Séance du 06 juin 2000






SOMMAIRE


PRÉSIDENCE DE M. GUY ALLOUCHE

1. Procès-verbal (p. 0 ).

2. Adaptation francs-euros dans les textes législatifs. - Adoption d'un projet de loi (p. 1 ).
Discussion générale : Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice ; MM. Denis Badré, rapporteur de la commission des finances ; Paul Loridant.
Mme le garde des sceaux.
Clôture de la discussion générale.

Articles 1er à 1er ter et 2. - Adoption (p. 2 )

Adoption de l'ensemble du projet de loi.

Suspension et reprise de la séance (p. 3 )

PRÉSIDENT DE M. CHRISTIAN PONCELET

3. Eloge funèbre de Roger Husson, sénateur de la Moselle (p. 4 ).
MM. le président, Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Suspension et reprise de la séance (p. 5 )

4. Conférence des présidents (p. 6 ).

5. Communication relative à des commissions mixtes paritaires (p. 7 ).

6. Orientation budgétaire. - Débat sur une déclaration du Gouvernement (p. 8 ).
M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances.

7. Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire d'Ukraine (p. 9 ).

8. Orientation budgétaire. - Suite du débat sur une déclaration du Gouvernement (p. 10 ).
MM. Alain Lambert, président de la commission des finances ; Jean François-Poncet, président de la commission des affaires économiques ; Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales ; Xavier de Villepin, président de la commission des affaires étrangères ; Roland du Luart, Philippe Adnot, Jacques Oudin, Mme Marie-Claude Beaudeau.

Suspension et reprise de la séance (p. 11 )

MM. Gérard Delfau, Bernard Angels, Denis Badré, Joël Bourdin, Charles Descours, Paul Girod, Michel Sergent, Yves Fréville, Gérard César, Gérard Braun, Xavier Darcos, Alain Joyandet.
M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Clôture du débat.

9. Dépôt d'une proposition de loi (p. 12 ).

10. Texte soumis en application de l'article 88-4 de la Constitution (p. 13 ).

11. Dépôt de rapports (p. 14 ).

12. Ordre du jour (p. 15 ).



COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. GUY ALLOUCHE
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures cinq.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

ADAPTATION FRANCS-EUROS
DANS LES TEXTES LÉGISLATIFS

Adoption d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 330, 1999-2000), adopté par l'Assemblée nationale, portant habilitation du Gouvernement à adapter par ordonnance la valeur en euros de certains montants exprimés en francs dans les textes législatifs. [Rapport n° 372 (1999-2000).]
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, l'entrée dans l'euro, réalisée le 1er janvier 1999, constitue une étape essentielle de l'histoire politique et économique de l'Europe et de notre pays.
En effet, en décidant de mettre en commun l'un des attributs essentiels de leur souveraineté, les Etats de la zone euro ont permis une intégration renforcée de l'Europe sur les plans économique, monétaire et financier.
Ils ont également franchi un pas important vers une union politique plus étroite.
Cette intégration monétaire fut un processus long et progressif, dont la dernière étape est fixée au 1er janvier 2002, date à laquelle les monnaies nationales disparaîtront pour laisser définitivement place à la monnaie unique.
Cette dernière phase sera la plus visible, mais aussi la plus délicate pour nos concitoyens, puisqu'il faudra que chacune et chacun s'adapte à la nouvelle monnaie.
Vous savez que le Gouvernement a entrepris diverses actions pour que tous les acteurs de la vie économique - particuliers, entreprises, associations et administrations - soient pleinement partie prenante de ce passage à l'euro. Il a lancé, à cette fin, une vaste campagne d'information auprès du grand public et des entreprises.
L'Etat n'est pas resté à l'écart de ce mouvement général et une structure interministérielle de préparation des administrations au passage à l'euro a été créée, dite « Mission euro ».
Il faut aujourd'hui parachever ces efforts à destination de nos contitoyens en veillant à ce qu'ils n'aient pas l'impression que la monnaie unique se fait sans eux.
Réussir le passage à l'euro dans la clarté et sans qu'une partie des Français aient le sentiment de rester au bord de la route, voilà la tâche qui nous attend !
Le projet de loi d'habitation qui vous est soumis contribue, en réalisant l'adaptation de notre législation au passage à l'euro, à préparer l'échéance du 1er janvier 2002 pour que l'euro soit pour tous une réussite.
Dans la perspective de l'abandon définitif des monnaies internes par chaque Etat membre, le Conseil de l'Union européenne a prévu que les références aux unités monétaires nationales figurant dans les textes normatifs doivent, à compter du 1er janvier 2002, être lues comme des références à l'euro.
Ainsi, toutes les références au franc figurant dans nos lois et décrets devront être considérées, sans qu'il soit besoin pour cela de prendre des mesures nationales particulières, comme des références à l'euro.
Cette opération automatique doit être effectuée conformément aux règles de conversion et d'arrondi issues du règlement européen, ce qui conduira à rendre certains montants exprimés en francs moins « lisibles » et par conséquent plus difficilement applicables.
A titre d'exemple, l'amende de 300 000 francs prévue en cas de vol par l'article 311-3 du code pénal devra automatiquement être lue, à compter du 1er janvier 2002, comme étant d'un montant de 45 734,71 euros.
De même, le montant minimal du capital social d'une SARL, soit 50 000 francs, devrait être lu comme étant de 7 622,45 euros.
Chacun conviendra que ces montants sont plus difficiles à mémoriser que les anciennes valeurs en francs et que certaines références risquent de perdre leur valeur symbolique ou pédagogique.
C'est pourquoi le Gouvernement propose d'anticiper sur la conversion automatique et d'adapter certains montants convertis, afin de maintenir leur lisibilité.
Pour reprendre l'exemple du capital social minimal d'une SARL, il pourrait être fixé à 7 500 euros, valeur qui s'écarte d'à peine 1,6 % du montant converti automatiquement, mais qui sera bien plus facile à identifier et à mémoriser pour les utilisateurs.
Bien entendu, il n'est nullement question de modifier, à cette occasion, le fond des règles de droit en vigueur. Il est simplement question d'assurer le maintien de la clarté et de l'efficacité des montants inscrits dans les normes juridiques.
Il va par ailleurs de soi que les adaptations doivent rester marginales et ne concerner que les textes pour lesquels il serait problématique ou dommageable de s'en tenir au montant résultant de la conversion communautaire.
J'en viens maintenant aux principes qui devront guider le Gouvernement pour procéder par ordonnance, puisque tel est le choix qui a été fait, plutôt que de soumettre au Parlement un projet de loi d'adaptation.
Les textes de notre corpus législatif concernés par cette conversion sont extrêmement nombreux, le plus souvent techniques et touchent à des domaines variés.
Il a fallu trois ans au groupe de travail interministériel pour faire le tri entre ceux qui pourraient s'accommoder des règles de conversion automatiques et ceux qui nécessitent, au contraire, des adaptations particulières, et pour mesurer les impacts économique, social, fiscal et budgétaire des modifications envisagées.
Afin que ces adaptations ne dépassent pas ce qui est strictement nécessaire pour garantir la lisibilité de notre législation, le Gouvernement s'est lui-même fixé des lignes directrices précises encadrant strictement l'action de tous les ministères concernés.
Premièrement, comme je l'ai déjà dit, l'adaptation envisagée s'appliquera non pas à l'ensemble des références en francs, mais seulement à celles qui peuvent difficilement s'accommoder de valeurs comportant deux chiffres après la virgule.
Deuxièmement, l'ensemble des adaptations suivra un principe de neutralité financière globale, destiné à éviter que, d'un côté, les particuliers et les entreprises, de l'autre, l'Etat, les collectivités locales ou les établissements publics ne soient financièrement favorisés ou désavantagés.
Troisièmement, une harmonisation des solutions pour des seuils et montants comparables ou relevant d'une même matière a été recherchée.
Quatrièmement, pour les sanctions pécuniaires, quelle qu'en soit la nature - pénale, fiscale, civile, etc. - le nombre très élevé de textes concernés et la nécessité d'un traitement homogène conduisent à retenir systématiquement un arrondi à la baisse, afin de ne pas aggraver la répression des infractions à l'occasion du passage à l'euro.
Cinquièmement, en matière de législation fiscale, les seuils, abattements et tarifs très nombreux qui figurent dans le code général des impôts et dans le livre des procédures fiscales feront l'objet d'un traitement cohérent et aussi neutre que possible compte tenu des enjeux budgétaires.
Dans tous les cas, le Gouvernement a eu le souci d'encadrer les variations de montant autorisées et il a pris des engagements très précis en ce sens.
Le projet de loi d'habilitation prévoit également des dispositions spécifiques d'habilitation pour les territoires d'outre-mer concernés par cette adaptation.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je veux encore une fois insister sur les conséquences majeures sur la vie quotidienne de nos concitoyens qu'aura le changement de monnaie fiduciaire.
Ceux d'entre nous qui ont connu le passage au nouveau franc voilà plus de quarante ans savent combien les signes monétaires et la valeur des choses qu'ils expriment sont profondément enracinés dans l'expérience vécue de nos concitoyens. Nous mesurons tout le travail que chaque usager devra fournir pour se familiariser avec les nouveaux montants libellés en euros.
Laisser aux ménages, entreprises et administrations un délai d'un an pour se familiariser avec les nouveaux montants avant qu'ils ne s'appliquent légalement sera aussi un facteur de réussite du passage à l'euro. Tel est bien l'objet du texte qui vous est soumis.
Il me reste à remercier votre commission des finances et son rapporteur, M. Denis Badré, pour le travail accompli. Son rapport démontre que, tant sur les objectifs que sur les moyens de les atteindre, le Gouvernement et le Sénat sont à l'unisson sur ce sujet européen. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Denis Badré, rapporteur de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Le présent projet de loi vise à habiliter le Gouvernement - vous le rappeliez à l'instant, madame la ministre - à adapter par ordonnance, en vertu de l'article 38 de la Constitution, la valeur en euros de certains montants exprimés en francs dans les textes législatifs.
Je vous rappelle que, le 31 décembre 1998, le taux de conversion de l'euro vis-à-vis du franc a été fixé de manière irrévocable à 6,559 57 francs pour un euro, avec un arrondi à la deuxième décimale. Le lendemain, l'euro est devenu la monnaie unique de onze pays de l'Union européenne.
L'application directe des règles de conversion édictées au niveau communautaire présenterait un défaut évident : les montants monétaires figurant dans les textes législatifs et réglementaires traduits en euros comporteraient, dans la plupart des cas, des décimales. Ils seraient donc illisibles et de mémorisation quasi impossible.
Ce fait serait préjudiciable à la bonne appréhension, donc à la bonne application, de la réglementation, ce qui serait fâcheux en soi. J'ajoute qu'il desservirait également l'idée européenne en donnant des arguments à ceux qui cherchent toutes les occasions pour dire que « l'Europe, c'est compliqué », ce qui doit être évité. Votre projet de loi, madame la ministre, poursuit donc un objectif pédagogique, et nous ne pouvons que l'apprécier.
J'ajoute qu'il vient à point en un temps où, derrière le débat sur l'euro faible ou fort, on constate une relative baisse d'intérêt de l'opinion pour un sujet qui, tout bien considéré, est estimé, par certains, comme très loin derrière nous et, dès lors, tout à fait acquis ou, par beaucoup d'autres, pas encore mûr, ni encore présent et donc prématuré.
En prévoyant des dispositions particulières visant à adapter les règles de conversion afin que certaines valeurs figurant en euros dans les textes législatifs, en particulier les seuils et les amendes, ne comprennent pas de décimales ou soient suffisamment arrondies pour être compréhensibles et mémorisables pour tous, il doit enfin contribuer à éviter l'apparition de nouvelles angoisses face à l'euro, notamment chez les personnes âgées.
L'objectif du texte est donc bon en un temps où la mise en place pratique de l'euro doit se poursuivre sans relâche et de manière méticuleuse.
Pour mesurer l'exacte portée de ce texte, il convient toutefois d'insister sur le fait que seuls les textes législatifs sont visés.
Rappelons brièvement dans quel contexte s'inscrit ce projet de loi.
Le Conseil européen de Madrid, en décembre 1995, a clairement établi le calendrier de passage à la monnaie unique.
Le 2 mai 1998, les chefs d'Etat et de Gouvernement, réunis à Bruxelles, ont décidé de leur participation à l'Union économique et monétaire, tandis que, le lendemain, le conseil ECOFIN a déterminé les préparités de change bilatérales définitives pour les monnaies des pays membres de l'Union économique et monétaire.
L'euro a été créé le 1er janvier 1999. Mais ce n'est qu'à partir du 1er janvier 2002 que les pièces et les billets en euros seront mis en circulation.
Il avait été prévu que les monnaies nationales subsisteraient en même temps que les pièces et les billets en euros jusqu'au 1er juillet 2002 en tant que subdivisions non décimales de l'euro.
Je considérais personnellement que la durée de cette période d'introduction de l'euro facial retenue par le traité de Maastricht - six mois - était trop longue. Je me réjouis que, au cours de sa réunion du 11 février dernier, le Comité national de l'euro ait décidé de ramener cette période de double circulation de six mois à six ou huit semaines. Cette annonce est opportune. C'est une manière de confirmer que tout se passe bien et que les inévitables problèmes posés par une opération d'une telle envergure sont traités les uns après les autres, en temps et en heure.
Par ailleurs, il me paraît fâcheux et très peu justifié que des frais de change continuent à être perçus au sein de la zone euro. Madame la ministre, je souhaiterais que vous puissiez me faire part de votre position sur ce sujet en m'indiquant notamment si le Gouvernement a l'intention de dénoncer cette situation et de faire le nécessaire pour qu'elle cesse.
D'une manière générale, la coexistence de plusieurs formes d'une même monnaie conduit, au cours de la période transitoire, à d'innombrables opérations de conversion qui donnent lieu à des arrondis, donc à l'apparition d'écarts de valeur résultant de ces arrondis.
Afin de permettre à l'ensemble des pays européens de résoudre ce problème de manière homogène, le règlement communautaire du 17 juin 1997 a fixé un cadre général et des règles précises quant aux techniques de conversion utilisées. En particulier, le taux de conversion doit comporter six chiffres significatifs, c'est-à-dire cinq chiffres après la virgule pour la France. Les règles édictées au niveau communautaire sont relativement simples et logiques, mais leur portée pratique ne manque pas, parfois, de poser problème.
Sur le plan national, la loi du 2 juillet 1998 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier a harmonisé les règles d'arrondi en matière fiscale et sociale, en prévoyant que les bases des impositions de toute nature sont arrondies au franc ou à l'euro le plus proche et que la fraction de franc ou d'euro égale à 0,50 est comptée pour 1, toute disposition contraire étant abrogée.
Le contexte du projet de loi soumis à notre examen est également marqué par l'utilisation encore confidentielle de l'euro en tant que monnaie scripturale. Je me permets de vous renvoyer à mon rapport écrit sur ce sujet.
M. Michel Charasse. Excellent rapport !
M. Denis Badré, rapporteur. Merci, mon cher collègue.
Les chiffres montrent que le niveau des transactions en euros reste très faible en France.
M. Paul Loridant. C'est bien vrai !
M. Denis Badré, rapporteur. Il convient donc de relancer la communication dans la perspective de l'introduction de l'euro et de développer les actions pédagogiques nécessaires pour mieux préparer nos concitoyens à l'utilisation d'une monnaie qui est déjà complètement la leur.
Il est essentiel d'éviter que le passage à la monnaie unique ne crée des « exclus de l'euro ». Il faut donc amplifier les actions d'information et de sensibilisation dirigées vers les entreprises - celles qui existent sont bonnes mais il faut toujours aller plus loin - vers les publics scolaires et, surtout, vers ceux qui peuvent éprouver le plus de difficultés à s'adapter à l'euro.
Le basculement effectif sera d'autant mieux vécu que les opérations prévues au cours de la deuxième quinzaine du mois de décembre 2001 seront bien préparées, en particulier en ce qui concerne la préalimentation en pièces des particuliers, préalimentation qui interviendra par la mise à la disposition du public de « porte-monnaie euro » d'une valeur de 100 francs.
Il conviendra également de veiller à la bonne marche de l'adaptation des différents automates, des distributeurs automatiques de billets en particulier. De même, les particuliers seront davantage sensibilisés à l'euro si les factures, bulletins de paye ou relevés bancaires - n'est-ce pas, mon cher collègue Loridant ? (M. Loridant agite un chéquier en euro) - portent en caractères plus grands l'ensemble des mentions en euro qui restent encore trop souvent confidentielles.
Il faudra progressivement passer d'un système dans lequel les valeurs en francs sont marquées en caractères gras et les valeurs en euro en plus petit à un système inverse.
Toutefois, en elle-même, la faible utilisation de l'euro scriptural n'est pas inquiétante. Elle est même normale. En effet, je rappelle que l'euro est déjà la monnaie de la France, le franc n'existant plus, sinon en apparence, que comme l'expression non décimale de l'euro. Les particuliers utilisent l'euro sans le savoir, comme M. Jourdain faisait de la prose. Dès lors, pourquoi se compliqueraient-ils l'existence à utiliser deux expressions de la même monnaie ? Ils continuent à travailler en francs. Il semble qu'ils préfèrent logiquement attendre l'introduction des pièces et des billets, donc le 1er janvier 2002. A chaque jour suffit sa peine, se disent-ils !
Aujourd'hui, nous en sommes au présent projet de loi.
Pour rédiger son projet d'ordonnance le Gouvernement s'est appuyé sur les travaux menés par un groupe de travail interministériel ad hoc .
La préparation des administrations publiques à l'introduction de l'euro a débuté par une circulaire du Premier ministre en date du 22 mars 1996, il y a quatre ans déjà.
Un groupe de travail interministériel a été créé en juillet 1996 afin d'étudier plus spécifiquement les conséquences de l'introduction de l'euro sur les effets de seuil. Il a reçu pour mission de recenser l'ensemble des textes législatifs et réglementaires affectés par le passage à l'euro tout en veillant à ce que les références chiffrées conservent une signification claire pour les agents économiques. Il a également été chargé de mesurer toutes les conséquences des adaptations envisagées, ainsi que celles qui pourraient découler d'un éventuel franchissement de seuils.
A ce point de mon intervention, je me permets, madame la ministre, de vous poser une question particulière relative à la conversion en euro de la valeur du point d'indice de la fonction publique. Quand le Gouvernement va-t-il y procéder ? Il avait été question de juillet 2000. Selon quelles modalités va-t-il le faire ?
Le groupe de travail interministériel a opéré une distinction entre quatre catégories de textes comportant des références monétaires en fonction du degré d'adaptation à réaliser en vue de l'introduction de l'euro, en allant du plus simple au plus compliqué.
La première catégorie comprend les textes qui font l'objet d'une revalorisation annuelle au 1er janvier de chaque année et qui ne devraient pas entraîner de difficultés particulières.
Viennent ensuite les textes qui ne sont soumis à aucun impératif de lisibilité ou qui ne présentent pas de caractère symbolique, si importants soient-ils, tels que les rémunérations des fonctionnaires ou les prestations sociales.
Puis, nous trouvons les textes qui doivent rester lisibles mais dont l'adaptation aurait peu de conséquences financières, comme les seuils indicatifs.
Enfin, la dernière catégorie comprend les textes les plus complexes, ceux qui sont soumis à un impératif de lisibilité et dont l'adaptation entraînerait des conséquences financières importantes ; il en existe environ 700. Ce sont eux qui nous intéressent en premier lieu.
En raison de l'impossibilité de recourir à une seule méthode d'adaptation, le groupe de travail a pragmatiquement retenu quatre recommandations qui cadrent le projet d'ordonnance que vous avez préparé.
Première recommandation : le projet d'ordonnance doit être juridiquement neutre. L'adaptation des textes ne doit entraîner aucune modification du droit existant. Ainsi, le nouveau libellé des montants des sanctions ne doit pas aggraver celles-ci.
Deuxième recommandation : le projet d'ordonnance doit être financièrement neutre. L'adaptation des références chiffrées ne doit se traduire ni par une augmentation des dépenses publiques ni, bien sûr, par une diminution de ressources.
Troisième recommandation : le projet d'ordonnance doit conserver, dans la mesure du possible, la même échelle de référence pour les montants exprimés en francs et pour ceux qui sont exprimés en euros après conversion.
Quatrième recommandation, enfin : le projet d'ordonnance doit confirmer l'entrée en vigueur au 1er janvier 2002 des montants relibellés.
Ces recommandations vont peut-être de soi, vont peut-être sans dire, mais je pense qu'elles vont encore mieux en le disant !
L'objet de l'ordonnance relève donc d'une simple traduction, elle n'a pas vocation à reprendre sur le fond des textes législatifs qui ne doivent pas être revus.
J'ajouterai enfin quelques mots sur la situation outre-mer.
Les différentes collectivités territoriales sont dans des positions variées face à la monnaie unique. Leurs régimes juridiques sont différents, comme l'est leur situation vis-à-vis des dispositions du traité de Maastricht. Je ne reprends pas ici les détails qui figurent dans mon rapport écrit. Je rappelle simplement que, à partir du 1er janvier 2002, les départements d'outre-mer, Saint-Pierre-et-Miquelon et Mayotte, qui utilisent actuellement le franc français, passeront à l'euro tandis que les territoires d'outre-mer et la Nouvelle-Calédonie continueront d'utiliser le franc Pacifique.
Je conclurai en évoquant les modifications apportées par l'Assemblée nationale au présent projet de loi. En effet, confirmant l'importance des principes retenus par le groupe de travail interministériel, l'Assemblée nationale a donné une portée législative à deux des quatre recommandations que celui-ci a faites : celles qui concernent la neutralité financière et la neutralité juridique.
En outre, elle a limité au 2 octobre 2000, date de la reprise de nos travaux d'automne, l'habilitation à procéder par ordonnance. Les dispositions à prendre étant, dans leur ensemble, pratiquement prêtes, je pense que le Gouvernement verra plutôt dans cette date butoir une obligation de résultat. Cela me paraît opportun dans le cadre d'un calendrier de mise en place de l'euro qui ne doit en aucun cas se relâcher.
Approuvant ces dispositions, qui relèvent de la nécessaire prudence dont il faut faire preuve face à un exercice inédit, la commission vous propose, mes chers collègues, d'adopter tel quel le projet de loi qui vous est soumis. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, ce projet de loi, dont le caractère relativement technique apparaît assez clairement dans l'exposé des motifs, soulève de notre point de vue un certain nombre de questions.
En premier lieu, je souhaite faire remarquer que, par principe, je demeure hostile à toute démarche législative qui conduirait le Parlement à se dessaisir de ses prérogatives. Ainsi, le recours à l'article 38 de la Constitution ne me satisfait pas ; c'est une question de principe !
Certes, un grand nombre des adaptations qui sont prévues dans ce texte sont de pure forme. Néanmoins, elles sont suffisamment nombreuses pour que nous nous interrogions sur le recours à cette procédure.
Le texte lui-même pose, selon nous, deux questions essentielles : l'une sur la reconnaissance et la familiarité de nos concitoyens à l'égard de l'euro, l'autre sur le problème de la mise en place de la monnaie unique dans le contexte économique et monétaire international.
Lancé à grand renfort de publicité, l'euro est, aujourd'hui, vraiment loin d'être entré dans les moeurs de nos concitoyens. Il est vrai que notre bon vieux franc, avec sa stricte application du système décimal, présente par nature un caractère autrement plus simple que la monnaie européenne avec ses cinq décimales après la virgule.
Nous n'avons pas le bonheur d'être allemands et d'avoir une monnaie unique sensiblement égale à la valeur de deux deutsche marks, ce qui aurait le mérite de nous simplifier le travail de conversion.
L'exposé des motifs du projet de loi reconnaît lui-même la difficulté que pose la conversion des francs en euros en bien des domaines. Le Gouvernement se trouve donc contraint de mettre en application des ordonnances tendant à arrondir au plus près les résultats obtenus afin de les rendre intelligibles : juste préoccupation, madame la garde des sceaux !
Au vu du peu d'enthousiasme - le mot est faible - de la part de nos concitoyens à utiliser l'euro dans leurs achats quotidiens, cette préoccupation est vraiment une bonne chose.
Au demeurant, les consommateurs ne sont pas les seuls à bouder la monnaie unique. Les créateurs d'entreprises nouvelles, « branchés » de la net économie ou « débranchés » de la vieille économie, semblent encore aujourd'hui préférer indiquer que leur SARL dispose plutôt d'un capital de 50 000 francs que d'un capital de 7 622,45 euros, que l'on arrondit quelque fois à 7 600 euros ou à 7 620 euros.
Cela est d'autant plus étonnant que la monnaie unique est entrée officiellement en vigueur depuis plus de dix-huit mois et que, désormais, nous sommes également à dix-huit mois de la disparition définitive du franc dans l'espace national.
Nous pensons qu'il serait d'ailleurs judicieux que le Gouvernement indique à la représentation nationale, et plus largement à l'opinion publique, quel est le degré de pénétration de la monnaie unique dans les pratiques commerciales ou monétaires, en fait à quel niveau nos concitoyens sont-ils préparés au grand saut de la monnaie unique.
Sur ce sujet, je pourrais, madame la garde des sceaux, multiplier les anecdotes.
Ainsi, moi qui suis titulaire d'un chéquier en euros (L'orateur brandit un chéquier.) - il est vert, ce qui est déjà en soi une provocation - je n'ai pu placer que vingt-cinq chèques en un an. J'ai, par exemple, été obligé de menacer le percepteur de ma commune de poser une question écrite au ministre ! Il a fini par accepter mes chèques en euros. J'ai obtenu de payer également en euros la cantine à la mairie des Ulis. En revanche, dans cette maison-même, si vous voulez payer au restaurant avec un chèque en euros on vous répond que c'est impossible.
Autre exemple : lorsque l'on paie ses impôts avec un chèque en euros, il est débité trois semaines ou un mois plus tard qu'il ne l'aurait été si le chèque avait été libellé en francs.
Bref, madame la garde des sceaux, l'euro ça ne marche pas vraiment !
La grande question que pose ce texte est évidemment celle du rôle même de l'euro.
Certes, il n'entre pas dans l'objet de ce projet de loi de régler cette question. Néanmoins, il me semble important, à dix-huit mois à peine du basculement définitif, d'ouvrir ce débat que beaucoup aujourd'hui cherchent à éviter. Je serais donc tenté de dire, sans vouloir faire un jeu de mots facile : sur l'euro parlons franc !
Le problème essentiel de l'euro est que, dans les faits, il ne remplit pas les objectifs assignés. Je vous le rappelle, mes chers collègues, l'euro devait permettre à l'Europe unie de faire entendre sa voix dans le concert monétaire international, entrant ainsi en concurrence directe avec le dollar américain et le yen japonais en matière de règlements internationaux.
L'euro, disait-on, sera fort ou ne sera pas. La réalité est tout autre : l'euro est devenu l'objet d'une intense spéculation monétaire et a fait les frais de la politique monétaire américaine. Dix-huit mois après son lancement triomphal, il a perdu près de 25 % de sa valeur par rapport au dollar ou au yen.
Certes, nous ne nous en plaindrons pas, car la gestion « intelligente » de cette situation par les dirigeants de la Banque centrale européenne a permis de relancer les économies européennes et d'alléger le drame du chômage.
Je souhaite toutefois faire remarquer à la représentation nationale et aux tenants de la monnaie forte que cette embellie économique souligne a posteriori les dégâts humains et économiques causés par la politique du franc fort mise en oeuvre durant les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix.
Force m'est aussi de constater que cette bonne gestion de l'euro par la Banque centrale européenne, à l'origine de la salutaire reprise économique, est plutôt à mettre à l'actif du Federal Reserve Board, qui tente ainsi de contrôler la surchauffe de l'économie américaine. Qu'en sera-t-il demain lorsque les orientations de la politique monétaire américaine favoriseront un dollar faible ? Belle démonstration de l'indépendance monétaire qu'était censé nous apporter l'euro !
En réalité, cette situation pose clairement la question de l'indépendance de la Banque centrale européenne. Ce choix était-il et est-il encore pertinent ? Est-il le mieux à même de garantir que les orientations de la Banque centrale européenne favoriseront réellement des politiques budgétaires et monétaires susceptibles de conforter la croissance et, donc, d'asseoir la création monétaire sur la richesse effectivement produite ? J'en doute !
Les décisions prises récemment par la Banque centrale européenne, et notamment le relèvement des taux d'intérêt, favorisent, en fait, les poussées dépressives et le ralentissement de la croissance. Ces décisions malheureuses, justifiées plus par des choix idéologiques que par le sens des responsabilités, vont réduire le rythme de décrue du chômage et maintenir encore des millions de personnes dans les difficultés et dans la précarité.
Je dirai quelques mots, avant de conclure, sur la question de la convergence des politiques budgétaires et économiques des pays de l'Union, en tout cas de ceux qui sont pleinement engagés dans l'euro.
Force est de constater que ces politiques présentent, sur de nombreux points, des similitudes. La règle de la progression des dépenses publiques, la mise en oeuvre d'une politique de libéralisation à outrance des services publics sous la pression bienveillante de la Commission européenne, l'impossibilité de définir un cadre fiscal commun à l'ensemble des pays partenaires qui encourage, de fait, le dumping fiscal et favorise la persistance de véritables paradis fiscaux à une heure de Paris : telles sont les caractéristiques les plus marquantes de ces politiques menées au sein de l'Europe.
Quant à l'Europe sociale, on en parlera encore, j'en suis sûr, mes chers collègues, lors des prochaines élections européennes - c'était le cas dès les premières, en 1979 - et puis, une fois l'élection passée, on oubliera bien vite les bonnes intentions et les déclarations de principe... Ainsi va, dans la réalité, la construction européenne.
J'ai conscience que cela dépasse assez largement le cadre étroit de ce projet de loi, mais vous comprendrez que l'orientation précise des politiques que la Banque centrale européenne et la Commission, gardiennes du temple libéral, font suivre aux Etats participants est suffisamment critiquable pour que nous en fassions état dès que l'occasion se présente.
La construction européenne ne peut, de notre point de vue, être comprise et intégrée par les citoyens des pays de l'Union si sa traduction concrète se résume à toujours plus de sacrifices et d'efforts jamais véritablement récompensés.
On ne pourra, en particulier, faire partager un enthousiasme en matière de construction européenne tant que la Banque centrale européenne ne sera pas placée sous le contrôle démocratique des citoyens et de leurs élus et tant que le développement économique et la lutte contre le chômage ne feront pas partie intégrante des objectifs généraux de la Banque centrale européenne, comme c'est le cas de la Réserve fédérale américaine.
Sur la base de ces remarques, tout en soulignant, madame la garde des sceaux, monsieur le rapporteur, la grande qualité technique de ce texte, d'ailleurs amendé de manière positive par l'Assemblée nationale, le groupe communiste républicain et citoyen ne prendra pas part au vote. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Michel Charasse. Loridant... dur ! (Sourires.)
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Monsieur le président, je souhaite répondre à une question posée tout à l'heure par M. Badré sur les frais de change.
Il faut distinguer les frais de change au sens strict, qui ont été supprimés le 1er janvier 1999, et les commissions qui sont liées aux virements et autres opérations effectués au-delà des frontières. Ces derniers continuent d'être facturés par les banques.
Le Gouvernement souhaite que des progrès soient rapidement accomplis par les banques pour réduire ces frais. La Banque centrale européenne est très attachée à cet objectif et elle demande aux banques commerciales européennes d'aller dans ce sens.
Vous le voyez, monsieur le rapporteur, il s'agit dune question qui relève de pratiques commerciales et non pas de la réglementation publique.
M. Denis Badré, rapporteur. Il faut que les citoyens le comprennent !
M. Michel Charasse. Ce n'est pas demain la veille !
M. Paul Loridant. Vaste programme !
M. Michel Charasse. Il faut déjà qu'ils comprennnent pourquoi ils ont une monnaie qui se casse la gueule !
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.

Article 1er

M. le président. « Art. 1er. - Dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre, par ordonnance, les mesures nécessaires :
« 1° A l'adaptation au passage à l'euro de certains montants exprimés en francs dans les textes législatifs, autres que ceux mentionnés au 2° ci-après ;
« 2° A la conversion en euros des montants exprimés en francs dans les textes législatifs spécifiques à la Nouvelle-Calédonie, aux territoires d'outre-mer et aux collectivités territoriales de Saint-Pierre-et-Miquelon et Mayotte, ainsi qu'à l'adaptation au passage à l'euro de certains de ces montants. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 1er.

(L'article 1er est adopté.)

Articles 1er bis, 1er ter et 2



M. le président.
« Art. 1er bis. - L'application de l'article 1er ne doit entraîner l'aggravation d'aucune sanction pécuniaire législative ni d'aucune sanction pénale. » - ( Adopté. )
« Art. 1er ter. - L'ordonnance prise en application de l'article 1er ne devra pas avoir d'incidence significative sur les ressourses et dépenses publiques. » - ( Adopté. )
« Art. 2. - L'ordonnance prévue à l'article 1er devra être prise au plus tard le 2 octobre 2000. »
« Un projet de loi de ratification de l'ordonnance devra être déposé devant le Parlement au plus tard le dernier jour du neuvième mois commençant après la promulgation de la présente loi. » - ( Adopté. )
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
M. Michel Charasse. Le groupe socialiste vote pour.

(Le projet de loi est adopté.)
M. le président. Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons interrompre nos travaux. Nous les reprendrons à seize heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix heures quarante, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de M. Christian Poncelet.)

PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET

M. le président. La séance est reprise.

3

ÉLOGE FUNÈBRE DE ROGER HUSSON,
SÉNATEUR DE LA MOSELLE

M. le président. Mes chers collègues, je vais prononcer l'éloge funèbre de Roger Husson. (M. le ministre, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent.)
Notre collègue Roger Husson, sénateur de la Moselle, nous a quittés le 28 avril dernier, à l'âge de soixante-seize ans. La nouvelle de sa disparition subite nous a profondément émus.
La vie de Roger Husson est un cheminement exemplaire, fait de courage et de dévouement, porté par des valeurs fortes.
Notre collègue, ami de tous, était né le 12 juin 1924, à Dieuze, dans le département de la Moselle. Plus tard, sa vie d'homme public sera entièrement dévouée à cette ville du plateau de la Lorraine.
Roger Husson était de ceux dont l'engagement s'enracine au plus profond d'une petite parcelle de la terre de France.
C'est cet attachement à son pays, transmis de génération en génération par une tradition patriotique familiale, qui suscitera son engagement volontaire en juin 1944 dans la brigade Alsace-Lorraine. Il s'y comportera en héros.
La médaille militaire, la croix de guerre et la croix du combattant volontaire illustreront son action sous les drapeaux.
Ces années de guerre ne cesseront d'habiter Roger Husson. Elles imprimeront une marque particulière à son action.
C'est à l'usine Kuhlmann, à Dieuze, que Roger Husson retourne à la vie civile, en pleine période de reconstruction de notre pays.
Elu conseiller municipal de Dieuze en 1957, il accède à la fonction de maire en 1965.
Premier magistrat pendant trente-deux ans, il est de ces maires dont l'énergie, la personnalité et l'attention aux autres permettent de triompher des clivages traditionnels.
Comme nombre de ses administrés, les activités professionnelles de Roger Husson étaient liées de façon très intime à la vie de sa région. Nommé contremaître en 1966, il est appelé en 1973 à siéger au Conseil économique et social, à la section de l'industrie et du commerce.
Sans quitter son travail, il est élu, en 1982, conseiller général et, l'année suivante, conseiller régional.
La Lorraine connaît alors des années difficiles. La terre et les hommes sont frappés par la reconversion industrielle. C'est dans leur chair que les Lorrains sont touchés par la fermeture des houillères et le déclin d'une culture ouvrière fédératrice.
En 1983, Roger Husson est élu au Sénat et parachève, avec ce mandat, sa carrière d'élu local. Il s'y fera l'apôtre de ses valeurs et de celles de sa région.
Dans l'hémicycle de notre assemblée et au sein de la commission des affaires sociales, il intervient avec force sur la crise que connaît « sa » Lorraine.
Il prône la diversification des activités, le renouvellement des infrastructures, le traitement économique d'un chômage croissant, avec comme objectif intangible l'ambition que la population lorraine garde espoir dans le renouveau de la région.
Son discours s'enflammait alors pour lutter contre la résignation.
Avec la même énergie, qui était sa marque, il combat, avec succès, pour le maintien à Dieuze du 13e régiment de dragons parachutistes.
Au nom de la commission des affaires économiques, qu'il rejoint en 1993, il est l'auteur de plusieurs rapports sur les mines et le bassin houiller lorrain. Parallèlement, son intérêt pour les questions de défense ne se dément pas.
Depuis cinq ans, Roger Husson travaillait au sein de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
Son action était sous-tendue par la volonté de promouvoir l'esprit de défense et le patriotisme, en particulier chez les jeunes.
Une défense efficace pour la France, une armée moderne dotée des moyens nécessaires étaient au coeur de ses convictions.
L'indépendance de la France grâce à une industrie de défense forte rejoignait ses préoccupations en matière d'emploi.
Car c'est bien pour servir les autres que Roger Husson était entré en politique, servait la politique et honorait la politique : pour les mineurs lorrains privés d'emploi, pour les militaires risquant leur vie et leur souffrance, pour les veuves de militaires, au sujet desquelles il avait déposé puis rapporté une proposition de loi, et, plus généralement, pour une certaine idée du bien public et de celui de son pays.
Ceux qui l'ont connu ont été les témoins de la noblesse avec laquelle il s'acquittait de cette mission.
Au nom du Sénat tout entier, je voudrais rendre hommage à sa mémoire.
A son épouse et à ses enfants je voudrais apporter le témoignage de notre profonde et sincère émotion.
J'assure ses amis du groupe du RPR et ses collègues de la commission des affaires étrangères de notre émotion et de notre sympathie attristée.
M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je veux, au nom du Gouvernement, m'associer à l'hommage que vous rendez aujourd'hui à Roger Husson, qui nous a quittés le 28 avril dernier.
Issu d'une famille modeste d'ouvriers et de mineurs mosellans, Roger Husson commença sa vie professionnelle comme apprenti chez Ugine-Kuhlmann. Son expérience de l'usine, sa connaissance des hommes et du terrain, ses qualités de travailleur le firent demeurer dans l'entreprise jusqu'en 1974. D'une certaine façon, c'est la même rigueur que vous distinguiez lorsqu'il siégeait à vos côtés.
Dieuzois de souche, Roger Husson resta fidèle à sa ville natale tout au long de sa vie d'élu, c'est-à-dire pendant près d'un demi-siècle. Son engagement politique, il le mettait au service de ses concitoyens, car guidé par son remarquable bon sens et par l'expérience, Roger Husson avait gardé cette proximité et ce dévouement qui sont la marque des grands élus. Il recueillait l'estime de ses amis et le respect de ses opposants.
Mais je n'oublie pas que Roger Husson fut aussi, et peut-être d'abord, un résistant.
Engagé volontaire, il rejoignit la brigade Alsace-Lorraine, celle d'André Malraux, et se fit combattant de la liberté au service d'une certaine idée de la France.
Au nom du Gouvernement de la République, je vous adresse, madame, à vous, à vos enfants et à vos proches mes très sincères condoléances.

(A la demande du président, M. le ministre, Mmes et MM. les sénateurs observent une minute de silence.)
M. le président. Je vous propose, mes chers collègues, d'interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures vingt-cinq, est reprise à seize heures trente-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

4

CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS

M. le président. La conférence des présidents a établi comme suit l'ordre du jour des prochaines séances du Sénat :
Mercredi 7 juin 2000 :

Ordre du jour prioritaire

A quinze heures et le soir :
Projet de loi de finances rectificative pour 2000, adopté par l'Assemblée nationale (n° 351, 1999-2000).
La conférence des présidents a fixé à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscription de paroles devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mardi 6 juin 2000.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.
Jeudi 8 juin 2000 :
A neuf heures trente :

Ordre du jour prioritaire

1° Eventuellement, suite du projet de loi de finances rectificative pour 2000, adopté par l'Assemblée nationale (n° 351, 1999-2000).
2° Projet de loi de règlement définitif du budget de 1998, adopté par l'Assemblée nationale (n° 350, 1999-2000).
La conférence des présidents a fixé au mercredi 7 juin 2000, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.
3° Deuxième lecture de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, relative à la constitution d'une commission de contrôle nationale et décentralisée des fonds publics accordés aux entreprises (n° 379, 1999-2000).
A quinze heures :
4° Questions d'actualité au Gouvernement.
L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant onze heures.

Ordre du jour prioritaire

5° Suite de l'ordre du jour du matin.
Mardi 13 juin 2000 :
A neuf heures trente :
1° Dix-huit questions orales.
L'ordre d'appel des questions sera fixé ultérieurement.
N° 777 de M. Patrice Gélard à M. le ministre de l'éducation nationale (rattachement des écoles du canton de Goderville à l'inspection académique d'Yvetot) ;
N° 804 de M. Georges Mouly à Mme le secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés (développement du service de gériatrie du centre hospitalier général de Tulle) ;
N° 809 de M. Josselin de Rohan à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement (réseau transeuropéen de fret ferroviaire) ;
N° 812 de M. Jean-Claude Carle à Mme le secrétaire d'Etat au budget (augmentation du taux de remise sur les ventes de tabac) ;
N° 814 de M. Francis Grignon à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (taux de TVA applicable au chocolat noir) ;
N° 815 de M. Daniel Hoeffel à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité (convention de l'OIT traitant des droits de la maternité)) ;
N° 816 de M. Christian Demuynck à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (application de la TVA à la restauration collective) ;
N° 818 de M. Paul Girod à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement (fermeture du centre de parachutisme de Laon) ;
N° 820 de M. André Vallet à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (refus d'acceptation de certains billets par les commerçants) ;
N° 821 de M. Paul Blanc à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes (programme d'aides communautaires) ;
N° 823 de M. Aymeri de Montesquiou à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes (demande de simplification administrative des mesures communautaires) ;
N° 824 de M. Serge Franchis à M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat (cumul d'activités des agents de la fonction publique territoriale) ;
N° 825 de Mme Danièle Pourtaud à M. le secrétaire d'Etat au logement (reconduction des baux de locataires en situation précaire) ;
N° 827 de Mme Danielle Bidard-Reydet à M. le ministre de l'intérieur (commémoration des événements d'octobre 1961) ;
N° 829 de M. Jean-Louis Lorrain à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement (déficit de contrôleurs aériens en Europe) ;
N° 830 de M. Roland Muzeau à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (relance du bâtiment et inflation des prix) ;
N° 831 de M. Jean-Pierre Vial à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement (avancement du projet de liaison ferroviaire Lyon-Turin) ;
N° 832 de M. Gilbert Chabroux à Mme le ministre de la culture et de la communication (situation de la radio FIP).
A seize heures et, éventuellement, le soir :

Ordre du jour prioritaire

2° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, d'orientation pour l'outre-mer (n° 342, 1999-2000).
La conférence des présidents à fixé :
- au mardi 13 juin 2000, à seize heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;
- à dix minutes le temps réservé au représentant de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes ;
- à quatre heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 12 heures, le mardi 13 juin 2000.
Mercredi 14 juin 2000 :
A quinze heures et le soir :
1° Désignation d'un membre de la délégation pour la planification.

Ordre du jour prioritaire

2° Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, d'orientation pour l'outre-mer (n° 342, 1999-2000).

Jeudi 15 juin 2000 :

Ordre du jour réservé

A dix heures, à quinze heures et, éventuellement, le soir :
1° Proposition de loi de M. Lucien Neuwirth et de plusieurs de ses collègues instituant un congé et une allocation favorisant l'exercice de la solidarité familiale en cas de maladie d'un enfant ou de fin de vie d'un proche (n° 348, 1999-2000).
La conférence des présidents a fixé au mercredi 14 juin 2000, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.
2° Proposition de loi de M. André Dulait et de plusieurs de ses collègues portant sur l'organisation d'audiences publiques lors de la réalisation de grandes infrastructures (n° 196, 1999-2000).
La conférence des présidents a fixé au mercredi 14 juin 2000, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.
3° Proposition de loi de M. Jean-Claude Gaudin et de plusieurs de ses collègues tendant à permettre aux conseillers d'arrondissement de siéger au conseil d'une communauté urbaine (n° 277, 1999-2000).
La conférence des présidents a fixé au mercredi 14 juin 2000, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.
4° Deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, tendant à préciser la définition des délits non intentionnels (n° 308, 1999-2000).
La conférence des présidents a fixé au mercredi 14 juin 2000, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.
5° Proposition de loi de M. Louis de Broissia modifiant la loi n° 57-32 du 10 janvier 1957 portant statut de l'Agence France-Presse (n° 368, 1999-2000).
La conférence des présidents a fixé au mercredi 14 juin 2000, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.

Lundi 19 juin 2000 :

Ordre du jour prioritaire

A quinze heures et le soir :
Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, d'orientation pour l'outre-mer (n° 342, 1999-2000).



Mardi 20 juin 2000 :

Ordre du jour prioritaire

A dix heures :
1° Eventuellement, suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, d'orientation pour l'outre-mer (n° 342, 1999-2000).
A seize heures et, éventuellement, le soir :
2° Nouvelle lecture du projet de loi organique, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats de membre des assemblées de province et du congrès de la Nouvelle-Calédonie, de l'assemblée de la Polynésie française et de l'assemblée territoriale des îles Wallis-et-Futuna (n° 363, 1999-2000).
La conférence des présidents a fixé au lundi 19 juin 2000, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.
3° Nouvelle lecture du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à l'élection des sénateurs (n° 364, 1999-2000).
La conférence des présidents a fixé au lundi 19 juin 2000, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.

Mercredi 21 juin 2000 :

Ordre du jour prioritaire

A quinze heures et le soir :
1° Nouvelle lecture du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage (n° 352, 1999-2000).
La conférence des présidents a fixé au mardi 20 juin 2000, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.
2° Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif au référé devant les juridictions administratives.
3° Conclusions de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture de la proposition de loi relative à la prestation compensatoire en matière de divorce.
4° Sous réserve de sa transmission, projet de loi autorisant la ratification de la convention relative à la coopération en matière d'adoption d'enfants entre la République française et la République socialiste du Vietnam (AN, n° 2358).
5° Projet de loi autorisant la ratification de la convention relative à l'entraide judiciaire en matière civile entre la République française et la République socialiste du Vietnam (n° 218, 1999-2000).
La conférence des présidents a décidé que ces deux projets de loi feraient l'objet d'une discussion générale commune.

Jeudi 22 juin 2000 :

A neuf heures trente :

Ordre du jour prioritaire

1° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation du Protocole de Kyoto à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (ensemble deux annexes) (n° 305 rectifié, 1999-2000).
2° Sous réserve de sa transmission, nouvelle lecture du projet de loi relatif à la chasse.
La conférence des présidents a fixé au mercredi 21 juin 2000, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.
A quinze heures et, éventuellement, le soir :
3° Questions d'actualité au Gouvernement.
L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant onze heures.

Ordre du jour prioritaire

4° Suite de l'ordre du jour du matin.

Lundi 26 juin 2000 :

Ordre du jour prioritaire

A quinze heures et, éventuellement, le soir :
1° Conclusions de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture du projet de loi de finances rectificative pour 2000.
En cas de nouvelle lecture, la conférence des présidents a fixé au samedi 24 juin 2000, à seize heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.
2° Projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Lituanie en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune (ensemble un protocole) (n° 80, 1999-2000).
3° Projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Estonie en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune (ensemble un protocole) (n° 78, 1999-2000).
4° Projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Lettonie en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune (ensemble un protocole) (n° 79, 1999-2000).
La conférence des présidents a décidé que ces trois projets de loi feraient l'objet d'une discussion générale commune.
5° Projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Arménie en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune (ensemble un protocole) (n° 26, 1999-2000).

Mardi 27 juin 2000 :

A neuf heures trente :
1° Dix-huit questions orales :
L'ordre d'appel des questions sera fixé ultérieurement.
N° 761 de Mme Nicole Borvo à Mme le ministre de la culture et de la communication (devenir de la maison des métallurgistes) ;
N° 789 de M. Gérard Larcher à M. le ministre de l'intérieur (construction de logements locatifs sociaux) ;
N° 817 de M. Rémi Herment à M. le secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants (mise à disposition des crédits prévus par le rapport Mingasson) ;
N° 819 de M. Charles Revet à Mme le garde des sceaux, ministre de la justice (répression des fausses alertes adressées aux services d'incendie et de secours) ;
N° 826 de M. Francis Giraud à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité (attribution du nombre de postes d'interne dans la subdivision de Marseille) ;
N° 828 de M. Jean Pépin à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (situation des buralistes) ;
N° 833 de Mme Danièle Pourtaud à Mme le secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés (suppression du service de chirurgie pédiatrique de Saint-Vincent-de-Paul) ;
N° 834 de M. René-Pierre Signé à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche (aides à la diversification) ;
N° 835 de M. Kléber Malécot à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (taux de TVA sur les travaux dans les locaux d'habitation) ;
N° 837 de M. Dominique Braye à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (mode de calcul de taxe sur les emprises sur le domaine public fluvial) ;
N° 839 de Mme Marie-Madeleine Dieulangard à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (abattement fiscal applicable aux aides aux personnes âgées) ;
N° 840 de M. Philippe Madrelle à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement (travaux d'aménagement de la RN 10 en Nord Gironde) ;
N° 841 de M. Michel Teston à M. le ministre de l'éducation nationale (conditions de fonctionnement du lycée et du collège de Privas) ;
N° 842 de M. Claude Huriet à Mme le secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés (dépistage du cancer colorectal) ;
N° 843 de M. Guy Fischer à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (fiscalité des contrats d'assurance de rente-survie) ;
N° 844 de M. Jean Bernard à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement (réglementation du transport de marchandises par les taxis) ;
N° 845 de M. Gérard Cornu à Mme le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation (aides aux détaillants de carburants en milieu rural) ;
N° 849 de M. Fernand Demilly à M. le ministre de la défense (avion de transport militaire du futur).
A seize heures et, éventuellement, le soir :

Ordre du jour prioritaire

2° Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi portant réglementation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques (n° 344, 1999-2000) ;
3° Troisième lecture de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, relative à la protection des trésors nationaux et modifiant la loi n° 92-1477 du 31 décembre 1992 relative aux produits soumis à certaines restrictions de circulation et à la complémentarité entre les services de police, de gendarmerie et de douane (n° 300, 1999-2000) ;
4° Nouvelle lecture du projet de loi modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.
La conférence des présidents a fixé au lundi 26 juin 2000, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.

Mercredi 28 juin 2000 :

Ordre du jour prioritaire

A neuf heures trente, à quinze heures et le soir :
1° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à la sécurité du dépôt et de la collecte de fonds par les entreprises privées (n° 380, 1999-2000).
La conférence des présidents a fixé au mardi 27 juin 2000, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.
2° Sous réserve de sa transmission, proposition de loi relative à la prolongation du mandat et à la date de renouvellement des conseils d'administration des services d'incendie et de secours (AN, n° 2374).
La conférence des présidents a fixé au mardi 27 juin 2000, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.
3° Deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, interdisant les candidatures multiples aux élections cantonales (n° 301, 1999-2000).
La conférence des présidents a fixé au mardi 27 juin 2000, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.
4° Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, instaurant une journée nationale à la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites de l'Etat français et d'hommage aux « Justes » de France (n° 244, 1999-2000).
La conférence des présidents a fixé au mardi 27 juin 2000, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.
5° Deuxième lecture du projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, relatif à l'élargissement du conseil d'administration d'Air France et aux relations avec l'Etat et portant modification du code de l'aviation civile (n° 369, 1999-2000).
La conférence des présidents a fixé au mardi 27 juin 2000, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.
6° Projet de loi autorisant la ratification des amendements à la constitution de l'Organisation internationale pour les migrations (n° 171, 1999-2000).
7° Projet de loi autorisant l'approbation de l'instrument d'amendement à la constitution de l'Organisation internationale du travail (n° 191, 1999-2000).
8° Projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Paraguay (n° 217, 1999-2000).
9° Projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Paraguay (n° 219, 1999-2000).
10° Projet de loi autorisant l'approbation de la convention sur le transfèrement des personnes condamnées entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Paraguay (n° 220, 1999-2000).
La conférence des présidents a décidé que ces trois projets de loi feraient l'objet d'une discussion générale commune.
11° Projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant n° 2 à l'entente entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Québec en matière de sécurité sociale (n° 252, 1999-2000).
12° Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Ghana sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (n° 327, 1999-2000).
13° Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République dominicaine sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (n° 328, 1999-2000).

Jeudi 29 juin 2000 :

Ordre du jour prioritaire

A neuf heures trente et à quinze heures :
Sous réserve de sa transmission, projet de loi constitutionnelle portant modification de l'article 6 de la Constitution.
Les modalités de discussion de ce projet de loi constitutionnelle seront fixées ultérieurement.

Vendredi 30 juin 2000 :

Ordre du jour prioritaire

A neuf heures trente et à quinze heures :
Eventuellement, suite de l'ordre du jour de la veille.
Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence des présidents relatives à la tenue des séances et à l'ordre du jour réservé ?...
Ces propositions sont adoptées.

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COMMUNICATION RELATIVE
À DES COMMISSIONS MIXTES PARITAIRES

M. le président. J'informe le Sénat que les commissions mixtes paritaires chargées de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains et du projet de loi relatif à la liberté de communication ne sont pas parvenues à l'adoption d'un texte commun.

