le Sénat intègre ces données à sa réflexion.
La solidarité nationale s'exprime à hauteur d'un certain montant. On peut toujours souhaiter plus, mais il faut que les solutions mises en oeuvre soient authentiquement créatrices d'emplois, qu'elles permettent vraiment de donner du travail, qu'elles ne servent pas seulement à exonérer les résultats des entreprises. C'est pourquoi nous avons considéré que les entreprises qui devaient être exonérées étaient celles des secteurs exposées ou les petites entreprises, car ce sont elles qui sont à la fois ouvertes à la compétition et susceptibles de créer des emplois. Il y a d'autres entreprises qui vivent simplement de la consommation, qui ne créeront pas un emploi de plus. Doivent-elles vraiment profiter de l'exonération de charges patronales ?
C'est une règle du type « donnant-donnant » qui doit s'appliquer : ce que donne la collectivité nationale contre l'engagement des entreprises d'assumer une prise en charge effective de ce problème dominant qu'est celui de l'emploi.
Telles sont les deux contradictions essentielles que, à ce stade de la discussion, je tenais à souligner. Nous y reviendrons, bien sûr, tout au long de la discussion des articles, mais il m'appartenait, compte tenu du travail de qualité réalisé par les commissions du Sénat, d'insister d'ores et déjà sur ces deux points.
M. Jacques Larché, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. Votre intervention comportait, monsieur le secrétaire d'Etat, deux volets.
Je n'insisterai guère sur le second, qui a été marqué par une certaine démagogie : c'est en effet le mot qu'inspire vos réponses aux questions financières qui ont été soulevées, surtout si l'on se souvient que le Gouvernement auquel vous appartenez n'hésite pas, dans certaines circonstances, à inventer des dépenses nouvelles. Lorsque, par exemple, le premier geste d'un certain ministre de l'éducation nationale a été de supprimer d'un trait de plume six heures de cours d'une catégorie d'enseignants, vous ne vous êtes pas tellement préoccupés du coût que cela pouvait représenter !
Mais je préfère évoquer les choses sérieuses, c'est-à-dire le volet institutionnel.
J'ai été, personnellement, favorable à l'adoption de l'article 39. Je n'y reviendrai pas. Mon vote sera pour l'essentiel conforme à celui de mes amis. Cela dit, c'est une mesure extraordinairement limitée, qui n'apporte aucune solution concrète. Elle ne vise qu'à ouvrir la discussion. Si le congrès est rétabli par l'Assemblée nationale, la discussion s'engagera. Nous verrons alors si elle a quelque utilité !
Selon vous, monsieur le secrétaire d'Etat, et c'est là le point essentiel, on peut aller très loin dans l'évolution du statut des départements d'outre-mer.
Le statut des départements d'outre-mer est caractérisé par deux éléments : premièrement, la loi métropolitaine y est immédiatement applicable, sauf si l'on prévoit expressément le contraire ; deuxièmement, les seules mesures qui sont permises par la Constitution sont des mesures d'adaptation. Or nous connaissons la position du Conseil constitutionnel - qui fut là peut-être mieux inspiré qu'il ne l'a été d'autres fois - sur les mesures d'adaptation. C'est ainsi que la création d'une assemblée unique ne peut pas être considérée comme une adaptation. On voit donc tout de suite la limite considérable qui est posée en matière d'adaptation.
Mais venons-en aux possibilités prévues par la Constitution. Ces possibilités existent à condition de sortir du statut de département d'outre-mer. Et il n'est pas besoin de réformer la Constitution pour cela ! L'article 72 de la Constitution dispose en effet : « Toute autre collectivité territoriale est créée par la loi. » Or, en l'état actuel des choses, nous ne pouvons pas supprimer la notion de département d'outre-mer. Pourquoi ? Peut-être parce qu'une certaine valeur affective s'y attache...
Le département d'outre-mer a été une très grande idée en 1945. Mais cinquante ans ont passé et le département d'outre-mer, avec les conséquences juridiques qui en découlent, n'est plus une entité qui correspond à l'évolution des pays et aux besoins des peuples d'outre-mer. D'ailleurs, un certain nombre d'entre eux n'ont pas hésité à le dire.
Mais nous ne pouvons pas renoncer à la notion de département d'outre-mer, car nous perdrions alors immédiatement les crédits européens qui leur sont alloués. Il faut donc modifier sur ce point les dispositions du traité d'Amsterdam et dire que les crédits européens, comme ils bénéficient aux Açores, à Madère et aux Canaries, peuvent être accordés non pas au département d'outre-mer de Guyane mais à la Guyane, non pas au département d'outre-mer de Martinique mais à la Martinique, non pas au département d'outre-mer de Guadeloupe mais à la Guadeloupe.
A ce moment-là, une fois que l'on aura sauvé, en quelque sorte, cette manne européenne à laquelle il n'y a pas lieu de renoncer, on fera ce que l'on entend, et ce sans modifier la Constitution. On créera peut-être la collectivité territoriale de la Guyane, collectivité de la République. Il ne faut pas perdre cette occasion ; elle se présentera inévitablement, même si ce n'est pas maintenant.
Nous avons trop manqué, au nom de notre histoire, d'opérations de décolonisation. Nous avons manqué la décolonisation de l'Indochine, celle de l'Algérie. Il faut veiller à ne pas manquer une évolution nécessaire des départements d'outre-mer, d'autant que nous avons tous la preuve de l'attachement profond de ces populations à une certaine idée de la France, à une vie commune avec la France. Il suffit de se rendre sur place, de consulter les sondages et de lire ce qui s'écrit pour se rendre compte que ces populations, même si elles évoluent de manière considérable, entendent demeurer françaises, sous une certaine forme.
Il n'est pas besoin de reproduire à l'identique le système du département français, comme nous l'avons fait pendant cinquante ans en outre-mer. Ce fut une très grande idée, mais elle a épuisé ses vertus. Il faut avoir l'intelligence d'en trouver une autre. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste.)
M. José Balarello, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. José Balarello, rapporteur. M. le président de la commission des lois a exprimé de façon remarquable ce que je voulais dire à M. le secrétaire d'Etat.
Monsieur le secrétaire d'Etat, j'avoue n'avoir pas compris votre réponse, qui manquait d'objectivité, permettez-moi de vous le dire.
En effet, je n'ai pas tenu d'autres propos que ceux de M. le président de la commission des lois : pour que les départements d'outre-mer actuels puissent continuer de bénéficier des fonds structurels européens nonobstant une éventuelle évolution de leur statut, encore faudrait-il que le Gouvernement obtienne la modification du traité d'Amsterdam en substituant aux termes « départements français d'outre-mer » les termes « Guadeloupe, Réunion, Martinique et Guyane ». Je ne vous ai rien dit d'autre, monsieur le secrétaire d'Etat ! Or vous me répondez que cela n'est pas possible.
M. le président de la commission des lois vous a indiqué quelle était sa position. Croyez bien que tant le président de la commission des lois que les rapporteurs ont pris conscience de l'importance de ce texte non seulement pour la République, mais également pour les populations des départements d'outre-mer. C'est la raison pour laquelle nous nous sommes attachés à faire preuve d'une objectivité que je me permettrai de qualifier de « remarquable ». (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste.)
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur pour avis. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Lorrain, rapporteur pour avis.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur pour avis. Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez bien voulu reconnaître, un peu timidement, je dois le dire, que nous n'allions pas vers le « toujours plus ». Je ne crois pas, en effet, qu'il faille nous faire ce procès, car cela ne correspond pas à la réalité.
Si nous nous étions laissés aller à la démagogie, de façon trop simpliste, nous aurions pu demander une exonération totale de charges pour l'ensemble des entreprises, ou la création de zones franches. Par ailleurs, vous savez, monsieur le secrétaire d'Etat, que l'alignement complet et immédiat du RMI fera l'objet de demandes de la part de certains de nos collègues.
Nous avons proposé des exonérations visant des situations délicates, où il est possible de créer des emplois.
Vous avez demandé, à juste titre, une contrepartie. Mais la diminution du coût du travail pour l'entreprise, laquelle deviendra peut-être plus compétitive dans une zone où elle se trouve en difficulté face à des concurrents bénéficiant d'un coût du travail nettement inférieur, représente à mon sens une contrepartie positive.
En ce qui concerne la création d'emplois, vous savez comme moi qu'il s'agit, là aussi, d'une contrepartie importante pour l'économie locale, qui a des effets positifs sur la machine économique.
En revanche, et nous y viendrons sans doute au cours des débats, la commission des affaires sociales n'a pas retenu la possibilité d'un abandon de la dette sociale et fiscale des entreprises, se bornant à préconiser un apurement de celle-ci.
Je crois donc que c'est avec un réel esprit de responsabilité que nous avons avancé ces propositions. Si nous laissions aller les choses, dans cinq ans, le coût du dispositif serait peut-être très supérieur à un milliard de francs.
Mais je pense que nous aurons l'occasion de préciser nos choix dans la suite du débat.
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 60 minutes ;
Groupe socialiste, 50 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 38 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 25 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 23 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Lanier.
M. Lucien Lanier. Monsieur le secrétaire d'Etat, je reprendrai, dans un propos que j'espère court, à peu près tous les thèmes qui ont été évoqués par vous-même et par nos excellents rapporteurs.
Voilà trois années, nous était annoncée la discussion imminente d'une loi de programme pour l'outre-mer. Nous en étions demandeurs, comme tous ceux qui mesurent, par le bon sens, l'évolution très prompte des réalités dans ces départements français assujettis à l'insularité, à l'éloignement autant qu'à leur diversité, et davantage encore à l'isolement, au sein d'un vaste environnement, lui-même frappé par la mondialisation.
Voilà pourquoi nous souhaitions, nous attendions, nous espérions cette loi de programme promise, répondant aux aspirations impatientes et compréhensibles de nos concitoyens des départements d'outre-mer : une loi de programme à la hauteur des enjeux économiques, sociaux et institutionnels tels que les définissait le Président de la République dans son discours fondateur, prononcé à la Martinique le 11 mars dernier, par lequel il souhaitait « un statut sur mesure » pour chacun des départements d'outre-mer. Il ajoutait : « On mesure bien l'étendue du champ des réflexions, allant du maintien de la départementalisation jusqu'à l'autonomie régionale, [...] aucune de ces démarches ne gêne, aucune de ces approches ne choque [...]. »
Qu'en est-il du projet de loi qui nous est soumis ?
La déception qu'il suscite en nous est à la hauteur de l'espoir que nous fondions sur lui !
Croyez bien, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'il n'y a dans mon propos aucune acrimonie à votre égard. Nous vous avons soutenu, sans ambages, dans d'autres circonstances, et pour d'autres projets, qu'il s'agisse de la Nouvelle-Calédonie, de la Polynésie française ou, plus récemment, de Mayotte. Nous mesurons l'ampleur du sujet dons nous débattons aujourd'hui, autant que l'urgence qu'il requiert, que nous avons d'ailleurs nous-mêmes demandée.
Mais cette urgence fut quelque peu contrariée par la lente gestation de votre projet de loi. Nous ne contestons pas votre effort de concertation, s'appuyant sur quatre rapports établis à la demande du Gouvernement et sur la consultation, à deux reprises, des assemblées locales. Toutefois, reconnaissons que diagnostic et consultation n'ont abouti qu'à une phase de décision édulcorée et donc profondément décevante. La méthode employée n'a pas répondu à votre attente, ni bien sûr à la nôtre !
Votre projet s'est peu à peu situé au carrefour des intérêts et des sentiments ; il est davantage en butte à la contradiction des fantasmes et à la dure réalité des choses telles qu'elles sont, comme l'aurait dit le général de Gaulle. En voulant faire plaisir à tout le monde, on ne répond à personne ! Sur les huit assemblées locales consultées, seules deux ont émis un avis positif sur votre projet.
Au fil des mois, ce projet s'est rétréci comme une peau de chagrin et particulièrement son volet, pourtant capital, d'une réforme institutionnelle. Pour répondre à votre choix intime, et justifié, de rompre comme il est souhaitable avec une vision uniforme de l'outre-mer, vous voici obligé de confier à l'avenir une évolution statutaire dans chaque département. C'est au plus, et je m'excuse de le dire, l'aveu d'un échec que de remettre à demain ce qui réclame aujourd'hui l'urgence.
C'est ainsi que l'ambition d'une loi de programme s'est réduite à la timidité d'une loi d'orientation, orientation d'ailleurs si sinueuse que, comme l'indique notre excellent rapporteur de la commission des lois José Ballarello, le projet qui nous est soumis ressemble davantage à un texte « portant diverses propositions relatives à l'outre-mer ».
J'ai employé le terme « timidité », parce que je le crois fondé. Mais je comprends qu'il vous choque, monsieur le secrétaire d'Etat. Vous avez, en effet, fait valoir l'ampleur « sans précédent » des financements marquant, dites-vous, une « étape historique » dont chacun ici doit avoir pleinement conscience. Dont acte : 37 milliards de francs, certes, sur une période de sept ans, que vous comparez, un peu insidieusement, aux 19,7 milliards de francs de la période précédente. Ces 37 milliards de francs se décomposent ainsi : 5 milliards de francs de crédits d'Etat dans le cadre des contrats de plan, 9 milliards de francs pour les collectivités locales et 23 milliards de francs au titre des fonds structurels européens.
Ce sont donc ces derniers qui constituent l'essentiel de la manne financière de votre projet. Ils pèsent donc profondément sur son avenir, si nous le considérons, avec vous, comme une loi d'étape.
Ils pèsent d'abord sur le plan institutionnel, car le traité d'Amsterdam les applique - et vous avez évoqué cette question tout à l'heure - en tant que « mesures spécifiques » aux « départements français ». La question a également été évoquée par le président de la commission des lois. Avec une juste sagesse, notre collègue José Balarello remarque qu'il ne conviendrait pas que certains obstacles juridiques, éventuels, entre l'article 73 de notre Constitution et l'article 299.2 concerné du traité d'Amsterdam s'opposent définitivement à toute évolution du statut de département d'outre-mer vers une autonomie accrue, à laquelle aspirent les populations concernées, et que vous souhaitez vous-même pour l'avenir. L'article 72 de la Constitution, qui a été évoqué tout à l'heure, était effectivement une voie que l'on aurait pu explorer. Ne serait-il pas opportun, aujourd'hui, d'envisager une meilleure adaptation du texte d'Amsterdam, afin de mieux coordonner les entités juridiques et géographiques de ces régions ultrapériphériques ? En effet, les perspectives d'évolution envisageables pour les départements français d'outre-mer ne devront pas remettre en cause leur intégration au sein de l'Union européenne, pas plus que leur aptitude aux fonds correspondants.
Cette question, monsieur le secrétaire d'Etat, ne vous a, certes, pas échappé, vous l'avez dit tout à l'heure. A-t-elle pesé sur la timidité du volet institutionnel de votre projet de loi ? Il faudra bien, cependant, la regarder en face !
Il ne vous a pas échappé non plus, j'en suis persuadé, que l'on puisse déplorer les difficultés de gestion de ces crédits ou leur sous-consommation, cela a été évoqué par notre collègue M. Balarello - puisqu'ils constituent l'atout vital du développement économique envisagé. C'est pourquoi nous soutiendrons la proposition de notre commission des lois - de consacrer de manière législative une commission de la mobilisation et du suivi de ces fonds structurels.
En effet, monsieur le secrétaire d'Etat, vous ne l'ignorez pas : on ne peut prédire avec exactitude l'évolution de l'Union européenne au cours des sept prochaines années ; on peut simplement dire que les fonds structurels seront de plus en plus sollicités par ceux qui en sont aujourd'hui privés.
L'impératif des besoins pourrait bien commander un jour des révisions déchirantes à l'égard des gestionnaires médiocres ou des projets dépourvus de sagacité. Rien n'est jamais acquis définitivement, et nous serons soumis aux examens de passage !
C'est pourquoi nous approuvons les réserves pertinentes du rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, notre collègue Jean-Louis Lorrain, à l'égard du volet économique et social de votre projet de loi, qu'il a qualifié de timoré.
Certes, vous rendez implicitement hommage aux lois Pons et Perben, que vous avez pourtant si souvent critiquées. Mais mettant fin à l'une, la loi Pons, vous la remplacez par quoi ? Par un groupe de travail qui doit réfléchir ultérieurement ! Quant à l'autre loi, vous la modernisez, certes, et, compte tenu, dites-vous, de « l'expérience acquise et des résultats », vous la prolongez sans limitation dans le temps, preuve que sa conception n'était pas si mauvaise.
MM. Edmond Lauret, Serge Vinçon et Josselin de Rohan. Très bien !
M. Lucien Lanier. Vous privilégiez, enfin, l'assistance, rebaptisée « solidarité », de préférence à l'impulsion qui aurait exigé des mesures de plus grande ampleur.
Vous engagez un effort considérable en matière d'exonération des charges sociales, mais par un dispositif complexe - je vous l'avais d'ailleurs fait observer en commission des lois - et fragmentaire.
A titre d'exemple, vous exonérez totalement les entreprises de moins de dix salariés. Bien ! Mais au-delà de ce seuil, c'est un lissage compliqué de dégressivité de l'aide, qui deviendra, à mon avis, un frein à l'emploi, une incitation au travail camouflé.
Autre exemple : le moratoire sur les dettes sociales ne deviendra-t-il pas une aubaine d'amnistie, considérée comme une injustice par ceux qui auront accompli leur devoir ?
Enfin, par la réduction de la marge entre le RMI et le SMIC, n'incitez-vous pas les RMIstes à le rester par apport d'un travail clandestin leur apportant un revenu supérieur au SMIC ?
Nous ne prenons que ces quelques exemples - les rapporteurs vous en ont donné d'autres - espérant que leur gestion ne vous sera pas un jour reprochée. Nous regrettons que rien ne soit envisagé pour la taxe professionnelle. Nous regrettons la réserve marquant certains secteurs pourtant essentiels dans ce dispositif, tels le bâtiment et des travaux publics ou les transports aérien et maritime.
Nous regrettons aussi le manque d'ampleur de la baisse du coût du travail et, surtout, le manque d'effort concernant les entreprises exportatrices. Car, en définitive, si vous cherchez à doper la production et l'emploi, ce qui est indispensable, nous le reconnaissons, encore faut-il doper une politique de débouchés au-delà de l'insuffisant marché intérieur. C'est l'un des points qui ne me semblent pas très bien traités dans votre projet de loi.
Bref, nous reconnaissons l'urgence absolue des mesures qu'il faut prendre, le bien-fondé d'un effort sans précédent, mais en souhaitant qu'une part de cet effort ne disparaisse pas dans le gouffre d'une assistance immédiate et hâtive sans profit pour l'avenir.
Par ailleurs, l'urgence de l'économique et du social, la crainte d'un consensus introuvable vous ont fait en rabattre, hélas ! sur les réflexions institutionnelles. Vous préconisez, et nous aussi, des statuts différenciés et adaptés, comme le souhaite le Président de la République. Où sont-ils dans votre projet ? Où apparaît l'indice d'une réflexion porteuse d'avenir ? Comment rompre avec un traitement uniforme si l'on occulte identités et aspirations ?
Vous excipez qu'en l'absence d'une modification de l'article 73 de la Constitution rien ne peut être envisagé dans l'immédiat. Vous l'avez d'ailleurs indiqué dans votre intervention à l'Assemblée nationale.
Nous permettez-vous de vous dire qu'une réflexion générale et cohérente, respectant l'unité de la République, aurait au moins permis de tirer les conséquences juridiques et constitutionnelles de la fin des catégories uniformes ? Mais cette réflexion n'a pas eu lieu.
En effet, il ne s'agit pas de définir une politique au coup par coup, exigeant des modifications peut-être bonnes mais ponctuelles de notre Constitution, il s'agit d'établir une nouvelle construction juridique, lisible et cohérente, à partir de laquelle pourraient alors s'établir des statuts organiques adaptés, et surtout conformes aux voeux des populations concernées.
Or vous nous proposez une démarche inverse, afin de combler le vide du volet institutionnel, à savoir la création de deux départements à la Réunion et l'idée d'un « congrès », cadre permettant, dites-vous, un « débat local, démocratique et transparent » entre les assemblées régionales et départementales.
Nous permettez-vous de vous dire, monsieur le secrétaire d'Etat, que cette méthode consistant à réformer au coup par coup s'avérera contraire à toute recherche des statuts différenciés et sur mesure que nous souhaitons tous ? Elle crispera les options diverses, au lieu de les concrétiser clairement. Elle sera source de débats plus polémiques que fructueux, et sera l'addition d'intérêts particuliers, qui n'a jamais fait l'intérêt général. Et cela parce que votre loi ne leur offre pas les bases de réflexions juridiques, cohérentes et claires, respectant les principes de la République, et non ceux de l'aventure.
La mention d'un deuxième département à la Réunion aurait pu faire l'objet d'un consensus si la méthode pour l'obtenir avait été plus prudente et mieux préparée. Je donne quelques exemples : son échéance subitement avancée de 2004 au 1er janvier 2002 ; les transformations brutales de son découpage ; l'absence d'études sérieuses de son coût risquant de s'opposer à des priorités économiques combien plus urgentes ; la transformation de votre texte initial, raccourci pour renvoyer à plus tard les modalités d'une réforme dont l'échéance est pourtant brusquement avancée.
Tout cela relève d'une improvisation qui, loin d'offrir à l'île un meilleur équilibre de ses chances économiques, risque d'aboutir à la désunion, voire à la discorde, sans compter, bien sûr, les intérêts immédiats sous-jacents.
Vous voulez le consensus, vous aurez les désaccords ! Vous voulez le partage, vous cherchez la partition !
Une telle réforme se devait d'être soutenue par un accord sinon unanime, du moins largement majoritaire de ceux qu'il concerne. Or tel n'est pas le cas. Le conseil général comme le conseil régional de la Réunion ont émis un avis défavorable et la population consultée, par plusieurs sondages différents, a montré, en majorité, sa vive hostilité au projet.
Dès lors, monsieur le secrétaire d'Etat, soyez conscient de ce que vous souhaitez. Vous voulez une volonté locale qui rassemble le plus grand nombre, alors ne demandez pas à la loi de passer en force un projet de bidépartementalisation contre l'avis du plus grand nombre. (Applaudissements sur plusieurs travées du RPR. - M. Huchon applaudit également.) Avec lui, nous disons non à l'improvisation.
Notre réponse est la même concernant le projet de congrès, dont, je me permets de le dire, l'appellation fort peu heureuse risque de susciter des tentations de grandeur infondée.
La logique de votre idée repose sur trois orientations. La première, très logique, consiste à orienter la réflexion vers une assemblée unique dans chaque département et à avoir, à terme, un interlocuteur représentatif des populations concernées. Soit ! Mais prenez-vous la bonne voie pour y parvenir ?
Est-il besoin de consacrer par la loi la réunion commune du conseil général et du conseil régional pour délibérer en commun de toutes propositions relatives à l'évolution institutionnelle ? Que je sache, ces assemblées sont adultes et libres, et certaines d'entre elles ont déjà constitué des commissions mixtes, de leur propre chef, et elles sont d'autant plus capables de réfléchir, en commun, à leur avenir, fût-il, si cela paraît souhaitable, leur fusion.
Or vous imposez, implicitement, la naissance d'une troisième assemblée, consultative locale, dont rien ne dit qu'elle puisse devenir le creuset d'ententes harmonieuses. Dépourvue de pouvoir de décision, son rôle ambigu la condamne à une procédure particulièrement lourde par laquelle, délibérant, individuellement, sur les propositions du congrès, le conseil général et le conseil régional transmettront leurs propositions au Premier ministre, ainsi placé en première ligne pour résoudre des propositions potentiellement contradictoires, et obligé de les arbitrer sans appel.
M. Josselin de Rohan. Très bien !
M. Lucien Lanier. Nous souhaitons bien du plaisir à ce rôle ingrat, voire impossible qui en résultera ! Que de contentieux en perspective. Sans compter sur le saisine, évidente, du Conseil constitutionnel à l'égard de l'article 39.
Nous craignons, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous n'engagiez la présente orientation dans l'inextricable et dans des difficultés d'application.
Bien sûr, tout aurait été différent si votre voeu avait été exaucé « avec pour fondement une volonté locale qui rassemble le plus grand nombre, et qui transcende les clivages politiques traditionnels ».
Or nous en sommes bien loin : six des assemblées locales concernées ont émis un avis défavorable. Deux seulement y ont été favorables. J'ajoute que le 30 mars dernier, le Conseil d'Etat, consulté, s'est montré plus que sévère dans ses conclusions.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous demande d'être en accord avec vous-même : un tel manque de consensus vous empêche honnêtement de faire passer en force votre idée de congrès, comme l'idée précédente de deux départements à la Réunion. Honnêtement, vous ne le pouvez pas !
Je doute cependant que, au stade où nous en sommes, vous puissiez me répondre positivement. C'est dommage, car nous sommes convaincus de l'urgence des mesures économiques et sociales qui doivent impérativement être prises ; nous en acceptons certaines et, entre autres mesures, celles qui concernent Saint-Martin, Saint-Barthélemy, Saint-Pierre-et-Miquelon. Mais nous ne pouvons admettre que, en totale contradiction avec vos principes et vos propos, vous nous entraîniez à imposer de manière régalienne, par la loi, deux mesures que récuse la plus grande majorité de ceux qu'elles concernent. Le mouvement ne se prouve pas par une marche oblique ou forcée.
Dès lors, ce n'est plus une loi d'orientation, c'est une loi orientée ! C'est plus qu'un aveu de faiblesse, ce peut être un constat d'échec.
Voilà pourquoi, monsieur le secrétaire d'Etat, les membres du groupe du RPR du Sénat, à leur grand regret, croyez-le bien, ne pourront accepter ni la bidépartementalisation de la Réunion ni la confuse idée du congrès.
De vos réponses dépendra leur vote. (Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste. - M. Othily applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, prévu depuis plusieurs années, le débat sur le projet de loi d'orientation examiné aujourd'hui au Sénat est le premier grand débat sur l'outre-mer depuis le débat sur la loi de départementalisation du 19 mars 1946, qui a érigé en départements français les « quatre vieilles colonies ». C'est dire combien il est attendu par les populations des départements d'outre-mer.
Si, depuis cinquante ans, la départementalisation conçue comme un modèle unique a permis des avancées incontestables, elle apparaît aujourd'hui à bout de souffle.
La situation appelle des réponses neuves et novatrices.
Les sociétés domiennes subissent, comme vous l'avez indiqué, monsieur le secrétaire d'Etat, un « mal-développement » de plus en plus criant, avec des taux de chômage évalués entre 30 % et 40 % selon les régions, et une misère qui conduit à toutes formes de déviances sociales. L'économie artificielle et dépendante se fonde essentiellement sur le recyclage des fonds publics nationaux ou européens.
La loi d'orientation proposée aujourd'hui est-elle à même de réparer ces maux et de satisfaire aux aspirations de responsabilisation et d'autodétermination des populations concernées ? Répond-elle à la question que posent les peuples d'outre-mer depuis des années, celle du respect de leur diversité et de leur participation aux choix de développement ?
On peut en douter au regard du manque d'ambition du texte qui nous est proposé, notamment en ce qui concerne le volet institutionnel. Il n'est pas à la hauteur des enjeux et des attentes exprimées.
Convaincu comme vous, monsieur le secrétaire d'Etat, que « le moule unique » a vécu, je considère comme très regrettable que soit si peu prises en compte la diversité des situations et la nécessité d'avoir des approches et des réponses différenciées de ces départements. J'aurai l'occasion de revenir sur ce point durant le débat.
Parmi les avancées attendues de ce projet de loi, on peut se féliciter de l'affirmation des compétences en matière internationale des départements d'outre-mer. C'est un premier pas pour une ouverture et une intégration régionale réelle renforçant leurs atouts géographiques.
Cette intégration régionale est indispensable pour un développement autonome, notamment pour l'établissement de coopérations mutuellement avantageuses, pour la possibilité de transferts de technologie avec les pays voisins.
Ces départements peuvent d'ailleurs permettre des solidarités porteuses pour le développement de la francophonie, que ce soit dans les Caraïbes, dans l'océan Indien ou en Amérique du Sud. Il faut donc donner aux départements d'outre-mer les moyens d'un plus grand rayonnement au niveau régional, véritable atout pour la France comme pour les pays concernés.
Dans le domaine du contrôle des flux migratoires, il est également nécessaire pour les départements d'outre-mer de pouvoir coopérer avec les pays voisins pour trouver des solutions à long terme. Tel est notamment le cas en Guyane. Sans doute faudrait-il aller plus loin encore dans le sens de l'affirmation de leurs compétences en ce domaine.
Le volet socio-économique du projet de loi prévoit une augmentation notable des moyens de l'Etat pour une relance des départements d'outre-mer et des mesures qui s'inscrivent dans la volonté de créer des emplois et de dynamiser une croissance économique valorisant les potentiels régionaux. Nous les soutenons.
Mais comment ce projet de loi pourrait-il prétendre à l'instauration de l'égalité sociale alors qu'il laisse encore trois ans avant l'alignement du RMI sur celui de la métropole, et que l'alignement de l'allocation de parent isolé sur le niveau métropolitain est prévu sur sept ans ? Ces délais ne sont pas admissibles, alors même qu'existent dans ces régions des surrémunérations qui rendent encore plus intolérable un RMI « au rabais ». Comme vous nous l'avez dit, monsieur le secrétaire d'Etat, cela représente un coût : 1 milliard de francs.
Parallèlement, nous pensons, comme vous l'avez précisé par anticipation, que les aides, exonérations fiscales et autres mesures tendant à la création d'entreprises et d'emplois doivent faire l'objet de contrôles afin de garantir leur contribution effective au développement d'emplois stables et à une croissance durable. Nous déposerons des amendements en ce sens.
La reconnaissance des identités culturelles de ces territoires est à privilégier, dans un contexte de globalisation où l'uniformisation culturelle devient la règle.
Or, si des avancées ont été obtenues, notamment en ce qui concerne la valorisation des langues régionales, le projet de loi paraît limité sur ce point au regard de l'enjeu en termes de moyens financiers mis à disposition pour la promotion des cultures ultramarines. Les efforts en ce sens doivent être poursuivis et intensifiés.
Enfin, le volet institutionnel, particulièrement complexe, constitue une question fondamentale pour l'avenir des départements d'outre-mer. Les propositions en la matière sont très insuffisantes et sont loin de celles qui sont formulées par les différents rapports, que ce soit le rapport de MM. Lise et Tamaya ou celui de la commission des lois, qui s'est rendue sur place récemment.