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ORIENTATION BUDGÉTAIRE

Débat sur une déclaration du Gouvernement

M. le président. L'ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, d'orientation budgétaire.
La parole est à M. le ministre.
M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le président, messieurs les présidents de commission, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis particulièrement heureux d'être devant vous avec Mme la secrétaire d'Etat, Florence Parly. Je connais la valeur du travail mené par la Haute Assemblée, en particulier dans le domaine budgétaire et financier, dont nous allons parler.
Ce débat d'orientation budgétaire, que, dans l'horrible jargon qui nous est familier, nous appelons le « DOB », devrait être l'un des temps intéressants de notre vie parlementaire. Il répond en effet à une double volonté : la volonté du Gouvernement d'exposer sa vision des finances publiques tout en écoutant les parlementaires et la volonté des assemblées de placer le contrôle et l'évaluation des dépenses au coeur de leurs préoccupations.
Nous sommes d'ailleurs à un moment tout à fait propice pour faire le point et pour parler de l'avenir. Stratégie des finances publiques, stratégie économique, sociale, voire industrielle, le Gouvernement veut conduire les réformes que, grâce à la croissance et à la confiance du pays, il a maintenant engagées depuis trois ans.
Je vous livrerai, dans un propos qui ne sera pas très long, quelques remarques introductives. Vous ne m'en voudrez pas, je l'espère, si je laisse de côté toute une série de débats intéressants - mais, si vous les abordez, je répondrai à vos questions dans la nuit - pour donner plutôt des coups de projecteur - avec une part d'arbitraire que je vous prie par avance de bien vouloir excuser - sur quelques points qui me paraissent particulièrement intéressants.
Je commencerai, une fois n'est pas coutume - mais, après tout, c'est un plaisir que nous pouvons tous savourer ensemble sans céder à l'autosatisfaction, qui n'est jamais bonne conseillère - par présenter un certain nombre de nouvelles que je considère comme bonnes.
Depuis déjà un certain nombre d'années, collectivement, nous avions perdu l'habitude et même le goût de la croissance, quand ce n'en était pas l'espoir. Le contrecoup de deux chocs pétroliers et de périodes de reprise malheureusement avortées, le poids de ce que j'appellerai des années grises que chaque famille a porté, l'idée même selon laquelle notre économie devait s'accoutumer à un chômage fort et à une croissance faible, tout cela nous avait installés dans un état de crise, dans une culture de crise. Or, reconnaissons que, depuis un certain nombre de mois, la donne s'est modifiée et que nous enregistrons de bonnes nouvelles, d'ailleurs de moins en moins espacées dans le temps. Il faut examiner ces résultats avec prudence et modestie, mais il est honnête de les examiner.
La première bonne nouvelle a trait au caractère robuste de la croissance. La France connaît une séquence économique forte, en réalité la plus longue depuis vingt-cinq ans, comme les chiffres l'attestent. Depuis 1998, le produit intérieur brut a augmenté de 3,1 % en 1998 et de 2,9 % en 1999. La prévision est de 3,6 % pour 2000 et de l'ordre de 3 % pour 2001, tout en maîtrisant pleinement l'inflation. Avec régularité donc, nous rattrapons ce que les économistes appellent le retard de croissance que nous avions connu au début et au milieu des années quatre-vingt-dix.
Je dirai, pour être parfaitement précis, que les dernières estimations sont un peu moins optimistes pour le premier trimestre : la croissance connaîtrait un léger tassement. Il y aurait deux causes à cette évolution : les tempêtes de la fin de l'année dernière et le « bogue » de l'an 2000, qui ne s'est pas produit mais qui, paradoxalement, a conduit les entreprises à reporter un certain nombre d'opérations de la fin de 1999 au début de l'année 2000.
Personnellement - je peux bien sûr, comme chacune et chacun d'entre nous, me tromper - je crois que l'accélération de l'activité dans les mois à venir sera au rendez-vous. Ce qu'on appelle l'acquis de croissance atteint d'ores et déjà un niveau de 2 %, ce qui garantit un point d'ancrage assez élevé pour l'ensemble de l'année 2000. De plus - j'en bavardais encore hier avec mes homologues européens -, c'est l'Europe entière qui est en passe de réaliser l'objectif d'une croissance de 3 %. Sachons donc garder le sens des proportions. Par rapport à la période 1994-1996, qui n'est pas si lointaine, notre taux de croissance a plus que doublé. La légère déception statistique du premier trimestre, même si elle nous rappelle à une nécessaire modestie, me paraît sans très grande signification.
La deuxième bonne nouvelle, peut-être plus importante, concerne le dynamisme de l'investissement des entreprises, en particulier le dynamisme de l'investissement industriel. La reprise de l'investissement s'opère autour d'un rythme supérieur à 7 % en moyenne depuis 1998. L'investissement industriel, nous indiquent les études de l'INSEE, pourrait même progresser de 12 % cette année, soit plus du double de l'an passé, de 14 % dans le secteur manufacturier et de 26 % dans le secteur automobile. Or, nous savons tous qu'il n'y a pas de puissance économique durable sans un élément industriel très solide et un encouragement manifeste à l'investissement.
Dans ce contexte porteur, les entreprises ne se contentent pas de moderniser ou de renouveler leur appareil de production, mais une grande partie d'entre elles accroissent leurs capacités de production, donc se mettent en situation d'embaucher aujourd'hui ou demain. Nous commençons donc à compenser la situation antérieure, qui avait vu - c'était très inquiétant - l'investissement fortement décroître. C'est une sorte de nouveau théorème que nous voyons à l'oeuvre : les investissements d'aujourd'hui font les innovations de demain et les emplois d'après-demain.
La troisième bonne nouvelle est le caractère toujours soutenu, depuis trois ans, de la consommation des ménages, moteur puissant de l'activité : cette consommation a augmenté de près de 1 % au dernier trimestre, et la progression pourrait atteindre 2,7 % pour 2000. Le pouvoir d'achat s'est corrélativement amélioré, progressant de 7,8 % entre 1998 et 2000.
La quatrième bonne nouvelle - mais ce n'est pas vraiment une nouveauté, même si c'est renouvelé - réside dans l'excellente santé de notre balance commerciale. Avant les années 1996 et 1997, cet excédent était inférieur ou égal à 50 milliards de francs par an, ce qui n'était déjà pas mal, et il dépasse aujourd'hui régulièrement les 100 milliards de francs par an, ce qui est très positif.
Mais, à la vérité, toutes ces bonnes nouvelles s'effacent devant leur résultante, qui est la meilleure nouvelle : le retour vers plus d'emploi - on dit même le plein emploi - et la confiance. La semaine dernière, pour la première fois depuis près de dix ans, la France a renoué avec un taux de chômage à un seul chiffre avant la virgule : 9,8 % contre 12,6 % en 1997, soit plus de 750 000 chômeurs de moins.
Au-delà du symbole, la croissance française, à taux identique, crée actuellement deux foix plus d'emplois qu'il y a trois ans ; la baisse du chômage bénéficie désormais à toutes les catégories de demandeurs d'emplois, en particulier aux chômeurs de longue durée et aux jeunes. Cela ne signifie évidemment pas, loin de là, la disparition de tous les problèmes dans ce domaine : nous avons une population encore très nombreuse de personnes peu ou mal formées, nous connaissons des pénuries de personnel dans un certain nombre de secteurs, ce qui doit nous inviter à compléter notre action. Cependant, un chômage à un chiffre, s'il ne signifie sans doute pas grand-chose pour ceux, encore trop nombreux, qui sont exclus du marché du travail, permet d'espérer que, après avoir remporté la victoire contre l'inflation voilà une vingtaine d'années, nous allons être capables, les uns et les autres, tous ensemble, je l'espère, de gagner la bataille de l'emploi. En trente-six mois, un million d'emplois ont été créés. Chaque emploi, c'est de la croissance pour le pays, de la confiance pour les familles. Tout indique que nous allons briser le mur des deux millions de chômeurs.
J'en viens à la deuxième série d'observations que je souhaite vous proposer. On nous dit parfois : « La croissance, au fond, vous n'y êtes pas pour grand-chose », comme si elle était la progéniture automatique de Kondratieff et de Microsoft ! Les choses sont en réalité un peu plus complexes, me semble-t-il. Sur la période 1998-2001, la France devrait profiter d'une croissance de 12,7 %, contre 8,4 % pour l'Italie, 8,9 % pour l'Allemagne et 9,3 % pour la Grande-Bretagne. Nos résultats sont liés, reconnaissons-le, à un contexte international favorable. Je ne vois pas pourquoi nous en prendrions ombrage ! Ils se conjuguent avec la révolution technologique, avec le dynamisme des entreprises qui se battent pour gagner des parts de marché et créer de l'emploi. Ils sont aussi - reconnaissons-le également - le fait d'une politique, qui a su opérer en temps utile les bons choix et - c'est peut-être plus important encore - éviter les grandes erreurs. Toute croissance est sensible au pilotage chargé de l'orienter et de la consolider. Croissance ou récession : selon les choix qu'opèrent les gouvernements, les résultats ne sont pas les mêmes. D'ailleurs, s'il n'en était pas ainsi, la politique et votre mandat n'auraient pas de sens ! Plus d'emplois et moins d'impôts : tels pourraient être résumés certains axes, et même la stratégie de la politique économique et sociale que nous poursuivons ; à quoi j'ajouterai, pour compléter la perspective, plus de dynamisme et moins d'injustices, tant l'économique et le social sont liés, c'est-à-dire la croissance, la justice et la confiance.
Ces premiers acquis - c'est ma troisième série d'observations - devraient nous permettre de viser trois objectifs : réduire les déficits et la charge de la dette, assurer le financement de nos priorités, alléger les impôts pour conforter l'activité et l'emploi.
La clef de voûte de notre politique au service de la croissance réside largement dans l'évolution maîtrisée de la dépense publique. Le Gouvernement, vous le savez, préparera le budget de 2001 avec un objectif de progression de 0,3 % des dépenses en volume, soit une progression nominale de 1,2 %. Mme Parly et moi-même avons d'ailleurs fait parvenir aux membres de la commission des finances les lettres de cadrage que le Premier ministre envoie aux ministres. Il n'y a en effet pas de raison que les parlementaires n'en disposent pas. Il en ira de même dans le futur.
Depuis 1998 - c'est un point sur lequel il faut être attentif parce que, s'il est compris, il n'est peut-être pas toujours retenu à sa juste valeur - nous soumettons la dépense publique à une logique pluriannuelle stabilisatrice qui - c'est là le point important - indépendamment de la conjoncture, cherche à donner une cohérence de long terme à nos budgets sans préjuger les choix faits chaque année dans le cadre des lois de finances. Si la conjoncture se révèle meilleure que prévu, cela doit permettre d'aller plus loin dans la réduction des impôts ou dans l'allégement du déficit et de l'endettement. C'est ce qui se produit en ce moment, d'autant plus que les « retours » sur croissance allègent les charges publiques aussi bien pour le budget de l'Etat que pour celui de la protection sociale. Un mécanisme légitime serait d'ailleurs, à notre sens, que l'Etat, qui a été pendant longtemps, lors des périodes de vaches maigres, le réassureur en dernier ressort de la sécurité sociale et de l'UNEDIC, l'Union nationale interprofessionnelle pour l'emploi dans l'industrie et le commerce, ce qui était tout à fait normal, ne soit pas oublié de ces organismes lorsqu'ils connaissent de nouveau des périodes plus favorables.
Trop longtemps, la charge de la dette, cet impôt masqué et reporté, a dévoré une part croissante des recettes fiscales de l'Etat. Nous avions alors ce cercle, qui n'a d'aileurs pas entièrement disparu : le déficit creusait la dette et la dette augmentait le déficit. Mais reconnaissons - les chiffres sont là pour l'attester - que les déficits publics ont été divisés par deux depuis 1997. La réduction du besoin de financement des administrations publiques est confirmée, avec moins 3,5 % en 1997, moins 1,5 % en 2000, et l'objectif de baisse est maintenu pour les années qui viennent.
Quant au déficit budgétaire, il est passé de 267 milliards de francs en 1997 à 227 milliards de francs en 1998 et à 206 milliards de francs en 1999. Les prévisions confirment sa réduction pour les années à venir : pour 2000, nous espérons un montant d'environ 200 milliards de francs et, pour 2001, de 195 milliards de francs et même peut-être moins. Hors dépenses exceptionnelles, l'ensemble des dépenses de l'Etat sera stabilisé en volume en 2000, conformément à l'objectif de la loi de finances initiale.
Les chiffres que je cite pour cette année sont d'ailleurs conformes - c'est très important - au niveau du solde protecteur estimé par la Commission européenne, c'est-à-dire le niveau qu'il faut atteindre pour que, même en cas de retournement de la conjoncture - on peut toujours l'envisager - nos finances publiques ne se détériorent pas d'une façon inadmissible.
Si le déficit est acceptable et, à vrai dire, impossible à empêcher en période de difficultés économiques où il incombe à l'Etat d'enclencher la relance, un déficit trop élevé est préjudiciable en période d'expansion où l'Etat doit réduire ses dettes et transmettre aux générations futures des comptes sûrs plutôt que des factures.
La situation des comptes de la France - nous en discuterons, bien sûr - est en train de s'améliorer.
Dans cet esprit, je vous confirme que l'éventuel surplus de recettes que nous connaîtrons pour 2000 sera affecté à la réduction du déficit de l'Etat.
Je vous confirme également ce que je viens d'annoncer à vos collègues de l'Assemblée nationale, à savoir que le produit des licences dites de mobiles de troisième génération sera, pour l'essentiel, attribué au fonds de réserve des retraites, afin de diminuer l'endettement global du pays ; en aucun cas, il ne sera utilisé pour les dépenses courantes du budget.
Cette double nécessité de maîtriser les dépenses et de réduire la dette doit être rendue compatible avec le financement de nos priorités. Il faut à la fois assainir et agir.
Priorité sera donc donnée en 2001 à la lutte contre le chômage, en poursuivant les dispositifs d'incitation à la réduction du temps de travail, en soutenant la création d'entreprises et l'innovation.
Priorité sera donnée, comme l'a indiqué M. le Premier ministre, à l'éducation et à la formation, premier poste budgétaire mais aussi condition essentielle de la croissance dans un monde où le savoir est la plus précieuse des richesses : je le dis souvent, l'éducation, en particulier l'éducation continue, est la « sécurité sociale » du xxie siècle.
Priorité sera donnée au renforcement de la sécurité et à la modernisation de la justice, qu'exigent les personnes les plus modestes, souvent premières victimes des délits, des crimes et de la délinquance.
Priorité, enfin, sera donnée à l'environnement et à l'amélioration du cadre de vie, à la mise en place de sécurités sanitaires et alimentaires, au choix du développement durable.
Dans ce contexte, réduire les impôts d'aujourd'hui et, à travers la réduction de la dette, de demain, constitue un élément non pas simplement d'une stratégie fiscale, comme on le dit souvent, mais d'une stratégie sociale.
Telle est notre ambition pour favoriser l'emploi - ce qui est la première des justices - et soutenir le dynamisme de l'économie. En effet, baisser les impôts et les prélèvements obligatoires, à condition de le faire avec discernement, c'est aussi réduire les inégalités, qui s'étaient malheureusement creusées.
Le gouvernement de Lionel Jospin a engagé, entre 1997 et 1999, une réduction des prélèvements indirects par des baisses ciblées de TVA qui ont rendu à l'activité 29 milliards de francs.
Mais il fallait, à notre avis aller plus loin. Pour accompagner la croissance retrouvée, le Gouvernement a donc choisi de réduire d'un point le taux normal de TVA. Cette baisse se traduira, dès cette année, à travers le collectif 2000 que vous présentera Mme Parly, par un allégement d'impôt de 18 milliards de francs en 2000 et de plus de 30 milliards de francs à partir de 2001.
Depuis juin 1997, l'action menée par cette équipe gouvernementale a donc rendu aux consommateurs 60 milliards de francs en année pleine au titre de la TVA et effacé des hausses qui avaient eu une conséquence économique - et pas seulement sociale - assez désastreuse dans le passé : en 1995, la hausse de deux points de la TVA avait amputé le budget des ménages de 57 milliards de francs, ce qui avait eu une conséquence extrêmement négative sur l'activité économique.
Au total, avec la diminution des deux premières tranches du barème de l'impôt sur le revenu et la disparition - compensée - de la part régionale de la taxe d'habitation, la pression fiscale devrait être réduite de 80 milliards de francs en 2000, soit environ un point de produit intérieur brut, s'ajoutant aux mesures que vous avez déjà adoptées, c'est-à-dire à la réforme de la taxe professionnelle, à l'allégement des charges dans le cadre de la réduction négociée du temps de travail, à la suppression de la taxe de droit au bail et à la réforme des droits d'enregistrement.
Dans le passé, vous le savez, j'ai souvent insisté sur le fait que nous devions, sur ce terrain, aller encore plus loin et, comme l'a indiqué le Premier ministre, confirmer la baisse des prélèvements directs. Ces réductions devront contribuer à l'augmentation des revenus d'activité, afin d'encourager la formation professionnelle, l'initiative individuelle et l'investissement des salariés dans le travail et d'éviter ce que l'on appelle les « pièges à inactivité », qui sont l'un des maux dont nous souffrons.
A ce stade de mon propos, je voudrais relever que cette stratégie des finances publiques n'est peut-être pas encore totalement comprise - j'y ai fait allusion d'un mot tout à l'heure - ou, si elle l'est, qu'elle n'inspire pas encore suffisamment certaines propositions, d'ailleurs souvent de sens contraire, qui sont formulées ici ou là. Je suis d'ailleurs frappé par le fait que certains - souvent au nom de la solidarité - recommandent, dès lors que la croissance est là, d'augmenter massivement les dépenses publiques. Le problème, c'est que, à partir d'une approche que je reconnais être généreuse, ce serait vraisemblablement une politique vouée à l'échec, non seulement parce qu'elle creuserait le déficit - mécaniquement - et nous obligerait à tailler ultérieurement davantage dans les crédits à un moment où la conjoncture serait moins favorable, mais aussi parce que cette politique, je le dis en passant, serait contraire à la coordination européenne que nous avons nous-mêmes réclamée, et surtout - et je demande que l'on considère cet argument - parce que cette dépense supplémentaire faite au nom de la solidarité porterait atteinte à la solidarité vis-à-vis des années futures, sur lesquelles reposerait alors la totalité du prix de notre éventuel laisser-aller. (M. le président de la commission des finances applaudit, ainsi que plusieurs sénateurs sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
Mme Marie-Claude Beaudeau. Vous avez vu qui vous applaudit, monsieur le ministre ?
M. Alain Lambert, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Eh oui, j'approuve !
M. Roland du Luart. C'est courageux !
M. Jean Delaneau. On a le droit d'applaudir !
M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je ne vous visais pas, madame Beaudeau !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Mais vous êtes applaudi par la droite, monsieur le ministre !
M. Marcel Debarge. Nous applaudissons aussi ! (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Et je vais peut-être, dans un instant, me faire applaudir par d'autres !
D'aucuns réclament, au contraire, une baisse encore plus forte du déficit, ou une baisse encore plus marquée des impôts, sans insister ni sur les contradictions internes de leurs demandes ni sur les conséquences qu'entraîneraient ces évolutions sur des dépenses - civiles ou militaires - qu'ils jugent pourtant incompressibles, voire qu'ils réclament d'augmenter.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Applaudissez, madame Beaudeau ! (Sourires.)
Mme Marie-Claude Beaudeau. Oui, j'applaudis ! (Nouveaux sourires.)
M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Vous avez bien compris ! (Nouveaux sourires.)
J'ajouterai, si je le puis, un degré dans le raisonnement : il est et il demeurera nécessaire que nous maîtrisions nos dépenses publiques, qu'il s'agisse des dépenses budgétaires ou des dépenses sociales, cela n'est pas contesté. N'oublions pas que c'est dans la mesure où le rythme de ces dépenses progresse moins vite que le taux de croissance de notre économie que nous pouvons, grâce à ce décalage et tout en finançant nos priorités et les services publics, réduire les déficits et réduire les impôts !
Si notre taux de croissance venait dans le futur à ralentir - ce qu'à Dieu ne plaise ! - sans que le rythme de nos dépenses soit maîtrisé, alors l'un de nos objectifs s'éloignerait mécaniquement : nous sacrifierions soit la réduction du déficit, soit la baisse des impôts, soit les deux. Or les deux sont indispensables, en même temps qu'une bonne couverture du service public.
Il nous faut donc rechercher une forte croissance avec une maîtrise réelle des dépenses publiques et, si la croissance fléchit, une maîtrise encore plus affirmée pour maintenir les marges d'action indispensables.
En entendant certains commentaires, je ne suis pas sûr qu'on intègre toujours cette logique de sérieux budgétaire. Cela implique - c'est pourquoi je me suis permis ce développement, et j'espère que je ne vous ai pas heurtés - que l'on soit parfaitement au clair sur la démarche intellectuelle et politique qui sous-tend ces choix que je viens d'exposer.
Cette présentation des grands axes de la politique budgétaire du Gouvernement serait évidemment incomplète si nous ne portions notre attention au moins sur deux volets, la transparence et l'euro, qui ne sont pas sans lien entre eux et qui vont contribuer, dans les années à venir, à une définition plus exigeante et plus complète de notre stratégie des finances publiques et de ses moyens d'application.
La transparence, mesdames, messieurs les sénateurs, c'est tout simplement une exigence démocratique. L'Etat demande aux particuliers - ce qui est tout à fait légitime - de faire connaître avec sincérité revenus et patrimoine, aux entreprises chiffre d'affaires et bilan. Au nom de quelle dérogation s'exonérerait-il lui-même des principes et des règles qu'il a fixés pour les autres ?
M. Roland du Luart. C'est tout à fait vrai !
M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Le choix d'une plus grande transparence correspond aussi - on l'oublie souvent - à un impératif économique. Dans une économie mondialisée, l'opacité - on en connaît quelques exemples - aggrave les crises. Dans un contexte de croissance durable, la transparence représente un atout pour attirer les entreprises, les technologies, les compétences.
Favoriser l'efficacité et une clarté accrue de la dépense publique, dont le volume représente en France un aspect très important du produit intérieur brut, renvoie aussi à la nécessité plus large de réformer l'Etat. J'ai souvent eu l'occasion d'exprimer ma conviction : l'Etat moderne ne peut obtenir la confiance et le respect de ses interlocuteurs s'il ne rend pas des comptes détaillés sur son administration. Vous le faites dans vos communes, dans vos départements - tout au moins je l'espère - et il doit en être de même au niveau de l'Etat.
C'est la raison pour laquelle je plaide en faveur d'un Etat qui ne fasse pas mystère de ses comptes. La formule a beaucoup servi, il faut parler vrai, et j'ajouterai pour ma part compter juste et gérer clair ! Ce sont des points cardinaux de ce que j'appelle une bonne pratique de l'Etat.
Je n'oublie pas, en même temps, que ce n'est pas sur un réseau de villes ou sur un système marchand que s'est construite la France, mais, à bien des égards - nous le savons - sur la notion d'Etat. Là sont notre culture et notre histoire et je sais qu'en matière d'amélioration de la transparence et de signification des comptes publics, nous avons déjà accompli des avancées, mais je crois qu'il faut aujourd'hui aller plus loin en termes d'information et de contrôle.
A cet égard, monsieur le président, vous qui êtes très attentif à ces choses, permettez-moi de souligner l'essentiel des mesures que Mme Parly et moi-même avons retenues pour les temps qui viennent.
Examen et évaluation par la commission des comptes économiques de la nation, à la rentrée de septembre, des prévisions de recettes fiscales du budget ; charte de budgétisation pour mieux effectuer les comparaisons d'un budget à l'autre ; communication aux commissaires des finances des lettres de cadrage du Premier ministre ; présentation à ces mêmes commissaires du programme pluriannuel des finances publiques transmis à Bruxelles ; résumé des objectifs, des coûts et des résultats attendus pour chaque ministère et compte rendu de gestion ; informations rendues plus claires - c'est nécessaire - aux contribuables sur l'utilisation de l'impôt qu'ils payent ; communication tous les quinze jours aux présidents et rapporteurs des commissions des finances de la situation des finances publiques ; révision ouverte, à votre diligence, de l'ordonnance du 2 janvier 1959, tels sont quelques aspects de notre feuille de route pour assurer la maîtrise globale de la dépense publique, mettre à la disposition des parlementaires et de l'opinion une information plus riche et plus simple, apprécier l'efficacité des politiques et mesurer la performance des administrations chargées de les mettre en oeuvre.
Pour autant, il me paraît essentiel - et ce point doit être souligné car il ne s'agit pas entre nous de faire preuve de démagogie - de laisser au ministère des finances et au Gouvernement l'espace indispensable de réflexion et de délibération, le droit à l'hypothèse, à la prévision, à la correction,...
M. Paul Loridant. ... à l'erreur... (Sourires.)
M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... sans lequel il n'est pas de politique possible. La liberté d'appréciation et d'arbitrage du ministre, puis du Premier ministre, sont des principes indispensables au bon fonctionnement de nos institutions.
Evitons le risque de voir se constituer tacitement deux circuits d'information, l'un officiel mais apuré, l'autre officieux mais complet, et, au final, d'obtenir plus d'obscurité quand on exigeait plus de lumière. Bref - et vous en serez certainement d'accord - le besoin légitime de transparence ne doit pas conduire à tout confondre ou à nier la réalité du pouvoir exécutif.
Une dernière donnée que je veux souligner, parce qu'elle va changer notre regard sur beaucoup de choses, c'est la réalité de l'euro. Il est à lui seul une révolution profonde et, des lois de finances aux débats budgétaires, il faudra dans l'avenir que nos discussions se déroulent en euros - ce qui n'est pas bien difficile - mais aussi par rapport aux autres pays de l'euro, ce qui est plus important.
Au-delà des aléas des marchés des changes, je veux souligner que l'euro est une monnaie déjà solide, dont l'utilité doit se mesurer à la seule évocation de ce que chacune des récentes crises financières - asiatique, russe, sud-américaine - aurait naguère déclenché s'il n'avait pas été là : divergences monétaires entre les Etats européens, ajustements brutaux, sans doute dévaluations entre les pays membres, et donc augmentation massive des taux d'intérêt, qui aurait freiné la croissance.
L'utilité récente de l'euro n'est donc pas à démontrer, pas plus, je le crois - même s'il reste des progrès à faire - que sa puissance future ; les « eurofondamentaux », comme on dit, sont bons, et les perspectives de croissance de l'Euro 11 - qui sera bientôt Euro 12 avec l'entrée de la Grèce dans le système - sont favorables.
La présidence française de l'Union européenne, qui s'ouvrira dans quelques semaines, fera des propositions pour renforcer la coordination de nos politiques économiques et, par conséquent, l'efficacité de la nôtre. Un euro solide et des taux d'intérêt modérés, accompagnés de bonnes pratiques budgétaires et économiques dans chacun des Etats, telle est la vision que nous devons avoir de la monnaie unique. Il ne s'agit pas de pratiquer une politique uniforme, mais de réaliser une certaine convergence des politiques économiques des uns et des autres.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la croissance est sans doute une récompense, mais elle est surtout une invitation. C'est la récompense des choix qui ont été faits depuis maintenant trois ans, qui l'ont accompagnée, orientée et, je le crois, fortifiée.
Nos concitoyens, pour la première fois depuis longtemps, commencent à considérer que, pour eux-mêmes et pour leurs enfants, demain pourra sans doute être meilleur qu'aujourd'hui. C'est un changement majeur de perspective.
De partout nous sentons une invitation monter pour convertir sans cesse davantage la croissance en plus de solidarité et en plus de réformes. C'est ce que, parodiant une formule célèbre, nous devons nous attacher à faire : des réformes, encore des réformes, toujours des réformes, à condition que ce soient des réformes, vers la solidarité et l'efficacité. C'est, je crois, ce qu'attendent les Français. C'est ce que devraient permettre les choix économiques, budgétaires et sociaux du Gouvernement pour les temps qui viennent. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l'Union centriste.)
(M. Jean Faure remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
vice-président

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'année dernière, je terminais mon intervention dans le débat d'orientation budgétaire en citant le président de l'Assemblée nationale d'alors, qui disait d'excellentes choses en matière de baisse des prélèvements obligatoires et de réduction des dépenses publiques. (Sourires.)
Je veux commencer, cette fois-ci, en saluant comme elle le mérite la déclaration de politique générale qui vient de nous être faite et en approuvant, bien entendu, les intentions, elles aussi générales, qui ont été exprimées.
Permettez-moi cependant, monsieur le ministre, en m'inspirant d'une actualité immédiate, de revenir en quelques mots, dans cette introduction, sur la transparence, qui est l'un des maîtres mots que vous avez invoqués voilà quelques instants.
Chacun sait, pour lire la presse, que le grand débat de ces jours-ci est de savoir comment et pour quel prix certaines licences téléphoniques vont être cédées à des opérateurs. Sera-ce au terme d'un processus d'enchères, ou d'un processus de nature différente ? De combien s'agira-t-il, par rapport aux 200 ou 215 milliards de francs du déficit budgétaire dont nous allons parler au titre du collectif ? Sans doute s'agira-t-il de montants très significatifs.
Où parle-t-on de ces sujets ? Je me permets, monsieur le ministre, de vous poser cette question, à vous qui, naguère, nous disiez que les droits du Parlement devaient être revalorisés ? En parle-t-on au Parlement ?
M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Oui !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Peut-être allons-nous en parler, et nous serons alors heureux de vous entendre, parce que, jusqu'ici, c'est en interrogeant les journalistes que nous avons pu nous informer et non pas en interrogeant vos services ou les membres du Gouvernement.
Nous demanderez-vous d'apporter des modifications à la législation existante ?
Nous exprimerez-vous les enjeux de politique industrielle, les enjeux stratégiques, financiers, budgétaires de la téléphonie de nouvelle génération ?
Nous direz-vous si les versements sollicités des opérateurs sont assimilables à une contribution, en d'autres termes à une taxe nécessitant l'accord préalable du Parlement ?
Nous direz-vous si, selon votre analyse, il s'agit pour ces 100 ou 200 milliards de francs d'une redevance, ce qui suppose une certaine règle de proportionnalité par rapport à l'utilité économique que l'on est susceptible de tirer de l'utilisation du domaine public ?
Nous direz-vous si vous avez l'intention de nous demander des adaptations fiscales ? Etc.
Monsieur le ministre, j'ai entendu avec grand plaisir vos propos sur la transparence. J'espère simplement que vous allez nous en donner un premier exemple à propos de cette affaire si importante, afin que nous ne nous retrouvions pas, d'ici à quelques mois, lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2001, dans l'obligation de voter en régularisation de décisions déjà prises un certain nombre de dispositions réputées techniques.
Vous avez dit aussi - transparence toujours ! - que cette somme très importante serait affectée au fonds de réserve pour les retraites. On ne peut naturellement que s'en réjouir puisqu'une affectation de cette nature équivaut, en réalité, à une réduction du déficit public.
Mais nous direz-vous qui va gérer le fonds de réserve, selon quels horizons de gestion, en arbitrant quelles catégories de produits financiers ? Quelle relation établirez-vous entre l'Etat et les professionnels qui assureront ces gestions de capitaux ? Tous sujets qui jusqu'ici, mes chers collègues, me semblent être restés quelque peu dans le flou.
Nous avons au cours de cet après-midi, de cette soirée, de la journée de demain et de celle d'après-demain, une série de rendez-vous financiers. Ils ont le très grand mérite de nous faire parcourir une période qui va de 1998 à 2003.
Par le hasard des choses et de la mécanique parlementaire, nous allons, à la vérité, procéder à rebours de ce qu'il faudrait faire logiquement. Il faudrait, en effet, commencer par examiner la loi de règlement de 1998, premier exercice plein sous la gestion du Gouvernement de M. Jospin, aborder ensuite le collectif budgétaire pour 2000, à savoir l'adaptation de la loi de finances initiale aux résultats de gestion de 1999 et aux heureuses surprises - mais étaient-ce des surprises ? - en matière de recettes budgétaires, et, enfin, tracer une perspective plus longue et aborder l'avenir, c'est-à-dire la manière dont nous nous situons dans le programme pluriannuel des finances publiques 2001-2003.
Je le répète, nous allons, mes chers collègues, faire cet exercice à rebours. Mais l'important est de bien se situer dans une cohérence d'ensemble.
Cette cohérence, nous nous sommes efforcés de l'exprimer en intitulant le rapport de la commission Rapport sur le débat d'orientation budgétaire, avec en sous-titre : « Comment être crédible en Europe ? » Car tel nous semble bien être, à nous, commissaires des finances, l'enjeu essentiel.
Et, du moins sur cet enjeu, celui de la présidence française de l'Union européenne, celui de la compétitivité de notre pays, sinon sur les moyens d'y parvenir, je pense que nous pouvons nous situer de la même manière, monsieur le ministre.
Mais lorsque nous approfondissons les choses et que nous regardons la réalité de l'économie française en Europe, nos chemins divergent.
L'approche de la commission des finances se fonde sur des études que nous commandons, comme nous avons l'habitude de le faire, à des économistes. Nous l'avons fait, cette année, sur l'initiative du président Alain Lambert, auprès de deux organismes, l'Observatoire français des conjonctures économiques et le Centre d'observation économique.
L'un comme l'autre ont appelé notre attention sur le fait que la politique conduite dans une période de conjoncture favorable et de belle croissance est très probablement une politique exagérément procyclique, trop favorable à une demande déjà vigoureuse, alors même que la politique économique qui serait en mesure de prémunir notre pays des risques d'un retournement pourrait être, devrait être, selon les avis qui nous sont donnés et selon nos analyses, une politique davantage centrée sur l'offre et permettant d'assainir davantage et plus vite les finances publiques.
Partons en effet, mes chers collègues, de l'appréciation du cadre macro-économique. Nous ne saurions contester les chiffres de la belle croissance. Nous nous en réjouissons, comme le ministre l'a fait voilà quelques instants.
Nous nous interrogeons, bien entendu, sur ce qui nous attend dans les prochaines années et au terme de la perspective triennale qui a été tracée. Nous savons bien que des aléas existent, qui sont de différentes natures : le risque américain, le risque européen, le risque lié à notre propre politique des finances publiques, le risque, surtout, lié à l'aggravation des rigidités structurelles.
Nous pensons, du moins pour ce qui est de la majorité de la commission des finances, que la réduction de la durée du travail, que l'absence de perspectives claires en matière de réforme des retraites, de réforme de l'Etat, font peser de réels risques sur notre économie, compte tenu de la part excessive de la sphère publique dans le produit intérieur brut.
Nous pensons aussi que l'environnement international peut nous réserver des surprises, que l'évolution de la croissance ou le rythme d'atterrissage, un jour, de l'économie américaine représentent des points d'interrogation tout à fait sérieux à moyen terme.
Nous pensons également que la résurgence de l'inflation peut se produire sur le territoire européen et qu'elle peut conduire les autorités monétaires du système européen de Banque centrale à prendre, un jour, des décisions susceptibles d'avoir des effets récessifs sur l'activité.
Bref, si, aujourd'hui, tout paraît en quelque sorte anesthésié par la belle croissance, il est certain que l'on doit se préparer à l'évolution de la conjoncture et que les cycles de l'économie, un jour, se retournent.
Pour tenir compte de telles préoccupations, la commission des finances estime que deux priorités doivent être conjuguées avec beaucoup plus de force que vous ne le faites, monsieur le ministre : en premier lieu, la baisse des prélèvements obligatoires en second lieu, la maîtrise des dépenses publiques.
Vous le savez, en 1999, plus de 70 % de l'augmentation de la richesse nationale a été en quelque sorte confisquée par les prélèvements obligatoires. Vous savez aussi que l'heureuse conjoncture, qui, en apparence, est celle de nos finances publiques, provient dans une très large mesure des surcroîts de recettes intervenus en 1999 et à venir en l'an 2000. De ce point de vue, en effet, monsieur le ministre, il y a bien des progrès à faire vers la transparence !
M. Roland du Luart. Oh oui !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je ne saurais, naturellement, dévoiler les travaux qui sont actuellement menés par la commission des finances en tant que commission d'enquête, s'agissant des conditions de préparation et d'exécution des dernières lois de finances.
Je peux cependant, puisqu'il s'agit de documents publics, me référer à ce qui a été dit de manière tout à fait indépendante par la Cour des comptes : selon elle, les méthodes utilisées pour clore un exercice budgétaire n'ont pas le caractère de pérennité et de certitude que devraient avoir des méthodes comptables. Elle estime qu'en quelque sorte l'Etat clôt ses comptes selon la commodité du moment et que des reports de recettes ont été faits, de 1999 à 2000, à des niveaux bien supérieurs à ce qui a été avoué, d'ailleurs très tardivement : 9 milliards de francs de recettes fiscales et, en ce qui concerne les recettes non fiscales - ces éléments d'ajustement si commodes, monsieur le ministre, pour vos prédécesseurs - le report serait de 18 à 19 milliards de francs, et non pas de 15,6 milliards de francs.
Pour l'année 2000, nous considérons qu'avec l'hypothèse officielle de 3,6 % de taux de croissance, dont, encore une fois, on ne peut que se réjouir, le surcroît de recettes pour les administrations publiques par rapport aux documents initiaux est de 50 milliards de francs pour l'Etat, de 14 milliards de francs pour la sécurité sociale et de 8 milliards de francs pour l'ensemble des collectivités locales. Si l'hypothèse de croissance était de 4,2 % et non pas de 3,6 %, comme le prévoient certains économistes - je n'ai pas d'avis particulier sur ces hypothèses - 20 milliards de francs s'ajouteraient aux 72 milliards de francs.
Aussi permettez-moi, monsieur le ministre, de vous poser une question : au nom de la transparence, comment nous informerez-vous, en cours d'exercice, de l'évolution réelle des choses ? C'est très bien de recevoir les situations deux fois par mois, après - le président Lambert le dirait mieux que moi - des mois et des mois de demandes répétées et légitimes ; vous l'avez décidé et, naturellement, nous ne pouvons que nous réjouir de cette information supplémentaire.
S'agissant des recettes, nous avons, monsieur le ministre, examiné les affectations que vous proposez. En ce qui concerne les baisses d'impôts, la commission des finances proposera bien évidemment au Sénat de les accepter. Mais, vous le savez fort bien en tant qu'ancien parlementaire chevronné, les textes organiques nous interdisent de substituer aux baisses d'impôts que vous proposez des baisses de cotisations sociales.
S'agissant du programme de baisse des prélèvements obligatoires, vous savez que l'hypothèse qui, sur le plan économique, aurait notre préférence serait non pas une dispersion des mesures mais au contraire une concentration de celles-ci sur ce qui nous semble être la voie la plus efficace à tous égards : une baisse de l'impôt sur le revenu pour toutes les tranches couplée à une baisse des cotisations sociales par employeur. Les économistes nous disent que c'est la voie qui assure les meilleurs effets économiques, notamment en termes d'emploi, sur la période à venir.
La seconde préoccupation centrale de notre commission est naturellement la maîtrise des dépenses publiques.
Dans le collectif qui va nous être présenté demain par Mme Parly, 10 milliards de francs de dépenses supplémentaires apparaissent sans aucune réduction du déficit - j'y reviendrai dans quelques instants. Or, nous savons que la proportion des dépenses publiques dans le produit intérieur brut est actuellement supérieure de quatre points à la moyenne de la zone euro et de sept points au chiffre de l'Allemagne, qui partage avec nous le même modèle de développement et d'organisation de la société.
Monsieur le ministre, il est possible d'être plus ambitieux en matière de diminution des dépenses et de recul de la part du produit intérieur brut mobilisée par les dépenses publiques. Si vous avez besoin d'être aidé dans vos efforts louables en ce domaine, vous pouvez naturellement compter sur notre commission et sur la majorité du Sénat.
Nous nous appuyons, en ce qui nous concerne, sur les préconisations des économistes que nous avons consultés.
Pour atteindre notre objectif, c'est-à-dire la parité avec l'Allemagne à la fin de l'année 2002 en termes de prélèvements obligatoires rapportés au produit intérieur brut, il faut baisser les prélèvements obligatoires, et baisser en contrepartie la dépense publique annuelle en volume de l'ordre de 0,95 point. C'est un effort qui, si on en a la volonté, dans une période de croissance, est tout à fait susceptible d'être accompli par l'Etat.
Monsieur le ministre, à la suite de ces considérations sur les recettes et sur les dépenses, nous ne pouvons nous empêcher de faire quelques commentaires sur le solde.
La belle conjoncture a permis d'arrêter, au moins provisoirement, les compteurs de l'année 1999 à un déficit budgétaire de 206 milliards de francs, venant se substituer à l'estimation d'origine, qui était de 236,5 milliards de francs.
Vous nous avez dit tout à l'heure que l'année 2000 se terminerait probablement par un solde d'environ 200 milliards de francs. Monsieur le ministre, pourquoi alors nous présentez-vous, dans le même temps, un collectif budgétaire qui fait apparaître - loi de finances initiale et collectif budgétaire - un déficit de 215 milliards de francs ?
Vous conviendrez avec nous que ce collectif apparaît, au moment même où vous le présentez, comme dépassé par les événements et par les prévisions que vous faites vous-même.
Au demeurant, pour être crédible en Europe, mieux vaut, semble-t-il, faire état d'une séquence en baisse des déficits publics non pas pour le plaisir mais, comme vous l'avez très bien dit vous-même, pour ménager la capacité d'action et les marges de manoeuvre de ceux qui nous succéderont aux uns et aux autres, c'est-à-dire de ceux sur qui pèseront les charges de cette dette que nous continuons à contracter.
Si la dette publique s'est en effet stabilisée en termes de produit intérieur brut, c'est grâce non pas à l'Etat mais aux collectivités territoriales, car la dette de l'Etat va augmenter - mes chers collègues, je tiens à vous le rappeler - en valeur absolue de 200 milliards de francs en l'an 2000 ! Ainsi, l'encours de la dette à la fin de l'année, selon vos prévisions, monsieur le ministre, s'établira à 4 500 milliards de francs contre 4 300 milliards de francs à la fin de l'année 1999. Je tiens à répéter que nous allons contracter, en l'an 2000, 622 milliards de francs d'emprunts nouveaux, qui seront utilisés à hauteur de 407 milliards de francs à rembourser des emprunts antérieurs et même, pour 50 milliards de francs, à solder les dépenses de fonctionnement...
M. Jacques Oudin. C'est scandaleux !
M. Philippe Marini, rapporteur général. ... méthode qui devrait naturellement être bannie de nos finances publiques, et le plus vite possible.
J'ai évoqué les collectivités territoriales pour dire que leur solde était, en termes macro-économiques, tout à fait favorable à notre pays. Je voudrais en quelques mots développer cette considération.
Dans le document que vous nous avez fait parvenir, monsieur le ministre, j'ai cru lire des phrases laissant entendre qu'il existerait une sorte de dérapage de la dépense locale. Ce n'est pas vrai ! En réalité, si les dépenses locales semblent augmenter, c'est en raison de la prise en compte des différentes obligations résultant de la législation proposée par le Gouvernement, par exemple sur la revalorisation des traitements, ou sur l'élimination des déchets.
En ce qui concerne le solde des administrations publiques, les collectivités territoriales affichaient en 1999 un solde positif de plus de 34,5 milliards de francs. Elles se désendettent ; leur poids dans l'endettement public, je le rappelle, est passé de 26 % en 1980 à 12 % en 1998. Pendant la même période - la très longue période, celle dont nous sommes tous collectivement responsables - l'Etat, lui, a contribué à plus de 80 % de la hausse du ratio d'endettement des administrations publiques.
Alors, monsieur le ministre, il n'est pas conforme à la réalité de laisser entendre que le financement des collectivités locales serait une charge excessive pour l'Etat. Les modalités d'évolution des dotations de l'Etat ne sont pas aussi favorables aux collectivités territoriales que le document qui nous a été adressé semble le dire. Mais, surtout, les concours de l'Etat servent de plus en plus à compenser la fiscalité locale : 77 % de l'augmentation des concours de l'Etat aux collectivités territoriales en 2 000 proviennent de la substitution de dotations à des éléments de fiscalité supprimés. C'est d'ailleurs dans cette voie que vous voudriez nous entraîner un peu plus, monsieur le ministre, avec la suppression de la part régionale de la taxe d'habitation.
Toujours plus de concours de l'Etat, toujours moins d'autonomie réelle fiscale et financière des collectivités territoriales : c'est bien ce qui s'appelle un processus de recentralisation !
M. Gérard Braun. Tout à fait !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Enfin, monsieur le ministre, permettez-moi, en guise de conclusion, d'évoquer très brièvement les finances sociales - MM. Oudin et Descours, ainsi que le président Delaneau, le feront de façon beaucoup plus argumentée et précise.
A la vérité, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, nous sommes des sénateurs vraiment très frustrés. Nous voulions un débat consolidé ; nous voulions que l'on nous expose au moins, dans la perspective triennale, ce que donne la consolidation des finances de l'Etat et des finances des organismes sociaux - nous savons bien qu'aujourd'hui 60 % des prélèvements obligatoires ont pour origine la loi de financement de la sécurité sociale, nous savons bien que, pour les agents économiques et pour les entreprises en particulier, c'est bien l'addition de tous les prélèvements obligatoires, sociaux et fiscaux, qu'il faut prendre en compte. Or ce débat consolidé nous a été refusé, et je le regrette vivement.
M. Jacques Oudin. Oui, c'est bien dommage !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Au demeurant, lorsque votre collègue ministre de l'emploi et de la solidarité se félicite de la bonne tenue des soldes des organismes sociaux, elle oublie simplement de préciser qu'en 1999 les prélèvements sociaux ont augmenté de près de 5 % et qu'avec une telle manne il eût été vraiment très étrange, la croissance et la diminution du chômage aidant, que l'on n'arrive pas à des comptes en excédent !
Monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, telles sont les quelques considérations que la commission des finances tenait à vous livrer et qui, vous le voyez, concernent les impératifs : impératif de baisse des impôts et des prélèvements sociaux, impératif de réduction de la dépense publique, impératif de réduction de l'endettement public. Ces orientations, semble-t-il, nous les partageons.
L'an dernier, le rapport d'orientation budgétaire de la commission des finances s'intitulait : Des intentions aux faits. Nous y avons donc ajouté cette année la question : Comment être crédibles en Europe ?
Permettez-nous, monsieur le ministre, de ne pas prendre pour argent comptant les propos agréables que vous avez bien voulu tenir devant notre assemblée.
Mes chers collègues, je vous remercie de votre attention. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

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SOUHAITS DE BIENVENUE
À UNE DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE
D'UKRAINE

M. le président. Mes chers collègues, j'ai le plaisir de saluer la présence dans notre tribune officielle d'une délégation de l'Assemblée nationale d'Ukraine, conduite par M. Serguyi Teriokhine, président du groupe d'amitié Ukraine-France, qui séjourne en France à l'invitation du Sénat et de notre groupe d'amitié présidé par notre collègue Patrice Gélard.
Cette visite suit celle que le président du Sénat a effectuée en Ukraine en 1999 et les nombreux contacts bilatéraux que nos deux assemblées entretiennent. Je veux saluer ici l'excellence des relations et la densité des échanges qui existent entre nos deux pays.
Cette visite s'inscrit également dans la perspective de création d'un Sénat en Ukraine dont le principe vient d'être adopté par référendum le 16 avril dernier.
Je souhaite que cette visite au Sénat permette à nos collègues ukrainiens d'avancer dans leur réflexion et qu'elle contribue à les convaincre, comme l'a démontré la réunion des Sénats du monde du 14 mars dernier, que le bicamérisme est une idée d'avenir.
Au nom du Sénat, je souhaite la bienvenue à la délégation du président Teriokhine et forme des voeux pour que son séjour en France renforce encore les liens d'amitié qui existent entre nos deux assemblées et entre nos deux pays. (M. le ministre, Mme le secrétaire d'Etat, Mme et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.)