La déception est grande aujourd'hui, après l'examen du texte par l'Assemblée nationale et l'absence de réponses adéquates à la profonde crise structurelle frappant l'ensemble des sociétés domiennes.
Si les aspirations à l'affirmation des identités et à la responsabilisation se développent partout dans les départements d'outre-mer, elles se déclinent différemment.
Pour la Réunion, la proposition de bidépartementalisation votée par l'Assemblée nationale n'a pas été retenue par la commission des lois du Sénat. C'est mon collègue Paul Vergès qui évoquera cette question.
En ce qui concerne les départements de la Martinique, de la Guadeloupe et de la Guyane, les exigences en matière d'émancipation et d'autodétermination sont particulièrement fortes. La déclaration de Basse-Terre de décembre 1999 proposant un « statut de région d'outre-mer nouveau dans le cadre de la République française et de l'Union européenne » et signée, dans la diversité de leurs appartenances politiques, par les trois présidents de région de la Guyane, de la Guadeloupe et de la Martinique manifeste l'urgence d'une véritable réforme pour faire face à la crise structurelle grave que connaît la société de ces régions et pour amorcer un nouveau type de développement autocentré.
Les nombreuses critiques émises sur le projet de loi à l'issue de son passage à l'Assemblée nationale témoignent de la déception éprouvée au regard du manque d'ambition sur cette question. Les prérogatives du congrès ont ainsi été sensiblement réduites par rapport à ce que prévoyait l'avant-projet et les propositions du rapport de MM. Lise et Tamaya.
Cette instance, telle qu'elle se présente à la suite de l'étude du texte par l'Assemblée nationale, est qualifiée par de nombreux élus domiens de simple « chambre d'enregistrement » sans pouvoirs.
On est très loin des besoins, comme des attentes de ceux qui voyaient dans cet organe un premier outil - insuffisant, mais à développer - visant à la mise en place d'un réel pouvoir de décision et de participation des population locales.
Or, la commission des lois du Sénat a même rejeté cette disposition, ne faisant aucune proposition de rechange.
Le risque est grand, aujourd'hui, de voir cette déception se transformer en colère et en explosion sociale au sein de populations qui sont dans l'attente d'un projet ambitieux et de véritables réformes pour le développement de leurs territoires.
Alors que la départementalisation montre ses limites, ne fallait-il pas, pour trouver des solutions adéquates, aller vers des modifications statutaires et non pas s'inscrire simplement dans l'optique de l'article 73 de la Constitution et dans le cadre rigide de la seule départementalisation ?
N'est-ce pas aux populations elles-mêmes qu'il convient de décider des voies à suivre ? Elles revendiquent pour cela l'application du principe de base de l'autodétermination. Et nous défendons ce droit imprescriptible.
Ayant participé à la mission de la commission des lois en septembre dernier en Guyane et aux Antilles, je suis revenu convaincu de l'urgence de travailler à la mise en place de réformes qui permettront une plus large autonomie de chacune de ces régions dans le cadre républicain, avec l'objectif d'un développement endogène de leurs territoires. Comment ces populations pourront-elles accepter une telle frilosité à l'égard d'éventuelles évolutions institutionnelles à l'heure où le Gouvernement débat avec l'assemblée territoriale corse sur ce sujet et alors que la Polynésie et la Nouvelle-Calédonie ont obtenu des avancées statutaires importantes ?
Parallèlement, prenons l'article 299-2 du traité d'Amsterdam, qui conforte la spécificité du régime applicable aux départements d'outre-mer. Cet article est à considérer, et je vous ai bien entendu, monsieur le secrétaire d'Etat ; mais pour l'instant, tel qu'il est proposé, il est imprécis. N'est-il pas nécessaire de lui donner du contenu, un contenu allant dans le sens d'une augmentation des possibilités d'adaptation et de dérogations pour les départements d'outre-mer et d'une affirmation de compétences, de règles et de débouchés spécifiques pour ces régions, dans un souci d'efficacité ?
La France, pendant sa présidence de l'Union européenne, pourrait faire des propositions auprès de ses partenaires en ce sens.
Mes chers collègues, ce projet de loi devait être un rendez-vous important, pour ne pas dire historique, avec les populations domiennes ; il devait leur permettre de sortir d'un immobilisme conduisant à l'impasse, d'un enfoncement périlleux.
Certains voient en lui un premier pas, une étape. Mais peut-on même le considérer comme une étape, si on lui enlève, comme le propose la commission de lois du Sénat, le peu de substance de son volet institutionnel, déjà très insuffisant ?
Le manque d'ambition de ce projet de loi, le manque de réponses adaptées au regard des urgences sociales et politiques et des attentes exprimées ne risquent-ils pas d'amener les populations domiennes à revendiquer dans la rue ces changements ?
Or, attendre d'en arriver là pour devoir ensuite légiférer dans l'urgence n'est sûrement pas la solution la meilleure !
Nous avons une grande responsabilité vis-à-vis des populations domiennes, populations qui souhaitent rester françaises. Il serait dangereux pour l'avenir de laisser se développer dans les départements d'outre-mer une colère et un mécontentement déjà très perceptibles.
Monsieur le secrétaire d'Etat, nous appelons le Gouvernement à bien considérer la mesure de cet enjeu et à prendre date pour qu'un nouveau débat, inévitable, permette prochainement d'aller beaucoup plus loin que ce qui nous est proposé aujourd'hui. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen. - M. Larifla applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Othily.
M. Georges Othily. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, il est dans la nature des choses qu'un pays comme la Guyane puisse disposer d'une certaine autonomie compte tenu de ses particularités, disait le général de Gaulle, voilà déjà un certain nombre d'années.
Les lois de décentralisation adoptées en 1982 visaient à apporter une forme d'autonomie aux régions d'outre-mer afin de réduire le déséquilibre structurel qui les séparait de la France métropolitaine.
Lorsqu'en 1946 Aimé Césaire, alors jeune député, rapportait devant la représentation nationale la proposition de loi tendant à créer une catégorie de départements, on pensait qu'une telle réforme allait être source de solutions satisfaisantes pour assurer un développement réel et durable.
La départementalisation a certes apporté des solutions aux problèmes sanitaires et sociaux, mais elle a asphyxié l'économie des départements d'outre-mer.
Aujourd'hui, monsieur le secrétaire d'Etat, vous nous présentez un projet de loi d'orientation visant à assurer aux départements d'outre-mer un développement réel et variable.
Je ne pense pas que les dispositions contenues dans ce projet de loi, à savoir l'apurement des dettes des entreprises, l'exonération à 100 % des cotisations sociales patronales de sécurité sociale pour certaines entreprises et des dispositions fiscales améliorées, soient de nature à développer l'emploi et l'économie dans les départements d'outre-mer.
Des discussions ont été engagées avec les membres de votre cabinet en vue de l'élaboration d'un texte présentant les mesures les plus intéressantes pour le développement de la Guyane.
Votre projet de loi prévoit un congrès, disposition qui ne semble pas faire l'unanimité. Nous avons expérimenté en Guyane une forme de congrès, organe qui consulte les deux assemblées. Mais ce sont là des étapes. Je rappelle les étapes précédentes : la loi de départementalisation de 1946, puis l'article 73 de la Constitution relatif au régime législatif et à l'organisation administrative des départements d'outre-mer, puis le décret d'avril 1960 donnant la possibilité aux départements de saisir le Premier ministre pour toute mesure d'adaptation en ce qui concerne la loi ou les règlements. Par ailleurs, l'article L. 43-33 du code général des collectivités territoriales prévoit que les collectivités régionales peuvent faire des propositions en saisissant le Premier ministre, qui peut apporter des précisions quant au fond, après un mois.
Le congrès serait peut-être une étape, et je n'y suis a priori pas opposé. Mais ses modalités de consultation pourraient ne pas être conformes à la Constitution. Je vois mal un président de région convoquer des membres d'une assemblée départementale ou un président de conseil général convoquer des membres du conseil régional ! Je vois mal aussi des élus dont l'élection a eu lieu au scrutin majoritaire se retrouver avec d'autres, qui ont été élus à la proportionnelle pour discuter ensemble parce que la loi aurait prévu la création d'un congrès.
Bref, le débat qui va s'instaurer et l'examen des amendements successifs permettront peut-être de trouver une solution. Nous devons, en tout cas, nous fier à la sagesse des sénateurs pour ce faire.
Les dispositions que vous nous proposez sur le plan social et sur le plan fiscal ne pourront pas être remises en cause, en tout cas pas par le sénateur de la Guyane que je suis. Elles vont en effet dans le sens de l'amélioration de la situation des entreprises d'outre-mer, et singulièrement de Guyane.
Mais comme nous sommes dans une autre logique, en Guyane, celle du pacte de développement, je préfère laisser le temps de parole qui me reste à mon collègue de la Réunion, qui exposera peut-être plus en détail les améliorations qu'il pense pouvoir apporter au texte que vous nous proposez.
Nous espérons simplement que les discussions engagées en Guyane se poursuivront au cours de cette seconde quinzaine, afin que vous et moi puissions ici, au Sénat, discuter de ce que souhaitent plus de 86 % des élus de Guyane, à savoir que notre pays connaisse, au sein de la République, un développement réel et durable.
C'est la raison pour laquelle je vous demande de bien vouloir me préciser ici, devant la représentation nationale, que vous avez bien l'intention de travailler encore, en coopération avec les élus de Guyane, à l'élaboration d'un projet de loi qui pourra même aboutir à une révision constitutionnelle. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Lise.
M. Claude Lise. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le projet de loi d'orientation pour l'outre-mer qui est soumis à l'examen de notre Haute Assemblée est, de toute évidence, un projet important.
Il suffit, pour s'en convaincre, de constater la diversité des sujets abordés, l'ampleur des mesures proposées, l'originalité de l'approche de certaines questions, avec, en regard, le niveau de l'engagement budgétaire de l'Etat.
Pour autant, il ne saurait apporter des réponses à la totalité des problèmes, tant structurels que conjoncturels, qui se posent dans les DOM.
Ceux qui font semblant de s'en étonner savent d'ailleurs fort bien ce qu'il faut penser des panacées, pour avoir parfois prétendu en détenir !
Nos compatriotes d'outre-mer ne s'y trompent pas, croyez-moi ! Ils n'attendent de remèdes miracles ni contre le mal-développement qu'ils subissent ni contre le mal-être qu'ils éprouvent.
Ils ont vu passer, pendant des décennies, trop de lois qui promettaient de transformer radicalement leur situation ; ils ont vu appliquer trop de plans, trop de programmes, trop de dispositifs censés favoriser le développement économique et l'emploi, pour n'avoir pas beaucoup gagné en lucidité et en réalisme.
C'est d'ailleurs pourquoi ils sont de plus en plus nombreux à partager deux convictions importantes. La première, c'est qu'il n'est pas possible de concevoir depuis Paris les mesures les mieux adaptées aux réalités de territoires situés aussi loin et aux prises avec des problèmes dont les aspects, souvent très spécifiques, trouvent naturellement leur explication dans l'histoire et la géographie.
La seconde conviction, c'est qu'on ne peut s'attaquer au mal-développement des DOM par la seule mise en oeuvre de mesures d'ordres économique et social. Il est indispensable d'y associer des mesures visant à répondre à une demande fondamentale des acteurs locaux : la demande de responsabilité.
Celle-ci traduit, d'abord, la volonté de conférer un maximum d'efficacité aux politiques publiques.
Mais cette demande de responsabilité répond également, et surtout, à une volonté d'affirmation de leur personnalité propre, qui passe évidemment par une pleine reconnaissance de leur identité. A une volonté, donc, d'en finir avec ce mal-être qu'évoque toute une littérature et qui, s'il vient pour une part du mal-développement, vient surtout du sentiment lancinant d'être dépossédé de soi-même et de n'avoir aucune maîtrise de son propre devenir.
Eh bien ! mes chers collègues, le mérite principal du projet de loi d'orientation est précisément d'avoir été élaboré sur la base de ces deux convictions.
Il s'agit là d'une orientation politique fondamentale qui a été fixée, dès le départ, par le Premier ministre et à laquelle vous avez apporté, monsieur le secrétaire d'Etat, je peux en témoigner, une précieuse contribution.
Pour la première fois, on a vu un gouvernement admettre que, pour amorcer le moindre changement dans la situation des DOM, il est absolument indispensable de changer de méthode et de conception.
Et le changement de méthode a effectivement été mis en oeuvre. Nous n'avons pas assisté, comme nous y étions habitués, à un semblant de consultation portant sur un projet entièrement conçu et rédigé à Paris par des hauts fonctionnaires. Nous avons vu, au contraire, s'engager une véritable et très large consultation de toutes les forces vives des quatre DOM, notamment par l'intermédiaire - fait sans précédent ! - d'une mission parlementaire confiée par le Premier ministre à deux parlementaires d'outre-mer.
Et ce n'est qu'après des mois de dialogue et de concertation que l'avis officiel des assemblées locales a été recueilli.
On peut considérer, par conséquent, que ce projet de loi d'orientation a été, pour une part relativement importante, inspiré par les forces vives des départements concernés.
Il aurait d'ailleurs pu l'être davantage si le caractère innovant de la procédure n'avait quelque peu pris de court nombre de ceux qui l'appelaient de leurs voeux, ce qui s'est traduit, dans bien des cas, par le recueil tardif, voire hors délai, de nombre de propositions intéressantes.
Il aurait pu l'être davantage également si le déroulement de la consultation n'avait pas été, notamment dans les DFA, sérieusement perturbé par d'habiles manoeuvres politiciennes de diversion.
Ce changement de méthode est, bien entendu, déjà révélateur, à lui seul, d'un changement de conception dans l'abord des problèmes des DOM.
Mais ce changement de conception s'affirme davantage encore dans la volonté affichée par le Gouvernement de répondre concrètement aux aspirations qu'il perçoit partout en faveur d'une responsabilité locale accrue et d'une meilleure insertion régionale, de se prononcer aussi, clairement, pour la possibilité d'évolutions institutionnelles différenciées, tenant compte de la situation particulière de chaque DOM et des souhaits exprimés par sa population.
Il y a là une position qui tranche nettement avec toutes les formes de dérobades auxquelles on était habitué dans ce domaine, mais également avec une vision erronée de départements d'outre-mer aux réalités uniformes.
Le changement de conception s'affirme, enfin, également dans le parti qui a été pris, dans une même loi, de ne pas dissocier artificiellement problèmes économiques et problèmes institutionnels.
Il s'agit là d'une rupture radicale et salutaire avec le vieux discours selon lequel les questions institutionnelles relèvent de préoccupations purement politiques, voire idéologiques, et qu'elles font toujours peser, ne serait-ce que par leur seule évocation, les plus lourdes menaces sur l'activité économique.
Ce discours est devenu, à vrai dire, plutôt inaudible dans les trois DFA.
Et lorsque j'observe ce qui se passe en Martinique, je constate que de plus en plus nombreux sont les chefs d'entreprise qui se montrent extrêmement critiques à l'égard de l'actuel système institutionnel, un système dont l'incapacité à prendre en compte un certain nombre de réalités locales et régionales, dont le peu de souplesse et la grande complexité apparaissent comme autant de facteurs défavorables à l'initiative locale et aux contraintes d'une économie moderne.
Il est vrai que, si l'on veut voir jusqu'à quelles perversions peut conduire l'obsession jacobine de l'uniformité, il n'est que de se rendre dans les DOM et d'y observer la réalité que recouvre l'appellation de région monodépartementale, d'y étudier toutes les complications entraînées par la coexistence de deux exécutifs sur un même territoire, d'en évaluer le coût financier et d'en mesurer les conséquences sur l'activité économique.
On ne peut manquer, dès lors, de s'interroger sur le singulier aveuglement des élus qui, en 1982 - certains ne devraient pas l'oublier ! - préférèrent faire intervenir le Conseil constitutionnel pour obtenir un dispositif aussi aberrant, plutôt que d'accepter la seule solution logique qui s'imposait et que proposait le Gouvernement de l'époque, celle de l'assemblée unique, que certains semblent découvrir aujourd'hui.
Et l'on en vient, naturellement, à souhaiter que l'histoire ne se répète pas !
Les conditions dans lesquelles le volet institutionnel du projet de loi d'orientation est attaqué ne sont, hélas ! pas très rassurantes à cet égard.
Et s'il m'apparaît, après les avoir entendus, que certains collègues ont eu une sorte d'illumination sur les questions institutionnelles - elle est un peu tardive, mais c'est toujours ça ! -, il me semble que, pour autant, ils ne sont pas à l'abri de nouvelles formes d'aveuglement dans le débat actuel.
Que contient donc ce volet institutionnel ?
Tout d'abord, un certain nombre de dispositions qui tendent à conférer des compétences nouvelles aux collectivités locales dans l'action internationale.
Elles revêtent, selon moi, une grande importance, et je suis heureux que le Gouvernement ait suivi les propositions que Michel Tamaya et moi-même avions formulées sur ce point.
Ces dispositions vont en effet contribuer à ancrer de façon beaucoup plus forte chacun de nos départements dans son environnement géographique naturel.
J'ai déjà souligné l'attente qui existe chez nous à cet égard. Mais il faut savoir qu'il existe aussi une attente de nos voisins. S'ils sont de plus en plus nombreux à souhaiter que nous jouions le rôle de facilitateurs d'échanges entre eux et la France - et du même coup l'Europe ! - ils ont tous beaucoup de mal à accepter que nous ne puissions entretenir des liens avec eux que par des intermédiaires.
La coopération régionale, jusqu'ici balbutiante, va enfin pouvoir prendre une autre dimension. De nouvelles perspectives de développement vont ainsi s'ouvrir pour les DOM ; fondées sur une vision nouvelle et moderne des atouts que constituent leur positionnement géographique et leur capacité à constituer de véritables pôles de compétences dans certains domaines.
J'ajoute que ces mesures constituent, à elles seules, une sorte de brèche dans la culture jacobine dominante et un signe important, parmi d'autres, d'une évolution dans la conception des rapports entre la France et nos départements.
Je me contenterai de les compléter, monsieur le secrétaire d'Etat, par un amendement tendant à instituer une instance de concertation des politiques de coopération régionale dans la zone Antilles-Guyane.
Le volet institutionnel prévoit, par ailleurs, d'autres transferts de compétences, essentiellement aux collectivités régionales. Ils concernent les routes nationales, l'exploitation des ressources naturelles de la mer et de son sous-sol, l'élaboration et la mise en oeuvre des programmes de prospection et de valorisation des ressources locales en énergies renouvelables.
Les collectivités départementales, elles, se voient rattacher les futurs offices de l'eau. Et l'on comprendra, évidemment, que je puisse regretter qu'elles n'aient pas été destinataires d'autres transferts, notamment dans le domaine du logement, comme cela était proposé dans le rapport de mission au Premier ministre.
Sur tout ce que je viens d'évoquer, l'on note, à vrai dire, très peu de réactions négatives, d'autant que, dès le départ, deux articles du volet institutionnel ont focalisé l'attention et suscité tellement de controverses que tout le reste du projet de loi d'orientation en a été plus ou moins occulté.
Il s'agit, d'une part, de l'article 38, qui concerne une disposition spécifique à la Réunion - la création dans cette île d'un second département - sur laquelle je laisserai volontiers argumenter mon collègue Paul Vergès.
Il s'agit, d'autre part, de l'article 39, sur lequel je tiens d'autant plus à m'exprimer que je revendique l'idée qui est à la base de son élaboration.
Que propose donc cet article de si incongru ou de si inquiétant pour qu'il ait pu concentrer sur lui un tel tir de barrage, dont on n'a d'ailleurs certainement pas fini d'entendre les dernières salves aujourd'hui, pour qu'il ait inspiré un tel florilège de raisonnements approximatifs et d'arguments contradictoires, pour qu'il ait pu, aux Antilles notamment, mobiliser un tel front du refus où on retrouve, bizarrement associés, les indépendantistes au grand complet, la plupart des défenseurs inconditionnels du statu quo - il en reste encore ! - un certain nombre de partisans d'une évolution institutionnelle plus ou moins radicale, mais également de vrais-faux autonomistes qui semblent s'être fait une spécialité des discours à géométrie variable : appel à Basse-Terre, mais signature ici des amendements qui dénoncent les autonomistes et les indépendantistes à la Réunion ?
Qu'y a-t-il, dans cet article 39, pour qu'on ait pu lui reprocher d'être sans intérêt, mais également de porter atteinte à la Constitution, d'avoir pour objet de freiner toute évolution institutionnelle, mais aussi d'être une porte dangereusement ouverte sur l'autonomie, voire l'indépendance ? Car on a entendu cela !
Eh bien, la cause de tout ce bruit et de toute cette fureur, c'est tout simplement la proposition qui est faite, en réponse à des aspirations dont on ne peut nier l'importance dans les DFA, d'inscrire dans la loi une méthode d'évolution institutionnelle de ces départements !
Une méthode parfaitement démocratique et transparente - c'est peut-être ce qu'elle a de gênant pour certains !
Une méthode qui ne laisse à personne d'autre qu'aux populations intéressées la faculté de se prononcer sur leur avenir et qui garantit aux DFA la possibilité de changer de statut indépendamment les uns des autres.
La procédure prévue assure une maîtrise locale de l'initiative par le biais du congrès, qui n'est rien d'autre que la réunion en assemblée plénière des élus du conseil général et du conseil régional, lorsqu'il s'agit de débattre des questions institutionnelles.
Une instance, donc, on ne peut plus représentative des citoyens concernés et qu'on ne peut sérieusement assimiler à une troisième assemblée. Elle n'a, en effet, ni caractère permanent, ni services propres, ni pouvoir décisionnel.
La procédure prévue assure également la maîtrise locale de la décision finale par la mise en oeuvre d'une consultation de la population concernée.
Il va de soi, évidemment, que rien ne peut obliger un gouvernement à prendre en compte une proposition élaborée dans les formes requises et avalisée, comme l'a souhaité le Conseil d'Etat - parce qu'il n'a pas souhaité autre chose - par les deux assemblées locales.
Mais à ceux qui me font cette objection - et qui se contentent de répéter inlassablement qu'ils veulent obtenir un changement de statut - je pose, à mon tour, la question : qu'est-ce qui peut obliger un gouvernement à prendre en compte une proposition élaborée autrement ?
Pour ma part, je reste persuadé qu'il sera bien difficile à un pouvoir politique, quel qu'il soit, de traiter par le mépris une proposition émanant d'une instance représentative et reconnue par la loi.
Le vrai problème, en réalité - et il a malheureusement échappé à nos collègues de la commission des lois, je le regrette - c'est aujourd'hui de prendre clairement position sur la question suivante : toute éventuelle évolution statutaire dans un DOM doit-elle s'opérer selon des voies réellement démocratiques ou doit-elle être l'affaire de minorités agissantes s'octroyant le droit de parler, de négocier et de décider à la place du peuple ?
Il est clair que ceux qui ont décidé d'opter pour la seconde solution ne peuvent que combattre la procédure prévue par l'article 39.
Et si l'on voit des élus qui, naguère, critiquèrent avec virulence le Conseil constitutionnel à propos de ses interprétations très restrictives de l'article 73 en arriver aujourd'hui à solliciter la saisine de cet organisme, il ne faut pas s'en étonner.
Au-delà du ridicule de ce rôle de gardiens sourcilleux de la Constitution qu'ils se donnent - mais gardiens à la vigilance sélective évidemment, selon les moments et selon ce qui les intéresse - ils poursuivent un but précis : plus que le congrès, qu'ils mettent en avant comme un leurre, ce qu'ils veulent à tout prix faire censurer, c'est la procédure de consultation des populations concernées qui y est associée.
Il reste évidemment que chacun, dans cette affaire, devra, le moment venu, assumer pleinement ses responsabilités.
Si j'ai estimé devoir m'étendre sur le volet institutionnel, et plus particulièrement sur l'article 39, c'est, bien entendu, uniquement parce qu'il m'est apparu que des mises au point s'avéraient nécessaires sur cette partie du projet de loi.
Cependant, je sais bien que c'est sur le volet économique et social que les attentes sont les plus fortes dans les quatre départements d'outre-mer, où malgré un rythme de croissance plus élevé qu'en métropole, le chômage et l'exclusion demeurent des préoccupations majeures.
Dans le temps qui me reste, il n'est évidemment pas question pour moi de procéder à une étude détaillée de tous les articles concernés mais de résumer à grands traits l'analyse que j'en fais.
En ce qui concerne tout d'abord le train de mesures économiques présenté, je crois qu'il importe de souligner son ampleur sans précédent.
Ainsi, le dispositif d'exonération de charges sociales patronales dépasse-t-il très largement, comme cela a été rappelé, celui qui figure dans la loi « Perben », d'abord par sa durée, ensuite par le niveau des exonérations, enfin par le nombre d'entreprises concernées.
En effet, de nouveaux secteurs sont couverts tels le tourisme, les nouvelles technologies de l'information et de la communication et, dans une certaine mesure, le bâtiment et les travaux publics. Ils viennent fort heureusement s'ajouter à ceux de l'industrie, de l'hôtellerie, de la restauration, de la presse, de la production audiovisuelle, de la pêche et de l'agriculture.
Mais, en réalité, c'est l'immense majorité des entreprises qui va bénéficier des mesures annoncées puisque, en dehors des secteurs précédents, elles s'appliquent à toutes les entreprises de moins de onze salariés. Or, et quoi que l'on ait pu entendre à ce sujet, il faut savoir que dans les départements d'outre-mer 95 % des entreprises comptent moins de dix salariés, la moyenne étant de deux salariés par entreprise.
C'est d'ailleurs de toute évidence dans ce secteur des petites entreprises que l'on peut escompter obtenir globalement le plus d'embauches. Je pense, à ce propos, aux besoins importants qui existent dans le secteur artisanal mais que des charges sociales trop lourdes empêchent de satisfaire.
Le coût de toutes ces mesures est, il faut le souligner, environ trois fois plus élevé que celui des mesures « Perben ». Il est par ailleurs entièrement supporté, on l'a dit, par le budget de l'Etat, ce qui n'était pas le cas des précédentes.
On est évidemment toujours tenté de proposer d'aller plus loin. Pour ma part, j'ai bien compris que nous touchions aux limites de l'enveloppe disponible ; aussi je me contenterai, monsieur le secrétaire d'Etat, de vous proposer d'améliorer le dispositif pour les entreprises du secteur des nouvelles technologies de l'information et des communications que nous avons le plus grand intérêt à promouvoir dans nos départements.
Le volet économique contient d'autres dispositifs correspondant souvent à des besoins fortement exprimés par les acteurs locaux, tels ceux qui concernent la création d'entreprises indépendantes, notamment pour les jeunes chômeurs, ou visant à étendre les exonérations bénéficiant aux exploitants agricoles, ou encore à favoriser les exportations.
Il est complété par quelques autres mesures originales, toujours destinées à favoriser l'emploi, parmi lesquelles il faut souligner tout particulièrement l'intérêt du projet initiative-jeune.
Enfin, il prend en compte, comme nous l'avions vivement recommandé Michel Tamaya et moi-même, le problème des entreprises se trouvant en situation d'endettement lourd, en particulier en ce qui concerne leurs charges sociales et fiscales - elles sont extrêmement nombreuses, vous le savez.
Sur ce point, je déposerai, monsieur le secrétaire d'Etat, deux amendements visant l'arrêt des pénalités, majorations et intérêts de retard pendant la période de suspension des poursuites.
En ce qui concerne le volet social, je considère comme vous, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'il n'était plus possible de renvoyer indéfiniment l'alignement du RMI. Le délai actuellement proposé de trois ans m'apparaît raisonnable pour amortir les éventuels effets pervers de la mesure.
Je me félicite en tout cas que, parallèlement, ait été prévu un intéressant dispositif destiné à encourager le retour à l'activité des RMistes. J'attire toutefois votre attention, monsieur le secrétaire d'Etat, sur les conséquences qu'entraînera l'augmentation de l'allocation du RMI pour les budgets des conseils généraux. J'y reviendrai d'ailleurs au cours des débats.
Le projet de loi d'orientation contient encore diverses mesures intéressantes dans le domaine culturel et dans celui de l'habitat et du logement social, sur lesquelles j'interviendrai également dans la discussion des articles.
Enfin, des mesures sont prévues visant à améliorer les finances des collectivités locales. Je me félicite à cet égard du pouvoir conféré aux conseils généraux de fixer les taux du droit de consommation sur les tabacs et de prélever une partie des recettes.
Cependant, il faut bien avouer que, dans l'ensemble, ces mesures se révèlent insuffisantes lorsque l'on connaît la situation des collectivités locales des DOM et les responsabilités qu'elles assument. Il faudra donc trouver tôt ou tard d'autres dispositifs susceptibles de venir compléter ceux qui sont prévus dans l'actuel projet de loi.
Voilà, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ce que je tenais à dire sur un projet de loi particulièrement dense et au travers duquel le Gouvernement a vraiment eu à coeur de s'attaquer à un grand nombre de problèmes et de répondre à beaucoup d'attentes.
Il ne pouvait, évidemment, être question de régler toutes les problèmes dans le cadre de la seule loi d'orientation. D'autres textes viendront, bien entendu, la compléter.
Celui qui m'apparaît le plus urgent concerne le volet relatif au financement de l'investissement. J'ai donc noté avec satisfaction l'engagement pris par le Gouvernement de faire voter un dispositif, actuellement en voie d'élaboration, au plus tard au moment de l'adoption de la prochaine loi de finances.
En définitive, ce qu'il me paraît essentiel de retenir de ce texte, au-delà de tout ce qu'il apporte pour redynamiser le tissu économique, favoriser l'emploi, corriger certaines inégalités et apporter d'indispensables améliorations sociales, c'est qu'il marque une rupture dans la manière d'appréhender les réalités des départements d'outre-mer.
Abandonnant définitivement une vision réductrice, passéiste et pessimiste de ces départements, il prend une autre orientation, et c'est en cela que son appellation prend tout son sens !
Il dégage l'accès à une autre voie : celle de la responsabilité. Une voie sur laquelle chacun des peuples concernés peut s'engager en choisissant le parcours et le pas qui s'accordent à ses plus profondes aspirations.
Monsieur le secrétaire d'Etat, le groupe socialiste et apparentés ne peut que voter ce texte. (Applaudissements sur les travées socialistes. - M. Vergès applaudit également.)