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ORIENTATION BUDGÉTAIRE

Suite du débat sur une déclaration du Gouvernement

M. le président. Nous reprenons le débat d'orientation budgétaire consécutif à une déclaration du Gouvernement.
Dans la suite du débat, la parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le ministre, je souhaite vous saluer au banc du Gouvernement à l'occasion de ce débat d'orientation budgétaire, après l'avoir fait au sein de notre commission. Je souhaite également vous dire que j'ai été sensible, comme beaucoup de mes collègues sans doute, à la reconnaissance que vous avez marquée pour la valeur du travail mené par notre assemblée et, un peu aussi, par notre commission. Cette reconnaissance est le gage, me semble-t-il, d'un dialogue fécond entre le Gouvernement et le Parlement, et ce pour le bien de la démocratie, pour le bien de la France et des Français.
Le regroupement des débats budgétaires est une bonne idée. Nous allons ainsi pouvoir observer ce qui s'est passé pendant trois ans, ce que vous vous proposez de faire au moins pour les deux années à venir ; nous allons pouvoir examiner la politique de finances publiques du Gouvernement sur la période allant de 1998 à 2003.
C'est aussi pour nous l'occasion de vous faire des suggestions. Il est vrai que, lorsqu'on est dans l'opposition, on est parfois soupçonné de critiquer exclusivement ce que la majorité propose. La culture de notre assemblée, notamment celle de notre commission, nous conduit chaque fois à formuler des propositions alternatives, sur lesquelles nous ne sommes naturellement pas toujours d'accord. Mais telle est la contribution que nous souhaitons verser au débat démocratique.
S'agissant d'abord de la méthode, monsieur le ministre, comme M. le rapporteur général vous l'a dit tout à l'heure, nous avons voulu marquer notre objectivité.
Il est vrai que, parce que nous sommes engagés dans la vie publique, nous avons nos convictions, lesquelles nous amènent parfois à porter des jugements sévères sur certaines situations. Nous avons donc demandé à des organes extérieurs de procéder à deux expertises indépendantes, afin de consolider la réflexion que nous menons.
L'Observatoire français des conjonctures économiques, l'OFCE, a d'ailleurs confirmé des hypothèses qui ont été retenues par le Gouvernement en matière de recettes fiscales. Il estime aussi les recettes supplémentaires des organismes de sécurité sociale à une somme comprise entre 14 milliards de francs et 25 milliards de francs, ce qui conduit à regretter l'absence de loi de financement rectificative pour la sécurité sociale ; je parle sous le contrôle de mon collègue Jean Delaneau, qui reviendra sans doute sur ce sujet tout à l'heure.
Nous déplorons aussi, comme M. le rapporteur général l'a dit, que nous n'ayons pas choisi ce moment-là - vous auriez ainsi complètement réussi ce rendez-vous, monsieur le ministre - pour avoir un débat consolidé sur les finances publiques.
Je rappelle que M. le président Poncelet, avant même que vous ne soyez installé dans vos fonctions, avait écrit au Premier ministre afin d'appeler son attention sur la nécessité de ne pas limiter le débat d'orientation budgétaire au seul budget de l'Etat. Il lui était apparu nécessaire, sans vouloir diminuer en aucune façon l'extrême importance de vos fonctions, monsieur le ministre, que soit présente à vos côtés Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité pour que nous puissions examiner l'ensemble des finances publiques. Par conséquent, je pense que vous pouvez faire encore mieux l'année prochaine. Il est toujours encourageant d'avoir devant soi des marges de progrès !
Quelle est la bonne politique des finances publiques selon la conception qui est la mienne, conception qui est, me semble-t-il, partagée par la majorité de la commission des finances ? Je reprendrai une partie des propos qu'a tenus tout à l'heure M. le rapporteur général.
Il nous faut, mes chers collègues, concilier deux objectifs : la baisse des impôts et un assainissement des finances publiques. Ces objectifs sont conciliables et j'essaierai de le prouver.
Tout d'abord, il faut réduire les prélèvements obligatoires. Tout le monde le dit ! Cela signifie donc que les Français supportent de moins en moins le niveau trop élevé des prélèvements obligatoires dans notre pays.
Cette baisse des impôts est nécessaire pour garantir la compétitivité de la France et pour améliorer la situation de l'emploi. J'ai d'ailleurs le sentiment que ce point de vue est partagé par tout le monde.
Ensuite, il importe de poursuivre l'assainissement de nos finances avec plus de détermination que n'en marque le Gouvernement, afin que nous soyons armés pour faire face aux aléas conjoncturels qui se présenteront inévitablement un jour et aux chocs structurels qui, eux, sont annoncés.
La clé pour réussir à concilier ces deux objectifs a priori antagonistes - baisse des impôts et assainissement des finances publiques - c'est naturellement la croissance. Or la croissance est là, forte et, semble-t-il, durable. Il reste à voir l'usage que le Gouvernement en fait et quel meilleur usage pourrait en être fait.
Sur les trois dernières années, les déficits ont certes été réduits - c'est un fait arithmétique - mais en augmentant les recettes, c'est-à-dire les impôts et les charges.
Pour les années à venir, le Gouvernement annonce une réduction des impôts, mais nous avons le sentiment, monsieur le ministre, que cette réduction se fera au détriment de l'assainissement des finances publiques. Pourtant, avec les mêmes hypothèses de croissance que celle du Gouvernement, les deux objectifs nous paraissent conciliables, à condition de prendre un autre chemin : une maîtrise plus exigeante des dépenses publiques et la baisse des charges salariales, qui, vous le savez, a notre préférence par rapport aux baisses d'impôt que vous nous proposez.
S'agissant de l'assainissement financier, depuis 1997, les déficits publics sont passés de 3 % du produit intérieur brut à 1,5 %, en principe, cette année, pour atteindre 0,3 à 0,5 % en 2003, ce qui, naturellement, va dans le bon sens. Mais pour obtenir cette amélioration, le Gouvernement a augmenté les prélèvements de 400 milliards de francs, et pas seulement grâce à cette bonne fée qu'est la conjoncture, mais grâce aussi à un relèvement du taux des prélèvements, qui est passé de 44,8 % à 45,7 % du produit intérieur brut.
Comparée à ses partenaires européens dont le niveau de vie et la qualité des services publics sont tout à fait comparables, la France prélève quatre points de richesse nationale supplémentaires pour ses administrations, soit environ 350 milliards de francs de plus qu'elle ne le ferait si elle se situait dans la moyenne européenne. Le fardeau de cette charge pèse sur la compétitivité de notre pays, il pèse sur l'emploi.
Certes, nous nous réjouissons des bonnes nouvelles sur le front du chômage. Mais, mes chers collègues, gardons à l'esprit les 2,5 millions de chômeurs et une situation de l'emploi qui reste parmi les plus mauvaises des grands pays industriels. Nous retrouvons, en fait, le niveau de chômage de 1991, époque où ne prévalait pourtant aucun triomphalisme - j'ai consulté les débats parlementaires d'alors.
M. Jacques Oudin. Très bien !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Nous étions plutôt mécontents, alors qu'aujourd'hui chacun semble se satisfaire du niveau du chômage. Le chômage de masse existe dans notre pays, et si nous ne réduisons pas de façon significative les prélèvements, nous buterons sur des seuils incompressibles beaucoup plus élevés qu'ailleurs.
Pour réduire le déficit, le Gouvernement - c'est notre sentiment, monsieur le ministre - s'est appuyé quasi exclusivement sur les fruits de la croissance. Au fond, il n'a accompli aucun effort sur le sujet.
Le déficit structurel, celui qui dépend de l'action politique du Gouvernement, ne se sera, en fait, que très peu amélioré de 1997 à 2001, passant de 1,9 % du produit intérieur brut à 1,5 %. En revanche, le solde conjoncturel, celui qui dépend de la situation économique du moment, sera, lui, passé de 1,6 % du produit intérieur brut en 1997 à un excédent de 0,3 % en 2001. Cette amélioration serait balayée au premier retournement de conjoncture. Vous nous avez d'ailleurs mis en garde tout à l'heure sur ce sujet.
Je n'affectionne pas particulièrement les comparaisons avec les gouvernements précédents, mais je dois dire que je n'ai pas aimé la simplification à laquelle, sur l'ensemble des travées, on s'est souvent abandonné sur ce sujet. En effet, confrontés à un déficit structurel de 5,4 % du PIB en 1993, qui ne leur était pas imputable, les gouvernements précédents ont ramené ce déficit structurel à 1,9 % du PIB en 1997, dans un contexte conjoncturel dont tout le monde s'accorde à reconnaître qu'il était difficile.
Ce travail ingrat n'a pas été reconnu par les électeurs, mais cela ne veut pas dire qu'il n'avait pas de valeur. Il a apporté une contribution décisive dans la qualification pour l'euro et il a permis de redresser la trajectoire quasiment mortelle dans laquelle étaient engagées nos finances publiques.
Voilà ce que je voulais dire s'agissant de la méthode du Gouvernement pour les trois années qui viennent de s'écouler. On constate, certes, une amélioration, mais celle-ci est due à la croissance. Le Gouvernement peut faire beaucoup mieux !
Qu'en est-il de la méthode que vous nous proposez pour le présent et pour l'avenir ?
Après une augmentation massive des prélèvements - tout à l'heure, je parlais de 400 milliards de francs - vous annoncez une baisse des impôts. Mais pour la première fois depuis l'exercice 1993 - le rapporteur général le soulignait il y a un instant - un collectif budgétaire prévoit une détérioration du déficit par rapport à l'année précédente : vous prévoyez toujours 215 milliards de francs en 2000, contre 206 milliards de francs en 1999. Dire qu'il sera finalement de l'ordre de 200 milliards de francs ne satisfait pas les exigences de sincérité d'une loi de finances. Pourquoi le Gouvernement ne nous dit-il pas d'où viendra cette amélioration de 15 milliards de francs entre les 215 milliards de francs qui restent inscrits et les 200 milliards de francs que vous pronostiquez ?
L'OFCE nous indique que, sous réserve de conditions très favorables, les recettes pourraient encore être majorées d'une dizaine de milliards de francs. Mais, dans cette hypothèse optimiste, le compte - mon compte, en tout cas - n'y est toujours pas : le déficit serait de 5 à 6 milliards de francs supérieur aux 200 milliards de francs annoncés.
Faut-il, dès lors, s'attendre à des réductions de dépenses ? Personnellement, cela ne me choquerait pas. Faut-il espérer d'autres recettes qui ne nous sont pas connues aujourd'hui ? Je souhaite, monsieur le ministre, que vous puissiez nous donner des éclaircissements sur ce sujet.
J'en conclus que le Gouvernement réduit les impôts en quelque sorte à crédit et qu'il abandonne en partie ses objectifs d'assainissement budgétaire.
A tout prendre, monsieur le ministre, si cette méthode de baisse des impôts à crédit doit être utilisée, qu'elle le soit alors au profit du seul objectif qui rassemble tous les Français sans exception : l'emploi.
Dans cette logique, baisser la TVA n'est pas, à mes yeux en tout cas, prioritaire.
Le Conseil d'analyse économique lui-même, s'il plaide pour la réduction de l'impôt sur le revenu, plaide tout autant pour les allégements de cotisations sociales sur les bas salaires en réservant les baisses de TVA à des allégements ciblés sur les secteurs à forte intensité de main-d'oeuvre.
A ma demande, le Centre d'observation économique, le COE, a comparé les effets de deux politiques de baisse des prélèvements - c'est la partie « proposition » que nous voulions vous faire, monsieur le ministre -, à savoir une association baisse de l'impôt sur le revenu - réduction d'un point du taux de TVA, comparée à la même baisse de l'impôt sur le revenu associée à une baisse des cotisations sociales.
Corroborant les travaux du Conseil d'analyse économique, cette étude démontre que l'effet sur le chômage d'une réduction des cotisations sociales est très supérieur à celui d'une baisse de la TVA. Ainsi, une baisse de l'impôt sur le revenu de 8 % associée à une réduction des cotisations sociales de 40 milliards de francs réduirait en quatre ans le chômage d'environ 600 000 personnes, alors que la même baisse d'impôt sur le revenu associée à la baisse du taux de TVA ne réduirait le chômage que de 125 000 personnes environ.
Même si, sur le plan des principes, je ne suis pas opposé à la réduction du taux de la TVA, cette réduction - c'est, encore une fois, une proposition alternative - n'est pas, selon moi, prioritaire par rapport à la résorption du « coin socio-fiscal » qui accable le coût du travail en France.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Mais la priorité de la politique fiscale du Gouvernement, comme M. le rapporteur général le soulignait tout à l'heure, apparaît, y compris pour des observateurs qui ne vous veulent aucun mal, comme une forme de saupoudrage de petits avantages qui semble lié à la conjoncture électorale.
Monsieur le ministre, vous aviez bien raison d'affirmer à plusieurs reprises, alors que vous étiez président de l'Assemblée nationale - et vous l'avez encore fait très courageusement tout à l'heure -, qu'il n'est pas possible, dans un Etat en déficit, de réduire sérieusement et sincèrement les prélèvements sans maîtriser la dépense. Certes, réduire les dépenses publiques est un exercice difficile, nous le savons tous, par crainte non seulement du mécontentement social - nos compatriotes ne croient pas que cette diminution soit un bienfait pour eux ; ils se trompent, mais peut-être ne le leur dit-on pas assez -, mais aussi des effets récessifs parfois constatés.
C'est pourquoi, pour mener une politique de retour à l'équilibre des finances publiques d'ici à 2003, il est indispensable, selon le programme de stabilité « alternatif » que nous proposons, de mener une politique de réduction des prélèvements obligatoires tournée vers l'emploi et efficace pour l'emploi.
Le Centre d'observation économique a simulé la combinaison d'une réduction volontariste des prélèvements obligatoires à l'horizon 2003, ramenant le taux à 42,8 % du produit intérieur brut au lieu des 43,7 % prévus par le Gouvernement, avec une résorption totale des déficits publics.
Il n'y a pas de secret : dans cette hypothèse, il faut réduire les dépenses de l'Etat ; pas de beaucoup, d'ailleurs : moins de 1 % en volume par an. Quel Français doutera de la possibilité de réduire les dépenses de 1 % ? Nous sommes timorés en la matière. Si le prix à payer pour le retour à l'équilibre de nos finances publiques est la réduction de 1 % en volume par an, je suis convaincu que les Français y sont prêts. Les éventuels effets récessifs que vous pouvez craindre peuvent, à mes yeux, être évités grâce à la réduction des charges sociales.
M. Emmanuelli, président de la commission des finances de l'Assemblée nationale, l'a dit à plusieurs reprises : « La baisse des impôts n'est pas une fin en soi, ce qui importe, c'est l'emploi. » C'est notre point de vue, mais il convient d'ajouter qu'il faut aussi préparer l'avenir, car il n'est pas possible de renvoyer aux générations futures ce que nous ne voulons pas et ce que nous n'acceptons pas d'assumer nous-mêmes.
M. Jacques Oudin. Très bien !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. A ce propos, j'avais pris le risque de prévoir que l'impasse sur les retraites pourrait s'élever à 5 000 milliards de francs à l'horizon du prochain siècle. Monsieur le ministre, j'aimerais connaître votre sentiment sur cette estimation.
Lorsque l'on prend en compte tous ces chiffres, n'est-il pas grand temps de redresser avec ardeur nos finances publiques pour aborder cette immense difficulté dont nous connaissons tous l'échéance ?
Réduire les dépenses de l'Etat, alléger les charges pesant prioritairement sur le travail, revenir à l'équilire en 2003 : tels sont les trois axes que notre commission recommande pour les finances publiques à moyen terme. Telles sont les condictions d'une politique volontariste, tournée en priorité vers l'emploi, offrant aux générations futures leurs meilleures chances d'avenir. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants, du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.
M. Jean François-Poncet, président de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur les sujets que le président et le rapporteur général de la commission des finances viennent, avec la compétence et le talent qui les caractérisent, d'aborder si excellemment. Et, monsieur le ministre, je ne reviendrai pas non plus sur l'intéressant débat relatif à la meilleure façon d'utiliser la cagnotte que, ministre heureux, vous serrez dans les bras.
Je voudrais consacrer le temps de ma brève intervention à l'avenir, à cette « nouvelle économie » qui suscite tant de commentaires dans la presse et tant de spéculation à la Bourse.
Elle est devenue, en quelques années, un puissant accélérateur de croissance, en même temps qu'un facteur essentiel de la compétitivité des entreprises.
Elle tend même à esquisser une nouvelle hiérarchie entre les nations. Deux petits pays, la Finlande et Israël, dont personne ne songeait hier à évoquer le potentiel, émergent aujourd'hui à la puissance économique pour la seule raison qu'ils se situent dans le peloton de tête des nations qui excellent dans les nouvelles techniques de la communication.
Comment, dès lors, mes chers collègues, ne pas se demander où en est la France et si elle a pris un bon départ dans une course qui s'annonce décisive ?
Pour répondre à cette question, la commission des affaires économiques et du Plan du Sénat a demandé à un groupe de travail de lui faire un rapport sur un aspect spécifique, mais en même temps stratégique, de cette compétition : l'émigration des jeunes Français, grands cadres et créateurs d'entreprise, qui choisissent de tenter l'aventure de la nouvelle économie aux Etats-Unis ou en Angleterre plutôt qu'en France.
La presse cite le chiffre de 40 000 chefs d'entreprise français installés en Californie et bien davantage établis à Londres. Elle va jusqu'à évoquer une hémorragie comparable à celle qui avait suivi la révocation de l'édit de Nantes et qui, à l'en croire, pénaliserait la France d'aujourd'hui autant que l'exode d'hier avait affaibli la France de l'Ancien Régime.
Pour en avoir le coeur net, le groupe de travail de la commission s'est rendu en Californie et à Londres. Il a interrogé les services de l'Etat, y compris les vôtres, monsieur le ministre, ainsi que les écoles techniques, les écoles de commerce et nos grandes écoles. Il a entendu des dizaines de créateurs d'entreprise ainsi que leurs associations.
Je voudrais, en quelques mots, vous faire part de ses conclusions, parce que je crois que le sujet est stratégique.
Première question : combien sont-ils, ces jeunes qui quittent la France ?
Je vous rassure tout de suite : il n'y en a pas 40 000 en Californie, ni 200 000 en Grande-Bretagne. Ces chiffres n'ont pas été inventés, mais ils concernent le nombre total de Français installés sur la côte Ouest des Etats-Unis ou de l'autre côté de la Manche et non pas les seuls grands cadres et créateurs d'entreprise.
Personne, à vrai dire - cela a été l'une de nos surprises - n'est en état d'évaluer de façon précise et fiable le nombre des Français installés à l'étranger. Nos consulats ne connaissent que les Français immatriculés. Or la majorité de nos concitoyens ne se font pas connaître, soit parce qu'ils n'en voient pas l'utilité, soit peut-être parce qu'ils se méfient de la longue cuillère de vos services fiscaux.
Mais toutes les indications convergent sur un point : nous sommes en présence d'une véritable vague, massive et diversifiée en direction de l'Angleterre, importante, mais plus sélective, en direction des Etats-Unis. Nos services consulaires, qui reconnaissent eux-mêmes qu'ils en sous-estiment l'importance, évaluent à 30 % l'augmentation du nombre des Français installés en Californie et en Grande-Bretagne au cours des cinq dernières années.
Deuxième question : qui sont ces jeunes ?
Comme on peut l'imaginer, toutes les catégories sont représentées, notamment en Grande-Bretagne, y compris des jeunes sans qualification, à la recherche d'un premier emploi ou d'un apprentissage de l'anglais.
Mais, pour l'essentiel - et c'est ce qui compte -, il s'agit d'une élite de diplômés disposant d'une solide culture informatique, acquise en France, dont la qualité, il faut le savoir, est mondialement reconnue. Une élite qui possède aussi un tempérament d'entrepreneur et qu'attirent les facilités qu'offrent aux créateurs les Etats-Unis et la Grande-Bretagne.
C'est peu dire que l'Amérique lui ouvre ses bras avec une dangereuse efficacité. Ses services de l'immigration ont enregistré une augmentation de 60 %, au cours des années 1990, des visas de longue durée accordés à des Français en raison de leurs compétences professionnelles.
Troisième question : pourquoi ces jeunes quittent-ils la France ?
Leurs motivations sont variables.
Il y a la volonté d'acquérir une expérience internationale devenue nécessaire à la réussite dans une économie en voie de mondialisation.
Il y a l'attrait que le monde anglo-saxon exerce sur l'élite de notre jeunesse à cause du vaste marché que les nouvelles technologies s'y sont taillées et à cause de l'esprit entrepreneurial qui y règne.
Mais, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, tous ceux que nous avons interrogés ont, sans exception, cité comme raison principale de leur choix la recherche d'un environnement administratif et fiscal plus accueillant que celui qui leur est offert en France. Je le dis, croyez le bien, sans plaisir. Mais le fait est là : si la France perd une partie de sa jeune élite, c'est parce que celle-ci, à tort ou à raison, se détourne d'un environnement qui lui semble bureaucratique et peu favorable à la création de richesses, d'un environnement où l'initiative individuelle lui paraît bridée, la réussite suspectée et traquée par le fisc.
Quatrième question : les pouvoirs publics ont-ils pris des mesures pour stopper cet exode ?
La réponse, mes chers collègues, est oui.
Des mesures ont été prises, au cours des dernières années, par vos prédécesseurs, monsieur le ministre, et elles sont loin d'être négligeables.
Elles ont permis de développer de façon très importante le capital-risque.
Elles ont facilité efficacement la coopération entre l'université et la recherche, d'une part, et les entreprises, de l'autre.
Elles ont, pour les entreprises naissantes, aménagé la réglementation des stock-options pour la rendre plus ou moins comparable - quoique nettement en retrait - à celle qui existe aux Etats-Unis, mais, pour les autres entreprises, le régime français est, vous le savez, monsieur le ministre, fort peu compétitif, d'autant que l'Assemblée nationale vient de le rendre plus rigoureux et, par conséquent, moins attractif encore.
Ces mesures sont bienvenues, mais elles sont loin d'être suffisantes, et cela pour deux raisons.
D'une part, nos voisins - je pense ici à la Grande-Bretagne et à l'Italie - viennent d'abaisser radicalement leur fiscalité sur les stock-options, ce qui accroît le décalage dont souffre notre pays.
D'autre part, il ne suffit pas de favoriser la création d'entreprises. Encore faut-il retenir les créateurs qui réussissent, ne serait-ce que parce que c'est la catégorie la plus intéressante pour la collectivité nationale. Or les taux de nos prélèvements obligatoires auxquels il vient d'être fait allusion - l'impôt sur le revenu, l'ISF, les prélèvements sociaux - les invitent littéralement à s'expatrier.
L'ISF est une imposition particulièrement mal adaptée aux entreprises, d'après ce que nous ont dit leurs créateurs, et j'avoue que je ne l'avais pas bien perçu jusqu'à présent. Les entreprises dont la valorisation, souvent spéculative, est très élevée ne font toutefois pas de bénéficies pendant longtemps. Or le créateur, à la suite du « énième tour de table », ne détient souvent plus les 20 % du capital de son entreprise nécessaires pour que celle-ci soit reconnue comme outil de travail, de sorte que le créateur devient passible de l'ISF dès lors que les actions de sa société ne représentent plus 75 % de ses actifs. Il acquitte l'impôt, mais son entreprise ne génère pas de bénéfices.
Est-il besoin de rappeler qu'à cela s'ajoutent les 35 heures, les charges sociales et la législation du travail ?
Les jeunes qui quittent la France ont fait leurs comptes. C'est moins tel aspect particulier de notre réglementation fiscale ou sociale qui détermine leur choix que l'attrait général qu'exerce sur eux l'environnement anglo-saxon, où la compétition est certes très rude, mais où la réussite est possible et où elle est généreusement recompensée.
Cinquième et dernière question : quelle attitude les pouvoirs publics devraient-ils adopter face à cette émigration ?
En première analyse, on peut naturellement se réjouir d'une ouverture sur l'étranger, qui est nouvelle et qui tranche heureusement sur un comportement casanier qui a longtemps prévalu et que nous avons unanimement déploré.
Mais, à y regarder de plus près, il apparaît que la France gâche, par sa faute, l'atout majeur que constitue, à l'heure où l'économie valorise les savoirs comme elle ne l'avait jamais fait auparavant, l'excellence des formations que notre pays dispense dans le secteur des nouvelles technologies.
Nous sommes si habitués à critiquer notre enseignement que nous avons tendance à sous-estimer la qualité de celui que prodiguent nos grandes écoles et nos instituts spécialisés en informatique. Mais le fait est que la France possède ce que tous les pays recherchent aujourd'hui : une des élites technologiques les plus performantes de la planète. Or, disons-le brutalement : cette élite, nous la bradons.
Le monde anglo-saxon, en raison de l'avance qu'il a prise dans les nouvelles technologies, de son environnement entrepreneurial et des privilèges fiscaux qu'il offre aux créateurs d'entreprise - je viens de le rappeler - exerce sur cette élite une attraction puissante. La qualité de vie qui existe en France et qui est notre meilleur atout compenserait peut-être cette attraction si notre pays, par une fiscalité qui est ressentie, à tort ou raison, comme confiscatoire, ne poussait pas littéralement au départ ses meilleurs éléments.
Numériquement. l'émigration de ces jeunes peut paraître relativement faible : elle est de l'ordre de 10 000 sans doute vers l'ensemble du monde anglo-saxon. Mais ces chiffres n'ont de signification que relativement à l'importance de l'élite dont ces jeunes sont issus. Or, Mme Lebranchu, aux états généraux de la création d'entreprise, en avril de cette année, évaluait à 6 % l'effectif des jeunes ingénieurs et à 3 % celui des anciens élèves des écoles de commerce qui créent une entreprise. Il s'agit donc d'une infime minorité, par rapport à laquelle l'hémorragie dont je parlais est significative.
Autant dire, monsieur le ministre, qu'il est urgent de porter sur l'émigration des cadres de haut niveau et des créateurs d'entreprise un regard lucide et donc clairement critique. Telle est la conclusion que le groupe de travail présentera demain à la commission des affaires économiques du Sénat.
Ces conclusions et les attendus administratifs et fiscaux sur lesquels elles se fondent peuvent, je le comprends, heurter la sensibilité de ceux qui placent l'égalité au-dessus de l'efficacité économique. Qu'il faille trouver un juste équilibre entre ces deux préoccupations, chacun en conviendra évidemment. Mais pour rétablir un équilibre dans l'intérêt du pays, il est essentiel et urgent, monsieur le ministre, que la France crée et offre un environnement que les jeunes qui veulent entreprendre, innover et créer ressentent comme aussi attractif que celui qui leur est offert aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne. Il y va de la compétitivité et donc de la croissance économique à moyen terme de la France. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Il est habituel de se féliciter du débat d'orientation budgétaire, qui est une heureuse originalité française. Vous avez bien voulu prendre la précaution, au moins oratoire, monsieur le ministre, de ne pas en faire un exercice d'autosatisfaction, ce dont nous vous remercions.
Mais, pour sa part, la commission des affaires sociales ne peut que répéter les raisons qui la poussent à juger l'exercice du débat d'orientation budgétaire quelque peu dépassé.
A l'évidence, toutes les conséquences de la réforme de 1996 et de la discussion, chaque année, d'un projet de loi de financement de la sécurité sociale n'ont pas encore été tirées.
A l'évidence encore, le solde des administrations publiques, dit « solde de Maastricht », reste quelque peu ignoré, alors que les soldes des administrations de sécurité sociale et des collectivités locales ont compté pour beaucoup dans la qualification à l'euro.
Ce solde ne présente pas seulement une signification historique. Par le « programme pluriannuel des finances publiques », la France a pris des engagements qu'il convient désormais de tenir.
Il est donc important que le débat d'orientation budgétaire se transforme en un débat d'orientation sur les finances publiques, incluant plus explicitement les finances sociales, comme le demandent M. le rapporteur général et M. le président de la commission des finances.
Ce débat d'orientation sur les finances publiques pourrait servir de débat préparatoire à la fois au projet de loi de finances et au projet de loi de financement de la sécurité sociale. Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité aurait dès alors naturellement sa place au banc du Gouvernement. Dès le mois d'octobre 1999, cela a été également rappelé, je m'étais rapproché de M. le président du Sénat et de M. le président de la commission des finances, dont je sais qu'ils partagent l'un et l'autre ce point de vue de bon sens. La démarche qui a été entreprise, tant auprès de M. le Premier ministre qu'auprès de M. le ministre chargé des relations avec le Parlement, tendant à approfondir les conditions dans lesquelles se déroule ce débat d'orientation budgétaire, n'a pu aboutir cette année. Nous le regrettons.
Ce débat reste donc inchangé. A titre d'exemple, les documents présentés au Parlement ne prennent pas en compte la réunion de la commission des comptes de la sécurité sociale du 22 mai 2000. Celle-ci n'a du reste porté que sur les seuls comptes du régime général et n'a procédé à aucune actualisation des objectifs de dépenses et des prévisions de recettes retenues par la loi de financement pour 2000. Nous ne disposons pas, par exemple, d'une actualisation des recettes et des dépenses du fonds de financement des trente-cinq heures, dénommé FOREC. Cette actualisation s'imposait pourtant, le Conseil constitutionnel ayant annulé en janvier dernier l'une des recettes de ce fonds : la taxe sur les heures supplémentaires.
La commission des affaires sociales persiste dans son souci d'exercer un suivi attentif, tout au long de l'année, de l'exécution de la loi de financement. Elle a ainsi souhaité exercer les prérogatives qui lui sont reconnues par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1997 en procédant à trois missions de contrôle sur place et sur pièces. Les investigations de nos rapporteurs, MM. Charles Descours, Jacques Machet et Alain Vasselle, ont porté sur la mise en place de la couverture maladie universelle, les difficultés de fonctionnement dans les caisses d'allocations familiales et la gestion des exonérations de cotisations de sécurité sociale.
Par ailleurs, M. Charles Descours présentera un avis oral sur le collectif budgétaire de printemps pour insister sur la nécessaire cohérence entre comptes sociaux et comptes de l'Etat.
Ces travaux d'analyse et de contrôle ont donné lieu à un rapport d'information qui a été publié la semaine dernière.
Enfin, le 13 juin prochain, notre commission entendra Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité sur l'évolution tant des recettes que des dépenses du projet de loi de financement pour 2000.
Il reste que le document présenté par le Gouvernement pour le présent débat appelle de ma part quatre observations.
La première porte sur le retour à l'emploi.
Le rapport du Gouvernement comporte un encadré tout à fait intéressant, intitulé : « La faiblesse des taux d'emplois résulte aussi des "trappes à inactivité". » Il en ressort un constat pour le moins inquiétant : notre système est ainsi construit que des agents économiques n'ont bien souvent qu'un intérêt minime à reprendre une activité salariée.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances, et M. Philippe Marini, rapporteur général, ont fait récemment des propositions sur le « revenu minimum d'activité », qu'il convient d'étudier de manière approfondie. La commission des affaires sociales s'y attachera dès la prochaine session parlementaire, sur le rapport de notre collègue Philippe Nogrix.
La deuxième observation a trait à l'excédent des administrations de sécurité sociale. Le solde positif obtenu en 1999, soit 0,2 % du PIB, contribue fortement à la réduction du besoin de financement de l'ensemble des administrations publiques.
Mais ce « solde » des administrations publiques de sécurité sociale n'est qu'un agrégat. Il s'obtient par la contraction de « plus » et de « moins ». Il s'explique avant tout par l'important excédent de l'ARRCO, l'association des régimes de retraites complémentaires obligatoires des salariés. Cet excédent - obtenu grâce à la réforme courageuse découlant des accords de 1996 - n'a pas d'autre objet que de préparer le choc à venir des retraites, comme le précise d'ailleurs le rapport présenté par le Gouvernement.
Le régime général de sécurité sociale serait à l'équilibre en 1999. Le surplus de recettes provenant de la fiscalité affectée a permis de « compenser » le dérapage des dépenses. L'équilibre global rend compte de la situation excédentaire des branches famille, accidents du travail et vieillesse, mais masque le lourd déficit de l'assurance maladie : plus de 9 milliards de francs.
Pour 2000, un excédent de 5 milliards de francs est désormais prévu. Il s'explique quasi intégralement par l'excédent de la branche famille. La branche maladie reste déficitaire, malgré quatre années de croissance ininterrompue et l'alourdissement des prélèvements à son profit.
L'excédent des administrations de sécurité sociale ne doit pas, en outre, faire oublier le montant de la dette sociale. La commission des affaires sociales a entendu récemment le président de la Caisse d'amortissement de la dette sociale, la CADES. Il reste une dette de près de 300 milliards de francs à rembourser d'ici au 31 janvier 2014. Au moment où certains s'enthousiasment à l'idée d'un fonds de réserve de 1 000 milliards de francs, il était nécessaire de le rappeler.
Ma troisième observation porte sur le décalage entre le discours et les faits. En effet, dans le cadre de la programmation pluriannuelle des finances publiques, des engagements ont été pris, en décembre 1998, sur l'évolution des prestations des administrations de sécurité sociale. Le rapport présenté par le Gouvernement rend compte de ces engagements. Je le cite : « Les dépenses maladie évolueraient en ligne avec l'Objectif national des dépenses d'assurance maladie fixé en loi de financement de la sécurité sociale et respecteraient en 2001 l'objectif défini par le programme pluriannuel de finances publiques, soit 1,5 % en volume.
Pourtant, je constate que le même Gouvernement a anticipé, à l'occasion de la réunion de la commission des comptes de la sécurité sociale du 22 mai 2000, un dérapage de l'ONDAM 2000 de 3,5 milliards de francs. Ce dérapage n'est pas seulement passif, puisque le plan pour l'hôpital de mars dernier a un effet sur l'ONDAM de plus d'un milliard de francs.
Nous sommes en droit de nous poser plusieurs questions : où se situe la cohérence de l'action gouvernementale ? Le rapport présenté à la commission des comptes de la sécurité sociale le 22 mai 2000 annule-t-il et remplace-t-il le document présenté aux parlementaires pour le débat d'orientation budgétaire ? Quels sont les moyens qui permettront au Gouvernement de respecter ses engagements en 2000 et en 2001 ?
Ma quatrième observation porte sur l'imbrication entre les finances de l'Etat et les finances sociales.
Il me semble que les finances de l'Etat et celles de la sécurité sociale ont tout intérêt à être mieux identifiées, pour être plus lisibles. J'ai bien noté, monsieur le ministre, l'encadré relatif aux transferts de l'Etat vers les administrations publiques locales et vers les administrations de sécurité sociale. Mais cet encadré mélange des flux financiers de nature différente et passe sous silence les dettes de l'Etat à l'égard de la sécurité sociale.
Il mélange tout d'abord des flux financiers de nature différente.
La prise en charge de l'allocation aux adultes handicapés par l'Etat représente un versement de 25 milliards de francs à la Caisse nationale des allocations familiales, la CNAF. Mais cette allocation n'est pas véritablement une prestation sociale. Son statut ambigu en fait, avant tout, un minimum social.
Vient ensuite le remboursement à la sécurité sociale des exonérations de cotisations. En application de la loi du 25 juillet 1994, dite loi Veil, l'Etat compense à la sécurité sociale les exonérations qu'il décide. Ces exonérations ne correspondent ni à une demande de la sécurité sociale ni à un besoin des assurés sociaux. Elles s'expliquent par le niveau élevé des charges en France. Ce n'est donc pas, pour l'Etat, une charge indue.
Les versements aux régimes spéciaux sont également mentionnés. Leur traitement est effectivement insuffisamment individualisé tant dans le budget de l'Etat que dans la loi de financement de la sécurité sociale. Une plus grande transparence serait certainement nécessaire.
Mais cet encadré passe en outre sous silence les dettes de l'Etat vis-à-vis de la sécurité sociale : sous-estimation de la masse salariale de la fonction publique, exonérations de cotisations sociales non compensées antérieures à la loi du 25 juillet 1994, interprétation à nos yeux contestable de cette loi sur les majorations de taux d'exonérations et sur les prorogations de dispositifs survenues après son entrée en vigueur, dettes pour les préretratés de l'ARRCO et de l'AGIRC.
Nous ne pourrons prétendre aborder une problématique des finances publiques qu'à la condition de mieux distinguer les finances sociales des finances de l'Etat, de simplifier les mécanismes de financement et d'arrêter d'opérer des branchements et de mettre en place des tuyauteries diverses, qui affectent la lisibilité des prélèvements qu'acquitte le contribuable.
A cet égard, la confusion entre politique de l'emploi et financement de la sécurité sociale, à travers la création du FOREC et du basculement du financement des 35 heures sur la loi de financement de la sécurité sociale, est infiniment regrettable.
Mieux distinguer les finances sociales des finances de l'Etat consiste également à créer un véritable régime de retraite de la fonction publique d'Etat. Dans le cadre de la réforme des retraites, il s'agit d'un élément de transparence essentiel. Il existe une caisse de retraite pour les agents de la fonction publique hospitalière et territoriale, la CNRACL. Pourquoi n'existerait-il pas de caisse de retraite pour les fonctionnaires d'Etat, faisant apparaître les cotisations employeurs ?
Telles sont les observations que je souhaitais formuler dans ce débat d'orientation budgétaire, qui, je l'espère, évoluera rapidement vers un véritable débat d'orientation sur les finances publiques. Tout milite dans ce sens. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.
M. Xavier de Villepin, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, au nom de notre commission, j'aborderai deux thèmes essentiels : les crédits consacrés à la défense, d'une part, les crédits consacrés au ministère des affaires étrangères, d'autre part.
Il n'est pas fréquent d'avoir la possibilité d'aborder ces sujets directement avec le ministère de l'économie et des finances bien que ce puissant département ministériel tienne, sur ces deux sujets comme sur d'autres, et par-delà les efforts de chacun des ministères compétents, un rôle essentiel qui, je ne vous le cache pas, ne correspond pas toujours aux voeux de la majorité de notre commission.
A propos des crédits militaires, que j'aborderai en premier, je souhaiterais formuler quatre observations.
Ma première observation sera pour souhaiter que le budget 2001 de la défense soit en cohérence politique et financière avec les développements ambitieux dans lesquels l'Union européenne s'est lancée depuis les Conseils de Cologne et d'Helsinki l'an passé, développements particulièrement positifs d'ailleurs et dans lesquels la France peut s'enorgueillir d'avoir joué un rôle important.
Dans ce contexte, la nécessaire augmentation des capacités militaires européennes impose un effort de chacun et, pour la France, cela signifie à tout le moins le respect des engagements pris lors de la dernière loi de programmation, affinés en 1998. Cela signifie également que, après avoir apporté une contribution considérable à la réduction des déficits, le budget d'investissement de la défense mérite aujourd'hui, au moins autant que d'autres, de retirer les bénéfices du nouvel environnement favorable de nos finances publiques.
Or, et c'est ma deuxième observation, le budget de la défense pour 2000 en cours d'exécution a été construit une nouvelle fois sur la base d'une réduction des crédits d'équipements, au motif, principalement, que les armées seraient incapables de consommer dans l'année l'intégralité des dotations prévues par la loi de programmation.
M. Serge Vinçon. C'est incroyable !
M. Xavier de Villepin, président de la commission des affaires étrangères. Cet argument étonnant, que l'on invoque depuis plusieurs années, s'il était repris pour la préparation du budget 2001, nous entraînerait une nouvelle fois dans une logique de réduction des crédits d'investissements militaires, par ailleurs régulièrement obérés en cours d'exercice par les diverses régulations ou transferts de crédits.
Sans nier la réalité du constat relatif au rythme de consommation des crédits par les armées elles-mêmes, réalité que la délégation générale pour l'armement et les états-majors s'efforcent, je l'espère, de corriger, nous nous interrogeons sur les éventuelles responsabilités en la matière qui pourraient être également partagées par le ministère des finances. J'aimerais que l'on éclaire sur ce point assez technique la réflexion de la représentation nationale, qui reste perplexe sur les causes réelles de cette sous-consommation de crédits et sur les remèdes qu'il est, à mon sens, urgent d'y apporter.
Ma troisième observation concerne les commandes globales.
Nous sommes nombreux à nous féliciter du développement dont elles font l'objet, la dernière en date concernant la commande, d'un montant de 6,8 milliards de francs, de vingt-sept hélicoptères NH90. Il reste que le financement de ces derniers pèse de manière excessive sur les stocks d'autorisations de programmes initialement disponibles sur d'autres chapitres du titre V, qu'il faudra bien abonder un jour ou l'autre par des ressources nouvelles.
Enfin, ma dernière observation sur la défense concernera le financement des opérations extérieures.
On le sait, la structure du budget de la défense révèle des tensions de plus en plus fortes sur le titre III, qui, faute d'une évaluation initiale suffisante, se soldent, en cours d'année, par des transferts de ressources en provenance du titre V. Or, outre les pressions liées à la transition vers la professionnalisation elle-même, ce sont les OPEX, les opérations extérieures, qui requièrent l'essentiel des financements affectés au titre III en cours d'année. Le dernier collectif budgétaire a illustré à nouveau cette tendance en prévoyant un abondement de crédits de 2,46 milliards de francs gagés presque intégralement par des annulations de crédits d'équipement.
Cette situation appelle non seulement pour l'an prochain une prévision un peu plus réaliste des coûts liés aux opérations extérieures, mais également un mode de financement qui permette de préserver les crédits d'équipement des armées.
Avant de conclure, j'évoquerai la question des crédits consacrés par notre pays à notre diplomatie et à notre action internationale.
Depuis plusieurs années, le ministère des affaires étrangères ne figure pas parmi les priorités budgétaires du Gouvernement et la part qui lui est réservée dans le budget de l'Etat diminue régulièrement.
Cette situation est d'autant plus fâcheuse que notre diplomatie est confrontée à des évolutions internationales majeures et que les moyens dont elle dispose pour remplir ses missions lui sont de plus en plus chichement mesurés.
Ne serait-ce que dans le cadre de l'Union européenne, les diplomaties nationales, on le sait, sont appelées à multiplier les démarches et les initiatives pour permettre que l'Union - ou certains de ses membres - adopte les positions les plus ambitieuses possibles face aux crises et aux événements internationaux, dont elle ne peut se désintéresser. Chacun connaît, enfin, le surcroît de charges et de contraintes qu'entraîne la présidence de l'Union, que la France s'apprête à assumer dans quelques jours.
D'une façon générale, le contexte budgétaire dans lequel se trouve le ministère des affaires étrangères le prive de moyens adaptés. L'érosion des effectifs, constante depuis plusieurs années, affecte le fonctionnement des postes diplomatiques et consulaire ainsi que celui de l'administration centrale. Et pourtant, notre administration consulaire - en charge, notamment, des questions très sensibles de visas et d'asile - requiert, à l'évidence, des personnels supplémentaires. De même, quelle que soit la pertinence de la loi créant le volontariat civil et dans l'incertitude où nous sommes aujourd'hui de l'attrait que celui-ci exercera auprès des jeunes, il convient que le ministère des affaires étrangères dispose d'une marge de manoeuvre indispensable au remplacement progressif des coopérants du service national.
Par ailleurs, le recours aux personnels recrutés localement a atteint désormais ses limites, et sa mise en oeuvre doit faire l'objet d'une stratégie précise. Chacun connaît les écarts qui caractérisent les rémunérations de ces personnels, selon qu'ils relèvent du quai d'Orsay ou de Bercy, à travers la direction des relations économiques extérieures, écarts liés également à la pression budgétaire subie par le ministère des affaires étrangères. Outre son aspect choquant, cette situation de concurrence entre deux employeurs publics français contribue à faire partir les meilleurs éléments vers nos implantations commerciales et aussi à compliquer encore un peu plus la tâche de nos chancelleries.
Ma dernière observation concernera la dotation du ministère des affaires étrangères consacrée à notre aide publique bilatérale au développement. Sa réduction dans la dernière loi de finances a été un très mauvais signal, et un rééquilibrage s'impose. A quoi cela servirait-il d'avoir rationalisé nos structures de coopération si c'est pour réduire leur marge d'action financière ? L'enjeu politique de notre coopération se double ici d'une urgence humanitaire et même stratégique si l'on pense, en particulier, à l'évolution tragique de l'Afrique.
Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la situation économique actuelle, dont l'évolution positive ne peut que réjouir chacun d'entre nous, doit impérativement bénéficier également à ces deux ministères régaliens qui, en des temps plus difficiles sur le plan budgétaire, ont contribué, plus souvent qu'à leur tour, à l'équilibre financier. Il y va non seulement de l'équité, mais aussi des ambitions de la France dans le monde. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de la décision de la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour ce débat sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 60 minutes ;
Groupe socialiste, 50 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 38 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 36 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 25 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 23 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, 8 minutes.
Dans la suite du débat, la parole est à M. du Luart.
M. Roland du Luart. Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, peut-on continuellement dire une chose tout en faisant le contraire ? Depuis trois ans, le Gouvernement nous promet la baisse des prélèvements obligatoires mais c'est l'inverse qui se produit. Il fixe des objectifs budgétaires qu'il ne respecte pas lui-même. Le débat d'orientation budgétaire tend ainsi à devenir un débat de « désorientation » politique. Il était déjà virtuel ; il devient caricatural.
Aujourd'hui, monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, vous nous parlez de réduction des déficits, de maîtrise des dépenses publiques, de transparence, mais dès demain, le Sénat examine un collectif budgétaire qui ne respecte aucun des principes que vous énoncez.
Mon groupe ne met pas en cause votre sincérité. Nous connaissons et apprécions les positions que vous exprimiez, monsieur le ministre, en matière économique et budgétaire, avant d'entrer au Gouvernement. Certaines ne sont pas éloignées de celles que nous défendons au Sénat. Nous savons également que le projet de loi de finances rectificative pour 2000 n'est pas le vôtre, pas plus que le texte sur les nouvelles régulations économiques.
Mais convenez qu'il est difficile de parler d'assainissement des finances publiques quand on examine dès le lendemain un collectif qui prévoit, pour la première fois depuis 1993, une aggravation du déficit budgétaire. Admettez que l'ouverture de 10 milliards de francs de crédits supplémentaires cadre mal avec l'objectif de maîtrise des dépenses. Reconnaissez, enfin, que le discours sur la transparence a largement été contredit par les faits, depuis 1997, comme l'a relevé la Cour des comptes.
Cette contradiction entre le discours et les actes a été très bien soulignée par le président Alain Lambert et par notre rapporteur général, Philippe Marini.
Je voudrais, pour ma part, insister sur trois points : tout d'abord, l'impératif de transparence en matière de comptes publics ; ensuite, la nécessité absolue de préserver l'avenir en réduisant le déficit, les dépenses et les impôts, et en mettant en oeuvre une véritable réforme de notre système de retraite ; enfin, le problème de ce que j'appelle les « niches d'inégalité fiscale », qui conduisent à des situations absurdes.
En matière de transparence, notre commission des finances mène actuellement des investigations pour recueillir des éléments d'information sur le fonctionnement des services de l'Etat dans l'élaboration des projets de loi de finances et l'exécution des lois de finances. Le Sénat lui a conféré pour cela les prérogatives attribuées aux commissions d'enquête et je suis tenu à un devoir de réserve. J'entends bien le respecter. Dans ces conditions, je me contenterai d'une remarque de principe sur la notion d'exemplarité.
Je pense que le Gouvernement ne mesure pas l'ampleur des dégâts que causent dans l'opinion publique les révélations successives de surplus budgétaires dissimulés ; je récuse, pour ma part, le terme de « cagnotte ». Ces révélations ne remettent pas seulement en cause la sincérité de la politique du Gouvernement. Elles jettent une ombre de suspicion sur l'Etat en tant qu'institution, en tant que référence : un Etat qui se veut exemplaire mais qui se révèle dissimulateur, un Etat dont certains hauts fonctionnaires sont maintenant mis en cause dans l'affaire du Crédit Lyonnais.
Comment, dans ces conditions, l'administration peut-elle exiger des Français ce qu'elle ne s'impose pas à elle-même ? Que doivent penser nos concitoyens, nos artisans, nos chefs d'entreprise, qui subissent le poids d'une réglementation excessive et sont sanctionnés au moindre écart ? Que doivent penser les élus locaux eux-mêmes, soumis à un contrôle parfois tatillon des chambres régionales des comptes ?
Le débat sur la transparence dépasse le seul cadre budgétaire. Il ne s'agit pas seulement d'améliorer l'élaboration des lois de finances ou de mieux présenter certains documents. Il s'agit aussi de restaurer la confiance dans la parole de l'Etat, de restaurer tout simplement sa crédibilité.
Tel est le sens des votes qui sont intervenus au Sénat pour garantir une plus grande sincérité du budget lors de l'examen de la loi de finances pour 2000. Tel est également le sens - en même temps que l'ambition - des investigations que mène actuellement notre commission des finances.
Je souhaite sincèrement que ce soit votre objectif, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, au-delà de vos propositions en matière de transparence des comptes publics.
Je crains néanmoins qu'une fois de plus les promesses ne se traduisent pas par des actes : il n'est que d'examiner le collectif budgétaire, qui repose sur des hypothèses de croissance contestables et sur une évaluation des recettes pour le moins discutable. Mes craintes sont également justifiées par le fait que le Gouvernement se refuse à présenter un budget rectificatif pour la sécurité sociale, ce que demande le Sénat, comme si certains avaient là encore quelque chose à cacher...
M. Charles Descours. Très bien !
M. Roland du Luart. Cela n'est pas de bon augure.
Je ne veux pas, cependant, vous faire de procès d'intention, monsieur le ministre, car j'ai beaucoup apprécié vos déclarations au cours du deuxième semestre 1999. Je dis simplement que l'enjeu est important, non seulement pour le Gouvernement et le Parlement, mais aussi pour la nation tout entière.
Soyez donc assuré que le groupe des Républicains et Indépendants observera très attentivement la manière dont vous mettrez en oeuvre concrètement les mesures que vous nous présentez.
En ce qui concerne les grands équilibres budgétaires, beaucoup a déjà été dit sur la nécessité de réduire plus fortement le déficit, les dépenses publiques et les prélèvements obligatoires. Là encore, l'enjeu dépasse le simple cadre budgétaire.
Nous devons nous fixer deux objectifs principaux. Le premier est d'assurer la compétitivité de nos entreprises pour préserver les emplois et pour en créer de nouveaux face à un monde qui change et à des partenaires étrangers qui ne restent pas inertes. Le second est de préparer l'avenir en assainissant nos finances publiques et en garantissant la pérénnité de notre système de retraites.
Mais nous ne pourrons atteindre ces deux objectifs sans engager une réforme structurelle. C'est tout le problème de la politique menée depuis 1997. L'amélioration des finances publiques ne repose que sur l'amélioration de l'environnement international, une diminution des taux d'intérêt et une augmentation sans précédent de la pression fiscale.
Or ce n'est là que la partie visible de l'iceberg. En réalité, les dépenses publiques ne diminuent pas. Le Sénat a beau souligner les dangers d'une telle situation, surtout en cas de retournement de conjoncture - lequel finira bien pas se produire, un jour ou l'autre - rien n'y fait. Le Gouvernement se refuse à engager les réformes de structure qui s'imposent. Notre pays se trouve ainsi en situation de faiblesse avec des déficits supérieurs à la moyenne européenne, une fiscalité record et une rigidité des dépenses qui le privent de toute marge de manoeuvre.
A cet égard, mes chers collègues, le rapport provisoire de la Cour des comptes pour 1999 est accablant, consternant. Il fait en effet apparaître une augmentation des dépenses publiques de 2,8 % en volume, au lieu de 1 % comme annoncé par le Gouvernement.
Ce dérapage est inquiétant pour 2000 et surtout pour 2001, d'autant que l'on observe des tensions sur les taux d'intérêts et que la plus grande incertitude pèse sur l'impact financier réel de la couverture maladie universelle ainsi que sur le coût des 35 heures dans la fonction publique d'Etat comme dans la fonction publique territoriale.
Nous entendons même parler d'une reprise des recrutements nets dans la fonction publique, alors que c'est l'inverse qu'il faudrait faire.
Comme le suggère le Commissariat général au Plan, nous devons mettre en place une véritable gestion prévisionnelle de l'emploi public. Celle-ci passe par une dimution du nombre des fonctionnaires. Pour cela, nous devons mettre à profit l'évolution de leur pyramide des âges. Un fonctionnaire sur deux partira à la retraire d'ici à douze ans. Nous devons donc saisir cette chance pour déconcentrer la gestion des ressources humaines et favoriser tant la mobilité géographique que la mobilité entre les administrations.
Nous devons briser le tabou de la fonction publique en faisant comprendre que les missions de l'Etat évoluent et que ses effectifs doivent faire de même en fonction des besoins, notamment régaliens.
Il faut aussi briser le tabou des privatisations.
La conception classique de l'Etat actionnaire n'est plus adaptée à la nouvelle économie, où les fusions se font souvent par échange d'actions.
M. Paul Loridant. Hélas !
M. Roland du Luart. L'acquisition récente d'Orange par France Télécom est l'exemple le plus significatif. L'Etat doit donc réduire ses participations pour permettre aux entreprises françaises d'assurer leur développement face à la concurrence étrangère.
J'ai noté une évolution du Gouvernement sur ce point, mais il lui reste beaucoup de chemin à parcourir. Les recettes des privatisations, que celles-ci soient partielles ou non, doivent être intégralement affectées à la réduction de la dette et du déficit. Cela doit être aussi le cas lors de l'attribution des futures licences pour le téléphone mobile de troisième génération. Nous prenons d'ailleurs acte de la confirmation qui nous a été apportée tout à l'heure sur ce point.
Cela m'amène à parler de la réforme des retraites.
Vous avez annoncé que le produit de l'attribution des licences UMTS serait versé au fonds de réserve des retraites sous forme d'une dotation complémentaire. Je souhaite cependant que cela ne soit pas un prétexte pour différer l'indispensable réforme de notre système de répartition.
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Très bien !
M. Roland du Luart. J'insiste, en particulier, sur la nécessité d'aligner les durées de cotisation entre le secteur public et le secteur privé. C'est, pour moi, un minimum, au nom de la justice et de la cohésion sociale.
M. Charles Descours. Très bien !
M. Roland du Luart. Je souhaite, enfin, aborder la question de la fiscalité. Dans ce domaine, la France prend du retard par rapport à ses partenaires européens. Il existe aujourd'hui une vraie menace de délocalisation des talents et des capitaux. Nous devons prendre garde à ne pas décourager l'initiative, car c'est d'elle que dépendent les emplois de demain.
Là encore, des réformes structurelles s'imposent. Si nous ne faisons rien, nous risquons de nous retrouver dans des situations inextricables aboutissant à ce que j'appelle des « niches d'inégalité fiscale ». Je prendrai quatre exemples.
Le premier est celui de la taxe d'habitation. Tout le monde s'accorde à reconnaître que les valeurs locatives sont inadaptées. Pourtant, on renonce une fois de plus à les corriger, comme chaque année depuis dix ans, quelle que soit la majorité au pouvoir. Le Gouvernement se contente de proposer la suppression de la part régionale, au risque de menacer l'autonomie fiscale des collectivités locales et, pendant ce temps, les inégalités persistent.
Mon deuxième exemple, c'est la TVA. Depuis longtemps, mon groupe s'est prononcé en faveur d'une baisse du taux applicable à la restauration traditionnelle. Le Gouvernement s'est retranché derrière la législation européenne pour refuser cette baisse, mais le Conseil d'Etat l'enjoint maintenant d'abroger deux décisions qui sont à l'origine du régime particulier de TVA dont bénéficient les cantines d'entreprises. Les cantines scolaires et hospitalières seront à court terme également visées. Ainsi, à force de ne rien faire, c'est tout l'équilibre d'un secteur qui est menacé. Qu'on ne vienne pas nous dire que c'est la faute de la réglementation européenne car, en octobre dernier, le Portugal a obtenu, me semble-t-il, une dérogation.
Je pourrais dire la même chose de la confiserie et de la chocolaterie dont le régime fiscal est incompréhensible pour les consommateurs.
M. Jacques Oudin. Ah ! le chocolat !
M. Roland du Luart. Je veux être fidèle à mon groupe !
Ce régime fiscal risque d'inciter les industriels à concevoir leurs produits en fonction de la taxation de ceux-ci, et non de leurs qualités gustatives. Je souhaite donc que la France mette à profit sa prochaine présidence de l'Union européenne pour favoriser des solutions mettant fin à ces deux inégalités en matière de TVA.
Mon troisième exemple concerne la fiscalité des carburants. Le Gouvernement a demandé à plusieurs reprises, et encore récemment, aux compagnies pétrolières et à la grande distribution de mieux répercuter les baisses des cours du pétrole brut sur le niveau des prix à la pompe. Il a parfaitement raison mais ce n'est pas le seul problème.
Nous devons procéder à une réforme structurelle de notre fiscalité, comme le suggère notre commission des finances. Nous devons, en particulier, éviter que toute augmentation du cours du dollar ou du brut n'entraîne une hausse mécanique du coût des carburants et, par conséquent, des recettes fiscales de l'Etat.
Mon dernier exemple d'inégalité, et non des moindres, a trait à la fiscalité pesant sur les salaires. Les classes moyennes sont injustement pénalisées en matière d'impôt sur le revenu, surtout depuis la modification du quotient familial. Par ailleurs, les salariés les plus modestes se rendent compte qu'il est parfois plus intéressant de cumuler le RMI, la CMU, les aides au logement et les aides au transport réservées aux demandeurs d'emploi. Le travail n'est pas assez valorisé dans notre société, quel que soit le niveau où l'on se place. Pour mettre fin à cette injustice, nous devons réduire fortement l'impôt sur le revenu des classes moyennes et les charges sociales pesant sur les bas salaires. C'est un enjeu majeur pour les années à venir, et M. le rapporteur général l'a dit tout à l'heure.
Monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, les réformes que j'ai évoquées nécessitent un certain courage politique - vous l'avez - et moins d'attentisme - nous jugerons.
Vous avez déjà reculé sur les stock-options. Nous espérons que vous ne battrez pas en retraite sur le reste, car notre pays doit absolument saisir la chance que lui offre une conjoncture économique exceptionnelle.
Nous comptons surtout sur vous pour vous attaquer au problème majeur des dépenses de fonctionnement. C'est là, en effet, que se joue l'avenir. C'est là aussi que se joue la crédibilité des orientations que vous nous avez présentées. ((Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Adnot.
M. Philippe Adnot. Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, compte tenu du peu de temps qui m'est imparti, mon propos sera relativement laconique.
Je dirai d'emblée que je souscris, bien sûr, à l'ensemble des positions définies par M. le président de la commission des finances et par M. le rapporteur général.
Intervenir dans le débat d'orientation budgétaire, c'est apprécier le contexte national et international, par exemple en mesurant les conséquences de l'évolution de la valeur des monnaies, notamment de l'euro, le développement de la nouvelle économie et son incidence sur l'emploi, la compétitivité fiscale, sociale et technologique de notre pays. C'est également juger les ambitions d'un gouvernement et la valeur de celles-ci dans leur traduction budgétaire.
Le budget, ce sont d'abord des recettes et des dépenses.
Les recettes, ce sont d'abord l'impôt et les emprunts. A cet égard, que peut-on constater ?
S'agissant des emprunts, et donc de la dette, nous nous situons à la limite des critères de Maastricht ; nous continuons d'augmenter le stock au niveau du déficit annuel. L'appréciation de l'importance de la dette par rapport au PIB est assez dangereuse car, en cas de retournement de conjoncture, ce qui compte, c'est en réalité la masse de la dette, et non sa proportion par rapport au PIB.
Le contingent d'emprunt annuel est de l'ordre de 200 milliards de francs. Que finance-t-il ? Quelque 170 milliards de francs d'investissements civils et militaires. Nous continuons donc à financer des dépenses de fonctionnement à partir de l'emprunt. Or, dans une conjoncture réputée bonne tant sur le plan national que sur le plan international, c'est, à mon avis, irresponsable.
Il convient de prendre l'engagement de consacrer au remboursement de la dette toutes les ventes de capital effectuées par l'Etat. Provisionner les retraites - dont le besoin de financement est récurrent - par la vente des « bijoux de famille », si je puis employer cette expression, est illusoire.
En ce qui concerne la fiscalité, on annonce en permanence des baisses d'impôts, mais le niveau des prélèvements en masse augmente. Par ailleurs, de la même façon que pour la dette, relativiser le niveau de prélèvements par rapport au PIB est un leurre, car, en cas de retournement de conjoncture, la situation sera difficile.
Ce qui intéresse les Français, ce ne sont pas les discours, c'est la réalité qu'ils vivent. Dans mon domaine de compétence, l'environnement, je ne constate que des hausses, je ne vois aucune baisse d'impôt !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très juste !
M. Philippe Adnot. La taxe générale sur les activités polluantes, la TGAP, a plus que doublé.
Les prélèvements sur l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, l'ADEME, sont de l'ordre de 500 millions de francs.
Les prélèvements sur les agences de l'eau qui s'élèvent à quelque 500 millions de francs devraient bientôt atteindre 1 milliard de francs.
La taxe sur l'énergie qui va être mise en place et qui représentera 9 milliards de francs sera nécessairement répercuté sur les consommateurs et constituera donc pour eux non pas une baisse d'impôt, mais bien un prélèvement supplémentaire.
Enfin, de nouvelles redevances sont instituées pour compenser ces prélèvements sur les agences de l'eau ; ce sera autant en moins dans la poche des particuliers, des entreprises et des collectivités. Mais il vrai que les redevances ne sont pas comptabilisées dans les prélèvements...
Nous constatons que vous ne baissez par les prélèvements réels car vous n'avez pas su, ou pas pu, baisser les dépenses de fonctionnement.
La vérité du budget une fois posée, il faut, pour juger l'ambition en matière de politique fiscale et de politique d'emprunt, examiner non pas la masse budgétaire des dépenses, mais la qualité de la dépense publique.
Que fait-on de l'argent des Français ? Je prendrai quelques exemples.
Pour faire accepter la « pilule » des trente-cinq heures, on a mis des « carottes financières », qui, aujourd'hui, profitent essentiellement aux très grandes entreprises et sont autant d'effets d'aubaine. La conjoncture s'étant améliorée, les entreprises auraient de toute façon créé des emplois. Il aurait été préférable de laisser cet argent dans les entreprises où on l'a prélevé ou chez les particuliers.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Excellent !
M. Philippe Adnot. L'examen des différents budgets montre que ce sont toujours les dépenses de fonctionnement qui sont privilégiées - nous aurons encore l'occasion de le constater dans le budget pour 2000 - créant ainsi des rigidités sur lesquelles il faudra revenir.
Ainsi, pour encourager l'intercommunalité, vous avez mis en place une DGF supplémentaire : 1 milliard de francs y sera consacré en 2000, mais cela se traduit par autant de dépenses de fonctionnement durables, alors qu'il aurait fallu aider, sous forme de dotation d'équipement, des investissements collectifs générant des économies structurelles. Or ce n'est pas ce qui est fait.
La priorité des priorités dans un budget, c'est l'investissement structurant, créateur de richesses. Je salue, à cet égard, la volonté du ministre de la recherche de réinscrire la synchrotron au rang de ses priorités.
M. Paul Loridant. Très bien !
M. Philippe Adnot. Je regrette que les atermoiements de Mme Voynet remettent en question notre capacité de développer nos potentiels logistiques, alors que c'est le véritable complément de la nouvelle économie. Celle-ci ne connaîtra de développement que s'il y a une bonne logistique. Sur ce plan, Mme Voynet ne nous aide pas vraiment !
La priorité des priorités dans un budget, c'est l'investissement dans la formation des jeunes, mais dans une formation opérationnelle. Il est scandaleux de voir qu'à la première reprise d'activité - nous rencontrons tous les jours des chefs d'entreprise qui nous le disent - les entreprises ne trouvent pas les personnes qui leur permettraient d'assurer leur dévelopement. Cela signifie que l'investissement dans la formation n'a pas été dirigé convenablement : la masse existe, mais il manque la qualité de la dépense, et c'est bien regrettable.
En conclusion, un bon budget devrait nous donner de la compétitivité. La faiblesse de l'euro actuelle masque nettement cette insuffisance. Aujourd'hui, nous bénéficions tout de même d'un différentiel de 30 %,...
M. Philippe Marini. rapporteur général. Exact !
M. Philippe Adnot. ... qui, hors de l'Europe, nous permet d'avoir une compétitivité apparente très grande. Qu'en sera-t-il si l'euro retrouve un cours plus raisonnable ? Dans l'Europe, les délocalisations, qui ont déjà été évoquées, qu'elles concernent les entreprises ou les jeunes, sont très éloquentes et montrent bien à quel niveau nous nous situons en matière de compétitivité.
Un bon budget doit préparer l'avenir par le choix de ses dépenses et de leur retour, sous forme de création de richesses nouvelles.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Très bien !
M. Philippe Adnot. Vous avez bénéficié d'une conjoncture favorable. Vous avez su - cela doit être porté à votre crédit - créer un contexte psychologique favorable pour la reprise de la consommation, il est d'autant plus regrettable que vous n'ayez pas su en profiter pour améliorer de manière structurelle notre compétitivité. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants. - M. Paul Girod applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin. Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, c'est vrai, l'apparence des finances sociales est bonne : le retour à l'équilibre comptable de la sécurité sociale en 1999, la perspective d'un excédent en 2000, les bonnes rentrées de la contribution pour le remboursement de la dette sociale, la CRDS, et les discussions menées entre partenaires sociaux sur la « refondation sociale » constituent autant de signes positifs, que personne ne peut nier.
Cependant, il convient d'aller au-delà de cette simple apparence et d'essayer d'analyser, dans l'évolution actuelle de nos finances sociales, la manière dont les résultats d'aujourd'hui préparent l'avenir. Et, à cet égard, je rejoins le propos de notre collègue M. Adnot.
Je pense qu'il convient de mener cette réflexion à l'aune de trois critères : le niveau global des prélèvements affectés à la sécurité sociale, le rythme d'évolution des dépenses et les réformes en cours pour adapter notre système social aux défis qui ne manqueront pas de se présenter à lui.
Or, force est de constater que sur aucun de ces points le bilan n'est positif.
Je ne développerai pas l'évolution des principaux postes, sinon pour constater la hausse des recettes, mais aussi des dépenses, et le maintien du très fort déficit de l'assurance maladie.
Je relève dans ces chiffres des sources d'inquiétude.
L'écart entre les prévisions et les réalisations de recettes pour le régime général en 1999 est de plus de 40 milliards de francs, alors que le solde ne s'est amélioré que de 5 milliards de francs : la différence entre ces deux sommes représente donc 35 milliards de francs de dépenses supplémentaires entre mai 1999 et mai 2000.
Qu'en est-il pour 2000 ? L'objectif national de dépenses d'assurance maladie pour 2000, l'ONDAM, est déjà dépassé, de 3,5 milliards de francs, et la commission des comptes de la sécurité sociale reconnaît elle-même l'objectif comme « difficile à tenir ». Les dépenses de médicaments augmentent à un rythme de plus de 6 % ; les appareillages médicaux ont un rythme de croissance de plus de 19 %... Je ne citerai pas tout.
Depuis 1997, les dépenses de l'ONDAM ont augmenté de 60 milliards de francs en réel. Compte tenu de la croissance théorique prévue année après année, il devrait atteindre 645 milliards de francs. Or il s'élève à 662 milliards de francs, soit 17 milliards de plus. Le taux annuel théorique, que nous votons ici chaque année, est de 2,4 % ; le taux effectivement réalisé atteint 3,5 % !
Bref, la volonté affichée par le Gouvernement de baisser les prélèvements obligatoires ne se traduira pas dans les prélèvements sociaux, révélant ainsi une certaine absence de maîtrise des finances sociales.
Pour mieux apprécier ces résultats, je développerai trois points : la fragilité de l'équilibre, le caractère déplacé du triomphalisme ambiant et les perspectives.
L'équilibre retrouvé reste fragile, et ce de trois manières.
Tout d'abord, l'équilibre résulte de toute évidence du dynamisme des recettes. Ces dernières augmentent par deux biais : la forte croissance économique soulignée par tous et les nouveaux prélèvements obligatoires, sur lesquels il convient aussi d'insister. Les surplus sont, quant à eux, systématiquement utilisés pour couvrir les hausses de dépenses. Comme il est possible que les recettes de 2000 soient réévaluées, je fais le pari qu'elles serviront aussi à pallier les hausses de dépenses de l'assurance maladie.
Cette fragilité réside également dans le dynamisme de la sphère des finances sociales. Les recettes et les dépenses du régime général ont augmenté à un rythme annuel supérieur à 4 % depuis 1997 ; dans le même temps, le produit intérieur brut augmentait de 3 % et le budget de l'Etat de 2 %, « hiérarchie » qui mérite d'être soulignée.
La hausse des recettes et des dépenses de sécurité sociale constituent deux phénomènes non liés : les dépenses augmentent par elles-mêmes alors que les recettes évoluent avec l'activité et les prélèvements obligatoires. Tout retournement de conjoncture briserait les recettes mais n'interromprait pas la croissance des dépenses.
Mais la conjoncture ne suffit pas. Mme Aubry a dit elle-même que, sans les prélèvements nouveaux, la sécurité sociale aurait été en déficit de 20 milliards de francs. Douze prélèvements nouveaux - j'ai bien dit « douze ! » - ont été créés en matière sociale depuis 1997 : la taxe générale sur les activités polluantes, la cotisation sociale sur les bénéfices, la contribution au fonds de financement de la couverture maladie universelle, la CMU. Je m'arrête là, car douze, c'est long à énumérer !
Bref, les prélèvements obligatoires pour les finances sociales sont de 20,9 % du PIB, et ils ont augmenté de 4,8 % entre 1998 et 1999.
Enfin, il convient de dénoncer les transferts incessants de l'Etat vers des fonds en charge de missions particulières, comme le financement de la CMU ou des 35 heures. Ces organismes sont considérés comme des organismes de sécurité sociale, bénéficient d'impôts et taxes de l'Etat et de subventions budgétaires, mais ils n'apparaissent plus dans la sphère de l'Etat. Tout le monde y perd dans ce système, à commencer par vous, je suppose, monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, qui avez moins de moyens d'action, et par nous, membres du Parlement, qui voyons les présentations comptables encore plus brouillées, et ce n'est pas peu dire !
J'en viens - c'est ma deuxième remarque - aux nuances à apporter au triomphalisme actuel.
Rappelons ainsi, comme l'a dit M. Delaneau, que la CADES doit encore rembourser 300 milliards de francs.
Ajoutons qu'une dette bien plus importante encore se profile à l'horizon ; celle des régimes de retraite. Elle concerne au premier chef les régimes de la fonction publique. Or ces pensions non financées sont les prélèvements de demain. Il n'est qu'à voir l'absurdité de la situation de la CNRACL, la caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, dont les taux de cotisation ne cessent d'être majorés pour payer les compensations financières avec les autres régimes et pour laquelle les syndicats de fonctionnaires territoriaux nourrissent, comme ils l'ont dit récemment, les plus grandes inquiétudes.
Enfin, il faut bien avoir conscience que l'excédent des administrations de sécurité sociale au sens de Maastricht, celui que vous avez transmis à Bruxelles, repose sur deux hypothèses très fragiles.
La première était la modération des dépenses d'assurance maladie : on a vu qu'il en est rien.
La seconde hypothèse est un très fort excédent des régimes gérés par les seuls partenaires sociaux comme l'UNEDIC. Or les négociations sur la refondation sociale déboucheront probablement sur des baisses de cotisations ou de nouvelles prestations, ce qui diminuera presque inéluctablement cet excédent.
Ma troisième grande remarque a trait aux perspectives difficiles qui se profilent. L'avantage des finances sociales est que le pire est à peu près prévisible en la matière, particulièrement dans deux domaines : la maladie et les retraites.
Le premier nuage est celui que crée le Gouvernement lui-même par ses mesures non financées. Je poserai deux questions à cet égard : où sont les 7 milliards de francs de recettes du fonds de financement des 35 heures annulées par le Conseil constitutionnel ? Où sont les 5,5 milliards de francs que l'Etat doit à la branche famille pour la majoration de l'allocation de rentrée scolaire et le FASTIF ?
En matière de maladie, je m'interroge sur la politique hospitalière. Nous attendons un plan de réforme de l'hôpital et des cliniques qui résolve les trois grands problèmes suivants : les inégalités entre régions, les besoins de modernisation dans le cadre des procédures d'évacuation et la réflexion sur la place de l'hôpital dans le système de santé de demain. Au lieu de cela, le Gouvernemen nous propose 10 milliards de francs, dont 8 milliards de francs pour le fonds de modernisation. Or que constatons-nous ? Que ce fonds a un rythme de consommation de ses crédits extrêmement bas ; or peu de crédits signifie peu de modernisation. Cela vient donc augmenter les dépenses publiques sans répondre à aucun des problèmes que je viens d'énumérer. Ces dépenses supplémentaires sont de plus curieuses, pour ne pas dire insultantes pour des cliniques qui ont fait des efforts de restructuration et ferment aujourd'hui leurs portes, ayant donc une rentabilité quasi nulle.
Je ne développerai pas les autres vides de la politique du Gouvernement en matière d'assurance maladie : où sont les économies engendrées par l'informatisation médicale ? Où sont celles qui sont occasionnées par une meilleure place donnée à la prévention ? Combien coûteront les embauches dans les caisses de sécurité sociale, dont votre collègue Mme Aubry m'assurait, voilà un an, qu'il n'y en aurait pas besoin grâce à la carte Vitale ?
Enfin, le vide en matière de retraite est confondant : pas moins de trente rapports en vingt ans, des annonces solennelles en février 2000 et puis plus rien, sinon l'installation d'un conseil d'orientation chargé de réfléchir sur une matière dans laquelle les réflexions manquent bien moins que les actions.
Dans le domaine des finances sociales, je voudrais faire remarquer que le retour à l'équilibre est purement comptable et ne repose sur quasiment aucune politique volontariste et courageuse. Il est le fruit d'une conjoncture favorable, pas celui de la volonté gouvernementale.
Quant aux perspectives détaillées, à moyen terme, elles sont, me semble-t-il, totalement absentes.
Parce que vous avez abandonné le dialogue social, les partenaires sociaux se sont, eux, engagés dans une réflexion de grande ampleur sur la « refondation sociale » afin de reprendre leurs responsabilités. Il s'agit d'un travail urgent et essentiel pour l'avenir de notre système de protection sociale.
Il faut, a déclaré M. Fabius tout à l'heure, assainir et agir. En matière de finances sociales, vous n'avez fondamentalement ni assaini ni agi. La réduction des impôts et des prélèvements doit être un élément de la stratégie sociale. Il est dommage qu'elle ne semble pas l'être.
La seconde partie de mon propos concerne la politique des transports sur laquelle je formulerai trois constatations évidentes.
Premièrement, tout pays qui renonce à s'équiper et à investir est un pays qui freine son avenir et son développement.
Deuxièmement, la France, de par sa position exceptionnelle de plaque tournante européenne, devrait avoir une politique de transport cohérente, équilibrée sur le plan régional et, enfin, des modes de transport respectueux des besoins des acteurs économiques.
Troisièmement, la France, pas plus que l'Europe, n'a pas de politique financière à long terme pour ses infrastructures de transport.
D'ailleurs, M. le ministre n'a pas dit un mot sur ce point dans son intervention liminaire. Notre pays ne sait pas conjurer la valorisation et l'optimisation des infrastructures existantes avec la création de nouveaux équipements pour faire face aux besoins dont la croissance ne se ralentit pas.
Or la mondialisation des échanges, la construction d'un espace européen de plus en plus intégré, l'évolution des besoins de transport tant des ménages que des entreprises entraînent une demande forte à laquelle il convient de répondre.
Toutes les études prospectives montrent que la demande des transports va croître à un rythme accéléré au cours des prochaines décennies. L'ensemble des modes de transport est concerné et la réduction dramatique de notre effort financier public dans le domaine des infrastructures de transport ne permet pas de répondre aux besoins des usagers et des acteurs économiques.
Je citerai six exemples qui ne recouvrent d'ailleurs qu'une partie de ce problème essentiel.
Premier exemple : la priorité affirmée pour le transport ferroviaire de voyageurs, qui est bonne en elle-même, a abouti à une insuffisance catastrophique de la politique du fret ferroviaire. Des investissements de désaturation des noeuds ferroviaires à hauteur de 15 à 20 milliards de francs sont nécessaires en vue de doubler le trafic de fret en dix ans. C'est là l'objectif du Gouvernement. Comment sera-t-il réalisé ?
Mais quelles ambitions d'investissements massifs peut-on avoir avec un ensemble ferroviaire qui ne peut actuellement fonctionner que grâce aux soixante-deux milliards de francs de contributions publiques qu'il reçoit chaque année et qui augmentent à un rythme soutenu ?
Deuxième exemple : le pavillon français continue à souffrir d'un déficit de compétitivité par rapport à ses principaux concurrents européens. La flotte de commerce française, après avoir été à la cinquième place, n'est plus aujourd'hui qu'au vingt-huitième rang mondial avec 218 navires sous pavillon français, alors que la flotte néerlandaise en détient 525 et la flotte norvégienne 1 622.
Troisième exemple : l'espace aérien est largement saturé et le sera davantage compte tenu de la croissance prévisible du transport aérien.
Quatrième exemple : les crédits publics consacrés aux activités portuaires stagnent ou diminuent, à tel point que la Cour des comptes, dans un rapport du 16 novembre 1999, a souligné l'incapacité de l'Etat à définir les objectifs de sa politique portuaire, incapacité qui s'est traduite par « des réformes juridiques parcellaires et des choix financiers peu efficaces ».
Cinquième exemple : quelle ambition fluviale peut-on avoir sans budget et sans ressources, après avoir abandonné la liaison Rhin-Rhône et face à notre incapacité de financer la liaison Seine-Est ?
Enfin, sixième exemple : nous vivons un paradoxe inquiétant et étonnant en ce qui concerne notre politique routière et autoroutière. Notre système autoroutier concédé fait l'objet de nombreuses contestations publiques, notamment de la part de certains membres du Gouvernement, alors qu'il s'agit du seul mode de transport non seulement dont l'équilibre financier est assuré mais aussi qui engendre huit milliards de francs de recettes pour l'Etat dont 2 milliards de francs au profit du FITTVN, le fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables, et qui, de surcroît, avec près de 18 % du trafic, supporte moins de 3 % des accidents.
Pour une politique des transports, vous ne pourrez occulter longtemps la nécessité d'avoir une vision claire de la situation financière actuelle et future de chaque mode de transport afin de pouvoir faire apparaître la juste part des contributions publiques qui doit leur revenir et de connaître les possibilités de développement futur de chaque mode de transport dans le cadre d'une politique intermodale active et dynamique.
Vous ne pourrez pas échapper bien longtemps à ces analyses lucides et totalement objectives sur un sujet qui engage l'avenir de notre pays.
Nos finances sociales et nos infrastructures de transport sont deux secteurs où la réflexion et les prévisions à moyen et à long terme sont essentielles pour bâtir l'avenir de nos concitoyens et de notre économie. Dans ces deux domaines, votre bilan est loin d'être positif. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ce débat sur les orientations budgétaires doit être serein et objectif, afin de pouvoir offrir les meilleures perspectives possibles et les choix les plus judicieux pour le budget de 2001.
Etre serein, n'est-ce pas avoir un jugement équilibré et non politicien ? Pour préparer cette intervention, j'ai relu certaines des interventions de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Elles sont toujours de qualité, j'en conviens, mais je voudrais attirer l'attention du Sénat sur celle qu'il a faite le 26 avril dernier devant la commission des finances, de l'économie et du Plan de l'Assemblée nationale.
M. Fabius déclarait alors ceci : « La situation macro-économique est bonne : la prévision de la croissance de 3,6 % du PIB en 2000 vient d'être confirmée par le FMI, l'inflation est maîtrisée, le chômage recule au point d'observer quelques goulets d'étranglement dans certains secteurs comme le bâtiment et l'informatique, la balance extérieure est toujours favorable, la production industrielle est bonne et les résultats en termes de créations d'emplois s'améliorent très nettement. »
Que voilà de belles choses et de bonnes nouvelles !
Je ne conteste pas le ton général se voulant optimiste, mais je pense qu'il serait sage d'adjoindre à cette analyse d'ensemble l'énoncé des incertitudes et des tensions qui se font jour et que nous ne pouvons pas nier.
Je souhaiterais également qu'au niveau de la méthode nous soyons encore plus perfectibles.
M. Joxe a fait observer, devant la commission des finances de l'Assemblée nationale, que le projet de loi de règlement de 1998 avait été enregistré à l'Assemblée nationale en septembre 1999. Il n'est inscrit à l'ordre du jour qu'en mai 2000, alors qu'il aurait pu l'être dès octobre dernier, a-t-il déclaré. Le projet de loi de règlement du budget de 1999 devrait, quant à lui, pouvoir être déposé cette année, en juin ou juillet. C'est pourquoi il pourrait être examiné avant le projet de loi de finances pour 2001, conformément au voeu de certains. Ceci, au passage, permettrait de valoriser le travail des trente à quarante personnes qui, à la Cour, préparent les rapports sur l'exécution des lois de finances.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Tout à fait !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Ensuite, je souhaiterais que, parmi les tensions, on soit plus équilibré, plus réaliste sur celles qui, peut-être, minent la prospérité américaine apparente et son attractivité.
A ce sujet, il est vrai que le dynamisme de l'économie américaine ne se dément pas pour l'instant. Le rythme de plus 6 % de croissance au deuxième trimestre 1999 se poursuit. Il ne faut pas nier, cependant, l'existence de nombreux dangers signalés par les observateurs.
Tout d'abord, c'est la progression des marchés boursiers et immobiliers qui a alimenté le dynamisme de la consommation.
La remontée du cours du pétrole vient d'entraîner une progression de l'inflation, avec une conséquence immédiate de ralentissement du pouvoir d'achat.
Depuis mai 1999, l'envolée des valeurs de haute technologie a compensé la stagnation, voire le recul des valeurs traditionnelles. Les évolution boursières ne devraient plus soutenir comme elles le faisaient la consommation des ménages.
Enfin, dans cette embellie économique et financière, on ne note plus de nouvelles progressions de capacité de production.
Tous les observateurs notent la poursuite d'un dynamisme au cours du premier semestre 2000, mais nourrissent des craintes pour la fin 2000, et ce pour une raison fort simple : les anticipations de profit des valeurs de l'indice NASDAQ associées aux nouvelles technologies peuvent apparaître exagérément gonflées, avec un réveil brutal possible en 2001.
Ce double constat ne peut donc nous conduire qu'à une analyse équilibrée de ses conséquences sur notre économie.
La vigueur de l'activité mondiale, notamment américaine, entraîne aussi une hausse du coût des matières premières industrielles et des taux d'intérêt.
La guerre économique n'est-elle pas relancée par une attitude se voulant hégémonique de la part des USA ?
Agressifs dans le champ des négociations commerciales internationales, les Etats-Unis semblent avoir clairement opté également pour la lutte contre l'euro sur les marchés de change internationaux.
Le mouvement de hausse des taux d'intérêt qu'en toute indépendance la Banque centrale européenne a d'ailleurs décidé de relayer tend à créer les conditions de nouveaux gâchis de ressources financières et de bridage de la croissance réelle.
Le projet de collectif budgétaire, dont nous débattrons ultérieurement, n'intègre-t-il pas, d'ailleurs, une forme de provision pour risques de change à hauteur de 15 milliards de francs au titre du service de la dette publique ?
Nous voyons combien cette guerre épuisante et coûteuse sur les marchés financiers fait peser des charges sur notre croissance, qui est somme toute assez fragile. Nous aimerions connaître votre avis, madame la secrétaire d'Etat, sur cette question.
Au lieu de consacrer tant d'énergie et d'argent à soutenir coûte que coûte la parité de l'euro, ne convient-il pas plutôt d'augmenter les salaires, les minima sociaux et le RMI, pour relancer la consommation populaire ? Nous vous le proposons.
Le Gouvernement estime que tous les indicateurs sont au beau fixe pour notre pays : un taux de croissance prévu de 3 % après 3,6 % en 2000, soit la plus forte séquence positive depuis vingt-cinq ans ; une hausse de la consommation intérieure de 3 % à 3,5 % par an pour 2000 et 2001, avec des excédents commerciaux supérieurs à 100 milliards de francs par an ; une absence de risque inflationniste : 0,9 % prévu pour 2000, mais un « pic » de 1,6 % en janvier, et 1,2 % en 2001 ; une amélioration nette de la situation de l'emploi, avec une baisse continue du chômage et la perspective de 2 millions de chômeurs pour 2002.
Avec de tels constats et de telles perspectives, peut-on admettre que l'écart entre les 10 % les plus riches de nos concitoyens et les 10 % les plus pauvres continue à se creuser et que le nombre de RMIstes ne fasse que croître ? Peut-on admettre que les salaires n'aient progressé que de 2 % en 1997, de 1,8 % en 1998 et de 1,9 % en 1999, alors que les réserves financières ont fait un bond de 8,32 % et la Bourse de plus de 52 % ?
Ne convient-il pas, au contraire, de profiter de cette croissance, mais avec la volonté d'en faire bénéficier ceux qui l'ont produite, et de la faire progresser encore au-delà des 3 % prévus et d'augmenter tous les salaires ?
Des possibilités d'augmentation généralisée des salaires existent avec une majoration du SMIC de plus de 6 % sans attendre, c'est-à-dire au 1er juillet.
Des financements peuvent être trouvés pour la revalorisation des minima sociaux, notamment par l'augmentation de l'ISF, avec intégration des biens professionnels dans l'assiette de cet impôt, l'instauration d'une taxe sur les mouvements des capitaux, la taxation de tous les revenus financiers.
Il s'agirait là, au-delà de la confortation de la croissance, d'une mesure de justice sociale.
En 1999, les dépenses de consommation des ménages ont progressé de 2,1 %. Mais, en regardant d'un peu plus près le détail de cette progression, on peut faire certaines observations.
Les dépenses de consommation des ménages ont diminué pour le pain de 0,4 %, pour la viande de 0,9 %, pour les fruits et légumes de 0,9 %, pour les boissons non alcoolisées, le chauffage et l'éclairage de 2,7 %, pour les appareils ménagers de 1,6 %, pour les loisirs et la culture de 1,3 %, pour les appareils électriques et informatiques de 8,1 %, pour les assurances de 0,5 %.
Cette évolution démontre l'existence d'inégalités fortes, voire aggravées. Ce sont les plus pauvres qui ont besoin de faire remonter les pourcentages des dépenses de vie courante, démontrant bien par là, pour les prochains budgets, une nécessaire augmentation des ressources et du pouvoir d'achat.
Je devance certaines remarques, qui me seront certainement faites, visant à affirmer que ces mesures ne sont pas possibles parce que les entreprises ne les supporteraient pas.
N'oubliez pas, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, que la part des salaires dans la valeur ajoutée produite n'a pas connu d'augmentation significative, continuant de se situer, dans les entreprises, sous la barre des 60 %, niveau que notre pays connaissait, soit dit en passant, au début des années soixante-dix.
N'oubliez pas que le taux de marge des entreprises ne s'est pas affaissé, puisqu'il se situe aujourd'hui aux alentours de 32 points, c'est-à-dire, là encore, au niveau que l'on atteignait dans les années soixante-dix.
Dans la réalité vécue par les salariés de notre pays, qu'observe-t-on ?
Tout simplement que les gains de productivité, bien antérieurs à l'adoption des deux textes relatifs à la réduction du temps de travail, n'ont pas été recyclés, loin de là, dans l'emploi et dans les salaires, mais dans la progression des taux de marge et de rentabilité.
Et qu'a-t-on fait de ces marges ?
Les entreprises s'en sont largement servies, dans un premier temps, pour alléger leurs charges financières, en se désendettant largement et en déprimant, soit dit en passant, leurs dépenses effectives d'investissement productif réel.
On a, ensuite, massivement augmenté le montant des dividendes distribués, celui-ci dépassant, en 1998, 500 milliards de francs.
Sur ce chapitre, on soulignera que la presse économique s'est fait l'écho, ces dernières années, de perspectives de distribution de dividendes encore plus importantes pour les sociétés cotées, attestant donc de l'existence de véritables pactoles financiers.
De façon marginale, puisque ce dispositif ne concerne que moins de 26 000 hauts cadres dirigeants des entreprises de notre pays, soit au plus un millième des contribuables de l'impôt sur le revenu, l'amélioration sensible de la rentabilité des entreprises en valeur absolue et en valeur relative a bonifié un peu plus les dispositifs de stock-options existants.
Vous me permettrez donc de m'interroger sur le bien-fondé de toutes les dispositions tendant, dans les faits, à alléger de manière quelque peu aveugle les cotisations sociales des entreprises puisque, à l'examen, leur situation financière ne nécessite pas, sur un plan général, une telle sollicitude.
La meilleure preuve de cette excellente santé financière de nos entreprises ne nous est-elle pas fournie par le relèvement sensible, hors toute majoration exceptionnelle, du produit de l'impôt sur les sociétés - plus de 30 milliards de francs de plus-value en fin d'année 1999, ne l'oublions pas - qui fut l'élément essentiel des recettes officielles supplémentaires, lesquelles, dans les faits, ne sont qu'une partie de la véritable cagnotte, celle des profits ?
Tout est d'ailleurs à relativiser au moment où France Télécom, sans doute fidèle à ses principes de service public « méthode Carrefour », s'apprête à engager 328 milliards de francs - c'est une fois et demie le déficit que nous propose de constater le projet de loi de finances rectificative - dans le rachat de l'opérateur britannique de télécommunications Orange ?
Car c'est bien là une autre donnée essentielle de la situation économique d'aujourd'hui : le trésor de guerre des entreprises a aussi été massivement utilisé pour mener des raids, des offres publiques d'achat et d'échange, OPA et OPE, des opérations de mégafusions et acquisitions, bien souvent au détriment de l'emploi.
L'exemple le plus évident de cette dérive ne nous est-il pas donné par Michelin qui, non content de contraindre ses salariés à consentir des sacrifices sur l'évolution de leurs salaires, de leur faire accepter une accentuation de la productivité apparente du travail, utilise ensuite les marges financières ainsi créées pour les licencier en masse et rémunérer de manière plus importante ses commanditaires ? Et les Michelins sont nombreux dans le pays !
Vous me permettrez, madame la secrétaire d'Etat, de regretter ici que le projet de loi portant sur les nouvelles régulations économiques n'ait pas pu encore être inscrit à l'ordre du jour de la Haute Assemblée...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Regret partagé !
Mme Marie-Claude Beaudeau ... après son passage à l'Assemblée nationale. Pourquoi ?
Le débat sur ces sujets est en effet pour nous crucial, quand bien même, au demeurant, le texte qui nous était proposé manquait un peu de souffle, pour ne pas dire plus.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous aurions pu le muscler !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Ces éléments sont des éléments incontournables du contexte de définition des orientations budgétaires pour 2001 et il importe, à notre avis, d'en tenir compte dès lors qu'il s'agit notamment de définir les caractères de l'intervention publique en direction des entreprises et de l'emploi, ou de revisiter le champ de la dépense fiscale de soutien à l'activité, à l'emploi et à l'investissement.
D'autres parmi vous ne vont-ils pas s'abriter aussi, pour justifier cette impossibilité, sur la nécessité d'une coordination des politiques fiscales des Etats membres de l'Union ?
Sur ce chapitre fondamental, vous me permettrez de formuler quelques observations et de poser quelques questions.
Il importe d'abord de se demander où nous en sommes.
Tout d'abord, il existe assez peu de domaines où le travail des commissaires européens en charge du dossier fiscal ait produit un résultat patent.
Ainsi, il n'existe pas de coordination en matière de droits d'accises, sinon pour valoriser une majoration de la taxe pesant sur la consommation de gazole.
De même, en matière de TVA, l'eurocompatibilité se limite, pour l'heure, à fixer des planchers d'imposition pour la définition du taux réduit et du taux normal de la taxe, sans que les assiettes soient aujourd'hui unifiées et alors que persistent - pour certains aspects, heureusement - de grandes divergences dans l'application de la taxe comme dans les conditions de son recouvrement.
C'est d'ailleurs d'autant plus regrettable que l'initiative parlementaire est généralement à la fois victime de cette eurocompatibilité limitée et du fait qu'une part importante de la contribution de chacun des Etats membres est encore fondée sur un prélèvement sur les recettes de TVA.
Pour notre part, nous estimons que la France doit être à l'initiative d'une redéfinition de la directive sur la TVA laissant plus de marge de liberté aux Etats membres, tandis que nous devons clairement envisager la perspective de la réduction du taux normal pratiqué dans notre propre pays.
S'agissant, en ce domaine, de la sortie du régime transitoire, nous ne pouvons encore manquer de souligner que celle-ci ne peut s'effectuer tant que certains de nos partenaires continueront à vouloir imposer l'abandon des règles qui président, dans notre pays, à la détermination de l'exigibilité de la taxe.
Dans un autre domaine, soulignons que la Commission européenne ne semble pas avoir encore réussi à préciser sa position sur la question cruciale de l'imposition des plus-values et des placements et revenus de capitaux mobiliers, comme de valeurs monétaires.
Le Parlement européen a ainsi débattu de la mise en place d'une taxation des transactions menées sur les marchés monétaires, taxation inspirée des travaux du prix Nobel américain d'économie James Tobin, mais il semble bien que la Commission fasse encore, là aussi, la sourde oreille.
Madame la secrétaire d'Etat, quelles suites entendez-vous donner aux exigences de M. Pedro Solbes, qui vient de s'exprimer au nom de la Commission sur la monnaie unique ?
M. Solbes prétend interdire toute réduction d'impôt non compensée par une réduction des dépenses courantes.
M. Solbes veut nous contraindre à une hausse des impôts en cas de décélération de la conjoncture et, inversement, prendre en compte l'effet de la pression fiscale sur le niveau de la dette publique et la politique budgétaire à long terme.
Enfin, M. Pedro Solbes exige que la baisse d'impôt s'inscrive dans le cadre d'une réforme globale de la fiscalité.
Que pensez-vous de ces exigences ? N'y a-t-il pas là une attitude comminatoire quelque peu déplacée ? Entendez-vous, madame la secrétaire d'Etat, répondre à ces oukases ? Puisque le temps vient d'assumer la présidence de l'Union européenne, quels seront vos choix, vos propositions, vos décisions ?
M. Védrine, lors de sa communication, la semaine dernière, au Sénat, s'est montré fort réservé, voire énigmatique. Comme s'il n'allait rien se passer ! Nous en doutons fortement, et les propos introductifs de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, tout à l'heure, m'ont paru un peu trop lapidaires. Donc, qu'allez-vous proposer ?
Nous attendons l'expression de la volonté du Gouvernement, de ses projets : la présidence française s'achèvera alors que le budget pour 2001 sera voté.
Madame la secrétaire d'Etat, permettez-moi maintenant d'en venir à d'autres propositions.
Nous avons inscrit, comme proposition majeure pour notre pays, la majoration des ressources des Français. Nous ne pouvons pas admettre cette réalité de travailleurs pauvres, qui émerge actuellement pour devenir simple banalité. Le travail ne nourrirait plus l'homme !
Accompagnant une première mesure de revalorisation du pouvoir d'achat, nous proposons de rééquilibrer fiscalité directe et fiscalité sur la consommation, afin de favoriser cette dernière.
De nouvelles baisses ciblées de la TVA entraîneraient des achats supplémentaires pour les plus défavorisés de nos concitoyens, seraient une impulsion pour la production de biens pour les ménages, nous acheminant vers un retour au taux de 18,6 %. La directive européenne fixe d'ailleurs un plancher de taux de la TVA de 15 %.
Une réforme hardie de la fiscalité sur l'essence permettrait plus de justice sociale et des ressources nouvelles. « Faire le plein » devient une dépense trop lourde pour les milieux populaires, notamment pour tous les automobilistes que la spéculation foncière et immobilière a chassés des centres-villes urbains. Or 85 % du prix de l'essence est constitué de taxes.
La baisse de l'impôt que vous proposez peut être source de plus grandes inégalités et d'injustices, puisque vous prévoyez en même temps un abaissement des plus hautes tranches. Nous pensons au contraire que, s'il faut refondre le barème et maintenir les 20 %, il faut aussi créer de nouvelles tranches et revoir l'avoir fiscal. Il est quand même anormal que 100 000 foyers fiscaux ayant des revenus supérieurs à 150 000 francs soient non imposables !
L'imposition des revenus financiers des entreprises doit être revue à la hausse. La prise en compte d'une partie des actifs financiers des entreprises à un taux de 0,3 % dans l'assiette de la taxe professionnelle rapporterait 60 milliards de francs aux collectivités territoriales, ce qui permettrait la réforme tant attendue et sans cesse rapportée de la taxe d'habitation, avec une prise en compte nouvelle des ressources et un dégrèvement de la taxe sur le foncier bâti, qui devient trop lourde pour les nouveaux propriétaires les moins fortunés.
L'accroissement du nombre de dossiers de surendettement est là pour rappeler qu'un nouveau problème bien réel se pose. Dans mon département, le Val-d'Oise, 3547 dossiers ont été déposés en 1999, soit une augmentation de plus de 20 % en un an.
Complétant les mesures de revalorisation du pouvoir d'achat et d'une justice fiscale plus morale et plus efficace, nous proposons une nouvelle définition de la notion de dépenses publiques en fonction des besoins et non de postulats réducteurs de dépenses mais aussi de croissance, comme l'a dit tout à l'heure M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, d'ailleurs approuvé en cela par le président de notre commission des finances.
La situation des comptes sociaux, comme celle des comptes des collectivités locales, s'est améliorée. Nous ne pouvons d'ailleurs qu'en profiter pour indiquer que la création d'emplois et l'amélioration des recettes de la sécurité sociale sont incontestablement les outils les plus performants pour améliorer les comptes sociaux, et ce bien plus que toutes les mesures de restriction et d'économies qui ont été choisies ces dernières années.
Pour autant, cette situation des comptes publics qui, sous de nombreux aspects, répond aux exigences de la construction européenne et aux objectifs de convergence des politiques économiques et budgétaires, présente cependant un certain nombre de faiblesses.
Second aspect de la situation : la question de l'origine de l'amélioration des comptes est indissociable de celle des choix qui sont opérés en matière de fiscalité et de dépenses publiques.
De manière plus significative, nous devons poser de nouveau la question de la dépense pour l'emploi et, notamment, poser le problème de sa réaffectation vers l'allégement de la contrainte financière des entreprises en lieu et place de l'allégement des cotisations sociales.
M. le ministre a déclaré vouloir mettre fin au gel de l'emploi public. Comme il a raison ! Mais cela implique une croissance des dépenses publiques supérieure à 0,3 %. Cela implique également l'intégration des emplois-jeunes, leur formation et leur titularisation.
Comment répondre aux besoins des services publics, vouloir augmenter la productivité de 1,5 %, répondre à la réduction du temps de travail à 35 heures dans la fonction publique, si l'on ne désigne pas 2001 « grande année pour les services publics » ?
Les chiffres avancés sont inquiétants, madame la secrétaire d'Etat, car ils envisageraient une progression des dépenses publiques dix fois inférieure à la progression du produit intérieur brut.
Faut-il vous rappeler également que l'existence de recettes fiscales supplémentaires a été une grande révélation pour les Français ? Ils veulent pour leurs écoles, leurs hôpitaux, leurs transports, leurs commissariats, bénéficier des 3 % supplémentaires de la richesse nationale qu'ils ont contribué à produire malgré l'austérité qu'ils ont subie.
Cette découverte, avec les conséquences qui en découlent, est saine. Elle anime aujourd'hui les luttes et le mouvement social. La notion de répartition pour des crédits à moyens globalement constants ne passe plus. Vouloir le nier, madame la secrétaire d'Etat, conduirait à de cruelles désillusions pour le Gouvernement.
Trop de citoyens vivent mal d'être à l'écart d'une richesse nouvelle du pays et, d'ailleurs, ils s'expriment par une non-participation aux élections. Les derniers résultats d'élections partielles aboutissent à des élections avec 15 % des inscrits. Pourquoi ? Après avoir dit à celles et à ceux dont le pouvoir d'achat est encore inférieur au SMIC : « On ne peut rien faire de plus pour votre salaire, il en est de même pour votre école, votre hôpital », la crédibilité de la politique gouvernementale est en cause. Nous dépassons là, vous le voyez bien, une réflexion pouvant apparaître comme politicienne, mais en fait représentant un vrai choix de société.
La France manquerait de main-d'oeuvre qualifiée, mais elle ne donnerait pas les moyens nécessaires à l'évolution de notre système éducatif.
Les Français vivraient plus vieux. Des méthodes nouvelles de lutte contre la maladie se feraient jour et on ne pourrait pas faire face à l'achat de prothèses corrigeant la vue, la surdité. On ne pourrait pas faire face au paiement des frais de séjour dans les maisons de retraite. Les services publics devraient augmenter leur productivité de 1,5 %, accéder aux 35 heures, mais sans moyens nouveaux alors que la création d'emplois se fait pressante.
Madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, là sont les choix de société, là s'expriment les choix budgétaires pour l'année prochaine. Je vous mets en garde. Les idées d'extrême droite progressent, lit-on dans certains sondages. Même si les partis d'extrême-droite reculent, la progression de leurs idées est grave. La logique, la justice, l'efficacité des choix budgétaires sont les meilleurs antidotes à l'inégalité et à l'injustice. Elles peuvent renforcer le dynamisme de celles et de ceux qui ont mis leur espoir dans le renouveau de 1997. Ne pas les décevoir est, à notre avis, le choix budgétaire premier. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
Mme Hélène Luc. Très bien !
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-heuf heures cinquante, est reprise à vingt-deux heures cinq.)