6

COMMUNICATION RELATIVE
À UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE

M. le président. J'informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2000 n'est pas parvenue à l'adoption d'un texte commun.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante, est reprise à vingt et une heures cinquante.)

M. le président. La séance est reprise.

7

LOI D'ORIENTATION POUR L'OUTRE-MER

Suite de la discussion d'un projet de loi
déclaré d'urgence

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, d'orientation pour l'outre-mer (n° 342, 1999-2000).
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Hoeffel.
M. Daniel Hoeffel. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le projet de loi d'orientation pour l'outre-mer qui nous est soumis est-il à la mesure des évolutions et des transformations rapides que l'on peut constater dans les sphères géographiques où sont situés nos départements d'outre-mer ?
A cette question, le rapporteur de la commission des lois, M. José Balarello répond dans son excellent rapport que « la future loi d'orientation ne constitue à ses yeux qu'une simple loi d'étape ». Je crois qu'il a raison. Nous savons cependant, monsieur le secrétaire d'Etat, que toute évolution institutionnelle, outre-mer comme en métropole, se heurte à des préjugés, à des soupçons et à des pesanteurs qui découragent souvent les réformateurs les plus déterminés. (M. le secrétaire d'Etat opine.)
Je tiens tout d'abord à réaffirmer mon attachement à l'outre-mer français et européen, qui assure notre présence sur des continents et dans des océans lointains. Les départements d'outre-mer, auxquels la France a beaucoup apporté et qui ont beaucoup apporté à la France, restent, malgré une situation économique et de l'emploi préoccupante, des territoires en avance sur beaucoup de leurs voisins. Nous pouvons établir des comparaisons à ce sujet en toute sérénité.
Cela étant, la conjugaison d'une évolution démographique rapide et d'un taux de chômage important, surtout parmi les jeunes, nous interpelle, et nous ne pouvons qu'approuver le caractère prioritaire accordé par le projet de loi à la résorption des handicaps structurels qui ralentissent le développement économique.
A cet égard, la reconnaissance, par l'Union européenne, des départements d'outre-mer comme régions ultrapériphériques a été et doit rester - nous aurons à nous y employer - un atout majeur dans l'action à mener.
Mon intervention se limitera pour l'essentiel à l'aspect institutionnel du projet de loi et portera sur l'articulation entre les différents niveaux de collectivités territoriales, sur la coopération décentralisée et sur l'identité culturelle.
Le problème de l'articulation entre les différents niveaux de collectivités territoriales se pose depuis 1982, année au cours de laquelle ont été créées les régions monodépartementales, entités à propos desquelles le Sénat avait exprimé de grandes réserves. Il est en effet évident que deux collectivités compétentes pour un même territoire entrent inévitablement, à un moment ou à un autre, en compétition, quels que soient les efforts entrepris pour clarifier leurs compétences respectives.
A cet égard, je ne crois pas que le congrès, chargé de les coordonner, soit le remède à la situation. Ne risque-t-il pas plutôt de s'ériger lui-même en une collectivité supplémentaire et d'aboutir à une complication plutôt qu'à la clarification recherchée ? Est-il nécessaire de recourir à une structure là où la concertation entre deux collectivités peut et doit s'engager d'une manière spontanée et naturelle ?
MM. Jacques Machet et Lucien Lanier. Très bien !
M. Daniel Hoeffel. Je pose la question. Je vous laisse le soin d'y répondre, monsieur le secrétaire d'Etat.
Cette même crainte vaut également pour le projet de bidépartementalisation de la Réunion. J'ai pu y constater que les vingt-quatre communes étaient regroupées en six communautés de communes. Le nombre des collectivités de base y est donc réduit, et, objectivement, je ne crois pas qu'il soit nécessaire de créer un deuxième département.
M. Jacques Machet. Très bien !
M. Daniel Hoeffel. Multiplier les collectivités et les strates est loin d'être garant d'efficacité. (MM. Machet, Nogrix et Lauret applaudissent.) Cela vaut pour l'outre-mer comme pour la métropole.
M. Jacques Machet. Exactement !
M. Daniel Hoeffel. Et je ne suis pas sûr que la bidépartementalisation introduite dans telle autre région insulaire ait été une contribution incontestée à la solution des problèmes.
M. Philippe Nogrix. Très bien !
M. Daniel Hoeffel. Par surcroît, il n'est pas souhaitable de bâtir une évolution comme celle de la bidépartementalisation sur un fondement aujourd'hui encore controversé.
Ma deuxième observation concerne la coopération décentralisée. Elle est nécessaire, et nous devons l'approuver sans réserve. La coopération transfrontalière est aujourd'hui une réalité dans toutes nos régions frontalières de métropole, et elle est appelée à se développer rapidement, car l'espace européen est aujourd'hui un fait, une réalité. La géographie et l'aménagement du territoire commandent, et même les tenants d'une conception passéiste de la souveraineté nationale doivent s'incliner. C'est plus vrai encore pour les départements d'outre-mer.
Chacun de nos départements d'outre-mer se trouve placé dans un environnement dont il est tributaire et auquel il apporte sa propre contribution. Les départements et les régions d'outre-mer doivent, conjointement avec l'Etat, pouvoir établir des contacts, négocier des accords et des conventions, et participer aux organisations internationales régionales. Nous avons tout intérêt à ce que, grâce à de telles initiatives, la France puisse rayonner dans les Caraïbes, sur le versant nord de l'Amérique du Sud et dans l'océan Indien. Encore faut-il veiller à ce que, dans cette coopération décentralisée, chaque niveau agisse dans les limites de ses compétences et dans un esprit de complémentarité et de coopération indispensable à une bonne image de notre pays auprès de ses voisins.
La troisième observation concerne l'identité culturelle.
Le temps de l'uniformité culturelle est derrière nous. Celui de la reconnaissance d'identités différentes forgées par le contexte géographique, l'histoire et l'héritage a sonné. Reconnaître des langues régionales, des dialectes locaux - et je suis attaché au mien -, admettre que la langue du voisin ne soit pas la même partout sont des impératifs qui s'imposent pour que la culture et l'identité de chacun des départements d'outre-mer puissent s'épanouir.
L'uniformisation artificielle et le nivellement des cultures ne correspondent pas aux aspirations des gens, et l'épanouissement de ces cultures ne me paraît être en rien une menace pour le rayonnement de notre pays. Cohésion nationale et diversité culturelle sont loin d'être incompatibles.
M. Jacques Machet. Très bien !
M. Daniel Hoeffel. Ce qui est vrai sur le plan culturel l'est aussi sur le plan institutionnel. Parmi toutes les régions ultrapériphériques - cela a été rappelé tout au long des débats de cet après-midi - nos départements d'outre-mer sont certainement ceux dont le statut tient le moins compte de la spécificité de l'outre-mer et de la diversité interne à l'outre-mer.
A l'uniformité doivent succéder la diversité et la souplesse, non par une multiplication des structures, qui n'apporte rien de plus, mais par des compétences élargies dévolues aux départements d'outre-mer.
Et pourquoi ne pas admettre pour l'outre-mer, et pas seulement pour l'outre-mer la faculté d'expérimenter pour permettre des adaptations rapides et nécessaires ?
M. Jacques Machet. Très bien !
M. Daniel Hoeffel. Sur ce plan, le projet de loi qui nous est soumis n'a probablement pas le souffle qu'appellent la conjoncture actuelle et la nécessité de préparer l'avenir. Ce qui ne veut pas dire, monsieur le secrétaire d'Etat, et c'est toute la difficulté pour vous, que je sous-estime les obstacles qui doivent être surmontés sur le chemin de cette réforme.
C'est pour ces raisons que je voterai les propositions présentées par nos rapporteurs, en particulier celles de notre collègue José Balarello, rapporteur de la commission des lois. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR, des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Lauret.
M. Edmond Lauret. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, mes premiers mots seront pour remercier M. le président et les membres de la commission des lois, qui, par leur déplacement outre-mer, ont pu se rendre compte de la réalité de la situation tant dans les départements français d'Amérique qu'à la Réunion.
Je remercie aussi MM. les rapporteurs des commissions des affaires sociales, des affaires économiques et des affaires culturelles pour la qualité de leurs rapports qui montrent, si besoin en était, leur profonde connaissance de nos régions.
A la Réunion, monsieur le secrétaire d'Etat, il y a pratiquement autant de personnes au travail que de personnes privées de travail, vous le savez. En métropole, le chômage vient de passer sous la barre des 10 %.
A la Réunion, monsieur le secrétaire d'Etat, plus de 60 000 personnes perçoivent le RMI, ce qui représente pour l'Etat une dépense de 1,2 milliard de francs. Ce chiffre peut paraître énorme pour le budget de l'Etat ; il faut cependant le rapprocher de celui qui est encaissé par La Française des jeux et le PMU : 1,4 milliard de francs pour l'année 1999 !
A la Réunion, monsieur le secrétaire d'Etat, il faudrait construire 10 000 logements par an pour répondre à la demande. On en construit à peine 6 000...
Face à une telle situation, les Réunionnais - les Domiens en général - étaient en droit d'attendre du Gouvernement des mesures exceptionnelles.
En fait, que leur proposez-vous ? Uniquement de belles promesses, qui s'ajoutent à celles que vos amis ont faites à l'occasion des élections de 1997 et de 1998.
Dans l'article 1er de votre projet de loi, vous écrivez : « Le développement des activités économiques, l'aménagement du territoire et de l'emploi dans les DOM constituent une priorité pour la nation. » Une belle profession de foi qui, hélas ! n'en reste qu'au stade du voeu pieux.
L'examen attentif de votre projet de loi, que vous avez mis trois ans à rédiger, monsieur le secrétaire d'Etat, entraîne une forte déception des populations et des élus d'outre-mer. Contrairement aux exhortations de l'article 1er, il ne règle en rien nos difficultés, ni sur le plan économique, ni sur le plan social, ni sur le plan culturel, et encore moins sur le plan politique.
Sur le plan économique, pas moins de huit articles et seize pages de texte sont consacrés au nécessaire développement des DOM.
En réalité, ces propositions ne sont que la restauration et l'amélioration de la loi Perben de 1994, votée sous le gouvernement Balladur.
L'exonération des charges patronales de sécurité sociale pour les petites entreprises répond à nos préoccupations et à nos demandes répétées, mais sa limitation aux seules entreprises de moins de dix salariés entraînera, de l'avis de tous les experts, un effet de seuil et une distorsion de concurrence. Nous proposerons de casser cet effet de seuil par un amendement.
Les dispositions relatives à l'emploi des jeunes - le projet initiative-jeunes - sont timides et n'auront pas d'effets sensibles compte tenu de l'importance du chômage des jeunes en outre-mer, à la Réunion en particulier.
A la Réunion, vingt-six mille jeunes de moins de vingt-cinq ans sont au chômage. Une grande majorité d'entre eux ne sont pas diplômés et sont, de ce fait, exclus du dispositif emplois-jeunes.
La solution est ailleurs, car le tissu économique des DOM ne permet pas - encore moins qu'en métropole - la pérennisation des emplois-jeunes.
La solution résiderait dans l'affectation de ces jeunes dans le secteur privé, et principalement dans le secteur export, cela pour dynamiser les productions tout en évitant de porter atteinte à la règle de la concurrence.
L'article 73 de la Constitution et l'article 299-2 du traité d'Amsterdam rendent désormais possible ce dispositif.
L'argent est là, inutilisé en métropole, alors qu'en outre-mer nous ne bénéficions pas - loin de là ! - d'un volume de crédits compatible avec le nombre de nos jeunes exclus.
Nous devons ici faire preuve d'imagination : c'est l'objet d'un amendement que j'ai déposé.
La retraite ? Vous aviez là l'occasion, monsieur le secrétaire d'Etat, de satisfaire à la fois le patronat et les syndicats locaux qui, d'une même voix, réclamaient l'instauration de cette mesure dès l'âge de cinquante-deux ans.
Résultat : vous avez réussi à vous mettre tous les intéressés à dos, insatisfaits qu'ils sont du seuil fixé à cinquante-cinq ans du « congé solidarité », estimant en plus que cette mesure n'aura pas d'effets pour les petites entreprises non encore soumises aux trente-cinq heures.
De ce fait, son impact sera très limité sur le tissu économique des DOM.
En réalité, monsieur le secrétaire d'Etat, votre projet de loi fait surtout apparaître les impasses que vous avez commises.
Ainsi, il n'y a rien sur la restauration de la loi Pons. Cette loi, que tous les parlementaires d'outre-mer - même ceux qui ont voté contre elle en 1986 - applaudissent aujourd'hui, a été décapitée depuis le retour de la gauche au pouvoir. Et c'est avec inquiétude que nous avons constaté que le présent projet de loi ne la proroge pas. Nous sommes inquiets, car le montant des exonérations proposées dans les premiers articles de la loi se rapproche étrangement de l'économie que vous avez réalisée en « étranglant » la loi Pons.
Monsieur le secrétaire d'Etat, votre Gouvernement a-t-il l'intention de remettre en place un système de défiscalisation outre-mer, ou bien pense-t-il que le présent dispositif d'exonération des charges sociales suffira à le remplacer ? Si tel était le cas, le remède serait pire que le mal.
Rien sur le plan export, alors que, chacun le sait, ce secteur est primordial pour développer l'économie et l'emploi outre-mer.
Rien, ou presque rien sur l'emploi des jeunes.
Rien sur le logement, secteur où, pour la seule Réunion, 10 000 nouveaux logements par an sont nécessaires. Il faudrait donc doubler la ligne budgétaire unique, comme vos amis l'ont promis lors des dernières élections, pour engager le processus de rattrapage.
Les bidonvilles et les taudis, honte de la République française, vont donc continuer à pulluler outre-mer, monsieur le secrétaire d'Etat.
S'agissant du volet social du projet de loi, là encore vous avez raté le rendez-vous avec les habitants des DOM et les Réunionnais en particulier.
Tous les partis politiques, toutes les collectivités locales, tous les syndicats, toutes les associations de chômeurs, tout le monde associatif réclament l'alignement immédiat du RMI et de l'allocation de parent isolé, du complément familial et de l'allocation des mères de familles de plus de cinq enfants.
En effet, la différence de traitement entre le métropolitain et le Français d'outre-mer ne se justifie plus.
Le SMIC est aligné depuis le 1er janvier 1996 grâce à Jacques Chirac.
Les 20 % retenus pour alimenter la créance de proratisation ne bénéficient pas aux RMIistes car, paradoxalement, leurs faibles revenus leur interdisent l'accès aux logements sociaux. C'est un comble !
Le coût de la vie est nettement plus élevé outre-mer. Tout le monde le reconnaît puisque les fonctionnaires, eux, bénéficient d'une indexation de leur salaire.
La dépense publique est inférieure de 40 % à la Réunion par rapport à la moyenne métropolitaine.
Or votre gouvernement met un veto à l'alignement du RMI.
Monsieur le secrétaire d'Etat, sommes-nous, oui ou non, des Français à part entière ? Mes collègues sénateurs de gauche ont déposé un amendement tendant à l'alignement du RMI. Comme l'on dit chez nous : zot i veut bouche les yeux d'Créoles. Les Réunionnais demandent qu'on arrête de leur mentir. Ils savent, pour avoir suivi sur Radio Réunion et Télé Réunion les débats lors de l'examen du projet de loi à l'Assemblée nationale, que le Gouvernement que vous représentez ici refuse cet alignement.
Ils savent aussi que tout amendement d'un parlementaire entraînant des dépenses publiques supplémentaires est irrégulier et contraire à l'article 40 de la Constitution.
C'est au Gouvernement, et à lui seul, de prendre aujourd'hui ses responsabilités et de déposer un amendement d'alignement du RMI et de l'API. S'il ne le fait pas, il montrera la considération réelle qu'il porte aux Réunionnais et aux Domiens en général.
En tout état de cause, à l'approche des élections présidentielles, la pression de la population et des élus locaux obligera votre gouvernement à procéder à cet alignement !
Nous sommes par ailleurs satisfaits que vous ayez repris à l'article 13, sous une appellation différente bien sûr, le dispositif du revenu minimum d'activité, le RMA, que Jean-Paul Virapoullé avait fait voter en 1997 à l'Assemblée nationale, avec l'accord du gouvernement Juppé.
Certes, la copie n'est pas aussi belle que l'original, mais ce dispositif va dans le bon sens, car il a pour objectif de remettre au travail ceux qui en sont aujourd'hui exclus et de leur rendre leur dignité.
Quant au volet culturel, à lire votre projet de loi, monsieur le secrétaire d'Etat, je me suis demandé si vous ne preniez pas un malin plaisir à provoquer.
Les Réunionnais, à l'unanimité, vous demandent l'alignement du RMI, vous le leur refusez.
Les Réunionnais, à une écrasante majorité, sont contre la bidépartementalisation - on en reparlera tout à l'heure - et vous la leur imposez ! Les Réunionnais sont contre l'écriture du créole à l'école, à la demande du député Tamaya, vous proposez l'application dans les DOM de la loi Deixonne sur les langues et dialectes locaux !
En ce qui concerne le créole à l'école, ma position est claire : le créole est déjà présent dans les écoles et c'est une bonne chose.
Mon inquiétude - et celle de mes compatriotes - vient de l'obligation qui pourrait être faite aux enseignants de faire écrire en créole. Ecrire quoi ? Et comment ? Car, vous le savez bien, monsieur le secrétaire d'Etat, il n'existe pas un créole écrit pour la simple raison qu'il y a plusieurs créoles parlés sur la seule Réunion !
Pour ma part, je suis fier d'être créole et de parler l'un de ces créoles. Je le parle tous les jours avec mes enfants, avec mes amis, avec la population. Mais je suis incapable d'écrire une seule phrase qui puisse être comprise par quelqu'un d'autre. Que veut vraiment la majorité plurielle ? Je pense qu'il faut arrêter les provocations.
Enfin et surtout, le volet institutionnel pose de graves difficultés.
Monsieur le secrétaire d'Etat, dans votre projet de loi, vous voulez nous imposer le découpage de notre petite île en deux départements. Nous sommes en droit de nous demander d'où vient cette idée.
Des Réunionnais eux-mêmes ? Pas du tout.
Deux sondages incontestables, dont l'un fut commandé par vos propres services, montrent qu'ils y sont à une forte majorité farouchement opposés. Et si vous aviez encore le moindre doute, la manifestation du 15 mars dernier à Saint-Denis, qui a réuni plus de 20 000 personnes, devrait vous convaincre.
Peut-être les élus locaux vous l'ont-ils demandé ? Pas du tout.
Dans leur grande majorité, ils y sont hostiles. Le conseil général, réuni en assemblée plénière le 17 mars dernier, a émis un avis défavorable à sa propre scission, sur le principe même de la bidépartementalisation, ainsi que sur les modalités proposées par le Gouvernement.
Quant au conseil régional, présidé par notre collègue Vergès, sénateur communiste, il a également refusé et les modalités du découpage proposé - à l'unanimité des vingt-cinq votants - et le principe même de la bidépartementalisation.
Est-ce une demande des forces vives de la Réunion ? Pas du tout.
Ce projet est unanimement condamné par le patronat, les syndicats, la chambre de commerce et d'industrie, les associations de chômeurs... et même par l'église.
Dans sa lettre de présentation du projet de loi, datée du 17 février dernier, M. le Premier ministre fixait deux objectifs à ce projet : la priorité à l'emploi et la prise en compte de la volonté du peuple et de celle des élus locaux.
L'article 38 ne respecte aucun de ces objectifs.
D'une part, le Gouvernement ne tient pas compte de l'avis hostile de la population, des forces vives et des élus locaux. D'autre part, ce projet de bidépartementalisation ne créera pas d'emplois. Vous l'avez vous-même reconnu dans un article paru dans la presse au mois de mars dernier.
C'est encore vous, monsieur le secrétaire d'Etat, qui avez déclaré sur les ondes de Radio Réunion le 3 mars : « Nous proposons cette bidépartementalisation... Il est évident que si, du côté de la Réunion, il y a des avis hostiles qui sont majoritaires, à ce moment-là, les conditions ne seront pas réunies pour créer les deux départements... Je pense que le Gouvernement ne vise pas à imposer cette bidépartementalisation. »
A nos arguments, vous répondez, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'une majorité de parlementaires soutient votre projet. Je crois qu'il est temps d'arrêter le double langage et d'arrêter de mettre en avant les parlementaires quand ça vous arrange. A Mayotte, vous avez refusé de tenir compte de leur avis unanime.
Dois-je encore vous rappeler que la commission « Pour l'avenir de la décentralisation », présidée par notre collègue Pierre Mauroy, ancien Premier ministre, s'est prononcée contre le redécoupage de la carte administrative ?
Enfin, la suppression de l'article 38 n'est pas incompatible avec la position de M. le Président de la République, premièrement, dans la mesure où l'accord des élus était l'une des conditions qu'il avait posées, or cet accord n'existe pas ; deuxièmement dans la mesure où les principes de la République et de la démocratie ne sont pas respectés dans votre démarche.
La Haute Assemblée doit-elle se satisfaire de votre déclaration reprise par la presse locale le 19 mai dernier et ainsi formulée : « Ce sont les députés qui font la loi ! », ou doit-elle bloquer cette manoeuvre de politique politicienne qui n'a pour seul but que de récupérer au profit de la gauche la direction du conseil général de la Réunion, conquise par la majorité présidentielle en 1998 ? A moins que vous n'ayez échangé ce charcutage de mon île contre le soutien d'un parti politique local pour l'élection présidentielle de 2002 !
Le découpage de la Réunion, territoire exigu, en deux départements de cinquante kilomètres sur cinquante constituerait une triple erreur, psychologique, économique et politique.
La seule réforme administrative dont nous avons besoin est celle du découpage de certaines de nos vingt-quatre communes, accompagné du règlement de la situation des 12 000 employés communaux actuellement sans statut, mal payés, taillables et corvéables à merci.
La vérité, monsieur le secrétaire d'Etat, c'est que les DOM ne constituent pas une priorité pour votre gouvernement, alors que cette priorité a été maintes fois affirmée dans le passé par les gouvernements de la Ve République, sous l'impulsion de Michel Debré, puis sous les gouvernements Chirac, Balladur et Juppé.
Il appartiendra au prochain gouvernement qui sera issu des élections législatives de 2002 de mettre en oeuvre le véritable projet dont l'outre-mer a besoin. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Guy Allouche. C'était un discours très modéré...
Mme Dinah Derycke. Tout en nuances ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Vergès.
M. Paul Vergès. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, une porte est aujourd'hui ouverte, bien qu'étroite, sur le développement des régions d'outre-mer dans le cadre de relations refondées avec l'Etat.
La multiplicité, la diversité, la richesse des contributions à la préparation de ce projet de loi, le caractère parfois passionnel - ou bien outrancier, vous venez de le constater - des débats sont riches d'enseignements. Ils témoignent des espoirs soulevés par la loi d'orientation, espoirs qui n'ont cessé de s'amplifier au cours de cette année. Que ces attentes soient lucides ou démesurées, elles expriment que, dans nos territoires en crise, il est vital de pouvoir porter son regard vers un avenir rendu possible pour conjurer l'angoisse d'un quotidien de plus en plus incertain.
Et ces incertitudes vont grandissant dans un monde mouvant, sans cesse renouvelé par les progrès techniques, la globalisation des échanges et les bouleversements démographiques, sans oublier les conséquences importantes des changements climatiques qui s'annoncent, en raison de l'effet de serre.
Ce qui est vrai à l'échelle du monde l'est aussi pour chacun des départements d'outre-mer. En cinquante ans, ceux-ci ont accompli - et souvent subi - des mutations accélérées qui, pour certaines d'entre elles, ont, en Occident, mûri au cours de siècles et de siècles.
C'est, sur le plan économique, le passage, au cours de cette période, d'une économie de plantation - ou de comptoir - à une économie de services. C'est, sur le plan sanitaire et social, les avancées que l'on connaît. C'est, sur le plan des institutions, la sortie du statut de colonie et, sur le plan culturel, les effets d'une politique d'assimilation.
Mais l'analogie entre chaque département d'outre-mer doit s'arrêter là, tant les différences entre nos territoires rendent les exercices de globalisation de plus en plus difficiles.
M. le rapporteur l'a très justement souligné : la situation des départements d'outre-mer se caractérise par une très grande diversité de situations, qui s'explique largement par des réalités géographiques et des héritages historiques différents.
Je me permettrai de compléter son propos en y ajoutant la donnée démographique.
Au regard de la situation réunionnaise, tout ce qu'on dit, tout ce qu'on décide aujourd'hui doit tenir compte de cette donnée et se placer dans cette perspective.
A la Réunion, nous sommes passés de 241 000 habitants en 1945 à 300 000 habitants dans les années soixante, au double, trente ans après, au recensement de 1990, à 700 000 en juin 1998, et nous sommes aujourd'hui en marche vers le million d'habitants, que nous atteindrons vers 2025.
Nous aurons donc jusqu'à l'achèvement de notre transition démographique, dans vingt-cinq ans, à répondre aux besoins supplémentaires de ce qui constituait la totalité de la population réunionnaise dans les années soixante.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, il nous arrive de nous interroger sur les réponses qu'apporterait l'Etat à une situation métropolitaine identique.
Les problèmes se poseraient-ils dans les mêmes termes qu'aujourd'hui si la France devait passer, en trente-cinq ans, de 60 millions d'habitants à 100 millions d'habitants ? Qu'en serait-il de l'objectif d'un retour au plein emploi en dix ans que s'est assigné M. le Premier ministre et son Gouvernement ?
A la Réunion, une étude prospective nous ferme la porte de ce rêve : dans le meilleur des scénarios économiques, avec le maintien d'un taux de croissance soutenu, le taux de chômage régresserait, sur trente ans, de dix points. Il passerait de 37 % aujourd'hui à 27 % en 2030. Voilà, dans la situation actuelle, notre perspective d'avenir.
L'idéal qu'on nous projette, c'est le taux de chômage des Antilles d'aujourd'hui !
C'est en fonction de ces quelques données fondamentales que doivent être imaginées les solutions. C'est en fonction de cela que les moyens doivent être envisagés et appréciés.
Le projet de loi d'orientation représente, il est vrai, un effort budgétaire sans précédent pour les quatre départements d'outre-mer. Il représente quelque 3,5 milliards de francs, plus de quatre fois la loi Perben.
Les dispositions relatives à l'exonération des charges sociales pour les petites entreprises, qui concerneront à la Réunion plus de 90 % des entreprises et des exploitations agricoles, les mesures de soutien à l'exportation, la création d'un dispositif de préretraite, la politique de soutien à une politique culturelle véritable, constituent des avancées incontestables.
Ces mesures nécessaires et attendues ne seront justes et efficaces que si, aux aides accordées aux entreprises, correspond la création d'emplois. Année après année, ces dispositifs devront donc être évalués.
Mais, si nécessaires que soient ces mesures, seront-elles suffisantes pour opérer un véritable renversement de tendance ? Soutenir le tissu économique existant souvent fragilisé est une chose, élargir le marché, en conquérir de nouveaux en est une autre.
Ce que la Réunion demande, ce n'est pas de changer en un jour ce qui n'a pas été fait pendant cinquante ans. Le Gouvernement actuel ne peut être accusé d'un héritage de cinquante ans.
Ce que la Réunion demande, c'est la marque d'une volonté politique soutenue, qui se traduise par un changement aussi soutenu jour après jour : pour reconquérir au maximum notre marché intérieur perdu, aller à la conquête de marchés extérieurs, utiliser l'atout d'une jeunesse formée dans de nombreuses disciplines, créer une économie sociale de services pour des besoins sociaux nouveaux non satisfaits, mais aussi pour rendre compatible l'intégration spécifique à l'Union européenne et l'insertion dans notre environnement géo-économique, dans ses différents cercles : le SADEC pour l'Afrique australe et centrale, le COMESA pour l'Afrique australe et orientale et l'IOR pour les pays riverains de l'océan Indien. C'est une tâche difficile, complexe, mais dont la solution positive est vitale pour notre survie.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous ne le répéterons jamais assez : une politique ambitieuse pour l'outre-mer, la recherche d'un développement durable, obligent à appréhender les changements économiques, démographiques et culturels dans toute leur ampleur. Ces mutations doivent être anticipées plutôt que subies : anticipées, nous pouvons en faire des atouts ; subies au jour le jour, elles seront demain insurmontables.
En effet, la progression démographique comme les effets de la globalisation des échanges sont des forces profondes, constantes et dynamiques. Elles agissent de façon permanente et remettent constamment en cause la réalité.
Tenir compte de ces évolutions, c'est la condition de l'efficacité des mesures que nous décidons aujourd'hui.
Tenir compte de ces évolutions, c'est nécessairement rompre avec la simple continuation d'une politique qui, selon un avis partagé par le plus grand nombre, a fait la preuve de ses limites.
Continuons sur les voies empruntées jusqu'à ce jour... et cette donnée démographique sera un handicap majeur qui annihilera tous les efforts consentis. Ou alors portons un regard historique et appuyons-nous sur ces changements pour les transformer en autant d'atouts au service du développement.
La jeunesse réunionnaise, vous le savez, a atteint un niveau de formation inégalé dans les pays de notre environnement géo-économique. Ces pays sont de plus en plus porteurs de demandes d'échanges et de co-développement.
Le projet de loi d'orientation transfère un certain nombre de compétences aux autorités des exécutifs locaux dans le domaine de la coopération et de l'action internationale, répondant en cela aux demandes unanimes des assemblées locales des départements d'outre-mer. C'est l'usage qui sera fait de ces nouvelles compétences - ou qu'il sera autorisé d'en faire - qui sera décisif dans la délimitation de ce nouveau champ d'action.
La valorisation des atouts de notre île à l'extérieur, l'émergence de véritables pôles d'excellence dans les domaines aussi divers que la culture, les nouvelles techniques de la communication, la recherche agronomique, le développement des énergies renouvelables, la santé, la prévention des phénomènes climatiques, tout cela constitue autant de possibilités réelles de développement interne durable et de coopération avec nos voisins.
Saurons-nous faire de nos jeunes les acteurs de cette politique de transfert de notre savoir-faire ou, au contraire, allons-nous nous résigner à l'idée que les 40 000 étudiants de l'université de l'an 2000 viennent grossir les rangs des exclus et, qui sait ? peut-être, des émeutiers de demain ?
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le développement durable de nos pays ne peut être viable si le système aboutit à une aggravation et à une accélération de la fracture sociale.
On dénombre 120 000 chômeurs, dont 6 000 ont un niveau supérieur au baccalauréat ; 60 000 familles vivent du revenu minimum d'insertion ; des inégalités et l'exclusion s'aggravent de façon continue ... Tout cela explique le caractère éminemment sensible du débat ouvert à la Réunion sur l'achèvement de l'égalité sociale.
Le pire, c'est qu'on a attendu près de cinquante ans pour réaliser l'égalité sociale. Cette attente a laissé grandir, au sein de la population, des soupçons de discriminations qui ont gravement jeté le doute sur la sincérité du principe d'égalité qui est au coeur de la devise républicaine.
Comment expliquer qu'au cours de ces cinquante dernières années, alors que l'on a de nombreuses fois demandé aux Réunionnais d'exprimer leur volonté d'intégration - et qu'ils l'ont manifestée à plusieurs reprises - la réalisation de l'égalité sociale ait sans cesse été différée ?
On mesure aujourd'hui les frustrations accumulées.
La commission des lois a retenu la proposition d'un alignement du RMI dans trois ans. Avec mon collègue Lylian Payet, j'ai déposé un amendement à l'article 11 visant à l'alignement immédiat du RMI.
A la Réunion, en effet, la question de l'égalité en général et celle du RMI en particulier ne constituent plus un problème mathématique ou budgétaire ; il est devenu politique et, au-delà, psychologique et passionnel.
Les Réunionnais s'interrogent sur les raisons profondes pour lesquelles leur sont refusés les droits servis sans restriction en France métropolitaine aux citoyens français et aux résidents étrangers.
Les Réunionnais s'interrogent, mais ils savent très précisément ce qui leur est refusé.
Cette question renvoie immédiatement à celle de l'organisation de l'inégalité des rémunérations outre-mer.
La commission des lois a approuvé le principe de la suppression de la prime d'éloignement dans les fonctions publique d'Etat. Je partage le voeu de la commission, mais il convient d'aller plus loin et de réunir les conditions pour engager une réforme globale en vue de l'harmonisation de tous les revenus.
M. Jean-Jacques Hyest. Très bien !
M. Paul Vergès. Les fonctionnaires ne peuvent en effet être les boucs émissaires d'une situation qu'ils n'ont pas créée.
Ne laissons pas se créer à la Réunion deux mondes qui s'affronteront tôt ou tard.
Passionnelle est également la question de la création d'un second département à la Réunion. Il est assez curieux de constater le déchaînement des passions que suscite un sujet au demeurant assez ennuyeux, en tout cas très technique puisqu'il ne s'agit pas d'autre chose que d'une réforme administrative : rien de plus ni de moins qu'une réorganisation des pouvoirs publics.
Je ne reviendrai pas en détail sur les raisons qui plaident en faveur d'une réforme administrative générale créant de nouvelles communes, de nouveaux cantons et un nouveau département. Une écrasante majorité d'élus réunionnais s'est prononcée par écrit pour une telle réforme générale. Tous sans exception ont signé la demande d'un second département.
M. Guy Allouche. Alors, monsieur Lauret, qu'est-ce que vous nous avez raconté ? (Sourires.) M. Paul Vergès. Le Premier ministre en a pris acte. Le Président de la République a tenu à le souligner à la Réunion même.
C'est le souci d'anticipation et de prise en compte des mutations intervenues au sein de la société réunionnaise depuis 1946 qui milite en faveur de la mise en oeuvre de cette vaste réforme administrative générale dont tous les éléments sont liés les uns aux autres.
Au-delà des fantasmes, il s'agit tout simplement d'adapter les structures administratives de la Réunion à une nouvelle réalité tant démographique qu'économique.
Le rôle d'« île à sucre » assigné à la Réunion pendant un siècle, du lendemain de l'abolition de l'esclavage à la Seconde Guerre mondiale, a permis un aménagement équilibré du territoire réunionnais. Les treize usines sucrières que comptait la Réunion en 1946, équitablement réparties sur l'ensemble du territoire réunionnais, ont assuré des bassins d'emplois équilibrés entre les quatre micro-régions de la Réunion. En 1946, la départementalisation marque le passage d'une société de plantation à une économie de services. Il en est résulté le déclin du secteur primaire et la transformation de l'espace réunionnais. La fermeture des usines et du chemin de fer a provoqué une concentration des populations au plus près des nouveaux secteurs d'emploi : administrations, commerces, services.
Ces activités de services se sont essentiellement développées à Saint-Denis, et en fonction des besoins des bénéficiaires des sur-rémunérations.
D'« île à sucre », la Réunion devenait une petite Californie, mais sans Silicon Valley ; et c'est tout notre problème aujourd'hui !