M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons le débat d'orientation budgétaire consécutif à une déclaration du Gouvernement.
Dans la suite du débat, la parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, comme tous mes collègues, je veux d'abord me féliciter de la tenue de ce débat d'orientation budgétaire, qui permet au Parlement d'entendre le Gouvernement sur les grands choix qu'il compte faire en matière financière et économique pour l'année qui vient.
La procédure est récente. Elle s'inscrit dans une démarche de reconquête des droits du pouvoir législatif, dont l'autorité en matière de loi de finances avait été abusivement réduite par la Constitution de la Ve République.
Nous savons à ce propos, monsieur le ministre des finances, que vous avez vous-même beaucoup oeuvré en faveur de ce rééquilibrage. Quand vous étiez à la tête de l'Assemblée nationale, vous avez en effet mis en place une mission d'évaluation et de contrôle dont l'efficacité est indéniable. Vous avez par ailleurs appelé de vos voeux une réforme des textes régissant les finances publiques, notamment de l'ordonnance de 1959. Plus important, vous avez confirmé votre intention d'y travailler depuis que vous êtes en charge du ministère clé qu'est celui des finances.
Les conditions sont donc réunies pour qu'un nouveau pas significatif soit fait en ce sens d'ici à la fin de la législature.
M'en tenant volontairement au domaine limité du débat d'orientation budgétaire, je suggère que celui-ci intervienne désormais avant que ne soit envoyée par le Premier ministre la lettre de cadrage à chaque membre du Gouvernement. Cette chronologie s'impose pour des raisons d'efficacité et, tout simplement, de courtoisie à l'égard du Parlement... Connaissant le Premier ministre, je ne doute pas que, sur ce point mineur, mais symbolique, nous serons entendus.
Mais nous voudrions aller plus loin et obtenir un ordre de discussion plus conforme à la logique que celui qui nous est imposé d'ici à jeudi.
Le bon sens voudrait que s'enchaînent le débat sur le projet portant règlement définitif du budget de l'année 1998, puis le projet de loi de finances rectificative pour l'an 2000 et, seulement après, le débat d'orientation budgétaire pour 2001.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Parfaitement d'accord !
M. Gérard Delfau. N'est-ce pas raisonnable que de ne vouloir discuter de prévisions qu'après avoir engrangé toutes les informations sur le passé et sur le futur immédiat ?
Ces deux améliorations de la procédure sont légères mais non dénuées d'intérêt. Pourtant, si le Gouvernement veut aller plus loin et donner un signal fort de son souci de rééquilibrage des institutions - j'ai entendu le Premier ministre s'y engager à plusieurs reprises - il doit accepter que le débat d'orientation budgétaire soit conclu par un vote. Cela responsabiliserait les divers intervenants et limiterait un peu le risque d'un manque de cohérence, tout en obligeant le Gouvernement à plus de précision sur ses véritables intentions.
Je ne parle pas pour vous, monsieur le ministre, puisque chacun se loue de votre « transparence » et de la qualité de vos informations. Mais je pense à vos successeurs..., même si je souhaite l'échéance lointaine.
M. Jean-Pierre Schosteck. M. le ministre vient seulement d'arriver à son poste !
M. Gérard Delfau. Il y a une raison forte pour que ce pas que je viens de décrire soit franchi : un débat d'orientation budgétaire plus vote de l'assemblée délibérante, c'est ce qui se passe dans nos communes, du moins dans celles qui comptent plus de 3 500 habitants. L'Etat ne devrait pas pouvoir refuser une procédure démocratique que le Parlement a imposée aux collectivités locales, en accord avec le Gouvernement.
J'en viens maintenant au fond.
Il convient, d'abord, de saluer les performances économiques qu'obtient le Gouvernement depuis trois ans : croissance inespérée, réduction importante du déficit budgétaire, baisse des impôts et des charges, après une hausse vertigineuse de 1993 à 1997.
Les résultats de cette politique tranchent avec ceux, « calamiteux » - ce n'est pas moi qui ai inventé l'adjectif ! - de MM. Balladur et Juppé ! Sans doute est-ce pour cette raison que les représentants de la droite ergotent, discutent des mérites de l'équipe de M. Jospin et expliquent que les bons chiffres tiennent d'un hasard heureux,...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je n'ai pas dit cela !
M. Gérard Braun. On n'a pas dit cela !
M. Gérard Delfau. ... comme si l'intervention politique n'avait aucune incidence sur la bonne ou la mauvaise santé économique d'un pays !
C'est la justesse des choix, c'est-à-dire un équilibre subtil entre relance de la consommation et réduction du déficit budgétaire, qui permet aujourd'hui de constater un « surplus » de rentrées fiscales, que le collectif nous permettra demain de répartir.
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est la foi du charbonnier !
M. Gérard Delfau. Ne boudons pas notre plaisir, monsieur le rapporteur général !
Réduction de la taxe d'habitation pour un coût de onze milliards de francs, allégement de l'impôt sur le revenu à hauteur de 11 milliards de francs, baisse d'un point du taux normal de TVA pour 18,45 milliards de francs),...
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est très insuffisant tout cela !
M. Gérard Delfau. ... c'est le père Noël au mois de juin !
A partir d'une situation aussi positive, il est possible de s'engager dans un débat d'orientation budgétaire qui fasse preuve d'imagination.
Mais, je suis maire depuis plus de vingt ans et je sais bien que la réalité impose de composer entre toutes les demandes légitimes et de ramener le souhaitable au possible si l'on veut rester crédible.
Aussi, je me garderai d'un projet de budget idéal et, ayant précisé ma philosophie, je ferai des propositions modestes et réalistes.
Bien sûr, je ne me range pas dans le camp des thuriféraires de la réduction drastique des dépenses publiques, impôts, cotisations et charges, dont le héraut, ici, est M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je suis très touché ! Merci du compliment !
M. Hilaire Flandre. C'est un compliment !
M. Gérard Delfau. Il préconise d'y aller à la hache : 250 milliards de francs en trois ans, en prenant prétexte du modèle allemand. Mais ni le chancelier Schroeder, ni le Premier ministre Tony Blair ne sont mes maîtres à penser, et les performances comparées de leur pays par rapport au nôtre n'incitent guère à une conversion.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous avez approuvé les 160 milliards de francs, il ne vous reste plus qu'un petit effort à faire !
M. Gérard Delfau. Tout au plus retiendrai-je volontiers - je vais donc vous faire plaisir, monsieur le rapporteur général - l'une de vos propositions : le maintien de la part régionale de la taxe d'habitation, compensée par la suppression des frais d'assiette que recouvre l'Etat pour préparer une réforme qu'il reporte depuis plus de dix ans...
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. C'est une bonne idée.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Voilà une heureuse idée !
M. Gérard Delfau. A l'inverse, je ne vais pas décliner sur tous les modes l'antienne : « les riches peuvent payer ». Non que je n'éprouve souvent ce sentiment, ou plus précisément, disons le mot, cette colère subite devant les profits isensés réalisés en bourse. Mais je suis informé des limites que nous imposent une économie mondialisée et des rapports de forces insuffisants.
Si je préconise un sursaut du politique, c'est en partant du possible au plan national et en faisant pression sur l'Union européenne pour qu'elle mène le combat pour une taxation des opérations sur les marchés financiers, dont ne veulent aujourd'hui ni les Etats-Unis ni le Japon.
Oui, monsieur le ministre, il faut continuer à baisser le prélèvement fiscal, mais de façon ciblée, en conjuguant justice sociale et efficacité économique. C'est pourquoi je souhaite que le Gouvernement poursuive l'an prochain son effort en faveur des tranches d'imposition les plus basses, celles des salariés à petits revenus dont le salaire est proche du SMIC. C'est une façon de les préserver du découragement et de les inciter à poursuivre leur effort. Alléger leur charge fiscale aura, en outre, un impact économique immédiat par la relance de la consommation. C'est faire coup double !
J'applique le même raisonnement à la TVA, sauf que je ne suis pas tout à fait convaincu de la pertinence de la baisse globale d'un point.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous avez raison, cela coûte cher !
M. Gérard Delfau. Je préfère quand même une baisse à une augmentation de deux points, monsieur le rapporteur général ! (Sourires.)
Je préférerais que la France instaure un taux intermédiaire, voisin de 13 à 14 %, pour un certain nombre de services, la restauration notamment. Je sais bien qu'il faut un accord avec la Commission de Bruxelles. Mais compte tenu du poids de la France et de votre forte personnalité, monsieur le ministre, il est possible d'arracher cette décision.
Une troisième mesure serait utile et juste, et il n'est pas besoin d'attendre 2001 pour l'appliquer : il s'agit de la nécessaire réévaluation du taux de rémunération du livret A, compte tenu du niveau d'inflation.
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre des finances, a créé en 1998 un « comité consultatif des taux réglementés » chargé d'émettre deux fois par an un avis sur l'adéquation entre la rémunération des dépôts réglementés et les taux d'intérêt. Ce groupe d'experts va se réunir en juillet. Nul doute, vu la conjoncture, qu'il vous conseille une hausse significative, qui, elle aussi, soutiendra la consommation.
Mais vous pourriez, en outre, monsieur le ministre, décider que les sommes collectées sur le livret A pourraient désormais financer, outre le logement social, les équipements collectifs, comme cela vous est demandé de plus en plus souvent. Mesure technique, mais décision conforme à la philosophie de votre gouvernement, et elle serait bien accueillie par les collectivités locales.
Or les collectivités locales, justement, ont besoin de votre sollicitude. Elles s'estiment défavorisées dans la répartition des nouvelles rentrées fiscales générées par la croissance. Et je dois avouer que je partage ce sentiment.
De plus, les élus locaux sont inquiets devant la propension du Gouvernement à rogner par pans entiers leur autonomie fiscale. Il y a eu l'épisode de la suppression de la part salariale de la taxe professionnelle et la décision de Bercy de la compenser par une dotation. Aujourd'hui, vous récidivez concernant la part régionale de la taxe d'habitation.
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est bien regrettable !
M. Gérard Delfau. Je peux comprendre la raison de ce choix : aller vite parce que la conjoncture est propice.
Mais, sans crier à la recentralisation, comme l'a fait la majorité du Sénat, qui a pourtant supporté stoïquement un traitement beaucoup plus rude des gouvernements Balladur et Juppé,...
M. Philippe Marini, rapporteur général. La conjoncture était autre !
M. Gérard Delfau. ... je voudrais vous dire qu'il faut veiller à ce que le pacte de confiance entre l'Etat et les collectivités territoriales ne soit pas altéré durablement. Sur ce sujet, sachez que nous attendons beaucoup de vous.
A vrai dire, nous espérons l'impossible : que vous vous attaquiez à la réduction des inégalités qu'engendre la taxe professionnelle, créant une situation encore plus inique, si possible, que celle qu'engendrent les différences de revenus entre les particuliers.
Le dossier est connu : il suffit d'une grande surface ou d'une centrale nucléaire pour qu'une commune - ou une communauté de communes - vive à l'aise, voire dans l'opulence, alors qu'à ses côtés c'est l'indigence, avec, pour corollaire, l'incompréhension des citoyens, qui font du maire un facile bouc émissaire.
Quoi de commun entre les ressources de Neuilly ou de Courbevoie et celles de Béziers ou de Lunel ? Quel fossé entre le budget du département des Hauts-de-Seine et celui de l'Hérault, qui détient les tristes records du chômage et du nombre de RMIstes, du sous-encadrement scolaire et du nombre de ménages à petits revenus !
Depuis les années 1991-1992, le chantier de la péréquation de la taxe est en panne, ou, plutôt, il est laissé au bon vouloir des municipalités qui acceptent d'entrer dans une communauté de communes ou d'agglomération. Mais l'inégalité de base demeure, et seul l'Etat républicain a le pouvoir d'y remédier. Il est urgent de reprendre ce chantier, même si, je le sais, il y faut du courage. Heureusement, la répartition des fruits de la croissance permet de rendre un peu plus indolore le traitement !
Il me reste à parler des services publics, auxquels je consacre, on le sait, beaucoup de mon temps.
Il y a une semaine, je visitais le bureau de poste de Bagatelle, dans un quartier urbain dit « sensible » à Toulouse. J'y ai rencontré des postiers passionnés par leur métier. Ils m'ont expliqué comment ils offrent à une population en difficulté les services bancaires de base que les établissements privés leur ont refusés. Et ils se sont plaints du manque d'effectifs.
Hier soir, j'étais près d'Abbeville, dans un canton rural. Les élus m'ont expliqué leur révolte devant la réduction des horaires de guichets dans leur village, la concentration du tri, la surcharge des tournées de facteurs, l'affaiblissement d'un service public irremplaçable et apprécié de la population. Je leur ai répondu 35 heures, concurrence étrangère, pressions de la Commission en faveur de la déréglementation des services du courrier... J'ai expliqué la difficile position du Gouvernement français et son combat courageux à Bruxelles. J'ai parlé évaluation et modernisation.
J'ai rappelé mes propositions pour compenser financièrement les missions de service public de La Poste, pour renforcer la polyactivité de ses points de contact, pour intégrer ses implantations en zones fragiles, rurales ou urbaines, aux Maisons de service public dont nous avons voté le principe l'an passé.
Mais que peut ma parole alors que le Gouvernement se tait sur cette entreprise publique et n'expose pas aux Français ce qu'il en attend pour les dix ans à venir ? Pourquoi, monsieur le ministre, le Gouvernement manifeste-t-il, et depuis si longtemps, si peu de volontarisme quand il s'agit de La Poste, alors que la SNCF, EDF et France Télécom font l'objet d'une attention soutenue,...
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Bonne question !
M. Gérard Delfau. ... ce dont, par ailleurs, je me réjouis ?
Plus généralement, le maintien ou la création d'un service public de proximité et de qualité sur l'ensemble du territoire est le souci constant des élus locaux et de la population. L'implantation est inégale, parfois disparate, qu'il s'agisse de gendarmeries, de commissariats, de perceptions ou d'écoles ; l'évolution nécessaire se fait mal ou dans l'incompréhension.
C'est sur ces réalités-là que nous attendons le discours de réforme et de modernisation du Gouvernement.
Je sais que vous n'avez pas la partie facile, d'autant que beaucoup d'erreurs ont été commises, récemment encore... Mais nous voudrions que la loi de finances pour 2001 prenne à bras-le-corps cette question des services publics dans l'aménagement du territoire et la cohésion sociale, et que la France profite de sa présidence de l'Union européenne pour mieux faire respecter par la Commission l'article 16 du traité d'Amsterdam. A ce prix, et à ce prix seulement, le discours sur la nécessaire modernisation des services publics sera audible, et ceux qui veulent comme moi une adaptation raisonnée auront des arguments.
Chaque service public, au demeurant, a sa spécificité. S'agissant de l'éducation nationale, il y a un rattrapage à faire en faveur de départements où les dotations en postes n'ont pas suivi la progression démographique. Mais il faut tenir compte aussi de la dégradation des conditions du métier d'enseignant pour comprendre la longueur et la dureté du conflit qui a perturbé la vie scolaire pendant deux mois et demi dans deux départements duLanguedoc-Roussillon, dont le mien.
Tout ne se soigne pas avec des moyens humains ou financiers, mais rien ne peut se faire si l'encadrement est insuffisant. Il y a des rendez-vous à ne pas manquer d'ici à mars 2001 !
Voilà quelques réflexions, forcément rapides, forcément fragmentaires, pour éclairer les choix budgétaires que vous aurez à faire, monsieur le ministre. Je n'ai pas cherché à éluder les problèmes qui sont devant nous ; c'était la règle du jeu. Mais, en terminant, je voudrais vous dire, ou plutôt vous redire, au nom des radicaux de gauche, que nous sommes fiers de soutenir votre action et celle du Gouvernement. Je redis notre confiance dans votre savoir-faire, qui est grand, et dans votre détermination. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Merci beaucoup !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Bel exercice !
M. le président. La parole est à M. Angels.
M. Bernard Angels. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, il y a un an, presque jour pour jour, je dressais à cette même tribune, à l'occasion du débat d'orientation budgétaire pour 2000, un bilan d'étape encourageant des deux premières années d'exercice du Gouvernement et de sa majorité.
Je souhaiterais aujourd'hui, dans cette discussion qui fait désormais partie de la préparation du débat budgétaire proprement dit, actualiser ce bilan et élargir un peu plus cet exercice en analysant successivement les conditions, les outils et les perspectives de développement de notre économie.
La reprise de la croissance, le recul progressif du chômage, le regain de confiance manifeste des ménages et des entreprises sont autant d'éléments qui constituent la base d'une nouvelle donne économique que je m'attacherai, tout d'abord, à analyser rapidement.
Je m'emploierai ensuite, ainsi que je l'ai fait en d'autres occasions - mais la pédagogie passe parfois par la répétition - à vous donner mon sentiment sur la place importante que doit tenir le budget dans le combat pour la justice sociale et le partage des richesses.
Enfin, en m'appuyant sur le travail déjà réalisé depuis 1997, je vous proposerai quelques réflexions propres - je l'espère - à ouvrir de nouvelles pistes, de nouveaux chantiers, de nouvelles perspectives.
J'osai utiliser en introduction - à dessein, est-il besoin de le préciser - l'expression de « nouvelle donne économique ».
Nous sommes, en effet, entrés de plain-pied dans une période de croissance soutenue telle que nous n'en avions pas connu depuis plus de vingt ans. De nombreux signes de rupture évidente avec la spirale du chômage ou de la stagnation de l'économie nationale sont apparus. Nous - et quand je dis nous, j'entends l'ensemble des Françaises et des Français - avons intégré un nouveau cercle vertueux que j'avais énoncé en ces mots voilà quelques mois : croissance, confiance, activité.
S'il reste encore beaucoup à faire, les premiers résultats statistiques - chiffrés, incontestables et implacables - de cette rigueur dont, mes chers collègues de la droite sénatoriale, vous vous arrogez trop souvent le bénéfice sont là. Pourtant, au-delà de ce strict bilan comptable, notre réussite collective est surtout d'avoir su réorienter les priorités, d'avoir redonné un sens à l'action contre le chômage, d'avoir soutenu les initiatives et déployé les énergies.
Revenons-en tout de même à ces fameux chiffres qui laissent si peu de place à votre critique, mes chers collègues de la droite sénatoriale. Je me permettrai d'en citer rapidement quelques-uns.
Le PIB, tout d'abord,...
M. Philippe Marini, rapporteur général. On ne peut pas critiquer le PIB !
M. Bernard Angels. ... indicateur unanimement accepté de bonne santé économique, retrouve un rythme de croissance élevé puisque son mouvement annuel de progression est passé de 1,7 % en 1997 à 3,6 % en 2000. Ces résultats s'accompagnent d'un faible taux d'inflation qui renforce la stabilité de notre économie.
Dans le même temps, la balance commerciale, qui fut, en d'autres temps, l'un de vos chevaux de bataille, a doublé son excédent annuel, passant d'à peine 50 milliards de francs avant 1997 à plus de 100 milliards de francs depuis lors.
Au-delà de ces agrégats généraux, les ménages et les entreprises ont largement bénéficié de ce fort retour d'activité. En effet, la hausse du pouvoir d'achat global, qui était de 0,2 % en 1996, sera probablement de plus de 2,7 % en 2000 et de 3 % en 2001. De même, le rythme annuel d'investissement des entreprises aura enregistré, signe d'une croissance interne et d'une confiance affirmée, une croissance de 7,2 % en 2000, après avoir connu un recul de 0,8 % en 1996.
L'emploi bénéficie, lui aussi, de ce renouveau économique, puisqu'il n'est pas utopique de tabler sur un recul au-dessous du seuil, ô combien symbolique, des deux millions de chômeurs et que les gisements d'emplois sont en fort développement.
Si vous ne pouvez que convenir avec moi, mes chers collègues, de la réalité et de l'éloquence de ces chiffres, nos analyses respectives de leurs fondements ont bien souvent divergé. Je me permettrai donc de vous rappeler mes convictions en la matière.
Cette nouvelle donne économique trouve évidemment son explication en partie - et en partie seulement - dans le contexte économique international. Toute la différence qui nous oppose tient à la mesure de ce « tout ou partie ».
En effet, la comparaison avec nos partenaires européens est riche d'enseignements : sur la période 1998-2001, la croissance devrait s'établir, selon les prévisions, à 8,4 % en Italie, à 8,9 % en Allemagne, à 9,3 % en Grande-Bretagne et - vous ne pourrez, encore une fois, contester ce chiffre - à 12,7 % en France !
La croissance ne se décide par arbitrairement, mais un gouvernement peut la soutenir, la renforcer, comme il peut aussi, parfois, la briser. N'ayez pas la mémoire courte, monsieur le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Que va-t-il sortir ? (Sourires.)
M. Bernard Angels. En 1994, la croissance était amorcée, mais elle a aussitôt été stoppée de façon brutale, dès l'été 1995, par une politique trop restrictive,...
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Et en 1992 ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Oui, pour faire de l'histoire, il faut remonter plus haut !
M. Bernard Angels. ... par une augmentation des impôts et une absence manifeste de prise en compte des aspirations de nos concitoyens.
M. Gérard Delfau. C'est vrai !
M. Bernard Angels. Depuis 1997, le Gouvernement a su faire des choix courageux, ambitieux et respectueux des volontés et des demandes des Françaises et des Français ; il a su accompagner la croissance, la soutenir dans le sens du progrès économique, certes, mais aussi du progrès social.
Je n'ose imaginer vos interventions, monsieur le rapporteur général, ni celles de vos collègues, si les chiffres que je vous ai présentés précédemment avaient été, disons mauvais. Que n'aurions-nous entendu, alors, de critiques, de reproches et autres mises en garde ! Je vous appelle donc à un peu d'éthique politique (Protestations sur les travées du RPR et de l'Union centriste),...
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Oh ! oh !
M. Gérard Braun. Quelle intolérance et quel sectarisme !
M. Philippe Marini, rapporteur général. On a le droit d'être dans l'opposition !
M. Bernard Angels. Ecoutez-moi, monsieur le rapporteur général, je poursuis : ... de cette éthique dont j'ai pu souvent voir les traces dans nos travaux communs,...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ah ! Très bien !
M. Bernard Angels. ... pour vous inciter à reconnaître à la majorité et au Gouvernement la responsabilité de leurs réussites tout autant que de leurs échecs.
M. Charles Descours. On verra dans le budget !
M. Bernard Angels. L'heure n'est plus aujourd'hui à la gestion de la crise, elle est à la répartition des fruits de la croissance. En ce domaine, de nombreux efforts restent à faire pour les Français les plus défavorisés, en particulier. La croissance n'a de sens que par les réformes qu'elle permet de réaliser.
M. Charles Descours. Le nombre de RMIstes augmente.
M. Bernard Angels. C'est aussi dans cette optique que doit s'inscrire ce qu'il est courant d'appeler « l'arme budgétaire ».
Oui, il faut bien parler d'arme dans la mesure où le budget reste le fer de lance, le moyen privilégié du combat politique et social. Pour parfaire cette métaphore, convenons ensemble que c'est le nerf de la guerre ! Tout dépend ensuite de la guerre que l'on entend mener. La droite au pouvoir a fait le choix de la dérégulation, de la libéralisation, de la flexibilité et du moins d'Etat. La gauche, depuis 1997, a inversé les priorités, replacé au coeur de son combat la cohésion et la justice sociale, l'emploi et la solidarité.
M. Hilaire Flandre. Tu parles !
M. Gérard Miquel. C'est vrai !
M. Bernard Angels. Quels sont les moyens à notre disposition pour assurer une telle politique ?
Les impératifs de solidarité et de partage impliquent une responsabilité des générations actuelles envers leurs enfants et leurs petits-enfants. En ce sens, la lutte contre les déficits est une priorité à renouveler sans cesse. Laisser l'économie vivre en déficit, à crédit, relève d'une politique égoïste, à courte vue, au détriment des générations à venir.
MM. Alain Lambert, président de la commission des finances, et Philippe Marini, rapporteur général. Ça, c'est parfaitement vrai !
M. Bernard Angels. Le service de la dette représente 230 milliards de francs par an, soit les deux tiers des recettes de l'impôt sur le revenu.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. C'est trop !
M. Bernard Angels. C'est un véritable tonneau des Danaïdes, qui appelle des décisions fortes. Il convient donc de dégager les marges de manoeuvre nécessaires à la mise en place d'une politique ambitieuse et efficace.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Donc, il faut réduire les dépenses !
M. Bernard Angels. Des efforts importants sont consentis depuis trois ans dans ce domaine, mais je ne peux qu'encourager le Gouvernement à aller plus loin dans cette démarche.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. On peut faire mieux !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous voulons l'aider !
M. Bernard Angels. Sur ce terrain, les résultats sont encore une fois significatifs : depuis 1997, le déficit budgétaire a reculé de plus de 60 milliards de francs et les prévisions jusqu'en 2003 laissent entrevoir une tendance tout à fait favorable.
Si nous nous accordons tous sur l'objectif, nous nous séparons nettement sur la méthode, sur le chemin à emprunter. Le rapporteur général et, derrière lui, l'ensemble de la droite sénatoriale se réfugient dans le credo : « toujours plus, toujours plus vite ». Sans ironiser sur leur propre capacité à maintenir ce cap lorsqu'ils étaient en fonctions, je voudrais souligner les risques que comporte une telle attitude.
La politique budgétaire d'un pays est avant tout affaire d'équilibre. Or agir comme ils le prônent reviendrait purement et simplement à rompre l'équilibre construit patiemment depuis trois ans et à compromettre par là même les résultats acquis : la confiance des Français, la marche vers le plein emploi...
Dans le même ordre d'idées, je ne doute pas que les efforts du Gouvernement concernant la maîtrise des dépenses publiques recueillent un écho favorable auprès de la droite sénatoriale.
Les prévisions en volume fixent la hausse des dépenses à 0,3 %, c'est-à-dire à un niveau qui s'inscrit tout à fait dans plan pluriannuel présenté par le Gouvernement. Cet objectif d'évolution de la dépense publique, indépendant de la conjoncture et parfaitement cohérent avec nos engagements européens, confère à la politique de finances publiques le rôle de stabilisation de l'activité qui doit être le sien, prémunissant l'économie nationale contre une éventuelle surchauffe et lui fournissant une garantie en cas de ralentissement.
Là aussi, vous seriez sûrement prêts à affirmer votre accord quant à une nécessaire maîtrise devant les risques conjoints de voir s'envoler le déficit ou les prélèvements obligatoires. Et pourtant, là aussi au-delà du fait que nous ne nous contenterons pas de dire, et que nous faisons, c'est sur la méthode que notre différence s'affirme.
Maîtriser les dépenses publiques ne signifie pas moins d'Etat, mais mieux d'Etat. Si l'on dépasse le caractère volontairement sentencieux de cette expression, le problème est de réformer progressivement l'Etat et ses services dans la transparence et la concertation.
Cela signifie aussi, parfois, donner des moyens supplémentaires lorsque la qualité du service public n'est pas ou n'est plus à la hauteur des besoins et des attentes légitimes de nos concitoyens.
Au-delà du « plus ou moins d'Etat », notre action doit tendre à redonner aux services publics les moyens de fonctionner de façon moderne, d'assurer la cohésion sociale et l'égalité de traitement sur l'ensemble du territoire, d'encourager les initiatives et de soutenir le dynamisme économique.
Les objectifs de notre majorité en la matière sont connus : garantir la qualité des services publics en accordant une priorité à l'emploi, à l'éducation nationale, à la santé, à la sécurité et à la justice.
C'est à travers les services publics dont bénéficient l'ensemble des Françaises et des Français que nous pourrons assurer la solidarité et mettre en oeuvre les principes d'égalité et de libertés publiques auxquels nous sommes attachés.
Nos concitoyens sont fortement attachés, eux aussi, à leurs services publics. Les élus locaux que vous êtes peuvent témoigner des mobilisations qui prennent corps dans leur ville ou dans leur canton lorsqu'il s'agit de défendre un hôpital, une école, un commissariat, une gendarmerie ou, comme ce fut récemment le cas, une perception. De grâce, ne sombrez pas dans la paranoïa partisane en défendant ici le contraire de ce pour quoi vous vous battez dans vos départements !
Santé, éducation, formation, justice, sécurité : nous avons su, collectivement et sur le long terme, construire et défendre une vision que je crois toujours moderne des services publics dits « à la française ». Cette construction, inégalée et reconnue dans le monde entier, il nous incombe maintenant de la renforcer, de l'améliorer en intégrant tout à la fois la nécessaire réforme de l'Etat, l'apport des nouvelles technologies et les redéploiements d'effectifs et de responsabilités qui nous aideront à rester en phase avec les évolutions de la société et de notre territoire national.
Réduction des déficits, maîtrise des dépenses, donc, mais aussi poursuite de la réforme fiscale. Cette réforme fiscale que j'appelle de mes voeux doit être équilibrée et respectueuse tout à la fois des équilibres nationaux et des obligations redistributives. Elle doit tenir compte des capacités contributives de chacun. Elle doit enfin s'intégrer dans une politique active de relance sociale et économique.
La barre est haute, les objectifs sont ambitieux, j'en conviens.
Dans notre esprit, une société moderne et responsable n'est pas nécessairement une société dans laquelle on paie peu d'impôts ; c'est, avant tout, une société dans laquelle chaque citoyen a conscience que sa contribution personnelle est utilisée de la façon la plus efficace pour l'intérêt général.
Dans la pratique, avec 60 milliards de francs de baisse de TVA depuis 1997, le Gouvernement aura rendu aux Français l'équivalent du surcoût provoqué par les hausses décidées par le gouvernement d'Alain Juppé en 1995.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Mais il l'aura fait à crédit !
M. Bernard Angels. Concernant le taux de prélèvements obligatoires - et je garde à l'esprit les réserves que peut susciter la pertinence même de cette notion - la tendance générale suivie depuis 1997 est à l'inverse de l'alourdissement de deux points décidé par le gouvernement Juppé.
M. Charles Descours. Vous êtes le seul à le dire !
M. Hilaire Flandre. Il n'y croit pas lui-même !
M. Bernard Angels. Dépassons encore une fois les chiffres pour nous attacher aux principes qui doivent guider nos choix en matière fiscale.
Si la baisse des prélèvements obligatoires est effectivement nécessaire, elle ne saurait s'effectuer en portant préjudice aux services publics et à la solidarité qu'ils génèrent ou en négligeant la nécessaire redistribution des richesses dont la croissance nous ouvre la perspective. Cette baisse peut être regardée comme une légitime contrepartie des efforts consentis par nos concitoyens, qui ont participé avec courage, confiance et détermination à la relance engagée par le Gouvernement et sa majorité. Elle est le signe d'un contrat de confiance retrouvée entre les Français et leurs élus.
Dans ce contexte, la lisibilité, la compréhension et la justification de l'impôt me semblent importantes. La réforme fiscale doit tenir compte, certes, du rendement de l'impôt, mais aussi de la manière dont celui-ci est « perçu » par le contribuable, de ce que j'appellerai sa légitimité. A cet égard, certains impôts posent quelques problèmes. Je ne prendrai pour exemple que la redevance télévisuelle.
M. Charles Descours. Archaïque !
M. Bernard Angels. Outre le fait qu'elle implique des coûts de perception élevés, cette taxe n'est plus comprise par les contribuables. L'explosion des réseaux câblés et des programmes satellitaires, donc de l'offre télévisuelle, le fonctionnement même des chaînes hertziennes publiques concourent à rendre de moins en moins compréhensible la redevance télévisuelle. C'est pourquoi j'invite le Gouvernement à se pencher sur l'hypothèse de son éventuelle suppression.
M. Charles Descours. Et les 1 100 emplois de fonctionnaires qu'elle représente ?...
M. Bernard Angels. Si les efforts fiscaux concernant les prélèvements indirects ont été réels et significatifs depuis 1997, nous devons aujourd'hui « changer de braquet » et nous attaquer aux impôts directs, auxquels nos concitoyens sont plus sensibles et dont la baisse constitue une source de pouvoir d'achat supplémentaire qui permettra de nourrir à nouveau la croissance.
La justice fiscale et, par là même, la justice sociale : tels doivent donc être nos objectifs prioritaires en matière de réforme de l'impôt, dans une dynamique orientée vers l'emploi, la solidarité et le partage des richesses.
La justice sociale, en effet, doit être au coeur de notre action car, depuis déjà plus de vingt ans, les Françaises et les Français ont eu à subir une « injustice sociale » majeure : le chômage.
C'est pourquoi Lionel Jospin a, dès son arrivée, fait de l'emploi la priorité de son programme gouvernemental, et nous ne pouvons qu'être satisfaits des résultats d'ores et déjà obtenus : 750 000 emplois créés depuis 1997, 400 000 emplois prévus pour 2000.
Pourtant, le chômage demeure une dure réalité pour un trop grand nombre de nos concitoyens. Nous devrions repasser sous la barre des deux millions de chômeurs, mais notre ambition doit rester la marche progressive vers le plein emploi. Cet objectif, dont beaucoup se sont gaussés à son annonce par le Premier ministre, n'est plus irréaliste, et les meilleurs spécialistes reconnaissent sa pertinence.
La croissance est un élément de la réussite de la politique de lutte contre le chômage. Mais c'est un élément parmi d'autres, et l'on ne peut compter uniquement sur elle, sur le libre jeu de l'offre et de la demande, pour réintégrer sur le marché du travail des milliers de personnes brisées par plusieurs années d'inactivité, handicapées par une formation inadaptée aux besoins actuels des entreprises, humiliées par un système ultra-libéral qui ne laisse de place qu'à la productivité et à la rentabilité des travailleurs.
A force de répéter que la croissance est de retour, que l'activité économique a redémarré, que le chômage recule, le risque est grand de voir se creuser le fossé entre les travailleurs et les laissés-pour-compte d'une reprise qui ne pourra qu'être progressive. Nos efforts doivent s'accentuer pour permettre au plus grand nombre, par delà les start-up et les business angels, de profiter, à tous les niveaux de qualification et d'emploi, de la croissance retrouvée.
Nombreux sont aujourd'hui ceux qui voient dans l'augmentation des minima sociaux la réponse à l'isolement de ces personnes. J'avancerai, pour ma part, une autre piste de réflexion et de travail.
Notre action doit, en effet, être guidée par la nécessité d'un retour à l'emploi pour tous plutôt que par la prorogation d'un système d'assistanat qui exclut trop souvent plutôt qu'il n'intègre, ne serait-ce que pour éviter les risques d'opposition entre les travailleurs à bas salaires et ceux qui ne bénéficient que d'aides de substitution pour survivre. Une prestation chômage ne remplacera jamais un emploi, et nous devons lutter pour rendre à chacun une place dans la société et une dignité mise à mal par les assauts répétés du chômage de masse.
Ainsi, un chantier pourrait être ouvert sur le champ du revenu minimal d'insertion à travers la mise en place d'un plan généralisé d'insertion par l'économique. Il s'agira pour nous de faire preuve d'imagination,...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il vous suffit de suivre les propositions de l'opposition !
M. Bernard Angels. ... comme ce fut le cas lors de la réflexion menée pour mettre en oeuvre le programme « nouveaux emplois, nouveaux services ». Nous pourrions, par exemple, réfléchir à la définition d'un processus de suivi individualisé des bénéficiaires du RMI et, dans le cadre d'une incitation au retour à l'emploi, à la possibilité de cumul entre prestation RMI et activité professionnelle.
Je me réjouis que cette disposition ait été prévue dans la loi sur les exclusions, mais j'appelle le Gouvernement à prendre en compte la nécessité d'une plus grande lisibilité, d'une plus grande facilité d'accès et, surtout, de l'allongement de la période de cumul.
MM. Alain Lambert, président de la commission des finances, et Philippe Marini, rapporteur général. Il faudra voter notre proposition de loi !
M. Bernard Angels. En matière de justice et de cohésion sociale, les pouvoirs publics doivent engager à chaque étape un dialogue renouvelé avec les partenaires sociaux afin de définir ensemble les priorités et les pistes de travail.
A ce titre, je m'interroge sur le rôle à donner à l'UNEDIC dans la recherche de financements des programmes de lutte contre les exclusions ou pour le retour à l'emploi. Dans les années quatre-vingt-dix, l'Etat a tenu, pour de nombreux régimes sociaux, la place d'assureur en dernier ressort. Il a ainsi apporté un soutien important à l'UNEDIC - comme il l'a d'ailleurs fait pour d'autres régimes - quand celle-ci s'est trouvée en difficulté.
Aujourd'hui, en cette période de nouvelle croissance, certains régimes sociaux se trouvent dans une situation plus aisée, jusqu'à atteindre parfois l'excédent. Dès lors, il ne serait pas incongru, à mon sens, de réfléchir à des financements croisés sur des programmes concertés dans le cadre d'un processus rénové.
Au terme de cette intervention, je souhaite, mes chers collègues, reprendre en quelques mots les principes et les objectifs qui fondent, certes, ma réflexion budgétaire, mais plus largement mon action d'élu et mon engagement politique.
Il s'agit, d'abord, de l'écoute des besoins, des demandes, des revendications de nos concitoyens, sans laquelle nous ne saurions ni nous montrer dignes de notre fonction ni être en mesure de saisir les évolutions de la société.
Il s'agit, ensuite, de la volonté, à chaque étape de notre réflexion, d'assurer à tous une véritable égalité des chances en matière non seulement d'éducation, de formation, d'emploi, de fiscalité, mais aussi de justice, de sécurité, de logement ou de loisirs.
Ce sont, j'en suis persuadé, ces principes qui inspireront les choix budgétaires que le Gouvernement nous proposera pour l'année 2001. (Applaudissements sur les travées socialistes. - M. Delfau applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Badré.
M. Denis Badré. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous avons gardé en mémoire les termes d'un débat un peu surréaliste entre le Gouvernement et notre commission des finances sur ce qui fut appelé la « cagnotte », les estimations qu'en fit très tôt notre commission devant finalement s'avérer les bonnes, plus de 30 milliards de francs de recettes supplémentaires apparaissant à la fin de l'année 1999.
Notons à nouveau, tout de même, combien le terme de « cagnotte » est impropre, puisqu'il ne s'agit jamais que de plus-values de recettes par rapport à ce qui a été budgété et que les recettes budgétaires ainsi dégagées ne font jamais, elles aussi, qu'améliorer l'équilibre d'un budget qui en a bien besoin tant que subsiste un déficit. L'idée d'affecter ces recettes à de nouvelles dépenses devrait alors laisser songeur. Serions-nous en train de nous habituer à ce qui doit rester hors de la norme ?
J'ai toujours dit qu'il vaudrait mieux appeler « emprunt » ce déficit, comme le font toute nos collectivités locales. C'est d'ailleurs la réalité, et cela protège contre les tentations de la facilité.
Le dernier rapport de la Cour des comptes nous éclaire un peu mieux sur les pratiques budgétaires en usage depuis 1998. Celles-ci ont généralement sous-estimé les plus-values fiscales afin de constituer des « marges de manoeuvre » pour l'avenir, et ce, bien sûr, au détriment de l'indispensable transparence de nos finances publiques.
Monsieur le ministre, vous avez annoncé des mesures allant dans le sens de cette transparence, rompant ainsi avec ces pratiques. J'en suis heureux, mais, bien sûr, j'attends de voir. Nous vous jugerons en effet sur vos actes, notre commission des finances travaillant également, vous le savez, sur l'amélioration de la procédure budgétaire et sur la réforme de l'ordonnance de 1959.
Je me demande par ailleurs, monsieur le ministre, si ce n'est pas l'annonce de la nouvelle progression des prélèvements obligatoires en 1999 jusqu'à des niveaux records qui a contraint votre gouvernement à modifier sa stratégie budgétaire et à proposer dès maintenant certaines réductions d'impôts.
Ces réductions demeurent cependant bien modestes par rapport aux 400 milliards de francs de prélèvements suplémentaires appelés depuis 1997. Votre politique, monsieur le ministre, se veut vertueuse ; elle a jusqu'ici surtout les apparences de la vertu, mais, là aussi, nous vous jugerons sur les faits. Comme l'a d'ailleurs excellemment expliqué le président de la commission des finances, M. Lambert, le Gouvernement se fonde, pour assainir les finances publiques et réduire les prélèvements, sur une conjoncture exceptionnnelle, sans vraiment faire, pour l'instant du moins, de réformes structurelles.
Mon propos portera sur ces trois sujets : la conjoncture économique, les prélèvements en France, le contenu de la dépense publique et les réformes de structures, toujours plus faciles à conduire en période de croissance, même si cette facilité amène, au contraire, à les considérer comme peut-être moins urgentes.
La conjoncture économique, si elle est particulièrement favorable à court terme, reste fragile, surtout en Europe, et notamment en France.
Les prévisionnistes nous encouragent plutôt à demeurer optimistes pour les mois qui viennent, mais gardons-nous d'un enthousiasme excessif ! Les observateurs restent prudents pour ce qui concerne le plus long terme. Comme ce fut déjà le cas dans des périodes précédentes, la forte croissance de l'économie mondiale risque, en effet, d'entraîner une remontée des cours des matières premières, une reprise de l'inflation et une hausse des taux d'intérêt. Un retournement de conjoncture - M. Angels lui-même le soulignait à l'instant - ne doit donc pas être exclu.
Par ailleurs, la croissance ne durera en Europe qu'à deux conditions : d'une part, l'investissement doit encore progresser afin d'incorporer les nouvelles technologies dans le capital productif ; d'autre part, une attention particulière doit être portée aux emplois qualifiés. Mais la France supporte d'autres handicaps ; je pense, en particulier, aux retards pris dans les domaines de la fiscalité sur les entreprises, de l'épargne salariale ou, bien entendu, de la création d'une épargne-retraite.
On ne peut donc miser de manière certaine sur une croissance forte dans les prochaines années ni tabler sur de futures « cagnottes ». Sans réformes de structures, notre pays pourrait « déchanter » après avoir vécu une éphémère embellie.
Une première réforme est donc indispensable : la baisse des prélèvements obligatoires. M. le Premier ministre s'était engagé, en 1997, à « diminuer leur taux pour la première fois depuis 1992 ». Eh bien ! le taux des prélèvements obligatoires a augmenté de près de deux points en quatre ans !
Pour s'en tenir à l'année dernière, les recettes fiscales, nettes des remboursements et dégrèvements, ont augmenté de près de 8 %, c'est-à-dire deux fois et demie plus vite que le PIB en valeur. Une telle augmentation est sans précédent. Elle ne peut être acceptée comme une réalité ordinaire. Du moins devons-nous l'analyser de très près.
La quasi-stabilité des prélèvements en 2000 s'explique, notamment, par la poursuite de la baisse de la taxe professionnelle, compensée par l'institution de la contribution sociale sur les bénéfices, l'alourdissement de la taxe générale sur les activités polluantes, la TGAP, et le durcissement de la fiscalité des dividendes.
A cet égard, l'annonce, en mars, du record atteint par les prélèvements obligatoires en 1999 a provoqué, bien légitimement, un mécontentement de l'ensemble des contribuables, alors qu'en même temps on estimait à plus de 30 milliards de francs le niveau de la « cagnotte ».
Sous la pression de l'opinion publique, le Gouvernement a bien voulu parler de réductions d'impôts. Celles-ci ne suffiront pas, en tout état de cause, à annuler l'effet des hausses intervenues depuis 1997.
J'ajoute que certaines baisses, comme la suppression de la part régionale de la taxe d'habitation, supposent une compensation de la part de l'Etat, donc une augmentation des dépenses que celui-ci devra bien financer. S'il n'avait par à les financer, une baisse plus forte de la fiscalité serait envisageable. Il s'agit donc d'une forme de transfert de charge. La « charge » demeure en effet et elle est incontournable. Cette opération ne peut donc être considérée en soi comme réduisant les prélèvements obligatoires. Plus que le manque d'ambition du programme de baisse d'impôts, c'est le choix des impôts sur lesquels portent ces baisses qui me pose problème. Il est vrai que, pour ce qui touche la taxe d'habitation, je le disais à l'instant et j'y insiste, la réforme entame, à l'évidence, l'autonomie de nos collectivités locales. Mais il en est de même pour la TVA, qui reste le seul moyen de taxation de biens importés en provenance de pays dans lesquels les charges sont moins lourdes. D'un effet assez réduit sur le niveau des prix, comme le démontre l'étude de l'Institut national de la statistique et des études économiques pour le mois d'avril, la baisse d'un point du taux normal de la TVA n'était probablement pas ce que les Français attendaient en priorité.
Cependant, à partir du moment où vous avez choisi d'intervenir d'abord sur la TVA, monsieur le ministre, je note que, à coût égal, des passages ciblés au taux réduit peuvent avoir une efficacité beaucoup plus forte qu'une réduction générale, mais bien sûr de moindre amplitude, du taux normal. Le passage de celui-ci de 20,6 % à 19,6 % coûte, vous le rappeliez vous-même tout à l'heure dans votre exposé introductif, 30 milliards de francs en année pleine.
Comparons cette somme aux 4 milliards de francs que représente le passage au taux réduit pour l'ensemble des produits de la chocolaterie et de la margarine ! Je rappelle qu'une telle mesure, parfaitement « euro-compatible », s'impose aujourd'hui parce que la frontière entre ce qui relève du taux normal et ce qui relève du taux réduit est, dans ce domaine, tout a fait illisible. J'ai moi-même beaucoup de mal à distinguer, entre deux produits à base de chocolat, lequel relève de l'un et lequel relève de l'autre. Je n'aurai pas l'impertinence de vous suggérer, monsieur le ministre, de faire vous-même le test. Même pour vous, je pense que l'échec resterait possible. J'en parle avec une grande humilité, car je m'y suis hasardé et j'ai systématiquement échoué.
Une situation aussi confuse crée des distorsions totalement injustifiées et d'autant plus insupportables que l'écart entre les deux taux - quatorze points, même avec la réduction du taux normal à 19,6 % - reste l'un des plus forts d'Europe.
A ce point de mon exposé, je reviendrai aussi sur le secteur de la restauration et sur les innombrables difficultés qui apparaissent aux limites des domaines respectifs des restaurations traditionnelle, collective et rapide. Où finit le service à table et où commence la vente à emporter ? That is the question, si j'ose dire ! En tout cas, le problème n'est pas résolu et, là aussi, la seule manière de faire cesser des distorsions inexplicables et injustifiées consiste à appliquer le taux réduit à toute la restauration. Il en coûterait 20 milliards de francs. Si nous les ajoutons aux 4 milliards de francs du chocolat et de la margarine, nous sommes encore loin des 30 milliards de francs que vous venez d'engager avec la baisse d'un point du taux normal. Pour moins cher, donc, vous auriez traité de vrais problèmes, des problèmes que vous ne pouvez ignorer et auxquels vous devrez bien, un jour ou l'autre, apporter une solution.
Ainsi, vous auriez sans aucun doute donné un coup de fouet à des secteurs porteurs d'emplois, qui contribuent tout à la fois au rayonnement de la France et à la qualité de la vie quotidienne de tous les Français.
S'agissant de la restauration, vous savez d'ailleurs que vous pouvez étaler sur deux exercices l'effort à accomplir. Les Etats de l'Union européenne peuvent, en effet, rappelons-le, disposer de deux taux réduits compris entre 5 % et 15 %. Le coût, dans un premier temps, du retour à un taux de 14 % de ce qui reste à 19,6 % dans le domaine de la restauration coûterait moins de 10 milliards de francs. Cela ramènerait à 8,5 points les écarts subsistant à l'intérieur du secteur et réduirait déjà le caractère aigu des problèmes qui s'y posent.
L'auteur du rapport Comment baisser le taux de TVA ? doit à l'honnêteté de rappeler qu'une telle mesure n'est pas actuellement euro-compatible. Et je continue à regretter que vous n'ayez pas saisi l'opportunité qui vous avait été offerte de lever cette difficulté à l'automne dernier, lors de l'adoption de la directive sur les services à haute intensité de main-d'oeuvre.
Depuis, directement ou indirectement, chaque Etat trouve sa solution, même le Portugal, qui aurait alors souhaité une alliance plus forte avec nous sur ce thème ; mais nous lui avons un peu fait défaut.
Monsieur le ministre, nous sommes les derniers à ne pas l'avoir fait. Il vous faudra bien vous engager sur cette voie, en prenant d'abord une initiative à Bruxelles pour lever l'euro-incompatibilité actuelle, sachant qu'ensuite, dans le contexte actuel, la difficulté budgétaire devrait pouvoir être surmontée.
Vous ne pouvez ignorer le problème. D'ailleurs le Conseil d'Etat vient d'annuler deux décisions ministérielles exonérant la restauration collective. Comment celle-ci va-t-elle être traitée ? Se verra-t-elle appliquer un taux de 19,6 % ? Cela m'étonnerait, et cela me paraît même impossible pour les cantines scolaires. Mais le problème est bien réel.
Plus généralement, qu'attendent les Français aujourd'hui en matière fiscale ? Un allégement réellement perceptible de leurs charges, donc à l'évidence de l'impôt sur le revenu pour ceux qui le payent, de leurs charges sociales, ou de la CSG. Une baisse des cotisations sur les salaires entre 1 et 1,3 SMIC constituerait une mesure sociale vraiment significative, cela a déjà été dit, en permettant d'augmenter le salaire direct de 7 millions de personnes.
Cependant, comme le démontrent des expériences étrangères récentes, des progrès réellement durables ne peuvent passer que par la réduction de la dépense publique. Or, jusqu'ici, monsieur le ministre, vous ne semblez pas vous être engagé sur cette voie. Sans doute devez-vous compter avec les nécessités de l'union de la majorité plurielle et avec la préparation d'échéances qui se rapprochent. Mais vous ne préparez pas l'avenir !
Les dépenses continuent à progresser à peu près au rythme de la richesse nationale, alors que la France, en dépensant plus de 54 % de son PIB, bat un record qui la situe quinze points au-dessus de la moyenne des pays du G7 et plus de six points au-dessus de la moyenne de la zone euro.
Là aussi, soyons complets : le programme pluriannuel prévoit de ramener le rapport de la dépense publique au PIB à 51,1 % en 2003, voire à 50,4 % si le taux de croissance est de 3 %.
Je regrette cependant que le rapport préparé pour ce débat d'orientation budgétaire ne nous donne aucune indication sur les moyens que vous entendez vous donner pour y parvenir, monsieur le ministre. Peut-être allez-vous nous apporter des précisions à l'occasion de ce débat.
De plus, en 2001, pour la première fois depuis 1998, la France ne pourra pas compter sur le poste des charges de la dette pour réaliser des économies. Au contraire, les intérêts nets versés par le Trésor aux détenteurs d'obligations françaises vont progresser sous l'effet de la hausse des taux.
En outre, la rigidité des dépenses publiques s'accroît : la part des dépenses en capital n'est plus que de 9,8 % des dépenses totales, hors remboursements et dégrèvements, en 1999, au lieu de 11 % en 1995. Aucune des dépenses parmi les plus rigides - fonction publique ou assurance maladie - n'a fait l'objet de véritables réformes.
Ainsi, s'agissant des effectifs de l'administration, si la stabilité reste en principe l'objectif - et cela me paraît être la moindre des choses - la lettre de cadrage pour 2001 maintient un flou total sur vos intentions, monsieur le ministre. Vous envisageriez même une hausse de ces effectifs, et ce en contradiction flagrante avec le rapport Cieutat rédigé pour le compte du Commissariat général du Plan.
Cette évolution de la structure de notre dépense publique rend le budget de l'Etat plus vulnérable à un retournement de la conjoncture économique. Elle accroît le risque de dérapage par rapport aux normes de la discipline budgétaire européenne en cas de ralentissement de la croissance, ralentissement qu'il ne faut pas écarter, comme je l'indiquais en préambule.
Ainsi, il ne faut pas s'étonner que le Gouvernement français continue à afficher les plus mauvais résultats de la zone euro pour ce qui concerne les déficits publics : 1,7 % en 2000 dans la meilleure des hypothèses.
La baisse du déficit du budget de l'Etat résulte actuellement d'une forte croissance des recettes et de la diminution des taux d'intérêts. Examinant la situation des finances publiques françaises, la Commission européenne a rappelé récemment qu'atteindre un équilibre, voire dégager un excédent budgétaire - ce qui serait un miracle - restait la règle du pacte de stabilité. Diminuer les recettes sans accélérer la baisse des dépenses freine la réduction des déficits et de la dette.
En conclusion, pour être vraiment porteur d'espoir, le budget de 2001 devra traduire une véritable volonté de réforme. L'économie française ne se situe dans le peloton de tête des pays de l'euro que dans deux domaines : la balance courante et l'inflation. Aujourd'hui, il faut lui insuffler le dynamisme nécessaire pour consolider durablement le mouvement de baisse du chômage. Le préalable est évidemment une réforme en profondeur de l'Etat, réforme que la France continue à éluder, tournant le dos aux choix courageux de ses principaux partenaires comme de ses concurrents (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Bourdin.
M. Joël Bourdin. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'économie française est engagée dans sa troisième année de forte croissance : pour les trois années 1998-2000, celle-ci sera en effet supérieure à 3 % en moyenne, comme vous le savez.
Depuis l'avènement de ce que l'on qualifie généralement d'« économie mondialisée », laquelle se caractérise par la liberté des mouvements de capitaux et la surveillance permanente des politiques économiques nationales par les marchés financiers, l'économie française n'avait connu qu'un seul épisode comparable de forte croissance : c'était au cours de la période 1988-1990.
Si je rappelle ce précédent, c'est parce que nous devons tous l'avoir présent à l'esprit, et en particulier le Gouvernement auquel vous appartenez, monsieur le ministre : il s'agit là, en effet, d'un exemple particulièrement significatif d'un cycle de croissance brutalement interrompu par des politiques économiques - budgétaire comme monétaire - tout à fait inadaptées.
Dans les systèmes économiques complexes que nous connaissons, la croissance se mérite par des politiques vertueuses et crédibles. La question principale et fondamentale soulevée par ce débat me paraît ainsi être la suivante : quelle politique économique et, en particulier, quelle politique budgétaire doivent être mises en oeuvre pour que la phase actuelle d'expansion économique et de diminution du chômage se prolonge durablement ?
C'est en se référant constamment à cette question que doivent être appréciés les mesures contenues dans les orientations budgétaires et dans ce collectif, ainsi que les engagements proposés pour les trois prochaines années par le programme triennal des finances publiques.
S'agissant, tout d'abord, de l'année budgétaire, trois questions nous sont posées, monsieur le ministre.
Premièrement, les mesures d'allégement d'impôts constituent-elles les prémices d'une politique durable d'allégement des prélèvements obligatoires ou de la réforme fiscale dont notre pays a besoin ?
Deuxièmement, les mesures que vous nous proposez sont-elles favorables à la construction européenne, en particulier à la crédibilité de la construction monétaire ?
Troisièmement, enfin, l'inflexion de la politique budgétaire que traduit le collectif que nous examinerons demain est-elle adaptée au contexte macroéconomique actuel ?
Pour répondre à la première question, je rappellerai cette évidence : en France, les mesures d'allégement des prélèvements obligatoires n'ont jamais été durables pour la simple raison qu'elles n'ont jamais été accompagnées des mesures d'allégement des dépenses publiques correspondantes. Ainsi les hausses d'impôts ont-elles succédé aux allégements, au gré de la conjoncture et de l'évolution des rentrées fiscales. Je parlais, au début de mon intervention, de la période 1988-1990 : celle-ci est un exemple criant de ce que je viens de dire. La croissance a certes permis à l'époque d'alléger massivement les impôts - de près de deux points de PIB - mais, faute d'économies sur les dépenses, cela n'a fait que creuser le déficit structurel des finances publiques, le ralentissement puis la récession de 1993 obligeant, par la suite, à instaurer de nouvelles hausses d'impôts pour rétablir les comptes publics.
Pour cette raison, les orientations budgétaires que vous nous proposez apparaissent comme une occasion manquée pour enfin mettre en oeuvre cette politique d'allégement des prélèvements obligatoires à laquelle vous vous déclarez si attaché, monsieur le ministre.
De même, vos orientations budgétaires ne constituent en aucun cas l'ébauche de la réforme fiscale d'ensemble dont notre pays a besoin. En effet, rien n'est proposé pour remédier à ce qu'un rapport du conseil d'analyse économique présenté par M. Bourguignon mettait en évidence, après bien d'autres, à savoir des taux d'imposition marginaux totalement anti-économiques aux deux bouts de l'échelle des revenus : taux marginaux facteurs de non-incitation au travail pour les personnes qui ont les plus bas revenus et de délocalisation pour celles qui ont les plus hauts revenus.
La période de croissance actuelle aurait été favorable à une réforme d'ensemble de la fiscalité, dans la mesure où tous les agents, grâce aux surplus de recettes, auraient pu y être « gagnants ». Avec le saupoudrage de mesures ponctuelles comme celles qui nous sont proposées, on a encore le sentiment qu'une occasion a été gâchée.
J'en viens à ma deuxième question : ce collectif est-il favorable à la construction européenne ? Une chose, tout d'abord, est certaine : les mesures proposées ne sont pas de nature à améliorer la compétitivité fiscale de la France, surtout si on se réfère aux programmes fiscaux arrêtés par nos partenaires, en particulier par l'Allemagne.
La France continue à surtaxer les ressources les plus délocalisables, à savoir les entreprises et l'épargne.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Tout à fait !
M. Joël Bourdin. Ni ces contraintes, ni celle de l'harmonisation des fiscalités au sein de la zone euro ne sont prises en compte dans les mesures d'allégements d'impôts que vous nous proposez.
Surtout, croyez-vous, monsieur le ministre, que la France, dont le Gouvernement souhaite, par ailleurs, renforcer à juste titre le rôle du Conseil de l'euro 11 afin qu'il devienne un partenaire de discussion crédible pour la Banque centrale européenne, s'engage réellement dans cette voie en étant le seul pays à dépenser ainsi les dividendes de la croissance, à ne pas véritablement réduire son déficit structurel ? Seule l'Autriche fait plus mal en la matière, selon l'OCDE. Il s'agit là, à l'évidence, de ce que les économistes qualifient de comportement non coopératif, ou encore de « passager clandestin », alors que chacun sait que c'est le manque de coordination des politiques budgétaires et fiscales qui pénalise actuellement l'euro sur les places financières internationales.
Enfin, ce collectif budgétaire est-il adapté au contexte macroéconomique actuel ?
Les mesures proposées ne concernent que les ménages et sont favorables à la demande. Pourtant, eu égard au dynamisme actuel spontané de la demande et alors que des incertitudes de plus en plus fortes apparaissent quant à la possibilité pour l'économie française d'accroître ses capacités de production et de soutenir une croissance durable sans saturation de l'offre et sans risques inflationnistes, des mesures de soutien de l'offre et de l'investissement auraient sans aucun doute été plus opportunes.
Surtout, l'orientation expansionniste de la politique budgétaire ne se justifie pas dans une période de forte croissance. Je ne suis pas de ceux qui s'inquiètent d'une dégradation passagère des finances publiques en période de récession, mais celle-ci n'est acceptable que si l'on constitue des réserves et si l'on rétablit résolument les comptes publics dans une période favorable comme celle que nous connaissons actuellement. J'ai d'ailleurs cru comprendre que, sur ce point, vous n'étiez pas loin de penser comme nous.
De ce point de vue, les Etats-Unis nous ont offert et nous offrent un exemple remarquable de ce rôle de « stabilisation automatique » par les finances publiques : un de vos prédécesseurs, M. Strauss-Kahn, souhaitait d'ailleurs légitimement que la France s'en inspire. A cet égard, je ne suis pas sûr - il faudrait lui demander son avis - qu'il aurait beaucoup apprécié les orientations actuelles.
Certes, nous savons tous que le budget n'est pas le fruit d'une réflexion globale sur la politique économique ou la fiscalité, mais qu'il est une réponse politique, sous la contrainte de l'urgence, à cette grave erreur de communication qu'aura été ce que les médias ont nommé « l'affaire de la cagnotte ». Comment le Gouvernement a-t-il pu laisser s'installer l'idée qu'un pays dont la dette publique atteint 4 500 milliards de francs et le déficit budgétaire 215 milliards de francs disposerait d'un « trésor » d'une cinquantaine de milliards de francs, qu'il faudrait restituer immédiatement aux contribuables, comme si ce n'étaient pas les mêmes contribuables qui finançaient par leurs impôts la charge de la dette ? J'aimerais être sûr que le Gouvernement en a retiré la conviction qu'en ces matières la transparence et le débat démocratique sont toujours préférables au secret et à l'opacité technocratiques.
Venons-en maintenant au moyen terme et aux orientations proposées par le programme pluriannuel des finances publiques. Je formulerai, sur ce programme, une double appréciation : manque de volontarisme et manque de transparence.
Manque de volontarisme, tout d'abord, en matière d'allégement des prélèvements obligatoires : le Gouvernement propose, en effet, d'alléger le taux des prélèvements obligatoires de 1,35 point en moyenne à l'horizon 2003. Or cette évolution est tout à fait insuffisante car elle ne nous permettrait pas de revenir au niveau de nos principaux partenaires européens, au contraire même si ceux-ci confirment les programmes d'allégements qu'ils ont engagés.
Manque de volontarisme, ensuite, en matière de dépenses : comme je l'ai dit tout à l'heure, il n'y a d'allégement durable des prélèvements obligatoires que s'il s'accompagne d'une réduction des dépenses publiques. Or, à l'horizon 2003, il nous est proposé une augmentation des dépenses publiques de 1,3 % par an, en francs constants.
Manque de volontarisme, enfin, en matière de déficit et de redressement des finances publiques : l'objectif affiché à l'horizon 2003 est un déficit public équivalent à 0,4 % du PIB. Ainsi, si on retient vos hypothèses de croissance, après six années de croissance soutenue, c'est-à-dire entre 1998 et 2003, les finances publiques ne seront pas revenues à l'équilibre : cet objectif n'est ni suffisant ni raisonnable.
M. le président de la commission des finances et M. le rapporteur général ont longuement expliqué comment la France pouvait s'engager dans un programme beaucoup plus ambitieux de réduction concomitante des prélèvements obligatoires, des dépenses publiques et des déficits, sans pénaliser la croissance économique à moyen terme. Je reprendrai plus particulièrement, en insistant sur ce point, la proposition d'allégement des cotisations sociales employeurs, l'expérience montrant, depuis 1993, qu'elle est extrêmement favorable à la création d'emplois. Dans la période qui s'annonce, de tension sur l'offre productive, c'est le moyen le plus approprié pour alléger le coût du travail et abaisser le niveau du chômage structurel dans notre pays, afin d'augmenter ainsi la croissance potentielle.
Si le Gouvernement souhaite engager une réforme utile et efficace des prélèvements obligatoires, je lui suggère - comme la majorité de la commission des finances - modestement de réfléchir à une baisse conjointe des cotisations à la charge des employeurs et de celles qui sont payées par les salariés. Je crois que cette double baisse serait socialement bien acceptée et permettrait de soutenir à la fois l'offre productive et la demande des ménages, tout en réduisant les risques inflationnistes.
Il me semble même qu'une initiative française à l'échelon européen dans ce domaine serait tout à fait opportune, tant la pénalisation fiscale excessive du travail semble un facteur commun à l'ensemble de la zone euro.
Je conclurai sur le manque de transparence des engagements à moyen terme du Gouvernement en matière de finances publiques. Annoncer des orientations générales en matière de finances publiques pour les trois prochaines années est, certes, un progrès, que l'on doit - faut-il le souligner ? - au traité de Maastricht.
Mais décrire par le détail la manière dont les engagements pourraient être obtenus les rendrait nettement plus crédibles. Quel crédit accorder, en effet, à une programmation triennale qui ne dit rien de l'évolution des effectifs publics, des conséquences des 35 heures dans la fonction publique sur les effectifs et les rémunérations, ou encore de l'effet, sur les finances publiques, des 35 heures dans le secteur privé ?
Nous ne doutons pas, monsieur le ministre, que vous disposiez de simulations à moyen terme décrivant l'évolution détaillée des dépenses publiques compatible avec les objectifs globaux que vous affichez. La communication de ces travaux serait tout à fait utile à l'information du Parlement ; il est d'ailleurs une époque lointaine où la direction de la prévision les communiquait au Sénat. Après ce que j'ai entendu cet après-midi, je ne doute pas que vos prises de position en matière de transparence des finances publiques vous conduiront à donner, dans quelque temps, une suite favorable à cette requête.
Entre des orientations budgétaires que nous jugeons inadaptées au contexte économique actuel, qui ne constituent, en outre, qu'une réponse politique de circonstance à une mauvaise communication, et des orientations à moyen terme peu crédibles et manquant d'ambition, vous comprendrez, monsieur le ministre, que, comme l'a dit avant moi M. Roland du Luart, le groupe des Républicains et Indépendants émette des réserves sur vos orientations budgétaires. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste. - M. Paul Girod applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Descours.