Tandis que les usines sucrières fermaient les unes après les autres dans l'est, l'ouest et le sud, les principales activités et infrastructures nouvelles furent implantées et construites dans le nord : aéroport, route du littoral, nouveau port...
Les conséquences de ces choix stratégiques conditionnent encore la situation actuelle et sont à la base des déséquilibres constatés entre les micro-régions, des déséquilibres que notre schéma d'aménagement régional, approuvé en Conseil d'Etat, nous commande de corriger au plus vite.
C'est en fonction de cela, et de cela seul, que nous préconisons la création d'un second département.
Quels sont les arguments qui nous sont opposés ? Le coût de la réforme lié au doublement des services et le caractère inopérant de la mesure sur l'emploi.
Soyons clairs : la bidépartementalisation n'est pas le moyen unique du développement ni la solution au problème de l'emploi. Il s'agit d'une mesure intégrée dans un ensemble de mesures prévues par le projet de loi d'orientation. Celui-ci a, d'une part, vocation à servir de socle au développement économique, pour que ce développement soit, autant que possible, durable et respectueux d'un aménagement équilibré du territoire. Il a, d'autre part, vocation a adapter l'organisation de nos pouvoirs publics à une Réunion en marche vers le million d'habitants.
S'agissant du coût, la création d'un second département ne créera pas le doublement des services mais leur dédoublement. Et tout est lié, comme je le disais tout à l'heure, au problème des sur-rémunérations.
La commission des lois recommande la suppression de l'article 38 sans proposer de solutions alternatives, comme elle préconise la suppression pure et simple du congrès dans les départements français d'Amérique.
Mais, dans le même temps, la commission juge le volet institutionnel « décevant », volet qu'elle apprécie comme une « simple étape dans la perspective d'évolutions institutionnelles plus substantielles ».
La commission des lois estime - je cite son rapporteur - que la « départementalisation semble avoir atteint ses limites », mais cette même commission répond à l'aspiration au changement des peuples d'outre-mer par le choix de l'immobilisme et du statu quo .
Nous nageons au coeur de contradictions qu'on ne saurait expliquer autrement que par ce proverbe : quand on ne sait pas où l'on veut aller, tous les chemins y mènent !
Avec ce projet de loi d'orientation, une porte s'ouvre avec la loi d'orientation en faveur d'un développement différencié des régions d'outre-mer dans le cadre de la République. Dans une allocution prononcée en Martinique, le Président de la République a manifesté l'attention qu'il porte à la définition d'un « modèle original de développement pour l'avenir des départements d'outre-mer », ajoutant : « Toutes les propositions, dès lors qu'elles ne mettent pas en cause la République et ses valeurs, sont recevables et légitimes. »
Cette porte ouverte, le sens historique commande à la Haute Assemblée de ne pas la refermer. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen et sur les travées socialistes. - M. Othily applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Payet.
M. Lylian Payet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, annoncé voilà plus d'un an et demi, le projet de loi d'orientation pour l'outre-mer que nous examinons aujourd'hui a pour vaste ambition, exprimée dans son article 1er, d'ériger le développement de nos départements d'outre-mer en « priorité pour la nation ».
Il reconnaît ainsi le caractère réellement inquiétant de la situation économique et sociale des DOM, dont, chaque année, à l'occasion du débat budgétaire, nous dénonçons à cette tribune les effets dramatiques sur la population.
Cette reconnaissance s'était d'ailleurs déjà traduite au niveau européen au travers de l'article 299-2 du traité de l'Union européenne, qui énumère les handicaps des DOM : éloignement, insularité, faible superficie, relief et climat difficiles, dépendance économique, tous « facteurs dont la permanence et la combinaison nuisent gravement au développement ».
J'ajoute à la liste de ces handicaps, une démographie galopante, qui caractérise également les DOM, notamment la Réunion.
Ce constat étant établi, je crains, monsieur le secrétaire d'Etat, que votre texte ne soit pas à la hauteur de l'ambition affichée à l'article 1er. Je souhaite que les amendements qui sont proposés le hissent à cette hauteur.
Bien sûr, le projet de loi comporte des dispositions encourageant l'emploi. Ces dispositions sont indispensables compte tenu du taux de chômage insupportable qui sévit dans les DOM. Mais le texte est beaucoup trop timoré en matière d'égalité sociale.
En fait d'orientation, c'est plutôt à une multiplication des textes d'application que ce projet de loi conduit ! Sur les quarante-deux articles qui ont été présentés à l'Assemblée nationale, dix-neuf, soit près de la moitié, renvoyaient pour leur application à des décrets simples ou en Conseil d'Etat, à des arrêtés, voire à une loi. Cela ne peut que retarder l'entrée en vigueur des dispositions en question.
Je vous demanderai donc, monsieur le secrétaire d'Etat, de veiller à ce que les décrets ou les arrêtés nécessaires soient publiés le plus rapidement possible, comme l'a aussi demandé M. Huchon, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.
Qu'il s'agisse d'une loi d'orientation ou d'une loi portant diverses dispositions en faveur de l'outre-mer, peu importe ! Ce qui compte, ce sont les mesures concrètes qui feront de nos concitoyens d'outre-mer des Français à part entière. Car ils se sentent encore exclus d'une société qui ne leur offre pas les mêmes prestations sociales ni les mêmes chances de trouver un emploi et qui leur refuse la continuité territoriale.
Je veux citer quelques exemples montrant à quel point le principe de continuité territoriale souffre de trop nombreuses exceptions, qui sont autant d'inégalité, voire de discrimination entre les habitants de la métropole et ceux des DOM.
En matière de communications téléphoniques, il est pour le moins anormal que les habitants des DOM ne puissent toujours pas accéder aux numéros dits « verts » ou « indigo », qui commencent en général par l'indicatif 08 et que France Télécom met en place au bénéfice des sociétés métropolitaines pour leurs relations commerciales avec le grand public.
Ne me dites pas que, aujourd'hui, en l'an 2000, à l'heure où l'on peut envoyer, grâce à Internet, des messages électroniques à l'autre bout de la planète, des contraintes d'ordre technique justifient une telle situation.
Il est tout aussi incompréhensible que, à l'intérieur de l'espace Schengen, les déplacements aériens entre la métropole et les DOM soient soumis à des contrôles de la police des frontières. Lorsque le vol est sans escale, l'obligation, pour un ressortissant français, de présenter, au départ comme à l'arrivée, une pièce d'identité constitue non seulement, à chaque fois, une perte de temps, mais aussi une vexation puisqu'on ne le considère pas comme un citoyen français voyageant d'un point à un autre du territoire national. Je vais en Corse : on ne me demande pas de passeport ni de carte d'identité. Je quitte la Réunion pour me rendre à Paris : je dois produire une pièce d'identité au départ et à l'arrivée !
Je crois qu'il faudra remédier à cette situation quelque peu anormale. L'année dernière, La Poste a organisé un concours national afin de pourvoir à plus de 3 000 emplois requérant un faible niveau de qualification. Or aucun centre d'examen n'était prévu à la Réunion, bien que cela eût été matériellement possible. De ce fait, les éventuels candidats réunionnais - et ils devaient être nombreux compte tenu de notre taux de chômage - se trouvaient dans l'obligation de se rendre à leurs frais dans l'un des centres ouverts en métropole ou en Corse. Mais lorsqu'on sait que les postulants étaient, dans leur grande majorité, des jeunes, des chômeurs ou des RMIstes, on comprend qu'ils étaient dans l'impossibilité de financer l'achat d'un billet d'avion aller et retour, et donc exclus de fait d'un concours d'accès à la fonction publique.
L'exclusion, dans les départements d'outre-mer, est une réalité effrayante par son ampleur. Elle justifie la nécessité d'adopter, au nom de la solidarité nationale, des mesures énergiques, spécifiques et adaptées pour lutter contre le fléau du chômage, qui touche trois fois plus de monde qu'en métropole.
Certes, monsieur le secrétaire d'Etat, vous n'êtes pas seul responsable de cette situation. Elle résulte d'une accumulation d'erreurs qui remontent très loin dans le temps et dont la responsabilité incombe aux différents gouvernements de droite ou de gauche qui se sont succédé.
Comme l'indique le rapport d'information de notre commission des lois rédigé à la suite des missions effectuées dans les quatre départements d'outre-mer : « A la Réunion, de l'avis de tous, une priorité absolue doit aujourd'hui être accordée à l'emploi. »
J'avais noté avec inquiétude que, dans l'avant-projet de loi, le développement économique était relégué en quatrième partie. Mais, heureusement, dans sa version finale, le projet de loi situe ce problème à sa juste place : la première.
Certes, la progression du chômage outre-mer ralentit régulièrement. Mais très faiblement, trop faiblement. Et l'écart avec la métropole a tendance à s'amplifier.
Certes, on constate depuis un an un petit frémissement à la baisse du nombre de demandeurs d'emploi. Mais il reste largement en retrait par rapport aux résultats enregistrés en métrople. J'ajoute qu'à la Réunion cette légère diminution - 2,5 % - s'explique avant tout par le recrutement d'emplois-jeunes, que je ne qualifierai pas de massif car il manque de tels emplois. Les emplois-jeunes ont donc apporté un bémol à cette diminution.
La Réunion connaît un paradoxe : son économie est plus dynamique que celle des autres DOM et pourtant son taux de chômage est le plus élevé. En effet, près de 98 000 personnes n'ont pas de travail, soit 37 % de la population active. La Réunion crée plus de 2 000 emplois par an, mais ce chiffre reste très insuffisant pour faire face à l'accroissement démographique qui se traduit par l'arrivée, chaque année, de 10 000 demandeurs d'emploi, parmi lesquels on trouve de nombreux jeunes diplômés.
Dès lors, il est urgent de donner de l'oxygène à une économie asphyxiée par le poids de la démographie, par le coût du travail, par la faiblesse des qualifications, par les contraintes de l'éloignement, par l'étroitesse des marchés locaux, par la concurrence des pays voisins, etc.
Cet oxygène a été, en son temps, apporté par deux types de dispositifs qui viennent à échéance et qui ont fait leurs preuves : l'un, la loi Pons, s'attachait à soutenir les investissements par le biais d'une défiscalisation ; l'autre, la loi Perben, incitait les entreprises à recruter par un mécanisme d'aides à l'emploi.
Vous avez choisi, monsieur le secrétaire d'Etat, de ne reprendre que le second dispositif, en le renforçant, je le reconnais. Je regrette sincèrement que vous ayez renvoyé au mieux à la fin de l'année l'éventuelle relance du premier, c'est-à-dire l'aide fiscale aux investissements outre-mer.
Cela étant dit, soyons honnêtes : les mesures en faveur de l'emploi qui figurent au titre 1er du présent projet de loi vont dans le bon sens, qu'il s'agisse, d'une part, pour les entreprises, des exonérations de cotisations de sécurité sociale ou de l'aide à la création et, d'autre part, pour les jeunes, de l'instauration d'un projet initiative-jeune notamment. La commission des affaires sociales proposera des amendements visant à enrichir ces dispositions pour en renforcer la portée, et je m'y associe entièrement.
L'exclusion économique se double d'une exclusion sociale, car le chômage nourrit une montée de la précarité. La cohésion sociale, que ne parvient plus à maîtriser la traditionnelle solidarité familiale, est dès lors menacée. C'est une spirale infernale.
A la Réunion - le chiffre a déjà été évoqué - le nombre d'allocataires du RMI augmente à un rythme préoccupant. Il est passé de 57 000 en décembre 1998 à 60 000 en août 1999, soit 10 % de la population. Le nombre de logements sociaux reste très nettement insuffisant face aux besoins. Toutefois, je le reconnais, ce n'est pas la faute du Gouvernement, car les crédits sont là ; mais nous ne sommes pas capables de les utiliser. Les élus locaux devront donc - et je prêche pour ma paroisse - être plus dynamiques à cet égard, afin que les logements sociaux soient construits. Mais évitons de faire une querelle politique en disant : c'est la faute d'Untel ou d'Untel. En l'occurrence, la responsabilité se trouve chez nous. Vous avez cependant un rôle à jouer, monsieur le secrétaire d'Etat, pour en impulser davantage.
Je continue à évoquer les logements sociaux. Faute de moyens financiers, les jeunes restent chez leurs parents. Il n'est pas rare que plusieurs générations demeurent sous le même toit. La promiscuité qui en résulte ne peut qu'accroître les tensions.
Faute de moyens financiers, les jeunes sont souvent contraints d'abandonner leurs études. Nous avons un gaspillage d'intelligences à la Réunion. En effet, ceux qui veulent poursuivre leurs études en métropole doivent, du fait du non-respect du principe de la continuité territoriale, surmonter des barrières importantes, notamment le coût de la scolarité. Aussi, ils abandonnent leurs études et se contentent d'un petit emploi-jeune. Nous sommes en train de laisser nos jeunes dans une situation qui ne correspond pas véritablement à la richesse intellectuelle de l'outre-mer.
Les jeunes sont souvent contraints d'abandonner leurs études pour aider leurs parents, ce qui, vous le comprendrez, mes chers collègues, est indéniablement un frein au développement des niveaux de qualification et de formation.
A ce propos, je souhaiterais - je voulais déposer un amendement, car c'est un problème qui dépasse la Réunion - qu'une réflexion soit engagée sur la possibilité d'instaurer, à l'échelon national, un revenu minimum étudiant, dont les jeunes Réunionnais tireraient un grand bénéfice.
Monsieur le secrétaire d'Etat, il y a, dans votre projet de loi, un point qui me déçoit fortement, et je dirai même qu'il me fâche.
M. Georges Othily. Ah !
M. Lylian Payet. Le titre II du projet de loi traite de l'égalité sociale, et c'est là que le bât blesse. « Egalité sociale », tous les politiques ont cette expression à la bouche, mais cela n'est pas suivi d'effet. Il est inacceptable - je vous le dis d'emblée - que ne soient pas immédiatement alignées sur le niveau métropolitain les prestations servies dans les DOM à un niveau inférieur telles que le RMI, l'API et le complément familial. Alors que M. Balarello a tout à l'heure précisé dans son rapport que les lois françaises sont applicables aux DOM et qu'il n'y a pas d'exception, là, le droit commun n'est pas appliqué. Je le regrette.
Juridiquement, en 1998 - et mes collègues l'on rappelé - lors de l'instauration du RMI, la différence des montants de cette prestation selon qu'elle était versée outre-mer ou en métropole s'appuyait sur la différence du montant du SMIC moins élevé outre-mer ; il ne fallait pas que le salaire social, en quelque sorte, soit plus important que le salaire du travail. Depuis cinq ans, cette considération n'a plus lieu d'être puisque le SMIC est désormais versé dans les mêmes conditions. Depuis cinq ans donc des économies, que j'ai l'habitude de qualifier de « sordides », et je continuerai à le faire, sont réalisées sur le dos des plus démunis.
Monsieur le secrétaire d'Etat, pour élaborer ce projet de loi, vous avez, je le reconnais, pris le temps de la réflexion et de la concertation. Je ne suis pas de ceux qui font de la politique politicienne à ce niveau. Les problèmes de la Réunion sont trop importants. Ils doivent dépasser les clivages politiques traditionnels.
Vous avez certes sollicité les avis des uns et des autres. Mais force est de constater que, s'agissant du RMI à la Réunion - vous aurez compris que c'est mon cheval de bataille - vous nous avez sans doute écoutés mais peut-être pas assez entendus. Vous le savez bien, s'il existe un consensus à la Réunion, c'est bien sur ce point. En effet, toute la classe politique et les collectivités demandent un alignement rapide du RMI.
En ce moment même, il est presque une heure du matin à la Réunion et mes compatriotes doivent dormir. Ils sont peut-être fatigués de nous écouter ! (Sourires.) Vous le constatez, même le décalage horaire nous est défavorable ! (Rires.)
M. Jean-Jacques Hyest. Ça, on ne peut pas le changer !
M. Guy Allouche. C'est la faute du Gouvernement,...
M. Lylian Payet. Je n'ai pas dit cela ! Attribuez-le à quelqu'un d'autre, mais pas à moi !
M. Guy Allouche. ... a pensé M. Lauret, et il l'a pensé si fort que nous l'avons entendu ! (Nouveaux rires.)
M. Lylian Payet. Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez fait un geste à l'Assemblée nationale en abaissant de cinq ans à trois ans le délai d'alignement du RMI. Mais ce geste ne suffit pas. Un délai de trois ans pour appliquer le droit commun, ajouté aux cinq ans passés, est vraiment trop long. Je regrette que vous vous réfugiiez derrière les impératifs du ministère des finances pour refuser à nos compatriotes d'outre-mer l'application d'un droit. A travers le respect de l'égalité sociale, c'est le principe même de la citoyenneté française de l'outre-mer qui est en cause.
Je regrette aussi que la commission des affaires sociales, lors des travaux préparatoires, n'ait pas voulu me suivre sur ce dossier, considérant que la proposition du Gouvernement, et je cite les propos du rapporteur, était « un bon compromis ». Il n'y a pas de bon compromis dans l'application du principe de l'égalité sociale. Je réfute personnellement cette expression.
J'ai donc déposé avec mon collègue Paul Vergès, qui l'a indiqué tout à l'heure, un amendement à l'article 11 en faveur de l'alignement immédiat du RMI, et je ne désespère pas de voir d'ici, à l'examen de cette disposition, la commission se rallier à la cause des Réunionnais ! Le principe de l'égalité sociale n'accepte pas de compromis.
Bien entendu, nous demanderons également l'alignement immédiat de l'allocation de parent isolé. Sur ce point, je ne suis pas non plus d'accord avec la proposition de la commission des affaires sociales prévoyant un rattrapage sur sept ans. Certes, nous sommes à 10 000 kilomètres de la métropole, mais ce n'est pas une raison pour attendre sept ans. Le rattrapage de l'allocation de parent isolé, prévu dans le texte sur sept ans, est tout aussi inacceptable sur le plan de l'équité. De même, il est injustifiable que le complément familial s'élève à 889 francs lorsqu'il est versé en métropole mais qu'il ne dépasse pas 508 francs lorsque son bénéficiaire réside dans un DOM. Nous avons l'impression, parfois, d'être des Français entièrement à part, faisant l'objet d'un traitement différencié, mais pas dans le bon sens.
L'énumération de ces différences, de ces délais injustifiés, de ces arguments qui, à mes yeux, sont fallacieux, prouve, si besoin était, que les Réunionnais ne sont pas considérés comme des Français à part entière.
Enfin, à propos des amendements que je présenterai, je souhaiterais que la situation des artisans taxis de la Réunion connaisse enfin une issue favorable, car leur situation est jusqu'à présent bloquée en raison de l'inadéquation des textes.
Je ne m'attarderai pas sur les autres aspects de ce projet de loi car, je le répète, j'estime que la priorité doit être apportée au développement économique et social de nos départements d'outre-mer.
Je formulerai néanmoins deux remarques sur les dispositions de nature institutionnelle.
La création proposée d'un congrès dans les départements français d'Amérique et d'un second département à la Réunion a focalisé le débat, en occultant ou, du moins, en reléguant au second plan les interrogations de nos compatriotes quant à leur avenir social et économique, et je le regrette. A la Réunion, c'est : « bi-dep », « pas bi-dep », « coup pa nous ». Et rien d'autre.
Dans un projet de loi comportant autant d'articles, il était bon de traiter en avançant des arguments pour ou contre, mais peut-être aussi, en dépassant les clivages politiques traditionnels. La Réunion est une petite île et les résultats seraient certainement meilleurs si nous parvenions à dépasser ces clivages.
Pour la Réunion, il conviendrait davantage de réfléchir au moyen d'encourager le redécoupage des communes. La bidépartementalisation peut être le facteur déclenchant. Je ne suis pas un farouche défenseur de la bidépartementalisation, pas autant que Chirac qui est venu chez nous... en disant, lorsqu'il a posé le pied sur le terrain de Gillot : il faut deux départements à la Réunion.
M. Edmond Lauret. ... si les élus sont d'accord !
M. Lylian Payet. C'est ce qui a été dit après, pour rattraper !
M. Edmond Lauret. Non, c'est ce qu'il a dit !
M. Lylian Payet. Je ne suis pas non plus un farouche opposant à la bidépartementalisation. Il y a tout de même beaucoup d'élus réunionnais qui se sont positionnés ainsi. La vérité n'appartient pas à une partie de la Réunion ni à l'autre. Il faudrait peut-être discuter d'une manière sereine et objective. A cet égard, je regrette que, ce matin, au cours d'une conférence de presse, un collègue, pour jeter le discrédit sur Paul Vergès et moi-même, ait dit que nous étions absents de la commission des lois lorsque ce problème a été débattu. Tenir un tel propos, c'est de la malhonnêteté dans un débat démocratique ! Si M. le président de la commission des lois était présent en cet instant, je lui aurais demandé de me donner acte du fait que mon collègue Paul Vergès et moi-même ne sommes pas membres de cette commission. On ne peut pas, en faisant venir une délégation de la Réunion, importer une conception cocotière du débat démocratique. Je refuse cette position !
Ma deuxième remarque concerne la coopération régionale : les compétences nouvelles données en ce domaine aux collectivités, conseil régional et conseil général, recueillent mon assentiment dans la mesure où, désormais, à l'occasion des négociations d'accords internationaux avec les pays environnants, les élus locaux occuperont un véritable siège, et non plus un simple strapontin.
Pour avoir été vice-président du conseil régional, chargé de la coopération régionale, j'ai pu constater que, dans les pays de la zone île Maurice, Madagascar, les Seychelles et les Comores, le préfet traitait les problèmes à notre place, alors que nous n'avions droit, quant à nous, qu'à un strapontin ! Merci donc, monsieur le secrétaire d'Etat, pour cette disposition qui permettra aux élus d'outre-mer de montrer qu'ils existent et qu'ils sont capables, sans passer par Paris, de traiter des problèmes avec les pays environnants !
Je suis donc d'accord, sur ce point, avec le titre du rapport de notre collègue Claude Lise : nous sommes en effet sur « la voie de la responsabilité ».
Je dirai un mot, enfin, sur la culture et sur les identités outre-mer. Je suis en effet vice-président, chargé de la culture, du conseil régional de la Réunion, sous l'autorité de Paul Vergès. Je n'appartiens certes pas à la même sensibilité politique que ce dernier, mais je travaille dans le cadre du rassemblement, car le traitement de certains problèmes se posant à la Réunion doit dépasser les clivages politiques.
L'enseignement du créole doit rester facultatif, comme M. Reux l'a précisé. Le rendre obligatoire ne pourrait que lui nuire en le figeant, car il s'agit d'une langue de tradition orale qui évolue. Le proposer à certains examens en option, par exemple au baccalauréat, lui reconnaîtra le statut de langue régionale. C'est un bon début.
En conclusion, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ce projet de loi est sans doute imparfait, mais il tente de résoudre les problèmes économiques dramatiques des départements d'outre-mer. J'attends quand même, pour me prononcer, que la suite de la discussion prouve qu'il reconnaît aussi les droits sociaux de nos compatriotes. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur certaines travées de l'Union centriste. - M. Vergès applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Désiré.
M. Rodolphe Désiré. Le texte du projet de loi d'orientation pour l'outre-mer adopté par l'Assemblée nationale est le résultat d'un travail original et considérable : dix-huit mois de préparation, plusieurs milliers d'interlocuteurs, des rapports riches et denses, divers sondages d'opinion, plusieurs visites de M. le Premier ministre et de vous-même, monsieur le secrétaire d'Etat, aux Antilles-Guyane et à la Réunion.
S'écartant des approches émotionnelles trop souvent pratiquées à l'égard des départements d'outre-mer, le Gouvernement aura tenté, cette fois-ci, une approche rationnelle, allant assez loin dans l'effort d'analyse des problèmes rencontrés et dans la recherche de solutions susceptibles de faire évoluer positivement les difficultés politiques et économiques auxquelles se trouvent aujourd'hui confrontés ces départements.
Votre mérite, monsieur le secrétaire d'Etat, aura été de tenter d'ouvrir grandes les portes du débat sur l'outre-mer et de faire prendre conscience à l'échelon national de la complexité des problèmes auxquels nous sommes confrontés.
Force est de constater que ces difficultés sont énormes, sur le plan tant de l'évolution des institutions, pour renforcer la démocratie locale, que des mesures susceptibles de nous faire passer d'un état de « mal-développement » post-colonial à un niveau économique compatible avec notre appartenance à un espace développé tel que l'Europe. Ce sont, me semble-t-il, les objectifs que le Gouvernement visait lorsque cette loi d'orientation a été mise en chantier en octobre 1998 par M. le Premier ministre, Lionel Jospin.
Admettons sans ambages, au seuil de cette première lecture du projet de loi au Sénat, que nous aboutissons à un blocage sur la question institutionnelle et que l'effort consenti sur le plan économique, quoique très significatif, avec 5 milliards de francs supplémentaires pour l'aide à l'emploi, ne sera pas suffisant pour apporter des solutions durables aux difficultés que rencontrent aujourd'hui les entreprises de ces départements, dans un contexte d'ouverture des marchés et de concurrence commerciale mondiale.
D'aucuns pensent que les problèmes à résoudre sont avant tout d'ordre économique et que, à l'évidence, un changement de statut ne serait pas suffisant pour apporter des solutions immédiates aux handicaps dont nous souffrons. Telle n'est pas mon opinion.
Les racines du mal se trouvent, en réalité, dans l'héritage du système colonial post-esclavagiste de monoculture et dans les handicaps structurels dont nous souffrons et qui sont propres aux régions ultrapériphériques de l'Europe.
Je ne crois donc pas que l'on puisse assainir nos économies insulaires sans remettre en cause le système institutionnel que nous connaissons depuis 1946 et qui a abouti, en 1982, entre autres perversions, à la mise en place de deux exécutifs sur un même territoire, ce qui n'avait jamais été imaginé par le législateur et pas plus souhaité par les populations concernées.
Le résultat est que, après cinquante années de départementalisation, on ne peut s'empêcher de souligner les aspects négatifs de la situation des départements d'outre-mer, d'ailleurs mentionnés dans de nombreux rapports remis au Gouvernement.
Pour résumer, j'appellerai votre attention sur les points suivants : 30 % en moyenne de la population active - il s'agit en grande majorité de jeunes - est au chômage ; notre PIB moyen est inférieur de moitié au PIB moyen métropolitain ; il n'y a pas eu, comme ce fut le cas en Europe, d'accumulation du capital dans ces départements, ce qui explique l'absence de fonds propres de leurs entreprises et leurs difficultés actuelles ; notre économie traditionnelle - agriculture, artisanat et tourisme - est à bout de souffle devant la concurrence extérieure ; la couverture des importations par les exportations est en moyenne de 12 % ; la dépendance financière est totale à l'égard de la métropole et devrait s'aggraver de plus en plus, cette loi étant un indice ; la bureaucratie administrative est paralysante et inadaptée.
Enfin, on assiste à une perte de confiance progressive des entrepreneurs et des jeunes dans un système où l'on a le sentiment insupportable de vivre impuissant en pays dominé.
A cela, j'ajouterai un point que personne n'ose aborder avec franchise dans l'analyse de la situation : l'effet pervers de la surrémunération des fonctionnaires, qui induit, dans les départements d'outre-mer, une société à quatre vitesses, profondément injuste.
M. Edmond Lauret. C'est un fait !
M. Rodolphe Désiré. En bas de l'échelle, plus de 30 % de la population vit dans la précarité, avec un revenu ne dépassant pas 3 000 francs par mois ; au deuxième niveau, les personnes travaillant dans le secteur privé sont payées pour la plupart au SMIC, égal, il est vrai, depuis 1995, au SMIC métropolitain ; ensuite, les fonctionnaires autochtones bénéficient de la prime majorée brute de 40 % aux Antilles-Guyane et de 53 % à la Réunion ; enfin, les fonctionnaires d'origine métropolitaine, fonctionnaires de l'Etat, perçoivent, outre 40 % d'indemnités au titre de la cherté de la vie, une indemnité d'éloignement correspondant à douze mois de traitement brut pour trois ans de service, ainsi que de multiples autres avantages.
Selon le rapport Fragonard, le coût des surrémunérations des fonctionnaires outremer s'élève à 8 milliards de francs par an. Cette somme atteindra, pour l'exercice 2000-2006, le chiffre prodigieux de 48 milliards de francs.
A titre comparatif, pendant la même période, l'aide européenne s'élèvera à 24 milliards de francs. Autrement dit, l'Etat aura dépensé deux fois plus pour assurer les surrémunérations des fonctionnaires que l'Europe aura apporté d'aides pour le développement.
Il serait injuste cependant d'ignorer les importantes avancées qu'ont connues ces territoires depuis la loi de départementalisation de 1946. Des progrès considérables ont été réalisés dans les domaines de la santé, de l'éducation, de l'amélioration de l'habitat, des infrastructures et du niveau de vie.
L'égalité sociale avec la métropole, atteinte en 1995, est un succès, et il est exact que les départements d'outre-mer disposent d'un niveau de vie nettement supérieur par rapport aux pays voisins de leur espace géographique.
Pour résumer, ce « mal-développement » - il faut bien le dire - n'a pu découler que des politiques constantes menées par l'Etat depuis 1946, politiques fondées sur les principes de l'assimilation et de l'application sans nuances du droit commun d'une société avancée comme la France aux sociétés de monoculture que constituaient les quatre vieilles colonies.
Pour en revenir à votre projet de loi, je dirai, monsieur le secrétaire d'Etat, que, bien que conscient des efforts effectués, je ne considère pas que le texte actuel peut répondre suffisamment à la gravité de la situation sur le plan tant institutionnel qu'économique.
Concernant l'aspect institutionnel, l'article 39 propose la création d'un congrès, nouvel outil de liaison entre le conseil général et le conseil régional.
Cette proposition a soulevé des tempêtes, voire des ouragans de protestations outre-mer. On a assisté à une véritable cacophonie, et il n'est pas étonnant, aujourd'hui, que vous vous soyez montré prudent et que le Gouvernement n'ose avancer dans ce domaine. Mais « qui observe le vent ne sème pas, et qui considère les nuages ne moissonne pas », dirai-je ! MM. Lise et Tamaya écrivent ceci, à la page 93 de leur rapport : « A défaut de pouvoir modifier l'article 73 de la Constitution, les changements institutionnels éventuels, y compris la simple mise en place d'une assemblée unique, ne peuvent être mis en oeuvre dans l'immédiat. »
Cependant, même la proposition de création d'un congrès, pourtant sans rapport avec un exécutif unique, a été largement édulcorée, voire vidée de sa substance, après les avis du Conseil d'Etat et de la commission des lois de l'Assemblée nationale, compte tenu de l'article 73 de la Constitution.
En définitive, nous ne pourrions même pas envisager, comme solution de rechange, la mise en place d'un conseil tel que celui de Paris, où coexistent deux collectivités locales sur un même territoire : le département et la commune.
Je conviens cependant de l'intérêt du nouvel article L. 5915-1 du code général des collectivités territoriales, proposé dans le rapport Lise-Tamaya : « Le congrès délibère de toute proposition d'évolution institutionnelle, de toute proposition relative à de nouveaux transferts de compétences de l'Etat vers les départements et les régions concernés. » Ce serait, si la proposition de création d'un congrès était adoptée par le Parlement, le seul espace législatif où le problème de l'évolution du statut pourrait être posé.
En fait, il est évident, monsieur le secrétaire d'Etat, que, dans le contexte actuel, c'est le maximum que vous ayez pu obtenir concernant l'amélioration des institutions des DOM, et je suis de ceux qui pensent que, comme dit le vieux proverbe, « mieux vaut allumer une chandelle que de maudire l'obscurité ». (M. le secrétaire d'Etat sourit.)
Je suis cependant obligé de vous faire part de mes doutes sur l'efficacité du congrès, compte tenu de l'impossibilité, pour deux exécutifs présents sur un même territoire, de s'entendre.
J'évoquerai le cas de la Martinique. La loi de décembre 1992 portant répartition des compétences dans le domaine du tourisme avait prescrit l'élaboration d'un schéma de développement et d'aménagement touristique, commun au département et à la région et prévoyant 900 millions de francs de crédits à ce titre pour la période 2000-2006.
A la Martinique, en juin 1999, après quatre années d'élaboration, ce schéma a été adopté à l'unanimité des deux assemblées moins une abstention. Or, jusqu'à ce jour, soit un an après, pas une disposition de ce texte n'a été appliquée.
Ce blocage est encore plus consternant s'agissant du schéma d'aménagement des transports terrestres, qui représente un enjeu de plus de 2 milliards de francs. Alors qu'un projet commun devait être déposé à Bruxelles au plus tard le 11 juin, il existe aujourd'hui deux projets - celui du conseil général et celui du conseil régional -, la majorité de ces deux assemblées souhaitant un changement de statut.
On peut se demander, devant pareille impuissance, si la faute incombe au conseil général ou au conseil régional. Je serai tenté de dire que c'est la faute de ce « système schizophrène », celui du double exécutif sur un territoire de 1 100 kilomètres carrés pour moins de 400 000 habitants.
Vous voyez bien, monsieur le secrétaire d'Etat, que la région monodépartementale est un non-sens. Ce système affaiblit le pouvoir exécutif local plus qu'il ne le renforce. Dès lors, vouloir plus d'intelligence, plus de cohérence, plus d'efficacité, plus de responsabilité pour le pouvoir local aux Antilles-Guyane ne peut être envisagé sans révision de la Constitution.
Il est donc urgent de redéfinir, pour un meilleur avenir, la place des départements d'outre-mer dans l'ensemble français.
C'est exactement le sens de l'article intitulé « La Corse, c'est nous », que notre collègue Robert Badinter, ancien président du Conseil constitutionnel, a fait paraître récemment dans Le Nouvel Observateur et qu'il concluait ainsi : « Un statut nouveau pour la Corse au sein de la République concerne la République toute entière. C'est donc à tous les citoyens français, y compris les Corses, mais pas seulement les Corses, qu'il conviendrait de soumettre un tel projet s'il modifiait la nature même de la République. »
Si l'on suit bien ce raisonnement, il faut donc par analogie, puisque nous sommes des départements français comme les autres - nous sommes des départements « outre-mer » et non pas des départements « d'outre-mer » - affirmer que les DOM, c'est nous ! L'amélioration du cadre institutionnel des DOM dans l'espace de la République française ne peut être engagée qu'à partir de la prise en compte par le Parlement, par le Gouvernement, par le Président de la République et par le peuple français tout entier, c'est-à-dire dans le sens du consensus local dont vous avez parlé tout à l'heure, monsieur le secrétaire d'Etat.
C'est la raison pour laquelle je pense que tout déblocage - certains disent « désenkayage » - du système passe par le déverrouillage ou la révision de l'article 73 de la Constitution.
Dans le même sens, l'Union européenne est convenue de réécrire l'article 227-2 du traité de Rome, devenu l'article 299-2 du traité d'Amsterdam.
Cet article 299-2 reconnaît les spécificités des sept régions ultra-périphériques et maritimes - Madère, les Açores, les Canaries et les quatre DOM - et prend en compte les handicaps structurels auxquels elles sont confrontées : éloignement, insularité, retard de développement, étroitesse des marchés intérieurs.
Une nouvelle rédaction de l'article 73, reconnaissant les spécificités des départements d'outre-mer, donnerait la possibilité au Gouvernement de répondre, dans le cadre de la Constitution, aux revendications qui se manifestent aujourd'hui, que ce soit le statu quo avec deux exécutifs sur un même territoire, deux départements - et pourquoi pas trois ? - ou encore l'assemblée unique, mais aussi, comme je le préconise, avec d'autres, la création de régions autonomes outre-mer comparables aux régions autonomes espagnoles et portugaises.
Autrement dit, elles pourraient choisir du prêt-à-porter et non pas un costume taillé sur mesure, ô combien coûteux et difficile à faire ! Evidemment, une fois l'article 73 modifié, aucun changement ne devrait intervenir sans consultation des populations concernées.
C'est, à mon avis, la voie à emprunter si l'on envisage d'engager le développement durable de ces régions, c'est-à-dire de conjuguer le développement économique, la cohésion sociale ainsi que la protection et la mise en valeur de leur environnement naturel et culturel.
Monsieur le président, mes chers collègues, j'ai tenté de vous convaincre qu'on ne pourra pas, sans préalable institutionnel, réformer en profondeur les institutions et les économies des départements d'outre-mer.
Avant de terminer, je ferai quelques brèves observations sur les propositions économiques du texte qui nous est présenté.
J'apprécie les mesures visant à la bonification du travail proposées aujourd'hui par le Gouvernement, mesures très attendues par les entreprises, qui connaissent d'énormes difficultés de trésorerie ; mais je doute que ces mesures - malgré l'importance des sommes qui y seront consacrées, soit 5 milliards de francs - suffisent, à elles seules, à mettre les DOM sur la voie d'un développement durable.
Si l'on veut parler de développement durable, il faut pouvoir préalablement mettre en place une véritable politique d'accession au crédit. Les taux d'intérêt pratiqués aujourd'hui dans les DOM sont de 2 % à 3 % - voire 8 % pour les avances de crédits - plus élevés que ceux de la métropole, et cela est incompatible avec l'investissement productif.
Il faut créer une atmosphère fiscale incitative pour les investisseurs. Il est urgent de mettre en place un nouveau système de soutien fiscal aux investissements outre-mer pour compenser les insuffisances de la loi de défiscalisation actuelle et encourager la relance de l'économie. Vous vous êtes engagé en ce sens dans votre intervention.
Il faut avoir l'ambition d'inscrire les DOM de manière prioritaire dans la société de l'information, comme l'a souligné récemment le dernier conseil des ministres européens à Lisbonne.
Il faut, dans l'immédiat, mettre en place des mesures d'accompagnement, notamment en termes de désendettement des entreprises, dès la discussion du budget pour 2001.
J'attire enfin votre attention, monsieur le secrétaire d'Etat, concernant la Martinique, sur la nécessité d'intervenir de façon urgente pour aider le nord, actuellement sinistré sur le plan social, à surmonter la crise de l'ananas et les difficultés que connaît la production de la banane.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous l'avez dit, ce projet de loi d'orientation n'est pas une fin mais un début. Il est indispensable que, très rapidement, dans les deux ans qui viennent, une large réflexion s'instaure sur l'avenir institutionnel des départements d'outre-mer, sur le plan tant national que local, et ce pour permettre la mise en place sur le long terme - vingt ans au moins, et non pas cinq ans, comme pour les plans habituels - d'un véritable plan de rattrapage économique, corollaire indispensable du rattrapage social.
Monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je veux espérer qu'un jour, grâce à la modernisation des institutions et à la création d'un espace économique favorable, les citoyens d'outre-mer pourront, eux aussi, être en mesure de participer véritablement à la création de la richesse nationale, et non pas demeurer éternellement dépendants de la générosité de la métropole.
A ce moment-là, les mots « réparation » et « égalité » auront un véritable sens.
J'emprunterai à Lao-Tseu ma conclusion : « J'ai faim. Tu me donnes un poisson, je te remercie, et je t'en suis reconnaissant. Mais je te remercierais davantage si tu m'apprenais à pêcher. » Voilà la philosophie qui nous convient ! (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen. - MM. les rapporteurs applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, pour commencer je citerai non pas Lao-Tseu, mais le Président de la République - déjà beaucoup cité - car il est important de bien situer le débat.
Dans son discours du 11 mars dernier à la Martinique, le Président de la République exprimait sa conviction que « les statuts uniformes ont vécu, que chaque collectivité d'outre-mer doit pouvoir désormais, si elle le souhaite, évoluer vers un statut différencié, en quelque sorte un statut sur mesure ». M. le rapporteur de la commission des lois, quant à lui, aime bien l'expression « cousu main ». Cela signifie à peu près la même chose.
Il ressort des propos de tous nos collègues de l'outre-mer que nos concitoyens des départements d'outre-mer sont avant tout sensibles aux problèmes de l'emploi, du développement économique, social et culturel - comme partout d'ailleurs, car c'est vrai aussi en métropole - ce en quoi ils ont raison. Mais nous, nous avons un penchant naturel - cela doit être le génie français ! - à souvent, même trop souvent, mettre en avant les problèmes institutionnels - on le vit un peu en ce moment - comme s'ils étaient de nature à tout régler.
De ce point de vue institutionnel, monsieur le secrétaire d'Etat, le projet de loi, s'il comporte des aspects par ailleurs positifs, n'apporte que des réponses à mon sens illusoires aux problèmes posés.
En effet, compte tenu de la diversité des départements d'outre-mer, de leur environnement géographique et économique, la nécessaire déconcentration des décisions et le renforcement des responsabilités exercées à l'échelon local ne nécessitent pas forcément un bricolage des structures administratives, et c'est particulièrement vrai à la Réunion.
L'un de nos collègues disait qu'il n'y avait rien sur le plan institutionnel. Mais le transfert des compétences, n'est-ce pas institutionnel ? La déconcentration des pouvoirs, n'est-ce pas institutionnel ? Autant de points qui figurent dans le projet de loi et qui me paraissent importants.
Tout ce qui concerne la coopération régionale décentralisée, avec les harmonisations nécessaires quant au rôle de l'Etat et des diverses collectivités, ne peut qu'être approuvé, de même que les avancées, certes modestes, en matière de décentralisation et de transfert des compétences aux régions et aux départements d'outrer-mer.
D'ailleurs, on s'interroge sur une nouvelle étape de la décentralisation. Il y a même une mission qui a été mise en place, sous la conduite d'un ancien Premier ministre, également sénateur, pour réfléchir à cette nouvelle étape de la décentralisation, en métropole comme outre-mer. Mais le vieux réflexe jacobin de certains arrête vite toute solution novatrice.
Il n'est qu'à comparer le statut des collectivités d'outre-mer - et pas seulement de celles-là - avec celles d'autres pays européens pour se convaincre que nous sommes aujourd'hui bien timorés dans ce domaine. Le rapport de la commission des lois le montre : à Madère et aux Canaries, la décentralisation est beaucoup plus poussée ; c'est également vrai en Espagne même, où le statut de la Catalogne n'a rien à voir avec celui d'une région française.
Plutôt que de toujours vouloir faire quelque chose de particulier pour l'outre-mer, peut-être conviendrait-il de réfléchir à la décentralisation dans l'ensemble de notre pays !
Certes, l'article 73 de la Constitution limite les possibilités d'innovation, d'autant que la jurisprudence du Conseil constitutionnel a souligné que les adaptations ne peuvent conférer aux DOM une organisation particulière prévue pour les TOM.
L'article 289 du traité d'Amsterdam, que l'on a beaucoup évoqué, vise, lui aussi, les départements d'outre-mer ; mais rien n'aurait interdit, on l'a dit à plusieurs reprises, de viser explicitement la Martinique, la Guadeloupe, la Guyane et la Réunion pour y appliquer les mesures spécifiques prévues par le traité. Je ne vois pas ce qui pourrait s'y opposer puisque d'autres régions périphériques aux statuts diversifiés ont cette possibilité.
Sans doute est-ce pour simplifier que l'on a écrit « départements d'outre-mer », ou alors pour que ceux-ci puissent continuer à bénéficier des fonds structurels, très importants pour eux et qui le seront encore plus dans les années à venir.
Face aux enjeux prioritaires du développement économique et social, que nous propose le projet de loi ? Un congrès ! Un congrès auquel on consacre beaucoup de place dans le texte : on l'organise... on prévoit même son secrétariat.
M. André Lejeune. Et les hôtesses ! (Rires.)
M. Jean-Jacques Hyest. Mais c'est un être hybride. On ne sait pas si c'est une nouvelle collectivité, on ne sait pas ce qu'il va devenir.
Rien n'interdit, par ailleurs, aux collectivités, région et départements, de se réunir pour faire des propositions, et certaines l'ont déjà fait.
Je m'interroge, monsieur le secrétaire d'Etat. Vous avez dit que, pour consulter ultérieurement les populations, il faudrait qu'il y ait une expression politique. Je constate, moi, que, pour la Corse, il n'y a pas eu besoin de congrès. En Corse, il y a deux départements - je vais y revenir tout à l'heure pour la Réunion - et une région. C'est la région qui exerce le pouvoir, et on discute avec elle, me semble-t-il, au niveau gouvernemental d'une évolution du statut de la Corse. Personnellement, j'estime que c'est une tentative intéressante.
Tous nos collègues sentent bien que, pour faire évoluer les départements de façon diversifiée, il faut des interlocuteurs. Vous avez essayé de les trouver. Mais l'outil ne me semble pas bon et, dès lors, il risque d'être décevant. Même avec de la bonne volonté, cela n'ira pas très loin. C'est un peu dommage.
Et c'est pourquoi la commission des lois a estimé que le congrès n'était pas forcément la meilleure solution.
Pour ce qui est de la création de deux départements à la Réunion, je vais vous faire un aveu, mes chers collègues : voilà trente ans que l'on parle du découpage de la Seine-et-Marne, parce que ce département est très grand, qu'il y a une partie nord et une partie sud, et que, de plus, monsieur Vergès, de 1955 à 2002, sa population sera passée de 500 000 à 1 250 000 habitants. Vous imaginez la progression démographique !
M. Guy Allouche. Il faudrait six sénateurs ! (Sourires.)
M. Jean-Jacques Hyest. C'est un autre débat ! Mais j'en suis d'accord à condition qu'on en supprime là où il y en a moins besoin... (Nouveaux sourires.)
Franchement, je n'arrive pas à comprendre pourquoi le fait de couper l'île de la Réunion en deux amènerait un progrès social, favoriserait le développement économique ou faciliterait l'aménagement du territoire !
Au moment où, dans notre pays, on fait tout pour encourager la coopération, pour rassembler les gens certains prétendent même que certaines régions sont trop petites, qu'il faudrait les réunir ! - vous allez exactement à l'inverse du sens de l'histoire en voulant couper le département de la Réunion en deux.
Encore une fois, je ne comprends pas, sauf, bien sûr - mais ce n'est pas possible, les élus sont trop sérieux pour cela - à accréditer l'idée que le développement pourrait être généré par la multiplication des mandats électifs et des administrations locales ! Dédoublement ou pas, tout cela n'est pas très sérieux.
En revanche, on pourrait peut-être envisager, comme le préconisent certains, d'augmenter le nombre des communes en les divisant, certaines étant très vastes. A condition de faire très attention et de ne pas aller, là non plus, alors que la coopération intercommunale se développe partout, dans le sens inverse de l'histoire.
Dans un certain nombre de communes où une partie du territoire est très éloignée du centre, on pourrait aussi envisager un système simple qui consisterait à ouvrir des mairies annexes. Cela permettrait de rapprocher le service public des habitants. Rien ne l'interdit. Et d'ailleurs cela existe, dans des zones de montagne notamment.
Il est donc possible de trouver des solutions toutes simples.
Les promoteurs du projet, qui plus est, ne sont pas toujours d'accord sur le découpage. En effet, selon que l'on coupe à tel ou tel endroit, le résultat n'est plus le même, il n'y a plus d'équilibre.
De toute façon, je le répète, cela n'apportera rien au développement de la Réunion. Si tel devait être le cas, j'y serais, bien sûr, favorable.
On nous dit que presque tous les élus sont d'accord. Or, aujourd'hui, les assemblées locales, conseil général et conseil régional, ne sont pas d'accord. Alors, qui doit-on écouter ?
Notre collègue M. Lauret a évoqué tout à l'heure un précédent, et je suis relativement d'accord avec lui : des parlementaires peuvent être opposés à un projet, mais si l'ensemble des maires concernés y sont favorables, on peut alors conclure que c'est la bonne solution. Ce précédent peut être appliqué à la Réunion, où les assemblées locales, dans leur majorité, sont opposées à la bidépartementalisation.
Monsieur le secrétaire d'Etat, franchement, il vaut mieux s'arrêter là et renoncer à ce projet...
M. Guy Allouche. Rentrons à la maison !
M. Jean-Jacques Hyest. ... qui ne sert à rien et qui n'a d'autre objet que de faire plaisir à quelques-uns !
Cela fait vingt ans que j'entends ce discours. Tout le monde a sans doute été un jour pour la bidépartementalisation, au gré des circonstances ou des majorités. Il en va de même, au demeurant, pour certaines réformes importantes !
Ce qui est sûr, c'est que la population réunionnaise a évolué et mûri. On lui a présenté la bidépartementalisation un peu comme un leurre, alors qu'elle attend bien autre chose ; pour elle, la création de nouveaux échelons administratifs n'est certainement pas la solution qui résoudra tous ses problèmes.
Ce projet a mobilisé bien trop d'énergies, qui auraient pu être utilisées à la résorption de tous les problèmes que mes collègues ont évoqués les uns après les autres à cette tribune.
Même si le projet de loi est modeste, on ne peut bien sûr qu'approuver tout ce qui va dans le sens de la décentralisation, qu'il s'agisse de la consultation des collectivités locales ou de l'exercice de compétences nouvelles.
Nos excellents rapporteurs, que ce soit le rapporteur au fond ou les rapporteurs pour avis, ont largement développé les avancées du projet de loi en ce qui concerne l'économie, l'emploi et le secteur social.
Je ne reprendrai pas le diagnostic sur la situation des départements d'outre-mer, qui est en effet préoccupante. Le déséquilibre démographique et le chômage sont des réalités auxquelles le projet de loi essaie d'apporter des solutions.
Tout ce qui contribuera à la création d'emplois réels - réels ! - au développement économique en liaison avec les zones géographiques dans lesquelles se trouvent les départements d'outre-mer doit, bien sûr, être soutenu.
Cet aspect du projet de loi va d'ailleurs, en l'amplifiant, dans le sens de la loi « Perben », et je me réjouis que l'Etat poursuive dans la même direction pour favoriser le développement des départements d'outre-mer.
Notons toutefois que l'article 5 ne paraît pas tout à fait satisfaisant, monsieur le secrétaire d'Etat, et je crains qu'une généralisation de ces mesures ne soit dangereuse. Le rapporteur de la commission des affaires sociales parlait de « prime à l'incivisme ». Il faut en effet être très vigilant lorsqu'on annule des dettes sociales et fiscales - nous l'avons vu dans d'autres secteurs, notamment s'agissant du surendettement des particuliers - sinon, certains pourraient en profiter et en abuser.
La situation préoccupante des collectivités locales ne peut être occultée. Entre une fonction publique qui bénéficie d'avantages dont la pertinence et les motifs ne sont plus crédibles - M. Vergès a évoqué ce sujet, ainsi que notre collègue Rodolphe Désiré - et un grand nombre d'emplois précaires et d'emplois-jeunes, dont personne ne sait comment les résorber, aura-t-on un jour le courage de remettre en cause des avantages acquis pour un petit nombre, qui accroissent la disparité entre ceux qui en bénéficient et le reste de la population active ?
Les chiffres cités sont éloquents. Une réflexion d'ensemble s'impose. Chacun doit prendre ses responsabilités en ce domaine - je suis d'ailleurs sûr que l'Etat est prêt à assumer les siennes. Voilà déjà de nombreuses années que l'on en parle, sans qu'il y ait eu la moindre avancée.
Par exemple, l'indemnité d'éloignement des fonctionnaires métropolitains ne se justifie absolument pas puisqu'il faut à peu près le même temps, aujourd'hui, pour se rendre dans un département d'outre-mer qu'au fin fond de certaines de nos provinces qui sont complètement enclavées ! Alors, soyons un peu sérieux : nous ne sommes plus au temps de la marine à voile !
Souhaitons, malgré ses imperfections, que le projet de loi contribue à promouvoir le développement durable des DOM, à valoriser leurs atouts majeurs, à compenser le retard d'équipement, à assurer l'égalité sociale et l'accès de tous à l'éducation, à la formation et à la culture.
Cette grande ambition, dont nos compatriotes des DOM sont les premiers acteurs, ne se concrétisera que si l'accroissement des responsabilités locales s'accompagne d'une forte volonté des acteurs politiques, économiques et sociaux.
Nos collègues des départements d'outre-mer et de Saint-Pierre-et-Miquelon nous ont fait part ou vont nous faire part de leurs expériences et de leurs inquiétudes, mais aussi de leurs espoirs.
Monsieur le secrétaire d'Etat, l'histoire des départements d'outre-mer, « avec ses ombres et ses lumières », fait que ceux-ci ont et continueront demain d'avoir une communauté de destin avec la métropole.
D'ailleurs, l'immense majorité de nos compatriotes demeurent attachés à la départementalisation, dont ils savent ce qu'elle a apporté, comme il a été dit à plusieurs reprises.
La France est le seul Etat européen à posséder cette richesse et l'outre-mer lui a, en retour, apporté beaucoup. Dans le cadre de l'Union européenne, il serait dommage que la chance ne soit pas saisie pour que les très importants programmes prévus ne soient pas utilisés comme un atout majeur pour le développement de ces départements au cours des prochaines années.
Je suis convaincu que le projet de loi, en ce qu'il comporte des avancées sur les plans économique et social, aura déjà bien servi. Quant au problème institutionnel, monsieur le secrétaire d'Etat, je pense que l'affaire n'est pas encore mûre. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE et sur certaines travées socialistes).
M. le président. La parole est à M. Reux.
M. Victor Reux. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, c'est en raison du contexte économique et social de la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon que ses élus ont souhaité prendre le train du projet de loi d'orientation destiné principalement aux DOM.
Je rappellerai quelques données essentielles qui la caractérisent depuis l'éradication de sa pêche industrielle au tournant des années quatre-vingt-dix.
Bien que l'on puisse constater quelques bons résultats dus à la diversification économique entreprise depuis le milieu de la décennie précédente, la situation de l'archipel demeure précaire. Les douze mois écoulés ont vu une élévation constante de l'inflation, qui a été de 8,64 % sur un an depuis mai 1999, due partiellement à la hausse du dollar, nos importations se faisant majoritairement en provenance du continent voisin.
Il en a découlé une fragilisation du pouvoir d'achat, et, après plusieurs années de moratoire sur la pêche morutière, la montée en puissance de la pêche artisanale au cours des dernières années se trouve tempérée par la réduction d'un tiers des quotas de morues imposée à notre pays par le Canada pour cette année, rien ne permettant de prévoir une amélioration dans ce secteur.
Les efforts de diversification dans le domaine de cette pêche nouvelle ont permis à nos exportations vers les Etats-Unis et l'Union européenne d'atteindre 50 millions de francs en valeur, soit le quart seulement de leur niveau dix ans auparavant, qui était de l'ordre de 200 millions de francs. Le taux de couverture des importations par les exportations se situe seulement aux alentours de 20 %, alors qu'il atteignait naguère les 50 %.
Le trafic portuaire demeure quant à lui quasi inexistant, ce qui provoque année après année une baisse considérable de droits et taxes pour le budget de la collectivité.
Malgré la fermeture de l'usine de traitement de poisson de Miquelon SA et l'arrêt total de la pêche industrielle de cette collectivité, le niveau global de chômage dans l'archipel a quelque peu baissé. Supérieur à 10 %, il n'a sans doute pas la même importance que dans les DOM, mais son niveau en ce qui concerne les jeunes atteint 26 % de l'ensemble, ce qui demeure très significatif.
La loi sur la réduction du temps de travail à 35 heures, difficile à appliquer, a été à l'origine de conflits sociaux, notamment à La Poste et à EDF. Seules six entreprises étaient parvenues à signer un accord sur la réduction du temps de travail à la fin de 1999, pour une création effective de quelques emplois.
Mettant à profit sa position de pays et territoire d'outre-mer et sa position géographique à la sortie du golfe du Saint-Laurent, Saint-Pierre-et-Miquelon avait pu mettre en place une opération de mise en libre pratique douanière portant essentiellement sur l'aluminium canadien exporté vers l'Union européenne. Cette opération, qui a rapporté à la collectivité 69 millions de francs de 1997 à 1999, a reçu un coup d'arrêt de l'Union européenne, qui n'a toujours pas apporté la preuve de la moindre illégalité survenue de notre fait. Le « trou » dans le budget local ne peut être comblé.
Certes, un espoir nouveau fondé sur les réalités régionales incontestables se développe avec les résultats des premiers travaux de recherche pétrolière au large de Saint-Pierre-et-Miquelon, dans la zone économique exclusive française. Mais, dans la meilleure des hypothèses de services, nous ne verrons aucune retombée importante en matière budgétaire ou d'emploi avant plusieurs années, d'autant que le premier forage sera reporté de deux ans, c'est-à-dire en 2003.
En attendant, notre marge de manoeuvre est singulièrement étroite. Ce qui explique l'attention avec laquelle j'ai suivi le cheminement, lors du débat à l'Assemblée nationale, des demandes exprimées par les élus de Saint-Pierre-et-Miquelon dans le domaine socio-économique au moment de la préparation du projet de loi, mesures dont la plupart ont été prises en compte, comme le démontre la lecture de l'article 40.
Certes, ce train de mesures à caractère social ne porte pas en lui-même une grande ambition ni un véritable projet d'avenir pour Saint-Pierre-et-Miquelon, mais il constitue un effort qui amplifie grandement le dispositif mis en place en 1994 sous le nom de la « loi Perben ».
De ce fait, il nous permettra de poursuivre l'étape de transition dans laquelle nous nous trouvons depuis l'amorce de la diversification économique entreprise dans l'archipel.
La production et l'emploi dans ce secteur devraient bénéficier des mesures visant les entreprises qui exportent par le jeu des primes spécifiques prévues en ce domaine.
Je ne me lancerai pas dans une énumération des mesures étendues à Saint-Pierre-et-Miquelon. Je voudrais simplement signaler les exonérations de cotisations sociales dont pourront dorénavant bénéficier les employeurs et travailleurs indépendants dans la limite du plafond de la sécurité sociale, tel qu'il est défini localement. Cela me paraît très positif.
En revanche, je ne suis pas persuadé que le plan d'abandon partiel et d'apurement des dettes sociales et fiscales revête ce même aspect. J'émettrai donc quelques réserves compte tenu des efforts déployés avec succès par la caisse de prévoyance sociale pour le recouvrement des créances ces dernières années. La mesure envisagée risque, me semble-t-il, de porter atteinte à la politique de responsabilisation qu'elle a menée.
La loi de 1975 visant les personnes handicapées va enfin pouvoir s'appliquer partiellement à Saint-Pierre-et-Miquelon ; cela constitue une avancée dont je me réjouis.
On constate également une avancée dans le domaine agricole ainsi qu'en ce qui concerne les initiatives éventuelles des jeunes.
Toutefois, dans le domaine social, un certain nombre d'améliorations supplémentaires me paraissent devoir être apportées.
Il s'agit de la mise en place de l'allocation temporaire d'invalidité, de l'institution de l'allocation spéciale vieillesse, à l'instar de ce qui se pratique en métropole pour les personnes âgées qui demeurent dans une position de RMistes, de l'affirmation du rôle de la caisse de prévoyance sociale, enfin, de la régularisation de la situation des membres du personnel navigant de la société Air Saint-Pierre au plan de leur retraite.
Sur ces quatre points, je présenterai des amendements, dont le coût financier, je tiens à le préciser, est modeste.
En ce qui concerne l'application de toutes ces mesures dans la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et- Miquelon, telles qu'elles résultent du libellé de l'article 40, je vous demanderai, monsieur le secrétaire d'Etat, de m'apporter toutes assurances relatives au délai de préparation et de publication des décrets d'application des sept articles énumérés au deuxième paragraphe de l'article 40.
S'agissant du volet institutionnel nous concernant directement, objet de l'article 41, je ne ferai qu'un bref commentaire, compte tenu du destin qui lui a été réservé et du fait que son acuité est loin d'être assimilable à celle qui prévaut pour les DOM.
En effet, trois des quatre mesures préparées par le Gouvernement en accord avec la minorité locale en 1999 sont tombées à l'eau, si l'on peut dire, à l'Assemblée nationale, puisque cette minorité, devenue majorité relative lors des élections de mars dernier, détient l'exécutif de la collectivité et s'oppose fermement à votre projet.
Le dispositif visant à l'élection à la proportionnelle du bureau du conseil général a été maintenu ; j'y étais favorable, car il constitue une avancée pour la démocratie locale, qui a du mal à faire son chemin. Mais il faut sans doute parfaire ce dispositif.
Il reste que la position, rendue publique récemment, du nouveau président du conseil général, maire de Saint-Pierre, d'attendre les élections municipales de l'an prochain avant de se déterminer, a fait sortir du champ de votre projet de loi toute évolution institutionnelle nouvelle.
En ce qui concerne l'aspect culturel, pour Saint-Pierre-et-Miquelon, je retiendrai le côté positif de l'article 21, qui nous permettra de bénéficier du fonds pour le développement des échanges éducatifs, culturels et sportifs.
Sur ce volet, je ferai deux remarques importantes, monsieur le secrétaire d'Etat.
En vue de faciliter ces échanges, en vue d'accroître la mobilité des personnes et de favoriser le rapprochement avec la métropole, il est nécessaire, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous et votre collègue des transports fassiez le maximum pour ne pas laisser en l'état la situation qui découle du comportement de la compagnie Air France.
Cette situation, au mépris des engagements pris, renchérit considérablement le prix du billet aller-retour de Saint-Pierre à Paris et pénalise la population tout en menaçant la santé de la compagnie locale Air Saint-Pierre.
Je dirai maintenant un mot sur la réduction des écarts de prix entre Saint-Pierre-et-Miquelon et la métropole dans le secteur de l'accès au multimédia.
Les habitants de Saint-Pierre-et-Miquelon sont très attentifs à tout ce qui concerne la communication et les télécommunications, qui représentent pour eux une voie supplémentaire de désenclavement. Je rappelle à cet égard que les citoyens de cet archipel sont obligés de mettre le pied en territoire étranger quand ils veulent venir dans l'Hexagone.
Monsieur le secrétaire d'Etat, votre loi est une loi de progrès, elle ne peut pas ignorer la dimension moderne indispensable à l'ouverture sur le monde de l'information que constitue la liberté d'accès au réseau mondial Internet. Elle doit coller à la nouvelle société de l'information, tout en réduisant la fracture numérique dont parle M. Jospin.
Il est donc normal que les internautes de cet archipel - ils représentent un douzième de la population - revendiquent plus de liberté de choix et de meilleures facilités d'accès au multimédia, et ce dans des conditions comparables à celles dont bénéficient leurs homologues ultramarins et métropolitains, c'est-à-dire à un coût bien plus modéré que celui qu'ils doivent actuellement supporter.
Le principe qui sous-tend la réduction du prix du livre dans les DOM devrait trouver son pendant, à Saint-Pierre-et-Miquelon, dans une compensation des écarts de prix pour l'accession aux hautes technologies, précisément au sujet de la surtaxe satellitaire. Je proposerai un amendement tendant à réduire ces écarts.
Enfin, je voudrais rappeler au Gouvernement l'attente dans laquelle nous sommes toujours de la rédaction du cahier des charges visant le transfert des compétences sur les ressources de notre zone économique exclusive.
Nous attendons avec impatience également, comme le reste de l'outre-mer, le dispositif de défiscalisation destiné à prendre le relais de la loi Pons - la vraie, et non pas celle qui a été vidée de sa substance.
M. le secrétaire d'Etat, votre projet de loi demeure muet sur les incitations pouvant attirer les capitaux extérieurs ou sur celles qui sont susceptibles d'activer l'investissement de l'épargne locale. C'est pourtant par là que passe principalement la création d'emplois ; nous en avons apporté la preuve dans nos récentes initiatives de diversification économique.
Malgré mes réserves, je pense que votre projet de loi contient des mesures favorables à la collectivité que je représente. Mais, il peut être amélioré. Je serai donc attentif à vos réponses et au sort qui sera réservé à mes propositions d'amendement. (Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Larifla.
M. Dominique Larifla. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous voici réunis pour nous prononcer sur la loi d'orientation concernant l'avenir des départements d'outre-mer.
C'est, une fois de plus, l'occasion d'exercer ce devoir de mémoire dont on a tant parlé à l'occasion de la commémoration du cent cinquantenaire de l'abolition de l'esclavage, de sonder les maux d'un présent qui se dérobe et de créer les conditions d'un futur solidaire et harmonieux.
En effet, les peuples d'outre-mer, anciennement indigènes et citoyens de deuxième zone se sont aventurés dans l'histoire avec, pour tout bagage, la certitude humaniste de l'évolution sociale par le mérite. Il est vrai que nous venions de loin. Nous sortions du gouffre long de trois cents ans d'esclavage, de décérébration, de perte d'identité. Le tout, associé à une marginalisation collective propre à faire de nous des « laissés pour compte » ou des assistés. Et, incarnation de cette douloureuse histoire, née par forceps, une culture créole, faite d'oripeaux de cultures diverses, a sédimenté dans l'inconscient collectif une idée forte d'appartenance à un même groupe.
Aussi, les chemins, les pistes, voire les impasses d'un devenir difficilement prévisible ont été esquissés et tracés sans qu'à aucun moment nous n'ayons été en mesure d'en assumer pleinement la paternité et d'en discuter la finalité. Il est vrai qu'une étape administrative avait été franchie en 1946 faisant de ces anciennes colonies des départements d'outre-mer français.
Qu'il soit clair pour tous que cette étape a été voulue par la majorité de nos concitoyens, dont le souci premier était non pas d'être dilués dans un ensemble plus grand, mais de revendiquer l'égalité et une parité des droits et des devoirs pouvant générer les bienfaits de la justice sociale et la reconnaissance d'une dignité humaine.
Penser le contraire serait commettre une faute de jugement à double titre. En effet, une analyse inverse consisterait à nier l'effort individuel de nombre de Domiens qui ont fait le choix de l'éducation, de la culture, du sport et du mérite social.
Il est aussi évident que la départementalisation a offert, peut-être par la force des choses et, en tout cas, en réponse aux revendications, aux aspirations de nos populations exprimées par la voix de nos parlementaires de l'époque, un rattrapage socio-économique qui s'est exprimé dans nos infrastructures scolaires, universitaires, hospitalières par l'éradication des maladies endémiques propres aux pays tropicaux ainsi qu'un rattrapage dans nos infrastructures aéroportuaires, maritimes et routières.
Très rapidement, le peuple de l'outre-mer, notamment celui de la Guadeloupe, a revendiqué légitiment davantage de responsabilités civiques, de pouvoir, tant dans le cadre insulaire que dans sa sphère régionale.
Singulièrement, cette volonté est commune à tous les départements d'outre-mer à un moment ou à un autre de leur histoire et de leur développement.
Cela démontre qu'il s'agissait non pas de soubresauts ou de mal-être d'une minorité agissante, mais bien d'un désir profond d'un socle sociétal, d'un désir exprimé dans la quête d'identité.
Nous sommes nous-mêmes, et si nous ne sommes pas tout le monde, nous sommes étonnamment « tout monde », pour reprendre cette formule d'Edouard Glissant.
C'est, en vérité, ce que nous sommes et, en tout cas, ce que nous sommes devenus, qui permet de mieux comprendre nos aspirations d'aujourd'hui.
En cela, les lois de décentralisation voulues par les socialistes et qui ont vu le jour à l'arrivée au pouvoir du président François Mitterrand en 1981 ont ouvert des pistes nouvelles, renforçant ainsi le pouvoir régional et en rupture avec la ligne jacobine d'un Etat exagérément centralisateur et trop directif.
Il est vrai que les lois de décentralisation en outre-mer ont été appauvries par la négation de notre situation insolite de régions monodépartementales. L'Assemblée unique en a fait les frais comme une belle idée mort-née.
Fort heureusement, le temps s'est joué des résistances du passé et, enfin, va voir le jour une loi qui aura le mérite de nous laisser régler désormais notre devenir institutionnel ou statutaire et de nous laisser nous attaquer à notre « mal-développement ». Je salue le bien-fondé de la loi d'orientation qui m'apparaît comme un changement de capacité dicté par un changement de mentalité.
Notre système économique, politique et social, hier fondé sur une économie de plantation, aujourd'hui sur une économie de rente administrative, d'aide publique et de transferts sociaux, a montré ses limites. Sans vouloir polémiquer, il était évident que cette conception du développement économique, ne survivant que grâce à un mode transfusionnel de transferts massifs, devait avoir comme conséquence de nous entraîner inexorablement dans une dépendance forte par rapport à la métropole et dans une spirale d'assistanat et de socialisation de l'exclusion.
La société guadeloupéenne est passée d'une société « de promotion sociale » à une société « de séparation sociale ». Devant ce constat inquiétant, la loi d'orientation pour l'outre-mer est un passage obligé et nécessaire.
Ne nous laissons pas distraire par les conservateurs d'hier qui se réveillent aujourd'hui à la réalité guadeloupéenne. A tous les rhéteurs qui chercheront toujours chose à dire, je dis - et tout le monde en conviendra - que ce texte ne peut pas tout résoudre, ne peut pas tout absoudre. Il renferme des manques et quelques frilosités. Il nous appartient en tant que parlementaires d'amender et d'enrichir le projet soumis à la Haute Assemblée.
Monsieur le secrétaire d'Etat, les mesures prises par le Gouvernement traduisent une ambition politique et une forte reconnaissance des peuples d'outre-mer.
Tous ceux qui veulent, ici ou là, appauvrir ce projet de loi pour des raisons obscures ne feront pas honneur à la République.
S'agissant du développement économique et de l'emploi, de l'égalité sociale et de la lutte contre l'exclusion, du droit au logement, de la reconnaissance de nos cultures, de notre intégration dans notre environnement régional, de l'approfondissement de la décentralisation au congrès, nous avons les instruments et les crédits indispensables pour désormais sortir du cycle du pessimisme et de l'assistance, pour enfin entrer dans celui du développement structuré et régulé.
En effet, le premier objectif fort est d'accroître efficacement la compétitivité des entreprises dans nos départements afin de tenir compte des nombreux handicaps structurels qui empêchent tout développement durable et donc toute création pérenne d'emploi. La diminution du coût du travail, les exonérations en matière de charges sociales et fiscales constitueront autant de mesures en faveur des PME-PMI. La balle se trouvera dans le camp des chefs d'entreprises. Je sais qu'ils sont décidés à relever le défi.