M. Charles Descours. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, étant rapporteur de la loi de financement de la sécurité sociale, je parlerai, bien évidemment, des problèmes liés aux finances sociales. C'est d'ailleurs un exercice un peu curieux que d'évoquer ces problèmes alors que le ministre en charge de ce secteur n'est pas devant nous ! Mais nous n'avons pas d'autre possibilité pour parler des lois de financement de la sécurité sociale en cours d'année que d'intervenir lors du débat d'orientation budgétaire. On voit bien que, sur ce point, nous en sommes encore aux balbutiements de l'ère de la démocratie sociale, qui ne progresse pas vite !
Je souscris bien évidemment aux propos tenus tout à l'heure par M. Delaneau, président de la commission des affaires sociales : nous devons effectivement tirer les conséquences du changement de nature de ce débat.
Je formulerai trois remarques relatives aux finances sociales.
Tout d'abord, s'agissant des comptes sociaux et des dépenses d'assurance maladie, dont notre excellent rapporteur général a parlé dans son intervention, il est banal de dire que l'équilibre atteint en 1999 et en 2000 est obtenu grâce à la croissance et aux mesures de redressement prises par les lois de financement de 1997 et 1998, dont l'effet en année pleine se fait sentir. Ces « mesures de redressement » ont consisté à accroître les prélèvements sociaux, en particulier sur l'épargne, avec le basculement CSG/cotisations d'assurance maladie. Cette pression supplémentaire avait sa contrepartie : la conduite d'une politique de maîtrise des dépenses d'assurance maladie. C'était le sens du plan Juppé. En 1997, malgré un ONDAM rigoureux - il progressait de 1,6 % - cette maîtrise était assurée.
Acutellement, il est banal de dire que les dépenses d'assurance maladie continuent à déraper. L'inquiétant, comme vous l'avez dit vous-même, monsieur le ministre, est de savoir ce qui se passerait en cas de retournement de la conjoncture.
Actuellement, nous le savons, l'assurance maladie est déficitaire de 9 milliards de francs, même si Mme Aubry, par une petite astuce banale et bien compréhensible - elle a additionné les choux et les navets ! - a trouvé 250 millions de francs d'exédents. C'est oublier que, depuis la loi de 1994, on n'a plus le droit d'additionner les résultats de l'assurance maladie, de la vieillesse et de la famille !
Nous avons assisté au dérapage de l'ONDAM 1998 et de l'ONDAM 1999, et nous sommes en train d'assister au dérapage de l'ONDAM 2000. Un débat me semble donc nécessaire. Mme Aubry, en septembre 1999, avait proposé, devant la commission des comptes de la sécurité sociale, un débat sur la santé publique - je l'avais même approuvée - en déclarant qu'un tel débat aurait lieu au printemps 2000. J'espère que la démocratie sanitaire aura plus de réalité que ce débat que, hélas ! nous n'avons pas eu ! Nous avons simplement constaté que le Gouvernement a dénoncé des accords signés entre les caisses et les médecins.
Or on voit bien que l'on ne peut pas, aujourd'hui, maîtriser les dépenses d'assurance maladie sans les partenaires sociaux qui sont les gestionnaires des caisses et sans les professionnels de santé.
Le Gouvernement s'est attaqué au paritarisme, en voulant mettre les branches de la sécurité sociale à contribution pour financer les 35 heures. Au même moment, la Caisse nationale d'assurance maladie proposait un « plan stratégique » que le Gouvernement n'a voulu ni étudier ni même soumettre à débat. Il faut d'ailleurs dénoncer le climat actuel régnant entre la CNAMTS et le ministre de tutelle, climat qui a été illustré jusqu'à la caricature lors du dernier conseil de la commission des comptes de la sécurité sociale, le 22 mai dernier.
Je le rappelle, le Gouvernement a cantonné la CNAMTS au pilotage de la seule enveloppe des « soins de ville ». Pourtant, cette séparation entre les quatre grandes enveloppes de l'ONDAM est de plus en plus artificielle. Chacun sait que, pour éviter l'affrontement permanent entre les dépenses de soins dans les hôpitaux publics et dans les hôpitaux privés, il faudra « fongibiliser » les dépenses de santé et transformer les agences régionales d'hospitalisation en agences régionales de santé.
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Très bien !
M. Charles Descours. Il s'agit d'une tendance lourde à laquelle nous serons contraints, et ce quel que soit le Gouvernement. Mme Aubry s'est accaparé les hôpitaux - mais c'était déjà le cas avant elle -, les cliniques privées et, maintenant, le médicament, ne laissant à la CNAMTS que la médecine ambulatoire. Ce « saucissonnement » est peut-être une stratégie des Horaces ou des Curiaces ; en tout cas, en termes de politique sanitaire, c'est catastrophique. Nous ne pouvons pas, me semble-t-il, compte tenu de notre histoire, faire l'impasse sur les partenaires sociaux dans notre système de protection sociale. Sommes-nous bismarckiens, beveridgiens ? Depuis 1945, en tout cas, les partenaires sociaux sont des acteurs incontournables de la protection sociale, et il faut que le climat qui règne entre eux, notamment la CNAMTS, et le ministre de tutelle change, car la situation actuelle n'est pas bonne pour notre système d'assurance maladie.
Je voudrais également souligner que, dans ce domaine, l'Etat a des obligations, même s'il laisse les partenaires sociaux travailler dans des conditions convenables. En effet, il a la responsabilité essentielle de définir des priorités de santé publique - et là aussi nous attendons des textes qui nous avaient été annoncés pour le printemps mais qui seront, paraît-il, présentés à l'automne, saison qui devrait être bien chargée ! - ainsi qu'un « panier de soins » remboursable. En définissant ce « panier de soins », je crois qu'il faut affecter des moyens en fonction d'objectifs clairs qui soient discutés par le Parlement et sortir de la logique comptable qui est aujourd'hui celle de l'ONDAM.
Je dois dire objectivement que je comprends les professionnels de santé - j'en suis un - et que j'ai défendu les ordonnances « Juppé », estimant qu'elles ne relevaient pas d'une simple logique comptable. Cela étant, le dispositif reste très largement comptable, et il est évident que, si l'on veut solliciter les professionnels de santé, il faudra changer de logique. Je pense qu'il n'y a pas de fatalité à l'accroissement des dépenses de santé, même si le vieillissement de la population représente un enjeu considérable.
Ma deuxième observation concerne le financement du passage aux 35 heures. Il s'agit là d'un feuilleton à rebondissements, dont le déroulement risque de peser lourd, à l'avenir, sur les finances publiques. Je rappelle que le FOREC, le fonds de financement des 35 heures, est une machine extrêmement lourde et complexe, et je voudrais vous dire, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, qu'il semble que vous-mêmes et vos services vous trompiez quelque peu puisque, à la page 32 du rapport déposé par le Gouvernement pour le débat d'orientation budgétaire, vous affectez au FOREC une partie des prélèvements sociaux sur le capital, alors qu'il s'agit d'une partie des droits de consommation sur les alcools...
Bref, dire que le FOREC n'est pas une usine à gaz serait une contrevérité !
Et puisque vous parliez tout à l'heure de démocratie et de transparence, monsieur le ministre, laissez-moi vous dire que la création d'une institution comme le FOREC est complètement contraire à la transparence financière ! Je suis d'ailleurs sûr que même les membres de votre cabinet ne sont pas tous susceptibles de nous dire comment est financé ce fameux FOREC ! Alors, comment voulez-vous que les parlementaires et, au-delà, l'opinion publique y comprennent quelque chose ? Et pourtant, c'est pour les 35 heures !
Je rappelle que le Gouvernement avait initialement prévu que devaient contribuer au financement de la réduction du temps de travail l'UNEDIC - j'étais un peu inquiet, tout à l'heure, quand on a parlé du rôle de l'UNEDIC et de ses excédents -, les régimes sociaux et l'Etat, sous le fameux prétexte qu'il y aurait un « retour pour les finances publiques ». Seulement, la théorie du « retour pour les finances publiques » n'a pas convaincu les partenaires sociaux. La contribution demandée à l'UNEDIC - 7 milliards de francs - a donc été retirée du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000. Puis, la contribution demandée aux régimes sociaux a également été supprimée, moyennant un prélèvement sur leurs recettes. Enfin - cerise sur le gâteau - le Conseil constitutionnel est passé par là et a supprimé la taxe sur les heures supplémentaires de 7 milliards de francs censée pallier la défaillance de l'UNEDIC. Si bien que, aujourd'hui, je cherche toujours à savoir comment est financé ce fonds sur les 35 heures.
J'ai étudié de près, à l'occasion d'une mission de contrôle, au nom de la commission des affaires sociales, le nouveau mécanisme d'allégement de charges. Tous les responsables d'URSSAF que nous avons rencontrés nous ont dit que le nombre d'emplois créés par les 35 heures ne sera jamais précisément connu, parce qu'il ne peut pas être connu ! Seuls peuvent être additionnés les engagements de création d'emplois des entreprises lors de la signature de l'accord sur les 35 heures. Les entreprises les plus malignes, c'est-à-dire les plus grosses, ont bien compris le système, et elles se sont engagées dans cette affaire ; mais on ne sait absolument pas si les emplois créés l'ont bien été au titre des 35 heures ou s'il ne s'agit pas d'emplois qui auraient été créés de toute façon du fait de la croissance économique. Bref, je crains que nous ne soyions déçus lorsque nous ferons un bilan à froid.
Monsieur le ministre, si j'ai bien compris, la « participation de l'Etat » de 4,3 milliards de francs n'était pas une subvention d'équilibre. Toutefois, le fonds doit quand même être équilibré « dans les conditions prévues par la loi de financement », aux termes de l'article 5 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000. A défaut d'un projet de loi de financement de la sécurité sociale rectificatif - Mme Aubry m'a expliqué qu'on ne faisait pas un projet de loi de financement de la sécurité sociale rectificatif chaque fois qu'il y avait une grippe, et j'ai cru comprendre que les décisions du Gouvernement et du Conseil constitutionnel étaient au-dessus des grippes - quelles sont les pistes envisagées par le Gouvernement ? Faut-il augmenter la fiscalité affectée au FOREC ? Dans l'affirmative, laquelle ? La taxe générale sur les activités polluantes ? La contribution sociale sur les bénéfices ? Les droits sur les alcools ? Les droits sur le tabac ? En tout état de cause, je rappelle que la loi prévoit que le FOREC doit être équilibré.
Pour 2000, je ne me fais pas trop de souci pour le financement des 35 heures. Certes, les recettes manquent, mais les dépenses ne sont pas non plus au rendez-vous. Les entreprises ont prudemment attendu avant de se lancer dans l'aventure du nouveau mécanisme d'allégement de charges. Apparemment, il n'y a que 57 milliards de francs de recettes « sûres », alors qu'on en avait prévu 105 milliards de francs. Même si les recettes du FOREC progressent de façon très dynamique, il manquerait malgré tout entre 40 milliards de francs et 50 milliards de francs, d'après ce que nous ont dit ceux qui suivent ce financement.
Ma dernière observation portera sur le financement des retraites. C'est bien évidemment la question majeure à long terme. Mais c'est un long terme qui ne cesse de se rapprocher : la branche vieillesse du régime général serait en déficit à partir de 2007-2008. Que peut-on retenir des dispositions gouvernementales sur les retraites ? Contrairement à ce qui est dit ici ou là, la commission des affaires sociales et le Sénat avaient voté pour la création du fonds de réserve sur les retraites. Vous venez de nous redire, monsieur le ministre, que vous souhaitiez l'augmenter d'une façon plus substantielle - pour le moment, il y a 2 milliards de francs, et il y aura probablement 20 milliards de francs d'ici à la fin de l'année avec l'apport des fonds des caisses d'épargne - par l'affectation du produit de la mise aux enchères des licences téléphoniques de troisième génération.
Je voudrais simplement rappeler que M. le Premier ministre a évoqué un chiffre magique de 1 000 milliards de francs en 2020. Mais il ne faut pas oublier que, pour la seule année 2020, le besoin de financement des régimes de retraite atteindrait 400 milliards de francs. Dans ces conditions, que peut signifier le fait de disposer de 1 000 milliards de francs en 2020 quand le déficit cumulé des régimes de retraite sur les années 2010 à 2020 serait de 1 500 milliards de francs ? Là-dessus, je crois que nous sommes à peu près tous d'accord. Je comprends très bien qu'avant les élections législatives et l'élection présidentielle, il vous sera très difficile de mettre en oeuvre des réformes, puisqu'il faudra de toute façon commencer par s'occuper des retraites de la fonction publique et qu'une telle démarche est évidemment, pour vous, suicidaire. Mais plus on tarde, plus on sera à la traîne des autres pays. Même l'Italie, pays qui, pourtant, en termes de réforme n'a pas pour habitude d'être à la pointe, a pris des mesures sur cette réforme des retraites.
Je voudrais rappeler que la seule décision, à part le fonds de réserve, est la création d'un « conseil d'orientation des retraites » ; le Gouvernement a placé un haut fonctionnaire à la tête de ce conseil, ce qui laisse augurer de son indépendance et de sa volonté de proposer des décisions désagréables. (Sourires.) Ce haut fonctionnaire placé à la présidence a d'ailleurs tout de suite déclaré que le conseil d'orientation des retraites ne serait « ni un lieu de décision ni un lieu de négociation mais un lieu de mûrissement du débat ». Vraiment, si avec cela on se sort de la réforme des retraites... Je crois en réalité que la réforme et la sauvegarde des régimes de retraite par répartition méritent mieux que cela. La politique du Gouvernement dans le domaine des retraites tient à deux mesures symboliques.
La première est l'abrogation de la loi Thomas, prévue par le projet de loi de modernisation sociale. Une proposition de loi sur l'épargne retraite a été adoptée par le Sénat, sur l'initiative de M. Arthuis et de moi-même, en présence de M. Strauss-Kahn, alors ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Ce dernier nous avait alors expliqué que le Gouvernement entendait prochainement déposer un projet de loi qui n'aurait pas été très éloigné du texte adopté par le Sénat. Cependant, une partie de votre majorité est très hostile à la sortie en rente. Vous nous avez proposé voilà quelques semaines, d'instituer une nouvelle forme d'épargne salariale, sorte d' ersatz des fonds de pension, mais qui n'est pas de nature à régler toutes les questions.
La seconde mesure est la création d'un comité consultatif.
Ces deux mesures représentent peu de chose pour un enjeu aussi considérable.
Vous avez dit, monsieur le ministre, que la méthode du Gouvernement se résumait au triptyque « diagnostic, dialogue, décision ». Les diagnostics se répètent. Les dialogues s'apparentent à une forme de bégaiement. Je souhaiterais, avec l'ensemble de la majorité sénatoriale, que l'on en vienne aux décisions sans attendre les échéances législatives. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, après l'Assemblée nationale, nous voici donc penchés sur les orientations que le Gouvernement a prévues pour l'année 2001.
C'est un débat intéressant, qui doit être évalué à sa juste mesure, et permettez-moi, monsieur le ministre, de saluer la volonté du Gouvernement de poursuivre dans une voie qui n'est pas si récente que cela puisque, même si l'on nous dit qu'il y a cinq ans que l'on pratique ainsi, en réalité, le premier exercice remonte à 1990, si mes souvenirs sont exacts.
Je crois que c'est un exercice louable à tous points de vue, parce qu'il faut effectivement éclairer l'opinion et les parlementaires sur ce que sont les prévisions du Gouvernement en matière de finances publiques pour l'année suivante. N'a-t-on pas fait la Révolution pour que les représentants du peuple consentent à la dépense et aux recettes ?
Bien entendu, ce débat ne vient pas tout à fait à son heure, parce que nous savons bien, monsieur le ministre, que les arbitrages budgétaires sont quand même déjà très engagés. Personne ne saurait cependant vous le reprocher : vous êtes à ce poste depuis un temps relativement limité et, par conséquent, c'est une preuve de courtoisie de votre part - et nous vous en sommes reconnaissants - de venir aujourd'hui devant le Sénat. Mais nous pouvons peut-être espérer que, l'année prochaine, si la situation est toujours celle que nous connaissons, nous pourrons en délibérer un peu plus tôt.
Mes chers collèges, je voudrais attirer l'attention du Sénat et celle du Gouvernement sur trois points : d'abord, le contenu des informations qui nous sont transmises à l'occasion de ce débat ; ensuite, le bilan de la politique économique, financière et budgétaire du Gouvernement et ses perspectives ; enfin - personne ne s'en étonnera - la situation des collectivités locales en la matière : j'avais eu l'occasion d'appeler l'attention de M. le Premier ministre, il n'y a pas très longtemps, sur le sujet, en lui faisant remarquer la contradiction qu'il y a à pousser l'idée de la décentralisation d'un côté et à mettre en pratique une politique de restriction des capacités et des libertés financières des collectivités locales de l'autre - mais j'y reviendrai dans quelques instants.
En ce qui concerne les informations qui nous sont transmises, monsieur le ministre, je prends acte de vos engagements devant l'Assemblée nationale, que vous avez réitérés tout à l'heure devant notre assemblée. Je me permets d'ailleurs de constater - avec une certaine joie, d'ailleurs - que les remarques formulées lors du débat d'orientation budgétaire de 1997 par notre collègue M. Lambert ont porté leurs fruits. Ainsi, à titre d'exemple, avez-vous, semble-t-il, décidé avec sagesse de communiquer à la commission des finances du Sénat, et ce dès le débat sur le projet de loi de finances pour 2001, les lettres de cadrage du Premier ministre. Il est en effet extrêmement important que nous ayons en main ce document, car c'est, en définitive, celui qui va orienter réellement les dépenses, sous réserve que les lettres de cadrage telles qu'elles sont formulées à cette époque soient effectivement mises en oeuvre - mais, de ce côté-là, nous n'avons pas d'inquiétude - et qu'une fois le vote du Parlement acquis, il n'y ait pas de bouleversement subreptice du budget.
Quoi qu'il en soit, c'est un élément intéressant de réflexion, encore que nous soyons un peu inquiets sur le fameux problème du périmètre : chaque fois qu'on parle de périmètre, on parle de frontière et, quand on parle de frontière, on parle vite de conflit.
De la même manière, vous vous êtes engagé, afin de mieux garantir la sincérité des prévisions de recettes, à saisir la commission des comptes économiques de la nation avant même la commission des finances de l'assemblée concernée. Tout cela fait partie d'innovations qui répondent aux voeux formulés par nos collègues.
Permettez-moi tout de même deux interrogations, monsieur le ministre.
Comptez-vous renforcer également l'information des parlementaires en communiquant, par exemple, aux assemblées les éléments transmis habituellement à la fin du mois de mars par le Gouvernement à la commission des comptes de la nation, avant l'examen du projet de loi de finances ? En second lieu, ne considérez-vous pas que ces nombreuses promesses de réformes traduisent cruellement, et par contraste, une transparence aujourd'hui peu satisfaisante ? J'y reviendrai dans quelques instants au sujet des collectivités territoriales.
Sur le bilan de la politique économique, budgétaire et financière du Gouvernement, je n'aurai pas, monsieur le ministre, l'indélicatesse à la fois naïve et partisane de dénier au gouvernement auquel vous appartenez quelque mérite quant aux résultats économiques obtenus par notre pays, même si nous ne sommes pas les seuls à les obtenir et si les comparaisons de l'évolution des uns et des autres en pourcentage et en efficacité ne manqueraient pas d'intérêt.
Je ne tomberai pas non plus dans une sorte d'angélisme, dont vous savez la crainte toute philosophique qu'elle inspirait à Pascal. Vous êtes trop fin économiste, monsieur le ministre, pour ignorer que les marges de manoeuvre des exécutifs des pays de l'OCDE ont beaucoup diminué et que la politique budgétaire, si elle apparaît moins contrainte, demeure toutefois largement déterminée par des données monétaires et par la croissance, la policy mix , ainsi que disent les économistes, demeurant, en l'absence de modèle économique définitif, un outil plus qu'une solution.
Les théories keynésiennes de relance temporaire en cas de dépression ponctuelle ont fait leur temps. Nous ne sommes plus en dépression ponctuelle, nous sommes en reprise générale, dont la sûreté n'est d'ailleurs peut-être pas aussi assurée qu'on le dit dans la mesure où elle est fortement tirée par une croissance américaine reposant elle-même sur la psychologie des Américains, elle-même influencée par un certain nombre de phénomènes boursiers dans lesquels la part d'illusion n'est peut-être pas complètement purgée.
D'ajustement en ajustement, peut-être y parviendrons-nous, mais ce n'est pas encore tout à fait réalisé et l'accroissement des rentrées fiscales, dans ces conditions, nous semble, par mesure de précaution, devoir être d'abord affecté à la réduction du déficit et à la diminution de la charge de la dette, quelle que soit la conjoncture de l'instant. C'est de règle normale d'administration d'un ménage ; est-ce vraiment de règle d'administration de l'Etat dans les conditions actuelles ? Peut-être pourrions-nous nous interroger un peu sur le sujet.
Vous nous annoncez, il est vrai, une réduction des déficits et une baisse des impôts, mais permettez-moi de formuler quelques remarques. Sur la baisse des déficits et la maîtrise des dépenses publiques, la baisse des taux d'intérêt vous a beaucoup aidé, mais elle est probablement derrière nous. Quant à la baisse des intérêts de la dette, elle permet d'assouplir les choses et c'est effectivement un élément de cet équilibre primaire. Toutefois, dans le collectif, monsieur le ministre, nous sommes toujours à 215 milliards de francs de déficit, soit 10 milliards de francs de plus qu'à la fin de 1999 et, sur ces 215 milliards de francs, 145 milliards de francs sont consacrés à des dépenses autres que des dépenses civiles d'investissement, si je sais bien compter. Or seules ces dernières sont admissibles pour les générations futures.
Et, si le déficit prévu pour 2001, soit 195 milliards de francs, paraît tolérable - par comparaison, bien entendu - c'est pourtant sans compter sur une évaluation des dépenses dont on peut craindre légitimement, à l'aune des prévisions antérieures, qu'elle ne soit sous-évaluée. C'est là où, me semble-t-il, naît un problème sur lequel il faudrait peut-être que nous nous expliquions les uns et les autres.
Si M. le Premier ministre a pris en compte, dans ses lettres de cadrage, les sources de dépenses que constituent les mesures de lutte contre les précarités, une partie - cela reste à déterminer, et M. Descours vient d'en parler à l'instant - est liée aux 35 heures et aux départs à la retraite. Aussi est-il quand même difficile d'accorder crédit à une prévision d'augmentation des dépenses de 0,3 % en volume. Vraiment, 0,3 %, c'est sympathique à l'annonce, mais cela ne satisfait pas certains de nos collègues, si je les ai bien entendus tout à l'heure.
Cela étant, certaines augmentations structurelles vont intervenir, et nous pourrions faire la même remarque en ce qui concerne la sécurité sociale.
Monsieur le ministre, j'ai repris ce que j'avais eu l'occasion de dire à votre prédécesseur le 25 novembre dernier, à savoir que le déficit annoncé de 115 milliards de francs était à rapprocher de la réalité financière de l'époque et qu'on aurait pu, compte tenu de ce qu'on connaissait - je veux parler de la « cagnotte » des plus-values fiscales - espérer un peu mieux. C'est pourquoi je l'accusais - gentiment ! - de prendre tant de précautions qu'en réalité il était en train de peindre en noir ce que chacun savait être un peu rose, à savoir le redressement des recettes.
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'était même d'un rose soutenu !
M. Paul Girod. Mais, quand on lit d'un peu plus près vos prévisions pour 2001, on commence à se demander si, cette fois-ci, vous ne peignez pas en rose ce que nous sommes bien obligés de voir au moins en gris s'agissant de ces augmentations de dépenses, d'autant plus que l'évolution des recettes fiscales pose aussi des problèmes : l'affectation un peu prématurée et un peu opaque des surplus de recettes fiscales - on a dit la « cagnotte », ce qui n'est probablement pas une bonne formule - interdit en définitive toute réforme fiscale d'ampleur, cette réforme, que, me semble-t-il, vous appeliez de vos voeux il n'y a pas si longtemps. Je pense, bien entendu, à une baisse des impôts directs, alors même que l'impôt sur le revenu vient d'augmenter de 35 milliards de francs.
Il y a dans tout cela un certain nombre de contradictions sur lesquelles nous aimerions avoir quelques éclaircissements.
Je ne parle même pas de l'investissement public, qui paraît insuffisant, ni de l'harmonisation des politiques fiscales européennes : vous venez de sortir d'une réunion où, me semble-t-il, vous n'avez pas été totalement satisfait, pas plus que vos collègues, d'ailleurs. (M. le ministre sourit.) Il semble ainsi qu'il y ait eu insatifaction croisée sur le sujet et que la question des fameuses « trappes à inactivité », qui nécessitent tout de même un arbitrage fin entre les revenus du travail et les revenus de solidarité, n'ait pas même été abordée.
Or vous venez d'adresser, si j'ai bien lu la presse, une lettre aux partenaires sociaux qui, lue entre les lignes et avec malveillance - ce qui n'est pas mon cas -, donne le sentiment que la volonté du Gouvernement de poursuivre les « trappes à inactivité » n'est pas aussi affirmée que celle de certains des partenaires sociaux de notre pays. Je terminerai en évoquant les collectivités locales.
Monsieur le ministre, si nous sommes entrés dans l'euro, c'est en grande partie grâce à la qualité de la gestion des collectivités territoriales avant 1997, et sans doute depuis. Sinon, nous serions, je le crains, confrontés à quelques difficultés bruxelloises... Donc, tant que les collectivités territoriales garderont leur capacité d'autofinancement, cela ira à peu près, mais on ne peut pas à la fois tenir le discours décentralisateur qui est celui du Gouvernement - discours relayé avec bonheur et ampleur par la commission que préside votre ancien prédécesseur à Matignon, notre collègue Pierre Mauroy, et qui pousse à davantage de décentralisation - et, dans le même temps, ne faire porter les réformes d'impôts que sur les impôts locaux, l'Etat ne compensant, par ses dotations, ces réductions d'impôts locaux dans leur impact sur la population qu'avec - pour reprendre une expression populaire - « un élastique ». On ne peut à la fois réduire la capacité d'adaptation des collectivités territoriales et leur demander toujours davantage d'interventions !
Aujourd'hui encore, j'ai entendu, dans cet hémicycle, certains de nos collègues convenir que, sur tel ou tel grand service public, l'intervention des collectivités était nécessaire. Mais cela demande de la souplesse ! Or comment peut-on trouver de la souplesse dans une dotation d'Etat figée ? Il y a là une vraie question qui s'imposera à nous tous.
Les orientations budgétaires du Gouvernement perpétuent un certain nombre de mesures, telles que la réduction de la taxe professionnelle, sur laquelle tout le monde est d'accord sur le papier ; telles que l'indexation de la compensation, sur laquelle on est déjà moins d'accord ; telles que le gel de cette compensation, sur lequel personne n'est d'accord. Si l'on ajoute à cela que cette compensation ne prend aucunement en compte les implantations futures pour lesquelles la part « salaires » de la taxe professionnelle aura été supprimée, tout cela ne peut que plonger les collectivités territoriales dans une certaine perplexité.
C'est dans cette ambiance que nous débattons aujourd'hui des orientations budgétaires du Gouvernement. Certes, nous éprouvons une certaine satisfaction à voir que la croissance retrouvée, par vous et par nous, vous aide - un peu,... beaucoup - mais nous sommes perplexes - un peu,... beaucoup - sur la manière dont vous l'utilisez et sur la manière dont vous permettrez aux collectivités territoriales d'accompagner un effort d'investissement qui reste nécessaire plus que jamais, avec une souplesse qui leur est nécessaire plus que jamais. Et les méthodes « recentralisatrices » du ministère des finances, alors que les discours sont décentralisateurs, ne font que renforcer cette perplexité.
Alors, monsieur le ministre, nous vous savons gré de tout ce que vous avez dit sur les finances publiques. Nous vous attendons cependant aux actes sur les mêmes thèmes ! (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Sergent.
M. Michel Sergent. Vous poursuivez, monsieur le ministre, une tradition maintenant bien établie en organisant un débat d'orientation budgétaire. Je m'en réjouis.
Ce rendez-vous nous permet de présenter nos suggestions au moment même où commence la préparation du budget pour l'année 2001.
Cette occasion nous permet également de dresser un bilan rapide et de rappeler le chemin parcouru depuis 1997 - on se souvient dans quel état étaient les finances publiques cette année-là...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Depuis, la lumière a éclairé notre pays !
M. Michel Sergent. Oh, la situation est plus brillante qu'en 1997, monsieur le rapporteur général !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Bien sûr...
M. Michel Sergent. Nous constatons, en effet, pour peu que nous fassions preuve d'un minimum d'objectivité, combien la politique menée a fort bien réussi.
Pour la troisième année consécutive, nous allons connaître un taux de croissance élevé, bien supérieur à la moyenne européenne. Que vous le vouliez ou non, mes chers collègues, elle a en effet dépassé de quatre points en quatre ans celle de nos voisins.
C'est ce taux de croissance, qui a été supérieur aussi aux prévisions de l'automne, qui vous permet, monsieur le ministre, de présenter un collectif de plus de 50 milliards de francs, dont 40 milliards de francs de réductions d'impôts qui s'ajoutent aux 40 milliards de francs de baisses d'impôts déjà intégrés dans la loi de finances de 2000, soit une baisse totale de 80 milliards de francs pour l'année en cours.
Il faut noter aussi dans le collectif que vous allez nous soumettre demain 10 milliards de francs pour le financement de dépenses exceptionnelles de solidarité. Et qui pourrait critiquer l'affectation de ces 10 milliards de francs, qui bénéficieront essentiellement à nos concitoyens touchés au cours des derniers mois de l'année 1999 par des tempêtes et des cataclysmes ?
Ce qui était l'objectif principal du Gouvernement, et qui le reste, c'est évidemment la baisse du chômage et, là aussi, c'est une indéniable réussite : nous sommes parvenus à ce fameux taux à un chiffre que l'on n'avait pas connu depuis dix ans.
Aujourd'hui, le taux de chômage est passé sous la barre des 10 % de la population active. Ainsi, 1 million d'emplois auront été créés à la fin de cette année.
Certes, la croissance et la conjoncture internationale ont permis cette amélioration. Mais les mesures prises depuis 1997 - les emplois-jeunes, les 35 heures... - la confiance retrouvée de nos citoyens et la reprise des investissements des entreprises ont été tout aussi déterminantes.
J'entends bien nos collègues de la majorité sénatoriale affirmer que le Gouvernement n'est pour rien dans cette embellie de l'économie nationale...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je n'ai pas dit ça !
M. Michel Sergent. ... mais que n'aurait-on entendu si les résultats n'avaient pas été au rendez-vous ?
Au-delà des orientations générales pour le budget 2001, largement développées par mon ami Bernard Angels, je veux évoquer très rapidement les mesures concernant les collectivités territoriales et les services publics.
S'agissant des collectivités territoriales, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, la loi sur le renforcement de l'intercommunalité du 12 juillet 1999 a connu un incontestable succès. Mais la mise en place de communautés d'agglomération s'est faite au détriment financier des communautés de communes, qui ont connu, notamment en milieu rural, une baisse sensible de leur dotation globale de fonctionnement.
Il me paraîtrait donc souhaitable que des moyens supplémentaires soient affectés l'an prochain à l'intercommunalité.
Dans le même ordre d'idée, la mise en place des services départementaux d'incendie et de secours, issue de cette mauvaise loi, reconnaissons-le, du 3 mai 1996, crée partout des difficultés. En effet, les dépenses augmentent considérablement, tant en fonctionnement qu'en investissement, et les collectivités sont confrontées à des hausses de leurs participations, qui sont pourtant déjà très élevées, trop élevées.
Il serait donc souhaitable que l'Etat intervienne financièrement pour ce qui relève en fait, à mon sens, de l'accompagnement de ses missions régaliennes, je veux parler de la sécurité des biens et des personnes.
En ce qui concerne la réduction de la taxe d'habitation, surtout pour les plus bas revenus, nous ne pouvons qu'y souscrire, même s'il nous faut préserver l'autonomie des collectivités locales, qui restent, ne l'oublions jamais, le principal investisseur public.
Rappelons néanmoins, là aussi, que nos collectivités ont été bien mieux traitées depuis 1997 que sous le gouvernement précédent, auteur d'un pacte de stabilité de triste mémoire, qui n'avait de pacte que le nom puisque, en fait, personne n'avait voulu le signer.
J'ajouterai encore quelques mots à propos des collectivités locales.
Ne pourrait-on supprimer ce que l'on peut appeler les « taxes sur les taxes » qui touchent les Français dans leur vie quotidienne ? Je veux parler bien sûr des taxes sur l'eau ou sur les redevances pour l'enlèvement des ordures ménagères. Ne pourrait-on en outre étudier les moyens d'abaisser les frais de recouvrement des impôts ?
Par ailleurs, s'agissant du manque à gagner dû à la réforme de la taxe professionnelle de 1987 - car s'il y a eu perte d'autonomie des collectivités locales, c'est bien à partir de 1987 que cela a commencé, avec les « 16 % » ! mon collègue Jacques Mahéas m'indiquait tout à l'heure que le manque à gagner cumulé, pour une ville comme Neuilly-sur-Marne, s'élève à 20 millions de francs ; pourtant, le potentiel fiscal de cette ville est très en dessous de la moyenne. Cela montre la nécessité de remettre en oeuvre une indispensable péréquation de la taxe professionnelle.
M. Gérard Delfau. Très bien !
M. Michel Sergent. Un mot encore, monsieur le ministre - mais cela a déjà été évoqué - pour souhaiter que soit réglé le problème de l'exonération de la TVA sur les cantines scolaires.
Il est un autre sujet dont je veux traiter : France Télécom, devenue une entreprise « ordinaire », ne pourrait-elle aujourd'hui s'acquitter de la taxe professionnelle ? Les collectivités locales n'y trouveraient certainement rien à redire !
M. Gérard Delfau. Très bonne idée !
M. Michel Sergent. Par ailleurs, il ne nous semble pas souhaitable d'aller au-delà de la suppression de la part régionale de la taxe d'habitation.
Le dernier point que je souhaite évoquer concerne les services publics. Il a déjà été longuement traité tout à l'heure par mon collègue et ami Bernard Angels, mais j'y reviens d'un mot.
Nous avons souscrit au programme pluriannuel de maîtrise des dépenses publiques et les objectifs sont atteints. Pourtant, la réduction des dépenses ne peut pénaliser nos services publics.
Il ne s'agit pas de s'opposer à une gestion plus rigoureuse, à une meilleure utilisation des personnels et à une amélioration des services. Mais nous devons veiller à la qualité de ces services publics indispensables à l'éducation nationale, à la santé, à la sécurité, à la justice età l'emploi.
C'est grâce à la qualité des services publics et de leurs agents que nous pouvons assurer la solidarité entre nos concitoyens.
Je ne peux pas m'empêcher de revenir sur les propos tenus tout à l'heure par M. Jean François-Poncet nous faisant part d'une migration économique vers la Grande-Bretagne.
Mes chers collègues, je suis un élu du Pas-de-Calais, plus voisin que jamais de l'Angleterre depuis l'ouverture du tunnel sous la Manche, et je peux vous assurer, d'expérience, qu'il vaut mieux emprunter les trains français pour arriver à l'heure, de même qu'il vaut mieux s'adresser aux hôpitaux français pour être soigné en urgence et, même, fréquenter les écoles primaires ou maternelles françaises.
M. Gérard Delfau. C'est sûr !
M. Michel Sergent. On ne compte d'ailleurs plus les Britanniques qui se font soigner chez nous et qui jalousent tout simplement nos services publics.
Nous souhaitons en définitive le renforcement des services publics.
Mais, je le répète, il ne s'agit pas de vouloir une croissance non maîtrisée des dépenses. Il faut aller, pour reprendre une expression qui nous est chère, vers le « mieux d'Etat ».
Nous croyons à la réforme de l'Etat à condition qu'elle se fasse dans la transparence et la concertation.
Notre société évolue, les nouvelles technologies s'imposent. Pourquoi ne pas redéployer, modifier, pour répondre plus et mieux aux attentes de nos concitoyens ?
Conforter la croissance, continuer à améliorer la situation de l'emploi, accentuer la cohésion sociale, renforcer les services publics, voilà ce qui me semble être les priorités pour 2001. Vous pouvez, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, compter sur nous pour vous accompagner dans cette voie. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Merci beaucoup !
M. le président. La parole est à M. Fréville.
M. Yves Fréville. Oui, monsieur le ministre, nous vivons nous aussi un temps intéressant : le temps de la confrontation, grâce au calendrier parlementaire, entre, d'une part, une stratégie des finances publiques que vous avez développée et, d'autre part, la pratique et les contingences du collectif budgétaire qui nous sera présenté demain. Quel constraste entre le discours et les faits !
D'un côté, on nous expose une doctrine qui a le mérite de la clarté : une maîtrise affichée de la dépense publique indépendante de la conjoncture. C'est sans aucun doute préférable à la réhabilitation de la dépense publique que l'on nous proposait voilà une dizaine d'années. On nous présente une alternative, non tranchée, entre la baisse des impôts d'aujourd'hui et celle des impôts de demain, c'est-à-dire du déficit au gré d'un surplus évoluant selon la conjoncture. Voilà pour la doctrine.
D'un autre côté, nous sera soumis un collectif qui sacrifie la réduction du déficit par un accroissement des dépenses.
Permettez-moi de vous faire part de trois inquiétudes justifiées par ce contraste.
D'abord, il me semble que la réduction du déficit cesse d'être une priorité ; ensuite, la maîtrise des dépenses est loin d'être obtenue ; enfin, le choix des baisses d'impôts n'est certainement pas l'option la plus favorable à l'emploi.
Première inquiétude, l'arrêt de la réduction du déficit budgétaire.
Certes, quand j'ai lu le fascicule bleu de présentation de ce débat, je me suis réjouis, car la réduction du déficit budgétaire semblait demeurer un choix majeur. N'énonciez-vous pas, monsieur le ministre, six bonnes raisons pour réduire le déficit ? Oui, tous nos partenaires réduisent leurs déficits plus rapidement que nous. Oui, le déficit en phase d'expansion est un choix défavorable aux jeunes générations. Oui - et l'argument n'est pas souvent avancé - le financement des dépenses par l'endettement est un choix injuste, qui est défavorable à la redistribution, les impôts du plus grand nombre finissent par payer les intérêts, dites-vous - ce qui est exact - de la dette due à des prêteurs plus aisés, dont un tiers d'ailleurs sont des non-résidents et auxquels doivent être accordés des avantages fiscaux substantiels.
Que voilà de bons arguments ! Et il en est bien d'autres.
Mais, hélas ! la mise en oeuvre pratique ne suit pas.
Que propose le Gouvernement ? Le déficit budgétaire que vous nous demandez de voter dans le collectif, 215 milliards de francs, est le même que celui qui était prévu en loi de finances initiale malgré 50 milliards de francs de recettes supplémentaires. C'est plus que les 206 milliards de francs de l'année dernière. Et encore vous avez dû étirer ce solde sur le lit de Procuste des artifices budgétaires pour le rendre plus présentable, c'est-à-dire plus important qu'il n'aurait dû être - paradoxe ? Et vous annoncez encore 195 milliards de francs pour l'année prochaine.
Dès lors, il n'y a pas de réduction du déficit et votre tentative de justification de cette pause me paraît bien fragile. « La France - écrivez-vous - a pris par rapport à ses engagement européens un an d'avance. » En conséquence, vous estimez qu'on peut relâcher l'effort et se permettre quelques libertés : laissons faire l'arithmétique, le déficit diminuera en pourcentage du PIB du fait de la croissance et tout ira bien.
Ce raisonnement ne prêterait pas à conséquence si nous étions assurés d'une croissance longue et continue. Or, le rapport de printemps de la Commission économique de la nation compare la reprise actuelle à celle de la fin des années quatre-vingt et signale des éléments de vulnérabilité identiques, à savoir l'apparition d'une pénurie de travail qualifié et une forte progression du crédit.
Je ne voudrais pas jouer les Cassandre, car je crois que sauf imprévu, la croissance actuelle s'auto-entretiendra, mais nous devons nous tenir prêts à encaisser un choc dont les conséquences seraient aussi dangereuses que celles qui ont été enregistrées en 1992-1993, après la guerre du Golfe et la tension sur les taux d'intérêt qui a suivi la réunification allemande.
Le mieux serait donc de revenir très rapidement à ce que vous appeliez le « solde protecteur » de 1 % pour pouvoir disposer à plein, dans des circonstances analogues, de l'arme budgétaire. Le principe de précaution me semble, en ce domaine, encore devoir être observé.
Je reconnais bien volontiers au Gouvernement - il faut être juste - le mérite d'avoir su procéder à un réglage fin de la conjoncture budgétaire au cours des années passées. Mais il n'existe plus, me semble-t-il, de raison, au moment où des tensions risquent d'apparaître, de soutenir une croissance désormais auto-entretenue et de pratiquer une politique procyclique de déficit budgétaire. Voilà donc ma première inquiétude : le déficit ne diminue plus.
Deuxième inquiétude : l'insuffisante maîtrise de la dépense publique.
Le deuxième objectif que vous assignez à la politique budgétaire me paraît sain. Les dépenses de l'Etat ne devront croître en trois ans que de 1 % en volume, et donc seulement d'un tiers de point l'année prochaine. Je ne vous proposerai pas un objectif plus ambitieux, et je serais pleinement satisfait si celui que vous proposez ne relevait pas simplement de l'effet d'annonce.
Que constatons-nous ? En 1999, le Gouvernement s'était fixé un objectif de 1 % en volume. Très bien ! C'était trois fois plus que ce que vous proposez dans votre programme. Or, qu'en a-t-il été ? Le rapporteur général de l'Assemblée nationale, non suspect, annonce 1,6 %, la Cour des comptes 2,8 % et l'INSEE, dans le numéro de mai d' INSEE Première est encore plus sévère. Je lis que, dans le périmètre retenu par la comptabilité nationale, les dépenses de l'Etat ont progressé de 4 % en valeur et de 4,5 % hors charge de la dette. Voilà les chiffres de la comptabilité nationale sur les dépenses de l'année prochaine.
Or je considère que le périmètre de la comptabilité nationale est le bon périmètre de référence parce qu'il retient en dépenses ce que, vous, vous classez en dépenses exceptionnelles pour les éliminer de votre calcul - le versement de dix milliards de francs à l'UNEDIC, par exemple. Il tient également compte des prélèvements et dégrèvements qui sont transférés aux collectivités locales et qui sont économiquement, bien entendu, des dépenses.
De très grandes difficultés sont donc prévisibles pour cette année, avec une augmentation des dépenses de l'Etat de 4 % en valeur, au lieu de 1 %.
Mais ces difficultés ne seront que plus grandes dans les années à venir, comme cela a été dit très bien à plusieurs reprises, notamment par notre rapporteur général.
La charge nette de la dette avait été stabilisée grâce à la baisse des taux d'intérêt. Cette situation ne se renouvellera pas : la hausse des taux d'intérêt, même minime, peut démarrer ; en tout cas, nous ne bénéficierons plus, l'année prochaine, de la baisse des taux. La charge de la dette augmentera donc certainement, mécaniquement, de 8 milliards à 10 milliards de francs. De plus, l'autre grande source d'économies qu'avait constitué la baisse des dépenses militaires, qui a rapporté 15 milliards de francs hors personnel au cours des années passées, ne me paraît pas renouvelable.
Mais mon interrogation principale porte sur l'évolution des dépenses liées à la fonction publique, qui représentent près de 700 milliards de francs et qui évoluent plus rapidement que le budget total : leur progression a été de 57 milliards de francs en trois ans. Il me semblait que le débat d'orientation budgétaire aurait constitué le moment idéal pour que le Gouvernement expose sa politique salariale pour l'année à venir et sa politique de recrutement à moyen terme. Je ne peux que constater que ce n'est jusqu'à présent pas le cas.
Le problème est pourtant posé dans le rapport : en huit ans, l'évolution du salaire net dans la fonction publique a été de 5,9 points supérieure à celle qui a été constatée dans le secteur privé, ce qui témoigne de « l'avance prise par la fonction publique dans la première moitié des années quatre-vingt-dix ». Une question vient immédiatement à l'esprit : quelles seront les conséquences financières des politiques de réduction du temps de travail dans la fonction publique d'Etat - pour ne pas parler de son extension aux collectivités locales ! - ou de résorption de la précarité ?
Monsieur le ministre, il ne suffit pas de nous assener une norme d'évolution acceptable, il faudrait nous expliquer comment vous comptez la faire respecter. Dois-je comprendre que, du fait de la croissance et de la réduction du chômage, vous espérez réduire les dépenses d'intervention ? J'aimerais avoir des explications sur ce point.
Enfin, vos choix en matière de réduction d'impôt ne sont pas les plus favorables à l'emploi.
Vous êtes évidemment contraint de réduire l'impôt.
Les statistiques ont démenti les promesses qui nous avaient été faites l'an passé : les prélèvements obligatoires ont atteint, en 1999, le record absolu de 47,5 % du PIB et les recettes de l'Etat ont progressé de 7,4 %, plus que celles des collectivités locales et de la sécurité sociale.
Cela démontre tout simplement que notre système fiscal, avec ses taux élevés d'impôt sur le revenu et d'impôt sur les sociétés, surréagit à une amélioration de la conjoncture. Nous savons bien par ailleurs que la réduction du quotient familial n'a fait qu'alourdir la pression fiscale sur les ménages. Vous nous promettez - je reprends, là encore, les chiffres du rapport - une baisse d'un point de PIB en 2000 et d'un demi-point seulement en 2001. L'essentiel de l'effort va donc résulter des choix qui ont été faits dans le collectif. Je n'ai d'ailleurs trouvé ni dans le rapport du Gouvernement ni dans vos propos, monsieur le ministre, l'amorce d'une réforme en profondeur des défauts de notre système fiscal.
Je ne parlerai pas aujourd'hui de la fiscalité locale. Mais pour ce qui concerne la fiscalité d'Etat et les prélèvements sociaux, nous savons tous que les taux marginaux d'imposition sont trop élevés, non seulement pour les hauts revenus d'activité, mais surtout pour les bas revenus salariaux.
Dans le premier cas, on freine l'incitation à prendre des risques alors que les rentiers à revenus élevés bénéficient fiscalement du régime plus intéressant des prélèvements libératoires. Ce n'est pas par hasard que Pierre Bérégovoy, qui avait bien compris qu'il fallait lâcher du lest pour placer les titres de la dette publique, avait fait baisser les prélèvements libératoires.
Dans le second cas, on freine l'incitation à la reprise du travail. Et je lis à la page 24 de votre rapport, qui est très intéressant et fort bien fait : « Si l'un des conjoints obtient un travail à mi-temps rémunéré au SMIC, le revenu familial demeure inchangé », et s'il s'agit d'un travail à plein temps pour le conjoint, le revenu familial s'accroît de 600 francs, soit moins de 4 francs par heure travaillée. Dans le premier cas, le taux d'imposition est voisin de 100 %, dans le second cas, il doit être légèrement supérieur à 90 %.
Je ne vois pas de véritable mesure, hormis la réduction des taux d'imposition sur le revenu des premières tranches, qui permette de réduire le chômage structurel, dont le taux semble proche de 8,5 %.
Comme cela a été souligné par le groupe de l'UDF dans une autre enceinte, il aurait fallu utiliser la totalité de la force de frappe constituée par les réductions d'impôt du collectif, et pas seulement les 11 milliards de francs de baisse de l'impôt sur le revenu, pour réduire le coin fiscal entre salaire brut et salaire net pour tous les salaires inférieurs à 1,3 ou 1,4 fois le SMIC et favoriser ainsi les retours à l'activité.
Voilà une politique efficace en faveur de l'emploi qui aurait permis de donner à cette manne, à cette marge de manoeuvre retrouvée, toute son efficacité.
Au lieu de cela, vous avez préféré un saupoudrage de mesures fiscales dont la cohérence globale m'échappe.
Le Gouvernement a encore le choix entre la voie de la facilité et la voie de la réforme. Tout dépendra de sa capacité à respecter sans truquage ni manipulation des chiffres l'objectif de maintien de la dépense publique sous la barre du 1 % de croissance en trois ans.
La voie de la facilité consiste à réduire les investissements, les dépenses militaires ; la voie de la réforme consiste à accroître la productivité et l'esprit d'initiative dans la fonction publique. Si cet objectif n'est pas atteint - et je doute qu'on vous laisse faire, monsieur le ministre - les marges de manoeuvre qu'engendre la croissance seront une nouvelle fois dilapidées, comme ce fut le cas de 1989 à 1991.
Monsieur le ministre, nous sommes prêts à participer à la réforme, si vous avez le courage de l'entreprendre ; mais nous serons vigilants pour dénoncer les solutions de facilité qui consistent à faire payer demain par nos enfants les dépenses de fonctionnement et le déficit d'aujourd'hui. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. César.
M. Gérard César. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, dans le rapport déposé par le Gouvernement pour le débat d'orientation budgétaire, j'ai cherché, vainement, une orientation sur le budget 2001 du ministère de l'agriculture.
Une seule phrase, à propos de la hausse des prix, à la page 39 des annexes, fait mention de « l'influence modératrice de la réforme de la politique agricole commune sur les prix alimentaires en 2001 ».
Une nouvelle analyse de l'impact de la réforme de la PAC décidée à Berlin en avril 1999 vient d'être réalisée par le bureau de l'analyse économique et de la prospective du ministère français de l'agriculture, qui évalue à 7 % la baisse de revenu supportée par les agriculteurs. Cette diminution atteindrait 23 % pour le secteur des céréales et oléoprotéagineux, 1 % pour les producteurs de lait et 4 % pour les autres recteurs.
Les experts du ministère de l'agriculture analysent une série de scénarios qui, avec le concours des aides directes dans la formation du revenu des agriculteurs, permettraient, eux, d'amortir les effets de cette réforme.
Le revenu disponible de la ferme « France » baisserait donc de six milliards de francs, ce qui correspond à une ponction de 7 %, qui toucherait plus spécialement cinq ou six grandes régions.
Nous savons, monsieur le ministre, que le budget du ministère de l'agriculture devient marginal dans l'ensemble des soutiens publics à l'agriculture, puisqu'il représente désormais seulement la moitié des versements de l'Union européenne à l'agriculture française. Par ailleurs, les dépenses de nature économique au sein de ce budget sont faibles ; elles n'en représentent plus qu'un tiers : soit 11 milliards de francs.
Cette contrainte de la politique agricole nationale est d'autant plus forte que, désormais, un grand nombre de politiques sont cofinancées par l'Union européenne, qu'il s'agisse de la politique de modernisation, d'installation, de compensation de handicaps ou, désormais, celle des contrats territoriaux d'exploitation dans le cadre du plan de développement durable mis en place à Bruxelles.
Cette contrainte est d'autant plus forte que l'évolution du budget du ministère de l'agriculture au cours de ces dernières années a été le fruit de redéploiements internes, ce qui enlève toute souplesse de gestion, et que les préoccupations de l'environnement sont très fortes et mises en oeuvre par le ministère de l'environnement dans le cadre d'une concertation particulièrement difficile.
Il ressort de ce constat que la politique agricole nationale risque d'être définie de moins en moins par le ministre de l'agriculture et de plus en plus par l'Union européenne, le ministre de l'environnement et celui de la santé en raison des préoccupations majeures en matière de santé publique.
Monsieur le ministre, il est impératif que des mesures significatives soient prises et mises en oeuvre en faveur du monde agricole.
Je vous rappelle que la simplification de la fiscalité agricole est une revendication constante de l'ensemble de la profession. Depuis 1997, le Gouvernement promet d'annoncer une réforme en ce sens. Pourtant, il a refusé l'inscription des dispositions fiscales dans la loi d'orientation agricole votée en juillet 1999, laquelle renvoyait à des mesures ultérieures qui n'ont toujours pas été présentées.
Le rapport parlementaire de Mme Marre et de M. Cahuzac, rendu public en mai dernier, dessine les voies d'une réforme attendue. Il doit maintenant faire l'objet de concertations entre tous les acteurs concernés. Il faut espérer que la parution de ce rapport ne sera pas un nouveau prétexte à l'organisation de concertations qui n'auraient d'autre but que de différer encore la réforme.
M. Philippe Marini, rapporteur général. On va réunir une nouvelle commission !
M. Gérard César. Que je sache, le Gouvernement ne s'est pour l'heure, pas engagé de manière précise sur la mise en oeuvre des propositions formulées. Entend-il enfin y donner suite dans le projet de loi de finances pour 2001 ? J'attends votre réponse, monsieur le ministre.
Le rapport précité prévoit de conduire cette réforme suivant deux axes principaux.
D'une part, il préconise de séparer le revenu du travail du revenu du capital immobilisé dans l'exploitation. Une telle mesure permettrait notamment d'asseoir les cotisations sociales des agriculteurs sur une assiette comprenant les seuls revenus du travail. Elle rapprocherait donc la situation des agriculteurs de celle de l'ensemble des salariés et serait conforme au principe de neutralité fiscale que le Gouvernement entend respecter.
D'autre part, le rapport recommande une refonte des régimes d'imposition agricoles en vue de leur simplification. Il s'agirait de réduire le nombre de régimes de bénéfices agricoles et celui des seuils des régimes d'imposition de la TVA. En mettant en oeuvre ces préconisations, le Gouvernement servirait la simplification du système fiscal tout en améliorant sa pertinence économique.
Le rapport préconise également la mise en place d'incitations fiscales en faveur de l'installation des jeunes agriculteurs, comme la loi d'orientation agricole de juillet 1999 l'avait prévu. La politique en faveur de l'installation, mise à mal par le redéploiement de ses crédits au profit du financement des contrats territoriaux d'exploitation, les CTE, est actuellement en panne. Certaines mesures fiscales ont été annoncées par le ministre de l'agriculture lors de la journée sur l'installation du 15 mai dernier. Il serait souhaitable que le Gouvernement s'engage à les reprendre dans le projet de loi de finances pour 2001.
A ces mesures attendues par les agriculteurs, il conviendrait d'ajouter la suppression des droits de mutation à titre gratuit sur les transmissions d'entreprises, l'exonération des plus-values en cas de cession à un jeune agriculteur et l'installation de prêts bonifiés à 0 % pour faciliter l'installation de ces derniers, la défiscalisation de la dotation jeunes agriculteurs ainsi qu'une exonération pour ces derniers des cotisations sociales étalée sur cinq ans à raison de 30 % par an.
Par ailleurs, à propos de la DPI, la déduction pour investissement, fruit d'un long combat mené par la profession, il est indispensable qu'elle soit maintenue pour une fiscalité moderne d'entreprise.
En ce qui concerne les préoccupations environnementales, notamment le projet de réforme de la politique de l'eau, le choix d'une approche fondée sur la sanction, avec la mise en avant du principe du « pollueur-payeur », est dénoncée par les agriculteurs. S'étant déjà vu imposer par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 une extension aux produits phytosanitaires de la taxe générale sur les activités polluantes, ils devraient s'acquitter en sus, à l'horizon 2002, d'une redevance sur les excédents d'azote.
En outre, la redevance sur la consommation d'eau payée par les agriculteurs devrait augmenter du fait de la suppression annoncée par le ministre de l'environnement des coefficients d'usage, qui font actuellement varier les bases de calcul de cette redevance en fonction des usages de l'eau - irrigation, industrie, usage domestique. D'après les simulations faites par la profession, la redevance serait multipliée par six, ce qui est impensable.
Alors que le Gouvernement prétend privilégier la baisse des prélèvements obligatoires, il n'a de cesse d'alourdir les taxations pesant sur le monde agricole. Cette démarche tient plus du signal politique visant à manifester une certaine fermeté sur le sujet que d'une véritable recherche de la maîtrise des pollutions. Ainsi, malgré l'ampleur des moyens mis en oeuvre - la dérive du coût du programme de maîtrise des pollutions agricoles en témoigne, puisqu'il a été réévalué de 7 milliards de francs à 14 milliards de francs sur dix ans - la pollution des eaux s'est encore aggravée sur le territoire français, comme le souligne une étude récente.
En matière de politique de l'eau, la profession agricole plaide pour une approche fondée sur la responsabilisation des exploitants et la prévention, et non sur la sanction bête et méchante.
En dépit des mesures prises en faveur des exploitants victimes de la tempête de la fin du mois de décembre 1999, la situation de bon nombre d'entre eux reste critique en raison des dégâts subis par les bâtiments agricoles.
Alors que le Gouvernement affirme privilégier la baisse d'impôts, ne serait-il pas opportun d'autoriser une réduction du taux de TVA à 5,5 % sur les matériaux nécessaires à la reconstruction des bâtiments agricoles, ainsi que sur les travaux de reconstruction eux-mêmes ? Pour ce faire, il suffirait d'étendre la mesure figurant à l'article 5 de la loi de finances de 2000, qui prévoit un taux réduit de TVA pour les travaux d'amélioration, de transformation, d'aménagement et d'entretien. Une telle initiative serait une occasion supplémentaire d'exprimer la solidarité nationale à l'égard des victimes de la tempête. Les mesures annoncées par M. le Premier ministre n'ont malheureusement pas été suivies d'effet ou ont été mises en oeuvre trop lentement, en particulier pour la sylviculture, pourtant fortement touchée.
Monsieur le ministre, dans la perspective de la présidence française de l'Union européenne, j'attire de nouveau votre attention sur l'opposition du monde agricole à toute révision à la baisse du montant des crédits affectés à la politique agricole commune.
La Commission européenne avait en effet proposé, le 3 mai dernier, une diminution du plafond des dépenses prévues pour la PAC pour les exercices 2001 et 2002 afin de faire face au surcroît de dépenses - de 300 millions d'euros par an - du chapitre « actions extérieures », dû à la guerre du Kosovo, tout en laissant inchangé le montant total des perspectives financières pour 2000-2006.
La présidence française aura aussi à faire face à la reprise des négociations sur l'agriculture au sein de l'OMC, l'Organisation mondiale du commerce, après le grave échec de Seattle, ainsi qu'à l'élargissement de l'Union européenne aux pays de l'Est.
Les faiblesses inhérentes au budget de l'agriculture touchent également la politique de la montagne, qui se trouve presque dépourvue de moyens, ce qui a des conséquences sur la poursuite de la nécessaire modernisation des exploitations, qu'il s'agisse des bâtiments d'élevage ou de la mécanisation agricole.
Il me paraît également nécessaire d'insister sur la suite à donner au rapport Babuziaux sur l'assurance récolte. En tant que rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques du budget de l'agriculture pour 1999, j'avais souligné l'absence totale de dotation du fonds des calamités agricoles et l'insuffisance manifeste de celle-ci dans le budget pour 2000, puisqu'elle atteint 50 millions de francs.
Monsieur le ministre, dans l'attente de la mise en place de l'assurance récolte, allez-vous doter suffisamment le fonds pour 2001, ce qui permettrait de rassurer les agriculteurs ?
Enfin, les dotations des offices, notamment l'enveloppe des crédits d'orientation, doivent impérativement être au minimum maintenues, afin de ne pas réduire les marges de manoeuvre, d'autant qu'une partie de ces crédits est contractualisée.
Par ailleurs, n'oublions pas la juste revalorisation des retraites agricoles, à hauteur de 75 % du SMIC.
Monsieur le ministre, mon groupe sera très attentif à l'attribution des dotations nécessaires au maintien du revenu des agriculteurs et au financement de l'installation aidée des jeunes agriculteurs, qui exige une revalorisation de la dotation aux jeunes agriculteurs. Rappelons-nous à ce propos que le nombre des installations aidées a chuté de 45 % en dix ans, d'où l'obligation de mettre en oeuvre les mesures que je viens de citer.
Nous pensons qu'il est important d'évoquer le devenir de l'agriculture dans le cadre du débat d'orientation budgétaire, cette agriculture qui devrait avoir toute sa place, eu égard au rôle qu'elle joue dans la société.
Monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, le monde agricole, et plus largement le monde rural, sont dans l'attente de vos décisions financières. Nous espérons vivement que vous répondrez positivement à leurs demandes légitimes. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Braun.
M. Gérard Braun. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les dépenses de la fonction publique, parce qu'elles représentent 43,5 % du budget de l'Etat, soit trois points de plus qu'en 1997, constituent un élément déterminant des orientations budgétaires et de la gestion des finances publiques.
Le Gouvernement en est d'ailleurs lui-même bien conscient, puisqu'il a consacré d'assez longs développements à ce sujet, fort intéressants au demeurant, dans l'annexe VIII du rapport qu'il a déposé en vue du présent débat.
Pourtant, la question des dépenses de la fonction public illustre sans doute mieux que toute autre l'attitude paradoxale du Gouvernement : avec le collectif, il prend le contre-pied des intentions qu'il affiche dans ce rapport.
En effet, le Gouvernement n'a entrepris aucune réforme à même de réduire les missions et le format de l'Etat, seule capable de se traduire par un reflux conséquent des crédits alloués à la fonction publique, et donc de la dépense publique. Le Gouvernement affiche même sur la question une sérénité qui, compte tenu de la situation, ne peut que susciter le scepticisme quant à ses intentions réformatrices.
Ainsi, dans le dernier rapport annuel sur La Fonction publique et la réforme de l'Etat, on peut lire un avant-propos de l'ancien ministre de la fonction publique, qui écrit : « La politique conduite par le Gouvernement s'est traduite par toute une série de mesures visant à dynamiser et à moderniser la gestion des ressources humaines. La plus marquante, et la plus symbolique à la fois, est indéniablement la conclusion de l'accord salarial du 10 février 1998. »
L'ancien ministe poursuit : « J'ai engagé une concertation avec l'ensemble des partenaires sociaux pour la mise en oeuvre de la réduction du temps de travail. Il s'agit de faire bénéficier les fonctionnaires d'une avancée sociale historique, tout en s'efforçant d'améliorer l'offre et la qualité des services publics. »
Le ministre insistait avec raison : la seule mesure concrète prise par le Gouvernement en matière de politique de la fonction publique est la signature de l'accord salarial, fort coûteux, du 10 février 1998. L'année 2000 est d'ailleurs l'exercice sur lequel l'ensemble des mesures adoptées jouera en année pleine. Pour cette année, le coût de cet accord s'établit à 23,3 milliards de francs, voire à 41,3 milliards de francs, si l'on prend en considération son impact sur la fonction publique territoriale, pour 10 milliards de francs, et sur la fonction publique hospitalière, pour 8 milliards de francs.
Ces chiffres montrent que, par-delà tous les discours, la vraie priorité du Gouvernement est la rémunération des fonctionnaires.
Pour le reste, le tableau est plus sombre.
La gestion de la fonction publique n'est pas moderne, l'Etat employeur méconnaissant même le nombre de ses agents.
La réforme de l'Etat a été sacrifiée au profit de la satisfaction de revendications corporatistes, le Gouvernement renonçant à sa réforme de l'administration fiscale.
Les négociations visant à élaborer un accord-cadre fixant les principes de la réduction du temps de travail au sein de la fonction publique ont échoué.
Les conflits sociaux se sont multipliés au sein de la fonction publique, qu'il s'agisse des enseignants, des personnels des hôpitaux ou des agents des entreprises publiques mécontents de la façon dont se déroulent les négociations sur le passage aux 35 heures.
Je tiens à préciser que mes propos ne visent pas les fonctionnaires eux-mêmes, bien évidemment. Je sais ce que l'on doit aux agents du service public. Les récentes catastrophes qui ont frappé notre pays, que ce soit la tempête ou la marée noire, l'ont une fois de plus démontré. Ils ne sont nullement responsables des égarements de l'Etat employeur ni de l'indécision du Gouvernement.
Mes propos s'inscrivent dans un contexte marqué par deux principaux événements : d'une part, la publication, en janvier dernier, du rapport public particulier de la Cour des comptes consacré à la fonction publique de l'Etat et, d'autre part, l'actualité sociale, qui a conduit le Gouvernement à renouer avec une logique dépensière, tenant lieu de politique réformatrice.
Je prendrai un exemple, véritablement symptomatique de la politique du Gouvernement, qui s'en remet à la facilité de l'accroissement de la dépense plutôt qu'à l'engagement de vraies réformes d'amélioration du service public.
Qui ne voit en effet que le malaise de l'éducation nationale ne cesse de s'approfondir à mesure de l'accroissement de ses moyens ?
En fait, l'éducation nationale ne manque pas de moyens : elle souffre d'une « mal-administration » propice à la hausse perpétuelle de ses crédits !
Le secrétaire d'Etat au budget et la ministre déléguée à l'enseignement scolaire avaient reconnu devant la commission d'enquête du Sénat que l'éducation nationale pouvait être réformée à moyens constants. Pourquoi, dès lors, avoir accordé cette dotation supplémentaire à un ministère qui coûte déjà pratiquement 1 milliard de francs par jour aux contribuables ?
Quant au rapport de la Cour des comptes, il est accablant, son introduction résumant d'une phrase toute l'ampleur des carences de l'Etat : « Les documents budgétaires et comptables ne permettent pas de prendre une vue exacte et précise des effectifs employés dans les services de l'Etat ni du montant et de la structure des rémunérations qui leur sont allouées. »
La lecture de ce rapport est édifiante tant sont nombreux les dysfonctionnements ou irrégularités relevés : système de contrôle des effectifs réels insatisfaisant, gestion prévisionnelle des ressources humaines défaillante, voire carrément inexistante, emplois en surnombre ou bloqués, existence de mises à disposition ou de détachements injustifiés ou irréguliers, dépenses indemnitaires financées sur des ressources extra-budgétaires, avantages indus sans base juridique autre qu'une simple décision ministérielle, flou sur la connaissance des effectifs de fonctionnaires... Je pourrais multiplier les exemples.
Que comptez-vous faire, monsieur le ministre, pour remédier à tous ces défauts ?