Le deuxième objectif fort est l'approfondissement de la décentralisation et la reconnaissance de nos identités ; et, là, le congrès peut nous donner la possibilité de choisir notre évolution institutionnelle ou statutaire, dans le respect de la volonté du peuple de la Guadeloupe. Nous ne devrions être arrêtés par aucun tabou, pas même par la nécessité éventuelle de faire évoluer la Constitution de la Ve République.
Oui, les Guadeloupéens ont bénéficié des effets indiscutables de la départementalisation. Ils en sont conscients. Mais il convient de constater que l'exigence du temps impose d'aller plus avant.
Dans ces conditions, une évolution statutaire dans le cadre de la République est envisageable. Mais le choix, pour qu'il soit juste, doit être mûrement réfléchi.
Nous devons conserver les avantages acquis, notamment la protection sociale, la politique de la santé, la politique de l'emploi et la politique du logement, et évoluer dans une Guadeloupe guérie de ses maux, dans une Guadeloupe plus responsable, mieux intégrée dans son environnement géographique.
Cela suppose de la part de la France la reconnaissance de l'identité guadeloupéenne et la volonté de bousculer la lourdeur administrative, qui tire encore ses sources, malgré dix-neuf ans de décentralisation, du jacobinisme et de la centralisation outrancière et pénalisante. En somme, il faut plus de responsabilité, plus d'audace, plus d'effort et d'imagination pour la société guadeloupéenne.
J'aspire à une Guadeloupe apaisée, plus sereine, plus juste, plus solidaire, où tous les Guadeloupéens, quelle que soit leur origine, quels que soient leur parcours ou leur milieu social, feront corps pour relever le défi de la conquête de l'économique et du social dans ce troisième millénaire commençant.
J'aspire à un bouleversement des mentalités, à la fin des dogmes et des préjugés dans une Guadeloupe retrouvée, fière de son histoire, une Guadeloupe ouverte sur le monde avec sa jeunesse bouillonnante d'idées, de liberté, voire d'utopie, et prête à entreprendre dans toutes les activités marchandes et non marchandes. Je pense en particulier aux productions à haute valeur ajoutée et aux savoir-faire de la recherche et de la technologie.
J'aspire à une Guadeloupe dans le cadre de la République française, intégrée dans son environnement régional, avec des compétences élargies et une forme de souveraineté locale.
Nous savons tous que le but de la société est le bonheur commun. Mais le meilleur des gouvernements n'est pas celui qui fait les hommes les plus heureux ; c'est celui qui fait le plus grand nombre d'heureux !
Notre pays doit tendre le plus possible vers la justice pour réduire les poches de misère et endiguer les inégalités sociales, source de mal et de divisions. Du coup, notre pays doit avoir des exigences morales et légales à l'égard de ses citoyens. La liberté de tous et de chacun consiste dans le respect de la loi, expression de la volonté générale, en dépit de tout intérêt particulier et égoïste.
Je convie les peuples d'outre-mer, en particulier celui de la Guadeloupe, le mien, à l'effort, à la volonté de changer la vie, à la paix sociale, à la solidarité, au progrès. Comme disait Césaire : « Un pas, un autre pas, encore un autre pas, et tenir pour gagner chaque pas. »
Monsieur le secrétaire d'Etat, le présent projet de loi est une amorce qui vise à lancer l'irréversible processus de la reconnaissance des peuples d'outre-mer, non plus comme peuples parasites, non plus comme fardeaux historique et économique, non plus comme kyste d'une altérité, mais, au contraire, comme maillons de la chaîne de valeurs, de richesses, de générosité, de solidarité, qui constituent la nation.
Il y a chez nous une société à équilibrer. Il y a chez nous une culture à valoriser, à diffuser et à partager. Il y a chez nous une citoyenneté à vérifier. Il y a chez nous une jeunesse à former, à orienter, à soutenir pour garantir son avenir.
Le texte que vous soumettez à notre discussion me semble contenir les fondations pour accéder à ces aspirations. J'apporterai, monsieur le secrétaire d'Etat, mon soutien au projet gouvernemental. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Larcher.
M. Gérard Larcher. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la loi d'orientation, telle qu'elle est présentée au Sénat, crée un certain sentiment de désenchantement, et je l'ai entendu dire sur toutes les travées.
La publicité faite autour de ce texte durant dix-huit mois avait déclenché un certain espoir outre-mer et un intérêt en métropole. On a même cru, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous pourriez être porteur d'un grand projet qui aurait définitivement clos cette période de transition qui dure depuis cent cinquante-deux ans et qui est le second volet du projet que Schoelcher avait proposé et qui n'a jamais été réalisé. Enfin, on allait tourner le dos aux retards de développement, à ce regard d'altérité qu'évoquait M. Dominique Larifla, parfois négatif ; on allait tourner le dos à l'assistanat.
Disons-le, l'outre-mer départemental avait été quelque peu oublié des préoccupations du Gouvernement, tout au moins à ses débuts. On ne parlait que de Nouvelle-Calédonie, tandis que le chômage ne cessait d'augmenter dans nos départements d'outre-mer, avec son cortège de violences et d'exclusions.
Pour des raisons politiques ou idéologiques, on avait en fait démanteler les lois Pons et Perben, qui n'avaient pas tous les maux dont on ne cessait de les charger. Un Etat de non-droit s'instaurait ici ou là avec le travail au noir, la déstabilisation de la famille, le pessimisme de la jeunesse, la consommation parfois publique de la drogue. L'attente a été grande, craignons que le désenchantement n'en soit que plus profond.
Par lettre en date du 10 décembre 1998, M. le Premier ministre et vous-même confiaient une mission à deux parlementaires de nos départements d'outre-mer, avec pour objectif de préparer ce projet de loi d'orientation et donc d'améliorer l'efficacité de l'action de l'Etat et des collectivités territoriales.
D'autres missions étaient engagées : le rapport Mossé, qui conclut d'ailleurs à plus de déconcentration, et le rapport Fragonard, axé sur le processus de création d'emplois et de formations. Tandis que le rapport Fragonard allait faire l'objet d'une présentation spectaculaire, le rapport de nos collègues Lise et Tamaya était simplement visé par référence.
Mais tous ces rapports et documents, dont certains proposent des mesures très intéressantes, débouchent sur un projet de loi d'orientation qui ne me paraît pas répondre réellement à l'attente des populations, à leurs besoins, à la montée du chômage et à la situation de désespérance qui tétanise parfois nombre de nos compatriotes d'outre-mer.
Au fond, votre texte, monsieur le secrétaire d'Etat, construit sur des effets d'annonce selon lesquels le Gouvernement souhaiterait entendre les sollicitations des populations et y répondre, viole parfois un certain nombre de décisions prises outre-mer par les assemblées concernées. Le Gouvernement semble avoir oublié que les collectivités territoriales, s'exprimant au nom du peuple à une large majorité, ont rejeté, pour six d'entre elles sur huit, ce projet de loi d'orientation.
Pour la Réunion - cela a été évoqué - le projet de bidépartementalisation a été rejeté, c'est clair, par les deux assemblées. Or, la revoilà, cette bidépartementalisation ! En quelque sorte, un miracle biologique de la scissiparité ! Le Sénat doit s'inquiéter de cette forme de non-respect de la démocratie, et j'ai entendu M. Vergès évoquer, ou plutôt invoquer le Président de la République disant que « toutes les orientations, s'agissant des départements d'outre-mer, sont admissibles, dès lors, je le répète, que les principes de la République et de la démocratie sont respectés et que les populations concernées sont, le cas échéant, consultées ».
Ce texte, monsieur le secrétaire d'Etat, manque d'ambition. De plus, il va créer une confusion regrettable dans les relations des départements d'outre-mer avec leur environnement géographique. Je pense que, en l'occurence, nous avons manqué d'audace à propos d'un certain nombre de propositions de nos collègues Lise et Tamaya, s'agissant notamment des relations de nos départements d'outre-mer avec leur environnement géographique.
N'est-ce pas méconnaître cette zone que de désigner un fonctionnaire du quai d'Orsay, dont je ne mets pas en cause les compétences, mais qui n'a pas la perception de la coopération avec les petites îles de l'environnement ?
Oui, il y a aussi des réponses concrètes à apporter avant ces projets trop vagues. Si Lucette Michaux-Chevry avait pu être là, elle vous aurait demandé très directement quand les Guadeloupéens seront dédommagés des dégâts du cyclone Lenny de novembre 1999 et comment les lycées pourront être assurés du respect, pour leurs établissements, du bénéfice du prêt à taux zéro. Les pêcheurs vous interpelleraient sur les solutions à apporter aux problèmes des zones de pêche. Voilà quelques exemples concrets.
Je ne veux pas évoquer ici, même si j'ai pu en comprendre la démarche à un moment, la squelettique ou fantomatique troisième assemblée proposée par le projet gouvernemental. La lecture du dispositif concernant le congrès qui, au fond, est un bricolage institutionnel, montre, me semble-t-il, une méconnaissance du fonctionnement réel des assemblées existantes. En fait, je le crois, l'ouverture d'un vrai débat institutionnel est nécessaire, mais il ne peut trouver sa place que lorsque les conditions de développement économique, social et culturel durables auront été installées. Evoquer le changement du statut sans avoir satisfait à ce préalable, c'est créer un climat d'incertitude qui ne peut qu'inquiéter les acteurs du développement économique et social.
Enfin, le plus grave, c'est que le Gouvernement semble sourd à la nouvelle donne de l'outre-mer, le malaise identitaire d'une société qui paraît déstructurée, alors qu'elle est de plus en plus viscéralement attachée à ses traditions au point même de s'en servir avec des expressions d'utopie ou de rejet qui sont autant d'appels à la reconnaissance, mais aussi à l'appartenance à une communauté nationale qui n'aurait pas peur des différences.
La République, si elle est forte et assurée, ne doit pas avoir peur des différences. Sur ce point, en fait, le Gouvernement aggrave le malaise. Je vais vous citer un exemple qui vous semblera paradoxal dans ma bouche : la présence de nombreux fonctionnaires métropolitains enseignant dans les classes de maternelle d'un certain nombre de zones rurales est en fait incomprise, non pas par rejet de nos compatriotes métropolitains, mais parce que, quand on évoque la nécessité de préserver et de renforcer l'authenticité du créole, seconde langue maternelle qui ne doit pas s'opposer à notre langue, il y a là comme un malaise. Oui, je le répète, la République, quand elle est sûre d'elle-même, ne doit pas avoir peur de la différence !
Je voudrais évoquer le travail au noir par le biais de la réglementation du RMI.
Ce dispositif du RMI est un acte indispensable de solidarité. Mais son application peut entraîner un certain nombre de dérives : des coûts financiers improductifs, des rémunérations sans contrepartie et la multiplication - pour reprendre un terme franglais souvent utilisé outre-mer - des « jobbeurs ».
Les RMIstes recherchent un complément de rémunération. La réponse, c'est naturellement le travail au noir pour préserver leurs acquis. Car si le prix des livres va baisser, il n'en est pas de même pour le lait ou le pain. Cette situation s'apparente à une sorte de « marronnage » en violation de la législation.
Le Gouvernement me paraît ne pas avoir entendu les voix autorisées qui souhaitent, en outre-mer, que le bénéfice des allocations RMIstes soit complété par les rémunérations que vont provoquer les embauches, dans le secteur privé notamment. Il y a sans doute là une réflexion à mener, le levier du RMI nous conduisant à sortir de plus en plus du système économique. Il nous faut réfléchir à la façon d'assurer le revenu minimum tout en réintégrant le système économique et productif, car on ne pourra pas continuer ainsi, sans se poser la question. Voilà la réponse différente qu'il nous faut parfois trouver dans un certain nombre de départements, notamment outre-mer.
Le malaise identitaire est aggravé par la situation économique à laquelle ce projet de loi d'orientation tente de remédier par quelques mesures dont bénéficieront ceux qui sauront les utiliser. Le jeune qui veut créer son entreprise n'a même pas la possibilité de pousser les portes des banques et ce ne sont pas les réunions en préfecture pour l'aider et retenir ses projets qui vont l'y inciter. Cette citoyenneté à vérifier qu'évoquait Dominique Larifla, il faut la vérifier, y compris dans l'aide au dynamisme de ceux qui veulent créer.
En fait, ce texte ne tient pas assez compte des conséquences des destructions atmosphériques qui, chaque année, fragilisent le développement. On ne tient pas assez compte des phénomènes d'insularité, des surcoûts qui s'imposent, en matière de constructions, pour respecter, par exemple, les normes cycloniques et sismiques. Ce texte ne tient pas compte dans sa rédaction actuelle - mais je crois savoir que le Gouvernement a pris conscience de ses erreurs et compte les corriger - de la nécessité d'ouvrir nos départements d'outre-mer - Victor Reux le disait tout à l'heure - à la société de l'information en y favorisant le développement du secteur des télécommunications à des coûts abordables. Si nous ne faisons pas de discrimination positive, un nouveau fossé extraordinaire se creusera entre les départements, les territoires et les collectivités territoriales d'outre-mer d'un côté, la métropole de l'autre.
Je crois savoir toutefois, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous apporterez à celui qui est passionné de télécommunications cette réponse, faut de quoi il y aura une extraordinaire fracture à moins d'une décennie.
Au fond, je souhaite que l'Etat ne réagisse pas simplement aux cris de la rue, à l'affaire de Cayenne, au dossier des transports en Guadeloupe. Il faut une vraie politique pour l'outre-mer.
Le Gouvernement s'est trop laissé guider par le « chant des sirènes » des technocrates et pas assez - y compris quand je n'en partageais pas toutes les conclusions - par les rapports de nos collègues parlementaires.
La Guadeloupe, la Guyane, la Martinique et la Réunion traversent de réelles difficultés - vous le savez tous - qui sont les conséquences de leur « ultrapériphéricité », de leur insularité, de leur micro-économie, de leur micro-marché, de leur déficit de compétitivité, du coût du travail.
Il doit y avoir une autre politique pour l'outre-mer : celle de la responsabilité et non de la tutelle, celle du développement identitaire dans l'ensemble de la République et non de la seule société de consommation, celle de la dignité par le travail et non de l'assistanat.
Ce projet de loi, tel qu'il nous arrive pour examen, ne répond ni sur la forme ni sur le fond à l'attente des populations et des élus de l'outre-mer, dont les espoirs sont légitimement placés à la hauteur des ambitions qu'a exprimées le Président de la République, le 11 mars dernier, à la Martinique.
Monsieur le secrétaire d'Etat, votre projet manque de souffle, il manque d'audace et, surtout, il manque de conviction. Voilà pourquoi, en l'état, avant qu'il ne soit amendé, je ne le voterais pas.
Mais je voudrais vous dire, mes chers collègues, pourquoi, moi qui suis un élu d'Ile-de-France, j'ai évoqué l'outre-mer.
Sans doute parce que je l'ai découvert par le biais de celui qui en fut le sénateur inamovible. Mais aussi tout simplement parce que je crois que l'outre-mer constitue une richesse et un apport pour nous, Franciliens, comme pour les métropolitains. Cette richesse et cet apport, nous en avons la responsabilité depuis un certain nombre de siècles, et cette responsabilité nous devons l'assumer.
Mais assumer une responsabilité, c'est aussi la partager, pour conduire ensemble notre pays, dans ses différences, dans ses complémentarités, vers un avenir où les hommes et les femmes vivront plus libres et plus heureux.
Tel est le message que je souhaitais délivrer ce soir, parce que l'outre-mer a besoin d'un texte fort, porteur d'espoir, donnant aux hommes et aux femmes de l'outre-mer toute leur place dans la construction de la République de l'avenir. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vais apporter quelques réponses générales aux questions qui m'ont été posées, renvoyant à la discussion des articles, des réponses plus précises sur des sujets traités dans la loi d'orientation.
Cette loi d'orientation se veut une loi d'ensemble sur l'outre-mer et, à ce titre, elle aborde l'ensemble des défis auxquels celui-ci est confronté. Ces défis, vous les avez rappelés. Tous, au sein de la Haute Assemblée, s'accordent sur le diagnostic. Mais des différences se manifestent en ce qui concerne les remèdes.
Au sujet du diagnostic, je formulerai deux remarques.
La première concerne l'intervention de M. Othily, qui a dit que la départementalisation avait asphyxié l'économie des départements d'outre-mer. Ce propos mérite d'être corrigé. Le sénateur de la Guyane pourrait comparer l'état de son département à celui de l'Amapa, l'Etat voisin du Brésil. Et je ne parlerai pas du Surimam !
La départementalisation a tout de même amené progrès social et progrès économique. Je dirai plutôt, comme M. Payet, que les départements d'outre-mer demandent plus d'oxygène sur le plan économique, qu'ils sont un peu sous perfusion. En tout cas, voir dans la départementalisation les raisons d'un mal-développement de l'outre-mer, c'est jeter bien vite ce qui a représenté, au cours de ces cinquante ans, de grande avancées.
Ma deuxième remarque concerne l'intervention de M. Lauret. Je tiens à lui dire que je ne souscris pas au tableau quasiment apocalyptique qu'il a dressé du département de la Réunion.
Permettez-moi de vous citer quelques chiffres, monsieur le sénateur, qui sont extraits du rapport de l'IEDOM, l'Institut d'émission des départements d'outre-mer, que chacun peut se procurer. Les dépenses de l'Etat par habitant s'élèvent en métropole à 26 100 francs et dans les DOM à 24 600 francs. La différence n'est pas très grande et, avec les mesures contenues dans le texte dont nous discutons, nous devons combler le retard. Reste la question de la répartition et de l'efficacité, certes, mais on ne peut dire que la solidarité ne s'exerce pas.
Si l'on considère le solde net des transferts publics - près de 35 milliards de francs pour les départements d'outre-mer, dont 15 milliards de francs pour la Réunion - on ne pourra accréditer l'idée que la solidarité entre la métropole et l'outre-mer n'existe pas. Certes, elle pourrait être meilleure, mieux organisée, mais c'est une réalité.
En ce qui concerne les prestations sociales, je précise qu'à la Réunion 45 % du revenu brut disponible par ménage provient des prestations sociales contre 35 % en métropole.
Certes, il faudra aller plus loin dans l'égalité sociale. Ce point a mobilisé l'attention des parlementaires de la Réunion. Je leur répondrai qu'avec ce projet de loi l'engagement est pris de réaliser cette égalité sur trois ans, quoique le secrétaire d'Etat à l'outre-mer préférerait qu'elle intervienne plus rapidement.
M. Larcher a évoqué le travail au noir généré par le RMI.
Reconnaissez, monsieur le sénateur, que la loi d'orientation met en oeuvre d'autres mesures telles que l'allocation de retour à l'activité. Je ne suis pas satisfait, moi non plus, de ce que le RMI, qui est un droit, soit finalement utilisé comme une prestation et non comme une aide transitoire dans l'attente d'un nouveau travail.
Vous avez employé le mot de « marronage ». Oui, nous sommes un peu dans cette situation-là. Ce qui nous est demandé, c'est certes de reconnaître un droit, mais aussi de mettre en oeuvre des procédures d'insertion et de contrôle qui permettront que le RMI se mette en place dans le temps et démontre son efficacité.
Le projet de loi que je présente appellera bien sûr des décrets d'application. Sur ce plan, je veux rassurer les parlementaires qui se sont exprimés.
Tout d'abord, à M. Huchon qui est l'observateur vigilant de l'application de la loi sur les cinquante pas géométriques, votée en 1996, je répondrai que seul le décret sur l'aide exceptionnelle reste à prendre et qu'il a été transmis au Conseil d'Etat à la fin du mois d'avril.
La parution des autres décrets a permis la mise en oeuvre de la loi. Ils étaient complexes à élaborer ; je pense en particulier à la mise en place des agences de la commission de vérification des titres et à la régularisation des titres reconnus valables par cette dernière.
Comme l'a souhaité M. Huchon, ainsi que MM. Payet et Reux, nous devrons veiller à ce que les décrets d'application ne tardent pas. Il y a une importante oeuvre réglementaire à entreprendre et il me paraît indispensable qu'elle soit menée dans les temps.
La loi n'a pas pour objectif de résoudre tous les problèmes. J'évoquerai certains de ceux qui ont fait l'objet d'interventions pour y apporter quelques réponses.
M. Payet a évoqué la continuité territoriale et, à ce propos, a mentionné le numéro vert. C'est vrai que le numéro vert ou autres numéros, indigo, azur... que France Télécom a mis en place ne sont pas utilisables dans les départements d'outre-mer, mais si on le lui fait remarquer, France Télécom répond que le choix des couvertures géographiques relève uniquement des annonceurs puisque ce sont eux qui, assurent le financement des numéros verts et que, si l'annonceur refuse de prendre en charge le coût du numéro vert, France Télécom ne peut que respecter le choix de son client.
Au demeurant, je puis vous dire que l'Etat, et plus particulièrement le secrétariat d'Etat à l'outre-mer, a été l'un des clients de France Télécom pour la campagne sur la contraception, à l'occasion de laquelle un numéro vert gratuit a été ouvert dans les quatre départements d'outre-mer.
Vous avez également évoqué, monsieur Payet, toujours au titre de la continuité territoriale, le double contrôle exercé pour l'ensemble des voyageurs au départ des avions à Paris et à l'arrivée outre-mer.
Moi-même j'ai été choqué - je le suis encore - par cette situation, qui s'explique pour partie par le fait que l'outre-mer n'appartient pas à l'espace Schengen, contrairement à ce que vous avez dit, monsieur Payet. La métropole, elle, qui appartient à l'espace Schengen, se doit d'assurer un contrôle à l'entrée de l'espace.
Toutefois, je tiens à vous dire que les voyageurs qui partent d'un aéroport métropolitain vers un département d'outre-mer ne seront plus contrôlés qu'au départ et non plus à la fois au départ et à l'arrivée ; il en ira de même pour le passage d'un DOM à un autre. J'ai enfin obtenu du ministère de l'intérieur que ces décisions soient prises.
L'autre mouvement, des DOM vers la métropole, relève d'une négociation qui a été entamée avec nos partenaires de l'espace Schengen. Je rappelle que, si les départements d'outre-mer ne font pas partie de l'espace Schengen, c'est essentiellement à cause des problèmes liés à l'immigration. M. Reux comme M. Gérard Larcher ont parlé du coût des communications, en particulier des communications sur Internet. Nous devons y veiller si nous voulons tout à la fois que ne se crée pas d'inégalité et que puisse se développer cette nouvelle technologie de l'information et de la communication, qui - on s'en rend bien compte - constitue une opportunité à saisir pour nos départements d'outre-mer : ils ont des jeunes formés à ces nouvelles technologies qui peuvent créer des activités, créer des emplois. Nous reviendrons, demain, au cours de la discussion des articles, sur cette question.
Cette loi a été préparée longuement, minutieusement certains diront peut-être quelle l'a été trop minutieusement, puisque nous avons eu à faire face à des demandes contradictoires : peut-être avons-nous trop écouté les sociétés d'outre-mer !
Mais je voudrais rassurer M. Lanier comme M. Larcher à ce propos. Certes, six assemblées sur huit se sont prononcées, totalement ou partiellement, contre des dispositions du projet de loi, mais c'est le même score que celui de M. Perben : nous faisons match nul. Son projet de loi, qui n'avait qu'un caractère économique, a recueilli l'opposition de six assemblées sur huit. J'aurais préféré que notre score soit meilleur. Mais les contradictions outre-mer sont nombreuses !
Bien des aspects du projet de loi ont été évoqués.
La coopération régionale l'a été par MM. Vergès, Hoeffel, et Gérard Larcher. Je crois qu'elle fait l'objet de mesures importantes, qui entraîneront probablement une véritable révolution culturelle dans la façon d'aborder les rapports avec le voisinage, voire dans notre diplomatie nationale.
La dimension culturelle a été rapidement abordée aussi par M. Reux, que je remercie, et par M. Payet.
S'agissant du créole, ne faisons pas de contresens : le créole est une langue pratiquée, une langue qui, à mon sens, enrichit le français parce c'est, dans une très large mesure, un dérivé du français. Mais, monsieur Lauret, il n'est pas question d'en imposer l'enseignement : il s'agit d'en permettre l'usage et de le reconnaître, mais il n'y aura pas d'obligation.
Enfin, concernant le cyclone Lenny, je voudrais apporter des assurances à M. Gérard Larcher, qui voudra bien les transmettre à Mme Michaux-Chevry : les crédits sont disponibles dans le collectif budgétaire, le Premier ministre ayant souhaité que, comme pour les crédits destinés à la métropole après les tempêtes de fin d'année, ils y figurent. Ainsi, 100 % des autorisations de programmme et 50 % des crédits de paiement sont inscrits dans le collectif de juin et le solde des crédits de paiement sera inscrit au collectif de fin d'année.
J'aborde maintenant les mesures économiques.
Ces mesures économiques ont été jugées « timorées » par MM. Lanier et Larcher, voire « inefficientes », si j'ai bien entendu M. Lauret. Ceux qui se sont exprimés ainsi ont tout de mêmes gouverné ce pays pendant quatre ans ! Ils disposaient d'une majorité écrasante à l'Assemblée nationale, confirmée au Sénat. Or je n'ai pas rencontré, sous la législature précédente, une ambition telle que celle qui est exprimée à travers les mesures économiques que nous proposons. Pourtant, le problème du chômage outre-mer ne date pas de 1997 !
Certes, il y a eu la loi Perben. Mais ce fut une réponse limitée. Elle est néanmoins utile puisque nous nous en servons comme base. Je le rappelle, au départ, la loi Perben était à coût nul puisqu'elle était compensée par deux points de TVA. Bien sûr, quand M. Juppé a augmenté la TVA pour tous les Français, la métropole s'est retrouvée alignée sur l'outre-mer.
Par ailleurs, monsieur Lauret, monsieur Lanier, il y a aujourd'hui à peine une dizaine d'entreprises qui bénéficient des mesures « export » de la loi Perben puisqu'il faut réaliser plus de 70 % de son chiffre d'affaires à l'export pour en bénéficier. Nous proposons de ramener ce taux à 20 %. C'est là un véritable encouragement à l'exportation.
Je considère, en effet, pour ma part, qu'il convient d'encourager l'exportation, à partir des départements d'outre-mer, du savoir-faire, des technologies et de la formation. De ce point de vue, un sérieux coup de pouce est donné. J'espère que ces mesures, d'un montant total de 3,5 milliards de francs, auront un véritable effet de décollage économique sur l'outre-mer. Sinon, la représentation nationale et, au-delà, la collectivité nationale pourraient à bon droit évoquer un gaspillage financier.
Ce n'est quand même pas rien, 3,5 milliards de francs ! C'est, par exemple, le montant des crédits qui ont été accordés cette année pour l'ensemble des hôpitaux publics, compte tenu de l'augmentation décidée dans le collectif budgétaire.
J'en viens à l'aspect institutionnel.
Il me semble qu'une phrase de M. Hoeffel devrait être mise en exergue de ce débat. M. Hoeffel a en effet dit, au début de son exposé : « Toute évolution institutionnelle outre-mer, comme en métropole, se heurte à des préjugés, à des soupçons et à des pesanteurs qui découragent souvent les réformateurs les plus déterminés. »
Je veux rassurer M. Hoeffel : même ayant entendu tout ce que j'ai entendu, je ne suis pas encore découragé ! (Sourires.) Et pourtant, M. Hoeffel lui-même, après avoir prononcé cette phrase, a conclu son discours, en expliquant que, finalement, il était difficile d'avancer...
M. Jean-Jacques Hyest a indiqué que, selon lui, l'évolution institutionnelle n'était pas mûre. Pour M. Gérard Larcher, ce n'est pas encore le moment.
Au fond, venant de la droite sénatoriale, ces positions m'ont un peu rassuré. En effet, à un moment de la journée, j'ai cru qu'une espèce de tempête institutionnelle avait soufflé sur la droite sénatoriale et que, d'un seul coup, elle s'était convertie à l'autonomie.
M. Claude Lise. Tout à fait !
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat. Plus autonomiste que moi... Dans cette assemblée, traditionnellement, c'était plutôt du côté de la gauche ! (Nouveaux sourires.)
D'ailleurs, ceux qui étaient contre l'assemblée unique en 1982 sont aujourd'hui contre le congrès. Ce sont toujours les mêmes qui sont contre les évolutions.
M. Lanier va jusqu'à nous prévenir : « Nous voterons contre, et si cela passe, nous irons au Conseil constitutionnel. »
M. Lucien Lanier. Je n'ai jamais dit cela !
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat. Vous étudierez, du moins, la possibilité de porter le texte devant le Conseil constitutionnel.
M. Lucien Lanier. Je tiens à rétablir les faits et mes propos.
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat. Vous envisagez la saisine du Conseil constitutionnel contre une institution que votre collègue du RPR M. Larcher vient de décrire comme « squelettique et fantomatique ». Voilà donc le Conseil constitutionnel appelé à se battre contre des squelettes ou des fantômes ! (Nouveaux sourires.)
M. Gérard Larcher. C'est un raisonnement d'anatomiste !
M. Lucien Lanier. Vous parlez légèrement d'une chose sérieuse !
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat. Si je vous ai bien entendu, monsieur Larcher, vous ne saisirez pas le Conseil constitutionnel.
Au-delà de cette question, il y a, comme le disait M. Larifla, une quête d'identité et la volonté de voir fournir un cadre au débat. Effectivement, ainsi que l'a indiqué M. Bret, il convient de ne pas attendre que monte la colère. C'est à ce stade que nous en sommes parvenus.
Le congrès n'est pas une troisième assemblée, je veux rassurer M. Othily sur ce point. La convocation des membres d'une assemblée par le président d'une autre assemblée ne me semble pas contraire au principe de la libre administration des collectivités territoriales : il n'y a pas de tutelle d'une collectivité sur l'autre. Chaque assemblée délibérera après la réunion en congrès et prendra position.
Quelqu'un a dit que les deux assemblées pouvaient déjà se réunir, que cela dépendait de leur bon vouloir. Mais à partir du moment où cette réunion est expressément prévue par la loi, elle pourrait encourir le risque d'inconstitutionnalité ! Autrement dit, quand le congrès est hors la loi, tout est permis et, quand il entre dans la loi, quand il prend place au sein d'un processus démocratique et transparent, il devient hors la loi ! On aura du mal à m'expliquer comment résoudre ce paradoxe !
Le congrès n'est pas la seule formule possible mais, pour le moment, je n'ai pas entendu d'autre proposition, susceptible de nous permettre d'avancer sur le plan institutionnel.
M. Othily m'a demandé comment se poursuivraient les discussions sur la Guyane. Après l'examen de ce projet de loi par le Sénat, probablement à la fin de la session parlementaire, nous reprendrons les discussions avec les principales forces concernées en Guyane.
M. Othily a rappelé la démarche du pacte de développement. D'autres positions s'expriment. M. Bertrand est favorable à la création d'un deuxième département...
M. Jean-Jacques Hyest. Ah, c'est une maladie !
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat. M. Bertrand est membre du RPR ! M. Othily est, lui, partisan d'une autre organisation administrative de la Guyane. Mme Taubira, autre député de la Guyane, défend également d'autres positions.
Je crois qu'il faut associer l'ensemble des élus de la Guyane et les principales forces politiques pour que le débat sur l'évolution de la Guyane soit d'abord l'affaire des Guyanais, de manière à permettre le rassemblement le plus large autour d'un projet.
Je voudrais à présent évoquer les questions relatives à l'appartenance des départements d'outre-mer à l'Union européenne.
Ce n'est pas parce que les départements d'outre-mer figureront nominativement dans l'article 299-2 qu'ils pourront intégrer toutes les évolutions institutionnelles. Il faut respecter ce qui constitue le socle de l'Union européenne. Sinon, il faut passer du régime des régions ultrapériphériques à celui des pays et territoires d'outre-mer, c'est-à-dire celui de la Nouvelle-Calédonie, de la Polynésie ou de Wallis-et-Futuna.
Ce régime a d'ailleurs été, un temps, celui des Canaries. Les Canaries ont en effet modifié en 1991 leur situation vis-à-vis de l'Union européenne pour se voir appliquer, notamment, les politiques agricoles, et en particulier la politique commune de pêche.
On voit donc bien que l'appartenance à l'Union européenne comporte des contraintes et que ce n'est pas simplement une question de sémantique ou de nom.
M. Jean-Jacques Hyest. C'est une question d'organisation !
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat. Absolument !
Autrement dit, l'évolution institutionnelle des départements d'outre-mer peut être compatible avec leur appartenance à l'Union européenne dès lors que cette évolution juridique ne leur confère pas un régime qui les fait échapper à l'application du corps de base des règles communautaires.
Jean-Jacques Hyest a eu tout à fait raison de dire que, dans l'ensemble européen, la Catalogne ou la Bavière, par exemple, avaient des droits beaucoup plus étendus que nos actuels départements d'outre-mer, y compris après des évolutions statutaires. C'est donc une question qui concerne, certes, l'outre-mer, mais aussi toutes les régions françaises.
Il existe, cependant, un corps de doctrine qui, s'il n'est pas respecté, nous place en dehors. Je le dis très clairement, la Nouvelle-Calédonie, qui a un régime douanier particulier, qui a une citoyenneté et qui se voit donc appliquer des restrictions en matière de droit du travail et de libre circulation, ne peut pas être dans l'Union européenne. Elle ressortit à ce que l'on appelle les « pays et territoires d'outre-mer associés » parce que le corps de base de l'Union ne s'y applique pas.
Il reste la question de la bidépartementalisation à la Réunion. Je constate que ce débat a fait l'objet d'une dramatisation excessive. J'ai entendu parler ici de « partition » de la Réunion. Un journal local a même évoqué la disparition de la Réunion !
Il s'agit simplement de rapprocher l'administration publique du citoyen et de permettre un meilleur exercice des responsabilités locales.
On ne peut pas demander au Gouvernement de découper d'abord les communes. Ce sont les communes qui, en vertu du principe de libre administration, peuvent décider de créer de nouvelles entités. Il n'y a que vingt-quatre communes à la Réunion ; c'est peut-être insuffisant, compte tenu de l'étendue géographique. En tout cas, ce sont les communes, donc les conseils municipaux, qui décideront. On ne peut pas demander à la loi de découper les communes. En revanche, c'est effectivement la loi qui crée les départements.
Il faut retrouver, dans ce débat, une certaine sérénité. Les parlementaires se sont prononcés. M. Lauret a dit qu'il était hostile ; tous les autres sont favorables. Ils n'appartiennent pas tous à la majorité gouvernementale puisque M. Thien Ah Koon, bien que non inscrit, est plutôt partisan du président de la République. De même, dans cette assemblée, M. Payet revendique lui aussi sa libre détermination.
Ce n'est donc pas une question d'affrontement gauche-droite ; c'est simplement une question de meilleure administration de la Réunion et de prise en compte de cette évolution de la population, des besoins de la population dans l'espace réunionnais, sur lesquels M. Vergès a insisté.
C'est aussi, par rapport aux tentations autonomistes, l'idée de se rapprocher plutôt des départements et des régions métropolitaines.
Je l'ai moi-même ressenti ainsi à la Réunion.
Dans ces conditions, décider qu'il n'est pas encore temps ne me semble pas correspondre à l'état du débat.
Nous avons nous-mêmes évolué sur cette question puisque, vous l'avez noté, monsieur Lauret, le découpage proposé par le Gouvernement n'est pas celui qui avait été initialement soumis aux assemblées au début du mois de mars. Vous ne pouvez donc nous accuser de vouloir passer en force. Nous avons tenu à prendre en compte les résultats des discussions.
Telles sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les précisions que je souhaitais apporter à ce point du débat. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La suitre de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