Toutes ces critiques, pourtant, au-delà de leurs conséquences relatives à la seule gestion des personnels, traduisent surtout une absence de rigueur préjudiciable à la maîtrise des dépenses publiques.
En fait, le Gouvernement ne contrôle plus l'évolution des dépenses de la fonction publique et ne paraît d'ailleurs guère soucieux de le faire.
Des chiffres très intéressants fournis par le Gouvernement dans son rapport montrent que, depuis 1997, les dépenses de l'Etat ont augmenté de 77,8 milliards de francs, dont 57 milliards de francs au titre des seules dépenses de la fonction publique, soit près de 75 % de cette augmentation.
Comme le note le Gouvernement, « les dépenses de personnel ont évolué depuis dix ans à un rythme plus rapide que celui des dépenses totales ».
Ainsi, la part croissante des dépenses de personnel accentue la rigidité du budget de l'Etat, comme l'avait rappelé la Cour des comptes dans son rapport sur l'exécution des lois de finances pour 1998.
Le Gouvernement a répété, à maintes reprises, qu'il entendait stabiliser le nombre total de fonctionnaires, tout en procédant à des redéploiements d'effectifs au bénéfice de départements ministériels sous-administrés, notamment celui de la justice, grâce à la réalisation de gains de productivité dans d'autres ministères, celui des finances en particulier. La capitulation du Gouvernement dans sa réforme de l'administration fiscale vient bouleverser ce programme. Dès lors, il faut craindre une augmentation globale du nombre de fonctionnaires.
De surcroît, des inconnues persistent sur ce sujet, à commencer par l'avenir des emplois-jeunes. Que vont devenir les 350 000 jeunes concernés à l'issue de leur contrat de cinq ans ? Faut-il voir en eux de futurs fonctionnaires ? Je crains que oui, l'ancien ministre de la fonction publique ayant déclaré que « certains titulaires d'emplois-jeunes intégreront la fonction publique à l'issue de leur contrat de cinq ans ». Combien d'entre eux seront concernés ? Selon quelles modalités intégreront-ils la fonction publique ? Quel coût cela représentera-t-il pour le budget de l'Etat ?
Une autre question est particulièrement préoccupante, celle du coût des pensions, qui va se poser rapidement.
L'évolution du montant des charges de pension des fonctionnaires de l'Etat et des militaires a suivi une tendance extrêmement rapide : de 1990 à 1997, ce montant est passé, en francs constants, de 136 milliards de francs à 164,5 milliards de francs, soit une progression supérieure à 20 %.
Or les évolutions démographiques sont très préoccupantes eu égard à leurs conséquences budgétaires. D'ici à 2010 en effet, comme l'ont rappelé plusieurs de mes collègues, plus de 40 % des fonctionnaires partiront à la retraite, la moitié en 2012. En 2005, les dépenses de pension devraient s'établir à plus de 210 milliards de francs, à plus de 260 milliards de francs en 2010 et à plus de 320 milliards de francs en 2015. Ainsi, de 2001 à 2015, les dépenses de pensions devraient croître de près de 75 %.
Il me semble donc indispensable d'engager rapidement la réforme des régimes spéciaux de retraite, qui, je le rappelle, n'ont pas été concernés par la réforme de 1993.
Or je crains que le Premier ministre n'ait annoncé, le 21 mars dernier, une non-réforme. Un allongement de la durée de cotisation des fonctionnaires à 40 ans contre 37,5 ans actuellement, dont chacun sait depuis le rapport Charpin qu'il s'agit d'une solution inévitable, a été présenté comme une simple piste de réforme, la concertation et la négociation avec les organisations syndicales devant permettre d'assurer l'avenir des retraites. Cette simple proposition de réforme connaîtra-t-elle le même sort que celle de l'administration fiscale ?
Enfin, le coût du passage aux 35 heures dans la fonction publique est également une source d'inquiétudes. Aujourd'hui, le Gouvernement est placé face à ses propres contradictions : présentées comme un moyen de créer beaucoup d'emplois dans le secteur privé, les 35 heures devraient être appliquées dans la fonction publique à effectif constant ! Le refus du Gouvernement de satisfaire les revendications des syndicats en matière de créations d'emplois est à l'origine de l'échec des négociations visant à élaborer une convention-cadre. Pourquoi ? La réponse est simple : elle se trouve dans le rapport sur le temps de travail dans les trois fonctions publiques que M. Jacques Roché avait remis, en février 1999, au ministre de la fonction publique.
Ce rapport rappelait, en effet, que la durée du travail dans la fonction publique est très contrastée, variant entre 29 heures et 40 heures par semaine pour la seule fonction publique de l'Etat. Il recommandait, en outre, de considérer la réduction du temps de travail comme « une formidable occasion d'une remise à plat de l'organisation actuelle du temps de travail dans les fonctions publiques ».
Le Gouvernement n'a pas voulu prendre d'engagement en matière de créations d'emplois, mais, dans le même temps, il a renoncé à mettre en oeuvre la réforme qualitative recommandée par le rapport Roché. Il est pourtant une question à laquelle je vous demande de nous apporter aujourd'hui une réponse, monsieur le ministre : à quel coût le ministère de l'économie et des finances évalue-t-il le passage des trois fonctions publiques au 35 heures ?
Les réponses que vous apporterez, je l'espère, à l'ensemble de ces questions, conditionnent en effet fortement l'orientation de nos finances publiques au cours des années à venir.
Vous nous avez dit en préambule, monsieur le ministre, qu'un Etat moderne devait rendre des comptes sur son administration, devait compter juste et parler clair. C'est ce que nous attendons de vous et du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Darcos.
M. Xavier Darcos. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, dans le projet de loi de finances pour 2000 les sections « enseignement scolaire » et « enseignement supérieur » du ministère de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie, se sont établies à 361 milliards de francs, en augmentation de 3,3 % par rapport à la loi de finances de 1999.
Cette progression de 11,7 milliards de francs des dotations allouées à l'éducation nationale devait permettre d'assurer le financement de l'action gouvernementale autour de cinq axes principaux : l'amélioration de la qualité des enseignements scolaire et supérieur ; la mise en oeuvre de la réforme des collèges et des lycées ; la lutte contre l'exclusion sociale, notamment grâce à la poursuite du coûteux « plan social étudiant » ; la revalorisation de la situation des ensignants ; enfin, la préparation de l'université au troisième milléaire, le plan U 3 M.
Monsieur le ministre, je suis parfaitement conscient que le budget de l'enseignement scolaire est l'un des budgets les plus rigides de l'Etat puisque plus de 82 % de ses crédits sont affectés à des dépenses de personnel.
Or le débat d'orientation budgétaire d'aujourd'hui porte sur des choix et surtout sur l'ordre des priorités dans l'utilisation des crédits restants, priorités qui seront au nombre de trois : la réduction du déficit budgétaire, une plus grande maîtrise des dépenses publiques et l'évolution des recettes fiscales puisqu'il est prévu, pour 2001, 40 milliards de francs de diminutions d'impôts.
Comment s'inscrivent donc, dans ce contexte, les dépenses afférentes à l'enseignement ?
Tout d'abord, je voudrais rappeler les observations formulées par la commission des finances lors de l'examen de la dernière loi de finances.
Cette commission s'interrogeait sur le bien-fondé d'une augmentation des crédits de 10,3 milliards de francs par rapport à l'année précédente pour les effectifs d'enfants scolarisés dans l'enseignement primaire et secondaire, alors que, globalement, ces effectifs restaient stables, voire enregistraient une légère diminution.
Notre rapporteur spécial du budget de l'enseignement scolaire s'était inquiété précisément sur la gestion inadéquate des effectifs, évoquant ainsi la dérive du budget de l'éducation nationale, en opposition avec la décroissance démographique.
Notre rapporteur spécial avait également jugé inquiétante pour les finances publiques la mesure concernant l'intégration des instituteurs dans le corps des professeurs des écoles, insistant sur le fait que, si cette mesure ne paraissait pas illégitime au regard de l'équité, son impact sur les finances publiques - et, ajouterai-je, sur le service des pensions - devait être clairement mesuré.
Enfin et surtout, notre rapporteur spécial regrettait que la réforme des lycées pour les classes de seconde, première et terminale ne soit pas réalisée à moyens constants, inquiétude d'autant plus légitime que la réforme proposée concerne des diminutions d'horaires et des diminutions des temps disciplinaires. N'a-t-on pas parlé, à ce sujet, de « lycées light » ?
Or le collectif budgétaire qui doit nous être prochainement présenté fait ressortir 769 millions de francs de dépenses nouvelles de fonctionnement, contre 110 millions de francs seulement de dépenses d'investissement.
Il paraît donc essentiel, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, que, dans ce contexte, vous nous apportiez toutes justifications utiles sur la légitimité de ces dépenses nouvelles et de ces augmentations, et que le débat d'aujourd'hui soit l'occasion de faire le point sur les mises en garde pertinentes formulées par la commission des finances de la Haute Assemblée lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2000.
Ces derniers mois se sont traduits par un mécontentement profond du corps enseignant et des élèves des enseignements primaire et secondaire. Ce mécontentement, même s'il est rituel, s'est cristallisé sur l'inanité du concept de collège unique, sur l'organisation des programmes, sur la carte scolaire ou sur la gestion des heures supplémentaires.
Dans ce débat d'orientation budgétaire, où la question de l'enseignement devrait être essentielle, alors qu'elle a été très peu évoquée, y compris à l'Assemblée nationale, lors du débat du 16 mai dernier, pourriez-vous, monsieur le ministre, nous préciser quelle est votre politique et nous indiquer si vos orientations sont identiques à celles de votre prédécesseur ?
Nous ne pouvons évidemment qu'appeler au volontarisme budgétaire dans le domaine de l'enseignement, sachant que le ministère de l'éducation nationale est le ministère du destin, mais nous exigeons, étant donné l'ampleur des chapitres concernés, la plus grande transparence possible. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.) M. le président. La parole est à M. Joyandet.
M. Alain Joyandet. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, à cette heure, je serai extrêmement bref et cantonnerai mon propos à quelques réflexions concernant les investissements.
Sur un budget de 2 300 milliards de francs, seuls 180 milliards sont consacrés aux investissements, dont 80 milliards aux véritables investissements, c'est-à-dire les investissements productifs. Chiffre dérisoire par rapport aux autres budgets publics de notre pays !
J'aurais d'ailleurs souhaité établir une comparaison avec ce qu'il en était à cet égard voilà une vingtaine d'années. Hélas ! la comptabilité publique telle qu'elle existait à l'époque ne m'a pas permis de faire ce travail. En effet, la comptabilisation des investissements n'existe que depuis quelques années. Je note au passage que le rapport de notre éminent rapporteur comporte un paragraphe entier consacré à la présentation des comptes, et les propositions qu'il contient me paraissent tout à fait judicieuses.
Monsieur le ministre, je souhaiterais que vous puissiez nous dire vos intentions en ce qui concerne les investissements. Depuis quelque temps, l'Etat transfère aux collectivités régionales, départementales et locales un certain nombre d'investissements : pour les lycées, pour les collèges, pour les transports régionaux. Force est de constater que tout cela génère une fiscalité locale supplémentaire.
Par ailleurs, sur un certain nombre de dossiers, nous n'arrivons plus à obtenir des financements de l'Etat. Dans certains départements - en particulier dans un département que je connais bien -, on ne parvient plus à financer les travaux intéressant les routes nationales, celles-là mêmes qui relèvent de l'Etat.
Alors que des contrats de plan viennent d'être signés, il apparaît que, dans un département qui n'a pas un kilomètre d'autoroute, les deux routes nationales ne verront pas leur mise à deux fois deux voies avant environ vingt ans !
Des calculs ont été faits qui démontrent que, compte tenu des fonds de concours demandés à nos collectivés locales, le rythme d'investissement sera forcément celui du plus petit payeur, c'est-à-dire celui de nos petites collectivités locales.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Mme Voynet n'aime pas les routes !
M. Alain Joyandet. Cela laisse pantois, monsieur le ministre, notamment quand la croissance offre des marges de manoeuvre supplémentaires.
D'ailleurs, j'ai été assez étonné quand j'ai entendu dire, après qu'il eut été question d'une « cagnotte » de 50 milliards de francs, qu'on allait engager des dépenses de fonctionnement supplémentaires sans qu'il soit, à aucun moment, envisagé de procéder à des investissements. Car il y a tout de même des investissements productifs dont nous avons besoin !
Je voudrais vous interroger, monsieur le ministre, sur un sujet qui me tient particulièrment à coeur, celui des investissements de l'Etat permettant de préparer l'entrée de la France dans la société de l'information.
Observant ce qui se passe sur le terrain, je constate que, lorsqu'il faut équiper nos établissements scolaires en ordinateurs, de manière à former nos élèves à Internet, ce sont encore les collectivités locales qui, la plupart du temps, doivent les financer. Et elles ont les pires difficultés à trouver sur place des personnels de l'Etat susceptibles d'organiser tout cela !
Au demeurant, M. Abramatic, dans le rapport qu'il a établi, constate que la France est à la traîne dans ce domaine, y compris par rapport à ses voisins. L'Allemagne compte ainsi dix millions d'internautes quand ils ne sont que quatre millions en France. Cela pose un véritable problème, non seulement pour le grand public mais aussi pour les entreprises.
Si l'Etat ne développe pas ses investissements, s'il ne conduit pas une politique volontariste dans le domaine du numérique, s'il laisse faire le marché et les entreprises, je crains que nous ne soyons amenés à déplorer, dans les toutes prochaines années, sur le territoire français, une « fracture numérique » qui viendra accentuer la fracture sociale.
Quelle sera la démarche de l'Etat pour faire en sorte que l'ensemble de nos concitoyens, quel que soit leur niveau social et où qu'ils vivent sur le territoire national, puissent être le plus rapidement possible reliés au numérique à haut débit, de façon à pouvoir se former chez eux, créer leur entreprise. Il ne faut surtout pas que, de la même manière que l'on a laissé des no man's land sans autoroute en macadam, on laisse ces mêmes territoires sans autoroute de l'information.
En l'occurrence, l'investissement public est indispensable. Si l'on s'en remet au seul marché, une fois de plus, ceux de nos territoires qui ne sont pas « rentables » seront laissés de côté : ils resteront sur le bord des autoroutes de l'information.
Ce soir a été rendu public le chiffre de 130 milliards de francs au titre de l'attribution des fréquences UMTS. Fort bien ! C'est une cagnotte supplémentaire ! Cela peut tout changer. Mais nous avons ici, au Sénat, défendu des amendements tendant à faire en sorte que les entreprises bénéficiaires d'un certain nombre de fréquences s'engagent à couvrir 100 % du territoire français, de façon que tous les citoyens puissent bénéficier de ces services. On nous a répondu que ce n'était pas possible parce que cela coûterait trop cher. Or, aujourd'hui, on prend 130 milliards de francs à ces entreprises !
Ne craignez-vous pas, monsieur le ministre, qu'en prélevant cette somme on n'incite encore ces mêmes entreprises à privilégier les territoires les plus rentables ?
Ne serait-il pas de bonne méthode de réduire de 10 milliards ou de 15 milliards de francs la ponction opérée sur ces entreprises mais d'exiger d'elles, en contrepartie de l'attribution des fréquences, l'engagement d'équiper l'ensemble du territoire français dans un certain délai ? Dès lors, la perte de recette serait largement compensée.
Si la totalité du territoire français n'est pas équipée, ce sont certaines régions qui se trouveront handicapées, ce sont nos entreprises, nos écoles qui seront pénalisées et c'est l'avenir de notre pays dans la compétition mondiale qui se trouvera ainsi hypothéqué.
Je serai heureux d'entendre votre réponse, monsieur le ministre, sur ce grave problème. ( Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. )
M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. En dépit de l'heure, il me paraît non seulement courtois mais aussi utile à la qualité du travail parlementaire de répondre, fût-ce succinctement, aux différents orateurs.
Au demeurant, le débat d'orientation budgétaire et la discussion du collectif budgétaire étant très proches, un certain nombre des réponses que je ne peux pas apporter ce soir le seront certainement par Mme Parly dans la discussion qui va s'ouvrir ici même dans quelques heures.
M. le rapporteur général a, tout d'abord, exprimé une critique, en forme d'interrogation, sur le mépris relatif dans lequel serait tenu le Parlement à propos de l'attribution des licences UMTS. Etant retenu au Sénat, il ne pouvait pas savoir que, quelques dizaines de minutes plus tôt, j'avais été interrogé sur ce point à l'Assemblée nationale, comme je l'avais déjà été à plusieurs reprises auparavant, ainsi que M. Pierret. Le système institutionnel français comporte deux assemblées et je ne pense pas que le Sénat puisse considérer comme une marque de mépris particulier pour le parlementarisme le fait que je me sois adressé à l'Assemblée nationale.
J'ai donc répondu d'une façon très précise, comme cela était d'ailleurs parfaitement normal, à la question qui m'avait été posée sur ce sujet. Je ne l'ai pas fait à nouveau ici, parce que, depuis, vous avez sans doute pris connaissance, mesdames, messieurs les sénateurs, des déclarations que j'ai prononcées à l'Assemblée nationale. Je voudrais tout de même indiquer que nous avons étudié de façon approfondie les trois ou quatre grandes questions qui sont posées au travers d'un choix de ce type.
Une question, d'ordre technique, portait sur le nombre des licences attribuées, puisque, à partir d'une certaine bande de fréquence de 120 MégaHertz, il était théoriquement possible d'attribuer de quatre à six licences. Les pays voisins de la France ont d'ailleurs retenu à cet égard diverses solutions : l'Allemagne a opté pour six licences, les Britanniques pour cinq et les Scandinaves pour quatre.
Au terme d'une étude approfondie, nous avons pensé que la solution préconisée par l'autorité de régulation des télécommunications, soit quatre licences, était la bonne. Il y aura donc attribution de quatre licences.
La deuxième question, très importante elle aussi, concernait évidemment la procédure. Il existe, vous le savez, toute une série de procédures possibles. Il y a d'abord la procédure dite « des enchères », qui a déjà été retenue par nos voisins britanniques et qui sera retenue par nos voisins allemands, et dont les résultats, en termes financiers, ont été très importants. Il y a ensuite la procédure dite « mixte », à l'italienne, qui ajoute à une soumission comparative des enchères. Puis il y a la procédure dite de « soumission comparative », qui nous avait été proposée par l'autorité de régulation des télécommunications, procédure qui a été adoptée en particulier par les pays scandinaves et par d'autres encore, notamment l'Espagne.
Nous avons beaucoup réfléchi sur ces questions, parce qu'il faut prendre en considération l'intérêt de l'usager : c'est quand même lui le premier concerné. Mais il y a aussi le développement de la technologie, et je fais ici allusion à la dernière intervention, fort pertinente, de M. Joyandet : il faut parvenir à développer la technologie sur le plan industriel, et partout.
De même, il nous faut prendre en considération l'aménagement du territoire ainsi que les opérateurs. Et il nous faut arriver à déterminer, au travers de tout cela, où se trouve l'intérêt général.
Nous avons estimé que c'est par la procédure dite de la « soumission comparative » que l'intérêt général serait le mieux assuré, notamment par le cahier des charges qui contiendra en particulier, monsieur Joyandet, des exigences tenant à la couverture du territoire national ; c'est très important.
Une troisième question a été posée, tout aussi importante, qui, aux termes de la loi, relève du Gouvernement : à partir du moment où nous retenions la procédure de « soumission comparative », qui n'exige pas de texte supplémentaire, à quel montant devait être fixée l'attribution des licences ?
Nous n'avons pas voulu faire un choix arbitraire. C'est pourquoi nous avons demandé, d'une part, à l'administration et, d'autre part, à un consultant privé, indépendant de tout lien avec les opérateurs potentiels, de nous présenter des analyses et des recommandations en s'appuyant sur la situation d'autres pays et en considérant les différences puisqu'il ne s'agit pas exactement de la même couverture géographique ni de la même durée de licence.
C'est à partir de ces études précises que nous avons arrêté les sommes dont vous avez pu prendre connaissance. Il sera demandé, pour la délivrance de chaque licence, une somme de 32,5 milliards de francs, soit, au total, pour quatre licences, 130 milliards de francs, c'est-à-dire 19,8 milliards d'euros, ce qui est plus que l'Espagne et que d'autres pays, mais nettement moins que la Grande-Bretagne.
Enfin, une question concernait l'affectation de ces sommes. Je me suis déjà prononcé sur ce sujet à l'Assemblée nationale voilà quelques semaines. J'ai indiqué, d'entrée de jeu, qu'il me semblait déraisonnable, d'un point de vue budgétaire, d'affecter tout ou partie de ces sommes aux dépenses courantes et que la meilleure solution me paraissait être de les consacrer, d'une façon ou d'une autre, au désendettement. Il nous a semblé que la solution la plus expédiente était d'attribuer l'essentiel de ces sommes au fonds de réserve des retraites, qui est, tous les économistes le reconnaissent, une forme de dette publique. En outre, nombre d'entre nous insistent sur l'importance de maintenir un système de répartition en France. Or il n'est pas de meilleur moyen de prouver notre attachement à ce système que de doter le fonds de répartition.
Je réponds ainsi à plusieurs orateurs - ils se reconnaîtront - qui m'ont interrogé quant à l'affectation directe d'une partie de ces sommes à des investissements.
Je suis amené ici à faire état de conversations que nous avons eues sur le plan européen voilà quelques semaines, et encore hier et avant-hier, parce que le même problème se retrouve dans différents pays. Nous avons estimé les uns et les autres, et la Commission européenne nous a engagés à aller dans ce sens, que ces sommes devaient être affectées non pas à l'augmentation des dépenses, fussent-elles d'ailleurs très utiles, mais au désendettement d'une façon ou d'une autre, qu'il s'agisse du budget ou des retraites. C'est ce que nous ferons !
Cela n'a pas empêché le Premier ministre - vous avez peut-être cela en mémoire - de demander à M. Lang et à moi-même toute une série de mesures tendant à élargir l'accès à Internet, et nous allons nous y employer dans les semaines à venir.
Vous vous rappelez sans doute, cela avait été à la fois un échec et un succès, et il faut en tirer les leçons - que, voilà déjà de nombreuses années, ne trouvant alors dans une position différente, j'avais lancé le plan « Informatique pour tous », qui avait de bons et de mauvais côtés. Le bon côté, c'est que nous avions, vingt ans à l'avance, une perception de ce qu'il fallait faire. Le mauvais côté, c'est que nous avions recours à une technique unique de matériel et que, comme cela arrive souvent en France, la mise en oeuvre du plan n'avait pas été poursuivie par mes successeurs.
Il faut maintenant s'inspirer d'une démarche non pas identique mais voisine s'agissant d'Internet.
Vous avez tout à fait raison de dire que le meilleur service que l'on puisse rendre aux jeunes et aux moins jeunes, c'est de mettre à leur disposition, dès l'école et sous des formes diverses, toute une série d'outils.
Les collectivités ont accompli un effort important. L'Etat a fait aussi un certain effort. Il faut aller plus loin. On a progressé, mais on est en retard par rapport à d'autres. J'ai reçu la mission, que je remplirai avec plaisir, conjointement avec M. Lang, d'avancer en ce sens.
M. le rapporteur général a attiré notre attention sur le fait - et je le remercie de la sollicitude qu'il manifeste à travers cette formulation - que son rapport avait pour sous-titre : « Comment être crédible en Europe ? Je ne sais pas s'il s'agit de dire - cela est laissé à l'interprétation de chacun - « comment être crédible dans le futur en Europe ? ou, s'il veut dire : « au fond, la traduction de la politique du Gouvernement, c'est comment être crédible en Europe ».
J'ai plutôt tendance à considérer que c'est la seconde acception qui convient, car, si, la première, M. le rapporteur général serait vraiment en contradiction - ce serait paradoxal s'agissant d'un Français, patriote au demeurant - avec la totalité de nos voisins européens qui considèrent - peut-être sont-ils trop aimables, mais, entre homologues, on ne l'est pas toujours, vous en avez l'expérience - que, du point de vue économique, la France est l'un des pays les plus crédibles en Europe. Ne soyons donc pas moins Français que nos voisins !
M. le rapporteur général nous suggère - ce qu'il dit est sans surprise et se retrouve d'ailleurs dans les interventions de plusieurs de ses collègues - de baisser davantage les prélèvements obligatoires et de maîtriser les dépenses. Même si, sur ce point - j'y reviendrai brièvement tout à l'heure - nous rencontrons toujours le même problème -, et plusieurs d'entre vous ont exercé ou exerceront des responsabilités imminentes : c'est donc un conseil erga omnes - , en général le tout est la somme des parties. On se trouve dans une situation un peu difficile lorsque, globalement, on recommande la maîtrise des dépenses - ce qui est souvent un mot aimable pour signifier leur réduction - mais que, examinant chaque budget en particulier, on trouve pertinent d'en proposer l'augmentation.
Par conséquent, de ce point de vue, je serais très intéressé par ce que j'appellerai une « confrontation » - non pas au sens juridique du terme, mais amicale - entre, par exemple, M. le rapporteur général, très attaché à la réduction des dépenses, M. de Villepin, qui demande l'augmentation des dépenses militaires, et on le comprend, et M. César, qui nous a expliqué qu'il fallait augmenter le budget de l'agriculture de façon substantielle.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous vous connaissez : rapprochez-vous et, une fois que vous aurez procédé aux arbitrages, nous serons à votre disposition pour vous écouter ! (Sourires.) .
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est facile !
M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. M. Marini a posé ensuite une question précise, très intéressante, qui a été reprise par certains de ses collègues : comment le Sénat sera-t-il informé en cours d'année sur l'exécution du budget 2000 ? Et puis, question connexe, comment se fait-il que, d'une part, nous présentions un collectif budgtéaire avec 215 milliards de francs de déficit et que, d'autre part, nous annoncions, Mme Parly et moi-même, que compte tenu de nos prévisions, il est probable que ce déficit s'établira à environ 200 milliards de francs ?
Nous avions le choix.
Laissant de côté toute bataille idéologique, il faut que chacun se représente quelle est la tâche du Parlement et quelle est celle du Gouvernement.
Nous sommes au début du mois de juin et, en recourant aux méthodes de calcul de l'administration, nous avons anticipé, d'une certaine façon, sur le déroulement de l'année 2000. Mais il faut reconnaître honnêtement qu'il peut arriver encore beaucoup de choses. De ce point de vue, vous devez savoir qu'il n'existe pas une exacte analogie avec ce que connaissent nos collectivités locales, où les recettes sont à peu près connues et les dépenses à peu près maîtrisées. Nous pouvons rencontrer des difficultés comme nous pouvons avoir de bonnes surprises ! Je fais maintenant parvenir un relevé de situation tous les quinze jours aux présidents et aux rapporteurs des commissions des finances des deux assemblées.
Compte tenu de notre évaluation des dépenses et des prévisions de recettes, nous devrions être en dessous du chiffre qui été retenu. Mais nous n'en sommes absolument pas certains ! Nous ne voulons pas nous trouver, car vous nous le reprocheriez à juste titre, dans une situation où nous passerions de 215 milliards de francs à 210 milliards ou 205 milliards de francs, pour, trois mois plus tard, vous demander de voter un chiffre plus important.
En raison de cette exigence de vérité - Mme Parly reviendra sur ce sujet dans quelques heures - qui, je crois, doit nous animer, nous disons qu'il s'agit d'un chiffre provisoire - une loi de finances rectificative vous sera présentée - et que ce n'est pas une certitude mathématique.
Quand cela devra-t-il devenir une certitude mathématique ? A l'automne, à une date qui sera très proche de la présentation de la loi de finances ; nous vous présenterons alors une loi de finances rectificative qui devra comporter des chiffres extrêmement proches de ce que seront les chiffres en fin d'année en termes d'exécution.
Je vous propose de procéder ainsi car si, aujourd'hui, nous baissions beaucoup notre chiffre, nous risquerions de nous tromper. Si, en revanche, nous ne vous donnions aucune indication sur ce qu'est notre perception, à coup sûr, nous ne vous dirions pas quel est notre état d'esprit. Donc, c'est ainsi que nous nous proposons de procéder.
Les autres années nous n'aurons probablement pas la même difficulté. En effet, l'élaboration de ce collectif est due, en grande partie, au fait que nous avons eu à financer des dépenses exceptionnelles, que nous ne pouvions pas ne pas financer. Mais, en général, on peut n'avoir qu'un collectif de fin d'année, il n'est pas nécessaire d'avoir deux collectifs par an.
Voilà les quelques explications que je souhaitais donner sur ce point. J'espère que je n'ai pas été trop long ou, au contraire, trop court à l'égard du rapporteur général. M'adressant à lui, je répondais aussi, d'ailleurs, à beaucoup d'autres interrogations convergentes qui émanaient d'autres membres du Sénat.
M. le président Lambert a réaffirmé le souhait - nous en avions parlé - qui est aussi celui de beaucoup d'autres membres de votre assemblée, de ne pas limiter le débat d'orientation budgétaire au budget mais d'intégrer, sous une forme ou sous une autre, la sécurité sociale. Pour s'en tenir à la rigueur des appellations, et sans y voir d'allusion personnelle, ma collègue ministre de l'emploi et de la solidarité, qui est une femme extrêmement compétente et dont le portefeuille ministériel est très vaste, sera, j'en suis sûr, très heureuse de vous expliquer la situation telle qu'elle la voit, si elle n'a pas déjà eu l'occasion de le faire.
Sur le plan strictement juridique, étant ministre des finances, je suis comptable des finances budgétaires et des finances sociales. Donc, même si notre document se penchait essentiellement sur l'aspect budgétaire, comme plusieurs d'entre vous l'ont remarqué, nous ne nous interdisons pas de faire des incursions dans le domaine social, et lorsque nous avons transmis nos prévisions à Bruxelles, nous avons couvert le champ proprement budgétaire d'Etat, le champ social et même le champ local. Il est donc tout à fait normal que vous nous interrogiez sur ces points.
On pourrait en effet avoir une conception plus large, en disant que Mme Aubry - pour personnaliser les choses - devrait aussi participer au débat. Pour le moment, ce n'est pas ainsi que nous procédons.
De surcroît, il faut bien voir que, à l'heure actuelle, les règles de comptabilisation des finances sociales ne sont pas exactement les mêmes ; je pense notamment au moment où se réunit la commission des comptes de la sécurité sociale. Donc, cela n'est pas très facile à monter, et c'est sans doute ce qui explique que, jusqu'à présent, cette demande - tout au moins sur la forme - n'ait pas pu être satisfaite.
M. le président Lambert a posé, bien sûr, une question tout à fait centrale : comment peut-on concilier la baisse des prélèvements obligatoires et la baisse du déficit, ne pourrait-on pas mieux maîtriser la dépense ?
J'ai entendu, ainsi que Mme Parly, toutes les suggestions que vous avez faites. Ce débat est intéressant, je l'espère, pour vous ; en tout cas il l'est pour nous, car nous tenons compte de ce que vous nous suggérez.
Les pistes qu'a indiquées le président Lambert - nous avons eu l'occasion d'en parler plusieurs fois - m'intéressent et il se reconnaîtra volontiers - je ne vais pas le compromettre en disant cela ! - dans un certain nombre de décisions que nous avons prises, notamment pour assurer une plus grande transparence.
Je me permets d'avoir une divergence avec lui et avec quelques autres parlementaires sur un chiffre cité à plusieurs reprises ; je ne sais pas si vous l'avez trouvé, ou si vous l'avez bâti. Mais si vous l'avez trouvé, ce n'est pas chez un bon auteur, et si vous l'avez bâti, je vous invite à le reconsidérer. Vous avez mis en doute la réalité des baisses de prélèvements obligatoires ou d'impôts puisque - et c'est ce chiffre qui a été cité plusieurs fois - il y avait 400 milliards de francs de prélèvements obligatoires en plus.
Nous sommes, les uns et les autres, suffisamment avertis des réalités fiscales et de leurs difficultés pour ne pas en rajouter ! Lorsqu'on fait des comparaisons fiscales, on travaille bien sûr en annulant l'effet de richesse. Lorsqu'on dit qu'il y a une augmentation ou une baisse des prélèvements obligatoires ou des impôts, c'est après s'être demandé si les innovations de la législation fiscale apportent un plus ou un moins. Or, on ne peut pas soutenir - et je crois qu'aucun d'entre vous ne s'y risquerait - que les modifications fiscales introduites par le Gouvernement depuis trois ans ont conduit à une augmentation de 400 milliards de francs des prélèvements obligatoires. Ce n'est absolument pas exact ! Il a pu y avoir une augmentation sur certains points ; je crois me souvenir d'une surtaxe sur l'impôt sur les sociétés, ou d'un ou deux éléments de ce type, qui, par la suite, ont d'ailleurs été annulés. Mais, au total - le calcul a d'ailleurs été fait par mes collaborateurs - les modifications de la législation fiscale depuis trois ans ont conduit globalement à une baisse de la pression fiscale. C'est indéniable ! Et si nous sommes d'accord sur ce point, nous avons peut-être déjà avancé.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Le théorème DSK !
M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je ne suis pas sûr que la notion de prélèvements obligatoires dise grand-chose aux Français.
Puisque vous avez cité le nom d'un de mes prédécesseurs, M. Dominique Strauss-Kahn, je l'avais gentiment taquiné le jour où, avec le brio que chacun lui connaît, il nous avait expliqué - je ne sais pas si je ne vais pas me tromper, inverser... car c'est tellement complexe ; il n'y a que lui pour s'y retrouver ! - (Sourires.) que les prélèvements obligatoires baissaient alors que les impôts augmentaient. C'était d'ailleurs certainement vrai.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Théorème !
M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Mais, pour les modestes Français que nous sommes tous, c'est surtout l'impôt qui compte, et on a du mal à expliquer à nos concitoyens qu'une grandeur chérie des statisticiens augmente ou baisse si une grandeur plus aisée à comprendre, à percevoir... ou à débourser, évolue, elle, dans le sens inverse !
Je m'étais fait apporter un jour des ouvrages volumineux - par la suite, je me les suis fait résumer, sinon je ne m'en serais pas sorti ! - qui expliquent que c'est une notion très intéressante, mais qu'elle est difficilement comparable, au demeurant, avec celle que pratiquent nos voisins. Plusieurs d'entre vous ont cité l'exemple de l'Allemagne. Oui, mais les différences s'expliquent, en particulier, par le fait que, dans un cas, les retraites complémentaires sont incluses, mais pas dans l'autre. Il faut faire attention à cela.
Par ailleurs, et je reviens sur ce qui s'est passé dans les années récentes, les prélèvements obligatoires, c'est un ratio entre un numérateur et un dénominateur. Lorsque la croissance augmente fortement, les prélèvements obligatoires baissent mécaniquement. C'est assez facile à comprendre : puisque le numérateur augmente fortement alors que le dénominateur bouge peu, le rapport baisse. Mais si, l'année suivante, la croissance, tout en étant forte, est moins forte que l'année précédente, alors les prélèvements obligatoires se remettent à augmenter. Personne n'y comprend rien. Je ne suggère pas d'abandonner cette notion, qui permettra à beaucoup d'étudiants et à quelques professeurs de passer des nuits blanches, mais de toujours la compléter par l'évocation directe des impôts et des cotisations, car c'est tout de même là que les gens s'y retrouvent à mon avis le mieux.
M. le président Lambert est revenu longuement, et il a eu raison de le faire, sur le chômage. Je suis tout à fait d'accord avec lui et je crois l'avoir dit dans mon propos initial ; en tout cas, si je ne l'ai pas dit suffisamment, je complète immédiatement.
Le chiffre actuel - 2,3 millions de chômeurs, soit 9,8 % de la population active - c'est encore beaucoup trop, nous le savons tous dans nos cantons, dans nos communes, dans nos circonscriptions, dans nos départements. Mais, avec la même authenticité, on doit reconnaître, pour s'en réjouir - et, d'ailleurs, je vous remercie car toutes et tous vous vous en êtes réjouis -, que c'est tout de même moins que ce que nous avons connu à une autre période, même si c'est le même chiffre que voilà dix ans ; mais peut-être la perception n'est-elle pas la même sur le plan psychologique.
En répondant à M. le rapporteur général, je crois avoir déjà répondu à la question parfaitement pertinente de M. le président Lambert : pourquoi 215 milliards de francs, et non 200 milliards de francs ? Vous avez ajouté un élément supplémentaire : qu'est-ce qui change dans ce chiffre ? Est-ce que ce sont les recettes qui augmentent ou les dépenses qui baissent ?
Je dirai au civil que vous êtes que les recettes - d'ailleurs, le papier qui a été publié ces jours-ci va dans ce sens - seront sans doute un peu plus élevées que prévu... mais je touche du bois car on a parfois de mauvaises surprises. Quant aux dépenses, nous avons passé ce que nous avons appelé des contrats de gestion avec les différents ministères : Mme Parly et moi-même leur avons donc demandé de procéder eux-mêmes à des économies. C'est donc à la fois l'addition de ces éventuelles recettes et le constat - j'espère que nous serons suivis - que les contrats de gestion sont lancés qui nous permettent de penser que nous serons beaucoup plus près de 200 milliards de francs que de 215 milliards de francs.
M. François-Poncet est intervenu longuement sur le fait que beaucoup de jeunes quittent la France. C'est un thème que l'on connaît bien, qui n'est d'ailleurs pas inexact, dès lors, bien entendu, qu'on le relativise. Sans confondre les phénomènes, il n'est tout de même pas mauvais qu'un certain nombre de jeunes, non pas s'expatrient ou s'exilent, mais aillent voir à l'étranger ce qui s'y passe. En contrepartie, et c'est heureux, beaucoup d'étrangers viennent chez nous.
Par conséquent, le régime parfois un peu dantesque que M. François-Poncet, qui est un homme nuancé, décrivait n'est tout de même pas à ce point infernal qu'il empêche nombre d'étrangers, notamment des cadres, de venir en France.
Il n'en demeure pas moins, et je suis le premier à le dire, ce qui m'a d'ailleurs parfois été reproché, que des modifications doivent être apportées, à notre fiscalité.
Nous avons procédé assez largement en ce sens. Par exemple, même si vous n'avez pas eu encore l'occasion d'examiner le projet de loi sur les nouvelles régulations économiques - puisque vous avez voulu avoir le temps suffisant pour le « savourer » ! - nous avons proposé de modifier le régime des stock-options et de pérenniser et d'étendre le régime dit des BSPCE, qui est très intéressant pour tous les nouveaux entrepreneurs, de sorte que les créateurs d'entreprise dont parlait M. François-Poncet, s'il décident de rester en France, n'ont que des taxes très faibles à acquitter. Je crois qu'il s'agit d'un bon régime. Mais il est certainement vrai qu'il reste des progrès à accomplir.
Je dois ajouter que Mme Parly et moi-même avons publié un rapport de la direction générale des impôts sur les personnes qui partent à l'étranger, sans doute très insuffisant, mais qui a le mérite de constituer la première évaluation grossière de ce phénomène. Or, ce rapport indique, s'agissant de l'aspect fiscal de la question, que c'est non pas le niveau absolu de tel ou tel impôt qui représente le point le plus gênant, mais l'addition de ces impôts, et que la mesure - et ce n'est pas simplement un trait facétieux ! - dont l'effet a été incontestablement le plus négatif - mais on ne peut pas nous en tenir comptables - c'est la fin du plafonnement de l'ISF par rapport aux revenus. Chacun s'y retrouvera !
Je répondrai brièvement à M. Delaneau, qui a évoqué les conséquences de la réforme de 1996 sur le débat d'orientation sur les finances publiques. Comme d'autres intervenants, il a souhaité que le débat porte sur l'ensemble.
Monsieur Delaneau, vous avez parlé de « trappes à inactivité », ce que j'appelle, moi, des « pièges à inactivité ». Ne croyez pas du tout que nous abandonnons cette voie ; si vous avez pu avoir ce sentiment, c'est que nous nous sommes mal exprimés. D'une part, le collectif lui-même contient la mesure d'abaissement des deux premières tranches de l'impôt sur le revenu, qui va en ce sens ; d'autre part, nous sommes en train de réfléchir à une réforme des allocations logement ; il y a en effet un problème aussi de ce point de vue, car les personnes ne sont pas traitées de la même façon, au regard de l'allocation logement, selon qu'elles sont ou non bénéficiaires du RMI.
D'une façon plus large, Mme Parly et moi-même réfléchissons à des mesures - pourquoi pas de type fiscal ? Mais c'est très compliqué - que nous pourrions proposer pour, précisément, aller plus loin dans l'encouragement à l'activité ou le « découragement » à l'inactivité.
Vous avez également souhaité - sur ce point, je ne peux que vous rejoindre - une plus grande transparence des comptes sociaux et une plus grande clarté dans les rapports entre l'Etat et la sécurité sociale. Nous avons d'ores et déjà fait un certain nombre d'efforts, mais il faut aller plus loin et, là-dessus, nos orientations se rejoindront totalement, je crois.
Devant rencontrer M. le Premier ministre, je n'ai pu écouter toute l'intervention de M. de Villepin, que j'avais d'ailleurs prié de m'excuser. Mais je sais que, comme très souvent, il a traité non seulement des affaires étrangères mais aussi des questions de défense.
Le niveau de consommation des crédits du ministère de la défense en 1999 a été assez spécifique. Les crédits prévus ont permis de faire ce qui était nécessaire. Depuis, le montant des engagements du ministère de la défense s'est sensiblement redressé pour atteindre, en 1999, le chiffre très important de 93 milliards de francs. Cette évolution va continuer, dans une moindre mesure, en 2000. Aussi, je dirai, répondant à la question précise posée par M. de Villepin, que le niveau des crédits de paiement prévu en loi de finances pour 2000 est suffisant au regard des besoins.
M. de Villepin a également évoqué les autorisations de programme, problème récurrent lorsque l'on parle des crédits de la défense, le respect de la loi de programmation militaire, tous points qu'il maîtrise parfaitement. Je crois qu'il n'y a pas du tout lieu de s'inquiéter. Simplement - et je vous renvoie au début de mon propos - examinant ce poste très important de nos dépenses publiques, les choix européens qui sont faits et les nouveaux programmes qui sont lancés, nous ne pouvons pas ne pas nous interroger sur la compatibilité entre, d'une part, tout cela et, d'autre part, les exigences que vous avez légitimement formulées quant à une bonne maîtrise des dépenses publiques. Comme je le dis parfois à Mme Parly, lorsque je suis de bonne humeur - cette formule vaut d'ailleurs bien plus pour elle que pour moi ! - la plus belle fille du monde ne peut donner que ce qu'elle a ! (Sourires.)
M. du Luart a évoqué les travaux, confidentiels au demeurant, de la commission d'enquête qui a été formée sur la préparation et l'exécution de la loi de finances, estimant que l'Etat ne disait pas la vérité. Sur ce point, je ne veux pas entrer dans la discussion de fond pour la raison que je viens d'indiquer ; mais autant ce travail de transparence est parfaitement légitime, autant il n'est pas question - d'ailleurs vous ne le souhaiteriez pas, et le Gouvernement ne pourrait l'accepter - que cela modifie les rapports entre l'exécutif et le législatif. Il faut que chacun puisse travailler. Cela dit, nous essayons d'améliorer la transparence.
M. du Luart, ainsi qu'un autre intervenant, a considéré que le fait, pour le Gouvernement, de proposer maintenant une plus grande transparence signifiait que cette dernière n'était pas suffisante auparavant. Il est effectivement possible de présenter les choses ainsi ; mais, dans ce cas, il faut aller au bout du propos : lorsque tel ou tel d'entre vous considère que, depuis 1997, il n'y avait pas assez de transparence, je pense qu'il faut enlever les mots « depuis 1997 » et tailler plus large !
M. Adnot a bien voulu préciser son opinion quant à la responsabilité des pouvoirs publics dans le retour de la croissance et de la confiance. Il a félicité le Gouvernement, ce dont je le remercie.
Il s'est néanmoins inquiété du niveau et de l'utilisation de la dette, tout en nous incitant à nous montrer vertueux dans la gestion des fonds publics.Nous allons suivre son conseil !
M. Oudin a examiné les rapports entre la croissance et les comptes sociaux, et nombre de ses observations étaient parfaitement pertinentes.
Sa préoccupation quant à l'évolution des dépenses de santé est aussi celle de Mme Aubry, de Mme Parly, ainsi que la mienne.
Si nous enregistrons une amélioration indéniable des comptes de la sécurité sociale, nous sommes cependant confrontés à une difficulté persistante en matière d'assurance maladie. Mme Aubry a annoncé que des décisions seraient prises à la fin du mois de juin pour remédier à une évolution qui n'est pas satisfaisante. Soyez donc assurés, mesdames, messieurs les sénateurs, que le Gouvernement travaille sur ces sujets.
M. Delfau a bien voulu m'apporter un soutien dont je le remercie beaucoup. Il a abordé en peu de temps énormément de sujets. Je lui ai répondu d'une certaine manière sur la question du débat d'orientation budgétaire. Une partie de la question qu'il soulève ne se posera d'ailleurs plus dans le futur puisque nous avons pris l'engagement de présenter les lois de règlement en automne, avant le projet de loi de finances.
Quant aux collectifs, ils sont rares en début d'année. C'est lié à des circonstances particulières. Le vrai problème sera donc l'extension du champ du débat d'orientation budgétaire au domaine social. Mais, s'agissant de la liaison avec les autres textes, je crois que le problème ne se posera pas.
Faut-il faire un vote sur le débat d'orientation budgétaire ? Je n'en sais trop rien. Auriez-vous tous les éléments pour voter ? Un intervenant a même déclaré que, dans les conseils municipaux, cela se passait ainsi. (Non ! sur de nombreuses travées.) A ma connaissance, ce n'est pas le cas ! En tout cas, dans mon conseil municipal, un débat d'orientation budgétaire est organisé, mais il n'est pas procédé à un vote.
MM. Alain Lambert, président de la commission des finances, et Philippe Marini, rapporteur général. On n'est pas tenu de faire voter !
M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Le vote apporterait-il quelque chose ? Evidemment, compte tenu du débat de ce soir, je suis persuadé que le Gouvernement aurait recueilli l'unanimité ! (Sourires.) Mais je ne suis pas sûr que les clivages seraient absolument différents de ceux que l'on observe en d'autres circonstances.
M. Delfau a bien voulu approuver les résultats gouvernementaux et a soulevé la question de la rémunération du livret A. Je précise qu'une réunion est prévue en juillet sur cette question que, bien sûr, je suis.
Comme d'autres sénateurs, il a rappelé la situation des collectivités locales que, d'une façon générale, vous trouvez - cela ne m'étonne d'ailleurs pas - très difficile en même temps que très méritoire. C'est un premier adjoint rétrogradé, qui a quand même été maire durant quelques années, qui vous parle.
Les élus locaux réussissent cette performance d'être rançonnés par l'Etat et, en même temps, d'investir beaucoup et de bien gérer les collectivités. Bravo donc !
S'il est vrai que les collectivités locales sont, en général, bien gérées et qu'elles sont des investisseurs publics tout à fait déterminants, je ne pense pas, en revanche - ce n'est pas simplement ma position actuelle qui me le fait dire - qu'elles puissent être considérées comme étant défavorisées par l'Etat. Un grand mouvement de décentralisation s'est produit, que, désormais, tout le monde approuve ; de plus, compte tenu de la masse de crédits engagés tant par les régions que par l'Etat dans les contrats de plan 2000-2006, il serait inexact de dire que l'Etat se désengage. S'il s'était désengagé, je suis sûr que les régions n'auraient pas signé ces contrats.
Il y a donc tout de même un gros effort, même si je peux bien sûr comprendre qu'il soit perçu comme insuffisant.
M. Delfau est revenu sur la question des services publics, qui lui tient à coeur, en particulier sur celle des postes. La directive qui vient d'être discutée au sein de la Commission européenne est extrêmement inquiétante. En effet, sans entrer dans les détails, je dirai que le fait de mettre en pièces le service public, appelé, en l'occurrence, « service universel », risquerait d'entraîner non seulement les conséquences en termes d'emplois que l'on peut imaginer, mais aussi des conséquences en termes de cohésion territoriale et de cohésion sociale absolument massives. Il importe de bien expliquer cela à nos collègues, ministres ou parlementaires, des autres pays qui, telles la Hollande ou l'Allemagne, par exemple, ne sont pas dans la même situation territoriale que la France du point de vue de l'aménagement du territoire.
Sans vouloir hiérarchiser les services publics, je dirai que nous constatons bien dans toutes nos communes, qu'elles soient rurales ou urbaines, le rôle de La Poste : non seulement un rôle en tant que tel, mais aussi un rôle social et un rôle d'aménagement du territoire absolument déterminants. M. Christian Pierret suit ce dossier ; il se bat avec force, à juste raison, sur ce sujet qui, à mon sens, est l'un des grands dossiers pour le Gouvernement français.
Si la poste française a su convaincre dix des quinze postes européennes qu'il fallait ne pas suivre les orientations de cette directive, les choses sont beaucoup plus difficiles au niveau des gouvernements. Il va falloir nous appuyer sur le Parlement européen qui, sur ce sujet, est beaucoup plus proche de nos thèses que la Commission, d'après ce que je comprends. En tout cas, pour l'administration du territoire, pour la réforme et la modernisation du service public, qui sont des thèmes auxquels vous êtes attachés, c'est tout à fait fondamental.
Mme Beaudeau a exprimé à la fois les objectifs de son groupe et ses analyses. Elle est revenue, avec raison à mon sens, sur le soutien à la consommation, sur le retour à l'emploi, sur la réduction des inégalités ; ce sont des thèmes qui nous rassemblent. Bien sûr, s'agissant du rythme et des priorités sur lesquels elle a insisté, on peut toujours faire mieux, et c'est l'esprit dans lequel doit travailler le Gouvernement. Je crois que sa préoccupation a été bien comprise.
Je voudrais souligner que, s'il faut se réjouir de la croissance mondiale, notamment américaine, il importe aussi de bien voir qu'elle est fragile. C'est un thème sur lequel vous avez insisté, et je crois que c'est tout à fait juste. La remontée du chômage sur une rive ou sur une autre de l'Atlantique n'est jamais une bonne nouvelle. Il faut donc faire attention, compte tenu, en plus, de l'aspect spéculatif que peuvent avoir un certain nombre de ces phénomènes.
En même temps, je pense que, de ce point de vue, la coordination des politiques économiques européennes peut constituer un atout, et tous les ministres de ce gouvernement vont donc essayer, à travers la présidence française, de se mobiliser dans ce sens.
M. Angels, qui a traité beaucoup de sujets, y compris celui des business angels (Sourires) , a bien voulu nous apporter son soutien, et je l'en remercie. Il a estimé que les résultats étaient encourageants. Il a parlé - j'ai retenu cette expression et, s'il ne prélève pas de droits d'auteur trop importants, Mme Parly et moi-même la reprendrons peut-être (Sourires) - du « cercle vertueux croissance - confiance - activité ». Il a donné une explication que je crois pertinente de la croissance ; il a insisté sur la maîtrise de la dette, sur la réforme de l'Etat et sur l'importance des nouvelles technologies, sur la réforme fiscale, sur la lutte contre les pièges de l'inactivité, sur l'UNEDIC, sur l'importance de l'écoute et de l'égalité des chances. Je ne l'étonnerai pas en lui disant que je me suis tout à fait retrouvé dans les propos qu'il a bien voulu tenir.
M. Badré a évoqué la réduction des prélèvements obligatoires. Il a repris le chiffre de 400 milliards de francs, mais ce dernier n'est pas plus exact dans ce cadre-ci que dans un autre cadre.
Il s'est montré critique sur la baisse de la TVA - comme plusieurs autres intervenants, d'ailleurs - en estimant que ce n'était pas la mesure la plus pertinente. Nous avons eu de longues discussions sur ce sujet, et cette décision correspond, indépendamment de toutes les analyses économiques que l'on peut faire et que nous faisons, à un engagement que nous avions pris. Or il est important aussi de tenir ses engagements électoraux ! Vous vous rappelez sans doute que l'une des mesures les plus contestées de la majorité précédente avait été l'augmentation de deux points du taux de TVA, et nous nous sommes engagés à la rapporter. Il y a donc eu un point de TVA à travers des mesures ciblées, et un second point vous sera proposé à travers la mesure générale que nous avons inscrite dans le collectif.
M. Badré a aussi souligné les risques de la conjoncture. Je suis d'accord avec lui, il ne faut pas tomber dans l'autosatisfaction ; je crois cependant que les risques inflationnistes dans la conjoncture présente ne sont pas grands en ce qui concerne la France !
Par ailleurs, il sait qu'il y a déjà eu une baisse assez forte de la fiscalité indirecte et, sur la baisse des dépenses publiques - puisque c'est un thème qu'il a aussi abordé -, les propositions de la commission des finances, si elles sont précisées, seront examinées avec beaucoup d'intérêt par Mme Parly et par moi-même.
M. Bourdin a fait une analogie entre la croissance actuelle et celle de la fin des années quatre-vingt.
Il y a effectivement des éléments d'analogie, mais il y a une différence, qui est la création de l'euro, et je crois que cette création - sur laquelle il ne m'est pas possible de revenir longuement - contribue l'un des éléments principaux de cette différence.
Par ailleurs, M. Bourdin a estimé que, plutôt que de baisser les impôts, il aurait été préférable de baisser les déficits de 40 ou 50 milliards de francs. Nous avons considéré qu'il fallait poursuivre les deux objectifs à la fois, ce qui n'est pas toujours facile tant il est vrai qu'on ne peut pas dire que les impôts sont trop élevés sans prendre des dispositions pour les réduire.
M. Descours est intervenu très précisément sur les aspects financiers, estimant que l'ONDAM dérapait. Je me suis exprimé sur les mesures qu'il fallait prendre et qui sont en préparation concernant l'assurance maladie.
Il considère qu'on ne peut pas additionner ce qui concerne la famille, la vieillesse et la maladie. Pourtant, il le sait bien, c'est une pratique constante depuis l'origine de la commission des comptes de la sécurité sociale ! C'est cette méthode qui peut montrer la forte amélioration des comptes depuis maintenant plusieurs années.
Il a tout à fait raison sur la coquille rédactionnelle à propos du financement du FOREC.
Sur le financement même du FOREC, sur le plan juridique, je rappelle après Mme Aubry que la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 prévoit que « les recettes et les dépenses du fonds doivent être équilibrées dans les conditions prévues par la loi de financement de la sécurité sociale ».
J'ajoute que, à cette époque de l'année, nous ne disposons pas encore des éléments suffisants pour apprécier le montant exact du déficit du fonds. En particulier - beaucoup d'entre vous l'ont d'ailleurs remarqué, mais n'en ont pas tiré les conséquences -, nous ne disposons pas à ce moment d'informations comptables exactes sur les montants constatés d'exonération. Les données que nous avons sont donc assez partielles et, en tout cas, ne permettent pas aujourd'hui de proposer au Parlement une modification des recettes du FOREC. Si une telle démarche s'avérait nécessaire, au vu de la gestion de l'année 2000, nous vous la présenterions bien évidemment dans un projet de loi d'ici à la fin de l'année.
M. Paul Girod a lui aussi abordé beaucoup de sujets en peu de temps.
Les informations transmises sont plus transparentes qu'auparavant. Cette transparence est-elle suffisante ? Nous essayons d'améliorer les choses !
Je lui ai répondu tout à l'heure sur la question des 215 milliards de francs, ramenés à 200 milliards puis à 195 milliards de francs. Il s'est aussi demandé comment on pouvait arriver à 0,3 % en volume. Or, chaque année, nous constatons un effort de redéploiement des dépenses de l'ordre de 30 milliards de francs, et nous avons anticipé le même effort pour l'année qui vient.
Il a posé la question des « trappes à inactivité », des collectivités territoriales et de la réforme des impôts locaux. Je ne répondrai pas en détail, parce que je m'aperçois que je suis déjà trop long.
M. Sergent a bien voulu souligner que la situation s'était améliorée et a marqué - ce qui sera rappelé dans quelques heures, mais qui mérite de l'être déjà - que, s'il y avait un collectif, c'est notamment parce qu'il y avait plusieurs milliards de francs de dépenses de solidarité à financer. On peut contester globalement ce chiffre, mais, si l'on entre dans le détail - comme vous le ferez -, on ne peut que l'approuver. Qui, parmi vous, voterait en effet contre l'inscription de crédits pourt réparer des dégâts causés par les tempêtes ? C'est tout de même l'aspect initial du collectif...
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Nous avons connu les décrets d'avance !
M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Oui, mais ce n'est tout de même pas un bon système, surtout lorsque l'on est en début d'année !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il faut surtout utiliser les recettes en surplus !
M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. M. Sergent est revenu sur la question des collectivités territoriales, qu'il connaît admirablement ; il a posé la question de la loi sur l'intercommunalité, des SDIS, des services publics, de la nécessité de la bonne gestion. Il a fait des suggestions en matière de fiscalité locale, et nous les avons notées.
Je veux lui dire, mais peut-être le sait-il déjà, qu'un groupe de travail « planche » actuellement sur l'assujettissement de France Télécom à la taxe professionnelle. Ce n'est pas très facile, puisqu'il faut voir comment tout cela évolue dans le temps. En tout cas, je voulais le remercier de son soutien et des propositions qu'il a faites.
M. Fréville est intervenu de manière dense quoique rapide. Il a dit - et je ne le suivrai pas sur ce point - qu'il y avait un contraste entre la théorie que nous avons développée et le collectif, qui sacrifierait la réduction du déficit aux dépenses. Je ne crois pas que ce « contraste » apparaisse dans les chiffres. Un certain nombre de dépenses sont évidemment inscrites, mais j'ai dit à l'instant qu'elles étaient nécessaires ; mais, en même temps, nous prévoyons aussi une certaine réduction du déficit.
Je veux vous rassurer, monsieur Fréville : nous ne relâchons pas l'effort, et les propos que j'ai tenus ne sont pas des propos de tribune ; je les ai tenus parce que, comme beaucoup d'entre vous, je les crois justes.
Cela ne veut pas dire que ce sera facile à tenir et, lorsque Mme Parly et moi-même nous examinons les questions de la dette, les questions de dépenses militaires - évoquées tout à l'heure - les questions de fonction publique avec les évolutions de pouvoir d'achat, nous nous rendons bien compte que, sur d'autres postes, il faut être extrêmement rigoureux, et c'est d'ailleurs ce que nous disent nos collègues ministres dépensiers.
De même, je souhaite que vous ne vous inquiétiez pas sur la question de l'abandon des « pièges à inactivité », que nous ne négligeons nullement : au contraire, nous travaillons dans cette direction.
Puisque vous êtes un homme de chiffres, examinons les chiffres : il n'y a pas de relâchement entre le programme à moyen terme et le débat d'orientation budgétaire. Ainsi, dans le programme à moyen terme, le déficit des finances publiques, prévu en 1999 de 2,1, sera de 1,8 ; en 2000, prévu de 1,7, il sera de 1,5 ; en 2001, nous prévoyons 1,2.
L'essentiel de votre intervention consistait à nous rappeler, outre le discours, les actes. Nous veillons à ce que les actes soient en accord avec nos propos.
M. César est intervenu longuement et avec précision sur l'agriculture. Il ne le niait d'ailleurs pas tout à l'heure, avant de se retirer... pour réfléchir sans doute ! (Sourires.)
Dans son propos consacré à l'agriculture, il n'a pas fait les choses à moitié ! Je me retourne donc vers ceux de vos collègues qui dirigent la commission des finances pour leur demander d'intégrer ses considérations dans leurs réflexions sur la baisse des dépenses.
Quelles dispositions prendre dans le projet de loi de finances pour 2001 pour alléger les recettes fiscales sur les agriculteurs ? Quels crédits supplémentaires attribuer à la montagne ? Comment augmenter les crédits européens ? Comment doter d'une façon plus substantielle le fonds d'assurance récolte ? Comment améliorer les retraites agricoles ? Ce sont des questions parfaitement pertinentes, dont la réponse doit être rendue compatible avec la maîtrise des dépenses publiques.
M. Braun a soulevé, lui aussi, des questions parfaitement justifiées.
S'agissant de la politique de la fonction publique, il a affirmé - et je veux le détromper - que le Gouvernement avait renoncé à toute réforme de l'administration des finances. Non, monsieur Braun ; certes, il est vrai que la réforme préparée par mes prédécesseurs n'a pu voir le jour, pour des raisons sur lesquelles il serait trop long de revenir, mais j'ai présenté à la fin du mois d'avril au comité technique paritaire ministériel, de concert avec mes secrétaires d'Etat, nombre de décisions et d'orientations en matière de réforme. Je crois d'ailleurs vous avoir écrit à ce propos : un tableau de bord a été établi et, conformément à ce que j'avais prévu, nous avons nommé, ce qui s'est révélé très utile, un secrétaire général de l'administration, qui pourra suivre ce dossier.
Nous commençons - il faut, bien sûr, que cela se fasse dans le dialogue - à mettre en oeuvre tous ces éléments de réforme, en liaison avec les élus. De la sorte, si, comme me l'ont déjà signalé certains de vos collègues, vous êtes intéressé pour accueillir chez vous, dans votre département ou dans telle ou telle commune, une expérience pilote qui ensuite sera évaluée pour être éventuellement généralisée, je suis tout à fait disposé à vous entendre.
Quoi qu'il en soit, la réforme de l'administration des finances est bien une nécessité, et il n'est absolument pas question de ne pas y procéder.
Vous avez également posé des questions relatives à l'éducation nationale ainsi qu'aux retraites et aux pensions. Ce sont en effet des paramètres que nous devons, Mme Parly et moi, intégrer dans nos préoccupations. Il est vrai que cela représente de gros chiffres, que ce sont des masses considérables. C'est d'ailleurs l'une de nos contraintes et, quand nous faisons nos évaluations de 0,3 % en volume ou de 1,22 % en valeur, nous devons évidemment intégrer tout cela.
M. Darcos a traité d'un seul sujet - mais il est très important - à savoir le budget de l'enseignement.
Il a proposé, en gros, de limiter les dépenses. Mais le calcul devrait être fait, par exemple - je le dis au hasard ! -, de ce que cela représenterait dans son département ! Je suis sûr qu'en entrant en contact avec ses collègues parlementaires élus de la Dordogne il pourrait faire un calcul rapide pour voir ce que cela signifie en termes de diminution du nombre des enseignants ou de fermeture de classes.
Tout cela pour dire qu'il faut que nous travaillions à maîtriser la dépense publique, mais, vous le savez, ce n'est pas facile ; d'ailleurs, si c'était si facile, il est probable que cela aurait déjà été fait par l'un des gouvernements qui se sont succédé depuis quelques années.
Je n'en tire pas la conclusion - qu'il n'y ait pas de confusion entre nous, monsieur Darcos - qu'il y a un parallélisme absolu entre l'augmentation des dépenses et l'augmentation de l'efficacité du système. Toutefois, on ne peut pas non plus considérer que moins il y aura de dépenses plus le système sera efficace. Dès lors, nous risquerions, je le crains, d'aboutir assez vite à un mécanisme de blocage.
Enfin, M. Joyandet a souligné, à juste titre, que dans le budget la part de l'investissement public était faible. Mais il faut savoir que les dépenses strictes de la fonction publique représentent déjà 42 % du budget et qu'elles évoluent à un rythme nettement plus élevé que le rythme de 0,3 % en volume ou 1,2 % en valeur que nous avons fixé. D'un point de vue mécanique, cela signifie que la part de l'investissement ne peut pas avancer à la même vitesse ! Cela est d'autant plus regrettable que nombre de ces investissements sont tout à fait essentiels.
D'ailleurs, et c'est sur ce point que je conclurai, nous avons tous beaucoup insisté sur la nécessité de maîtriser les dépenses publiques, de diminuer les prélèvements, les impôts, et de réduire les déficits. Sur ces points, nous sommes nombreux à nous rejoindre. Pour autant, il ne faudrait pas que nos concitoyens aient le sentiment - en tout cas ce n'est pas le mien, ni le vôtre sans doute - que la dépense publique n'est pas utile. Certaines actions ne sont possibles qu'au travers de l'investissement public et de la dépense publique.
Le Gouvernement a déclaré qu'il fallait réduire les prélèvements obligatoires. Certes. Mais l'impôt n'en est pas moins utile. De même qu'il faut s'attacher à réduire les prélèvements, il faut s'efforcer d'expliquer mieux aux Français à quoi servent leurs impôts.
L'impôt serait beaucoup mieux accepté s'il était moins lourd, bien sûr, mais surtout si ceux qui l'acquittent savaient à quoi il sert. Nous avons là un grand travail à faire, sans démagogie. On dit parfois que c'est facile, même si les gens n'en croient rien. Mais, pour parler familièrement : celui qui supprimera les impôts n'est pas né !
Le scepticisme des contribuables est grand, mais il faut essayer de le surmonter en faisant oeuvre de pédagogie civique. C'est notre rôle d'élus d'expliquer à quoi servent les prélèvements, que ce soient les prélèvements d'Etat, les prélèvements sociaux ou les prélèvements locaux. Nombre d'entre nous le faisons déjà au plan local, nous devons nous efforcer de mieux le faire au plan national.
L'une des utilités de ce débat d'orientation budgétaire est de nous permettre d'échanger nos vues et - pourquoi pas ? - de mieux informer nos concitoyens sur ce que vous, mesdames, messieurs les sénateurs, vous pensez des choix qui doivent être faits en matière de financement public.
En tout cas, Mme Parly et moi-même, avons énormément apprécié les observations que vous avez pu nous présenter. Nous vous en remercions beaucoup. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Le débat est clos.
Acte est donné de la déclaration du Gouvernement, qui sera imprimée sous le numéro 384 et distribuée.