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ADOPTION DÉFINITIVE DE TEXTES
SOUMIS EN APPLICATION
DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre une communication, en date du 13 juin 2000, l'informant de l'adoption définitive des onze textes soumis en application de l'article 88-4 de la Constitution suivants :
N° E 995. - Proposition de règlement (CE, EURATOM) du Conseil portant application de la décision 94/728/CE, EURATOM, relative au système des ressources propres des Communautés (version codifiée) (adopté le 22 mai 2000).
N° E 997. - Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant l'accès à l'activité des établissements de crédit et son exercice (version codifiée) (adopté le 20 mars 2000).
N° E 1269. - Initiative concernant un règlement (CE) du Conseil relatif aux procédures d'insolvabilité : note des délégations allemande et finlandaise en date du 26 mai 1999 au Conseil (adopté le 29 mai 2000).
N° E 1270. - Proposition de règlement du Conseil relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et de responsabilité parentale des enfants communs (adopté le 29 mai 2000).
N° E 1283. - Projet de décision du ..., adoptée par le Conseil sur la base de l'article 34, paragraphe 2, point c, du traité sur l'Union européenne, relative à la lutte contre la pédopornographie sur Internet (adopté le 29 mai 2000).
N° E 1287. - Initiative de la République fédérale d'Allemagne pour une décision-cadre visant à renforcer le cadre pénal pour la protection contre le faux monnayage en vue de la mise en circulation de l'euro : communication de la République fédérale d'Allemagne au Conseil (adopté le 29 mai 2000).
N° E 1318. - Recommandation de la BCE pour un règlement (CE) du Conseil relatif aux appels supplémentaires d'avoirs de réserve de change par la Banque centrale européenne (BCE/1/1999) (adopté le 8 mai 2000).
N° E 1321. - Demande du Royaume-Uni de participer à certaines dispositions de l'acquis de Schengen : note de la présidence au groupe « Acquis de Schengen ». Projet de décision du Conseil du ... relative à la demande du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord de participer à certaines dispositions de l'acquis de Schengen (adopté le 29 mai 2000).
N° E 1397. - Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil relative à la prorogation de la décision n° 710/97/CE concernant une approche coordonnée des autorisations dans le domaine des services de communications personnelles par satellite dans la Communauté (adopté le 2 mai 2000).
N° E 1446. - Proposition de règlement du Conseil concernant l'interdiction de la vente, de la fourniture et de l'exportation à la Birmanie/au Myanmar de matériel susceptible d'être utilisé à des fins de répression interne ou de terrorisme, et relatif au gel de capitaux de certaines personnes rattachées à d'importantes fonctions gouvernementales dans ce pays (adopté le 22 mai 2000).
N° E 1448. - Proposition de décision du Conseil portant attribution d'une aide financière exceptionnelle au Monténégro (adopté le 22 mai 2000).