9

DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI

M. le président. J'ai reçu de M. Bertrand Delanoë et des membres du groupe socialiste et apparentés une proposition de loi tendant à assurer la sincérité des listes électorales.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 383, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

10

TEXTE SOUMIS EN APPLICATION
DE L'ARTICLE 88-4
DE LA CONSTITUTION

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Avant-projet de budget général des Communautés européennes pour l'exercice 2001. Volume 8. Section VII - Comité des régions.
Ce texte sera imprimé sous le numéro E-1464 Annexe 2 et distribué.

11

DÉPÔT DE RAPPORTS

M. le président. J'ai reçu de M. Louis Althapé, rapporteur pour le Sénat, un rapport fait au nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains.
Le rapport sera imprimé sous le numéro 381 et distribué.
J'ai reçu de M. Jean-Paul Hugot, rapporteur pour le Sénat, un rapport fait au nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.
Le rapport sera imprimé sous le numéro 382 et distribué.

12

ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, mercredi 7 juin 2000, à quinze heures et le soir :
Discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2000 (n° 351, 1999-2000), adopté par l'Assemblée nationale.
Rapport (n° 371, 1999-2000) de M. Philippe Marini, fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
Avis de M. Charles Descours, au nom de la commission des affaires sociales.
Aucune inscription de parole dans la discussion générale n'est plus recevable.
Le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte est expiré.
Scrutin public ordinaire de droit sur l'ensemble de la première partie.
Scrutin public ordinaire de droit sur l'ensemble du projet de loi.

Délai limite pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements

Projet de loi de règlement définitif du budget de 1998, adopté par l'Assemblée nationale (n° 350, 1999-2000) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 7 juin 2000, à dix-sept heures.
- Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, d'orientation pour l'outre-mer (n° 342, 1999-2000) :
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 13 juin 2000, à douze heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 13 juin 2000, à seize heures.
- Proposition de loi de M. Lucien Neuwirth et plusieurs de ses collègues instituant un congé et une allocation favorisant l'exercice de la solidarité familiale en cas de maladie d'un enfant ou de fin de vie d'un proche (n° 348, 1999-2000) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 14 juin 2000, à dix-sept heures.
- Proposition de loi de M. André Dulait et plusieurs de ses collègues portant sur l'organisation d'audiences publiques lors de la réalisation de grandes infrastructures (n° 196, 1999-2000) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 14 juin 2000, à dix-sept heures.
- Proposition de loi de M. Jean-Claude Gaudin et de plusieurs de ses collègues tendant à permettre aux conseillers d'arrondissement de siéger au conseil d'une communauté urbaine (n° 277, 1999-2000) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 14 juin 2000, à dix-sept heures.
- Proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, tendant à préciser la définition des délits non intentionnels (n° 308, 1999-2000) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 14 juin 2000, à dix-sept heures.
- Proposition de loi de M. Louis de Broissia modifiant la loi n° 57-32 du 10 janvier 1957 portant statut de l'Agence France-Presse (n° 368, 1999-2000) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 14 juin 2000, à dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.

(La séance est levée le mercredi 7 juin 2000, à une heure cinquante.)

Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON





ORDRE DU JOUR
DES PROCHAINES SÉANCES DU SÉNAT
établi par le Sénat dans sa séance du mardi 6 juin 2000
à la suite des conclusions de la conférence des présidents

Mercredi 7 juin 2000 :

Ordre du jour prioritaire

A 15 heures et le soir :
Projet de loi de finances rectificative pour 2000, adopté par l'Assemblée nationale (n° 351, 1999-2000).
(La conférence des présidents a fixé à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mardi 6 juin 2000.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.)

Jeudi 8 juin 2000 :

A 9 h 30 :

Ordre du jour prioritaire

1° Eventuellement, suite du projet de loi de finances rectificative pour 2000, adopté par l'Assemblée nationale (n° 351, 1999-2000).
2° Projet de loi de règlement définitif du budget de 1998, adopté par l'Assemblée nationale (n° 350, 1999-2000).
(La conférence des présidents a fixé au mercredi 7 juin 2000, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
3° Deuxième lecture de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, relative à la constitution d'une commission de contrôle nationale et décentralisée des fonds publics accordés aux entreprises (n° 379, 1999-2000).
A 15 heures :
4° Questions d'actualité au Gouvernement.
(L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant 11 heures.)

Ordre du jour prioritaire

5° Suite de l'ordre du jour du matin.

Mardi 13 juin 2000 :

A 9 h 30 :
1° Dix-huit questions orales (l'ordre d'appel des questions sera fixé ultérieurement) :
- n° 777 de M. Patrice Gélard à M. le ministre de l'éducation nationale (Rattachement des écoles du canton de Goderville à l'inspection académique d'Yvetot) ;

- n° 804 de M. Georges Mouly à Mme le secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés (Développement du service de gériatrie du centre hospitalier général de Tulle) ;

- n° 809 de M. Josselin de Rohan à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement (Réseau transeuropéen de fret ferroviaire) ;

- n° 812 de M. Jean-Claude Carle à Mme le secrétaire d'Etat au budget (Augmentation du taux de remise sur les ventes de tabac) ;

- n° 814 de M. Francis Grignon à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (Taux de TVA applicable au chocolat noir) ;

- n° 815 de M. Daniel Hoeffel à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité (Convention de l'OIT traitant des droits de la maternité) ;

- n° 816 de M. Christian Demuynck à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (Application de la TVA à la restauration collective) ;

- n° 818 de M. Paul Girod à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement (Fermeture du centre de parachutisme de Laon) ;

- n° 820 de M. André Vallet à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (Refus d'acceptation de certains billets par les commerçants) ;

- n° 821 de M. Paul Blanc à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes (Programme d'aides communautaires) ;

- n° 823 de M. Aymeri de Montesquiou à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes (Demande de simplification administrative des mesures communautaires) ;

- n° 824 de M. Serge Franchis à M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat (Cumul d'activités des agents de la fonction publique territoriale) ;

- n° 825 de Mme Danièle Pourtaud à M. le secrétaire d'Etat au logement (Reconduction des baux de locataires en situation précaire) ;

- n° 827 de Mme Danielle Bidard-Reydet à M. le ministre de l'intérieur (Commémoration des événements d'octobre 1961) ;

- n° 829 de M. Jean-Louis Lorrain à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement (Déficit de contrôleurs aériens en Europe) ;

- n° 830 de M. Roland Muzeau à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (Relance du bâtiment et inflation des prix) ;

- n° 831 de M. Jean-Pierre Vial à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement (Avancement du projet de liaison ferroviaire Lyon-Turin) ;

- n° 832 de M. Gilbert Chabroux à Mme le ministre de la culture et de la communication (Situation de la radio « FIP »).

A 16 heures et, éventuellement, le soir :

Ordre du jour prioritaire

2° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, d'orientation pour l'outre-mer (n° 342, 1999-2000).
(La conférence des présidents a fixé :
- au mardi 13 juin 2000, à 16 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;

- à dix minutes le temps réservé au représentant de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes ;

- à quatre heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.

L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 12 heures, le mardi 13 juin 2000.)

Mercredi 14 juin 2000 :

A 15 heures et le soir :
1° Désignation d'un membre de la délégation pour la planification.

Ordre du jour prioritaire

2° Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, d'orientation pour l'outre-mer (n° 342, 1999-2000).

Jeudi 15 juin 2000 :

Ordre du jour réservé

A 10 heures, à 15 heures et, éventuellement, le soir à :
1° Proposition de loi de M. Lucien Neuwirth et de plusieurs de ses collègues instituant un congé et une allocation favorisant l'exercice de la solidarité familiale en cas de maladie d'un enfant ou de fin de vie d'un proche (n° 348, 1999-2000).
(La conférence des présidents a fixé au mercredi 14 juin 2000, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
2° Proposition de loi de M. André Dulait et de plusieurs de ses collègues portant sur l'organisation d'audiences publiques lors de la réalisation de grandes infrastructures (n° 196, 1999-2000).
(La conférence des présidents a fixé au mercredi 14 juin 2000, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
3° Proposition de loi de M. Jean-Claude Gaudin et de plusieurs de ses collègues tendant à permettre aux conseillers d'arrondissement de siéger au conseil d'une communauté urbaine (n° 277, 1999-2000).
(La conférence des présidents a fixé au mercredi 14 juin 2000, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
4° Deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, tendant à préciser la définition des délits non intentionnels (n° 308, 1999-2000).
(La conférence des présidents a fixé au mercredi 14 juin 2000, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
5° Proposition de loi de M. Louis de Broissia modifiant la loi n° 57-32 du 10 janvier 1957 portant statut de l'Agence France-Presse (n° 368, 1999-2000).
(La conférence des présidents a fixé au mercredi 14 juin 2000, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)

Lundi 19 juin 2000 :

Ordre du jour prioritaire

A 15 heures et le soir :
Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, d'orientation pour l'outre-mer (n° 342, 1999-2000).

Mardi 20 juin 2000 :

Ordre du jour prioritaire

A 10 heures :
1° Eventuellement, suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, d'orientation pour l'outre-mer (n° 342, 1999-2000).
A 16 heures et, éventuellement, le soir :
2° Nouvelle lecture du projet de loi organique, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats de membre des assemblées de province et du congrès de la Nouvelle-Calédonie, de l'Assemblée de la Polynésie française et de l'Assemblée territoriale des îles Wallis-et-Futuna (n° 363, 1999-2000).
(La conférence des présidents a fixé au lundi 19 juin 2000, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
3° Nouvelle lecture du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à l'élection des sénateurs (n° 364, 1999-2000).
(La conférence des présidents a fixé au lundi 19 juin 2000, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)

Mercredi 21 juin 2000 :

Ordre du jour prioritaire

A 15 heures et le soir :
1° Nouvelle lecture du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage (n° 352, 1999-2000).
(La conférence des présidents a fixé au mardi 20 juin 2000, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
2° Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif au référé devant les juridictions administratives.
3° Conclusions de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture de la proposition de loi relative à la prestation compensatoire en matière de divorce.
4° Sous réserve de sa transmission, projet de loi autorisant la ratification de la convention relative à la coopération en matière d'adoption d'enfants entre la République française et la République socialiste du Vietnam (AN, n° 2358).
5° Projet de loi autorisant la ratification de la convention relative à l'entraide judiciaire en matière civile entre la République française et la République socialiste du Vietnam (n° 218, 1999-2000).
(La conférence des présidents a décidé que ces deux projets de loi feraient l'objet d'une discussion générale commune.)

Jeudi 22 juin 2000 :

A 9 h 30 :

Ordre du jour prioritaire

1° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation du protocole de Kyoto à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (ensemble deux annexes) (n° 305 rectifié, 1999-2000).
2° Sous réserve de sa transmission, nouvelle lecture du projet de loi relatif à la chasse.
(La conférence des présidents a fixé au mercredi 21 juin 2000, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
A 15 heures et, éventuellement, le soir :
3° Questions d'actualité au Gouvernement.
(L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant 11 heures.)

Ordre du jour prioritaire

4° Suite de l'ordre du jour du matin.

Lundi 26 juin 2000 :

Ordre du jour prioritaire

A 15 heures et, éventuellement, le soir :
1° Conclusions de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture du projet de loi de finances rectificative pour 2000.
(En cas de nouvelle lecture, la conférence des présidents a fixé au samedi 24 juin 2000, à 16 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
2° Projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Lituanie en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune (ensemble un protocole) (n° 80, 1999-2000).
3° Projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Estonie en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune (ensemble un protocole) (n° 78, 1999-2000).
4° Projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Lettonie en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune (ensemble un protocole) (n° 79, 1999-2000).
(La conférence des présidents a décidé que ces trois projets de loi feraient l'objet d'une discussion générale commune.)
5° Projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Arménie en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune (ensemble un protocole) (n° 26, 1999-2000).
Mardi 27 juin 2000 :
A 9 h 30 :
1° Dix-huit questions orales (l'ordre d'appel des questions sera fixé ultérieurement) :
- n° 761 de Mme Nicole Borvo à Mme le ministre de la culture et de la communication (Devenir de la maison des métallurgistes) ;

- n° 789 de M. Gérard Larcher à M. le ministre de l'intérieur (Construction de logements locatifs sociaux) ;

- n° 817 de M. Rémi Herment à M. le secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants (Mise à disposition des crédits prévus par le rapport Mingasson) ;

- n° 819 de M. Charles Revet à Mme le garde des sceaux, ministre de la justice (Répression des fausses alertes adressées aux services d'incendie et de secours) ;

- n° 826 de M. Francis Giraud à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité (Attribution du nombre de postes d'interne dans la subdivision de Marseille) ;

- n° 828 de M. Jean Pépin à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (Situation des buralistes) ;

- n° 833 de Mme Danièle Pourtaud à Mme le secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés (Suppression du service de chirurgie pédiatrique de Saint-Vincent-de-Paul) ;

- n° 834 de M. René-Pierre Signé à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche (Aides à la diversification) ;

- n° 835 de M. Kléber Malécot à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (Taux de TVA sur les travaux dans les locaux d'habitation) ;

- n° 837 de M. Dominique Braye à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (Mode de calcul de taxe sur les emprises sur le domaine public fluvial) ;

- n° 839 de Mme Marie-Madeleine Dieulangard à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (Abattement fiscal applicable aux aides aux personnes âgées) ;

- n° 840 de M. Philippe Madrelle à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement (Travaux d'aménagement de la RN 10 en Nord Gironde) ;

- n° 841 de M. Michel Teston à M. le ministre de l'éducation nationale (Conditions de fonctionnement du lycée et du collège de Privas) ;

- n° 842 de M. Claude Huriet à Mme le secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés (Dépistage du cancer colorectal) ;

- n° 843 de M. Guy Fischer à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (Fiscalité des contrats d'assurance de rente-survie) ;

- n° 844 de M. Jean Bernard à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement (Réglementation du transport de marchandises par les taxis) ;

- n° 845 de M. Gérard Cornu à Mme le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation (Aides aux détaillants de carburants en milieu rural) ;

- n° 849 de M. Fernand Demilly à M. le ministre de la défense (Avion de transport militaire du futur).

A 16 heures et, éventuellement, le soir :

Ordre du jour prioritaire

2° Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi portant réglementation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques (n° 344, 1999-2000) ;
3° Troisième lecture de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, relative à la protection des trésors nationaux et modifiant la loi n° 92-1477 du 31 décembre 1992 relative aux produits soumis à certaines restrictions de circulation et à la complémentarité entre les services de police, de gendarmerie et de douane (n° 300, 1999-2000) ;
4° Sous réserve de sa transmission, nouvelle lecture du projet de loi modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.
(La conférence des présidents a fixé au lundi 26 juin 2000, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
Mercredi 28 juin 2000 :

Ordre du jour prioritaire

A 9 h 30, à 15 heures et le soir :
1° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à la sécurité du dépôt et de la collecte de fonds par les entreprises privées (n° 380, 1999-2000).
(La conférence des présidents a fixé au mardi 27 juin 2000, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
2° Sous réserve de sa transmission, proposition de loi relative à la prolongation du mandat et à la date de renouvellement des conseils d'administration des services d'incendie et de secours (AN, n° 2374).
(La conférence des présidents a fixé au mardi 27 juin 2000, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
3° Deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, interdisant les candidatures multiples aux élections cantonales (n° 301, 1999-2000).
(La conférence des présidents a fixé au mardi 27 juin 2000, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
4° Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, instaurant une journée nationale à la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites de l'Etat français et d'hommage aux « Justes » de France (n° 244, 1999-2000).
(La conférence des présidents a fixé au mardi 27 juin 2000, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
5° Deuxième lecture du projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, relatif à l'élargissement du conseil d'administration d'Air France et aux relations avec l'Etat et portant modification du code de l'aviation civile (n° 369, 1999-2000).
(La conférence des présidents a fixé au mardi 27 juin 2000, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
6° Projet de loi autorisant la ratification des amendements à la constitution de l'Organisation internationale pour les migrations (n° 171, 1999-2000).
7° Projet de loi autorisant l'approbation de l'instrument d'amendement à la constitution de l'Organisation internationale du travail (n° 191, 1999-2000).
8° Projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Paraguay (n° 217, 1999-2000).
9° Projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Paraguay (n° 219, 1999-2000).
10° Projet de loi autorisant l'approbation de la convention sur le transfèrement des personnes condamnées entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Paraguay (n° 220, 1999-2000).
(La conférence des présidents a décidé que ces trois projets de loi feraient l'objet d'une discussion générale commune.)
11° Projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant n° 2 à l'entente entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Québec en matière de sécurité sociale (n° 252, 1999-2000).
12° Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Ghana sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (n° 327, 1999-2000).
13° Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République dominicaine sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (n° 328, 1999-2000).
Jeudi 29 juin 2000 :

Ordre du jour prioritaire

A 9 h 30 et à 15 heures :
Sous réserve de sa transmission, projet de loi constitutionnelle portant modification de l'article 6 de la Constitution.
(Les modalités de discussion de ce projet de loi constitutionnelle seront fixées ultérieurement.)
Vendredi 30 juin 2000 :

Ordre du jour prioritaire

A 9 h 30 et à 15 heures :

Eventuellement, suite de l'ordre du jour de la veille.

A N N E X E
Questions orales inscrites à l'ordre du jour
de la séance du mardi 13 juin 2000

N° 777. - M. Patrice Gélard attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale sur la décision de l'inspecteur d'académie de la Seine-Maritime de rattacher les écoles du canton de Goderville qui, jusqu'alors, dépendaient de l'inspection académique de Fécamp, à l'inspection académique d'Yvetot. Cette mesure tend à accroître les difficultés rencontrées par les enseignants en augmentant la distance entre les écoles et l'inspection académique dont ils dépendent. En effet, ces communes sont toutes plus proches de la ville de Fécamp que de celle d'Yvetot, distante de plus de 40 kilomètres. Alors que la plupart des services de l'Etat ainsi que les collèges et les lycées dont dépendent ces communes sont situés à Fécamp, les écoles maternelles et primaires dépendront d'Yvetot. Cette décision, qui ne peut être justifiée ni par un souci de rationalisation ni de plus grande efficacité, est contraire au principe de proximité du service public. Il souhaiterait donc connaître les mesures qu'entend adopter le Gouvernement pour remédier à cette décision peu empreinte de bon sens.
N° 804. - M. Georges Mouly demande à Mme le secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés s'il ne peut être envisagé d'accorder au centre hospitalier général de Tulle (Corrèze) des crédits supplémentaires afin de doter le service de gériatrie de moyens lui permettant de développer une prise en charge tant qualitative que quantitative des patients âgés dans un département où les personnes âgées représentent une part importante de la population.
N° 809. - M. Josselin de Rohan interroge M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur les raisons qui ont conduit l'Etat français à exclure les ports bretons, et notamment le port de Brest, des propositions présentées lors des conseils transport des 9 et 10 décembre 1999 et du 28 mars 2000 relatifs au projet de réseau transeuropéen de fret ferroviaire.
N° 812. - M. Jean-Claude Carle appelle l'attention de Mme le secrétaire d'Etat au budget sur la revendication exprimée par la profession des débitants de tabac de voir augmenter la commission perçue sur les ventes de tabac (ce qu'on appelle le taux de remise). Celle-ci est inchangée depuis vingt-trois ans et se monte à 8 % du prix de vente public. La baisse du taux normal de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) pourrait être l'occasion de procéder à cette augmentation. Or, il a été annoncé par le secrétariat d'Etat au budget que la baisse du taux normal de TVA serait compensée à due concurrence par la hausse des droits de consommation perçus sur les ventes de tabac : le Parlement sera amené à en débattre dans le cadre du prochain collectif budgétaire. Ce projet suscite l'incompréhension de la profession : elle espérait, et espère fortement, que la baisse du taux normal de TVA serait enfin l'occasion de revaloriser leur commission. La Haute-Savoie, sur les deux dernières années, a enregistré la fermeture de quinze débits de tabac contre seulement neuf créations. Est-il nécessaire de souligner le rôle joué par les buralistes dans le maintien du lien social, notamment en zone rurale, et de rappeler les différentes missions de service public qu'ils remplissent ? La profession est confrontée à de nombreux problèmes (insécurité, distorsion en matière de taxe professionnelle entre les débitants de tabac qui vendent parallèlement des boissons et ceux qui ne vendent que du tabac) ; de fait, elle attend un signal fort de l'Etat. Cette mesure, en ne modifiant pas le prix de vente au consommateur du paquet de cigarettes, ne remettrait pas en cause la politique de prévention menée jusqu'à présent. Aussi, il souhaiterait savoir si le Gouvernement est disposé à prendre en compte les attentes des débitants de tabac en profitant du prochain collectif budgétaire pour procéder à une augmentation du taux de remise sur les ventes de tabac, compte tenu, qui plus est, des excellentes rentrées fiscales du moment.
N° 814. - M. Francis Grignon attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur la procédure engagée par l'administration fiscale à l'encontre du taux de la taxe sur la valeur ajoutée du chocolat noir. Selon les industriels du chocolat, la direction générale de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes ainsi que la commission européenne le chocolat noir serait imposé au taux de TVA de 5,5 %. Alors que pour l'administration fiscale, ce taux s'élèverait à 20,6 %. Forte de sa position, l'administration a procédé à un certain nombre de redressements fiscaux auprès des entreprises chocolatières, leur réclamant les différentiels de TVA. Les entreprises se trouvent être fortement pénalisées par cette situation. Aussi, un certain nombre de différends ont-ils été portés devant les juridictions administratives. Et, par deux fois, le tribunal administratif de Strasbourg a donné une interprétation concernant le chocolat noir contraire à la position de l'administration fiscale. Cependant, l'administration fiscale n'est pas revenue, jusqu'à présent, sur sa position. Au comble des combles, il semblerait même qu'elle cherche à augmenter la TVA sur le chocolat noir. Il lui demande donc quelles mesures il entend mettre en oeuvre pour que l'administration fiscale cesse de harceler les chocolateries et revienne sur sa position car, au-delà du problème de TVA sur le chocolat, il est ici question de l'avenir de ces entreprises et des emplois qui s'y rattachent.
N° 815. - M. Daniel Hoeffel interroge Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité sur la convention 103 de l'Organisation internationale du travail (OIT) traitant des droits de la maternité. La législation française prévoit seize semaines de congés de maternité et l'interdiction absolue de licenciement des femmes enceintes et en congé maternité. Au nom de l'harmonisation européenne, il semble qu'il soit envisagé de modifier cette législation dans les prochains mois. Cette modification irait dans le sens de l'assouplissement prévu dans la convention 103 de l'OIT et, si elle devait aboutir, elle ferait passer les congés maternité de seize à quatorze semaines. De même, le projet de modification semble revenir sur l'interdiction totale de licenciement en période de congé maternité, en autorisant le licenciement pour des motifs sans lien avec la grossesse. Or, selon les principes fondamentaux et juridiques de l'OIT, une convention de ladite organisation n'est révisée que lorsque les modifications apportées portent à un degré supérieur le contenu de la convention concernée et le niveau de protection des travailleurs. Il lui demande de lui préciser les modifications de la convention 103 de l'OIT qui sont envisagées, ainsi que les raisons qui pourraient justifier de telles modifications.
N° 816. - M. Christian Demuynck attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur les conséquences de l'application d'un taux de TVA sur la restauration collective. Dans une décision récente, le Conseil d'Etat a demandé au ministère de l'économie et des finances d'abroger, dans un délai de six mois, deux décisions ministérielles de 1942 et 1943. Celles-ci exonéraient les cantines d'entreprises et d'administrations de toute taxe sur le chiffre d'affaires, les instructions successives de la direction générale des impôts étendant le bénéfice de ces dispositions à la restauration hospitalière et municipale. Selon une estimation du Syndicat national de la restauration collective, l'application prochaine d'un taux de TVA de 19,6 % induira un surcoût, pour les repas, de l'ordre de 15 à 30 %. A l'évidence, tous les usagers _ enfants, salariés, personnes hospitalisées ou en maison de retraite _ subiront un préjudice d'autant plus intolérable qu'il contrevient au caractère social de cette restauration. En outre, les communes, concernées en premier lieu, soucieuses de soulager les familles d'une part non négligeable du financement de cette restauration, ne peuvent assumer seules cette nouvelle charge. Pour certaines, fragilisées par un endettement excessif ou en passe de l'être en raison de l'application, hélas prochaine, du texte relatif à la solidarité et au renouvellement urbains, cela posera de graves difficultés. Il lui demande si dans le cadre du collectif budgétaire, le Gouvernement a prévu une dotation complémentaire en vue d'amortir les effets financièrement désastreux de l'abrogation des décisions de 1942 et 1943.
N° 818. - M. Paul Girod attire l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur les termes de la réponse donnée le 7 février 2000 à une question orale relative à la suppression des activités du centre-école régional de parachutisme de Laon. Cette suppression est intervenue le 27 janvier dernier sans qu'il n'y ait pu avoir de discussion préalable pour trouver une solution alternative aux contraintes nées de la nouvelle organisation de la circulation aérienne aux approches de l'aéroport de Roissy. Dans sa réponse, le ministre des relations avec le Parlement indiquait que les services de l'aviation civile avaient fait des propositions au centre de parachutisme de Laon, lesquelles étaient dès lors annoncées incompatibles avec l'activité du centre. Il ajoutait que « les services souhaitent poursuivre et mener à bien avec les responsables du centre le dialogue technique, pour aboutir à des solutions pratiques, adaptées à la situation et à la densité du trafic aérien au-dessus de Laon, tout en respectant, en tout état de cause, toutes les conditions de sécurité » et concluait « j'imagine que le dialogue va donc se poursuivre, en dehors même du rituel des questions orales au Sénat ». Depuis cette date, à sa connaissance, rien n'a bougé. A tel point que, malgré une lettre de relance du 20 mars 2000 restée sans réponse, le centre a dû licencier dix personnes et déposer un recours en excès de pouvoir devant le tribunal administratif d'Amiens. Il est étonnant que les promesses d'offre de négociations faites en cette enceinte n'aient été suivies d'aucun effet. Il lui demande quelle est la position définitive du Gouvernement sur ce dossier.
N° 820. - M. André Vallet attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur le refus, par certains commerçants, de billets émis par la Banque de France. Il lui rappelle que, dès lors qu'une monnaie a cours légal, toute personne est tenue de l'accepter. Il lui rappelle également qu'aux termes de l'article R. 642-3 du nouveau code pénal, le refus de recevoir les espèces et monnaies nationales, selon la valeur pour laquelle elles ont cours, constitue une contravention punie d'une amende de seconde classe. Dès lors, il lui demande sur quel fondement juridique s'appuie le refus de certains commerçants d'accepter des billets de banque dont rien ne permet de douter de l'authenticité.
N° 821. - M. Paul Blanc attire l'attention de M. le ministre délégué chargé des affaires européennes sur les programmes communautaires 1994-1999 qui se terminent. Mais l'avancement des dossiers à dix-huit mois de la clôture des programmes est bloqué faute d'autorisation de programmes et de crédits de paiement. Dans les Pyrénées-Orientales sont en attente (en délégations ou redélégations) différents programmes pour le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA), et le Fonds européen de développement régional (FEDER).
N° 823. - M. Aymeri de Montesquiou attire l'attention de M. le ministre délégué chargé des affaires européennes sur l'actuelle complexité administrative d'origine communautaire. Ces contraintes et parfois ces incohérences contribuent à donner de l'Union européenne une image technocratique. Il lui demande donc s'il compte faire de la recherche de simplification un axe fort de la présidence française du Conseil de l'Union européenne et les mesures qu'il entend prendre dans ce but, en particulier dans le domaine de l'agriculture et de l'artisanat.
N° 824. - M. Serge Franchis interroge M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat sur la question du cumul d'activités des agents de la fonction publique territoriale. A maintes reprises, la situation des fonctionnaires territoriaux nommés dans des emplois permanents à temps non complet ainsi que des agents non titulaires occupant un emploi à temps non complet dans les collectivités locales, soumis à l'interdiction de principe de cumul d'une activité publique et d'une activité privée, a été soulevée par les parlementaires tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat. Le rapport d'un groupe de travail institué à la demande du Gouvernement a été remis en vue d'une prise de position sur l'évolution des textes régissant ce non-cumul. La situation actuelle, préjudiciable tout autant aux communes, notamment en milieu rural, qu'aux agents, mérite d'être traitée avec diligence et enfin tranchée. Le Gouvernement envisage-t-il de prendre des initiatives à ce sujet dans un bref délai.
N° 825. - Mme Danièle Pourtaud souhaite attirer l'attention de M. le secrétaire d'Etat au logement sur une difficulté apparue dans l'application de l'accord du 7 juillet 1998, entre les associations de locataires et les représentants des bailleurs institutionnels, accord étendu par décret en juillet 1999. Cet accord est destiné à protéger les locataires dans la procédure de congé vente, mise en oeuvre par les bailleurs institutionnels ayant bénéficié d'une aide de l'Etat. Une des dispositions prévoyait la reconduction automatique du bail pour les personnes handicapées, âgées ou dans toute situation de précarité pouvant la justifier. Cette disposition est particulièrement importante car, pour toutes ces personnes fragilisées, un déménagement et l'obligation de quitter le quartier où elles ont leurs repères constituent un véritable traumatisme. Dans l'esprit des associations, les bailleurs s'étaient engagés par cet accord à reconduire à vie le bail de ces locataires. Malheureusement, la pratique a montré que les bailleurs, signataires de l'accord, le vidaient de sa substance en vendant, occupés, les appartements concernés. La garantie instituée est ainsi anéantie puisque l'acquéreur, personne physique ou morale, n'est pas soumis aux mêmes obligations que le bailleur institutionnel. Cette pratique, contraire à l'esprit de l'accord, doit être corrigée. Pour pallier cela et dans le cadre particulier des congés ventes, elle lui demande de quelle manière l'obligation de reconduction automatique du bail des locataires en situation précaire, reposant initialement sur le bailleur institutionnel, peut être transférée vers l'acquéreur de l'immeuble.
N° 827. - Mme Danielle Bidard-Reydet attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur un fait historique. Le 17 et le 18 octobre 1961 à Paris, lors d'une importante manifestation non violente, des dizaines d'Algériens étaient assassinés, victimes d'une répression particulièrement sanglante. Depuis trente-huit ans ce crime a été occulté. Pour que cesse l'oubli, de très nombreux démocrates se mobilisent. Elle lui demande de prendre une initiative pour que la République reconnaisse ce crime et qu'un lieu du souvenir lui soit consacré.
N° 829. - M. Jean-Louis Lorrain interroge M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur le trafic croissant dans les liaisons aériennes. Beaucoup d'idées reçues - souvent émanant des compagnies aériennes - circulent quant aux raisons du non-respect des horaires, entre autres : le morcellement du ciel européen, le découpage des routes et secteurs hors frontières, le déphasage croissant entre l'essor rapide du marché du transport aérien et l'adaptation peu réactive des services de contrôle aérien, la place consentie - suivant les pays - à l'aviation militaire, aux aviations privée, commerciale, sportive ou de loisir... Les contrôleurs aériens semblent rarement entendus. Ils sont responsables de la sécurité des voyageurs au même titre que les pilotes et réduire les centres de contrôle, prétendus trop nombreux, présente un risque pour la sécurité des voyageurs. Or, il manquerait actuellement plus de 1 000 contrôleurs en Europe. Quelles explications fournit-il sur ce problème et quelles orientations compte-t-il prendre pour le résorber dans les meilleurs délais.
N° 830. - M. Roland Muzeau appelle l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur les hausses à répétition des prix des matériaux utilisés dans le bâtiment et de leurs effets sur le comportement des entreprises. Durant ces dix dernières années, les grandes entreprises du bâtiment faisaient face à une grave crise de leur profession en se tournant notamment vers le seul secteur restant jusqu'alors porteur : le logement social. Aujourd'hui, tout le monde se félicite à juste titre de la relance de l'économie et en particulier de celle du bâtiment. Aussi, est-il pour le moins paradoxal que cette relance de la demande entraîne une défection importante de l'offre de réalisation et donc des difficultés pour réaliser des programmes de logements sociaux locatifs ou en accession à la propriété, ainsi que des équipements publics. C'est ce que subissent les collectivités locales en Ile-de-France et c'est ce qui se vit à Gennevilliers lors d'appels d'offres portant sur la construction de logements sociaux, d'un gymnase ou la réhabilitation lourde pour l'accueil d'une structure de santé : les réponses des entreprises se situent entre + 15 % et + 20 % supérieures aux prix de référence ou aux estimations faites par les services municipaux. Certaines entreprises ne répondent même plus à la demande publique. Cette situation place les collectivités locales, les organismes HLM, tous les acteurs des politiques sociales devant des difficultés nouvelles et un risque de blocage à terme. La presse spécialisée fait état des hausses à répétition, depuis le début de l'année, des prix de gros pratiqués par des fabricants comme les établissements Lafarge : plâtre, contreplaqués, acier, tuyaux en PVC par exemple ont augmenté encore récemment de + 11 % à + 15 %. La valse des étiquettes ne semble pas devoir s'arrêter. Il lui demande donc quelles sont les mesures pratiques qu'il compte prendre, en concertation avec les élus et les professionnels pour remédier à ces dérives tarifaires et juguler dans les meilleurs délais les dérapages constatés pénalisant les projets des maîtres d'ouvrage.
N° 831. - M. Jean-Pierre Vial aimerait connaître la position de M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur l'état d'avancement du projet de liaison ferroviaire Lyon-Turin. A l'occasion de la visite officielle du Président de la République en Savoie les 4 et 5 mai derniers, un message fort a pu être dégagé de la rencontre des différents acteurs travaillant sur le dossier du Lyon-Turin. La nécessité de faire d'une telle liaison ferroviaire un axe Est-Ouest majeur du développement de l'Europe du Sud a fait l'unanimité au sein des élus savoyards mais aussi parmi les représentants des autres partenaires, qu'il s'agisse de la Société nationale des chemins de fer français (SNCF), du Réseau ferré de France (RFF), du GEIE Alpetunnel ou encore de la mission Lyon-Turin. Dans un contexte marqué par le drame du Mont-Blanc ainsi que par le lancement des projets suisses de Lotschberg et du Saint-Gothard la liaison Lyon-Turin permettrait de développer les échanges et le transport de marchandises sans déboucher sur l'engorgement des routes des Alpes ou de la cluse chambérienne (90 000 véhicules par jour à Chambéry), la croissance exponentielle du trafic actuelle ayant des conséquences inquiétantes sur la pollution sonore et atmosphérique ainsi que sur la sécurité routière. L'unité des discours et des points de vue des élus et des techniciens, tant en terme économique de rééquilibrage entre le Nord et le Sud qu'en terme de flexibilité du passage des Alpes, a reçu un écho supplémentaire le 15 mai dernier, lors de la rencontre à Modane du ministre français de l'équipement et des transports et de son homologue italien qui ont décidé de poursuivre, sur la lancée du sommet franco-italien de Nîmes, les réunions techniques en vue d'accélérer le transfert du transport de marchandise de la route vers le rail et de fixer les premières échéances de lancement du projet. Dès lors que, dans le meilleur des cas, la ligne Lyon-Turin mettra quinze ans avant d'entrer en service pour un coût global estimé à 70 milliards de francs, dont les modalités de financement ne sont plus qu'à définir, il semble indispensable que des mesures transitoires soient prises concrètement afin que la ligne Ambérieu-Modane déjà existante puisse être recalibrée pour que ses capacités de fret passent de 10 millions à 20 millions de tonnes par an. Une telle initiative, qui répondrait partiellement à l'objectif de capacité des 40 millions de tonnes annuelles de fret du projet définitif, nécessite la réalisation rapide d'un tunnel « préAlpes » afin que l'augmentation du trafic ainsi générée ne se traduise pas par un encombrement supplémentaire sur Grenoble, Aix-les-Bains et Chambéry. Convaincu que le recalibrage de la liaison actuelle ainsi que la réalisation du tunnel préAlpes constituent un préalable nécessaire au vaste projet de ferroutage allant de Lyon à Turin, il aimerait connaître les mesures concrètes et le calendrier précis qu'il entend défendre sur ce dossier.
N° 832. - M. Gilbert Chabroux attire l'attention de Mme le ministre de la culture et de la communication concernant la situation de certains émetteurs de FIP. En effet, le 19 décembre dernier, annonce a été faite de la prochaine suppression des deux tiers des stations de cette radio appartenant au groupe public Radio France. Selon le plan de restructuration, ces dernières devraient être transférées sur les réseaux payants du câble ou du satellite. Au regard de ces perspectives, il lui demande donc quelles sont les mesures que pourrait envisager de prendre le Gouvernement afin que ces émetteurs fassent partie du cahier des charges de Radio France, ce qui permettrait d'avoir accès à l'ensemble du réseau de diffusion nationale en modulation de fréquence.

COMMISSION MIXTE PARITAIRE

COMMISSION MIXTE PARITAIRE CHARGÉE DE PROPOSER UN TEXTE SUR LES DISPOSITIONS RESTANT EN DISCUSSION DU PROJET DE LOI RELATIF À LA SOLIDARITÉ ET AU RENOUVELLEMENT URBAINS

Nomination du bureau

Dans sa séance du mardi 6 juin 2000, la commission mixte paritaire a nommé :
Président : M. Jean François-Poncet.
Vice-président : M. Jean Proriol.
Rapporteurs :
- à l'Assemblée nationale : M. Patrick Rimbert ;

- au Sénat : M. Louis Althapé.

Liste des présents
Députés

Titulaires. - MM. Patrick Rimbert, Daniel Marcovitch, Jean-Jacques Filleul, Gilles Carrez, Mme Janine Jambu, M. Aloyse Warhouver.
Suppléants. - MM. Yves Dauge, Alain Cacheux, Pierre Cohen, Jean Proriol, Pierre Cardo.

Sénateurs

Titulaires. - MM. Jean François-Poncet, Louis Althapé, Pierre Jarlier, Patrick Lassourd, Ladislas Poniatowski, Jacques Bellanger, Mme Odette Terrade.
Suppléants. - MM. Jacques Bimbenet, Pierre Hérisson, Gérard Larcher, Pierre Lefebvre, Jean-Pierre Plancade, Charles Revet.