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TRANSMISSION D'UN PROJET DE LOI

M. le président. J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, d'orientation sur la forêt.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 408, distribué et renvoyé à la commission des affaires économiques et du Plan, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

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TEXTES SOUMIS EN APPLICATION
DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement du Conseil mettant en oeuvre pour la Communauté les dispositions tarifaires de la décision n° 2/2000 arrêtée par le Conseil conjoint dans le cadre de l'accord intérimaire sur le commerce et les mesures d'accompagnement conclu entre la Communauté européenne et les Etats-Unis du Mexique.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1471 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Avant-projet de budget général des Communautés européennes pour l'exercice 2001 - Volume 7 - Section VI - Comité économique et social.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1464 (Annexe 4) et distribué.

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DÉPÔT D'UN RAPPORT

M. le président. J'ai reçu de M. Philipe Marini, rapporteur pour le Sénat, un rapport fait au nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion sur le projet de loi de finances rectificative pour 2000.
Le rapport sera imprimé sous le n° 409 et distribué.

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ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mercredi 14 juin 2000, à quinze heures et le soir :
1. Désignation d'un membre de la délégation pour la planification.
2. Suite de la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, d'orientation pour l'outre-mer (n° 342, 1999-2000).
Rapport (n° 393, 1999-2000) de M. José Balarello, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Avis (n° 403, 1999-2000) de M. Jean-Louis Lorrain, fait au nom de la commission des affaires sociales.
Avis (n° 401, 1999-2000) de M. Jean Huchon, fait au nom de la commission des affaires économiques et du Plan.
Avis (n° 394, 1999-2000) de M. Victor Reux, fait au nom de la commission des affaires culturelles.
Rapport d'information (n° 361, 1999-2000) de Mme Dinah Derycke, fait au nom de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.

Délais limites
pour le dépôt des amendements

Conclusions de la commission des affaires sociales sur la proposition de loi de M. Lucien Neuwirth et de plusieurs de ses collègues instituant un congé et une allocation favorisant l'exercice de la solidarité familiale en cas de maladie d'un enfant ou de fin de vie d'un proche (n° 404, 1999-2000) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 14 juin 2000, à dix-sept heures.
Conclusions de la commission des affaires économiques et du Plan sur la proposition de loi de M. André Dulait et de plusieurs de ses collègues portant sur l'organisation d'audiences publiques lors de la réalisation de grandes infrastructures (n° 402, 1999-2000) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 14 juin 2000, à dix-sept heures.
Conclusions de la commission des lois sur la proposition de loi de M. Jean-Claude Gaudin et de plusieurs de ses collègues tendant à permettre aux conseillers d'arrondissement de siéger au conseil d'une communauté urbaine (n° 390, 1999-2000) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 14 juin 2000, à dix-sept heures.
Proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, tendant à préciser la définition des délits non intentionnels (n° 308, 1999-2000) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 14 juin 2000, à dix-sept heures.
Nouvelle lecture du projet de loi organique, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats de membre des assemblées de province et du congrès de la Nouvelle-Calédonie, de l'assemblée de la Polynésie française et de l'assemblée territoriale des îles Wallis-et-Futuna (n° 363, 1999-2000) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 19 juin 2000, à dix-sept heures.
Nouvelle lecture du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à l'élection des sénateurs (n° 364, 1999-2000) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 19 juin 2000, à dix-sept heures.
Nouvelle lecture du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage (n° 352, 1999-2000) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 20 juin 2000, à dix-sept heures.
Nouvelle lecture, sous réserve de sa transmission, du projet de loi relatif à la chasse (AN, n° 2427) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 21 juin 2000, à dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.

(La séance est levée le mercredi 14 juin, à zéro heure quarante-cinq.)

Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON





ORDRE DU JOUR
DES PROCHAINES SÉANCES DU SÉNAT
établi par le Sénat dans sa séance du mardi 13 juin 2000
à la suite des conclusions de la conférence des présidents

Mercredi 14 juin 2000 :
A 15 heures et le soir :
1° Désignation d'un membre de la délégation pour la planification.

Ordre du jour prioritaire

2° Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, d'orientation pour l'outre-mer (n° 342, 1999-2000).

Jeudi 15 juin 2000 :

Ordre du jour réservé

A 10 heures, à 15 heures et, éventuellement, le soir :
1° Conclusions de la commission des affaires sociales sur la proposition de loi de M. Lucien Neuwirth et de plusieurs de ses collègues instituant un congé et une allocation favorisant l'exercice de la solidarité familiale en cas de maladie d'un enfant ou de fin de vie d'un proche (n° 404, 1999-2000).
(La conférence des présidents a fixé au mercredi 14 juin 2000, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
2° Conclusions de la commission des affaires économiques sur la proposition de loi de M. André Dulait et de plusieurs de ses collègues portant sur l'organisation d'audiences publiques lors de la réalisation de grandes infrastructures (n° 402, 1999-2000).
(La conférence des présidents a fixé au mercredi 14 juin 2000, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
3° Conclusions de la commission des lois sur la proposition de loi de M. Jean-Claude Gaudin et de plusieurs de ses collègues tendant à permettre aux conseillers d'arrondissement de siéger au conseil d'une communauté urbaine (n° 390, 1999-2000).
(La conférence des présidents a fixé au mercredi 14 juin 2000, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
4° Deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, tendant à préciser la définition des délits non intentionnels (n° 308, 1999-2000).
(La conférence des présidents a fixé au mercredi 14 juin 2000, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)

Lundi 19 juin 2000 :

Ordre du jour prioritaire

A 15 heures et le soir :
Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, d'orientation pour l'outre-mer (n° 342, 1999-2000).

Mardi 20 juin 2000 :

Ordre du jour prioritaire

A 10 heures :
1° Eventuellement, suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, d'orientation pour l'outre-mer (n° 342, 1999-2000).
A 16 heures et, éventuellement, le soir :
2° Nouvelle lecture du projet de loi organique, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats de membre des assemblées de province et du congrès de la Nouvelle-Calédonie, de l'assemblée de la Polynésie française et de l'assemblée territoriale des îles Wallis-et-Futuna (n° 363, 1999-2000).
(La conférence des présidents a fixé au lundi 19 juin 2000, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
3° Nouvelle lecture du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à l'élection des sénateurs (n° 364, 1999-2000).
(La conférence des présidents a fixé au lundi 19 juin 2000, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)

Mercredi 21 juin 2000 :

Ordre du jour prioritaire

A 15 heures et le soir :
1° Nouvelle lecture du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage (n° 352, 1999-2000).
(La conférence des présidents a fixé au mardi 20 juin 2000, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
2° Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif au référé devant les juridictions administratives (n° 396, 1999-2000).
3° Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi relative à la prestation compensatoire en matière de divorce (n° 397, 1999-2000).
4° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification de la convention relative à la coopération en matière d'adoption d'enfants entre la République française et la République socialiste du Vietnam (n° 392, 1999-2000).
5° Projet de loi autorisant la ratification de la convention relative à l'entraide judiciaire en matière civile entre la République française et la République socialiste du Vietnam (n° 218, 1999-2000).
(La conférence des présidents a décidé que ces deux projets de loi feraient l'objet d'une discussion générale commune.)

Jeudi 22 juin 2000 :

Ordre du jour prioritaire

A 9 h 30 :
1° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation du protocole de Kyoto à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (ensemble deux annexes) (n° 305 rectifié, 1999-2000).
2° Nouvelle lecture, sous réserve de sa transmission, du projet de loi relatif à la chasse (AN, n° 2427).
(La conférence des présidents a fixé au mercredi 21 juin 2000, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
A 15 heures et, éventuellement, le soir :
3° Questions d'actualité au Gouvernement.
(L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant 11 heures.)

Ordre du jour prioritaire

4° Suite de l'ordre du jour du matin.

Lundi 26 juin 2000 :

Ordre du jour prioritaire

A 15 heures et, éventuellement, le soir :
1° Conclusions de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture du projet de loi de finances rectificative pour 2000.
(En cas de nouvelle lecture, la conférence des présidents a fixé au samedi 24 juin 2000, à 16 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
2° Projet de loi de règlement définitif du budget de 1998, adopté par l'Assemblée nationale (n° 350, 1999-2000).
(Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.)
3° Deuxième lecture de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, relative à la constitution d'une commission de contrôle nationale et décentralisée des fonds publics accordés aux entreprises (n° 379, 1999-2000).
(Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.)
4° Projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Lituanie en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune (ensemble un protocole) (n° 80, 1999-2000).
5° Projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Estonie en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune (ensemble un protocole) (n° 78, 1999-2000).
6° Projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Lettonie en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune (ensemble un protocole) (n° 79, 1999-2000).
(La conférence des présidents a décidé que ces trois projets de loi feraient l'objet d'une discussion générale commune.)
7° Projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Arménie en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune (ensemble un protocole) (n° 26, 1999-2000).
Mardi 27 juin 2000 :
A 9 h 30 :
1° Dix-huit questions orales (l'ordre d'appel des questions sera fixé ultérieurement) :
- n° 761 de Mme Nicole Borvo à Mme le ministre de la culture et de la communication (Devenir de la maison des métallurgistes) ;

- n° 789 de M. Gérard Larcher à M. le ministre de l'intérieur (Construction de logements locatifs sociaux) ;

- n° 817 de M. Rémi Herment à M. le secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants (Mise à disposition des crédits prévus par le rapport Mingasson) ;

- n° 819 de M. Charles Revet à Mme le garde des sceaux, ministre de la justice (Répression des fausses alertes adressées aux services d'incendie et de secours) ;

- n° 826 de M. Francis Giraud à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité (Attribution du nombre de postes d'interne dans la subdivision de Marseille) ;

- n° 828 de M. Jean Pépin à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (Situation des buralistes) ;

- n° 833 de Mme Danièle Pourtaud à Mme le secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés (Suppression du service de chirurgie pédiatrique de Saint-Vincent-de-Paul) ;

- n° 834 de M. René-Pierre Signé à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche (Aides à la diversification) ;

- n° 835 de M. Kléber Malécot à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (Taux de TVA sur les travaux dans les locaux d'habitation) ;

- n° 837 de M. Dominique Braye à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (Mode de calcul de taxe sur les emprises sur le domaine public fluvial) ;

- n° 839 de Mme Marie-Madeleine Dieulangard à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (Abattement fiscal applicable aux aides aux personnes âgées) ;

- n° 840 de M. Philippe Madrelle à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement (Travaux d'aménagement de la RN 10 en Nord Gironde) ;

- n° 841 de M. Michel Teston à M. le ministre de l'éducation nationale (Conditions de fonctionnement du lycée et du collège de Privas) ;

- n° 842 de M. Claude Huriet à Mme le secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés (Dépistage du cancer colorectal) ;

- n° 843 de M. Guy Fischer à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (Fiscalité des contrats d'assurance de rente-survie) ;

- n° 844 de M. Jean Bernard à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement (Réglementation du transport de marchandises par les taxis) ;

- n° 845 de M. Gérard Cornu à Mme le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation (Aides aux détaillants de carburants en milieu rural) ;

- n° 849 de M. Fernand Demilly à M. le ministre de la défense (Avion de transport militaire du futur).

A 16 heures et, éventuellement, le soir :

Ordre du jour prioritaire

2° Eventuellement, suite de l'ordre du jour de la veille.
3° Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi portant réglementation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques (n° 344, 1999-2000).
4° Troisième lecture de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, relative à la protection des trésors nationaux et modifiant la loi n° 92-1477 du 31 décembre 1992 relative aux produits soumis à certaines restrictions de circulation et à la complémentarité entre les services de police, de gendarmerie et de douane (n° 300, 1999-2000).
(La conférence des présidents a fixé au lundi 26 juin 2000, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
5° Nouvelle lecture, sous réserve de sa transmission, du projet de loi modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication (AN, n° 2456).
(La conférence des présidents a fixé au lundi 26 juin 2000, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
Mercredi 28 juin 2000 :

Ordre du jour prioritaire

A 9 h 30, à 15 heures et le soir :
1° Eventuellement, suite de l'ordre du jour de la veille.
2° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à la sécurité du dépôt et de la collecte de fonds par les entreprises privées (n° 380, 1999-2000).
(La conférence des présidents a fixé au mardi 27 juin 2000, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
3° Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative à la prolongation du mandat et à la date de renouvellement des conseils d'administration des services d'incendie et de secours ainsi qu'au reclassement et à la cessation anticipée d'activités des sapeurs-pompiers professionnels (n° 405, 1999-2000).
(La conférence des présidents a fixé au mardi 27 juin 2000, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
4° Deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, interdisant les candidatures multiples aux élections cantonales (n° 301, 1999-2000).
(La conférence des présidents a fixé au mardi 27 juin 2000, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
5° Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, instaurant une journée nationale à la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites de l'Etat français et d'hommage aux « Justes » de France (n° 244, 1999-2000).
(La conférence des présidents a fixé au mardi 27 juin 2000, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
6° Deuxième lecture du projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, relatif à l'élargissement du conseil d'administration d'Air France et aux relations avec l'Etat et portant modification du code de l'aviation civile (n° 369, 1999-2000).
(La conférence des présidents a fixé au mardi 27 juin 2000, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
7° Projet de loi autorisant la ratification des amendements à la constitution de l'Organisation internationale pour les migrations (n° 171, 1999-2000).
8° Projet de loi autorisant l'approbation de l'instrument d'amendement à la constitution de l'Organisation internationale du travail (n° 191, 1999-2000).
9° Projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Paraguay (n° 217, 1999-2000).
10° Projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Paraguay (n° 219, 1999-2000).
11° Projet de loi autorisant l'approbation de la convention sur le transfèrement des personnes condamnées entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Paraguay (n° 220, 1999-2000).
(La conférence des présidents a décidé que ces trois projets de loi feraient l'objet d'une discussion générale commune.)
12° Projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant n° 2 à l'entente entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Québec en matière de sécurité sociale (n° 252, 1999-2000).
13° Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Ghana sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (n° 327, 1999-2000).
14° Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République dominicaine sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (n° 328, 1999-2000).
Jeudi 29 juin 2000 :

Ordre du jour prioritaire

A 9 h 30 :
1° Eventuellement, suite de l'ordre du jour de la veille.
2° Sous réserve de sa transmission, projet de loi constitutionnelle relatif à la durée du mandat du Président de la République (AN, n° 2462).
(La conférence des présidents a fixé :
- au mercredi 28 juin 2000, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;

- à trois heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.

L'ordre des interventions sera déterminée en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mercredi 28 juin 2000.)
A 15 heures, et éventuellement, le soir :
3° Discours du président du Sénat.
4° Suite de la discussion du projet de loi constitutionnelle relatif à la durée du mandat du Président de la République.
(La conférence des présidents a décidé qu'il serait procédé à un scrutin public à la tribune lors du vote sur l'ensemble du projet de loi constitutionnelle.)
Vendredi 30 juin 2000 :

Ordre du jour prioritaire

A 9 h 30 et à 15 heures :

Eventuellement, suite de l'ordre du jour de la veille.

NOMINATIONS DE RAPPORTEURS
COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES

M. Jean-Paul Emorine a été nommé rapporteur du projet de loi n° 326 (1999-2000), adopté par l'Assemblée nationale, portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire en matière de santé des animaux et de qualité sanitaire des denrées d'origine animale et modifiant le code rural.

COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LÉGISLATION, DU SUFFRAGE UNIVERSEL, DU RÈGLEMENT ET D'ADMINISTRATION GÉNÉRALE
M. Jean-Jacques Hyest a été nommé rapporteur de la proposition de loi n° 405 (1999-2000), adoptée par l'Assemblée nationale, relative à la prolongation du mandat et à la date de renouvellement des conseils d'administration des services d'incendie et de secours ainsi qu'au reclassement et à la cessation anticipée d'activités des sapeurs-pompiers professionnels, dont la commission des lois est saisie au fond.

COMMUNICATION RELATIVE À LA CONSULTATION
DES ASSEMBLÉES TERRITORIALES

M. le président du Sénat a reçu, le 8 juin 2000, de M. le Premier ministre une communication relative à la consultation de l'assemblée de la Polynésie française sur la proposition de loi organique (n° 2410, AN) tendant à modifier la loi n° 52-1175 du 21 octobre 1952 pour rééquilibrer la répartition des sièges à l'assemblée de la Polynésie française.
Ce document a été transmis à la commission compétente.



Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)


Service national et emploi

854. - 9 juin 2000. - M. Philippe Nachbar attire l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur le retard pris par l'aménagement des routes nationales 43 et 52, axes dont l'intérêt est essentiel pour le Nord de la Meurthe-et-Moselle tant sur le plan économique que pour renforcer la sécurité des usagers. En ce qui concerne la RN 52, qui traversent le bassin de Longwy jusqu'à la frontière belge, la mise à deux fois deux voies s'accompagnant de dispositifs efficaces assurant la protection des riverains, est une nécessité dont l'Etat n'a pas, à ce jour, prévu le financement dans des conditions acceptables, notamment pour les collectivités locales. Non seulement en raison de leurs contraintes budgétaires dans un arrondissement durement touché sur le plan économique, mais aussi et surtout parce que, s'agissant d'une liaison internationale, il est de la responsabilité de l'Etat d'assurer la majeure partie du financement. De plus, le doublement du viaduc de La Chiers, particulièrement dangereux - dix-huit morts depuis sa mise en service - et l'aménagement de ses abords constituent une priorité absolue dont l'urgence est indiscutable ; or l'Etat n'a prévu la réalisation que pour 2010. En ce qui concerne la RN 43, de Briey à Longuyon, axe structurant vital pour le développement du bassin ferrifère, seule une réhabilisation partielle a été réalisée en s'étalant sur une longue période et de nombreux travaux - tronçon Mainville-Landres, virage de Beuveille, carrefour d'Anoux, virage du bois de Longuyon, giratoire à l'entrée de Briey - restent à réaliser pour que cette route soit praticable en toute sécurité. Or, ces aménagements ne sont pas programmés par l'Etat alors qu'il s'agit de l'axe qui relie le bassin de Briey au Nord de la France et à la Belgique. Il lui demande ce qu'il entend faire pour que l'Etat assure pleinement sa part du financement de la RN 52 et de la RN 43 dont l'aménagement est une nécessité pour les populations du Pays-Haut.

Avenir des personnels de la circulation
aérienne d'essais et réceptions

855. - 9 juin 2000. - M. Gérard Roujas tient à attirer l'attention de M. le ministre de la défense sur l'avenir de la circulation aérienne d'essais et réceptions (CER) et des personnels qui la composent. Il lui rappelle que ces personnels sont hautement qualifiés et que la spécificité de leur profession n'est pas reconnue par un statut digne de ce nom. Une grande partie de ces personnels est d'ailleurs en contrat à durée déterminée. Alors même que les programmes civils se développent et que les essais de type militaires diminuent, alors même qu'une harmonisation européenne est nécessaire pour assurer une plus grande sécurité aérienne, il lui demande de bien vouloir lui préciser la position du ministère sur une évolution du cadre juridique actuel de la CER et sur l'élaboration d'un véritable statut de ces personnels.

Réalisation du grand contournement ouest de Strasbourg

856. - 13 juin 2000. - M. Francis Grignon attire l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur la déclaration d'utilité publique concernant le grand contournement ouest de Strasbourg. Avec la politique voulue par la ville de Strasbourg, le contournement actuel sert à la fois de desserte pour l'agglomération de Strasbourg et de voie de transit pour le trafic local, national et international. A la suite de la concertation préalable, un consensus régional s'est dégagé sur le principe d'un grand contournement de Strasbourg avec un accord sur le fuseau. Cette infrastructure est désormais indispensable pour toute la région. Le préfet ayant envoyé ses conclusions en début d'année, il constate avec regret que, depuis près de six mois, aucune mesure concrète ne semble être mise en oeuvre. Il lui demande donc ce que le Gouvernement entend faire pour que le grand contournement ouest de Strasbourg puisse être réalisé le plus rapidement possible.